Ils inventent demain
”Je veux créer des zones sans chômage“
En utilisant les allocations destinées aux chômeurs, Patrick Valentin, ancien entrepreneur et militant de l’association ATD Quart-Monde, a trouvé le moyen de leur créer des emplois. Sa solution en trois étapes. dr
Par Virginie Jourdan. Illustrations Camille Besse
1- Écouter les chômeurs
Sur un petit territoire (une commune rurale ou un quartier urbain de 3 000 à 5 000 habitants), Patrick Valentin rencontre les chômeurs qui n’ont pas travaillé depuis plus d’un an (ils sont 2 millions en France). Il leur demande ce qu’ils savent faire mais aussi ce qu’ils aiment faire. Repérant ainsi les compétences qu’ils ont acquises grâce à un diplôme, à leur expérience professionnelle, à la pratique d’un loisir et leurs envies, ce qui est essentiel pour la motivation. À Pipriac, en Bretagne, où l’expérience a démarré, un ancien taxi ambulancier a par exemple dit qu’il pouvait faire des livraisons. Une assistante de direction qu’elle voulait se remettre à la comptabilité pour des associations. Une passionnée de jardinage qu’elle se sentait capable de cultiver un potager collectif. « Les chômeurs ne sont pas un poids pour la société, ils sont une richesse », affirme Patrick Valentin.
3- Relier le tout
Une fois que les ressources humaines et les emplois attendus sur le territoire sont identifiés, une entreprise est créée pour opérer la connexion. Elle embauche les chômeurs, qui peuvent changer de missions au cours de l’année et choisir leur temps de travail et elle vend des services de proximité. Pour leur verser un salaire, cette entreprise s’appuie sur le chiffre d’affaires engrangé par son activité et sur les anciennes allocations-chômage et aides sociales qui leur étaient attribuées : d’après ATD Quart-Monde, elles représenteraient 33 milliards d’euros par an, soit 17 500 euros par chômeur ! Comme cette entreprise d’un nouveau genre n’a pas le droit de récupérer directement cette somme, l’État vient de mettre en place un fonds spécial qui autorise l’expérimentation de cette formule sur 10 territoires.
Quel avenir pour ce projet ?
Quatre entreprises sont déjà dans les startingblocks dans des communes rurales et six autres projets vont émerger dans des quartiers de Lyon, Lille ou Dijon. Pour Patrick Valentin, au moins 1 500 chômeurs vont retrouver un travail d’ici trois ans. Et la dignité qui va avec en se sentant utile à la société. Si l’expérience fonctionne, des centaines d’entreprises et des centaines de milliers d’emplois nouveaux pourront voir le jour partout en France à partir de 2020.
2- évaluer les besoins
Sur le même territoire, les entreprises, les artisans et les services municipaux sont invités à se mettre autour de la table. Ensemble, ils listent leurs besoins. Un maçon cherche un assistant, pas forcément qualifié, mais capable de poser de l’isolant « écolo ». Un boulanger veut lancer une tournée de livraison pour sa clientèle âgée. Un jeune entrepreneur cherche un développeur informatique pour faire décoller son activité. Quant à la commune, elle veut créer une crèche qui ouvre tôt le matin et ferme tard le soir. « Aujourd’hui, de nombreux emplois utiles pour la société ou l’environnement ne sont pas créés parce qu’ils ne sont pas rentables », constate Patrick Valentin.
Phosphore ‹ 40 › février 2016
Merci aussi à Denis Prost, d’ATD Quart-Monde Ille-et-Vilaine. Source : étude macro-économique de 2013 réalisée par ATD Quart-Monde Phosphore ‹ 41 › février 2016