Emeline Horel Victoria Calligaro 2008 // Design d’espaces (2°)
Rapport ambigu à la FRONTIERE
EXIL
ANNEXER>>>
Ingeborg Bachmann est née en 1926 à Klagenfurt en Autriche. Région frontière entre le monde germanique et le monde slave, la Carinthie de l’enfance d’Ingeborg Bachmann est aussi celle des écrivains Robert Musil (1880-1942) et Peter Handke (1942-…). Mahler (1860-1911), Brahms (1833-1897), Hugo Wolf (1860-1903) et Alban Berg (18851935) vinrent y composer des airs célèbres. Ingeborg Bachmann, qui cultivera sa vie durant la figure de l’exil, n’aura pu se défaire d’un sentiment ambigu avec la région de son enfance. Elle dira d’ailleurs : « il faudrait ne pas être de là pour trouver supportable plus d’une heure un lieu tel que Klagenfurt, ou alors il faudrait y vivre constamment ; en tout cas, il ne faudrait pas y revenir. » Ce retour difficile, douloureux, voire impossible est aussi à l’image du retour sur son enfance. Survivre au traumatisme de la Seconde Guerre Mondiale exigeait, pour elle comme pour de nombreux allemands, de faire retour sur ses origines immédiates et d’en surmonter le poids. La Carinthie incarne cette douleur, exactement comme l’Anschluss en 1938, alors qu’elle était âgée d’à peine douze ans, marque un tournant historique dans sa perception du monde : l’expérience de l’annexion devint pour elle un motif récurrent et déclinable jusque dans le rapport de l’homme à la femme. A tel point qu’elle écrivit en 1972 : « Le fascisme ne commence pas avec la première bombe larguée, il ne commence pas avec la terreur, sur laquelle vous pouvez écrire dans chaque journal. Il commence dans les relations entre les peuples. Le fascisme est la première chose qui s’établit dans la relation d’un homme avec une femme. »
FRONTIERES « Car dans tout ce que nous faisons, pensons et ressentons, nous aimerions parfois aller jusqu’à l’extrême. En nous s’éveille le désir de transgresser les frontières qui nous sont imposées. Non pour me rétracter, mais pour clarifier mon point de vue, j’ajouterai : cela ne fait pas de doute pour moi que nous devons rester à l’intérieur de l’ordre social, que l’on ne peut sortir de la société, qu’il faut nous confronter les uns aux autres. Mais de l’intérieur des frontières, notre regard tend vers la perfection, l’impossible, l’inaccessible, que cela concerne l’amour, la liberté ou toute autre valeur pure. C’est dans la confrontation du possible et de l’impossible que nous élargissons le champ de nos possibilités. Que nous engendrions cette tension, au contact de laquelle nous grandissons, c’est cela l’important selon moi ; que nous nous orientons vers un but qui, certes, s’éloigne à chaque fois que nous nous en approchons. » (I.B. discours prononcé en 1959 prix de la meilleure pièce radiophonique)
La bohême est au bord de la mer Vertes en ce pays sont les maisons, j’y entre encore. Indemnes sont les ponts, je vais en terrain sûr. Peines d’amour perdues de tout temps, je les perds ici bien volontiers. Ce n’est pas moi, mais quelqu’un d’aussi bon que moi. Un mot m’accoste et je le laisse m’accoster. La Bohême est encore au bord de la mer, je crois les mers à nouveau. Et croyant à la mer, en la terre j’espère. C’est moi, donc c’est tous ceux qui sont autant que moi. Et je ne veux plus rien pour moi. Faire naufrage. Naufrage — cela veut dire en mer, là je trouve la Bohême. Couler à pic — je me réveille dans le calme. Je connais le fond à présent, tout le contraire de perdue. Venez, Bohémiens de tous bords, navigateurs, putains portuaires, navires jamais à l’ancre. Et ne voulez-vous être de Bohême, ô vous tous, d’Illyrie, de Vérone et de Venise ? Jouez les comédies qui font rire, et qui pourtant sont pour pleurer. Et trompez-vous cent fois comme moi je l’ai fait, sans être reçue aux épreuves, reçue pourtant, une fois pour l’autre. Comme fut reçue la Bohême, comme un beau jour elle reçut la grâce d’approcher la mer, et maintenant se trouve au bord de l’eau. J’accoste encore un mot et un autre pays, j’accoste, si peu que ce soit, à tout de plus en plus, bohème, vagabonde, qui n’a rien ni ne conserve rien, dotée seulement de la mer, de la mer contestée, pays élu de mon regard. IB.
Lit de Neige Yeux, aveugles au monde, dans les failles du mourir : je viens pousse dure au coeur. Je viens. Miroir lunaire l’abrupt. Vers le bas. (Lueur maculée par le souffle. Stries de sang. Nuée de l’âme, qui a pris corps encore une fois. Ombre des dix doigts − cramponnés.) Yeux aveugles au monde, yeux dans les failles du mourir, yeux, yeux. Le lit de neige sous nous deux, le lit de neige. Cristal après cristal, grille dans la profondeur du temps, nous tombons, nous tombons et gisons et tombons. Et tombons : Nous étions. Nous sommes. Une seule chair avec la nuit. Dans les allées, les allées. Paul Celan / Grille de Parole [ composé avec Ingeborg ]
RELATION ÉPISODIQUE ET PASSIONNÉE AVEC CELAN // PLUSIEURS ANNÉES PATIENCE BRÛLANTE DE INGEBORG FERVEUR >>> TENSIONS POTLATCH PATIENT ET TRAGIQUE
(Invention) Nouvelle langue // Utopie : un nouvel espace littéraire prose/ poésie lyrique
>> Difficultés de traductions avec cette nouvelle langue poétique Pas de nouvelles rééditions homogènes et cohérentes >> Accéssibilité, lisibilité. >>Oeuvre fragmentée, inachevée
Généalogie de la meconnaissance de l’oeuvre de ingeborg bachmann
Distance des sujets floues Distance entre les personnages // espace neutre et passionné entre les personnages No man’s land, une terre brulée mais fertile. On se trouve dans un Hors-Champs où la réalité de l’action prend un écho tout particulier, où les passions sont amplifiées, les sensations décuplées et mêlées chaotiquement à une réflexion qui pose des amorçes partout dans le récit. Hors catégories ------- Une littérature incomplète/ fragentaire pensée /narration en archipel ---------------------------------Nouvelle langue donc pas de référent /ni littéraire ni historique Dans ce nouveau langage qu’on apprend à dompter et l’on se perd volontier le lecteur doit s’inventer son propre mode de lecture. activation du lecteur
Ingeborg est certainement «un des écrivain les plus exigeants du XXe siècle.» *, l’écriture qu’on lui découvre au tissu décousu de son oeuvre est à la fois un ravissement des sens et un feu d’artifice en puissance d’une vitalité contenue sous des airs sages. Ingeborg a une écriture qui demande un sacrifice de taille au lecteur non-initié, et qui nous paraît bien incompréhensible à notre époque : du temps. Car il faut du temps pour apprendre à parcourir ses nouvelles, ses histoires, ses personnages. Il faut aussi user de patience pour lire et relire, s’arrêter. Le lecteur que nous sommes doit trouver ses propres respirations face au rythme chaotique que peut présenter ses différentes oeuvres. Alors une fois que l’on s’est saisi de notre propre place dans le récit, s’engage une danse entre son écriture et nous. Entre les personnages et nous. Entre les personnages. Entre l’auteur et ses inventions, entre les sensations contradictoires et ses réflexions douloureuses. Le bal masqué est ouvert. Sous les voiles les plus fins et délicats des relations amoureuses se trament bien souvent, des rapports de forces remontant à la nuit des temps (rapport au pouvoir entre les hommes, des hommes sur les femmes...), mais aussi des questions qui viennent nous interroger sur notre rapport à la disparition, à l’oubli, à la mémoire, aux frontières (à l’exil), à la solitude inconsolable inhérente à chaque être. Ingeborg est donc un auteur qui n’est pas conquis d’avance qui ne fait pas que donner à son lecteur, mais qui attend dès le départ un soutien du lecteur. Il viendra combler à sa guise les lacunes, portera lui-même le décor de l’action sous ses paupières, et traduira cette langue selon sa propre appréciation. C’est, entre autres raisons, pourquoi son oeuvre est si méconnue et tant ignorée du grand public. Il est dur et inconcevable de témoigner de cette situation quand on sait que cet auteur abhorrait l’ignorance des uns envers les autres, et vouait toute son énergie à redécouvrir, revisiter, et panser les plaies de la mémoire collective.
* Ingeborg Bachmann, par Hans Holler, traduit de l’allemand par Michel Couffon Ed. Actes Sud, 2006.
Lève les yeux /et ne me regarde pas ! Tombent les drapeaux, /consumées sont les torches, et la lune décrit son orbite. /Il est temps que tu viennes pour /t’emparer de moi, /sainte folie ! (I.B. /poeme Je crains encore)
I- rapport a soi _///_ rapport a autrui
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Ecriture sous le sceau de la femme introspecion /voyage intérieur/ voyageur immobile
«Je» et auteur >>> Glissement de l’un à l’autre / contours flou MEMOIRE difficile à explorer mais bien présente dans la vie des personnages
>> Maïeutique de la mémoire CONFLIT entre la sensualité et l’intellect, entre le corps réel et le corps qui peut tout imaginé/ corps délié des impréatifs lié l’existence
Aux longs jours on nous sème, sans que nous l’ayons demandé, dans ces lignes /courbes et droites, /et les étoiles font leur entrée. Dans les champs, /nous prospérons ou /périssons au hasard, dociles à la pluie et pour finir /aussi à la lumière. (I.B poeme Etoile de Mars)
Lutte de l’écrivain dans le monde contemporain/ moderne Quid de sa PLACE SUJET/ OBJET
____________glissement______________
Paul Celan
Grille de parole
Rapport de force antidiluvien entre l’homme et la femme >>Lutte entre les sexes / mélancolie mais bataille contre l’oppression de la femme
us modernistaion de la société Quid du fascisme Quid de la non-tolérence de l’Autre.
és à
MEMOIRE COLLECTIVE/ rapport à l’Histoire Remise en question des Frontières >>>> jusqu’aux frontières entre les existences
Aujourd’hui et demain Ainsi je soutiens, pétrifié, le lointain, où je t’emmenais. Lavés d’une pluie de sable les deux trous à la limite inférieure du front. A scruter, tu y trouves l’ombre. Battu de marteaux soulevés en silence, l’endroit où l’œil-aile m’a frôlé. Derrière, creusée dans le mur, la marche où le souvenir est accroupi. Ici se distille, avec le don des nuits, une voix dans laquelle tu puises à boire.
Mes cheveux ne blanchissent pas car je me suis traîné hors di sein des machines, Le goudron m’a marqué au front d’un trait rose et les mèches, on a étranglé leurs sœurs d’une blancheur de neige. Mais moi, chef de tribu, j’ai traversé la ville aux dix fois cent mille âmes, et mon pied a foulé les âmes cloportes sous un ciel de cuir où pendaient, froids, dix fois cent mille calumets de la paix. Je souhaite pour moi souvent un calme d’ange et des territoires de chasse, pleins de cris impuissants de mes amis. Ailes et jambes écartées, la jeunesse ça va sans dire m’a sauté par-dessus et dans les nuits immenses par-dessus le purin, par-dessus le jasmin il en fut ainsi du secret des racines carrées, et d’heure en heure la légende de la mort vient souffler sa buée à ma fenêtre, donnez-moi de l’euphorbe et versez-moi dans le gosier le rire des vieux à ma vue quand je tombe endormi sur les in-folio dans le rêve humiliant, pour n’être apte à nulle pensée, jouant avec des glands d’où pendent des franges de serpents. (I.B. poeme Curriculum Vitae)
Sous le sceau de la feminité // Ingeborg cherche à faire parler une femme au-delà des généralités, elle se méfie plus que tout de voir un personnage enfermé dans un statut sexiste. Quand elle décide de faire parler une femme, que ce soit Franza ou une autre, elle se projette dans l’(H)histoire qui a construit cette personne et fait parler ses tripes. Elle s’attache moins à un discours engagé politiquement et ciselé pour dénoncer une oppression qu’à une écriture d’un corps meurtri, une identité bafouée. Ingeborg a toujours refusé de s’inscrire dans la lignée de résistant(e)s féministes émergeante à cette époque et se développant exponentiellement par la suite, elle refuse les étiquettes. Si elle mène son combat contre les discriminations et plus simplement contre des abus de pouvoir entre les sexes, c’est dans son quotidien, en refusant de courber l’échine face à des institutions comme le mariage ou le couple monogame, ou encore la procréation. Elle inscrit cette volonté de dépasser des clivages conventionnels qui ronge son environnement dans sa vie. On ne peut dès lors vouloir séparer sa vie de son œuvre. Ils se font écho et l’un vient enrichir l’autre inexorablement. On est bien loin d’un auteur qui viendra revendiquée la toute puissance d’une gente féminine, qui viendrait imposer son point de vue. Ingeborg affirme non pas la condition de la femme, mais nous donne à percevoir le monde à travers le prisme de la féminité. Les questions qui lui sont inhérentes et posent autrement le récit. Le corps dans lequel vient s’inscrire le «je» qui parle et pense, est marqué par ce choix. Ainsi l’écriture qu’invente Bachmann vient au service de ce choix. Néanmoins il serait réducteur de ne considérer que cet aspect, Ingeborg cherche à faire parler la singularité de chaque personne dès lors qu’elle entre en jeu dans le récit. Le lecteur perçoit donc cette sensibilité décuplée qui vient s’entremêler avec un point de vue singulier qui ponctue le récit. La magie de l’écriture de Bachmann réside aussi dans le fait qu’il n’est nullement impératif de réflechir pour percevoir ces subtilités dans le récit.
« Alors qu’un certain nombre de femmes, et d’hommes, ont raconté le malheur de leurs aventures sentimentales, elle est la première à dire le malheur du sentiment comme tel, à mettre en évidence le fait que pour une subjectivité féminine en tout cas la rencontre de la masculinité − l’approche d’un homme− n’est pas constitutive : elle est même une menace de déstructuration, voire de destruction. […] Quoi qu’on ait pu écrire de l’ambiguïté − définie comme « androgynie » − de certain des personnages ou de la fonction narrative elle-même, on ne peut nier que la lecture du monde ne soit ici une lecture féminine du monde. » (Françoise Collin , le non-né, revue europe n°892-893)
« Sa qualité d’artiste se révèle justement en ceci qu’elle n’arrive pas à étouffer dans l’art l’expérience de la femme qu’elle est. » Christa Wolf, 1983
FEMME MONDE LITTERAIRE EN 46 – MONDE D HOMMES / TROUVER UNE FORME LITTERAIRE SINGULIERE POUR ETRE DISTINGUER PAR SA SINGULARITE PROPRE D INDIVIDU ET NON DE FEMME ____ VOLONTE DE RENDRE COMPTE DE SA CONDITION DE FEMME ECRIVAINE QUID DE LA POSSIBILITE D ECRIRE EN RESTANT FEMME LIBRE PAS UNE MERE MAIS AMANTE > CONTRE LE CODE SOCIAL DU MARIAGE (RELATION EPISODIQUE AVEC CELAN) LIBRE NE VEUX PAS ETRE CONSIDEREE COMME FEMINISTE ANTI SECTAIRE ET COMMUNAUTARISTE ELLE REVENDIQUE DES SINGULARITE RESTE EN MARGE NE VEUX PAS ETRE CATEGORISEE EN PERPETUEL MOUVEMENT
« Les héroïnes mènent leur aventure en
: rien ne s’y dessine d’une quelconque forme de « sororité ». I.B. solitaires
Quand Ingeborg s’adresse aussi bien au lecteur qu’à ses personnages ...// Mais on peut flairer une odeur avant-coureuse des comètes, et le tissu de l’air déchiré par leur chute. Nomme cela « statut des solitaires » dans lequel s’acomplit l’étonnement. Sans plus. Nous avons décollé, et les couvents sont vides depuis que nous souffrons, un ordre qui n’enseigne ni ne guérit. Le commerçe n’est pas l’affaire des pilotes. Ils ont dans l’œil des points d’appui et étalée sur les genoux la carte d’un monde auquel il n’y a rien à ajouter. (IB. poeme/ vol de nuit)
« Nous disons très simplement et très justement, quand nous nous trouvons dans cet état, cet état lucide, douloureux, dans lequel la douleur devient féconde : mes yeux se sont dessillés. Nous ne disons pas cela pour exprimer le fait que nous percevions une chose ou un évènement extérieurs, mais parce que nous comprenons ce que justement nous ne pouvons pas voir. Voilà ce que l’art devrait réaliser : réussir, dans ce sens-là, à nous dessiller les yeux. L’écrivain − et cela aussi est dans sa nature− est de tout son être dirigé vers un Tu, vers l’être humain à qui il veut livrer son expérience de l’être humain (ou bien son expérience des choses, du monde, de son époque, ou tout à la fois !) ; il veut livrer en particulier son expérience de l’être humain tel que lui ou les autres peuvent être, là où lui-même et les autres sont au plus haut degré des êtres humains. Toutes antennes déployées, il palpe la forme du mond, les traits des hommes de son époque. Quels sont les sentiments des gens, que pensent-ils, comment se comportent-ils ? Quels sont leurs passions, leurs dépérissements, leurs espoirs… ?» (I.B. discours prononcé en 1959 prix de la meilleure pièce radiophonique) Ingeborg s’intéresse à la singularité qui fait chaque individu. Cette singularité résulte de la conjugaison d’éléments disparates et dont le contrôle nous échappe ; l’environnement géographique, l’Histoire dont il est empreint, la rencontre de personnes, l’éducation, la spécificité d’un corps etc. Mais tous ces éléments ne sont pas clairement et distinctement énoncés par Ingeborg. Sa volonté réside dans la retranscription de ce que va percevoir un personnage, pourquoi va-t-il ressentir cela en particulier. C’est à cet instant que la singularité de l’individu s’affirme, peutêtre même plus que lorsque le personnage choisit d’agir. Ces choix seraient alors la résultante de cette singularité mais d’autres facteurs sont à prendre en compte comme
IL NE S AGIT PAS D IMITER, ni DE RETRANSCRIRE DE FACON REALISTE UNE SUITE LINEAIRE D EVENEMENTS MAIS PAR UN CLAIR-OBSCUR , DE PROJETER UN ECLAIRAGE SUR LA REALITE : comment est-elle perçue à un instant précis/ et par qui?
par la solitude existentielle qui anime les personnes qu’elle raconte. Par le dialogue intérieur mouvementé qu’à un individu pour lui-même, qu’il s’agisse de questionnement, de réflexions, de contradiction, ou d’une volonté stérile de percer l’absurde. « Je crois que les êtres humains, dans toutes leurs relations, ne parlent jamais le même langage, cette compréhension apparente que l’on nomme sincérité n’en est pas une. Comprendre −cela n’existe pas. La sincérité n’est rien d’autre qu’un total malentendu. Au fond, chacun est seul avec ses pensées et ses sentiments intraduisibles. » (Wir mussen wahre Satze finden, interview Barbara Bronnen 7 oct 1972) ; Ingeborg ne se place jamais en spectatrice impassible d’une scène, décrivant les faits et gestes d’un personnage ou d’un autre, elle veut entrer sous sa peau, témoigner des imbrications de ses pensées. D’où cette impression puissante et complexe qui échappe parfois à une première lecture, de sentir un monde naître sous la plume de l’auteure. Le lecteur prend par à cette cosmogonie, où le réel n’existe qu’à travers le prisme d’un individu : on touche du doigt ce monde grâce à cette écriture qui tâche de nous retranscrire toutes les sollicitations d’une personne face à son environnement.
UBIQUITE [Force intellectuelle et capacité d’aimer autrui] >>> Etre total provocation
L’Autre = la singularité / pas isolé / pas séparé de Moi -------------- Au-delà de la séparation
Fusion Moi/ Autrui
Une Maïeutique de la MEMOIRE
//
L’auteure met en place au cours du récit un système basé sur l’expérience, qui lui est si chère, afin de faire recouvrir des parcelles de la mémoire personnelle et collective à ses différents personnages. Elle cherche à provoquer un remous de l’inconscient ou du subconscient qui pourra aiguiller le récit. Elle ne cherche pas dans les écrits, ni dans les témoignages quelques traces anecdoitique d’une histoire personnelle ou collective, non, Ingeborg tâche de nous faire déceler quelle histoire peut traverser un individu à travers sa construction dans le temps, la vision de son environnement, sa perception des autres. Elle nous fait comprendre que l’Histoire se vit, et que ce sont ces expériences tangibles qui forgent des caractères si singuliers qui soutiennent toute son oeuvre. On comprend par là le rapport ambigu de cet auteure a, à sa propre histoire, à son contexte historique. Un lien douloureux mais inextricable de son écriture. Ingeborg se positionne fortement et inébranlement dans son époque comme une femme forte et sensuelle, qui proclame un statut singulier : libre, sensible et honnête, des positions bien suversives pour cette époque et la région dont elle est originaire. On la trouve souvent dans cette position ambivalente où elle tâche de couper le cordon avec ses racines, mais où elle reste fascinée par les rouages de l’Histoire. Ingeborg reste désespérement optimiste et veut réécrire l’histoire ou plus modestement dans ses récits, les histoires des personnage qu’elle fait vivre sous ses doigts. Elle estime qu’une langue nouvelle signifie une table rase pour recomposer avec les charpies d’une europe meurtrie par le fascisme et la guerre latente, déclarée ou non. Ce conflit entre le passé et le temps futur au coeur duquel elle cherche à s’inscrire, nous indique pourquoi le rapport au temps est si complexe dans son oeuvre. Elle met au banc un temps linéaire ou tous les évènements s’enchaînent irrémédiablement, elle engage le récit de façon arborescente et sans préméditation. ***
Origine Carinthie Région frontalière // Toucher à la frontière a un mot en allemand : « grensen » Confrontation jeune à un milieu fasciste / Chasse aux juifs et aux slaves > Père au parti Nazi Violence guerrière « Peur mortelle » de Bachmann Aversion viscérale pour la violence / Le non-respect l’abjure >>>>se met instinctivement du côté de l’opprimé « Je suis une slave » // Franza : « Je suis une papou » Volonté de vouloir renouveler son environnement// MEMOIRE revisitée
*** Ingeborg décrit et dénonce ces conflits, ces tensions qui existent entre les hommes, les femmes qui font l’Histoire. Elle raconte aussi la méfiance, on sent que son écriture tend toujours vers un abandon total et sans entrave mais paradoxalement, elle se ressaisit juste avant un point de non-retour. C’est un thème récurrent qui revient inlassablement chez les personnages féminins de Ingeborg. Cette attitude de contrôle absolu des personnages masqué derrière une sensation de liberté chaotique, d’errance existencielle, d’absurdité du récit est un clair-obscur avec lequelle l’auteure joue sans cesse. On retrouve aussi ces duels : abandon/ maîtrise, pouvoir/ soumission, liberté/ absurdité au sein même de son écriture. Bachmann a voulu inventé une nouvelle écriture afin de panser les plaies de son histoire, et de la mémoire collective. Miroitait au loin un rêve désuet pour cette époque d’utopie. Pour elle, il s’agissait aussi de créer un nouvel espace littéraire au coeur duquel elle pouvait se trouver une place faute de pouvoir le faire dans la société littéraire masculine dans laquelle elle vivait.
UBIQUITE DANS LECRITURE//
EXIL je suis un mort qui marche
nulle part annoncé inconnu dans le royaume des arrêtés préfectoraux surnuméraire dans les villes d’or et dans les pays verdoyants depuis longtemps dédaigné à qui nul ne pense seulement avec vent avec temps avec sons car je ne peux vivre au milieu des hommes moi avec cette langue allemande ce peuple autour de moi que je prenais comme maison je passe au travers de toutes les langues ô comme elles s’obscursissent
Après ce déluge Après ce déluge à nouveau j’aimerais voir sauvée la colombe, la colombe et rien qu’elle. Ah je me noierais bien dans cette mer ! si elle ne s’envolait pas, si elle ne rapportait pas au dernier moment le rameau. IB.
les sombres notes de la pluie seulement ne tombent guère dans des zones plus claires elle soulève alors le mort
IB.
« La guerre n’est plus déclarée mais poursuivie » « l’éternel réarmement » « il faut corrompre les actualités de son époque »
Toucher à la frontière a un mot en allemand : « grensen »
«Je suis une papoue» IB.
SUJET/ OBJET
Ingeborg Bachmann voyait dans le fascisme « la première chose dans la relation entre un homme et une femme », elle y voit un « mot désignant un comportement privé »
L’intérêt au premier chef dans l’œuvre d’Ingeborg Bachmann, c’est l’analyse du rapport entre les sexes dans le contexte du passé nazi (autrichien), qui n’a fait l’objet d’aucun travail de mémoire. Dans son projet inachevé Todesarten (Genres de morts), elle fait voire l’influence des modèles de pensée et de comportement fascisants sur les structures sociales, comme la famille ou les rapports entre les sexes. Ingeborg Bachmann décrit encore comme une guerre psychique subtile, comme un « crime raffiné », dans le fragment de roman d’Ingeborg Bachmann Franza, le psychiatre Leo Jordan détruit sa femme Franza en disséquant son psychisme par le menu. Dépouillée de sa dignité et de sa personnalité, Franza en est finalement réduite à mettre fin à ses jours. Pour Bachmann, la femme est l’objet de l’homme, il en dispose à sa guise. L’asservissement et la soumission du corps féminin reviennent comme un leitmotiv dans son œuvre.
///Chez Bachmann, la protagoniste doit renoncer à sa féminité, car la création artistique requiert une volonté et une rationalité masculine. ///
DUELS sensualité/intellect homme/sujet femme/objet
>>>Qui influe sur qui? Désir activé/ subit///
Même si ces protagonistes parvenaient dans son œuvre créatrice d’écrivaine à se positionner comme sujets féminins, le conflit entre sensualité et intellect, entre amour et art resterait entier, car la relation amoureuse présuppose le schéma traditionnel homme/sujet contre femme/objet et menace donc la femme dans son existence comme sujet. Pour rendre le désir féminin actif, la femme n’a d’autre choix que de s’effacer complètement : lorsqu’elle désire un homme, elle doit se faire « désirable », sans quoi elle tue le désir de l’homme. Les protagonistes, objet du désir masculin, doit abandonner le statut de sujet péniblement acquis de par son activité artistique et intellectuelle, car ***
***il est incompatible avec leur statut d’objet dans la relation amoureuse. Elle s’est intéressée à la question des rapports hommes/femmes, identifiant la socialisation féminine comme un « genre de mort » pour reprendre le mot de Bachmann. Le « nulle part » où se trouve la femme, l’impossibilité d’une identité féminine sont des thèmes centraux qu’elle examine au travers des mutations économiques et sociales de la société capitaliste et de consommation.
« Alors qu’un certain nombre de femmes, et d’hommes, ont raconté le malheur de leurs aventures sentimentales, elle est la première à dire le malheur du sentiment comme tel, à mettre en évidence le fait que pour une subjectivité féminine en tout cas la rencontre de la masculinité − l’approche d’un homme− n’est pas constitutive : elle est même une menace de déstructuration, voire de destruction. […] Quoi qu’on ait pu écrire de l’ambiguïté − définie comme « androgynie » − de certain des personnages ou de la fonction narrative elle-même, on ne peut nier que la lecture du monde ne soit ici une lecture féminine du monde. » (Françoise Collin , le non-né, revue europe n°892-893)
« Tu parles de fascisme, c’est drôle, je n’ai encore jamais entendu ce mot pour désigner un comportement privé. Pourquoi n’en parle-t-on que lorsqu’il s’agit d’idées ou d’actions publiques ? »(I.B)
No man’s land de la place de la femme dans la société au coeur de laquelle vit Bachmann >>> Cette place est à inventer pour
Bachmann
Femme auteure/// L’engagement d’Ingeborg Bachmann comme femme et écrivain femme est étroitement lié à l’expérience et la réflexion historiques : l’époque hitlérienne, le nazisme, marquèrent l’enfant et la femme et elle n’eut de cesse de dénoncer, dans chacune de ses œuvres, les diverses manifestations, dans la société capitaliste, impérialiste et patriarcale, de ce qu’elle continua résolument de nommer fascisme. La révolte de la jeune poétesse qui écrivait le poème Alle Tage (Tous les jours) en 1953 n’est guère éloignée de celle qui poussait la femme mûre à concevoir un triptyque romanesque, dont elle n’acheva que Malina, sur les différentes « façons de mourir » (Todesarten) ou d’être assassinée, dans une société où « la guerre n’est plus déclarée / mais poursuivie ». L’œuvre d’Ingeborg Bachmann reflète la lutte désespérée de l’écrivain, de l’intellectuel confronté au risque de son impuissance dans le monde moderne. Elle reflète en outre le combat doublement difficile d’une femme voulant à la fois vivre et écrire, c’est-à-dire écrire et aimer, une femme-écrivain cherchant sa voie et sa voix propre au sein d’une tradition dont elle hérite, tout en voulant la transformer. / Un Je à l’articulation entre deux mondes cherche tout au long de l’œuvre à exister, à se nommer et à écrire.// Sacralité de la langue /// Sacralité -centralité du pouvoir
>>>La langue comme lien, mais
aussi raison de discorde
entre les individus<<<
Le concept de « femme auteure » joue lui aussi un rôle central. Dans Malina, la voix féminine disparaît à la fin du roman dans une fissure du mur ; ne reste plus que le rôle-titre masculin, l’alter ego de la protagoniste qui écrit. Son écriture est indéniablement masculine. Elle est convaincue que non seulement l’écriture, mais aussi la langue ont une dominante masculine. La langue est pour elle le sanctuaire du pouvoir des hommes ; les mécanismes d’oppression non seulement s’y reflètent, ils s’y développent aussi. La langue se faisant l’idéologie patriarcale, elle conforte en permanence, par sa capacité à forger les consciences, les rapports de force existants.
Ingeborg Bachmann, mène une lutte acharnée contre la langue de bois et le langage vide de réflexion. Elle croit que la langue commande la pensée ; dans toute son œuvre. Son œuvre exhale une profonde méfiance envers le langage, attitude très autrichienne. La réflexion langagière débouche chez Ingeborg Bachmann sur un langage poétique. Elle emploie des techniques de variation musicales, mais elle le fait avant tout pour révéler et élever le niveau de signification par une interaction entre fiction et musicalité. Elle emploie des procédés de composition musicale par rapport à un profond scepticisme vis-à-vis de la langue. Son œuvre s’attarde sur les contradictions, sans jamais les lever avec une écriture subjective. Selon Ingeborg Bachmann, les « vrais théâtres » sont « intérieurs », elle déplace l’action de son histoire dans « l’intérieur dans lequel se déroulent tous les drames ». Dans Malina, elle décrit un itinéraire spirituel en gros plan ; les personnages incarnent plusieurs facettes d’une seule et même personne.
Dans
son œuvre,
Ingeborg Bachmann
exprime de la
douleur et un
désir de comprendre tout en ayant une profonde retenue sur les sujets sociaux, politiques et privés.
II -Langage poétique/// >> La littérature doit agir // part intégrante de l’Histoire >> Une littérature « fragile qui se dérobe à la maîtrise » >> Un nouveau langage >> Un rêve d’Utopie >> Une oeuvre inachevée >> Passage à la prose
Vos mots dédiée à Nelly Sachs, l’amie, la poétesse Vous mots, levés, allez dans moi! et nous sommes aussi déjà plus loin, allés trop loin, et encore une fois cela va plus loin, cela va vers aucune fin. cela n’éclaire plus. Le mot derrière soi pourtant va ramener vers nous d’autres mots phrase après phrase. Ainsi devrait le monde définitif s’imposer, être déjà dit. Elle ne le dit pas. « restauration Vous mots, dans moi, qui jamais ne seront plus valables -non pas ce désir de parole de dicton et de contradiction! Laisse une pause maintenant le sentiment ne peut être parlé le muscle du cœur s’exercera autrement. Laisse, je dis, laisse. rien dans l’oreille suprême rien, je dis, ne soit chuchoté, dans la mort rien ne t’effondres laisse, et dans moi, ni doux ni amer non plus, sans consolation, pas défini, et aussi pas sans signeet seulement pas cela : une image dans le cocon de la poussière, éboulis vides de syllabes, de mots de morts . Aucun mot de mort, vous les mots ! IB.
» de la langue
La littérature doit AGIR Pour Ingeborg la littérature n’est plus donc qu’un vecteur de pensée, l’acte même d’écrire agit dans la vie de l’auteur, du lecteur. Et inversement, la vie influence de façon inexorable - Passage de la poésie et fertile l’écriture même, le choix des mots, la langue. Cette à la prose > nouvelle position qu’a l’auteur et le lecteur averti de modeste démiurge langue face à cette écriture performative, peut parfois encombrer et déstabiliser, dans le pire des cas cette position échappe au lecteur. « L’écrivain −c’est dans sa nature− souhaite être entendu. Et cependant cela lui semble prodigieux, lorsqu’un jour, il sent qu’il est en mesure d’exercer une influence − d’autant plus s’il n’a rien de très consolant à dire à des êtres humains qui ont besoin de consolation comme seuls les êtres humains, blessés, offensés et pénétrés de cette grande et secrète douleur qui distingue l’homme de toutes les autres créatures. C’est une distinction terrible et incompréhensible. […] Il est incongru, - Trouver la vérité : sub- me semble-t-il, de vouloir y parvenir avec des mots. Quelque jectivité de son écriture // forme qu’elle prît, elle serait par trop mesquine, pitoyable, mode de lecture à trouver provisoire. La tâche d’écrivain ne peut pas consister non plus à nier la douleur ni à effacer ses traces ou à leurrer son lecteur en dissimulant son existence. Il doit au contraire prendre la mesure de sa vérité et la rendre effective encore une fois, afin que nous puisions voir. Car nous voulons tous devenir voyants. » (I.B. discours prononcé en 1959 prix de la meilleure pièce radiophonique) Pour Ingeborg un engagement ne peut consister qu’en une va- Utopie : nouvel gue rumeur appuyée par quelques textes grandiloquents mais espace littéraire à inventer + place bien par un façon d’envisager sa propre existence, pour Ingeà trouver dans le borg cela consiste aussi en une écriture. L’écriture n’est pas monde des écrivain une fin mais aussi sa façon de percevoir le monde, au-delà (mais difficile car de frontières et de territoires mais aussi à travers eux. En se elle ne veut pas d’éti- positionnant précisément sur ces délimitations parfois chanquette, elle ne veut geantes, parfois floues, parfois plus profondément ancrées. pas être catégorisée) Elle use de son talent pour l’ubiquité. Chaque ligne surprend, désarçonne et encourage le lecteur dans une poursuite de son écriture indomptable. Ingeborg tient à ne pas entretenir son lecteur dans une narration plate et
linéaire. Elle ne choisit pas la facilité et ne veut pas qu’on puisse prédire ce qu’elle va entreprendre dans son récit. Qu’on puisse esquisser l’enchaînement lui paraît absurde, néanmoins elle ne se dérobe pas dans une surenchère de rebondissements. Elle est moins dans une suite de l’écriture que dans un enchaînement articulé autour d’axes principaux autour desquels se met en mouvement le récit. Sa vision de l’écriture narrative apparaît ainsi pareillement à une arborescence foisonnante avec des branches tantôt robustes et longues, tantôt des pousses mort-nés ou encore des bourgeons sur le point d’éclore. Une littérature « fragile qui se dérobe à la maîtrise »: « […] une littérature toujours sur le point de n’être pas littéraire, voire de succomber, avec ses à coups, son désordre, ses répétitions thématiques et stylistiques. Ce texte en friche dans son raffinement même inclut un inachèvement qui se présente alors moins comme un accident que comme un mode d’être : la révélation de ce qui anime la création quand elle se délivre de tout codage et qu’elle fait du défaire ou de la défaite son faire même. […] La décomposition s’avère alors principe de composition. L’œuvre s’arrache au registre du visible pour se tenir dans celui du seul lisible. » « La composition bachmanienne est surmontement d’une décomposition qu’elle laisse affleurer. On peut sans doute inscrire cette structure déstructurée dans l’histoire littéraire des formes et des déformes contemporaines d’un genre, le roman. » « La fragmentation définit son rapport au monde, marqué par la répétition du traumatisme plutôt que par son élaboration discursive. Atteinte dans sa racine, l’écriture d’Ingeborg Bachmann se révèle en un sens incapable de « roman » dans son obstination à s’affronter à cette forme. Incapable d’histoire. Son œuvre atteste de la résistance de l’écriture à se déployer dans la progression temporelle du genre. Le temps est répétition infinie de la fracture, la force de l’écrivain étant d’inscrire cette répétition dans la variation de l’écriture et de « tenir » longtemps sur cette fracture, assez parfois pour que cela se nomme roman. » « Ce n’est pas seulement le je du personnage qui est divisé mais la forme narrative elle-même. » « faire chanter le cri » (Françoise Collin , le non-né, revue europe n°892-893)
CREATION LITTERAIRE Créer un nouveau langage Le langage n’est pas donné/ acquisition Spoliation Langage inopportun Langage mauvais car construction sur des oppostions binaires car vecteur de clichés car manichéen >>Recherche formelle qui dépasse les charnières d’oppositions PAS DE SEPARATION ENTRE L ESPACE LE TEMPS LES PERSONNES LES EMOTIONS PENSEE ET GRANDE SENSUALISTE DENSITE DE LA MATIERE INVENTION DE L ECRITURE SENS MATERIALITE LEGERE ET PASSIONNELLE « SOUPR PRIMITIVE » DE MOTS ET DE SENSATIONS ESPACE NOUVEAU ET COMPLEXE LANGAGE DU SYSTEME SYMPATHIQUE SYSTEME NERVEUX ET ENDOCRINIEN La littérature doit AGIR Sentiment d’avoir le regard fixé sur l’horizon, vers un but qui s’éloigne à mesure que l’on s’en rapproche « Une livre doit être la hache qui fend la mer gelée en deux. » Kafka Littérature qui dé-range Au-delà des étiquettes, pas de comparaison stériles mais une capacité à prendre un évènement, une personne et son environnement dans une globalité où les frontières sont mobiles et floues . TRAVAIL PHILOSOPHIQUE QUI BAIGNE SON OEUVRE UBIQUITE
Un nouveau langage/// Sa gloire fut une consécration redoutable, puisqu’elle reposait, en partie au moins, sur une lecture superficielle de son œuvre lyrique : après avoir subi la poésie lapidaire et cynique de l’immédiat après-guerre, l’Allemagne de la reconstruction /Ingeborg Bachmann employait quant à elle le terme « restauration » / s’empressait de se reconnaître dans un lyrisme qui, par son intensité émotionnelle, la beauté et la richesse de sa langue, semblait si bien renouer avec la tradition. Ingeborg Bachmann est l’emblème de cette « littérature comme utopie », une pratique de l’exil et de l’engagement, celle d’une écrivaine qui fut toujours prête à dénoncer les oppressions qui agitent le monde, et en particulier les femmes. Ses poèmes et pièces radiophoniques reçoivent à la fois un succès critique et un engouement du public, et lui assurent une grande renommée dans le monde germanophone. À travers ses poèmes, elle cherche, conformément à l’objectif du Groupe 47, à renouveler le langage : on ne construit pas « un monde nouveau sans un langage nouveau ». >>>Une autre thématique se dégage: l’Amour et sa violence relationnelle inhérente, l’incommunicabilité dans le couple ; mais aussi, le tragique de l’existence féminine. >>> « un monde nouveau sans un langage nouveau ».
Le Groupe 47 devait libérer les Hommes des mots salis par les Nazis, et les aider à écrire un nouveau monde. Il servira aussi, se disent-elles, à nettoyer le langage des mots dont se servent les hommes pour parler des femmes en leur nom, et donc, usurper leur place - et taire leurs passions. C’est le début d’une tentative littéraire originale et révolutionnaire d’écrire l’Amour, que les femmes ressentent avec leurs mots à elles - non ceux fabriqués par des siècles d’auteurs masculins ce que nous montrent sur ce thème la nouvelle de Bachmann, « Ondine », dans le recueil La trentième année. En 1959, elle inaugure, comme premier professeur invité, la Chaire de Poétique de l’Université de Francfort-sur-lemain, créée par cette université pour permettre à un écrivain de langue allemande d’y exposer son « art poétique ». Des six conférences initialement prévues (de novembre 1959 à février 1960), Ingeborg Bachmann n’en donnera que cinq. Leur titre : Elle choisit d’opter pour une expérience poétique, à travers la nouvelle poésie allemand « Questions de poésie contemporaine». Elle exprime la place du narrateur et l’effacement au fur-et-à mesure du nom du héros des romans ou de l’actualisation de l’œuvre.
Ceci par la problématique : comment produire par un nouveau langage quelque chose de nouveau qu’on puisse appeler réalité.
>>>tentative littéraire originale et révolutionnaire
Un reve d’Utopie // Ingeborg invente, créée un nouveau langage, elle veut réécrire l’Histoire ; elle ne veut rester impuissante, elle veut pouvoir agir dans le réel. On pourrait penser qu’on peut y voir un paradoxe car ses histoires peuvent sembler loin de la réalité tangible de la société dans laquelle elle vit et c’est là faire fausse route. Ingeborg a un regard aiguisé sur le monde qui l’entoure, très sensible à ce qui s’y déroule, attentive aux personnes qui le peuple. Mais elle ne veut se résoudre à subir le cours de l’histoire, elle voudrait maîtriser ce flux incessant et voudrait partager sa découverte avec ceux qui seraient à même de l’écouter. Ingeborg construit cette nouvelle langue. Une langue sexuée qui relève de la singualarité de chacun, une langue qui incorpore déjà dans on essence même les douleurs d’une mémoire bafouée, une langue qui permet de se dessiller. Mais l’entreprise de l’auteure est ambitieuse et tentaculaire. Elle veut briser les frontières qui ferment la société, elle ne veut plus d’étiquettes, c’est la singularité du parcours d’un individu qui le définit, non sa classe sociale, sa langue, son sexe, son origine. Elle veut mettre en évidence des liens qui soutendent les relations entre les évènements, les personnes, les lieux. Cette circulation souterraine qui inféchie aveuglément le cours de l’histoire, elle veut le parcourir avec ses mots, le mettre au jour. Est-ce un échec ? La fragmentation et le caractère inachevé ne reflètent-t-ils pas l’insuccès effectif de la volonté de Bachmann ? Je ne pense pas, dans la mesure où l’on ressent tout au long de ses nouvelles (requiem pour Fanny Goldmann, Trois sentiers vers le lac, Franza, le Passeur...) la grande exigence qu’elle s’impose et dont sa langue peut témoigner. Son exigence pulvérise son oeuvre, mais celle-ci n’en ressort pas affaiblie. Dans le merveilleux chaos qui colore son oeuvre, le lecteur saisi au vol tel ou tel sens, il capture un personnage et tente de le suivre, de le comprendre. Ces fulgurations renforcent son oeuvre et la rendent passionnante. C’est ça le miracle de la langue de Bachmann.
Quand les frontieres s’estompent entre le sujet, l’auteur, le «tu», le «je» ... Quand on est ENTRE les personnages // « liaisons transversales souterraines » p.91 Franza ubiquité<<<<<<<< Premier plan grouillant et élastique On se situe non pas dehors des personnages, visualisant une scène, mais entre les personnages, dedans parfois : dans les gestes, les intentions, les sensations extension de personnalité Temps linéaire ABOLI // CAPILLARITE // STRATES ARBORESCENCE On ne témoigne pas de ce qui se passe/ on ressent/ on est (lecteur) prisonnier d’un corps sensuel en proie au monde qui l’entoure sur lequel il agit et qui agit à son tour sur ce corps
ARBORESCENCE + RACINES + PRISEs SCHEMA DE LA BOUTURE
« prisonnière de ce labyrinthe » (fil d’Ariane) [bchmnn >> Rilke / Klosptock classique / surréalisme] On n’est plus dans la progression d’un récit narratif mais dans une arborescence foisonnante, une pensée en ARCHIPEL constituée de fragments, de coupures, d’aller-retour, de PLIS
errance ? isolat ?
Une oeuvre inachevée/ Son
œuvre compte parmi les productions les plus remar-
quables de la littérature germanophone de la seconde moitié du
//
Sa
mort a révélé
trop tôt le caractère fondamental.
« Bachmann est cette Franza du fragment de roman qui n’arrive pas à maîtriser son histoire, sa forme », écrit Christa Wolf en 1983.
XXe siècle.
En France, cependant, elle est assez peu connue du grand public. Pour quelles raisons ? Sans doute en premier lieu parce qu’il est toujours difficile de bien traduire une langue au plus haut point poétique comme celle de Bachmann. On hésite par exemple à recommander la lecture de ses recueils de poèmes dans l’unique traduction disponible jusqu’à présent en librairie. Il faudrait qu’un éditeur ait le courage de tout reprendre et de proposer une traduction homogène et cohérente de l’œuvre tant lyrique qu’en prose, telle que Bachmann la publia de son vivant. Sans parler de ces milliers de pages qui sont restées à l’état de fragment ou d’esquisse, et dans le plus grand désordre, sans que l’auteure, du fait de sa mort prématurée, n’ait pu préciser ses intentions, un fonds considérable que même les lecteurs germanophones ne font que commencer de découvrir, après que la partie accessible aux chercheurs a été analysée, classée, ordonnée, souvent avec beaucoup de difficultés. Voilà peut-être une autre raison du succès limité jusqu’à présent d’Ingeborg Bachmann en France : on ne connaît d’elle finalement que peu de textes et son œuvre n’a pas été suffisamment présentée dans ce qu’elle a de plus passionnant : son
caractère inachevé.
Dire que l’œuvre de Bachmann est inachevée, cela ne veut pas dire bien sûr que les recueils de poèmes, pièces radiophoniques, recueils de nouvelles et le roman Malina, qui l’ont située, pour le meilleur et pour le pire, au cœur et au sommet de la littérature de langue allemande pendant vingt ans, des années cinquante jusqu’à sa mort, en 1973, ne forment pas une œuvre aboutie. Cela veut dire que « ce texte en friche dans son raffinement même inclut un inachèvement qui se présente moins comme un accident que comme un mode d’être » (Françoise Collin). En 1978, c’est-à-dire cinq ans après sa mort, grâce au travail de ses amies romaines, Christine Koschel et Inge von Weidenbaum, on découvrait pour la première fois des fragments sur son travail en éternelle gestation avec cet élan d’écriture utopique c’est-à-dire toujours en quête de ce qui, par définition, ne peut ni ne doit jamais être fixé ni définitif. Certes l’œuvre de Bachmann fut interrompue en pleine gestation, en plein vol. Mais sans doute serait-elle restée de toute façon au moins en partie fragmentaire. Le lecteur peut être dérouté par exemple par le roman resté à l’état de fragment qu’est Der Fall Franza (Franza). Ou bien il peut au contraire saisir la chance de s’immiscer, par sa lecture, entre le possible et l’impossible de la création.
Oh si je ne craignais la mort ! Si j’avais eu le mot, (ou ne l’avais manqué), si je n’avais des chardons dans le coeur, (si n’avais éteint le soleil), ni d’avidité dans la bouche, (et n’avais bu l’eau sauvage), ni ouvert les paupières, (et n’avais vu la corde), Est-ce qu’on enlève le ciel ? Si la terre ne me portait, depuis longtemps je ne bougerais plus, depuis longtemps couchée là où me veut la nuit avant qu’elle ne gonfle les naseaux et lève le sabot pour d’autres ruades, pour frapper toujours. La nuit sans cesse. Et pas de jour. (IB, poeme Curriculum Vitae)
Le passage à la prose//
A partir du début des années 1960, Ingeborg Bachmann écrit toujours de la poésie, mais se consacre de manière plus importante à la prose. La virulence de son propos, la ferveur de ses convictions et la complexité de son style apparaissent de manière plus explicite encore. La critique émettra alors quelques réserves, sans pour autant ralentir le succès commercial de ses livres qui sont des best-sellers : La Trentième année : recueil de nouvelles dont la fameuse Ondine qui est une appropriation par les mots d’une femme de cet amour dont les hommes semblaient avoir jusqu’alors le monopole littéraire / Trois sentiers vers le lac : cinq nouvelles, cinq histoires de femme à Vienne qui se heurtent à la solitude et au désespoir / Malina : premier tome de la tétratologie Genres de mort écrit à la première personne par une femme prise dans un trio masculin vertigineux).
Ne prescrivez à cette race nulle foi Ne prescrivez à cette race nulle foi, il suffit des étoiles, des navires et de la fumée, elle se place dans les choses, dans les astres certes, et dans l’infinité du nombre, un cortège surgit plus pur de tout cela, cortège d’un amour, appelons-le. Les cieux penchent fanés et les étoiles se libèrent de leurs liens avec la lune et la nuit. IB.
III -Ré-actualisée dans l’art contemporain : hommage (re-née de ses cendres)
- Relation entre poésie et art contemporain - Anselm Kiefer : peinture, strates, littérature et poésie. - Thomas Hirschorn : kioske et poétique
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e///
------------------------------------------------------------------------------------(+ artiste dont le propos est similaire, même matrice de pensée
(pas évident mais soujacent, même structure et fond et conjonction des deux sur les mêmes
terrains de la féminité, la mémoire etc.)
//Rebecca Horn // Rachel Whiteread)
Anselm Kiefer/ Sulamith, 1990. Livre plomb soudé, cheveux de femme et cendres, 64 pages, 101 x 63 x 11 cm, Collection particulière.
Représentants littéraires de la pensée novatrice/// Pour ses contemporains déjà, Ingeborg Bachmann avait quelque chose d’incompréhensible, de mystérieux. Tout un mythe se créa autour d’elle, un mythe qu’elle contribua peutêtre elle-même à façonner. Elle déconcertait, embarrassait, fascinait : qu’une femme pût réunir en elle une intelligence d’une telle acuité et un tel degré d’émotivité, de sensibilité, de sensualité et de beauté très féminines, dans les années cinquante, soixante. « Ingeborg Bachmann aurait davantage mérité le prix Nobel de littérature, elle est morte trop jeune », a confié Elfriede Jelinek aux Inrockuptibles. Dans une interview publiée en 1991, elle déclarait déjà que pratiquement aucune auteure contemporaine n’avait traité avec une telle radicalité le thème de la lutte des sexes. Dans son essai publié en 1983 « La guerre par d’autres moyens », qui livre une analyse de l’œuvre de sa consœur, Elfriede Jelinek ne disait pas autre chose. Comme toutes les œuvres qui l’ont inspirée, Ingeborg Bachmann ne s’y arrête pas : elle prend et transforme, elle aime, absorbe et recrée. L’écriture est pour elle « un acte d’amour sans cesse recommencé, passionnément, un désir de rencontre à la limite qui lie et délie ». Son œuvre est en devenir, par-delà la mort. Ce n’est pas un hasard si elle accompagne depuis longtemps trois autres éminents représentants de ce que la pensée et la littérature françaises produisent de plus novateur : Hélène Cixous, Françoise Collin et Henri Meschonnic. En effet, Hélène Cixous est une féministe française, professeure, écrivaine, poète, auteur dramatique, philosophe, critique littéraire et rhétoricienne, autant de pluralité professionnelle qu’Ingeborg Bachmann. Elle s’est fait connaître en France comme essayiste avec l’Exil de James Joyce ou l’art du remplacement (Grasset, 1968). C’est l’une des porteuses de l’idée d’écriture féminine. Elle écrit de nombreux essais sur des œuvres d’artistes notamment sur Ingeborg Bachmann.
Elle
développe une réflexion sur la féminité, l’ambiva-
lence sexuelle et le corps comme langage de l’inconscient.
Pour sa part, Françoise Collin a une position singulière dans le paysage intellectuel féministe. Elle explore le « différend des sexes », selon son expression. Quand à Elfriede Jenilek, son œuvre est difficilement lisible, écrite dans un style sec. Elle opte pour une narration omnisciente, conciliant l’expérimentation linguistique érudite avec une composition musicale et une expression brutale. Elle va parfois même jusqu’à l’absurde sur les rapports de forces socio-politiques et les répercussions sur les comportements sentimentaux et sexuels. Tout comme Ingeborg Bachmann, elle fait voire et dénonce le triomphe de l’homme sur la femme. Son roman le plus connu et le plus vendu : La Pianiste a été adapté au cinéma en 2001 par Mickael Haneke avec Isabelle Huppert, Annie Girardot et Benoît Magimel dans les rôles principaux. En 1991, elle avait également cosigné le script du film Malina de Werner Schroeter d’après un récit autobiographique d’Ingeborg Bachmann.
« Ingeborg Bachmann aurait davantage mérité le prix Nobel de littérature, elle est morte trop jeune »
Message Du vestibule céleste encore chaud de cadavres sort le soleil. Là ne sont pas les immortels, mais les morts, avonsnous ouï dire. Et la putréfaction l’éclat n’en tient pas compte. Notre divinité, l’histoire, nous a préparé une tombe d’où l’on ne ressuscite pas.
Représentation féminine chez Anselm Kiefer /// Traditions mythologiques, biblique et littéraire pour évoquer à travers différentes figures de femmes, un ensemble d’idées qu’elles incarnent. Ce sont donc par les différents aspects féminins de chacunes des héroïnes qui sont privilégiés, le sentiment qu’elles dégagent. L’histoire permet de faire jouer aux femmes qui comptent ou qui ont compté un rôle déterminant dans le travail de l’artiste. Anselm Kiefer approfondit son rapport à la mémoire, une mémoire balafrée par le drame de la Shoah. En effet, que cela soit Paul Celan qui n’eut de cesse d’interroger la langue allemande après la guerre ou pour Ingeborg, il fallait inventer une nouvelle langue. Comment se rappeler l’horreur absolue ? L’enjeu artistique pour Kiefer, Celan, et Ingeborg consiste à retrouver « le centre de gravité de cette mémoire déboussolée ». En rappelant au présent l’œuvre de ces poètes habités par une confrontation problématique du passé. Le visiteur de l’expositon est convié à un partage de mémoire. Pour MONUMENTA 2007, Anselm Kiefer dédie l’ensemble d’œuvres inédites qu’il présente dans la nef du Grand Palais aux poètes Paul Celan et Ingeborg Bachmann. Plus qu’un hommage cette dédicace témoigne d’un dialogue étroit que le peintre a noué de nombreuses années avec la poésie. Il est captivé par les femmes d’intelligence, de célébrité et de pouvoir. Il entretient un dialogue ininterrompue avec Ingeborg poétesse absolue selon lui. Notamment une fascination pour le travail d’Ingeborg. La dédicace est un geste de mémoire. En dédiant son œuvre, l’artiste inscrit d’emblée son travail dans un exercice de / remémoration /. Ingeborg est ainsi rappelée au souvenir de quiconque découvre monumenta 2007. Elle invente une nouvelle forme d’écriture pour parler d’amour. Elle souhaite créer une forme de littérature qui parle des femmes par les femmes, pas seulement de cet amour vu par les hommes.
Qui mieux qu’une femme peut formaliser la passion, l’amour, la séduction, de la « femme » ? Anselm Kiefer voue une admiration débordante pour Ingeborg. Ainsi, il donne à de nombreuses œuvres des titres empruntés de ses poèmes Fée Escarboucle (1992), La Bohème au bord de la mer (1995), Ton âge, le mien et l’âge du monde (1997), L’Orage des roses (1998), Vaisseau du soleil (1998). Le lien entre le titre et l’œuvre / la matière de nouvelles interprétations / ouvrent de nouveaux horizons de lecture et de contemplation. «Sous l’orage des roses Où nous nous dirigeons sous l’orage des roses la nuit est éclairée d’épines, et le tonnerre du feuillage, qui dans les buissons était si doux, maintenant nous emboîte le pas.»
A l’abri sous des plumes d’acier, des instruments, horloges et cadrans, interrogent l’espace, les buissons de nuages, et l’amour effleure la langue oubliée de notre cœur : brève et longue… longue… La grêle, une heure durant, bat le tambour de l’oreille qui, mal disposée envers nous, écoute et vrille. Terre et soleil ne se sont point couchés, seulement déplacés en tant qu’astres impossibles à reconnaître.
Isis et Osiris, Isis und Osiris, 1987-91. Livre, argile et boue argileuse sur photographies originales sur carton avec fil de cuivre et morceaux de céramiques, 17 doubles pages plus couverture et dos relié toile, 74 x 50 x 13,5 cm, Collection particulière.
Nous avons décollé d’un port où ne comptent retour ni cargaison ni prise. (IB, poeme Vol de nuit)
Rebecca Horn // La façon qu’a Ingeborg Bachmann de traiter des sujets de tensions entre les individus, de la rencontre électrique entre des singularités bien réelle mais relèvant beaucoup pour elle du désir, me fait beaucoup penser à l’oeuvre de Rebecca Horn, qui d’ailleurs, dans la même veine que Bachmann, ne se revendique pas sous le label estampillé «féministe» même si les sujets qu’elle aborde remettent souvent en question la vision de la femme dans notre société. Rebecca Horn emploie le vocabulaire de la poésie légère et subtile, sensuelle et existencielle comme Ingeborg noue sa relation avec les mots le long de son oeuvre rappiécée. Les pièces de Rebecca évoque deux chairs qui s’électrisent et qui se rencontrent, une tension, un duel ou les protagonistes ont tour à tour le dessus sur une situation, si dérisoire et modeste soit-elle. Les dessins executés par des subtiles rouages nus, à vif, qu’on peut scruter sans pudeur, sont des fulgurances tracées, sillonnées dans le papier avec virulence, avec parfois une violence inouïe, indecelable au premier coup d’oeil en regardant ces machines. Ingeborg témoigne de ces tensions intrinsèques aux individus, aux relations entre les personnes, de la même manière. Il s’agit moins de position politique, ou d’échanges verbaux, Ingeborg se situe dans un langage presque corporel, à la fois archaîque et d’une subitlité intense. De plus cette façon ironique et forte de capituler pour l’artiste, de laisser le sort de l’oeuvre se créer sans intervenir ; simplement en posant une situation et laisser agir sous des doigts volontaiement impuissants, donne à voir la complexité d’un acte, d’un geste, cette façon de s’abandonner tragiquement face au destin peut-être déjà tracé des personnages me rappelle éminemment Ingeborg.
Rachel Whiteread //
Dans une autre mesure, Ingeborg me rappelle beaucoup Rachel Whiteread et son rapport au souvenir, à la mémoire. Comme Ingeborg la mémoire est de l’ordre de la perception, même involontaire. La mémoire d’un lieu soudainement mis à nu et offert au regard curieux qui scrute l’empreinte matérielle d’un lieu oublié, disparu et fantomatique. Rachel Whiteread convoque la mémoire collective qui fait sens devant le renfonçement d’une porte, devant le négatif absurde d’une fenêtre moulée en béton aveugle et mat. Ingeborg quant à elle, cherche par le langage à nous questionner sur l’histoire, à son empreinte muette tant dans nos actes que dans la société que nous peuplons. Les mots, les évocations parfois les dialogues viennent convoquer nos réflexes aveugles, le sens de notre perception de l’environnemnt familier que nous ne remettons pas en question. De la même manière, ces objets si simples et courants, ces gestes tellement connus nous apparaissent sous un angle nouveau qui nous rend perplexes. Comment prendre cet évènement si proche et d’un seul coup devenu si étranger ? Elles cherchent à revisiter notre mémoire. Elles cherchent à renverser un processus : le temps qui passe et qui flétrit inexorablement tout ce qu’il touche. Posé au milieu d’un champ vide, d’un terrain vague, un endroit neutre qui fait surgir le sens profond sous couvert d’une forme dont on ne sait où est l’entrée, ou se situe la sortie, ces deux femmes nous interpellent sur la mémoire, sur l’histoire que nous nous construisons et que nos vies construisent.
PENSEE ET GRANDE SENSUALISTE DENSITE DE LA MATIERE INVENTION DE L ECRITURE SENS MATERIALITE LEGERE ET PASSIONNELLE « SOUPR PRIMITIVE » DE MOTS ET DE SENSATIONS ESPACE NOUVEAU ET COMPLEXE LANGAGE DU SYSTEME SYMPATHIQUE SYSTEME NERVEUX ET ENDOCRINIEN
Kioskes /__________________/ Potlatch Langue >>> Intégrité envers le lecteur/ regardeur : place qui lui est réservée / intégrée dans son oeuvre
Sincère
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SPONTANE
Une sorte de perte Utilisée à deux : livres, saisons, une musique. Les clés, les bols à thé et la corbeille à pain, des draps, un lit. Apporté avec nous, employé, épuisé tout un trousseau de mots, de gestes. Observé règlement intérieur. Dit et fait. Et toujours tendu la main.
IB.
Artiste qui font une place, laisse un espace de mouvement au lecteur/ regardeur Lecteur se saisit de son statut actif Mode de lecture à construire //
Thomas Hirschhorn // Les kioskes que l’artiste alloue à cette poétesse méconnue sont autant d’offrandes sacrifiées sur l’autel de la mémoire de la langue, du sens, du sensible. Hirschhorn collecte, accumule, puis donne. De la façon la plus sincère et simple possible. Il ne veut ni du décorum habituellement établi quand on rend hommage qui déshumanise l’acte de faire revivre sa mémoire. L’artiste nous fait parcourir son panthéon personnel, nous montre sa dévotion païenne de la langue. De la même manière qu’Ingeborg, il y a une forme d’intégrité dans son oeuvre, il ne veut pas farder la réalité, il veut les choses brutes et concrètes, ce qui ne retire rien à la subitilé de son oeuvre. J’aime aussi la manière Non Intrusive qu’on Ingeborg et Thomas Hirschorn de nous faire rentrer dans leur monde, nous faire voyager dans les méandres de leur pensée foisonnante et fertile. Cette politesse envers le regardeur ou le lecteur souffle sur la littérature ou sur l’art comme une respiration inespérée dans notre environnement où nous sommes sans cesse sollicités
Pour Hans Werner Henze, depuis l’époque des Ariosi. Enigme Rien n’arrivera plus. Jamais plus le printemps. Des calendriers millénaires le président à chacun.
Hotel de la paix Le fardeau des roses sans bruit tombe des murs, le terrain transparaît à travers le tapis. Le coeur lumineux de la lampe se brise. Nuit noire. Bruit de pas. Le verrou a barré la porte à la mort. IB.
Mais l’été aussi et la suite, ce que promet un mot heureux comme « estival »— rien n’arrivera plus. Ne pleure pas, il ne faut pas, dit une musique. Personne du reste ne dit rien.
Pas de délicatesses Je n’ai plus goût à rien. Faut-il que j’habille une métaphore avec une fleur d’amandier ? que je crucifie la syntaxe sur un effet de lumière ? Qui va se creuser les méninges sur des trucs aussi superflus ? — j’ai acquis un brin de raison à l’égard des mots que voilà (pour la classe inférieur)
Faim Honte Larmes et Ténèbres. Pour les sanglots non purifiés, je pourrais m’en sortir, et pour le désespoir (je désespère en de désespoir) devant l’immensité de la détresse, le taux de maladie, le coût de la vie. Je ne renonce pas à l’écriture, mais à moi. Dieu sait comme les autres savent s’aider avec les mots. Mais moi je ne suis pas mon aide. Devrai-je faire prisonnière une pensée, la conduire dans la cellule éclairée d’une phrase ? nourrir l’œil et l’oreille de bouchées de mots premier choix ? sonder la libido d’une voyelle, établir la valeur amoureuse de nos consonnes ? Faudra-t-il le crâne grêlé, et la crampe de l’écrivain dans cette main, sous la pression de trois cents nuits déchirer le papier, balayer l’opéra des mots en confettis détruisant ainsi : moi toi et lui elle ça nous vous ? (Le faut pourtant. Toi et les autres.) Ma part, il faut qu’elle se perde. IB.
Ultimes poèmes écrits par Ingeborg // quelques temps avant sa mort à Rome
Bibliographie >Lettres à Felician, Actes Sud >La trentième année, traduction M.S. Rollin, le Seuil, 1964 >Malina, traduction Philippe Jaccottet, Le Seuil, 1973 >Trois sentiers vers le lac, traduction H. Belletto, Éditions du Sorbier, 1982 >Franza, roman, traduction M. Couffon, Actes Sud, 1985 >Leçons de Francfort : problèmes de poésie contemporaine, traduction E. Poulain, Actes Sud, 1986 >Requiem pour Fanny Goldmann, roman, traduction M. Couffon, Actes Sud, 1987 >Berlin, un lieu de hasards, avec treize dessins de Günter Grass, traduction M.S. Couffin Actes Sud, 1987 >Poèmes, traduction F.-R. Daillie Actes Sud, 1989 >Le bon dieu de Manhattan, traduction de C. K¨bler, Actes Sud, 1990 >Le Passeur, traduction de M. Couffon, Actes Sud, 1993. sur Ingeborg Bachman : >Revue Europe, numéro 892-893, d’Août-septembre 2003 >Ingeborg Bachmann biographie par Hans Höller, Actes Sud 2006 >espritsnomades.com/ >Monumenta www.monumenta.com/2007 [Peinture & Arts graphiques] Lieu : Nef du Grand Palais - Paris du 30/05/2007 au 08/07/2007