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TEXTE EDITO
Quand on vieillit, les cadeaux perdent parfois de l’importance et on ne sait plus trop quoi lui demander au Père Noël, cette année (on fera le bilan quand elle sera vraiment terminée), on lui demande juste de pouvoir continuer l’aventure W-Fenec en gardant peu ou prou le même rythme de croisière... Et quand tu perds une pierre angulaire stakhanoviste, c’est dur. Mais on a bon espoir et si dans ce numéro tu ne verras plus «Aurelio» en signature au bas de certains articles, tu vas découvrir trois nouveaux paraphes : Mic, Antonin et Elie. Mic, tu le lis déjà peut-être sans le savoir car c’est depuis septembre le fenec chargé de balancer les news au jour le jour (et ça en fait du boulot), on l’a un peu poussé à prendre la plume pour rédiger un article plus long qu’une brève, il semble y avoir pris goût, il y a donc fort à parier qu’il récidivera dans le futur, ce sera en fonction de son envie (et de son temps disponible !!!). Antonin et Elie sont eux des rookies de l’ombre, volontaires, ils ont été recrutés pour mettre des mots sur des sons, toujours sans aucune pression, ils font là leur galop d’essai en décortiquant quelques disques, les membres historiques que nous sommes ont jugé leur travail d’excellente qualité, sans quoi, ces pages ne seraient pas là. Parce que notre nerf de la guerre est bien là, la qualité. De ce qu’on écoute, de ce dont on parle mais aussi comment on en parle. Certains sur le web (et même dans la presse) sont assez peu regardants au niveau d’écriture, il s’agit surtout de faire des lignes, de remplir des cases avec des nombres de caractères et, si on n’y échappe pas avec la mise en page du mag, on ne fait jamais trop attention au compteur, il arrive d’ailleurs qu’on soit trop long (vas-y Aurelio, tu peux faire une vanne) mais alors on «coupe» un peu pour que ça rentre (quoi ? Tu veux t’enfoncer et refaire une vanne ?) et le reste paraît dans la version archivée «en ligne». La team W-Fenec est une équipe virtuelle qui est devenue une vraie équipe qui prend plaisir à se voir «en vrai» quand elle le peut, c’est une petite équipe par choix comme par obligation. Par choix pour pouvoir gérer «simplement» et maîtriser le contenu, par obligation parce que des bonnes âmes douées pour l’écrit qui aiment le rock dans toutes ses largeurs et sont prêtes à donner de leur temps pour un lecteur invisible (toi), il y en a peu... Alors accueillons comme il se doit ces trois petits nouveaux qui, qui sait, seront peut-être des tauliers dans quelques années... Joyeux Noël et bonne année. Oli
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SOMMAIRE TEXTE
SOMMAIRE 04 EZ3KIEL 10 STEREOTYPICAL WORKING CLASS 11 PNEU 12 COLD WAR KIDS 14 FUGAZI 15 LA CANAILLE 17 GODFLESH 22 MONOGRENADE 24 UNSWABBED 28 RORCAL /PROCESS OF GUILT 34 THE BLACK ZOMBIE PROCESSION 38 RANCID 42 RUFUS BELLEFLEUR 44 AqME 50 EMPTY YARD EXPERIMENT 56 UNDERGANG 66 WACKEN 68 SEQUED’IN ROCK X 70 EN BREF 78 CONCOURS 80 NEXT 81 IL Y A 10 ANS 82 DANS L’OMBRE 3
LES DISQUES DU MOIS
EZ3KIEL Lux (Ici D’Ailleurs)
Deux ans après que Matthieu (batteur) et Yann (bassiste) aient quitté la scène, EZ3kiel est repassé en studio après une série de productions «live» sous toutes leurs formes (du vinyle au DVD, avec ou sans Hint, avec ou sans les musiciens de la version «Extended») et de nombreux concerts qui ont permis aux nouveaux de s’intégrer. Pour autant, il n’y a pas de révolution chez les Tourangeaux puisque Yann est toujours à la manoeuvre pour les machines et les aspects visuels, c’est d’ailleurs lui qui signe l’artwork qui n’est pas sans rappeler celui de Versus tour et côté enregistrement, c’est encore avec Fred Norguet (Monsieur Z, Sleeppers, Dead Pop Club...) que le groupe a travaillé, comme il le fait depuis Equalize it. Le paradis des guerriers nordiques, «Valhalla», est la colonne vertébrale de ce nouvel opus qui, et ça ne surprendra personne, est d’une qualité exceptionnelle. «Born in Valhalla» indique l’acte de naissance de Lux, la lumière est, et avec elle une douce mélodie qui nous berce et nous emmène nous reposer loin des champs de bataille viking. Les saturations ont beau nous titiller après quelques minutes, il est trop tard, on est captivé et captif, EZ3kiel peut disposer de nous comme il l’entend. Et le retour de cette mélopée enivrante quelques
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pistes plus tard («Dead in Valhalla») donne l’impression qu’on l’a toujours connue, comme si l’hypnotiseur en remettait une couche, Valhalla est le coeur du réacteur, ce qui nous amène à la fusion avec l’univers du groupe. Et pourtant... Et pourtant, ce n’est pas cet ensemble qui a ma préférence sur Lux. Non, je trouve «Zero gravity» encore plus fort... Parce que pour réussir à allier légèreté aérienne et puissance astronomique dans le même titre, ce n’est pas simple, sauf à les écouter... Avec, là encore, des choix et une qualité de distorsion tout à fait remarquables. Et dans les sons les plus gras, comme ce sublime Lux riff granuleux et cette basse sourde de «Lux» qui déclenchent nos mouvements et un sourire de satisfaction absolu, comme dans les plus clairs (les gouttes musicales absolument pas «Dusty» ou la quiétude incarnée «Never over», là où tout n’est qu’ordre et beauté, calme et volupté), EZ3kiel ne se trompe jamais, le dosage est juste parfait à chaque fois. Et si tu penses que l’arrivée de deux trublions dans leur monde pourrait enrailler la machine, c’est raté... Que ce soient Pierre Mottron ou Laetitia Sheriff, les deux invités se fondent dans le décor avec une aisance déconcertante. Le premier apporte sa voix cristalline et accepte de se la faire triturer par des effets pour en quelque sorte déshumaniser «Anonymous» alors que la seconde abandonne son côté rock pour se transformer en enchanteuse trip hop sur un «Eclipse» qui a tout d’une Massive Attack qui vise le coeur. EZ3kiel peut donc faire ce qu’il veut, évoluer sans fondamentalement changer, muter, se métamorphoser en conservant sa capacité à nous charmer, en gardant toutes les forces issues de son passé pour mieux nous faire voyager, danser, planer et nous toucher, nous émouvoir, nous bouleverser. Oli
INTERVIEW TEXTE
ITW > EZ3KIEL
Venus défendre leur nouvel album LUX dans un Bataclan complet depuis 15 jours, les membres d’Ez3kiel, à travers Johann et Sylvain, se sont posés une demi-heure à nos côtés pour évoquer ce nouveau disque et d’autres sujets non moins intéressants. Vous disiez il y a si longtemps dans une interview que la presse ne s’intéresse pas à vous... Johann Guillon (guitare, prog, claviers, ebow) : Non, c’est pas ça qu’on a dit. C’est plutôt que les grands médias ne s’intéressent pas à nous et on a surtout dit qu’heureusement que les webzines, les fanzines et les radios indépendantes étaient là pour relayer l’info sur nous. Ez3kiel a changé son line-up pour la sortie de LUX. Yann a fait une sorte de «faux départ». Tenir la basse, les machines et les visuels, c’était trop ? Johann : Il n’avait que deux bras. Sylvain Joubert (basse, guitares, claviers) : J’ai pas l’impression qu’on puisse parler de faux départ pour Yann. C’était clair pour lui, il avait décidé de consacrer tout son temps à la mise en scène et à la création lumière du spectacle. Johann : Oui, puis cela s’est fait petit à petit. Ca a commencé avec la dernière tournée Extended avec une formule contenant un petit orchestre de chambre. On était 13 sur scène et il s’occupait déjà de l’aspect visuel, il ne sentait pas de gérer les deux parce que c’est dur au bout d’un moment de faire la musique et les visuels, faire du code, voilà, c’était plus possible.
Yann a été remplacé à la basse par Sylvain qui était déjà là pour les lives en version Extended, c’était le choix le plus évident ? Sylvain : Ouh la la, ben ils n’ont pas eu le choix en fait (rires). Disons qu’ils m’ont appelé pour prendre la basse sur la tournée Extended, pour un projet bien défini dans le temps, une tournée en l’occurrence. Et puis, il s’avère qu’en milieu de tournée, il y a deux ans à peu près, ils m’ont demandé de rester à plus long terme pour travailler en trio sur la composition de ce nouvel album. J’avais le gun sur la tempe, j’ai pas eu le choix (rires). Johann : Sylvain, ça fait 20 ans qu’on le connaît, il jouait déjà dans un groupe au début d’Ez3kiel qui s’appelait Manifold. Pour la petite histoire, dans le Naphtaline Orchestra il y a un bassiste qui s’appelle Thomas Lesigne qui devait faire la tournée Extended et qui n’a pas pu parce qu’il avait d’autres plans. On ne connaît pas beaucoup de bassistes à Tours qui ne déménagent pas, ça nous a paru normal de faire appel à Sylvain. Et puis pour LUX, c’était évident qu’il reste avec nous, c’est aussi simple que ça.
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INTERVIEW TEXTE
Vous n’aviez pas envisagé de continuer à deux batteurs vu que Matthieu, membre originel du groupe, est parti ? Johann : Trouver un bassiste c’est déjà dur, alors un bassiste plus un batteur, laisse tomber (rires). Non, quand Matthieu est parti, on ne s’est pas posé la question de jouer avec deux batteries. C’était très bien pour Battlefield parce que les morceaux étaient faits comme ça, mais là on voulait revenir à une formule simple en trio avec Yann aux visuels. Ca nous allait très bien comme ça. Et il y a une raison sur le départ de Matthieu ? Johann : C’est la vie ! Ca fait 20 ans qu’on était avec Matthieu, il avait d’autres envies, ça s’est fait très simplement. On est encore ami, d’ailleurs on le salue au passage. Ce n’est pas facile non plus quand on a passé autant de temps ensemble. En plus, Matthieu c’est quelqu’un qui est à l’initiative du groupe donc ça a été compliqué, autant pour lui que pour nous, mais ça a été le bon choix. Depuis 2008 et Battlefield, tout s’est fait surtout en collaborations (Hint, The Naphtaline Orchestra, version Extended), ça fait quoi de revenir en «solo», était-ce un véritable challenge ? Johann : Musicalement, ça a été un challenge parce qu’on avait pris l’habitude d’être plusieurs sur scène et en répétition. Les choix musicaux ne sont pas les mêmes dans le sens où chacun ne fait pas la même chose. On est content de l’avoir relevé, c’est vrai que c’était pas facile au début car il a fallu réapprendre à se retrouver à 4, à ravoir des automatismes qu’on avait peut-être perdu. Du coup, on est bien content de ce choix-là, on retrouve une vraie identité Ez3kiel, celle qui nous a fait connaître avec Handle with care et Barb4ry. C’est un peu un retour aux racines. Avec l’orchestre, vous aviez repris le thème de «Requiem for a dream» de Clint Mansell, êtes-vous tenté par la reprise d’un titre d’un univers différent ? Sylvain : Helmet ! Johann : Ouais, on en avait parlé, une reprise d’Helmet. Sylvain : Ca n’a rien à voir du tout en plus. Depuis qu’on s’est mis à bosser sur LUX, on n’a pas du tout réfléchi à l’idée d’une réadaptation d’un morceau. C’est peut-être un peu tôt, ça va peut-être venir mais pour le moment, on a plus envie de défendre les morceaux qu’on a écrit. Enfin, je crois... Johann : Oui, oui, tout à fait !
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LUX est sorti le 10 novembre. Vous avez fait une série de dates de concerts avant, c’est une volonté ou ça s’est trouvé comme ça ? Johann : En fait, on a pris du retard dans la création de l’album. On a repoussé et repoussé la date de sortie et on a fait comprendre que fallait que ça sorte à un moment. Les dates étaient calées avant la sortie de l’album, c’est juste qu’il aurait du sortir plus tôt. Pouvez vous nous parler de LUX, sa genèse, son approche et sa direction artistique ? Sylvain : Alors, la genèse. On s’est retrouvé à 3 en studio après la tournée Extended dans laquelle on était 13. On a eu un passage à vide c’est à dire qu’on a du apprendre à se retrouver et surtout à se trouver musicalement. C’est pour ça qu’on a mis un peu de temps à l’écrire, on avait cette envie de réécrire à 3 et de revenir aux sources du groupe. Concernant l’approche artistique, on voulait ce retour aux sources électroniques du groupe avec quelque chose de très brut, de très rock. On a essayé de synthétiser ces deux envies là au sein de cet album. Et puis la direction artistique. Johann : C’est toujours dur de décrire la direction artistique, ce n’est pas à nous d’en parler. L’album ne nous appartient plus, il est maintenant aux gens et c’est à eux de se faire leurs idées, leurs rêves et leurs délires à son sujet. C’est compliqué de mettre des mots à notre musique quand on est dans notre local de répétition. Sylvain : On ne s’est pas posé de limite artistique. C’est un peu bateau de dire ça mais on compose avec nos tripes, on fait des pré-prod’, des rushs, on les écoute et si ça nous parle avec la tête et le ventre, on valide. Et puis s’il ne se passe rien, on jette, c’est comme ça qu’on avance. Au niveau des styles musicaux, il n’y a pas de limite. La traduction de LUX, c’est lumière. Est-ce que c’est Yann, qui a justement apporté ce concept avec sa mise en scène, qui vous donné l’inspiration dans la composition ? Johann : Non, ça s’est venu après. La création des morceaux ne s’est pas faite en fonction du concept qu’allait y avoir sur scène. Le nom de l’album est parti de là mais il est arrivé vers la fin. Certains titres ont été créés il y à 2-3 ans. Quand on sort un album, on sait qu’on va aller le défendre sur scène car c’est là qu’on touche le maximum de gens, ils peuvent nous écouter et nous voir dans la forme la plus authentique d’Ez3kiel. C’est un tout, en fait. Mais la création des morceaux, c’est quelque chose de tellement abstrait, c’est ce qu’il se passe autour de
nous, ce qu’on entend autour de nous, ce qui peut nous arriver. C’est très basique au final.
N’avez-vous aucun attrait pour des producteurs étrangers qui sauraient apporter une autre vision ? Johann : Si, mais ils n’ont pas répondu (rires). Ils répondront peut-être un jour. Johann : Ouais, comme les grands médias. L’album existe en deux éditions, la classique et la Continuum comprenant un EP bonus. Quelle est l’origine de ces titres bonus ? Ils n’étaient pas assez bons pour l’album ? Sylvain : Non, ce n’est pas une question de qualitatif. On ne voulait pas faire un album trop long mais plutôt quelque chose de dense, d’assez ramassé. On s’est dit qu’une petite heure de musique instrumentale bien agencée, ça suffisait, mais qu’en même temps c’était dommage de ne pas exploiter ces morceaux qu’on a créés aussi dans la dynamique de composition. C’est l’idée de Stéphane Grégoire, de notre label Ici D’ailleurs, qui est venu faire des écoutes dans notre local, nous a briefé sur l’ordre des morceaux, et qui nous a dit de faire deux versions de l’album. On est très content de ça d’autant plus qu’on n’y avait pas pensé du tout, on ne l’aurait jamais fait. On était tellement dans les morceaux, tellement plus objectifs par rapport à notre musique que quand Stéphane est arrivé, il l’a fait au bon moment. Il nous a un peu secoué, et a été tellement directif et convaincant qu’on s’est laissé faire. Il a eu des choix assez tranchés, même sur l’ordre des morceaux, on n’aurait jamais fait ça, mais on lui doit tout ça. Du coup, on est très content des choix qu’il a fait.
INTERVIEW TEXTE
Vous travaillez avec Fred Norguet depuis toujours, c’est un confort de continuer avec lui ? Johann : Pour le moment, ouais, c’est la personne qui nous correspond le mieux. Humainement, c’est quelqu’un qu’on apprécie, avec qui on s’entend très bien et sa manière de travailler, d’appréhender les sons et le mix, est très simple. C’est facile parce qu’on se connaît depuis 20 ans, il a fait notre première K7 donc tu vois, ça date pas d’hier. On a essayé avec d’autres personnes, ça s’est pas mal passé mais ce qui est assez incroyable avec Fred, c’est qu’il est autant ouvert sur le côté acoustique des prises que sur les machines. Et puis, il a tout le temps plein d’idées à proposer. Après, c’est vrai qu’on n’a pas rencontré beaucoup d’ingénieur du son parce que bosser avec Fred, c’est que du plaisir et c’est très simple.
Parmi les invités de LUX, il y a Laetitia Sheriff sur «Eclipse» qui sonne très trip hop. Comment se créé un morceau comme celui-là ? Vous la dirigez totalement ou c’est un travail commun ? Johann : Laetitia, on lui a laissé une liberté totale. L’instrumental, avant qu’elle pose sa voix dessus, est resté le même après, donc elle a vraiment fait ce qu’elle voulait. Pierre Mottron, ce n’est pas la même chose, il est arrivé à la genèse du morceau, on a plutôt fait des échanges ensemble. Au début, il y avait juste le couplet, les accords et la rythmique électro. Il a chanté sur un couplet, cela a donné une idée pour un refrain, ça a été du ping-pong pendant deux semaines, le temps qu’on fasse les prises de l’album. Voilà, donc c’est vraiment deux manières de faire bien différentes, mais c’était plus facile avec Pierre car il habite Tours. Il n’y a pas vraiment de mode d’emploi avec les invités, à chaque fois ça ne se passe pas de la même façon. Quand on fait appel à quelqu’un avec qui on veut bosser, on lui laisse totalement le choix sur l’écriture, sa manière d’interpréter, et on n’a jamais été déçu des collaborations en général. Verra-t-on vos deux invités sur scène ce soir ? Sylvain : On en verra un. Pierre sera là avec nous ce soir et on est très content car c’est la première fois qu’on va interpréter le morceau sur scène avec lui au chant. Quelqu’un a-t-il déjà refusé de travailler avec vous ? Ou il y a t-il eu des rencontres qui n’ont pas pu se faire ? Johann : On nous a empêché de travailler avec quelqu’un, ouais. Son directeur artistique. Tu ne veux pas me donner son nom ? Johann : Non ! Mais sinon, on a jamais eu de refus. Le titre emblématique sur cet album ? Sylvain : C’est compliqué de répondre à ça. Je n’ai pas de réponse à t’apporter mais tu as une idée peut-être ? Non mais j’aime beaucoup «Zero gravity». Sylvain : D’accord ! On va aborder la partie visuelle d’Ez3kiel même si Yann n’est malheureusement pas là pour en parler. Pouvez-vous nous expliquer comment il a réalisé la conception visuelle de LUX ? Johann : En fait, c’est comme si tu me demandais comment les morceaux ont été fait, c’est compliqué hein. C’est du code, c’est tout ce que je peux te dire (rires). C’est des 1 et des 0. Sylvain : Grossièrement, oui, c’est du code. Il a généré son logiciel, il l’a créé lui même en ayant en tête qu’il avait ses outils rigolos qu’on appelle les Magic Panel
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qui lui ont permis de faire ce mur de lumière. L’idée, c’était de pouvoir diriger grâce à son logiciel ce grand rectangle composé de 48 Magic Panel. C’est manuel, il le dirige aussi avec des lasers, ce sont des machines autonomes les unes par rapport aux autres et qui sont synchronisées en même temps pour faire des figures. A partir de là, tout le challenge pour lui, c’était de créer des tableaux originaux et détourner l’utilisation qu’on peut avoir de ces machines jusque ici. Ce sont des trucs assez puissants, il les sous-exploite, il utilise 30% de leur puissance pour pas que les gens finissent aveugles à la fin du show parce que c’est assez intense. En effet, j’ai eu un aperçu pendant vos balances, c’est assez incroyable. Est-ce que vous savez ce que ça représente en nombre de lumières ? Sylvain : C’est simple, tu as 48 Magic Panel contenant 36 Led chacune. Donc 48x36 et tu as le nombre (NDR : ça fait 1728). J’imagine que vous avez vu l’exposition de Yann «Les Mécaniques Poétiques». Pouvez-vous me dire en quoi consistent ces installations interactives ? Johann : C’est le prolongement du DVD-ROM Naphtaline qu’on avait sorti. C’était des tableaux interactifs sur ordinateur où on pouvait manipuler le son et l’image. Et le prolongement de tout ça, c’était des installations texte multimédia sous forme d’objets anciens comme une vielle machine à coudre Singer par exemple. Les gens se posent devant, tu as un pédalier que tu actionnes, tu fais tourner des cylindres sur l’écran et ça fait du son. Ça a été décliné sur 10 installations comme un vélo qui se trouve face à un écran, quand tu pédales, tu avances dans l’image, quand tu donnes un coup de sonnette, il y a un événement à l’image avec un son, un coup de frein, ça va être autre chose. Voilà, et je crois que maintenant il y a 12 installations dans un musée à Agen où se trouve l’expo actuellement. Pourquoi Ez3kiel ne fait pas de clip alors que vous êtes très lié à l’image ? Johann : Parce qu’on avait pas assez d’argent. Mais là, on espère en faire un pour la prochaine tournée qui va commencer en mars. On a des idées de clip et des envies pour bosser avec certaines personnes sur ce projet. Ouais, c’est quelque chose qu’on aimerait bien mettre en place. Quelles sont vos inspirations en matière de réalisation images, je pense notamment au cinéma ? Johann : Parlons d’un réalisateur comme Jim Jarmusch où la musique tient une place importante dans ses
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films. C’est une personne dont les travaux m’inspirent, d’ailleurs pas mal de nos morceaux font références aux personnages de certains de ses films, on a même samplé des dialogues issus de ses réalisations. Et puis il y a un autre réal’ que j’aime beaucoup qui s’appelle Nicolas Winding Refn, qui a notamment fait «Drive» et «Only God forgives» Il y a t-il des travaux de lumière ou de VJing de confrères qui vous touchent ? Johann : Oui, toute l’installation lumière de Nine Inch Nails, c’est un truc de fou. J’avais pris aussi une bonne calotte avec le cube d’Etienne De Crecy, et je dirais la dernière tournée de Vitalic, un grand moment. Merci à Ez3kiel, à Jean-Philippe de Martingale, à Fabienne Wessier, à Guillaume, Lenny, Antoine et Olivier pour le tournage vidéo et le Bataclan Café. Merci à Oli pour l’aide à la rédaction des questions de l’interview. Ted Crédit photos : Keipoth
INTERVIEW TEXTE
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LES DISQUES DU MOIS
STEREOTYPICAL WORKING CLASS Every cloud has a silver lining (Klonosphere) ultra cool («A song for Kepler» et son intro à la Tool ou «Live and learn» et son renfort de contrebasse) ou plus vénèr («Walking over you», «Truth or consequences»), on reste en terrain conquis d’avance. Et honnêtement, il faudrait être fou pour leur réclamer de faire autrement ! Every cloud has a silver lining aura mis notre patience à rude épreuve mais les SWC sont bien de retour et en pleine forme. Et les réécouter après ces années procure non seulement un grand plaisir mais met également en évidence combien le groupe s’est forgé une identité forte, car ce rock-là, avec cette sensibilité, ce timbre, cette approche chaleureuse, ils sont les seuls à le faire. Oli
Tu es déçu par le nouvel album des Foo Fighters et tu cherches un groupe avec des mélodies destructrices, un bagout phénoménal et un son accrocheur ? Fonce sur Stereotypical Working Class et son Every cloud has a silver lining ! Si tu n’étais pas encore très rock il y a 5 ans (Day after day ça fait déjà cinq années...), peut-être que tu ne les connais pas encore et tu rates quelque chose... Superbe artwork, très jolies sonorités (Fabrice Boy a aussi bossé avec Lodz, Fred Kevorkian a masterisé les derniers The Stooges, Drowning Pool, The Jon Spencer Blues Explosion...), les Lyonnais ne font jamais les choses à moitié sauf quand il s’agit d’incorporer harmonies délicates et riffs puissants. Là, le groupe se partage et amalgame comme dans un rêve des parties ultra douces à des attaques métalliques du plus bel effet. Et malgré le poids des ans, le combo transmet toujours son envie d’en découdre (puis au besoin de nous recoudre) car il est difficile de ne pas se laisser embarquer, et ceux qui auraient résisté à l’inaugural «Talkers are not doers» ne pourront rien face au sublime «Soon enough», du Stereotypical Working Class de haut niveau qui ravira les fans du quatuor. Parce qu’il faut bien le dire, il n’y a pas de révolution ou même d’évolution en vue, le groupe fait ce qu’il sait faire de mieux, qu’il la joue
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LES DISQUES DU MOIS
PNEU
Destination qualité (Head Records)
Dire que ce nouvel album était attendu est un euphémisme tant le groupe a su séduire les «noiseux» exigeants et les autres aussi par le biais de deux disques fantasques, percutants et marquants (Pince monseigneur et Highway to health) mais aussi par des performances (l’utilisation de ce mot n’est pas innocent...) lives délicieusement régressives. Quid du duo en 2015 ? Le groupe continue de proposer du Pneu pur-jus tout en sur-développant (oui, ils ont enclenché la vitesse Pneu2.0...) cette évolution noté sur Highway to health : les fulgurances math-punk des débuts laissent de plus en plus la place à des compositions chiadées et d’une densité nouvelle, «Gin tonique abordable» dure par exemple 9 minutes et accumule les idées par palette de 12, ça bastonne toujours mais avec des intentions différentes, la débauche d’énergie se révèle beaucoup plus sinusoïdale. Au lieu de donner un seul uppercut qui aboutira au K.O comme sur le cinglant Pince monseigneur et bien souvent sur Highway to health, le groupe s’amuse à jouer à la poupée vaudou avec nos oreilles, enfonçant des aiguilles là ou ça fait du bien (et mal à la fois, sinon c’est pas fun...), pour un résultat vraiment passionnant et jouissif.
Les deux premiers titres mettent les points sur les i avec des pistes ravageuses : on est de suite grisé par les élucubrations math-efficace et il s’agit là d’une reprise de contact en forme d’accolade joyeuse et de bisous-bisous qui sied parfaitement à l’auditeur ayant adoré Highway to health. La quatrième piste, «Gin tonique abordable», c’est une autre paire de manche, le morceau s’amuse à jouer avec les nerfs, on hypnotise les oreilles pour mieux les fracasser par la suite avec une baston guitare/batterie du feu de dieu. RIP l’auditeur de Destination qualité. Et si t’es encore vivant après ce titre, il reste encore du bel ouvrage à subir, telle que «The biggest, the ankle» ou Pneu revêt un nouvel apparat : un morceau free, déstructuré, déroutant qui s’enchaine parfaitement avec le morceau suivant. Et comme succéder à Eugene Robinson (Oxbow), c’est pas évident, c’est un autre cador du micro qu’ils ont recruté avec Pete Simonelli d’Enablers et le résultat est à la hauteur de l’association : vénéneux, sinueux et foutrement jubilatoire. Trouver un moment passable ou ennuyeux dans Destination qualité en revient à chercher avec qui Dave Grohl n’est pas ami dans le bizness rock américain (sic). C’est dire l’excellence de cette galette. Et comme le groupe va tourner assidument pour promouvoir ce putain de disque, si tu les rates, c’est que t’es vraiment une grosse tanche. Mais vraiment une grosse. Alors ne soit pas une tanche s’il te plait. David
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LES DISQUES DU MOIS
COLD WAR KIDS Hold my home (Pias)
fait étrangement discrète. Alors soit, un groupe évolue. Mais quand il perd les trois-quart de son essence, peuton encore parler du même projet ?
Comme tous les gosses, on aurait aimé qu’ils ne grandissent jamais et restent les mêmes musiciens possédés et foutraques, entrés dans la postérité de l’indie à l’époque de leur premier essai Robbers & cowards en 2006. Mais comme tous les bons musiciens, ceux-là aussi ont évolué : dans leur démarche, dans leur son, dans leurs ambitions, certainement. Une évolution qui verra le départ de leur fantastique guitariste-fondateur en 2012, puis de leur batteur l’année suivante. Alors, 5 albums et 10 ans après leurs débuts, où en est Cold War Kids (ou plutôt qu’en reste-t-il) ? Ce qui frappe d’entrée avec Hold my home, c’est le déséquilibre qui s’est progressivement installé au sein du quatuor américain. Là où les anciennes productions donnaient à entendre (et à voir en live) une formation soudée, fusion de fortes personnalités, on sent désormais le chanteur davantage mis en avant, au risque d’être souvent livré à luimême («All this could be yours» qui tourne presque à vide). La voix de Nathan Willett est toujours aussi juste et sincère mais elle sonne désormais comme celle d’un rescapé, avec le bassiste, de la ‘’grande époque’’. Le jeu de batterie, qui avait déjà commencé à passer à la trappe depuis la direction plus électronique prise sur le troisième album, Mine is yours, est devenu globalement impersonnel. La guitare, autrefois si centrale et sale, se
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Ce qui perturbe surtout, c’est l’envie de créer des hymnes, quasi sur chaque titre, chez des artistes naguère aux antipodes de telles considérations. À cette fin, le propos se fait de plus en plus rock, carré, compressé, sec («Hot coals», «Drive desperate»), comme si le groupe nous faisait le coup de «Something is not right with me» (single de leur second LP Loyalty on loyalty) mais sur un album entier. Oublié le feeling mystique de «Robbers» ou «Avalanche in B». Oubliée aussi une certaine mise à nue, une fragilité sans retenue. Les compositions semblent courir, mais vers quoi ? Du stadium-rock à la U2 («Hotel anywhere») ? Des sons plus pop à la Red Hot Chili Peppers («Go quietly») ? En fait de courses, on a surtout le sentiment qu’elles fuient leurs origines à tout jambe. Tout n’est évidemment pas à jeter, certaines pistes parviennent encore à mêler habilement noirceur d’antan et recherche de luminosité («Nights & weekends»), même si très vite on se retrouve de nouveau avec cette foutue caisse claire sur tous les temps, broyeuse de groove («Hold my home», «Flower drum song»). La fin du disque, plus subtile, rattrape un peu l’affaire («Harold bloom») et le tout se termine même par le meilleur des 11 titres. Ouf. Succombant aux envies rassembleuses, les Cold War Kids ont désormais choisi de faire du rock moyen là où ils excellaient pourtant dans leur blues torturé. Comme tous les gosses, on aurait aimé qu’ils ne grandissent jamais ; ceux-là semblent avoir définitivement quitté la maison. Antonin
LES DISQUES DU MOIS
BLONDSTONE Mass solace (TFK prod)
« Hé, Gui, tu devrais écouter ce groupe, c’est vraiment cool.Et si ça te plait, parle-s-en dans ton webzine ». Le temps d’un instant, j’en ai voulu à mon ami Minmin d’utiliser le terme « webzine » pour qualifier le W-Fenec. Il y a des claques qui se perdent. Mais je lui serais à jamais reconnaissant de m’avoir mis entre les pattes le premier album de Blondstone. Trio originaire de Nancy, Blondstone puise sa fougue et son époustouflante qualité dans le mouvement grunge, le rock ‘n’ roll anglais des 90’s et le stoner rock américain. Si je pouvais me permettre un raccourci le plus élogieux soit-il, Blondstone est l’enfant caché d’une complexe alchimie entre Queens Of The Stone Age pour les structures destructurées, Supergrass pour les voix et Stone Temple Pilots pour les mélodies. Difficile à croire, et pourtant, Mass solace, premier effort longue durée de Blondstone, est tout simplement un bijou de rock décomplexé, riche en riffs et en sonorités lugubres et bandantes. Rien que ça.
caresse le sublime avec onze chansons quasi parfaites. L’ombre de la bande de Josh Homme plane sur ce disque très réussi, mais il ne s’agit pas là d’un vulgaire plagiat honteux mais bien d’un hommage appuyé au génie du rouquin. Mais cela ne s’arrête pas là car le groupe lorrain maîtrise à la perfection son sujet pour faire frissonner l’auditeur. Les morceaux les plus désaxés laissent place à de véritables bijoux pop stoner. Les mots n’ont parfois pas assez de sens pour décrire avec exactitude des morceaux parfaitement arrangés et subtilement exécutés. Difficile d’extraire un ou deux morceaux de l’ensemble, cela ne serait pas juste (même si le fabuleux « On your own » et le magique « All my flaws » ont pris possession de mon esprit pour un bon moment, j’en suis persuadé). Et décortiquer chaque titre de Mass solace n’aurait aucun sens. Plus que le chroniqueur d’un énième disque sur son étagère, c’est l’amoureux des mélodies, des rythmes lourds et ambigus et des guitares aux multiples couleurs qui enchaînent cette succession de mots pour te faire prendre conscience que nous tenons là une véritable pièce maîtresse de ce qui se fait de mieux aujourd’hui en stoner rock dans l’hexagone... et probablement au delà des frontières. Jouissif. Voilà ce qui me vient à l’esprit quand il s’agit de résumer de façon très succincte cet excellent disque. Les sonorités, diverses et variées, sont mises en avant par une production de qualité, et le talent de composition des trois musiciens va faire des envieux. Je suis impatient d’entendre la restitution de cet ensemble en live, et je ne me cache pas de crier haut et fort que oui, J’AIME Blondstone. Et toi aussi, tu verras. Gui de Champi
Tout au long des 50 minutes, Blondstone fait voyager l’auditeur dans un monde irréel , complexe et envoûtant. Toi qui es en train de lire cette chronique, tu vas croire que j’en fait beaucoup trop, mais clairement, Blondstone
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FUGAZI
First Demo (Dischord Records) de tous les temps. Fugazi, c’est mon groupe préféré de tous les temps. Mon groupe préféré de tous les temps, c’est Fugazi. Fugazi, c’est mon groupe préféré. Fugazi, c’est mon groupe préféré de tous les temps. Fugazi, c’est mon groupe préféré de tous les temps. Mon groupe préféré de tous les temps, c’est Fugazi. Fugazi, c’est mon groupe préféré. Fugazi, c’est mon groupe préféré de tous les temps. Voila. Au revoir. Ah zut, on me signale que cette chronique doit être un minimum construite et argumentée.
Fugazi, c’est mon groupe préféré de tous les temps. Mon groupe préféré de tous les temps, c’est Fugazi. Fugazi, c’est mon groupe préféré. Fugazi, c’est mon groupe préféré de tous les temps. Fugazi, c’est mon groupe préféré de tous les temps. Mon groupe préféré de tous les temps, c’est Fugazi. Fugazi, c’est mon groupe préféré. Fugazi, c’est mon groupe préféré de tous les temps. Fugazi, c’est mon groupe préféré de tous les temps. Mon groupe préféré de tous les temps, c’est Fugazi. Fugazi, c’est mon groupe préféré. Fugazi, c’est mon groupe préféré de tous les temps. Fugazi, c’est mon groupe préféré de tous les temps. Mon groupe préféré de tous les temps, c’est Fugazi. Fugazi, c’est mon groupe préféré. Fugazi, c’est mon groupe préféré de tous les temps. Fugazi, c’est mon groupe préféré de tous les temps. Mon groupe préféré de tous les temps, c’est Fugazi. Fugazi, c’est mon groupe préféré. Fugazi, c’est mon groupe préféré de tous les temps. Fugazi, c’est mon groupe préféré de tous les temps. Mon groupe préféré de tous les temps, c’est Fugazi. Fugazi, c’est mon groupe préféré. Fugazi, c’est mon groupe préféré de tous les temps. Fugazi, c’est mon groupe préféré de tous les temps. Mon groupe préféré de tous les temps, c’est Fugazi. Fugazi, c’est mon groupe préféré. Fugazi, c’est mon groupe préféré
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Alors, on pourrait te dire que le groupe a une discographie exemplaire et intouchable. Que le fait d’avoir une éthique assez ardue ne les a pas empêchés de se faire un max’ de pognon et que c’est largement mérité. Que le groupe nous emmerde avec son hiatus même si les musiciens se sont tous brillamment illustrés au travers de projets tous plus intéressants que les autres (The Evens pour Ian MacKaye, les albums solos de Joe Lally... etc) et on pourrait te dire également que cette First demo documente de fort belle manière les débuts d’un groupe dont le degré d’exigence et l’aura artistique auront traumatisé positivement les musiciens du monde entier. Ces 11 pistes ne font que confirmer le talent déjà haut de gamme de musiciens qui avait su conjuguer la fougue du hardcore avec des prétentions arty. Et cette First demo permettra surement à Ian MacKaye de financer encore 10 ans de sorties Dischord et ça, c’est le deuxième effet kiss cool. David
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LA CANAILLE
La nausée (Association La Canaille / L’Autre Distribution) nausée fait davantage place aux programmations électroniques dépouillées, substrat du slam-rap réaliste de son frontman. Chacun de ses titres apporte sa pierre à l’édifice grâce à sa couleur, son ton, son message, son humeur, son histoire, et bien sûr son invité vocal ou musical qui contribue à l’ouverture artistique de ce disque. Ainsi, Lazare vocifère dans son rôle d’»Omar», le voisin SDF du narrateur ; Sir Jean (Meï Teï Shô, Le Peuple de l’Herbe) déverse son flow fédérateur si particulier sur «Briller dans le noir», morceau hip-hop-ragga percutant qui termine en beauté l’œuvre ; Lorenzo Bianchi signe la prod limpide et angoissante de «Décalé», l’un des meilleurs titres du CD. On est même surpris par un solo de trompette sorti de nulle part sur «Monsieur madame».
On entend souvent dire que le troisième album est un cap à passer, que c’est quitte ou double. Au mieux, on ose affirmer que c’est celui de la maturité, au pire que c’est le début de la fin ou carrément celui de trop. Dans le cas de La Canaille, qui a sorti il y a quelques mois La nausée, on est à l’antipode de la fin, le groupe ayant compris ce que le mot «évolution» signifiait réellement. «Maturité» n’est pourtant pas le terme approprié pour parler de ce nouveau disque car la formation de Montreuil en faisait déjà preuve et ce depuis ses débuts. Et si son rôle à toujours été, à l’instar de tant d’autres (citons Lofofora, La Phaze ou Cabadzi) de réveiller les consciences à travers des textes lucides et éclairés, sa manière de les mettre en musique évolue sensiblement. Composé en majeure partie par Mathieu Lalande et Jérôme Boivin autour de son chef de file Marc Nammour, ce nouvel album ne sonne pas complètement hip-hop malgré la présence de quelques beats bien placés et des scratchs de DJ Pone (Birdy Nam Nam, Svinkels, Sarh) et de DJ Fab - et encore moins rock, même si les prestations de la formation n’en sont pas loin sur scène grâce, entre autres, à la guitare agonisante de Serge TeyssotGay sur «Omar». Pas mal délaissé justement de ces cordes qui faisaient le bonheur de Par temps de rage, La
La Canaille et sa marque de fabrique indélébile, née de la plume du rappeur, conteur et poète urbain Marc Nammour, est vraiment à part dans le paysage musical français. Toujours en auto-production par le truchement de son association, le porte-voix du milieu ouvrier et de la précarité s’assure une crédibilité artistique à travers son vécu, son soutien du milieu musical, son attitude vis à vis de ses diverses actions (ateliers d’écriture, réalisation d’un opérap) et bien évidemment la qualité de son travail abattu sur La nausée. Sa découverte en mars dernier via le single «Jamais nationale» - une réponse à la montée du front aux élections européennes qui rappelait sur certains points le «Quand j’entends le mot France» d’Duval MC (Merci Rémi pour la découverte !) - laissait présager du bon. Il a pourtant fallu moult écoutes pour analyser le tout et admettre in fine que La Canaille tient là son opus le plus abouti jusqu’à présent. Ted
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SLICE OF LIFE
Slice of life (Slow Death / Guerilla Asso / Risk The Branch Records...) pas de surprendre avec des titres entraînants (le tube « Goodbye my friend », « Wasted ») à la limite de l’explosion (l’excellent et très punchy « Adventure » clôturant ce disque et rappelant les belles années de la scène emo punk française), et des morceaux plus posés et paradoxalement joués avec les tripes (« Monophobia », « All the same »), avec toujours ce basse/batterie omniprésent et ces guitares chaleureuses et lumineuses. Moi qui ne suis pas un fanatique de ces groupes qui usent et abusent des arpèges, le compromis avec les accords tendus et ces bons vieux barrés me satisfait pleinement. Le chant du guitariste Rémy (appuyé en concert par le bassiste Guillaume) s’inspire de ces groupes US qu’ils aiment tant et trouve toute son efficacité quand il n’est pas hurlé (ceci est mon point de vue, mais si tu lis ces lignes, c’est bien que mon avis t’intéresse, n’est-ce pas ?).
J’espère sincèrement que ma chère et tendre épouse ne lira pas cette chronique. Car les révélations qu’elle contient ne manqueront pas de la troubler. Car oui, je suis amoureux de Slice of Life. Depuis que j’ai croisé la route de ce trio de Béthune (62 powa) un soir de mai 2014 dans le sous-sol d’un bar de la ville du Havre, ma vie n’est plus vraiment la même. Car outre le fait que les gars viennent de ma ville natale, le « punk rock mélo hardcore et plus si affinités » de Slice of Life m’a véritablement conquis. Jeune groupe (on parle d’un band formé en 2013), Slice of Life frappe très fort avec un premier EP 7 titres sorti en cd et en vinyle sérigraphié sur une multitude de labels (dont l’excellent Slow Death). Et même si certaines erreurs de jeunesse sont décelables à l’écoute de ce bizutage discographique (le break de « Wasted », certaines parties vocales), l’ensemble est particulièrement réjouissant et très flatteur pour une première production. Les amoureux de Get Up Kids et consorts trouveront forcément leur compte dans cette (ef)fusion de rage, de mélodies feutrées et de puissance maîtrisée. Tout au long de ces trop courtes 22 minutes et après une intro mettant les pieds dans le plat, Slice of Life n’en finit
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A l’instar d’un The Early Grave, Slice of Life en impose et se place déjà en véritable chef de file de cette nouvelle génération de groupes français décomplexés mais respectueux de leurs grands frères américains (mais pas que), sublimant avec trois fois rien un style musical qui n’a pas fini de délivrer tous ses secrets. Sinon chérie, je t’aime. Gui de Champi
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GODFLESH
A world lit only by fire (Avalanche recordings) bases qu’en 1988-1989 (si ce n’est que les prises, le mixage et la sortie sur son label sont désormais gérés par Broadrick himself). Riffs lents et lourds, saturés à l’extrême, larsens à tous les étages, voix trafiquées, rythmes binaires puissants et presque poussifs, pas de révolutions, pas de prises laissées au temps chez Godflesh qui prend un malin plaisir à nous donner ce qu’on attendait : un métal industriel brut, abrasif, loin d’une musique aseptisée et surproduite. Godflesh ne fait pas dans le détail plus que dans la dentelle, n’en a rien à foutre des finitions et des arrangements, le duo kiffe la martialité et laisse la construction de titres en relief aux amateurs de réflexions et de pinaillages à base d’amplitude et de spectre.
En 2014, plus personne ne fait de métal indus comme quand le genre a émergé... Enfin, ça, c’était vrai jusque ce nouvel album de Godflesh ! Dans la galaxie des groupes fondateurs du style, bon nombre ont arrêté les frais et les survivants se sont plus ou moins éloignés de leurs racines... Remettons-nous un peu dans le contexte, en 1989, quand sort le Streetcleaner du duo anglais, Ministry envoie The mind is a terrible thing to taste, Skinny Puppy édite Rabies, NIN débute avec son Pretty hate machine et les Young Gods bidouillent L’eau rouge... Pendant une dizaine d’années, Godflesh sera brutal, s’immolera avec Hymns en 2001 avant de se réincarner en Jesu pour laisser reposer (tout est relatif !) l’artillerie très lourde. Mais c’était écrit, 2010 a vu la résurrection de Godflesh et quelques retours sur scène jusque cette fin d’année 2014 où un vrai nouvel album débarque : A world lit only by fire.
A world lit only by fire, c’est ton mal de crâne après une grosse biture, celui qui te bourdonne en tête et rend toute conversation impossible, c’est ton voisin qui perce ses murs pour accrocher ce qui te semble être une exposition entière de tableaux de maîtres, c’est le train de marchandises infini qui passe devant toi alors que tu es en retard... C’est ce genre de truc insupportable en temps normal mais ici, ton côté maso te le fait endurer encore et encore car, ce genre de riffs, ce son, ces ambiances, il n’y a que Godflesh pour les faire vivre comme un bonheur. Oli
Un nouvel album fait avec de vieilles recettes, dans un très vieux pot et avec de vieux briscards... «New dark ages» ne dit pas le contraire, un «Nouvel âge sombre» s’offre à l’auditeur, comme si tout n’était qu’éternel recommencement. Et comme on prend les mêmes pour recommencer (Justin K.Broadrick et BC Green pour ceux qui n’ont rien suivi), on repart sur les mêmes
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Dirty Work Of Soul Brother Electric working (label)
Drum’n keys, garage psychélectrique, appelez ça comme vous voudrez, Dirty Work Of Soul Brothers c’est avant tout du rock direct, fun et rentre dedans (dans tous les sens du terme). Pour autant, vous pourrez chercher les classiques basses et guitares du power trio : vous ne les trouverez pas. Depuis 2011, les nancéiens ont troqué les cordes pour les touches de claviers vintages. Des claviers qui saturent comme c’est pas permis, surfant sur les ondes de chocs envoyées par la batterie surpuissante de Fred. Un batteur qui s’est d’ores et déjà imposé comme une personne à craindre dans le coin, que ce soit au sein de DWOSB ou Boneyard Moan lorsque le blues le prend. Le batteur se taille donc justement la part du lion sur ce premier album, Electric working, avec un mix tout à l’honneur de son jeu varié, bonhamien, efficace et atypique, qui porte à lui seul toute la musique du trio. Pas de power trio sans batteur digne de ce nom, n’est-ce pas ? Les claviers n’ont plus qu’à envoyer la sauce, une sauce bien grasse, qui brûle le gosier et dont on n’osera vous révéler le dosage en alcool. DWOSB est en effet bien plus rock que le plus rock de
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tes groupes de rock. Du garage bien excité qui tire sans sommation et qui s’en prend tout de suite à ton fessier. A la fois Heavy et dansant, les morceaux s’enchaînent comme des cocktails molotov en plein printemps arabe, déboulant sur des refrains qui - à défaut de l’inventer font clairement parler la poudre. Si on était méchant on avancerait que, quand même, c’est pas encore ça au niveau du chant, mais c’est tellement assumé et secondaire par rapport à la débauche de groove et de décibels qui est envoyé, qu’on oublie ce menu détail très vite. D’autant que les gars le savent et qu’ils ont su le mettre à sa juste place dans le mix. Un mix très travaillé d’ailleurs, et réalisé par le groupe lui-même. Et oui, ils sont DIY en plus, oui madame ! Pour ne pas gâter le plaisir, Electric working varie les ambiances et les tempos et s’efforce de ne jamais tomber dans la triste routine du passage à tabac. Si la plupart des titres sont indéniablement rock, voire carrément hard rock par moment (l’intro de « Run run » aurait pu être réalisée en collaboration avec John Lord) on se surprend à se demander d’où sortent « Drop dead gorgeous », chanson d’amour, enfin, de cul quoi, chantée en français avec un relent de cabaret miteux, et « Geuut » où le trio s’offre un petit délire electro bien speed qui a tendance à rendre totalement dingue. Les titres tirés de l’EP sorti l’an dernier restent malgré tout parmi les meilleurs de l’album (« No food », « Down », « Mad men », « White ») même si les versions originales étaient peut être un cran au-dessus encore. Enfin, c’est le fan de la première heure qui pinaille. Tout au long de l’écoute, on ressent la bonne humeur dans laquelle l’album a sans doute dû être enregistré, sans parler de cette auto-dérision palpable et communicative qu’on devine facilement. Bref, qu’on les connaisse ou pas, écouter Dirty Work Of Soul Brothers c’est un peu comme aller voir des potes à un concert lors d’une soirée ou la murge n’est pas une option. Un groupe à l’esthétique fraîche et originale, à écouter et surtout à surveiller de près. Elie
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PROGSTONE Out from there (Chamosound Records)
référence plus précise. Les amateurs du genre pourront les ajouter dans ce tiroir avec les plus récents Alter Bridge voire carrément Stonedrive ou Evenline. Avec un son «moderne» et une voix qui ne cherche pas à en copier une autre, Progstone évite pour autant les comparaisons trop prononcées et sort son épingle du jeu avec un album très agréable à écouter.
Progstone nous vient des Alpes suisses, de Martigny pour être précis, mais les montagnes n’ont pas empêché la déferlante grunge dans les années 90 ou l’envoi de bandes outre-Atlantique en 2013. Après une démo éponyme en 2011, le quatuor a enregistré un EP (In the wild en 2012) pour se faire davantage connaître et appréhender au mieux le studio qu’il a réinvesti (celui de Sion) avant de laisser le soin à Howie Weinberg (Nirvana, MetallicA, RHCP...) de masteriser cet album mixé à Seattle (dans un endroit cher à Pearl Jam, Alice in Chains, Soundgarden...). Julien (chant, guitare), Alban (guitare), Eric (basse) et Yohan (batterie) ne cachent pas leurs influences et les expriment totalement sur Out from there qui est sorti chez Chamosound Records.
Variant les rythmes entre la balade chaleureuse et la rock song de bucherons aux relances métalliques, les suisses alternent les tempos et par la même occasion les ambiances, passant allégrement du mode grand frère réconfortant à celui de grand frère vénèr. Dans ce dernier cas, l’intonation générale oscille parfois davantage entre le stoner (pas prog du tout) et un bon vieux hard rock («The thin red line» par exemple) s’éloignant du modèle de tranchant qu’est Alice In Chains. Progstone peut être lourd et rapide mais ne semble pas agressif, les titres ont du poids mais pas spécialement de mordants, c’est peut-être là-dessus qu’ils peuvent d’ailleurs progresser, si le chant élargissait un peu son spectre pour être plus proche des envies d’en découdre des guitares («Turning down the light»), le groupe gagnerait certainement en accroche et perdrait ce côté lisse amplifié par la prod. Il n’en reste pas moins que les Octoduriens réalisent une belle sortie de leurs alpages avec Out from there, un album très facile d’accès et au fort pouvoir accrocheur malgré son manque d’aspérité. Oli
Les Progstone sont de grands admirateurs des maîtres du grunge mais nous sommes en 2014 et sortir un disque «crasseux» n’est pas dans la mentalité suisse, la production et les sons sont donc aussi impeccables que les rues helvètes, pas question de laisser traîner quelques saletés, c’est donc plus naturellement vers Pearl Jam («Inner fire», «Bark of time») ou Creed («Alone together») qu’il faut se tourner pour pointer une
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A FAILING DEVOTION The fallen (M & O Music)
croit qu’un morceau va sonner plus classique, les guitares sonnent la charge pour le relever («My cross») et lui donner une identité qui le fera exister au sein d’un album très homogène où les samples se font une petite place et servent de liant depuis «From ignorance» jusque «To oblivion» (de l’ignorance à l’oubli donc), un ultime titre qui se cache en bout de piste sans qu’on ne comprenne vraiment pourquoi, car il mérite d’être dans le bloc avec les autres...
Après la belle promesse de leur premier EP éponyme, A Failing Devotion enfonce le clou et va se révéler à un bien plus grand nombre avec The fallen, un premier album explosif ! Les Dunkerquois ont travaillé localement avec Olive T’Servrancx (Black Bomb A, Zoe, As They Burn...) et R3myboy pour mettre en boîte 10 titres ultra mastoc qui ont séduit M & O Music qui délivre le tout cet automne. Le premier sentiment, c’est que l’ensemble est plus massif et moins mélodieux, moins estampillable «metal core» que la démo, le chant clair étant plus discret et bien plus vindicatif, on se retrouve bien plus proche du métal de Machine Head que de Chimaira, Caliban ou Heaven Shall Burn. Ca bastonne donc bien davantage, à l’image de ces «One way to survive», «No regrets» ou «The fallen» lourds, rapides et saturés qui comportent tout de même quelques mélodies là où on ne les attendait pas forcément. Si en règle générale, ça taillade les cordes à haute vitesse, il arrive aussi que le tempo s’alourdisse et que le rythme baisse, les titres n’en sont alors pas moins intéressants, en témoignent par exemple «Opium» et son beau travail sur la dynamique et les chants ou «Dead letters», un instrumental aux sons acérés malgré des mesures assez tranquilles et qui prolonge parfaitement «Shameless». Et quand on
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Laissant la plupart des parties mélodiques aux guitares ou à l’habillage, A Failing Devotion a durci son propos s’éloignant de certains modèles pour se rapprocher d’autres tout en conservant une belle qualité d’écriture, ça faisait longtemps qu’un groupe de métal nordiste ne m’avait pas autant impressionné. Etant proche de l’épicentre, je peux te conseiller de bien te préparer à la secousse ! Oli
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RISE AGAINST The Black Market (Interscope)
risque et avec des tubes radiophoniques qu’on pourrait presqu’entendre sur RTL2 (pop-rock station power !), « People live here » en premier lieu. Mais attention, tout n’est pour autant pas à jeter (enfin quelques morceaux quand même avec les trop calibrés « Tragedy + time » et « Sudden life ») tant le groupe maîtrise d’une main de maître l’art de la composition rock/punk efficace. Oui Rise Against fait du Rise Against et moi ça me plaît sur certains aspects. On trouve néanmoins de très bons titres dans la veine de leurs précédentes ogives sonores tels que le très punk « The eco-terrorist in me », « The black market » ou encore le premier single de l’album « I don’t want to be here anymore ».
Qu’attendre de Rise Against en 2014 ? Question qu’il semble légitime de poser lorsqu’on l’on s’est intéressé de près à leur discographie comme c’est le cas pour moi. Les Ricains ont démontré par le passé leur capacité à produire des disques punk-rock de bonne voire d’excellente facture (The sufferer & the witness) et ce de manière (quasi) constante. Alors ce successeur à Endgame sorti en 2011 est-il à la hauteur de leur discographie ? Réponse en quelques lignes.
En conclusion, ceux qui aiment le Rise Against des débuts seront très vraisemblablement déçus comme ce fut mon cas. Pour ceux qui ont découvert le groupe sur le tard - époque Appeal to reason et Endgame - pourront se délecter de leur nouvelle production avec un certain plaisir. Mic
D’abord, il est à constater que leur dernier opus avait pu décevoir, notamment parce que le disque était en demi-teinte. En témoigne la chronique dans les pages du W-Fenec du dit-effort par notre ex-comparse aureliO. Le groupe a en effet amorcé depuis deux albums une orientation plus rock que punk de leurs débuts. Leur style a évolué et est clairement davantage orienté mainstream aujourd’hui. Et c’est bien là tout le problème.The black market ne faillit pas à la règle de ces groupes qui répondent aux chants des sirènes du music-business. Comme l’ont fait bien avant eux des Red Hot Chili Peppers, Muse, Linkin Park, et j’en passe. A vouloir plaire à l’auditeur toujours plus massivement, on se retrouve avec entre les oreilles un disque sans prise de
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MONOGRENADE Composite (Atmosphériques)
pace - physique ou mathématique, le minimalisme et la solitude), ce second album se veut consciemment cohérent (la connexion entre les paroles et la musique est évidente) et parfaitement abouti. Une cohérence aidée par une très bonne production ; à contre-courant des enregistrements francophones habituels au chant sec, très en avant et maniéré, la voix sait ici se faire discrète, fantomatique. À saluer également, la très belle place laissée à la basse, ronronnante et sensuelle («Labyrinthe»), qui tisse son histoire tout en restant au service de chaque titre (à la manière d’un Carlos Dengler chez Interpol).
Monogrenade est un groupe originaire de Montréal fondé en 2008 par Jean-Michel Pigeon. La formation possède la particularité de mélanger textes en français et instrumentations oscillant entre folk, pop, rock, électro et orchestrations à cordes. Les cinq musicien(ne)s ont publié un EP 7 titres (La saveur des fruits en 2008) ainsi que deux albums (Tantale en 2008 et Composite en 2014) dans lesquels ils proposent une musique évocatrice, progressive et sombre. Monogrenade fait partie de ces groupes qui, dès leurs premiers enregistrements, font preuve d’un fourmillement d’idées, d’une volonté tenace d’incorporer toutes leurs influences dans leur musique. Depuis sa création en 2009 et deux sorties (La saveur des fruits, Tantale), le projet des Québécois, mené par Jean-Michel Pigeon, mélange pêle-mêle électro à la Radiohead, orchestrations classiques, chansons francophones acoustiques et morceaux progressifs. Des éléments toujours présents mais mieux maîtrisés sur ce nouveau disque. Mûri sur une période plus courte, Composite témoigne de l’écriture aiguisée de musiciens qui se concentrent désormais sur ce qu’ils aiment. Articulé autour de concepts déjà à l’état embryonnaire dans Tantale (l’es-
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Là où Tantale les disséminait au hasard, les titres acoustiques et électro n’apparaissent qu’à mi-parcours, offrant un second souffle à un album qui n’en avait même pas besoin. La progression est logique entre le superbe «Composite», le plus rock «L’aimant» et les terres synthétiques («Métropolis», «Tes yeux») : à aucun moment l’auditeur ne se perd en chemin. Une dizaine de pistes sans véritables faiblesses (ou alors juste «Phaéton», s’il fallait chipoter) sublimées par les interventions ponctuelles de cordes romantiques et tétanisantes, dont le climax est atteint dans les dernières minutes du disque («Le Fantôme»). Monogrenade confirme, avec ce LP court et intense, tout le talent déjà montré auparavant. Avec les pépites de leurs précédents opus («La marge», «L’araignée», «Ce soir» ou «La fissure»), Monogrenade est désormais en mesure d’offrir des concerts tout bonnement immanquables. Antonin
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The Amsterdam Red Light District Gone for a while (Red Light records) n’roll et enchaînent les titres à une vitesse d’exécution incroyable avec une rythmique ultra-pêchue. Ça pulse dès le démarrage et ce n’est pas prêt de s’arrêter tant les moments de calme sont inexistants. Tout au moins si l’on exclut ce « Final boarding call » qui scinde le disque en deux parties extrêmement équilibrées. Une courte pause (une minute vingt-sept ; je te l’ai dit, ces mecs ne sont pas venus pour amuser la galerie), comme pour nous laisser respirer avant d’en reprendre pour son grade. C’est d’ailleurs tout juste après cet interlude que le quartet nous envoie son single « Gone for a while ». Morceau dont les images du vidéoclip illustrent parfaitement ce que l’on ressent à son écoute : à fond la caisse !
The Amsterdam Red Light District se forme en 2005 à Lyon, et pas à Amsterdam comme tu aurais pu te l’imaginer. Le line-up du groupe est composé d’Elio, Maxxx, Greg et Chan. Quatre potes bien décidés à t’en mettre plein les oreilles d’un mélange hardcore, punk, rock n’ roll dont les influences vont de Refused à The Bled en passant par The Bronx et The Ghost Of A Thousand. Le groupe sort un premier LP Dear diary en 2010 chez Red Light records dont il assure la promo en tournant partout en Europe notamment avec des groupes majeurs tels que Refused (encore eux !), Anti-Flag ou encore Comeback Kid. C’est l’année suivante, en 2011, qu’il met en boîte un EP 4 titres, I’m not insane, prétexte à faire ce que le band affectionne le plus, le live ! Après avoir éclusé la scène massivement, les Lyonnais reprennent le chemin du studio en 2013 pour enregistrer Gone for a while.
La construction des morceaux est relativement classique et n’est pour autant pas propice à l’ennui tellement l’énergie entraînée par le combo est communicative. La voix, tantôt mélodique, plus souvent écorchée vive, ajoute à la dynamique de cette galette. On se retrouve à taper du pied tout au long de ces onze pistes - ou plutôt dix comme je l’expliquais plus en amont - de pure jouissance rock n’roll. A n’en pas douter The Amsterdam Red Light District est un groupe dont on ne peut que se délecter en live et où il doit prendre tout son sens et mettre le feu (« Set the world on fire »). A noter la participation sur le disque des Lyonnais de Justin Schlosberg de Hell is For Heroes pour clôturer en beauté. et à une vitesse effrénée tu l’auras compris. Pour ma part, cet album est une excellente découverte et je vais de ce pas explorer la discographie de TARLD car si leurs précédentes productions sont aussi énergisantes, ça vaut forcément le détour ! Mic
Deuxième LP au compteur pour The Amsterdam Red Light District, TARLD pour les intimes. Et je te préviens de suite, ce Gone for a while ne fait pas dans la demimesure. Après seulement quelques secondes d’un jeu gratte/batterie au son étouffé, l’album passe en mode pied au plancher et libère toute son énergie. Sans concession. Les quatre gaillards balancent la sauce façon punk
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INTERVIEW TEXTE
INTERVIEW>UNSWABBED C’est la première fois que je pars à la rencontre d’un groupe sans préparer aucune question sur un morceau de papier... Mais c’était la quatrième fois que j’allais me retrouver face aux Unswabbed pour une interview «officielle» et la énième fois que je croisais leur route, une route marquée de longues discussions en «off». On se cale dans les douches des vestiaires de la salle qui accueille le Sequed’In Rock et c’est parti pour une demi-heure de débats animés avec le quatuor... Un EP en autoproduction et en anglais, Unswabbed c’est un groupe qui débute ? Séb : Un groupe qui revient aux sources ! Au début, on chantait en anglais mais c’est pas une justification, c’est plus la mise en danger... Ou personne ne voulait vous signer ? Charles : Quelle agression ! (rires) Séb : Au contraire, le plus dur, ça a été d’être dans le bureau avec des gens qui nous suivent depuis des années et de rompre. On se sent extrêmement libre, est-ce qu’un jour on aura un autre label, pourquoi pas... Charles : On ne peut pas nier que c’est beaucoup plus rapide, tu composes, Tof a un studio, tu peux enregistrer et tu peux presque le presser et le sortir dans la foulée, repartir faire des concerts tout de suite... Quand t’es dans un label, t’as une sorte de latence hyper chiante... Notre premier skeud est sorti en 2004, on l’avait enregistré en 2002... J’aime pas ce côté lent quand t’es sur un label. Séb : Si on revient sur un label, il faudra qu’il soit réactif. Tof : On peut se permettre d’être autonome avec le travail du studio, on peut bosser et c’est plus facile à gérer financièrement. On a un outil à disposition sans avoir besoin de quelqu’un qui nous épaule pour
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l’investissement... Et pourquoi un EP, le deuxième est quasi prêt il me semble... Charles : On a déjà pas mal de titres. Séb : On a bien plus que pour faire un EP mais on n’a pas de ligne de conduite. On a été latent pendant un an ou deux à se chercher un peu, après l’acoustique il ne s’est pas passé grand chose. Au moment où on s’est dit «on y retourne», on voulait y aller tout de suite, on ne voulait pas chercher un label pour en trouver un qui te dise «ça va sortir dans un an». On a décidé de sortir un EP, 5 titres, on voulait le faire quand on en avait envie, être libre. Le prochain ce sera peut-être un EP, peut-être un album... Bruno : C’est une nouvelle situation pour nous, on retrouve des sentiments qu’on avait au tout départ, on retrouve ce côté «saut dans le vide», c’est hyper appréciable car on va bientôt fêter nos 20 ans, on a des tonnes d’automatismes, le line-up n’a presque pas bougé. Comme pour l’acoustique, on se met en danger et on retrouve de l’adrénaline et on est en flux tendu. Séb : Ce qui est vraiment agréable avec cette situation, c’est que si on n’arrive pas à faire ce qu’on a envie de faire, à savoir faire beaucoup de dates, on n’aura aucune
Et faire des dates, ça rapporte plus que de faire un disque... Charles : Oui, financièrement, ça permet d’avoir un turnover de thunes, d’investir dans d’autres choses. Séb : Ca ne rapporte pas grand chose non plus, sinon on aurait fait de la variété ! Là, on va avoir un backdrop, on a tout axé sur les concerts, on n’a pas fait de clip même si on aimerait bien, on a une idée avec des histoires à illustrer... Charles : Ca, c’est le côté t’as pas de label, t’as pas 2 clips à 20 000 boules lors de la sortie de ton album ! Séb : Mais t’as plein de mecs, de graphistes qui te proposent des trucs, qui ont des idées. Dans un label, on te propose un gars, toi t’en veux un autre, il faut ramener quelque chose..., tu fais des demandes... Là on réfléchit en amont, on demande à des gars de délirer sur nos morceaux parce que peut-être on fera un truc et on a une cinquantaine de mecs qui réfléchissent sans savoir si ça va se faire alors qu’avant t’avais qu’un mec... Tales from the nightmares, c’est un volume 1, il y a forcément une suite de prévue dés le départ, c’est pas juste l’instant présent... Charles : L’idée de départ, c’est de sortir 3 fois 5 titres qui se rejoignent à la fin. Le EP nous permettait de bosser plus rapidement, artistiquement ce que tu apportes est frais. Séb : Tu ne défends pas sur scène des trucs que t’as écrit 2 ans avant... Le concept c’est de rester autour des mêmes thèmes, dans ma tête, c’est bien plus que 5 titres, c’est plus réfléchi que n’importe quel album. Tof : On est en 2014, les gens ne sont plus bloqués sur un format album, ils téléchargent un titre par-ci par-là, ils se foutent un peu du support. Charles : Et ça nous permet de le vendre moins cher sur le stand de merch, les gens claquent 5 euros, c’est pas dramatique. Bruno : C’est rigolo de bosser sur un triptyque, de réfléchir à une suite, tout en gardant une spontanéité, on ne
fait pas un concept album, on laisse aller notre imagination, on verra où ça nous emmène.
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excuse ! Si ça foire, on s’en prendra qu’à nous-mêmes. Là, le bébé nous appartient, on a repris la main car à des moments, il nous appartenait un peu moins, on fait un épisode supplémentaire. Charles : Ce qui est marrant, c’est qu’après avoir quitté notre label, on a signé chez un tourneur, ce qui ne nous était quasiment jamais arrivé, on a signé chez Rage Tour qu’on remercie d’ailleurs au passage. On va faire plus de dates qu’on en a jamais faites, la balance est bien faite, on gère le côté artistique comme on veut et on va faire plein de dates.
C’est pas un concept album mais ça tourne autour du même thème de la nuit, des monstres... Séb : On a gardé la même recette qu’avant, si ça ne nous touche pas, c’est pas possible. Y’a pas un morceau qui ne soit pas autobiographique, même quand ça parle d’un mec qui se fait exécuter, je me reconnais un peu dedans. L’illustration, chacun y voit ce qu’il veut, qui est responsable ? Charles : C’est Benjamin Poupel. Séb : Même nous on ne sait pas ce que c’est ! C’est génial. Charles : Personne ne sait ce que c’est. C’est un objet qu’il a trouvé, qu’il a trimballé, il l’a pris en photo et c’est devenu la pochette. Il a aussi fait les photos de presse. Tof : Il nous a proposé pas mal de photos de paysages, d’objets, on a ciblé celles qui correspondaient le plus à la musique, celles qui étaient les plus mystérieuses, les plus étranges. Charles : Ce qu’on peut dire c’est que ce n’est pas une tête de vache, on n’en sait pas plus. Tof : Le côté mystérieux attise la curiosité, c’est sympa... Vous avez écrit une espèce de comptine pour enfants, ça me fait penser à «Shoots & ladders» de Korn... Séb : Eux, c’est une vraie comptine américaine, les gamins comptent leurs doigts de pieds (NDO : le titre c’est «This old man»), nous on a essayé d’en inventer une, c’est un super défi... Sur scène ce ne sera pas joué, ce sera un sample... Charles : On n’a pas vraiment les moyens de ramener 14 gamins pour une chanson ! Si on les avait, on le ferait mais on ne les a pas... Tof : Déjà en studio, il y a pas mal de gruge... Bruno : Peu importe qu’ils soient là ou pas, ce truc-là c’est sur l’imaginaire, les gens pourront imaginer qu’ils sont là. La comptine collait aux textes mais aussi au fantasme collectif des films d’horreur. Séb : Genre le film dont on parle en ce moment, Anabelle, c’est encore une petite fille. Nous on a bouffé du Twilight Zone, du CreepShow, du Conte de la Crypte... Tu crois que ça vient d’où Tales from the nightmares ! C’est une forme d’hommage, on baigne là-dedans depuis qu’on a 15 berges. Ces codes reviennent tout le temps, l’ombre que tu vois dans la glace quand tu te rases, les phobies, la schizophrénie... Quand tu regardes les albums qu’on a fait avant, y’a moyen de faire un pont. Le fait de se cen-
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trer sur ce thème a d’ailleurs aider au changement de langue. Séb, c’est toi qui écrit en anglais ? Séb : Pas tout seul, c’est validé par tout le monde avec des morceaux apportés par tout le monde. Bruno : On fonctionne comme avant, on envoie à Séb des idées, des phrases, des bouts de texte, des mots qu’on aime bien, du vocabulaire et c’est lui qui structure, qui articule le tout. Et chanter en anglais, ça ne vous coupe pas trop du public qui ne peut pas forcément chanter... Charles : Si. Clairement. Pas mal de monde aimait bien Unswabbed parce que c’était en français et ils pouvaient reprendre les textes. Notre choix s’est porté sur l’anglais non pas parce qu’on a fait le tour, Lofo ça fait 12 albums qu’il font en français, t’as jamais fait le tour, mais nous on se sentait de faire autre chose, de le faire en anglais. Séb : Je reviens sur ce que disait Bruno tout à l’heure, c’est une vraie démarche spontanée, ce qu’on voulait faire à cet instant, c’était en anglais, on n’est pas dans la blasitude parce que j’espère qu’on jouera encore ensemble quand on aura 70 berges. On voulait le faire en anglais, personne n’était là pour nous dire de ne pas le faire. On avait par le passé penser faire une reprise, mais tu fais pas une reprise en anglais dans un set en français, ça ne tient pas la route. En acoustique, on a repris du Lynyrd Skynyrd et ça marchait parce que la musique était différente, et pourquoi ça marcherait pas sur le reste ? C’est une mise en danger totale et à la limite, j’aime beaucoup l’idée qu’il faille aller vendre son truc en concert, faut y aller. Et là, le thème du cauchemar, ça marche mieux en anglais. Charles : Faut pas oublier qu’on a commencé en anglais. La plupart des gens ne le savent pas mais on a passé des années à chanter en anglais. Pour nous, là, ça apporte de la fraîcheur, je suis d’origine anglo-saxonne, c’est donc naturel. Une fois ça m’a gêné, c’était en Belgique je crois, un mec est arrivé et m’a dit «je ne comprends plus rien, ça me saoule». Moi je pars du principe que tout le monde parle un peu anglais, j’ai pas su quoi répondre, «Bah désolé. Juste désolé». Séb : On change de langue et on raconte des histoires, y’a double couche par rapport à ce qu’on faisait juste avant. Charles : La mise en danger est maximale, on ne joue pas sur ce qu’on avait emmagasiné, si tu fais de la zik pour te reposer sur tes lauriers, tu deviens AC/DC et tu te fais grave chier... Toute proportion gardée !!! Bruno : Le fait d’avoir fait Intact, ça a joué aussi, on s’est
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retrouvé dans le délire unplugged à l’américaine avec des bougies, on jouait de manière super anglo-saxonne, on se retrouvait tous dans notre éducation musicale, à part Tof, on est tous dans la musique anglo-saxonne à fond. Chassez le naturel et il revient au galop. En bossant ces morceaux comme ça, c’était détendu, hyper naturel. Séb : Je suis très fier de Intact mais c’est l’album qui a le plus partagé le public, on le comprend et on l’a bien vu, dans des endroits métal on nous disait «c’est quoi cette musique de tapette» et de l’autre côté les gens trouvaient l’album bien sans savoir ce qu’on faisait chez eux. En sortant d’Intact, on avait ultra divisé notre public, un groupe qui se repose sur ses lauriers seraient revenus à ce qu’il faisait avant, on pouvait retourner dans notre truc, c’était pas forcément facile mais on aurait pu le faire. On s’est tapé un peu une déprime, on était déçu de pas faire 50 dates avec l’acoustique... Quand on est sorti de ça, on n’a pensé qu’à nous. De toute façon, on a déjà tranché, on n’a pas fait de conformisme, là on fait encore quelque chose de différent. Mais du coup, tu mélanges du français et de l’anglais et ça ne te gène plus... Séb : Ouais, mais ce n’est pas les mêmes proportions, l’objectif à très court terme c’est de ne balancer que le Unswabbed de maintenant, peut-être qu’on reviendra à d’autres titres plus tard, on n’en sait rien. Unswabbed c’est une famille, c’est pas un groupe qui doit faire les mêmes titres tout le temps... Si ça se trouve dans 5 berges, on dira «ouais, on a fait un EP en anglais, on s’est vautré la gueule mais on s’est éclaté». Bruno : Ou ça a super bien marché... Séb : Le seul principe, c’est d’être libre, qu’est-ce que t’as d’autre à gagner en faisant cette musique-là ? Il y a aussi deux titres très pop-rock que vous n’auriez peut-être pas écrit avant ? C’est l’influence d’Intact ? Charles : C’est marrant que tu dises que ce soit plus pop rock parce que nous on le trouve plus violent et dur. Bien sûr il y a «Dead end zone» qui sonne très rock... C’est la répét’ de ce jour-là, c’est l’influence de la répét’ de ce jour-là ! Séb : Le rock en France, ça n’existe pas, les groupes de pop se disent rock et les groupes de rock qui passent à la radio, y’a pas de guitare dedans... On a ce titre pop rock très british mais les textes, c’est assez dépressif... Charles : C’est comme un peu Nick Cave et les Murder ballads, ça balance bien, c’est majeur, c’est musicalement positif et le thème est lourd. Tof : La prod est moins métal, on a fait des choix dans ce
Vous avez composé plus de 5 titres, le choix a été difficile ? Charles : Ce qui est fondamental, c’est «est-ce que la zik et le chant fonctionnent bien ?». Y’a des titres qui musicalement déchirent et ça marche pas avec le chant, c’est pour ça qu’on compose beaucoup de matériel avant de retirer que 5 titres. Bruno : On ne sacralise pas nos morceaux, l’un des membres ne va pas dire «j’adore ce riff-là, il le faut», on peut être hyper emballé par un titre et trois jours plus tard le trouver moins bon et l’abandonner pendant des mois. On n’a pas choisi ces titres au milieu d’une tonne de trucs, ceux-là sont ceux qui ont fonctionné en premier, la mayonnaise a pris tout de suite, un autre jour, ça aurait pu être d’autres titres. Séb : Une grande victoire pour nous, c’est que ce soir, on ne jouera pas un «grand morceau» d’Unswabbed. Y’a des morceaux qu’on joue depuis 96, y’aura pas «Si souvent», y’aura pas «Rien à perdre»... Peut-être qu’on se fout dans le mur mais c’est notre optique. Charles : Je croise un mec tout à l’heure qui me demande si on va jouer «Si souvent» ?». Nous on est H24 dedans, on l’a joué 750 fois... Séb : C’est même pas une histoire de lassitude, c’est que t’es plus honnête quand tu le fais, ça fait 15 piges qu’il a été écrit... Même «Jusqu’à l’aube» qui était passe-partout pour les gens du métal, si je fais écouter ça à ma mère, elle me saute à la gorge... Là, on joue en anglais, pas les morceaux les plus connus, pas les plus faciles d’accès... Mais c’est ce qui nous plaît en ce moment !
Charles : On va quand même tourner avec ces 5 titres, il n’y a que 24h dans une journée, entre les répèt’, le studio, les dates, bosser les sets... Ca ne sortira pas en décembre... Bruno : On espère le sortir pour la deuxième série de dates au printemps.
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sens-là. Sur «Dead end zone», on laisse beaucoup plus de place au chant, on a laissé cette porte ouverte et c’est sympa. Charles : Les grattes, c’est moins medium aigu, c’est plus dans le gras, le crado...
Merci aux Unswabbed et aux éléments qui gravitent autour d’eux (L.O, Cass, Matthias...) et à l’équipe du Sequed’In Rock. Oli Photo posée : (c) Kribo
Dernière chose, la grosse tournée est attendue pour début 2015... Séb : Mars plutôt... Bruno : On fait quelques dates jusque la fin de l’année avec Lofofora, Aqme, Black Bomb A, tout seul... Séb : Merci encore Rage Tour ! On n’a plus de label mais on a un tourneur, on espère que c’est le bon choix. Et le deuxième EP, il sort quand ? Charles : On en discute en ce moment... Bruno : On ne l’a pas encore enregistré, on a fait les maquettes Séb : On n’avait pas fait de préprod pour le premier, là on en a fait, on doit faire le tri.
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PROCESS OF GUILT / RORCAL Process of Guilt / Rorcal (Cal of Ror Records et 7 autres labels !) tarder à apparaître après une telle mandale. D’ailleurs, les yeux vont par deux (toutes mes excuses auprès des non-voyants qui liraient cette chronique en braille), voilà «X» pour ne pas faire de jaloux. Et par la même occasion, prouver que ça pouvait aller encore plus vite. «XI» nous assomme avec davantage de lourdeur malgré un tempo toujours loin de la vitesse autorisée, attention, ça sent le retrait de permis direct ! La seule remarque un peu désobligeante qu’on pourrait faire à Rorcal, c’est que ce n’est vraiment pas sympa d’avoir mis la barre aussi haute pour les Process of Guilt qui doivent succéder à cet ouragan de décibels. Pas très fair-play sur ce coup-là...
Pour aller du Portugal en Suisse, il faut traverser au moins deux grosses chaînes de montagnes, pas étonnant donc de les voir dans le décor de ce split réunissant les fleurons post-hardcore de ces deux contrées... L’une est un asile pour protestants, l’autre est un bastion du catholicisme, là encore, trouver une bande de scouts en pleine cérémonie religieuse n’étonnera personne. Mettre de la couleur dans l’artwork ? Impensable ! Voilà donc à quoi ressemble graphiquement le split Process of Guilt | Rorcal, les aveugles me remercient, les autres me diront qu’ils avaient bien vu et remarqué combien ça claquait. Les deux groupes ont mis toute leur noirceur dans un triptyque, «Liar : movement» en 3 parties pour Process of Guilt et la suite «IX», «X» et «XI» pour Rorcal qui a pour charge d’ouvrir les hostilités et nous rappelle très rapidement à leurs bons souvenirs, un petit souffle sourd, prends ta respiration et ... bienvenue chez l’équarrisseur, les Suisses sont en mode destruction totale de tout silence et envoie du riff, du growl et de la rythmique insensée sans discontinuer. Une boucherie chevaline de premier ordre avec une viande musculeuse ornée quelques bouts bien gras, «c’est persilé ma bonne dame», paye ton steak et prends également une escalope pour soigner l’oeil au beurre noir qui ne va pas
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Avec ses armes, Process of Guilt prend la relève et répond, ce même souffle sourd repasse dans nos oreilles, un larsen l’embellit, une petite phrase hurlée, les Portugais se mettent en place bien plus calmement. Posant l’ambiance peu à peu, leur post-hardcore ne se joue pas au même rythme mais n’en est pas moins pesant et oppressant. En gros, malgré un premier titre presque deux fois plus long, les Ibères envoient deux fois moins de riffs que les Helvètes... La légendaire lenteur suisse en prend donc un sacré coup. Les trois «Liar : movement» s’enchaînent comme s’ils ne faisaient qu’un (le larsen étant un très bon liant), le mensonge est un peu plus dynamique en son coeur avant de lentement mourir telle une bête agonisante dans sa partie finale... Sur deux registres différents, Rorcal et Process of Guilt abattent les frontières et donnent une belle image de l’Europe post-hardcore qui n’a pas forcément besoin d’accords pour coopérer dans le bon sens, la preuve, ils se sont mis à huit pour sortir ce split, félicitations et merci donc à Cal of Ror Records, Bleak Recordings, Lost Pilgrims Records, Wolves and Vibrancy Records, GPS Prod, Chaosphere Recordings, Nooirax Producciones et Labyrinth Productions. Oli
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Flyin’ Saucers Gumbo Special Swamp it up (Quart de Lune) mant combo français connaissent indéniablement leur métier et l’accomplissent avec la précision du vieux et honnête artisan chez qui on continue d’aller parce qu’on sait qu’on y trouvera une valeur sûre. Flyin’ Saucers Gumbo Special ne réinvente pas du tout la formule et a clairement trouvé sa zone de confort. Mais elle est large cette zone de confort car les bougres connaissent leurs influences sur le bout des doigts et savent garder leur auditeur en transe jusqu’au bout, que ce soit en changeant régulièrement d’ambiance et de tempos ou même de voix (du chant féminin par-ci par-là ça réveille n’importe quel cow-boy).
‘’Tambouille festive et épicée dont les ingrédients sont issus des musiques de Louisiane.’’ On n’aurait pas dit mieux. Voilà un album qui force le respect par sa classe et sa maîtrise totale du sujet. On se croirait en plein bayou, les fesses posées sur les planches poisseuses d’une barque pilotée par Matthew McConaughey, une bouteille de Whisky à la main avec le soleil qui tape sur la peau et les moustiques qui la piquent. Effectivement on entend de tout dans cet album qui ravira les amateurs de blues tiré à quatre épingles : de Earl King à Creedence Clearwater Revival en passant par Ray Charles et Stevie Ray Vaughan. La crème de la crème. On se laisse tout de suite embarquer dans des swings sexy, du cajun païen voire du funk par moment et un bon vieux parfum de 50’s avec ce bon vieux sentiment de lassitude cool et ces paroles aux thèmes délicieusement anecdotiques (du genre « j’te parle de mon clebs » ou « si tu regardes ma meuf ça va mal se passer», des récits de vie quoi.).
On ne voit pas les minutes défiler et on se surprend à chantonner deux trois refrains encore quelques minutes après l’écoute. Rien de plus à dire si ce n’est que c’est à la fois simple et maîtrisé sur le bout des doigts, et que la première chose qu’on a envie de faire une fois l’album fini, c’est d’appuyer sur replay. La classe, tout simplement. Elie
‘’De la musique de vieux’’ vous me direz, bah ouais. Mais vous serez bien forcé d’admettre que personne n’a jamais inventé de recette plus noble et plus efficace depuis bientôt un siècle. Et quand c’est des professionnels qui s’en occupent, comme c’est clairement le cas ici, on ne peut qu’applaudir. Les membres de ce char-
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WATERTANK Sleepwalk (Solar Flare Records)
et sentent la méticulosité à plein-nez. Pour Watertank, la décennie écoulée n’a, de toute évidence, pas seulement été constituée de séances de glandouilles avec un pack de 33 export dans le local de répét’. Chez beaucoup de groupes, les derniers morceaux, c’est souvent l’occaz’ de refiler un ou deux titres dont on est un moins fièr. Sauf que Watertank livre «Six days», un morceau presque prog’ et à la lente montée, probablement le titre qui s’écarte le plus du répertoire du groupe pour une belle prise de risque. Encore une sortie qui déboîte pour Solar Flare Records (Pigs, Sofy Major, American Heritage...). David
Watertank est un groupe nantais qui existe depuis 10 ans. 10 ans en dilettante, avec tout de même un précédent méfait en 2009, et voilà que débarque Sleepwalk, un album qui a déjà séduit le microcosme des musiques heavy (avec une participation à l’édition 2014 du Hellfest...) et devrait enchanter les lecteurs-amateurs de riffs ultra-catchy, de chant clair et de rythmiques lourdes. Séance de rattrapage pour un disque sorti en 2013. Promo en retard, promo quand même. Et s’il est difficile de ne pas penser à Torche à l’écoute de Sleepwalk, Watertank cumule suffisamment d’atouts et le premier que l’on se prend dans les oreilles, c’est «Where it all begins» : riff lourd et pesant, chant inspiré et un morceau dont l’immédiateté permet à l’auditeur d’afficher de suite de bonnes prédispositions vis-à-vis de Sleepwalk. La deuxième piste, «Giant heads», poursuit le boulot de séduction : le titre reprend les mêmes arguments sur une dynamique up-tempo et là aussi ça fonctionne parfaitement. Et d’ailleurs, on n’aura pas grand chose à redire sur Sleepwalk, les titres se suivent, se ressemblent sans pour autant lasser... En 10 ans, les Watertank ont eu le temps (et le talent, parce que le temps tout seul...) de bosser les plans killer et les refrains encore plus killer : les 13 pistes sont maîtrisées
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PUB Escape
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Dels
Petals have fallen (Ninja Tune) sonores et une direction beaucoup plus efficace, allant cherchant l’auditeur par la peau du dos et peut-être rameuter par la même occasion un public plus large. Même si on reste plus sensible à la première orientation, dans les deux cas, cela reste de qualité, DELS y cultive toujours sa singularité et au final, on obtient une belle collection de titres avec des arguments changeants. Seul les quelques morceaux avec des participations vocales féminines (ça y est, j’ai les chiennes de garde sur le dos...) nous laisseront de marbre sur Petals have fallen, ces collaborations ont tendance à nettement «mainstreamiser» la trajectoire d’un album qui aurait pu être quelques crans au-dessus encore... A ranger qualitativement (et restons dans le même label, tant qu’à faire) du coté de l»’indie-tronable» Busdriver, un des cadors du genre. C’est dire si c’est bien. DELS est un artiste anglais touche à tout, diplômé en graphisme, réalisateur et aussi rappeur. En 2011, il sort son premier album GOB via Big Dada (Roots Manureva, Spank Rock, Anti-Pop Consortium...), la branche spécialisée hip-hop du label Ninja Tune (Amon Tobin, The Herbaliser, The Cinematic Orchestra...). L’album rencontre un succès critique important et affole les oreilles pointues de la blogosphère. Avec sa nouvelle sortie, le bonhomme était attendu au tournant et relève le défi haut la main. Petals have fallen, c’est de l’excellente came pour les amateurs d’hip-hop atypique mais abordable. Sans aucun doute la marque de fabrique du roster Big Dada/ Ninja Tune. Dés le premier titre, «Limbo», DELS séduit les oreilles : la beauté de l’instru’ d’un minimalisme crépusculaire et le flow nonchalant très plaisant du rappeur font aisément le boulot. La seconde piste, beaucoup plus rythmée et chargée, s’aventure sur un terrain plus calibré, le débit vocal est là aussi plus agressif et cette nouvelle direction s’avère assez rapidement addictive. Et finalement, quand on parcourt tout l’album, on s’aperçoit que le musicien navigue constamment entre un abstract hip-hop qui met en exergue ses talents de sculpteurs
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David
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LIZZARD Majestic (Klonosphere)
les idées foisonnent toujours autant et les schémas de montage des titres doivent être aussi simples que ceux de meubles suédois... Mais à l’instar de ces derniers, le rendu a de la gueule et ne choquera personne, Lizzard ne joue pas aux métalleux intellos cherchant toujours à raconter une histoire, installer une ambiance, à nous faire entrer dans leur monde. Cette ouverture qui laisse entrer la lumière pour éclairer une partie obscure n’est pas là non plus par hasard, si on ajoute la photo du groupe en contre-jour, on n’est pas loin de pouvoir réinterpréter le platonicien mythe de la caverne... Allégorique, la musique de Lizzard se prête à toutes les digressions et peut nous emporter très loin tout en restant près d’elle car une fois accroché, il est difficile de s’en détacher. Lizzard ne bénéficie plus de l’effet de surprise, Out of reach ayant marqué les esprits il y a deux ans, le groupe se devait d’assurer une suite de haute volée. En intitulant leur album Majestic, les Limougeauds semblent sûrs de leur fait. Il faut dire qu’ils ont confié les prises à Cédric Soubrand (Erlen Meyer), le mixage à Sylvain Biguet (Robot Orchestra, Klone, Twage...) et le mastering à Bob Katz (spécialiste du son qui bosse beaucoup dans le jazz mais à qui Scott Kelly a fait appel pour Songs of Townes Van Zandt et qui a bossé pour Tang), une brochette qui a de quoi rassurer quant à la qualité de la production finale. Et en effet, le son est impeccable, autant dans les parties claires que distordues, c’est un joli travail, mais il ne serait rien sans les compositions écrites par le trio...
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Toujours torturées, elles semblent moins partir en vrille comme si le groupe avait voulu simplifier le propos, l’approche sonne aussi plus métal que rock, Lizzard se positionne ainsi quelque part entre Tool (pour certaines constructions) et Chevelle (pour la dynamique, le son et ces ambiances claires/obscures), sans oublier un bon groupe de post-rock (pourquoi pas Explosions in the Sky) car il traîne toujours un putain de bon titre instrumental sur la galette («Just a breath»). Ceci dit,
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ITW>THE BLACK ZOMBIE PROCESSION Salut Elie. Je te fais parvenir cette interview quelque peu originale pour permettre à nos lecteurs de cerner un peu mieux l’univers de BZP. Tu vas me dire que je ne me suis pas cassé le cul, mais c’est finalement très recherché. L’idée est d’associer, selon toi, BZP à un film, un objet, une personne, bref, faire part de vos influences, vos délires, vos sources d’inspiration. Tu as carte blanche pour répondre en trois mots ou en vingt lignes ! Si tu peux expliquer tes choix de réponses, ça serait parfait.
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Et si BZP était un label ? Au début j’avais choisi Earache Records pour tout ce que ça représente, c’est les pionniers de la scène extrême et la plupart des albums que le label a signés, surtout les premières années, sont des fondamentaux. Quand on aime le metal, il est difficile de passer à côté de Left hand path d’Entombed, d’Heartwork de Carcass, d’Utopia banished de Napalm Death ou de Domination de Morbid Angel pour ne citer qu’eux. Mais après réflexion je crois que c’est Roadrunner Records qui a le plus compté pendant mon adolescence, je dois avoir une bonne trentaine de références du label dans ma discothèque et rien qu’en jetant un bref coup d’oeil à ma discothèque j’aperçois Bloody kisses de Type O Negative, Demanufacture de Fear Factory, Chaos A.D de Sepultura, Them de King Diamond, Never neverland d’Annihilator, Symbolic de Death, Now, diabolical de Satyricon... Bon j’arrête.
Hammer dans lequel on retrouve Peter Cushing dans le rôle de Sherlock Holmes au côté du maître de l’horreur Christopher Lee. C’est aussi un des premiers films qu’on a évoqué avec Sam quand on a commencé à réfléchir au clip de «Zoonotic infection» !
Et si BZP était un livre ? Puisqu’il faut en choisir un, pourquoi pas «Le Chien des Baskerville» de Sir Arthur Conan Doyle. C’est un livre que j’ai découvert assez jeune et que j’ai relu il y a quelques années avec toujours autant de plaisir, BZP est un peu cette bête féroce, ce chien maléfique tapis dans l’ombre prêt à te sauter à la gorge. De plus, on adore l’adaptation cinématographique du grand Terence Fisher sorti en 1959, un classique de la
Et si BZP était un pays ? Bien qu’une très grand partie de nos références soient profondément ancrées dans la culture populaire américaine, nous sommes heureux de vivre en France. J’adore voyager et m’imprégner de la culture des pays que je visite mais à chaque fois que je remets un pied en France je me dis que j’ai de la chance de vivre ici même si dans les mentalités et principalement dans le domaine de la musique il y a encore de gros progrès à
Et si BZP était un film ? La musique de The Black Zombie Procession s’inspire de 1000 films mais si je devais en choisir un seul je dirais Nightbreed de Clive Barker, sorti en 1990 («Cabal» en français). Ce film est un condensé de tout ce qu’on aime, le grain de l’image, l’univers gothique, les créatures et les effets spéciaux old-school, la musique de Danny Elfman et enfin le message qui est beaucoup plus profond qu’il n’y paraît. Le groupe Cradle Of Filth a même sorti un sublime concept album intiulé «Midian» qui est entièrement basé sur l’histoire du roman «Cabal» écrit en 1988 par Clive Barker.
faire comparé à nos voisins allemands par exemple.
Et si BZP était un support musical ou vidéo ? Une VHS bien évidemment ! Je me rappelle étant adolescent qu’on passait des heures entières le samedi après-midi à errer dans les vidéoclubs à la recherche du film le plus étrange et le plus gore possible à louer pour le week-end. C’est sur ce format que j’ai découvert pour la première fois Bad Taste, Hellraiser, Hurlements, Zombie, Démon, Toxic Avenger, Phenomena, Misery, L’Étrange Créature du Lac Noir, Nekromantik... On passait le week-end à débattre sur les films de Dario Argento, John Carpenter, Stuart Gordon, Robert Zemeckis, Brian Yuzna mais aussi d’une multitude de films et de réalisateurs obscurs. Et si BZP était une boisson ? La boisson la plus consommée sur la route avec The Black Zombie Procession est tout simplement de l’eau fraîche. Alors je dirais une source perdue dans les volcans d’Auvergne par exemple. Et si BZP était un aliment ? Un aliment ? J’ai beau essayer de jouer le jeu, là je cale... Des oursins en coques avec crème de topinambour, ça te va ? Et si BZP était une partie du corps humain ? Un ongle, l’ongle qui te rentre dans la peau, l’ongle avec lequel tu creuses ta tombe !
INTERVIEW TEXTE
Et si BZP était un producteur ? Je pense que Sam aurait certainement choisi Jack Endino (The Accüsed, Therapy?, Soundgarden...) et de mon côté j’ai hésité à répondre Rick Rubin car il a travaillé avec les plus grands (Danzig, Slayer, The Cult, Johnny Cash ou Black Sabbath...) mais je crois que c’est Scott Burns qui colle le mieux à la musique de The Black Zombie Procession. Scott Burns a produit les plus grands disques de deathmetal de l’histoire comme Tomb of the Mutilated de Cannibal Corpse, Individual thought patterns de Death, Once upon the cross de Deicide, Cause of death d’Obituary, Arise de Sepultura ou encore Haunted de Six Feet Under, des albums cultes que nous avons usé jusqu’à la moelle tout simplement.
J’ai toujours adoré le titre du premier album du groupe: We have dirt under our nails from digging this hole we’re in ... sorti en 2006 déjà. Et si BZP était un média ? De part l’investissement de Sam depuis des années dans le fanzinat, je répondrais logiquement le fanzine papier. Je ne suis pas là pour refaire l’histoire du fanzinat... on a d’ailleurs récemment assisté à une conférence captivante sur ce sujet animée par Melayne Seitoung à l’occasion du Kicking Fest #11, mais c’était et ça reste un outil fondamental de promotion pour la scène indépendante. Et pour les meilleurs d’entre eux, c’est l’occasion de découvrir des acteurs de l’ombre qui n’apparaissent jamais ou trop peu dans les médias traditionnels, une source intarissable de savoir underground non formaté. Vous trouverez toutes les infos sur les activités de Nasty Samy sur son site likesunday.com. Et si BZP était une expression ou une devise ? «When there’s no more room in hell, the dead will walk the earth», cette citation est tirée du film Zombie (Dawn of the Dead) réalisé en 1978 par George A. Romero. Mais je crois que j’ai plus peur de mes semblables que d’une armée de zombies. Et si BZP était un dessinateur ? Pour sa contribution à Vampirella, Creepy, Eerie et évidemment Conan, je dirais Frank Frazetta. Comparable au comic book «Tales from the Crypt», Creepy et Eerie sont des recueils de courtes histoires horrifiques qui reviennent sur la plupart des mythes du style comme Dracula, La Momie, la sorcellerie, les morts-vivants... Maître incontesté de l’heroic fantasy, Frank Frazetta a également illustré quelques pochettes de groupes dont l’excellent deuxième album de Molly Hatchet Flirtin’ with disaster. Et si BZP était un objet ? Le cube de Pinhead qu’on retrouve dans Hellraiser de Clive Barker. Un objet fabriqué en France au 18 ème siècle à manipuler avec une grande prudence car toute mauvaise utilisation vous fera endurer les pires tortures imaginables. Et si BZP était une salle de concert ?
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TEXTE
Un petit club chaleureux avec une déco bien cryptique, le genre d’endroit qu’on trouve quasi exclusivement aux Etats-Unis même s’il existe quelques lieux quasi équivalents en Suisse et en Allemagne. Un vieux juke-box, des affiches de films d’horreur au mur, un vieux flipper de The Addams Family, une télé qui passe des vieux slashers, une serveuse lookée comme Elvira... Dans mes souvenirs le Bovine Sex Club à Toronto s’en rapproche un peu ! Et si BZP était une arme ? L’arme ultilme: l’épée de Conan en acier trempé ! «To crush my enemies, see them driven before me, and to hear the lamentation of their women». Le roman de Robert E. Howard et l’adaptation cinématographique de John Milius avec Arnold Schwarzenegger sont deux oeuvres incontournables. Et si BZP était un tueur en série ? Si BZP devait être un tueur en série je dirais Jeffrey Dahmer car je me suis aperçu en lisant l’excellent comic book « Mon ami Dahmer » écrit par Derf Backderf que j’avais quelques points communs avec lui mis à part que je ne suis pas attiré par les hommes ! Plus sérieusement même si les histoires de tueur en série sont intrigantes, je ne souhaite pas être comparé à des être aussi sinistres, glauques et malfaisants. Et si BZP était une boule de cristal, que pourrait-on y voir d’ici les prochaines semaines au niveau actu ? Alors on a de très belles dates qui commencent à se confirmer pour la fin d’année et le début de saison 2015... Toutes les dates sont annoncées sur notre site bzp.fr et notre facebook. Et nous sommes déjà en train de composer des nouveaux titres pour un futur EP bouré de surprises qui devrait sortir courant 2015. Gui de Champi
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LES DISQUES DU MOIS
RANCID
...Honor is all we know (Epitaph)
1995, ...And out come the wolves me révèle Rancid et sa cargaison de tubes ska-punk («Time Bomb», «Ruby Soho» en tête), Tim Armstrong partage encore son nom avec le leader de Green Day (aujourd’hui il signe Tim Timebomb) et le groupe envoie chier les majors, restant fidèle à Epitaph et à son envie de faire ce qu’il a envie. Quitte à décontenancer son public avec un album plus reggae, un autre plus hardcore, à monter un label (Hellcat Records), à mettre de côté Rancid pour carburer avec The Transplants ou de revenir en patron (Let the dominoes fall en 2009) avant ce ...Honor is all we know. Alors que vaut Rancid 20 ans plus tard ? Ai-je vieilli ?
sance s’arrête là, «Collision course» n’ayant vraiment pas le même niveau. Ensuite, l’album s’ouvre et revient à une des chapelles préférées de Rancid, le ska, ici il est très dansant («Evil’s my friend»), plus tard, il sera plutôt ennuyant («Everybody’s sufferin’»). La plage éponyme remet l’aiguille du compteur à droite, punk rock à fond comme pour «A power inside» avec quelques envolées guitaristiques de Lars Frederiksen appuyées par le métronome Branden Steineckert (batteur depuis 2006 et son départ de The Used). Ce dernier accélère encore sur «Now We’re through with you» où quelques vieilles connaissances se chargent des choeurs, parmi elles on trouve bien sûr Brett Gurewitz (le guitariste de Bad Religion qui est aussi producteur ou ingé son sur chaque album de Rancid mais dont le travail a aussi servi NoFx, No Use For A Name, Pennywise...). Au final (et pas seulement sur cet ultime «Grave digger»), la tonalité est clairement punk rock avec une tripotée de morceaux qui taillent tout droit et ne s’étendent pas au delà des trois minutes (3»12’ pour le plus long, «Diabolical»). Expéditifs, les Rancid offrent avec ...Honor is all we know un condensé de leur histoire en une dizaine de titres de valeur assez inégale, dommage qu’en autant de temps (plus de trois ans d’écriture), le groupe n’ait pas réussi à proposer un album plus homogène et réfléchi que le précédent. Ou alors, c’est que j’ai vieilli et que je ne pardonne plus aucune erreur à des mecs de ce calibre. Oli
Et si le titre de l’opus n’était pas assez explicite, les Californiens envoient un premier scud «Back where I belong», punk à souhait, c’est nerveux et sacrément bien balancé avec un vrai travail sur le chant, non pas qu’il soit harmonieux (d’ailleurs, sur bon nombre de titres («Collision course» !), on se dit que Tim aurait pu bossé un peu parce qu’il peut vraiment faire mieux que ces approximations, style personnel ou pas) mais les voix qui s’entrechoquent dynamisent le titre. Deuxième morceau, «Raise your fist» enfonce le clou avec la même recette, la basse de Matt Freeman frétille comme un poisson sorti de l’eau mais la série de tubes en puis-
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LES DISQUES DU MOIS
LEISURE BIRDS
Tetrahedron (Totally Gross National Product, Moon Glyph)
Les Américains de Leisure Birds font partie avec Poliça, Gayngs, Marijuana Deathsquads, Doomtree, Stnnng et bien d’autres encore, de cette scène bouillonnante actuelle de Minneapolis où la musique se conjugue à toutes les sauces. Et ces dernières ont plutôt bon goût en général. Loin de moi l’idée d’occulter le légendaire Prince, mais ce dernier outrepasse largement le concept d’»actualité», même s’il vient de sortir récemment un double album. Bref, une scène où l’on ose se forger une identité artistique aisément reconnaissable tout en évitant de trop naviguer dans la tendance. C’est en tout cas ce qu’essaye de faire en co-production (avec Moon Glyph) le label Totally Gross National Product qui a sorti Tetrahedron, le troisième album de Leisure Birds. Un titre qui selon les intéressés signifie «ce que l’être humain est incapable de comprendre». Et à l’écoute de leur nouveau bébé, on saisit mieux le sens de leur déclaration. Non pas que les sept sillons de ce disque soient bruitistes ou une lassante expérimentation sonore de labo mais plutôt parce que cet album ouvre l’esprit grâce à de subtiles complexités hallucinatoires.
analogiques dans un style rétro-futuriste portant les stigmates du rock psychédélique et progressif des 60’s et 70’s. «Patterns», le premier titre, annonce la couleur avec ses fantaisies sonores hallucinées (certains sons qui s’en dégagent ressemblent à des chants d’oiseaux) mêlées à sa lente montée en puissance. Le groupe partage aussi des schémas hypnotiques prépondérants comme sur «Seven spirals» dont le solo de clavier rappelle étrangement celui de feu Ray Manzarek de The Doors. La voix céleste de Jake Luck nous guide dans ce voyage interstellaire et résonne tel un chaman dans les circonvolutions transcendantales présentes tout au long de l’œuvre. Bien que Leisure Birds laisse libre court à son imagination avec prodigalité, on sent tout de même en ce groupe une disposition à la rectitude avec des formats finalement assez courts pour le genre (on dépasse rarement les 5-6 minutes). Seul «Wavefoms» et son quart d’heure venant clore la séance nous laisse un peu plus de temps pour grimper sur les routes sinueuses menant au firmament. A écouter d’urgence si tu as lu cette chronique jusqu’au bout. Ted
Le troisième disque des Américains immerge son auditoire dans un univers psychédélique, le groupe enclenchant les notes nébuleuses de ses synthétiseurs
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LES DISQUES DU MOIS
DOPE BODY Lifer (Drag City)
ter de marier le psyché, les expérimentations, avec des coups de sang jouissifs. Et quand on parcourt Lifer en entier, on a parfois l’impression de parcourir une étape de montagne à tricycle et l’obtention du maillot à pois n’est pas forcément aisé : les montées de cols sont fastidieuses tandis que les descentes sont foncièrement grisantes. Passé ce postulat et l’acceptation que Lifer est un album dont les reliefs prononcés peuvent être un atout sur la longueur, on a là un album réellement intéressant à écouter. Bref, va falloir que tu le mérites un peu. Et en fonction de tes gouts, c’est pas exclu qu’il te séduise plus rapidement que ton humble serviteur. David
Pendant une bonne dizaine d’écoutes si ce n’est plus, ce Lifer de Dope Body nous en touchait une sans toucher l’autre : les passages mous du glands, quasi «rock à papa et maman avec des fleurs dans les cheveux», ne capitalisaient pas sur les phases pêchues influencées par le punk et la noise. Mais comme c’est une sortie Drag City, label au passif (Scout Niblett, Will Oldham, Pavement, Smog, Shellac...) et à l’héritage énorme, et que ce groupe a partagé un split avec les excellents Child Bite, on a persévéré et persévéré et persévéré (au fait, on t’a dit qu’on avait persévéré ?) Grand bien nous en a pris, c’est au final vraiment cool. Pourtant, dès la piste introductive, il y avait de quoi être emballé par les grosses guitares et le propos méchamment puissant. Saut que ce n’est qu’une piste introductive. Dès la deuxième piste et son orientation psyché à la Psychic Ills, la tension retombe immédiatement même si le morceau reprend parcimonieusement de la vigueur et vire comme du Pissed Jeans, en mode noise vindicative, sur les refrains. Le troisième titre, «Hired gun», est un excellent exemple de brûlot noise-punk scandé qu’est capable de produire Dope Body : c’est efficace et ça squatte les neurones en deux écoutes. La suite reprend la tendance des premières pistes, à savoir ten-
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LES DISQUES DU MOIS
ABSURDITY
Undestructible (Urban death records) davantage comme un intermède... Undestructible est bien un putain d’album de death metal.
Si Absurdity traîne son death metal depuis déjà quelques années depuis Strasbourg jusqu’en Europe de l’Est (région qui semble les apprécier autant que eux l’apprécient puisqu’ils ont enregistré ce nouvel album en Hongrie), il ne faut pas être un expert es métal pour comprendre que cet Undestructible fait passer le groupe dans la catégorie supérieure. Non pas que les albums et EPs précédents n’étaient pas bons (D:\Evolution en 2011 avait déjà fait du bruit) mais là, du digipak à la production en passant par, bien entendu, les compositions, tout est en béton armé. Ricardo (aka Zno) et ses potes (Erik et Damien aux guitares, Matt à la basse et Arnaud à la batterie) sont devenus une véritable arme de destruction massive. Et ils ont bien trouvé le nom du label qu’ils ont monté pour se développer (Urban death records) car la définition de «death urbain» leur va bien, résolument moderne et pas avare de travaux techniques, Absurdity a évolué avec son temps et joue plutôt bien des talents électroniques de son chanteur. Si je vois certains choper des boutons, qu’ils se rassurent, malgré les incursions des machines («Prelude / First infected») on reste très loin d’un industriel tel que le pratique Zno avec son autre groupe, à part peut-être sur «Criminal» que je considère
Et dans ce rayon, difficile de faire sans citer la référence devenue absolue qu’est Gojira, Absurdity ne s’en approche que par petits moments avec des effets de contre-chant ou quelques gimmicks de guitare, c’est relativement net sur «Rebellion» mais dans l’ensemble, les ambiances sont loin d’être du même acabit, les Strasbourgeois étant beaucoup plus directs. Sur le dernier titre cité, le jeu avec les chants est en plus une sorte d’obligation puisque Julien Truchan de Benighted vient poser le sien et jouer sur les contrastes est une bonne idée dans ce cas-là. Sur l’autre morceau où on l’on retrouve un invité, à savoir Shawter de Dagoba sur «... And blood will run», on est davantage dans la baston et mis à part le break plus aérien sur la fin, ça blaste à l’unisson. Excellents la plupart du temps, Absurdity semble un peu relâcher ses exigences sur «Can’t stop the machine» où les choix sur les «mélodies» (tout est relatif) et le riffing saccadé sont discutables au regard du reste d’Undestructible, ou en tout cas, ça me parle moins que leurs autres petits écarts qu’ils s’autorisent avec les codes du death (chant clair, silences...). Absurdity avait un nom (qu’on retient assez facilement), avec cette nouvelle grosse production, ils deviennent un «grand nom» et devraient continuer de porter haut les couleurs (sombres) de leur musique dans l’hexagone et ailleurs dans le monde où ceux qui leur font confiance depuis quelques années ne seront ni surpris, ni déçus. Oli
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INTERVIEW TEXTE
INTERVIEW> RUFUS BELLEFLEUR Quand Julien Cassarino n’est pas en train de faire crier ses guitares dans Psykup, Manimal et autres Simone Choule, il s’occupe avec Yul de Rufus Bellefleur, son dernier bébé qui a sorti cette année son deuxième album intitulé Temples, idols and broken bones.... Il nous a accordé un peu de son temps pour enlever la part d’ombre qui régnait de notre côté sur ce groupe à l’univers particulier.
Rufus Bellefleur est connu comme étant le projet de Julien Cassarino de Psykup et Manimal. On se rend compte que vous êtes cinq sur scène. Du coup, on est un peu perdu, on aimerait en savoir plus : qui a créé ce projet ? Qui fait quoi ? Rufus est avant tout la création de Yuz, notre joueur de banjo, dobro, et beaucoup d’autres instruments. Il a imaginé un personnage farfelu inspiré de ma personne, un alter ego à la fois effrayant et drôle. Yuz écrit la musique, mixe les albums, réalise les clips. Sa femme Claire est notre accessoiriste, couturière, souffleuse de bonnes idées. J’écris les textes avec lui. Lolo, notre batteur, et nos choristes instrumentistes, Béra et Caro, complètent ce joli Barnum. Sur le premier album, Gwen Vibancos, dessinateur doué, était en charge de l’artwork, sur le deuxième, c’est Jouch, graphiste émérite, qui s’en est chargé.
Yuz est une vieille connaissance, et il m’a demandé de venir incarner ce personnage. Au début nous ne savions pas où nous allions, mais notre alchimie a vite montré la marche à suivre.
Le style musical est là-aussi pas évident à cibler, on parle d’un mélange de hip-hop, de country, de folk et autres. Toute cette fusion des genres était déjà pensée avant de commencer à composer pour Rufus Bellefleur ? Yuz a toujours voulu brasser diverses influences, et nous n’avons aucune limite dans le groupe, nous écoutons de tout. Nous voulons pousser l’auditeur à oublier ses barrières et à nous suivre dans nos voyages.
Votre univers visuel s’inspirant du 7ème art et des comic books est plutôt chiadé, est-ce que vos deux albums sont montés comme des films avec un schéma narratif ? Tout à fait, nous avons réfléchi au deuxième album comme au deuxième opus d’une franchise de films d’aventures. A chaque fois une nouvelle partie de l’intrigue est dévoilée dans les textes, le personnage de Rufus s’apprivoise ainsi au fur et à mesure et lève un peu plus le mystère sur ses origines.
Est-ce que ce l’idée de ce projet est arrivé comme un cheveu sur la soupe ou murement réfléchi car ce genre de chose ne se monte pas en un clin d’œil.
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Vous qui êtes connu pour jouer essentiellement du métal avant avec Psykup et Manimal, ça doit être vraiment soulageant et super récréatif de s’essayer au hip-hop et à la country. Est-ce qu’on aborde l’écriture (musique et textes) de la même manière selon les styles ? J’ai toujours travaillé d’autres styles en tant que chanteur, à côté de mes groupes de métal, dans lesquels j’insufflais déjà beaucoup de groove. Quand nous écrivons les textes avec Yuz, nous réfléchissons beaucoup à la musicalité des mots, outre leur sens premier. Les phrasés hip-hop sont très rythmiques, et donc pas si éloignés que ça des phrasés métal, notamment hardcore.
De quoi vous vous êtes inspirés pour composer ce Temples, idols and broken bones ?
As-tu imaginé une seule seconde l’idée de concrétiser un jour le projet Rufus Bellefleur sur grand écran ? Et si c’était possible, quels réalisateur et acteurs verrais-tu impliqués dedans ? Ce serait formidable bien sûr de développer ce scénario, et somme toute assez logique de poursuivre le travail abordé dans nos clips. Je rêverais pour ma part d’un Joe Dante ou d’un Spielberg pour mettre tout ça en scène, évidemment, ou d’un John Carpenter ! Pour les acteurs, ce serait présomptueux de ma part d’en suggérer... Parmi les reprises qu’on peut écouter sur votre EP Muddy covers, on y trouve notamment «Karma Chameleon» de Culture Club et «I believe I can fly» d’R. Kelly. Dis-moi que ça vient d’un pari entre potes. Non, non, nous assumons pleinement nos goûts. «Karma Chameleon» est un excellent morceau, très bien écrit. «I believe» est plus une marque d’humour de notre part, mais elle est jouissive à chanter, et procure de grands moments de n’importe quoi sur scène avec le public ! Ca donne quoi Rufus Bellefleur en live ? Donne-moi le goût de venir vous voir ! Et ne me fait pas le coup du «Viens et tu verras !» Rufus est un véritable spectacle vivant, nous y mettons un point d’honneur. Costumes, décors, chorégraphies, humour, improvisations diverses. Tout est
possible, ce qui fait que le public adhère rapidement même quand il découvre.
INTERVIEW TEXTE
Que ça soit visuellement ou musicalement ? Yuz a puisé dans la musique world, en utilisant beaucoup d’instruments traditionnels comme le dulcimer frappé ou la flûte indienne, et en mélangeant les sonorités asiatiques et africaines. Mais nous avons poussé aussi un peu plus le côté pop et hip-hop, avec toujours en filigrane cette énergie rock.
Est-ce que tu considères que ce projet musical a plus de chance de fonctionner à l’étranger que tes autres groupes ? Sûrement, je le verrais très bien marcher au Japon ou aux USA. En parlant de tes autres groupes, j’ai cru comprendre que Psykup était de retour. Nostalgie de rejouer ensemble pour quelques dates ou véritable pied dans l’étrier qui vous amènera vers la composition d’un nouvel album ? L’avenir nous le dira. Pour l’instant des dates pour profiter un maximum, nous on s’éclate et le public prend son pied, alors tout le monde est content ! Pour terminer, je vais te demander l’artiste que tu préfères selon la plupart des genres qu’on retrouve un peu éparpillé sur votre album. Ca donnera surement des idées de découvertes aux personnes qui apprécient Rufus : - Hip-hop : Beastie Boys - Rn’B : Justin Timberlake - Electro-pop : Die Antwoord - Country-Folk : Johnny Cash - Musique du monde ou traditionnelle : Dead Can Dance Merci à toi ! Merci de soutenir Rufus ! Merci aux deux Julien ! Celui de Rufus Bellefleur et celui de Mathpromo Ted Crédit photo : Clair de Lune
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LES DISQUES DU MOIS
AqME
Dévisager Dieu (At(h)ome) ses propres ailes.
Ce siamois écorché qui se confronte à sa foi reflète parfaitement ce nouvel album d’AqME. Parce que si le groupe est habitué au changement de personnel (seul Etn est un membre originel), il a fallu cette fois-ci y croire ou en tout cas, voir si c’était possible car Thomas était en grande partie responsable de l’identité si particulière d’AqME. Par son timbre, son chant, ses textes, son attitude, il a fait du combo une entité unique, identifiable en quelques secondes. Bien qu’irremplaçable, Vincent (impliqué dans Noswad et The Butcher’s Rodeo) a pris sa place et si, sur scène, son talent a donné le change, au moment de l’écriture, on se retrouve avec un AqME dual. Une partie (celle au sang bleu ?) représente l’héritage, le passé, le AqME qui a vécu, l’autre partie, c’est le AqME de demain, ce corps qui se sera affranchi de son premier esprit en conservant son âme. Cet AqME plus chaud n’existe pas encore vraiment, pour l’heure, j’ai la sensation que Vincent «imite» un peu Thomas, comme pour assurer une transition plus aisée, comme pour prendre de l’assurance pour confronter son chant à celui, si typique, d’AqME. Le thème de l’ésotérisme, de la foi intérieure qui brûle, c’est une vase source d’inspiration, peut-être là encore pour ne pas se démasquer et ne pas écrire des textes «trop» personnels, comme s’il fallait marquer un temps de respect avant de voler de
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Toutes ces considérations quasi métaphysiques n’engagent que moi et quand tu mettras le disque en mode lecture, tu te prendras directement une droite. Pas de blabla, c’est la baston d’entrée avec «Avant le jour» et le chant clair qui déboule pour calmer le jeu est d’une grande précision, si on ne prend en compte que le chant, le jeu de batterie et la basse, c’est du AqME classique, mais la guitare, très rock par moments, s’essaye à quelques fioritures avec des effets qui passent bien, les fans du passé seront certainement rassurés avec ce premier morceau qui sonne déjà comme un «hit». On gagne ensuite en intensité avec «Enfants de Dieu» et son superbe final qui promet de sacrés frissons lors des prochains lives... Même topo pour «Au-delà de l’ombre», dés les trois premières plages, on sait qu’AqME a fait le bon choix en faisant confiance à Vincent s’ils ne voulaient pas bouleverser leurs habitudes et évoluer, comme d’habitude, par petites touches, histoire d’écrire une histoire linéaire et solide. On sait alors aussi que Dévisager Dieu est un bon album, sacrément charpenté et qui s’imprime avec une efficacité redoutable. Ce n’est qu’avec «Un appel» que l’on souffle un peu (et autre part que sur les braises), alors qu’on est tout prêt d’emballer notre partenaire sur ce qui semble être un slow langoureux, les choses se gâtent et les distorsions bien grasses déboulent pour tout détruire sans forcément réfléchir, «Entre louanges et regrets» qui suit est construit en miroir avec un début chaotique et une fin ultra posée (mais angoissante). Servi par un gros riff bien rock dans l’esprit, «L’homme et le sablier» varie lui aussi les rythmiques avec un certain charme sans pour autant que l’album ne perde en homogénéité. Encore un bon gros coup de blast pour la route («Les abysses») et on se retrouve très impatient de connaître la suite... Oli
LES DISQUES DU MOIS
Ben Howard I forget where we were (Tôt Ou Tard)
de la guitare, il ne sombre jamais dans la démonstration. Soutenu discrètement par une petite sélection d’instruments (batterie, contrebasse, violoncelle, guitare lapsteel), il a choisi d’enregistrer quasi intégralement l’album dans des conditions live, offrant pendant une petite heure un feeling impeccable. Un choix qui permet sans doute de rendre ce second enregistrement aussi hypnotique et fantomatique. Seules deux éclaircies («She treats me well», «Conrad») permettent de calmer temporairement la tension dramatique, dont l’apogée, à tout point de vue, est atteint avec les 8 minutes de «End of the affair». Un second disque maîtrisé, complémentaire du premier, mais qui (espérons-le) ne constitue pas encore l’album de la maturité pour un artiste qui a définitivement beaucoup à offrir, et ne semble pas parti pour se reposer sur des lauriers légitimement mérités. Auteur d’un premier LP en 2011 (Every kingdom), la musique de Ben Howard se résumait parfois, pour les mauvaises langues, à un générique de série télévisée pour ado : des chansons mid-tempo aux accents connus, teintées de choeurs lumineux et d’une mélancolie toute relative. Pour son second album, l’Anglais a eu la bonne idée de ne retenir que le versant sombre et progressif de son parcours ; en ce sens I forget where we were nous en présente une évolution inattendue et fascinante. À l’écoute de ces 10 titres on retrouve les sonorités folk/ bluegrass, la voix apaisée et les progressions lentes de ses précédentes compositions (comptez 5 minutes minimum pour chaque titre), néanmoins le contenu flirte désormais davantage avec le recueillement, aux antipodes des refrains fédérateurs de son premier essai («In dreams», «Evergreen» ou la judicieusement mal nommée «Time is dancing»). Choix étonnant, et à saluer, de la part d’un artiste sur la pente ascendante depuis 2013 (son album est n°1 au Royaume-Uni, sa tournée quasiment sold-out).
Antonin
L’ajout d’effets très bien exploités (delay et distortion sur la guitare notamment) offre également une palette sonore plus étendue. Ben Howard est un bosseur et ça s’entend : à 27 ans, malgré sa maîtrise impressionnante
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LES DISQUES DU MOIS
Etron
Cosmic ukrainian (Dark Dog Records) assez passables pourront probablement devenir excellents par la suite, on pense notamment à «String dimension» et ses claviers que même Jean-Michel Jarre n’arriverait plus à cautionner. Etron continue son bonhomme de chemin et à l’instar de son nom, s’approprie le mauvais-gout pour alimenter sa singularité et ça fonctionne bien sur Cosmic ukrainian. Etron, etron, petit patapon (désolé hein...). Etron, c’est toujours pas de la merde (désolé hein bis...). David
Chroniquer Etron, ça nous (enfin, votre serviteur surtout...) vaut toujours quelques railleries. Oui, Etron, c’est un nom de groupe totalement merdique. Malgré tout, A world of nerds, le dernier disque enregistré chez son altesse Steve Albini avait fait son petit effet. Après une tournée en Ukraine, le groupe sort ce Cosmic ukrainian, surement inspiré par quelques belles rencontres (et le «dawa» géopolitique aussi qui règne dans ce pays). Le résultat, 8 titres old-school tourné vers le futur. Enfin, pas trop quand même. Le premier titre, en forme de «coucou, on est Etron, on est de retour», n’est pas forcément engageant de suite mais on se laisse enivrer de nouveau par le minimalisme de la formation. La deuxième piste, «Drotchete», est beaucoup plus immédiate : la boite à rythme embarque les oreilles, le chant en mode spoken-word fera le reste. Etron, c’est du less is more mais le plaisir d’écoute est présent et il s’accroît. Après quelques écoutes, on prend conscience qu’Etron a nettement réorienté sa musique : le groupe privilégie de plus en plus le down et mid tempo et les ambiances sous morphine. En résulte un album qui met plus de temps à faire son effet et quelques écoutes seront révélatrices : des titres qui te paraîtront
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LES DISQUES DU MOIS
APPARAT
Krieg und frieden (Music for theatre) (Mute)
Je dois dire que ça faisait longtemps que j’attendais l’opportunité d’écrire sur Apparat dont j’apprécie le travail depuis pas mal de temps déjà. Un Allemand qui, dès le début des années 2000, buche pas mal en terme de productions et de collaborations (je pense en premier lieu à Ellen Allien et Modeselektor), cultivant ainsi avec promptitude le terroir électronique avec ses graines d’IDM, d’electronica, d’ambient, de trip-hop et autres joyeusetés sorties tout droit de ses machines. Reconnu d’entrée de jeu par ses pairs et par le public pour ses travaux à la fois alambiqués et voluptueux sur Multifunktionsebene et Tttrial and eror, le Berlinois s’est peu à peu détaché de l’IDM qui le caractérisait au départ pour s’adonner par la suite au format pop, particulièrement depuis la sortie de Walls en 2007. Une hérésie voire une régression pour certains, une évolution logique pour d’autres, peu importe, Apparat en rajoute même une couche avec son side-project Moderat, très pop-électro pour le coup et qui, on s’en doute, a dû contribuer à élever sa côte de popularité. Il y a bientôt deux ans, son dernier album en date Krieg und frieden (Music for theatre), prenait à contre pied ses auditeurs. Né d’une commande du metteur en scène Sebastian Hartmann pour un habillage sonore de l’adaptation
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théâtrale du roman de Tolstoï «Guerre et paix» publié en 1869, ce disque est selon moi à considérer davantage comme un challenge offert qu’un véritable album d’Apparat. Ou alors s’agit-il tout simplement des nouvelles aspirations du co-fondateur du label Shitkatapult. Aucune sortie n’était prévue au départ, ce dernier a travaillé sur ses compositions pendant quatre semaines dans une vieille usine abandonnée après avoir lu ce chef-d’œuvre de la littérature russe. Accompagné de Philipp Timm au violoncelle et Christoph Hartmann au violon, l’Allemand débute avec un dyptique introductif passant d’une exaltation de cordes à une noise electronica. Et la suite, sinueuse, est un cortège d’essais orchestraux néo-classiques («K&F Thema», «Austerlitz»), de plages ambient («Tot», «Blank page») et de morceaux se dirigeant vers l’IDM/electronica aux parfums pop («LightOn», «A violent sky»). La lecture de cette aventure tolstoïenne s’effectue comme une véritable bande son fouillée royalement menée. Krieg und frieden (Music for theatre) n’est pas l’album d’Apparat le plus aisé à assimiler de toute sa discographie mais elle aura le privilège d’ajouter à son arc une nouvelle corde jusque là insoupçonnée quitte à déstabiliser certains fans. Et puis, bon, on ne va pas faire comme si on ne connaissait pas son goût pour l’exploration sonore depuis presque quinze ans. Si ? Ted
LES DISQUES DU MOIS
KITCHEN TOOL SET Ecorce / essence (Tandori)
rés de «Super sphincter» ou à ce violon grinçant sur «Broken», hein ? Tu ne peux résister et puis c’est tout. Et paradoxalement, et c’est là une des principales évolution par rapport à More, même si les compositions sont beaucoup plus étirées, elles sont aussi beaucoup plus immédiates et il est fort possible que tu les aies en tête après quelques écoutes. Signalons que l’artwork est vraiment magnifique, les amateurs de vinyles seront aux anges. Et pour les lecteurs fauchés, tu peux télécharger l’album en «donne ce que tu veux» sur le bandcamp du groupe et acheter le vinyle quand tu toucheras ton argent de poche, histoire de récompenser des musiciens qui méritent bien plus que les louanges de cette chronique... David 4 ans après l’excellent et longtermiste More, les Kitchen Tool Set reviennent avec un nouvel album intitulé Ecorce / essence. 7 titres pour 4 ans d’attente, ça semble peu sur le papier mais la musique de Kitchen Tool Set est tellement dense et riche que ça devrait suffire à te rassasier pendant quelques années et un éventuel nouveau disque que l’on espère ne pas devoir attendre autant de temps. En attendant, Ecorce / essence est une leçon de noise-rock doté d’un songwriting de haute volée. L’album commence fort avec «Bug», un titre dont l’introduction est faussement trompeuse avec ces guitares qui rugissent. Mais dès les premières notes, on retrouve tout ce qui nous avait séduit dans More : cette efficacité alliée à une sensibilité mélodique hors-norme, cette vélocité rythmique de coureur marathonien, cette propension à exploiter des idées à bonne escient, cette voix sans artifice qui cohabite avec cette tension toujours palpable... Quand, en plus, le groupe bénéficie d’un songwriting en mode meuble à tiroirs artisanal haut de gamme, cela promet une suite d’album passionnante. Et ce sera le cas. Comment résister aux sirènes de l’instrumental sémillant «James Brown», aux choeurs d’enfants sur «Underground», aux déchaînements acé-
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INTERVIEW TEXTE
ITW > EMPTY YARD EXPERIMENT Selon moi, le Kallisti d’Empty Yard Experiment est l’un des meilleurs albums de l’année, c’est donc un groupe à faire connaître et à découvrir donc quoi de mieux qu’une interview pour mieux les cerner et profiter de leur expérience dans une région du monde pas forcément synonyme de rock... On pense plus au pétrole, au luxe, à la folie et aux limites de la liberté qu’au rock quand on parle des Emirats Arabes Unis, c’est dur d’y faire de la musique ? Oui et non... On a de la chance d’être basé dans une des villes les plus progressistes de cette partie du monde, ça veut dire qu’on peut trouver et jouer la musique qui nous plaît assez librement. Ce qui fait que c’est difficile, c’est que le marché est très jeune, et comme Dubaï est devenu un lieu de passage (si tu es un expatrié, tu ne peux être aux Emirats que si tu es employé à plein temps ou que tu possèdes un permis de travail), c’est dur de trouver des gens qui se consacrent totalement au rock et permettent ainsi à la scène locale de se développer autant que le reste du monde. Clairement, les choses avancent, mais malheureusement, ce ne sont que de petits pas et ça ne nous permet pas encore d’être au même niveau que les autres... On espère qu’un jour on y arrivera. En France, on ne connaît presque rien de la musique venant du Moyen Orient, il y a des groupes que vous nous conseillez ? A côté du phénomène pop en langue arabe dédié aux masses, le Moyen Orient abrite aussi des tas d’artistes très créatifs dans différents styles. Le groupe des Emirats qui s’exporte le mieux, c’est les métalleux de Nervecell. Sinon, aux Emirats Arabes Unis on est assez proches et fans de Absolace, Svengali, Benevolent, Gayathri, Bull Funk Zoo, Jay Wud, Anuryzm et Perversion. Sur un plan plus large, on conseille d’écouter Pindoll (Liban), Simplexity (Egypte) ou encore Voice of The Soul (Liban/ EAU).
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Vous avez un «modèle», une sorte de grand frère local ou vos références sont toutes étrangères ? Honnêtement et en restant modeste, EYE était et est toujours un cas à part dans le coin à cause de notre approche autant de la composition que des concerts, dans les deux cas, on veut offrir une expérience visuelle et auditive. Personne ne faisait ça quand on a commencé, personne ne nous a montré les ficelles du métier, donc la grande majorité de nos influences sont étrangères. Le groupe est formé de personnes de diverses origines, vous sentez-vous comme un groupe de Dubai ou un groupe «sans frontière» ? On n’a jamais été fans des frontières. On vit tous à Dubai, c’est ici qu’on s’est rencontré, cette ville abrite plus de 90 nationalités et cet environnement a beaucoup d’influence sur l’aspect multi-culturel et la vision du monde du groupe. Bien entendu, les origines de chacun, Serbie, Iran, Inde, jouent aussi un grand rôle dans la nature éclectique de notre musique Kallisti, c’est la pomme de discorde, qu’est-ce qui est le plus sujet à discussions dans le groupe ? «Kallisti», c’est en effet ce qui est écrit sur la Pomme de Discorde de la mythologie grecque, si on traduit, ça donne «à la plus belle». L’un des aspects, c’est que ça représente le coeur d’un problème, basé au départ sur un petit souci mais qui a tendance à en devenir un gros. Le concept de l’album se focalise sur les idées de chaos et de discorde, c’est souvent un moyen de voir les interactions de chacun de nous avec les différents aspects
Le digipak est superbe avec un sceau à ouvrir, d’où vient cette idée originale ? On avait plusieurs idées pour le packaging de l’album, certaines étaient très élaborées voire ambitieuses, on savait qu’on voulait présenter quelque chose à l’auditeur qui, sincèrement, pouvait le considérer comme un objet collector. Placer l’album dans une sorte d’enveloppe a tout son sens car on délivre la musique comme un «message», un peu comme dans l’esprit de ce que la déesse Éris a fait avec la Pomme de Discorde et son inscription. Ça coûte plus d’argent de faire un aussi bel album? Est-ce un moyen de contrer les téléchargements ou c’est juste pour la beauté de l’objet ? On se fout un peu des téléchargements. On est au 21ème siècle, il faut faire avec son temps et au final, l’important que les gens soient touchés par notre musique. Le téléchargement, c’est le meilleur moyen pour y arriver, y’a aucun doute là-dessus. Avec ça en tête, ceux qui veulent entrer plus profondément dans l’album achèteront une copie physique et ils auront quelque chose qu’ils garderont. Partant de là, on voulait vraiment offrir autre chose que la boîte en plastique standard que tous les groupes ont. Chaque album est scellé à la main, ça les rend encore plus personnels et uniques. Certains titres sont proches de Tool, d’autres de Porcupine Tree, vous n’avez pas peur d’être considérés comme des clones ? C’est super flatteur d’être comparé à Tool ou Porcupine Tree ! On adore ces groupes et c’est un énorme compliment que d’être associé à eux, musicalement ou pour un autre aspect de ce qu’on fait. Au final, notre musique, c’est une combinaison de plein d’influences différentes venues de genres assez variés depuis le prog jusqu’au post rock en passant par l’indie, la pop et le métal indus. Ca peut être parfois malencontreux si ça interfère sur la
manière d’écouter et de consommer de la musique, mais en règle général, les auditeurs ont besoin de référence. On n’essaye pas de sonner comme un autre groupe, on a notre propre identité mais c’est évident qu’on est comparé à d’autres groupes qui évoluent dans le même registre.
INTERVIEW TEXTE
de notre existence, que ce soient les autres, l’autorité, le divin, le subconscient... Et la discorde est certainement le meilleur moyen de décrire comment chaque membre du groupe interagit avec l’autre, c’est aussi comme ça qu’on a écrit l’album...
Il y a un gros travail en studio, Josh Williams est presque membre du groupe, vous pourriez enregistrer avec quelqu’un d’autre ? Josh a joué un rôle très important dans la manière dont Kallisti sonne, spécialement sur les arrangements, ceci dit, le coeur de l’album vient du groupe. Ca fait presque 5 ans qu’on travaille ensemble désormais et on a énormément appris avec Josh comme il a appris avec nous. En plus d’une relation professionnelle, on a également construit une véritable amitié qui fait qu’enregistrer notre musique, qui est intime, est bien plus facile et personnel. C’est pour ça qu’enregistrer avec quelqu’un d’autre est pour le moment difficile à imaginer, mais personne ne peut progresser s’il s’arrête à son petit confort. Josh répète toujours qu’on peut aller voir ailleurs mais au final, on revient toujours vers lui... Certainement parce qu’il nous connaît trop bien. Le joli clip de «GHHR» n’en est qu’à 5.000 vues sur Youtube, c’est une déception ou vous ne faites pas attention à ça ? C’est pas un truc auquel on prête de l’attention. C’est juste un moyen de s’exposer. Plus on fera de concerts, plus on écrira des morceaux, plus les gens pourront découvrir notre musique. Le monde entier peut écouter Kallisti et semble apprécier, on sait que vous faites des concerts grandioses, peut-on espérer vous voir en Europe un de ces jours ? On a de grands projets pour 2015 et bien sûr qu’on a l’Europe dans le collimateur ! Merci à Empty Yard Experiment et à Matt Benton chez Hold Tight, merci aussi à Tiff. Oli
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BRAINSUCKER / SHIMSTRUMENTAL Live at La Pêche (Indie Ocean Records) d’en faire profiter ceux qui, comme moi, n’y étaient pas.
On t’a déjà parlé de ce projet reliant Brainsucker à Shimstrumental au travers du split On décore le bunker en regardant les étoiles mais pour ceux qui n’ont pas suivi, il est bon de rappeler que si les deux groupes unissent leurs forces, c’est pour honorer le jumelage de leurs villes respectives (Montreuil et Cottbus). Le split CD n’était qu’un début puisque les Franciliens ont invité les Allemands à jouer un concert commun le 24 mai 2013. Bien conscients que ce genre d’événements n’allait pas se reproduire tous les quatre matins, ils ont sorti le grand jeu pour faire en sorte que cette soirée soit inoubliable dans tous les sens du terme. Inoubliable par la qualité de la prestation proposée aux spectateurs mais aussi inoubliable parce que capté par plusieurs caméras et micros qui ont abouti à la création de ce DVD Live at La Pêche. Le concert dure un peu plus d’une heure et c’est l’essentiel de ce Live at La Pêche assez brut, on a quelques minutes d’images sur la préparation de la soirée et le teaser en «bonus» mais pas plus, la qualité visuelle et sonore est plus que correcte même si les moyens ne sont pas les mêmes que pour filmer un concert de U2... Le but n’est pas non plus de remplir les caisses des groupes mais bien davantage de garder un souvenir de cette date unique. Et pourquoi pas
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C’est Brainsucker qui occupe d’abord seul la scène, leurs titres post-rock («Born for lullaby (From outer space)», «Bravery of a horse facing death», «Why don’t we go to Canterbury») installent une atmosphère plutôt paisible au regard de la suite... Sur scène sont tendues des toiles quasi transparentes sur lesquelles viennent jouer les couleurs et sont projetées des vidéos. Ces rideaux tombent pour «24 hours and maybe another life to get over you» qui marque l’entrée en scène de Shimstrumental mais également d’une créature rampante et colorée qui rappelle les shows d’X-Makeena avec un côté angoissant à la Saw dans le masque et futuro inquiétant à la Tetsuo dans les bandes magnétiques... L’ambiance se charge et change, elle se durcit pour faire de la place au chant, assez particulier des Allemands qui avec «Ewigkeit» puis «Panzer» montrent combien ils apportent de la rugosité vocale à un concert jusque là porté par les instruments. La créature se mue en danseuse option Mime Marceau («Der letzte weg»), les musiciens se trouvent leurs espaces, se mettent plus ou moins en retrait quand ils ne jouent pas tous ensemble («Db»). Il faut encore souligner le gros boulot des groupes qui ont mixé leurs univers pour arriver à jouer des titres en commun et faire en sorte que l’amalgame fonctionne. Personnellement, je préfère Brainsucker à Shimstrumental mais le mélange des deux n’est pas désagréable et pour les deux combos, cette seule soirée est une aventure qui dure bien plus d’une heure et ne s’arrête pas au «Stop» hurlé par le chanteur venu de Cottbus. Oli
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AMERICAN HERITAGE Prolapse (Solar Flare Records)
inédite. Ah et cet artwork dont on ne sait pas trop ce qu’il représente mis à part un truc dégueulasse : si tu as une idée, n’hésite pas à envoyer un mail à la rédaction. En tout cas, cela rend plutôt classe sur l’édition vinyle. David
Sauf sur «Constant and consuming fear of death and dying» et ses 6 minutes en mode mid-tempo et digressions progressives, les American Heritage ont choisi cette fois-ci d’aller chercher l’auditeur par la peau du cul avec des titres directs, agressifs, et les affreux jojos ne ménagent par leurs efforts durant ces 9 pistes en mode sludge/noise/core. Pas de quartier. Personne ne sera épargnée sur Prolapse, le sixième (six!six!) album du groupe, disponible via Solar Flare Records (Sofy Major, Pigs, The Great Sabatini, Watertank...) Et si on pense toujours autant à Mastodon à l’écoute de Prolapse, American Heritage se démarque en gardant ce coté rustre et vindicatif que le groupe superstar n’a plus depuis un bail. Et cette fougue intarissable, tu la prends dans les oreilles dès «Eastward cast the entrails», une entame d’album dévastatrice et jouissive. 3 reprises et par conséquent des curiosités aussi (une Descendents, une Black Flag, une Girls Against Boys) viennent agrémenter les compositions originales et si les deux premières, finalement proches de l’univers des musiciens, se retrouvent parfaitement r(é)incarnées par l’excès de testostérone et les pectoraux saillants d’American Heritage, «Bulletproof cupid» des géniaux Girls Against Boys voit les musiciens se confronter à une orientation
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JENNY IN CAGE The perfect side of nonsense (Autoproduction)
pour moi, un Jenny In Cage moins accrocheur qui arrive dans mes oreilles. Il faut dire que sur certains passages («Shade of memories»), Julien la joue un peu pleurnicheur à la Muse et vue mon allergie de type Bellamite aiguë, c’est pas ce qui me fera m’extasier... Ce parti pris de parfois déranger avec un chant «à part» et qui colle à des guitares nerveuses («Just a toy boy») est assumé, la prise de risque est plus importante que par le passé, ça ne plaira pas à tout le monde mais ça permet de singulariser le combo. D’autant plus qu’il est capable de parties plus vénères bien envoyées («God(s)», «One more day on Earth») qui ont de quoi rallier du monde et donnent des gages quant à la capacité de faire chauffer une salle. Quelques titres «intermédiaires» dans l’engagement, les distorsions et le rythme sont également assez agréables et font de cet opus une suite qui tient la route. En 2009 les Jenny In Cage délivraient une grosse dose de rock alternatif avec Solid liquid ether et déjà bien présents sur scène, on s’attendait à les voir grandir rapidement. Mais en 2010, leur chanteur Frank quittait l’aventure et aujourd’hui, on peut recommencer la biographie du combo car seul Pascal est rescapé de la formation d’origine. En 2011, Julien (chant) et Thomas (basse) prenaient place alors que Kevin (batteur) n’est arrivé que bien plus tard, José ayant joué quelque temps dans le groupe sans enregistrer avec lui. Bref, c’est un groupe à 75% différent qui se présente à nos oreilles avec The perfect side of nonsense. Encore enregistré chez Fred Duquesne (Bukowski, Mass hysteria, Watcha...), Jenny In Cage a conservé le soin du travail bien fait et présenté avec classe, l’artwork, le digipak et le graphisme en général sont dignes des plus grosses productions anglosaxonnes. A l’origine du projet, Pascal, le guitariste, a su gardé la ligne directrice en terme d’influence et de motivation : faire un rock qui va autant chercher à s’adoucir qu’à durcir son propos. La tonalité rock touche à tout fait toujours son petit effet et même si Julien sait se servir de sa voix, je préfère celle plus pure de Frank et c’est donc,
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Oli
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ZAPRUDER
Fall in line (Apathia Records/Hipsterminator Records)
En 2014, les auditeurs avides que nous sommes ont toujours l’impression que tout a été dit (et ressassé) en matière de post-hardcore/post-métal/post-rock. Cela semble faux et les Zapruder, un gang poitevin, sont bien déterminés à nous le prouver. Le groupe existe depuis 2010 et qui n’avait jusqu’à présent sorti qu’un seul EP en 2012 intitulé Straight from the horse’s mouth. C’est d’autant plus surprenant de les voir débarquer aujourd’hui avec Fall in line, un album très abouti qui bottera les fesses des amateurs de chaos musical «openmind».
les arguments massues. A ce titre, la fin de «Cyclops» où apparaît une clarinette (!) ou l’irruption d’une phase jazz/funk (il doit y avoir un fan de Prince dans le groupe) sur «Modern idiot» sont emblématiques d’un groupe qui brûle les chapelles pour en bâtir une qui leur ressemble vraiment. La seconde moitié de Fall in line est également propice aux orgasmes avec notamment le très Pink Floydien «Delusion junction», en mode saxo caressant et ambiance onirique, un titre qui s’enchaîne d’ailleurs parfaitement avec l’incandescent «Doppelgänger» et ses relents death-métal. L’avant-dernière piste, «Loquale», ne fait que nous conforter sur le pedigree de haute volée de Zapruder : une piste acoustique dotée d’un chant clair angélique et manifestement l’écart stylistique le plus notable mais aussi un des plus beaux moments de Fall in line. En plus, la prod’ est aux petits oignons. En plus (bis), l’artwork et le digipak sont super jolis. Vraiment de l’excellent taf. Et c’est disponible via les spécialistes du gras (mais pas seulement hein...) que sont Apathia Records (Pryapisme, Oruga...) et Hipsterminator Records. David
Dès le premier titre, «We are orphans», le «open-mind» dont on te parlait n’est pas forcément évident mais Zapruder attaque les hostilités avec une telle conviction et la bave aux lèvres qu’il est difficile de ne pas céder aux multiples assauts : un excellent titre heavy comme du Will Haven, dynamité par la glycérine mathcore d’un Dillinger Escape Plan. La seconde piste, là aussi, prend l’auditeur à la gorge et si Zapruder interpelle aisément lorsque le groupe nous gueule dessus à outrance (d’ailleurs, j’ai un peu de postillons sur le visage, prévois quelques lingettes...), c’est lorsque les musiciens s’extirpent de leurs réflexes carnivores, qu’ils décloisonnent et expérimentent, qu’ils gagnent des points et cumulent
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ITW > UNDERGANG C’est à l’occasion d’une première partie pour ses copains de Sidilarsen au Divan du Monde à Paris que nous avons pu discuter près de 3/4 d’heure avec le toulousain Undergang. Homme aimable et passionné par son métier, il s’est livré sur son aventure de musicien, est revenu sur son passage dans La Phaze et nous a parlé de son dernier album, Hang out.
Pourrais-tu me rappeler les grandes lignes de ton parcours musical et dans quel univers artistique tu as grandi ? J’ai commencé à écouter de la musique vers 7 ou 8 ans, le jour où j’ai flashé sur un morceau d’AC/DC à la radio. J’ai demandé à mon père ce que c’était et puis mon oncle par la suite m’a filé des K7 du groupe. J’écoutais aussi les 33 tours de Jimi Hendrix qui trainaient chez mes parents et puis Léo Ferré beaucoup. Voilà, c’est un peu les trois gros trucs qui ont fait que gamin, je me suis intéressé à la musique. Je n’avais pas du tout l’intention de faire de la musique au début, il n’y a pas de musicien dans ma famille. Pour moi, c’était quelque chose qui appartenait aux autres. Et puis un jour, un super ami en classe de 4ème voulait être chanteur, il avait un pote batteur avec lui et m’a demandé de venir jouer de la guitare avec eux. Le problème, c’est que non seulement je n’avais pas de guitare mais en plus je ne savais pas en jouer. Il me fait «T’écoutes AC/DC, tu joues de la guitare». Du coup, je me suis retrouvé avec une basse à deux cordes branchée sur une chaîne Hi-Fi ! Je me suis rendu compte que le truc venait super vite. On écoutait pas de punk mais on jouait tellement comme des merdes que ça y ressemblait fort, ça dépassait pas deux accords et ça jouait en vrac. On a
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commencé à faire des concerts au bout de 2 ou 3 mois pour des premières parties de groupes de blues, de soul, de funk dans des bars. Ca faisait marrer les gens de voir des mioches de 13-14 ans jouer de la musique comme des quiches mais avec énergie. A partir de ce moment-là, je n’ai jamais arrêté de jouer de la musique. J’ai eu 4 ou 5 groupes avec ce pote dont je te parlais. Ensuite, j’ai monté un groupe électro avec un autre pote et quand il est parti, je me suis retrouvé seul à gérer ce projet. C’est là que j’ai monté Undergang, c’était il y a 10 ans à peu près. Tu savais qu’il y a un groupe de death metal danois qui s’appelle Undergang ? Oui, oui, carrément ! Ca ne t’a pas posé de problème de confusion dans ta communication ? Non, j’ai eu de la chance que ce groupe ne soit pas hyper en vue et joue une musique un peu death-grind. En plus, ils sont Danois. Ca pose juste un problème quand les gens essayent de t’identifier sur Facebook, eux leur nom est en minuscule et moi c’est en majuscule, mais c’est pas préjudiciable. Il y a aussi un groupe de bar rock à Syracuse aux Etats-Unis qui porte ce nom avec un chanteur de 55 balais avec des grand bras et une tête super
bizarre. La blague des potes c’est de dire que ce sera moi à 50 balais (rires).
Tu es multi-instrumentiste, tu joues de combien d’instruments ? De la guitare ; de la basse parce que logiquement quand tu joues de la guitare tu sais être bassiste ; de la batterie parce que je trouve cet instrument très attractif et physique sur lequel tu peux te défouler ; du piano, à trois doigts comme ça, je ne suis pas virtuose ; idem pour le scratch, je sais juste faire des phrasés efficaces ; du chant ; des machines. Je pense que dès que tu touches un instrument, tu peux arriver à le faire sonner si tu as le sens du rythme et des idées. C’est comme ça que j’ai commencé la zik avec cette fameuse basse à deux cordes. Dernièrement j’ai joué à ma manière de la balalaïka, un instru d’origine russe à huit cordes accordé à l’arrache. Je ne suis pas un musicien virtuose mais j’arrive tout de même à m’exprimer avec plein d’instruments. Lequel penses-tu maîtriser le mieux et celui que tu préfères ? Celui que je maîtrise le mieux c’est assurément la guitare. Concernant celui que je préfère, là c’est plus dur,
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Undergang, c’est un hobby ou ton gagne-pain ? J’en vis depuis 8 ans maintenant, je ne fais que ça. C’est vrai que c’est plus facile d’en vivre quand tu es seul. Tu ne fais donc rien en dehors d’Undergang ? Si, je compose énormément de musique pour un éditeur, c’est ma manageuse qui est tombée sur ce gars. Je lui fais de la musique illustrative pour des jeux vidéo, pour des applications, des trucs comme ça. Ca fait à peine un an ou deux que je fais ça, je lui envoie des sons régulièrement. Quand je passe une journée en studio, je compose plein de choses qui ne rentrent pas dans le cadre d’Undergang, ca va de la guitare sèche à de la hardtek en passant par du piano. Je me suis également mis pas mal à la vidéo depuis un an, j’ai réalisé les clips de mon dernier album et je bosse pour des groupes depuis 6 mois maintenant car j’ai pas mal de demandes. Je kiffe vraiment ça parce qu’après les tournages, tu restes chez toi, tu te déplaces moins, c’est plus agréable. Je conçois des sites Internet, je fais l’infographie pour Undergang et pour des potes des fois. Qu’est-ce que je fais d’autres. Ca m’arrive de taper des bœufs avec les copains de temps en temps, j’ai monté le projet Wattdafox en 2007 avec deux gars de Sidilarsen, on n’a pas pu le faire tourner à cause de nos emplois du temps. En gros, je n’arrête pas, je suis un peu hyperactif en fait.
chaque instrument a son truc. Et puis ça dépend aussi des conditions dans lesquelles je me retrouve. Pour un bœuf blues avec les potes, ce sera clairement la guitare, pour du funk ou hip-hop, ce sera la batterie, pour l’électro, ce sera les machines. Tu touches à pas mal de styles, du dubstep au post-rock en passant par le hip-hop. Tu n’as pas cette crainte, en proposant une musique sans frontière, de faire perdre le fil à ceux qui te découvrent ? C’est une conséquence possible, c’est sûr. Quand je me retrouve avec mes 40 morceaux pour le prochain album, je dois faire pas mal le tri, ce sont des choix pas évidents, il faut une cohérence. Je me pose souvent la question. C’est clair qu’il y a un fossé énorme entre un morceau indus-hardcore et un morceau de trip-hop planant. J’essaye avec mon oreille de créer un liant qui se fait par la couleur du son. Au niveau du style, je ne peux pas ralentir le tempo d’un morceau de drum and bass pour qu’il colle avec le morceau de hip-hop qui le suit. Il y a un espèce de parti pris. Si je devais sortir 11 morceaux de pop-rock, je le ferais au sein d’un groupe qui serait dédié uniquement a ça. Le fait que je sois seul au sein d’Undergang me procure un espace de liberté, un espace de travail à la maison reporté sur scène, c’est un produit complet. La démarche à adopter c’est d’écouter l’album en entier pour se faire une idée parce que le mec qui va venir au concert avec sa bière à la main et qui va écouter un morceau qui lui plaît pas, il va repartir chez lui, alors que quelques morceaux plus tard il aura une vibration qui lui parle plus. Ouais, donc ton public est forcément comme toi, il est assez large au final. Ma plus grande fierté c’est d’attirer des mecs à mes concerts qui, par exemple, aiment le rock n’ roll et se font une idée de l’électro souvent fausse et pleine de préjugés et qui viennent à la fin te dire que ton concert déchirait. Du coup, je les conseille sur ce qu’ils doivent découvrir en matière d’électro parce qu’avant ils pensaient que c’était de la house de boîte de nuit. Et parallèlement à ça, tu as les petits teuffeurs à casquette et piercing qui n’écoutent que de la grosse drum avec des subs et qui trouvent cool que je pose de la guitare dessus. C’est complètement le but : rapprocher les gens qui sont dans des cases. Après, je suis bien conscient que mon style est casse-gueule. C’est indépendant de moi mais il y a un côté volontaire dans le sens ou je force les gens à s’ouvrir les oreilles. Moi, j’ai des potes qui n’aiment pas trop tel ou tel style musical que je pratique mais le fait que je le fasse avec ma patte les amène à
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être curieux, d’aller plus loin. Ca m’arrive de découvrir des albums assez variés ou inégaux, même si je n’aime que 2 ou 3 morceaux, je fais l’effort de comprendre les morceaux qui me plaisent moins. Même s’ils sont moins bons, il y a toujours un truc qui me parle. Selon moi, un album s’écoute toujours dans son ensemble. Tu es un homme orchestre sur scène mais en studio tu gères tout de A à Z ? Ouais, j’ai mon petit studio à la maison. Sur le dernier album, j’ai tout fait jusqu’au m a s te r i n g , c’est la première fois d’ailleurs que je fais toute la conception de A à Z. J’ai l’impression que c’est l’album le mieux produit de ta discographie. C’est pour ça que j’ai tiré le truc jusqu’au bout. J’ai fait écouter à des potes qui bossent dans le son dont certains masterisent, à des musiciens, à des non musiciens également mais qui ont une bonne oreille. Ils ont trouvé ça réussi donc à quoi bon le faire par un autre ? Le mastering c’est une science particulière qui fait que quand tu sors du studio, c’est fini. Si tu veux modifier une chose, tu dois reprendre des journées, ça coûte cher, les musiciens ne roulent pas sur l’or car le fait que les disques ne se vendent plus n’aide pas. Je fais de la production pour des gens que je connais donc je me sens capable de faire sonner un truc. En 2011, tu rejoins La Phaze, pourrais-tu m’expliquer pourquoi ils sont venus te chercher alors qu’ils ont toujours tourné à 3 ? Ils ont tourné à 4 pendant un an je crois à l’époque où il y avait Nevrax et Rouzman. Le premier concert que j’ai fait avec La Phaze c’était en 2003 ou 2004, on s’est connu à cette époque et on a vraiment accroché humainement et artistiquement. On était un peu dans la même famille musicale. On s’est croisé et j’ai fait leur première partie pas mal de fois. On est devenus des potes de tournée. Damny m’avait fait le mixage de Rue du Maroc en 2007. Ils m’ont demandé si je voulais intégrer le groupe pour
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faire la tournée Psalms and revolution car ils avaient besoin d’une deuxième guitare, de gérer les machines et d’un back en voix. C’était un CDD ou un CDI ? Après Psalms and revolution, La Phaze voulait intégrer quelqu’un de nouveau pour avoir du sang neuf. Le groupe savait que j’étais prolifique et que j’avais pleins d’idées. Il voulait quelqu’un de dynamique pour apporter un renouvellement, relancer un peu la machine après 15 ans d’aventures. Au final, ça ne se fait pas, les mecs étaient fatigués de la tournée et voulaient passer à autre chose pour X raisons donc le groupe s’arrête fin 2012. Du coup, ça tombait plutôt bien parce que j’avais mis Undergang en stand-by pendant 2 ans et ça commençait à me peser. J’avais des idées qui bouillonnaient, j’en avais plein le disque dur, je voulais sortir un album et quand t’es en tournée avec un groupe qui joue beaucoup, ce n’est pas évident de s’ouvrir une fenêtre pour 6 mois, un an avec album, tournée, promo et tout le merdier. Au début, je pensais jongler avec les deux, me prendre un break de temps à autres pour bosser, mais c’était chaud. Je comptais faire les premières parties de La Phaze tout en jouant dedans, ce que j’ai fait mais que sur quelques dates. J’avais vraiment besoin de remettre la tête dans le guidon. T’as jamais pensé à former un groupe après ton expérience avec La Phaze ? Ah si carrément, c’est un truc que j’ai en tête depuis des années. Il faut juste trouver des musiciens disponibles qui correspondent au projet, pouvoir payer une équipe technique qui nous suit. Ce n’est pas évident mais j’y pense de plus en plus. Ca peut être soit une version Undergang en groupe, soit une nouvelle formation où je pose ma patte. Toutes les portes sont ouvertes à ce sujet. Sur le dernier disque, il y a ces deux morceaux avec Kamik, c’est la première fois qu’il y avait un featuring sur un de mes albums. A Toulouse, j’ai récemment joué sur scène avec deux potes donc tu vois, je commence à ramener des gens dans le truc, à la partager un peu
Tu penses quoi des nouveaux groupes de Damny, de Rouzman et d’Arnaud (Dead Hippies, Pungle Lions, The Cash Stevens) ? Globalement je trouve ça plutôt bien. Dans les styles, je suis assez surpris du fossé entre ce qu’était La Phaze, ce groupe engagé, et ce qu’ils font maintenant. Déjà, le dernier album était assez loin de ce que représentait le groupe, ce côté revendicatif. Il n’y avait plus qu’un morceau en français avec un super texte engagé, qu’on ne jouait pas sur scène d’ailleurs. Et là avec leurs nouveaux projets c’est un peu la même chose. Je crois que leurs objectifs c’est vraiment de prendre du plaisir. On le voit par exemple avec Arnaud qui est un fan de guitares et d’amplification, il monte Dead Hippies, un groupe qui se gave de vieilles grattes, des Mustang, des Fenders et des amplis dans tous les sens, il réalise un peu son rêve de gamin. Et Damny, c’est la même chose. Je me souviens dans le camion sur la tournée, on écoutant des vieilles chansons des années 60-70, et tu retrouves un peu ça dans Pungle Lions. The Cash Stevens, c’est pareil, Rouzman aime bien la musique folk, les trucs léchés et super propres. Ce sont finalement des projets très personnels. Juste après ton départ de La Phaze, dans quel état d’esprit tu es ? Tu décides direct de sortir un quatrième album ? Oui, carrément. J’avais déjà commencé à travailler des sons dans le camion avec La Phaze. Hang on a été construit différemment des précédents dans le sens où je composais pas en me disant que ça allait être des morceaux pour Undergang. Quand tu as des heures de route dans le camion, tu mets ton casque et tu bosses. Du coup, les tempos étaient plus lents, plus rentre-dedans, plus lourds avec un côté plus mélodique je pense aussi. Et quand j’ai décidé de préparer ce nouvel album, j’ai commencé par me replonger dans ce que j’avais créé sur la tournée. Et je me suis rendu compte que
c’était exactement ce que je voulais faire écouter aux gens, j’avais pas envie que ce soit dans la lignée des anciens. Je savais qu’il y aurait une cohésion dans le mix mais le parti pris dès le départ, c’était de ne pas se poser de question. Parce que quand je réécoute mes albums précédents, il y a une espèce de distance qui s’est opérée avec le temps qui fait que si je refaisais les mêmes choses, ce ne serait plus moi tel que je le suis aujourd’hui. Il faut respecter ça et ne pas se forcer à revenir sur les vieux trucs. C’est ce qui s’est passé avec La Phaze. Concernant Hang on, je jouais déjà certains de ses morceaux sur scène avant de l’enregistrer. Je fais souvent ça, je compose pour le live et 4-5 ans plus tard, tu retrouves les titres sur l’album.
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plus. Mais j’en ressentais le besoin car cela fait 10 ans que je suis tout seul dans ce projet. J’ai joué longtemps en groupe avant Undergang, et avec La Phaze, j’ai redécouvert ce goût d’être sur scène et de profitez de l’ambiance et du public car tu as ces moments où tu peux un peu souffler. Avec Undergang, c’est le contraire, c’est un marathon, tu n’en profites pas autant. Mais je l’ai choisi car j’aime bien que ça enchaine. Au fur et à mesure du temps j’ai commencé à rajouter de la guitare, de la batterie parce qu’à chaque seconde j’ai envie de faire un truc. Je me vois mal être derrière des platines, envoyer le son et levez les bras comme certain DJs, qui le font très bien d’ailleurs.
Beaucoup de tes textes sont en anglais sur ce nouvel album. Du coup, c’est moins immédiat pour un Français. De quelle manière écris-tu tes textes ? En fait, tout dépend si je chante en français ou en anglais. En français, il y a toujours eu ce petit côté engagé avec des sujets d’ordre sociaux et avec le temps mes textes se révèlent être plus personnels surtout quand je passe en langue anglaise. Par pudeur d’une part, et dans un souci d’efficacité musicale d’autre part. C’est vrai qu’en français, c’est assez dur de faire sonner les mots, les trois quarts des groupes français chantent en anglais. C’est dommage mais il faut se rendre à l’évidence que quand tu chantes en français, le public va forcément être un peu plus critique. En anglais, t’as un espèce de passe-droit, t’es un peu au milieu des instruments et ça passe mieux. C’est pour ça, par exemple, que je peux désormais passer un message d’amour dans mes chansons avec la langue anglaise, par pudeur justement, et dans les refrains pour l’efficacité. Dès que j’écris en français, je me rapproche naturellement du phrasé hip-hop car j’ai été bercé par ça dans les années 90, à l’époque de la Fonky Family, NTM, IAM. Alors que quand je passe en anglais, mes références vont plus aller vers Deftones, Nine Inch Nails ou des trucs comme ça. Ca me permet aussi de me rapprocher de mes influences et de me sentir plus à l’aise. Il y a une réédition numérique de Hang on avec 3 titres bonus qui vient de sortir. Ces morceaux sont des rebuts de la session ou des créations post-session ? Ca dépend lesquels. Le premier «Gotta break it», c’est un morceau de Du son sur les mains, l’album précèdent, où j’ai repris juste la voix et recomposé dessus. Même procédé pour le deuxième, avec la chanson «In that maze» du dernier album en version drum & bass. Quand au troisième, «Riff kiff», c’est un vieux truc qui traîne et
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qui devait être sur l’album d’avant je crois. Des fois, tu as des morceaux que tu te travailles pendant 10 ans et t’en es jamais content, je me suis dit que comme c’était une réédition ça pouvait être un bon petit bonus. C’est un titre long que je n’aurais jamais pu mettre sur un album de 10 morceaux, c’était la bonne occasion pour le balancer en fait. Hang on n’a pas le côté jungle/d&b qu’avait les autres, les tempos sont plus lents et c’est plus mélodique donc «Riff kiff», c’était pour les gens de la première heure. Qu’est-ce qui se vend le mieux chez toi, CD ou numérique ? Il y a tellement de plateformes dans la distribution numérique que ça prend pas mal de temps avant de savoir ce que tu as vendu. Je ne sais pas trop, peut-être le CD. Concernant les ventes de skeuds, il doit y avoir un équilibre entre les magasins et les concerts. Dans les magasins, ça dégage vite des bacs aussi. Tu viens de Toulouse comme Sidilarsen avec qui tu joues ce soir, une grosse ville d’artistes venant de tous les univers. Est-ce qu’il y a une entraide entre artistes là bas ? Est-ce qu’on peut parler d’un véritable milieu toulousain ? La super réponse que je vais te donner c’est oui et non. Depuis 10 ans ou peut-être à peine moins, Toulouse est devenu une ville importante au niveau musical. Quand je suis arrivé là bas il y a une vingtaine d’année, tu avais Zebda, Spook & The Guay ou les Fabulous Trobadors, qui ont gardé cette image de groupes festifs du Sud proche de l’Espagne. La ville était clairement estampillée «Tomber la chemise» et ça a desservi les groupes rock, électro ou hip-hop et les représentants des musiques un peu plus dark. C’est con parce qu’à cette époque, il y avait un bon réseau de musiciens à Toulouse. Depuis 5 ans, c’est cool, il y a plein de bons groupes aux styles variés qui se forment que cela soit de la pop, du métal ou autres. En plus, il y a plein de lieux de concerts surtout depuis que la gauche est passée il y a 6 ans. J’ai la sensation qu’il y a eu comme une renaissance de la ville à ce niveau. Il y a une sorte d’émulsion qui s’est produite et qui a décomplexé les groupes par rapport à l’image qu’avait Toulouse avant. Quand tu vois
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des groupes qui ont émergé et qui tiennent sur la durée comme Punish Yourself, Sidilarsen ou Scarecrow, ouais, je pense que Toulouse fait partie des bonnes scènes musicales françaises. Pour ce qui est de l’entraide, elle existe mais le problème c’est que les groupes qui font une petite notoriété ou qui tournent pas mal tracent leur propre route et n’ont pas forcément le temps ou les idées pour fédérer. Mais ça commence à venir petit à petit. Mais ca t’arrive de proposer à des groupes de la ville de faire ta première partie pour les aider ? Je crois qu’on m’a donné une seule fois l’occasion de pouvoir choisir ma première partie parce qu’en général, c’est l’organisateur de la date qui gère son affiche. Si je découvre un groupe en concert, que je joue ou pas sur cette soirée, et qui déchire, le lendemain je leur envoie un petit message pour les féliciter et garder le contact. Parce qu’il y a des gens qui l’ont fait pour moi, ça m’a fait grandir. C’est pareil pour les potes qui montent des nouveaux projets et qui me font écouter leurs sons parce qu’ils ont besoins de retours, je le fais volontiers.
J’ai lu que la mairie t’avait déprogrammé avec d’autres groupes comme Sidilarsen le jour de la fête de la musique. Elle a l’air de craindre la politique culturelle de la ville, non ? Toulouse est passé à droite là, ils font des trucs pas mal comme reprendre des idées bien à gauche pour nous la faire à l’envers. Sur le coup de la fête de la musique, c’est un truc hallucinant. En fait, on devait jouer entre autres avec Sidilarsen et El Gato Negro sur la grosse place du Capitole, un super spot avec plusieurs milliers de personnes. C’était une scène intéressante et éclectique, avec des groupes qui marchent bien, d’autres
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plus anciens mais qui existent encore, bref, une vraie représentation de Toulouse dans un sens large. Je suis à Toulouse depuis 1996 et j’ai traîné mes godasses sur cette place la nuit dans tous les états possibles et inimaginables avec les potes. Pour moi, c’était une espèce de réalisation de voir mon son taper sur ces façades aussi jolies, c’était hyper symbolique. Et puis ça a été annulé, on a été squizzé du jour au lendemain sans être prévenu, un truc de chacal. Dès que la mairie est passée à droite, le mec un peu arriviste et ses équipes ont foutu leur nez dedans. Pour répondre à cela, on a eu cette idée avec Didou des Sidi et ma manageuse de sortir une petite compil gratuite sur Internet des quelques groupes initialement programmés sur cette place. Ca s’est fait totalement à l’arrache en un week-end, j’ai du contacté les groupes dont certains étaient sur la route, pour savoir s’ils étaient OK. Cet évènement a fait naître une cohésion entre les groupes. Par exemple, il y a deux jours, j’étais dans une salle de concert et j’ai croisé un des gars d’El Gato Negro, groupe de salsa, qui nous a félicité pour cette action. Cette compil a la particularité d’avoir un tracklisting qui passe du coq à l’âne au niveau des styles, ça va du dubstep, au métal en passant par le rock n’ roll et la musique africaine. Et tu ne peux pas télécharger juste un morceau, c’est tout ou rien. Au final, il y a eu des concerts sur la place du Capitole ce soir-là, mais c’était plus «populo» comme musique. Cette histoire a créé une sorte de malaise vis à vis des artistes qui ont joué à notre place. Cette compile c’était notre façon de dire «fuck» joliment et poliment.
Il y a des artistes toulousains qui s’en sortent pas mal, je pense à Punish Yourself, Michel Cloup (Diabologum, Experience, Binary Audio Misfists), voire des artistes qui montent comme Al’Tarba ou Ruby My Dear. Y’en aurait-il dont on a pas encore eu vent ici à Paris et qui promettent ? Ouais, il y a Budapest, c’est un mélange de trip-hop, de rock et de post-rock avec un chanteur et une chanteuse. Je te recommande car c’est super bien fait. Scarecrow mais c’est déjà un peu connu, ça a fait un peu de buzz. Il y en a vraiment pas mal en fait, faut que je fasse une liste par mail. Ca marche. Notre interview s’achève, je te remercie Cédric. Merci à toi ! Merci à Cédric Undergang et à Julien & Matthieu Mathpromo. Ted
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SAGE FRANCIS Copper gone (Strange Famous Records)
cours : le single «Vonnegut busy», «Thank you» et son refrain largement inspiré de «Nightcall» de Kavinsky, le crépusculaire «The set up», entre autres. Des titres tous liés par une scansion ininterrompue (mais jamais épuisante) : l’homme à la cape a beaucoup à dire et force est de constater qui sait se faire écouter. Mentions spéciales au bluesy «ID thieves», aux plus électroniques «Cheat codes» et «Once upon a blood moon» et à l’émotionnel «Make em purr». Suffisamment frontal pour vite capter l’attention, tout en réclamant une bonne série d’écoutes pour en appréhender les reliefs, l’album se veut fracassant et efficace (bien qu’une petite lassitude se fasse sentir sur les deux dernières pistes), underground mais accrocheur, daté, certes, mais ouvert aux sons de son époque. Le meilleur des deux mondes en somme... Il aura fallu un silence discographique finalement assez court (4 ans) pour que l’autoproclamé Oncle Sage accouche d’un nouvel LP. Le 5ème album du rappeur américain de 38 ans incarne à lui seul l’indépendance d’un hip-hop ouvertement old school et personnel. Écrit et enregistré seul (sans featuring vocal), publié sur son propre label (Strange Famous Records), ce - relatif - retour reste dans la continuité de ses précédentes productions : sans concession. Dès le premier titre («Pressure cooker»), Sage Francis rentre directement dans le lard : le débit est rapide, la fusion brutale et sans détour (‘’If anger is a gift, I’m very gifted’’ à le mérite d’être clair). À l’image de son ouverture, le reste du disque s’assume et se déroule sans temps mort : 14 titres et quasi autant de producteurs (dont certains de longue date), semblant se tirer la bourre dans des registres suffisamment différents pour maintenir la tension, bien que l’ambiance générale demeure terriblement sombre. Lourd et précis, le tout respire l’expérience et la détermination : à défaut d’innover complètement, l’album fait le travail, et le fait bien. 54 minutes de rythmiques claquantes et de flow technique, même si les tracks se font progressivement plus groovy à mi-par-
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ESCAPE
The downfall (Trauma Social, Chanmax Records, Sound Inc...) Passant d’un hardcore sulfureux et rapidement exécuté (l’énorme « Fairy tale » en ouverture, « The salute », « Tenebrae ») à un punk « hardcore mélo » jamais assagi (« Waste legacy » et ses accents mélo, « Unreal TV », le puissant « Ozzy shark ») et même à un titre plus expérimental qui aurait sa place sur le dernier album des Burning (« The downfall » et son final mi dub mi rock) , Escape est à l’aise dans tous les domaines quand il s’agit d’envoyer le bois. Mais le groupe, dans ses tempos plus que soutenus et sa puissance sonore, sait habilement y insérer de fines couches de mélodies bienvenues. Et c’est bien là la force principale d’Escape : mixer un maximum d’influences pour aboutir à un ensemble de titres accrocheurs et fédérateurs qui collent à la peau du quatuor.
Enfin ! Le voilà ce troisième album de Escape. Nos gars de Colmar auront pris leur temps pour donner une suite à Pouvoir liquide et Gears of modern society. Mais franchement, ça en valait la peine ! Avec The downfall, troisième effort longue durée d’ Escape, prépare-toi à une bonne dose de punk hardcore qui risque de te secouer un bon coup.
En résumé, et tu l’auras compris, ce disque est destiné aux amateurs de sensations fortes (notamment au niveau des voix) mais aussi à l’auditeur sensible aux mélodies rock et à la musique qui va vite. Très vite. Pas la peine de te faire un dessin, une écoute de The downfall et tu auras capté le délire : hardcore punk’s not dead. En tout cas, pas tant que Escape sortira ses guitares et montera le volume des amplis. Et ça, c’est tant mieux. Gui de Champi
Coproduit par Trauma Social, Kanal Hysterik, Blackout Prod, Chanmax Records et Sound Inc, The downfall se présente dans un digipak soigné à la pochette saisissante. Et je pourrais en dire de même des dix titres composant la galette. Car le punk hardcore des Alsaciens, sulfureux à souhait, est qualitativement abouti. Certes, le groupe ne fait pas dans la dentelle, mais les amateurs des Modern Life Is War (pour les voix), de Hot Water Music (pour les mélodies) et des nationaux Burning Heads (pour le bon goût) y trouveront indubitablement leur compte. Trente-deux minutes de perversions auditives, de morceaux explosifs exécutés à cent à l’heure, de guitares incisives et de voix brutes de décoffrage sont au programme d’un disque soigneusement mis en boîte chez Didier Houbre (Downtown Studio à Strasbourg).
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Lords Of Altamont Lords take Altamont (Fargo)
par hasard, ils revendiquent s’être inspiré de ‘’cet événement et de son énergie’’ au moment de leur formation. Ils ont donc décidé de rendre hommage à cette page peu reluisante de l’histoire de la culture pop en reprenant des titres emblématiques que les groupes jouaient ce jour-là pendant que Johnny faisait une overdose de LSD dans sa tente... chacun sa passion !
6 Décembre 1969, les Stones décident de terminer leur tournée américaine en organisant un grand festival sur le circuit d’Altamont. Mal organisé, l’événement tournera au chaos incontrôlable. En effet, le propriétaire du terrain avait eu l’idée lumineuse de recruter les Hell’s Angels pour qu’ils assurent le service d’ordre, les payants 500$... en bière ! Demandez à Hunter S. Thompson, il vous confirmera que c’était du suicide. Rapidement les groupes présents sentent le vent tourner, mais les Stones, eux, décident d’assurer le show malgré tout. Bref, la suite on la connaît : Meredith Hunter, un jeune noir se fait poignarder à mort par un des bikers devant les yeux de sa petite amie alors qu’il brandissait une arme. Hunter compris, il y aura en tout quatre morts ce jour-là, dont deux enfants écrasés dans leur sac de couchage par un chauffard en plein trip. ‘’Rock’n’Roll’s All Time Worst Day’’ qu’on disait à l’époque. Ambiance. Cet événement glaçant, qu’on peut encore aujourd’hui voir sur youtube entre deux vidéos d’émeutes à Ferguson, mettra définitivement fin au summer of love démarré en 68, entachant à jamais la réputation du rock’n’roll et ouvrant la voie pour une nouvelle ère, plus violente et animale, dans la musique comme dans la société. Les Lords Of Altamont ne s’appellent donc pas comme ça
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Rien d’étonnant en fait, Lords Of Altamont a toujours fait partie de ces groupes foncièrement anti-hippie. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce rock-là, celui des MC5 et des Stooges, celui qui appelle à cramer des bagnoles et faire flipper le FBI, était là bien avant que John Lennon la ramène avec ses fleurs et ses messages de paix. Les Lords font de la musique d’Hommes, déguisés en bikers qui tabassent leurs guitares quand ils ne sont pas en train de mettre un coup de surin dans quelque chose. Les fans auraient sûrement préféré avoir un véritable album à se mettre sous la dent, certes. Mais, outre le fait qu’il passe en revue quinze ans de l’histoire du groupe avec la participation de tous ses membres, passés et présents (plus de quinze !), cet album est une œuvre hautement intéressante à propos de l’histoire du rock’n’roll, qui en dit beaucoup, tout en nous en mettant plein les oreilles. On appréciera le décalage ironique du message originel des chansons jouées ce soir-là avec les événements que l’on connaît, d’autant qu’elles ont été bien musclées par les Lords au passage. Batterie qui cogne, guitares qui flamboient, basse qui ronronne, clavier qui hurle et un Jack Cavaliere (seul membre permanent) qui rugit l’écume aux lèvres. On n’est pas pris en traître. Les Lords sont clairement plus fans des Stones que des Grateful Dead (qui avaient de toute façon refusé de monter sur scène au dernier moment) puisque plus de la moitié des reprises sont tirées du répertoire de la bande à Jagger. Les saigneurs d’Altamont y sont clairement à l’aise et nous livrent ainsi deux/trois pépites qui font du bien par où elles passent : « Sympathy for the Devil » où s’entrechoquent le cannabis et le speed, ou « Gimme shelter » qui pue tellement la classe qu’on l’aurait bien
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vu clôturer le dernier épisode de Sons Of Anarchy. Si les albums de reprises sont rarement dignes d’intérêts, on est tout de même en présence ici d’un hommage vibrant, fait avec amour et testostérone. Un hommage à titre historique qui plus est, ce qui donne à l’album tout son poids. Et puis on est tellement peu éloigné de ce que le groupe a l’habitude de livrer qu’on s’y retrouve facilement. L’album parfait pour expliquer à ta petite fille que non, le rock’n’roll c’est pas beau ni propre, ou pour aller tabasser un policier à coup de queue de billard et de chaînes de vélo avec tes amis en cuirs. Peace N’ Love ! Elie
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25 YEARS OF WACKEN Snapshots, scraps, thoughts & sounds (UDR Music)
sur l’affiche, histoire de droits peut-être... Ou de vrais choix car j’imagine mal les Degradead (absents eux aussi) refuser une telle opportunité. Les absents ayant toujours torts, parlons des présents...
Bon anniversaire. Et comme souvent dans ces cas-là, c’est celui qui souhaite le «bon anniversaire» qui reçoit un cadeau. En l’occurence un triple DVD (ou Rayon Bleu) sobrement intitulé 25 years of Wacken et sous-titré «Snapshots, scraps, thoughts & sounds». Pour les nuls en anglais, c’est «Clichés, notes, pensées et sons» parce que le coffret des 25 ans du plus métal des festivals allemands offre plus que 3 DVDs avec un bouquin de 300 photos, des textes et un bel écrin pour chacun des DVDs. Ca, c’est cadeau et je n’en parlerai pas plus car, c’est juste «sur le papier», en promo, on se contente (et avec un large sourire) des 3 DVDs «bruts», étant donné que les superbes coffrets sont réservés à ceux qui feront l’effort de débourser quelques euros pour se replonger dans cette ving-cinquième édition du Wacken. Oui, parce que si le festoche souffle ses 25 bougies, tout ce qui est vidéo (et le son qui va avec en Dolby 5.1) ne concerne que l’édition 2014, on n’est pas du genre passéiste ou alors, ce sera pour une prochaine fois mais ce coffret ne met pas à l’honneur l’histoire et les années passées, juste une sorte de best of de ce qui s’est passé cet été. Ou presque parce que parmi les 60 groupes (environ) présents à l’image, on n’a pas trace de Arch Enemy, Behemoth, Bring Me the Horizon, Megadeth, Skid Row, Slayer ou Sodom qui étaient pourtant assez haut
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Pour «ranger» tout ce beau monde, le choix a été fait de respecter les scènes, le premier DVD fait honneur à la double grande scène (Black et True Metal stages), le deuxième aux the Party et Wackinger Stages ainsi qu’à quelques groupes du tremplin (Wacken Metal Battle) et enfin le troisième aux Headbanger et Wet Stage ainsi qu’à la Bullhead City Circus Tent. Si tu n’es pas un habitué du WOA, c’est du latin et tu risques surtout d’être attiré par le DVD 1 vu son track-listing de grande classe. On commencera donc par la fin et les 28 groupes qui ont le droit à chacun un morceau sur le DVD, si quelques uns ne nous sont pas inconnus (Decapitated, Masterplan avec 2 ex-Helloween, The Ocean et son superbe «Mesopelagic : into the uncanny»...), il faut bien avouer qu’on fait un paquet de découvertes... Au rayon des plutôt bonnes, le blues hard rock de Black Star Riders (en fait, ce sont les Thin Lizzy !), le mélange des genres (et des couleurs et des styles) de Neopera, Lacrimas Profundere qui réussit à nous embarquer en un seul titre, Beyond The Black dont la chanteuse est très mignonne (Google image Jennifer Haben pour les curieux), The Vintage Caravan pour son esprit punk et les mimiques de son chanteur, Excrementory Grindfuckers qui a l’air gravement dérangé (dommage que je ne parle pas allemand), Fleshgod Apocalypse qui apprécie l’opéra... Du côté des trucs qu’on était contents de ne pas connaître on peut lister Collibus, Torment, Ax’N’Sex, Starchild (une des rares pistes où le son n’est pas terrible). Le deuxième DVD permet de constater le fossé entre nos voisins et nous, si on connaît le rhénan, le culturel en terme de métal est plus difficile à voir, pas ici quand on cherche à déchiffrer «Schandmaul», un nom que les Allemands connaissent très bien puisque ça fait 15 ans que leur métal médiéval assez sympa passe dans leurs oreilles... On comprend mieux la foule et l’engouement sur cette scène ce soir-là... Même topo pour Saltatio Mor-
Terminons donc par le commencement avec le DVD1 et sa rafale de groupes confirmés qui débarquent aux Wacken avec l’artillerie lourde en terme de show, grosses light, mises en place de feu et public au taquet pour profiter des têtes d’affiche qui bénéficient toutes de deux morceaux sur ce DVD, enfin presque car Hatebreed se contente de son seul «Honor never dies» (d’ailleurs ils auraient du être sur le deuxième DVD vu qu’ils jouent sur la «The party stage»... scène extérieure qui a tout d’une grande tout de même). Je passe sur les vieux briscards d’Avantasia (side project de Edguy) et d’Accept (maîtres chez eux), ainsi que sur Saxon pour parler un peu d’un autre papi bien plus apprécié par ici : Lemmy ! Son chapeau le protège du soleil et c’est avec son flegme naturel qu’il envoie «Rock it» survitaminé, c’est le moins démonstratif (et le plus fatigué ?) des Motörhead et le tempo de «Lost woman blues» lui sied certainement mieux. Il a beau être un dinosaure plus proche de la retraite que de ses années Hawkwind, ça reste un monu-
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tis qui m’a cependant moins touché. Les J.B.O évoluent eux au rayon déconne pas loin des BloodHound Gang et livrent deux hits immédiats que tu auras forcément l’impression de déjà connaître... Pas de reprise pour eux mais une pour Santiano qui chante en allemand la chanson du fameux trois mâts... avant d’enchaîner sur un autre titre folk métal qui fait le passer le temps sous le soleil de Wacken. Les Knorkator font moins dans la finesse, avec ou sans Timtom. Les balkaniques Russkaja assurent une transition aisée dans ce sens-là, ensuite, c’est plus compliqué car c’est August Burns Red et ses «Poor millionaire» et ‘’Provision» qui vient rappeler que le WOA est surtout un festoche métal ! Honneur ensuite aux vétérants de Prong pour deux titres également. Le folk théâtralo-médiéval de Mr. Hurley & Die Pulveraffen auraient trouvé une meilleure place plus tôt mais c’est aussi ça la mentalité allemande, la capacité de passer d’un style à l’autre en quelques secondes sans que personne ne crie au scandale... Place ensuite à 5 groupes qui ont participé au tremplin Wacken Metal Battle et qui se sont offerts une participation dans un festival qui rime avec Graal. Parmi eux, on remarque qu’à Hong Kong, on ne savait pas Evocation n’était plus disponible comme «nom pour un groupe de métal», que décidément les instruments médiévaux ont la côte (Huldre), que Dirty Shirt aime le air guitar et que les Espagnol(e) s d’In Mute n’ont pas fait le voyage pour rien... Et même pour ces «petits» groupes la qualité de son et de vidéo est incroyablement pro, le Wacken ne laisse personne de côté quand d’autres festivals ne filment que leurs scènes principales.
ment dont la voix est toujours accrocheuse. Pas de voix et un coucher de soleil pour Apocalyptica qui attaque avec un «Path» (sans Sandra Nasic que j’aurais adoré voir ici) mais avec le renfort d’un orchestre classique avec percussions, cuivres et tout le tralala qui donne encore une autre ampleur au groupe qui lance les encouragements avant l’une de ses reprises phares «Hall of the mountain king». Les Finlandais sont exceptionnels mais comme j’aurais aimé découvrir ici le choeur du public du WOA reprendre un grand standard du métal sauce Apocalyptica (au hasard «Nothing else matters» qu’ils ont joué lors du rappel) parce que rayon frissons, ça n’a que très peu d’égal. Changement radical d’ambiance ensuite avec les Steel Panther qui proposent à chacun de faire un «Gloryhole» (alors qu’il y a quand même surtout des mecs dans le public) avant de demander «Death to all but metal». Jamais dans la démesure. Hammerfall (et son métal daté), Amon Amarth (et son décor), Children Of Bodom (et son synthé) sont assez vite zappés pour voir ce que donne Emperor, pas de bol pour eux, c’est en plein jour et ça n’est pas facile pour ce genre de zik de ne pas se jouer dans le noir, les gars sont toujours aussi rapides et impressionnants. Mais comme j’ai vieilli, j’ai du mal à rester dedans... Une chanson d’amour ? C’est «Kingdom» du Devin Townsend Project qui lui aussi doit jouer sous le soleil, un temps idéal pour les hippies qui reçoivent «Grace». Le rythme reprend de la vitesse avec les locaux d’Heaven Shall Burn, un groupe qu’on voit de temps à temps à Dour sous une tente et qui là démonte une grande scène blindée dés le déjeuner ! Le pogo est juste énorme, la poussière vole, là encore, c’est très impressionnant... Eux aussi sur la plus petite scène (tout est relatif), les Carcass font le job, laissant le soin à d’autres vétérans de clore ce DVD puisque c’est Kreator qui s’en charge, là encore avec un light show de très grande classe et des plans travaillés. C’est d’ailleurs ce qu’on retient, outre les performances de tous ces groupes, c’est l’énorme qualité de son, de prises de vue et de montage de ce triple DVD qui fait honneur au 25 years of Wacken, un souvenir phénoménal pour ceux qui y étaient, un témoignage exceptionnel pour nous tous. Encore une fois, bon anniversaire les gars et bravo pour ces vingt-cinq premières années ! Oli
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REVIEW INTERVIEW TEXTE
SEQUED’IN ROCK X Et de 10 ! 10 ans, ce n’est pas rien, surtout pour un festival gratuit qui a débuté uniquement avec de la volonté et un nombre d’heures phénoménal investi. Et que de chemin parcouru pour arriver à la grande fête qui a eu lieu ce vendredi 24 octobre 2014.
D’un petit tremplin, c’est devenu un plus gros tremplin pour jouer devant un beau public et 2 ou 3 noms reconnus, le tout gratos dans la banlieue de Lille. Pour la 4ème édition, on y était pour découvrir en live 8 Uneven ou Subskin avant de revoir les Lillois aux côté de MyPolluX. Et puis, petit à petit, le festoche a grandi, délaissé le tremplin pour laisser les organisateurs faire le tri parmi les groupes désireux de partager une belle affiche. Devenu trop petite, la salle des fêtes a cédé sa place à la salle de sports Dewaele pour recevoir Stereotypical Working Class, Furykane, Sna-Fu, Doyle, Enhancer, Klone, Eths, Loading Data, AqMe... Pour la dixième édition, l’équipe de Fred voulait faire venir un groupe encore plus gros mais faute de financement, c’était impossible... Pour autant l’affiche proposée était de grande classe et jamais le festival n’aura fait vibrer autant de monde ! Pour débuter la soirée, The Rose Well Incident prend place sur la scène, le public est déjà nombreux, il faut dire que les vacances sont commencées depuis 1 semaine et être présent dés 18h, c’est donc plus facile que par le passé où le festival marquait le début des vacances (et forcément si t’es encore en cours à 17h55, c’est chaud d’arriver tôt). Le quatuor rock est venu en voisin, ils sont Lillois, et envoie des titres sympathiques
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sans se prendre la tête. Ces quatre garçons plein d’avenir se voient proposer de se dénuder, alors qu’il ne fait pas si chaud, un mec du public gueule en effet «A poil». Ou alors étaient-ils intéressés par les barbes... Le son est bon, les compos aussi, le moment agréable même si on ne peut s’empêcher de penser à la suite... Et la suite arrive vite (bravo aux techniciens et musiciens car les changements de plateau sont vraiment super rapides). Le nom circule déjà quelque peu alors forcément entendre en direct Fahrenheit 21 composé d’ex-Ace Out et avec Chris au chant (ex-Monroe est Morte, ex-Kinetic ...), le combo est prometteur sur le papier, comme en live. C’est parfois gras, ça cherche la mélodie, les ambiances sont travaillées, ce n’est pas une bonne surprise car on sait la valeur des mecs sur scène mais c’est quand même bon ! Là, encore, on entend «A poil». Euh, c’était déjà pas marrant la première fois mais là, dés la deuxième, c’est déjà méga lourd. Va traîner sur l’avenue du Peuple Belge si tu veux te faire entendre auprès de personnes qui pourraient te répondre (par contre, ça risque d’être payant). Zoë qui déboule avec de très vieux titres («Make it burning») comme les plus récents extraits de Raise the
Avec As They Burn, c’est plus brutal. Mais là aussi, ça distribue des baffes, pour les détails, on repassera, là, on essaye déjà de comprendre ce qu’il se passe tant ça défouraille. Et le public, maintenant très nombreux car la salle est presque pleine, est chaud bouillant. D’ailleurs, il commence vraiment à faire chaud et prendre un peu l’air ou une bière commence à être difficile, le service d’ordre étant complètement dépassé, peut-être aurait-il mieux valu laisser faire les festivaliers plutôt que de leur expliquer où attendre pour pisser, où attendre pour fumer et où attendre pour boire un coup, je pense qu’à part celui qui gueule, encore, «A poil», tout le monde s’y serait retrouvé... Loin de ces considérations, les As They Burn tartinent du riff et claquent les rythmes, rock, stoner, et maintenant métal, Sequedin est aux anges. Eux aussi, eux, ce sont les Smash Hit Combo qui repassent après avoir foutu le souk il y a quelques années, et cette fois-ci, c’était pire. Le groupe n’a pas vraiment changé ses recettes, celles déjà utilisées par Enhancer, toucher les jeunes avec des références plus ou moins actuelles (jeux vidéos, séries) et donc réveiller les pseudo geeks pour les faire pogoter. Parce qu’on peut être fan de Sheldon Cooper et de métal bondissant. Les gars s’éclatent jusqu’à plus soif, même quand c’est terminé, ils sont encore là, le matos a beau être débranché, ils profitent de la communion avec le public pour danser encore et encore. Ils ne feront qu’un déçu, le mec bourré qui réclame son sempiternel «A poil». Le groupe m’avait prévenu quelques minutes avant durant l’interview, Unswabbed ne jouera pas la plupart de ses tubes. Les gars ont envie de jouer ce qu’ils viennent de composer et donc a fait de la place aux titres en anglais. «Seul», «La chute», «Ma place», «Les nerfs à vifs», voilà pour les oldies, les nouvelles chansons prennent la priorité sur le reste et même une inédite («Dead or alive») vient se placer dans un set que je juge
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veil} et terminera son set hautement vitaminé par sa traditionnelle cover de Rose Tattoo «Nice boys don’t play rock’n’roll» fait également les frais de la demande, «A poil». Expliquant son incompréhension, et encore, même si c’étaient de jolies gonzesses, on pourrait comprendre l’envie mais ne pas excuser ce comportement puéril. Mais il faut faire avec et le rocker a l’habitude d’être confronté avec un public pas toujours à la hauteur de la qualité du show proposé. Parce que là, Zoë, ça envoie sévère, dans un rade à genoux sur le bar ou sur une grande scène, les gars ne changent rien, ça rock à mort, putain que c’est bon.
trop court... En effet comme leurs deux prédécesseurs sur scène, ils ne jouent «que» 40 minutes... Et ça passe très vite, surtout quand il faut expliquer au gars, que non, ils ne feront pas de strip tease et que ses «A poil» n’y changeront rien. Si tu penses à ce stade que je suis lourd, tu peux avoir raison aussi. Si les groupes précédents ont peu joué, les Black Bomb A ont eux plus d’une heure trente de scène pour envoyer tout ce qu’ils ont et montrer que Arno n’est sorti de sa retraite pour ouvrir les bouteilles d’eau... Peut-être que réduire de 15 minutes le dernier set pour rallonger de 5 minutes les trois précédents auraient été plus judicieux car certains vont craquer... Enfin un surtout. Et c’est le drame, après un énième «A poil», un mec monte sur scène, se désape intégralement, s’agite dans tous les sens et se perd dans le public. Que ça serve de leçon à tous ceux qui seraient tentés de gueuler «A poil» lors d’un prochain concert ! Parce que pendant que tu subis ça, tu fais moins gaffe au groupe et tu perds quelque chose parce que les Black Bomb A sont une véritable machine de guerre et les papis chtis en ont encore sous la semelle ! Bravo et merci à Fred, son équipe, tous les groupes et le public d’avoir fait en sorte que cette édition anniversaire soit aussi réussie ! L’année prochaine, ce ne sera pas les 10 ans mais quelque chose me dit que ça risque d’être encore mieux... Parce que le Sequed’in Rock n’a pas prévu de stagner, ce n’est pas dans ses gênes... Oli
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EN BREF MANU
CLOE DU TREFLE
PROTESTANT
Tenki ame
D’une nuit à une autre
In thy name
(Tekini records)
(Autoproduction)
(Throatruiner Records)
Depuis «Suteki ni» (paru en 2008 sur Rendez-vous, ici en live), on connaît l’attrait de Manu pour le japonais, sa collaboration avec Suzuka Asaoka s’est poursuivie jusqu’à sortir à l’automne 2014 ce «japanese EP», huit pistes à réserver aux plus fans de l’ex-Dolly car il n’y a que trois vrais nouveautés... «Tenki ame» qui donne son nom à l’EP (et dont la traduction apportée dans le livret est «Soleil de pluie») est un titre très mélancolique où le chant n’est soutenu que par un piano et un violoncelle. Très délicat, on le retrouve en fin d’EP dans une version «harpe» peut-être encore plus belle. Un court remix façon valse moderne essaye de donner du rythme mais ce n’était pas forcément une bonne idée. «Mo jikikai», c’est la traduction de «J’attends l’heure», c’était beau sur La dernière étoile, ça l’est toujours, quelque soit l’idiome, la harpe apportant encore plus de chaleur, c’est un régal. Reste «Amaku ochiru» («Douce chute»), plus rythmé et qui me parle moins, la faute à une ambiance «lounge» en mode normal, une ambiance électro «magasin de fringues à la mode» sur le premier remix et à la déstructuration trop intense d’Alif Tree sur le second. Sans les remix, l’EP aurait été plus consistant, plus agréable à réécouter et aurait davantage fait honneur à ce très bel artwork.
Derrière le projet Cloé du Trèfle se cache Cloé Defossez, jeune belge aux multiples casquettes (auteur-compositeur, multi-instrumentiste mais également acousticienne). Plus portée sur l’expérimentation que sur la redite, elle nous livre ici son quatrième album sous forme de concept : 12 titres conçus comme la bande originale d’un film évoquant l’exil. Pendant près de 45 minutes, on voyage donc entre plages instrumentales, bruitages et témoignages réels captés par l’auteur («L’appel», «Jef»), morceaux orchestraux ou dépouillés («Je pars», «Le musée») et autres ovnis («Chanchan»). Un vaste fourre-tout musical oscillant entre electro, slam, chanson francophone et rock, soutenu par une voix au phrasé Delermesque («L’esquisse»), lorgnant, en fin de disque, vers l’univers de Camille (l’hypnotique «L’air» semble déjà différent).
Il y a du côté de Milwaukee, des gars qui doivent vraiment s’ennuyer, des ramassis de trouducs je-m’en-foutistes qui depuis 2006 empilent, comme des malades, splits, LP et EPs de musique «punk-hardcore as fuck». Ces types sont Protestant, pas dans la confession on se doute, dans l’attitude plutôt. Throatruiner Records (Nesseria, As We Draw, Birds In Row) a eu l’idée géniale de nous présenter les protestations de ces furieux via leur dernier album In thy name. 8 titres pour 31 minutes, une musique concise, dense et frontale qui a tout l’air d’une thérapie primale. Le brutal punk hardcore crust grind black metal (désolé pour l’exhaustivité des styles) de Protestant a l’honneur de ne pas passer inaperçu tant les gars se donnent à 100%, on sent chez eux l’urgence d’en finir au plus vite en devinant un «live recording» à la rage crue. La production du disque va totalement dans ce sens : dégueulasse, limite bruitiste, aussi violente que le propos. C’est malheureusement dommage pour les pointilleux du son, mais on se dit que tout est cohérent finalement. Dommage aussi pour l’originalité, car même si les BPM et les ambiances varient au gré du disque, on a quand même l’impression d’avoir déjà foutu les pieds làdedans avant.
Oli 70
L’ensemble abouti à un disque très (trop ?) personnel, dont il faut saluer l’originalité, l’ambition et l’évidente sincérité, même s’il a cependant du mal à conserver notre attention de bout en bout, la faute à une production peut-être un peu faible (auto-production oblige ?) et, paradoxalement, à une direction musicale trop éclatée. Antonin
Ted
EN BREF
BLACK KNIVES
DIVINE SHADE
BIGBANGBAYBEES
The thirteenth hour
From the sky
Little nothing
(Autoproduction)
(Les Disques Rubicon)
(Autoproduction)
8Control n’était pas encore enterré que Black Knives annonçait déjà que la relève était assurée avec un premier EP (The rise), deux ans plus tard, les HardCoreux toulousains offrent The thirteenth hour et dix nouvelles claques d’un HxC plus massif que jamais (bravo au batteur qui a assuré les prises de son, merci à Alan Douches (Converge, DEP, Mastodon...) pour son mastering toujours impeccable). Dix car la piste 6 n’est qu’une jolie petite respiration avant de repartir matraquer les futs et saccager les cordes (autant celles des grattes que les vocales). Les Black Knives semblent quelque peu énervés et ce ne sont pas leurs deux invités (issus de Antagonist AD et Pay No Respect) qui vont calmer le jeu, les riffs pleuvent, on imagine immédiatement le moshpit mouliner à tout va, envoyer valser ses membres dans tous les sens et reprendre quelques phrases slogans (comme ce «Nothing last forever»). Au-dessus des productions «HardCore des familles» (les codes sont respectés) grâce à plein de petits plus (jeux sur la stéréo, riffs presque mélodieux) qui évitent à l’ennui de s’installer à force de répéter les mêmes schémas, The thirteenth hour place tout de suite Black Knives dans le haut du panier...
Fondé pendant l’hiver 2012 à Lyon, Divine Shade est une formation électro-rock à géométrie variable. Si Rémi Thonnerieux est derrière la composition, l’enregistrement et le mixage de leur premier EP From the sky, il est accompagné dans le projet par Johanna et Nicolas mais également par d’autres personnes venant s’ajouter au line-up durant les concerts. Ce 5 titres, sorti cet été, est une combinaison de styles ayant fait fureur dans les 80’s (newwave, synthpop et cold wave) remis au goût du jour avec une pointe de musique industrielle. Si son titre éponyme évoque sans détour les structures sonores de Nine Inch Nails, l’âme de Depeche Mode ou de New Order n’est jamais très loin tout au long de l’EP, même si ces deux derniers sont bizarrement absents de la liste des influences du groupe (qui cite volontiers The Cure, Sisters of Mercy et Black Light Burns). On reconnaît à Divine Shade son indubitable envie de ne rien laisser au hasard tant sa production et ses arrangements semblent avoir été confiés à des doigts de fées. Puissance, précision et efficacité est la devise de ce très bon disque qui, à l’image de son artwork, tend plutôt vers le sobre, le sombre et le divin.
Les BigBangBayBees ont beau avoir un nom qui claque, presque 10 ans au compteur et sortir leur 3ème EP, ils sont encore très méconnus sur la scène rock française... Certes le parcours du quintet toulousain n’a pas été de tout repos (séquence studio à rallonge, changements de line-up...) mais quand on écoute ce Little nothing très «pro» (superbe artwork, gros son, compositions travaillées), on se dit que ça valait le coup d’en passer par là... Bien entendu le groupe ne nous délivre pas encore un véritable album mais cet EP est bel et bien la dernière marche avant le grand saut et une reconnaissance nationale ? Ou plutôt internationale car le rock (balançant plutôt de son côté dur) avec des grosses guitares, de la distorsion, des rythmes appuyés, des petits effets sur le chant et des refrains aux mélodies ultra catchy, ce n’est pas franchement ce qui plaît en France, contrairement au reste du monde... Mais si tu lis ces mots, tu n’es pas le Français moyen, on te conseille donc de porter une oreille sur Little nothing et notamment «Machine» ou «Herocain». Oli
Ted Oli
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EN BREF UNDER ALL
NÏATS
7 WEEKS
Hide
Antares
Bends
(Autoproduction)
(Banzaï Lab)
(Klonosphère)
Après un album démo et un de covers de Gainsbourg, Radiohead, The Moody Blues (en téléchargement gratuit), le projet de l’ex-Zorglüb Togk sort un «vrai» premier album dénommé Hide. Le gaillard fait tout lui-même, n’étant secondé que pour le live, et envoie un métal indus qui puise ses influences dans les années 90 pour le son (KMFDM, Oomph!...) et l’EBM pour le côté électro/synthétique/ froid (Skinny Puppy, Front 242...). Guitares incisives, samples à profusion, voix trafiquées, au rayon ingrédients du genre, tout y passe, Togk se révèle être un multi-instrumentiste qui n’en délaisse aucun, la batterie sonne d’ailleurs très bien alors que le groupe joue sans batteur sur scène (ce qui est un vrai souci pour bon nombre de combos dans ce registre-là). Difficile donc de penser que ce gros travail (d’ailleurs peut-être «trop gros», 1 ou 2 titres moins percutants auraient pu sortir de la track-list) soit l’oeuvre d’un seul homme et pourtant, c’est lui qui défouraille dans tous les sens et qui sait si ce n’est pas lui l’auteur de certains bruits de fond (je te laisse découvrir lesquels...). Under All ne se cache plus et avec, en plus, une pochette bien foutue, risque même de se faire remarquer...
Musicien et designer sonore situé dans le Sud-Ouest, Nïats a grandi dans l’univers féérique, sombre et halluciné du cinéma, là où souvent tout nous ébloui grâce à la beauté insaisissable de l’art. Et c’est peu de dire que cette influence s’en ressent dans sa musique. Plongez-vous dans votre fauteuil, appuyez sur «play» et laissez-vous immerger par les ondes sonores de cet orfèvre de la composition cinégénique. Informé de ce projet grâce au vidéo clip animé très sci-fi du morceau «Sami», majestueusement réalisé par le motion-designer Sébastien Giraud, j’avais hâte d’écouter la suite. Je n’ai pas été déçu. Antares est une œuvre abstraite et olympienne se réclamant des travaux d’Amon Tobin, d’Aphex Twin ou même de Stravinsky, soit un alliage soigné et non exhaustif d’électronique IDM, d’ambient angoissant et de trip-hop musclé. La musique affirmée et affinée de Nïats, faite de beatmaking, de sound design et de composition classique, convoque les images léchées de Lynch et s’inspire de classiques tels que Dracula de Coppola, Fantasia ou Corto Maltese. Une dimension artistique qui se vit plus qu’elle ne s’explique.
Après un Carnivora caniculaire et grungy, 7 Weeks revient avec un EP de 5 titres qui fait honneur aux distorsions (Bends) plutôt qu’à Radiohead (The Bends) même si certains riffs trouveraient leur place sur OK Computer («Sparks»). Car oui, cette nouvelle production est assez rock, on oublie les marqueurs stoner, grunge, métal et on se recentre sur la base, le rock. Et un rock où chacun trouve sa place, clavier et sonorités électroniques ne sont pas forcément au premier plan mais ils font leur trou plus ou moins discrètement. Les mélodies ont toujours été là, mais peut-être pas autant mises en avant que sur «Cry blue» et sa superbe montée en saturation. L’introductif «My own private limbo» (de facture assez classique pour les habitués du groupe) n’était donc qu’un leurre car les exercices de symétrie et donc de copie de ce qui existe déjà n’est pas dans l’ADN de 7 Weeks ou alors uniquement sur la pochette. Ce trop court Bends est blindé de petits trucs qui font qu’on accroche autant à l’ambiance (entre résignation, indolence et mélancolie) qu’aux morceaux en eux-mêmes grâce à leur couleur de son (l’harmonie basse/guitare de «Turn away» par exemple) comme à leur structure finement agencée.
Ted
Oli Oli
72
EN BREF
MOLLY MC HARREL
TREPALIUM
BAD FLAT
(C’est) mort pour la gloire !
Voodoo Moonshine
(Les Disques De Géraldine)
(Klonosphère)
This special place I used to call home (Maximum Douglas Records)
Quatuor de la Ville Rose, Molly Mc Harrel a été élevé dès son plus jeune âge aux rythmes entraînants du punk rock et de la scène alternative française. Combo quelque peu atypique (il n’est pas rare d’entendre au gré des titres des instruments à vent type flûte ou biniou), Moly Mc Harrel propage la bonne humeur tout au long des onze titres composant (C’est) mort pour la gloire ! Au menu : chant en français, tempos soutenus, paroles un peu débiles (mais pas que). Le tout parfaitement exécuté, sans surprise certes, mais bien foutu. Dans la mouvance de la famille « Guerilla Poubelle » et puisant également son inspiration chez les Béru et consorts, MMH déborde d’énergie, et la restitution sur disque est plus que correcte. Ne cherchez pas à vous cultiver le ciboulot ou à découvrir un accord septième diminué en écoutant ce disque, nos quatre Toulousains sont là pour propager le bon esprit (quoi qu’avec « Les vieux », ça frise la correctionnelle) et se fendre la gueule un bon coup. Une fois que tu auras assimilé l’état esprit, je peux t’assurer que tu passeras un bon moment en compagnie de cette joyeuse bande ! A voir en live, assurément.
Les Trepalium cesseront-ils un jour de nous surprendre ? Si le groupe est connu pour mettre une grosse dose de groove dans son death metal, ici, à l’ouverture de Voodoo moonshine on a l’impression d’être au cirque avec une fanfare télescopant les rythmiques les plus brutales. Cette volonté de foutre le bordel dans son métal, Trepalium l’assume et enfonce le clou avec d’autres surprises comme ce piano impromptu tout droit sorti d’un Charlie Chaplin sur l’évocateur «Blowjob on the rocks» (ou en intro sur la bouillie «Possessed by the nightlife»). L’ambiance est donc au mixage absolu d’un tas de trucs qui ne vont pas forcément ensemble, et c’est un tour de force que d’en faire des titres qui tiennent la route. Ce n’est pas tout à fait en adéquation avec l’artwork (signé Strychneen Studio) mais les Poitevins s’en soucient guère, je les soupçonne même d’avoir voulu garder l’effet de surprise pour décontenancer l’auditeur assoiffé de death metal qui aura vu que Joe Duplantier (Gojira) participait à l’aventure («Damballa’s voodoo doll») ainsi que Matthieu Metzger (multi instrumentiste qui oeuvre à des tonnes de projets dont Klone) et plein de zikos venus d’ailleurs pour apporter des sons différents.
Quartet fondé en 2012 par des (ex-)membres de Pretty Mary Dies, Aguirre et quelques autres groupes obscures bordelais, Bad Flat livre un premier EP de noise-punk-hardcore enregistré à la maison en 2013. This special place I used to call home a tout pour plaire, ses titres d’une urgence maitrisée de bout en bout réveillent les fantômes de Cursed, Refused et Breach, pour ne citer qu’eux (et c’est déjà énorme !). D’une exécution concise et sans égarement, ce 7 titres envoie une belle mandale punk (mais pas que) tout en veillant à laisser un petit répit aux mélodies sortant de la voix à la fois asthénique et vigoureuse de Mike. Seule la fin du dernier titre «Home» marque une légère baisse de régime en BPM, mais reste néanmoins pesante, pour conclure en beauté. Vénéneux et imparable, cette première intrusion discographique de Bad Flat risque de laisser des traces dans les milieux autorisés, on espère les voir faire les beaux jours du label maison Maximum Douglas Records (Appollonia, Anorak, Hexis). Ted
Gui de Champi Oli
73
EN BREF Brother James
FILASTINE
INTERCOSTAL
Brother James
Aphasia
Intercostal
(Désertion Records)
(Jarring Effects)
(GPS Prod)
Merde, alors que je pensais écrire que Brother James évoluait dans un «noisy post-rock marqué par l’influence de Sonic Youth», c’est comme ça que le groupe se définit lui-même. Pour une fois qu’un combo ne se plante pas trop dans leur propre identification... On ajoute une pointe de Mogwai et c’est tout bon. J’ajouterais donc que les Toulonnais aiment la consistance du son (c’est un joli vinyle que j’écoute) et ne sont pas dérangés par le style «garage» qu’à leur production auto-enregistrée, personnellement, je pense quand même qu’ils gagneraient à clarifier et polir un peu le rendu général pour gagner en relief, notamment dans les moments chargés d’intensité instrumentale. Et pendant que j’y suis, je demande un peu de recul et de boulot sur certaines parties chantées («Neptun») qui égratignent nos oreilles charmées par des titres enjoués et bien pensés («Uranism» est un des meilleurs exemples). Entre expérimentations soniques («Zéro»), déluges distordus («Little princess») et pièces épiques («Pegasus»), Brother James laisse entrevoir un avenir brillant de touche-à-tout ce qui tourne autour de la post-noise décloisonnée.
Suite au très plaisant effet de son bidouillé Loot, suivi un an après de sa version remixée Looted, il était temps pour Filastine de placer un petit 4 titres en 2014. Chose faite avec Aphasia qui renoue avec le son électro accompli du globe-trotter touche-à-tout (il est artiste audiovisuel à la base), dont les rythmes à la fois cadencés, tribaux et compacts marquent de leur empreinte. D’une minutie incontestable, ses compositions mettent en valeur la beauté vocale de la rappeuse et activiste environnementale indonésienne Nova, déjà présente sur Loot, sur le très oriental «Requiem 432». «Sixty cycle drum» exhibe un beat glacial et tranchant et des nappes qui le sont tout autant, un travail magistral de «bass music» tandis que «Murka» baisse en tension sur un fond «aquatique» en nous berçant avec une voix suave et de subtiles arrangements façon patchworks sonores s’imbriquant les uns dans les autres. Classe ! Filastine finit la partie avec «Drone silences», un condensé du savoir-faire du bonhomme avec une basse plombant un bricolage sonore dont seul le Barcelonais d’adoption a le secret. C’est peu de dire qu’on attend la suite avec impatience.
Des membres de Knut, El Rancho, Nebra, Mumakil qui font du stoner option southern-métal qui déboîte, ça donne Intercostal. Soit 12 titres autant influencés par l’efficacité d’un Karma To Burn que par les chemins boueux de Down. Dès le premier titre, les Intercostal ne rechignent pas à la tache avec «Hellfire hellix» : le riff est mode hyper catchy option dose de gras et on assiste là à une belle entame d’album pour un morceau qui s’avère redoutable et jouissif. D’ailleurs, les 11 pistes restantes défileront sans que l’on ait grand chose à redire sur un album qui s’écoutera avec un réel plaisir pour les amateurs des groupes précités et pour les autres aussi, si par mégarde (tu vivais sur les Iles Féroé ?) tu as réussi à passer au travers de l’énorme déferlante stoner/hard ces dernières années. C’est parfois trop scolaire ou trop sous influences à mon goût mais les musiciens ont le mérite d’encore atteindre l’auditeur avec une formule super-usitée et ce chant qui fait sporadiquement des interventions pour renforcer l’impact d’une musique, majoritairement instrumentale, constitue la petite singularité d’Intercostal. La pochette de l’album est vraiment classe en plus.
Oli
74
Ted
David
EN BREF
Volver
ELASTIK
Dead City Ruins
Beautiful sad stories
Rework
Dead city ruins
(I For Us Records)
(Koma Records)
(MetalVille)
Comme son nom l’indique, Beautiful sad stories n’est pas l’album à écouter si vous venez de vous faire larguer par votre petite copine. Le groupe officie dans une sorte de pop-rock très pop et mélodique ultra-ciselé et travaillé. Alors oui, qu’est-ce que c’est triste... mais c’est surtout fin et intimiste. Construit sur des rythmes discrets et des mélodies délicates, la musique du groupe nous enveloppe amoureusement avec une prod’ léchée, espacée et propre. De plus on a affaire à des musiciens talentueux capables de faire monter la sauce d’un morceau tout en restant fins de bout en bout, le batteur en particulier se creuse largement la tête, réalisant des lignes de batterie à la fois fouillées et efficaces et pourtant toujours discrètes. On regrettera en revanche une trop grande linéarité dans la composition de l’album : les titres se suivent et se ressemblent un peu (la structure est d’ailleurs souvent la même, avec toujours une sorte de climax lumineux au milieu avant une accalmie finale) ce qui avec ce genre d’esthétique peut vite porter un coup à l’attention de l’auditeur.
Comme à l’accoutumée, très peu d’informations filtrent sur Elastik, tout juste l’essentiel dirons-nous : un e-mail de quelques lignes pour annoncer la sortie en mai dernier du nouvel EP du projet de Thomas Prigent en CD et digital. Même Instrumental 45 rpm, vinyle 7» marbré de 2 titres apparu en 2013 dont j’ai découvert l’existence en écrivant cette petite chronique, n’a semble t-il pas été vraiment défendu. Pourtant, son géniteur a les arguments en poche pour fidéliser un auditoire fan d’électronique aux ambiances tortueuses, et sa prolificité devrait clairement jouer en sa faveur. Surtout grâce à ce Rework avec ses 4 titres d’un assez long format (entre 5 et 7 minutes) marquant le retour des participations vocales (Hellby, Horror 4o4 et Malika), après Instrumental. Tout en gardant son caractère préoccupant et froid («Aporie»), cet EP s’ouvre vers des styles plus lumineux et entrainant qu’auparavant avec le trip-hop («Cage») et le hip-hop («Nexus»). Seule «Vapeur» ne trouve pas sa voix mais reflète le travail remarquable d’ambiances mélancoliques et sombres de Thomas. On n’en doutait pas mais l’ouverture proposée ici nous plaît. Forcément.
Dead City Ruins, c’est cinq mecs fans du hard rock des seventies, partis de Londres pour s’installer à Melbourne en Australie, qui ont ont tourné avec Skid Row et Ugly Kid Joe, enregistré ce deuxième album avec James Lugo (Iron Maiden, Bruce Springsteen et qui reprennent «Rock N Roll damnation» d’AC/DC (avec Whitfield Crane devenu un pote). Voilà de quoi les situer assez aisément sur l’échiquier rock, ils adorent les guitares tranchantes, les refrains scandés et quand la batterie envoie du gras. Les cinq velus n’ont pas l’air d’apprécier le fer à lisser et préfèrent quand ça accroche, quitte à ce que ça griffe un peu, si ça douille, on fera passer le mal avec quelques bière fraîches. Dans l’attitude et le son, ça sonne très proche de Crackmind (encore faut-il les connaître...) et ça s’écoute facilement, les prises de tête sont laissés à d’autres... Ici, il s’agit vraiment de balancer des titres rock droit devant et de ne pas s’embarrasser du reste, alors forcément, ce n’est pas ultra transcendant mais comme c’est fait sans prétention et en toute décontraction, ça passe. La pochette est jolie, le digipak est sympa, la prod sonne old school comme la plupart des constructions mais certaines recettes ont plutôt bien résisté au temps...
Elie
Ted
Oli
75
EN BREF 76
Wizzö
DWAIL
BURIED OPTION
Real hot stuff
The human concern
Downward
(Autoproduction)
(Klonosphère)
(Slow death)
Une gonzesse à poil à peine recouverte de cuir assise sur un dé : Wizzö c’est du hard rock pur et dur qui se moque de bien de réinventer ce qu’ont fait ses aînés avant lui. Après tout, à quoi bon essayer de changer une recette ultra codée qui fait cramer des stades depuis 40 ans ? Bref, tout y est : une section rythmique heavy et binaire qui se contente de foncer dans le tas pendant que les guitares rivalisent de virtuosité, de solos et de gimmicks en tout genre. Bien sûr le chanteur lui, miaule comme une chatte en chaleur dans un registre proche d’un Dio qui reprendrait Motörhead. On a droit à tous les clichés du genre, du brûlot enflammé à l’inévitable power ballade de piano bien kitschounette. Cependant Wizzö c’est pas Scorpions et la majorité de l’album est direct et sans trop de fioritures. Un simple exercice de style, certes, mais qui a quand même pris soin de se fier à une certaine école du genre. Des gros chœurs à la AC/DC viennent ici et là rajouter un peu de testostérone à un ensemble déjà bien velu grâce à une prod aux petits oignons, ronde et efficace. Real hot stuff est donc un album avec ce qu’il faut où il faut, réalisé dans les règles de l’art et avec le son requis. Pas de mensonges sur la marchandise : on est complètement en terrain conquis mais les amateurs du genre seront forcément ravis. Elie
Je ne sais pas si c’était prévu comme ça, mais la partie II du concept The human concern se retrouve sur cet album avant la partie une parue en avril... On a donc les deux EPs de 6 titres à la suite sans plus trop savoir dans quel ordre il faudrait les écouter et ça fait un peu étrange d’entendre à la suite des titres qui n’ont pas la même production, «Jugement» est produit par David Castel (Manimal, Psykup) alors que «Fall» était travaillé par Yannick, le son de Vidda est énorme et met bien en valeur les ardeurs des Toulousains qui s’en donnent à coeur joie pour distribuer du hard core n roll sur le même modèle que sur The human concern (Part one)... Avec pour pousser l’idée de symétrie un cinquième titre très travaillé que l’on croit être un instrumental agrémenté d’un sample mais qui se transforme peu à peu pour surimposer une partie chantée vénèr et créer un excellent rendu. A part peutêtre un «Song of cleansing» un peu plus faible, Dwail livre un deuxième EP de très haute volée (si tu avais le premier) et offre du coup un album complet qui va te mettre la tête à l’envers.
Merde, ça ne doit pas vraiment être évident d’envoyer du punk rock quand tu viens d’Orléans, fief des légendaires Burning Heads. Et pourtant, j’ai trouvé dans Buried Option un sérieux prétendant à sa succession. Bon, je m’emballe peut-être, mais je reconnais avoir été agréablement surpris à l’écoute de Downward, deuxième EP en date du quatuor. Dès « UnManifest », on sent le groupe droit dans ses baskets, envoyant un punk rock énergique de haute volée. Les voix mélancoliques (qui me rappellent parfois les sonorités de Second Rate) s’intègrent parfaitement à la fougue des instruments, et les compositions du quatuor orléanais alternent les uppercuts (« Mandrake falls », « The greatest story ») et les atmosphères délicieuses (« Where the sun », « Flags overturned »). Ce mélange de mélodies ravissantes et de riffs prenant à la gorge font de cet EP six titres (aux arrangements soignés) une excellente carte de visite pour conquérir le monde et ravir les amateurs du genre. Limité à 300 copies, il serait en effet dommage de passer à côté de ce beau vinyle bleu renfermant des trésors sonores de grande valeur. Vite, la suite !!!
Oli Gui de Champi
EN BREF
HUGO KANT
TY SEGALL
HIGH HAZELS
The point of no return
Manipulator
High Hazels
(Bellring)
(Drag City)
(Heist or Hit Records)
Trois ans après une bande sonore mêlant avec adresse électro, nu-jazz, triphop, abstract hip-hop et downtempo funky dans laquelle l’unique protégé de Bellring nous informait qu’il ne voulait pas être empereur, Hugo Kant remet le couvert avec The point of no return. Le décor ne change pas ou presque pas. Le style reste fondamentalement le même bien que la place réservée aux instruments - en dehors de la sempiternelle flûte traversière mais néanmoins marque de fabrique indélébile du Marseillais - soit plus importante (batterie, guitare, contrebasse...). Zé Mateo continue à agrémenter quelques morceaux de ses précieux scratchs et, contrairement à I don’t want to be an emperor, des invités étrangers sont venus apporter leurs différents registres vocaux tels que la soul swing de Kathrin deBoer (Belleruche, Bonobo), le trip-hop fragile d’Astrid Engberg (Dafuniks, Mattic) et le flow rappé de MC LostPoet. Une alchimie de styles, de mélodies et de rythmes puisés dans une inspiration sans frontière, ce nouvel album est un agréable voyage à la fois délicat et percutant mais définitivement captivant. Pour les fans de Chinese Man, Wax Tailor, Algorythmik ou peut-être même d’Al’Tarba.
Avant de vous lancer dans l’écoute de ce nouveau disque de Ty Segall, oubliez pendant 58 minutes que le rock est définitivement mort et enterré. Pour supporter ces 17 titres, il ne faut en effet pas avoir peur de se frotter à la plupart des clichés du genre (production brute, gros fuzz, soli crades, rythmes binaires et up-tempo), chaque piste tournant autour d’un gimmick, tantôt teinté garage, psyché, folk ou glam. Le californien de 27 ans a bien retenu ses leçons et les récite à un débit impressionnant (il s’agit déjà de son 8eme album solo), égrainant cet LP de quelques morceaux accrocheurs car plus subtiles («The singer», «The clock», «The hand»), au milieu d’autres plus convenus (le propos reste volontairement classique). Un disque bruyant et survolté qui a l’avantage de ne pas nécessiter une écoute attentive mais qui fournit la parfaite bande-son d’une soirée un peu sale, pour peu qu’on le picore et ne lui demande pas autre chose que d’être fun et efficace. Son principal souci néanmoins se résume à sa longueur : à force de tabasser, on finit par ne plus ressentir grand chose.
Deux frères et leurs copains qui grandissent ensemble dans la banlieue de Sheffield et montent un groupe poprock, l’histoire est classique, surtout en Grande-Bretagne, ce qui l’est moins, c’est que le groupe dépasse les frontières à peine deux ans après sa création. Si l’histoire va si vite, c’est que leur premier album éponyme est touchant, alors que la ville qui a vu se développer les Arctic Monkeys ou Pulp est habituée aux refrains chantants et à une pop plutôt entraînante, ici, les High Hazels la jouent plutôt intime entre fêlures (ils apprécient Joy Division...) et promenades pop-folk en amoureux (place ici ta référence préférée...). Leurs compositions laissent place à un peu d’écho, s’installent calmement, n’ont pas peur des silences et évitent les arrangements superflus. On est donc assez loin des canons de la brit pop qui fait lever les stades et plus proches de la pop lo-fi américaine qui s’écoute au coin du feu. Quelques éclairs électriques font office d’étincelles embrasant quelque peu une atmosphère cotonneuse (le single un peu trompeur «Banging on my door») mais c’est bien quand ils jouent sur la douceur que les High Hazels sont les meilleurs.
Antonin
Oli Ted
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KDO
CONCOURS SWC Every cloud has a silver lining, c’est le nouvel album des Stereotypical Working Class, on l’a un peu attendu... mais ça valait le coup car les Lyonnais sont toujours aussi bons ! Pour fêter leur retour, on offre deux exemplaires de cet album à deux heureux qui seront tirés au sort parmi les bonnes réponses à cette facile question... Bonne chance ! http://www.w-fenec.org/concours/index,240.html
CONCOURS UNSWABBED Unswabbed remet les compteurs à zéro ! Le groupe repart comme à ses débuts avec un EP chanté en anglais : Tales from the nightmares vol.1. En attendant la suite, les Lillois reprendront leur tournée au printemps mais d’ici là, tu peux réviser avec ce cinq titres dans les oreilles puisqu’on t’en offre 3 exemplaires ! Là encore, la question est simplissime... Bonne chance ! http://www.w-fenec.org/concours/index,241.html
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DANS LA PRESSE
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IL Y A 10 ANS
IL Y A 10 ANS : NOSWAD La part des choses (Autoproduction)
rigueur. Parfois, en contrastant passages planants et structures plus rentre-dedans, le groupe s’approche d’un émo relativement bien envoyé («Regard hâtif») pour un jeune groupe comme celui-là. Néanmoins, le combo devra encore creuser son sillon plus profondément, mais aux vues de ce premier jet, on peut supposer que ce groupe est apte à dépasser les limites de sa Drôme originelle. Ayant eu l’opportunité d’écouter des pré-productions de cet été, on peut dire que le quatuor a travaillé son expression, la rendant plus personnelle. Le son de La part des choses est moyen, mais pour un premier maxi, ne soyons pas trop exigeant d’autant plus que l’aperçu de leurs fameuses pré-productions permet d’avancer que Noswad a gagné en puissance et en précision. Suite au prochain épisode...
Il y a 10 ans paraissait la chronique de la démo autoproduite d’un groupe qui allait voyager pour s’installer à Paris, changer de line-up, sortir un album et grandir tout doucement jusqu’à ce que de nombreux projecteurs l’éclairent... Parce que son chanteur était appelé à en remplacer un autre... Et forcément quand on intègre un des combos les plus en vue du paysage musical français, ça fait parler... D’ailleurs, alors qu’on était loin d’imaginer la suite de l’histoire, on voyait déjà dans la voix de Vincent un peu de celle d’AqME... Comme quoi.
Les épisodes suivants se feront attendre mais, désormais, on connaît les suites avec un dernier album qui a vu le groupe s’orienter vers un stoner à la cool et une exposition bien plus importante grâce aux multiples activités du dernier arrivé chez AqME... Qui est aussi chanteur chez The Butcher’s Rodeo, dans un registre encore assez différent, mais ça c’est une autre histoire... Rémiii (remixed by Oli)
En 2004, Noswad a le chic pour faire des introductions caricaturales («Libère-moi») qui font plus peur qu’autre chose. Heureusement, la suite des évènements rattrape souvent ces maladresses. Voulant se démarquer de ses influences, le groupe livre plutôt une sorte d’Aqme mêlé à du Stereotypical Working Class mais agit quelquefois de manière hésitante. Pourtant des éléments sauvent ce groupe. Premièrement leur engagement, on sent qu’ils s’investissent dans ce qu’ils font et qu’ils jouent avec leurs tripes («Vice de conscience»). Ensuite, même si le chant est encore perfectible, les paroles évoquant souvent les relations à autrui ou les problèmes d’ego, sont assez bien construites («Trust»), jouent avec des images et chose très positive, évitent les niaiseries de
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DANSTEXTE L’OMBRE
DANS L’OMBRE : JP BERAUD A une époque où les majors et les labels ont drastiquement réduit leurs coûts de fonctionnement en virant les «chargés de la promotion», les attachés de presse indé sont des rouages indispensables au monde du rock, Jean-Philippe Béraud n’a lui pas attendu la crise du disque pour devenir un des chaînons manquants entre les artistes et toi.
Quelle est ta formation ? J’ai fait Sciences-Po à Rennes à cause d’une vague vocation journalistique abandonnée en cours de route, avec une année à Manchester au milieu, et j’ai terminé par un DESS de marketing à Aix-en-Provence. Dans ce que j’ai appris, je crois que c’est surtout l’anglais qui me sert, en pratique ! Puis j’ai fait mon stage de fin d’études chez BMG (alors major fusionnée depuis avec Sony), comme analyste des ventes à bouffer du tableau Excel. Quel est ton métier ? Attaché de presse indépendant. En gros, mon rôle est d’obtenir de la visibilité médiatique pour des artistes : interviews, chroniques et autres live reports dans la presse ou sur le web, passages de clips en TV, playlists et émissions de radios, etc... A l’exception des grosses maisons de disques qui font pourtant ponctuellement appel à des gens comme moi, les labels n’ont peu ou pas de gens en interne pour faire la promo de leurs artistes. Et a fortiori, les autoprods. En gros, je suis un intermédiaire : je suis là pour faire le lien entre ce que proposent et apportent les artistes et leurs oeuvres, et ce que veulent ou aiment les médias en face. Donc je dois bien connaître à la fois les artistes et les médias. Pas évident car tout cela est à la fois très
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riche de part et d’autres, et extrêmement mouvant. Mais c’est aussi ça qui est passionnant et motivant : on est jamais vraiment dans la routine car on travaille sur des nouveautés permanentes, chaque disque est différent, et le paysage médiatique ne cesse d’évoluer. Quelles sont tes activités dans le monde de la musique ? J’ai monté ma société avec un double objectif, label d’un côté, boite de prestation de l’autre. La partie label j’ai dû la mettre en sommeil pendant un moment (entre 2007 et 2012) : difficile de se développer en partant de rien dans un marché qui se divise par trois. Du coup, je me suis concentré sur la partie promo indé, et j’y ai bien trouvé mon compte. Je m’occupe désormais de la promo de toutes les sorties du label Ici d’Ailleurs (Ez3kiel, Chapelier Fou, Thomas Belhom, Michel Cloup Duo & Diabologum, GaBlé, Mein Sohn William, Mendelson, Matt Elliott entre autres), j’ai beaucoup travaillé avec Volvox Music (Kill The Young, Liesa Van der Aa, Psycho Mutants...), je bosse de plus en plus avec Yotanka Productions (Laetitia Shériff, Zenzile, Kid Francescoli, Versari, Ropoporose...), et je fais aussi pas mal de projets plus ponctuels avec d’autres labels (MLCD chez At(h)ome...) ou autoproduits (Xavier Plumas de Tue-Loup), ainsi que celle du festival
Ca rapporte ? Un instant, je reviens, je crois que des types sont en train de traîner un peu trop près de ma Porsche rose... Bon, clairement, non. C’est un choix difficile et je ne suis sans doute pas très doué pour me vendre, mais c’est aussi une question de cohérence : j’avais les diplômes pour aller faire un job différent qui crache du fric, j’ai préféré un métier passion. Après, autant il faut faire bouillir la marmite, autant prendre tout et n’importe quoi comme projet pour gagner un peu plus mais en faisant des choses qu’on n’aime pas, c’est un mauvais calcul, on perd des deux côtés. A ce moment-là, autant mettre une cravate et aller toucher un gros chèque en se faisant chier dans une tour de la Défense. J’ai la chance maintenant de défendre des artistes et labels de qualité, d’avoir en permanence pas mal de propositions, la difficulté étant de garder le plaisir tout en trouvant et en améliorant la rentabilité. Pas évident, si les artistes qui vendent le plus étaient les plus euh... recommandables artistiquement, ça se saurait. Mais il n’y a pas de fatalité, je crois que l’intégrité, le travail, ça finit par payer, quelle que soit l’échelle. Comment es-tu entré dans le monde du rock ? Au lycée et un peu après, j’organisais des concerts avec des potes, genre 8 groupes qui savent à peine jouer (bonjour les changements de plateau), mais 250 personnes qui payent pour venir les voir. Eh oui, c’était une autre époque ! A la fin de mes études, j’ai eu envie de bosser sur quelque chose d’un peu plus «impliquant» que des boîtes de petits pois, et à l’époque le disque était encore en croissance (si si). Donc j’ai cherché un stage mais comme c’était mon premier dans le secteur, je suis entré par la petite porte, l’administration des ventes, ce qui n’est pas le truc le plus sexy. J’ai pu néanmoins être embauché à l’issue de ça, mais au bout de 3 ans j’en avais marre et comme on voulait que je reste à mon poste où j’étais un bon petit soldat, je me suis barré. Après un intermède de quelques mois dans un autre secteur, j’ai monté Martingale en racketant honteusement famille et amis.
DANSTEXTE L’OMBRE
This Is Not a Love Song à Nîmes. J’ai réactivté le label pour sortir le 3ème album de Verone (j’avais publié le premier), et je fais aussi un peu d’éditions avec deux auteurs, dont Alain Gibert qui fait de la chanson-pop et va bientôt publier son premier album. Tu ajoutes un peu de conseil ou de représentation en France pour un partenaire belge, un peu de formation, et au total je suis pas mal occupé. C’est bien, on ne s’ennuie pas !
Une anecdote sympa à nous raconter ? Il y a deux ans au bar pro des Transmusicales à une heure avancée, on m’a présenté le responsable d’un label, a priori intéressé pour faire appel à mes services. Après une bonne discussion et un peu trop de picole, je lui ai dit : «de toute façon, tu sais, si tes artistes me plaisent, c’est que ça marchera pas» ! Il doit être maso et moi menteur, parce que depuis c’est devenu un de mes principaux clients... Ton coup de coeur musical du moment ? Je vois énormément de concerts mais finalement je manque terriblement de temps pour écouter des albums, donc je n’ai vraiment pas la prétention de connaître l’actualité au delà de quelques titres. Donc je vais parler de The Notwist qui m’ont vraiment impressionné lors de leur passage aux Rockomotives (super festival)... en revanche, je n’ai toujours pas écouté leur album ! Es-tu accro au web ? Le ouèbe ? Le minitel américain là ? Oui c’est clair, et j’ai un peu de mal à imaginer comment pouvait fonctionner ce métier avant tout cela. On a du recul maintenant : il y a certains webzines avec qui je travaillais déjà il y a une dizaine d’années, c’est le cas de W-Fenec d’ailleurs ! On prend un coup de vieux, non ? A part le rock, tu as d’autres passions ? Je ne limiterais pas au rock, mais à la musique en général, même si je suis loin de connaître ou même d’apprécier tous les styles. A part ça, je m’intéresse pas mal au sport (foot) et à la politique : de bons sujets de conversation autour d’un verre ou deux après les concerts ! Tu t’imagines dans 15 ans ? Pas facile. Version pessimiste : en train d’essayer de survivre après la montée des eaux, la prise de pouvoir des fachos, l’écroulement des économies surendettées, et quelques holocaustes nucléaires... Version optimiste : toujours aux commandes de Martingale après avoir réussi à y créer quelques emplois, pour une boite à taille humaine qui défend bien ses artistes et où il fait bon travailler.
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