ArMen : Anaïs Kerhoas - Portrait - mai 2019

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portrait

Anaïs Kerhoas

Des simples au goût de liberté Te x t e : Vi r g i n i e Jo u r d a n - P h o t o g ra p h i e s : X a v i e r D u b o i s

Anaïs Kerhoas produit des simples depuis 2011. En 2015, le documentaire Anaïs s’en va-t-en guerre a donné écho à ses colères et aux affres de son installation agricole. Six ans plus tard, la jeune femme a trouvé à Sains une forme d’apaisement.

L

es premiers bourgeons affleurent dans les arbres du bocage du nord de l’Ille-et-Vilaine. En ce début mars, le soleil inonde les prairies encore vertes. Entre Dol-de-Bretagne et Pontorson, la commune de Sains étend ses parcelles agricoles à flanc de vallons. Le long de la route départementale 576, aussi appelée La voie de la Liberté, les chemins se multiplient jusqu’aux champs le plus souvent dédiés à la pâture des animaux ou au maraîchage. À quelques centaines de mètres du village, le lieu-dit La Touche Gilbert est annoncé sur la gauche. C’est ici que prennent racine Les tisanes d’Anaïs. Au bout d’un sentier de terre se dresse une petite maison de bois. Tout en longueur. Près du seuil de la porte, quelques chats se prélassent. Hormis le chant des oiseaux, le silence règne. Sur la gauche, une serre. Anaïs Kerhoas en sort hâtivement. Pour ceux qui ont découvert la jeune femme en 2014 (voir ArMen n° 202) dans le documentaire de Marion Gervais, Anaïs s’en va-ten guerre, devenu viral sur le Net après avoir été diffusé en festivals de cinéma et sur les chaînes locales, l’image revient. Intacte. Celle d’une jeune femme déterminée, au port altier et à la silhouette délicate.

“Au bout de mon envie”

Équipée de bottes et de gants, Anaïs Kerhoas contourne la maison pour rejoindre ses semis de plantes. Au travail depuis déjà deux heures, la productrice a débuté sa matinée par la confec8

tion de boutures. De petites pousses de verveine citronnée, de thym citron, de guimauve et de camomille romaine qui seront plantées d’ici quatre à six semaines. “J’ai longtemps travaillé à même le sol. Dans cette nouvelle serre, j’ai installé une table et je travaille debout.” En 2015, la Malouine de naissance a enfin trouvé ce “chez elle”, après avoir cultivé trois mille trois cents mètres carrés dans un secteur voisin. Ici, le terrain compte 1,4 hectare de surface cultivable, une maison d’habitation et une étable. “Je suis en train d’acheter”, explique-t-elle accroupie, devant son rang de thym. Pour elle, une grosse partie du chemin a été parcourue depuis que son histoire a été médiatisée. Un an après le tournage, elle a abandonné les terres de Saint-Suliac pour rejoindre Sains, dans la baie du Mont-Saint-Michel. Un endroit où la solidarité entre plusieurs agriculteurs pratiquant l’agriculture biologique est une réalité. Un endroit qui la rapproche aussi de Christophe Aubry, un maraîcher voisin qui l’a aidée à trouver des terres et lui prête main-forte dès qu’elle en exprime le besoin. Après la diffusion du film de Marion Gervais, et pendant deux ans, Anaïs Kerhoas a reçu près de trois cents courriels par jour. Des encouragements principalement. “Au début, je ne comprenais pas ce que les personnes voulaient me dire. Beaucoup me félicitaient pour mon courage. Comme si elles étaient enfermées dans des schémas sociaux qui les empêchaient de faire ce qu’elles voulaient. Cela m’a souvent fait A na ï s K e r h oa s ,

PAGE PRÉCÉDENTE Après culture, récolte et séchage, trois cents kilogrammes de plantes sont produits bon an mal sous le label Les tisanes d’Anaïs.

des simples au goût de liberté


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