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SARAH BERNHARDT AU PETIT PALAIS
lle a été à la fois comédienne pour le théâtre et entrepreneuse sans peur au service de la culture pour tous. Elle a aussi été l’une des plus grandes célébrités de son temps.
À l’occasion du centenaire de la mort de « la Divine », le Petit Palais, à Paris, lui rend un superbe hommage.
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Tout à la fois vaste et intime. Et si on commençait par évacuer l’incontournable liste de qualificatifs, histoire de déblayer le terrain ?
Oui, Sarah Bernhardt (18441923) aura été une femme libre, obstinée, surdouée, charismatique, orgueilleuse, fantasque, romantique, audacieuse, engagée, philanthrope, indomptable, infatigable et visionnaire ; et même géniale, sans aucun doute ; et même « Divine », puisque le grand Hugo lui-même l’a dit et écrit. N’en jetez plus, Madame est habillée pour l’hiver – et pour l’éternité.
À propos du « monstre sacré » (Cocteau a inventé le terme pour elle) du théâtre français, l’enthousiasmante exposition que lui consacre le Petit Palais, à Paris, va même un cran plus loin en l’assurant, à travers un sous-titre qu’on se permettra de trouver un tantinet blingbling (Et la femme créa la star !) : Sarah Bernhardt a tout fait avant tout le monde, jusqu’à tutoyer les étoiles.
« Et quelle façon elle a d’être légendaire et moderne ! », s’exclamait déjà Edmond Rostand du vivant de l’icône. Est-ce à dire que tout a déjà été énoncé à son sujet, à grand renfort de superlatifs indépassables ?
Le mythe Sarah Bernhardt serait-il si puissant, si éblouissant, qu’il serait plus prudent de l’observer de loin, avec des lunettes de protection ? Eh bien précisément, pas du tout ! Et c’est justement la raison d’être (et même l’âme) de cette incontournable rétrospective muséale : prendre le temps d’aller regarder derrière l’image déifiée.
Tenter de s’approcher intimement de cette femme certes hors normes, mais humaine –et parfois seule, et assez souvent souffrante, inquiète, en proie à toutes sortes de doutes et de tourments (amoureux, amicaux, financiers…).
Envisager la comédienne et la femme autrement, de manière plus complète, plus fine : voilà très exactement ce que permet la flânerie prolongée entre les 400 œuvres et objets person- nels que les commissaires de l’exposition, dont on devine la passion gourmande et appliquée, ont mis plus de cinq années à rassembler.
Pour ce qui est de l’approche de la vérité, les choses démarrent pourtant plutôt mal dans une première salle qui pose un voile pudique (ou faux-cul ?) sur les sinistres années qui virent la mère de la jeune Sarah la forcer, comme ses sœurs, à se laisser tripoter par de vieux messieurs ventrus aux poches bien pleines. L’Histoire fait semblant de ne pas voir le glauque de la prostitution en appelant « demi-mondaines » ces femmes qui n’avaient pas d’autre choix que de courber l’échine. Ce que fit donc Sarah (dégoûtée, révoltée). Mais pas longtemps, juste le temps de se faire une petite place au soleil du théâtre. Avec des rôles mineurs, des échecs, des claques. Pas de quoi la décourager : elle y retournerait « quand même », deux mots prononcés les dents serrées, puis devenus sa devise, à la vie à la mort.
Passée cette gêne initiale s’agissant de sa prime jeunesse, le reste de la visite au Petit Palais est un enchantement pour qui aime ce siècle brûlant que fut le 19e, notamment du côté des arts et de la création. De son premier triomphe dans Ruy Blas (en 1872) à ses apothéoses (Phèdre, La Tosca, La Dame aux camélias), de ses rares apparitions au cinéma (muet) à ses tournées triomphales aux États-Unis, on a le sentiment d’être au plus près d’une artiste totale à qui rien, jamais, n’aura été donné facilement. Pendant que les tableaux de commande dessinent sa légende et son goût pour le beau (intérieurs cossus et exotiques, velours et coussins luxueux, ainsi dans le génial portrait alangui que réalise son ami Georges Clairin en 1876), des dizaines de photographies jamais rassemblées nous la montrent nettement plus proche, voire friable. Tour à tour rêveuse, inquiète ou fatiguée.
On la regarde les yeux dans les yeux – qui sont parfois clairs, comme dans ses portraits par Nadar (très tôt, dès 1859), parfois plus sombres, comme dans ceux d’Eugène Disderi. On découvre aussi, presque à portée de main, la beauté de ses effets personnels, de ce sublime collet en fourrure d’agneau de Mongolie à ce tout aussi séduisant éventail en taffetas de soie crème et plumes blanches.
Dans d’autres vitrines, ses costumes de scènes, ses parures de bijoux, ses accessoires.
Et même des éléments de son mobilier parisien, discrètement siglés de ses initiales. Quel luxe, quel raffinement.
À la suivre comme ça, année après année, en représentation ou dans l’intimité, on a presque le sentiment de pouvoir lui parler.
De l’entendre rire devant les têtes de mort que lui offrent Victor Hugo et Pierre Loti (ils ont l’humour noir et le sens du morbide en commun), ou rire encore lorsqu’elle entre dans son futur cercueil capitonné de satin blanc (objet fétiche de son vaste salon, boulevard Pereire à Paris) pour y faire une petite sieste réparatrice.
De l’entendre pester, aussi, quand les pièces qu’elle produit dans les théâtres qu’elle loue à prix d’or ou qu’elle achète à crédit ne remportent pas le succès escompté.
La scénographie elle-même, douce et tranquille (bravo Véronique Dollfus), fait tout pour nous faire sentir de cet autre temps, de cet autre siècle où l’on pouvait passer trois heures au salon ou au boudoir, à se parler en s’écoutant vraiment.
Un art dans lequel excellait cet esprit féminin follement éprise des autres – et de l’art, et de la vie. Proust, Mucha, Nadar, Clairin, Rostand, Loti (liste incomplète…) n’avaient d’yeux et d’oreilles que pour elle, et on comprend pourquoi. Par Emmanuel Tellier
Sarah Bernhardt, Et la femme créa la star jusqu’au 27 août 2023, au Petit Palais, 75008 Paris.
Superbe catalogue aux éditions Paris Musées, sous la direction de Stéphanie Cantarutti et Cécilie Champy-Vinas, 256 pages, 250 illustrations, 39 euros.
Un très prometteur programme de conférences autour de l’exposition est également proposé dans l’auditorium du Petit Palais, d’avril à fin juin. Informations sur www.petitpalais.paris.fr/ ée le 22 octobre 1844 à Paris et morte le 26 mars 1923 à Paris 17e, Sarah Bernhardt née Henriette Rosine Bernard, est une actrice, peintre et sculptrice française. Elle est considérée comme une des plus importantes actrices françaises du xixe et du début du xxe siècle.
Appelée par Victor Hugo « la Voix d’or », mais aussi par d’autres « la Divine » ou encore « l’Impératrice du théâtre », elle est considérée comme une des plus grandes tragédiennes françaises du xixe siècle.
Première « étoile » internationale, elle est la première comédienne à avoir fait des tournées triomphales sur les cinq continents, Jean Cocteau inventant pour elle l’expression de « monstre sacré ».
Sarah Bernhardt et sa mère. La mère de Sarah, Judith-Julie Bernhardta (1821-1876), modiste sans le sou et fille d’un marchand de spectacles néerlandais itinérant, était une courtisane[réf. nécessaire] parisienne juive originaire de Hollande, connue sous le nom de « Youle » (diminutif de Youlie, prononciation allemande de Julie).
On a longtemps ignoré qui était son père6, Sarah ayant toujours gardé le silence sur son identité. Les noms d’Édouard Bernhardt1 ou de Paul Morel, officier de marine, étaient les plus couramment proposés7.
Grâce à de nouvelles recherches, on connaît désormais le nom du père, Édouard Viel, un notable du Havre, qui a fait de la prison pour malversations financières8.
Du fait de la destruction des archives de l’état civil, la date de naissance de Sarah Bernhardt a longtemps été incertaine et débattue.
Si ses biographes donnaient habituellement les dates 22 ou 23 octobre 184410, certains proposaient juillet ou septembre 1844, voire 1843 ou même 1841.
En outre, pour faciliter les démarches d’obtention de la Légion d’honneur et prouver la nationalité française de l’actrice, un acte de naissance rétrospectif était établi par décision de justice le 23 janvier 19141, sur base d’un certificat de baptême produit par Sarah Bernhardt, bien que la falsification de celui-ci n’ait trompé personne, y compris les magistrats.
Le document est ainsi daté du 25 septembre 1844 et affecté aux registres du 15e arrondissement.
De même, le lieu de sa naissance n’était pas plus sûrement établi : une plaque mentionnant sa naissance (le 25 octobre 1844) est apposée au 5, rue de l’École-de-Médecine (ancien 11e), on évoque également la rue Saint-Honoré — au 32 ou au 265 — ou encore le 22, rue de La Michodière (2e).
Les recherches d’Hélène-Claire Richard indiquent qu’elle est née chez la sage femme Charlotte Clémence Collé, au 5 de la place de l’École-de-Médecine, disparue vers la fin du xixe siècle lors de la construction de l’École pratique de médecine8.
Ses prénoms — Sara Marie Henriette selon l’état civil reconstitué — sont également parfois présentés dans un ordre différent selon les sources, certaines indiquant « Henriette-Marie-Sarah » ou encore « Henriette-Rosine (Bernard)», suivant le nom qu’elle avait donné lors de son inscription au Conservatoire, « Rosine (dite Sarah) ».
Une certaine inclination de l’actrice à l’affabulation concernant sa vie n’a pas aidé à démêler l’écheveau.
Par chance, après la mort du père de Sarah, la mère, espé- rant un héritage, demande une copie de l’extrait de naissance (datant de 1857, soit avant l’incendie de l’Hôtel de ville)
Ce document établit de manière définitive la naissance de l’actrice au 22 octobre 1844.
Sarah Bernhardt eut au moins trois sœurs et souffrit en particulier longtemps de la préférence de sa mère pour sa jeune sœur Jeanne-Rosine, également comédienne.
Délaissée par Youle qui choisit la vie mondaine à Paris, elle passe une petite enfance solitaire chez une nourrice à Quimperlé où elle ne parle que le breton, puis en 1853 au couvent du Grand-Champs à Versailles, où elle étudie jusque 1858.
Elle y devient mystique catholique. Elle y joue son premier rôle, un ange dans un spectacle religieux. Elle y organise sa conversion à la religion catholique, reçoit le baptême chrétien en 1857 et envisage de devenir religieusec.
C’est alors que son nom aurait été francisé en « Bernard » et qu’elle quitte vers 14 ans la vie monacale et passe le concours du Conservatoire où elle est reçue.
« Tout le monde m’avait donné des conseils. Personne ne m’avait donné un conseil.
On n’avait pas songé à me prendre un professeur pour me préparer ».
Elle prend aussi des leçons d’escrime, dont elle tirera profit dans ses rôles masculins comme Hamlet.
Elle entre en 1859 au Conservatoire d’art dramatique de Paris sur la recommandation du duc de Morny dans la classe de Jean-Baptiste Provost.
Sortie en 1862 avec un second prix de comédie, elle entre à la Comédie-Française mais en est renvoyée en 1866 pour avoir giflé une sociétaire, Mlle Nathalie, celle-ci ayant ellemême violemment bousculé sa sœur qui avait marché sur sa traîne.
À cette époque, la police des mœurs compte Sarah parmi 415 « dames galantes » soupçonnées de prostitution clandestine.
Elle signe un contrat avec l’Odéon.
Elle y est révélée en jouant Le Passant de François Coppée en 1869.
En 1870, pendant le siège de Paris, elle transforme le théâtre en hôpital militaire et y soigne le futur maréchal Foch qu’elle retrouvera quarante-cinq ans plus tard sur le front de la Meuse, pendant la Première Guerre mondiale.
Elle triomphe dans le rôle de la Reine de Ruy Blas en 1872, ce qui la fait surnommer la « Voix d’or » par l’auteur de la pièce, Victor Hugo, à l’occasion d’un banquet organisé pour la centième représentation.
Ce succès lui vaut d’être rappelée par la Comédie-Française dont elle est nommée sociétaire en 1875 ; elle y joue dans Phèdre en 1874 et dans Hernani en 1877.
Avec le succès, les surnoms élogieux se multiplieront : « la Divine», l’« Impératrice du théâtre »…
En 1880, elle démissionne avec éclat du « Français », devant lui payer cent mille francs-or en dommages et intérêts pour rupture abusive de contrat. Elle crée sa propre compagnie avec laquelle elle part jouer et faire fortune à l’étranger jusqu’en 1917.
Première « star » internationale, elle est la première comédienne à avoir fait des tournées triomphales sur les cinq continents, Jean Cocteau inventant pour elle l’expression de « monstre sacré ».
Dès 1881, à l’occasion d’une tournée de Bernhardt en Russie, Anton Tchekhov, alors chroniqueur au journal moscovite «Le Spectateur», décrit malicieusement(suit page 8)
(suit de la page 7)
« celle qui a visité les deux pôles, qui de sa traîne a balayé de long en large les cinq continents, qui a traversé les océans, qui plus d’une fois s’est élevée jusqu’aux cieux », brocarde l’hystérie des journalistes « qui ne boivent plus, ne mangent plus mais courent» après celle qui est devenue «une idée fixe [sic] ».
Elle interprète à plusieurs reprises des rôles d’homme (Hamlet, Pelléas), inspirant à Edmond Rostand sa pièce
L’Aiglon en 1900. Elle se produit à Londres, à Copenhague, aux États-Unis (1880-1881) où elle affrète un train Pullman pour sa troupe et ses 8 tonnes de malles, au Pérou (1886) où tous les billets pour ses représentations se vendent en 48 heures, au Chili (1886), dont elle critique les habitants30 et en Russie, notamment au théâtre Michel de Saint-Pétersbourg (en 1881, 1892 et 1908).
Son lyrisme et sa diction emphatique enthousiasment tous les publics. Afin de promouvoir son spectacle, elle rencontre Thomas Edison à New York et y enregistre sur cylindre une lecture de Phèdre24.
Elle devient l’un des très rares artistes français à avoir son étoile sur le Hollywood Walk of Fame à Los Angeles.
Invitée en Australie en février 1891, elle se produit à Melbourne notamment, fait la connaissance d’Adrien Loir, neveu de Pasteur, avec lequel elle a sans doute une liaison.
Collaboration avec Oscar Wilde
Le jour de l’arrivée de Sarah à Folkestone avec la Comédie-Française en mai 1879, Oscar Wilde est présent pour l’accueillir. L’anecdote racontant la façon dont il jette des lys à ses pieds est souvent répétée, mais la version des événements de Sarah suggère qu’il réagit plutôt avec humour à une remarque désagréable faite à ses dépens :
« Un de mes camarades qui était juste à côté, et qui était loin de m’apprécier, me dit d’un ton rancunier : «Ils te feront bientôt un tapis de fleurs».
«En voici un !» s’écria un jeune homme en jetant par terre devant moi une brassée de lys.
Je m’arrêtai net, un peu confuse, n’osant marcher sur ces fleurs blanches, mais la foule qui se pressait derrière m’obligea à avancer, et il fallut fouler aux pieds les pauvres lys ».
Lorsqu’Oscar voit Sarah jouer
Phèdre au Gaiety Theatre le 2 juin 1879, il déclare : c’est « la création la plus splendide que j’aie jamais vue ».
Près d’une décennie plus tard, il écrit : « ce n’est qu’en entendant Sarah Bernhard dans Phèdre que je me suis absolument rendu compte de la douceur de la musique de Racine ».
Elle lui inspire un sonnet, débutant par ce vers : « Comme ce monde commun doit sembler fade et ennuyeux à quelqu’un comme toi ».
Il est publié dans The World en juin 1879 sous le titre « To Sarah Bernhardt », et réimprimé dans Poems (1881) sous le titre « Phèdre ».
Sur le pan entier d’un mur de l’appartement qu’occupent Oscar Wilde et Frank Miles au 13 Salibsury Street à Londres, juste en dessous du plafond, Sarah écrit « Sarah Bernhardt » en lettres surdimensionnées avec un gros crayon de menuisier. Oscar explique à son ami William Ward que Sarah a « essayé de voir à quelle hauteur elle pouvait sauter et écrire son nom ». Il emmène Lillie Langtry au British Museum à la recherche de statues antiques romaines qui ressemblaient à « la divine Sarah ».
D’après Lillie Langtry, Oscar baptise Sarah « la divine Sarah » après l’avoir vue jouer la reine dans Ruy Blas de Victor Hugo.
Oscar songe à lui faire jouer le rôle d’Elizabeth I, déclarant : «Elle serait magnifique dans des robes monstrueuses couvertes de paons et de perles!». Elle lui commande la pièce Salomé, dont elle interprète le rôle-titre en 1892.
En 1893, alors qu’elle joue Les Rois au Théâtre du Palais-Royal, elle se lie d’amitié avec de Max et lui propose d’intégrer la nouvelle troupe du théâtre de la Renaissance dont elle s’apprête à prendre la direction.
Elle remonte quelques-uns de ses plus grands succès (Phèdre, La Dame aux camélias) et crée de nombreuses pièces : Gismonda de Victorien Sardou, La Princesse lointaine d’Edmond Rostand, Les Amants de Maurice Donnay, La Ville morte de Gabriele D’Annunzio et Lorenzaccio d’Alfred de Musset (inédit à la scène).
En 1899, elle prend la direction du théâtre des Nations qu’elle rebaptise « théâtre Sarah-Bernhardt » et où elle constitue une nouvelle troupe avec son partenaire de jeu de Max et Marguerite Moreno qui partagent avec elle une vision
« corporelle » du jeu d’acteur. En opposition à son fils, elle apporte son soutien à Émile Zola au moment de l’affaire Dreyfus35, elle soutient Louise Michel et prend position contre la peine de mort. Le 9 décembre 1896, une «journée Sarah Bernhardt» est organisée à la gloire de l’actrice par Catulle Mendès et d’autres sommités de l’art : Edmond Rostand, Antonio de La Gandara qui fit d’elle plusieurs portraits, Jean Dara, José-Maria de Heredia, Carolus-Duran.
Le Tout-Paris s’y presse : un repas de 500 convives au Grand Hôtel précède un gala au théâtre de la Renaissance — qu’elle dirige alors — où l’actrice se rend accompagnée de 200 coupés et où l’on peut entendre entre autres hommages un Hymne à Sarah composé par Gabriel Pierné sur des paroles d’Armand Silvestre et interprété par l’orchestre Colonne36. Des menus sont édités pour l’occasion37.
Ayant compris l’importance de la réclame, elle met en scène chaque minute de sa vie et n’hésite pas à associer son nom à la promotion des produits de consommation.
Son style et sa silhouette inspirent la mode, les arts déco- ratifs mais aussi l’esthétique de l’Art nouveau. Elle fait elle-même appel au peintre Alfons Mucha pour dessiner ses affiches à partir de décembre 1894.
Ces six années de collaboration donnent un second souffle à sa carrière.
Tuberculeuse comme sa sœur Régina qui en meurt en 1874, elle développe une certaine morbidité en se reposant régulièrement dans un cercueil capitonné qui trône chez elle. Devant le scandale suscité, elle s’y fait photographier par un opérateur du studio Melandri pour en vendre des photos et cartes postales.
En 1905, lors d’une tournée au Canada, le Premier ministre Wilfrid Laurier l’accueille à Québec ; mais l’archevêque Louis-Nazaire Bégin, détestant le théâtre et reprochant à l’actrice un jeu du corps nouveau pouvant être qualifié d’érotique, demande à ses paroissiens de boycotter la représentation et l’actrice, habituée aux foules, se produit devant une salle en partie vide.
Après avoir joué dans plus de 120 spectacles, Sarah Bernhardt devient actrice de cinéma. Son premier film est Le Duel d’Hamlet réalisé en 1900. C’est un des premiers essais de cinéma parlant avec le procédé du Phono-Cinéma-Théâtre, où un phonographe à cylindre synchronisait plus ou moins la voix de l’actrice aux images projetées40.
Elle tournera d’autres films — muets — dont deux œuvres autobiographiques, la dernière étant Sarah Bernhardt à BelleÎle en 1912, qui décrit sa vie quotidienne.
En 1914, le ministre René Viviani lui remet la croix de chevalier de la Légion d’honneur, pour avoir, en tant que comédienne, « répandu la langue française dans le monde entier» et pour ses services d’infirmière pendant la guerre franco-prussienne de 1870-1871.
Sarah Bernhardt est amputée de la jambe droite en 1915, à l’âge de 70 ans, en raison d’une tuberculose osseuse du genou.
Les premiers symptômes remontent à 1887, lorsqu’elle se blesse au genou sur le pont d’un bateau qui la ramène d’une tournée aux Amériques.
Cette première luxation, non soignée, s’aggrave en 1887, lors des sauts répétés du parapet dans le final de La Tosca, la comédienne ayant chuté à de nombreuses reprises sur les genoux, puis en 1890 à la suite d’une nouvelle blessure contractée lors d’une représentation du «Procès de Jeanne d’Arc» au théâtre de la PorteSaint-Martin[réf. nécessaire].
En 1902, lors d’une tournée, un professeur de Berlin diagnostique une tuberculose ostéo-articulaire et prescrit une immobilisation de six mois que l’actrice ne peut se résoudre à suivre. Elle se contente de séances d’infiltrations et, en 1914, d’une cure à Dax, d’ailleurs sans effet.
En septembre 1914, craignant que Sarah Bernhardt ne soit prise en otage, lors d’une éventuelle avancée allemande sur Paris, le ministère de la Guerre conseille à l’actrice de s’éloigner de la capitale.
Henri Cain, un de ses proches dont la femme, Julia Guiraudon, est fille d’un ostréiculteur de Biganos, lui recommande de séjourner sur le bassin d’Arcachon, où lui et son épouse louent une villa à Andernos-les-Bains.
Elle arrête son choix sur la villa « Eurêka », où elle s’installe de septembre 1914 à octobre 1915.
Plâtré durant six mois, son genou développe une gangrène. Son médecin et ancien amant, Samuel Pozzi, que Sarah surnomme « Docteur Dieu », ne peut se résoudre à pratiquer lui-même l’opération et sollicite le concours du professeur Jean-Henri Maurice Denucé, désormais chirurgien à Bordeaux49.
L’actrice est amputée au-dessus du genou le 22 février 1915 à la clinique Saint-Augustin de Bordeauxe.
Sarah revient en convalescence à Andernos en mars 1915. Elle participe à une manifestation patriotique le 10 août 1915 où elle lit deux poèmes puis quitte définitivement Andernos en octobre 191543. Elle va à Reims, « la ville où il faut être vu », le 9 septembre 1916 et joue le rôle d’une infirmière devant la cathédrale martyre. Cela ne l’empêche pas de continuer à jouer assise — elle refuse de porter une jambe en bois ou une prothèse en celluloïd —, ni de rendre visite aux poilus au front en chaise à porteurs, lui valant le surnom de « Mère La Chaise ».
Elle ne s’épanche jamais sur son infirmité, sauf pour rire : «Je fais la pintade ! ».
Son refus des faux-semblants n’a pas été jusqu’à lui faire négliger la chirurgie esthétique. En 1912, elle demande au chirurgien américain Charles Miller un lifting, technique alors débutante, dont les résultats seront corrigés par Suzanne Noël.
Alors qu’elle est en train de tourner un film pour Sacha Guitry, La Voyante, elle meurt « d’une insuffisance rénale aiguë » le 26 mars 1923, à son domicile au 56, boulevard Pereire à Paris, en présence de son fils.
Elle est enterrée à Paris au cimetière du Père-Lachaise (44e division).
La performance théâtrale de Sarah Bernhardt, que ses contemporains acclamèrent à l’égale de celle de Mounet-Sully, est, comme cette dernière, emphatique tant dans la pantomime que dans la déclamation.
Les modulations de la voix s’éloignent délibérément du naturel ; les émotions sont rendues, tant par le geste que par l’intonation, plus grand que nature. Ce style hérité de la déclamation baroque se démode avant la fin de sa carrière; Alfred Kerr remarque « tout ce qui sort de sa bouche est faux; sinon, tout est parfait». Les critiques modernes qui écoutent ses enregistrements de Phèdre chez Thomas Edison en 1903 sont souvent déçus. Peinture et sculpture Vers 1874, alors qu’elle est une comédienne(sui page 10)
(suit de la page 9) au talent reconnu, mais manquant d’emplois qui l’intéressent, Sarah Bernhardt apprend le modelage62, puis la peinture. Elle fréquente l’Académie Julian à Paris et présente au Salon de 1880 La Jeune Fille et la Mort, reçu « moins comme un résultat qu’une promesse63 ».
Elle réalise également quelques bronzes, dont un buste d’Émile de Girardin et un de Louise Abbéma exposés aujourd’hui à Paris au musée d’Orsay. Un autoportrait est exposé dans une des salles consacrées à la peinture moderne de la Fondation Bemberg à Toulouse
Vie privée
Les détails de la vie privée de Sarah Bernhardt sont souvent incertains ; quand elle expliquait : « Je suis si mince, si maigre, que quand il pleut je passe entre les gouttes », Alexandre Dumas fils — qui la détestait — ajoutait dans une discussion avec le journaliste Louis Ganderax : « Elle est si menteuse qu’elle est peut-être grasse. »
La vie privée de Sarah Bernhardt fut assez mouvementée.
À l’âge de vingt ans, elle donne naissance à son seul enfant qui deviendra écrivain, Maurice Bernhardt, fruit d’une liaison avec un prince belge, Henri de Ligne (1824-1871), fils aîné d’Eugène, 8e prince de Ligne.
Elle a par la suite plusieurs amants, dont Charles Haas, mondain très populaire à qui elle vouait une véritable passion alors qu’il la traitait en femme légère et la trompait sans états d’âme.
Après leur rupture, ils demeurèrent cependant amis jusqu’à la mort de Haas.
On compte également des artistes tels que Gustave Doré et Georges Jules Victor Clairin et des acteurs tels que Mounet-Sully, Lucien Guitry et Lou Tellegen ou encore son «Docteur Dieu » Samuel Pozzi.
On parle également de Victor Hugo et du prince de Galles. Certaines sources lui prêtent également des liaisons homosexuelles, notamment avec la peintre Louise Abbéma qui fit d’elle plusieurs portraits.
Elle est également portraiturée par Gustave Doré, Giovanni Boldini et Jules Bastien-Lepage.
En 1874-1875, elle entretient des rapports intimes moyennant rétribution avec plusieurs députés dont Léon Gambetta, Henri Ducasse et le comte de Rémusat20.
En 1882, elle se marie à Londres avec un acteur grec, Aristides Damala (en), mais celui-ci est dépendant de la morphine et leur relation ne dure guère.
Elle restera cependant son épouse légitime jusqu’à la mort de l’acteur, en 1889 à l’âge de 34 ans. Mais elle perd sa nationalité française en épousant un étranger.
Donc en 1916, elle fait une demande de réintégration dans la nationalité française.
Elle était amie du poète Robert de Montesquiou qui lui avait dédié un poème (inédit).
Ce poème manuscrit faisait partie de sa bibliothèque vendue en 1923.
En 1890, elle est victime d’un vol dans sa propriété du Havre pendant qu’elle réside dans sa villa de Sainte-Adresse.
Plusieurs objets de valeur auraient été dérobés, notamment un diamant de grande valeur. Elle portera un temps des soupçons sur sa gouvernante Mme Guérard, qui s’occupa d’elle telle une mère adoptive. L’affaire ne se résoudra pas et l’actrice ne remettra pas la main sur son précieux diamant. Dédaignant les stations balnéaires à la mode et désireuse d’établir sa retraite en un lieu qui lui soit particulier, à l’écart du monde, Sarah Bernhardt choisit de séjourner face à l’Océan, sur une pointe rocheuse déchiquetée et venteuse, éloignée du chef-lieu d’une île bretonne, Belle-île, elle-même relativement difficile d’accès et alors inconnue du grand tourisme. C’est son portraitiste attitré, Georges Clairin, qui la lui avait fait découvrir.
Elle s’y installe progressivement avec ses animaux exotiques et sa petite cour de commensaux — qu’elle appelait indistinctement « sa ménagerie » — dans un fortin militaire désaffecté qu’elle avait acquis en 1894 au lieu-dit « La pointe des Poulains ».
À côté de ce fortin elle avait fait bâtir, décorer et meubler la villa Lysiane (le prénom de sa petite-fille) et la villa Les Cinq Parties du monde, travaux importants qui lui coûtèrent plus d’un million de francsor, somme considérable pour l’époque.
Elle s’installa plus tard dans le manoir de Penhoët, un manoir de briques rouges disparu lors des bombardements de la Seconde Guerre mondiale qu’elle avait acheté car elle le jugeait trop proche de son fortin et aussi plus confortable.
Pour s’y rendre elle prenait le train de Paris jusqu’à Vannes, où elle donnait à l’occasion quelques représentations, avant d’embarquer pour «son» île où elle faisait grand effet aux îliens.
En 1922, infirme, malade et désargentée, elle vend ses propriétés belle-îloises. Là, un musée lui est consacré depuis 2007 : le fort à la pointe des Poulains et ses abords ont été aménagés pour recevoir du public.
Elle était la marraine de l’actrice franco-américaine Suzanne Caubet7 Selon son passeport de 1886, elle mesurait 1,54 m76.
Personnalité
Sa devise était « Quand même» en référence à son audace et à son mépris des conventions. Alors qu’elle est attaquée par des détracteurs sur ses origines, après la défaite de 1871, elle déclare : « Je suis Française, Monsieur, absolument Française. [...] Toute ma famille est originaire de la Hollande. Amsterdam est le berceau de mes modestes aïeux. Si j’ai de l’accent, Monsieur (et je le regrette beaucoup), mon accent est cosmopolite, et non tudesque.
Je suis une fille de la grande race juive, et mon langage un peu rude se ressent de nos pérégrinations forcées ».
Elle a en partie inspiré à Marcel Proust — sans doute avec les comédiennes Rachel et Réjane — le personnage de l’actrice « la Berma » dans À la recherche du temps perdu78.
Proust la désignait parfois dans sa correspondance par « Haras », son prénom à l’envers79.
Sacha Guitry, dans ses Mémoires, l’évoque ainsi : « Madame Sarah jouait un grand rôle dans notre existence.
Après notre père et notre mère, c’était assurément la personne la plus importante du monde à nos yeux. […] p’0-Que l’on décrive avec exactitude et drôlerie — ainsi que Jules Renard l’a fait dans son admirable Journal — sa maison, ses repas, ses accueils surprenants, ses lubies, ses excentricités, ses injustices, ses mensonges extraordinaires, certes […] mais qu’on veuille la comparer à d’autres actrices, qu’on la discute ou qu’on la blâme, cela ne m’est pas seulement odieux : il m’est impossible de le supporter. […] Ils croient qu’elle était une actrice de son époque. […] Ils ne devinent donc pas que si elle revenait, elle serait de leur époque » Sacha Guitry, Si j’ai bonne mémoire
Citation :
« Il faut haïr très peu, car c’est très fatigant. Il faut mépriser beaucoup, pardonner souvent, mais ne jamais oublier. Le pardon ne peut entrainer l’oubli ; pour moi, du moins. »
On lui attribue aussi ce mot : « Sarah Bernhardt, à qui une jeune comédienne a déclaré qu’elle avait déjà joué plusieurs fois et qu’elle n’avait même plus de trac, aurait alors répondu : « Ne vous en faites pas, le trac, cela viendra avec le talent ». »
— Maurice Thévenet, Les Talents82
Elle aurait déclaré avoir gagné au cours de sa carrière quelque 45 millions de francs, soit 185 millions d’euros.
Dans son testament, elle déclare léguer « tout ce que j’ai immeubles, bijoux, reconnaissances au Mont-de-Piété, meubles, bibelots, toute ma bibliothèque, mon argenterie, mes robes, mon linge, tout ce qui se trouve dans mon hôtel bl Péreire […] à mon fils Maurice Bernhardt. […] Enfin il n’est pas un brin de fil m’appartenant qui ne soit à mon fils, auquel je donne tout tout. » wikipedia.org