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NOMINÉ • Pages 41–45
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James Aguer (
Quand James Aguer Alic avait 20 ans, des enfants de son village ont été emmenés comme esclaves. Sa mère a été tuée parce qu’elle a refusé de livrer sa petite fille. James s’est enfui avec ses frères et sœurs pour un jour sauver les enfants en esclavage.
A
près l’attaque de la milice James et ses frères et sœurs ont fui à Khartoum, la capitale du Soudan. Ils ont vécu chez des parents et dans des camps de réfugiés. Beaucoup racontaient qu’on enlevait les enfants et qu’on les envoyait au Soudan du nord, comme esclaves. – Nous devons faire quelque chose, dit James. Nous devons libérer ces enfants ! Un soit James et huit autres personnes ont tenu une réunion secrète. Si la police avait su qu’ils se rencontraient pour libérer les esclaves, ils auraient tous fini en prison. – Je sais où ils les ont conduits, dit James. Chez les Arabes au Darfour et dans le Kordofan. J’ai l’intention de m’y rendre. Qui veut me suivre ? – Bien sûr, nous te suivons, ont répondu plusieurs des hommes dinkas. Mais deux d’entre eux hésitaient.
– S’ils savent que nous voulons libérer les enfants, ils nous tueront. – Voyons, qui le fera, si nous ne le faisons pas ? dit James. Même si je dois y laisser la vie, j’irai. Ils commencèrent alors à faire des plans. – Nous devons nous habiller en Arabes, pour ne pas éveiller de soupçons. Qui achète les jallabiyas et les calottes ? (longues robes blanches et bonnets blancs, vêtements typiques des Arabes) Quelques jours plus tard, habillés en Arabes, ils prirent
le train. Ils s’assirent dans des wagons différents pour qu’on ne soupçonne pas qu’ils étaient ensemble. Une fois arrivés, ils se dirigèrent chacun vers un des villages où les enfants étaient prisonniers. James se sentait un peu bizarre dans ses habits arabes, mais il put constater que le déguisement marchait. Personne ne faisait attention à lui dans les villages et les campements. Quand quelqu’un lui demandait ce qu’il faisait, il répondait : « Je cherche mes vaches » Mais en vérité, James et ses amis recherchaient les enfants esclaves.
Pourquoi James Aguer a-t-il été nominé ? James Aguer a été nominé au titre de Héros des Enfants pour la Décennie du WCPRC 2009 pour son combat acharné contre l’esclavage des enfants au Soudan. Les enfants qui sont enlevés par les hommes de la milice sont obligés à travailler du lever au coucher du soleil. Ils doivent dormir à l’extérieur avec les animaux, manger les restes, sont battus et fouettés. En plus de 20 ans de combat, James et ses collaborateurs ont libéré environ 3.000 enfants. Et leur combat se poursuit en vue de libérer le reste des enfants. James a été emprisonné 33 fois et quatre de ses collaborateurs ont été tués. À présent, James et ses collaborateurs bénéficient de l’aide du gouvernement soudanais dans leur combat de la lutte contre l’esclavage.
James avec quelques collaborateurs arabes. K arin Södergren (dessins)
MAMAN!
Lis la bande dessinée sur la façon dont James a sauvé les enfants esclaves, sur : www.worldschildrensprize.org
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Bande dessinée de Magnus Bergmar (texte) et
ARRÊTE-TOI! Ou je tire!
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Quand ils voyaient un enfant à la peau foncée qui gardait les vaches et les chèvres ou transportait de l’eau à proximité des villages arabes, ils lui demandaient d’où il venait, comment il s’appelait et ce qu’il faisait là. Ils demandaient aussi si l’enfant connaissait d’autres enfants dinkas dans les environs. Ils se firent même des amis parmi les Arabes qui les aidèrent à rassembler des noms. James prenait toujours des chemins différents pour ne pas être reconnu. Le soir il retrouvait ses amis et ils faisaient le point sur les informations recueillies pendant la journée. Ils remarquèrent que les enfants esclaves étaient bien plus nombreux que ce qu’ils avaient d’abord imaginé et ils prirent note de tous les noms. Quand ils avaient passablement de noms dans une région, James se rendait chez le Sultan, le chef des Arabes. – Cher Sultan, je sais que tu n’aimes pas l’esclavage, mais ton peuple a pris des gens de notre peuple dinka en esclavage. Je sais que beaucoup de ces enfants se trouvent dans les familles des environs, expliquait poliment James. Il s’est avéré que beaucoup de sultans pensaient que l’esclavage n’est pas bien et aidèrent James à libérer les enfants. D’autres le menacèrent et lui dirent de ne jamais plus se montrer dans la région.
James
a été emprisonné 33 fois Moses et Elisabeth, sur la photo, ont été enlevés et sont devenus esclaves, mais James Aguer Alic les a sauvés. James se bat depuis plus de 20 ans et a libéré des milliers d’enfants. Souvent au péril de sa vie.
L
e Soudan, qui en arabe veut dire ”La terre des noirs”, est le plus grand pays d’Afrique. Les différences entre le nord et le sud sont énormes. Dans le nord, se trouvent de grands déserts de sable, des pâturages et la capitale, Khartoum. Au moins la moitié du pays, qui compte 30 millions d’habitants, appartient à divers groupes arabes et parle l’arabe. La plupart sont musulmans. Dans le sud il y a des savanes, des marais et des pâturages. C’est là que vivent les Dinkas, le plus grand groupe ethnique (environ 3 millions) Leur langue est le dinka. La plupart sont chrétiens ou ont conservé leur religion d’origine. Les dinkas ont beaucoup souffert de l’esclavage.
TEXTe: GUNILL A HAMNE phOTO : KIM NAYLOR
Je prends la femme, le garçon et…
Les gens sont plus pauvres dans le sud malgré des richesses naturelles comme le pétrole, l’or, l’uranium et les sources d’eau. Ces richesses ainsi que les conflits religieux sont en partie la cause de la guerre civile. Au Soudan du sud, là où les soldats du gouvernement ont fait coalition avec la milice à cheval, on bombardait les villages. C’était la milice qui a enlevé environ 40.000 femmes et enfants et les a rendus esclaves. On obligeait les enfants à travailler dans les familles arabes, à dormir dehors avec les animaux et on les fouettait. Le libérateur d’esclaves James libère les enfants esclaves depuis plus de 20 ans. À ce jour il a participé à
Moi, je prends les autres garçons
la libération de 5.000 esclaves, dont 3.000 enfants. – Ces enfants c’est mon peuple, dit James. Personne ne m’empêchera de les rechercher. Si nous ne le faisons pas, ils resteront en captivité. James a été emprisonné 33 fois pour son combat contre l’esclavage et deux de ses collaborateurs ont été tués. D’abord le gouvernement du Soudan a nié l’existence de l’esclavage dans le pays. Mais a, depuis, pris une autre position et a fondé une organisation, la CEAWC, pour en terminer avec l’esclavage. James et ses collaborateurs font partie de la CEAWC.
Je suis content que maman soit avec nous.
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Manol
a été harcelé comme esclave À l’âge de dix ans Manol est devenu esclave. Les fils du propriétaire et les autres garçons l’ont harcelé. Mais un jour...
L
’histoire de Manol commence un matin tôt quand les miliciens arrivent à cheval dans son village. Manol, ses parents et ses sœurs se sauvent à travers le lit asséché du fleuve. Mais de l’autre côté les miliciens à cheval les attendent. Très vite la famille est encerclée. On fait mettre les villageois en rang, on rassemble les chèvres et les vaches et la longue marche commence. Ils marchent pendant des heures sans boire, ni manger. – Je dois tenir, pense Manol. Il cherche sa mère des yeux, elle porte sa petite sœur. Elle semble si fatiguée. « S’il te plaît maman, tiens bon, s’il te plaît... » La fuite dangereuse Le soir, ils dressent le camp. Soudain trois miliciens disparaissent au galop dans la savane. Quand ils revien-
nent un instant plus tard ils ont fait prisonnier deux hommes. – Voilà ce que l’on fait à ceux qui essaient de s’enfuir ! crie un des cavaliers en abattant les deux hommes. Le matin suivant, la mère de Manol lui murmure que son père s’en enfui. « Oh non! se dit Manol, ils vont le tuer » Quand les soldats s’aperçoivent que le père de Manol s’est enfui, ils s’éloignent à cheval. Quelques heures plus tard, ils reviennent sans lui. Il s’en est tiré ! Ils marchent pendant six jours avant d’arriver au marché aux esclaves. Un Arabe prend Manol, alors que sa mère et sa sœur suivent un autre homme. Trois jours de marche et l’homme et Manol arrivent dans un campement. Il appartient au maître, sa femme et leurs cinq enfants. Un des fils du maître dit :
Manol sous le manguier avec son ami Valentino, qui a aussi été esclave.
– C’est toi qui est notre esclave ? et crache par terre devant Manol. La femme lui montre une place derrière la tente où les chèvres sont entassées, derrière une clôture. – Tu dormiras ici, dit-elle en montrant le sol. Sans matelas, ni couvertures. Le pire c’est la nuit. Le souvenir de sa mère et de son père viennent le hanter. « Où êtes-vous ? Êtes vous vivants ? » demande Manol aux étoiles. Il rêve de leur maison et du grand manguier. Une hache au pied Manol se lève tôt, il est frigorifié après avoir passé la nuit dans l’enclos des
vaches. Il doit commencer à travailler aussitôt, sans petit déjeuner. Faire la vaisselle, le ménage et la corvée d’eau. Puis il se met en route avec les vaches. Le chemin est long jusqu’au pâturage et les garçons des tentes avoisinantes font tout pour lui empoisonner la vie. – Regardez, c’est l’esclave ! Comme il est sale ! Et il pue ! Les garçons se moquent de lui et mènent leurs vaches au milieu du troupeau de Manol. Deux des garçons s’avancent menaçants vers Manol. Ils le poussent et lui donnent des coups de pieds, ce qui l’empêche de garder le troupeau. D’autres effraient les vaches par des claquements
Ta maman est morte. Garde-toi de t’enfuir!
Chaque nuit, je pense à maman et à papa et je pleure.
Nuit après nuit, je tremble de tout mon corps.
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Manol fait du feu dans le jardin familial.
de langue pour qu’elles se mettent à courir partout et jettent la pagaille dans les autres troupeaux. – Non, non, arrêtez ! crie Manol. Manol réussit à rassembler toutes les bêtes sauf une. Que va-t-il dire au maître quand il reviendra au campement ? – Espèce de morveux, crie le maître en s’apercevant qu’une vache manque. Il lui jette une hache au pied, qui lui ouvre une blessure de dix centimètres.
– Que cela ne se reproduise plus, sinon... Rentre les vaches et va chercher de l’eau. Manol a tellement faim qu’il peut à peine marcher. De toute la journée il ne boit que de l’eau et le soir il n’a que quelques restes qu’il mange tout seul devant la tente. Il a tout le temps faim. Sauvé par James Les enfants de la maison peuvent faire ce qu’ils veulent avec Manol. Ils le battent, disent des méchancetés
et se moquent de lui parce qu’il n’a pas de parents. Un des garçons lui enfonce une flèche dans le genou qui lui laissera une cicatrice. Il ne croit pas qu’il reverra jamais ses parents ou sa sœur. On le traitera pour toujours en esclave et on le battra comme un chien. Mais un jour, deux ans plus tard, un homme arrive. Il parle avec le propriétaire et emmène Manol. – Est-ce que je serai son esclave ? pense Manol pendant qu’il marche à côté
d’un homme grand, en jallabiya et turban blanc. À chaque arrêt ils repartent avec de plus en plus d’enfants qui ont été esclaves. Certains connaissent Manol car ils viennent de la même région. Enfin, il peut parler la langue dinka. Le soir, l’homme abat une chèvre et la fait rôtir. Cette nuit-là, les enfants s’endorment, serrés les uns contre les autres et rassasiés pour la première fois depuis plusieurs années. Après six jours de marche ils arrivent dans un grand marché où les Dinkas et les Arabes achètent et vendent vaches, sucre, tissu, thé et médicaments. C’est aussi un marché de la Paix où se rencontrent les esclaves libérés et les familles qui sont venues les chercher. Manol et les autres enfants s’assoient et attendent. Les adultes tournent autour de l’arbre à la recherche de leurs enfants. Manol cherche aussi le visage de sa mère ou de son père. Il se passe plusieurs heures. Puis l’après-midi il reconnaît le son d’une voix : – Manol ! Manol ! Mon fils, tu es là. Le père de Manol s’élance et le soulève
Ainsi on peut aller partout sans éveiller de soupçons.
Les enfants sont prisonniers des arabes. Moi-même je suis dinka, comme la plupart des enfants enlevés. Mais il y a aussi des arabes qui nous aident.
Nous nous habillons comme ceux qui enlèvent les enfants.
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Le mannequin
ALEK
et la fille esclave
Le manguier offre son ombre quand Manol joue avec sa sœur.
dans ses bras. Ils s’embrassent très fort et très longtemps. – Où sont ta mère et ta sœur ? demande le père en cherchant du regard. – Je ne sais pas, répond Manol en devenant triste, je ne les ai plus revues depuis que tu t’es sauvé. Trois mois plus tard, James Aguer libère aussi la mère et la sœur de Manol. Enfin la famille est de nouveau réunie.
– C’est fantastique d’être de nouveau à la maison sous le manguier, dit Manol. Si j’avais un peu d’argent, j’achèterai une vache, une chèvre et des habits. Les Arabes ont volé nos 25 vaches et toutes les chèvres. Et puis bien sûr j’aimerais aller à l’école. – Je veux tout apprendre sur les arbres et l’agriculture pour pouvoir planter des arbres et le durra. J’aurai un tas d’arbres quand je serai
grand. Sans arbres la vie est ennuyeuse, non ? demandet-il à son ami Valentino, qui a aussi été esclave. Manol pense plus au futur qu’au passé. Il a tellement de projets maintenant qu’il est libre.
D’où viens-tu et comment t’appelles-tu?
Alek Wek est un des mannequins les plus connus. Elle est aussi réfugiée du Soudan. Ce qu’elle ne pourra jamais oublier. Alek est marraine et Amie Adulte Honoraire du WCPRC. Elle est ici avec Abouk que James Aguer a libéré de l’esclavage.
Bien qu’elle soit à présent un mannequin très connu, Alek n’oublie pas ses amis, ses parents et tous ceux qui au Soudan ont vécu la guerre civile et la faim. Elle parle souvent de la situation au Soudan et elle participe à recueillir de l’argent.
J’ai rencontré cinq enfants enlevés.
Je m’appelle Adut, on m’a emmenée ici. Qu’est-ce qu’il veut ? Il parlait dinka…
Et moi trois! Demain nous irons voir le sultan.a
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