Les nouvelles règles
en matière d’imposition d’après la dépense PHILIPPE KENEL, PYTHON & PETER
Dans une période tumultueuse où certains milieux tentaient par des initiatives cantonales et fédérale de supprimer l’imposition d’après la dépense, le parlement a décidé, à juste titre, le 28 septembre 2012 de durcir les conditions de cette forme d’imposition afin d’en assurer la survie.
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vant de présenter le contenu de cette réforme, il sied de souligner que les anciennes règles continueront à s’appliquer jusqu’au 31 décembre 2020 aux forfaitaires déjà présents en Suisse au 31 décembre 2015, et que les nouvelles s’appliquent immédiatement aux personnes arrivées en Suisse après le 1er janvier 2016.
G É R A N T S D E PAT R I M O I N E S : L’ E N V I R O N N E M E N T
La première nouveauté a trait aux personnes pouvant bénéficier de l’imposition d’après la dépense. A partir du 1er janvier 2016, seuls les contribuables n’ayant pas la nationalité helvétique peuvent revêtir la qualité de forfaitaire. La situation des Suisses et des couples dont l’un est un ressortissant helvétique et l’autre a une nationalité étrangère a été modifiée par la réforme. En effet, sous l’ancien droit, les Suisses qui satisfaisaient les autres conditions légales pouvaient bénéficier de l’imposition d’après la dépense durant l’année en cours lors de leur retour en Suisse. De même, la question n’étant pas réglée par la législation, l’Administration fédérale des contributions admettait que lorsqu’un seul des époux avait la nationalité suisse, les deux conjoints avaient droit à l’imposition d’après la dépense. Ces deux possibilités ont été supprimées par le Parlement. DES PLANCHERS EN HAUSSE La deuxième réforme a trait au calcul du plancher minimum de dépenses du contribuable. Sous l’ancien droit, le montant des dépenses ne devait pas être inférieur au quintuple de la valeur locative du logement occupé par le contribuable. A partir du 1er janvier 2016, il s’agit du septuple. Par conséquent, si un forfaitaire loue un appartement CHF 6’000.– par mois, le seuil minimum de dépenses ne sera plus de CHF 360’000.– (6’000 x 12 x 5), mais de CHF 504’000.– (6’000 x 12 x 7). Par ailleurs, jusqu’au 31 décembre 2015, la législation fédérale ne contenait aucun montant de dépenses minimum. Or, selon les nouvelles règles, le montant des dépenses pris en considération pour le calcul de l’impôt fédéral direct ne peut pas être inférieur à CHF 400’000.–. Les cantons auront, quant à eux, l’obligation de fixer un seuil minium dans leur législation cantonale pour les impôts communaux et cantonaux. Par exemple, bien que ces montants ne soient pas encore définitivement en vigueur au moment où le présent article est rédigé, ce montant devrait être de CHF 400’000.– dans les cantons de Genève et Vaud et de CHF 250’000.– en Valais.
L’ATTRACTIVITÉ SUISSE CONSERVÉE Enfin, il était admis sous l’ancien droit que l’impôt calculé sur la dépense du contribuable remplaçait aussi bien l’impôt sur le revenu que celui sur la fortune. Or, tel n’est plus le cas actuellement puisque le législateur a prévu qu’à partir du 1er janvier 2016, il appartenait aux cantons d’élaborer, en plus de l’impôt à forfait, une méthode permettant de considérer que l’impôt d’après la dépense couvre également l’impôt sur la fortune. La majorité des cantons ont prévu de fixer un montant de fortune minimum auquel est appliqué le taux de l’impôt sur la fortune, alors que d’autres ont opté pour une augmentation du montant des dépenses, somme à laquelle est appliquée le taux de l’impôt sur le revenu. Quelle que soit la méthode adoptée, il ne s’agit pas de l’imposition de la fortune réelle du contribuable que ce dernier n’a toujours pas l’obligation de dévoiler.
[ Il appartient aux cantons d’élaborer
une méthode permettant de considérer que l’impôt d’après la dépense couvre également l’impôt sur la fortune. Mais quelle que soit la méthode adoptée, il ne s’agit pas de l’imposition de la fortune réelle du contribuable que ce dernier n’a toujours pas l’obligation de dévoiler
]
Si cette réforme a comme corollaire de renchérir le montant d’impôts dû par les forfaitaires, elle a contribué dans une grande mesure à préserver l’impôt d’après la dépense qui continue à donner à la Suisse un côté attractif pour les personnes fortunées étrangères.
PHILIPPE KENEL Avocat et docteur en droit, Me Philippe Kenel est associé au sein du Cabinet Python & Peter. Il est spécialisé dans la planification fiscale, successorale et patrimoniale, et plus particulièrement dans la délocalisation des personnes fortunées en Suisse et en Belgique. Me Philippe Kenel est également président de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) en Suisse et président de la Chambre de Commerce Suisse pour la Belgique et le Grand-Duché de Luxembourg. www.philippekenel.ch
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