Voyageurs au Japon

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V O YA G E U R S A U J A P O N & EN CORÉE DU SUD

TO K YO — K YOTO — O S A K A — H O KK A I D O — O KI N AWA — K Y US H U SÉOUL — GYEONGJU — BUSAN — ÎLE DE JEJU…

voyageursdumonde.com


Les Cités des Voyageurs Paris 2e

Marseille 1 er

Bordeaux

Montpellier

Bruxelles

Montréal

Genève

Nantes

Grenoble

Nice

Lausanne

Québec

Lille

Rennes

Londres

Rouen

55, rue Sainte-Anne +33 (0)1 42 86 16 00

28, rue Mably +33 (0)5 57 14 01 48

23, chaussée de Charleroi +32 (0)2 543 95 50

19, rue de la Rôtisserie +41 (0)22 519 12 10

16, boulevard Gambetta +33 (0)4 76 85 95 90

Rue-de-Bourg, 6 +41 (0)21 519 10 65

147, boulevard de la Liberté +33 (0)3 20 06 76 25

First Floor 111 Upper Richmond Road, Putney (SW15 2TL) +44 (0)20 7978 7333

Lyon 2

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5, quai Jules-Courmont +33 (0)4 72 56 94 56

25, rue Fort-Notre-Dame +33 (0)4 96 17 89 17

8, rue du Palais des Guilhem +33 (0)4 67 67 96 30

295, rue de la Commune Ouest +(1) 514 722 0909

13, rue du Moulin +33 (0)2 40 20 64 30

4, rue du Maréchal Joffre +33 (0)4 97 03 64 64

540, rue Champlain +(1) 418 651 9191

31, rue de la Parcheminerie +33 (0)2 99 79 16 16

17-19, rue de la Vicomte +33 (0)2 32 10 82 50

Strasbourg

16, rue Sainte-Barbe +33 (0)3 88 15 29 48

Toulouse

26, rue des Marchands +33 (0)5 34 31 72 72

Voyageurs au Japon 01 84 17 19 48 Voyageurs en Corée du Sud 01 84 74 37 27 Retrouvez toutes nos idées de voyage sur voyageursdumonde.com


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édito

Inaltérable. La fascination qu’inspire le Japon semble sans limite. La cool frénésie de Tokyo, l’anticonformisme d’Osaka, la poésie des Alpes, les îles insoupçonnées : chaque kilomètre carré de l’archipel est un prétexte au voyage. Sans doute parce que la destination répond à l’un des principaux graals du voyageur : la perte de repères. Avec toujours pour métronome l’esthétisme, le sens du détail et la créativité folle, celle d’une Yayoi Kusama ou d’un Hayao Miyazaki. Face à cela, la Corée du Sud ouvre un nouveau dialogue passionnant. À la fois sur la même longueur d’onde, et disposant presque d’un pas d’avance sur son voisin. La démesure poétique de Séoul y est pour beaucoup, l’expression architecturale si contemporaine de Jeju, l’île par excellence, également. Rappelant au passage le lien sacré qui, comme au Japon, unit l’humain au sauvage. JEAN-FRANÇOIS RIAL Pdg de Voyageurs du Monde


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Cartographie Le Japon et la Corée du Sud en un clin d’œil.

L’esprit Voyageurs du Monde Notre façon d’aborder le monde.

Les services Nos attentions pour voyager en toute fluidité.

Portfolio La poétique de l’émotion selon la photographe Rinko Kawauchi.

Book lovers Une sélection des libraires Voyageurs du Monde.

© Nuria Val & Coke Baratrina

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Sommaire Voyageurs au Japon et en Corée du Sud

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City guide – Kyoto Une ancienne cité impériale poétique et hors du temps.

À table Pratiqué depuis plus d’un millénaire, l’art de la fermentation passionne gourous et grands chefs.

Contre-culture “Ninjas pop” : des célébrités japonaises et sud-coréennes à (re)découvrir…

26 Le Kumano Kodo Ses chemins de pèlerinage invitent à la rêverie méditative.

28 Tokyo À la fois cool et futuriste, la mégalopole se découvre par ses interstices.

36 Les Alpes japonaises Le Japon a son mont Blanc, où l’on flâne au gré de vallées et villages authentiques.

38 City guide – Osaka Gouailleuse, Osaka n’est pas réputée pour son austérité. Bienvenue dans la cité radieuse.

42 Hokkaido

Climat extrême, paysages lunaires, Hokkaido la Nordique offre un visage méconnu de l’archipel.

52 Kyushu Riz, chanvre, bambous, onsen et randonnées sur une île tranquille.

54 Okinawa Un éden tropical, paradis des plongeurs, surfeurs et autres beach lovers.

58 Portrait À plus de 80 ans, Hayao Miyazaki, le maître de l’animation japonaise, continue d’insuffler sa philosophie humaniste et sensible.

62 La mer intérieure de Seto Des îles aux trésors, peuplées d’œuvres d’art et d’habitants heureux. Le pari fou d’un honorable mécène.

72 La Corée du Sud

Tantôt disruptive et survoltée, tantôt d’un protocolaire qui confine à l’excès, la Corée du Sud du XXIe siècle est le reflet de son histoire tumultueuse.

80 Architecture – Corée du Sud L’île sauvage de Jeju, au sud de la péninsule coréenne, est devenue en l’espace de vingt ans, un pôle magnétique d’art et d’architecture.

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L’usage du monde Do you speak japonais ?


CORÉE DU NORD

RUSSIE

Cartographie

Sapporo

Lac Tazawa

Lac Towada

Aomori

Noboribetsu

Furano

Sounkyo

Asahikawa

Shikotsuko

Hakodate

Niseko

Otaru

Wakkanaï

ÎLE D’HOKKAIDO

Lac Akan Kushiro

Lac Kussharo

Abashiri

Utoro Onsen


Mokpo

Gwangju

Gangneung

Mont Seorak

Fukue

Ojika

ÎLE DE YAKUSHIMA

Shimanto

Kobe

ÎLE DE SHIKOKU

Kòchi

CHUBU

Île de Sado

Magome Tsumago

Fukui Takayama

Kanazawa

Shizuoka

Shuzenji

Mont Hakone Fuji

Quelques repères • Vols directs Paris-Tokyo & Paris-Séoul : environ 14 heures, via le Pôle Nord • Décalage horaire : + 7 heures avec Paris (8 heures en hiver) • Population 2023 (en millions d’hab.) Japon : environ 122,4 Corée du Sud : environ 52 • Points culminants : au Japon, le majestueux mont Fuji domine avec 3 776 m. d’altitude, quand le mont Halla, sur la coréenne île de Jeju, atteint 1 950 mètres • Îles : l’archipel du Japon est composé de 6 852 îles, dont seules 430 sont habitées. La Corée du Sud en compte environ 3 300.

Yunomine Onsen Kii-Katsuura

Osaka Nara Mont Koyasan Ise

TOKYO Kawaguchiko Kamakura

Ishigaki Taketomi

Iriomote

Onna Naha

Miyako

ÎLE D’OKINAWA

ÎLE D’HONSHU

Matsushima Sendai

TOHOKU

JAPON

Niigata

Zao Onsen

Tsuruoka

Nikko Toyama Gokayama Bessho Onsen KANTO Matsumoto Shirakawago Kamikochi

Wajima

Lac Biwa Nagoya

KANSAI Kyoto

Otsu

Amanohashidate Kinosaki Onsen

Tottori

OCÉAN PACIFIQUE NORD

ÎLE DE Miyazaki KYUSHU

Takachiho

Kurokawa Onsen Kumamoto

Mont Aso

CHUGOKU

Matsue Izumo

Îles Oki

Naoshima Okayama Hiroshima Onomichi Île Awaji Hagi Miyajima Takamatsu Iwakuni Tokushima Matsuyama Yufuin

Fukuoka

Kagoshima

Karatsu Imari

Nagasaki

Busan

Gyeongju

CORÉE DU SUD

Suncheon

ÎLE DE JEJU

Jeung-do

Jeonju

SÉOUL

MER DU JAPON

Hiraizumi Ginzan Onsen

Morioka Akita Kakunodate


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invitation au voyage

Chaque jour, nos conseillers spécialisés par pays ou par région créent des expériences uniques, doublées d’une pléiade de services haut de gamme. Aborder le monde par son envers, dévoiler le véritable visage des destinations, composer des voyages personnalisés selon les envies de chacun : tel est l’esprit de Voyageurs du Monde.

250

conseillers, dont 21 dédiés au Japon et 10 à la Corée du Sud. Passionnés venus de tous les horizons ou natifs du pays, ils sont une formidable source d’inspiration.

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nationalités représentées chez nos salariés. Une façon d’insuffler une vision du monde respectueuse des différences culturelles.

130 100 % 120 concierges à travers le monde, dont 4 sur le Japon et 1 à Séoul (Corée du Sud), veillent sur vous et exaucent vos souhaits à chaque instant.

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carbone neutre La totalité des émissions de CO2 liées à nos voyages est absorbée grâce à divers projets de reforestation dans le monde.

différence. Le budget que vous fixez avec votre conseiller sera respecté au plus juste. Une fois votre devis validé, aucuns frais supplémentaires ne sont à prévoir.

2 700

arbres plantés chaque jour : une action parmi les nombreux projets environnementaux et humanitaires soutenus par notre fondation Insolite Bâtisseur-Philippe Romero.

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pays, des grands classiques aux régions plus confidentielles, Voyageurs du Monde peut vous emmener partout sur la planète.

Cités des Voyageurs : 13 en France, 2 en Suisse, 1 en Belgique, 1 à Londres et 2 au Canada. Des lieux accueillants où le voyage commence déjà.

maisons Voyageurs qui racontent chacune une part de l’histoire du pays. Le Steam Ship Sudan et la Flâneuse en Égypte, la Villa Bahia au Brésil, la Villa Nomade à Marrakech et la Satyagraha House à Johannesburg.


Voyageurs au Japon et en Corée du Sud Conciergerie L’équipe conciergerie francophone Voyageurs au Japon est un intermédiaire précieux dans un pays dont souvent on ne maîtrise ni la langue, ni les codes. Ultraréactive et attentionnée, notre conciergerie sait résoudre les situations d’urgence et les imprévus. Toujours prête à vous aiguiller et à partager ses suggestions selon le lieu où vous vous trouvez. Réserver une bonne table à Osaka, déguster les cocktails du bar le plus confidentiel de Séoul (avec seulement huit invités par soirée)… Jamais voyager n’a été aussi facile.

Like a friend La meilleure façon imaginée par Voyageurs du Monde pour aller à l’essentiel d’une ville ou d’un quartier consiste à vous faire accompagner par un habitant francophone. La découverte prend alors un tout autre goût, orientée selon vos envies ou sur un thème particulier dont votre hôte maîtrise les ficelles (l’architecture, la photo, la gastronomie). Au Japon et en Corée du Sud, vous profitez de son expérience et de ses bonnes adresses. Une approche inégalable.


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invitation au voyage

Les services Voyageurs du Monde Ring the bell

Zéro carbone

Réserver la bonne table, obtenir une visite privée, trouver une baby-sitter : notre conciergerie francophone locale répond in situ à vos envies. Son rôle est aussi d’anticiper vos attentes et de vous suggérer des idées.

Pour lutter contre le réchauffement climatique, Voyageurs du Monde participe à des projets de reforestation qui permettent l’absorption carbone sur la totalité des voyages.

Like a friend

Assistance 24/24

Un(e) habitant(e) des lieux propose une balade informelle, adaptée à vos centres d’intérêt. Partageant conseils et bonnes adresses, vous êtes informé sur les mœurs locales. Un moment décontracté et enrichissant.

Jour et nuit, quel que soit le décalage horaire, l’assistance vous aide à trouver une solution aux aléas logistiques, administratifs, médicaux, voire mécaniques. Avant le départ, vous pouvez échanger avec notre médecin Voyageurs.

Fixeur

Dans la poche

Destiné à apporter un éclairage pointu (politique, religieux, économique, social) sur la destination, ce correspondant local vous ouvre les arcanes du pays. Pour un voyage ponctué de rencontres rares, obtenues grâce à un solide réseau.

L’appli Voyageurs du Monde reprend le déroulé jour par jour de votre voyage, et le détail de vos hébergements. Intuitive et fluide, elle joue les guides malins en compilant des adresses personnalisées et géolocalisées.


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invitation au voyage

Bonnes adresses

Simples formalités

Disponible via l’appli et dans votre carnet de voyage, cette sélection ajustée à ce que vous aimez pointe au fil du parcours les bons spots par genre (restaurants, boutiques, musées…).

Pré-réservation de votre siège, cartes d’embarquement reçues la veille, transferts aéroports sur demande… : vos formalités courantes en un clin d’œil.

Wifi nomade

Fast-track aéroport

Même coupé du monde, rien n’interdit de communiquer. Sur certaines destinations, un mini-routeur wifi (ou une eSIM) est mis à votre disposition pour connecter jusqu’à 5 terminaux au réseau (1 GO/jour inclus).

À Roissy-CDG, passage prioritaire (enregistrement, contrôles) inclus au départ pour les passagers de vols long-courriers (sur demande au retour). Notre assistance vous accompagne jusqu’à l’embarquement.

Welcome !

Accès aux salons lounge

Arrivée matinale ou départ tardif, Voyageurs du Monde négocie avec vos hôtels afin que vous obteniez/conserviez votre chambre à votre convenance. Sur certaines escales, une chambre à la journée peut être prévue.

Au départ de CDG, sur les vols éligibles, le lounge vous est ouvert. Un autre salon peut vous être réservé : les contrôles (police et sûreté) y sont effectués en privé. Enregistrement, carte d’embarquement et accès direct au pied de l’avion sont organisés pour vous.

Assurance dédiée Gérer les problématiques d’assurances devient très vite insupportable lorsque l’on subit déjà le stress de l’incident. L’équipe dédiée Voyageurs du Monde s’occupe des démarches à votre place : réactivité, fluidité et “destress” garantis !

Miles cumulés Chaque voyage réservé chez Voyageurs du Monde permet de cumuler des miles sur le programme Flying Blue. Un bonus de 1 000 miles lors des trois premiers voyages et de 10 000 miles à partir du quatrième.


portfolio

POÉTIQUE DE L’ÉMOTION

Née en 1972, la Japonaise Rinko Kawauchi est l’une des photographes les plus reconnues de sa génération. Laissant une grande part à l’imagination, elle saisit toute la sensualité d’objets ou de moments du quotidien – l’écorce fendue d’une pastèque, l’explosion de pétales, le jaillissement d’un feu d’artifice… Saturation des couleurs, shootings nocturnes, gros plans qui intensifient la matière, elle imprime à ses images une énergie qui resterait invisible à l’œil nu. Une esthétique digne de l’iki, cette sophistication qui affleure dans l’acte d’observation et d’appréciation de la nature.

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librairie

Book lovers Classique, en phase de mutation ou d’aujourd’hui, le Japon a toujours offert de précieux récits. Une sélection des libraires Voyageurs du Monde.

Beau livre

Japon – À pied sous les volcans de Nicolas Jolivot Hongfei Parcourir Kyushu à pied. Durant un mois, l’auteur s’est livré à une expédition intime à travers l’île la plus au sud du Japon. En résulte ce magnifique carnet grand format et illustré, véritable invitation au voyage et très beau moment de lecture. Paysages et quotidien des habitants installés sur les pentes du mont Aso, le plus vaste des volcans japonais, se découvrent ici d’une façon inédite.

BD

Furari de Jirô Taniguchi Casterman

Roman

Food

Je suis un chat de Natsume Soseki

Un sandwich à Ginza de Yôko Hiramatsu

Gallimard

Picquier

Paru sous forme de feuilleton à partir de 1905 dans le magazine Hototogisu, Je suis un chat est, sous les traits d’un matou perdu, une critique acerbe et souvent très drôle, de la société japonaise en pleine mutation. Adopté par un professeur d’anglais, le fameux chat a tout loisir de l’observer lui et ses congénères qui, bien malgré eux, se ridiculisent dans cette course à l’occidentalisation. Un classique de la littérature nippone par un auteur phare de l’ère Meiji (1868-1912).

La cuisine, le goût, les saveurs comme autant d’outils sociologiques pour comprendre le rapport des Japonais à la nourriture. Et l’on est bien servi avec l’écrivaine gastronome, qui de Tokyo, Osaka, Kamakura, en passant par Narita, nous fait découvrir moults restaurants, petits quartiers et spécialités. Pour ne rien gâcher, ce voyage culinaire est ponctué des illustrations de Jirô Taniguchi – on pense inévitablement à son Gourmet solitaire, publié en 1997. Un régal.

Essai

Les Japonais de Raphaël Languillon-Aussel Ateliers Henry Dougier

Sur les pas d’un homme qui a entrepris de mesurer sa ville, Edo, l’ancien Tokyo. Ino Tadataka, cartographe humaniste du XIXe siècle, doit dresser la première carte moderne du Japon. Poète, il s’émerveille d’un rien, de tout – prétexte pour l’incontournable mangaka à composer un recueil de promenades contemplatives aux dessins en noir et blanc fins et élégants.

Quelle meilleure façon pour découvrir le Japon que d’aller à la rencontre des Japonais… Et de constater la diversité de leurs profils, à l’encontre du cliché d’un peuple lisse et homogène. L’auteur est ainsi allé récolter la parole de 23 d’entre eux – d’un manager de bar gay à Tokyo, à un membre de la communauté chrétienne des Îles Goto. Idéal pour une première approche du pays.

La librairie Voyageurs du Monde Un passage obligé ! On y trouve tout pour préparer son voyage. Cartes géographiques, atlas, guides, albums photo, littérature d’aventure, polar, bd… Nos libraires passionnés sont là pour vous orienter et vous conseiller. 48, rue Sainte-Anne, Paris IIe


Culture à la page Dans les petits papiers d’Ito-Ya Le raffinement au Japon n’est plus à démontrer. Estampes, ikebana, cérémonie du thé, calligraphie… : nombreux sont les domaines à se parer de grâce. La papeterie s’élève elle aussi au rang d’art du quotidien. Ainsi, Ito-Ya, concept-store tokyoïte historique, est un passage obligé. Fondée en 1904, l’enseigne est une véritable institution située dans le quartier chic et moderne de Ginza. Deux bâtiments s’y font face (G.Ito-Ya et K.Ito-Ya) qui comptent au total vingt étages. Dans le temple qu’est G.Ito-Ya, chacun des douze niveaux est dédié à un rayon – notons ceux consacrés aux stylos plumes, au papier washi, au scrapbooking, ou un autre, sublime, aux planisphères. Et le choix de cartes de vœux, d’agendas, de papier à origami donne le tournis. Par chance, le dernier étage offre une pause salvatrice au Café Stylo, où l’on peut déguster salades et légumes verts cultivés dans la ferme hydroponique (hors sol) située à l’étage du dessous ! www. ito-ya.co. jp/ginza


© Letizia Le Fur


city guide

KYOTO ZEN

ENTRE TEMPLES ET JARDINS

Cité traditionnelle par excellence, seule ville épargnée par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale et par la bombe atomique, Kyoto cultive dans ses jardins temples bouddhistes et sanctuaires shintoïstes. Des espaces hors du temps et poétiques tout indiqués pour atteindre la sérénité.

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city guide - kyoto

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’aube n’est pas encore levée. Dans une petite salle au plafond bas, éclairée par des bougies de cire jaunie, les bonzes psalmodient les sutras. Les volutes d’encens forment des nuages bleutés et vous vous laissez bercer. Tout à l’heure, le père prieur vous offrira un frugal petit déjeuner, puis vous pourrez assister à un atelier de zazen (la méditation assise). Dehors, les pétales des arbres en fleurs couvrent le jardin d’une neige parfumée. Le soleil fait briller les shōji, portes coulissantes en papier de riz, et danser des ombres mordorées sur le lourd mobilier en bois du temple. Bien que l’hébergement soit traditionnellement réservé aux pèlerins, certains religieux à Kyoto accueillent les étrangers curieux de se familiariser avec la vie des moines. Mais l’ascèse n’est pas un passage obligé. Se laisser porter au fil de temples sortis de films de samouraïs et de jardins diaphanes est déjà une belle introduction à la spiritualité japonaise. Seule grande agglomération de l’archipel épargnée par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale, l’ancienne cité impériale a conservé les 1 600 temples bouddhistes et les 400 sanctuaires shintoïstes édifiés au fil des siècles. Pourtant, la plupart des Japonais affirment qu’ils n’ont pas de religion. Mais ils ne se privent pas de célébrer des fêtes chrétiennes comme Noël, de se marier dans les sanctuaires shintô ou de célébrer leurs défunts au temple. Comme dans un repas kaiseki, dont aucun plat n’est considéré comme plus important que les autres, les Nippons pratiquent les deux cultes indifféremment : le shintoïsme s’occupe des événements heureux de la vie, le bouddhisme de la mort et de la réincarnation.

À Kyoto, il n’est pas toujours facile de savoir si vous êtes dans un temple ou dans un sanctuaire. Qu’importe ! Entre l’incontournable Pavillon d’or (ou Kinkaku) et les modestes petits temples de poche, les occasions sont infinies de toucher du doigt le zen, cette “illumination intérieure”. Des lieux où apaiser son cœur et se retrouver Pour éviter la foule, il faut oser s’éloigner des sites les plus courus, écouter, regarder, se perdre dans les collines qui cernent la ville et franchir les seuils. Les hommes et les (très rares) femmes qui sont à la tête de ces hauts lieux spirituels ne demandent qu’à échanger. Ils vous apprendront qu’un temple doit être un endroit où l’on apprend des choses et dont il ne faudrait jamais repartir sans un petit enseignement. Ne serait-ce que s’initier à la contemplation des jardins. Chacun a le sien, modeste ou grandiose. Il en est de bambous dansants au gré du vent, de mousses fastueuses ou de pierres et de sable, incarnant symboliquement îles et montagnes. Apaiser son cœur et se retrouver face à soi-même dans un dialogue silencieux : Kyoto vous ouvrira un univers hors du temps, mêlé de poésie, de vie et de mort, de jouissance et d’ascétisme. L’essence même du pays du Soleil-Levant.

VOYAGEURS DU MONDE Kyoto renferme des secrets qu’elle cache aux yeux des voyageurs trop pressés : la découverte d’un temple habituellement fermé aux visiteurs, l’art de préparer les sashimis, une initiation à la calligraphie ou à l’art de l’origami… Nos spécialistes organisent pour vous ces expériences uniques.


© Letizia Le Fur


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kyoto

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In the mood

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Le voyage (dans le temps) commence à Fushimi-Inari Taisha, sanctuaire shinto vieux de plus de mille trois cents ans et où se dressent environ 10 000 torii, ces petits portails traditionnels en bois séparant le sacré du profane. Tout aussi mythiques et mystiques, Kinkaku-ji et Ginkaku-ji (1), les pavillons d’or et d’argent, provoquent un état d’apaisante contemplation, que l’on retrouve en parcourant les allées du jardin de pierre du temple Ryoan-ji (2), monastère zen et minéral. Au crépuscule, il faut se balader le long de la rivière Kamo et voir s’allumer, un à un, les centaines de lampions de papier. Le quartier de Gion, au cœur de la vieille ville, est un condensé de charme et de tradition, au détour d’une machiya (maison traditionnelle), vous aurez peut-être la chance de croiser une geisha et son apprentie maiko. Ne pas rater la dégustation de tofu chez Morika et une initiation au thé chez Fukujuen, spécialiste du Kuchika (thé vert en brindilles rôties). À quarante minutes de train se trouve le bucolique parc de Nara, ses 600 hectares de nature foisonnante émaillées de pagodes et de monastères, peuplée de biches en liberté. Kyoto mêle ainsi avec brio poésie, beauté, spiritualité et gourmandise. PLACE TO BE Installé dans le quartier historique de Gion, le Sowaka ressuscite l’esprit du suki, concept japonais de raffinement que l’on retrouve notamment dans la cérémonie du thé. À l’écart de la ville, l’Aman Kyoto bénéficie d’un cadre exceptionnel au cœur de 32 hectares de forêt. Sobre, moderne et lumineux, le lieu est un hommage à l’esthétique nippone.


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Le Kumano Kodo

© Jérôme Galland

Une traversée mystique


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focus kumano kodo

Forêts abyssales, esprits malicieux, temples enfumés et onsen brûlants : les chemins de pèlerinage de Wakayama nettoient l’âme et purifient la chair.

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heveux teints, jupes mini, les deux jeunes filles sont arrivées hier soir au ryokan, sapées comme des fashionistas d’Omotesando. Au matin, elles ont laissé tomber leurs grigris pour revêtir des pyjamas blancs. Pouffant derrière une main pudique ornée d’ongles peints, elles se sont enfoncées dans la forêt. On a beau être une jeune fille branchée, on ne badine pas avec le pèlerinage, même le temps d’un week-end volé entre deux virées shopping. Au sud d’Osaka, sillonnant la péninsule de Kii, l’Ancienne Route de Kumano était jadis un réseau de chemins sacrés réservé aux empereurs et aux samouraïs. Aujourd’hui, le Kumano Kodo est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. L’ambiance y est plus détendue et ses sentiers sont ouverts aux simples mortels, même si les esprits malicieux des divinités ancestrales rôdent toujours… Au détour de terrasses plantées de lotus et de chemins plongeant sous des futaies zébrées d’une lumière laiteuse, les paysans vêtus de cotonnades indigo cultivent le riz ou le thé. Ils saluent au passage pèlerins et randonneurs et les reçoivent dans de minuscules auberges servant des nourritures rudes et saines – légumes de saison et poisson séché. Samouraïs et shoguns reposent dans d’énigmatiques cimetières voisinant

avec des dizaines de temples, tous plus émouvants les uns que les autres. Les pèlerins y font tamponner leurs pyjamas de larges symboles à l’encre rouge, attestant leur parcours. Certains sanctuaires accueillent les étrangers de passage dans des chambres spartiates ouvertes sur des jardins zen et servent la cuisine végétarienne du chef prieur en invitant les hôtes à partager, à l’aube, la prière avec les moines, dans les volutes d’encens… Nombre de ryokans traditionnels avec cloisons coulissantes, tatamis et futons parfumés au foin, ponctuent également la région. Et si ces marches au cœur des sites sacrés ont pour vocation de nettoyer l’âme, elles visent aussi à purifier la chair : la zone recèle de sublimes sources chaudes, les onsen, bain thermal traditionnel et moment de détente absolu. Voici LE Japon immémorial, mieux encore que dans nos rêves.

VOYAGEURS DU MONDE Nos conseillers Japon comptent dans leurs rangs quelques passionnés de randonnée qui organisent pour vous toute la logistique (chauffeur entre deux étapes, guide privé, transfert de bagages…), pour un pèlerinage ou une simple marche méditative.


Tokyo

Mégalopole futuriste innervée de ruelles calmes, ville de strates à l’agglomération illimitée et de juxtapositions d’univers où se côtoient le sublime et le banal, Tokyo se découvre par ses interstices.

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© Jérôme Galland


© Paola+Murray/Gallery Stock

Le repas japonais allie esthétique et saveurs. Mets délicats et céramique fine sont un émerveillement pour tous les sens.

Le goût du voyage Dorayaki Petit sandwich de pancakes dorés fourré à l’anko, une crème de haricots sucrée, les dorayakis ont un véritable pouvoir réconfortant. Au matcha, à la ricotta ou au yuzu, accompagné d’un thé ou d’un café, ils sont régressifs à souhait.

La cuisine des moines La shôjin ryôri désigne une cuisine qui interdit de tuer des êtres vivants et vise ainsi à respecter la nature et éviter le gaspillage. Interdit également : l’oignon, l’ail et le poireau, leurs odeurs n’étant pas propices à la méditation !

Monjayaki

Soba

Natto

Dans ce plat, on peut mettre tout ce que l’on veut : de la viande, du fromage, des crustacés, des légumes… Une sorte d’omelette de fin de frigo conviviale que l’on prépare soi-même à l’aide d’une petite plancha.

Avec les ramen et les udon, les soba, faites à base de farine de sarrasin, sont les nouilles préférées des Japonais. Selon la tradition, elles doivent être aspirées, puis avalées telles quelles et non mâchées (gare à l’étouffement).

Nous vous lançons le défi de tester (et d’apprécier) les natto. Ces petites graines de soja fermentées, à l’odeur particulièrement forte, gluantes – on dit que seuls les vrais Japonais peuvent en supporter le goût !


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tokyo

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ésordre foutraque d’architectures disparates, Tokyo n’a ni la perfection de Paris, ni les perspectives de New York, mais elle déroule son récit propre, une histoire cyclique faite de destructions et de renaissances. Ravagée par le séisme de 1923, détruite par les bombardements américains de 1945, Tokyo, toujours, renaît de ses cendres. Quand la ville occidentale vise l’intangible, Tokyo, détachée des contingences d’un patrimoine disparu, est une ville au présent, travaillée par l’impermanence de la tradition bouddhique. Une ville changeante, tonique, vivante. Les styles y cohabitent, les infrastructures s’y surajoutent les unes aux autres – c’est un pavillon de thé en bois, à deux étages, coincé entre deux buildings ; c’est un canal enjambé d’une rue, surplombée de deux voies ferrées dans les airs, et un Shinkansen (le TGV nippon) qui traverse le ciel entre les gratte-ciel ; des nuées de fils électriques et le calme souverain d’un jardin zen ; entre les grands axes de circulation, un lacis de venelles, des petites maisons de guingois, des échoppes et des ateliers, un estaminet minuscule, une myriade de plantes en pots. C’est une cacophonie visuelle, renforcée par une débauche de néons qui est pour beaucoup dans la beauté en mouvement de Tokyo, et dont l’effet saisit d’autant plus que, malgré ses quelque 37 millions d’habitants, la ville est silencieuse – les foules s’écoulent

sur les trottoirs dans un ondoiement soyeux de pardessus et de parapluies. C’est une ville chaotique, mais avec le charme d’un désordre à dimension humaine, qui séduit le visiteur, non par son harmonie ou sa monumentalité, mais par sa fluidité. Cette ville, la plus grande du monde, où des quartiers entiers semblent disparaître, puis s’élever à nouveau en quelques mois, où les rues sont pour la plupart dépourvues de noms, où même les chauffeurs de taxi ne sont pas censés savoir où ils vont, demande une attention centrée sur le détail plutôt que sur le monumental. Luxe, hype et maisons de thé Des musées de Roppongi aux boutiques de Ginza, des temples de Kagurazaka aux game centers d’Akihabara, il faudrait des mois pour la parcourir. Pour la saisir en quelques jours, il faut ne pas se laisser happer par ses lumières hypnotiques, pour arpenter en douce ses villages innervés de petites ruelles. À Aoyama, au cœur de la hype, les ormes de l’avenue Omotesando ombragent les vitrines des enseignes de luxe européennes, mises en scène par des architectes-stars, japonais et internationaux à qui on doit la physionomie du quartier. La boutique Prada se déploie ainsi sur six étages de verre signés Herzog & de Meuron ; les entrelacs de pierre dessinés par Toyo Ito abritent les pièces de l’accessoiriste Tod’s ; un peu plus loin, la superposition de parallélépipèdes en verre et métal


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À Shimokitazawa, les ruelles abondent de petits théâtres, de salles de concerts et d’une pagaille de friperies vintage aux noms français parfois approximatifs.

de Jun Aoki évoque pour Vuitton les malles créées au milieu du XIXe siècle. On prend la tangente pour rejoindre, dans une rue perpendiculaire, le musée privé Nezu, temple contemporain de l’artisanat ancien – une allée rectiligne bordée de bambous et d’un jardin minéral mène à un édifice de verre signé Kengo Kuma, qui abrite céramiques, laques et textiles réunis par l’homme d’affaires et philanthrope Kaichiro Nezu (1860-1940). Dans le jardin, les sept maisons de thé sont disséminées parmi les érables flamboyants. Un Tokyo piéton, trendy et libertaire À une station de la gare de Shibuya, très loin de ses lumières vives et de ses foules pressées, Daikanyama et Nakameguro sont un dédale de rues étroites épargnées par les gratte-ciel. Un Tokyo piéton, avec toute une constellation de spots trendy le long des canaux de la rivière Meguro : cafés de barista, food trucks et boutiques de créateurs où se presse une faune modeuse. Un labyrinthe de ruelles aux maisons basses, qui convergent vers la belle librairie T-Site. On adore le rayon Artbook et le café à l’étage où l’on peut feuilleter des magazines vintage. Un peu plus loin, Tatemichiya, un izakaya planqué à l’entresol d’un immeuble, une salle minuscule et bondée d’une foule d’habitués, hommes d’affaires, rédactrices de mode, foodistas, cheveux roses, coupes Andy Warhol, pantalons de cuir moulants. Au mur, des affiches des Sex Pistols ou des Ramones,

aux enceintes du punk japonais, et partout des bibelots érotico-kitsch. Une rangée de tabourets court le long du bar, d’où l’on observe le chef œuvrer. Dans l’assiette, du très bon : mollusques inconnus, poissons ultra frais, bouillons savoureux, légumes croquants. Plus à l’ouest, Shimokitazawa. C’est ici que dans les années 1960 s’est développé, en marge du nô et du kabuki, un théâtre contestataire, inspiré d’abord de la scène de la dramaturgie occidentale, puis de la sous-culture japonaise – manga, série B, TV trash. Acteurs, chorégraphes, auteurs se sont regroupés dans le quartier et continuent de lui insuffler un esprit libertaire. Les ruelles abondent de petits théâtres dissimulés dans les étages ou enfouis dans les sous-sols, de salles de concerts rock et pop avant-gardistes, et d’une pagaille de friperies vintage aux noms français parfois approximatifs, de disquaires indé, de bars à vin… Dans cette ville qui ne dort jamais, on peut entamer ici, avec ses habitants libérés des entraves du jour, une nuit tokyoïte.

VOYAGEURS DU MONDE Fan d’archi et de design, passionné de saké, de whisky, de sushis ou de mochis, curieux de la saveur umami, adepte de l’art du zen ou de la céramique, chaque voyageur trouve son bonheur dans les pas d’un Like a friend, cet ami local qui connaît les quartiers hors guide et les bonnes adresses du moment.


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© Cavan Images

L’empire des musées Dans la quiétude du parc Meguro, son architecture seule rend la visite du musée d’art Teien indispensable : l’ancienne résidence du prince Asaka est le premier édifice Art déco au Japon – le mobilier est d’origine, les verreries griffées René Lalique. Le bâtiment du 21_21 Design Sight, dessiné par le maître Tadao Ando, exhibe un toit plat en acier, plié tel un origami, qui figure un plissé d’Issey Miyake, fondateur du musée. Les quatre expositions annuelles dévoilent le meilleur du design et s’ouvrent aussi à des disciplines connexes, telle la joaillerie. Sur les hauteurs de Roppongi, le Mori Art Museum, au sommet de la tour du même nom (Mori), surplombe Tokyo et offre un autre regard sur l’art. Les artistes et ingénieurs de la TeamLabBorderless sont, eux, à l’origine du Mori Building Digital Art Museum. Après le site d’Odaiba, fermé fin août 2022, le collectif a trouvé refuge dans un nouveau complexe baptisé Azabudai Hills. Un “village urbain et moderne” très vert qui s’étend sur quelque 24 000 mètres carrés dans le quartier central et cosmopolite de Minato Ward (ouverture janvier 2024).


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In the mood Comme toutes les mégalopoles du monde, Tokyo possède ses incontournables : le marché aux poissons de Toyosu, les soirées karaoké et les écrans lumineux à Shibuya (1), les lolitas d’Harajuku… Mais c’est en se perdant dans ses marges que l’on comprend mieux cette ville tentaculaire et futuriste. Filez alors à la découverte du jardin zen du temple Nezu, niché à Yanaka, le plus vieux quartier de la ville. Puis, vous qui croyez encore aux magazines et au papier, faites un passage chez Tsutaya T-site, l’une des plus belles librairies au monde. Dans la soirée, vous expérimenterez l’omakase (“je m’en remets à vous”) chez un maître des petits rouleaux de riz au Kidoguchi Sushi, ou au bar très privé de Gen Yamamoto pour une dégustation de six minicocktails aux fruits exotiques et frais. PLACE TO BE L’Aman est un sanctuaire perché en haut de la tour Otemachi offrant une vue époustouflante sur la ville, les dernières technologies et une sublime piscine. Coup de cœur pour le Trunk Hotel, une adresse à taille humaine mêlant design et artisanat japonais. Esprit tradi au milieu des buildings, le premier ryokan de luxe de la ville est une vraie réussite, bienvenue au Hoshinoya Tokyo.

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Les Alpes japonaises

Vue sur le lac Kurobe depuis la station Daikanbo, à Tateyama.

© PixHound

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Le Japon a son mont Blanc, une échine qui coupe l’île principale en deux. On y randonne, on y tâte de la poudreuse et l’on flâne dans des villages, jadis traversés par les samouraïs, restés intacts.

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’est l’arrière-pays, la face cachée. Derrière la côte Pacifique de l’est, longue bande urbanisée vouée au commerce, il est une autre contrée. Elle vit au rythme des saisons sous l’aile des huit mille dieux évoluant dans les forêts et les montagnes. Entre le Kansai et le Kanto se dressent les Alpes japonaises, majestueuse chaîne montagneuse qui flirte avec les 3000 mètres d’altitude. Cette colonne vertébrale palpitante divise l’île principale en deux : d’un côté, le “Japon de l’endroit”, le plus habité et le plus ensoleillé ; de l’autre, le “Japon de l’envers”, plus rustique et plus mystérieux. Il y a quatre cents ans, marchands et seigneurs féodaux traversaient cette montagne en palanquin par une route pavée. À l’ombre des denses forêts de cyprès, elle comptait 69 relais, dont certains se visitent encore, comme Narai Juku ou Magome : des petits bourgs hors du temps qui donnent l’impression de se promener dans un décor de film d’époque. Aujourd’hui, des tunnels ont percé la montagne, ouvrant la voie au Shinkansen, mais randonneurs et skieurs continuent d’explorer ce Japon de bois, de pierre et d’eau. Ici, les charpentiers ont la réputation d’être des artistes, réclamés pour construire les palais impériaux et les temples les plus prestigieux. D’autres artisans hors pair ont

porté leur discipline au sommet. De village en village, la laque coule comme une rivière écarlate. Mais pas autant que le wasabi, à l’aise dans cet air pur. À Hotaka, on visite des fermes et l’on déguste ce raifort coloré en vert qui électrise les sushis. Matsumoto, station perchée sur le plateau d’Utsukushigahara (littéralement “la belle prairie”), est l’incontournable point de départ des activités de montagne. À Shirakawa, une cinquantaine de maisons classées sont toujours blotties sous leur toit de chaume (jusqu’en 1950, on y élevait les vers à soie). Il suffit ensuite de se glisser sur le versant ouest de ces Alpes, jusqu’à leur racine, pour rejoindre Kanazawa, surnommée la “petite Kyoto”. Cette ville amicale a gardé son château féodal, son quartier des samouraïs et ses maisons de geishas, mais héberge aussi l’un des plus éblouissants musées d’art contemporain du Japon. Et on y mange divinement bien. Une manière douce de terminer cette traversée des cimes inspirante.

VOYAGEURS DU MONDE Au cœur des Alpes japonaises se cachent cinq petits villages coupés de monde et de l’agitation des villes. Nos conseillers sont prêts à vous livrer le nom de ces lieux méconnus qui échappent encore aux touristes du monde entier.


© Carol Sachs


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OSAKA Cité radieuse

Patchwork culturel, joyeux chaos architectural, la rivale méridionale de Tokyo n’est pas réputée pour son austérité. Gouailleuse, la ville revêt une physionomie au diapason de cette ardeur chaleureuse : foutraque et cool.

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Tokyo ou à Kyoto, villes plus compassées et peut-être plus coincées, on parle des habitants du Kansai comme de “Japonais pas comme les autres”. Ils seraient un peu comme les “Marseillais du Japon” (comprendre : plus exubérants et jouisseurs que les Parisiens, par exemple). Nagisa Oshima, chef de la nouvelle vague nippone et originaire d’Osaka, a magnifiquement illustré au cinéma cet esprit frondeur dans L’Empire des sens (1976). Alors qu’ailleurs dans le pays les visages restent impavides, ici les yeux sont cernés des rides du sourire. Partout, on rit et on discute, avec la gouaille si particulière du dialecte local. La taille de la ville, avec ses 2,6 millions d’habitants face aux 13 millions de Tokyo, serait-elle à l’origine de cette cool attitude ? Pas seulement. Les Osakiens se réjouissent de leur réputation de kuidaore (qui évoque la jouissance épicurienne no limit), et se disent toujours prêts à manger, à se distraire et à sortir du rang. Osaka est ainsi la seule cité du pays à demander aux usagers de se ranger à droite dans les escalators, alors que partout ailleurs il est d’usage de rester à gauche. Ville d’eau, Osaka enlace une baie à l’embouchure de la rivière Yodo, et s’est développée grâce au commerce entre terre, mer et fleuve. Bombardée durant la Seconde Guerre mondiale, elle s’est reconstruite vite, à la verticale, dans un urbanisme un peu foutraque qui fait partie de son charme. Capitale du baseball et ancien quartier général des yakuzas, la mafia japonaise, Osaka sème dans son dédale de styles les plus endurcis des voyageurs. D’un côté, au nord, la métropole avant-gardiste desservie par un réseau de transports digne d’un Japon d’anticipation, truffée de galeries commerçantes souterraines surmontées

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de gratte-ciel ; de l’autre, des quartiers bas, restés coincés dans le style vintage des années 70 ou 80. L’âme du vieil Osaka L’époustouflant Umeda Sky Building, avec ses deux tours jumelles reliées par un observatoire circulaire, pourrait être un bon point de départ avant de se perdre au ras du sol. À la nuit tombée, on domine une voie lactée phosphorescente qui vous projette vers le futur. Mais quelques stations de métro plus au sud, dans le quartier de Namba, voici la fameuse rue Dotonbori. Saturée de nids enchevêtrés de fils téléphoniques, de stands enfumés de nourriture, de petits temples cachés, elle renvoie, tremblante comme une luciole, à l’âme du vieil Osaka. Des cuisiniers tatoués manient avec dextérité leurs baguettes pour faire revenir des beignets de poulpe dans des gaufriers ronds. Ne pas se brûler les doigts en goûtant ces fameux takoyaki serait péché. Le promeneur taraudé par une petite faim n’a rien à craindre : entre tradition et créativité, la ville, surnommée le “grenier du Japon” sous l’ère Edo, eu égard à sa production de riz, est toujours aussi généreuse et gourmande. Autant que déroutante et surchargée… Plus qu’une ville qui se visite, Osaka est une ville qui s’apprivoise.

VOYAGEURS DU MONDE La journée débute par une visite du marché d’Osaka, continue avec l’apprentissage des rudiments de la cuisine japonaise, et se termine avec la découverte d’une distillerie de saké. Avis aux voyageurs gourmands : votre conseiller organise pour vous une initiation au washoku, le savoir-faire culinaire japonais.


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Débordante d’énergie, Osaka se révèle noctambule et gourmande. Parmi ses mets les plus prisés, les takoyaki, de délicieuses bouchées farcies de poulpe ou de moules, et les oursins !


Hokkaido S A P P O R O — H A K O D AT E — N O B O R I B E T S U O TA R U — N I S E K O

Cette île au climat extrême grouille de vie et n’est pas avare de beauté sauvage. Paysages lunaires, maisons en bois et goût de la fête, Hokkaido la Nordique offre un visage méconnu du Japon.

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e plus vaste et le plus septentrional des 47 départements de l’archipel est une grande claque de la nature. Bordée au nord par la mer d’Okhotsk, l’île d’Hokkaido est peuplée de chasseurs et de pêcheurs, beaucoup descendant du peuple primitif des Aïnous venus des îles russes, d’autres des pionniers envoyés de gré ou de force à l’ère Meiji (1868-1912) défricher ce territoire hors normes. Leurs traits rappellent plus souvent les Inuits que les Asiatiques. Hokkaido, ce n’est pas encore le bout du monde, mais presque. C’est le bout du Japon. Une terre des extrêmes. C’est simple : juste au-dessus, c’est la Sibérie. Climat ultime (le thermomètre descend fréquemment sous les -20 °C),

couleurs saturées, saisons outrées. De mystérieuses forêts de conifères et de bouleaux tapissent les trois quarts de l’île, semée de volcans tourmentés, de caldeiras vertigineuses et de soufrières exubérantes. Dans le parc de Daisetsuzan, le paysage lunaire se devine à travers les fumerolles ; dans celui d’Akan, d’étranges plantes aquatiques forment des boules phosphorescentes venues d’un autre monde. L’île grouille de vie. Depuis les côtes, vous voyez passer les baleines, sur les routes vous croisez daims et renards – si peu farouches qu’ils n’hésitent pas à venir jeter un regard curieux dans la voiture –, et partout on vous explique calmement quelle attitude adopter si vous tombez nez à nez avec un ours brun.

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© Paola+Murray/Gallery Stock


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Face au mont Yotei, vous glissez dans une forêt de bambous pétrifiée de givre et dormez dans des chalets design, entre pureté zen et codes scandinaves.

Un sens de la fête communicatif Rien d’aussi sauvage en ville : Sapporo, connue pour sa bière, sa tour de l’horloge et son festival de la neige, est une capitale joyeuse, moderne et à taille humaine. Hakodate, tout au sud, a su conserver son patrimoine architectural. On se faufile dans d’étroites “traboules” entre maisons de bois au style colonial, cerisiers et anciens fort militaires. À Noboribetsu, petite station thermale vintage, les curistes se baladent dans la rue en peignoir en se saluant joyeusement. Les habitants des contrées froides compensent souvent par un sens de la fête communicatif. Face à la Russie, les quais d’Otaru prennent des airs de port hollandais, avec leurs bateaux pour la pêche au crabe des neiges et au maquereau. Sur de grands braseros en plein air, les gargotes font griller pinces géantes, clams et coquilles Saint-Jacques format Gulliver, servis avec des lamelles de Kombu (algues) et que l’on déguste à des grandes tablées de bois en rigolant avec les voisins. Puis, on va faire le tour de cette ville de province fière de ses banques XIXe et de ses maisons précieusement conservées.

L’été, vous sillonnez les routes autour de Furano pour plonger jusqu’au cou dans les couleurs fluorescentes des champs de Phlox rose tyrien, de lupins orange et de lys de Sibérie mauves qui tapissent les collines en bandes rigoureusement rectilignes. L’hiver, c’est le Grand Blanc ! Vous rejoignez les amoureux de neige floconneuse à Niseko pour une orgie de poudreuse entre nuage et plume. Face au mont Yotei, dont la silhouette conique évoque une estampe japonaise, vous glissez dans une forêt de bambous pétrifiée de givre et dormez dans des chalets design, entre pureté zen et codes scandinaves. Hédoniste, Hokkaido est un mélange de Japon, de pays nordiques et d’Alaska : respirez !

VOYAGEURS DU MONDE Cours de cuisine bio dans le sud-ouest de l’île, découverte des marchés locaux à Sapporo, glamping au bord des lacs à l’est de l’île, kaléidoscope de paysages, faune sauvage et culture Aïnou… Nos bonnes adresses loin des classiques !


© Paola+Murray/Gallery Stock

La magie régénérante de l’onsen, bain chaud dont l’eau est issue de sources volcaniques réputées pour leurs bienfaits.

Le goût du voyage Izakayas

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Aïnous

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Glace

Ces petits restaurants qui ressemblent à des bars à tapas pullulent dans les villes d’Hokkaido. À Kitami, ne pas rater le traditionnel yakiniku, des tripes grillées sur un petit brasero posé à même la table.

En guise de détox, après le whisky, plongez dans l’un des nombreux onsen (bain thermal) de l’île, et passez de rivières glacées en sources brûlantes, de cascades vivifiantes en lacs régénérants au milieu de curistes hilares.

Tribu de pêcheurschasseurs méconnue, considérée comme le peuple premier du Japon, les Aïnous et leur culture sont à découvrir dans divers petits musées de villages ou dans celui, contemporain, de Sapporo.

Une sorte de château écossais reconstitué : c’est la distillerie Nikka à Yoichi, au nordouest de Sapporo. Son créateur, Masataka Takesuru est considéré comme le père du whisky japonais. Pour une dégustation de single malt.

À Abashiri ou au cap Soya, un briseglace emmène ses passagers fendre les blocs immaculés de la mer d’Okhotsk, frôler les icebergs et apercevoir l’île russe de Sakhaline. Pureté, silence et blancheur.


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In the mood 2 En connaisseurs, les skieurs vont chercher l’une des meilleures poudreuses au monde à Hokkaido. Lorsqu’on dit Japon, il est rare que l’on pense sports d’hiver, pourtant de Noël au printemps, elle tombe dru, la neige, enveloppant le paysage d’un sublime manteau immaculé. À Niseko (1), station la plus chic du Japon, on glisse sur une neige cotonneuse à travers des paysages oniriques : cerisiers, bouleaux et mont Yotei, volcan de porcelaine. Quand on ne skie pas, on se réchauffe à la maison de thé Green Saso avec un matcha latte (2). Autre option : un plongeon dans l’eau chaude et laiteuse d’un onsen (3), aux vertus purificatrices et relaxantes. Ici, on oublie raclette et fondue et on opte plutôt pour les succulents poissons et fruits de mer. À goûter absolument : le crabe des neiges ou les huîtres du lac Akkeshi. En parlant food, ce sont les chefs Michel et Sébastien Bras qui ont craqué pour les produits locaux et ouvert un restaurant surplombant le lac Toya. Une expérience renversante !

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PLACE TO BE Après une journée sur les pistes, on se love près de la cheminée du Kasara Niseko Village, un luxueux lodge urbain au pied des pistes. Conçu dans un esprit épuré et élégant le Kimamaya est un charmant boutique-hôtel de neuf chambres. Au milieu de la forêt, vous choisissez le ryokan Zoborin, refuge contemporain à vivre au rythme des saisons.


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L’ART DE LA FERMENTATION

Pratiquées dans l’archipel depuis plus d’un millénaire, aujourd’hui préconisées par les gourous du bien-être et les grands chefs du monde entier, les techniques de fermentation alimentaires perdurent et se transforment. L’histoire savoureuse d’une nourriture bien vivante.

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© Christopher Testani/Gallery Stock

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Procédé de préservation universel, la fermentation est l’une des clés de voûte de la cuisine japonaise.


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© Jérôme Galland

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haque année, le 3 mars, les Japonais célèbrent Hinamatsuri, la fête des fillettes. Les rues de l’archipel se muent en décor rose bonbon réunissant, entre les collections de poupées, différentes nourritures aux couleurs pimpantes préparées pour l’occasion. Parmi elles, les délicats sakuramochi : de petites crêpes ou sphères (selon la région) de riz gluant enrobant une pâte de haricot rouge, le tout enveloppé d’une feuille de cerisier fermentée. Si l’idée de faire macérer cette feuille emblématique est née au début du XVIIIe siècle, la fermentation constitue l’une des clés de voûte de la cuisine japonaise encore plus ancienne. Graines de soja (natto), légumes divers (nukazuke), poissons (katsuo-bushi), saké et thé fermenté (kombucha) : de l’assiette au verre, le Japon a développé de multiples déclinaisons d’un procédé de préservation universel. Parmi les éléments inconditionnels de la gastronomie nippone : le miso, introduit au VIIe siècle. Désormais bien connue de nos tables occidentales, cette pâte de soja est fermentée à l’aide du koji, un moût de riz ou d’orge obtenu grâce à un champignon microscopique (l’Aspergillus oryzae). Dans la préfecture de Nagano – premier producteur national de miso –, certaines moutures “travaillent” dans des tonneaux en bois depuis près de cent ans. La préparation connaît des variations selon les régions, notamment en fonction du climat : plus foncé et

plus salé au nord, plus clair et doux au sud. Les ingrédients, eux, restent les mêmes : grains de soja, riz ou orge, eau, sel, koji… et du temps. Un outil de survie Enraciné au Japon comme le bleu à l’Auvergne et la choucroute à la Bavière, le miso a pourtant vu chuter de 40 % sa consommation ces vingt dernières années. En cause : l’ouverture de l’archipel sur le monde et la diversification des possibilités alimentaires. Car ici comme ailleurs, cette technique de conservation particulièrement simple et efficace est bien née de l’isolement, de la limitation des ressources et de l’anticipation des pénuries. Un régime alimentaire pauvre en viande et exempt de produits laitiers a par ailleurs orienté le processus de fermentation essentiellement sur les végétaux. “La limitation des ressources a permis au Japon de développer sa connaissance de la fermentation et de se distinguer par sa diversité”, explique Hiraku Ogura, auteur d’un best-seller intitulé Anthropologie culturelle et fermentation. Autoproclamé “designer en fermentation”, ce Tokyoïte se passionne pour les différentes formes régionales et ce qu’elles traduisent des modes de vie locale. Dans les montagnes du nord de l’île principale, le godo, un mélange de natto et de koji confectionné en hiver, sert d’en-cas, le printemps venu, aux paysans travaillant en altitude ; dans la préfecture maritime de Miyagi, l’azara est


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préparé à partir de rebus de pickles et ceux d’un poisson rare, activés par une lie de saké ; sur l’archipel d’Okinawa, le tofuyo, un tofu fermenté à la levure de riz rouge, fait partie d’un régime ancestral. Sous son look d’ado en salopette, Hiraku Ogura est à l’origine d’une véritable démarche culturelle globale qui vise à transmettre des savoir-faire ancestraux aux nouvelles générations. Dessins animés, conférences scientifiques, documentaires, workshops : il multiplie les moyens pour que se perpétuent les gestes du miracle microbien. Il voit également dans son action une façon de réactiver l’entraide en soulignant que traditionnellement celui qui fabrique le miso offre la moitié de sa production à la communauté. Et de faire le parallèle entre deux univers : “le monde des micro-organismes est comparable à une société globale”, dit-il. Une affaire de goût… Et la mouture semble prendre. Les ateliers de fermentation battent leur plein. Des restaurants spécialisés émergent à Tokyo et ailleurs, et de nouvelles préparations – le gaba (extraits d’orge fermenté), le takana (tiges de colza activées au sel et au safran) – voient le jour et trouvent une demande jusqu’en Europe. La France compte parmi les premiers pays tentés par la lacto-fermentation (basée sur les ferments lactiques). Conférences, ateliers, épiceries spécialisées germent à travers l’Hexagone. Première raison de ce succès : le goût. Le processus développe en effet des saveurs et des textures jusque-là inexplorées. On y retrouve le fameux umami, cette cinquième saveur commune aux coquillages, champignons, vinaigre balsamique, à la sauce soja et au saké. De jeunes chefs, tel Guillaume Sanchez dans les cuisines de son laboratoire parisien NE/SO, étoilé en 2019, misent sur ces techniques “d’enzymation” et sur les nouveaux horizons qui s’en dégagent : l’aigre-doux, le croquant, le pétillant, l’effervescent. Sachant que la méthode est applicable à tous les légumes (hormis la pomme de terre), mais aussi aux céréales, légumineuses, fruits, poissons, viandes, laitages…, la palette est vaste. En

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outre, de nouvelles recettes japonaises résonnent sous nos palais. Parmi elles, le yama-uni, un tofu fermenté au miso qui s’apparente de très près au foie gras. Le plaisir sans les scrupules. Enfin, du Japon à la France, la fermentation est en phase avec l’époque. Lorsqu’hier encore elle faisait bondir une société obsédée par la guerre aux bactéries, aujourd’hui la volonté de ne plus gaspiller, de favoriser les préparations biologiques, artisanales et ancestrales, tout comme les produits locaux et le rythme saisonnier, l’emporte. … et de santé Autre atout indéniable : la fermentation a fait la preuve de ses bienfaits sur l’organisme. Levures, bonnes bactéries, enzymes, ces micro-organismes en constante évolution boostent les aliments (à l’inverse de la pasteurisation qui élimine en partie les vitamines). Leur consommation facilite l’assimilation des acides aminés et des minéraux. Le processus participe également à la dégradation des toxines et du lactose, tout en renforçant la flore intestinale. Un paysage intérieur auquel les Français ne tournent plus le dos depuis que les études scientifiques et l’Organisation mondiale de la santé reconnaissent les effets bénéfiques des probiotiques sur le système immunitaire, la digestion, le sommeil, la pression artérielle, l’obésité et même le stress. Or, selon Marie-Claire Frédéric, auteure de plusieurs ouvrages sur le sujet : “Manger une portion de produits fermentés revient à avaler une boîte de probiotiques.” Le Japon, lui, n’a pas attendu l’aval international pour savourer les bienfaits du miso, et les feuilles de cerisiers n’ont pas fini de macérer.

VOYAGEURS DU MONDE Pas moins de 160 000 restaurants sont dissimulés dans les rues de Tokyo. Un record mondial ! Plats fermentés, sashimis, omakase ou onigiris, Tokyo régale. Notre concierge est là pour vous aider à choisir et réserver une table toquée ou vous recommander la meilleure cantine de quartier.


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Kyushu

© Jérôme Galland

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Près du tropique du Cancer, la chaleur règne et les volcans frémissent. Pêcheurs de calamars et maîtres artisans cultivent leurs traditions au cœur d’un Japon tranquille et rural.

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’il vous venait une envie de chaleur, pensez à Kyushu. Savez-vous que cette île, la plus à l’ouest de l’archipel, est à la latitude de l’Égypte ? Et qu’elle est aussi plus grande que la Belgique ? Il y a tant à y faire. L’idée serait d’arriver par Nagasaki, qui fut le point de contact, au XIXe siècle, entre le Japon et les barbares occidentaux. L’idée serait aussi de flâner sur le port chercher des traces de l’époque des comptoirs portugais ou hollandais… Et pourquoi ne pas en profiter pour voir l’émouvant Musée de la bombe atomique, mémoire de la folie des hommes ? Plus au nord, Fukuoka, balcon sur la mer de Genkaï, est souvent cité pour avoir l’une des meilleures qualités de vie au monde. Qui en douterait après avoir goûté l’héritage des voisins chinois, les fameux tonkotsu ramen ? Butaya, dans le quartier Hakata, est célèbre pour son bouillon crémeux nourri d’os de porc dont la saveur touche au fameux umami. Toute l’âme du Japon dans un bol. Reste ensuite à visiter le Faam (le musée d’d’art contemporain) et le MAT, centre d’art dessiné par Kengo Kuma. Le soir, la tournée des yatai, ces petites roulottes de fast-food, est tout indiquée. Sur la petite île voisine de Nokoshima, une horde de jardiniers taille les massifs avec tant d’amour et de minutie que l’on se croirait dans un film d’animation de Miyazaki.

Kyushu se dévoile enfin. Champs de riz ponctués de sublimes bâtisses ancestrales aux toits de chaume ou maisons en bambou. Sur cette île, aller à la rencontre des “maîtres”. Ils sont une poignée à entretenir de séculaires traditions : ceux qui ont hérité des Sud-Coréens le savoirfaire d’une céramique fine comme du papier, ou ceux qui tissent dans une soie miroitante les obi, précieuses ceintures pour kimonos. D’autres artistes pratiquent la teinture indigo, colorant le paysage de ce bleu profond qui incarne si bien le Japon. Même si tout le pays palpite d’une activité souterraine, Kyushu est particulièrement pimentée par une activité volcanique permanente. Les amoureux de la marche en montagne adoreront randonner dans un cratère actif. Les contemplatifs préféreront fréquenter d’autres fumerolles : celles des 3 000 sources de Beppu, invitant à se prélasser dans les onsen. Tout au sud, vers Kagoshima, d’autres flaques d’or chaudes jaillissent des rochers bordant l’océan. Au loin, défilé de tortues, dauphins et pêcheurs de crabes violonistes.

VOYAGEURS DU MONDE Sur l’île féerique de Yakushima, retrouvez Sigrid, une ancienne guide de montagne suisse, et découvrez avec elle des chemins de randonnées secrets, l’artisanat local et les spécialités culinaires de la région.


Okinawa

Semées entre la pointe sud de Kyushu et Taïwan, les îles d’Okinawa montrent un Japon totalement inattendu. Un éden subtropical serti de récifs coralliens, baigné de végétation et de culture ancestrale.

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© Romain Laprade

N A H A — M I YA K O - J I M A — YA E YA M A



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es détails ne trompent pas. Salut cordial, taxi jaune et vert, dentelle sur la plage arrière : Tokyo est à trois heures de vol, mais nous sommes toujours bien au Japon. Les enseignes flashy défilent sur Kokusai dori, l’artère principale de Naha, capitale d’Okinawa. Une vitre baissée, et tout bascule. Des bouffées d’air moite s’engouffrent dans l’habitacle, une baie de mer turquoise déroule le long d’une côte bordée de végétation luxuriante. Premier contact avec le Japon tropical. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, ces îles méridionales n’avaient d’ailleurs aucun autre lien avec l’archipel nippon que commercial, pas plus qu’avec la Chine, son premier occupant. Entre les deux, une période d’indépendance de quatre cent cinquante ans, stoppée par l’ère Meiji, a fait des îles Ryukyu un royaume à part, dont les réminiscences s’expriment encore, entre délicatesse nippone et douceur de l’Asie subtropicale. Mer de Chine qui aimante et plages idylliques Sur les hauteurs de Naha, les ruines du château de Shuri (vestige du XIVe siècle dévasté par la plus grande bataille du Pacifique de la Seconde Guerre mondiale, puis récemment par les flammes en octobre 2019) côtoient un temple dédié aux Daruma, symbole de persévérance. Ce trait de caractère flotte aussi dans le musée du karaté, art martial né à Okinawa, et plus au nord dans les ateliers des potiers de Tsuboya qui travaillent de manière ancestrale, mêlant la terre au bleu de la mer. Omniprésente, cette mer de Chine orientale attire comme un aimant plongeurs, surfeurs et autres beach lovers à la recherche d’un autre Japon, sans

jamais le quitter. Trois cents kilomètres au sud-ouest de Naha, Miyako-jima, autre chapelet d’émeraude, appartient lui aussi aux îles Ryukyu. Ces îles plates, couvertes de champs de canne à sucre, reliées entre elles par des ponts étroits, font miroiter colliers de sable opalin et fonds marins préservés. Un petit-déjeuner à base de poisson, légumes et algues – l’un des secrets de longévité des Okinawaïens - entame une journée en quête de plages idylliques : Yoshino pour l’arrivée spectaculaire et l’immense lagon, Boragawa et sa baie semée de champignons de rochers, Sunayama ou la version tropicale de l’arche perdue. Aux plongeurs, Miyako offre foison de sites et de rendez-vous marquants – avec les baleines à bosse en hiver et les raies Manta en été. Au bout du fil d’Ariane de ce Japon tropical, l’archipel de Yaeyama est le dernier gardien du royaume. La petite île de Taketomi a préservé l’architecture traditionnelle mêlant murs de corail et toits de tuiles rouges sur lesquels les shisa – figurines d’animaux – protègent des mauvais dragons et des typhons. Iriomote, la plus grande des îles, est un éden de jungle, de cascades, de mangroves et de villages coupés du monde. Loin, très loin, du Japon traditionnel.

VOYAGEURS DU MONDE Célèbre pour son record de longévité, Okinawa est l’île idéale pour une cure d’algues, de thé vert et de tofu. À moins que vous préfériez le snorkeling avec initiation à la préservation des mers et océans. Selon vos passions et vos envies, nos conseillers personnalisent vos escapades.


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In the mood À Naha, flâner le long de Kokusai dori, mais surtout se perdre dans les rues parallèles et les galeries couvertes et au marché Makishi. Préparer sa cure de jouvence dans les échoppes qui vendent l’umi-budo (raisin de mer), beni imo (patate douce violette), et shikuwasa (agrume proche du citron vert). Goûter à la crème glacée au sel ; visiter le Karate Kaikan, qui réunit plusieurs dojos et un musée dédié à l’art martial né à Okinawa ; filer au nord de l’île faire le plein de poteries à Tsuboya. Puis, savourer la vue sur la mer de Chine depuis les collines du château de Nakijin. Dans l’archipel de Miyako, buller sur la plage de Yonaha Maehama et, sous l’eau, à Aragusuku Beach, défier le large depuis le phare de Higashi Hennazaki. Se régaler d’un soba gugakre et de tempuras à tomber. Sur l’île de Taketomi, sillonner le village à vélo, au petit matin, lorsque les rues sont encore désertes. À Iriomote, sillonner la mangrove en kayak, crapahuter dans la jungle jusqu’à la cascade de Pinaisara, en espérant croiser le discret chat sauvage…

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PLACE TO BE Au sud-est de la minuscule île de Taketomi, les jolies petites villas de l’Hôtel Hoshinoya (1) sont disséminées dans un jardin des plus épuré, aux allées de sable bordées de murets en coraux, dans le respect de la tradition locale.


© Photo by Nicolas Guerin/Contour by Getty Images

Hayao Miyazaki, en octobre 2010.


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HAYAO MIYAZAKI Artisan dessinateur

À travers Totoro ou princesse Mononoké, il a infusé sa philosophie de vie dans une œuvre unique. À plus de 80 ans, le maître de l’animation japonaise, cofondateur du Studio Ghibli, continue de dessiner des personnages porteurs de messages universels pour une société plus juste.

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portrait

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ans un coin de la banlieue ouest de Tokyo, proche du quartier prisé de Kichijoji, il est un lieu un peu kitsch qui attire des foules de passionnés. Le musée Ghibli célèbre les films d’animation japonais qui ont révolutionné le genre dans les années 1980. À deux stations de métro plus à l’ouest est installé le studio éponyme et c’est à ses pieds, dans un chalet de bois planté au bout d’une ruelle, que l’on trouve habituellement le maître, avec son chat, sa 2CV grise modèle Charleston toujours garée devant la porte. Le réalisateur affirme la conduire encore, à plus de 80 ans, comme si ce défi quotidien était le mètre-étalon de sa capacité à produire encore ses dessins enchantés. Avec ses grosses lunettes d’écaille, sa barbe taillée aussi soigneusement qu’un bonsaï et son petit sourire en coin, Hayao Miyazaki a une tête de lutin. Alerte, un rien goguenard, affublé d’un sempiternel tablier blanc soignant son image d’artisan dessinateur, il est le pape des films d’animation, une référence incontournable de la culture populaire nippone. Celui qui aspirait dans sa jeunesse à devenir un simple mangaka n’a cessé de remplir les salles depuis qu’il a fondé ce studio en 1985, avec son ami Isao Takahata. Un an plus tard, Le Château dans le ciel paraît et attire près de 800 000 spectateurs. Suivent, entre autres, Princesse Mononoké (1997), le favori des fans, et Le Voyage de Chihiro (2001), qui totalise alors le plus grand nombre de spectateurs de cinéma dans l’histoire du Japon (25 millions d’entrées). Record inégalé et succès critique qui vaut à Miyazaki un Oscar (2003), l’Ours d’or du festival de Berlin (2002) et un Lion d’or à la Mostra de Venise pour l’ensemble de

sa carrière (2005). Tout cela avec des dessins, et surtout de tendres histoires pour petits et grands. Citant Saint-Exupéry, Lewis Carroll, Mœbius et les films d’Ozu pour l’inspiration, Miyazaki pratique l’animation traditionnelle (avec pinceaux, peinture et encre) et saupoudre quelques effets produits sur ordinateur pour “une petite touche d’élégance”. Il a ainsi inventé un genre avec d’adorables personnages, comme les Totoro qui passent leur temps à ronfler et à soigner les cœurs des petites filles tristes en leur apprenant à se réjouir du bruit de la pluie qui tombe. Intelligence, poésie et esprit d’humanisme Dans son œuvre, les femmes sont fortes et téméraires, et les méchants ont des qualités qui les rendent moralement ambigus. Le cœur à gauche, l’artiste plaide pour une société plus juste, dénonce l’inutilité de la violence et la bêtise humaine, plaçant la nature et l’écologie au centre de ses scénarios. Ses films transmettent avec intelligence et poésie un esprit d’humanisme, de tolérance et de respect de la nature comme aucune autre firme cinématographique ne l’a jamais fait. Son credo : “Les adultes ne devraient pas imposer leur vision du monde aux enfants.” L’ancien retraité (il avait décidé d’arrêter le cinéma en 2013, après Le vent se lève) n’a jamais cessé de griffonner, en fumant clope sur clope… Jusqu’à se réatteler, incorrigible, à un long métrage d’action-aventure-fantaisie. Le Garçon et le Héron voit le jour dix ans plus tard. Inspiré de Et vous, comment vivrez-vous ?, roman publié et interdit en 1937 et dont l’auteur Genzaburo Yoshino fut condamné à l’époque, ce (dernier?) film prouve de nouveau la capacité de renouvellement du maître de l’animation japonais. •


© RGR Collection/Alamy Stock Photo

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Le Voyage de Chihiro (2001) : les aventures d’une fillette de 10 ans n’ont jamais été aussi passionnantes… Et ont valu à Hayao Miyazaki, entre autres grands prix, l’Oscar du meilleur film d'animation en 2003. Un chef-d’œuvre.

portrait


La mer intérieure de Seto NAOSHIMA — INUJIMA — TESHIMA

On les nomme “les îles de la mer du milieu”, îles aux trésors, peuplées d’œuvres d’art et d’habitants heureux. Un pari fou et une odyssée singulière menée par un honorable mécène avec, en fond sonore, la douce musique du ressac.

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© Letizia Le Fur


écosse

© Letizia Le Fur

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Emblématique de Naoshima, la Yellow Pumpkin (“Citrouille jaune”) de l’artiste Yayoi Kusama a été détruite en 2021 par un typhon. Fin 2022, un nouvel exemplaire, aux matériaux plus solides, a été érigé au même endroit.

Le goût du voyage Isamu Noguchi

Naoshima bath

Shodoshima

Cœurs battants

Benesse

Sur le continent, à côté du port de Takamatsu, le muséejardin d’Isamu Noguchi (1904-1988) est une invite à plonger dans l’univers zen et chargé en émotions du sculpteur qui choisit de passer là les vingt dernières années de sa vie.

Avec un palmier, des néons et des faïences multicolores, le fantasque plasticien Shinro Ohtake a transformé un sento (bain public) traditionnel en une œuvre d’art où l’on peut barboter dans l’eau tiède au cœur d’un décor onirique.

Du saké, une sauce soja millésimée, des nouilles qui sèchent au soleil : parmi les plus grandes de l’archipel, l’île de Shodoshima est une sorte de paradis culinaire où les artisans perpétuent les traditions ancestrales.

Sur l’île de Teshima, l’artiste Christian Boltanski a installé, dans une maison traditionnelle reconstruite sur une plage, sa collection d'enregistrements de cœurs humains. Plus de vingt mille cœurs qui, de battre, ne s’arrêteront jamais.

Les hôtes qui ont la chance de dormir dans l’aile dominant la Benesse House peuvent, avec leur clé, entrer dans le musée et le visiter en solo, même en pleine nuit, en pantoufles et pyjama. Inoubliable privilège.


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Amateurs d’art et architectes en total look black viennent s’enivrer dans ce puzzle insulaire contaminé par la beauté.

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rôlant de minuscules îlots en forme de cône parfait, le ferry glisse en prenant son temps, enlacé par la brume comme dans une photo d’Hiroshi Sugimoto. C’est l’une des navettes traçant cet incessant ballet, de l’aube jusqu’au soir, au milieu des 600 îles de l’archipel de Shiwaku, dans la mer de Seto, un morceau de l’océan Pacifique capturé entre trois des îles principales du Japon. Sur le pont, les adultes piquent un somme (les Japonais sont les champions de la microsieste) tandis que les jeunes font des selfies. L’odeur de la terre se mélange à celle de la mer lorsque se profile un petit port singulier dont le quai est encombré d’une citrouille géante et jaune tachetée de pois noirs, emblématique de l’artiste Yayoi Kusama. Voilà Naoshima. Pas plus grosse que Porquerolles ou Ouessant, l’île flotte à l’est de cette mer intérieure qui fut, avant la construction de la ligne de Shinkansen Sanyo, le lien principal entre la région du Kansai et Kyushu. Victime du développement industriel débridé de l’après-guerre, l’archipel

encombré d’usines polluantes fut longtemps réputé pour être la “poubelle du Japon”. Ando, Monet et Sugimoto Aujourd’hui, on ne croise plus dans ces eaux que de minuscules bateaux de pêche, beaucoup d’amateurs d’art et d’architectes en total look black, venus s’enivrer dans ce puzzle insulaire contaminé par la beauté. Fils aîné d’un magnat de l’édition, Soichiro Fukutake trouvait il y a une trentaine d’années dans l’escarcelle de son héritage cette île de Naoshima, ainsi qu’une collection d’impressionnistes assortie d’un unique Pollock. Plutôt que de jouir de sa fortune et d’exposer ses trésors dans son salon, le riche mécène préfère l’enrichir et la partager, mais pas n’importe comment. Son envie : “Revitaliser le lieu avec ses habitants.” Un pari fou. Dès 1992, il s’offre un débarcadère conçu par la célèbre agence d’architecture Sanaa, puis trois musées et un hôtel, tous signés Tadao Ando. Et bien entendu les œuvres qui vont avec. Un James Turrell, un Walter De Maria et cinq monumentaux Nymphéas de Claude Monet se trouvent dans le Chichu Art


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Chaque île est unique, chaque traversée un émerveillement, chaque guide une rencontre. Magique. L’utopie est devenue une réalité.

Museum, un bâtiment enfoui comme un bunker dans la colline. Tadao Ando imagine également un drôle de musée-hôtel, la Benesse House, synthèse de spiritualité japonaise et de coulée de béton poli, qui abritera le début de la collection (Giacometti, Hockney, Richard Long, Nam June Paik…), ainsi que des chambres sobres et lumineuses pour les visiteurs. Et des visiteurs, il y en aura : déjà 500 000 chaque année pour 4 000 habitants. Des personnes âgées, pour la plupart, immédiatement impliquées dans le projet et chargées de guider les visiteurs sur cette île qui ressemble un peu à celle de la série Le Prisonnier. Un troisième musée, le Lee Ufan Museum, dédié au célèbre philosophe-plasticien sud-coréen, viendra s’ajouter avant que l’épidémie ne gagne une dizaine d’îles voisines. Inujima et Teshima ont à leur tour accueilli des musées et investi des friches industrielles. Puis, le projet a contaminé cabanes de pêcheurs, maisons traditionnelles du XIXe siècle désertées et sanctuaires shinto délaissés, confiés à des artistes d’envergure internationale tels Hiroshi Sugimoto ou Tatsuo Miyajima.

L’empire du mécène continue de se répandre en cercles excentriques, colonisant les rochers voisins pour accueillir la Triennale de Setouchi, semant installations et œuvres sur les grèves, dans la nature et dans les villages de pêcheurs. Toute la délicatesse consistant à les intégrer dans la rusticité du paysage. Ainsi dispersée, l’incroyable collection compose le musée le plus singulier du monde. Il se parcourt en faisant du “saute-ferry”, en fréquentant de minuscules restaurants qui servent du poulpe grillé et des anchois produits sur place et en apprivoisant l’idée de la lenteur. Chaque île est unique, chaque traversée un émerveillement, chaque guide une rencontre. Magique. L’utopie est devenue une réalité.

VOYAGEURS DU MONDE Passer la nuit dans un ryokan luxueux ou dans un hôtel-musée au milieu d’œuvres d’art, visiter Naoshima en compagnie d’un artiste… Voyageurs du Monde vous propose un itinéraire 100 % arty, ponctué d’expériences esthétiques uniques au monde.


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mer intérieure de seto

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In the mood À une heure de Kyoto ou Osaka, apparaît la mer intérieure de Seto, et ce calme inespéré si près des mégalopoles. Les possibilités y sont multiples. Naoshima, Inujima et Teshima forment un archipel dédié à l’art contemporain, la nature et l’architecture. Durant la Triennale de Setouchi, on navigue d’île en île, de musées-sanctuaires en maisonsgaleries, savourant l’environnement et les œuvres de land art disséminées à travers les rizières. L’île de Miyajima offre, elle, une aventure plus spirituelle. On vous prévient : sur cette “île sanctuaire”, il est interdit de naître ou de mourir! On chemine jusqu’au sommet du mont Misen pour admirer un panorama époustouflant : les érables du Momijidani Park, le célèbre torii flottant ou le temple Daisho-in. Pour le coucher de soleil, arrêtezvous sur l’île de Shodoshima et sa “route des anges”, un banc de sable reliant deux îlots. Selon la légende, traverser cette route main dans la main garantirait un bonheur éternel… Romantisme assuré ! PLACE TO BE La mer intérieure de Seto est un véritable terrain de jeu pour l’architecte nippon Tadao Ando. Il signe six chambres au Benesse House, hôtel-musée unique en son genre, et sept suites au Setouchi Aonagi, une retraite intime aux lignes épurées. Coup de cœur pour la piscine with a view du Bella Vista Spa & Marina (1) à Onomichi.


contre-culture

NINJAS POP Artiste à pois, petit chat kawaii, stars de k-pop ou de cinéma “hallyuwoodien” (de Corée du Sud), ces figures fascinent. Des modèles de détermination à (re)découvrir ici.

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Hello Kitt y (1974) Petit chat blanc iconique, le personnage d’Hello Kitty a été créé par la société Sanrio. Son design issu de l’univers kawaii a d’abord fait fureur auprès de la jeunesse japonaise avant de séduire le reste de la planète.

Taiho (1940-2013) Koki Naya, surnommé Taiho, devient yokozuna (champion) à 21 ans et atteint ainsi le rang suprême accordé aux sumotoris. Il est considéré comme l’un des plus grands lutteurs de sumo japonais d’après-guerre.

Akira Kurosawa (1910-1998) Né à Tokyo, il est l’un des réalisateurs les plus influents du XXe siècle. Connu pour s’impliquer à chaque étape de la création filmique, Kurosawa a reçu, en 1951, le Lion d’Or à la Mostra de Venise pour Rashomon.

Bae Doo-na (1979) Connue dans le monde entier grâce à la série Sense8 (2015-2018), l’actrice séoulite fait des choix forts. Cinéma d’auteur ou de SF, aucun genre ne lui résiste. En 2023, elle incarne un flic dans le drame policier About Kim Sohee.


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contre-culture

Takashi Murakami (1962) L’initiateur du mouvement artistique néopop Superflat n’a eu de cesse d’innover. Son travail, inspiré de l’imagerie japonaise manga et kawaii, invoque un monde singulier peuplé de monstres, de fleurs, de ballons…

Marie Kondo (1984) Référence dans l’art de l’organisation depuis son livre La Magie du rangement (2011), la Tokyoïte a avoué avoir lâché un peu de lest en 2023. Son récent statut de femme mariée, mère de trois enfants serait-il en cause ?

Impératrice Masako Owada (1963) Brillante étudiante promise à un avenir de diplomate, Masako Owada rencontre le prince Naruhito en 1990. Attachée à son indépendance, elle ne l’épouse que trois ans plus tard, devenant alors princesse, puis, en 2019, impératrice consort du Japon.

Song Kang-ho (1967) Trente ans de carrière et plus de 40 films. Acteur fétiche de Bong Joon-ho (Parasite, Palme d’or 2019), on le retrouve aussi chez Kim Jee-woon, dont le Ça tourne à Séoul ! (2023), où Kang-ho incarne un réalisateur, est un hommage facétieux au cinéma coréen des 70’s.


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Lee Ufan (1936) Peintre et sculpteur minimaliste sud-coréen, ses œuvres touchent à l’universel. Mêlant matériaux industriels (plaques d’acier…) ou nobles (pierre, lin…), convoquant le plein et le vide, il invite à (re)penser le lien entre l’homme et la nature. Un art méditatif.

Yoko Ono (1933) Certes, elle est la veuve du Beatle John Lennon, mais elle est aussi une artiste. Née au Japon, peintre, poétesse, chanteuse, elle participe dès les années 1960 au mouvement Fluxus. En 2017, elle est officiellement reconnue coauteure de la chanson Imagine.

Yayoi Kusama (1929) En proie à des hallucinations, la Japonaise commence à peindre et dessiner très jeune. Résultat : une énergie créatrice et des œuvres immersives, où les motifs – le pois, en particulier – sont répétés à l’infini.

BTS (2013) BTS est l’acronyme de Bangtan Sonyeondan, pour “protéger les jeunes des préjugés sociaux et de l’oppression”. Comme quoi, on peut être (k-) pop, engagé et connaître un succès mondial ! Ce boys band coréen en est la preuve.


La Corée du Sud SÉOUL — GYEONGJU — BUSAN ÎLE DE J E J U — GWANG J U — J EONJ U

Tantôt disruptive et survoltée, tantôt d’un protocolaire qui confine à l’excès, la Corée du Sud du XXIe siècle est le reflet de son histoire tumultueuse. Chronique d’une péninsule qui a la mémoire dans la peau.

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© Jérôme Galland © Olivier Romano

Une rue de Séoul.


© Cécile Rosenstrauch

Gourmande, la cuisine coréenne est également nomade et fait le bonheur des amoureux de street-food.

Le goût du voyage Jeung-do, la “Slow City”

Le patrimoine vert de Suncheon

Mokpo, ville maritime

Nunchi : bien-être à la coréenne

Hotteok : le pancake local

Une île paisible, reliée au pays par un pont. Ses eaux pures, mais aussi salées (l’une de ses spécialités est la production de sel), le jardin botanique de Yeomsaeng, la plage d’Ujeon et la forêt de Hanbando, aux 100 000 pins maritimes, en font un territoire idéal à parcourir en mode slow, à vélo…

Sa baie est l’un des plus grands marécages au monde ! Immense réserve naturelle, elle multiplie les jardins. Le précieux parc de Jogyesan abrite les temples Songgwangsa et Seonamsa. Autour, dans les montagnes, des plantations de thé en terrasse. Un cadre inouï entre biodiversité, panoramas et lieux historiques.

Un bout de monde à l’extrême sud-ouest de la péninsule coréenne et pourtant facilement accessible depuis Séoul par le train rapide KTX. À voir : le musée et le parc national maritime, la plage de Yudal, ainsi que la splendide vue depuis le mont Yudalsan, à quelque 228 mètres d’altitude.

Concept purement coréen datant de plus de cinq mille ans, le nunchi (“mesure oculaire”) permettrait d’établir confiance, harmonie et connexion. En faisant appel à l’observation et à l’écoute, ainsi qu’à son intelligence émotionnelle, la méthode invite à vivre ses relations sociales plus sereinement.

Les adeptes de la street-food n’hésiteront pas à commander cette douceur ultra populaire (prononcer “ho-tok”) aux airs de pancake. Nappée de sirop et fourrée de sucre ou de cacahuètes écrasées, elle se mange surtout en hiver, sur le chemin du travail, pour se réchauffer et se donner du courage.


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éoul, capitale sans âge La capitale coréenne a la bougeotte, le renouveau pour credo. Et parce que l’on ne peut savoir où l’on va sans savoir d’où l’on vient, la cité a placé ses anciens trésors bien en évidence, comme un totem du chemin parcouru. Ainsi se détachent cinq palais, polyptyque d’une époque révolue, d’une dynastie éteinte – celle de Joseon – qui avait réussi l’exploit d’unifier les Corées. À Bukchon, le “village du nord”, les maisons traditionnelles hanoks se serrent les unes contre les autres, leurs fondations de pierre bien ancrées dans le sol. Les saisons glissent sur leurs toits incurvés – hivers mordants, étés brûlants. À rebours de cet éloge du temps suspendu, les nouveaux quartiers de Séoul déploient une barrière de buildings élancés. Après tout, geon, le ciel – qui figure d’ailleurs sur le drapeau national –, est synonyme de paradis. Dans les quartiers de Hongdae et Sinchon, la jeunesse réinvente le modèle de vie coréen, rejetant les prérequis imposés à leurs aînés. Alors, street-art, musique alternative et hardiesse vestimentaire : les rues crient ce que le respect confucéen impose parfois de taire. En résulte une ambiance vibrante, une course contre la montre pour dénicher les lieux branchés dans une ville où le pop-up est roi, sous le crépitement des néons du quartier de Myeongdong ou en deçà des courbes néofuturistes du Dongdaemun Design Plaza, du côté de Gangnam. Au fil du sud-est avec le train KTX : Gyeongju & Busan Comme il se doit dans un pays où l’ultramodernité est un leitmotiv sinon la norme, le sud-est du pays se rejoint d’un coup de KTX, le TGV coréen. Un bond dans l’espace et un virage dans le temps pour atteindre Gyeongju, capitale de l’ancien royaume de Silla. Apparu à l’aube de notre ère, ce dernier prévaudra au fil du premier millénaire

jusqu’à ce que les Trois Royaumes n’en forment plus qu’un. En résulte un paysage piqué de vestiges : à la surface, temple de Bulguksa et observatoire de Cheomseongdae; et, sous les ondulations verdoyantes du terrain, des tumuli où les élites devaient reposer d’un sommeil éternel. La beauté hypnotique de leurs trésors hante longtemps le visiteur tandis que le train pour Busan fend les paysages agrestes jusqu’à se heurter au littoral. Derrière une apparence lisse de station balnéaire, la deuxième ville de Corée du Sud dissimule d’heureuses surprises. Accroché à la montagne, le quartier de Gamcheon – base de réfugiés, puis bidonville – est passé sous les pinceaux et les bombes d’artistes locaux pour un makeover en bonne et due forme tandis que, au niveau 0, le tentaculaire marché aux poissons de Jagalchi voit transiter la moitié de la pêche nationale. Jeju-do, insulaire et insolente Au large de la province de Jeollanam-do, par-delà les eaux, l’île de Jeju naquit des coulées de lave du volcan Hallasan, point culminant de Corée du Sud. Désormais profondément endormi, le géant veille sur cette échappée balnéaire à la géographie en patchwork : au sud, la falaise Jusangjeolli empile des colonnes de pierres façon orgue volcanique ; à l’est, le cône verdoyant de Seongsan Ilchulbong, rattaché à l’îlot par une fine bande de terre, fait office de dernier-né, avec seulement cinq siècles au compteur. Dans les terres, de belles cascades surgissent de la gangue végétale et, sur la rive, de longues bandes de sable accueillent d’impétueux rouleaux. Derrière cette apparente frivolité, Jeju, la fille de la mer, affiche une culture profondément ancrée et un caractère bien trempé. Au détour des sentiers, les imposants dol hareubangs (“grands-pères de pierre”), mains sur le ventre et visages coiffés de chapeaux ronds, garantissent sécurité et fertilité.


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corée du sud

Dans l’air flotte l’écho chantant d’un dialecte local aux consonances nippones, de même que le parfum sucré des agrumes qui s’épanouissent dans ce climat subtropical.

Dans l’air flotte l’écho chantant d’un dialecte local aux consonances nippones, de même que le parfum sucré des agrumes qui s’épanouissent dans ce climat subtropical. Un éden de roche noire qui a séduit les architectes en nombre – du Japonais Tadao Ando, à Seopjikoji (lire pp. 80-83), à son homologue nippo-coréen Itami Jun (sa Church of Sky qui côtoie le ciel et le raffiné Podo Hotel à la toiture bosselée), sans oublier Moon Hoon, le wild child coréen de l’architecture dont les exubérantes maisons commandées par des particuliers marquent durablement l’espace – et l’esprit? Leçon d’histoire dans le sud-ouest : Gwangju & Jeonju Gwangju ou l’archétype du renouveau à la coréenne : se relever, ramasser les morceaux et en faire quelque chose de beau, pour ne pas oublier. Le 18 mai 1980, des manifestations éclatent dans la ville en réponse au coup d’État du général Chun Doo-Hwan. La répression ne se fait pas attendre et elle est d’une violence inouïe. Gwangju perd des âmes et gagne le titre de “Berceau de la démocratie coréenne”. Quinze ans plus tard exactement, la première Biennale de Gwangju voit le jour. Bien décidée à honorer plutôt qu’à oublier, la cité se pare de divers lieux de création, jusqu’à devenir un centre

culturel et artistique majeur. Le long de la “rue de l’art”, les virtuoses en représentation se succèdent jusqu’à l’Asia Culture Center tandis que, disséminées dans la ville, les œuvres du programme “Gwangju Folly” mettent en scène un urbanisme décoratif – et régénératif. Plus au nord, la ville de Jeonju porte également les stigmates d’un passé marqué par des voisins trop présents. Dernier vestige de la forteresse qu’abritait autrefois la cité, la porte Pungnammun a intégré le club restreint des trésors nationaux. Le reste de la ville, pourtant, est porteur d’espoir quant à la préservation d’un patrimoine millénaire : ruelles où s’alignent des centaines de maisons hanoks, sanctuaire où défilent les Coréens en hanbok traditionnel. Au crépuscule du voyage, une certitude : la résilience coréenne ne connaît pas de limite.

VOYAGEURS DU MONDE Arpenter les coins branchés de Séoul avec un local, découvrir la street-food coréenne à la nuit tombée, rencontrer les femmes-plongeuses haenyeo ou assister au spectacle du moment… Voyageurs du Monde est la promesse d’un périple sur-mesure, au plus proche de vos envies et du pays.


corée du sud

© Chris Overgaard/Stock.adobe.com

Les filles de la mer Jeju, “l’île des trois abondances” : vents, pierres… et femmes. Car la silhouette qui surgit des flots pour se glisser sur la berge, son filet chargé de trésors, est bien celle d’Aphrodite. Depuis des siècles, été comme hiver, les haenyeo – “filles de la mer” en idiome local – disparaissent de longues heures à une dizaine de mètres de profondeur pour récolter, en apnée, mollusques et céphalopodes. Un savoir-faire ancestral, transmis de mère en fille : après des premières brasses timides dans l’enfance, les insulaires deviennent apprenties à l’adolescence. Cette occupation vitale sur une terre volcanique si peu arable a conféré aux femmes une place prédominante dans une société autrement largement patriarcale. Pourtant, alors que l’on dénombrait 23 000 plongeuses dans les années 1960, elles ne sont plus aujourd’hui que quelques milliers – et pour la plupart sexagénaires. La culture des haenyeo, inscrite au patrimoine immatériel de l’Unesco en 2016, peine à séduire la nouvelle génération, et les prochaines années verront peut-être ces plongeuses s’immerger pour la dernière fois dans les eaux sud-coréennes.


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In the mood Au risque de donner le tournis, les grandes dualités cohabitent sur la péninsule. L’immense Séoul pulse, excite, agite, inspire ! Il y a tant à voir, goûter, boire, embrasser du regard… Pour une immersion immédiate, débutez la journée au Cafe Onion Gwangjang, corner street-food installé dans un marché traditionnel. Vous parcourez ensuite les rues animées de Myeongdong, épicentre du shopping séoulite où dénicher les dernières tendances cosmétiques mode. Dans le quartier de Gangnam, direction Garosugil : la rue regorge de concept-stores, de galeries d’art et de cafés en vogue. Arrêt obligatoire au Leeum Samsung Museum ou au village Hanok de Bukchon. À l’est, vous découvrez Post Poetics, une librairie d’art indépendante. Le soir, vous dégustez de succulents kimchi, bulgogi, bibimbap ou japchae avant de filer vers le très festif quartier d’Hongdae pour un karaoké inoubliable. À Busan, ne manquez pas l’adorable et très chaleureux Deep Sleep Coffee, ainsi que le bar à vinyles Muse On Vinyl Pub. À Daegu, vous visitez le centre culturel MRNW : galerie, studio de musique, restaurant, café, ce lieu hybride à l’esthétisme léché vaut le détour. À Jeju, île subtropicale balayée par le vent, recouverte de fleurs de canola et de pierres de basalte noires, les maisons d’architectes se succèdent… PLACE TO BE À Séoul, niché au cœur d’un hanok (maison ancestrale coréenne), le Rakkojae allie matériaux traditionnels (bois, pierre et papier de riz) au confort moderne dans une ambiance très élégante et pittoresque. Plus contemporain, le Ryse Hotel offre de très belles vues depuis son rooftop animé. À Jejonju, vous optez pour une adresse cachée dans un musée. Sur l’île de Jeju, vous vous installez au Seaes, lieu délicieux au cœur d’un ancien village de pêcheurs.

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© Carol Sachs © Young-Ah Kim

À Jeju, déambuler au milieu des multiples lieux culturels fait partie des incontournables.


architecture – corée du sud

JEJU Entre les lignes

Grain d’île volcanique posé en mer de Chine, au sud de la péninsule coréenne, l’île sauvage de Jeju est devenue en l’espace de vingt ans, un pôle magnétique de l’art et de l’architecture.

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e Japon a Naoshima, la Corée du Sud a Jeju. Entre les forêts de pins, les orgues de basalte et les champs de sarrasin, cette île d’à peine mille kilomètres carrés a vu sortir de sa terre volcanique sacrée un étonnant laboratoire d’art et d’architecture contemporaine. En 1992, l’architecte Tadao Ando signait sur l’île japonaise le désormais célèbre Benesse House Museum (lire pp. 62-67), basé sur “la coexistence entre nature, art et architecture”. Vingt ans plus tard, il récidivait à Jeju, avec le Bonte Museum, dans lequel pousserait bientôt, là aussi, une citrouille géante de l’artiste Yayoi Kusama. Sur cette île mystérieuse cohabite désormais une profusion de lieux culturels, des plus anecdotiques (musées du chocolat ou de l’ours en peluche) aux plus émouvants tel le mémorial du 4.3 Peace Park, hommage aux victimes du soulèvement de 1948-49. Autre lieu poétique, le musée dédié au Coréen Kim Tschang-yeul (1929-2021), dans les montagnes de Jeoji-ri, lien architectural entre l’œuvre du plasticien, basée sur les gouttes d’eau, et les paysages ruisselants. Réalisée par l’agence séoulite Archiplan, la structure fait écho au travail de Ando. Comme un phœnix À la pointe est de l’île, le Pritzker 1995 a frappé de son sceau la péninsule de Seopjikoji. Là, au cœur d’un surprenant complexe nommé Phoenix, toute l’Asie vient se dire oui, se dorloter, de la suite au spa, face au cône volcanique du Seongsan Ilchulbong, étiré entre vagues et ciel. Ando y signe trois réalisations emblématiques. La première, nommée Genius Loci, “l’esprit protecteur”, est une salle de méditation. Lignes épousant le relief, murs flanqués de cascades, patios où le vent fait chanter les herbes folles. En deuxième rideau, la Yumin Art Nouveau Collection abrite cinquante pièces ayant appartenu à un magnat de la presse coréen passionné par les maîtres verriers de l’École de Nancy : les frères Daum, Eugène Michel et Émile Gallé, dont la célèbre “lampe champignon” constitue le centre de l’exposition. La conversation entre Tadao Ando et la nature brute de

Jeju rythme la visite, les perspectives changent selon l’humeur du ciel et sa lumière. Juste à côté, pas n’importe où, la Glass House, papillon de verre cubique et troisième acte du Japonais, déploie ses ailes et plane sur des jardins suspendus. Toujours au Phoenix, un autre pape de l’architecture contemporaine, le Suisse Mario Botta, a posé sous une pyramide tronquée de métal et de verre une agora où chuchotent les courants d’air. Un calme paradoxal au succès de Jeju, longtemps secret bien gardé de la haute société de Séoul, désormais reliée par 250 vols quotidiens, un record mondial. Ce boom touristique s’accompagne de projets immobiliers que l’île tente de canaliser via de grands architectes et de jeunes studios coréens. Sous les pierres de lave Au Lotte Jeju Art Villas, le Français Dominique Perrault tresse de fer blanc un quartier tout en rondeurs, tentative de dialogue avec les cubes austères voisins du studio séoulite DA Group, quand les façades en bois du Japonais Kengo Kuma s’enfouissent sous les pierres de lave. Plus à l’ouest, le Japonais d’origine coréenne, Itami Jun (1937-2011) a déposé sur l’eau une église, comme une arche miroitante, tandis qu’au nord, les villages côtiers livrent la réinterprétation des maisons traditionnelles chojip : ici un dôme de zinc aux allures de cétacé (le Blind Whale de l’agence Z_Lab), là une librairie-bateau (Slowboat Atelier) et son équipage de chats, ici encore une cabane de pêcheurs muée en café romantique (The Poet’s House) signée de l’architecte local Yang Gun, ouvrant grand sur la mer. Des lignes contemporaines comme autant d’odes aux traditions vernaculaires et à la force naturelle de Jeju.

VOYAGEURS DU MONDE Visites privées, rencontre avec un commissaire d’exposition, un architecte, une artiste : grâce à nos spécialistes et notre service conciergerie francophone sur place, vous vivez Jeju sous l’angle de votre choix.


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© Young-Ah Kim

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Angles droits et béton velouté : les marques de fabrique de l’architecte japonais Tadao Ando, à l’origine du Bonte Museum réalisé en 2012.


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l’usage du monde


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