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RÉHABITER L’ARCHITECTE ET LA RÉHABILITATION DU LOGEMENT À VOCATION SOCIALE Virginie GRANGER École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble Mémoire professionnel HMONP - Septembre 2016 -
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RÉHABITER L’ARCHITECTE ET LA RÉHABILITATION DU LOGEMENT À VOCATION SOCIALE Mémoire professionel HMONP septembre 2016 - Virginie GRANGER
Tuteur : Gérard SANCHEZ Directrice d’études : Anne-Monique BARDAGOT Agence d’accueil de ma mise en situation professionnelle : ASUR Architectes 11 rue Jules Valensaut 69008 LYON Composition du jury : Julie MARTIN - Architecte enseignante à l’ENSAG Philippe MAURIN - Architecte représentant du Conseil de l’Ordre des architectes A. KILIAN - Architecte enseignant d’une autre ENSA J. SCHWEIZER - Architecte invité par l’ENSAG B. BALLAY - Architecte invité par l’ADE
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MERCI!
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Je souhaite tout d’abord remercier mon tuteur Gérard Sanchez de m’avoir fait confiance en acceptant que je réalise ma Mise en Situation Professionnelle au sein de son agence ainsi que l’ensemble de l’équipe qui a su être patiente et à l’écoute des nombreuses questions que j’ai pu poser. Un très grand merci aussi à Anne-Monique Bardagot pour son accompagnement, son soutien dans l’écriture de ce mémoire et plus largement tout au long de mon parcours étudiant. Pour terminer, je souhaite remercier mes amis jeunes architectes qui sont entrés avant moi en agence et avec qui j’ai pu avoir de nombreuses discussions sur la pratique de l’architecture ayant nourri les réflexions que je développe dans ce mémoire.
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SOMMAIRE 1. ITINÉRAIRE PERSONNEL
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1.1 Parcours étudiant, trois notions qui ont marqué mon cursus,
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1.2 Expériences professionnelles, engagement associatif pour l’amélioration de l’habitat,
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1.3 La HMONP, une étape de transition à double enjeux.
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2. ASUR ARCHITECTES : HISTOIRE ET FONCTIONNEMENT 25 D’UNE AGENCE PLURIDISCIPLINAIRE 2.1 Présentation de l’agence
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2.2 Fonctionnement de l’agence : les atouts et les freins liés à la pratique multimétiers
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2.3 Enjeux croisés : chiffrage des honoraires, gestion des plannings études et suivi du temps de travail
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2.4 Point de vue : Quels outils et modalités d’organisation et de gestion pour une future pratique de l’architecture en mon nom propre?
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3. QUELQUES MISSIONS ABORDÉES : APPORTS ET 43 QUESTIONNEMENTS SOULEVÉS 3.1 Relevés et état des lieux, observation et analyse nécessaire à la constitution d’une base de projet solide,
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3.2 PRO DCE, vers la juste mesure du niveau de détails et d’informations,
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3.3 Communication graphique, prétexte à une immersion dans les projets de l’agence et ses modes de faire.
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4. RÔLE ET POSITIONNEMENT DE L’ARCHITECTE DANS LE CADRE DE RÉHABILITATIONS À VOCATION SOCIALE
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4.1 L’habitat collectif social : L’architecte face à l’enjeu de la réhabilitation de l’habitat collectif social ASUR Réhabilitation de 12 logements collectifs, le CREM : intérêt et limites de la conception-réalisation,
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REF! PLUS - DRUOT-LACATON&VASSAL : les grands ensemble de logements, territoires d’exception.
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4.2 Les politiques publiques d’amélioration de l’habitat, rôle de l’architecte partenaire de leur mise en œuvre _ parc privé à vocation sociale ASUR Copropriétés en difficultés, un accompagnement au long cours vers une réhabilitation énergétique,
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ASSO H&H Réhabilitation d’un logement en diffus, un propriétaire bailleur souhaitant mettre son logement à disposition de personnes en difficultés.
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4.3 Auto-réhabilitation accompagnée, le rôle de l’architecte vers la participation habitante à l’acte de réhabilitation _ parc public et privé à vocation sociale ASSO CBRA La démarche développée par les Compagnons Bâtisseurs,
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REF! Construire ensemble – Le Grand Ensemble, Permanence architecturale, Boulogne sur Mer, Patrick BOUCHAIN, Sophie RICARD.
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5. PERSPECTIVES ET PRATIQUE FUTURE
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6. ANNEXES
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Bibliographie
Projet protocole auto-construction EURO MAF
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1 ITINÉRAIRE PERSONNEL PARCOURS ÉTUDIANT ET ENGAGEMENT ASSOCIATIF PROFESSIONNEL
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1.1 PARCOURS ÉTUDIANT TROIS NOTIONS QUI ONT MARQUÉ MON CURSUS
L’APPRENTISSAGE PAR LE «FAIRE» Tout au long de mon cursus à l’école d’architecture de Grenoble, j’ai cherché à saisir chaque opportunité qui se présentait de faire, d’expérimenter, de me confronter au réel. Une démarche qui m’était nécessaire pour appréhender au mieux les principes et enseignements qui nous étaient dispensés. En effet, j’ai toujours considéré comme une grande richesse, la possibilité de compléter l’approche théorique par une mise en situation pratique, une confrontation à la réalité. Mes différentes expériences aux Grands Ateliers de L’Isle d’Abeau ont été, à ce titre, très enrichissantes tout comme les workshops auxquels j’ai pu participer. (voir ci-après) En passant à l’acte de construire, nous avons pu prendre conscience que ce que nous avions dessiné et conçu n’était pas forcément la meilleure solution de mise en œuvre, que les moyens à notre disposition n’étaient pas forcément en adéquation avec ce que nous souhaitions réaliser. Ces expérimentations nous ont donc permis de prendre conscience des nécessités d’adaptation des principes de conception à la réalité de leur mise en œuvre future. L’enjeu a donc été, au fil des expérimentations, de pouvoir anticiper de mieux en mieux la réalité de la construction pour ainsi minimiser au maximum les adaptations en phase de réalisation. Et ce afin de mieux organiser la phase construction en sachant les points qu’il serait nécessaire d’adapter et tester pour valider les modalités de leur mise en œuvre.
UN INTÉRÊT PARTICULIER POUR LES CONFIGURATIONS PLURIDISCIPLINAIRES Dans le cadre de ces expérimentations et plus encore lors de mon année Erasmus à Madrid, j’ai pu faire l’expérience à de nombreuses reprises de la pratique du projet de façon pluridisciplinaire. Cette approche, essentielle à notre métier d’architecte m’avait beaucoup intéressée : en effet, la recherche de l’expérimentation, de la pratique, allait de paire avec l’idée de faire partie d’une équipe aux compétences multiples où chacun pourrait apporter sa spécificité, son point de vue, ses idées pour aboutir au meilleur projet possible. Pour aller dans ce sens j’ai donc choisi de faire mon stage de master au sein d’un collectif à Madrid. Structure qui faisait partie d’un «réseau» d’autres structures similaires. Cette immersion me paraissait très intéressante pour mieux comprendre comment pouvait fonctionner cette forme d’organisation non conventionnelle où pour chaque nouveau projet les cartes étaient rebattues : l’équipe se recomposait continuellement selon
12 BA C
2003 BAC STI Arts Appliqués La Martinière Terreaux Lyon
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les disponibilités, l’intérêt pour le projet, le besoin de compétences. J’étais aussi très curieuse de me confronter aux difficultés que pouvaient rencontrer ce type d’organisation mêlant des profils et statuts très différents (photographes, graphistes, architectes, ingénieurs, économistes, webmaster... Professionnels exerçant à leur propre compte, salariés d’autres structures ou encore étudiants...) Au fil de ces expériences, j’ai pu mieux comprendre l’intérêt de travailler dans des équipes pluridisciplinaires tout en ayant une meilleure vision des difficultés que pouvaient poser la pratique dans des structures sans statut juridique clair mais aussi de la liberté que pouvait permettre ce type d’organisation. LA PRÉOCCUPATION DE TRAVAILLER À DIFFÉRENTES ÉCHELLES Au fil de mes études j’ai aussi pu prendre conscience des différentes échelles avec lesquelles le projet architectural pouvait entrer en relation. J’ai donc là aussi saisi les opportunités me permettant d’aller plus loin sur ces questions (workshop pluridisciplinaire européen, les ateliers du SCOT avec l’institut d’urbanisme...). Le choix d’orienter mon mémoire de master 1 sur la question de l’habitat pavillonnaire en France aujourd’hui participait de cette préoccupation. Tout comme le choix de réaliser mon projet de fin d’études dans le cadre d’Europan était une façon de poursuivre une réflexion à différentes échelles engagée au début du master 2 sur la question du développement de nouveaux quartiers autour d’un pôle d’échange intermodal tel qu’une gare. Mon parcours étudiant a donc été pour moi l’occasion de découvrir et d’approfondir différentes dimensions des métiers liés à la pratique de l’architecture. Cette curiosité pour la formation initiale m’a permis de saisir des opportunités complétant ces enseignements par la participation à différents workshops, orienter les projets et mémoire dans les directions que je souhaitais explorer et décider mon départ pour une année d’études à l’étranger. Ces différentes expériences m’ont permis de déterminer plus clairement mes orientations professionnelles futures.
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3 E NC CE 2008 - Grenoble
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2007 - Grenoble
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ZOOM 1 PARCOURS ÉTUDIANT
2009 - Madrid
Liveneau Projet et expérimentations spaciales et lumineuses
Grands Ateliers de l’Isle d’Abeau (GAIA)
Mansilla+Tunon (M+T) Options
Brijuni Arquitectos
CRATerre
Europan 10 et montage entretiens BIG, JDS et M+T Madrid
Conception/construction prototype bois - habitat d’urgence SDF
Séminaire Design École des ponts et chaussées
X Bienal de Arquitectura e Urbanismo Espanola Sous la direction de Luis Urculo
conception/construction structure nappe de tubes
Participation aux photos pour la scénographie
ENCADREMENT PÉDAGOGIQUE
MISSIONS DE RECHERCHE
WORKSHOPS
STAGES
Réhabilitation du patrimoine Coopération internationale Construction / gros oeuvre : détails Design de mobilier Bontanique et histoire du paysage Architecture textile
Monitrice des L1 Pour P. DOAT
Cultures constructives
Monitrice des L1 Pour A.CANKAT
Cultures de l’Habiter
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2011 - Grenoble
Architecture et Cultures Constructives Expérimentations matériaux - GAIA
Acier, bois, pierre, textile, composite, terre
“Une vi[ll]e durable à côté d’une gare”Europan 11
“Réhabiliter le patrimoine en architecture métallique” Visites, conférences - Paris “La question du lotissement aujourd’hui” Mémoire option recherche Collectif Zira 02
2 Concours micro-architecture / Encuentro arquitecturas colectivas (avec Zuloark) / Expo “Labo Grand Via” pour Izaskun Chinchilla Madrid
Atelier CUBE Agence d’architecture Emploi temps partiel :Relevé état des lieux, plans esquisses réhabilitation maison + aménagement grange atenante
OIKODOMOS workshop européen pluridisciplinaire
Ateliers SCOT du Grenelle “Le chrono-aménagement” Avec les étudiants de l’IUG et ENTPE, pour le MEEDDAT
Entretien avec des architectes - CRATerre Projets d’Habitat Groupé
“Université Citoyennes et solidaires”- Région Rhône-Alpes
Territorialité et HabitabilitéArchi&Cultures Constructives Mission exploratoire
Recherche pluridisciplinaire ANR
Encadrante des L1 Pour D.PUTZ
Projet et représentation géomètrale
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1.2 EXPÉRIENCES PROFESSIONNELLES ENGAGEMENT ASSOCIATIF POUR L’AMÉLIORATION DE L’HABITAT Au-delà des notions précédemment abordées, pendant mon cursus je m’étais posée la question du rôle que peut jouer l’architecte auprès des populations fragilisées, sensibilisée par les explorations et démarches de certains architectes. Attirée initialement par les missions internationales, je me suis recentrée sur la dimension locale de ce type d’intervention (notamment dans le cadre du chantier ouvrier) puisque sans aller à l’autre bout du monde, des besoins existent en France métropolitaine. Mes premières expériences professionnelles au sein d’associations engagées dans la lutte contre l’habitat indigne et pour l’amélioration des conditions d’habitat des plus fragiles m’ont permis de découvrir des problématiques extrêmement variées, de trouver des réponses à certaines de mes questions d’étudiante mais en ont aussi fait surgir de nouvelles, notamment sur la place que peut trouver l’architecte dans la réponse aux besoins existants.
CONDUITE D’OPÉRATIONS DE RÉHABILITATION DE LOGEMENTS - HABITAT&HUMANISME Ma première expérience professionnelle a débuté par une mission spécifique de diagnostic dans le cadre d’un PIG (Programme d’Intérêt Général) Habitat Dégradé à Givors. Il s’agissait de visiter les bâtiments du vieux centre en binôme pour définir un diagnostic technique et social du bâti et des habitants. Ma mission était centrée sur l’aspect technique et donc l’identification des pathologies et l’évaluation du potentiel risque pour les habitants et riverains, permettant la définition des actions à engager (avis de péril, procédures juridiques, relogement...). De cette première expérience j’ai beaucoup appris tant sur le plan technique qu’humain : J’ai pu acquérir une méthodologie de diagnostic et d’analyse globale du bâti existant en lien avec les outils à disposition (grilles d’insalubrité, grilles de dégradations...) pour définir le niveau de dégradation et de salubrité d’un bâtiment ou d’un logement. C’était aussi la première fois que je me retrouvais face à des personnes vivant dans des conditions parfois extrêmement précaire. J’ai ainsi pu saisir l’importance de définir quel était notre rôle et intégrer quelles en étaient les limites face à des situations où la question de l’amélioration des conditions d’habitat n’était qu’une fraction des difficultés auxquelles les ménages faisaient face. Délimiter nos missions, c’était donc aussi mobiliser les relais qui pourraient intervenir là où nous n’étions pas compétents (professionnels de l’accompagnement social, personnel municipal ou métropolitain...).
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Par la suite je suis devenue chargée d’opération au sein du Service de Développement de l’Habitat qui avait pour objectif de réhabiliter des biens pour les mettre ensuite à disposition de personnes en difficultés au sein de Régie Nouvelle, une agence Immobilière à Vocation Sociale (AIVS). Cette expérience a été très enrichissante de par l’échelle des projets, principalement en diffus (1 logement), puisque j’étais alors en charge de l’ensemble des phases du projet, de la faisabilité à la réception des travaux en passant par la conception du projet, le montage des dossiers de financement, le suivi des chantiers… Un rôle allant au-delà de l’Assistance à Maîtrise d’Ouvrage « classique » du fait de l’échelle des projets et que l’on agisse pour des propriétaires bailleurs particuliers. Mais cette position ne permet pas forcément à une jeune professionnelle de clarifier quel rôle chacun joue. C’est en ça qu’il était très intéressant d’avoir aussi à suivre des opérations de réhabilitation plus importantes à l’échelle de bâtiments. Puisque dans ce cas, la maîtrise d’ouvrage était professionnelle, – la Foncière d’Habitat et Humanisme habilitée à la Maîtrise d’Ouvrage d’Insertion (MOI) – mon rôle d’AMO était alors renforcé avec les acteurs du projet mobilisés (architecte, CSPS, CT) et donc à coordonner. De cette double expérience de diagnostic et de conduite d’opérations, j’ai pu acquérir des compétences d’analyse et de diagnostic du bâti existant ainsi qu’une connaissance de l’ensemble des étapes permettant l’aboutissement d’un projet par l’expérimentation. Du fait de l’échelle de la structure associative le niveau d’autonomie était très important et donc stimulant puisque j’étais toujours en situation de découverte et d’apprentissage, au fil de l’avancement des projets que j’avais à charge. Être entourée de collègues aux profils et missions différentes et plus expérimentés ainsi que de bénévoles retraités du bâtiment (ingénieurs, OPC, artisans, experts…) m’a aussi permis d’acquérir beaucoup, tout comme j’ai pu le faire au contact des artisans sur les chantiers. Cette expérience a été plus généralement pour moi l’occasion de me familiariser aux questions d’accès et de droit au logement, d’accompagnement des personnes en difficultés dans un parcours résidentiel, de la variété des structures d’accueil…et de me rendre compte du rôle que l’architecte pourrait jouer dans le cadre de ces projets. C’était aussi l’occasion de me découvrir un intérêt particulier pour l’acte de réhabiliter. Pour autant, intervenant à l’échelle de l’opération de réhabilitation, je me questionnais beaucoup sur ce qui se passait « au-dessus », à une échelle plus large : comment étaient définies les politiques publiques d’amélioration de l’habitat, comment étaient-elles construites, orientées et déclinées pour qu’en bout de chaîne je puisse les mobiliser dans le cadre notamment du financement des opérations de réhabilitation.
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MONTAGE ET COORDINATION D’UN DISPOSITIF PUBLIC D’AMÉLIORATION DE L’HABITAT- COMPAGNONS BÂTISSEURS RHÔNE-ALPES (CBRA) Afin de me confronter aux enjeux liés à la mise en place de tels dispositifs publics, j’ai donc fait le choix de m’engager dans l’association des Compagnons Bâtisseurs Rhône-Alpes où ma mission principale allait être le montage, la mise en œuvre et la coordination d’un Programme d’Intérêt Général d’Auto-Réhabilitation Accompagnée pour le Parc Privé sur le territoire de la métropole de Lyon. Une nouvelle expérience venant compléter la première, notamment par la gestion d’enjeux à plus grandes échelles dans une structure beaucoup plus modeste et plus jeune, donc en plein développement. Dans le cadre du montage de ce dispositif, j’ai donc pu mieux comprendre comment se construisaient ces politiques. Quels en étaient les acteurs et les processus liés à leur mise en œuvre. Par le montage et la coordination d’un Programme d’Intérêt Général expérimental, j’ai aussi été confrontée aux antagonismes qui régissent une telle démarche ayant pour objectif d’expérimenter de nouvelles formes d’interventions mais dans un cadre politique et technique existant qui, s’il n’est pas assoupli ou contourné, ne peut permettre cette expérimentation. En étant à charge à la fois de l’animation du dispositif et de son suivi, j’ai pu intervenir sur l’ensemble des échelles : des relations partenariales institutionnelles jusqu’à l’accompagnement des habitants dans leur projet individuel d’auto-réhabilitation de leur logement. Cet accompagnement des familles a été plus marquant que lors de ma première expérience, puisqu’il se déroulait sur un temps beaucoup plus long et qu’il impliquait le suivi de situations de façon beaucoup plus approfondie. Par ailleurs le fait d’intégrer une jeune association en plein développement, être polyvalente et autonome était essentiel, dans les missions spécifiques au poste et plus largement en fonction des besoins de l’association. J’ai ainsi pu me confronter au montage de budgets prévisionnels de projets et de l’association, aux modalités de leur gestion comptable, à la construction d’outils de suivi des missions et objectifs de chacun… Je me suis aussi investie dans le développement et la refonte des documents de communication de l’association. L’association faisant partie d’un réseau national, la participation à différentes formations, temps de réflexions et d’échanges m’ont aussi permis d’acquérir de nouvelles compétences notamment concernant les outils de simulation et d’évaluation des budgets nécessaires au montage d’un projet de territoire, ou encore des méthodes et processus de développement de tels projets multipartenariaux financiers et techniques.
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De cette expérience j’ai acquis beaucoup sur les politiques publiques et leur fonctionnement. Mais confrontée au développement d’un nouveau dispositif expérimental, je me suis aussi interrogée sur les réelles latitudes d’expérimentation possible vers une meilleure adaptation des politiques aux besoins des habitants, face à un modèle qui prône plutôt leur adaptation au cadre existant, parfois beaucoup trop restrictif. L’immersion dans une petite structure a été aussi l’occasion de renforcer mes capacités de polyvalence toujours nécessaire dans l’associatif mais aussi de me confronter aux problématiques et défis liés à la gestion d’une telle structure en situation de développement.
PROPOSITIONS SANS SUITE
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4 place colonel Fabien - Givors 23 rue des Macchabées - Lyon 5 - 2 logements 10 rue Marignan - Lyon 3 5 bis rue Sainte Marie - Lyon 3
PROPOSITIONS VALIDÉES - projets poursuivis
15 rue Burdeau - Lyon 1 41 route de la Libération - Ste Foy les Lyon 14 rue Chalopin - Lyon 7 25 rue Ravat - Lyon 2 16 rue Marie Mas - Givors - 2 logements 8 Quai des Etroits - Lyon 5
OPERATIONS REPRISES EN COURS - terminées
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83 chemin du Grand Roule - Oullins
OPERATIONS Démarrées ou en cours / terminées
43 rue Molière - Lyon 6 Cour des Voraces - Lyon 1 - 56 logements - Réhabilitation partielle, Chantier tiroir 78 rue Av. Jean Jaurès - Lyon 7 37 rue Salengro - Lyon 9 32 rue Jaïr - Lyon 9 32 rue Saint Michel - Lyon 7 - 3 logements
PROPOSITIONS VALIDÉES travaux suite lègue ou don
75 rue de Sèze - Lyon 6 1-5bld Joliot Curie - Vénissieux - 5 logements 361 rue Garibaldi - Lyon 7 23 chemin de Montauban - Lyon 5 22 av. Carnot - Sathonay Camp 3 pl. des Passementiers - Villeurbanne
OPERATIONS REPRISES EN COURS (post validation) projet complet “atypique”
29 rue Sergent Berthet - Lyon 9 - 7 logements - Réhabilitation complète (missions MOE, SPS, CT, Amiante
30 Chemin de Choulans - Lyon 5 - 1 maison - Rénovation en 4 mois (isolation thermique extérieure, refe
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ET HUMANISME
PROPRIÉTAIRES BAILLEURS PRIVÉS
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ue d’Inkermann - Villeurbanne 23 rue Saint Exupéry - Oullins 52 rue Richerand - Lyon 3
FONCIÈRE D’HABITAT ET HUMANISME (M.O.I)
e...) 23 rue Pensier - Lyon 8 13 rue Richelieu - Villeurbanne
ection toiture + isolation + refection complète étage)
Lorsque ce n’est pas précisé une adresse = un logement.
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1.3 LA HMONP UNE ÉTAPE DE TRANSITION À DOUBLE ENJEUX Après ces quatre ans d’expérience dans des champs d’action proche de l’architecture mais n’intervenant pas à ce titre, de nombreuses interrogations sont apparues sur ce que pourrait apporter un architecte dans ce champ d’action. J’avais donc besoin de me confronter à l’exercice de la maîtrise d’œuvre dans le cadre d’une agence d’architecture pour ainsi espérer répondre à certaines de mes interrogations en retrouvant le cœur de ce métier et de ces missions. UNE CONFRONTATION À LA PRATIQUE DE L’ARCHITECTURE Faire le choix de quitter le monde associatif pour intégrer une agence d’architecture n’était pas forcément simple mais cela m’est apparu nécessaire après ces quatre ans. Pour autant, je ne me sentais pas en capacité de faire mon entrée dans une agence comme «simple» salariée. En effet, malgré mes expériences et les compétences que j’avais pu acquérir, j’étais bien consciente que n’ayant jamais travaillé en agence en France, il me manquait un certain nombre de compétences pour remplir au mieux les missions qui me seraient confiées. La formation HMO-NP m’est donc apparue comme une très bonne opportunité d’allier la formation à l’immersion professionnelle. C’était l’occasion de confronter les savoirs que j’avais pu acquérir par le faire pendant ces quatre ans, à la pratique du métier d’architecte. Et ainsi pouvoir confirmer des intuitions et des pratiques et à contrario en recadrer d’autres. Cette formation c’est aussi la possibilité d’aborder nombre de sujets du point de vue de l’architecte. Alors que pendant quatre ans ma vision était associée aux missions que j’ai eues à remplir et dont le spectre était plus associé à des missions relevant de la maîtrise d’ouvrage.
PRÉLUDE À UNE «ÉMANCIPATION» FUTURE AVEC LA POSSIBILITÉ D’EXERCER EN MON NOM PROPRE Cette formation est pour moi initialement une sorte de mise à niveau, une année de transition me permettant de mieux cerner quels enjeux, quelles problématiques et quelles responsabilités sont liés à la pratique de mon métier. Mais pour autant, sachant que l’aboutissement reste le fait
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d’être habilitée à pratiquer en mon nom propre, j’ai souhaité que cette année soit l’occasion pour moi de tenter de répondre à nombres de questions qui me sont apparues pendant ces premières années d’expériences. Je suis convaincue de l’importance de me donner ce temps pour étudier et prendre du recul sur les multiples pratiques qui m’inspirent ou me posent question afin de pouvoir par la suite me positionner dans la multitude des pratiques possibles. Le champ de la réhabilitation du logement et plus particulièrement du logement à vocation sociale est un sujet qui me passionne et dont les enjeux m’interrogent beaucoup. C’est donc pour cela que j’ai souhaité faire de cette thématique le cœur de ce mémoire, afin de tenter de définir au mieux quelle pratique je pourrais envisager d’avoir en tant que future architecte.
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2 AGENCE ASUR HISTOIRE ET FONCTIONNEMENT D’UNE STRUCTURE PLURIDISCIPLINAIRE
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2.1 PRÉSENTATION DE L’AGENCE UNE AGENCE CONSTRUITE AUTOUR DE LA RÉHABILITATION DU LOGEMENT ASUR Architectes est une agence d’architecture créée en 1989 constituée en SARL afin de protéger au mieux les associés et le gérant, bien que ce statut était à l’époque peu utilisé. La majorité des projets menés sont orientés sur la réhabilitation de logements sociaux. Au fil des années cette activité est restée prépondérante même si elle était complétée par une activité de construction de logements sociaux et privés ainsi que ponctuellement la réhabilitation et construction de petits équipements. Pouvoir intégrer une agence ayant pour activité principale la réhabilitation de logements sociaux était pour moi une très bonne opportunité puisque je pouvais ainsi transférer et valoriser plus facilement les compétences acquises auparavant. C’était aussi un environnement privilégié pour approfondir les questionnements que j’avais concernant le rôle de l’architecte dans le cadre de ce type de projets. PARTENARIATS ET ACCÈS À LA COMMANDE Depuis le départ et encore aujourd’hui, l’agence concentre une très grande partie de son activité sur la réhabilitation du logement social. Les bailleurs sociaux sont donc des partenaires au long cours émetteurs réguliers de commandes, auxquelles l’agence répond en privilégiant les appels d’offre classiques. Au fil du développement de l’agence, des partenaires principaux se sont succédés, pourvoyeurs de plus de 50 % de l’activité de l’agence et jusqu’à 70 % selon les années. Cette stabilité de la commande liée à ces grands partenariats successifs de longue durée ne doit pas être surestimée puisque de nombreux paramètres peuvent concourir à l’affaiblissement voire à la rupture de ces partenariats. D’où l’intérêt d’en développer d’autres par ailleurs, de travailler sur des projets de construction ou encore plus récemment, d’investir le champ de la réhabilitation des copropriétés. Et ce afin de garantir une certaine diversité des commandes, tout en restant orientés principalement vers la réhabilitation, spécificité que l’agence s’est forgée au fil des années.
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AGENCE «GÉOGRAPHIE» DE L’ÉQUIPE
Architecte d’intérieur Économiste Économiste TCE -Associé-
Agence d’architecture LPG
Architecte DE Architecte HMONP Architecte HMONP Architecte DE - Ingénieur Assistante de direction
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OPC
OPC Architecte DPLG -GérantArchitecte DPLG -Associé-
COMPOSITION DE L’ÉQUIPE Dès la création de l’agence, il paraissait nécessaire aux trois associés de pratiquer en intégrant à la fois la maîtrise de l’économie des projets ainsi que l’OPC des chantiers, compétences primordiales pour la réussite des projets de réhabilitation, la plupart du temps menés en site occupé. Les deux architectes associés sont donc en capacité de réaliser les missions d’économie de leur projet mais pour autant, une fois le nombre de projets suffisant, un économiste a été recruté. Qui en marge de ses missions, a toujours eu à charge une mission d’OPC /suivi de chantier d’une opération, afin de maintenir le contact avec la phase de réalisation. Des OPC sont aussi venus étoffer l’équipe au fil du temps pour soulager les architectes et garantir au mieux la réussite des chantiers de réhabilitation notamment en site occupé. La compétence d’ingénieur concernant la performance énergétique du bâti est aussi venue renforcer l’équipe pour sensibiliser les maîtres d’ouvrage à ces questions. Et ce afin d’être en capacité de les conseiller au mieux mais aussi pour permettre les meilleurs échanges possibles avec les BE fluides. L’enjeu n’étant pas de remplacer les BE mais bien pour les architectes de bénéficier de l’appui d’un professionnel connaissant les contraintes et capacités des BE, parlant le même langage. Au fil des années et en fonction de la charge de travail des architectes associés, d’autres architectes ou dessinateurs projeteurs ont aussi été recrutés. A mon arrivée, l’agence venait juste d’intégrer un architecte, et après moi a recruté une nouvelle économiste. Un troisième OPC pourrait aussi être recruté en 2017 en fonction du démarrage de chantiers importants, notamment en site occupé.
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Aujourd’hui l’agence compte onze personnes dont trois associés. Le gérant anime l’équipe, coordonne la répartition des projets et de la charge de travail. Chaque projet est réparti aux différents architectes, ainsi que les économistes de l’agence. Le gérant les supervise tous. En tant que gérant il est responsable de l’ensemble de l’activité de la structure et signe donc tous les documents officiels et contractuels. L’associé principal architecte gère lui l’ensemble de ses projets seul et en réalise aussi l’économie. Il s’appuie ponctuellement sur l’équipe selon sa charge de travail et les besoins de compétences spécifiques et vient en renfort sur d’autres projets lorsque la charge de travail le nécessite mais reste assez autonome. Inscrit à l’ordre des architectes, il signe l’ensemble des documents opérationnels concernant ses opérations. Du fait du recrutement de deux nouveaux architectes cette année, le gérant souhaite prochainement écrire un document de base permettant à chacun de suivre l’ensemble de ses projets en ayant la vision de toutes les étapes clés et les alertes à ne pas manquer. Une démarche permettant de réduire les sollicitations du gérant par les architectes et de les responsabiliser sur leurs missions de suivi des projets.
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2.2 FONCTIONNEMENT DE L’AGENCE LES ATOUTS ET LES FREINS LIÉS À LA PRATIQUE MULTI-MÉTIERS L’agence intégrant les métiers d’OPC et d’économiste, la quasi-totalité des opérations incluent les missions de Diagnostic + Base Architecte + Économie + OPC. Les métiers sont donc appelés à travailler ensemble quasi systématiquement.
INTERACTIONS ÉCONOMISTES / ARCHITECTES Ayant pu travailler sur des projets en phase PRO, j’ai pu expérimenter cette organisation et les interactions qu’elle induit. Les apports théoriques de la formation HMONP m’ont aussi permis de questionner notre fonctionnement et de mieux identifier quels étaient les freins et les atouts à valoriser dans cet exercice. DES CONTRAINTES DE PLANNING QUI POUSSENT À UN TRAVAIL EN SIMULTANÉ Puisque nous intégrons les deux métiers architectes et économistes, les phases du projet ont tendance à être lancées en simultané : les plans de PRO sont alors réalisés alors même que les économistes ont lancé de leur côté la description et les métrés. Puisque nous ne sommes pas contraints par une structure externe et que les échanges sont facilités, les contraintes de plannings interne viennent très souvent créer des situations de travail simultané. Le cadre du projet de réhabilitation est aussi un facteur «aggravant» puisque les plans de l’existant existent! On peut donc être d’autant plus poussé vers un premier jet de description et métrés contrairement à un projet de construction où l’économiste ne pourra pas facilement travailler tant qu’il n’aura pas des plans Pro suffisamment avancés. Mais ce premier travail est ensuite soumis à de multiples modifications, et adapté du fait de la définition progressive de l’ensemble des éléments du projet. Quand bien même il n’est pas souhaitable d’envisager de fournir un projet totalement défini et dessiné aux économistes– puisque les échanges sont toujours vecteurs d’amélioration – il devrait être possible de se ménager le temps nécessaire pour fournir une première version des plans PRO qui fournirait un certain nombre d’éléments permettant à chacun d’envisager sa mission plus sereinement. A l’occasion de cette transmission de plans pourrait avoir lieu une énumération des éléments restés en suspens afin qu’ils soient bien identifiés par tous et que l’économiste puisse apporter son expertise en fonction des questionnements que pourraient avoir l’architecte par exemple, et surtout éviter les omissions. Je reste bien consciente que ces réflexions sur l’interaction avec les économistes sont totalement dépendantes des contraintes de plannings très rarement favorables. Pourtant, une certaine anticipation des phases de rendu est primordiale pour que chacun puisse mener au mieux sa
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mission, or elle n’est que très rarement envisageable, deux contraintes « externes » influençant l’organisation générale du travail à l’agence : • Les évolutions de planning du maître d’ouvrage de l’opération, • La gestion des évolutions de planning des autres opérations qui viennent rebattre continuellement les cartes des échéances et de l’enchaînement des phases d’une opération à l’autre, que ce soit pour les architectes ou pour les économistes. Pour autant, il me paraît envisageable de toujours avoir en tête « l’idéal » et de viser systématiquement une organisation plus sereine, en analysant en amont le réel temps gagné à tout lancer en même temps. Peut-être pourrait-on ainsi restreindre les éléments lancés en simultané pour ne se limiter qu’aux informations certaines et éviter trop d’allers-retours chronophages. L’outil de gestion et suivi mis en place en septembre devrait permettre d’aller dans ce sens, vers une meilleure maîtrise et anticipation des échéances. (Voir ci-après). D’AUTRES APPROCHES ET MODALITÉS DE TRAVAIL À EXPLORER? Par ailleurs dans le cadre des cours de HMONP, j’ai pu prendre conscience de toute une part du métier d’économiste que je ne connaissais pas. Par exemple, l’expertise dont ils peuvent faire part concernant la négociation des honoraires dans l’équipe de MOE et avec le maître d’ouvrage. J’ai aussi été très intéressée par l’approche fonctionnelle que nous a présentée Michel FORGUE, très différente de l’approche « classique » par lot. En effet, cette approche s’organisant autour de chaque élément fonctionnel et détaillant ce qui le compose, au-delà des questions de lots, me paraît très pertinente pour mieux anticiper les interactions entre les corps d’état. Cette approche, permettant une lecture du coût de ces éléments fonctionnels (façades, planchers, toitures...), donne aussi des éléments d’analyse dont les architectes peuvent plus facilement se saisir. J’ai le sentiment au vue des explications de M. FORGUE que les équipes de conception peuvent ainsi plus facilement identifier les points à retravailler, mais aussi avoir une lecture économique plus claire du projet et de la répartition de l’enveloppe budgétaire pour ainsi retravailler l’un ou l’autre des éléments en fonction des orientations de conception. UN RISQUE DE ROUTINE ET D’HABITUDES DE CONCEPTION ? Suite aux échanges et présentations d’économistes travaillant dans un BE spécifique et donc dans des équipes de MOE différentes selon les projets, il apparaît que ces expériences diverses permettent de maintenir une stimulation, un enrichissement des pratiques de par la variété des configurations d’équipe et des types de programme. Le fait que les économistes soient intégrés à l’agence et ne travaillent que sur les projets en interne pourrait être perçu comme un risque de développer une certaine routine et des habitudes, qui certes facilitent énormément le travail mais ne permettent pas forcément le renouvellement et le
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questionnement de certaines pratiques. Ce à quoi l’on peut opposer que certes cela peut être un facteur aggravant mais pour autant on peut observer ce type de problématique alors même que les compétences ne sont pas intégrées, lorsque l’on travaille systématiquement avec les mêmes structures dans les équipes de MOE. Tout comme lorsque l’on n’intervient que sur un certain type d’opérations pouvant engendrer des systématismes et automatismes. La solution pourrait alors être que les économistes et les OPC travaillent sur des projets à l’extérieur de l’agence, et que les architectes travaillent aussi plus souvent avec des OPC et économistes externes. Mais ce serait alors une toute autre configuration puisque des structures différentes seraient créées impliquant une toute autre gestion et organisation qui iraient alors à l’encontre de ce que le gérant et les associés ont construits depuis la création de l’agence. Reste donc à bien garder à l’esprit que ce risque est présent, quel que soit les configurations internes ou externes, et qu’il faut donc s’en prémunir comme l’agence peut le faire par différentes démarches : • Construire des partenariats durables mais variés avec d’autres structures de MOE, • Mobiliser les équipes pluridisciplinaires en interne sur des actions de formation, • Diversifier l’activité – ce qui n’est pas incompatible avec la démarche de spécialisation de l’agence.
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INTERACTIONS OPC / ARCHITECTES Les deux OPC actuellement en poste à l’agence ont auparavant exercés comme conducteurs de chantier de réhabilitation en entreprise générale ce qui leur confère des compétences très larges et une grande polyvalence. La plus-value de leur profil tient aussi dans le fait qu’ils ont une parfaite connaissance des contraintes et difficultés que peuvent rencontrer les entreprises sur les chantiers, leur permettant de les anticiper au mieux. Une donnée très importante du fait de la spécificité et de la complexité des chantiers de réhabilitation en site occupé, où il faut gérer quasi quotidiennement les interactions entre entreprises et habitants pour éviter les gênes. Les réflexions ci-après émanent d’entretiens avec l’un des OPC et mon tuteur. DES COMPÉTENCES PONCTUELLEMENT MOBILISÉES EN PHASE ÉTUDE L’agence n’est jamais missionnée dans le cadre de mission OPC complète d’opération, intégrant la gestion des plannings dès les phases d’études pour le MOA, mais seulement pour la gestion du chantier. En phase étude les OPC apportent donc une plus-value aux architectes qui les sollicitent pour valider des intentions de planning d’une opération et confronter leur vision à celle des OPC pour affiner au mieux les propositions. Au-delà de leur cœur de métier et du fait de leurs compétences, les OPC peuvent aussi être ponctuellement sollicités sur d’autres missions lorsque la charge générale de travail le nécessite et que leur planning le permet : • en appui des architectes dans le cadre des missions de diagnostic avant-projet de réhabilitation, • en appui des économistes pour réaliser des métrés et DPGF. OPC INTÉGRÉ, UNE MISSION DE SUIVI DU CHANTIER ÉLARGIE Du fait de leurs compétences spécifiques et de leur intérêt personnel, les OPC interviennent plus largement qu’un OPC classique dans le cadre du suivi des opérations : • VISA des plans d’EXE : même si la mission revient à l’architecte, l’OPC réalise un premier travail de lecture des dossiers des entreprises en indiquant ses remarques puis s’ensuit un échange avec l’architecte avant validation finale, • DET : en fonction du planning, de la complexité des projets et des phases de chantier, l’architecte n’est pas nécessairement présent à toutes les réunions mais est sollicité par l’OPC lorsque des décisions doivent être prises notamment les choix architecturaux ou encore des arbitrages à faire sur des techniques de mise en œuvre, par exemple.
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La mobilisation de l’OPC dans le cadre de ces deux missions en appui de l’architecte, permet de limiter sa mobilisation aux moments clés tout en donnant à l’OPC une plus grande latitude dans la gestion générale du chantier, au-delà de ses missions propres d’OPC. INTÉRÊT ET DIFFICULTÉS LIÉS À L’INTÉGRATION DE LA MISSION OPC À L’AGENCE Pour les OPC le plus grand intérêt est le gain de temps considérable et une bien meilleure synergie du fait de la disponibilité des interlocuteurs dès que besoin : - l’architecte pour les arbitrages, le suivi, le soutien dans certaines situations, - l’économiste : • avant le chantier pour éclaircir des points de descriptif des prestations, • pendant le chantier pour contrôler que les devis de TS des entreprises ne soient pas des prestations déjà inclues dans les marchés, • pour signaler un oubli afin d’améliorer les futurs descriptifs de projets. Si ces différents échanges étaient gérés avec des structures externes il serait alors nécessaire de provoquer des réunions spécifiques. L’intégration des métiers permet donc d’alléger les plannings et de simplifier au quotidien le suivi des chantiers en se concentrant sur la gestion des interventions des entreprises. Ce chevauchement des missions est possible grâce aux compétences spécifiques des OPC recrutés et de la proximité qu’ils entretiennent en permanence avec l’architecte. Pour autant cette position d’OPC intégré à l’agence d’architecture peut aussi être une entrave, en rendant plus difficile leurs relations avec, par exemple, les Bureaux d’Études de l’équipe de MOE. En effet, ils ne sont pas forcément très disponibles et présents sur les chantiers ; et puisque l’OPC est intégré, il peut lui être assez difficile de les remobiliser comme il le fait avec les entreprises. Alors que si l’OPC était indépendant, il pourrait se sentir plus à l’aise de recadrer les BE tout comme l’architecte, sur un pied d’égalité.
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LA PERCEPTION DES MAÎTRES D’OUVRAGE D’UNE TELLE STRUCTURE
Bien que ce cumul puisse laisser penser que chaque métier pourrait être affaibli dans son rôle du fait qu’il se retrouve potentiellement juge et partie et que la proximité pourrait induire des connivences, les MOA sont aussi conscients que les autres équipes bien que constituées de structures indépendantes ne sont pas à l’abri de ces situations. Dans le cadre notamment de projets de réhabilitation en site occupé, difficiles à mener de par leur complexité intrinsèque, pouvoir simplifier les échanges entre les intervenants en maximisant la synergie des métiers reste une grande plus-value tant au niveau de la qualité générale du projet que du respect des contraintes de plannings et budgétaires, soucis majeurs des maîtres d’ouvrages.
LA PERTINENCE POUR L’ARCHITECTE DE MAÎTRISER TOUT OU PARTIE DE CES MISSIONS
De mon point de vue, et du fait de mes expériences passées où j’ai souvent eu à mener toutes les fonctions, il me paraît assez pertinent pour un architecte de maîtriser ces deux missions clés d’un projet sans pour autant qu’il les réalise. En effet, il m’apparaît primordial dans ma pratique d’être en capacité d’estimer l’impact des choix de conception sur le budget global et d’être à l’aise dans la description des ouvrages à réaliser puisque c’est la garantie de pouvoir en discuter avec les différents intervenants, et défendre les partis pris, de les mobiliser pour trouver ensemble les solutions répondant aux contraintes de chacun tout en maintenant le cap général du projet. Intégrer l’économie dans sa structure, sans la réaliser pour autant, c’est aussi la possibilité de mettre en place une «charte», des habitudes de travail, permettant à chacun de savoir que tel ou tel ouvrage doit systématiquement être réalisé selon tel ou tels principes, intégrant telles ou telles prestations ; allégeant ainsi le travail de contrôle et vérification. Être en capacité de réaliser l’OPC sur des projets de petite échelle par exemple, en plus de la DET me paraît aussi essentiel afin d’avoir une plus grande maîtrise de la réalisation du projet et de se confronter aux problèmes des entreprises pour pouvoir ensuite mieux les intégrer. C’est aussi un bon moyen de mieux connaître le métier de chacun et de faire plus facilement la synthèse entre les exigences calendaires et celles liées à la bonne réalisation des ouvrages prévus.
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Pour conclure, je considère qu’une agence d’architecture qui intègre à la fois les métiers de l’économie du bâtiment et l’OPC, maîtrise d’autant plus ses projets en simplifiant les échanges entre chacun au quotidien, pour ainsi concentrer les efforts sur les relations avec les autres intervenants et se laisser plus de temps pour exercer le cœur de son métier. Ce cumul des missions permet une certaine souplesse économique à l’agence qui peut ainsi plus facilement adapter le temps passé par phase et métier au profit d’une adéquation des moyens en fonction des besoins tout au long du projet, évitant ainsi les contraintes liées à la conduite d’une seule mission moins extensible. Cette synergie entre les métiers amène des habitudes de travail facilitant la tâche de chacun au quotidien, un réel atout, à condition de rester vigilant dans la gestion globale de l’agence et des projets pour éviter l’installation de routines potentiellement défavorables et maintenir les dynamiques d’enrichissement et de questionnement des pratiques et des métiers.
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2.3 ENJEUX CROISÉS CHIFFRAGE DES HONORAIRES, GESTION DES PLANNINGS ÉTUDES ET SUIVI DU TEMPS DE TRAVAIL A mon arrivée à l’agence mon sentiment était assez partagé concernant ces sujets. J’étais à la fois plus sereine de ne pas avoir à gérer ces questions alors que je me familiarisais avec les missions que l’on me confiait. Mais le fait que l’on ne m’en parle pas m’inquiétait aussi puisque j’avais des difficultés à positionner mon travail par rapport à la gestion globale du projet, chose que je faisais auparavant systématiquement. En effet, lors de mon expérience précédente aux Compagnons Bâtisseurs, puisque j’étais en charge de projets et de leur suivi, et notamment le dispositif PIG ARA PP, la programmation des temps de travail, le suivi du temps passé – sur les différents projets et opérations – en lien avec les montants vendus, était une gymnastique quasi quotidienne. Plus généralement, l’ensemble des salariés de l’association était mobilisé sur ce suivi individuel indispensable à une bonne vision de l’activité, pour recadrer des projets si nécessaire, identifier les besoins spécifiques mais aussi évaluer la part des missions non rémunérées que chacun pouvait mener – communication, développement de nouveaux projets, animation associative…– Nous permettant de maîtriser ces temps et de les valoriser tout en sachant quel était leur impact sur notre coût/jour pour chaque salarié en lien avec les charges fixes de la structure. L’ensemble fournissait les moyens d’adapter au mieux nos coûts de vente de prestation à la réalité de l’activité, tant au niveau de leur coût que du temps à prévoir pour les réaliser. J’ai donc été intéressée d’apprendre que depuis septembre dernier, l’agence mettait progressivement en place un nouvel outil développé par un des architectes de l’équipe en collaboration avec le gérant et l’assistante de gestion. Outil qui répond à ces différents besoins en mettant en lien le planning prévisionnel de l’activité de chacun et le temps réel passé sur chaque phase de projet avec le montant d’honoraires vendus au départ. Cette démarche me paraît essentielle dans la gestion globale d’une agence pour avoir une vision la plus proche possible de la réalité de l’avancement des projets par rapport au prévisionnel. Et plus spécifiquement à l’échelle des projets, il me paraît indispensable que chacun puisse avoir une idée assez claire du temps alloué pour chaque phase pour s’organiser en fonction et alerter si l’écart venait à se creuser entre le prévu et le réalisé. Il ne s’agit pas de percevoir la démarche comme un moyen de sanction de chacun sur des critères de «rentabilité», mais bien d’un outil de gestion des opérations permettant de savoir lorsqu’un projet dérape, et surtout d’en avoir la mesure. A ce sujet, j’ai été très sensible à l’un des principes
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que nous a transmis Jean-Vincent BERLOTTIER, architecte intervenant en HMO : « On a le droit de perdre de l’argent sur un projet, mais il faut le en être conscient! ». Quel que soit l’outil utilisé, l’organisation, les moyens, il me paraît primordial pour bien gérer un projet, et plus largement une structure : • d’être en capacité de se confronter aux dérapages, d’avoir conscience de leur ampleur et des raisons de ces écarts pour agir en conséquence. Par exemple : - en redressant la barre lors des phases suivantes d’une même opération, - en renégociant les honoraires si c’est justifié, - en décidant d’assumer les pertes liées à cette opération en ayant conscience que d’autres opérations devront venir rééquilibrer globalement l’activité de la structure. • d’avoir une bonne vision du temps passé par phase en fonction des opérations pour estimer au mieux les temps prévisionnels dans la construction des offres d’honoraires futures, en ayant des points de comparaison tangibles, • d’ajuster aussi au mieux les coûts/ jour de vente des prestations en fonction de l’activité. Et quel que soit l’outil utilisé, il est aussi primordial de garder à l’esprit qu’il ne s’agit que d’un outil, qui ne doit en aucun cas devenir la référence absolue de l’ensemble des décisions prises mais qui doit simplement concourir à la bonne appréciation des situations permettant ainsi de prendre des décisions plus sereines et éclairées. La périodicité d’analyse des données renseignées ainsi que les modifications à apporter, par exemple au coût/jour, sont aussi à définir afin de privilégier une certaine stabilité des données utilisées notamment pour les coûts/jour afin d’éviter des décisions totalement dépendantes de l’outil devenu alors « oracle ».
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2.4 POINT DE VUE QUELS OUTILS ET MODALITÉS D’ORGANISATION ET DE GESTION POUR UNE FUTURE PRATIQUE DE L’ARCHITECTURE EN MON NOM PROPRE?
Ci-après, j’ai tenté de constituer une liste thématique de principes que je souhaiterais mettre en place dans le cadre de ma pratique future en mon nom propre. Des principes qui seraient bien sûr mis en œuvre différemment, selon qu’il s’agirait d’une activité seule ou en structure plus importante avec plusieurs personnes. Je reste aussi consciente que l’on pourrait opposer à ces principes le fait qu’ils passent vite au second plan, rattrapés et supplantés par l’activité et les urgences quotidiennes. Pour autant, comme mon tuteur a pu me le dire, l’important en tant que jeune architecte c’est surtout de ne pas prendre de mauvaises habitudes. J’ai donc l’ambition de croire que si un certain temps est pris au départ pour se créer un cadre de travail au sens large avec quelques grandes lignes directrices on doit pouvoir ensuite maintenir le cap en faisant monter tout le monde dans le même bateau. Concernant LA PLANIFICATION GÉNÉRALE, et surtout dans le cadre d’une gestion d’activité à plusieurs différentes trames de plannings annuels, mensuels et hebdomadaires sont à construire et co-construire lorsque l’on est plusieurs, l’enjeu étant que chacun y adhère en y trouvant son intérêt, seule garantie que l’organisation fonctionne et perdure : • annuel pour inclure un/des événements de la vie de l’agence : une journée de retour d’expérience sur un projet réalisé antérieurement par exemple, support à réflexion sur le fonctionnement général et les améliorations, • mensuels pour jalonner le mois de réunions d’équipe (pas forcément nombreuses et longues) mais dont le rythme et les horaires sont des impondérables, • hebdomadaire pour définir un ou des temps réservés aux échanges internes sur les projets pour éviter les sollicitations aléatoires. Peut-être est-ce illusoire mais je considère que le temps est un enjeu primordial que nous devons organiser et maîtriser pour éviter de se le voir planifié par les seules contraintes et exigences extérieures, au détriment du bon fonctionnement interne de la structure. Concernant LA GESTION et notamment le fait d’avoir un outil de suivi (temps passé, honoraires, prévisionnel), me paraît essentiel comme j’ai pu l’évoquer plus haut (et ce même si j’exerce seule). Dans le cas d’un exercice à plusieurs, je considère qu’il s’agit d’un enjeu primordial que de faire adhérer chacun à l’intérêt d’un tel outil. Cela passe par la facilité et la rapidité d’usage, ainsi que l’accès aux informations qui lui sont nécessaires dans le cadre de son activité.
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Dans le cadre d’une activité à plusieurs, il est possible d’envisager que chacun participe à la vie de l’agence et à son fonctionnement en ayant des activités de fonds permettant d’aménager au mieux son temps de travail et d’amortir des périodes plus calmes du fait d’attente d’arbitrage, de validation… en réalisant une activité qui l’intéresse, telle que par exemple : - référent réglementaire : qui propose une organisation des documents et informations que chacun peut consulter et compléter en lui soumettant les documents puisque cette dimension du métier est réalisée quotidiennement par chacun mais souvent sans capitalisation, - référent bibliographique : en veille sur les sorties d’ouvrages et de publications concernant les orientations de l’agence pour ainsi se constituer une bibliothèque ciblée et éviter le coté généraliste des abonnements aux revues, - référent communication : qui capitalise des documents des projets de chacun, et crée des documents spécifiques nécessaires à l’agence, mets à jour le site… -… En terme D’ORGANISATION PRATIQUE, différents outils et principes que je souhaiterai prendre le temps de mettre en place en amont du lancement d’une activité : - identité graphique de la structure et déclinaison à l’ensemble des documents utilisés (des formats de courrier aux tableaux de suivi financier en passant par les comptes rendus de chantier ou encore les contrats selon l’activité). J’ai, en effet, pu me rendre compte dans le cadre de mes expériences passées en association que des documents inexistants ou « bricolés » compliquent le travail au quotidien car on n’est pas « certain » de nos outils et à l’aise avec. C’est un travail fastidieux qui est très difficile à mener lorsque l’activité est lancée. Mais l’idée d’une certaine maîtrise et homogénéité des documents produits par la structure est un point qui m’importe. - intégrer la production des documents de communication aux éléments nécessaires à la clôture d’un dossier, pour que chacun soit acteur de la communication qui est faite de ses projets, le tout basé sur une trame commune > obtenir un minimum de documents de communication avec une pré-selection d’images et plans par le chargé de projets pour une plus rapide utilisation des données dans un autre cadre (site internet, plaquettes...) - arborescence informatique rigoureuse et suivie, garantissant la bonne transmission des informations entre les intervenants et évitant une certaine dispersion.
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3 QUELQUES MISSIONS ABORDÉES APPORTS ET QUESTIONNEMENTS SOULEVÉS
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3.1 RELEVÉS ET ÉTAT DES LIEUX OBSERVATION ET ANALYSE NÉCESSAIRE À LA CONSTITUTION D’UNE BASE DE PROJET SOLIDE Ces relevés font parties de la phase de diagnostic réalisé en amont de tout projet. Une mission à laquelle j’ai été confrontée durant mes expériences passées. Le principal ajustement pour moi a donc été le changement d’échelle, en passant d’un logement à parfois plus de 200. Et bien que n’ayant pas réalisé un diagnostic dans sa totalité, j’ai aussi pu me familiariser avec la méthodologie et les modalités de rendus utilisés par l’agence.
LE DIAGNOSTIC, UN PRÉALABLE INCONTOURNABLE Le fait que cet élément de mission ne soit pas inclus dans la mission de base telle que définie par la Loi MOP présente un intérêt certain. Puisqu’il est ainsi possible pour le maître d’ouvrage d’engager cette première mission en préalable pour se garantir de la pertinence des engagements qui seront pris ensuite. Pour l’architecte, c’est la liberté de pouvoir configurer et formuler le diagnostic en l’adaptant à chaque situation. Cette démarche est particulièrement intéressante dans le cadre de maîtres d’ouvrage privés, telles que les copropriétés. En effet, la plupart du temps, pour les bailleurs sociaux qui engagent un diagnostic, il s’agit bien de la première mission mais elle est contractualisée avec les autres sans dissociation en tranches conditionnelles. Alors que les copropriétés ont besoin d’avancer progressivement, d’être rassurées. Le fait dans un premier temps de pouvoir engager uniquement un diagnostic, c’est l’occasion de se lancer dans un potentiel projet d’ampleur mais sans se sentir « embrigadé ». Le diagnostic est alors l’occasion pour l’équipe de MOE (souvent l’architecte et un BE fluides) et la copropriété d’échanger, de se rencontrer et pour la copropriété de tester son équipe de MOE pour pouvoir envisager plus sereinement une contractualisation dans le cadre d’un projet de réhabilitation important. Ce diagnostic représente une étape décisive dans la suite de l’opération. Il est donc important de ne rien négliger et donc d’y passer le temps nécessaire sous peine de complexifier par la suite les rapports avec le maître d’ouvrage du fait d’omissions, de découvertes tardives de situations nécessitant une intervention, vécues alors comme un loupé, une forme « d’incompétence » de l’équipe, alors que posée dans le diagnostic de départ, elle est intégrée, quelle qu’elle soit.
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Il doit donc balayer l’ensemble des éléments pour : • Fournir au MOA l’ensemble des informations, conseils et expertises nécessaires, lui permettant ensuite de prendre une décision éclairée sur le programme de travaux à mettre en œuvre au regard des moyens qu’il peut mobiliser et de ses attentes et besoins. Il faut d’ailleurs avoir conscience que ces derniers ne sont pas toujours en adéquation avec les travaux identifiés comme nécessaires dans le cadre du diagnostic. Il est alors primordial de faire preuve de pédagogie pour démontrer en quoi des travaux touchant à la sécurité des personnes par exemple, sont obligatoires. • Identifier au plus tôt l’ensemble des interventions qui seront obligatoires et touchant à des réglementations et normes incontournables, pour envisager immédiatement leur répercutions économiques sur le budget global. Tel que par exemple la gestion des C+D dans le cadre de l’isolation par l’extérieur de façades, dont les détails de mise en œuvre peuvent induire des surcoûts non négligeables. • En interne, être en capacité de transmettre facilement un dossier dans lequel tout est balayé pour qu’un second intervenant puisse prendre le relais sur la suite du projet alors même qu’il n’a pas participé à cette phase préalable de diagnostic.
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3.2 PRO DCE VERS LA JUSTE MESURE DU NIVEAU DE DÉTAILS ET D’INFORMATIONS Dans le cadre de mon expérience passée à H&H, je réalisais des plans s’apparentant aux attendus de cette phase mais n’ayant aucune commune mesure avec ce qu’il est attendu à cette échelle dans une mission d’architecte. C’était donc pour moi très intéressant de pouvoir me confronter aux attendus liés à cette mission préalable à tout projet.
DESSINER POUR, DÉCIDER POUR En effet, ces dernières années, dans le cadre d’accompagnement de propriétaires occupants et auparavant en suivant des opérations plutôt dans le diffus, j’avais un lien de proximité avec le maître d’ouvrage qui était parfois l’habitant. Leur place était donc prépondérante dans la définition du projet, avec de nombreux échanges, une écoute des besoins, une prise en compte de l’expérience de l’habitant. Alors que là j’ai pu me rendre compte de ce qu’était le rôle de l’architecte et de sa responsabilité puisque c’est lui qui dessine pour, et par là même, qui décide pour. Le bailleur social n’étant pas l’habitant il ne va pas avoir l’implication que peut avoir un propriétaire occupant dans la définition de son projet. Il délègue alors légitimement cette mission aux équipes de MOE. Bien sûr que j’en avais déjà conscience et que j’ai connaissance de ce qu’est le métier d’architecte mais c’est à l’occasion de mon travail sur ces phases-là que j’ai ressenti particulièrement cette position de décideur, celui qui arbitre, qui oriente. UN APPRENTISSAGE CONTINU DES TECHNIQUES DE MISE EN ŒUVRE Dans mes expériences passées, je réalisais le dessin du projet comme base notamment spatiale, complétée par des DPGF détaillés donnant la trame permettant ensuite les discussions avec les artisans dans le cadre des consultations que j’organisais sur place. Et bien que j’étais celle qui tranchait sur les solutions techniques à adopter, les échanges sur place avec ceux qui mettraient ensuite en œuvre les ouvrages, m’assuraient la pertinence des choix que je faisais. Alors que dans le cadre de projets à cette échelle, une telle démarche ne peut être envisagée aussi parce que l’économiste vient suppléer l’architecte notamment dans la description des détails. Mais cela n’enlève pas à l’architecte la nécessaire connaissance des procédés de mise en
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œuvre de ce qu’il dessine. C’est un apprentissage continu et une capitalisation au fil des années. En tant que jeune architecte, cela peut être déstabilisant de ne pas avoir la pleine maîtrise des procédés. Et c’est là l’intérêt que j’ai pu trouver dans les échanges avec l’économiste de l’agence ainsi qu’avec les BE ou encore les autres architectes plus expérimentés pour mieux appréhender ces questions en parallèle de la lecture des avis techniques et autres documentations permettant la compréhension des procédés. VERS LA MAITRISE DU « FLOU » NÉCESSAIRE Dans mes expériences passées, réalisant l’ensemble des missions, je me permettais de laisser certains éléments en suspens, d’y revenir ensuite, d’en modifier la teneur… j’ai pu me rendre compte que le travail dans le cadre d’une équipe de maîtrise d’œuvre induit que certains éléments ne peuvent rester en suspens et nécessitent un arbitrage afin que chacun puisse poursuivre sa mission. C’est donc aussi un apprentissage que d’identifier l’ensemble des éléments qui doivent nécessairement être définis, tranchés mais aussi de visualiser lesquels peuvent être laissés en attente ou du moins dans un certain flou qui pourra être levé ultérieurement, et notamment en chantier, sans porter préjudice ni au planning ni au coût prévus. ENCADRER LA PLACE LAISSÉE AUX ENTREPRISES Cette phase, c’est aussi l’occasion de choisir ses batailles. C’est à dire identifier les détails qu’il est important de dessiner précisément pour garantir de maîtriser la qualité de la mise en œuvre future et guider les entreprises vers nos attentes. A contrario, c’est aussi s’éviter de passer trop de temps à dessiner de façon trop poussée des éléments pour lesquels les entreprises vont apporter leur propre réponse – parce qu’elles maîtrisent une technique plutôt qu’une autre, qu’il est possible de réduire le coût, de simplifier la mise en œuvre… – Il s’agit alors de pousser suffisamment le niveau de définition pour encadrer la réponse de l’entreprise et s’assurer qu’elle s’inscrive dans le champ des attendus, sans pour autant la brider dans sa capacité de proposition.
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3.3 COMMUNICATION GRAPHIQUE PRÉTEXTE À UNE IMMERSION DANS LES PROJETS DE L’AGENCE ET SES MODES DE FAIRE
Ce travail sur la communication, j’en ai fait la proposition à mon tuteur puisque à une ou deux reprises j’avais été dans un creux d’activité et qu’il me paraissait intéressant de m’attribuer une tâche de fond à laquelle je pourrais me consacrer dans les moments où mon activité était réduite dans le cadre de mes missions classiques. L’agence n’a que très peu investi ce champ par manque de temps à y consacrer et parce que cela ne représentait pas non plus une nécessité pour accéder à la commande. Les seuls outils permettant donc la communication sur la production de l’agence sont les fiches de référence des projets utilisées dans le cadre des réponses aux appels d’offres et consultations. J’ai donc entrepris un travail de révision de ces fiches pour les compléter, en hiérarchiser les informations et sélectionner les éléments graphiques et photographiques. Avec pour objectif d’harmoniser l’ensemble des supports et permettre une meilleure valorisation des projets et de leurs points forts.
DÉMARCHES DE CONCEPTION TIRANT LE MEILLEUR PARTI DES QUALITÉS INITIALES DU BÂTI Cet exercice a été pour moi très intéressant et enrichissant puisqu’il m’a permis de me plonger dans la production de l’agence depuis ses débuts, de découvrir les orientations prises sur tel ou tel projet, de découvrir toutes les potentialités de transformations que pouvaient permettre notamment l’architecture de la seconde partie du XXème siècle vers une amélioration des conditions de vie des habitants et de l’adaptation de ces immeubles aux modes de vie actuelles. Des transformations, des modifications parfois perçues comme mineures mais dont l’effet est sensible. J’ai alors d’autant pris conscience de la nécessité de qualité du diagnostic de départ pour que la connaissance parfaite du bâti permette le projet le plus pertinent possible basé sur les qualités intrinsèques de l’existant.
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FAMILIARISATION AVEC LE TYPE DE RENDU ET LEUR CONTENU, SELON LE TYPE DE PROJET Cela a été aussi l’occasion de mieux identifier les attendus de rendus de chaque phase d’un projet en fonction du type de projet. Puisque les approches sont différentes s’il s’agit d’une réhabilitation complète ou bien de travaux orientés principalement sur l’amélioration des performances thermiques notamment. Dans mon souci de mieux cerner aussi les attendus concernant les plans, au fil des phases, cet exercice m’a permis de me plonger dans un grand nombre de projets et ainsi identifier les pratiques au sein de l’agence et les comparer à mes pratiques pour ainsi en améliorer la teneur en m’adaptant au panel que j’ai pu explorer. Je sais que, de par mes expériences passées dans un cadre différent où mon rôle n’était pas celui de l’architecte, ces missions et notamment le dessin de plans ne prenaient pas du tout la place qu’elles prennent dans la pratique de l’architecte. J’ai donc au départ eu un certain temps d’adaptation à ces nouvelles exigences, alors que j’avais tendance à plutôt aller à l’essentiel en limitant peut-être le niveau informatif des plans et détails.
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4 RÔLE ET POSITIONNEMENT DE L’ARCHITECTE DANS LE CADRE DE LA RÉHABILITATION DE LOGEMENTS DIFFÉRENTES FORMES ET PROCESSUS OPÉRATIONNELS
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Cohabita, avenue de la renaissance, Bruxelles (Belgique) «Notre approche est surtout paysagère, donc globale, relationnelle et de longue durée. Nous disons «paysage» dans le sens de milieu complexe construit par des décisions entrecroisées, multiples, tissées, jamais par des règles rigides, droites et simplificatrices. Elle est de longue durée puisqu’elle considère le passé, l’existant, le non-dit, comme la trame sur laquelle se propose le nouveau projet qui n’est qu’un moment dans l’histoire qui continue à évoluer sans nous.» Simone et Lucien Kroll. Extrait de Ordre et désordres, une architecture habitée, Sens et Tonka, cité de l’architecture et du patrimoine, 2015.
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Les différentes expériences professionnelles, que j’ai pu avoir avant la mise en situation professionnelle et pendant cet exercice de l’architecture en agence, m’ont permis d’aborder la réhabilitation du logement à vocation sociale dans de nombreux cadres dont certains où l’architecte était absent du processus. J’ai donc ici l’opportunité d’approfondir les questionnements que j’ai pu soulever au cours de ces différentes expériences pour ainsi mieux définir le rôle de l’architecte selon le cadre dans lequel il intervient. Pour cela, j’ai fait le choix d’aborder différentes opérations auxquelles j’ai participé en les regroupant sous trois grandes thématiques qui balaient assez largement les opportunités de projets de réhabilitation du logement à vocation sociale. Démarche que je complète avec des références à des travaux d’architectes qui m’intéressent et me questionnent. •
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•
En premier lieu, je me focaliserai donc sur la réhabilitation des logements sociaux du parc public en prenant pour sujet un type de contractualisation encore «expérimentale» pour les bailleurs sociaux: le CREM (Conception Réalisation Entretien Maintenance). Puis, pour évoquer la place de l’architecte dans la mise en œuvre des politiques publiques de l’habitat, je m’attacherai à deux types d’expériences: l’une en agence, concerne les copropriétés en difficultés et l’autre, associative consiste en la réhabilitation d’un logement en diffus pour le mettre à disposition de personnes en difficultés. Pour terminer, j’évoquerai la question de la participation habitante à l’acte concret de réhabilitation avec mon expérience aux Compagnons Bâtisseurs et les questionnements qui en ont résulté.
Il s’agit par la présentation de ces différentes opérations de mieux définir le rôle que peut et que doit jouer l’architecte dans ces différentes situations pour ainsi mieux comprendre comment plus tard, dans le cadre d’un exercice en mon nom propre, je serai en capacité d’envisager mon activité dans ces différents champs de la réhabilitation qui m’intéressent particulièrement.
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«Page d’ouverture de l’article «L’habitation collective» dans l’Architecture d’Aujourd’hui, n°16,décembre 1947. L’architecte Alekandre Persitz, ici également photographe, se charge d’illustrer l’ouverture du dossier avec cette photographie ironique d’une cage à oiseaux.» dans les Grands Ensembles, une architecture du XXème siècle, Dominique Carré éditeur, 2011.
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4.1 L’HABITAT COLLECTIF SOCIAL L’ARCHITECTE FACE À L’ENJEU DE LA RÉHABILITATION DU PARC SOCIAL PUBLIC Il s’agit de la majeure partie des projets que l’agence mène depuis sa création. Ils se répartissent en deux grandes familles induisant des interventions et des conduites de projets différentes.
RÉHABILITATION PARTIELLE RÉHABILITATION COMPLÈTE TYPE D’INTERVENTION
EN SITE OCCUPÉ
BÂTIMENT VACANT
OBJECTIFS
Travaux d’entretien et de gestion patrimoniale du parc du bailleur : - Amélioration des conditions de vie des habitants, - Diminution des charges énergétiques - Amélioration de l’image des bâtiments /quartiers
- Acquisition-amélioration : achat par le bailleur d’un bâtiment ancien à rénover totalement, avec relogement des habitants, - Réhabilitation complète d’un bâtiment du patrimoine du bailleur, suite par exemple à une expiration du conventionnement > permettant par reconventionnement un réinvestissement important co-financé par les collectivités et L’Etat
TYPE DE TRAVAUX
Travaux d’enveloppe : Tout type de travaux, gros œuvre inclus. - Isolation thermique par l’ext., - Remplacement menuiseries ext. , - Réfection et isolation des toitures, Travaux logements : - Réfection complète des SDB + évier, - Réfection de certains revêtements : sols / murs, - Mise en sécurité du réseau électrique, Travaux parties communes : Réfection des halls d’entrée, - Réfection des circulations, - (Ré)aménagement de locaux communs (poubelles, vélos ...).
FINANCEMENT
Capacité d’auto-financement du fait que les prêts de construction soient arrivés à échéance (loyer provisionnés pour travaux) Co-financement : avec subventions, ex : performance énergétique...
(non exhaustif, sous forme d’exemple)
Du fait du conventionnement des logements (PLS , PLAI, PLUS…), subventionnement spécifique par logement + prêt + autofinancement
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Type de projet Réhabilitation d’une résidence de 12 logements + aménagement de 2 logements en RDC + 9 garages extérieurs + 14 places de stationnement échelle Un bâtiment sur une parcelle végétalisée, dans une commune d’environ 2000 habitants. MOA Bailleur social OPH (Office Public de l’Habitat) Type de marchés CREM : conception réalisation exploitation maintenance Type de mission proposition : BASE + VISA EXE des entreprises + DET allégée Phases suivies Phase consultation (entre 2 groupements) : Esquisse - APS (offre 1) – Oral de présentation - APS 2 (offre définitive) Situation : en attente de décision Programme Réhabilitation partielle en site occupé : Bâti général : création sur-toiture, isolation thermique, amélioration réseau de chauffage, création VMC, révision menuiseries, SAS d’entrée, Travaux logements existants : réfection des SDB, détalonnage portes, remplacement portes palières Aménagement de 2 logements au RDC Réaménagement général des extérieurs et construction de 9 garages + 14 places de stationnement Budget MOA 750 000 € HT de travaux + 76 500 € HT d’exploitation maintenance Durée de 18 mois maximum dès contractualisation l’opération
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HI ARC R ASU
RÉHABILITATION DE 12 LOGEMENTS SOCIAUX LE CREM : INTÉRÊT ET LIMITES DE LA CONCEPTION-RÉALISATION Cette opération émane d’une volonté d’un bailleur social d’expérimenter les marchés de Conception Réalisation Exploitation Maintenance pour des opérations de réhabilitation énergétique de son parc de logements. L’agence a donc été contacté par un opérateur portant ce type de projet (montage de projets avec groupement de PME, engagement sur la performance...), créé par une entreprise de gros œuvre avec laquelle elle travaille souvent pour faire partie d’un groupement dans le cadre de la consultation que lançait le Maître d’Ouvrage, avec lequel l’agence a par ailleurs l’habitude de travailler. C’était aussi pour l’agence l’occasion de se confronter à ce type de marché CREM. J’ai été associée au projet dès la première réunion et l’ai suivi jusqu’à la remise de l’offre finale. Nous attendons aujourd’hui la décision du maître d’ouvrage.
APPORTS DE LA MISSION GÉNÉRALE Être partie prenante du montage d’une telle offre en participant à l’ensemble des réunions sous la supervision du gérant de l’agence a été pour moi une expérience très enrichissante, qui m’a permis de me confronter à une situation où l’architecte est dans une position particulière, n’étant pas mandataire, mais duquel on attend pour autant toutes les qualités de travail et de réflexion qu’il met en œuvre par ailleurs dans des modalités de projet plus classique.
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CHRONOLOGIE DE L’OPÉRATION
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INTÉRÊT ET LIMITES DE CE TYPE DE CONTRACTUALISATION MAÎTRE D’OUVRAGE : + Contractualisation simplifiée avec un seul interlocuteur. Garanties de maîtrise de la durée de l’opération, de son coût, de l’amélioration des performances énergétiques, et le suivi de celle-ci par l’exploitant lui aussi désigné dès le départ. > Solution particulièrement intéressante pour des MOA non professionnels telles que des copropriétés puisque c’est très sécurisant, à condition bien sûr de s’entourer d’un AMO en capacité d’accompagner la définition d’un programme précis et adapté, ainsi que les exigences de suivi de performances et consommations d’énergie adaptées à la configuration de l’opération et aux objectifs à atteindre. - CREM orienté sur la performance énergétique alors que le plus gros poste concerne l’aménagement du RDC en logements et l’aménagement des abords et stationnements. L’échelle du projet (12 logements) est aussi très réduite. Cette procédure perd alors de son sens et vient alourdir un budget qui aurait été plus maîtrisé en lots séparés sans causer de grosses difficultés de suivi vue son échelle. > Le MOA a la volonté d’expérimenter ce type de procédure et en circonscrit donc le périmètre, au détriment de la pertinence d’un tel dispositif. Alors qu’étant professionnel et entouré d’AMO, le MOA aurait pu aboutir au même résultat, voire à un projet plus complet en procédure classique allotie. Plus généralement, le recours à ce type de marché par des bailleurs sociaux MOA professionnel tient aussi à ce que la prise en charge et le suivi en interne de ce type de marché soit beaucoup plus simple et donc allégé, une fois la contractualisation réalisée, permettant de mobiliser des personnels moins nombreux et moins qualifiés. ARCHITECTE : + Travail de conception en équipe élargie en connaissant déjà l’ensemble des intervenants du futur chantier. Facilité à échanger avec les différents corps d’état pour s’assurer de la cohérence des choix de conception. Beaucoup moins de temps d’animation de l’équipe de conception, mission assurée par le mandataire, et donc une concentration des efforts sur la conception et la production des documents graphiques. - N’étant pas mandataire tout ne passe pas par l’architecte qui ne décide et n’arbitre pas de tout mais ne peut qu’émettre un avis et tenter d’orienter les décisions. Il est donc primordial qu’il maintienne sa position pour que son avis soit entendu.
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Investissement important en temps de travail alors même que l’équipe n’est pas certaine d’être retenue. Une prise de risque potentielle bien plus importante que pour les entreprises dont le temps de mobilisation est certes plus important qu’à l’accoutumé mais reste toutefois très en deçà de l’investissement et le risque consenti par l’architecte. A lui d’en mesurer les limites. ENTREPRISES DU GROUPEMENT : + Accès à des projets sans avoir à gérer directement la candidature, Possibilité d’intervenir dans le cadre d’une équipe avec d’autres entreprises « choisies » en amont dés le départ du projet, Possibilité d’apporter son expertise bien en amont dans la définition du projet pour éviter de se voir imposer des choix de conception inadaptés aux capacités et techniques de mise en œuvre maîtrisées, - Multiples sollicitations pour réaliser des devis en fonction des évolutions du projet induisant un investissement en temps plus important que lors d’une consultation classique.
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L’ÉVOLUTION DE MA PERCEPTION ET LES ENSEIGNEMENTS QUE JE TIRE DE LA PLACE ET DU RÔLE DE L’ARCHITECTE DANS LE CADRE D’UN CREM PREMIÈRE PHASE DE CONCEPTION, LA MOTIVATION LIÉE À UNE TELLE CONFIGURATION Cette situation de groupement d'entreprises était pour moi la configuration la plus proche de ce que j'avais pu vivre auparavant dans le cadre notamment des consultations que j'organisais avec les artisans. J'étais donc particulièrement motivée par l'idée de pouvoir dès la conception s'appuyer sur les entreprises qui mettraient en œuvre le projet pour ainsi garantir la pertinence des solutions proposées. Lors des premières réunions, les entreprises et notamment le mandataire par le biais de son opérateur, sont très à l'écoute de l'architecte et de ses propositions et orientations de projet. Ils sont en attente d'une base pour travailler, ils ont besoin d'un projet, d'une formalisation du programme et des contraintes sans lesquelles ils sont en incapacité de se positionner et de chiffrer leur intervention. Je pense que d'ailleurs lors de cette première phase, le positionnement de l'architecte est essentiel concernant certains points qu'il considère non négociables et avec lesquels il va falloir que les entreprises composent. Et ce afin que l'essence du projet soit maintenue malgré les modifications successives inhérentes à la vie d'un projet, mais dans ce cas souvent guidées par des « nécessités d'optimisation économique » visant la baisse des coûts, paramètre ayant tendance à guider l'ensemble des arbitrages du mandataire. L'architecte est alors le seul garant d'une vision globale du projet et l'un des rares partenaires à en défendre la qualité et la cohérence au-delà de la seule donnée économique. LE RENDU DE LA PREMIÈRE OFFRE, LES LIMITES DE COMPÉTENCE D'UNE ENTREPRISE À COMMUNIQUER LE PROJET Les modalités de rendu de l'offre induisaient un dossier graphique dont nous avions la charge ainsi qu'un mémoire technique rédigé par l’opérateur mandataire, détaillant l'ensemble du projet décomposé et précisant notamment les modalités de contrôle de l'amélioration des performances énergétiques ainsi que celles d'exploitation et maintenance. N'ayant jamais auparavant participé à une telle procédure, je ne connaissais pas les standards de rendu dans de telles situations et la lecture du mémoire technique a été pour moi assez déroutante. En effet, j'ai eu des difficultés à cerner la teneur de l'offre, alors même que j'avais participé à sa conception. La structure de ce mémoire et la décomposition de l'offre ne permettaient pas de faire un lien facile avec le dossier graphique et argumenté que nous avions remis. J'ai donc fait une analyse plus poussée de l'ensemble du document pour identifier sa structure et son contenu (projet de base, options principales et autres options). Nous avons ensuite pu en discuter avec le gérant de l'agence qui avait une lecture similaire à la mienne m'expliquant, qu'en effet, cette
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offre n'était pas très claire et desservait le projet par le flou qu'elle entretenait. Il a donc fait le nécessaire pour que nous reprenions la main sur la communication générale du projet lors de l'oral de présentation, afin d'être certain que le maître d'ouvrage ait une chance de comprendre l'offre. Nous avons passé un certain temps à décomposer le mémoire pour en réorganiser le contenu de façon plus conventionnelle, afin de le rendre plus intelligible. Pour autant, l’opérateur a souhaité maintenir la trame initiale avec laquelle nous avons donc dû composer pour réussir à en clarifier la lecture au maximum. Une étape assez frustrante puisqu'alors que le projet est abouti, la présentation faite pourrait compromettre la sélection du groupement. Cette analyse de l'offre a été pour moi très riche d'enseignements. J'ai pu me rendre compte de la spécificité du positionnement de l'architecte face à un maître d'ouvrage et de la façon que nous avons d'aborder la mission qu'il nous confie par rapport à une entreprise du bâtiment : Nous nous plaçons dans une situation critique de conseil et avons pour objectif de présenter et d'argumenter le projet qui nous semble le plus pertinent aux vues des attentes et contraintes du maître d'ouvrage, en lien avec le vécu des habitants et l'analyse de site. Ne nous limitant pas forcément au seul cadre posé par le MOA nous apportons notre analyse et notre expérience afin de questionner le projet pour potentiellement proposer des réorientations. Et ce afin que le maître d'ouvrage ait une vision globale des solutions qui s'offrent à lui afin qu'il prenne des décisions éclairées. Nous avons aussi la maîtrise des échelles de présentation et la capacité de hiérarchiser les informations en priorisant selon la phase de projet une certaine échelle de détails. Et ce pas seulement sur un plan graphique mais aussi dans la manière que nous avons de communiquer un projet, de le présenter, pour ainsi aller à l'essentiel et en rendre la complexité la plus intelligible possible. Alors que l'entreprise n'a pas vocation à se positionner ; et ici, bien qu’il s’agisse d’un opérateur spécifique, il «émane» d’une entreprise de gros œuvre, et apparait se positionner comme une entreprise du bâtiment. Et une entreprise va avoir tendance à répondre aux attentes du maître d'ouvrage, sans faire de choix ni questionner le programme mais simplement en listant les prestations techniques correspondant aux demandes et en indiquant leur coût. Elle présente les éléments sous l'angle qu'elle maîtrise : c'est à dire à une échelle fine, avec de nombreux détails qu'elle pense être l'expression de sa compétence et maîtrise du sujet alors qu'ils viennent parasiter la lecture générale du projet. Cette approche n'étant tout simplement pas adaptée à cette phase de projet où les attentes ne sont pas les mêmes que lors d'une consultation pour travaux. Dans ce cas, le mémoire technique du mandataire présentait l’offre en la fragmentant dans des « briques », rassemblant des éléments de programmes par thématiques (performance
RDC DU BATIMENT
P7
P6
Aménagement de celliers de 4 celliers + 1 local ménage
Aménagement d'un T2 et d'un T3 Création d'un SAS d'entrée (uniquement pose d'une seconde porte intérieure) Option : Remplacement porte d'entrée existante (+désamientage) Reprise de l'isolation des plafonds des parties communes Refection colonne ERDF
P8
eclairage
Eclairage
nouvel eclairage public
Eclairage
0.00
ENTREE
DGT
G3
P4
P3
DGT
G1
EU
49.60 m²
eclairage
eclairage public
P11
P12
P13
eclairage
+ contournement piéton
Terrasse
< T2
Création espace conteneurs
Terrasse
24.20 m²
SEJOUR
6.50 m²
CUISINE
3.65 m²
AMENAGEMENT EXTERIEUR
P1
G2
70.25m²
T3
^
-0.10
5.40 m²
SDB/WC
11.95 m²
Chambre
-0.10
27.55 m²
Cuisine / Salon
P14
Création de 2 terrasses privatives et plantations ponctuelles Construction de 9 garages en ossature bois, couverture en zinc à joints debout Aménagement de 14 places de stationnement dont 2 PMR Création d'une aire de stockage des conteneurs
P2
Création de 14 stationnements 12+2 PMR
G4
WC
6.45 m²
SDB/WC
2.60 m²
Création de 9 garages
P10
10.80 m²
6.10 m²
Chambre 2
TV
EDF
14.60 m²
CELLIER 6
CELLIER 5
Chambre 1
EU
VO
CHAUFFERIE Mise aux normes
CELLIER 3
Création d'un SAS
EU
CELLIER 4
CELLIER 2
Rue de la bière
P5
G5
Création 2 celliers
PORCHE
LOCAL MENAGE
caisson
CELLIER 1
Cloison démontable
Maintien accès
ECH.
DATE
nouvel aligneme
P1 P8
P7
G7
Respect du retrait d'alignement communal.
P9
nouvel eclairage public
G8
G9
Maintien zone végétalisée existante
- CREM - RÉSIDENCE "LES JONQUILLES"
Mise à disposition d'un local commun (ex-garage) Aménagement de celliers dont 2 optionnels
Aménagement d'un T2 et d'un T3 Création d'un SAS d'entrée (uniquement pose d'une seconde porte intérieure) Option : Remplacement porte d'entrée existante (+désamientage) Reprise de l'isolation des plafonds des parties communes Refection colonne ERDF
RDC DU BATIMENT
DETAIL PROJET
nt
projection cadastrale
Proposition APS provisoire
DETAIL PROJET
P9
G9
G8
G7
G6
0.00
ENTREE
DGT
-0.10
P4 P3
G3
P2
Création de 9 garages 7+2 accessibles
Création de 10 stationnements 8+2 accessibles
G4
245m²
Nouvelle zone desserte garages
P1
WC 2.60 m²
70.25m²
T3
^
6.45 m²
SDB/WC
5.40 m²
SDB/WC 6.50 m²
CUISINE
G1
PLAN MASSE
AMENAGEMENT EXTERIEUR
Création espace conteneurs
EU
eclairage public
44.70m²
OPTION :
Création aire de jeux enfants
reprise en sous oeuvre
Création ouvertures
anciens garages +menuiseries selon projet
Rebouchage baies
-0.10
52m²
Création jardin privatif
Création grande baie (ex celliers)
49.60 m²
< T2
Maintien accès 150m²
+ contournement piéton
Terrasse
cloture et portail
eclairage public
Maintien bande végétalisée existante
APS 1305
ECH.
Création de 2 jardins privatifs et de zones végétalisées Construction de 9 garages toiture végétalisée (2 structure maçonnés et 7 ossatures bois) Aménagement de 9 places de stationnement dont 2 PMR Construction d'un local de stockage des conteneurs (ossature bois et toiture végétalisée)
P1
G2
DGT 3.65 m²
Terrasse
24.20 m²
SEJOUR
-0.10
11.95 m²
Chambre
-0.10
27.55 m²
Cuisine / Salon
circulation piétonne type trottoir
40.90m²
Création jardin privatif
10.80 m²
6.10 m²
Chambre 2
TV
EDF
14.60 m²
CELLIER 6
Chambre 1
Création Cellier + local commun
EU
VO
CHAUFFERIE Mise aux normes
CELLIER 3
Création d'un SAS
EU
CELLIER 4
CELLIER 2
Rue de la bière
P5
G5
35.60m²
Création Zone végétalisée
PORCHE
CELLIER 5
OPTION : Création celliers
Création ouverture reprise en sous oeuvre
Aménagement de 2 logements + 9 garages
P6
G6
eclairage public
Extension zone végétalisée
98m²
Zone piétonne +accès stationnement
nouvel eclairage public
CELLIER 1
caisson
Proposition APS finale Cloison démontable
Maintien zone végétalisée existante
DATE
nouvel aligneme
nt
projection cadastrale
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Plan initial 1980s
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énergétique, création de sur-toiture, création de 2 logements…) rendant illisible la proposition et ne donnant aucune clé argumentative globale indiquant une orientation du projet. A la lecture du document, on se perd dans nombre de détails et redondances pour ne plus savoir au final ce qui est inclus ou non, à quel endroit… ni la teneur de la proposition qui est faite. Il s'agissait, pour l'entreprise, d'apporter au MOA les éléments lui permettant de faire ses choix de projet et qu'il « empile » les briques. Alors que ce que le MOA était en droit d'attendre, c'était un projet, répondant à ses besoins et attentes, et non une liste avec laquelle il devait ensuite composer lui-même son projet comme l'on fait ses courses. D'autre part, ce mode de présentation d'offre n'étant pas commun, le MOA était en incapacité de la comparer avec les autres projets qu'il mène par ailleurs, ou même de le mettre en lien avec la proposition concurrente, si ce n'est sur le montant total de travaux, une comparaison très réductive laissant une impression de grand flou au MOA rendu très méfiant envers l’offre. La plus-value de l'approche d'un architecte m'est donc apparue clairement lors de cette phase. Et l'entreprise n'est pas à critiquer dans son approche puisqu'elle applique ce qu'elle sait faire, en entrant dans le détail. Mais cela questionne plutôt la pertinence pour un MOA de se retrouver avec une entreprise mandataire dans le cadre de ces marchés CREM, puisque cette situation atteint assez rapidement ces limites et ne paraît pas être réellement vecteur d'un mieux pour le MOA. Je précise qu'il est question ici d'une entreprise certes importante -environ 80 salariésmais pas d'une majore tel qu'Eiffage, Vinci ou encore Bouygues avec lesquelles je n'ai jamais travaillé. Mais qui doivent, j'imagine, intégrer des profils ayant ces compétences spécifiques aux architectes sans que cela soit à mon avis plus profitable puisque cela doit alors engendrer d'autres problématiques : les architectes ayant à se confronter à des personnes de formation similaire mais défendant des intérêts privés bien souvent ne convergeant pas avec l’intérêt général. L'ORAL DE PRÉSENTATION, L'OCCASION DE RECUEILLIR LES RÉACTIONS DU MAÎTRE D'OUVRAGE SUR LE PROJET ET D'ENCORE MIEUX COMPRENDRE LES ATTENTES QUE L'ON A VIS À VIS DE L'ARCHITECTE ET DE SON RÔLE Dans le cadre de cet exercice, j'ai encore pu me confronter à des situations que je n'avais pas forcément imaginées de la sorte. En tant qu'architecte nous revenait la présentation globale du projet, que nous avions remaniée tant que faire ce peut afin d'en clarifier la lecture. Les entreprises et le mandataire intervenaient ensuite pour présenter des zooms et précisions techniques et organisationnelles sur des points spécifiques tels que l'amiante, la durée du chantier et son organisation générale… Suite à cette présentation, les deux AMO ainsi que le MOA représenté par un certain nombre d'intervenants nous ont signifié la difficulté qu'ils avaient eu à lire notre offre et à la comprendre,
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ce que nous avions pressenti. Se sont ensuite succédées les premières questions dont la teneur a pu me surprendre. En effet, elles me paraissaient être des questions qui auraient déjà dû être clarifiées lors de l'établissement du programme d'un tel projet, le MOA étant professionnel et secondé par deux AMO professionnels eux aussi. Par exemple, le fait qu'il faille ou pas respecter les règles d'accessibilité pour les deux logements aménagés au RDC. Cela a donc été pour moi l'occasion de bien prendre conscience que même si le MOA est professionnel, il est important d'avoir la pédagogie et la rigueur dont j’avais fait preuve avec des MOA non professionnels par le passé, pour garantir qu'ils aient les bonnes informations et qu'ils respectent leurs obligations et accèdent à leur droit. En outre, j'ai pu me rendre compte que malgré la variété des membres de l'équipe (entreprises, bureau d'études…) les questions touchant à ce que l'on pouvait faire ou ne pas faire et au respect des règles étaient posées à l'architecte, vu comme le garant et le sachant sur ces questions. Ce sont des éléments et des réponses qui me paraissaient à tort tomber sous le sens, je n'avais donc pas particulièrement préparé ce type d'information et alors que je maîtrisais les questions d'accessibilité, de règle d'urbanisme et de construction, les éléments liés aux questions de sécurité incendie étaient pour moi moins clairs. Le mandataire connaissant bien le sujet a donc répondu seul à la question. Mais cette expérience m'a permis de bien comprendre les enjeux d'un tel oral et le rôle que doit y jouer l'architecte, notamment au sujet de ces points réglementaires pour à l’avenir être mieux préparée. LA NÉCESSITÉ « D'OPTIMISATION » DU PROJET VERS L'OFFRE FINALE La première offre, nous le savions ne correspondait pas au budget prévisionnel du MOA puisque le montant de travaux dépassait de 10 % le budget prévu sans compter le coût d'exploitation qui dépassait de presque 70 % le montant prévu. Ces deux écarts s'expliquaient différemment : L'écart concernant les travaux correspondait notamment à la proposition que nous avions faite concernant les espaces extérieurs et leur requalification, qui comme le maître d'ouvrage l'a souligné lors de l'oral, était réellement qualitative et l'intéressait beaucoup. Mais cela induisait des travaux très coûteux, notamment le désamiantage des enrobés sur une grande surface. Le second écart tenait dans le fait que le MOA avait donné un cahier des charges type, concernant l'exploitation et la maintenance, qui n’intégrait pas l'échelle du projet mais s'appliquait plutôt à la gestion de résidences de centaines de logements. Il était donc détaillé un certain nombre d'éléments de suivi très coûteux mais pas nécessaires ici. Nous avions alors fait une proposition à titre informatif beaucoup plus allégée. Et lors de l'oral, l'AMO a confirmé que cette question de la performance et de son suivi n'était pas une priorité absolue et ne nécessitait pas un budget tel et
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qu'il valait mieux privilégier d'autres travaux dans les logements et les abords. Afin d'atteindre des baisses importantes du coût final de l'offre, il était donc nécessaire de revoir le projet et donc de « l'optimiser ». J'ai alors dans un premier temps eu l'impression que l'on faisait l'impasse sur certains points qui me paraissaient importants et que l'on nous demandait l'impossible, à savoir de trouver des solutions moins coûteuses mais à qualité équivalente. Ce qui m'a alors poussée à approfondir deux réflexions : Tout d'abord le fait que de proposer un projet, certes très qualitatif mais hors budget, conduisait assez logiquement à ce que le MOA indique qu'il souhaite voir réaliser ce projet qualitatif auquel il n'avait pas pensé et qui résolvait nombre de problèmes de gestion de son bien. Mais pour autant le MOA ne pourra qu'augmenter marginalement le budget global et qu'il va donc falloir trouver des solutions moins coûteuses. Ce dont il est préférable d’avoir conscience en amont pour anticiper ses attentes. Ensuite, l'entreprise mandataire ayant déjà par nature une certaine tendance à « l'optimisation » économique du projet, elle se trouve alors très à l'aise pour le «déshabiller», en ayant tendance à se découvrir des capacités et un jugement architectural lui permettant de proposer tout un tas d'idées beaucoup moins coûteuses ! C'est alors à l'architecte de contrer cette tentation afin de contenter les attentes du mandataire sans pour autant dénaturer le projet. C'était au départ assez difficile pour moi d’accepter les modifications à réaliser puisqu'il me paraissait que l'on nous imposait un affaiblissement général de la qualité des prestations et donc du projet. Mais en regardant comment mon tuteur gérait les sollicitations et les grandes idées d'optimisation du mandataire j'ai compris que c’était une étape à laquelle on ne pouvait couper sans risquer d'affaiblir notre position, puisque nous aurions alors été les architectes de l’équipe en incapacité de rebondir, de chercher des alternatives. J’ai pu constater, qu'au contraire, il était essentiel d'intégrer les attentes du MOA et de répondre aux sollicitations du mandataire en évaluant les latitudes que le projet nous permettait sans pour autant le dénaturer. J'ai alors bien compris qu'il était nécessaire en tant qu'architecte de toujours avoir une longueur d'avance sur le projet afin d'être en capacité de proposer des solutions équivalentes à la proposition initiale tout en répondant aux nouvelles exigences des uns et des autres sans pour autant dénaturer le projet. Et que concernant certains points, comme j'ai pu l'évoquer au démarrage du projet, il est nécessaire de rester ferme et intransigeant au risque de ne plus du tout maîtriser le projet et sa qualité. La capacité de persuasion et de pédagogie sont alors essentielles pour que tous comprennent l’intérêt qu'il y a à maintenir tel ou tel élément de projet.
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PLUS DRUOT - LACATON - VASSAL
HI ARC REF!
LES GRANDS ENSEMBLES DE LOGEMENTS, TERRITOIRES D’EXCEPTION
La réhabilitation du logement social et notamment le futur des Grands Ensembles pose question depuis un certain nombre d’années. En 2004, à la demande du ministère de la culture, l’équipe Druot-Lacaton&Vassal conduit une étude alternative à la démolition des grands ensembles. Cette démarche vient alors alimenter le débat à une époque où le financement de la construction de nouveaux logements sociaux était conditionné à la démolition préalable d’une partie de l’existant. Il s’agissait alors pour les architectes de démontrer que des alternatives existaient à cette systématisation de la démolition et que tous les Grands Ensembles ne devaient pas tous disparaître mais qu’il était possible de les réhabiliter, en leur apportant plus : plus de lumière dans les logements, plus d’espace, plus de confort, de meilleures parties communes... Et cela en restant dans le budget prévu dans le cadre du projet de démolition/reconstruction. Suite à cette étude, un premier projet emblématique a été réalisé par l’équipe : la réhabilitation de la Tour Bois le Prêtre (terminée en 2011). L’Opac, gestionnaire du bien, lance alors un concours international (2005) car il veut pouvoir expérimenter cette idée qu’un projet de réhabilitation de la tour coûtera moins et sera meilleur qu’une démolition reconstruction. Ce concours gagné par l’équipe a abouti à la réhabilitation de 96 logements et un passage de surface de plancher de 8900 m² à 12 460 m², le tout pour un coût de 11.25 M €HT. Le projet comprenait aussi le réaménagement d’espaces extérieurs, des parties communes... Si on répartit ce coût par logement pour visualiser l’ampleur de l’investissement on aboutit à 117 000 € HT/logement, soit un coût évalué comme bien inférieur au coût d’un projet de démolition/reconstruction. Pour autant, ce raisonnement est à manier avec beaucoup de précaution : l’ensemble des informations vient du site de l’agence Lacaton et Vassal, pour autant comme toujours, on ne sait jamais réellement ce qui est inclus et surtout ce qui est exclu de ces chiffres. Et c’est un tout autre sujet mais concernant ce type de projet où le coût est un argument prépondérant de la pertinence de la démarche, plus de transparence serait la bienvenue afin de valider le propos initial de gain, tel que j’ai pu le calculer plus haut. Pour autant je tiens à souligner que cette agence et notamment dans l’étude PLUS ainsi que dans le cadre d’autre projets fait apparaître des tableaux de coûts, de budgets... Pour illustrer ses projets, et c’est assez rare pour le souligner. Malheureusement la présentation de la Tour Bois le Prêtre n’a pas bénéficié de cette «transparence».
70 EXTRAIT DE LA PARTIE 3 «CATALOGUE» : SALLE DE BAIN +
EXTRAITS DE LA PARTIE 3 «CATALOGUE» : PALIERS + ET CUISINES +
71 DRUOT Frédéric, LACATON Anne, VASSAL Jean-Philippe, PLUS, les grands ensembles, territoire d’exception, G. Gilli, Barcelone, 2007. Toutes les illustrations de cette page sont issues de cet ouvrage.
Cette étude, sa concrétisation et les autres projets qui en ont découlé m’ont donné à réfléchir et à me questionner. Je souhaite tout d’abord souligner que je suis particulièrement sensible à l’idée que dans le cadre de sa pratique professionnelle, un architecte puisse s’octroyer la possibilité de participer à des études telles que celle-ci. Et dans ma pratique future, je souhaiterai en avoir l’opportunité. Mais apparaissent alors des questions : cette étude leur a-t-elle été spécifiquement commandée à eux, du fait de leur travail connu et reconnu? Dans quelle mesure l’architecte «anonyme» peut accéder à ce type d’études financées? Est-il voué à se questionner, mener «ses» études par ses propres moyens? Quand bien même je n’ai pas les réponses à ces questions, je peux les supposer. Il m’apparaît alors essentiel dans ma pratique future de m’inscrire dans une dynamique qui viserait à permettre à la structure d’assumer la conduite de réflexions, de recherches, qui viendraient nourrir l’activité de maîtrise d’œuvre conduite par ailleurs. Il s’agit peut-être d’un objectif facile à formuler mais difficile à réellement appliquer mais je souhaiterai le tenter! Pour en revenir à ces projets emblématiques tels que la réhabilitation de la Tour Bois le Prêtre, elle est l’aboutissement de cette étude conduite auparavant, et la manifestation des problématiques et questionnements engendrées par le contexte et les politiques alors en place. La concrétisation d’un tel projet est totalement conditionnée à la situation d’alors. Or les répercussions et le message véhiculé va bien au-delà. En effet, le chantier s’est terminé six ans plus tard, et le projet a été récompensé par l’équerre d’argent. Entre temps les politiques ont changé, les réflexions et orientations des projets évoluées... Mais cette image reste avec tous les raccourcis qui l’accompagnent : les architectes peuvent proposer des projets de réhabilitation pas chers et très qualitatifs, alors qu’ils le fassent! Cette affirmation n’est pas fausse, mais sans le contexte qui la sous-tend, elle devient hors propos. En effet, dans le cas de cette tour, certes l’économie affichée est importante du fait que l’on parte d’une démolition-reconstruction. Mais pour autant le coût par logement reste supérieur à 100000 € HT (d’après mon calcul «réducteur»). Aujourd’hui, on peut donc se demander si cette démarche qui venait alors contrer une politique aberrante obligeant la démolition systématique pour reconstruire, en démontrant que la démolition n’était pas LA solution, n’a pas conduit à sa propre «perte». En effet, les politiques ont aujourd’hui évolué, et les positions des bailleurs sociaux aussi : l’on ne démolit plus simplement pour obtenir des financements de reconstruction mais plutôt en inscrivant cet acte dans un projet global et cohérent à plus grande échelle. Mais qui aujourd’hui peut se targuer de proposer des budgets de réhabilitation de logements sociaux en y faisant
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Séquence de photos et perspective du projet réalisés par l’équipe Druot-Lacaton&Vassal.
« LA CONSTRUCTION DE CES ENSEMBLES IMMOBILIERS A PERMIS DE MÉTAMORPHOSER LES CONDITIONS DE LOGEMENT DE MILLIERS DE GENS ET GARANTI LE PASSAGE D’UN ÉTAT D’INSALUBRITÉ À UN ÉTAT DE DÉCENCE. QUARANTE ANNÉES PLUS TARD, LA DÉCENCE NE DOIT PAS ÊTRE UN MAXIMUM. LE LOGEMENT DOIT AVOIR COMME OBJECTIF LE PLAISIR D’HABITER ET NON PLUS SA MISE EN ATTENTE, TROUVER LES CORRESPONDANCES SIMPLES AVEC DES BESOINS SOCIAUX ET FAMILIAUX CONTEMPORAINS, ÊTRE UNE FACILITÉ POUR LES HABITANTS. » EXTRAIT DU TEXTE DE CONCOURS POUR LA RÉHABILITATION DE LA TOUR BOIS LE PRÊTRE, DRUOT LACATON VASSAL, 20006.
Photo Fredéric Druot
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apparaître les coûts évités par rapport à une situation de démolition-reconstruction comme argument. Pour autant cette image de la Tour réhabilitée reste ! Et véhicule avec elle une somme d’informations potentiellement contre-productives : elle laisse à voir que l’on peut réhabiliter une tour de logements sociaux et aboutir à ce type de projet, mais ne peut véhiculer le contexte dans lequel ce projet a été possible. Alors qu’il est inenvisageable aujourd’hui pour un bailleur social de conduire des opérations de réhabilitation en y investissant 100 000 € / logement. A moins qu’il souhaite réaliser une opération «exemplaire», visant d’autres objectifs liées à l’image, la communication des ambitions de son organisme... Mais cela n’est en aucun cas une généralité. L’ensemble du parc social en cours de réhabilitation ne monopolisant en moyenne que 60 000 €HT /logement pour les plus ambitieux. Tout cela pour souligner l’importance qu’il y a en tant qu’architecte à se documenter, à connaître les démarches menées par les uns et les autres, les opérations «emblématiques» portées par les bailleurs sociaux par exemple. Et ce pour être en capacité de mieux comprendre son propre maître d’ouvrage, ses intérêts, les orientations qu’il prend, les réactions qu’il peut avoir, en les mettant en lien avec ces projets, études dont il peut avoir connaissance... pour ainsi lui apporter une vision plus complète du projet et du contexte dans lequel il s’inscrit, des budgets qui lui sont associés. Et ce afin d’éviter les quiproquos et raccourcis qui pourraient découler d’une vision trop partielle de tel projet ou telle démarche. Et au-delà de renforcer nos capacité de conseils et de pédagogie envers nos maîtres d’ouvrage, il s’agit aussi de nourrir notre pratique, d’engager des réflexions, de se questionner sur ses propres intentions et projets.
Je souhaite pour finir préciser que j’ai pris pour exemple cette étude et ce projet afin d’illustrer mon propos mais que je pense qu’il est transposable à un grand nombre d’autres situations. Considérant le travail réalisé par cette équipe sur ce sujet particulièrement intéressant, je souhaitais pouvoir l’évoquer dans ce mémoire.
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4.2 LES POLITIQUES PUBLIQUES D’AMÉLIORATION DE L’HABITAT RÔLE DE L’ARCHITECTE PARTENAIRE DE LEUR MISE EN ŒUVRE - PARC PRIVÉ À VOCATION SOCIALE
Concernant cette question des politiques d’amélioration du parc privé à vocation sociale (principalement), l’approche est différente que l’on intervienne dans le cadre d’une opération très limitée à un bâtiment, ou groupe de bâtiments ou bien qu’il s’agisse d’un grand territoire et d’une intervention en diffus, logement par logement. Ci-après sont donc présentées deux situations auxquelles j’ai été confrontée : tout d’abord la question des copropriétés en difficultés, dans le cadre de mon travail à l’agence ASUR, puis une opération que j’ai conduite auparavant à Habitat et Humanisme. L’échelle des projets est bien différente entre un groupe de 250 à 300 logements et la réhabilitation d’un seul logement, pour autant, leur déroulement est comparable du fait qu’ils soient financés par des politiques publiques au processus similaire quelle que soit l’échelle du projet. Mais alors que le principe général de développement de ce type de projet reste le même, selon leur échelle la pertinence et la place d’une mission d’architecte peut poser question. J’ai donc tenté, dans le cadre de ces exemples, d’identifier quelle était la pertinence et la plus-value apportée par l’architecte et dans quel cadre il serait soutenable pour lui d’intervenir.
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GRANDES TERRES DES VIGNES Type de projet Réhabilitation Énergétique échelle 3 bâtiments mitoyens de 300 logements MOA Copropriétaires représentés par syndic Type de Marchés publics pour les études marchés Marchés privés pour les travaux Type de DIAG + BASE + ECO > Grand Lyon mission DET + OPC > copro Phases suivies Aucune, opération terminée
GRANDES TERRES Réhabilitation Énergétique 3 bâtiments mitoyens de 247 logements Copropriétaires représentés par syndic Marché privé Validées par phases : DIAG + BASE + ECO reste à valider : DET + OPC PRO DCE
Programme Isolation thermique extérieure, Réfection et isolation des toitures terrasses, Remplacement des menuiseries extérieures + VR, Amélioration de la ventilation naturelle, Amélioration du système de chauffage, Contrat de chauffage avec engagement de résultats.
Isolation thermique extérieure, Réfection et isolation des toitures terrasses, Remplacement des menuiseries extérieures + VR, Amélioration de la ventilation naturelle, Amélioration du système de chauffage + remplacement corps de chauffe logements, Fermeture des coursives extérieures par vitrage fixe.
Budget MOA 6 400 000 € HT (DGD)
Prévisionnel APD validé : 6 300 000 € HT
Durée de 4 ans opérationnels En cours depuis 2011 l’opération (une dizaine d’années depuis le lancement du PLS)
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COPROPRIÉTÉS EN DIFFICULTÉS
HI ARC R ASU
UN ACCOMPAGNEMENT AU LONG COURS VERS UNE RÉHABILITATION ÉNERGÉTIQUE Depuis quelques années et notamment depuis la conduite d’une des premières opérations de ce type en région lyonnaise, l’agence intervient sur différentes projets soutenus par des dispositifs publics. Elle est aussi de plus en plus sollicitée par des copropriétés « classiques » souhaitant principalement faire réaliser des travaux d’amélioration des performances énergétiques. Bien que n’ayant que peu travaillé sur ces opérations (uniquement sur la phase PRO DCE), j’ai souhaité m’intéresser à la chronologie de deux d’entre elles, l’une terminée et l’autre en cours sur laquelle j’ai travaillé. Ces deux copropriétés ayant été construites par le même architecte à la même période, elles sont très proches et les problématiques liées au déroulement du projet peuvent donc s’avérer similaires sur certains points. La première opération, Grandes Terres des Vignes, s’inscrit dans le cadre d’un dispositif public exceptionnel mis en place par le Grand Lyon en 2003. Il s’agissait du premier Plan Local de Sauvegarde de la région lyonnaise visant à sortir une copropriété en grandes difficultés de la spirale descendante dans laquelle elle se trouvait depuis un certain nombre d’années. En effet, construite au cœur du quartier des Minguettes, les difficultés se sont multipliées au fil du temps engendrant une baisse importante du prix de vente des logements, aggravant la paupérisation des copropriétaires qui ne pouvaient alors plus réaliser les travaux nécessaire au maintien des bâtiments en bon état. Dans le cadre de ce premier PLS, le Grand Lyon s’est associé à l’Anah, à la Région Rhône-Alpes, à la ville de Vénissieux ainsi qu’à Procivis pour permettre l’aboutissement de l’opération. L’agence a alors été retenue pour mener un diagnostic technique puis les études financées en totalité par les pouvoirs publics alors que la DET et l’OPC ont été pris en charge par la copropriété. Concernant la seconde opération, Grandes Terres, elle est en cours, en phase consultation des entreprises. Celle-ci bénéficie des financements de droit commun classique, n’étant pas concernée par un dispositif tel qu’un PLS du fait de sa situation moins préoccupante. Ces deux opérations, dont les processus diffèrent ont pour autant des points communs quant au rôle que doit jouer l’architecte notamment dans son rapport au maître d’ouvrage qui n’est pas professionnel et « multiple ».
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CHRONOLOGIE DE L’OPÉRATION GRANDES TERRES DES VIGNES - 2003/2014
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CHRONOLOGIE DE L’OPÉRATION GRANDES TERRES - 2011/ -
81 APPORTS DE LA MISSION GÉNÉRALE Tout d’abord, me plonger dans le déroulement d’une opération terminée a été l’occasion de nourrir mon travail sur l’opération en cours, les deux copropriétés ayant de nombreuses similarités. Tout comme le fait de retracer l’historique de l’opération en cours m’a permis de mieux comprendre le déroulé actuel du projet pour ainsi m’inscrire à la suite du travail déjà réalisé. Plus généralement, c’était la possibilité de suivre le déroulement de ce type d’opérations concernant les copropriétés. Le travail sur le PRO DCE de l’opération en cours a été très intéressant aussi notamment au niveau des échanges avec le Contrôleur Technique, concernant en particulier le respect de l’IT249 en façade et les interprétations qui peuvent en être faites.
L’ENGAGEMENT NÉCESSAIRE DE NOMBREUX INTERVENANTS VERS LA RÉUSSITE DE CE TYPE D’OPÉRATIONS
La région Lyonnaise compte un grand nombre de grandes copropriétés construites dans les années 1960 et 1970 et nécessitant aujourd’hui de lourds travaux afin d’en garantir la pérennité en améliorant le confort de ses habitants. Or les copropriétés les plus importantes sont souvent situées dans les nouveaux quartiers développés à cette époque, dans le même temps que l’essor des grands projets de logements sociaux. Les habitants de ces copropriétés ont pour la plupart peu de moyens, ce qui rend difficile le maintien de leurs biens en bon état du fait de l’ampleur des travaux qui sont aujourd’hui à réaliser. L’État et les collectivités locales se sont donc massivement engagés dans la conduite d’opérations de rénovation urbaine d’ampleur depuis déjà de nombreuses années, notamment avec son agence l’ANRU. Pour ce qui est des copropriétés, l’Anah, ayant pour mission l’amélioration du parc privé de logements, est mobilisée pour permettre aux collectivités locales de mettre en œuvre des dispositifs adaptés aux situations qu’elles rencontrent. Il s’agit alors de mettre en œuvre des OPAH (Opération Programmée de Rénovation de l’Habitat) avec un volet copro dégradées ou encore des Plans de Sauvegarde. Ce dispositif a été mis en place pour la première fois sur le Grand Lyon sur l’opération de rénovation de la copropriété Grandes Terres des Vignes. L’agence intervient par ailleurs aujourd’hui dans le cadre de plans de sauvegarde mis en place à la suite de cette première expérimentation, notamment à Saint Fons et Saint Priest. Le caractère expérimental du premier plan de sauvegarde et la complexité de la situation de la copro Grandes Terres des Vignes avaient conduit le Grand Lyon à des mesures exceptionnelles telle que la prise en charge complète des études par les partenaires publics, ce qui n’a plus été le cas pour les autres dispositifs. Il s’agissait alors de soutenir et garantir la réussite de cette première opération afin de convaincre de la pertinence de ce type de dispositif pour pouvoir ensuite les généraliser sur l’agglomération, comme cela a été le cas. Il faut rappeler que ces plans de sauvegarde sont animés par des opérateurs associatifs agréés pour accompagner les habitants en difficultés socio-économiques dans leur projet. Ce sont eux
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qui ont alors une connaissance fine de chaque situation des ménages afin de configurer les demandes de financement les plus adaptées possibles. En région lyonnaise, le groupe Procivis (ex Crédit Foncier) est encore actif et permet grâce à ses filiales concurrentielles de financer des missions sociales. Ces missions ont pour but de donner accès, aux propriétaires occupants très modestes, à des prêts sociaux alors qu’ils sont très difficilement éligibles aux prêts classiques. Cet organisme, associé aux collectivités permet alors aux copropriétaires de bénéficier de ces prêts afin de financer leur reste à charge, garantissant ainsi le financement complet des opérations. Cette liste des partenaires publics et privés mobilisés dans le cadre de ces projets, bien qu’elle soit non exhaustive, démontre de leur diversité. Chacun ayant une mission spécifique à remplir. Sans pour autant que l’architecte soit en contact avec l’ensemble de ces partenaires de façon régulière, il est primordial pour lui d’avoir conscience de l’ensemble du dispositif dans lequel sa mission est conduite. En connaissant la mission et les contraintes de chacun, il peut alors garantir que le déroulement de ses missions n’aille pas à l’encontre du travail mené par les autres intervenants. Il s’agit, par exemple, d’être en capacité de définir et d’adapter la configuration des moments d’échanges selon le niveau d’avancement du projet pour mobiliser les bons interlocuteurs. Et lorsqu’une information manque, ou qu’une difficulté apparaît, il s’agit alors de savoir vers quel interlocuteur se tourner, en les considérant comme des partenaires à part entière bien qu’ils ne fassent pas partie à proprement parler de l’équipe de MOE. Sans cette nécessaire coopération entre tous, les missions de chacun déjà complexifiées par la difficulté de ce type d’opérations deviennent alors encore plus difficiles à mener.
UN MAÎTRE D’OUVRAGE « MULTIPLE », L’ENJEU DE COMMUNIQUER POUR TOUS ET GAGNER LA CONFIANCE DE CHACUN
On peut le voir sur la chronologie de Grandes Terres des Vignes, le seul lancement du dispositif PLS, avant même d’entrer en phase opérationnelle prend deux ans du fait des procédures préopérationnelles et de la définition de la convention dans laquelle chaque partenaire s’engage précisément ; Ces démarches induisant des validations politiques dont on ne maîtrise que peu le calendrier. Puis, une fois le dispositif en place, il faut alors mobiliser l’ensemble des copropriétaires dans un projet commun alors même que certains, voire la plupart selon les copropriétés, ont des préoccupations plus «urgentes» du fait de leur précarité personnelle. Ils n’ont pas alors les moyens de s’engager dans des projets de cette ampleur sur des temps longs, n’ayant qu’une visibilité
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réduite de leur avenir, rendant une projection à moyen et long terme très difficile à envisager. En tant qu’architecte, il est important d’avoir conscience du rôle qui nous revient dans la mise en mouvement de chacun puisque nous intervenons et apportons notre expertise, nos conseils et notre vision pour les projets à venir et leur mise en œuvre. Les copropriétaires doivent avoir pleine confiance en notre travail et nos intentions. Il est donc essentiel d’avancer à leur allure en faisant preuve de pédagogie pour s’adapter aux connaissances de chacun puisqu’ils ne sont pas tous au même niveau sur le sujet. Pour la seconde opération, ce sont les copropriétaires qui ont contacté l’agence et il est intéressant de souligner qu’ils souhaitaient pas une mission complète à valider dès le départ mais bien un processus induisant différentes phases de projet dissociées. Pour eux c’était l’assurance de rester maîtres de leur projet et d’avancer à leur rythme. Reste alors à l’architecte à communiquer de façon claire pour présenter le processus qu’il compte mettre en place et les interactions qu’il prévoit d’avoir avec le maître d’ouvrage, les étapes de validation, les attentes qu’il aura de la part du maître d’ouvrage… L’enjeu étant dans la clarté et la transparence des informations transmises afin que les copropriétaires comme le syndic gestionnaire comprennent parfaitement dans quel projet ils s’engagent, le rôle qu’ils auront à y jouer et quel seront le contenu et les limites des missions menées par l’architecte. Cette démarche de clarté dans la présentation et l’encadrement de nos missions est bien sûr à conduire lors de chaque nouvelle opération. Pour autant, dans ce cadre-là, de par la multiplicité du maître d’ouvrage (bien qu’il soit représenté), l’exercice est particulier.
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PROPOSER AUX COPROPRIÉTÉS UNE MISSION DE DIAGNOSTIC, L’OCCASION D’ACCÉDER À DE NOUVELLES COMMANDES
Comme j’ai pu l’évoquer dans la partie 3 sur les missions que j’ai pu aborder, le diagnostic est une étape primordiale en amont des potentiels projets qu’il pourrait engendrer. Concernant les copropriétés, il s’agit d’une mission qui est encore trop peu confiée aux architectes au profit de bureaux d’études techniques. Alors que je suis certaine de la plus-value qu’apporte la vision d’un architecte sur ces copropriétés et les projets qui pourraient y être mis en œuvre. Puisqu’il va toujours au-delà des simples paramètres techniques et réglementaires pour englober l’ensemble des composants d’une situation existante afin d’en tirer le meilleur parti. Le gérant de l’agence souhaite d’ailleurs, dans les prochaines années, être en capacité de proposer aux syndics de copropriété et copropriétaires une formule de diagnostic permettant de rendre compte de l’état global de la copropriété et donnant déjà les pistes et orientations d’un potentiel futur projet de rénovation. Ces diagnostics, dissociés d’une mission d’études future, permettraient à l’agence de nouer une relation de confiance avec les maîtres d’ouvrage en leur apportant tous les éléments leur permettant ensuite de décider s’ils souhaitent poursuivre le projet et sous quelle condition. Ouvrant ainsi la possibilité d’accéder à de nouvelles commandes à plus longue échéance.
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ZOOM PRATIQUE :
LA MAÎTRISE DU CADRE RÉGLEMENTAIRE PAR L’ARCHITECTE, PRIMORDIALE POUR GARDER LA MAIN SUR LE PROJET Concernant l’opération en cours, j’ai eu l’occasion d’en réaliser les plans et détails de PRO DCE sous la supervision du gérant et en collaboration avec l’économiste de l’agence. Le plus intéressant a été pour moi l’ensemble des échanges avec le contrôleur techniques concernant le respect de l’IT 249 en façades, du fait « d’interprétations divergentes ». J’ai tout d’abord participé à une réunion préliminaire avec le CT en présence du gérant et de l’économiste. Réunion lors de laquelle je me suis familiarisée avec un certain nombre de notions, réglementations et documents qui m’étaient très peu familiers, n’étant auparavant jamais intervenue sur des façades de bâtiments collectifs. Mais malgré ma méconnaissance des différents sujets, j’ai très rapidement compris que de nombreuses positions et préconisations du CT pouvaient être sujettes à discussion puisqu’elles différaient d’un CT à l’autre et d’un projet à l’autre, alors même que les situations étaient similaires. Ici il s’agissait de la gestion des C+D en façade du fait que les bâtiments étaient classés en 3ème famille B et 4ème famille. Il fallait alors traiter les différents cas. Lors de cette réunion, le CT a fini par nous proposer de lui fournir une première version de l’ensemble des détails afin qu’il donne son avis. Ce à quoi il a répondu en proposant des solutions très coûteuses et qui traduisaient une posture de « sur-protection » qui certes devaient le rassurer dans son rôle puisqu’elles éliminaient totalement le risque. Pour autant, il nous apparaissait que cette opulence de matériaux à mettre en œuvre, au-delà d’augmenter le coût et le temps de mise en œuvre, n’était pas proportionnelle à ce que le cadre législatif préconisait mais allait bien au-delà. Nous avons donc travaillé au dessin de solutions intermédiaires répondant aux exigences de l’IT249 tout en limitant la complexité de mise en œuvre. Il a encore fallu de nouveaux échanges argumentés pour que le CT nous accorde que ces solutions entraient dans le cadre à respecter. Cette situation m’a démontré à quel point il était nécessaire, en tant qu’architecte, d’avoir une connaissance fine du cadre réglementaire et de ne pas avoir peur de contredire et questionner jusqu’à obtenir une réponse qui nous satisfasse. C’est parfois l’ensemble du projet qui en dépend et il n’est pas envisageable de laisser ces éléments être décidés et définis sans notre intervention. Quand bien même je suis bien consciente que l’on ne peut pas être partout et tout maîtriser, il est essentiel d’avoir connaissance des points particuliers qui pourraient poser problème pour être en mesure d’y porter une attention particulière.
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Entrée du logement avant et après travaux.
Type de projet Réhabilitation complète et conventionnement Anah à loyer très social échelle 1 logement de 80m² dans un immeuble ancien (Lyon 6) n’ayant subi quasiment aucuns travaux ces 50 dernières années. Immeuble en ex nue-propriété partagée entre les enfants (certains y habitent et d’autres louent leur bien). MOA Particulier vivant en région parisienne souhaitant mettre son bien à disposition de personnes en difficultés. Type de marchés Marché privé Type de mission Assistance à Maîtrise d’Ouvrage administrative, technique et financière Phases suivies Faisabilité > finalisation des demandes de paiement des subventions Programme Réhabilitation complète : distribution des pièces, électricité, plomberie (sauf SDB conservée), cloisons, revêtements, doublage partiel, menuiseries int./ext, sols... Coût 60 000 € HT de travaux Co-financement Au moins 80 % du coût de l’opération : Anah- Département- Grand Lyon + Région + ville de Lyon-PIG loyers maîtrisés Contre -partie Conventionnement logement loyer très social pendant 9 ans à 5,35€ /m² (moyenne arrondissement : 15 € /m²) Durée de Juin 2011 (premier contact) / octobre 2013 (clôture financière) l’opération
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ASSO A CBR
RÉHABILITATION D’UN LOGEMENT EN DIFFUS UN PROPRIÉTAIRE BAILLEUR SOUHAITANT QUE SON BIEN INTÈGRE LE PARC SOCIAL PRIVÉ DE LOGEMENTS A Lyon, l’association Habitat et Humanisme est complétée par Régie Nouvelle, une AIVS (Agence Immobilière à Vocation Sociale), ayant pour objectif de mettre à disposition de publics en difficultés des logements de bailleurs privés en plus des logements de la Foncière d’H&H. Afin de maintenir une offre diverse, le service du développement de l’habitat a pour mission, entre autres, de repérer et d’accompagner les propriétaires bailleurs vers la mise en location sociale de leur bien. Ce qui passe, pour certains de ces biens, par une réhabilitation complète du logement. C’est dans ce cadre que j’intervenais en tant que chargée d’opérations. Voici ici une opération que j’ai pu suivre dans sa quasi-totalité. APPORTS DE LA MISSION GÉNÉRALE Cette expérience de chargée d’opérations a été pour moi très formatrice puisque du fait de l’échelle des opérations et de leur nombre à suivre en simultané, j’ai pu très rapidement être confrontée à l’ensemble des phases d’une opération de réhabilitation de logement. C’était aussi l’occasion d’être autonome sur mes missions avec le soutien de mes collègues plus expérimentés. Le revers, s’il en est un, réside dans le fait qu’une opération à l’échelle du logement, induisait une mission très large, plus large que celle d’un AMO « classique » puisque il était aussi question de conception des projets et de leur gestion technique ainsi que de l’organisation et du suivi du chantier. Ce qui ne m’a pas forcément permis de bien différencier et faire le lien avec les missions classiques de chacun et leur répartition dans le cadre d’opérations plus importantes. J’ai pu m’y confronter sur certaines « grosses opérations », où une structure de MOI de l’association était alors le MOA, ce qui me renforçait dans mon rôle d’AMO et uniquement AMO avec la gestion des intervenants classiques d’une opération. Aujourd’hui après avoir suivi la formation HMO-NP, j’ai pu remettre chacun à sa place avec sa mission et me rendre compte qu’avec plus d’acquis théoriques notamment sur le droit de la construction et de l’urbanisme, les rôles et responsabilités de chaque intervenant, j’aurai pu aborder certaines de mes missions différemment, notamment concernant la contractualisation avec des entreprises générales.
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CHRONOLOGIE DE L’OPÉRATION
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90 PLANS : EXISTANT ET PROJET DE RÉHABILITATION 43 rue Molière R+2 Plan projet 19.11.2012 éch. 1/50
237
gardes-corps 89cm
440
Tel
TV
0.5 m²
Tel
421
sol parquet hsp : 3.25m
537
280,5
Ch.1 12.73 m²
Cuisine 7.42 m²
187,5
465 r+
vie
193,5
Branchement LL compteur electricité
év ac .é
Branchement LL compteur electricité
265
32 A 20 A ROAI
LV
hsp : 2.80m parquet déposé/ reposé
LV
h : 1.10m
hsp : 2.80m
283
Hall 11.17m²
h : 1.10m
h=1.10
h : 1.10m
SDB 3.48 m²
20 A
147
Alcôve 13.8 m²
486
Hall 10.2 m² 592
Cellier 1.9 m² 150 vmc sol parquet hsp : 2.80m
0.9 m²
0.9 m²
hsp : 2.80m
Pl 1.7 m²
compteur eau+gaz
compteur eau+gaz
descente d'eau montée d'escalier
garde corps obsoletes 190
283
HALL D’ENTRÉE : AVANT ET PENDANT LES TRAVAUX
évac.chaudière
Ch.2 11.0 m²
474
Chaudière gaz Cuisine 6.8 m²
552
Tel
descente d'eau
371
147
SDB 3.7 m²
h : 1.10m
hsp : 2.80m
190
126
sol parquet hsp : 3.00m
20 A
418,4
Séjour 18.5 m² 0.5 m²
537
Séjour 19.49 m²
440
237 Ch.1 12.7 m²
Ch.3 10.23 m²
sol parquet flottant hsp : 3.00m
245
Ch.2 11.54 m² sol parquet hsp : 3.00m
226,1
Tel
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L’INTÉRÊT D’ÊTRE FORMÉ À L’ARCHITECTURE DANS LE CADRE DE CES MISSIONS Du fait de l’ampleur du spectre des missions à mener dans le cadre de chaque projet, notamment administratives (montage et suivi des dossiers de subventions, des plans de financements…), les questions liées à l’espace, à l’aménagement des logements et les problématiques techniques pouvaient passer au second plan. En effet, d’autres priorités pouvaient être privilégiées. Je pense donc que le fait d’avoir été formée en école d’architecture apporte une capacité de lecture et d’appréhension des projets dans leur globalité, en y intégrant sans les minimiser les préoccupations de qualité spatiale, d’usage ou encore la valorisation patrimoniale d’un bien sans que cela vienne porter préjudice à la mission générale. Dans le cadre de ce projet il était nécessaire de repenser la distribution globale du logement afin qu’il soit en adéquation avec les exigences liées à un conventionnement social (adéquation surface/type notamment). La quasi-totalité des cloisons a donc été repositionnée. Par ailleurs, malgré les contraintes liées au conventionnement du logement et à sa réfection complète, il paraissait important de valoriser les qualités du bien. Par exemple en conservant le volume du salon et ses moulures, les sols en parquet, les portes de distribution (traitement au plomb avant repose)… L’ensemble de ces travaux a induit un travail et une attention supplémentaire à une intervention plus « basique ». Pour autant le maître d’ouvrage y a été sensible et a pu accepter les surcoûts que cela pouvait occasionner en comprenant qu’à moyen et plus long terme cet investissement ne serait pas vain.
POTENTIALITÉS ET LIMITES À LA MOBILISATION D’UN ARCHITECTE DANS LE CADRE DE CES OPÉRATIONS Je suis particulièrement sensible à ce type de projet puisque la finalité me paraît particulièrement positive. En effet, l’enjeu réside dans la répartition diffuse de logements à loyer modéré en centreville, permettant aux ménages modestes et très modestes d’accéder à ces quartiers dont ils ont été exclus. Ils bénéficient ainsi de la proximité des commerces, établissements scolaires, services, transports en commun, etc., et l’immeuble n’étant pas identifié bâtiment de logements sociaux ils échappent à une image négative de leur lieu de vie. Mais du fait de l’échelle et de la finalité d’une opération telle que celle-ci, il ne me paraît pas envisageable, car pas soutenable, tant au niveau économique qu’organisationnel de scinder la mission en dissociant l’AMO administratif et financier d’une mission de maîtrise d’œuvre à part entière. En effet, cela ne ferait que rendre l’activité pour chacun plus chronophage et difficilement solvable.
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CUISINE / CHAMBRE / SALON : AVANT ET APRÃ&#x2C6;S LES TRAVAUX
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On pourrait alors penser que la solution serait que l’architecte puisse réaliser l’ensemble de la mission AMO et MOE. Mais réhabiliter un logement en vue de le conventionner et de le faire gérer ensuite par une structure spécifique, tout comme le fait de réaliser une mission d’AMO ayant pour objectif d’améliorer l’habitat des personnes défavorisées, sont des missions soutenues par les pouvoirs publics et qui peuvent être conduites uniquement par des organismes à gestion désintéressée (hors structures HLM et autres structures spécifiques) titulaires d’un « agrément d’ingénierie sociale financière et technique » délivré par le préfet. Au-delà de cette limite légale, je pense que l’architecte sortirait alors de son rôle à vouloir intégrer l’ensemble de ces missions qui induisent notamment une connaissance très fine de l’ensemble des dispositifs publics, des modalités d’éligibilité, et une relation très étroite avec de nombreux partenaires publics et associatifs. Reste alors à l’architecte la possibilité d’intervenir sur des opérations concernant plus d’un logement à réhabiliter puisque dans ce cadre, du fait notamment d’une obligation de l’Anah d’avoir recours à un MOE indépendant une fois un montant de travaux dépassé, mais surtout du fait de l’ampleur des opérations, un architecte est alors mandaté. Il n’est, en effet, plus possible à l’AMO de tout faire, sa mission d’AMO à proprement parler étant alors trop dense pour envisager de gérer la dimension architecturale et technique du projet. D’autant plus si l’AMO n’a aucune formation en architecture. Ce sont des missions qu’il m’intéresserait de pouvoir conduire en tant qu’architecte et pour lesquelles le fait d’avoir une certaine connaissance du montage de ces opérations serait un réel atout et une certaine garantie pour les associations, que l’architecte réponde à leurs attentes dans le cadre de projets soumis à l’influence de nombreux paramètres liés aux subventionnement et conventionnement notamment.
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ZOOM PRATIQUE : L’IMPORTANCE DES ÉCHANGES AVEC LES ARTISANS LORS DE LA CONSULTATION Le déplacement de la cuisine au centre du logement, alors qu’aucune alimentation en ECS et évacuation des EU n’était possible par des gaines existantes, induisait une intervention technique spécifique : soit déposer le parquet pour le remplacer ensuite par un carrelage (hall et cuisine) ou alors démonter une partie du parquet pour faire passer les tuyauteries, pour ensuite le reposer et le tout sans que cela soit visible une fois le parquet reconstitué. Pour opter pour la meilleure solution il était nécessaire de discuter avec les artisans lors de la visite de consultation sur place. Ces moments ont toujours été pour moi extrêmement importants pour la bonne réussite du projet et notamment du chantier. En effet, c’est lors de ces échanges que les artisans pouvaient émettre des réserves sur certains points, proposer des solutions techniques... C’était aussi l’occasion de les questionner pour apprendre, et comprendre leur métier, les techniques de mise en œuvre… pour ensuite poursuivre les recherches si nécessaire et ainsi arbitrer en connaissance de cause. Dans ce cas précis, les premières réactions des artisans ont été que cela allait coûter trop cher puisqu’ils avaient l’habitude de travailler sur les chantiers d’HH et intégraient donc nos contraintes économiques. La pédagogie a alors été essentielle pour démontrer les avantages à déplacer cette cuisine pour une future location sociale, et plus largement au niveau de l’organisation du logement, afin qu’ils cernent que ce n’était pas une simple « lubie » mais bien une intervention qui avait un sens dans le cadre du projet global et la valorisation du logement. Il fallut ensuite discuter avec chacun pour savoir comment il s’y prendrait techniquement, au-delà du coût potentiel, et qu’il fournisse un devis pour cette prestation. Le menuisier et le carreleur ont proposé une solution qui les satisfaisait concernant la pose du carrelage en déposant le parquet et décaissant afin de créer une chape, garantissant une bien meilleure tenue avec le temps en évitant les problèmes liés aux mouvements du bois. Nous pouvions alors comparer les deux solutions : maintien du parquet ou dépose et carrelage. Et c’est lors de ces échanges que l’un des plombiers m’a signifié qu’il ne se sentait pas de réaliser cette intervention parce qu’il n’y était pas habitué et qu’il l’évaluait comme trop risquée pour lui. Je considère qu’il est alors très important d’entendre les réticences de chacun afin d’éviter d’embarquer dans un projet un intervenant qui n’est pas certain de sa capacité, quand bien même on est sûr qu’il puisse le faire, car le risque est de voir compromise la bonne réalisation du futur chantier. Pour finir nous avons pu tous nous rendre compte qu’entre la pose d’un carrelage ou la dépose/ repose du parquet l’écart n’était pas sensible. Il s’agissait surtout d’une intervention qu’ils ne faisaient pas couramment même si ce n’était pas pour autant très complexe. Une fois le chantier terminé, chacun était satisfait du résultat obtenu, ce qui reste l’essentiel pour envisager de futures mobilisations sur d’autres opérations.
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ASSO A CBR
4.3 AUTO-RÉHABILITATION ACCOMPAGNÉE [ARA] LE RÔLE DE L’ARCHITECTE VERS LA PARTICIPATION HABITANTE À L’ACTE DE RÉHABILITATION - PARC PUBLIC ET PRIVÉ À VOCATION SOCIALE La participation habitante peut prendre différentes formes mais je souhaite restreindre cette réflexion à la seule participation concrète des habitants aux travaux, en omettant les démarches de conception participatives, concertation à plus grande échelle… car je n’ai, dans mes expériences passées, été confrontée qu’à des démarches portées au niveau politique mais dont les moyens de mise en œuvre étaient très discutables et engendraient beaucoup de frustration et de déception auprès des habitants. Il s’agit donc ici de présenter une démarche que je connais pour l’avoir expérimentée chez les Compagnons Bâtisseurs (CB) : l’Auto-Réhabilitation Accompagnée (ARA) à destination de publics en difficultés socio-économiques. Sur la base de quelques exemples de configuration de chantiers je vais évoquer les principales problématiques que soulèvent ce type de démarches et tenter de définir quelle pourrait être la place de l’architecte dans ce cadre. Et ce en élargissant même à la position de l’architecte dans le cadre de projet d’ARA avec un public plus « classique ».
Les diverses plus-values que peuvent déclencher la démarche d’Auto-Réhabilitation Accompagnée développée par les Compagnons Bâtisseurs. Formalisation des principes présentés dans l’article « La valeur non financière des démarches d’auto-réhabilitation et d’auto-construction accompagnée », Sophie Cartoux directrice des CB Rhône-Alpes. Création graphique : Virginie GRANGER_2015.
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PRÉSENTATION DE LA DÉMARCHE D’ARA TELLE QUE DÉVELOPPÉE PAR LES CB Mon expérience associative au sein des Compagnons Bâtisseurs (CB), outre la confrontation au processus de montage et d’animation d’une politique publique d’amélioration de l’habitat, a été l’occasion pour moi de découvrir leur démarche qui s’articule autour de trois notions : Faire, Faire avec et Faire ensemble. • Faire / un geste technique : il s’agit de mobiliser les personnes dans la réalisation d’actions concrètes visant l’amélioration de leur logement avec l’aide d’un animateur technique professionnel. • Faire avec / un accompagnement humain et pédagogique : l’animateur technique organise la participation des personnes qu’il s’agisse des habitants, de bénévoles ou encore de jeunes volontaires en service civique. Chacun acquiert et transmet des connaissances techniques vers une plus grande autonomie dans l’aménagement et l’entretien de son logement. • Faire ensemble / un projet collectif et territorial : ces projets individuels viennent s’inscrire dans les démarches et projets territoriaux qui mobilisent alors de nombreux partenaires investis dans les politiques de l’habitat, de la cohésion sociale et de l’amélioration du cadre de vie. Un projet de chantier d’ARA s’articulant toujours à d’autres dimensions sociales et ou économique dans le cadre du projet de vie des ménages (accès aux droits, apurements de dettes locatives...). Cet outil, au-delà de l’amélioration des conditions d’habitat de ménages en difficultés socioéconomiques, peut aussi engendrer d’autres « externalités positives » telles que présentées dans la fiche ci-avant. Pour chaque personne, chaque situation, les objectifs liés au chantier sont définis avec le ménage accompagné en lien avec le travailleur social ou la structure d’accompagnement. Ils sont donc toujours adaptés et en adéquation avec la situation et les attentes de chacun. Il est aussi important de préciser que le mouvement des Compagnons Bâtisseurs a pu faire récemment modifier les modalités de financement de ce type de travaux par l’Anah. Aujourd’hui il est possible de différencier deux types d’ARA : la démarche à vocation sociale et la démarche à vocation économique. Un chantier peut viser ces deux grands objectifs, mais il faut bien comprendre que les objectifs visés par un projet d’ARA à vocation sociale n’est pas forcément l’économie et qu’un tel chantier peut s’avérer ne pas coûter moins cher mais s’aligner au coût d’un chantier conventionnel, l’accompagnement à mettre en place étant important pour atteindre les autres objectifs visés.
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DIFFÉRENTS TYPES DE PROJETS INTÉGRANT LA DÉMARCHE D’AUTO-RÉHABILITATION ACCOMPAGNÉE LES CHANTIERS LOCATAIRES / PARC PUBLIC SOCIAL
Les bailleurs sociaux co-financent des projets territoriaux visant l’accompagnement de leurs locataires dans un projet d’Auto-Réhabilitation Accompagnée. Projets qui incluent une intervention chez les habitants ainsi que l’animation d’un espace ou les habitants locataires ou non peuvent venir chercher des conseils, participer à des ateliers thématiques ou encore emprunter l’ensemble des outils nécessaires à des travaux réalisés en autonomie. Les bailleurs voient différents intérêts dans ce type de projets intervenant à la fois dans les logements et venant aussi animer la vie de quartier et renforcer le lien social : • Améliorer l’appropriation des logements par des locataires qui ne se sentent pas bien chez eux, • Renouer un lien qui s’était altéré avec des locataires, notamment des personnes en conflit avec le bailleur en rappelant les droits et devoirs de chacun, • Permettre aux locataires de plus mobiliser les contrats d’entretien concernant leur logement, • Créer du lien social dans un immeuble, une résidence, par les chantiers et l’entraide qui s’y développent, • L’atelier, ouvert à l’ensemble des habitants du quartier et plus largement encore vient recréer du lien et apporter aux personnes, n’ayant pas accès aux chantiers individuels, les outils et conseils leur permettant de se lancer seul grâce à l’outilthèque.
CHANTIER JEUNES / ACQUISITION RÉNOVATION BAILLEUR SOCIAL Nous avons expérimenté cette démarche sur Lyon dans le cadre de l’acquisition réhabilitation par un bailleur social de bureaux pour les transformer en logements. Il s’agissait, par le chantier, de permettre à des jeunes suivis par la mission locale de réaliser un Stage d’Expérience Professionnelle qu’ils ont beaucoup de mal à obtenir en entreprises. Puisque c’était une expérimentation
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développée par le service développant les projets à dimensions sociale du bailleur mais portée par le service opération, il a été difficile d’envisager une cohabitation des jeunes dans le cadre du chantier tel qu’initialement prévue. Le chantier « artisans » avaient donc été réceptionné en amont pour éviter les problèmes de responsabilité, l’une des problématiques majeures liées à l’ARA. Les jeunes ont donc dû intervenir pour poser faïences, poncer et mettre en peinture alors même que l’ensemble des appareillages et finitions avaient été réalisés, complexifiant énormément le projet et le rendant plus difficilement compréhensible pour eux (peindre alors que les sols et plaintes sont en place, poser la faïence alors que la porte de douche est installée, déposer les radiateurs et interrupteurs pour peindre...).
PARC PRIVÉ À VOCATION SOCIALE PROPRIÉTAIRES OCCUPANTS Dans le cadre notamment du PIG sur le Grand Lyon, il s’agit d’accompagner des propriétaires occupants qui ont besoin de réaliser des travaux importants chez eux, principalement concernant la performance énergétique. Selon le type de travaux à réaliser ainsi que l’éligibilité potentielle à des subventions, le projet est construit avec le propriétaire afin de définir quels travaux vont être réalisés avec lui et quels types d’artisans il faudra mobiliser. Les opérations peuvent être de plus ou moins grande ampleur et nécessiter l’intervention externe d’un maître d’œuvre / architecte mais la plupart des projets se font sans, concernant des travaux de type réhabilitation énergétique, d’un montant moyen de 10 000 € HT. AGRICULTEURS ISOLÉS Ce type d’action se développe en territoire très rural, où les agriculteurs ont tendance à orienter l’ensemble de leurs investissements sur les exploitations, au détriment de leur lieu de vie. Il s’agit donc d’encadrer la réalisation de chantiers de grande ampleur avec une participation des habitants et une entraide importante. Les chantiers dépassent souvent les 50 000 € HT de travaux (artisans et ARA confondus) et mobilisent quasi systématiquement un architecte ou maître d’œuvre.
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QUELQUES PROBLÉMATIQUES SOULEVÉES PAR L’ARA LA SURESTIMATION DE SES COMPÉTENCES ET CAPACITÉ À ENTREPRENDRE DES TRAVAUX Nombre de personnes ont au départ quelques réticences à se lancer dans ce type de projet mais ont la volonté de participer et un intérêt manifeste pour la démarche. Il est essentiel qu’elles ressentent de l’appréhension, signe qu’elles prennent conscience que la chose ne va pas être aisée. Cela garantit la réussite des travaux, les personnes surpassant alors leurs appréhensions pour s’engager dans une démarche d’apprentissage et de reprise de confiance en soi et en ses capacités. Il est donc important d’identifier avec la personne la juste part de travaux à laquelle elle pourrait participer. C’est lorsqu’une personne est extrêmement confiante en ses capacités qu’il est essentiel de rester vigilant pour évaluer les capacités réelles et la compréhension du projet. L’association était souvent contactée par de nombreuses personnes qui s’étaient engagées dans un projet pensant être en capacité de rénover complètement un bien récemment acquis alors qu’elles n’avaient absolument pas perçu l’ampleur d’un tel chantier. La démolition et le démontage étant des travaux d’apparence faciles à entreprendre, les personnes s’en emparent et vont ainsi rendre totalement inhabitable leur lieu de vie, en pensant pouvoir très rapidement tout refaire. C’est alors que les difficultés démarrent et ces situations sont ensuite très difficiles à contrer puisque le bien est impossible à revendre au prix auquel il a été acheté, les personnes n’ont plus les moyens de financer leur travaux, leur situation familiale se dégrade dans une spirale descendante. L’INTERVENTION DE L’HABITANT DANS LES TRAVAUX : QUID DES ASSURANCES ET RESPONSABILITÉS ? Il s’agit du problème le plus difficile à surmonter actuellement concernant ce type de projet où les habitants interviennent dans la réalisation de leurs travaux. Il y a d’ailleurs deux types de problèmes : - la participation du maître d’ouvrage aux travaux réalisés par un artisan rendent impossible le recours à la GPA, biennale et décennale. Selon le statut de chacun, si l’artisan fournit ou non les matériaux...l’artisan peut se retrouver en très mauvaise posture si un sinistre apparaissait. Le MOA pouvant se retourner contre lui alors qu’il a participé et peut-être créé le sinistre. Actuellement des groupes de travail réfléchissent à ces questions afin d’évaluer dans quelle mesure et sous quelles conditions les artisans pourraient garantir et assurer leur activité en intégrant la dimension d’accompagnement du maître d’ouvrage participant au chantier. Trouver une solution est important car aujourd’hui de plus en plus d’artisans se retrouvent dans ces situations en utilisant des latitudes et vides juridiques mais risquent beaucoup si un sinistre n’est pas réglé à l’amiable. - l’architecte dans le cadre de ces chantiers, où des non professionnels interviennent, doit
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limiter sa mission aux seules interventions professionnelles au risque d’être rendu responsable des malfaçons et sinistres engendrés par l’intervention du maître d’ouvrage. Or de nombreux professionnels souhaiteraient pouvoir accompagner des maîtres d’ouvrage dans ce type de projet et leur apporter conseils et expertises tout au long du chantier. Comme les artisans, certains le font « à leur risques et périls » mais il ne s’agit pas d’une situation confortable. Dans le cadre des projets menés par les CB, le chantier peut être suivi par l’architecte puisque l’association peut garantir l’assurance comme un artisan alors même qu’elle intègre la participation habitante. Pour autant elle est l’une des seules, ou la seule structure, à pouvoir garantir ces assurances, situation qui pourrait évoluer du fait du développement de ce type de chantier car la compagnie d’assurance donne une limite maximale de chantiers sur lesquels elle s’engage. D’où les groupes de travail actuels recherchant des solutions afin d’aborder plus sereinement le changement d’échelle à ce sujet. QUELS TRAVAUX RÉALISER EN AUTO-RÉHABILITATION ? Selon qu’il s’agisse d’un logement social public ou d’une intervention chez un maître d’ouvrage propriétaire occupant le champ des travaux réalisables en auto-réhabilitation diffère. Ainsi, n’étant que locataire d’un bien, seuls les travaux de responsabilité locative peuvent être réalisés par le locataire. Sauf projet spécifique développé avec un bailleur social par exemple, dans le cadre de chantiers plus importants et où les futurs locataires ont alors un statut particulier. Dans le cadre de travaux chez un propriétaire occupant, il s’agit alors d’évaluer quelles sont ses capacités et les risques pris à ce qu’il réalise tels ou tels travaux. Dans le cadre de l’accompagnement avec les CB, le principe était d’éviter bien sûr les travaux concernant le gros œuvre, mais aussi les fluides (plomberie, chauffage, électricité), et concentrer l’activité sur la mise en peinture, le doublage de mur, l’isolation thermique, le montage de cloisons… des travaux qui permettent d’acquérir des compétences facilement réutilisables par la suite.
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LA PLACE DES ARCHITECTES Lors de mon expérience passée, n’étant pas dans la position d’architecte, je n’avais jamais particulièrement réfléchi à de la place de l’architecte dans le cadre de ces projets notamment parce que dans les rencontres et temps d’échanges sur ces questions les architectes étaient quasi-absents. Maintenant que j’envisage d’exercer en mon nom propre je souhaite explorer plus précisément la question afin d’analyser la situation globale et comprendre dans quelle mesure un architecte peut intervenir sur ces projets et aussi identifier les limites de ses missions, et qui les fixeraient. Je ne vais pas pouvoir éclaircir totalement la question ici mais je souhaite initier la démarche que je poursuivrais ensuite puisque je n’envisage pas d’exercer dans ce cadre-ci sans avoir évalué auparavant l’ensemble des problématiques, risques et modalités de conduite de ce type de missions. PROJETS DANS LE PARC PUBLIC Dans le cadre des réhabilitations lourdes, la participation habitante pourrait être intégrée en fin de chantier, avant l’emménagement dans les logements et pourrait concerner les travaux de finition, notamment des peintures. Mais vient alors la question qui a pu se poser lors du chantier école où la réception du chantier artisan était prononcée avant, induisant que tous les appareillages ont été posés ce qui complexifiait l’intervention du locataire mais garantissait à l’architecte et aux entreprises qu’ils ne seraient pas responsables des dommages causés par cette intervention. Peut-être, si ce paramètre était pris en compte dès la conception, l’architecte pourrait envisager une logique de personnalisation des logements après réception permettant aux futurs locataires d’investir les lieux en ayant la possibilité d’y réaliser des interventions facilitées par la conception générale et peut-être même le projet général de fonctionnement de la résidence. En revoyant avec le bailleur social le rôle du gardien/concierge qui pourrait être là en relais sur ces questions, la création d’un espace commun de bricolage, l’accès à du petit outillage…Il s’agirait alors au-delà d’un projet de réhabilitation lourde, d’y inscrire dès sa conception un projet de vie, d’usage des lieux et d’appropriation de ceux-ci par les futurs habitants. Une démarche durable (à l’opposée des interventions ponctuelles), synonyme de plus de respect et d’entretien des lieux, de potentielles interactions entre les habitants…. PROJETS DANS LE PARC PRIVÉ Dans le cadre des interventions d’ARA lorsque le propriétaire occupant est en situation de très grande précarité, seule l’ampleur du chantier à réaliser viendra déterminer l’intervention d’un architecte. En effet, sur des travaux ne touchant pas à des éléments structurels et ne dépassant pas les 30 000 à 50 000 euros, un architecte sera très difficile à mobiliser et la mission sera alors assurée par un des organismes encadrant déjà la démarche (voir ci-après). C’est donc dans le cadre des projets de travaux plus importants, lors de réhabilitation complète d’un bien
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que l’architecte est sollicité par exemple en cas d’insalubrité déclarée (par l’ARS ou SCHS), de logements déclarés très dégradés (critères Anah). Dans le cadre des chantiers réalisés avec une part d’ARA et financés par l’Anah un encadrement du chantier ARA est obligatoire par une structure agréée (telle que l’association CB ou d’autres structures), qui peut parfois être couplée à une structure indépendante prenant en charge l’ingénierie sociale, administrative et financière de l’ensemble du projet. Ces deux structures vont donc accompagner le MOA sur la totalité du projet dans le cadre des petites opérations. Et dans le cadre d’un projet plus important, ils seront des relais salutaires pour l’architecte afin qu’il puisse se focaliser sur sa seule mission, en lien étroit avec ces structures. En effet, faisant écho aux questionnements soulevés par l’ARA évoqués plus haut, l’architecte est alors un partenaire indispensable à ces structures pour la définition du projet avec le maître d’ouvrage et son encadrement, puisqu’il faut alors combiner la mobilisation d’artisans à la part de chantier réalisée en ARA dans le cadre d’une opération de réhabilitation importante touchant souvent à l’ensemble des corps d’état. Ayant ce paramètre en tête, l’architecte peut alors adapter la conception du projet aux capacités et objectifs du chantier afin que chacun y trouve sa place et un cadre d’intervention sécurisé. Ces missions ne diffèrent pas de celles que mène en général un architecte (uniquement dans le cadre où l’intervention des maîtres d’ouvrage ne porte pas préjudices aux GPA, GB et GD), mais la nature du projet et la spécificité de la participation habitante aux travaux fait toute la particularité de ce type de missions qui ne doivent pas à mon sens être prises à la légère mais faire l’objet d’une attention particulière. Elles nécessitent une acculturation du fait qu’elles soient encore expérimentales.
RECHERCHES [NON EXHAUSTIVES] SUR LA QUESTION Mais il faut préciser que la majorité des projets d’Auto-Réhabilitation Accompagnés ne permet pas de garantir l’assurabilité des chantiers et par la suite des ouvrages réalisés. Sur ces questions, on trouve très peu d’informations. Voici donc ci-dessous les premières pistes de recherches qu’il faudra que j’explore plus en profondeur pour pouvoir envisager de travailler sur ce type de projet. En effet, la place de l’architecte et son rôle sont souvent évoqués sur des questions de conception, de préfabrication… Alors que je pense qu’au-delà de l’adaptation des modalités de conception et de mise en œuvre des ouvrages, l’enjeu principal réside dans l’engagement des responsabilités et donc la protection des missions de chacun et notamment celles de l’architecte dans le cadre de ces projets où des non professionnels participent à l’acte de construire.
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MUTUELLE DES ARCHITECTES Sites internet de la MAF et MAFCOM : « Quelles sont les précautions à prendre lorsque le client réalise lui-même certains travaux ? Lorsque le maître d’ouvrage envisage de réaliser lui-même certains travaux, il importe que votre contrat de maîtrise d’œuvre exclue clairement toute intervention sur ces travaux. Vous devez alors vous interdire tout conseil ou toute préconisation sur la conception ou la réalisation de ces travaux. Votre devoir de conseil pourrait sinon être invoqué en cas de sinistre portant sur ces travaux, alors qu’ils sont exclus de votre mission. En cas d’auto construction, vous devez en informer la MAF qui déterminera les conditions de la garantie. » MAF COM, fiche accompagnement maison individuelle « Un maître d’ouvrage me confie une mission complète avec direction des travaux mais uniquement sur la partie gros œuvre. Celui-ci souhaite réaliser les travaux du second œuvre luimême. Comment dois-je déclarer cette mission à la MAF sans prendre de responsabilité sur la partie des travaux que je ne dirige pas ? En tant que professionnel, vous ne devez travailler qu’avec des entreprises assurées en décennale et vous ne devez pas diriger les travaux réalisés par le maître d’ouvrage particulier. Pour cela, vous devez avoir un contrat très clair avec votre client, qui délimite votre mission de direction des travaux. Une fois votre mission terminée, faites effectuer une réception entre le MOA et les entreprises du gros œuvre. Cette réception marquera la fin de votre intervention sur l’exécution de votre projet, et vous devrez refuser catégoriquement d’intervenir sur le chantier une fois la réception des travaux de gros œuvre prononcée. Comme pour la déclaration d’activités professionnelles, vous devrez donc créer deux déclarations préalables AMI : l’une pour la mission complète (à 100 %) sur le montant des travaux que vous dirigez, et l’autre pour la mission de conception (60 %) des travaux que vous ne dirigerez pas. » Le site EUROMAF Belgique (faisant partie du groupe MAF) fournit sur son site internet une ébauche de protocole dont on ne sait pas s’il serait une condition permettant à l’architecte de mener ce type de projets en étant pleinement assuré. Mais c’est un document que je trouve très intéressant puisqu’il vient clairement encadrer le rôle de chaque intervenant, permettant de limiter les modalités d’interventions de chacun et notamment du maître d’ouvrage en jalonnant le suivi du projet d’étapes de validation, de contrôle… (voir en annexes). GROUPES DE RÉFLEXIONS ET RECHERCHES Groupe de travail Nouvelle dynamique de rénovation des logements – plan développement durable Je pensais pouvoir trouver plus d’éléments sur la question de l’ARA dans les contributions liées à ce groupe de travail. Mais les questions liées à l’ARA sont évoquées uniquement par les associatifs
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et chercheurs. Concernant la participation des architectes, je relève : - des contributions d’architectes concernant uniquement la question de la réhabilitation énergétique, - une contribution uniquement de l’ordre des architectes IDF sur un projet visant plus de synergie et de coopération entre architectes et autres acteurs et partenaires de la réhabilitation énergétique, comme j’ai pu l’évoquer dans ce mémoire. (ici l’ADEME et les conseillers infos énergies). PREBAT : Étude sur l’Accompagnement à l’Auto-Réhabilitation du logement « tout public » et émergence d’un nouveau métier du bâtiment, dans le cadre de la consultation de recherche « Amélioration énergétique du patrimoine rural : quelles parts et perspectives pour l’auto-réhabilitation ? » Cette étude concerne le rôle que jouent et pourraient jouer les magasins de bricolage (plus précisément Leroy Merlin très investi sur ces questions avec sa fondation notamment) dans l’accompagnement des personnes souhaitant réhabiliter leur logement elles-mêmes. Elle aboutit donc à des pistes de travail pour les magasins afin d’améliorer leur capacité d’accompagnement et de services. Les architectes apparaissent notamment par le biais des CAUE et des écoles d’architecture. Quand bien même je ne considère pas que la place des architectes soit aux coté des magasins de bricolage dans une démarche de service/consommation, le fait que les architectes soient évoqués par les auto-réhabilitateurs dans les entretiens réalisés, montrent qu’ils ont un rôle à jouer dans ce champ expérimental. Et qu’il faut que les architectes qui souhaitent travailler dans ce champ puissent le faire dans les meilleures conditions en ayant accès à l’ensemble des informations et conseils nécessaires à leur exercice. Sans quoi les magasins, artisans et autres maîtres d’œuvre se chargeront (ils le font déjà aujourd’hui) de développer leur activité et leurs compétences sur ces questions, venant occuper un champ d’activité où les architectes de par leur compétences auraient un rôle important à jouer. Même si l’auto-construction est encore un autre sujet, je pense pour autant qu’il n’est pas si éloigné des problématiques liées aux projets d’Auto-Réhabilitation Accompagnée. Voici donc un article d’une publication de l’ordre des architectes de Bretagne sur le sujet. Qui certes explique en quoi un architecte a vraiment un rôle à jouer dans le cadre de ces projets. Mais il me manque toujours les réponses à : comment ? Dans quel cadre? Avec quelles garanties ? LIamm#1 Janvier 2015 Le Lien entre les Architectes bretons, les Maîtres d’ouvrage et les Maîtres d’œuvre - Ordre des architectes de Bretagne « Auto construction : la place de l’architecte, Construire sa maison soi-même est devenu le rêve de beaucoup. Portés par leur enthousiasme,
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les futurs propriétaires ne mesurent pas toujours les embûches réglementaires et techniques qui les attendent. Mais une auto construction peut tout à fait être menée en collaboration avec un architecte, qui saura doser son degré d’intervention en fonction des exigences de son client. Explications. Les motivations sont nombreuses pour les candidats à l’auto construction : d’abord la réduction du budget, mais aussi la satisfaction de bâtir son habitat de ses propres mains et d’y inclure une dimension écologique. Mais ce type de projet requiert de nombreuses compétences, du temps et de la persévérance. C’est un engagement de longue haleine, tant personnel que financier, qui nécessite une réflexion préalable approfondie et une grande préparation. L’un des aspects fondamentaux à prendre en compte est celui des assurances, surtout si l’auto-constructeur fait appel aux services de bénévoles. Il devra notamment vérifier qu’il est bien couvert en cas de dommages causés à un tiers pour toute la durée du chantier. En outre, il faut savoir qu’aucune des garanties obligatoires ne s’applique en auto construction : garantie de parfait achèvement, garantie biennale de bon fonctionnement et garantie décennale sont inexistantes, puisque les travaux ne sont pas réalisés par des professionnels qualifiés. Parmi les problèmes engendrés peuvent figurer les difficultés à la revente : si la maison est vendue avant 10 ans, son propriétaire devra signaler l’absence de garantie décennale à l’acquéreur avant même la signature du compromis, car certains financements dépendent directement de cette assurance. Sans elle, l’auto constructeur est personnellement responsable vis-à-vis du nouvel acquéreur. Alors pourquoi prendre des risques inutiles tout en se compliquant la vie ? L’auto construction n’exclut pas du tout le recours à un professionnel. Un architecte, qui voit souvent sa mission limitée à l’avantprojet définitif et au dossier de permis de construire, peut accompagner l’auto-constructeur tout au long de l’élaboration et de la réalisation du chantier. Après le permis de construire, il peut par exemple se charger des plans d’exécution et des dossiers de consultation des entreprises, au moins pour les postes clefs. En outre, il saura adapter les plans en fonction des compétences de l’auto-constructeur et de son équipe, mais aussi proposer des détails techniques et des solutions adaptées. Il pourra même aider son client à se former. Enfin, avant le démarrage du chantier, ses conseils relatifs à l’organisation du planning, au pilotage des intervenants et à la mise en place éventuelle d’un conducteur de travaux seront les bienvenus. » Nolwenn Lachèvre
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100 logements, Quartier Zwemmerstraat, Haarlem (Pays-Bas) «Aux habitants-participants, je ne donne rien : au contraire, je leur demande de m’aider à trouver des formes qui les représentent et avec lesquelles, je cherche à faire une architecture. C’est un service que je leur demande : je ne viens pas leur imposer des schémas à ma mode.» Lucien Kroll. Extrait de Ordre et désordres, une architecture habitée, Sens et Tonka, cité de l’architecture et du patrimoine, 2015.
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J’ai entrepris ces recherches sur la question du rôle de l’architecte dans le cadre de ces missions que très récemment, il me manque donc certainement (et je l’espère) des publications et informations qui pourraient éclairer mes réflexions sur le sujet. Il ne s’agit en aucun cas ici de pointer les manques et incohérences des uns et des autres mais seulement de rechercher l’ensemble des informations qui me permettrait de me positionner en tant que future architecte sur ce type de mission. Ce qui m’est aujourd’hui impossible puisque le discours officiel ne m’a pas l’air très clair sur l’impossibilité de conduire des chantiers avec des non professionnels intervenant. Autour de moi certains le font, s’organisent, mais avec un cadre qui n’est pas pour moi satisfaisant puisque sur ces questions assurancielles et de responsabilité, je considère qu’il y a beaucoup trop à perdre en faisant « comme on peut » et en se disant « on verra s’il y a un problème mais jusqu’à maintenant tout va bien ». Je considère que se confronter au cadre lorsqu’il y a un problème c’est malheureusement bien trop tard. J’espère donc pouvoir prochainement éclaircir ces questions afin de formaliser ma position concernant ce type de mission et pouvoir un jour peut-être m’y confronter, mais alors en toute connaissance de cause.
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«QU’EST-CE QUE CES GENS-LÀ SAVENT FAIRE? ON ENTEND SOUVENT QU’ILS NE SAVENT RIEN FAIRE, ET QUE LA PREUVE : ILS SONT CHÔMEURS, ASSISTÉS, ETC. MAIS IL FAUT CHERCHER LA PETITE RÉSISTANCE INFIME QU’ILS DÉVELOPPENT FACE AU SYSTÈME DOMINANT. DES RÉSISTANCES DE SAVOIR-VIVRE, DES RÉSISTANCES POUR VIVRE. IL FAUT RÉINTRODUIRE CETTE NOBLESSE DU VIVRE ENSEMBLE : «JE VIS AVEC VOUS, ET PEUT-ÊTRE QUE MA SPÉCIALITÉ ÉTANT L’ARCHITECTURE, JE PEUX ABORDER AVEC VOUS DES PROBLÈMES D’ARCHITECTURE, DE RÉPARATION, ETC.» AVEC LA MODESTIE DE QUELQU’UN DE CANDIDE, UNE JEUNE QUI APPREND SON MÉTIER. RÉVÉLER QUE LES GENS HABITANT CES MAISONS ONT DES SAVOIRFAIRE PROFESSIONNELS, AUTANT QUE LES SIENS. TENTER DE FAIRE CE QUE TOUTE ARCHITECTURE PEUT FAIRE : CONSTRUIRE EN HABITANT, HABITER EN CONSTRUISANT, ET SE RECONSTRUIRE EN HABITANT. VALORISER LE FAIRE.»
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HI ARC REF!
CONSTRUIRE ENSEMBLE-LE GRAND ENSEMBLE L’ATELIER PERMANENT D’ARCHITECTURE, BOULOGNE SUR MER, AGENCE CONSTRUIRE - PATRICK BOUCHAIN - SOPHIE RICARD Ce projet, conduit par l’agence Construire dans le cadre du laboratoire de réflexion sur le logement social créé par Patrick Bouchain, «Construire ensemble - Le Grand Ensemble» fait partie des démarches qui m’ont beaucoup intéressées notamment lorsque j’étais aux Compagnons Bâtisseurs. En effet, la démarche consistant en la réhabilitation de logements sociaux en partie par les habitants alors que le projet initial visait la démolition reconstruction m’a interpellé puisque il ne s’agissait plus là de propositions uniquement associatives mais d’un projet porté par des architectes. Je considère en effet que dans ce cadre aussi, alors qu’il s’agit d’englober des dimensions qui vont bien au-delà des simples prérogatives habituelles (notamment techniques), les architectes ont leur rôle à jouer. En effet, le logement social est le théâtre de situations sociales complexes et s’inscrit dans des contextes locaux tous spécifiques. Je pense qu’il est important que l’on puisse avoir la capacité en tant qu’architecte d’envisager des alternatives, des modes de faire différents, adaptés aux situations. Pouvoir proposer une démarche, un projet qui vienne répondre spécifiquement à la situation observée et aux besoins et contraintes identifiées doit faire partie de notre travail d’architecte. Même si nous n’avons pas tous l’appétence et la capacité d’expérimenter, je souhaiterai pouvoir, dans le cadre de mon exercice futur, garder en tête qu’il est possible de s’adapter aux besoins, aux attentes... Alors que le cadre notamment réglementaire (normes, exigences des financeurs...) nous pousse plutôt à façonner les projets par rapport au cadre, plutôt que par rapport aux habitants.
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«ON DIT SOUVENT QUE DÈS QU’ON REPRODUIRA L’EXPÉRIENCE À PLUS GRANDE ÉCHELLE, ÇA NE POURRA PLUS FONCTIONNER. MAIS PEUT-ÊTRE QUE LE DÉFAUT EST DE VOULOIR TOUJOURS GÉNÉRALISER. PEUT-ÊTRE QU’AVEC UNE MULTITUDE DE PETITES EXPÉRIMENTATIONS SUR LA MÊME VILLE, CELA POURRAIT MARCHER, SANS AUGMENTATION DU PROBLÈME DE DÉPART. QUAND JE RACONTE CE PROJET, ON NE VEUT PAS Y CROIRE, QUAND LES GENS VIENNENT VOIR ILS SONT TRÈS SURPRIS, JOURNALISTES, ARCHITECTES OU ÉLUS.»
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Cependant comme le dit lui-même Patrick Bouchain, et comme j’ai pu l’expérimenter dans le cadre des projets que j’ai pu développer aux Compagnons Bâtisseurs, ces démarches et projets sont très difficilement finançables. Et là où le milieu associatif est accoutumé aux démarches de demandes de financements, aux financeurs multiples, publics parapublics et privés, il ne s’agit pas du tout du modèle économique classique d’une agence d’architecture. Construire, l’atelier fondé notamment par Patrick BOUCHAIN a un statut très spécifique puisqu’il s’agit d’une association de fait. Une structure qui n’a donc pas de personnalité juridique puisqu’elle n’est pas déclarée en préfecture. Ce statut limite les capacités de la structure et renforce la solidarité de ses membres. Pour autant, d’après les textes, il est impossible pour la structure de recevoir des subventions publiques. Patrick BOUCHAIN a donc créé en 1999 Notre Atelier Commun, une structure qui a été déclarée association en 2002. Initialement, il s’agissait de répondre à une commande de la Mission mécénat et Action culturelle de la Caisse des Dépôts et consignations : «les forêts des délaissés». Depuis cette structure a pu notamment porter les différentes universités foraines ainsi que le projet de recherche sur le logement «Le Grand Ensemble» dont fait partie cette permanence architecturale de Boulogne sur Mer. Ce parcours d’architectes démontre que des alternatives existent à la pratique «classique» de l’architecture, pour permettre le développement de projets à la croiser entre différentes dimensions et politiques culturelles, sociales... au-delà de la seule pratique de l’architecture. Aujourd’hui, bien que je ne sois pas certaine que je souhaiterai m’orienter vers ce type de fonctionnement et de développement de projets, je trouve extrêmement intéressant de savoir que des structures existent, que d’autres se confrontent à ces démarches à la marge. Cela donne à voir que c’est possible! Que des alternatives peuvent être développées et que le cadre peut donc être «assoupli», «déformé» en fonction des objectifs que l’on se donne.
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5 PERSPECTIVES ET PRATIQUE FUTURE QUELQUES PISTES DE DÉFINITION DES CONTOURS D’UNE FUTURE PRATIQUE EN MON NOM PROPRE
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Je souhaitais en préambule souligner que cette année de HMO NP a été pour moi très enrichissante, plus que je n’avais pu l’imaginer et ce à différents niveaux. Tout d’abord, en ce qui concerne l’enseignement j’avais quelques doutes, me demandant si le fait d’avoir déjà travaillé ne rendrait pas les cours trop académique et hors de la réalité. J’ai donc été très heureuse d’avoir tort et d’avoir la chance de profiter de l’expérience de nombreux professionnels praticiens qui nous ont tout au long de l’année beaucoup apporté. La mise en situation professionnelle a aussi été très riche pour moi puisque c’était aussi l’occasion de découvrir la vie et le fonctionnement d’une agence d’architecture et de prendre la mesure du rôle, des responsabilités et de la spécificité des compétences d’un architecte. Alors qu’auparavant, en travaillant au sein d’association, j’avais été confrontée à des postes « hybrides », les missions se superposaient entre maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’œuvre, économie du projet, organisation et suivi des chantiers. Cette année a été l’occasion de remettre chaque mission à leur place avec les responsabilités et compétences spécifiques qui leurs sont liées. Je dois avouer qu’au départ, cette formation était pour moi avant tout l’opportunité de me replonger dans le monde de la pratique de l’architecture après mes expériences associatives et d’être ensuite en capacité de remplir mes missions en tant que salariée d’une agence. Mais au fil des mois, entre les sessions de cours et le travail à l’agence, je me suis découvert une réelle envie de me lancer prochainement dans la pratique de l’architecture en mon nom propre. Chose qui m’était assez éloignée auparavant. Le fait de prendre chaque jour conscience de ce qu’il me reste encore à apprendre, de l’expérience qui me sera nécessaire à bien faire mon métier, a quelque chose de motivant, de galvanisant. Bien que cela puisse être à juste titre, parfois presque paralysant et effrayant. Je suis donc plus certaine aujourd’hui, que je ne l’étais il y a un an, que je souhaite dans l’avenir pouvoir exercer mon métier en mon nom propre. Et dans cette dynamique, je peux aujourd’hui émettre quelques pistes de ce que pourraient être les contours de ma pratique professionnelle. En premier lieu, dans les années à venir, je considère qu’il m’est indispensable d’acquérir une plus grande expérience dans le cadre d’une agence. Je serai d’ailleurs très intéressée par l’idée de m’inscrire dans une progression qui pourrait me mener à devenir architecte inscrite à l’ordre en tant que salariée. Je pense en effet qu’il s’agirait d’une étape importante vers une « émancipation future » et viendrait valider ma capacité au sein d’une agence à exercer pleinement mon rôle d’architecte. Sans surprise, la question de la réhabilitation du logement me paraît être l’axe majeur autour
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duquel s’articulera ma future pratique , qu’il s’agisse d’intervenir dans le cadre de réhabilitation lourdes ou partielles, de réaménagements intérieurs... Le rôle social de mon activité est aussi un paramètre important pour moi, qui devrait donc me conduire à travailler avec des maîtres d’ouvrage divers tels que les bailleurs sociaux, les réseaux associatifs ou encore les maîtrises d’ouvrage privées dans le cadre de politiques publiques d’amélioration de l’habitat par exemple. Je considère aussi essentiel de me questionner sur la géographie de mon activité puisque je ne suis pas sans savoir que Lyon est une ville déjà très dynamique et bien dotée en architectes. Par ailleurs originaire du Beaujolais où les architectes sont beaucoup moins nombreux, je pourrais envisager une activité qui viendrait se développer dans ces deux cadres, urbain et rural permettant ainsi de diversifier le type de commandes et de maîtres d’ouvrage. Maintenir de la diversité dans les projets qui me seront confiés est importante pour moi afin de maintenir un certain dynamisme de découverte et éviter la routine. Bien que je sois consciente que pas essence, la réhabilitation ne peut être routinière du fait des spécificités liées à chaque bâti, la diversification à la fois géographique et au niveau de la maîtrise d’ouvrage privée, publique ou parapublique devrait pouvoir permettre l’accès à des commandes elles aussi diversifiées. La forme que pourrait prendre cette activité me pose aujourd’hui encore question. En effet, de nature indépendante et autonome, l’activité en mon nom propre seule me paraîtrait être la solution pour ainsi n’engager et ne risquer que ma propre responsabilité. D’autre part, en travaillant seule, l’échelle des projets pourrait me permettre d’en maîtriser progressivement la plupart des dimensions et notamment l’économie ainsi que l’organisation et le suivi des chantiers. Une prise en charge globale des projets m’intéresse et me stimule beaucoup. Pour autant, lors de cette année de MSP tout comme pendant mes études, j’ai bien pris conscience de l’intérêt qu’il y avait à travailler en équipe, à plusieurs et à quel point les projets s’en voyaient améliorés qualitativement. Aujourd’hui la seule chose dont je suis certaine c’est que je ne souhaite pas et ne pense pas vouloir un jour assumer seule la gestion d’une agence avec des salariés, puisque la responsabilité de l’architecte dans son activité me paraît déjà très importante. Alors devoir aussi porter seule la responsabilité du fonctionnement d’une agence, de la pérennité des emplois créés...ne m’attire pas forcément. Si le futur me conduisait à exercer à plusieurs au sein d’une même structure, je pense que je me sentirai plutôt à l’aise dans un cadre de co-responsabilité et de co-gestion de la structure, par exemple sous la forme d’une SCOP.
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Je suis bien consciente que l’exercice en son nom propre va au-delà de ces questions de type de commande, de maître d’ouvrage, de géographie, de forme de structure… mais qu’il s’agit aussi d’un projet de vie où la situation personnelle et la situation professionnelle viennent interagir et définir et redéfinir les contours l’une de l’autre. Il est donc très précoce aujourd’hui pour moi d’aller plus loin que ces premières pistes mais je reste certaine que les questionnements et réflexions engagés dans le cadre de ce travail de mémoire vont venir se nourrir de ma pratique future et des expériences qui vont suivre pour me permettre le moment venu de formaliser et poser les bases d’une pratique en mon nom propre qui me correspondra.
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6 ANNEXES
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EURO MAF : DOCUMENT DE PROJET
HTTPS://WWW.EUROMAF.BE/DYNAMIC/DOCUMENTS/PROTOCOLE_AUTO-CONSTRUCTION.PDF
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