Exposition "Voyages et paysages : parcours inédit à travers l'oeuvre d'Henry Darien"

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EXPOSITION

Vo y ages et pa y sages H么t el de Ville de Van v es Jour n茅es du Pa tr imoine 2011


Henr y DARIEN 1864-1926 sagiste Antoine Guillemet, ancien élève de Corot mais également ami d’Edouard Manet et de Maupassant, salué par Zola en 1880 comme un « artiste de tempérament, qui a la religion du vrai ». En 1886, Henry Darien participe pour la première fois au Salon des Artistes Français. Il y exposera dès lors régulièrement, obtenant de nombreuses récompenses. Lauréat notamment des prix Brizard (1892) et Raigecourt-Goyon (1897), il se verra décerner une médaille de bronze lors de l’Exposition Universelle de 1900. Après avoir remporté en 1903 le concours organisé pour le décor mural de la Henry Darien vers 1890 devant son tableau Le Quai Malaquais à Paris. Coll. Michel Toublan. salle des fêtes de la mairie de Henry Darien, de son vrai nom Henry Adrien, est né Vanves, il est fait chevalier de la Légion d’honneur le 8 janvier 1864 à Paris, rue du Bac, où son père, issu en 1910 à la suite de sa participation, en 1908, à d’une vieille famille protestante, tient une boutique l’Exposition franco-britannique de Londres. de nouveautés et de lingerie. Il décède à Paris, rue d’Armaillé, le 7 janvier 1926. Le frère aîné d’Henry, Georges (1862-1921), deviendra un écrivain et journaliste de talent. Sous le pseudo- Parisien profondément attaché à sa ville natale, Henry nyme de Georges Darien - anagramme d’Adrien - il Darien, qui travaillait pendant l’hiver dans son atelier publiera à partir de 1889 des romans (Bas les cœurs, du 113, boulevard Saint-Michel, connut rapidement un Biribi, Le Voleur) et des pamphlets (La Belle France) vif succès avec ses vues pittoresques des rues de Paris dont l’extrême virulence l’apparente au mouvement et des quais de la Seine. Son tableau Le Quai du Louvre anarchiste. En dépit d’itinéraires en apparence très est ainsi acquis par l’Etat dès 1890. En 1898, c’est la divergents, les deux frères semblent avoir conservé Ville de Paris qui achète Les Halles, tableau qui sera ensuite présenté au public lors de l’Exposition Universelle des liens d’affecde 1900. Quant au très spectaculaire panorama de Paris tion et c’est en qui orne un des murs de la salle des fêtes de la maitout cas sous le rie de Vanves (1904), il constitue incontestablement même nom d’arle plus bel hommage rendu par Darien à la capitale. tiste que son frère aîné, Darien, Mais ce peintre de la vie urbaine était aussi un amouqu’Henry Adrien reux passionné de la mer et des paysages lumineux se fera connaître de Normandie : c’est à Bénouville, près d’Etretat, comme peintre. qu’il résidera et travaillera tous les étés jusqu’à la fin de sa vie. A l’Ecole des Beaux-Arts, le Très apprécié de son temps pour ses scènes de genre jeune Henry est et ses natures mortes, Darien était un paysagiste de l’élève du portraigrand talent, comme l’atteste par exemple la remartiste Jules Lefebvre Henry Darien au travail sur une plage quable vue du parc du lycée Michelet peinte pour la et du peintre pay- de Normandie. Coll. Michel Toublan. mairie de Vanves.


Venise, le peintre aux deux visages.

Les Photographes, 1912. 88 x 105 cm. Coll. Michel Toublan.

L’Italie, un passage obligé pour des générations d’artistes, dont Darien fait l’expérience à Venise en 1912. De ce voyage, il ramène une double vision de la Sérénissime qui permet de saisir le paradoxe de sa peinture. Cette dualité reflète en effet son apprentissage à la fois académique et naturaliste. Venise est l’occasion pour lui de jouer avec la lumière des canaux, tel Le Canal San Bernardo, et de composer des scènes de genre, du palais des Doges au Grand Canal. Dans la tradition postromantique, Darien choisit de peindre la Place Saint-Marc, mais délaisse l’architecture pour suivre un cortège de touristes et les photographes qui les accompagnent, d’où le titre de la toile. La place sert de décor pour des jeunes filles en fleurs, et fournit le prétexte

d’une scène pittoresque dans le goût de l’époque. Au-delà de la maîtrise technique, Darien y multiplie les éléments romanesques en véritable metteur en scène : lumière diaphane de la lagune avec San Giorgio Maggiore en fond, longues robes pastel, enfants aux allures adorables, italiennes aux châles noires, le tout dans des postures théâtrales qui contribuent à l’atmosphère joyeuse du tableau. En regard de cette toile, Le Grand Canal à Venise apparaît plus mélancolique avec sa vue de la pointe de la Salute et de ses douanes. Elle est à l’opposé du traitement adopté pour Les Photographes, nous montrant pour ainsi dire l’envers du décor. La lumière tranche le tableau en deux parties distinctes, d’un côté les bâtiments officiels dans la clarté dorée et directe du


Le Grand Canal à Venise, 1912. 58 x 80 cm. Coll. Michel Toublan.

soleil, de l’autre l’ombre bleutée des quais dans laquelle s’affairent des marins déchargeant quelques navires. Darien allie là une recherche impressionniste de la couleur au réalisme des embarcadères et du travail des pêcheurs. C’est sans doute dans cette capacité à faire converger, en une œuvre d’une grande cohérence, des tendances en apparence divergentes que l’on trouve le meilleur d’Henry Darien. Venise révèle bien les deux versants de la peinture de Darien : un souci, certes, de produire une œuvre conforme aux attentes du public, mais également, en parallèle, un regard plus personnel sur l’état du monde, une sensibilité par moments en réelle adéquation avec les recherches picturales et les préoccupations sociales de son temps. Le Canal San Bernardo, 1912. 73 x 40 cm. Coll. Michel Toublan.


Jardins en Normandie, la construction d’un rêve. C’est une Normandie champêtre que l’on découvre dans une série d’œuvres évoquant le jardin de Darien à Bénouville. Diverses de par leur format, ces peintures présentent pourtant des singularités narratives et de style qui les unissent. Elles nous donnent de précieux détails sur la vision de la vie à la campagne qu’élabore Henry Darien. Le Déjeuner et Le Souper, présentés au Salon des artistes français, sont comme deux moments d’une même journée. Darien peint un jardin en fleur où un couple est en conversation. Il l’a délibérément relégué au second plan, construisant sa dramaturgie dans l’espace du repas. C’est là qu’il bâtit une sorte de tableau dans le tableau où, face au foisonnement floral, le vide empli l’espace. Si certains éléments diffèrent entre la scène de jour du déjeuner et celle, nocturne, du souper, des accessoires restent identiques et Le Déjeuner, vers 1912-1917. 50 x 65 cm. Coll. Michel Toublan. contribuent au lien narratif. Les tables dressées s’accompagnent du même service, les deux assises demeurent, et la chaise en osier et le pliant de bois moderne semblent dialoguer et répondre symboliquement aux corps en retrait des personnages. En regard de cette mise en scène savamment organisée, Le Hamac se différencie par la présence centrale du corps alangui d’une jeune femme. Elle dort suspendue dans l’air, portée par un hamac dont les accroches disparaissent de part et d’autre de la toile. Il tranche l’oeuvre de façon horizontale. D’un côté, Le Souper, vers 1912-1917. 72 x 100 cm. Coll. Michel Toublan.


Le Hamac, 1911.72 x 95 cm. Coll. Michel Toublan.

le ciel où nuages et cerisiers se confondent, de l’autre, un sol d’herbes fraîches et fleuries où se retrouve le même chapeau de paille que dans Le Déjeuner1. Rien n’y paraît, et pourtant Henry Darien apporte une discrète touche d’exotisme à ce jardin de Normandie, faisant ainsi d’une simple sieste une charmante curiosité impressionniste, digne de certains peintres anglo-saxons. On voit là avec quel soin Darien ne cessera de composer ses œuvres destinées à concourir lors des salons, même pendant la période de la guerre. Le traitement et le choix des détails témoignent d’une certaine virtuosité et d’une volonté de montrer un savoir-faire pourtant déjà reconnu depuis de nombreuses années. Ces toiles sont également révélatrices des aspirations de toute une époque et d’un nouvel usage de la campagne. Darien compose un jardin imaginaire, paradis suspendu hors du temps, espace de plaisir et de volupté face à un monde en mutation.

1 Ce chapeau de paille est un élément commun aux deux toiles, positionné en bas à droite, comme un clin d’œil au spectateur. De ce fait, Le Hamac, Le Déjeuner et Le Souper s’inscrivent clairement dans le même cycle de scènes de genre.


Côte normande, la mer en miroir. Les toiles de bord de mer sont en rupture avec les scènes de campagne et on est loin du jardin idyllique. Darien travaille directement sur le terrain, comme en témoignent plusieurs photographies le montrant sur une plage, palette à la main, d’où sans doute son traitement pictural plus brut, empâté et rapide, qui traduit son goût pour le paysage et l’influence de Guillemet sur cette partie de son œuvre.

Les Falaises de Vaucottes, 1909. 23,5 x 55 cm. Coll. Michel Toublan.

Il donne libre cours à son amour pour la mer, rend à la nature son état sauvage, voire agressif, notamment dans La Découverte, rencontre violente d’une jeune fille avec un animal mort en haut des falaises. Les deux autres tableaux sont des marines associant la présence de la côte à celle du vivant, les mouettes. La plus étonnante est sans doute cette vue des Falaises de Vaucottes où Darien propulse au premier plan l’oiseau marin comme dans un cliché photographique, saisi en plein vol, semblant obstruer le champ d’horizon. Loin de troubler l’organisation du tableau, la mouette apporte un dynamisme et renforce la présence des vagues qui l’entourent et fondent sur le rivage : une plage où la touche prend ici une épaisseur plus profonde, rendant compte des récifs, rocs et autres limons marins comme dans L’Aiguille de Belval. Cet autre tableau, un coucher de soleil, laisse également apparaître le motif de l’oiseau et du sable mouillé, faisant de la plage un miroir marin où se projettent et se prolongent les falaises et le pic rocheux.

La Découverte, 1914. 55 x 46 cm. Coll. Michel Toublan.

C’est peut-être en comparant ces deux toiles de la Côte d’Albâtre que l’on décèle le mieux l’audace de certaines recherches picturales de Darien. S’il adopte le même schéma de composition, son traitement pictural prend plus de liberté et de risque dans Les Falaises de Vaucottes. Le traitement de la touche se radicalise, quitte à perdre en lisibilité. La leçon du naturalisme autant que l’influence de l’impressionnisme sont ici clairement perceptibles. L’Aiguille de Belval à Etretat, 1909. 65,5 x 46,5 cm. Coll. Michel Toublan.


L a salle H enr y D ar ien de la M air ie de Van v es Le 21 décembre 1901, le Conseil général de la Seine décida d’ouvrir un concours pour la réalisation d’un grand décor mural dans la salle des fêtes de la mairie de Vanves, inaugurée en 1898. En 1903, c’est Henry Darien qui remporta le prix d’exécution. Les quatre compositions murales (Pax, Patria, Studia, Labor), ont été achevées par Darien en 1904. Il s’agit avant tout de paysages. Le thème de la Paix est évoqué par la cueillette des cerises à Vanves, avec une vue panoramique de la capitale en arrière plan. Le thème de la Patrie est évoqué de manière très discrète par une patrouille de soldats devant un des forts défendant Paris. Le parc du lycée Michelet, peint en touches vibrantes, évoque l’Enseignement. Enfin, pour symboliser le Travail, Darien a représenté la carrière d’argile à ciel ouvert qui se trouvait à l’em-

placement actuel du Parc des Expositions. En 1906, le Conseil municipal de Vanves fit part au Conseil général de la Seine de son souhait de compléter ce décor par des « plafonds artistiques s’harmonisant avec les peintures murales ». Il fut fait appel à nouveau à Henry Darien, dont les deux premières compositions pour ce plafond (Printemps et Le charme de la nature fait le poète) furent réalisées en 1912. Quant à la grande composition allégorique célébrant les Arts, elle ne fut achevée par l’artiste que pendant la Première Guerre mondiale, en 1915. L’ensemble du décor réalisé par Darien dans la salle des fêtes de la mairie de Vanves a été inscrit à l’Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques en 2001. En 2002, le Conseil municipal de Vanves a décidé de donner à cette salle le nom d’Henry Darien.

La salle Henry Darien, salle qui accueille les réunions du Conseil municipal et tous les mariages célébrés à la mairie de Vanves, salle vers laquelle convergent aussi de nombreux citoyens lors des élections locales ou nationales, occupe une place essentielle dans la vie démocratique de notre ville. A ce titre, elle est particulièrement chère au cœur de tous les Vanvéens. Mais connaissons-nous vraiment Henry Darien, l’artiste qui la décora avec talent il y a un siècle ? Grâce aux tableaux et aux documents d’archives prêtés exceptionnellement à la Ville de Vanves à l’occasion des Journées du Patrimoine 2011, le visage de ce peintre trop méconnu nous est rendu plus familier et son œuvre, qui n’a fait l’objet d’aucune exposition de cette ampleur depuis les rétrospectives organisées à Paris et en province peu après la mort de Darien en 1926, nous est révélée dans toute sa diversité. Je remercie de tout cœur Monsieur Michel Toublan, petit-neveu de l’artiste, d’avoir rendu possible ce « retour » d’Henry Darien à Vanves, dans la salle qui depuis 2002 porte son nom.

Bernard GAUDUCHEAU Maire de Vanves Conseiller régional d’Ile-de-France Brochure éditée à l’occasion de l’exposition présentée à l’Hôtel de Ville de Vanves par les Archives municipales dans le cadre des Journées du Patrimoine 2011. Textes : Bruno N’guyen, responsable des Archives et de la Documentation de la Ville de Vanves, et Pierre-Hadrien Poulouin, assistant arts plastiques de la Galerie du Théâtre de Vanves. Conception graphique et réalisation : Service Communication de la Ville de Vanves.


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