MO BOYAN Frida Khalo Ma mère a donné
naissance à mon père
DAVE POLLOT ODD NERDRUM
Supplement à l’édition de “Palazzi A Venezia “Aprile 2020
PALAZZI A VENEZIA Publication périodique d’Arts et de culture urbaine de l’association homonyme régie par la Loi de1901 ISSN/Commission Paritaire : en cours Distribution postale/digitale
Comité de Rédaction Marie-Amélie Anquetil Arcibaldo de la Cruz Vittorio E. Pisu Rédacteur Mode et Beauté Virginie Bapea Supplement à l’édition de Palazzi A Venezia du mois de Avril 2020 Textes et documents photographiques publiées ne seront pas rendus Tous droits reservés Correspondance palazziavenezia@gmail.com https://www.facebook.com/ Palazzi-A-Venezia https://www.vimeo.com/ channels/palazziavenezia
Photo paintinghere.com
Président Directeur de la Publication Vittorio E. Pisu
omplément de l’édition mensuelle de Palazzi A Venezia, ce supplément a pris gout à sa parution impromptue et au format différent de celui de la publication mère. Avec des prétentions de Centerfold, réminiscence des Playboy des années ‘60, bien que n’inspirant pas à solliciter les libidos de ses lecteurs mais plutôt attirer leur attention sur des thèmes qu’il considère importants et intéressants. Le covid-19, sévissant dans toutes les contrées, à tous le moins et pour l’instant, celle de l’Occident artistique et culturel, il est difficile de vous tenir au courant des expositions et autres manifestations qui ont été pour la plupart reportées si ce n’est tout simplement annulées. Néanmoins certaines initiatives de diffuser, au travers du web, images et sons, méritent d’être soulignées et soutenues, spécialement lorsqu’il s’agit de personnage particulièrement important de l’Histoire de l’Art, comme l’incontournable Frida Kahlo qui reçoit aujourd’hui les hommages de certains acteurs du net, qui nous permettent de nous rappeler que le “réseaux” n’existe pas seulement pour transmettre les gossips d’adolescent attardés ou les fumeuses théories des complottistes de tous genre qu’en ce moment encombrent particulièrement l’éthére. Bien sur nos choix sont toujours arbitraires et nous espérons qu’ils sauront néanmoins vous plaire et solliciter votre curiosité à aller plus loin et, profitant de ce confinement forcé, rechercher images, textes, vidéos et autres informations concernant les artistes dont nous présentons un teaser. Pour le reste, et en espérant bien entendu que cette situation prenne fin, dans la meilleure des manières possibles, je suis certain que nous apprécieront beaucoup plus que d’habitudes, les simples joies du quotidien que nous avions peut-être légèrement sous évaluées. Je me souviens que Jean Marie Drot, lors d’un interview réalisé dans sa demeure de Chatou qui était un véritable musée de l’Art Contemporain, soutenait, à raison, que les œuvres d’art sont des talismans qui nous protègent, j’espère donc que cette fréquentation, même virtuelle et à distance de tant d’œuvres d’Art, récentes ou anciennes, participe de notre protection, à tout le moins tout autan que les invocations que les croyants de toute religion adressent à leur dieux, saints, chamanx, sorciers et autres enchanteresses. Le printemps ayant retrouvé ses droits, grâce à la clausure forcée des humains, ont assiste, un peu partout, à la reconquête d’un territoire perdus, de la part d’animaux de toutes sorte, qu’il s’agisse de dauphin dans les canaux de Venise, ou des sangliers dans le centre de Sassari en Sardaigne, des biches dans le Nord de l’Italie, pour ne pas parler de tous les volatiles rapaces o inoffensifs qui se montrent de plus en plus nombreux et démontrant au travers de leurs chants, un bonheur retrouvé. Cela devrait nous servir de leçon et nous faire comprendre que nous sommes non seulement de passage sur cette planète mais surtout aucunement ni les propriétaires ni les dirigeants de quoi que ce soit et que nous ne produisons que des dégâts. A bon entendeur......Vittorio E. Pisu PALAZZI 2 VENEZIA
Photo Sophie Sainrapt
U BOYAN est un sculpteur contemporain chinois. Il est très connu pour ses personnages obèses, nus, humoristiques. Il remet toutefois en cause le système économique et politique de la Chine actuelle sur fond d’art contemporain hyper-réaliste. Mu Boyan est identifié en Occident comme le « Ron Mueck engagé aux yeux bridés ». L’artiste Mu Boyan est né en 1976 à Jinan, dans la province du Shandong. Il a obtenu un master’s degree à la China Central Academy of Fine Arts (Sculpture Department) en 2005. Mu Boyan peint des hommes obèses, chauves, nus, à la peau lisse, quelque fois très gros, quelque fois se déplaçant dans l’air. Dans ses “Fatty series”, il montre des personnages géants ou pour certains petits, inspirés des sumos, toujours dans des situations improbables. « Les personnages gigantesques semblent comprimés, il leur manque de l’espace, ils étouffent ». Les petits, on les croirait perdus. Ses sculptures font penser aux proportions d’un Fernando Botero ou encore à la mascotte des pneus Michelin. L’artiste cherche ainsi à faire réfléchir sur le thème de l’obésité dans la société chinoise avec ce qu’il révèle au plan économique et politique, à savoir les inégalités, entre richesse et pauvreté en Chine. Alors que l’obésité était autrefois considérée comme un signe de richesse dans un pays où de nombreuses personnes mouraient de faim, l’opinion publique s’oriente aujourd’hui vers la perception occidentale du surpoids comme grotesque et malsain. L’œuvre de Mu examine ce changement de vision à travers ses sculptures humoristiques et satiriques qui, malgré leur surréalisme exagéré, conservent un haut degré de réalisme et de raffinement technique. L’artiste a par ailleurs participé à plusieurs expositions collectives depuis 2003 en Asie, Europe et aux Etats-Unis. Parmi les plus récentes : en 2017 ‘Image of the Mind: Contemporary Chinese Art’, ‘The third “Happy Chinese New Year: Fantastic Art China” festival, New York City ; en 2015, Liberating: the past from the present: contemporary art in China, Diaghilev, Museum of Modern Art, San Petersburg, Russie ; 2014, Busan Biennale, Corée, la 12th National Exhibition of Fine Arts, Taiyuan, Chine ; 2012 “Ctrl+N Non-Linear Practice – 2012 Gwangju Biennale Special Exhibition”, Gwangju Museum of Art, Corée du Sud, “Chinese Public Art – Kulturjahr Chinas in Deutschland 2012”, Kassel, Allemagne, “Sculpture China”, CAFA Art Centre, Beijing, “Hong Kong Art Walk,” Wellington Gallery, Hong Kong, “Art HK12”, Aye Gallery, Hong Kong ; 2010 “The 8th Shanghai Biennale– Rehearsal”, Shanghai Art Museum, Shanghai, “Art Wave”, Injoy Museum of Art, Beijing, China, “Datong International Sculpture Biennale”, Datong He Yang Art Musuem, Shanxi, “East/West: Visually, « Fatty at Aye Gallery », en 2007, “Year Month Day”, Mu Boyan’s New Solo Exhibition en 2009, “Process – Mu Boyan Works 2012”, Practic-Mu Boyan Works, 2015. Il a aussi exposé en 2015 au Ludwig Museum de Koblenz, Allemagne ‘Surreal Realities – Mu Boyan’. PALAZZI 3 VENEZIA
MU BOYAN
MoMA
the Museum of Modern Art
11 W 53rd St, New York, NY 10019, États-Unis www.moma.org
the Tate
Millbank, London SW1P 4RG www.tate.org.uk/ fermé jusqu’en juin
e choix de l’œuvre de Mu Boyan pour illustrer la couverture de ce magazine n’est pas un hasard. Cet homme obèse qui tente de se hisser avec difficulté sur une échelle, me semble être une image parfaitement métaphorique de la société dans laquelle nous vivons et qui, en ces moments, est comme révélée par la pandémie qui paralyse les économies de presque tous les pays, à commencer par la Chine, l’Italie affichant aujourd’hui le triste record des infections contractées et des décès qui en résultent. Malgré les mesures de confinement imposées par le gouvernement, on a trouvé naturellement les sournois habituels qui ont immédiatement propagé le virus dans des zones qui n’avaient pas encore été contaminées. Cette situation devrait nous faire réfléchir sur les conditions mêmes de notre existence, qui, malgré les avertissements répétés et aussi clairement démontrés par des inondations sans précédent, des incendies monstrueux et des changements climatiques particulièrement impressionnants, nous ne sommes pas capables de changer, en effet nous continuons allègrement dans la même direction ayant comme seul mantra celui de la croissance algorithmique dans un monde malheureusement fini et limité, dans lequel cette progression devrait apparaître tout simplement folle. Il faudrait que nous en arrivions à considérer que nous ne pouvons pas continuer à détruire les ressources de cette planète qui fonctionne aussi à des rythmes inégaux, parce que si tous ses habitants adoptaient les normes des États-Unis d’Amérique, déjà en juin de chaque année et peutêtre même plus tôt,on aurait épuisé toutes les ressources tant en nourriture qu’en eau potable, sans parler des matières premières et de l’énergie qui pourraient absolument ne pas suffire à la planète entière si elle avait les normes du monde occidental. Aujourd’hui, au lieu de nous interroger, nous recherchons les coupables, les Chinois, les Américains, les éclairés, les laboratoires pharmaceutiques, pas les militaires, bref, au lieu de nous demander si nous sommes tous simplement responsables à des degrés divers. J’espère que cette situation créera les conditions d’une réflexion saine et réelle qui nous permettra de changer profondément et pour le mieux, simplement pour notre survie. V.E.Pisu
MA DESHENG FRIDA KAHLO
Photogoogleartproject
’accession de Frida Kahlo à la célébrité et l’élargissement de sa communauté d’adeptes, en particulier après son décès en 1954, donnent lieu à l’apparition de différentes perceptions de l’artiste. Depuis ses débuts, son identité est parasitée par des détails biographiques. Par exemple, son succès est constamment comparé à celui de son mari, Diego Rivera, tandis que son travail n’est pas considéré à proprement parler en tant qu’art populaire mexicain en raison de ses origines. Bien qu’il soit évidemment important de tenir compte de ces éléments pour analyser ses œuvres, ils ne laissent deviner que la partie émergée des divers niveaux de complexité de son esprit. Pour mieux comprendre l’artiste, au-delà des données factuelles de son existence, nous avons rencontré l’auteur Frances Borzello. En 2016, Frances Borzello publie “Seeing Ourselves: Women’s Self-Portraits”, un ouvrage qui explore la diversité des artistes féminines et de leurs autoportraits, du XIIe siècle à nos jours. Elle participe également à la rédaction de “Frida Kahlo: Face-to-Face”, avec l’artiste Judy Chicago, qui décortique des centaines de portraits de Frida Kahlo afin de mettre au jour les multiples facettes de cette femme, de cette artiste, de ce personnage historique et de cette source d’inspiration. ci, Frances Borzello nous explique ce que nous pouvons apprendre sur les opinions politiques de la peintre, sur sa mentalité féministe, sur son rapport à son corps et sur sa philosophie personnelle à travers ses œuvres, et ce, dans l’espoir de mieux la connaître. D’où vient le mythe qui entoure Frida Kahlo ? Comment pensez-vous qu’elle souhaitait être perçue par le public ? Frida Kahlo fait partie de ces artistes dont les œuvres sont immédiatement reconnaissables. La présence de références à la culture mexicaine dans la plupart de ses peintures, ainsi que ses autoportraits montrant souvent son monosourcil permettent aux plus novices de l’identifier. Le personnage qu’elle a créé en termes d’apparence, de comportement et de croyances est l’œuvre de toute une vie, et la peinture n’en représente qu’une partie.
Faces of Frida La vie, l’œuvre, l’amour et l’héritage de
Frida Kahlo
à travers le regard d’experts et d’individus à jamais influencés par son talent artistique
https://artsandculture.google.com/project/frida-kahlo
Elle a une jambe plus courte que l’autre, est enserrée dans un corset qui lui permet de se tenir droite, est en proie à des douleurs permanentes et ne parvient pas à avoir d’enfant. Malgré tout, elle veut danser, prendre part à des débats et être admirée. À travers ses tableaux, elle indique qu’elle y parvient. Pourquoi pensez-vous qu’elle souhaitait placer son image au centre de sa démarche créatrice ? Ce n’est pas tant qu’elle souhaitait se concentrer sur son portrait, mais elle n’aurait pas pu peindre autrement. Toutes ses passions et convictions passaient par le filtre de sa propre personne et étaient exprimées par le biais de son propre visage, de son propre corps, de ses propres vêtements. Ses déclarations n’étaient jamais abstraites, mais bien personnelles, ce qui explique leur capacité à nous toucher intensément. Par ailleurs, en tant qu’artiste inexpérimentée, elle n’était pas en mesure de proposer des compositions élaborées. Il était beaucoup plus simple pour elle de partir de son image, un procédé qu’elle maîtrise de mieux en mieux au fil du temps. En quoi les autoportraits de Frida Kahlo se distinguent-ils de ceux des autres artistes de la même époque ? Qu’est-ce qui les rend uniques ? Au cœur de son drame personnel, ses autoportraits vont bien au-delà de son célèbre monosourcil. Dans des cadres qui, la plupart du temps, sont étonnamment petits, elle transpose avec éclat ses joies, ses peines et ses opinions politiques. Tout comme c’est le cas face à un personnage de fiction charismatique, nous nous identifions à la vie qui nous est présentée. Dans “Seeing Ourselves”, je suggère l’idée que les femmes artistes ont développé une nouvelle branche en matière d’autoportraits : les autoportraits personnifiés qui ouvrent une porte vers des idées plus profondes. Elles utilisent leur propre image comme point de départ et y ajoutent des références qui universalisent le portrait. L’image de Frida Kahlo humanise ses idées abstraites. C’est ainsi que son art fait vibrer notre corde sensible. Quels sont les thèmes qu’elle reprend fréquemment ? Les thèmes récurrents sont tantôt personnels, tantôt politiques, et s’entremêlent dans la plupart de ses peintures. Sur le plan politique, elle porte haut les couleurs du nationalisme mexicain (littéralement, d’ailleurs, dans son Autoportrait à la frontière du Mexique et des États-Unis, 1932). Mais même lorsqu’elle dévoile ses sentiments personnels (qu’il s’agisse de son amour pour Diego, de la scission entre son identité mexicaine et européenne, voire de sa douleur physique), ses préoccupations nationalistes transparaissent. PALAZZI 4 VENEZIA
Photo googlartproject
Quelle était la philosophie de Frida Kahlo ? Comment se reflète-t-elle dans son œuvre ? Ses peintures nous invitent à profiter de la vie au maximum, à voir les choses dans leur ensemble. Dans le monde de Frida Kahlo, il n’existe pas de frontière entre vie publique et vie privée. En 1940, lors de son divorce, elle peint Autoportrait aux cheveux coupés, les mèches brunes à ses pieds symbolisant son sentiment de stérilisation. S’identifiant au Mexique, elle représente son corps meurtri sous la forme d’une plante prospère enracinée dans le sol mexicain. De mère chrétienne métisse et de père allemand, probablement juif, elle fait également preuve d’ouverture s’agissant de sa “religion” et se forge sa propre vision panthéiste de l’humanité, dans laquelle la nature répète un cycle continu de naissance et de mort. De quelle manière la mentalité féministe de Frida Kahlo se manifeste-t-elle dans ses œuvres ? Y a-t-il des œuvres en particulier dans lesquelles cet état d’esprit est plus frappant ? Je pense que le féminisme de Frida Kahlo transparaît dans son rapport à la sexualité, dans son intérêt pour l’auto-ornementation et dans son dévouement envers Diego Rivera. C’est une variante du féminisme des années 1950 sorti de “I Love Lucy”, selon lequel il ne faut jamais sous-estimer le pouvoir d’une femme, qui fait usage de sa beauté et de son intuition pour obtenir ce qu’elle veut. Je suis persuadée qu’en raison des conséquences de la poliomyélite qu’elle contracte enfant et de l’accident de bus dont elle est victime adolescente, qui l’oblige à subir plus de 40 opérations, ainsi que de son esprit tourmenté, elle a cherché toute sa vie à ce que l’on reconnaisse sa qualité de “femme”, surmontant ses handicaps grâce à son apparence, sa personnalité, son intelligence et son art. Il est possible que ses aventures étaient une manière de se venger de l’infidélité de Diego Rivera, mais elles ont également renforcé son amour-propre. Lors de leur séjour aux États-Unis au début des années 1930, pour faire face à la célébrité de son mari ainsi qu’à son penchant pour les autres femmes, elle évite les vêtements occidentaux et porte des robes rappelant celles des femmes Tehuana (dont Diego Rivera admire l’état d’esprit), y compris lors de réceptions données par les patrons de son époux. Elle opte pour l’exotisme et écarte ainsi toute concurrence. Son refus indomptable d’être rabaissée ou réduite au silence, ainsi que sa domination de l’espace physique par son style personnel forcent encore notre admiration des décennies plus tard. Je la vois plus comme une combattante pour la cause des femmes que comme une féministe. De quelle manière les opinions politiques de Frida Kahlo se manifestent-elles dans ses œuvres ? Les œuvres de Frida Kahlo sont imprégnées de ses convictions nationalistes et de ses idées de gauche. Même un tableau en apparence innocent, tel que l’autoportrait dédié à Léon Trotsky qu’elle réalise après leur brève aventure, présente un format qui repose sur les versions mexicaines des portraits baroques. PALAZZI 5 VENEZIA
En observant n’importe quelle toile, on ne peut que constater que les vêtements, les animaux, les bijoux, les références mythiques, les emprunts à l’art populaire et l’anti-américanisme attestent de son attachement à l’histoire, aux produits et aux coutumes de son pays. Comment Frida Kahlo dépeintelle le handicap dans ses autoportraits ? Qu’est-ce que cela nous indique au sujet du rapport à son corps ? Je dirais que Frida Kahlo est une peintre de la douleur. La représentation de son corps, enfermé dans une armature en acier à la suite d’une opération au niveau de la colonne vertébrale et transpercé de clous (La colonne brisée, 1944), constitue une brillante transposition de la figure religieuse de saint Sébastien criblé de flèches après avoir refusé de renier sa foi. Le corps de Frida Kahlo est à la base de toute son œuvre. Lorsqu’elle se sent bien, elle regarde le spectateur, maquillée et habillée pour affronter le monde. Lorsqu’elle souffre, comme quand elle découvre la liaison entre Diego Rivera et sa sœur, elle ne nous épargne rien, pas même la main sectionnée ni le pied meurtri dans Souvenir ou le cœur (1937). Il ne faut toutefois jamais oublier qu’il s’agit d’art, et non de la vie réelle. L’œuvre Autoportrait avec un collier d’épines et un colibri (1940) témoigne de son don pour les métaphores visuelles. Elle y transforme l’icône de la Vierge Marie en un autoportrait rebelle entouré d’animaux qu’elle considère comme des âmes sœurs. Elle fait également une référence audacieuse à sa souffrance en évoquant la couronne d’épines du Christ sous la forme d’un collier. Elle s’élève ainsi au rang de reine de la nature, et non du christianisme. Il est clair que Frida Kahlo s’est employée à créer sa propre empreinte. Y a-t-il des moments où la situation lui a échappé au point de révéler involontairement certains aspects de sa vie ? L’idée même que quelque chose ait pu lui échapper amoindrit l’ampleur de son génie créatif. Les éléments qui apparaissent dans ses peintures ne sont pas là par hasard. Le seul moment où l’on peut concevoir qu’elle perd le contrôle de certains détails se situe à la fin de sa vie, alors que (suit a page 8)
“Ma mère a donné naissance à mon père”
https://you-ng.it/archivio/2014/08/21/grande-bugia-dellumanita-sulle-origini-dellumanita/
Nous avons tous appris l’histoire des origines de l’humanité à l’école. Des hommes poilus couverts de fourrure d’animal et armés de massues ou de lances rudimentaires, dédiés à la chasse. Des femmes accroupies près du feu, occupées à faire la cuisine. D’abord nomades, puis peu à peu sédentaires, jusqu’à la formation de petits villages faits de huttes, etc. etc. L’homme des cavernes, en fait. Dommage que tout cela soit probablement à reconstruire, ou mieux à (re)dire. Depuis des siècles, en effet, les études archéologiques et préhistoriques sont le monopole exclusif des experts masculins, qui ont toujours accepté, à de rares exceptions près, la même lecture des découvertes et la reconstruction conséquente de la réalité préhistorique, reléguant les incohérences et les contradictions sous le parapluie des “mystères insondables du passé”. Tout cela jusqu’à il y a environ 50 ans, lorsque ces illustres messieurs ont commencé à être rejoints par les premières femmes archéologues, ainsi que par des anthropologues, des historiens, des linguistes, des experts en religions, en philosophies, etc. C’est ainsi qu’une réalité complètement différente a commencé à émerger. Par exemple, la présence, voire l’abondance de statuettes féminines, différentes les unes des autres mais présentant des caractéristiques similaires et constantes, datant d’une période allant du Paléolithique moyen (Moustérien, il y a 120 000 / 40 000 ans) aux derniers millénaires avant Jésus-Christ, dans toute la zone méditerranéenne : de la Sibérie à l’Asie, jusqu’à la Chine et au Japon et dans le continent sud-américain. Pratiquement dans toutes les terres qui ont émergé. L’abondance de ces découvertes anciennes est telle qu’il est probable qu’il y avait plus de statues que d’êtres humains à l’époque. Cependant, il n’existe pas de représentation masculine équivalente de l’humanité jusqu’à l’apogée de la culture hellénique. Pourquoi, alors, seules les femmes étaient-elles représentées, et avec un dévouement aussi impressionnant ? Et quel rôle les hommes jouaient-ils dans ces sociétés anciennes ? Au cours des 30 dernières années, de nombreuses recherches sur ce sujet ont été menées par des chercheurs et des experts des académies du monde entier. Cependant, les résultats obtenus ont dû se heurter à l’omertà de fer de la culture patriarcale dominante, bien décidée à ne pas céder ne serait-ce qu’un millimètre de son pouvoir. LE PATRIARCAT COMME FORME D’ORGANISATIONTRÈS RÉCENTE Mais pourquoi le patriarcat devrait-il se sentir menacé par de telles découvertes archéologiques ? C’est simple : parce qu’ils ont montré que la culture patriarcale est relativement récente, c’est-à-dire qu’elle ne commence à émerger que vers 5000 a. c., et qu’il faut ensuite un bon trois millénaires pour la stabiliser définitivement. En d’autres termes, si l’âge de l’humanité était représenté par le cadran d’une horloge, le patriarcat n’occuperait que les cinq dernières minutes.
Mais ce qui effraie le plus, probablement, la mentalité phallocratique, c’est que les derniers millénaires de pouvoir ont été précédés par des dizaines de milliers d’années de civilisations basées sur la centralité féminine. Attention : le mot “matriarcat” n’est délibérément pas utilisé car il serait trompeur, car il s’agit d’une contraposition d’idées et de principes liés au modèle patriarcal. Par conséquent, il est préférable d’utiliser l’adjectif “matrifocal”, ou “matrilinéaire” pour définir la très longue période pendant laquelle l’humanité a été gouvernée par des principes féminins. COMMENT FONCTIONNAIENT LES SOCIÉTÉS “MATRIFOCALES” ? Nous ne pouvons pas résumer ici en quelques lignes toutes les valeurs et les caractéristiques de ces civilisations, mais nous voudrions au moins résumer leurs traits singuliers : Dans les civilisations féminines préhistoriques, aussi appelées anciennes civilisations, il n’y avait pas de famille, de propriété privée, de hiérarchie, de guerre. La divinité était féminine, identifiée à la Terre-Mère et à la maternité en général. Il n’y avait pas de séparation entre le sacré et le profane, en effet il serait préférable de dire que le concept du profane était inconnu : tout ce qui se passait sur terre était sacré,et donc honoré comme tel. La société était organisée en petits clans qui avaient la femme âgée comme personne de contact pour toutes les questions publiques et privées. Toutes les décisions ont été prises collectivement par des groupes de femmes qui ont également élevé des enfants. Les femmes étaient : prêtresses, guérisseuses, cueilleuses d’herbes pour l’alimentation et les soins, cuisinières (c’est-àdire des chimistes qui étudiaient la combinaison des aliments), inventrices (l’aiguille est l’une des plus anciennes inventions de l’humanité), artisanes (c’est-à-dire des artistes : les amphores et les premiers outils sont tous en forme de femme, ou inspirés de formes féminines, l’idée maternelle de “contenir, protéger, préserver”), gardiennes de la mémoire et des traditions. LES INVENTTRICES DE LA PRÉHISTOIRE Les femmes de la préhistoire sont responsables de certaines des plus importantes inventions de l’humanité, encore aujourd’hui fondamentales pour la survie de notre espèce : l’agriculture (ce sont les moissonneuses qui ont été les premières expertes en végétation, qui ont compris la relation entre la graine et le bourgeon, qui ont découvert comment, où et quand semer pour pouvoir récolter : le marra, première charrue de notre civilisation, était une invention et un outil féminin par excellence) ; la conservation des aliments (cuisson, séchage, etc.). et toutes les procédures pour créer des réserves alimentaires) ; l’élevage (ce sont toujours les femmes qui ont domestiqué les premiers animaux sauvages, en attachant les petits à leur poitrine, en se liant d’amitié avec les loups, les taureaux, les agneaux, etc.) ; les vêtements (en cousant ensemble les peaux des animaux) ; le feu (si nous ne sommes pas sûrs que ce soit une femme qui ait découvert comment le conserver, il y a de fortes chances que ce soit une femme qui ait découvert comment l’utiliser pour
cuisiner, et par conséquent pour faire fondre, pour rendre l’argile résistante, etc.) Après tout, les gardiens du “feu sacré” étaient des vestales...). Tout cela n’est pas le fruit du fantasme d’une féministe en vase clos, mais un très bref résumé des résultats de centaines de recherches très sérieuses, scientifiquement documentées et reconnues par les milieux universitaires. (pour une première recherche bibliographique, je recommande www.universitadelledonne.it sous la rubrique mythes/religions). LE RÔLE DES HOMMES Et que faisaient les hommes pendant ce temps ? Ils chassaient certainement, mais même ici, ils n’étaient pas seuls. La chasse, ne pouvant s’appuyer sur des armes élaborées, n’était pas une activité solitaire à l’époque préhistorique et devait donc être un événement collectif, auquel, selon toute probabilité, les femmes participaient également. Comme preuve de la présence des femmes également dans les forêts infestées par les bêtes, les nombreuses déesses de la chasse ont survécu dans les cultures patriarcales. Alors probablement que les hommes avaient aussi d’autres devoirs, mais toujours subordonnés au féminin d’une certaine manière. Ces systèmes de civilisations matrifocales ont commencé à entrer en crise vers 5000 avant J.-C., selon une évolution non linéaire et un modèle de taches de léopard, pour être ensuite définitivement supplantées par le modèle patriarcal vers 2000 avant J.-C. Il a fallu 3 000 ans pour que le processus de transaction soit mené à bien, non sans régurgitations et résistances, parfois acharnées et féroces. Ce qui s’est passé pendant ces 3000 ans, en pratique ce qui a provoqué ce renversement de pouvoir, serait un domaine d’étude intéressant qui sera certainement étudié dans les décennies à venir. LE DÉCLIN DES SOCIÉTÉS À PRÉDOMINANCE FÉMININE Dans ce cas, nous nous contenterons de suggérer quelques hypothèses. Tout d’abord : Si c’est le cas, si le patriarcat, c’est-à-dire si le patriarcat a été précédé par des dizaines de milliers d’années de culture féminine, et si le pouvoir sacré et inviolable de la Grande Mère a été déchiré par la colère et la violence d’une minorité soumise et frustrée après quelques millénaires de lutte, cela expliquerait l’acharnement avec lequel le nouveau pouvoir a systématiquement réprimé et discriminé le sexe féminin au cours des siècles suivants et jusqu’à nos jours, comment elle s’est obstinée à lui interdire tout accès à la culture, au savoir, au travail, à l’art, à la liberté de mouvement et de pensée, comment elle a réussi à gérer sa sexualité, à s’approprier sa capacité de reproduction et à le soumettre de toutes les manières possibles et imaginables. Franchement une détermination autrement difficile à comprendre, sinon avec la peur folle et inconsciente de répéter ce qui a
été si laborieusement conquis, et avec la conscience secrète et terrifiée de ce que la femme aurait pu faire si on l’avait laissée libre de se déplacer et de s’exprimer. Deuxièmement, les difficultés relationnelles généralisées qui existent encore aujourd’hui entre les hommes et les femmes semblent encore plus compréhensibles : peut-être sont-elles l’héritage de ces 3000 ans de luttes de pouvoir féroces ? Concluons par une réflexion : l’avènement du patriarcat, suivi par les trois grandes religions monothéistes, parmi les nombreuses conséquences qu’il a eues, a pillé à l’humanité un aspect fondamental pour l’équilibre mondial : la sacralité du principe féminin, le respect de cette Terre Mère dont dépend notre survie, et la reconnaissance de sa générosité. Quelques millénaires de patriarcat, brandissant le drapeau de la masculinisation de Dieu, ont apporté au monde des guerres et des destructions de toutes sortes, l’exploitation malfaisante des ressources, la déshumanisation de ses habitants, la perte de principes et d’espoir. Une fin peu glorieuse semble attendre au coin de la rue. Peut-être serait-ce le cas de rouvrir les portes et les cœurs de la Grande Mère, violés par les hommes et oubliés des consciences... Marta Franceschini BIBLIOGRAPHIE ESSENTIELLE Johann Jacob Bachofen (1815-1887) - Le matriarcat. Recherche sur la gynécocratie dans le monde antique dans ses aspects religieux et juridiques, 2 vol., sous la direction de Giulio Schiavoni, éditeur Giulio Einaudi, Turin 1988. UBERTO PESTALOZZA (Recteur Université de Milan) 1966- L’ETERNEL FEMINININ DE LA MEDITERRANEE MARJA GIMBUTAS, (Université de Californie, Los Angeles)1994 - LA LANGUE DE LA DEA - LES BIENS VIVANTS PIERRE DE MERILIN (Université de New York, Buffalo) - QUAND DIEU ÉTAIT UNE FEMME TILDE GIANI GALLINO (Université de Turin) - LES GRANDES MAMANS LUCIANA PERCOVICH (Université libre des femmes, Milan) - GRANDE MÈRE BELLES DISTORSIONS SARA MORACE - Origine de la femme : du matrisme au patriarcat - L’origine féminine de l’humanité. Dialogues, conférences, articles, (édité par Dario Renzi Sara Morace ) MARGARET R. EHREMBERG - Les femmes dans la préhistoire. HEIDE GOETTNER ABENDROTH - “Matriarchal societies - Studies on indigenous cultures of the world”, un texte monumental sur les communautés matriarcales existant encore dans le monde aujourd’hui, en rapport avec les modèles préhistoriques originaux. Le tome, 700 pages, contient 40 de bibliographie. Mais la liste des universitaires internationaux qui ont contribué à la découverte et à la recherche sur les civilisations anciennes serait très longue : Chandra Talpade Mohanty, Bell Hooks, Andrea Smith, Angela Davis, Anne McClintock, Pat Armstrong, Saba Mahmood, Sandra Harding, Patricia Hill Collins, Joan Scott, Linda Alcoff, Sonali Shah, Laura Maria Augustin... pour n’en citer que quelques-uns. Un article intéressant : http://www.centrostudilaruna.it/il-femminino-sacro-e-la-ricerca-dellunita-perduta.html
Le titre “Ma mère a donné naissance à mon père”, est tiré de l’aphorisme de Mansur Al-Hallaj, martyr soufi mort en 922 après JC.
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(suit de la page 5) les médicaments et l’alcool lui embrouillent l’esprit. Comme le révèle son journal, elle se trouve alors à l’agonie mentale. Les coups de pinceau incontrôlés et le corps sans membres dans Le cercle (1950) expriment sa détresse. Même ici, alors que la nature menace d’engloutir son torse, il subsiste néanmoins l’espoir que son corps soit accueilli dans les bras de cette terre mexicaine qui l’a nourrie. Quelle est la formation artistique de Frida Kahlo ? Qui lui a appris à peindre et à explorer ses idées ? Frida Kahlo n’a pas fait d’études artistiques. Son expérience est plus proche de celle des aspirantes artistes au cours des siècles pendant lesquels les femmes n’étaient pas autorisées à fréquenter les écoles d’art que de celle des artistes chevronnées du XXe siècle. Pendant la convalescence qui suit son accident de bus, sa mère lui offre de la peinture et fait placer un miroir au-dessus de son lit. C’est ce qui éveille la passion de Frida Kahlo. Son intérêt pour l’histoire de l’art, le fait que Diego Rivera reconnaisse son talent naturel et, sans aucun doute, ses premières ventes, lui donnent la confiance nécessaire qui l’incite à développer l’art que nous admirons tant aujourd’hui. Au fil du temps, son intelligence artistique innée s’est affûtée. L’art populaire, qu’elle et Diego Rivera respectaient profondément, ne lui fournit pas seulement un sujet, mais également un format : les “retablos”, comportant des explications écrites et dépeignant des scènes primitives où une intervention divine permettait de sauver des vies, offrent à Frida Kahlo un moyen de parler d’elle et de ses préoccupations. Pourquoi sa formation est-elle un facteur important à prendre en compte lorsque l’on étudie son œuvre ? Sa formation artistique sommaire pourrait nous amener à conclure que Frida Kahlo est une innocente inspirée, une sorte de Grandma Moses sexy. Mais il ne faut pas s’y fier. Avec son maigre bagage, elle est toutefois parvenue à présenter une vision originale. Aucun artiste ne travaille en dehors de son temps, certainement pas une artiste issue de la classe moyenne, dont le père est photographe, le mari mura-
liste, et qui fréquente en outre un cercle d’artistes. Pourtant, stylistiquement parlant, personne ne peut dire que Frida Kahlo se montrait vraiment à la page, avec ses marques de pinceau invisibles et son recours à sa propre image comme élément central de ses peintures pour éviter les pièges de compositions plus élaborées et de dessins plus précis. À vrai dire, l’origine de son talent réside dans ces restrictions. Sa poésie innée et sa vivacité visuelle l’amènent à user de diverses métaphores (elle se représente notamment en bébé à qui une femme portant un masque funéraire mexicain donne le sein). L’artiste français André Breton la qualifie par conséquent de surréaliste. Il s’exprime en ces termes : “L’art de Frida Kahlo est un ruban autour d’une bombe”. Frida: fusionner la Mexicanité avec le Socialisme L’historien Alejandro Rosas décrit le rapport de Frida Kahlo à la politique Quand nous parlons de Frida Kahlo, l’idée fausse la plus répandue est l’association de son travail avec la Révolution mexicaine. Rien ne pourrait être plus loin de la vérité : l’essence de Frida ne vient pas du conflit armé, mais plutôt du Mexique qui est apparu par la suite. Elle avait presque quatre ans lorsque Porfirio Díaz a démissionné de son poste de Président du Mexique en 1911 ; elle avait presque six ans lorsque le président Francisco Madero a été assassiné en 1913 ; et elle avait 7 ans quand les forces constitutionnalistes ont vaincu Victoriano Huerta et occupé Mexico en 1914. Frida Kahlo a eu 10 ans en 1917 - l’année même où la nouvelle constitution a été établie, consacrant finalement tous les principes qui avaient formé la base idéologique pour le conflit armé. La révolution mexicaine était comme un mauvais rêve qui accompagna Frida tout au long de son enfance ; une ombre qui allait et venait dans sa vie personnelle et familiale, créant un sentiment de malaise et d’incertitude. C’était une série de nouvelles isolées qui ont été rapidement oubliées face à ses luttes quotidiennes. La Maison Bleue a accueilli Magdalena Carmen Frieda Kahlo et Calderón le 6 juillet 1907. A cette époque, Coyoacán était une petite ville à la périphérie de la ville de Mexico, un lieu de repos et de détente qui maintenait son sentiment de tranquillité même après que la révolution éclate en 1910. À première vue, Coyoacán aurait dû être l’endroit parfait pour une enfance heureuse, mais la douleur et la souffrance ont marqué la vie de Frida dès le plus jeune âge. En 1913, elle a contracté la poliomyélite, une condition qui a miné son esprit et sa confiance, notamment parce qu’elle reçut le surnom de « Frida la boiteuse » à l’école. La maladie l’a isolée du monde extérieur. Devant ces insoutenables railleries, elle s’invente un ami imaginaire qui l’accompagne à travers la douleur. PALAZZI 8 VENEZIA
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La maladie était soigneusement traitée, mais ses conséquences dévastatrices étaient irréversibles. Sa jambe droite a subi de graves et durables dommages. Les finances de la famille ont également souffert au fur et à mesure que la révolution progressait, et il y eut des moments où ils durent réhypothéquer la maison, vendre leurs meubles et même louer des chambres pour s’en sortir. Plus tard dans la vie, la peintre se souviendra de l’époque, vers 1915, où les troupes d’Emiliano Zapata patrouillèrent Coyoacán et elle fut témoin de plusieurs affrontements entre partisans de Zapata (les « Zapatistes ») et de Venustiano Carranza (les « Carrancistes »). « Ma mère, se souvient Frida, ouvrait les fenêtres donnant sur la rue de Allende pour laisser entrer les Zapatistes. Elle s’assurait que les blessés et les affamés sautaient par les fenêtres de la maison dans le salon. Là, elle s’occupait d’eux et leur donnait des tortillas de maïs, qui étaient la seule chose à manger à Coyoacán à cette époque... » La famille Kahlo a connu la Révolution mexicaine comme la plupart des 15 millions d’habitants du pays en 1910 : en tant que témoins, par hasard, essayant de conserver leur normalité aussi longtemps que possible. Au moment où le combat armé s’achevait en 1917, la révolution ne signifiait rien pour Frida : c’était encore un très petit mouvement à cette époque, et les noms qui seraient plus tard écrits dans la légende comme Madero, Carranza, Villa, Zapata, ne signifiaient presque rien pour elle. La révolution fut le précurseur de la Mexicanité. Au début des années 1920, pour la première fois depuis son indépendance, le Mexique se voyait clairement : il découvrait ses racines et sa propre histoire, sa nourriture, ses arômes et ses couleurs, ses visages et ses différentes couleurs de peau, et sa musique, son folklore, ses coutumes et traditions. C’était une renaissance nationaliste et l’émergence d’une identité culturelle. La « Francisation » de Porfirio Díaz ne laissa aucun héritage. En 1921, via le Ministère de l’Éducation Publique, José Vasconcelos lance une croisade basée sur l’idée de la Mexicanité, pour laquelle il convoque écrivains, artistes et musiciens. Il offrit les murs des églises, des bâtiments publics et des écoles aux peintres pour qu’ils puissent raconter l’histoire du Mexique. Ces murs étaient remplis de symboles mexicains : flore et faune, volcans, lacs, ciels, costumes nationaux et ethnies différentes, tous avec une vision particulière de l’histoire du pays. On peut dire que Frida Kahlo a découvert le Mexique en 1922, quand elle a rejoint l’Escuela Nacional Preparatoria (École préparatoire nationale), étant l’une parmi seulement 35 femmes à s’inscrire dans cette institution renommée. Avec une passion d’adolescente, elle absorbait cette Mexicanité : un nationalisme qui a commencé avec la Révolution mexicaine, mais qui est allé bien au-delà. PALAZZI 9 VENEZIA
À cette époque, elle ne se considérait même pas comme une artiste, mais elle ne pouvait pas échapper au tourbillon mexicain qui balayait le pays sous le gouvernement d’Álvaro Obregón, se manifestant dans tous les domaines de la connaissance et de l’éducation. Ce n’est pas la révolution qui a inspiré Frida, mais la Mexicanité elle-même, qui s’est finalement ancrée dans sa conscience. Parallèlement à cette Mexicanité, les pensées de Frida et ses idées sur le monde ont également été influencées par une idéologie qui a atteint un sommet de popularité au début des années 1920 : le socialisme. Ses principes étaient arrivés au Mexique quelques années plus tôt et plusieurs idéologues de la Révolution mexicaine avaient secrètement diffusé son message. Cependant, le triomphe de la Révolution russe en 1917 et la création de l’Union soviétique en 1922 lui ont donné une impulsion définitive. Ce n’est pas un hasard si le Parti communiste mexicain a été fondé en 1919. Ce n’est pas non plus par hasard qu’à l’enterrement de Frida en 1954, au Palacio de Bellas Artes (Palais des Beaux-Arts), Diego plaça le drapeau du parti communiste sur son cercueil. Frida assimila les principes socialistes, qui correspondaient naturellement à la théorie nationaliste de l’époque. Elle participa à des groupes tels que « Los Cachuchas » (les Casquettes à visière) à l’Escuela Nacional Preparatoria (École nationale préparatoire) et rejoint plus tard la Ligue des jeunes communistes vers 1927. À partir de ce moment, la Mexicanité et le socialisme façonnèrent la pensée de Frida jusqu’à la fin de sa vie. Cela fut renforcé par sa relation intense avec Diego Rivera - communiste dans son âme qu’elle rencontra en 1928. Néanmoins, la Mexicanité, le socialisme et même certaines touches de la Révolution mexicaine n’étaient pas la plus grande source d’inspiration de Frida. Les origines de sa créativité remontent à 1925, lorsque l’autobus qu’elle prenait pour rentrer chez elle un jour fut heurté par un tramway. Son corps fracturé remplit sa vie de douleur jusqu’à la fin de ses jours. Alejandro Rosas Faces of Frida https://artsandculture.google. com/theme/frida
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ave Pollot est un artiste basé à New York qui est connu pour ses peintures d’économie d’art altérées. Il trouve des œuvres d’art non désirées et y ajoute sa propre touche - le plus souvent des parodies de la culture pop - et, ce faisant, il comble le fossé entre le classique et le pop art. Ses œuvres ont été exposées et ont trouvé leur place dans des galeries, des entreprises et des collections privées dans les 50 États et dans plus de 40 pays du monde entier. Son travail a attiré l’attention des médias tant aux États-Unis qu’à l’étranger, notamment Business Insider, Instagram et la chaîne SyFy, et ses entreprises clientes comprennent entre autres SONY, Instagram et Troegs Brewing Company. Lorsqu’il ne peint pas, on le trouve en train de passer du temps avec sa femme et ses deux chiens. “La peinture a toujours été un passe-temps pour moi, mais ce n’est qu’à partir de 2012 que j’ai commencé à réorienter l’art de l’économie que je l’ai fait avec une réelle cohérence. L’idée a commencé par une plaisanterie entre ma femme (qui adore faire du shopping dans les friperies) et moi, mais elle a rapidement évolué en une tentative de réponse à une question : Pourrais-je prendre une œuvre d’art non désirée, et sans en changer l’esthétique, en changer le sens en y peignant un peu de culture pop/nostalgie et la rendre désirable dans le monde moderne ? Depuis lors, j’ai également commencé à explorer un certain nombre de thèmes plus personnels dans mon travail. Par exemple, en utilisant des aliments populaires insérés dans des natures mortes pour représenter les distractions (mentales et matérielles) qui nous empêchent d’être présents et de nous concentrer sur l’endroit où nous sommes et sur ce que nous faisons. La peinture est maintenant devenue une sorte d’obsession pour moi. Si je passe trop de temps loin de mon chevalet, je commence à être très agité - j’aime décrire cela comme des démangeaisons de sang. Bien que j’aie toujours aimé peindre, je me suis souvent désintéressé de ce que je faisais avant même d’avoir terminé. Retravailler l’art trouvé s’est avéré être la réponse à ce problème.
DAVE POLLOT https://www.instagram. com/davepollotart/
Chaque nouvelle pièce présente un nouvel ensemble de défis, et apprendre à travailler dans une variété de styles et à maîtriser de nouvelles techniques a retenu mon attention. C’est aussi un défi intéressant que de développer un récit et de raconter une histoire avec une peinture - les arrière-plans fournissent le cadre que j’utilise pour construire une histoire. J’ai toujours aimé l’idée que l’art est profondément personnel. Je raconte ma propre histoire avec chaque œuvre, mais chacune est un peu comme un miroir, qui renvoie son sens au spectateur à travers sa perception individuelle. Plus généralement, cependant, il y a un certain nombre de questions et d’idées récurrentes que mon travail aborde souvent. Je pense que l’ensemble de mon travail a remis en question l’idée qu’une œuvre d’art n’a pas sa place, surtout si elle peut être réadaptée pour refléter un ensemble d’idées plus pertinentes sur le plan culturel. PALAZZI 10 VENEZIA
Il a également remis en question l’idée de qui (générationnellement et autrement) peut revendiquer la propriété de la culture pop d’une période donnée - il cherche à introduire un public plus jeune à des styles artistiques plus anciens, et un public potentiellement plus âgé à un ensemble plus large de culture pop”. La rédaction d’Artwave a eu le plaisir de l’interviewer pour découvrir ce qui se cache derrière ce parcours artistique plein de succès. Quand avez-vous senti que votre art était plus qu’un simple jeu ? Quand avez-vous réalisé que “c’est ce que je veux faire pour le reste de ma vie” ? Peu de temps après, j’ai recommencé à faire de l’art d’économie, que j’ai en fait commencé à peindre régulièrement, et bien qu’il y ait généralement un élément d’humour dans ce que je faisais, j’ai en fait commencé à le prendre au sérieux (en essayant d’améliorer ce que je faisais) assez rapidement. Quand je suis arrivé au point
où je passais autant de temps à penser à la peinture qu’à me concentrer sur mon travail, j’ai su qu’il était temps de penser à faire carrière de mon art. Quel était votre parcours? Avez-vous déjà reçu une formation artistique avant de devenir artiste ? J’ai toujours peint pendant mon temps libre, mais je n’ai jamais eu de formation formelle. En fait, je suis allé à l’université d’informatique et j’ai ensuite passé la plupart des quinze années à écrire des logiciels pour gagner ma vie. Pendant les six ou sept dernières années, j’ai passé presque toutes les nuits et tous les week-ends à repeindre des œuvres d’art abandonnées. Il y a deux ans, j’ai fait le saut vers le statut d’”artiste à plein temps”. Y a-t-il eu des artistes dans votre carrière qui vous ont inspiré ? J’ai toujours été inspiré et motivé par d’autres artistes. J’ai grandi en aimant les œuvres des vieux maîtres, Van
populaire dans mon travail. Je crois fermement que l’art peut être un miroir impressionnant pour refléter l’expérience partagée qu’est la culture populaire. En janvier, il y aura une de vos expositions ici en Italie, dites-nous en plus. Bien que je ne puisse pas encore donner trop de détails, je peux dire qu’il s’agira d’une version imprimée en édition spéciale avec la galerie PlanX. Je suis très enthousiaste. L’art classique, la Renaissance et l’art contemporain rencontrent l’époque moderne et les personnages qui l’animent, créant un monde unique et les limites de la réalité. Les œuvres de Dave Pollot séduisent le grand public par leurs compositions et leurs couleurs vives. L’artiste américain nous a donné, et continue de nous donner, certaines des visions les plus récentes et les plus brillantes des tableaux les plus célèbres du monde. La rédaction d’Artwave a eu le plaisir de l’interviewer pour découvrir ce qui se cache derrière ce parcours artistique plein de succès. Vanessa Morolli https://www.artwave.it/arte/ dallestero/intervista-a-davepollot-il-re-della-thrift-art/ Gogh, Picasso, etc., mais j’ai aussi appris à aimer tant d’artistes contemporains. C’était merveilleux de découvrir de nouveaux artistes sur des plateformes sociales comme Instagram. Michael Reeder, Brent Estabrook, James Jean et bien d’autres m’ont inspiré à me pousser au-delà de ma zone de confort. Vous utilisez des éléments extrêmement commerciaux dans vos natures mortes et plus généralement dans vos compositions. Quelle est l’importance du processus de sélection des œuvres à reproduire et des éléments à insérer ? Par où commencer ? Ce processus est incroyablement important pour la pièce finie, surtout avec les œuvres les plus récentes que j’ai réalisées. Chaque élément ajouté est censé représenter un processus mental, et chaque arrière-plan est choisi spécifiquement pour son esthétique - qui devrait être mise en valeur par les éléments que j’ajoute. Ces éléments, à leur tour, sont
faits pour être rendus plus beaux par leur environnement. En général, je commence par une idée ou un concept, mais à partir de là, c’est un mélange de choix d’un arrière-plan d’abord, et d’autres fois, de choix des éléments que j’ajouterai, puis de choix d’un arrière-plan pour les ajouter. Le choix d’utiliser des objets plus reconnaissables commercialement dans ces arrière-plans est important, car ils représentent souvent des pensées / distractions si envahissantes qu’elles deviennent ce quelque chose d’invisible que vous ne pouvez même pas reconnaître comme une distraction. Vous sélectionnez des éléments qui représentent des distractions qui ne nous permettent pas d’être vraiment présents. Votre vision peut-elle être considérée comme une dénonciation de la mondialisation ou, plus simplement, comme une vision du monde sarcastique, qui vise à nous ouvrir les yeux sur notre société ? Je ne pense pas que ce soit ça.
Mon art est souvent un aimable rappel (très souvent pour moi) que l’équilibre dans la composition de nos vies est d’une importance vitale. Quand je me sens équilibré, chaque élément rend les autres plus beaux. Ce n’est que lorsque je lâche le contrôle sur l’un ou l’autre que tout souffre. Y a-t-il une œuvre à laquelle vous êtes plus attaché ? Et pourquoi cela ? Il y a un tableau que j’ai fait et auquel je suis attaché sentimentalement. C’est une peinture d’une scène océanique avec un gros bouchon provenant d’une vieille baignoire en fonte. C’est pour me rappeler d’où je viens. Dans vos œuvres, vous préférez certains personnages et certains matériaux. Quels sont vos préférés ? En général, je préfère les choses qui, pour moi, sont nostalgiques d’une manière ou d’une autre, mais j’ai également commencé à faire référence à d’autres éléments, moins familiers (pour moi) à la culture PALAZZI 11 VENEZIA
’ai toujours aimé l’idée que l’art est profondément personnel”, dit l’artiste. “Je raconte ma propre histoire avec chaque pièce, mais chacune est un peu comme un miroir, qui renvoie son sens au spectateur à travers sa perception individuelle. Plus généralement, cependant, il y a un certain nombre de questions et d’idées récurrentes que mon travail aborde souvent. Je pense que l’ensemble de mon travail a remis en question l’idée qu’une œuvre d’art n’a pas sa place, surtout si elle peut être réadaptée pour refléter un ensemble d’idées plus pertinentes sur le plan culturel. Il a également remis en question l’idée de qui (générationnellement et autrement) peut revendiquer la propriété de la culture pop d’une période donnée - il cherche à introduire un public plus jeune à des styles artistiques plus anciens, et un public potentiellement plus âgé à un ensemble plus large de culture pop”.D.Pollot
HISTOIRE DE L’ART
9 clés
pour comprendre l’expressionnisme allemand PAR PHILIPPE PIGUET L’ŒIL
MUSEE MARMOTTAN MONET Le magnifique hôtel particulier de Paul Marmottan au décor Empire préservé abrite aujourd’hui le musée Marmottan Monet. Outre ses collections haute époque (peintures, sculptures, enluminures) et Empire, il est l’écrin du premier fonds mondial d’œuvres de Claude Monet et de Berthe Morisot. Haut lieu de l’impressionnisme, il conserve également de nombreux chefs-d’œuvre signés Delacroix, Boudin, Manet, Degas, Caillebotte, Sisley, Pissarro, Gauguin ou encore Rodin. Chagall représente l’époque Moderne.
https://www.marmottan.fr/
Photo Simon Gillespie Studio
https://www.lejournaldesarts.fr/expositions/9-cles-pour-comprendre-lexpressionnisme-130447
ODD NERDRUM dd Nerdrum naît en Suède où ses parents résistants s’étaient réfugiés Il étudie la peinture traditionnelle et classique à l’Art Academy d’Oslo avant de compléter cette éducation à l’académie des beaux-arts de Düsseldorf, auprès de Joseph Beuys. “En choisissant ces qualités si étrangères à mon époque”, a déclaré Nerdrum à propos de son sujet, “j’ai dû abandonner... l’art de notre époque... j’ai dû peindre au mépris de ma propre époque”. Nerdrum a fait valoir que son travail est plus kitsch que l’art ; son manifeste On Kitsch a contribué à consolider l’agenda d’un groupe d’artistes qui lui sont associés, qui ont rejeté le concept et ont embrassé la narration, l’émotion et le romantisme. Les vieilles hypothèses nihilistes sur Nerdrum ne suffiront pas pour un travail qui les a dépassés. Malheureusement, lors d’une exposition de peintures récentes à la galerie Forum, une remarque vieille de dix ans attribuée à Donald Kuspit a été utilisée pour inaugurer l’exposition. Citant l’Utopie et la Tragédie de George Frankl, Kuspit a écrit que Nerdrum “nous montre... notre impuissance et notre sentiment de futilité dans un monde qui se passe sans nous et ne tient aucun compte de nos jugements et de nos aspirations”. Il nous montre à quel point nous sommes devenus inutiles”. Si cette observation était parfaitement valable il y a dix ans, en tant que formule d’interprétation des nouvelles œuvres, elle échoue de façon catastrophique. Bien qu’il ne fasse aucun doute que la motivation de Nerdrum pour la peinture soit en grande partie liée à ce que Kuspit appelait “les blessures de notre narcissisme”, une fois que le centre d’intérêt des œuvres dérive des blessures et de l’amertume du passé, les peintures prennent un caractère altruiste qui désarme et réchauffe. Le moi irréductible, la promesse de l’enfant, l’éternité à l’horizon, le voyage nocturne transformateur - dans un monde fictif tel que celui de Nerdrum, qui a si souvent exprimé la perte, l’aliénation et la destruction, ces thèmes rédempteurs sont d’autant plus frappants. Dans les premières images, le chant de la rédemption commençait presque comme un murmure ; dans les œuvres plus récentes, il commence à résonner plus clairement et plus fort, résonnant de grâce et d’espoir. Nerdrum a déclaré : “Je ne crois pas que l’homme soit bon, mais qu’il peut devenir bon”. Comme les personnages qui observent l’étrange horizon dans ses tableaux, la déclaration de Nerdrum est pleine de nostalgie ; les personnes de ses tableaux ne fixent pas bêtement au loin, mais regardent avec attente et un profond désir. Ils assistent, comme l’a observé Pettersson, “avec des yeux très différents des nôtres”, à une scène lumineuse et étonnante. https://imagejournal.org/article/second-horizon-changing-vision-odd-nerdrum/ PALAZZI 12 VENEZIA