Supplément Palazzi A Venezia Janvier 2023

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Gae Aulenti Progress of Love Jean-Honoré Fragonard Anna May Wong Rudol’f C. Nureev Anna Marchlewska Roby Anedda Disparates E. Renard & S. Sainrapt Ziryab le merle noir Le Graphène Le slow de l’Artiste Orlan Giuliana Balice Balatresi & Bisesti Fina Miralles Frida Khalo Colette 150 ans Adolfo Kaminsky Culture, democratie, individus Gina Lollobrigida sculpteur Supplément au Palazzi A Venezia Janvier 2023
Photo robyanedda

PALAZZI A VENEZIA

Publication périodique d’Arts et de culture urbaine de l’association homonyme régie par la Loi de1901 ISSN/Commission Paritaire : en cours Distribution postale/digitale

Président Directeur de la Publication Vittorio E. Pisu Comité de Rédaction Marie-Amélie Anquetil Arcibaldo de la Cruz Vittorio E. Pisu Rédactrice S’Arti Nostra e Sardonia Luisanna Napoli Ange Gardien Dolores Mancosu Supplément à l’édition de Palazzi A Venezia du mois de Janviern 2023 Tous droits reservés Projet Graphique Maquette et Mise en Page L’Expérience du Futur

ans un des restaurant les plus emblématiques de Cagliari (Sardaigne), situé dans la piazza Yenne, centre on ne peut plus centrale de la ville, épicentre de la movida locale, jadis refuge pendant la Deuxième Guerre Mondiale, puis renommée pâtisserie et désormais reconnu parmi les 100 restaurants les meilleures d’Italie, trentecinque vues de Cagliari, linoleographiées par Vittorio E. Pisu, que vous pourrez contempler tout en vous délectant d’une cuisine gourmande servie avec professionnalisme et élégance

ans ce numèro toujours aussi coq à l’âne que d’habitude, en plus de nos vœux, encore possibles jusqu’à la fin du mois, de belle et heureuse année, j’espère qu’il seront évidentes nos intentions et nos souhaits. Certes la Claudia Cardinale somptueuse et en tongue en couverture devrait nous consoler de l’hiver, bien que cette année, à tout le moins depuis la Sardaigne d’où je concocte ces numéros les tongues sont absolument la chaussure de saison mais peutêtre aussi chez vous, à part si vous vous trouvez en Californie ou en Ukraine, j’allais écrire Tchétchénie, par un de ces lapsus que parfois le cerveau vous suggère mais c’est tout comme. Dernièrement en publiant un post sur le dernier bal costumé des Romanov en 1903, particulièrement somptueux, je notais que six des derniers douze tzars furent assassinés, deux par strangulation, un poignardé, un avec de la dynamite, deux par balle. Dans la catastrophe finale furent tués dix-huit Romanov. Mais les temps changent même le nom des Tzar n’est plus le même, j’imagine que leur mort aussi sera différente.

J’avais remarqué aussi que les événements les plus marquant se succèdent de manière à ne pas ce gêner les un les autres et surtout ne pas importuner les journalistes de la presse écrite ou télévisuelle en leur imposant des choix cornéliens, un peu comme le Grand Prix de Formule 1 de Monaco interviens bien sagement après le Festival de Cannes et pas pendant, ainsi le décès du pape émérite a eu lieu bien après le Mondial et le chère prince anglais attends sagement son tour avant de publier ces mémoires, quoique le secrétaire du pape émérite viens foutre la pagaille en publiant ses révélations fracassantes dont par ailleurs on se serait bien passé.

Pour le reste compiler les pages de mes publications, qui suscitent quand même chez un public restreint des réactions enthousiastes et, comme le font les grandes marques, je considère qu’un seul message de congratulations vaux pour les deuxcentmille flegmatiques qui ne prennent pas la peine de m’écrire, compiler ses page je disais c’est pour moi un délicieux apprentissage de nouveautés ou une révision de choses peu ou mal apprises que je relis aujourd’hui.

Pour le reste je me rends compte que je vous propose cette fois d’aller visiter des expositions en Italie et surtout dans le Sud, mais il y fait bien meilleur qu’à Paris, je paris.

Non sans vous inviter à visiter mes propres expositions dont je suis particulièrement fier.

Que dire d’autres qui ne soit bien mieux expliqué par d’autres et bien plus savant que moi, bien que je soit on ne peut plus d’accord avec Christopher Lasch et sa vision et analyse de la société et ses actuels avatars.

Par contre je suggère a mes amis artistes qui m’informent souvent tardivement de leurs expositions que s’ils me font parvenir à temps une documentation sur leur exploits expositifs je me ferait un plaisir d’en parler dans ces pages, ne sauraisse que pour garder un souvenir, créer un document, une petite balise, qui sera surement retrouvée dans le temps, évoquée par les mêmes où découverte par une thésardes curieuse ou un anthropologue désabusé.

Si vous avez loupé la Collettiva di Fotografia vous aurez la possibilité de vous refaire, puisque l’exposition ira d’abord à Iglesias, dans les locaux de l’Association Remo Branca, repaire de graveurs dont je fait partie, et par la suite à Cagliari, la capitale de la Sardaigne, en attendant de trouver un asile à Paris même, d’où certains des photographes et non des moindres sont originaires où actuellement résidents perpétuellement ou sporadiquement.

Petit appel du pied à quelques galeristes qui voudraient les accueillir.

Je suis aussi particulièrement heureux de constater que les artistes que j’ai eu la chance de rencontrer, d’apprécier et d’interviewer, continuent une carrière de plus un plus flamboyante et je m’en réjouis pour eux tout en me complimentant pour mon flaire, qui ne date pas d’aujourd’hui puisque il y a plus de quarante années j’avais bien compris que la Diane Chanel était vraiment une étoile de première grandeur, tout comme tant d’autres que j’ai eu la chance, l’opportunité et le plaisir de côtoyer et d’apprendre à leur contact et fréquentation tant de belles et bonnes choses qui embellissent la vie, tout comme l’Art dans toutes ses expressions qu’elles soient plastiques, musicale, littéraires et même gastronomiques comme j’avais subodoré dans le premier numéro de Palazzi A Venezia qui suscitât tant de critiques amusées. Bonne Année Vittorio E. Pisu

Jusqu’au 15 janvier 2023 Arrubiu Art Gallery Cafè Via Giuseppe Mazzini 88 Oristano tel +33 347 1342 452 voir les vidéos vimeo.com/776461105 vimeo.com/776718462
Correspondance vittorio.e.pisu@free.fr palazziavenezia@gmail.com https://www.facebook.com/ Palazzi-A-Venezia https://www.vimeo.com/ channels/palazziavenezia

aetana «Gae»

Emilia Aulenti était la femme la plus influente dans un secteur dominé par les hommes.

Diplômée en architecture de l’École polytechnique, elle a travaillé dans le domaine de la conception industrielle, de l’aménagement intérieur et des expositions, ainsi que dans le domaine du théâtre et du graphisme.

Elle a commencé sa carrière dans l’édition à la rédaction de Casabella.

Le motif qui l’a poussée à s’inscrire à la faculté d’architecture de Milan était de considérer «l’architecture comme une profession utile», surtout en ces temps de décombres.

En 2022, elle a été commémorée à l’occasion du dixième anniversaire de sa mort. voir la couverture de Casabella, n° 482, juillet-août 1982, Arnoldo Mondadori Editore. Le titre rouge audessus de la reconstruction axonométrique en noir et blanc de l’aménagement intérieur du musée d’Orsay, conçu par l’architecte italien Gae Aulenti en collaboration avec Italo Rota ; le dessin représente une salle spacieuse dominée par

les grandes fenêtres cintrées appartenant à la précédente Gare d’Orsay de Victor Laloux, en haut, flanquant un couloir avec des statues sur des piédestaux ; la plus grande salle, conçue plus bas, comporte quelques escaliers et une séquence de terrasses à différentes hauteurs, où les visiteurs se promènent et où certaines peintures et statues sont exposées à la vue.

Elle est l’auteur d’objets iconiques qui sont devenus, peut-être malgré elle, des symboles de statut social, tels que la table à roulettes et la lampe chauve-souris, mais son plus grand projet est probablement la transformation spectaculaire de la gare d’Orsay en musée d’Orsay, qui a ouvert ses portes à Paris en 1986.

Le président Mitterand luimême a surveillé le chantier tous les jours de 8h à 9h, recommandant de faire «comme Madame Aulenti l’a dit».

Pourtant le projet qui couronna l’atelier d’architecture Bardon, Kolboc et Philippon fut choisi par son prédecesseur, Valéry Giscard d’Estaing, et l’attribution à Gae Aulenti, fut le résultat d’un conflit entre l’Architectecte des Musées

Nationaux, qui revendiquait la décoration de l’intérieur, voulant laisser à l’equipe d’architectes chosis par le concours, uniquement les aménagements extérieurs.

Ce furent Bardon, Kolboc et Phiulippon meme qui proposerent de consulter un nombre très restraint d’architectes et dècorateur et d’inviter Gae Aulenti à participer à la consultation.

Où elle balaya sans problèmes le projet vainqueur de la competition et proposa sa solution, qui fut finalement réalisée.

À l’époque, le résultat a divisé les critiques entre détracteurs et admirateurs.

«Si tout le monde vous aime, c’est que quelque chose ne va pas».

C’est ce qu’elle aimait se répéter, comme le rappelle dans le livre «Gae Aulenti. Riflessioni e pensieri sull’Architetto geniale» (Réflexions et pensées sur l’architecte de génie), la journaliste et écrivain Annarita Briganti (Le Caire) parsemé d’anecdotes curieuses.

Cela dit, l’»Architecte» était fière de la popularité dont elle jouissait en France et le Musée d’Orsay lui a décerné la Légion d’honneur en

AULENTI

1987, une des nombreuses récompenses qu’elle a reçues, dont le prix impérial d’architecture décerné par la Japan Art Association à Tokyo en 1991 et, plus récemment, la médaille d’or pour l’ensemble de sa carrière, qu’elle a personnellement récupérée à la Triennale de Milan en octobre 2012, peu avant son décès le 31 octobre.

La rénovation du Piazzale Luigi Cadorna avec sa sculpture Ago, Filo e Nodo, jugée hors d’échelle (mais devenue un symbole de la place) par le couple Oldenburg, a également suscité des controverses.

Aulenti a fait remarquer que les chauffeurs de taxi étaient enthousiastes à ce sujet, et qu’il y avait tellement d’autres places à Milan à commenter...

«J’aime découvrir d’autres pays, c’est pourquoi j’ai beaucoup voyagé», déclare M. Aulenti.

Elle se mêle à la culture locale, va danser.

Elle est toujours conscient du contexte, sur lequel il fait des études approfondies.

Souvent, le contexte auquel il doit faire face est celui de la société milanaise.

Mais même lorsque Gae conçoit l’aéroport près de Pérouse, dans sa chère Ombrie où il va en vacances, il le fait avec l’idée de créer quelque chose qui reflète l’esprit du lieu.

«Nous descendons à Hong Kong, plutôt qu’à New York, plutôt qu’à Pékin, et nous ne savons pas où nous sommes : parce que les aéroports se ressemblent tous», a-t-elle déclaré dans une interview accordée à la RAI.

Ce n’était pas le cas de celuici, qui était censé s’ouvrir sur la vue d’Assise, être entouré d’oliviers et avoir un toit en cuivre vert «complétant le paysage».

Sauf pour se caractériser ensuite par des contreforts en béton armé peints en rouge, «mais d’un très beau rouge vif». Pas n’importe quelle couleur, celle qu’il choisit pour l’aéroport «San Francesco d’Assisi» (anciennement Sant’Egidio) mais «sa» couleur, celle qui donne du caractère à une grande partie de l’architecture qu’elle signe. Au Japon, elle a rénové l’Institut de la culture italienne de Tokyo, avec ses bords en marbre blanc et ses murs rouge écarlate (un hommage à la tradition japonaise de la laque) et un scandale a éclaté. (suit page 4)

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GAE
Photo Leonardo Cendamo/Getty Images

Parce que le reflet du bâtiment projette une patine rosée sur les fleurs des cerisiers qui bordent la rue.

Elle ne change pas d’avis, même lorsqu’elle reçoit une enveloppe pleine d’argent, qu’elle regrette plus tard de ne pas avoir ouverte - juste par curiosité.

Mais c’est aussi la couleur qui marque souvent ses vêtements et accessoires d’une touche excentrique : de ses chaussettes rouges à sa lourde valise en cuir, en passant par une petite marque sur sa veste sombre.

Elle le considère, à sa manière, comme un choix non-conformiste.

Si le rouge était effectivement passé de mode, a-t-elle affirmé, elle serait passée au vert (la couleur, d’ailleurs, du stylo avec lequel elle écrit).

Gae Aulenti entretient une relation particulière avec le théâtre, pour elle un grand terrain d’apprentissage de l’architecture, et surtout avec le célèbre metteur en scène Luca Ronconi.

Briganti écrit : «Ronconi, toujours très proche de Gae, même en privé, assis à sa gauche lors des dîners qu’elle donne dans sa maison-atelier milanaise, son maestro dans le domaine théâtral, en plein accord avec l’architecte, soutenait que «la contradiction secrète sur laquelle se fonde toute mise en scène est celle d’être une sorte d’architecture sans fondations, ou du moins avec des fondations paradoxalement mobiles».

D’autre part, Aulenti aime l’art, et embrasse avec passion l’activité de concepteur d’expositions en pensant à des lieux conçus autour des œuvres d’art et non l’inverse.

Et ce, selon l’architecte Tommaso Botta, avec un souci du détail qui tient presque de la chaussure.

En 1983, FIAT achète le Palazzo Grassi pour y présenter de grandes expositions d’art et d’archéologie, en confiant les travaux de rénovation à Aulenti, et le musée ouvre en mai 1986 avec une exposition sur le Futurisme ; quelque temps avant le Musée d’Orsay. L’architecte sentimental, c’est-à-dire sous un jour différent de celui sous lequel elle apparaît sur le chantier ou ex cathedra, apparaît dans le livre sous différentes pinceaux, comme lorsqu’elle nous raconte qu’elle avait l’habitude d’offrir des dîners de Noël à ses amis

Copertina di Casabella, N. 482, luglio-agosto 1982, Arnoldo Mondadori Editore. Il titolo rosso sopra la ricostruzione assonometrica in bianco e nero dell’allestimento interno del Museo d’Orsay, progettato dall’architetto italiano Gae Aulenti in collaborazione con Italo Rota; il disegno rappresenta un ambiente spazioso dominato dalle grandi finestre ad arco appartenenti alla precedente Gare d’Orsay di Victor Laloux, nella parte superiore, che fiancheggiano un corridoio con statue sui piedistalli; l’ambiente più grande, disegnato più in basso, presenta alcune scale e una sequenza di terrazze a diverse altezze, con i visitatori che passeggiano e alcuni dipinti e statue esposti alla loro vista. (Foto di Marco Covi/Electa/ Mondadori Portfolio).

célibataires, mais surtout dans une déclaration de Lina Sotis, une amie et voisine.

«Gae était une sorte de femme très masculine ?

Mais si vous lui parliez, si vous la connaissiez, elle était très féminine.

Je me souviens que Gae avait emporté l’homme le plus désiré à l’époque par toutes les vieilles dames.

La référence est à Carlo Ripa di Meana, homme politique et environnementaliste.

Sotis ajoute : «Carlo était là mais il était un figurant parce qu’elle était».

Et pourtant, cet «extra», qu’Aulenti appelait affectueusement «Sgarsul», ce qui signifie «frivole, audacieux, garçon de la rue», dans une relation qui dura vingt ans, donna également son nom à la sinueuse chaise à bascule qui marqua ses débuts, en 1961, dans le monde du design.

Et donc, commente Briganti, «avec les signes de leur amour éparpillés dans les maisons les plus importantes de Milan, il était de toute façon impossible de l’oublier».

En un temps record, un peu plus d’un mois après sa mort, sa ville, sous la direction du conseiller Stefano Boeri,

lui dédie une place dans le quartier Garibaldi parmi les nouveaux bâtiments de la ville en pleine expansion : la Piazza Gae Aulenti, au centre du réaménagement de l’une des zones les plus avant-gardistes de Milan.

À la croisée du centre historique et des quartiers financiers, la Place Gae Aulenti et les édifices qui l’entourent sont le résultat du projet de rénovation des quartiers de Garibaldi, Isola et Varesine.

Le complexe urbain est l’œuvre de l’architecte César Pelli.

L’élément principal de son ouvrage est la Piazza Gae Aulenti, un podium circulaire qui s´élève à 6 mètres audessus du sol.

Autour de la Place se trouvent différents édifices au design étonnant.

Le plus important d’entre eux est la Unicredit Tower qui culmine à 231 mètres.

Cette tour est devenue le plus haut gratte-ciel d’Italie.

On trouve également deux autres éléments surprenants qui forment ce que l’on appelle « Bosco Verticale »(le Bois Vertical), un complexe de deux tours avec 2 000 espèces différentes de plantes

oeuvre de l’architecte Stefano Boeri.

La place est reliée par une passerelle piétonne au Corso Como, l’une des rues les plus vivantes de Milan. Elle compte une multitude de boutiques, restaurants et bars.

Le design futuriste de la Piazza Gae Aulenti est en parfaite harmonie avec les édifices qui l’entourent et le système d’éclairage de l’espace.

Chaque soir, un spectacle d’eau, son et lumières débute à la tombée de la nuit, et le Solar Tree se met à fonctionner –un système d’éclairage LED employant de l’énergie solaire pour illuminer la place.

La Piazza Gae Aulenti est devenue l’un des lieux incontournables de Milan. Pour profiter d’une vue imprenable sur la ville, vous devez monter tout en haut de la plus haute des tours de l’édifice Unicredit.

Il convient d’ajouter qu’avec le quartier des Navigli, la Place Gae Aulenti fait partie des zones les plus animées de Milan.

Marta Galli

https://www.ad-italia.it/ article/gae-aulenti-architettogeniale-biografia-storia/ https://www.visitonsmilan. com/piazza-gae-aulenti

Photo Dexterino86Opera propria, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/
(suit de la page 3)
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ous sommes dans un ancien bâtiment d’angle dans le quartier de Brera. C’est ici que Verdi a composé sa Messa da Requiem, c’est ici que les péniches sont arrivées chargées sur le Naviglio.

Vous devez grimper une échelle en fer orange pour atteindre le studio de Gae Aulenti.

Une table carrée sur laquelle sont étalées de grandes feuilles de plans, de vieilles maquettes en bois sur les murs, derrière elle une autre table blanche pleine de papiers, de livres, de crayons, de stylos, de ciseaux.

Une bibliothèque pleine de catalogues, des dossiers, des classeurs.

Idée d’ordre et de géométrie.

La même qui émane de la figure sévère de l’architecte de la Gare d’Orsay à Paris, du Musée d’Art Catalan à Barcelone, du Palazzo Grassi, des anciennes Scuderie del Quirinale.

Cigarette entre les doigts, cheveux blancs très courts, et calme, très calme, gestes amples des bras en évoquant sa longue carrière.

«Les années qui passent» ? Uffah, quelle question... Je suis défendu par mon travail et ma passion».

La timidité la défend aussi. Gae est né dans la province d’Udine, la famille s’était installée à Biella pour des raisons professionnelles, mais à l’origine il y a beaucoup de Sud.

Un père comptable, fils d’un magistrat de l’école de Trani, et une mère napolitaine dont le père était médecin et enseignait à Palerme : «Nous avions une maison de campagne en Calabre et tant que la guerre nous le permettait, nous y allions en vacances «. J’étais à Naples en 44 et j’ai vu la dernière éruption du Vésuve»

Gae Aulenti commence à étudier au Liceo artistico de Florence, mais avec la guerre elle est obligée de retourner dans le Nord : des bombes tombent sur le pensionnat de Turin, où elle s’était installée, elle retourne donc à Biella, où elle étudie en privé.

«Je rendais de petits services à la résistance, ils me faisaient confiance et parfois j’emmenais les missions anglaises hors des blocs en faisant semblant de partir en camp.

À Biella, j’étais amie avec deux sœurs juives qui ont disparu du jour au lendemain. La conscience civile y est née».

Milan est arrivée en 1948, avec l’école polytechnique, et est devenue sa ville.

«Aux cours, nous étions une cinquantaine en tout, aujourd’hui nous devons être cinq mille étudiants.....

À l’époque, il y avait Visconti au théâtre, il y avait des galeries d’art, il y avait le cinéma néoréaliste, la librairie Einaudi...

J’ai connu Vittorini grâce à l’architecte De Carlo : c’était un bel homme, en proie à une timidité furieuse, je n’ai pas dit un mot».

Milan, la ville ouverte : «C’était une ville européenne en pleine effervescence et nous étions très combatifs, nous voyons grand : plus que Gio Ponti, nous étions intéressés par le rationalisme international, Gropius, Le Corbusier, Wright...».

Son éducation artistique lui a-t-elle été transmise par ses parents ?

«Mes parents m’ont appris à former une personnalité autonome : la rupture entre le Sud et le Nord, pour eux, était très importante.

J’avais des visions artistiques, entre guillemets, mais il y avait une Italie détruite et l’architecture était le domaine où l’on pouvait intervenir.

L’Architecture est un metier d’hommes mais j’ai toujours fait semblant de rien.

Gae Aulenti «Le sacrifice ? C’est un mot que je ne connais pas!

L’architettura è un mestiere da uomini ma ho sempre fatto finta di nulla» Gae Aulenti: «Il sacrificio? Una parola che non conosco»

https://www.corriere. it/cultura/11_ febbraio_21/gaeaulenti-paolo-di-stefano

Vous savez, voir les décombres m’est encore insupportable aujourd’hui».

Le premier projet de Gae Aulenti est lié au nom d’Adriano Olivetti : «Mon père est mort et en 1960, j’ai eu besoin de travailler. Luciana Nissim Momigliano, épouse de l’économiste Franco, m’a obtenu un entretien avec Olivetti et je me suis présenté un jour avec mon document d’urbanisme.

Une honte...

C’était un entretien sans paroles, nous étions tous les deux silencieux.

J’ai commencé par éditer le magazine «Tecnica e organizzazione».

J’ai rencontré Giorgio Soavi et Renzo Zorzi et le premier projet était une salle d’exposition Olivetti à Paris et immédiatement après à Buenos Aires.

Ainsi commença ma vie d’aller-retour avec Milan, qui dure encore aujourd’hui». Les deux premières maquettes sont celles qui sont encore accrochées au mur.

Depuis lors, Gae Aulenti a voyagé dans toute l’Europe, l’Amérique, le Japon, la Chine...

En avant et en arrière.

N’avez-vous jamais eu la tentation de fuir Milan ?

«Je n’ai commencé à y penser que maintenant, j’en aurais envie mais je ne le ferai pas. Milan est faite par des immigrants, il y a un échange direct et indirect, c’est comme être ici et ailleurs en même temps.

Savez-vous quel âge j’ai? 83 ans, je m’accroche encore, avec la possibilité de penser activement.

Et avec le souvenir des rencontres qui ont permis de mettre à profit sa passion de jeunesse pour le théâtre». Avec Luca Ronconi, pour qui elle réalise son premier projet de scène à Naples en 74 : «En travaillant pour le théâtre, j’ai compris la valeur de l’action pour l’architecture : même dans la réalisation du Musée d’Orsay, le concept d’action est entré, dans les parcours, dans les passages d’un espace à l’autre, dans les avenues. Une idée du temps, ainsi que de l’espace».

Avec Paolo Grassi, le deus ex machina du Piccolo : «Il était soit très calme, soit très bavard, sans aucun compromis. Il pouvait être très poli ou très grossier, avec des emportements imprévisibles. Il avait l’habitude (suit page 6)

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Photo DeAgostini/Getty Images

de m’appeler l’Atacchica, parce que je ne portais jamais de talons’.

Et puis, Giangiacomo Feltrinelli : «Un type taciturne».

Je l’ai rencontré dans une cellule communiste de la Piazza Duomo, où il tenait un stand de livres».

Il a a toujours admiré la force d’Inge...». Et encore : Tadini, Sottsass, Eco : «Des amis ? Je ne me confie à personne.

Une question de caractère. Pour se déclarer ami, il faut être deux, on ne peut pas prendre la responsabilité d’un seul côté».

Gianni Agnelli, l’œuvre de Venise et celle de Villar Perosa, pour l’école maternelle en mémoire d’Edoardo : « Je me souviens qu’il y avait des panneaux solaires à installer et je voulais que ce soit de grands papillons.

J’ai dit que c’était une dépense supplémentaire et Agnelli m’a répondu : «Ce n’est pas grave, c’est plus pédagogique, faisons-le».

Il ne s’imposait pas, mais il s’intéressait à tout».

Ce n’était peut-être pas une véritable amitié, il y avait trop de distance entre la jeune Gae Aulenti et le maître d’architecture Ernesto Nathan Rogers, en 55, lorsque la jeune diplômée rejoint «Casabella»: «Rogers m’a appris que l’architecte est avant tout un intellectuel.

Et puis, il m’a transmis l’importance d’une vision internationale : pour moi, il était fondamental de partir à Buenos Aires et de prendre le temps de passer par la Bolivie de Che Guevara, connaître Paris signifiait connaître l’Europe, etc.

Je n’ai jamais arrêté». Dans les années 1980, la relation avec Carlo Ripa di Meana l’a rapprochée de «milieux politiques que je n’aimais pas, à savoir le craxisme délétère».

Pour la ville de Milan, Gae Aulenti réalise peu de travaux: le Spazio Oberdan en 99 et la Stazione Nord en 2000, ainsi que de nombreux projets privés, bien sûr.

Elle feuillette un livre contenant sa chronologie et s’exclame avec surprise : «Quelle vie j’ai eue ! Ah oui, j’ai aussi travaillé à Medellín...».

Barcelone a la mémoire plus vive : «Ils avaient décidé de faire le musée d’art catalan mais ils n’avaient

pas l’argent. Il nous a fallu 18 ans, depuis 1985, pour changer de maires et d’administrations politiques, mais tout s’est déroulé comme d’habitude. Ici, un conseiller change et tout explose !».

La gare d’Orsay est arrivée encore plus tôt : «Un travail très dur. J’ai collaboré avec les conservateurs et même Mitterrand est intervenu, a visité les chantiers et a donné son avis.

Une fois, j’ai mentionné le revêtement en pierre grise et il a regardé les échantillons et a dit : «Non, Madame Aulenti, c’est jaune», c’est jaune. Et j’ai dit, ‘Non, Monsieur le Président, c’est gris’.

Il est venu pour travailler, pas pour rendre des visites. Une fois le travail terminé, il y a eu une division claire entre ceux qui l’ont aimé et ceux qui ne l’ont pas aimé.

C’est idéal. Quand tout le monde est d’accord c’est qu’il y a quelque chose qui ne fonctionne pas».

Si vous demandez à Gae Aulenti comment elle définit son style, elle vous répondra sans ambages : «On ne peut pas faire la même chose à San Francisco ou à Paris.

Ce qui compte, c’est le contexte physique et

conceptuel, c’est pourquoi j’ai besoin d’un travail d’analyse très minutieux avant de concevoir : étudier l’histoire, la littérature, la géographie, voire la poésie et la philosophie...

Vous devez trouver des solutions à chaque fois, et les livres vous aident.

Vient ensuite la synthèse, et enfin la partie prophétique: la capacité de construire des choses qui durent dans le futur. Si l’architecture est jetée, elle devient un tas de gravats». Un métier pour les hommes, l’architecture. Ou pas? «Je sais, mais j’ai toujours fait semblant de rien». Combien a-t-elle sacrifié à sa famille pour son travail ? «Sacrifice est un mot que je ne connais pas. Alors laissez-moi disons plutot: combien la famille a-t-elle souffert pour votre travail? «Les femmes sont toujours associées au sacrifice.» .... Ma fille est bientôt partie vivre à Rome, peut-être pour échapper à ma présence un peu forte. J’ai divorcé et aujourd’hui nous avons des familles un peu à part : c’est peut-être pour cela que nous sommes plus proches que les autres.

Boh!’

Paolo Di Stefano

ée en 1927 à Palazzolo dello Stella (UD), fille d’Aldo Aulenti, d’origine apulienne et de Virginia Gioia, napolitaine d’origine calabraise.

Elle est diplômée en architecture de l’école polytechnique de Milan en 1953, où elle a également obtenu le diplôme de la profession.

Gae Aulenti a suivi une formation d’architecte à Milan dans les années cinquante, où l’architecture italienne est engagée dans cette recherche culturelle historique sur la récupération des valeurs architecturales du passé et de l’environnement bâti existant qui se joindra au mouvement Neoliberty.

Aulenti fait partie de cette tendance, qui est en désaccord avec le rationalisme.

De 1955 à 1965, elle fait partie de la rédaction de Casabellacontinuità (ISSN 0008-7181) dirigée par Ernesto Nathan Rogers, qu’elle considère comme son « père spirituel ».

De 1960 à 1962 elle enseigne en tant qu’assistante en composition architecturale à l’université IUAV de Venise.

De 1964 à 1967, elle enseigne cette même matière au Politecnico de Milan.

Lors de la 13e biennale d’architecture de Milan en 1964, elle conçoit le pavillon italien.

De 1966 à 1969, elle est vice-

présidente de la Société des designers italiens.

En 1974, elle fait partie de la rédaction du magazine Lotus International (ISSN 0076-101X).

De 1976 à 1979, elle est enseignante au Laboratorio di Progettazione Teatrale (mise en scène) à Prato. De plus, elle est professeur invité aux États-Unis, au Canada, en Espagne, en Allemagne, en Suède et en Iran.

Elle crée des mises en scène (notamment pour le réalisateur Luca Ronconi), des meubles, des aménagements divers, des jardins, des logements, des hôtels, écoles et magasins.

Elle acquiert une renommée internationale dans les années 1980. De 1980 à 1986, elle est chef du projet de réhabilitation et transformation en musée de la gare d’Orsay à Paris.

En 1987, elle est faite chevalier de la Légion d’honneur par François Mitterrand.

De 1982 à 1985, elle réaménage le centre national d’art et de culture Georges-Pompidou. De 1985 à 1992, elle réhabilite le Palacio Nacional de Montjuic à Barcelone en musée national d’art de Catalogne.

En 1991, pour l’ensemble de son œuvre, elle reçoit le prix japonais Praemium Imperiale.

Elle décède le 31 octobre 2012 à Milan, à l’âge de 84 ans

Photo miasonsolide
PALAZZI 6 VENEZIA (suit de la page 5)
Photo Leonardo Cendamo/Getty

PROGRESS OF LOVE

’histoire de ces tableaux, l’une des plus puissantes évocations de l’amour dans l’histoire de l’art, est liée à la carrière de la comtesse du Barry (17431793), dernière maîtresse de Louis XV (1710-1774).

Pour un pavillon de plaisance qu’elle commande à l’architecte Claude-Nicolas Ledoux (1736-1806) en 1771, la comtesse commande à Fragonard quatre toiles représentant «les quatre âges de l’amour».

La série se déroule dans l’ordre suivant : de la demande en mariage coquette (un jeune homme offre une rose à une jeune fille), à la rencontre furtive (l’amant escalade le mur d’un jardin), à la consommation ou au mariage (la jeune fille couronne son amant de roses), jusqu’à la jouissance tranquille d’une union heureuse (la lecture de lettres d’amour).

Pourtant, malgré toute leur beauté et leur passion, Madame du Barry a rapidement rendu les toiles à l’artiste et en a commandé d’autres à un autre.

Les ressemblances entre l’amant au manteau rouge et Louis XV étaient-elles

potentiellement gênantes?

Les toiles exubérantes ne semblaient-elles pas un peu démodées au milieu du néoclassicisme froid du pavillon d’avant-garde de Ledoux ?

Pour quelque raison que ce soit, Fragonard s’accroche à ses créations pendant vingt ans encore.

Puis, ajoutant sept toiles supplémentaires, il installa la série dans la villa d’un cousin dans le sud de la France.

Elles sont passées dans la collection de J. P. Morgan, où elles ont été exposées dans sa maison de Londres.

Elles ont été acquises par Frick en 1915 et installées dans une pièce spécialement conçue pour elles.

Mais que se cache-t-il derrière la célèbre série des «Progrès de l’amour» de Jean-Honoré Fragonard (Grasse 1732, Paris 1806), considérée par beaucoup comme le véritable chef-d’œuvre de l’artiste grassois ?

Colin B., expert en art français du 18ème et 19ème siècle. Bailey, dans une vidéo originale filmée dans la salle Fragonard de la Frick Collection.

En commençant par la commande des tableaux

par la comtesse Du Barry, jusqu’à leur rejet et leur repositionnement ultérieur, Bailey - ancien directeur adjoint et conservateur en chef de la Frick Collection auprès de Peter Jay Sharp, actuellement directeur de la Morgan Library & Museum à New York - reconstitue toutes les étapes de l’histoire passionnante du cycle de peintures de Fragonard, avec un regard critique et approfondi. Colin B. Bailey nous guide dans les méandres de la narration du «Progrès de l’amour», révélant les significations les plus secrètes cachées derrière les œuvres de Fragonard, éclairant le spectateur non seulement sur la maîtrise de la composition du peintre, mais aussi sur sa technique sublime et le rôle social qu’il a joué à son époque.

Vous trouverez ci-dessous le link vers la vidéo sur les «Progrès de l’amour» de JeanHonoré Fragonard expliquée par Colin B. Bailey, filmé dans la salle Fragonard de la Frick Collection à Manhattan : https://youtu.be/404fQk9vckU https://artness.it/jean-honore-fragonar-lastraordinaria-storia-di-progress-of-lovespiegata-in-un-video-di-frick-collection/

ean-Honoré Fragonard (Grasse, 5 avril 1732 - Paris, 22 août 1806) était un peintre français, un représentant important du style rococo et l’un des artistes français majeurs du 18e siècle.

Ses tableaux se caractérisent par une utilisation particulière de la lumière et la raréfaction de certaines parties, utilisées comme un expédient pour rendre la légèreté de certains éléments, tels que les draperies ou les coiffures féminines blanches.

Il était un peintre d’histoire, de paysage et de genre.

Il s’est également consacré, avec une grande élégance, à la peinture de nature frivole et espiègle, dite «érotique».

Jean-Honoré Fragonard est né à Grasse, dans les collines qui descendent vers Cannes, de François Fragonard, gantier, et de Françoise Petit.

Lorsqu’il a eu six ans, la famille a déménagé à Paris où il est resté et a travaillé pendant la majeure partie de sa vie.

Son penchant pour l’art est apparu très tôt, bien que son père l’ait envoyé comme apprenti chez un notaire.

Cependant, ses capacités artistiques sont rapidement remarquées par le peintre François Boucher qui l’envoie dans l’atelier de Jean-BaptisteSiméon Chardin.

Fragonard y étudia pendant six ans, mais finalement, à l’âge de 14 ans seulement, il retourna chez Boucher, avec qui il put développer son talent, acquérir une conscience stylistique et gagner l’estime du maître, au point que Boucher lui commanda des copies de ses tableaux pour des clients.

Bien qu’il n’ait jamais été étudiant à l’Académie, il a rapidement participé au prestigieux Grand Prix de peinture de l’Académie royale (le Prix de Rome), qu’il a remporté en 1752 avec le tableau Jéroboam sacrifiant aux idoles. Il a ensuite fréquenté pendant trois ans l’École royale d’étudiants protégés, dirigée à l’époque par Charles-André van Loo. L’une de ses dernières œuvres exécutées en France avant de partir à Rome est le Christ lavant les pieds des apôtres, aujourd’hui conservé dans la cathédrale de Grasse. En 1756, il part pour l’Académie de France à Rome avec son ami Hubert Robert, qui remporte également le Prix de Rome. (suit page 8)

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À Rome, les jardins inspirent à Fragonard certaines des visions qui deviendront récurrentes dans toutes ses œuvres : temples, jardins suspendus, grottes, statues et fontaines deviennent le théâtre de ses scènes de vie frivoles, profondément influencées par son étude des œuvres de Giovanni Battista Tiepolo à Venise.

Il a également beaucoup travaillé avec son ami Robert, à tel point que leur collaboration a fait l’objet d’une exposition à la Villa Médicis.

Fragonard reste à Rome pendant cinq ans, c’est-àdire jusqu’en avril 1761, date à laquelle il quitte la Ville éternelle pour rentrer en France après un long voyage, d’avril à septembre, qui l’amène à visiter Florence, Bologne et, surtout, Venise. Parmi les œuvres qu’il produit à cette époque, le célèbre Corsus et Callirhoé (1765), avec lequel il est admis à l’Académie, est largement loué par Diderot et est acheté par le roi.

Pendant son séjour en Italie, Fragonard, suivant les conseils de Boucher, ne «prend pas» Michel-Ange et Raphaël au sérieux, mais se laisse séduire par le charme facile des peintres baroques, les Carrache, Pietro da Cortona et Tiepolo.

Les sujets de ses premiers tableaux avaient été historiques, religieux ou autrement sérieux, et à son retour en France, Fragonard fut encore apprécié par l’Académie pour l’un de ses Sacrifices de Crésus.

Mais il a ensuite décidé d’abandonner ces thèmes et a même cessé d’exposer au Salon.

Il s’est rendu compte, en effet, qu’il ne pouvait pas rivaliser, et encore moins exceller, dans le genre sérieux par lequel il avait commencé, et dans lequel de nombreux artistes plus expérimentés et déjà célèbres étaient engagés.

Il décide alors de se tourner vers la peinture «légère», frivole et souvent espiègle, composée de scènes allusives ou explicitement érotiques, mais toujours d’un extrême bon goût.

Ce choix n’est pas malheureux car Fragonard connaît un énorme succès, devient le peintre à la mode et peut accumuler une fortune considérable qu’il perd

ensuite avec l’avènement de la Révolution.

En 1769, il épouse MarieAnne Gérard (1745-1823), une excellente peintre de miniatures, également originaire de Grasse.

Leur première fille, Rosalie, est née la même année.

En 1773, après un voyage en Flandre pendant l’été, le Fermier Général PierreJacques-Onésyme Bergeret de Grandcourt lui demande d’être son guide pour un long voyage en Italie et en Europe centrale, qui doit commencer en octobre. Fragonard a accepté.

Bergeret était comte de Nègrepelisse et, en chemin, l’itinéraire prévu les faisait passer par cette ville, où le petit groupe de voyageurs a séjourné quelques jours. Fragonard réalise quelques dessins, dont le château de la ville, dont Bergeret est le propriétaire.

Le voyage se termine en septembre 1774, après des visites à Vienne, Prague, Dresde, Francfort et Strasbourg.

En 1780, Fragonard et sa femme ont un deuxième fils, Alexandre-Évariste (17801850), qui devient également artiste.

Mais huit ans plus tard, leur première fille, Rosalie, âgée de 19 ans, meurt près de Paris, au château de Cassau.

Fragonard travaille à la cour jusqu’à la Révolution française, puis, en 1790, il est contraint de quitter Paris et de se réfugier à Grasse avec son ami Alexandre Maubert.

De retour à Paris un an plus tard, il devient membre de la «Commune des Arts» en 1793.

Plus tard, l’Assemblée nationale, en raison de l’intérêt de Jacques-Louis David pour l’aider, le nomme Conservateur du Musée du Louvre.

A partir de cette période, Fragonard reste presque totalement inactif, il connaît les affres du manque de travail et de l’oubli.

Mais les temps changeaient rapidement.

L’avènement du Premier Empire entraîne une épuration drastique et, en 1805, tous les conservateurs du Louvre sont expulsés par décret impérial.

Fragonard tombe dans la misère, trouve un logement à peine décent chez son ami Veri, dans les galeries du Palais Royal, mais l’année suivante (1806), peut-être à cause d’une «congestion cérébrale»

(attaque, hémorragie cérébrale) et souffrant d’une profonde dépression, il meurt. Il avait 74 ans.

Les funérailles ont eu lieu dans l’église Saint-Roch et l’inhumation a eu lieu dans le vieux cimetière de Montmartre, où l’on ne distingue plus aujourd’hui sa tombe.

Fragonard est mort pauvre et oublié de tous.

La famille de Fragonard comprend plusieurs artistes : Marie-Anne Gérard, son épouse, une miniaturiste enchanteresse

Marguerite Gérard, sa bellesœur et élève, remarquable peintre intimiste

Alexandre-Évariste Fragonard, son fils, peintre Théophile Fragonard, son neveu, fils d’Alexandre.

Son cousin Honoré Fragonard, quant à lui, était un célèbre anatomiste, dont les «écorchures» sont conservées au musée Fragonard de l’École nationale vétérinaire à Maisons-Alfort.

La redécouverte d’un artiste Fragonard a longtemps été ignoré par la critique, au point que même Michael Scheißkopf ne le mentionne pas dans son Histoire de l’art de 1873.

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Le premier à redécouvrir son œuvre est Billet Doux avec son article de 1905 sur la vente Cronier à Paris, après quoi Fragonard est redécouvert par les galeristes.

Cent ans s’étaient écoulés depuis sa mort.

En 1906, certaines de ses peintures ont été exposées par Joseph Duveen à Londres.

Son utilisation des couleurs locales et son coup de pinceau confiant et expressif ont eu une influence indéniable sur les impressionnistes (notamment Renoir et sa petite nièce Berthe Morisot).

Les tableaux de Fragonard, ainsi que ceux de François Boucher, semblent résumer toute une époque.

En 1926, la société française Fragonard décide de prendre le nom de l’artiste pour être associée à Grasse et au raffinement des arts du peintre.

Les œuvres «frivoles»

Comme Boucher, Fragonard est considéré comme le peintre de la frivolité et du rococo, bien qu’il s’engage également dans de nombreux autres domaines: grands paysages inspirés des peintres hollandais, peintures religieuses et mythologiques ou scènes de sérénité familiale. D’un trait habile, Fragonard a su montrer le tourbillon de la

vie par des poses expressives et des gestes gracieux, ou par des draperies pleines de vigueur.

Il est cependant le dernier artiste d’une époque en déclin et ses scènes de genre sont rapidement rendues obsolètes par la dureté néoclassique de Jacques-Louis David et la cruauté de la Révolution et de l’Empire.

Les scènes de genre de Fragonard sont souvent délibérément licencieuses, comme par exemple dans «Les hasards heureux de l’escarpolette» de 1766, une fantaisie d’un patron quelque peu lubrique et voyeuriste. Mais même ces images, certes frivoles et quelque peu «osées», peuvent être lues sous un angle différent.

On peut y voir une agitation, un sentiment de «fin de fête» (et cela nous rappelle Watteau), ou même une menace diffuse : des couples dans l’intimité, de belles filles se prélassant sensuellement dans un lit, des baisers et des rapports sexuels, des femmes endormies, des baigneuses, tout ce petit monde agréable de grâce et d’intimité est observé par un peintre qui veut nous rappeler combien la jeunesse ne dure pas et combien les moments de tendresse lascive sont fugaces

et rares.

Après 1761, Louis XV commence à lui commander uniquement les scènes de vie aristocratique dans des jardins pittoresques que son séjour à Rome lui avait inspirées.

La beauté des couleurs et la virtuosité du clair-obscur, apprises de François Boucher, sont probablement le côté le plus frappant de sa peinture, qui manquait plutôt d’étude des sujets.

Certaines des peintures les plus célèbres de cette période sont : Serment d’amour 1775, collection privée, Le Verrou, collection privée, La Culbute, vers 1769, anciennement dans la collection Goncourt, La Chemise enlevée, 1767, Louvre.

Les panneaux de Grasse En 1771, Fragonard entreprend, sur commande de Madame du Barry, écrivain et dernière amante de Louis XV, la création d’une courte séquence de quatre tableaux, intitulée Les progrès de l’amour dans le cœur d’une jeune femme.

Leurs titres étaient : La poursuite, La Surprise, L’Amour couronné, La lettre d’amour. Ces œuvres étaient destinées

à orner le pavillon de Louveciennes.

Cependant, peu après leur installation, ils ont été retirés car ils ne s’intégraient pas à l’architecture néoclassique du pavillon.

Fragonard les récupère et les amène à Grasse pour les installer dans le salon de la villa de son cousin.

Mais l’espace disponible était très grand et il a alors décidé de réaliser 10 tableaux supplémentaires pour compléter la décoration de la pièce.

Les 14 œuvres sont : La poursuite, 1773 (The Pursuit)

La Surprise (The Surprise)

L’Amour couronné, 1773, (Crowned Love)

La Lettre d’amour, (The Love Letter)

L’abandon, 1773, L’Amour triomphant (Love triumphant)

L’Amour en sentinelle (Love on sentinel)

L’Amour folie (Love folly)

L’Amour poursuivant une colombe (Love chasing a dove)

L’Amour assassin (L’amour assassin).

De nombreuses autres œuvres de Fragonard sont conservées à la Wallace Collection, notamment : La fontaine d’amour, Le professeur, La femme qui grave son nom sur un arbre (titre original : Le Chiffre d’amour).

Plus de treize œuvres sont également présentes au Louvre, parmi lesquelles : Corsus, Les Baigneurs, L’Heure du berger et le célèbre autoportrait intitulé L’Inspiration (1769).

D’autres œuvres se trouvent dans les musées de Lille, Besançon, Rouen, Tours, Nantes, Avignon, Amiens, Grenoble, Nancy, Orléans, Marseille et Chantilly.

En 1939, un premier timbreposte pour la création d’un musée postal, (valeur 40 centimes et surcharge 60 centimes, brun lilas et brun sépia, représentant «L’inspiration favorable», d’après une œuvre de Fragonard) est émis par la Poste.

En 1962, deux timbres ont été émis pour la Croix-Rouge; le premier, de couleur lilas (valeur 20 cents et surcharge de 10 cents), représentait «Rosalie», et le second, de couleur verte (valeur 25 cents et surcharge de 10 cents), représentait «L’enfant en Pierrot».

En 1972, un timbre polychrome de 1 franc représentant «L’étude» est émis par la Poste. wikipedia.org

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Anna May Wong

était une icône du cinéma hollywoodien et européen.

Elle a défié la scène et s’est battue pour humaniser les rôles chinois.

Anna May Wong était une Sino-Américaine de troisième génération qui, dès son plus jeune âge, s’est intéressée au cinéma.

Elle séchait l’école pour regarder des films muets. À 19 ans, elle a joué un second rôle stéréotypé dans le film «Le voleur de Bagdad» (1924) en tant que «Dragon Lady».

Elle a était considérée comme la première star de cinéma asiatique-américaine - et elle a encore quelque chose à apprendre à Hollywood près d’un siècle après sa percée.

Le diaporama d’œuvres d’art représentant Anna May Wong est présenté à l’occasion du 97e anniversaire de la sortie du film «Le péage de la mer», dans lequel elle a obtenu son premier rôle principal.

Fille d’immigrants chinois, on a pu voir Anna May Wong sur le grand écran des années 1920 aux années 1960.

En 1928, elle quitte Hollywood pour l’Europe car elle en a assez d’être cataloguée et parce que de nombreuses actrices blanches se voient confier les rôles principaux de personnages asiatiques.

Pendant son séjour en Europe, elle reçoit de nombreux éloges.

Anna May a entretenu des liens d’amitié étroits avec plusieurs actrices renommées de l’époque, comme Marlene Dietrich et Cecil Cunningham, ce qui a suscité des rumeurs sur son orientation sexuelle.

Elle a joué dans de nombreuses pièces de théâtre et de nombreux films, dont Schmutziges Geld en 1928 et Piccadilly en 1929.

Son premier rôle parlant est dans le film «The Flame of Love» en 1930.

Elle a également joué dans l’opérette Tschun Tschi en allemand courant, et dans la pièce «A Circle of Chalk» avec Laurence Olivier.

Mais elle a réalisé ce qui est peut-être son œuvre la plus connue, «Shanghai Express», à son retour aux États-Unis en 1930.

En 1935, Wong connut la plus grande déception de sa carrière, quand la Metro-Goldwyn-Mayer rejeta sa candida-

ANNA MAY WONG

ture pour le rôle principal de Visages d’Orient, adaptation du livre éponyme de Pearl Buck, en raison du code de l’industrie cinématographique interdisant les gestes intimes entre les diverses ethnies. L’acteur principal, masculin, Paul Muni, étant Blanc, les producteurs considéraient impossible de lui donner une partenaire d’origine asiatique et choisirent plutôt l’actrice Luise Rainer que l’on maquilla pour lui donner une apparence orientale.

Désabusée, Wong tenta sa chance en Chine où elle fit une tournée d’un an, visitant le village ancestral de sa famille. Mais elle fut victime de la propagande du gouvernement nationaliste de Tchang Kaï-chek qui considérait que ses rôles cinématographiques donnaient une mauvaise image du peuple chinois.

De retour en Amérique à la fin des années 1930, elle tourna dans plusieurs films de série B pour Paramount Pictures, comme le film de guerre «La Dame de Chongqing» où elle interprète un rôle donnant une image positive des Sino-Américains et des Chinois, en lutte contre l’envahisseur japonais. Durant toute la guerre sino-japonaise (1937-1945)

elle consacra une bonne part de son temps et de son argent à lutter pour la cause de la Chine.

Wong revint à l’écran dans les années 1950 dans plusieurs séries télévisées ainsi que dans sa propre série en 1951, The Gallery of Madame Liu-Tsong, la première série mettant en vedette une Sino-Américaine diffusée aux États-Unis.

Elle comptait revenir au cinéma dans le film musical «Au rythme des tambours fleuris» quand elle mourut d’une crise cardiaque en 1961, à 56 ans. L’artiste qui l’a représentée pour Google, Sophie Diao, a déclaré qu’elle aurait aimé connaître Anna May Wong lorsqu’elle était enfant et qu’elle cherchait des modèles chinois-américains à Hollywood.

«Les acteurs américains d’origine asiatique sont encore sous-représentés aujourd’hui.

Il est donc étonnant qu’Anna May Wong ait été si active au début de l’histoire du cinéma, en comblant le fossé entre les films muets et les films parlants», a déclaré Sophie Diao. Cette conversation sur la sous-représentation s’est poursuivie dans le Hollywood

moderne.

En 2017, la campagne de médias sociaux #ExpressiveAsians a été lancée à partir du livre de la sociologue Nancy Wang Yuen «Reel Inequality: Hollywood Actors and Racism», qui cite un directeur de casting anonyme disant que c’était un défi de caster des acteurs asiatiques parce qu’ils sont considérés comme peu «expressifs».

L’année suivante, «Crazy Rich Asians» a été très bien accueilli par la critique.

L’actrice principale Constance Wu a été la quatrième femme d’origine asiatique à être nommée pour la meilleure performance d’une actrice dans un film musical ou une comédie aux Golden Globes.

En 2020, l’actrice sino-américaine Michelle Krusiec interprète une version fictionnelle d’Anna May Wong dans la mini-série Hollywood, diffusée sur le service Netflix. Li Jun Li l’incarne dans le film Babylon prévu pour 2022.

En 2022, une pièce de monnaie de 25 cents à son effigie est frappée et éditée aux États Unis.

Sarah Gonzalez et Lisa Respers France de CNN ont contribué à ce reportage. wikipedia.org

PALAZZI 10 VENEZIA nna May Wong | 1905-1961
Photo newsphoto

udol’f Chametovič Nureev (russe : Рудольф Хаме тович Нуреев ? ; en tatar : Rudolf Xämätulı Nuriev ; Irkoutsk, 17 mars 1938 - Paris, 6 janvier 1993) était un danseur et chorégraphe russe naturalisé autrichien, défini par des critiques tels que Clement Crisp et Sylvie de Naussac comme l’un des plus grands danseurs du XXe siècle avec Nižinsky et Baryšnikov.

En raison de sa rapidité à danser et de sa propension aux acrobaties, il était surnommé «le Tatar volant».

L’activité de Nureev en tant que danseur et chorégraphe n’était pas seulement importante pour ses compétences techniques, mais s’est également avérée novatrice car elle a entraîné un changement capital dans la sphère de la danse, en augmentant l’importance des rôles masculins, qui, dans ses productions, étaient développés avec une plus grande considération pour la chorégraphie que dans les productions précédentes. Grâce à sa nouvelle approche, la frontière entre le ballet classique et la danse moderne a été abolie ; ce facteur est devenu par la suite absolument

banal pour un danseur d’aujourd’hui, mais Nureev en a été le précurseur absolu. Rudol’f Nureev est né dans un wagon de passagers d’un convoi du Transsibérien près d’Irkoutsk, en Sibérie (Union soviétique), tandis que sa mère Farida se rendait à Vladivostok, où son père Khamet, commissaire politique de l’Armée rouge d’origine tatare et basque, était en poste. Cadet d’une famille de quatre enfants, Rudol’f a grandi avec sa mère, ses trois sœurs Rosa, Lilia et Razida, et un père peu présent avec lequel il a développé une relation très conflictuelle ; ses parents étaient issus de familles de culture musulmane, mais n’étaient pas croyants.

Après Vladivostok, la famille s’est installée à Moscou pour une courte période, mais en 1941, elle a été déplacée dans un petit village près d’Ufa, en Baskiria.

Durant ces années difficiles, minées par la tragédie de la Seconde Guerre mondiale, la famille mène une vie très précaire et pauvre.

Cependant, il y avait un théâtre à Ufa et, le soir du 31 décembre 1944, Rudol’f a assisté à un ballet interprété par l’étoile Zajtuna Nazretdinova

; outre son goût pour la musique et le piano, Rudol’f a compris à ce moment-là que sa véritable passion dans la vie serait la danse.

Dès lors, le très jeune Rudol’f commence à danser dans quelques groupes de danse folklorique amateurs mais se produit également dans quelques récitals à l’Opéra d’Ufa, sous la supervision d’Anna Udel’cova, ancienne élève de Sergei Djagilev, qui pressent son potentiel et l’oriente vers le professeur de danse Elena Vajtovič.

Pour se rendre à Ufa, Rudol’f a voyagé pendant deux jours entiers sur le Transsibérien, l’endroit même où, en 1947, à l’âge de 9 ans, il a été agressé sexuellement par le conducteur du train, par lequel il était déjà molesté depuis un certain temps, et dont Rudol’f n’a pas parlé à ses parents, bien que ce ne soit pas la première fois. C’est en 1954 qu’Anna Udel’cova l’encourage et le convainc de s’inscrire à l’Académie de danse Vaganova du théâtre Kirov de Leningrad, l’une des institutions les plus prestigieuses d’Union soviétique.

Cependant, Nureev n’a pas eu l’occasion de fréquenter une véritable école de danse avant

RUDOL’F C. NUREEV

1955, lorsqu’il a décidé de se rendre à Leningrad pour tenter de passer une audition à l’Académie de danse Vaganova du théâtre Kirov.

Le voyage a été long et lors d’une première étape à Moscou, il a également tenté une audition à l’Académie de danse du théâtre Bol’šoj. L’audition est un succès et les professeurs lui annoncent qu’il sera admis.

Cependant, le jeune Nureev prend son temps mais décline l’offre : son rêve reste de rejoindre Leningrad pour entrer à l’Académie de danse Vaganova du Kirov, la même académie où de grands protagonistes de la danse russe tels que Vaclav Nižinsky, Anna Pavlova et Galina Ulanova ont étudié.

Il se produit devant la commission du Théâtre Kirov et, malgré l’accueil peu enthousiaste et la perplexité face à son âge avancé,* son talent est reconnu, mais les premières aspérités d’un caractère extrêmement difficile apparaissent également.

Cependant, en 1958, après seulement trois ans, Nureev termine ses études avec le chorégraphe Aleksander Pushkin, obtient son diplôme de maître de danse avec son partenaire d’académie Michail Baryšnikov et rejoint la compagnie de ballet du Théâtre Kirov.

Il fait ses débuts avec la compagnie Kirov dans Laurencia, face à la célèbre Natalija Dudinskaya, et Nureev devient rapidement l’un des danseurs les plus connus d’Union soviétique, effectuant des tournées dans tout le pays dans des rôles classiques et romantiques tels que «Le Lac des cygnes» et «Giselle», qu’il interprète pour la première fois en 1959.

Avec la compagnie du théâtre Kirov, Nureev a eu l’occasion de travailler avec les principaux danseurs soviétiques de l’époque, notamment : Alla Šelest, Irina Kolpakova, Alla Sizova mais ont également eu le rare privilège de pouvoir voyager en dehors des frontières soviétiques.

Il se produit pour la première fois de l’autre côté de la frontière, à Vienne, au Festival international de la jeunesse. Toutefois, à son retour, son permis d’expatriation lui est retiré pour des raisons disciplinaires et il est contraint de reprendre les tournées du Kirov uniquement en territoire soviétique.

En 1961, son destin a changé. (suit page 12)

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Photo jeanturco

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Le principal danseur du Kirov, Konstantin Sergeev, s’est blessé et, au dernier moment, Nureev a été autorisé à le remplacer lors d’une représentation prévue à l’Opéra de Paris. Son spectacle est un grand succès et surprend à la fois le public et les critiques, à tel point que des répliques du spectacle sont organisées à Londres.

Cependant, le KGB ne le perd pas de vue lors de son séjour à Paris pour les représentations prévues et désapprouve sa fréquentation des amis occidentaux et des différents clubs de la capitale française.

C’est ainsi que le matin du 16 juin, à l’aéroport du Bourget à Paris, l’un des fonctionnaires du KGB qui escortaient constamment la troupe l’a informé qu’il devait revenir pour une importante représentation au Kremlin, tandis que les autres membres poursuivraient leur tournée européenne à Londres.

Après quelques réticences exprimées par Nureev, les fonctionnaires du KGB ont insisté sur son retour, ajoutant même des nouvelles de l’état de santé prétendument grave de sa mère.

Nureev hésite encore, craignant de plus en plus une tromperie et, compte tenu de ses restrictions antérieures, soupçonnant qu’en acceptant de rentrer, il ne serait plus autorisé à quitter l’Union soviétique, il déserte son vol de retour dans une fuite plutôt audacieuse et se rend à la police française à l’aéroport pour demander protection et asile politique.

Après s’être rendu indisponible pendant une courte période, il a formulé sa demande d’asile politique auprès du gouvernement français, tandis que l’Union soviétique le condamnait par contumace pour haute trahison à une peine de sept ans de prison.

Il ne reverra pas sa patrie avant très longtemps.

Malgré la distance, Nureev est toujours resté en contact avec sa mère, mais n’est retourné en Russie qu’en 1987 pour la voir une dernière fois, grâce à une autorisation spéciale accordée par le secrétaire général du PCUS de l’époque, Michail Gorbačëv.

Restant à Paris, Nureev est très vite engagé par plusieurs compagnies dont le Grand Ballet du Marquis de Cuevas pour lequel il interprète «La Belle au Bois dormant» avec Nina Vyrubova.

En Italie, Nureev fait ses débuts de chorégraphe en organisant une nouvelle édition de «Raymonda» pour le compte du Festival dei due mondi de Spoleto ; il travaille ensuite beaucoup pour la Scala de Milan, créant les nouvelles chorégraphies de «La bayadère», «La bella addormentata» et «Lo schiaccianoci», qu’il interprète aux côtés de Liliana Cosi et Carla Fracci.

Le succès ne se fait pas attendre et en 1962, il fait ses débuts aux États-Unis, en collaborant avec Sonia Arova à la Brooklyn Academy of Music de New York et, en collaboration avec Ruth Page du Chicago Opera Ballet, il interprète le grand pas de deux de «Don Quichotte».

C’est également en 1962 qu’il fait sa première apparition dans un programme de télévision américain, où il danse les solos masculins de «La bella addormentata».

Peu après, Nureev collabore avec Maria Tallchief, avec laquelle il se produit à nouveau à la télévision américaine, dansant le pas de deux de l’Infiorata in «Genzano» d’August Bournonville.

Lors de son premier séjour aux États-Unis, Nureev rencontre l’acteur américain

Anthony Perkins, avec qui il entretient une relation brève mais intense.

À son retour en Europe, Nureev s’installe définitivement à Paris, où il achète son premier appartement au 23 Quai Voltaire.

Après ses débuts aux ÉtatsUnis, Nureev est devenu une célébrité mondiale courtisée par la jet set ; son absence prolongée de son pays natal, ses traits exceptionnels et son charme ont fait de lui une icône de style et une véritable star internationale.

Cela lui donnait le privilège de décider où et avec qui danser ; l’échec du rapatriement a rendu à Nureev la liberté personnelle que l’Union soviétique lui aurait refusée.

Fin 1962, Nureev rencontre Margot Fonteyn, l’une des meilleures danseuses britanniques de l’époque, et aujourd’hui considérée comme la meilleure de tous les temps, avec laquelle il noue une longue amitié et une collaboration professionnelle fructueuse.

Elle l’a invité à Londres, où Nureev a acheté une résidence secondaire, pour le présenter au Royal Ballet, pour lequel Nureev a travaillé pendant très longtemps, créant les nou-

velles chorégraphies d’ «Antigone», «Hamlet», «Poème tragique», «Prince Igor», «Lac des cygnes», «La Belle au bois dormant», «Margaret et Armand», «Petruška» et, bien sûr, «Giselle».

Nureev devient ainsi le principal collaborateur du Royal Ballet et forme avec Margot Fonteyn un couple qui inspirera plus tard de nombreux chorégraphes de l’époque, dont Frederick Ashton, Kenneth MacMillan et Robert Helpmann.

Le 21 février 1963, Nureev et Margot Fonteyn sont apparus sur scène à Covent Garden pour la première fois ensemble dans «Giselle» et ce fut un énorme succès.

À la fin de la représentation, Nureev s’est agenouillé devant Fonteyn et lui a embrassé la main, cimentant ainsi une entente qui a duré toute une vie, tant sur scène qu’en dehors.

Le Royal Ballet a effectué d’innombrables tournées avec Nureev et Fonteyn dans les principaux théâtres du monde: Milan, Rome, Athènes, Vienne, Amsterdam, Copenhague, Toronto, Washington, New York, San Francisco, Tokyo et Sydney.

Avec Fonteyn, Nureev a

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Photo Eric Koch per Anefo

considérablement transformé l’interprétation des grands ballets et le couple est devenu célèbre pour les appels répétés aux feux de la rampe et le jet de fleurs sur scène par le public à chacune de leurs représentations.

Les deux sont restés des amis proches pendant très longtemps.

En 1964, Nureev est appelé à collaborer à Vienne pour le Wiener Staatsoper, où il met en scène et interprète avec Margot Fonteyn «Le Lac des cygnes», «Roméo et Juliette» et «La bayadère», et crée également la nouvelle chorégraphie de Tancredi, qui débute en 1966.

Dans la nuit du 11 juillet 1967, après l’une des nombreuses représentations du Royal Ballet à l’Opéra de San Francisco, Nureev et Fonteyn sont arrêtés par la police lors d’une fête hippie, accusés de troubler la paix et de possession de marijuana.

Après avoir passé plusieurs heures en prison et avoir été libérés sous caution, ils ont tous deux été acquittés des accusations portées contre eux et ont quitté les États-Unis en colère.

En 1968, lors d’une tournée du Ballet royal au Danemark

et aux Pays-Bas, Nureev rencontre Erik Bruhn, directeur du Ballet royal de Suède de 1967 à 1972 et futur directeur artistique du Ballet national du Canada de 1983 à 1986.

Ce dernier, de dix ans l’aîné de Nureev, est devenu son amant, son meilleur ami mais aussi celui qui l’a protégé de ses propres «folies» pendant de nombreuses années ; la relation entre les deux a été longue mais très troublée et discontinue, en raison également de la grande promiscuité des fréquentations qu’entretenait Nureev.

Au début des années 1970, il joue dans «Je suis un danseur», une série pour la télévision française et interprète pour la première fois «Danses» à un rassemblement de Jerome Robbins.

En outre, il a joué la Grande Bertha de Paul Taylor et, en 1973, il s’est produit pour la première fois dans «La Belle au bois dormant» aux côtés de Natalija Makarova, qui avait également fui le Kirov de Leningrad pour rejoindre l’Europe.

En 1973, Nureev retourne à nouveau aux États-Unis et s’installe à New York pour quelque temps, où il collabore avec le Metropolitan

Opera House et met en scène quelques éditions réussies de Cendrillon et Giselle.

Il y achète un appartement dans le prestigieux Dakota Building et fréquente assidûment la célèbre boîte de nuit Studio 54, où il rencontre Robert Tracy, un jeune danseur américain, étudiant en art à l’université de Columbia, qui deviendra son partenaire de longue date et son assistant personnel de confiance.

Bien qu’il soit désormais une célébrité, Nureev n’est pas très friand de la vie mondaine, qu’il fréquente néanmoins avec beaucoup d’aisance, faisant la connaissance de nombreuses personnalités de l’époque, notamment : Jacqueline Kennedy Onassis, Maria Callas, Nastassja Kinski, Mick Jagger, Liza Minnelli, Gore Vidal et Andy Warhol.

Malgré son apparence timide, Nureev était une personne très curieuse, avide de culture et ses intérêts étaient larges, avec une excellente connaissance dans une variété de domaines; de plus, il parlait plus ou moins couramment de nombreuses langues : français, anglais, italien, allemand, russe et tatar.

Il a également entretenu de

vieilles amitiés en dehors du show-business pendant des décennies, se comportant comme un ami loyal et généreux.

L’une de ses plus profondes amitiés était avec Margot Fonteyn, sur scène et en dehors.

Nureev était notoirement impulsif et avait peu de tolérance pour les règles, les limites et l’ordre hiérarchique.

Cependant, grâce à sa bravoure et à son charme, nombre de ses comportements étaient justifiés, mais même la célébrité n’a pas réussi à améliorer son tempérament.

Cette attitude a parfois été interprétée à tort comme un manque de confiance ou une impolitesse à l’égard des personnes avec lesquelles Nureev travaillait ; cependant, certains des danseurs, dont Antoinette Sibley, Gelsey Kirkland et Annette Page, qui ont eu l’occasion de travailler avec Nureev, ont affirmé que, bien que très exigeant, il était tout à fait compréhensif et prévenant à leur égard, même dans les périodes professionnelles les plus difficiles, leur fournissant de nouveaux rôles à jouer.

En 1962, après ses premières apparitions à la télévision aux États-Unis, il fait ses débuts dans une version cinématographique des «Sylphides».

En 1972, Nureev s’est rendu en Australie avec le réalisateur Robert Helpmann pour jouer dans le film «Don Quixote»; mais sa performance cinématographique la plus importante et la plus significative a eu lieu en 1976, lorsqu’il a joué le rôle de Rodolfo Valentino dans le film biographique du même nom du réalisateur britannique Ken Russell.

De 1976 à 1981, Nureev a également participé en tant qu’invité à quelques épisodes de la série télévisée britannique The Muppet Show. Malgré le succès de ces expériences secondaires, Nureev n’était pas particulièrement intéressé par le cinéma et la poursuite d’une carrière sérieuse d’acteur.

Nureev est devenu très influent dans le domaine du ballet et si, d’une part, il a accentué l’importance des rôles masculins, qui, dans ses productions, ont été développés avec une plus grande attention à la chorégraphie que dans les productions antérieures, d’autre part, grâce à lui, la frontière entre le ballet classique et la danse moderne a été abolie. (suit page 14)

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Photo allanwarren

En fait, Nureev dansait les deux styles, même s’il s’appuyait sur sa formation de danseur classique ; c’est devenu absolument banal pour un danseur d’aujourd’hui, mais Nureev était le précurseur.

En 1978, il a fondé sa propre compagnie, Nureyev and Friends, avec laquelle il s’est produit dans toute l’Europe en présentant des chorégraphies essentiellement modernes, ce qui lui a valu de nombreuses critiques et désapprobations à l’époque.

Néanmoins, en 1983, il est nommé premier maître de ballet du Ballet de l’Opéra de Paris, qui, avec le Royal Ballet de Londres, devient l’institution de référence de Nureev.

Dès lors, il se consacre non seulement à la danse, mais aussi à la mise en scène d’opéras et à la promotion de jeunes talents.

Certains des danseurs qui ont travaillé à l’Opéra de Paris pendant sa direction, stimulés par l’approche novatrice de Noureev, sont devenus euxmêmes directeurs d’autres grands théâtres européens : Manuel Legris a été directeur du Wiener Staatsballet, Laurent Hilaire a été directeur du Théâtre Stanislavski de Moscou et Charles Jude, directeur du Grand Théâtre de Bordeaux.

En 1987, lors d’une soirée de gala organisée par le roi Juan Carlos à Madrid, Nureev rencontre pour la première fois le célèbre Freddie Mercury, chanteur et leader du groupe Queen.

De cette rencontre est née l’une des plus importantes relations amoureuses qui ont lié les deux célébrités, comme le raconte le livre de l’auteur russe Yuri Matthew Ryuntyu Nureev without make-up, qui a recueilli le contenu dévoilé d’une relation épistolaire entre les deux d’une cinquantaine de lettres.

La relation entre Nureev et son «Eddie», comme il aimait l’appeler, était discontinue mais caractérisée par d’interminables appels téléphoniques intercontinentaux, des rencontres constantes et soudaines à la fin des spectacles, des concerts ou des représentations de l’un et l’autre dans diverses parties du monde.

Après plus de vingt-cinq ans d’une brillante carrière mais aussi d’une sorte d’exil volontaire et d’une longue attente, Noureev reçoit en 1987 une invitation personnelle du président Michail Gorbačëv à

rentrer en Russie pour voir sa famille et saluer un public qui, bien que nombreux, n’avait que très peu de nouvelles officielles de son succès, car il était habilement censuré par l’ancien régime communiste qui l’avait condamné pour haute trahison envers la patrie.

À cette occasion, Nureev, qui a bénéficié d’une amnistie spéciale, a été accueilli avec tous les honneurs et a pu revoir sa mère pour la dernière fois, ainsi que la centenaire Anna Udel’cova, son premier professeur de danse.

Il s’est également rendu à Saint-Pétersbourg et au théâtre Mariinsky, où il a donné «La sylphide», qui a attiré une foule extraordinaire.

À partir de la seconde moitié des années 1980, le déclin inévitable de l’extraordinaire puissance physique de Nureev commence.

Lorsque le SIDA a fait son apparition dramatique vers 1982, Nureev n’y a guère prêté attention, comme beaucoup l’ont fait aux premiers jours de la maladie.

Il a probablement contracté le VIH à cette époque, mais pour la première fois, Nureev a nié qu’il y avait quoi que ce soit d’anormal dans son état de santé et a simplement déclaré

qu’il souffrait d’autres maladies différentes.

Il a donc refusé toute investigation clinique et tout traitement spécifique disponibles à l’époque.

Il a néanmoins continué pendant longtemps à jouer des rôles principaux dans les grands ballets classiques et modernes, suscitant parfois la désapprobation de nombre de ses admirateurs.

En 1988, le président de la République de l’époque, François Mitterrand, le nomme Chevalier de la Légion d’honneur, la plus haute distinction civile française.

En 1989, il participe à une nouvelle tournée aux ÉtatsUnis où il joue le rôle du roi de Siam dans la comédie musicale «Le Roi et moi» de Roger et Hammerstein.

En 1991, lorsque la maladie est devenue évidente et manifeste, la perte de performance physique et la déchéance ont beaucoup affecté Nureev qui, dans ses derniers mois, a dû se résigner à l’évidence et au fait qu’il mourait lentement.

Bien que sa santé soit désormais compromise, il continue à lutter contre le cours impitoyable de sa maladie, voyageant et travaillant sans relâche pour mettre en scène de

nouvelles versions de ballets et commander certains des spectacles les plus chorégraphiés de son époque ; réagissant avec une telle détermination, il regagne l’admiration de nombre de ses détracteurs. Le petit archipel des îles Li Galli appartenait à Rudol’f Nureev.

Il alternait ses apparitions publiques de plus en plus rares avec de longues périodes de repos dans sa résidence de Li Galli, le groupe de petites îles de la côte amalfitaine que Nureev avait acheté entièrement pour lui en 1989 avec le désir d’y ouvrir sa propre école de danse.

Malgré sa santé désormais précaire, en mars 1992, Nureev se rend au Kazakhstan et est l’invité du Théâtre académique d’opéra et de ballet Musa Cälil Tatar, mais lorsqu’il rentre à Paris, dans son appartement du Quai Voltaire, son état s’aggrave à tel point qu’il est admis à l’hôpital Nôtre Dame du Perpétuel Secours pour y subir une délicate opération du cœur, compromise par des complications de péricardite.

Ayant survécu à l’opération, il passa l’été à Li Galli et ne revint à Paris qu’à l’automne, à l’occasion de la première de

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Photo radiocorrieretv

nna Marchlewska est une photographe d’origine polonaise qui vit et travaille à Paris.

Après cinq ans d’études aux Beaux-Arts de Paris, elle enrichit son expérience en collaborant avec plusieurs maisons de luxe et de prêt-à-porter en tant que graphiste et photographe.

En 2012, elle change complètement de vie : elle quitte un poste confortable de responsable d’identité visuelle pour se réaliser en tant qu’indépendante en photographie et graphisme.

Son crédo : oser sa vie et prendre en main son destin ! Elle fonde son premier blog photo

«La bayadère» à l’Opéra Garnier, le 8 octobre 1992.

Il s’agit de la dernière apparition publique où Nureev, très amaigri et visiblement marqué par la fin imparable de sa maladie, a été salué par une longue ovation du public; à cette occasion, le ministre français de la Culture Jack Lang lui a également remis la plus haute distinction culturelle française : le titre de Chevalier de l’Ordre des arts et des lettres.[25]

Le 20 novembre 1992, Rudol’f Nureev est à nouveau admis à l’hôpital Nôtre Dame du Perpétuel Secours de Levallois-Perret, au nord de Paris, pour de nouvelles complications, mais il décède un peu plus d’un mois plus tard, le 6 janvier 1993, d’une crise cardio-respiratoire, assisté de Robert Tracy et de son manager et physiothérapeute Luigi Pignotti.

Des funérailles laïques ont eu lieu le 13 janvier, dans le foyer de l’Opéra Garnier à Paris, sur l’air de «Giselle» ; le cortège funèbre s’est rendu au cimetière russe de Sainte Geneviève des Bois, aux portes de Paris, où le cercueil a été enterré avec ses chaussons de ballet dans une tombe reproduisant le drapé d’un kilim

kazakh réalisé en mosaïque par le scénographe Ezio Frigerio.

Nureev était un collectionneur d’art passionné, notamment de peintures, de sculptures et de tapis asiatiques.

Outre l’appartement du Quai Voltaire 23, à Paris, dans lequel on peut voir quelques tableaux de Guido Reni, il acquiert au fil des ans d’autres propriétés à Londres, à New York, à La Turbie, à Monte Carlo, aux Caraïbes, un domaine en Virginie, mais surtout sa résidence préférée sur son île privée de Li Galli.

Comme stipulé dans son testament, à sa mort, presque tous ses biens ont été vendus aux enchères chez Christie’s à Londres et à New York.

À ses deux sœurs survivante, Rosa et Razida, seul l’usufruit de quelques appartements a été attribué ; une somme a été réservée à Robert Tracy, tandis que les énormes recettes de la vente aux enchères, plus de trente millions de dollars, ont été reversées à deux fondations : la Fondation Rudolf Noureev basée à Washington et le Ballet Monde Noureev basé au Liechtenstein.

Depuis 1999, les deux fondations ont fusionné pour former la Fondation Rudolf Nureyev,

basée à Zurich ; elle a pour mission de promouvoir des initiatives culturelles et philanthropiques, d’offrir un soutien aux nouveaux talents de la danse, de gérer un fonds pour les danseurs âgés ou malades et de soutenir la recherche médicale sur le sida.

En 1982, il a reçu la citoyenneté autrichienne honoraire.

Il a été décoré en qualitè de Chevalier de la Légion d’Honneur (1988) et de Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres (1992).

*Le directeur du théâtre Kirov (aujourd’hui théâtre Mariinsky), peut-être perplexe devant l’âge déjà avancé de Noureev (seulement dix-sept ans, mais environ trois ans de retard sur les nouveaux venus), a porté un jugement très sévère sur son audition : «Молодой человек,

большой

... и вы, вероятно, будете большой неудачей’ [Jeune homme, tu est peux être un grand danseur, ou tu peux être un grand raté... et tu seras probablement un grand raté]. Compte tenu de son tempérament, il est très probable que le jeune Nureev, désemparé, ait mal réagi à un tel jugement. wikipedia.org

ANNA MARCHLEWSKA

(seebyanna.tumblr.com) qui prend la forme d’un journal photo où elle publie des paysages, des natures mortes ou des photos d’expositions. Elle devient photographe officiel du calendrier “Les Polonaises en France“ qui est publié en 2014 et 2015 en partenariat avec le Ministère des Affaires Étrangères Polonais. En 2015, elle collabore aussi avec le site d’actualités franco-polonaises : StrefaPL où elle rédige une rubrique consacrée aux événements culturels.

Puis en juin 2016, elle devient co-organisatrice de l’exposition d’artistes polonais, “Nova Moderna“ qui s’est tenu à Paris pendant une semaine.

Depuis le début de l’année 2014, elle travaille sur le projet photographique, “Les Amazones, portrait de la femme du XXIème siècle“ qui compte aujourd’hui plus de 200 participantes et qui a fait l’objet d’une grande exposition en avril 2018 à la Maison des Arts et de l’Image à Rueil-Malmaison.

www.lesamazones.eu http://lesamazones.tumblr. com

En février 2018, trente cinq de ses photos illustrent le recueil de poésie “Les parties du monde intérieur“, édité en Pologne.

Elle y met en scène les auteures de poèmes, deux jeunes femmes handicapées dès naissance.

Une sélection de photos de cette série était exposée pendant le salon Comparaisons au Grand Palais en février 2019. En parallèle, elle donne des cours de photographie numérique au sein de l’association Raiq Villages à Rueil-Malmaison.

https://www.annamarchlewska.com/

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вы можете стать великим танцором или
неудачей».

olonaise d’origine, Anna Marchlewska est aujourd’hui une photographe qui vit et travaille à Paris.

Mais c’est avant tout une artiste passionnée et pluridisciplinaire.

Adolescente, elle dessinait des nus et réalisait des portraits dans l’atelier du peintre Ventzislav Piriankov.

Elle entre aux Beaux Arts de Paris en 2000 et travaille notamment dans l’atelier de peinture figurative de Pat Andrea.

En 2005, elle passe son diplôme en installation vidéo sous l’aile de Barbara Leisgen.

Puis elle démarre sa carrière en tant que graphiste et photographe notamment pour des maisons de luxe et de mode.

Au début de l’année 2014, elle lance le projet photographique, “Les Amazones, portrait de la femme du XXIème siècle“ qui compte aujourd’hui plus de 200 participantes et qui a fait l’objet de plusieurs expositions en France et en Pologne.

En février 2018, trente cinq de ses photos illustrent le recueil de poésie “Les parties du monde intérieur“, édité en Pologne.

Elle y met en scène les auteures de poèmes, deux jeunes femmes handicapées de naissance.

Depuis 2018, elle expose régulièrement notamment au Salon Comparaison, au Salon d’Automne, à Tahiti ou aux Etats Unis ses séries de photos, comme «IdéElle», «EvaNaissance» ou «En suspension».

A travers ses montages, elle allie les photos de nature et de paysages aux portraits de nus pris en studio.

Ses photographies deviennent uniques, grâce aux traces laissées sur ses tirages à l’aide d’un pinceau.

En 2021, elle réalise le film «Another world» où elle se met pour la première fois en scène dans un univers inspiré par ses propres photos.

A travers son œuvre, Anna Marchlewska invite à la prise de conscience face au changement climatique.

Très attirée par l’art contemporain, ses références sont Bill Viola, Christian Boltanski, Giuseppe Penone ou Bettina Rheims.

Mais elle sait aussi chercher son inspiration auprès des grands peintres classiques comme Caravage, Rubens, Michel-Ange ou Botticelli

pour la composition et représentation du corps. Spiritualité, religion, science et rapport à la nature sont aujourd’hui ses principaux sujets de recherche artistique. Attirée par les techniques de l’éveil personnel et la spiritualité, elle s’intéresse au chamanisme, à la méditation, aux énergies et au pouvoir d’esprit.

Son imaginaire sensoriel et mystique est complété par son grand intérêt pour la science moderne, la physique quantique et les possibilités qui s’ouvrent à l’humanité grâce aux nouvelles technologies et aux découvertes.

Son objectif est de pouvoir s’épanouir en tant que plasticienne et d’élargir son spectre de recherches artistiques au sein d’installations.

En alliant sa compétence de photographe à celle de peintre et de vidéaste elle aimerait bien investir des espaces en utilisant ces multiples moyens d’expressions, en y associant le cas échéant les technologies 3.0.

www.annamarchlewska.com

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Photo agapéhub
voir la vidéo https://vimeo.com/493455144 Nous avons préparé une magnifique exposition pour votre rentrée ! «Entre Voir» vous etiez nombreux au vernissage ce Jeudi 5 janvier 2023 et on vous attend jusqu’au 23 janvier 2023. Invitez vos amis pour découvrir ces 3 photographes parisiens innovants et touchants. Un voyage extraordinaire avec 3 techniques athypiques. AGAPE’ HUB 50 rue Meslay 75003 Paris téL.: contact@agapehub.fr http://www.agapehub.fr/ AGAPE’ HUB

e m’appelle Roberto Anedda, je suis né il y a 61 ans à Cagliari et depuis mon enfance, je suis entouré de films et de négatifs. Mon père Giuseppe, connu de tous sous le nom de Peppuccio, était un amateur de cinéma, ses 8 mm et super 8 sont un splendide souvenir de ce que nous étions à partir de 57 ; mon oncle Osvaldo était un amateur de photo, il avait une passion pour les diapositives et les paysages et il m’a légué sa passion, un Contax et un Rolley ; mon autre oncle était également photographe, l’oncle Eraclio était un photographe professionnel, lui aussi m’a laissé ses enseignements dans la chambre noire et un Rolley.

J’ai commencé à tirer très jeune, à 7 ans, pour Noël, on m’a offert une mallette de James Bond, il y avait tout ce qu’un enfant pouvait souhaiter, un pistolet avec des cartouches, des menottes, une lentille pour voir les empreintes, une montre à plusieurs aiguilles mais ... la chose vraiment fantastique dans cette valise était une copie parfaite d’un appareil photo, la copie d’un célèbre biooptique, le bio-optique rolley, un jouet, mais parfaitement fonctionnel si vous mettez le film 6x6 à l’intérieur, j’ai encore les photos prises avec ce merveilleux jouet qui a allumé l’étincelle du

petit photographe en moi, je l’ai utilisé jusqu’à l’âge de 10 ans, je l’ai même emmené en camping à Villasimius dans les années 70, j’ai les photos avec mon père avec M. Aldo Pizzi, l’un qui a pris des photos de moi et l’autre avec M. Aldo Pizzi. Aldo Pizzi, un homme qui a pris tant de photos, toutes celles de Cagliari avec le bouclier sur la poitrine et celles des années précédentes en Serie B.

Lui aussi a contribué à ma formation photographique, tant de cafés et toujours prêt à se précipiter partout pour nous faire participer à l’événement à travers une photo, la photo dans le journal, peut-être en première page ou dans les nouvelles, La vie est parfois méchante et nous enlève nos proches mais parfois elle nous offre des possibilités ou des opportunités inattendues, par exemple la mort prématurée de mon oncle Osvaldo et la prévoyance de mon oncle Eraclio m’ont fait sentir de façon inattendue entre mes doigts le doux métal précieux dont était fait un Contax, un antagoniste égal du Leica, une aberration pour l’époque, du métal lourd, une mécanique précise et des optiques Zeiss parfaites, les premières bobines de film développées et imprimées dans des laboratoires rémunérés,

sacrifiant mes pourboires pour de bonnes notes à l’école en agrandisseurs et outils divers, j’ai transformé la cave de ma maison en chambre noire, apprenant à développer les films et à les imprimer, un hobby coûteux à l’époque, Tout mon argent de poche est passé par là, dans cette chambre noire avec la lumière rouge, le papier, les développements et les fixations, je n’ai jamais regretté un seul centime dépensé, j’ai encore quelques tirages qui me font du bien quand je les regarde, peut-être avec un fond légèrement jaunâtre, mais après plus de 30 ans, ce n’est pas grave, et ma barbe a aussi un peu jauni ces derniers temps. Après une pause assez longue due à diverses vicissitudes personnelles, j’ai recommencé à photographier en 2012. J’ai deux nouveaux compagnons de voyage, un Canon 60D et un 6D, qui m’accompagnent dans mon périple à la recherche d’émotions pour redécouvrir une passion quelque peu endormie depuis longtemps. J’ai commencé à redécouvrir ma terre bien-aimée en essayant de capturer son esprit essentiel et ses traditions, mais pas seulement, un point de vue alternatif à tout ce qui m’entoure chaque fois que je me trouve à portée de clic.R.A.

Foto ici, là-bas et ailleurs

ROBY ANEDDA

Le catalogue de l’exposition Collettiva di Fotografia est consultable en français avec textes en anglais à https://issuu.com/vittorio.e.pisu/ docs/cataloguephotofr

e n’est qu’après son décès que j’ai réalisé que je connaissait peu Roberto Anedda dit Roby.

Je l’ai rencontré la première fois à l’occasion de la deuxième exposition de la série «Cagliari je t’aime», que Ici, là-bas et ailleurs, en collaboration avec Sardonia, avaient organisé au Lazzaretto de Cagliari, avec les œuvres de Sophie Sainrapt, artiste française juste de retour de la Chine où elle avait présenté d’autres œuvres que celles inspirées par Jheronimus Bosch avec une petite douzaine de ses nus féminins montrés à la fin de la salle des arches dans un espace plus intime et quasi secret presque un «enfer» de vaticane mémoire.

Comme à son habitude Roby était venu photographier l’évènement et une de ses images qui la représentait, plus énormément à Sophie Sainrapt qui, comme souvent chez les femmes et encore plus chez les artistes ne trouvait jamais les photos à son gout mais cette fois ci elle en fut enthousiaste à tel point qu’elle lui en acheta un tirage lors de son exposition à Paris.

Mais procédons con ordre. Marie-Amélie et moi avions été sollicités pour participer à l’installation d’une exposition, au titre de «Le Merveilleux» à l’Abbaye du Moncel avec Léon Attila Cheyssial et Bernard Chatain (voir https:// issuu.com/vittorio.e.pisu/ docs/moncel5) où six de ses photographies furent exposées du 8 septembre au 15 octobre 2017 en attendant celle que nous organisions en suite au Centre d’Art Paris Aubervilliers, du 8 au 15 décembre 2017, où Roby Anedda et sa compagne furent hébergés pendant quelques jours autour du vernissage, dont vous pouvez consulter le film. (voir links à la fin du texte)

En suite, ayant su par hasard que l’un de nos amis (Rémy Hardt qu’il en soit remercié) qui gérait une galerie à Saint Germain des Prés avait un trou au moment de Noel dans sa programmation, nous lui proposions d’héberger les photos de Roby qu’il avait eu l’occasion de voir pendant l’expo et gentiment il a consenti et ce fut un grand succès de public et de critique.

Jean Turco, photographe de renommé internationale, nous fit non seulement l’amitié de visiter l’exposition au moment du vernissage, mais il exprima des commentaires fort élogieux à propos du travail de Roby en le comparant à celui de Robert Capa. (suit page 20)

Photo robyanedda
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Roby Anedda Photographie de Angela Zanda

Vous pouvez aussi voir le film réalisé au moment du vernissage (links à la fin du texte) dans le quel Pascal Aubier, bien connu anthropologue, cinéaste, producteur et auteur littéraire, ne taris pas d’éloges sur l’exposition et sur la Sardaigne, qu’il a connu au moment de l’exposition de sa femme Sophie Sainrapt, dont la photo a été montrée avec celles qui représentent les différents aspect des Carnavals en Sardaigne et achetée par lui.

Par la suite, étant très assidu du restaurant Il Fico (33, rue Coquillière Paris Les Halles) un véritable temple de la gastronomie sarde, géré par Graziella et Nicola Pisu (pas mes parents mais mes collectionneurs et grands amis), Je leur proposais d’exposer les photos dans leur restaurant afin de souligner ses caractéristiques profondes déjà affirmées dans leur cuisine.

Bien entendu ils acceptaient volontiers et ainsi encore une fois les images de la Sartiglia, du Carrasegare de Lula et autres furent présentées à un public curieux et intéressé.

Pour finir, je ne me souviens plus comment j’ai appris l’existence de certains clichés que Roby avait réalisé lors de son séjour en Chine, peut-être parce qu’il en publia certains sur sa page Facebook, en somme je lui proposait de les publier sur les pages de Sardonia de Avril, May et Juin 2020 (voir https:// issuu.com/vittorio.e.pisu/ docs/ardoniaaprile2020/18 et numéros suivants) pour un total de 18 images où il fixe différents aspects de son séjour chinois, réalisées pendant sa participation à une Coopération Internationale au novembre 1986.

J’ai aussi insisté pour qu’il en écrive les commentaires, chose qu’il a fait au début de mauvaise humeur puis prenant gout à la chose.

Pour finir ayant pris l’habitude d’organiser des expositions à l’Arrubiu Art Gallery Cafè à Oristano, et après l’extraordinaire succès de l’exposition des œuvres de Salvatore Atzeni, avec Chiara Cossu nous avons décidé de convoquer un certain nombre de photographes allant jusqu’à à inviter le géant de la photographie, Jean Turco, qui nous a fait l’amitié de participer avec trois de ses clichés emblématiques de nature morte et d’autre photographes de mes amis dont Sophie Goullieux, Yannick Perrin, Benjamin Audour et

Le

de l’exposition

Jean Sebastian dont Ici, là bas et ailleurs venait de présenter une série d’images réalisées à Berlin en 2008, qui tous acceptèrent avec enthousiasme avec les photographes sardes tels que Marina Federica Patteri, Antonella Marini, Giulio Barrocu, Chiara Cossu elle même, et Dolores Mancosu qui nous a suggéré Fabrizio Schirru, Marco Sodini, Roberto Orlandini, Ignazio Pani et naturellement Roby Anedda, pour une Collettiva di Fotografia qui clôturera avec la presentation du catalogue, retardé, à cause de quelques problèmes d’impression, le 15 janvier mais pour repartir vers les cimaises de l’Association Remo Branca à Iglesias et naturellement vers la capitale de la Sardaigne, Cagliari, et, nous l’espérons, la salle des arches du bien connu Lazzaretto. Je n’ai pas l’habitude de poser des questions et j’attends que mes rencontres me racontent, s’ils en ont envie, les histoires de leur vies, et c’est pourquoi je suis si peu au courant de la vie de Roby Anedda dont j’apprécie vraiment le travail photographique et, avec MarieAmélie Anquetil et aussi Rémy Hardt, Graziella et Nicola Pisu, nous avons essayé de le soutenir et de le présenter à nos publics.

Sa disparition tellement inattendue et prématuré, si je peux dire, est terrible.

J’en suis vraiment désolé, d’autant plus qu’en révisionnant les films réalisées au moment des vernissages, j’ai bien entendu que Roby nous parle d’une éventuelle exposition qui aurait du avoir lieu en 2018 mais dont je n’ai trouvé aucune trace.

C’est pourquoi, et suite à un article paru dans la revue Nemesis, que j’ai sollicité sa directrice Dott.ssa Francesca Mulas Fiori, qui est aussi conseillère auprès de la Commission Culture de la ville de Cagliari, en lui proposant soit d’accueillir l’exposition Collettiva di Fotografia, en l’étoffant avec d’autres clichés de Roby Anedda, soit en organisant carrément une exposition anthologique de ses photos dans un lieu et une date à convenir.

Elle m’a immédiatement assuré de son soutien et de son intention d’en faire part non seulement à la Commission de Culture auprès de sa présidente Dott.ssa Enrica Anedda Endrich mais aussi à l’Assesseur à la Culture elle meme, dans la personne de la Dott.ssa Maria Dolores Picciau, qui, nous l’espérons vivement, donnerons une suite

favorable à la proposition.

Il m’a paru évident dés lors, de dédier le center fold du supplément de Palazzi A Venezia, à Roby Anedda, après d’autres photographes que j’estime et dont admire le travail.

Je reconnais que c’est bien peu de chose, mais je me rends comptes que ce quelques feuilles que nous avons publiées à chacune des manifestation que nous avons organisées tout comme les films réalisés à l’occasion, et les interviews des artistes, constituent à tout le moins, un document, qui nous permet de revivre ces quelques instants et ne pas oublier ceux qui nous ont si prématurément quittés.

La seule consolation c’est de voir combien la disparition de Roby Anedda a suscité non seulement une participation vraiment remarquable d’un public très nombreux à ses funérailles mais aussi des très nombreux articles de presse. Envois nous des clichés du paradis où tu es surement Roby. Merci.

Vittorio E. Pisu

voir les vidéos

PALAZZI 20 VENEZIA ( suit de la page 17)
Photo robyanedda
catalogue
Collettiva
est consultable en
avec textes
https://vimeo.com/233081460 https://vimeo.com/247475637 https://vimeo.com/249137999 à https://issuu.com/vittorio.e.pisu/ docs/catalogocollettivait
di Fotografia
italien
en français

a galerie ORIES à été créée en 2013 par Armine et Jacques Convert, au sous sol d’un garage de la rue Bonnefoi à Lyon avant d’être transférée au 33, de la rue Auguste Comte.

Leurs choix Artistiques sont essentiellement orientés vers l’humain, notamment les néo expressionnistes, quelques Artistes de l’Art singulier et la peinture Aborigène.

L’Art est une passion qu’ils interprètent comme un message venant de la profondeur et de l’intimité de l’humain, de ses tourments de ses bonheurs et de son être libéré des conventions et des postures du paraître.

L’Art est un lien, un partage, un dialogue avec l’Artiste et avec des questions premières et profondes dont les réponses sont souvent le partage d’interrogations qui nous interpellent.

C’est une passion que le couple partage depuis toujours.

Jacques Convert a pendant 9 ans été le Président du Salon de Lyon et Sud-Est auquel il a donné une nouvelle impulsion en allant chercher ailleurs qu’à Lyon des artistes pour les exposer aux cimaises du Palais de Bondy, il a occupé

une place d’administrateur au Fort de Vaise, il est secrétaire des amis de l’Association de Jean Couty, Président des Amis du Musée des Beaux Arts de Lyon, et enfin il coule des jours heureux dans cette galerie qu’il a ouverte avec son épouse au 33, rue Auguste Comte où tous les peintres, amis viennent discuter peinture et de sujets qui les passionnent…

Une œuvre est bien autre chose qu’un objet, elle peut être belle mais ce n’est pas sa seule fonction.

Elle porte en elle, un message, une histoire et une émotion.

Chaque jour, le regardeur a un dialogue furtif quelquefois plus profond avec l’œuvre. Le propos de l’Artiste n’est pas obligatoirement celui qui est lu.

Mais cet échange est toujours un moment d’émotion et le partage d’une sensibilité commune.

Les gravures originales à quatre mains ainsi que des dessins réalisées par les artistes Emmanuelle Renard et Sophie Sainrapt s’invitent à la galerie pour cette première exposition de l’année.

Un duo unique qui nous livre sa démarche artistique en hommage à Goya.

mmanuelle Renard Arrivée à Paris en 1987, c’est une première migration fondamentale et fondatrice et la rencontre humaine et picturale avec des artistes de sa génération, alors qu’enfant, ses seules références sont son père James Coignard et la peinture des années cinquante.

Pour elle la peinture, c’est comme partir à la conquête d’un nouveau monde, une émulsion interne puissante qui la conduit à se réinventer selon : « Un processus créatif issu de l’inconscient qui n’a ni forme ni espace, ni bords. La toile, oui ! ».

Elle s’est intéressée au figuratif parce que cela lui semblait plus difficile et se rapproche de l’expressionnisme et du baroque en osant des couleurs franches, le jaune, le rouge qui caractérisent ses œuvres.

Son aspiration est de « faire quelque chose de vivant », de représenter la vie sous toutes ses formes en exprimant le sublime et le ridicule, le normal et le grotesque.

«« Quand tu tends la main dans le noir, dans le vide, la première chose que tu touches, c’est un ange. »

Est-ce la désolation, l’abandon ?

EMMANUELLE RENARD & SOPHIE SAINRAPT

C’est peut-être une fantasmagorie sortie de l’imagination d’Emmanuelle Renard.

L’artiste fait naître chez le spectateur la sensation qu’il est concerné corporellement : c’est cela être peintre...

Son art traque la grande peur de l’être humain et la capte dans sa toile.

Le mal est emprisonné pour que l’on puisse enfin respirer.» Expose depuis 1985, vit à Paris, travaille dans des ateliers itinérants en Inde, en Espagne, à Naples …

ophie Sainrapt

Diplômée en DEA d’études politiques, Sophie Sainrapt poursuit sa carrière jusqu’au Sénat et parallèlement, elle étudie la peinture et la sculpture chez Hashpa et Ain Marie.

En 1995 Elle ouvre son propre atelier parisien.

Artiste protéiforme, elle embrasse différentes techniques : dessin marouflé, céramique, gravure, linoléum.

Elle loue le corps féminin avec sensibilité et lyrisme, illustre de nombreux ouvrages de bibliophile (autour d’Eros et ses jardins des délices), des textes de Paul Verlaine, Jean de la Fontaine, George Bataille, Pierre Louys, Christian Noorbergen…

Elle expose pour la première fois à Paris à la Galerie Artifice d’Emmanuelle Tharreau et plus tard à l’international.

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Photo labodif
Disparates jusqu’au 4 Mars 2023 Galerie Ories A. et J. Couvert 33 rue Auguste Comte 69002 Lyon Ouvert Sur rendez-vous et sur invitation +33 (0) 4 78 84 42 19 galerieories@hotmail.com www.galerieories.fr

i vous mangez des asperges, ou si vous commencez votre repas par une soupe et que vous finissez par un dessert, si vous utilisez du dentifrice, ou si vous portez vos cheveux en frange, vous le devez à l’un des plus grands musiciens de l’histoire.

Il était connu sous le nom de Ziryab, un terme arabe (ou perse) familier qui se traduit par « merle noir ».

Il a vécu dans l’Espagne médiévale il y a plus de mille ans. C’était un esclave affranchi qui a fait beaucoup de bien, charmant la cour royale de Cordoue d’abord avec ses chansons.

Il a fondé une école de musique dont la renommée a survécu plus de 500 ans après son décès.

Ibn Hayyan de Cordoue, l’un des plus grands historiens de l’Espagne arabe, dit dans son monumental ouvrage Al Muqtabas (l’essentiel) que Ziryab connaissait par cœur des milliers de chansons et a révolutionné la conception de l’instrument de musique qui est devenu le luth.

Il a répandu un nouveau style musical autour de la Méditerranée, influençant les troubadours et les ménestrels et affectant le cours de la musique européenne.

Il était également l’arbitre de sa génération en matière de goût, de style et de manières, et il a exercé une énorme influence sur la société européenne médiévale.

La façon dont les gens s’habillaient, ce qu’ils mangeaient et de quelle manière, comment ils se coiffaient, la musique qu’ils appréciaient…

Tous étaient influencés par Ziryab.

Si vous n’avez jamais entendu parler de cet artiste remarquable, ce n’est pas surprenant.

Avec les rebondissements de l’histoire, son nom est sorti de la mémoire publique du monde occidental.

Mais les changements qu’il a apportés à l’Europe font partie intégrante de la réalité que nous connaissons aujourd’hui.

Une des raisons pour lesquelles Ziryab est inconnu dans le monde occidental est qu’il parlait arabe et faisait partie de la cour royale de l’empire arabe en Espagne.

Les musulmans d’Arabie et d’Afrique du Nord ont régné sur l’Espagne et le sud de la France de 711 à 1492.

Le dernier vestige de la domination arabe dans la péninsule

ibérique, le royaume de Grenade, a été conquis par les armées du roi Ferdinand et de la reine Isabelle la même année que Christophe Colombe a navigué pour le nouveau Monde.

Les Arabes appelaient leur domaine ibérique Al Andalous, une référence directe aux Vandales, qui occupaient la péninsule au VIIème siècle et dont l’héritage était encore omniprésent lorsque les forces musulmanes sont arrivées au VIIIème siècle.

Ce nom survit aujourd’hui au nom de la province méridionale de l’Espagne, l’Andalousie.

À son apogée, Al Andalous a connu l’âge d’or de la civilisation qui faisait l’envie de toute l’Europe et qui a ouvert la voie à la Renaissance européenne qui a suivi.

Musulmans, chrétiens et juifs interagissaient dans une convivencia , un « vivre-ensemble » de tolérance et de coopération sans précédent à son époque.

Les influences de l’Espagne arabe se sont propagées en France et dans toute l’Europe, et de là aux Amériques.

C’est dans ce contexte que les réalisations de Ziryab sont devenues partie intégrante de la culture occidentale.

Les réalisations de Ziryab n’ont pas été oubliées dans le monde arabe, et c’est grâce aux historiens de ce dernier que nous connaissons sa vie et ses réalisations.

Comme le dit l’historien arabe du XVIIème siècle Al Maqqari dans son Nafh Attib (brise parfumée), «Il n’y a jamais eu, ni avant ni après lui, un homme de sa profession qui ait été plus généralement aimé et admiré».

Ziryab, le célèbre poète de l’Espagne islamique, s’appelait en fait Abu al-Hassan Ali ibn Nafi et est né vers l’an 789 dans l’Irak d’aujourd’hui, probablement dans sa capitale, Bagdad.

Certains historiens arabes disent qu’il était un esclave libéré, vraisemblablement un page ou un serviteur personnel, dont la famille avait servi al-Mahdi, le calife ou dirigeant de l’empire abbasside basé à Bagdad de 775 jusqu’à sa mort en 785.

À cette époque, de nombreux musiciens éminents étaient esclaves ou affranchis, certains d’origine africaine, d’autres d’Europe ou du Moyen-Orient (dont le Kurdistan et la Perse).

Les historiens divergent quant à savoir si Ziryab était africain, perse ou kurde.

Selon Ibn Hayyan, « Ali Ibn Nafi » était surnommé Zyriab (l’oiseau noir) en raison de son teint extrêmement sombre, de la clarté de sa voix et de « la douceur de son caractère ». Zyriab a étudié la musique auprès du célèbre chanteur et musicien de la cour royale Ishaq Al Maoussili ou Isaac de Mossoul. Ishaq, dont le père Ibrahim encore plus célèbre, ainsi que Ziryab sont les trois artistes connus comme les pionniers de la musique arabe.

Bagdad était alors un centre mondial de la culture, de l’art et de la science.

Son dirigeant le plus célèbre était Haroun Al Rachid, qui avait succédé à au Calife Al Mahdi. Haroun était un passionné de la musique et a amené de nombreux chanteurs et musiciens au palais pour divertir ses invités. Ishaq, en tant que musicien en chef de Haroun, a formé un certain nombre d’étudiants aux arts musicaux, parmi lesquels l’oiseau noir Zyriab.

Ce dernier était intelligent et avait une bonne oreille ; en dehors de ses cours, il apprenait subrepticement les chansons de son maître, dont on disait qu’elles étaient complexes et difficiles, même pour un

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Photo palazzofortuny
Zyriab Le « merle noir » musulman qui a introduit l’art de vivre en occident et dans le monde.
Extrait
de l’article de Robert W. Lebling Jr. paru en anglais aux pages 24 à 33 de l’édition imprimée de juillet/août 2003 de Saudi Aramco World. Traduit par Ilham Nouara.

connaisseur. Ishaq n’a pas réalisé tout ce que Ziryab avait appris jusqu’à ce que Haroun lui-même demande à entendre le jeune musicien.

Dans le récit d’Ibn Hayyan (tel que relaté par Al Maqqari), Ishaq a dit au calife : «Oui, j’ai entendu de belles choses de Ziryab, des mélodies claires et émotionnelles, en particulier certaines de mes propres interprétations plutôt inhabituelles. Je lui ai appris ces chansons parce que je les considérais comme particulièrement adaptées à son talent. Ziryab a été convoqué et il a chanté pour Haroun Al Rachid. Par la suite, quand le calife lui a parlé, Ziryab a répondu «gracieusement, avec un vrai charme de manières».

Haroun lui a posé des questions sur son talent et Zyriab a répondu: «Je peux chanter ce que les autres chanteurs savent, mais la majeure partie de mon répertoire est composée de chansons qui ne peuvent être interprétées que devant un calife comme Votre Majesté. Les autres chanteurs ne connaissent pas ces compositions. Si Votre Majesté le permet, je vous chanterai ce qu’aucune oreille humaine n’a entendu auparavant. Haroun haussa les sourcils et

ordonna que le luth du maître Ishaq soit remis à Ziryab. Le luth arabe ou Oud, modèle du luth européen et parent de la guitare, était un instrument à quatre rangées de cordes, un corps en forme de demi-poire et un manche courbé sans frette.

Ziryab a respectueusement décliné l’instrument. «J’ai apporté mon propre luth,» dit-il, «que j’ai fabriqué moi-même, en décapant le bois et en le travaillant, car aucun autre instrument ne me satisfait. Je l’ai laissé à la porte du palais et, avec votre permission, je l’enverrai chercher.»

Haroun envoya chercher le luth et il l’examina. Cela ressemblait à l’instrument d’Ishaq Al Maoussili «Pourquoi ne joues-tu pas le luth de ton maître?» demanda le calife.

« Si le calife veut que je chante dans le style de mon maître, j’utiliserai son luth. Mais pour chanter dans mon propre style, j’ai besoin de cet instrument ».

«Pour moi, ils se ressemblent», a déclaré Haroun.

«A première vue, oui», a déclaré Ziryab, «Mais même si le bois et la taille sont les mêmes, le poids ne l’est pas. Mon luth pèse environ un tiers

de moins que celui d’Ishaq, et mes cordes sont faites de soie qui n’a pas été filée à l’eau chaude qui les affaiblit. La basse et la troisième corde sont en boyau de lion, qui est plus doux et plus sonore que celui de tout autre animal. Ces cordes sont plus solides que toutes les autres, et elles peuvent mieux résister à la frappe du médiator.»

Le plectre de Ziryab était une griffe d’aigle aiguisée, plutôt que l’habituel morceau de bois sculpté.

Il avait également ajouté un cinquième rang de cordes à l’instrument.

Haroun était satisfait.

Il ordonna à Ziryab de jouer et le jeune homme a commencé une chanson qu’il avait composée lui-même.

Le calife était très impressionné.

Il se tourna vers Al Maoussili et dit : « Si je pensais que tu cachais les capacités extraordinaires de cet homme, je te punirais de ne pas m’avoir parlé de lui. Continue son instruction jusqu’à ce qu’elle soit terminée.

Pour ma part, je veux contribuer à son développement.» Ziryab avait apparemment caché ses meilleurs talents à son

ZIRYAB LE MERLE NOIR

propre professeur.

Quand Ishaq fut enfin seul avec son élève, il ragea d’avoir été trompé.

Il dit franchement qu’il était jaloux de l’habileté de Ziryab et craignait que l’élève ne remplace bientôt le maître en faveur du calife.

«Je ne pourrais pardonner cela à personne, pas même à mon propre fils», a déclaré Ishaq. « Si je ne t’aimais pas encore un peu, je n’hésiterais pas à te tuer, quelles qu’en soient les conséquences.

Voici ton choix : Quitte Bagdad, installe-toi loin d’ici et jure que je n’entendrai plus jamais parler de toi.

Si tu fais cela, je te donnerai assez d’argent pour répondre à tes besoins.

Mais si tu choisis de rester et de me contrarier, je te préviens, je risquerai ma vie et tout ce que je possède pour t’écraser. Fais ton choix!» Ziryab n’a pas hésité ; il prit l’argent et quitta la capitale abbasside.

Ishaq a expliqué l’absence de son protégé en affirmant que Ziryab était mentalement déséquilibré et avait quitté Bagdad furieux de ne pas avoir reçu de cadeau du calife.

«Le jeune homme est possédé», a déclaré Ishaq à Haroun Al Rachid. « Il est sujet à des accès de frénésie qui sont horribles à voir. Il croit que les djinns lui parlent et inspirent sa musique. Il est si vaniteux qu’il croit que son talent est sans égal dans le monde. Je ne sais pas où il est maintenant. Soyez reconnaissant, Votre Majesté, qu’il soit parti» Il y avait un brin de vérité dans le récit d’Ishaq : selon Ibn Hayyan et d’autres, Ziryab croyait que dans ses rêves, il entendait les chants des djinns, les êtres spirituels de la tradition islamique et arabe.

Il se réveillait d’un rêve au milieu de la nuit et convoquait ses propres élèves, leur enseignant les mélodies qu’il avait entendues dans ses rêves.

Comme le note Reinhart Dozy dans Histoire des Musulmans d’Espagne, « Personne ne savait mieux qu’Ishaq qu’il n’y avait pas de folie dans tout cela.

Quel véritable artiste, en effet, croyant ou non aux djinns, n’a pas connu des moments où il a été sous l’emprise d’émotions difficiles à définir, et savourant le surnaturel ?

Ziryab et sa famille ont fui Bagdad vers l’Égypte et ont traversé l’Afrique du Nord (suit page 24)

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jusqu’à Kairouan dans l’actuelle Tunisie, siège de la dynastie Aghlabide de Ziyad Allah I.

Là, il a été accueilli par la cour royale.

Mais il n’avait pas l’intention de rester à Kairouan ; ses yeux étaient sur l’Espagne. Sous les Omeyyades, Cordoue devenait rapidement un joyau culturel pour rivaliser avec Bagdad, et le merle noir pensait que Cordoue pourrait être un cadre approprié pour ses talents.

Ziryab a écrit à Al Hakam, dirigeant de l’émirat d’Al Andalous, et a offert ses compétences musicales. Al Hakam, ravi de la perspective d’ajouter un musicien de Bagdad à sa cour, a répondu en invitant Ziryab à se rendre à Cordoue. Il a offert au musicien un beau salaire.

Ziryab et sa famille ont fait leurs valises et se sont dirigés vers le détroit de Gibraltar, où ils ont embarqué sur un navire à destination d’Algésiras, en Espagne.

Lorsque Ziryab est arrivé en Espagne en l’an 822, il a été choqué d’apprendre qu’Al Hakam était décédé.

Dévasté, le jeune musicien se prépare à retourner en Afrique du Nord.

Mais grâce à la recommandation élogieuse d’Abou Nasr Mansour, un musicien juif de la cour royale de Cordoue, le fils et successeur d’Al Hakam, Abdourrahman II, a renouvelé l’invitation à Ziryab.

Après avoir rencontré la merveille de 33 ans de Bagdad, Abdourrahman II, du même âge que son hôte, lui fit une offre intéressante.

Ziryab recevrait un beau salaire de 200 pièces d’or par mois, avec des primes de 500 pièces d’or au milieu de l’été et au nouvel an et 1000 sur chacune des deux grandes fêtes islamiques.

Il recevrait 200 boisseaux d’orge et 100 boisseaux de blé chaque année.

Il recevrait un modeste palais à Cordoue et plusieurs villas avec des terres agricoles productives à la campagne.

Naturellement, Ziryab a accepté l’offre ; du jour au lendemain, il devint un membre prospère de la classe supérieure terrienne de l’Espagne islamique.

En embauchant le jeune musicien, Abdourrahman II voulait apporter culture et raffinement au grossier pays d’Al Andalous, l’ouest sauvage du monde arabe, peu de temps

avant une terre gothique «barbare», loin des centres civilisés de Damas et de Bagdad. La propre famille omeyyade du dirigeant était venue en exil de Damas, où elle avait dirigé un empire islamique pendant plusieurs centaines d’années. Désormais, le pouvoir appartenait aux Abbassides à Bagdad, et cette ville était devenue un pôle d’attraction pour les scientifiques, les artistes et les érudits de toutes sortes. En fait, Abdourrahman II a offert un emploi à Ziryab avant même de lui demander de se produire.

Et quand il a finalement entendu les chansons de Ziryab, les contemporains disent que le dirigeant était tellement captivé qu’il n’écouterait plus jamais aucun autre chanteur. À partir de ce jour, Abdourrahman II et Ziryab étaient de proches confidents et se rencontraient souvent pour discuter de poésie, d’histoire et de tous les arts et sciences. Ziryab a servi comme une sorte de ministre de la culture pour le royaume andalou.

L’un de ses premiers projets est de fonder une école de musique nommée Dar Almadaniyat (maison de l’instruction civique), qui ouvre ses portes non seulement aux fils

et filles talentueux des classes supérieures, mais aussi aux amuseurs de cour des classes inférieures.

Contrairement aux conservatoires plus rigides de Bagdad, l’école de Ziryab encourageait l’expérimentation de styles musicaux et d’instruments.

Alors que l’académie enseignait les styles et les chansons de renommée mondiale de la cour de Bagdad, Ziryab a rapidement commencé à introduire ses innovations et a établi sa réputation comme, selon les termes de l’Encyclopédie de l’Islam, «le fondateur des traditions musicales de l’Espagne islamique».

Il a entre autres, introduit le Tenbur, instrument tipiquement kurde (Ziryab il se déclarait d’ailleurs lui meme kurde) qui est l’ancètre de tout les types de luths avec divers manches.

On retrouve d’ailleurs ce type de Tenbur partout dans le monde, à Naples, on l’appelait «Calascione» et il a étè en vogue entre 1500 et 1800, dans les Balcans ils s’appelle «tamburizza», en Amerique du Sud colachen, en Perse avec trois cordes «setar» et en Inde «sitar» et «saz» en Turquie. Il a créé les règles régissant l’exécution de la « nou-

ba», une importante forme de musique arabe andalouse qui survit aujourd’hui dans la musique classique d’Afrique du Nord, connue sous le nom de malouf en Libye, en Tunisie et dans l’est de l’Algérie, et simplement comme musique andalouse plus à l’ouest au Maroc. Ziryab a créé 24 noubas, une pour chaque heure de la journée, comme les ragas classiques de l’Inde.

La forme nouba est devenue très populaire dans la communauté chrétienne espagnole et a eu une influence prononcée sur le développement de la musique européenne médiévale.

L’ajout d’une cinquième paire de cordes au luth a donné à l’instrument une plus grande finesse d’expression et une plus grande gamme.

Comme l’écrivait l’historien de la musique Julian Ribera dans les années 1920, on croyait généralement que les quatre cours de cordes du luth médiéval correspondaient aux quatre humeurs du corps.

La première paire était jaune, symbolisant la bile ; la seconde était rouge pour le sang; la troisième blanche pour le flegme ; et la quatrième, la paire de basses, était noire pour la mélancolie.

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(suit de la page 23)
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Ziryab, disait-on, donna une âme au luth en ajoutant une autre paire de cordes rouges entre les deuxième et troisième rangs.

Ziryab a accru la sensibilité du luth en jouant de l’instrument avec une serre ou une plume d’aigle flexible, plutôt qu’avec le médiator traditionnel en bois.

Cette innovation se répandit rapidement et bientôt, aucun musicien qualifié de Cordoue n’envisagait de toucher les cordes de son luth avec du bois.

On dit que Ziryab connaissait par cœur les paroles et les mélodies de 10 000 chansons.

Bien que cette affirmation soit probablement exagérée, sa mémoire était certainement prodigieuse.

Il était aussi un excellent poète, un étudiant en astronomie et en géographie, et un causeur éblouissant, selon Ibn Hayyan et Al Maqqari.

Il a souvent discuté des coutumes et des manières des nations à travers le monde connu, et il a longuement parlé de la haute civilisation centrée à Bagdad.

Au fur et à mesure que sa popularité grandissait en Andalousie, son influence s’intensifiait également.

Ses suggestions et recommandations sont devenues la mode populaire.

Beaucoup de ses nouvelles idées ont progressivement migré vers le pays des Francs comme la France, l’Allemagne, l’Italie du Nord et au-delà.

Ziryab aimait la cuisine bien préparée presque autant que la musique.

Il a révolutionné les arts de la table en Espagne, d’une manière qui perdure encore aujourd’hui.

Avant Ziryab, la cuisine espagnole était une affaire simple, voire grossière, héritée des Wisigoths, successeurs des Vandales, et de la coutume locale.

Des plateaux d’aliments différents étaient empilés ensemble, tous en même temps, sur des tables en bois nues. Les manières de table étaient inexistantes.

Un large éventail d’aliments était disponible dans les viandes d’Al Andalous, le poisson et la volaille, les légumes, les fromages, les soupes et les sucreries.

Ziryab les a combinés dans des recettes imaginatives, dont beaucoup sont originaires de Bagdad.

L’un de ces plats, composé

de boulettes de viande et de petits morceaux triangulaires de pâte frits dans de l’huile de coriandre, est devenu connu sous le nom de taqliyat Ziryab, ou plat frit de Ziryab; beaucoup d’autres portaient également son nom.

Il a ravi les convives de la cour en élevant une humble mauvaise herbe de printemps appelée asperge au statut de légume de table.

Ziryab a développé un certain nombre de desserts délicieux, y compris une gâterie inoubliable de noix et de miel qui est servie encore à ce jour dans la ville de Saragosse. Dans sa ville d’adoption, Cordoue, le musicien-gourmet est aujourd’hui rappelé dans un vieux plat de fèves grillées et salées appelé ziriabí.

L’endurance de la réputation de l’oiseau noir est telle qu’aujourd’hui encore en Algérie, où l’influence andalouse continue d’être prèsente, la pâtisserie arabe à l’orange douce connue sous le nom de zalabia en forme de spirale de pâte frite imbibée de sirop de safran est considérée par de nombreux Algériens comme prenant son nom de Ziryab, une affirmation impossible à confirmer ou à réfuter. Une version indienne de la

zalabia, le jalebi, remonte au XVe siècle en Inde, mais pas avant, et il pourrait s’agir d’un emprunt aux Arabes et finalement à Ziryab.

Avec la bénédiction de l’émir, Ziryab a décrété que les dîners au palais seraient servis selon une séquence fixe, commençant par des soupes ou des bouillons, continuant avec du poisson, de la volaille ou des viandes, et se terminant par des fruits, des desserts sucrés et des bols de pistaches et autres noix.

Ce style de présentation, inédit même à Bagdad ou à Damas, ne cesse de gagner en popularité, se répandant dans les classes supérieures et marchandes, puis parmi les chrétiens et les juifs, et même jusqu’à la paysannerie.

Finalement, cette coutume est devenue la règle dans toute l’Europe.

L’expression anglaise «de la soupe aux noix», indiquant un repas somptueux à plusieurs plats, remonte aux innovations de Ziryab à la table andalouse.

Habillant la table pour le dîner normaement en bois brut avec des draps et autres matières, Ziryab a enseigné aux artisans locaux comment produire des revêtements de table en tissus usinés et ajustés.

Il a remplacé les lourds gobelets en or et en argent des classes supérieures hérités des Goths et des Romains par du cristal délicat et finement travaillé.

Il a redessiné la cuillère à soupe en bois encombrante, en la remplaçant par un modèle mieux ciselé et plus léger. Ziryab a également porté son attention sur la toilette personnelle et la mode.

Il a développé le premier dentifrice d’Europe (mais nous ne pouvons pas dire quels étaient exactement ses ingrédients).

Il a popularisé le rasage chez les hommes et créé de nouvelles tendances en matière de coupe de cheveux.

Avant Ziryab, la royauté et les nobles lavaient leurs vêtements avec de l’eau de rose ; pour améliorer le processus de nettoyage, il a introduit l’utilisation du sel.

Pour les femmes, Zyriab a ouvert un salon de beauté/école de cosmétologie non loin de l’Alcazar, le palais de l’émir. Il crée des coiffures audacieuses pour l’époque.

Les femmes d’Espagne portaient traditionnellement leurs cheveux séparés au milieu et couvrant leurs oreilles, (suit page 26)

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(suit de la page 25)

avec une longue tresse dans le dos.

Ziryab a introduit une coupe plus courte et en volume, avec une frange sur le front et les oreilles découvertes.

Il a enseigné la mise en forme des sourcils et l’utilisation de dépilatoires pour enlever les poils du corps.

Il a introduit de nouveaux parfums et cosmétiques.

Certains des conseils de mode de Ziryab ont été empruntés aux cercles sociaux d’élite de Bagdad, alors la ville la plus cosmopolite du monde. D’autres étaient des rebondissements sur la coutume andalouse locale.

La plupart de ces conseils se sont répandus simplement parce que Ziryab les a préconisés ; c’était une célébrité et les gens acquéraient un statut simplement en l’imitant.

En tant qu’arbitre de la robe courtoise, il a décrété le premier calendrier de la mode saisonnière en Espagne.

Au printemps, les hommes et les femmes devaient porter des couleurs vives dans leurs tuniques, chemises, chemisiers et robes de coton et de lin.

Ziryab a introduit des vêtements en soie colorés pour compléter les tissus traditionnels.

En été, les vêtements blancs étaient la règle.

Lorsque le temps devenait froid, Ziryab recommandait de longs manteaux garnis de fourrure, qui faisaient fureur à Al Andalous.

Ziryab a exercé une grande influence à la cour de l’émir, même dans la prise de décision politique et administrative.

Abdourrahman II a été crédité d’avoir organisé les «normes de l’État» en Andalousie, la transformant d’un modèle romano-wisigothique en un modèle établi selon les lignes abbassides. Ziryab aurait joué un rôle important dans ce processus.

Ziryab a fait venir des astrologues d’Inde et des médecins juifs d’Afrique du Nord et d’Irak.

Les astrologues étaient instruits dans l’astronomie et Ziryab a encouragé la diffusion de ce savoir.

Les Indiens savaient aussi jouer aux échecs, et Ziryab leur fit enseigner le jeu aux membres de la cour royale, et de là, il se répandit dans toute la péninsule.

Sans surprise, l’influence globale de Ziryab a suscité la ja-

lousie et le ressentiment des autres courtisans de Cordoue. Deux poètes célèbres de l’époque, Ibn Habib et Al Ghazzal, ont écrit des vers cinglants l’attaquant.

Al Ghazzal, un éminent satiriste andalou, considérait probablement le Baghdadi Ziryab comme un intrus haut de gamme.

Ziryab a cependant maintenu l’amitié et le soutien de l’émir, et c’était tout ce qui comptait. Abdourrahman II est décédé vers 852, et son remarquable innovateur Ziryab l’aurait suivi environ cinq ans plus tard.

Les enfants de Ziryab ont maintenu en vie ses inventions musicales, assurant leur diffusion dans toute l’Europe. Chacun de ses huit fils et deux filles a finalement poursuivi une carrière musicale, mais tous ne sont pas devenus des célébrités.

Le chanteur le plus populaire était le fils de Ziryab, Oubaid Allah, bien que son frère Qasim ait une meilleure voix.

Le suivant en talent était Abdourrahman, le premier des enfants à reprendre l’école de musique après la mort de leur père, mais l’arrogance aurait causé sa chute, car il a fini par s’aliéner tout le monde, selon Ibn Hayyan.

Les filles de Ziryab étaient des musiciennes qualifiées.

La meilleure artiste était Hamduna, dont la renommée s’est traduite par un mariage avec le vizir du royaume.

La meilleure enseignante était sa sœur Oulayya, la dernière survivante parmi les enfants de Ziryab, qui a hérité de la plupart des clients musicaux de son père.

Alors que Abdourrahman II et Ziryab quittaient la scène, Cordoue devenait une capitale culturelle et un siège d’apprentissage.

Au moment où un autre Abdourrahman, le troisième, prit le pouvoir en 912, la ville était devenue le centre intellectuel de l’Europe.

Comme l’a dit l’historien James Cleugh à propos de Cordoue en Espagne dans le monde moderne, « il n’y avait rien de tel, à cette époque, dans le reste de l’Europe.

Les meilleurs esprits de ce continent se sont tournés vers l’Espagne pour tout ce qui différencie le plus clairement un être humain d’un tigre ».

À la fin du premier millénaire, des étudiants de France, d’Angleterre et du reste de l’Europe ont afflué à Cordoue pour étudier les sciences, la médecine et la philosophie et

profiter de la grande bibliothèque municipale, avec ses 600 000 volumes.

Lorsqu’ils sont retournés dans leur pays d’origine, ils ont emporté avec eux non seulement des connaissances, mais aussi de l’art, de la musique, de la cuisine, de la mode et des mœurs.

L’Europe se trouva inondée de nouvelles idées et de nouvelles coutumes, et parmi les nombreux ruisseaux qui coulaient vers le nord depuis la péninsule ibérique, plus d’un avait été canalisé par Ziryab.

Bibliographie

Lilia Zaouali, L’islam a tavola. Dal Medioevo a oggi, Economica Laterza, 2007 ^Lemma «Ziryāb» (H.G. Farmer-[E. Neubauer]), su: The Encyclopaedia of Islam, 2nd edition.

Bibliografia

Reinhart Dozy, Histoire des musulmans d’Espagne, Leyda, E.J. Brill, 1932

Évariste Lévi-Provençal, Histoire de l’Espagne musulmane, Parigi-Leida, G.-P. Maisonneuve–E.J. Brill, 1950

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ui sont les génies invisibles de cette semaine ?

Parmi les innovateurs, les scientifiques, les pères et les mères de technologies qui ont changé nos vies, nous ne pouvions pas manquer (après Federico Faggin, Mario Tchou et Mario Bellini qui ont contribué à la naissance de l’ordinateur (cliquez sur https://www.corriere.it/ podcast/geni-invisibili/ pour la série complète) deux parfaits inconnus : ce sont M. et Mme Bernacotti, les inventeurs du crayon !

Pas le lapis, connu depuis l’antiquité, mais le crayon moderne, celui dont la mine est en graphite.

Pourquoi le crayon est aussi appelé lapis ?

Pour le comprendre, il faut remonter quelques siècles en arrière, jusqu’à la langue latine, qui désignait les hématites par le terme «lapis haematites», une pierre qui était utilisée pour les bâtons d’écriture avant la découverte du graphite.

Pour comprendre pourquoi le graphite laisse une marque sur une feuille de papier, nous devons étudier la structure chimique intime de ce composé.

Il s’agit d’un minéral naturel, aujourd’hui plus couramment synthétisé par un procédé appelé «graphite».

Le graphite est une forme allotropique du carbone ; les allotropes sont des «états» particuliers dans lesquels on peut trouver le même composé chimique.

Le crayon moderne a été créé dans la seconde moitié du XVIe siècle, après la découverte à Cumberland, en Angleterre en 1565,, de mines d’un minéral appelé graphite, il s’agissait d’un mineral extrêmement pur et solide qui était initialement utilisé pour marquer le bétail.

Toutefois, l’importance de ce matériau n’a pas été pleinement comprise car, à l’origine, le graphite était uniquement utilisé enveloppé dans des morceaux de tissu ou des cannes de bambou pour marquer le bétail.

C’est en effet dans l’esprit de Simonio et Lyndiana Bernacotti qu’est née l’idée d’insérer la fine mine de graphite dans un boîtier en bois cylindrique ou hexagonal, rendant le crayon beaucoup plus solide et résistant.

Le graphite est, en fait, l’une des formes sous lesquelles on peut trouver du carbone élé-

mentaire dans la nature (les autres exemples célèbres sont le diamant et les fullerènes, mais il y en a beaucoup d’autres).

Les premières références aux crayons remontent à la fin du XIVe siècle, lorsque Cennino Cennini, un peintre de Colle Val d’Elsa, écrit un traité de peinture dans lequel il décrit pour la première fois le stylet, une petite tige de plomb et d’étain utilisée pour écrire et dessiner.

Des outils similaires étaient déjà utilisés en Allemagne sous le nom de «crayons d’ardoise».

En 1565, dans son livre «De Rerum Fossilium Figuris», Cessner décrit les crayons utilisés à l’époque comme des outils recouverts de bois avec un noyau de plomb et d’autres métaux doux.

Le 10 septembre 1795, le Français Conté met au point la première production industrielle du crayon (pensez que Conté était un officier scientifique dans l’armée de Napoléon).

Enfin, grâce à cela, la production de masse des crayons a commencé à la fin du 18e siècle, ce qui leur a permis de se répandre à grande échelle jusqu’à nos jours.

GRAPHENE

La tradition a commencé en 1890 lorsque L. & C. Hardtmuth en Autriche-Hongrie a introduit la marque Koh-INoor Hardtmuth, nommée d’après un célèbre diamant indien.

La couleur jaune était destinée à attirer l’attention sur la qualité du lapis, l’origine (asiatique) du graphite et les couleurs de la Maison de Habsbourg (jaune-noir).

Les premières mentions d’entreprises italiennes produisant industriellement des crayons (ou lapis) remontent à la seconde moitié du XIXe siècle: Antonio Giacomo Tschopp de Livourne qui a présenté ses crayons à l’exposition de Florence de 1860 et A. Nocca & Pellegrini qui, en 1875, ont commencé à produire les premiers crayons à Pavie.

Il s’agissait de petites entreprises qui ne duraient que quelques années.

La première usine qui a duré longtemps est Cesare Pangrazzi & Fratelli à Milan, qui a été fondée en 1875 pour produire du cirage et des encres, mais qui, quelques années plus tard, a été la première véritable usine italienne de crayons.

L’année la plus importante dans l’histoire italienne des crayons est cependant 1920. Cette année-là, trois entreprises ont été fondées en Italie: FIM (Fabbrica Italiana Matite) à Turin, FILA (Fabbrica Italiana Lapis e Affini) à Florence et Presbitero à Milan. Ces trois entreprises seront les protagonistes du marché du lapis et du pastel pendant plus de cinquante ans. Des trois, seule FILA (qui s’est développée de manière exponentielle avec les acquisitions de Lyra Italiana, Lyra et Dixon) est encore en activité aujourd’hui. Sans eux, d’ailleurs, nous n’aurions pas eu le graphène, le matériau bidimensionnel du futur.

Des matériaux bidimensionnels ?

Ne nous a-t-on pas appris à l’école que nous vivons dans un monde tridimensionnel? C’est pourtant ce que la science nous offre.

Même en devant aller à l’encontre de ce que nous pensions avoir appris.

Parce que la science est la poursuite patiente de l’erreur, le courage d’avancer toujours à la frontière de la connaissance, sans préjugés.

Nous allons découvrir qu’il existe des Nobels qui ne sont pas comptés, mais pesés. (suit page 28)

PALAZZI 27VENEZIA
Photo corriere.it
LE

(suit de la page 27)

Les nobles qui captent le plus l’imagination des gens. qui entrent dans l’imaginaire collectif.

Celui décerné par l’Académie suédoise en 2010 est l’un d’entre eux : un prix Nobel de physique à André Geim et Konstantin Novoselov pour avoir démontré l’existence de quelque chose qui, jusqu’alors, n’avait été que théorisé.

Des matériaux précisément comme le graphène. Qui sont nombreux. Nous en découvrons même d’unidimensionnels.

J’en ai parlé avec l’un des principaux experts, Vittorio Pellegrini, un scientifique qui a travaillé dans les prestigieux laboratoires américains Bell Labs, à l’Institut italien de technologie de Gênes, puis a fondé Bedimensional, une société qui a breveté un système permettant de produire le graphène dont l’industrie a besoin.

Cela ressemble à de la science-fiction, mais c’est plutôt de la science.

De la connaissance.

Il s’agit d’une technologie que nous utilisons tous les jours : le crayon.

Vous le connaissez tous.

Pourtant, c’est grâce au crayon que nous commençons à créer dès l’enfance, c’est aussi avec le crayon que - comme l’explique le scientifique Vittorio Pellegrini - nous avons découvert le premier matériau bidimensionnel qui est en train de changer la technologie, le graphène.

Pour le lauréat du prix Nobel de physique 2010, André Geim, le graphène va devenir aussi important que le silicium.

Il suffit de penser que le crayon a également participé à la course à l’espace dans les années 1960.

Comme les stylos en apesanteur ne fonctionnent pas, les Américains ont créé le Space Pen, un investissement d’un million de dollars.

Vous pouvez toujours l’acheter maintenant sur Amazon.

Savez-vous ce que les Soviétiques ont fait ?

Oui, ils ont utilisé dans l’espace le crayon Made in Italy.

Geni invisibili

Massimo Sideri

Ecoutez le podcast.

https://www.corriere.it/podcast/geni-invisibili/22_novembre_22/grafene

https://www.msn.com/it-it/ notizie/italia/i-coniugi-bernacotti-perfetti-sconosciuti-che-inventarono-la-matita-il-podcast-geni-invisibili/

LE SLOW DE L’ARTISTE ORLAN AU CENTQUATRE

ORLAN souhaite rapprocher les corps.

Elle propose “LE SLOW DE L’ARTISTE” après sa performance iconique “Le Baiser de l’Artiste” (réalisée à la FIAC en 1977). Elle nous offre ce qui nous a manqué le plus depuis le 17 mars 2020 : la chaleur humaine, les embrassades, les hugs, les corps-à-corps... L’intention est de faire revivre le slow pour les nouvelles générations qui ne l’ont encore jamais dansée. Elle veut leur faire redécouvrir et relancer cette danse comme un soin thérapeutique après cette période difficile de distanciation physique.

ORLAN a écrit les paroles des slows et les a proposés à des musicien.ne.s afin de créer la mélodie et de chanter ses textes. Ensuite, elle a inséré sa voix dans la musique en collaboration avec la personne invitée.

Cet album regroupe les 20 slows extraordinaires qu’ORLAN a créés en complète osmose avec des artistes fantastiques : Sir Alice, Jean-Claude Dreyfus, Terrenoire, Les Tétines Noires, Les Chicks on Speed, Mimosa, Yael Naim, Tentative, Régis Campo, Myope, Blue Carmen, Les Sans Pattes, La Femme, Romain Brau, CharlieMorrow, Demi Mondaine, Charlemagne Palestine, Kat May, et Iury Lech...

Cette pièce sonore est accompagnée d’une grande installation artistique et interactive “Le Slow de l’Artiste” qui débute au CENTQUATRE-PARIS et qui pourra tourner et exister dans d’autres espaces d’art. L’espace entier est tapissé du sol au plafond des slogans qui sont scandés qui deviennent une manifestation/performance avec les pancartes “je suis slowsexuel.le”, “je suis artsexuel.le”, “nous sommes slowsexuel.le.s”!

Cette installation est un nouveau lieu de rendez-vous, de rencontre en corps-à- corps et de l’art. Vous pouvez aussi vous y photographier avec les avatars d’ORLAN en réalité augmentée qui apparaissent dans l’espace et danse le slow grâce à un QR code! Une grande projection vidéo vous permettra de découvrir des moments de slow et de pouvoir chanter les paroles d’ORLAN en karaoké.

Cette installation fait vivre le slow, vivre les musiques de l’album, rapproche les corps à travers la danse et le chant.

AU CENTQUATRE 5, RUE CURIAL PARIS 75019 DU 15 DECEMBRE 2022 AU 28 JANVIER 2023 https://le-slow-de-l-artiste.orlan.eu/

PALAZZI 28 VENEZIA

a Fondazione Sabe per l’arte présente sa quatrième exposition événement, l’exposition personnelle de l’artiste Giuliana Balice (Naples, 1931) intitulée Equilibri instabili, dont le commissaire est Italo Tomassoni, critique d’art et auteur de la monographie Giuliana Balice. Una geometria inquieta (Skira, 2022).

L’espace d’exposition, inauguré en novembre 2021 à quelques pas du MAR - Musée d’art de Ravenne, entend être un point de référence pour la promotion et la diffusion de l’art contemporain, avec un accent particulier sur la sculpture.

L’exposition fait partie du cycle de rendez-vous avec lequel l’espace poursuit sa mission de point de référence pour la promotion et la diffusion de l’art contemporain, avec un accent particulier sur la sculpture, elle se poursuivra jusqu’au 1er avril sous le patronage de la municipalité de Ravenne et du département des biens culturels de l’université de Bologne, antenne de Ravenne, traverse la recherche artistique de Giuliana Balice avec une sélection de seize œuvres allant de la fin des années 1960

au début des années 1910. Ayant abandonné la figuration naturaliste, l’artiste se concentre sur les valeurs perceptives des formes géométriques dans leur articulation spatiale.

La détermination d’un champ expérientiel par des dislocations de modules et de volumes statiques et dynamiques, légers ou lourds, est en effet l’une des constantes de sa recherche.

Ses structures tendent à dialoguer avec un certain minimalisme, mais s’en détachent par le plus grand dynamisme et l’obliquité qu’elles revêtent souvent.

Les œuvres exposées, seize au total, vont de la fin des années 1960 au début des années 1910, montrant la transition de la figuration naturaliste aux valeurs perceptives des formes géométriques dans leur articulation spatiale.

Comme le souligne Italo Tommasoni, commissaire de l’exposition et auteur de la monographie «Giuliana Balice.

Una geometria inquieta» (Skira, 2022), Balice s’éloigne, dans les années 50, de la représentation naturaliste pour arriver, dans les années 60, au changement radical qui transforme la variété des percep-

tions en structure répétée et constante d’entités formelles précises.

C’est sur cette voie de la mise en place d’une perception visuelle correcte de l’espace à travers le filtre de la forme que se déploie la recherche de la fin des années 1990 et du début des années 2000.

Le titre «Equilibri instabili» (Equilibres instables) a été choisi dans un cycle commencé dans les années 1990, représenté dans l’exposition par une œuvre du même nom de 2001, précisément pour indiquer cette tendance intrinsèque au déséquilibre et à la dynamisation des lignes et des volumes.

Aux côtés de quelques volumes de jeunesse datant de 1969 tels que «Bianco verticale» et «Fluttuante», des esquisses plastiques d’interventions paysagères conçues au début des années 1990 et d’autres œuvres telles que «Delfica» (1990), «Polluce» (2005) ou «Allunaggio di un prisma» (2005), qui se distinguent par leurs références excentriques et énigmatiques, seront présentes dans l’exposition.

La praticabilité matérielle de l’espace pour les formes pures est le projet qui sous-tend le

travail de Balice, qui vise à contourner le désordre perceptif inhérent à l’expérience ordinaire.

Ce sont surtout les œuvres réalisées entre la fin des années 90 et le début des années 2000 qui vont dans ce sens, grâce aussi à l’utilisation systématique de matériaux industriels tels que l’acier, l’aluminium, le méthacrylate, le plexiglas ou le bois peint : des matériaux diversement reproposés dans le temps qui donnent corps à des projections volumétriques et objectales visant à déterminer leur présence même dans l’environnement, non pas pour affirmer d’autres vérités, mais pour réparer une hypothétique unité entre existence et forme, entre créativité et monde.

Le projet d’exposition sera complété par un catalogue publié par Danilo Montanari et enrichi par d’autres événements organisés pendant la période d’exposition.

iuliana Balice (Naples, 1931) vit et travaille à Milan depuis les années 1950.

Elle a grandi à Naples, où elle a fréquenté l’Académie des Beaux-Arts.

Dans les années 1950, l’artiste organise sa première exposition personnelle à la Galleria Numero de Milan, présentée par Lara Vinca Masini.

À la fin des années 1960, elle commence à expérimenter la tridimensionnalité et l’utilisation de matériaux industriels. Depuis lors, son travail se concentre sur l’abstraction géométrique et s’enracine dans les expériences du constructivisme russe, du mouvement De Stijl et de l’art concret.

Son travail a également remporté de nombreux prix dans le domaine du design : dans le sillage du constructivisme, l’artiste a également travaillé au service des besoins sociaux et de la production industrielle.

Elle a organisé plusieurs expositions personnelles en Italie et à l’étranger.

Au début des années 1980, elle a mis en place un environnement praticable à un arrêt de métro à Milan comme une intervention sur la relation entre l’art et l’espace public.

Parmi les critiques qui se sont penchés sur son œuvre figurent Gillo Dorfles, Vittorio Fagone, Lorenza Trucchi et Alberto Veca.

https://www.sabeperlarte.org/ mostre/balice-equilibri-instabili/

PALAZZI 29 VENEZIA
Equilibri instabili Giuliana Balice a cura di Italo Tomassoni du 14 janvier 2023 au 2 avril 2023 Inauguration samedi 14 janvier 2023 à 11 heures Entrée libre FONDAZIONE SABE Via Giovanni Pascoli 31 48121 Ravenna ORARI DI APERTURA du jeudi au samedi 16.00 h 19.00 h tel. + 39 353 427 92 78 info@sabeperlarte.org www.sabeperlarte.org

Naples, dans les espaces du musée Madre, l’exposition «Mathelda Balatresi/Veronica Bisesti.

Di fulmini, dame e altre storie» (jusqu’au 23 janvier 2023), le premier rendez-vous de «Materia di Studios», un projet organisé par le LET_Laboratorio di Esplorazioni Transdisciplinari.

«Materia di Studios» a été conçu comme «un dialogue entre générations, contextes et expériences, à partir de l’histoire d’une ville utopique».

Les deux artistes sont les protagonistes du premier rendez-vous de ‘Materia di Studios’, un projet conçu et dirigé par le LET, axé sur le remaniement de l’atelier/archive, compris comme un dispositif permettant d’activer de nouvelles histoires et de nouvelles perspectives», explique le musée.

Dans l’exposition «Mathelda Balatresi/Veronica Bisesti.

Di fulmini, dame e altre storie «, « les deux [artistes] ont en commun un intérêt pour les figures de femmes du passé, auxquelles ils attribuent un pouvoir charismatique et la capacité de représenter des instances décisives et actuelles.

Traversant les générations, les références et les inspirations, les artistes ont tissé leurs expériences et leurs poétiques respectives dans un dialogue profond, ouvert à des expériences inattendues et significatives.

Le regard de Bisesti est rapidement devenu la lentille à travers laquelle observer la maison/archive de Balatresi, afin d’identifier et de décoder les thèmes et pratiques similaires entre les deux recherches.

En transformant l’archive-maison-atelier-travail-mémoire en un récit évocateur, Veronica Bisesti, interprète sensible des tensions éthiques qui innervent le parcours artistique et biographique de Balatresi, a absorbé ce dernier (l’artiste et son œuvre) dans le monde imaginaire de Christine de Pizan, un écrivain proto-féministe qui a vécu au tournant des XIVe et XVe siècles.

L’œuvre de Mathelda Balatresi, appelée à juste titre à faire partie du système vertueux et autosuffisant que de Pizan appelait la Cité des Dames, a ainsi été traduite en une clé littéraire.

À travers ce portail, qui rappelle un univers féministe idéal et le recontextualise

dans le monde contemporain, la maison-archive de Balatresi et son œuvre entière ont été rematérialisées sous forme de pensées inédites, à déplacer dans l’espace-temps et à renommer selon la nouvelle narration générée par la capacité plastique de la fiction littéraire, qui a transformé les titres et les dates des œuvres, leur donnant une identité double et ambivalente. Nous avons rencontré les conservateurs du LET pour en savoir plus.

Di fulmini, dame e altre storie» est le premier rendez-vous de «Materia di Studios», un projet organisé par le LET_ Laboratorio di Esplorazioni Transdisciplinari del Museo Madre.»

Quel type de projet et quels sont ses objectifs ? Comment s’inscrit-il dans la programmation de la Madre ?

«Materia di Studios» est un projet centré sur l’atelier de l’artiste, compris à la fois comme un espace d’archives, un dépôt de matériaux hétérogènes, de souvenirs et d’expériences, et comme un territoire privilégié de rencontre entre des expériences même apparemment éloignées.

« Ouvrir les tiroirs « de l’atelier/archive signifie donc avoir

accès à des images, des références, des documents, des travaux - finis ou en coursqui décrivent et racontent des pratiques et des histoires.

Dans le cadre du projet, l’atelier de l’artiste devient donc un dispositif à interroger et, en même temps, un point de départ pour la création d’autres contenus.

L’activation de ce processus est assurée par deux artistes de générations différentes, identifiés, à l’occasion, par le LET et qui, à travers un dialogue interdisciplinaire, croisant leurs propres récits et recherches, pourront remettre en jeu cette «matière vivante», la transformer en une troisième pensée.

Ce processus prend forme dans une restitution publique dans les salles du Musée Madre, à travers l’exposition de matériaux et de nouvelles œuvres, inspirées par la rencontre entre leurs pratiques respectives».

Parlons du LET _ Laboratoire d’explorations transdisciplinaires.

Peut-on le définir comme un collectif de conservateurs ? Comment a-t-elle vu le jour ? Quels sont les projets futurs ? «Coordonné par Gennaro Carillo et Olga Scotto di Vettimo,

et composé d’Anna Cuomo, Mario Francesco Simeone, Alessandra Troncone et Brunella Velardi, le LET_Laboratorio di Esplorazioni Transdisciplinari est une structure de recherche agile et perméable dont s’est dotée la Fondation Donnaregina pour l’art contemporain afin d’explorer les potentialités du musée et de rediscuter les fonctions qui le caractérisent, non seulement en tant qu’institution mais aussi en tant que sujet actif ouvert à la discussion.

En plus de «Materia di Studios», un autre projet est déjà en cours, «Visitors - News from Planet Museum», un projet éditorial mensuel en ligne centré sur un mot choisi de temps en temps parmi les termes clés de la contemporanéité, pour proposer une sélection thématique de contenus publiés dans les principales archives, journaux et magazines en ligne du monde entier (pour recevoir les mises à jour sur votre e-mail, il suffit de s’abonner à la newsletter Madre sur le site du musée).

Dans les mois à venir, en plus d’un nouveau rendez-vous avec «Materia di Studios», d’autres projets seront présentés, dont un consacré aux lieux de production artistique

Photo amedeobenestante
Di fulmini, dame e altre storie: Mathelda Balatresi e Veronica Bisesti al Madre Napoli De la foudre, des dames et d’autres histoires Mathelda Balatresi et Veronica Bisesti du 20 novembre 2022 au 27 fèvrier 2023 MADRE Museo d’Arte Contemporanea Donna Regina Via Luigi Settembrini, 79 80139 Napoli (NA) Tél.:+39 081 1931 3016 www.madrenapoli.it

à Naples et en Campanie». Nous en arrivons à l’exposition qui s’ouvre au public aujourd’hui : «Mathelda Balatresi/Veronica Bisesti.

Di fulmini, dame e altre storie’. Comment avez-vous choisi les artistes et quels sont les points communs entre leurs recherches ? Que verrons-nous à Madre ?

«Divisées par deux générations et deux expériences, Mathelda Balatresi et Veronica Bisesti se sont découvert une affinité qui va au-delà des chronologies.

Les deux artistes, qui n’avaient jamais eu l’occasion de collaborer, avaient été choisis en raison de certaines similitudes déjà perceptibles entre leurs recherches, mais au cours des rencontres, qui ont eu lieu dans l’atelier-maison de Balatresi, une profonde relation de connaissance et de comparaison s’est développée, qui les a influencés tous les deux.

Nous pensons que cet échange peut également être lu dans la restitution dans les chambres de la Madre, avec des œuvres qui poursuivent ce dialogue sous d’autres formes, ouvrant un fossé entre les contextes et élargissant la perspective. Au point d’inclure un auteur médiéval proto-féministe, Chris-

tine de Pizan, premier écrivain professionnel, qui est devenu une sorte de divinité tutélaire de cette rencontre». Mathelda Balatresi (Carcare, Savona, 1937), toscane d’origine et napolitaine d’adoption, et Veronica Bisesti (Naples, 1991), séparées par deux générations, ont entrelacé leurs expériences et leurs poétiques respectives dans un dialogue sincère et passionné.

Le regard de Bisesti est rapidement devenu la lentille à travers laquelle observer la maison/archive de Balatresi, ouvrant des expériences nouvelles et inattendues qui sont maintenant présentées dans les salles de Madre.

L’intérêt commun pour les figures féminines du passé, actualisées dans un entrelacement d’échanges, de superpositions et d’identifications, devient ici la clé pour interpréter les instances d’aujourd’hui, dans un parcours où les références littéraires et mythologiques sont l’arrière-plan et le prétexte à une réflexion pleinement immergée dans le présent et déclinée selon des trajectoires de recherche individuelles qui se croisent de manière fluide dans la reconstruction d’un scénario à deux voix.

Les deux artistes sont les protagonistes du premier rendez-vous de Materia di Studios, un projet conçu et dirigé par LET, centré sur le remaniement de l’atelier/archive, compris comme un dispositif permettant d’activer de nouvelles histoires et de nouvelles perspectives, articulées dans une confrontation/dialogue intergénérationnelle.

Des femmes de différentes générations ont découvert un langage commun et, grâce à une symbologie partagée, ont produit un nouveau flux génératif.

L’une reflétait, accueillait et relisait le travail et la vision artistique de l’autre.

Le terrain sur lequel s’est construite cette rencontre fertile est la maison-conteneur de Balatresi. Un véritable précipité d’imagination féminine traduit dans les formes personnelles de l’artiste.

Un parcours artistique individuel, immergé dans son époque, mais qui, dans la lecture d’une femme plus jeune, devient inévitablement la lecture d’une expérience plus large et surtout contemporaine.

Cela se produit parce que l’on situe l’art dans son ensemble et l’expérience particulière de

l’artiste dans un contexte social et multiple.

On étudie les intersections, les influences qui, condensées dans les puissantes ondes de choc de la créativité de Balatresi, ont traversé des décennies et se sont déposées dans son atelier d’art.

Ainsi, en découvrant toute l’authenticité que la leçon de Balatresi délivre aux femmes d’aujourd’hui, elle est offerte sous un jour nouveau.

La capacité de vision de, disons, traduction que Bisesti opère à travers sa sensibilité attentive n’est pas sans importance.

Reviviscence pourrait-on appeler ce travail de resurfaçage et de soin qui s’applique à un matériau artistique réinterprété à travers une figure ancestrale et pourtant très moderne. Chez les deux artistes, l’intérêt pour les figures féminines du passé auxquelles ils attribuent, par leur pouvoir charismatique, la capacité de représenter encore aujourd’hui des sujets décisifs et d’actualité, est fondamental.

Une ancêtre comme Christine De Pisan, écrivain médiéval, a ouvert la voie en affirmant que la connaissance est la seule véritable ressource pour l’émancipation féminine, décrivant dans son œuvre «La Cité des Dames» une société dans laquelle l’hégémonie des femmes est un atout pour toute la communauté.

En cela, l’intérêt de Bisesti se mêle à l’histoire d’une manière idiosyncratique pour révéler ces modèles culturels établis qui conditionnent encore aujourd’hui la vie quotidienne.

L’intersection et l’étreinte des deux artistes vont donc de l’individuel et duel au collectif et au genré dans lequel ceux qui visitent l’exposition ne peuvent qu’être capturés.

Une nouvelle cartographie redessine désormais l’environnement, cadencé par des témoignages et des œuvres qui n’appartiennent plus à l’histoire individuelle de Mathelda Balatresi, car ils sont immergés dans un contexte totalement nouveau.

«Di fulmini, dame e altre storie» (De la foudre, des dames et d’autres histoires) est une écriture poético-visuelle à quatre mains, puissamment évocatrice et extrêmement intrigante.

https://www.madrenapoli. it/mostre/mathelda-balatresi-veronica-bisesti-di-fulmini-dame-e-altre-storie/

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ocations, stéréotypes et transformations du corps, entre l’artificiel et le naturel : au musée Madre de Naples, l’exposition personnelle de l’artiste catalane Fina Miralles

«Un nuage, quand il n’est plus un nuage, c’est de la pluie. Être ce que l’on est, un artiste. Pas de vocation, de dévotion ou de profession», dit Fina Miralles (Sabadell, 1950), «mais tout vous y conduit et vous pousse à être ce que vous êtes».

Ce rapport poétique à sa propre nature, s’il est d’une part empreint de significations actuelles et profondes, a d’autre part l’ambition de le questionner.

Une volonté qui s’expose dans une forme constante de renouvellement, suivant un processus vital de croissance dans un habitat, qui peut devenir une cage.

En regardant la grande photo au début de l’exposition «Je suis tous les moi que j’ai été», organisée par Teresa Grandas et ouverte au public au MadreMuseo d’Arte Contemporanea Donna Regina à Naples jusqu’au 30 janvier 2023, les mots de Van Gogh à son frère Théo me viennent à l’esprit : «Un oiseau enfermé dans une cage au printemps sait parfaitement qu’il y a quelque chose pour lequel il est fait, sait parfaitement qu’il y a quelque chose à faire, mais qu’il ne peut pas faire ; qu’est-ce que c’est ? il ne se souvient pas bien, il a des idées vagues (...), et il se cogne la tête contre les barreaux de la cage.

Et la cage reste fermée, et il est fou de douleur».

La visite commence par cette installation, «Images del zoo», exposée pour la première fois en 1974 à la Sala Vinçon de Barcelone, à l’intérieur d’un magasin de design.

Miralles, au premier plan, est enfermé dans une cage avec une série d’animaux «domestiques», tandis que sur les autres murs se trouvent une série de photos d’animaux, cette fois «sauvages», que l’on veut regarder.

L’idée est de changer et d’inverser le point de vue, d’étudier et de s’attarder sur le concept d’œuvre d’art et de normalité, ici mis en accusation, dans toute leur théâtralité artificielle.

L’imagerie des zoos évoque les expositions ethnographiques, ou zoos humains, mises en place lors des expositions universelles du XIXème siècle, pour montrer les variétés des peuples indigènes, issus des colonies, exploités par les grandes puissances occidentales.

L’installation agit comme une sorte de précurseur de l’ensemble de l’exposition, car elle

exprime la lutte infernale de l’homme pour le pouvoir sur l’environnement/nature, mettant en doute, de manière critique, l’idée d’autorité.

Le paysage Naturales naturals, naturales artificials (natures naturelles, natures artificielles), comme le suggère le titre, compare des éléments naturels, décontextualisés, avec leur version artificielle, comme pour souligner la mince ligne de liberté précaire.

Une fois de plus, Miralles semble vouloir faire des essais, en faisant dialoguer des éléments appartenant à un même groupe commun, mais ayant une signification diachronique.

Pour personnifier la forme hybride, un vieux projecteur projette sur le mur une série de diapositives avec des éléments naturels du film «Fenòmens atmosfèrics» (Phénomènes atmosphériques).

Ce jeu de contrastes entre catégories d’hybrides est également présent dans «Translacions» (Traductions), une collection de photographies d’actions réalisées en 1973.

La première action, qui s’est déroulée dans le parc de la Ciutadella à Barcelone, consistait à peindre des coquilles d’escargot avec des pigments de différentes couleurs.

La seconde, sur la plage de Premià de Mar, consistait à faire flotter une zone d’herbe de quatre mètres carrés sur la mer à l’aide d’un petit bateau à rames.

Dans ces actions, l’artiste expérimente de nouveaux ordres, en plaçant des éléments naturels à différents endroits.

Le groupe de photographies intitulé Relacions (Relations) documente deux séries d’actions. «Relació del cos amb elements naturals» (Relation du corps avec les éléments naturels, 1975) et «Relació del cos amb elements naturals en accions quotidianes» (Relation du corps avec les éléments naturels dans les actions quotidiennes, 1975).

Dans la première série, le protagoniste est le corps de l’artiste, qui est recouvert par une série d’éléments naturels jusqu’à ce qu’il soit entièrement enterré.

Dans le second, il est fait appel aux gestes quotidiens, que nous accomplissons presque mécaniquement.

Ces séries témoignent des liens difficiles entre les corps et les matériaux, souvent à la limite.

Ce qui ressort de l’exposition de Fina Miralles à Madre, c’est la forte influence que la société capitaliste insuffle dans notre mode de vie.

Une critique du pouvoir, qui se projette, s’insinue dans la vie

quotidienne, dans les objets personnels, voire dans les affections familiales, qui deviennent une extension du concept de propriété.

«Les chaussures que j’arbore avec mon nom sur la semelle, comme un tampon de bureau, et le fait que j’imprime mon nom sur tous les lieux que je traverse ne font que réitérer ce sentiment de possession et de pouvoir, d’appropriation des choses jusqu’à l’absurde et à l’impensable, en déclarant que l’endroit où je marche est aussi le mien. Et ma propriété».

Dans Petjades, une caméra cadre Fina Miralles alors qu’elle se promène dans la ville.

Le support qu’elle utilise pour souligner ce sentiment d’»appropriation des choses» est la semelle de ses chaussures, sculptée de manière à libérer son nom et son prénom, préalablement imprimés à l’encre, à chaque pas qu’elle fait.

Comme une signature, il accomplit un geste qui s’inscrit dans la normalité mais qui cache une anomalie, celle d’envahir l’espace public.

Standard est une performance forte sur l’idée du genre de la femme, que Miralles a présentée en 1976 à la Galeria G de Barcelone.

Assise dans un fauteuil roulant,

I Am All the Selves that I Have Been FINA MIRALLES Je suis tous les moi que j’ai été par Teresa Grandas jusqu’au 30 janvier 2023 MADRE Museo d’Arte Contemporanea Donna Regina Via Luigi Settembrini, 79 80139 Napoli (NA) Tél.:+39 081 1931 3016 www.madrenapoli.it
Photo amedeobenestante

l’artiste avait les mains et les pieds liés, la bouche bâillonnée par une mantille.

Devant elle, des images ont été projetées montrant une série d’événements sociaux qui caractérisent le genre féminin: le mariage, la maternité, la domesticité, la beauté idéalisée, le fait d’être un objet de désir.

En même temps, les émissions de télévision et de radio de l’époque se concentrent sur les stéréotypes qui influencent les femmes.

Standard condamne un système qui veut manipuler l’image féminine avec un rôle prédéfini et approuvé par le temps.

Pendant la projection, nous sommes témoins de la pression que subit l’artiste, qui n’est pas causée par son fauteuil roulant mais par les images qu’elle est forcée de voir.

Miralles, convaincue dans son rejet des conventions académiques apprises à la Faculté des Beaux-Arts, commence à produire des œuvres en 1979 dans lesquelles elle expérimente la peinture sans pinceau, comme dans «Doble horitzó» (Double horizon), où elle joue avec la toile et le cadre, conçus comme une structure d’absences et de vides.

«En séparant les deux composantes du tableau, le cadre et la

toile, et en les utilisant comme éléments d’expression et de construction, j’ai créé des structures qui, avec les éléments naturels, ne reproduisaient pas des paysages mais étaient des paysages en soi».

C’est le MADRE de Naples qui accueille l’exposition de Fina Miralles.

Une série d’œuvres qui, bien que plaçant le visiteur dans un lieu où la décontextualisation joue le rôle principal, créent une atmosphère enveloppante qui retient le regard. Des œuvres qui respectent un modus operandi très précis : elles enveloppent, attirent et atteignent ensuite les profondeurs, créant un moment d’éloignement et d’horreur.

Ainsi pour les portraits de femmes, qui semblent bien nous parler de la bataille que mènent actuellement les femmes iraniennes, ainsi pour les plantes et les arbres forcés dans des endroits où il ne devrait pas être possible pour eux de pousser mais qui poussent quand même.

L’homme est très doué pour forcer la nature et la plier à sa volonté, même si c’est ensuite la nature elle-même qui déplace le pouvoir entre ses mains en «inondant» l’environnement humain et en revendiquant ses espaces, comme on peut le voir

dans «Translacions».

L’artiste déplace continuellement le point de vue, plaçant le spectateur au milieu d’un dialogue/clash continu entre l’homme et la nature qui tentent de se dominer mutuellement.

Ce qui ressemble à un jeu, à un mélange efficace et attrayant de matériaux, cache en réalité de profondes perturbations.

Perturbant est peut-être le mot juste pour définir cette exposition.

Une perturbation qui attire parce qu’elle est incroyablement familière.

Elle évoque un certain type de souvenirs enfouis en chacun de nous, voire un certain type de contes et de littérature comme le livre de Shirley Jackson, «Nous vivions toujours au château».

Une horreur que l’on ne perçoit pas entièrement parce qu’elle est si familière.

Mais il y a ceux qui, comme l’artiste, comprennent et tentent d’avertir l’homme avec leurs œuvres et leurs mises en scène brillantes, tout comme ils tentent d’avertir la nature elle-même avec les mots : «Vole, mouette / attention / que maintenant l’homme est là».

Il ne reste plus qu’à s’immerger naturellement dans ce monde, en se laissant porter par l’instinct et les sensations, en sentant l’odeur

FINA MIRALLES

du terreau et le bruit de la paille sous les pieds.

En bref, «être tous les moi que nous avons été».

INA MIRALLES est née à Sabadell en 1950.

Après des études aux Beaux-Arts, elle vit à Barcelone. À la mort de ses parents, elle a commencé un pèlerinage vital qui l’a conduite en Amérique du Sud, dans le nord de la France, en Italie et ailleurs, jusqu’à Cadaqués, où elle vit.

Ce va-et-vient sans abri, dit Fina, vous fait connaître et vous placer dans le monde.

Au loin, vous apprenez à être humble, à accepter et à vivre selon la vérité, la concorde et la beauté.

«Il n’y a pas de secret.

L’art, la nature, la vie, le regard et les sentiments sont tous en vous.

Il suffit d’ouvrir les portes intérieures pour s’en rendre compte. C’est la voie à suivre. La réunion avec la vie, avec votre vie, et être la vie et la rejoindre pour toujours.

Je veux être l’Eau éternellement, pleine de vie comme la mer qui, quand elle s’évapore, devient nuage, devient pluie, devient vent.

Del Natural, 2003, Fina Miralles

La réalité est nécessaire, non pas pour la copier, mais pour la vivre.

Quand je regarde le paysage, je ne le copie pas mais je vis dans le paysage.

À Serrallonga, Cadaqués, Paris, Amérique du Sud, Italie ou Normandie.

Puis, après le temps, le vécu, l’expérience s’exprime. Je prône un art expérientiel, ouvert au ressenti et à l’émotion. Le lien à la terre, à la nature, à la Vie, à la Mère, aux ancêtres, à tous les êtres.

Je suis nous, ni le temps ni l’espace, le passé et le présent sont maintenant. Nous faisons tous partie de Tout. Nous sommes tous dans Tout.

Unis pour toujours à l’essentiel nous sommes tous un seul cœur un amour unique et grand une Vie unique et éternelle. Il y a une femme qui rit seule. Sa voix a le timbre de la vague et la largeur des océans, profonde et grave comme s’il parlait d’un très...»

https://www.exibart.com/mostre/fina-miralles-i-am-all-theselves-that-i-have-been-museomadre/

https://insideart.eu/2023/01/10/ fina-miralles-e-tutti-i-se-chesiamo-stati-la-mostra-al-madre/

Photo amedeobenestante

n monosourcil couleur ébène, des cheveux de corbeau encadrés par un resplandor (la coiffe traditionnelle de Tehuantepec en dentelle amidonnée) ou des fleurs fraîches, un rebozo, un châle, couvrant les épaules et la tenue traditionnelle de Tehuana, sont les signes distinctifs de l’icône culturelle appelée Frida Kahlo (Coyoacan, 1907-1954).

Le musée parisien de la mode, au Palais Galliera, accueille « Frida Kahlo, au-delà des apparences «, une exposition réunissant quelque 200 créations et objets tels que des vêtements, accessoires, prothèses médicales, cosmétiques ou médicaments, qui peut être visitée jusqu’au 5 mars 2023.

Il s’agit d’une collection d’effets personnels de Frida Kahlo redécouverts en 2004 dans la Casa Azul - lieu de naissance et résidence de l’artiste jusqu’à sa mort - scellée par son mari en 1954, le peintre mural Diego Rivera.

L’art, la haute couture et la politique sont les trois axes autour desquels s’articule ce parcours, divisé en sept sections, qui se termine par un aperçu de la haute couture à travers de magnifiques robes dessinées par Jean Paul Gaultier, Valentino et Maria Grazia Chiuri pour Dior, qui révèlent combien la frigomanie est encore présente aujourd’hui.

En effet, ses magnifiques autoportraits ainsi que ses peintures choquantes, organiques et provocantes ont non seulement marqué l’histoire de l’art mais continuent d’inspirer la haute couture ainsi que la culture populaire.

Des histoires de la vie quotidienne dévoilées par d’originaux corsets et prothèses en plâtre, qu’elle a elle-même finement découpés et ornés à la main, puis par des flacons de parfum - le mythique Shalimar -, des rouges à lèvres et des vernis à ongles strictement rouges, ainsi que par une multitude de robes Tehuana bariolées et colorées, ou de superbes colliers précolombiens.

Des films et des photographies - comme «Frida Kahlo dans le studio de photographie» (1932) de Manuel Álvarez Bravo - retracent l’étonnante carrière de l’artiste, ainsi que l’accident de toute une vie qui lui a causé des souffrances physiques à la colonne vertébrale, à la jambe droite et aux parties génitales.

Recouvert de riches tissus brodés, comme s’il était orné de plantes et d’animaux magiques, son corps handicapé

FRIDA KHALO AU DELA DES APPARENCES

s’est transformé en une création éphémère spectaculaire. Un rituel quotidien qui, en plus d’être esthétique, représentait un véritable acte politique à travers lequel elle affirmait sa mexicanité, ainsi que la conscience et l’acceptation de sa diversité comme le contrôle de son propre corps.

Une vie pleine de rencontres importantes, dont celle avec André Breton, qui organise l’exposition collective «Mexique» avec 18 œuvres de Frida Kahlo à la galerie parisienne Renou et Colle en 1939.

Son amitié avec la photographe Tina Modotti, qui l’introduit au parti communiste en 1928, est belle.

Les deux artistes avaient une passion commune pour les femmes et la culture matriarcale de Tehuantepec, que l’on retrouve filmée dans le chefd’œuvre «iQue viva Mexico!» du réalisateur russe Sergei Eisenstein.

L’art de Frida Kahlo nous parle des stéréotypes de genre, du rôle des femmes dans les communautés, ainsi que des minorités culturelles, en leur donnant plus de visibilité et d’autorité.

Présentée avec succès au Victoria & Albert Museum en 2018, l’exposition est une

plongée incontournable dans la création artistique et ses multiples facettes.

Cela va du simple moulage en plâtre aux textiles magnifiques et variés, de la belle photographie à la haute couture.

Loin des clichés qui entourent sa personnalité, l’exposition Frida Kahlo, au-delà des apparences propose aux visiteurs d’entrer dans l’intimité de l’artiste, et de comprendre comment elle s’est construite une identité à travers la manière de se présenter et de se représenter.

Pour la première fois en France et en étroite collaboration avec le Museo Frida Kahlo, l’exposition rassemble plus de 200 objets provenant de la Casa Azul, la maison où Frida est née et a grandi : vêtements, correspondances, accessoires, cosmétiques, médicaments, prothèses médicales... Ces effets personnels ont été mis sous scellés au décès de l’artiste, en 1954, par son mari le peintre muraliste mexicain Diego Rivera, et ont été redécouverts cinquante ans plus tard, en 2004. Cette précieuse collection - comprenant des robes traditionnelles Tehuana, des colliers précolombiens que Frida collectionnait, des exemplaires de corsets et de

prothèses peints à la main...est présentée, avec des films et photographies de l’artiste, pour constituer un récit visuel de sa vie hors-normes.

L’apparence de Frida Kahlo constitue un moyen d’exprimer ses préoccupations identitaires et politiques : c’est, en effet, à la suite d’un grave accident, survenu à l’âge de 18 ans, que Frida se consacre à la peinture et adopte le vêtement traditionnel qui lui permet d’affirmer sa mexicanité, mais aussi de composer avec son handicap. Ainsi, l’exposition Frida Kahlo, au-delà des apparences retrace la manière dont l’artiste a façonné, tel un manifeste, son image nourrie par son héritage culturel et par son expérience du genre et du handicap.

Dans un parcours à la fois biographique et thématique, le Palais Galliera met en lumière le passage de l’artiste à Paris et ses relations avec le groupe des Surréalistes.

Recherchée et élaborée en détail, l’exposition est organisée par Circe Henestrosa, directrice de l’école de mode LASALLE College of the Arts à Singapour, Miren Arzalluz, directrice du Palais Galliera et Gannit Ankori, conservatrice en chef au Rose Art Museum de Waltham (États-Unis).

Photo antonkhalo

a première remonte à 1984, 30 ans après sa disparition : c’est Lettres à sa fille de Sido, précédée de Lettres de Colette.

Des proches de Colette, des spécialistes ont participé à cette édition : Bertrand de Jouvenel, Jeannie Malige, Michèle Sarde, qui signent chacune et chacun une préface. Ces correspondances avaient en commun d’être inédites. Mais les éditions des femmes, attachées dès leur origine aux recherches sur les relations mère-fille, et à l’étude des sources d’une « écriture femme », les ont publiées en priorité, levant ainsi un de ces refoulements fréquents dans l’histoire littéraire.

Elles en ont fait d’entrée un livre de poche, joliment présenté en coffret.

On est là dans un univers où l’écriture se fait populaire, tout en offrant un lieu nourrissant pour la pensée.

Pour les éditrices, à lire ces lettres, « on mesure au plus vif tout ce que Colette a pu apprendre de sa mère […].»

En elles coexistent la faiblesse émouvante et la force: faiblesse, car Sido, vieillissante, malade, est privée de sa fille qu’elle voudrait voir plus

souvent, force car elle sait affirmer ici, et transmettre, une connaissance vitale.

Sous l’orgueil, mêlé d’humour, d’une mère évoquant son chef d’œuvre, sous la trame d’un quotidien répétitif, symptomatique ou imprévu, un seul message revient.

Tout, psychologie animale, familiale, humaine et amoureuse, douleurs ou joies de la vie le suscitent : « Tu es toi, comme moi, mais pas comme ta mère. ».

Non pas « une paysanne », mais « une femme comme il faut avec un genre particulier».

Une femme, c’est-à-dire quelqu’un « qui est en avance de deux siècles ».

Tout cela est dit en incluant toute complicité avec le saphisme de la fille, mais sans s’y réduire […].

En accueillant, aussi, sans complaisance, mais sans l’ombre d’un rejet, les aventures de Colette au music-hall et dans la conjugalité.

« Sido créatrice est là, bien que toute possessive, ou peutêtre parce que toute possessive, dans sa vive attention à tout ce qui est de femme, à tout processus de naissance.

Sido créatrice existe, d’avoir transmis la vivante possibili-

té d’une interrogation et d’un accomplissement.

Sido est là, d’avoir osé formuler, de sa plume déliée, de ses mots simples et aigus, certains traits-femelle.

On pourrait dire que Sido précède Colette, l’auteur au prénom-patronyme ambigu ». Diraient-elles aujourd’hui « autrice » ?

Sido, en tous cas, dans ces lettres écrites de 1905 à 1912, (beaucoup d’autres lettres ont été détruites par un frère jaloux), encourage vigoureusement la vocation de sa fille à l’écriture.

Plus tard, Colette reprendra et retravaillera ce qu’elle a reçu. L’histoire célèbre du « Cactus rose de Sido », que l’on retrouvera dans un livre audio publié par les éditions des femmes, éclaire merveilleusement ce trajet : en mêlant intimement l’écriture de sa mère à la sienne, Colette devient une très grande écrivaine de son temps, et du futur.

Elle n’a rien oublié de l’amour de sa mère pour les animaux, les fleurs, la vie, pour le plus grand bonheur de qui la lit. Bertrand de Jouvenel confirme ce lien :

« Quant à moi, ce qu’elle m’enseigna, elle le tenait de sa mère Sido.

COLETTE 150 ANS

C’était l’importance de ce qui est la Vie : fleurs, chiens, proches […] Colette me parlait sans cesse de sa mère, de la maison de son enfance. Elle adhérait à l’une et à l’autre de toutes ses fibres […]. Le personnage de Sido marquera d’un sceau étincelant la meilleure partie de son œuvre future »

En 1985, c’est au tour des Lettres à Moune et au Toutounet (1929-1954) de Colette d’être publiées, inaugurant la nouvelle collection de correspondance de la maison d’édition.

Comme Antoinette Fouque développe sa Bibliothèque des voix initiée en 1980, les éditions des femmes sont prêtes pour d’autres rendez-vous : réaliser des enregistrements de textes de Colette par de remarquables actrices, qui vont être autant de succès, réédités à chaque fois que nécessaire. Plusieurs contiennent un passage lu par Colette elle-même. Ainsi pouvons-nous entendre sa voix, ainsi se poursuit, oralement, le dialogue créatif entre la mère et la fille.

Bibliographie des audiolivres:

Anny Duperey lit La Maison de Claudine, précédé par Ma mère et les bêtes, lu par Colette en 1947 (1981, 2005, 2020)

Edwige Feuillère lit les Lettres à Colette, de Sido, précédées par Sido ma mère, lu par Colette (1983, 2004)

Michèle Morgan lit La Naissance du jour, précédé de Le Cactus rose de Sido, lu par l’autrice (1985, 2004)

Marie-Christine Barrault lit Le Pur et l’Impur (1988, 2007) Liane Foly lit Dialogues de bêtes (2008)

Anouk Grinberg lit Lettres à Missy (2019), Coup de cœur 2020 de l’Académie Charles Cros

Anouk Grinberg lit La Vagabonde (2020), Coup de cœur 2020 de l’Académie Charles Cros

L’histoire se poursuit, il y aura d’autres rendez-vous avec Colette pour les éditions des femmes-Antoinette Fouque.

https://actualitte.com/ article/109463/humeurs/150e-anniversaire-dela-naissance-de-colette-rendez-vous-avec-l-histoire

Photo Wal é ry, 1907

dolfo Kaminsky ou

Adolphe Kaminsky

(né le 1er octobre 1925 à Buenos Aires et mort le 9 janvier 2023 à Paris) est un photographe et résistant français, spécialisé dans la fabrication de faux papiers d’identité.

Il poursuivra cette activité clandestine pendant trente ans, pour différents mouvements de libération et pour des personnes opprimées par des dictatures, s’interdisant toujours d’être payé.

Adolfo Kaminsky est né le 1er octobre 1925 à Buenos Aires de parents juifs russes alors établis en Argentine.

Après avoir fui les pogroms tsaristes, ils avait émigré* une première fois en France au début du siècle.

Mais, considéré comme des «rouges» ils sont expulsés aprés la revoution russe de 1917.

Leur seconde tentative de s’établir en France se solde par une nouvelle expulsion. expulsion.

Partis d’Argentine les Kaminsky arrivent à Marseille, d’où ils sont rédirigés vers la Turquie.

Adolfo Kaminsky n’est qu’un enfant, mais il n’ubliera pas cette errance dans le dénouement total sur les rives du Bosphore.

Sa famille s’installe en France en 1932 à Paris puis, en 1938 à Vire dans le Calvados.

Après une ultime année de scolarisation (durant laquelle il se familiarise avec l’imprimerie), il travaille à la SGE (Société générale d’équipements), vite réquisitionnée par les Allemands après la défaite, puis dans une teinturerie où il se passionne pour la chimie des colorants.

Il crée son propre laboratoire grâce à l’aide d’un pharmacien virois.

Il parvient à travailler comme stagiaire dans une laiterie comme assistant d’un ingénieur chimiste.

En novembre 1940, sa mère meurt sur la ligne Paris-Granville dans des circonstances suspectes.

Comme toutes les familles juives de Vire, les Kaminsky sont recensés par les autorités locales au mois d’octobre 1940.

La famille est arrêtée le 22 octobre 1943 par les Allemands, internée à la prison de la Maladrerie à Caen, puis transférée au camp de Drancy une semaine plus tard.

« Je savais ce qui attendait ceux qui allaient être dépor-

ADOLFO KAMINSKY

tés », expliquera-t-il dans un documentaire de treize minutes réalisé par le New York Times, intitulé The Forger (« Le Faussaire », 2016)5.

En janvier 1944, ils sont libérés après trois mois d’internement grâce à l’intervention du consulat d’Argentine à Paris, suite aux lettres qu’ils ont adressées au consul lui demandant secours.

Paul, le fils aîné, les distribue ainsi à des cheminots caennais ou les jette du wagon sur le trajet vers Drancy, comme un dernier recours Âgé alors de 18 ans, il rejoint la résistance (la « Sixième », section de l’EIF, Éclaireurs israélites de France), et devient responsable d’un laboratoire clandestin chargé de la fabrication de faux papiers, dirigé par Maurice Cachoud, du MLN.

Sous le pseudonyme de Julien Keller, il passe le reste de la guerre à fabriquer des faux papiers d’identité permettant ainsi à de nombreux Juifs d’échapper aux persécutions. Fabriquant sans relâche de faux documents, faux certificats de mariage, faux certificats de baptême, fausses cartes d’alimentation, celui qui fut surnommé « le Faussaire de Paris » permit de sau-

ver des milliers d’enfants juifs de la déportation.

La plus grande demande concerne trois cents enfants, soit neuf cents documents à réaliser en trois jours.

« Il fallait que je reste éveillé le plus longtemps possible. Lutter contre le sommeil. Le calcul était simple. En une heure, je fabriquais trente faux papiers.

Si je dormais une heure, trente personnes mourraient. Plus que tout, j’avais peur de l’erreur technique », expliquait-il. Sous l’Occupation allemande, les policiers parisiens traquent les résistants spécialisés dans la fabrication de faux papiers.

Il s’en faut de peu qu’un jour de 1944, lors d’un contrôle, ils n’attrapent Adolfo Kaminsky qui transportait dans son sac cinquante cartes d’identité, sa plume, son encre, ses tampons et son agrafeuse.

« Vous voulez voir mon cassecroûte ? », répond-il aux policiers, qui le laissent repartir.

À la libération de Paris, il est engagé par les services secrets militaires français, mais il démissionne au moment des prémices de la guerre d’Indochine, par refus de collaborer à une guerre coloniale.

La particularité de ce « faussaire politique » est d’avoir

continué cette activité clandestine après la Libération.

Adolfo Kaminsky enchaîne plusieurs combats pour la liberté de peuples différents, voire opposés.

Après la Résistance, il aide l’émigration juive vers la Palestine, alors sous occupation britannique, de 1946 à 1948.

À la fin des années 1950, il s’engage en faveur de la décolonisation de l’Algérie et rejoint le réseau Jeanson et Curiel, qui soutiennent le FLN en France.

Enfin, à partir de 1963, il vient en aide aux mouvements de libération des pays d’Amérique du Sud (Brésil, Argentine, Venezuela, Salvador, Nicaragua, Colombie, Pérou, Uruguay, Chili, Mexique, Saint-Domingue et Haïti), d’Afrique (Guinée-Bissau, Angola et Afrique du Sud pendant l’Apartheid), du Portugal sous le régime de Salazar et des dissidents de Franco en Espagne.

Il soutient également les antifranquistes espagnols et les Grecs en lutte contre la dictature militaire « des colonels ». Il fait aussi des faux papiers pour les déserteurs américains qui ne voulaient pas faire la guerre du Viêt Nam.

Il accepte aussi de faire des

Photo adolfo kaminsky

faux papiers en France, en 1968 pour Daniel Cohn-Bendit afin de lui permettre de prendre la parole à un meeting.

Adolfo Kaminsky dit aussi que ce furent les faux papiers les plus médiatiques et les moins utiles qu’il eut à faire de toute sa vie.

Mais que c’était une bonne occasion de faire un pied de nez aux autorités et qu’il n’y avait rien de plus poreux qu’une frontière et que les idées, elles, n’en avaient pas7. Cependant, il n’avait pas omis de demander la nationalité française aux autorités.

En 1971, il fabrique son dernier faux papier, et met un terme définitif à son activité de faussaire.

Après la guerre, Adolfo Kaminsky réalise des milliers de photographies de son milieu où se pressent travailleurs, amoureux, brocanteurs, mannequins, barbus…

Il travaille aussi pour les studios Harcourt et de grands décorateurs de cinéma6.

Il est professeur de photographie au centre de formation professionnelle à Salembier, situé à Alger, en 1978.

Une exposition rétrospective, Adolfo Kaminsky, faussaire et photographe, lui est consacrée

au musée d’art et d’histoire du judaïsme (MAHJ) en 2019.

Les photographies en noir et blanc d’Adolfo Kaminsky trouvent notamment leur inspiration dans le Paris populaire des années 1950.

Elles montrent des petits métiers voués à disparaître, des scènes de rue empreintes de réalisme poétique et puis, surtout, la nuit parisienne qu’il aimait tant, à l’instar de Brassaï.

Quand on l’interrogeait sur l’origine de cette passion secrète, Kaminsky répondait timidement, en chuchotant: « J’avais voulu qu’il existe quelque part un artiste, volontairement refoulé, parce qu’il était important de ne pas être connu, ni reconnu. ».

Refusant d’être payé pour ses faux papiers, il exerce le métier de photographe et devient spécialiste de la photo couleur et du grand format, enchaînant reproductions d’œuvres d’art et photos de décors pour le cinéma.

Il travaillera, par exemple en 1950 avec le décorateur Alexandre Trauner sur le tournage d’un film de Marcel Carné, «Juliette ou la Clé des songes».

Son fils Youcef José Lamine Kaminsky (né en 1977) est un

rappeur français connu sous le nom de Rocé.

Sa fille Sarah Kaminsky (née en 1979) est écrivaine et comédienne, en 2009, elle retrace la vie de son père dans un livre «Adolfo Kaminsky, une vie de faussaire», (Calmann-Lévy, 2009), qui a été traduite en espagnol, en allemand et en anglais.

Adolfo Kaminsky a été décoré de la Croix du Combattant, de la Croix du combattant volontaire de la Résistance, et récemment de la Médaille de Vermeil de la ville de Paris pour ses actes durant la Résistance.

Jacques Falck a réalisé un film documentaire sur sa vie, «Forger l’identité».

Un court-métrage sur Kaminsky intitulé «The Forger» a accompagné un article en ligne du New York Times en octobre 2016.

L’émission «Mysteries at the Museum» de la chaîne Travel Channel a présenté un segment sur Adolfo Kaminsky dans son épisode du 12 octobre 2017.

Le 29 octobre 2017, l’émission 60 Minutes a raconté l’histoire d’Adolfo Kaminsky. Adolfo Kaminski meurt le 9 janvier 2023 à Paris, à l’âge de 97 ans.

voir la video https://youtu.be/mYnUo5f_RMA

ers la fin, maintenant qu’il était en conflit avec tout le monde, il préférait aller directement à la cible, à la provocation.

Ce n’était peut-être pas dans sa nature, mais il devait le faire.

À peine âgé de soixante ans, avec quelques chefs-d’œuvre à son actif et encore beaucoup de choses à dire et à étudier, Christopher Lasch était en train de devenir la bête noire de beaucoup de gens.

En outre, c’était aussi une affaire personnelle, c’est-à-dire une question de vie ou de mort.

Le cancer, qu’il pensait avoir vaincu, était revenu, et il ne voulait pas se soigner [...].

«Il y a des destins pires que la mort», avait écrit le génie Kurt Vonnegut dans ces années-là, et Lasch était plus qu’en accord, bien sûr.

Au médecin qui le suit, il écrit une dernière lettre au vitriol, presque un testament: «Je méprise à tel point cet attachement à la vie, à la survie pure, qui semble si profondément ancré dans l’âme américaine...». [...]

Dans «La culture du narcissisme» (son chef-d’œuvre, l’un des livres les plus brillants de la critique sociale du XXe siècle), il avait coincé exactement cette tendance obtuse et apitoyée à l’autoconservation pure, c’est-à-dire à vivre en poursuivant des besoins et des pulsions bon marché, des stimuli paresseux.

Soyons clairs : il n’était pas un moraliste, mais il était toujours passionné, et puis il était lucide.

Il ne reprochait pas aux «narcissiques» post-modernes on ne sait quelle hypertrophie de l’ego, mais plutôt le contraire, car le nœud du problème pour lui n’était pas tant l’individualisme que précisément l’insubstantialité ridicule de ces «je» bavards et auto-satisfaits, dramatiquement sans personnalité, et sans caractère [...]. Dans la déconnexion entre l’élite et le peuple, Lasch a vu une jonction d’époque et un agent mortel de destruction et d’insignifiance.

Il ne s’agissait pas d’une critique politico-politique, mais d’une critique plus large, plus inconsolable.

L’effondrement, craignait-il, touche à la fois les choix gouvernementaux, la vie quotidienne et la vie de l’esprit, et il n’y avait pas d’échappatoire [...].

(suit page 38)
Foto wikipedia

L’opposition entre l’élite et le peuple, ou entre les classes dirigeantes et les «masses» (et il y a une différence), de ses derniers travaux fait écho à un grand débat classique de l’après-guerre où le thème de la «culture» (quelle culture? la culture pour qui ?) avait marqué le débat américain pendant plus d’une décennie.

Les élitistes contre les paternalistes, les défenseurs de la haute culture contre les populistes et les condescendants bien placés du divertissement et du panem et circenses, l’illumination des «happy few» contre les manœuvres imparables et polyandres d’une industrie culturelle qui fonctionne à la fois comme un grand spectacle de foire et une machine consensuelle sournoise qui manipule tout.

N’étant ni un sociologue pur ni un politologue, il avait choisi dès le départ un terrain d’entente, et on pourrait aujourd’hui le qualifier d’historien des mentalités ou simplement de critique de la politique et de la culture.

Et de ce point de vue, ou de ce bord, il avait saisi le choc profond masqué par ce débat qui tournait en rond.

Dans ces échanges d’accusations, dans ces diatribes, résonnait un traumatisme plus profond, plus lourd, qui remettait en cause la démocratie elle-même, ni plus ni moins.

Si la culture des riches et la culture des pauvres, si la haute culture et la culture de masse ne coïncident pas, la prémisse clé de la conscience de soi américaine est perdue : l’idée - canonisée par Dewey au début du XXe siècle et considérée comme allant de soi - que la démocratie et l’éducation vont inévitablement de pair, et que plus de démocratie équivaut à plus de culture et à une meilleure culture pour un nombre toujours plus grand de personnes toujours meilleures, c’est-à-dire mieux informées, plus conscientes [...].

Lucidement, Lasch a compris qu’il ne s’agissait pas de défendre tel ou tel pôle de confrontation ; le dilemme ne portait pas du tout sur la haute culture contre la culture pop.

La question en était une autre. «La croissance d’un marché de masse qui détruit la vie privée, décourage l’autosuffisance et produit une dépendance à la consommation pour la satisfaction de ses besoins» ne peut plus être évaluée en termes de plus ou moins grande démocratie, et

Culture, démocratie, individus

La fin des grandes visions politiques, des utopies, est allée de pair avec un «changement d’individu» plus extrême. Une saison entièrement nouvelle s’est ouverte : le temps du «narcissisme» du moi minimal. par : Vittorio Giacopini

Nous publions un extrait du livre Against Mass Culture de Christopher Lasch, publié par Eleuthera, que nous remercions pour l’opportunité accordée. L’extrait choisi est la préface de l’édition italienne, signée par l’écrivain et essayiste Vittorio Giacopini, intitulée «Dalla New Age alla pandemia : ripensare Cristopher Lasch.» https://accademiaunidee.it/ it/cultura-democrazia-individui-ripensare-christopher-lasch/

il ne s’agit pas de la plus ou moins grande authenticité ou mérite ou noblesse des produits culturels qui, dans cette situation, circulent, sont remarqués, ont du succès. «Plutôt que la démocratisation de la culture, nous sommes confrontés à son assimilation complète aux exigences du marché».

Il s’agit d’une analyse froide, sans moralisme. Lasch écrit en tant qu’Américain, et il écrit sur l’Amérique, bien sûr : cette homogénéisation-intégration complète dans un schéma de marché est aussi pour lui la fin du melting-pot, c’est-à-dire un point de non-retour, un point final. Et pluribus unum : la devise virgilienne qui figure dans les armoiries des ÉtatsUnis risque de se réaliser de la manière la plus traumatisante et la plus décourageante avec l’annulation de toutes les spécificités, les idiosyncrasies, les différences, les riches particularités d’un pays créé par différents peuples et cultures et traditions désormais centrifugés dans un modèle unique dominé par le marché et la consommation, dans la marchandise [...].

Et en bref, c’est le thème de Lasch, sa crainte : le problème n’est pas l’opposition (manié-

rée) entre la haute et la basse culture : il s’agit en fait des «visages de la foule dans les rues».

Quel genre de personnes sommes-nous ? Quel genre de personnes, ou de non- personnes, sommes-nous en train de devenir ?

«Il faut redonner de la force aux émotions, à l’imagination, aux sentiments moraux, à la primauté de l’être humain individuel, il faut rétablir l’équilibre rompu par l’hypertrophie de la science au cours des deux derniers siècles.

La racine est l’homme, ici et pas ailleurs, maintenant et pas plus tard».

En 1946, même pas un an après la fin de la guerre et le bombardement atomique du Japon par Roosevelt, Dwight Macdonald envoyait un message dans une bouteille à la gauche.

La racine est l’homme, et «maintenant et non plus tard»: il était pressé.

La racine, c’est l’homme : la phrase, belle, est du jeune Marx des Manuscrits, et Macdonald en fait même un programme, subversif.

C’est une leçon libertairetrès lucide - et une tentative de rupture avec toute une tradition, désormais inutile.

Cet essai aurait été fondamental pour quelques rebelles, avec une cause (la «politique de l’authenticité» évoquée par le Manifeste de Port Huron lui doit beaucoup), mais il est douteux que les gauchistes du monde aient saisi sa force, et son paradoxe.

Repartir du sujet individuel, des émotions.

La formule est sans surprise mais ambiguë [...].

Quarante ans après la sortie (semi-clandestine) de «The Root is Man», lorsque Cornelius Castoriadis et Christopher Lasch se retrouvent pour un débat dans les studios de la BBC, la perception que l’«échec» est exactement à la hauteur, et au sein, du sujet semble acquise.

La culture de l’égoïsme (elèuthera, 2014) - la transcription de cette rencontrephotographie, avec une mise au point parfaite, un embarras. Le contexte est celui du thatchérisme et du reaganisme triomphants (la défaite des mineurs britanniques est évoquée à plusieurs reprises dans le dialogue), mais le nœud que Lasch et Castoriadis n’essaient même pas de dénouer est plus imbroglio.

La fin des grandes visions politiques, des utopies, la «dé-

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Photo ingham-whitaker archives Repenser Christopher Lasch
(suit de la page
37)

sintégration du mouvement ouvrier et du projet révolutionnaire qui lui était lié» est allée de pair avec - ou a été anticipée à la veille de - un «changement des individus» plus extrême (Castoriadis).

Une saison différente, totalement inédite, s’est ouverte.

C’est le temps du «narcissisme», de l’ego minimal (Lasch), l’horizon bas qui marque la colonisation du sujet, l’épuisement de tout schéma profond d’»autonomie» (Castoriadis).

Le psychanalyste et le sociologue sont d’accord : «Ce que nous avons devant nous n’est pas tant un individualisme à l’ancienne... cet individualisme semble céder la place à un repli sur soi» (Lasch).

Et le problème est que «cela s’applique aussi bien à l’individu qu’à la société dans son ensemble» (Castoriadis).

Le résultat est une impasse paralysante : l’ego triomphe et en même temps disparaît, tandis que le monde extérieur, réduit à un pur flux de marchandises et de consommation, prend « un caractère hallucinatoire, fantasmatique, irréel» (Lasch) [...].

Mais il n’y a aucune proposition, aucune solution.

Lasch et Castoriadis partagent

plutôt un malaise, et un embarras.

La culture de l’égoïsme est également un symptôme intéressant.

Au silence planificateur de la politique répond l’inutilité de la «conscience».

Une phase s’est ouverte, marquée par l’absence simultanée de la communauté et de l’individu, et il ne pourrait y avoir de scénario plus inquiétant.

Aux faux mouvements du présent, il est naturel d’opposer un passé déjà lointain, une préhistoire, mais les allusions récurrentes et nostalgiques à la Grèce antique ne semblent pas convaincantes, elles sonnent creux.

La «vision aristotélicienne» d’une vie sociale, politique et morale riche («une vie morale est une vie vécue en public») permet de lire dans le présent avec acuité, mais n’indique pas de pistes à suivre ni de solutions.

Limpidement, Castoriadis lie la dissolution du «monde public» au déclin de ce que Hegel appelait «reconnaissance et que les Grecs appelaient kléos et kûdos».

Mais la disparition absolue de ce régime ne semble pas pouvoir être compensée par des recettes politiques et sociales

traditionnelles.

La question centrale reste sans réponse : «Quel type d’individu pouvons-nous inventer ? Quel type de théorie politique pouvons-nous commencer à construire ?».

Lasch et Castoriadis, d’ailleurs, le savent bien.

Les individus «ne peuvent pas être inventés» (et la politique est inventée par les individus, en revanche, quand ils le peuvent).

Pour tous les deux, il était temps de faire un point final, de tourner la page (mais leur embarras d’hier est toujours le nôtre).

Plus tard, Lasch persistera à reconstruire des scénarios de communauté, de vie en commun, greffant sur la tradition républicaine du « moment machiavélique « un populisme libéré des encombrements réactionnaires trop révérencieux (Paradis sur terre, Neri Pozza, 2016).

L’entreprise était vouée à l’échec, sans remède, et son dernier ouvrage sur la trahison des élites (La rébellion des élites. Il tradimento della democrazia, Feltrinelli, 1997) restent un viatique essentiel, bien qu’impuissant.

Quant à Castoriadis, coincé au «carrefour du labyrinthe», il

tentera encore de se mouvoir sous le signe de l’«ici et maintenant» de Macdonald (ou de Paul Goodman).

Même si cela semble être une voie sans issue, il doit quand même essayer de commencer, ou de recommencer, à partir du sujet.

Peut-être une graine sous la neige a-t-elle été préservée: «Une transformation radicale de la société, si elle est possible, et je le crois profondément, ne peut être apportée que par des individus qui veulent leur autonomie, à l’échelle sociale comme à l’échelle individuelle.

Par conséquent, travailler pour préserver et élargir les possibilités d’autonomie et d’action autonome, ainsi que travailler pour favoriser la formation d’individus qui aspirent à l’autonomie, c’est déjà faire un travail politique: un travail dont les effets sont plus importants et durables que certaines formes d’agitation stérile et superficielle» (La rivoluzione democratica, elèuthera, 2022).

À la fin des années 1970, après avoir publié une série de livres consacrés à la crise du libéralisme, Christopher Lasch a publié «La culture du narcissisme», l’ouvrage qui annonçait la disparition de l’homme économique et l’avènement d’un nouveau type d’homme : le narcissique.

« L’homme économique a été... remplacé par l’homme psychologique des temps modernes - le produit final de l’individualisme bourgeois. Le nouveau narcissique est hanté par l’anxiété et non par la culpabilité.

Il ne cherche pas à imposer ses certitudes aux autres, mais veut trouver un sens à sa vie. Libéré des superstitions du passé, il remet même en question la réalité de sa propre existence».

Plus de quarante ans après sa publication, le livre non seulement ne cesse de nous parler, mais révèle peut-être seulement maintenant toute sa pertinence.

Mêlant analyse psychologique, sociologique, littéraire et philosophique, Lasch dresse le portrait d’un homme qui appartient à notre époque, celle de la fin de l’éthique du travail et de la croyance dans le progrès social.

Le narcissique qui en ressort n’est pas un simple égoïste en proie à un état d’esprit pour lequel le monde n’est qu’un miroir de l’ego, mais un être hanté (suit page 40)

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(suit

par l’angoisse, loin d’être satisfait de lui-même.

Il exige une satisfaction immédiate et vit, par conséquent, dans un état d’agitation et d’insatisfaction perpétuelles.

Superficiellement tolérant, il est en réalité dépourvu de toute solidarité et voit en chacun un rival avec lequel il doit rivaliser.

Il se considère libéré des tabous, et pourtant il n’a aucune sérénité sexuelle.

Il fait l’éloge du respect des règles et des règlements, mais avec la conviction secrète qu’ils ne s’appliquent pas à lui.

Il ne s’intéresse ni à l’avenir, ni au passé, qui lui apparaît comme un ensemble de modèles dépassés, avec des modes et des attitudes désuètes.

Il vit donc dans un monde de l’éternel présent qui reflète pleinement la misère de sa vie intérieure, un monde qui fait de la nostalgie «un produit commercial du marché culturel» et qui «rejette immédiatement l’idée que la vie dans le passé était, à certains égards pertinents, meilleure qu’aujourd’hui».

L’homme économique de l’éthique du travail a, en somme, été remplacé par un type d’homme qui présente tous les traits d’un narcissisme pathologique, un narcissisme qui imprègne la société contemporaine à tel point que le seul espoir semble être de survivre à son effondrement.

Pour Lasch, cependant, la volonté de construire un monde meilleur est loin d’être éteinte. Elle continue d’exister avec les traditions locales survivantes et les initiatives collectives qui n’ont besoin que de la perspective «d’une nouvelle société, d’une société décente, pour retrouver une nouvelle vigueur».

https://www.ibs.it/cultura-del-narcisismo-individuo-in-libro-christopher-lasch/ https://accademiaunidee.it/ it/cultura-democrazia-individui-ripensare-christopher-lasch/

LOLLOBRIGIDA

ina Lollobrigida est l’un des visages les plus célèbres du cinéma italien, un sex-symbol et une femme au talent inestimable.

L’une des plus importantes actrices internationales des années 1950 et 1960, elle a été dirigée au cours de sa carrière par des réalisateurs italiens d’une grande profondeur artistique tels qu’Alberto Lattuada, Vittorio De Sica, Mario Monicelli, Pietro Germi, Alessandro Blasetti et Mario Soldati.

Elle a commencé sa brillante carrière alors qu’elle n’était qu’une enfant.

À l’âge de dix-sept ans, elle a joué le rôle de Corinna dans la pièce d’Eduardo Scarpetta au Teatro Concordia.

Et c’est à partir de là que sa carrière d’actrice a commencé mais elle a bian d’autres talents.

Des expositions individuelles de ses sculptures ont eu lieu à Moscou, Venise, Paris...

Elle est toujours membre honoraire de l’Académie des arts italienne, française et russe.

Elle a reçu l’ordre de la Légion d’honneur pour son talent de sculpteur.

Elle a exposè ses oeuvres sous le titre de «Vissi d’Arte»

à Pietrasanta, un petit village de Toscane.

La collection est le résultat de dix années de travail et elle représente principalement les personnages les plus célèbres de la diva à l’écran.

Les sculptures ont été disposées dans l’église Sant’Agostino du XIVe siècle et sur la Piazza del Duomo.

Dans la première, en particulier, une statue de bronze de cinq mètres représentant l’actrice dans le rôle d’Esmeralda qu’elle a interprété dans l’édition 1957 du «Bossu de Notre Dame».

Parmi les autres œuvres d’art, deux statues en marbre : l’une représente Lollobrigida jouant «La Bersagliera» dans le film «Pane Amore e Fantasia» (1953); l’autre, nommée «La Amica», rend hommage à son amitié avec Marilyn Monroe.

La passion de la diva pour la sculpture n’est pas récente.

Lorsqu’elle était jeune femme, elle a décroché une bourse d’études à l’Académie des Beaux-arts de Rome.

Sa carrière au cinéma n’a commencé qu’en 1947 lorsque, à l’âge de 20 ans, elle a attiré l’attention des réalisateurs italiens après avoir remporté le troisième prix du concours de Miss Italie.

Comme elle le disait souvent, «j’ai étudié la peinture et la sculpture à l’école et je suis devenue actrice par erreur». Elle décide finalement en 1970 de devenir photojournaliste.

Elle a connu un grand succès dans ce cas également, étant l’un des rares reporters occidentaux à avoir réussi à interviewer le leader cubain Fidel Castro.

Mais la sculpture était toujours présente dans son esprit. Elle y revient en 1992 lorsqu’elle représente l’Italie à l’Expo de Séville avec une sculpture intitulée «Vivre ensemble» : elle symbolise, à travers la figure d’une jeune fille sur un aigle, l’harmonisation des relations entre l’humanité et la nature. ùPour cette œuvre, le président français de l’époque, François Mitterand, lui décerne la Légion d’honneur pour le mérite artistique.

Par la suite, ses œuvres ont commencé à être exposées dans différents pays. Une collection d’entre elles a également été incluse dans une exposition au Musée Pouchkine de Moscou en 2003. www.iitaly.org https://www.facebook.com/ groups/515208542395536

GINA
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Foto yoyomaeght
de la page 39)

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