Gesamtkunstwerk - A Total Work of Art

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ARTH 354 – Studies in Interdisciplinary in the Visual Arts : The Total Work of Art / Gesamtkunstwerk

Final Paper

International Student #9721274 (International Student) : Mlle CALLIGARO VICTORIA (France) Due : April 23rd 2010

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Il appartient qu’à nous de revendiquer d’appartenir à telle ou telle corporation. Ce ne sera pas le cas des artistes, urbanistes, architectes ou designer dont il sera question ici. Ces gens se sont défaits de ces labels pour explorer en terrae incognita, pour se faire éclaireur d’un no man’s land, tenus à l’écart de la pratique artistique contemporaine que nous avons l’habitude de voir entre les quatre murs blancs d’une galerie ou d’un musée. Leur travail est ailleurs. Il résulte d’un processus interne et lointain, se cristallise lors d’une rencontre. Un rendez-vous triangulaire, entre l’artiste, le regardeur et l’œuvre. Ici l’œuvre est autant que les deux autres protagonistes, une entité qui a sa propre autonomie, sa propre histoire. J’ai choisi d’articuler cette réflexion autour de figures indépendantes des mouvements radicaux (italiens et anglais) dans le champ du design des années 60-70 et de les mettre en perspective avec des artistes contemporains. Chacun des artistes dont je vais évoquer le travail − de Kim Soo-Ja à Yona Friedman (Archigram), Seth Price ou encore Ettore Sottsass (Superstudio, Memphis) ou Andrea Branzi (Archizoom) − conçoivent la production d’une œuvre non plus sur un canevas, mais sur la partition du réel.

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La feuille blanche disparaît et l’œuvre devient une sculpture de l’instant, une expérience à vivre, à partager. Dans ce changement d’état − comme il y a un changement d’état pour l’eau : tour à tour, liquide, solide ou gazeuse, ou plasma − la pratique artistique se heurte aux définitions, se réinvente une généalogie, désacralise par ici et re-sanctuarise par là. Taxés de déserteurs par les thuriféraires des acceptions classiques (de l’Art, du Design etc.), ces praticiens étirent, distendent les limites de leur champs d’action afin d’enrober leurs projets. Il s’agit pour eux de rendre visible, palpable, audible, sensible une expérience, que celle-ci se résume à une émotion fugitive ou, au contraire, une conviction politique réfléchie pendant des années. Les moyens mis en œuvre ne sont pas à choisir parmi les divers talents qui composeraient leur boîte à outils : ils sont à élire dans le réel.

Pour les artistes dont j’ai exploré le travail, le concept de Gesamtkunstwerk n’a pas pour but la réalisation d’une œuvre d’art idéale : parachevée et incorporant toutes les pratiques artistiques explorées à ce jour à l’aune d’un droit d’inventaire qui n’aurait pas de sens. Il s’agirait plus d’un dispositif de lecture, d’observation. Peut-être même pourrons nous dire, aujourd’hui, de traduction. Cette conception du Gesamtkunstwerk n’est que transitoire car le sens de ce terme ne cesse se réinventer selon les époques et les individus. Dans l’évolution de l’art de ce siècle cela peut aisément se comprendre. La notion de Gesamtkunstwerk évolue avec la pratique artistique, ses mutations, ses avancées, ses régressions, ses hybridations. D’une notion de spectacle globalisant cathartique, elle est passée à des plans urbains solidement amarrés à une doctrine totalitaire, d’un art de vivre avec ses codes et ses us, elle s’est métamorphosée en acmé d’un happening intermédia. Le Gesamtkunstwerk est donc moins une théorie à définir, qu’une attitude, une position à adopter, à revendiquer sur le terrain des pratiques artistiques.

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Une posture qui s’articule bien souvent autour de quelques axes principaux : aiguiser une acuité au réel, prélever des éléments de son environnement, sélectionner, déplacer puis intégrer et rendre actif le regardeur, construire une situation.

Aujourd’hui il ne s’agit pas pour ces artistes de produire ex nihilo, mais bien plus d’infiltrer, de pirater notre environnement. Ces nouvelles pratiques, ou plutôt pratiques réappropriées, pourraient être qualifiées de rhizomes ou virales par des penseurs comme Félix Guattari et Gilles Deleuze : « Deleuze et Guattari ne disaient pas autre chose en définissant l’œuvre d’art comme un « bloc d’affects et de percepts » : l’art fait tenir ensemble des moments de subjectivité liés à des expériences singulières […] » (1)

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Cette conception de l’œuvre d’art totale, limitée dans sa circonférence, mais pas dans la profondeur des strates qu’elle infiltre, s’initie par une observation du réel. Une attention, une acuité telle, que parfois le projet se résume à cet acte. Je prendrais pour exemple pour commencer le travail d’Ettore Sottsass, designer italien qui faisait partie du groupe de design/ architecture/ urbanisme radical Superstudio mais surtout qui a fondé le groupe Memphis dans les années 80 mais dont il ne sera pas question ici. Ses ouvrages le Regard nomade et Métaphores, catalogues d’expositions, nous montrent un travail de design uniquement sur le mode fragmentaire du dessin, de la prise photographique. Créant des dispositifs éphémères et précaires, appelés à disparaître sitôt achevés, le designer nous interroge sur la position du designer telle que nous l’entendons habituellement. « Etant designer (pour dire une chose vague), un type qui a la prétention de soumettre à la curiosité générale et peut-être au besoin général des projets de mises en scènes et autres fourbis destinés à la comédie, drame out tragédie qui se joue quotidiennement, il va de soi que je dois me documenter sur ce qui s’est passé, et sur ce qui se passe. (Peutêtre aussi, plus ou moins, sur ce qui se passera). » (2) Dans ces pièces éphémères, l’archive est d’importance équivalente avec le projet réalisé en lui-même. Il s’agit pour Ettore Sottsass, d’un travail d’archivage, notamment. Un design de l’archive. Des photographies de cimetières, de vases, de fenêtres, de ruines ; ces œuvres rendent compte de leur environnement, comment elles sont inextricablement liées à celui-ci. Scruter notre environnement, c’est adopter un point de vue, ce qui est déterminant pour la pratique du Gesamtkunstwerk. C’est ce point de vue qui détermine la jauge de l’œuvre.

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A travers ce regard pointu et positionné, l’artiste va faire des choix, et élire. C’est sa conception du Gesamtkunstwerk., qui naît de cette sélection. Ce sera par la suite au regardeur, de remonter cette filiation, d’enquêter durant le parcours de l’œuvre, sur la cosmogonie de cette appropriation de l’œuvre d’art totale. Ici j’aimerais convoquer le travail de Kim Soo-ja, artiste Coréenne, qui opère sur un réel précaire et hostile, intervenant par des performances dans des lieux précis, ou bien capturant des ambiances sonores : « I used to record the environnemental sounds » (3). Kim Soo-Ja prélève autant qu’elle investit son territoire. Dans ses performances pouvant prendre la forme d’un parcours entiers (11 jours par exemple), elle emmène avec elle des objets divers, personnels ou non, puis met en place un dispositif pour les faire interagir avec un lieu et ses occupants. Ce qui nous intéresse ici, c’est la façon dont l’artiste va choisir dans son environnement les éléments constitutif de sa pièce et comment le choix de l’environnement, du cadre, de la forme de celle-ci sont liés. De plus, ce qui éveillera notre curiosité est la manière dont l’artiste s’approprie tous les aspects ayant rapport à son œuvre. Toutes ses actions sont phagocytées, absorbées par son œuvre : prenons pour exemple, la réutilisation des emails échangés avec le curateur dans 2727 kilometers Bottari truck : 11 days performance (ci-dessous). C’est aussi en cela que nous pouvons regarder cette œuvre à travers le prisme du Gesamtkunstwerk.

Échanges entre le curator, et l’artiste Kim Soo-Ja : « − Do you see the truck as a social sculpture ? Bottari truck is a loaded self Bottari truck is a loaded others Bottari truck is a loaded meanings Bottari truck is a loaded history Bottari truck is a loaded in-between. (…)

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Bottari truck is a processing object throughout space and time locating and dislocating ourselves to the place where we am from and where we are going to » Dans cette esthétique des choix, des prélèvements nous pourrons aussi nous pencher sur d’autres œuvres de Kim Soo-Ja. Notamment un magazine mis à la disposition des passagers des vols d’Asiana Airlines. Ses interventions visent à déconcerter le regardeur, à faire émerger l’art, là où ne l’attend pas. « Asiana Airlines in-flight magazine project. Plane interesting object and site no hierarchy of spaces (museums, street, magazine..) (…) (ici Kim Soo-Ja cite Michel DeCerteau :) DeCerteau “ space is practised place (and vice versa)” » (4)

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Dans ce processus, la distinction de territoires à investir par l’artiste, les pratiques à référencer, d’objets et rites à identifier etc. s’accompagnent d’un déplacement. C’est aussi en cela que la création jaillit de cette pratique. Détourner un objet, un texte, une pratique de son but initial. Recontextualiser, trouver un nouvel environnement à une praxis et s’y inscrire pour terminer le processus. Les utopistes radicaux de la deuxième moitié du XXe siècle, en Europe et au Japon ont dévié de trajectoire les pratiques de design et d’art, dans « ce climat d’optimisme soit un bouillon de culture propice à la réémergence d’une pensée utopique, qui pense la ville comme un grand artefact obsolète et pointe l’insupportable du réel (…). » (5) Il s’agissait avant tout d’extraire ces pratiques puis de les réintroduire d’une autre manière, sur un autre ton, avec des buts différents.

Yona Friedman, figure de proue bien qu’indépendante dans ces réseaux de groupes radicaux, nous stipule dès le départ qu’il est « inutile de dessiner ou de réglementer la ville, il faut repenser son contenu et son fonctionnement » (5). Il ne faut donc pas se contenter d’objectifs à atteindre, mais bien repenser la manière d’y parvenir. Là encore il s’agit d’entreprendre la pratique artistique dans tous les aspects de sa production, jusqu’à la conception des outils de sa réalisation. Dans ce texte (5), Yona Friedman transpose, retraduit, recontextualise en se servant des traces de l’emplacement d’origine de ses prélèvements. S’agissant d’une ville, il s’agit de « déplacer », « juxtaposer », révéler des « stratégies d’émancipation » (5), des « processus d’extension » (5), des « détournements technologiques et l’appropriation du machinisme » (5) et cela « sans effacer la ville préexistante »(5) . Yona Friedman nous pointe bien que dans cette entreprise globale, la pratique du Gesamtkunstwerk. est bien à l’œuvre : c’est en mettant en perspective la production avec la construction même de ces outils, et jusqu’au sens de leur conception, que l’urbaniste/ architecte/ designer/artiste travaille (les radicaux de groupes Archigram, Archizoom, Superstudio, Global Tools etc. mettent un point d’honneur à ne jamais définir leur occupation). « C’est un entre deux, voire un entre-trois, un lieu original qui embrasse aussi bien l’architecture et l’urbanisme, que la sculpture » (5)

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De cette manière, ces projets utopistes radicaux déplacent les utopies urbaines technologiques vers des médiums précaires, susceptibles de n’être reconnus par aucune corporation. On voit alors se créer des œuvres ironiques, critiques, utilisant une « démonstration par l’absurde » infiltrant des médiums populaires, la « littérature de masse », la « bd » visant ainsi la « dissémination » (5). Des projets urbains dans le cadre de dispositifs burlesques : « Superstudio envisage le projet Les douze villes idéales, comme contre-utopie à vocation « cathartique », cauchemar urbain dont l’horreur aura pour effet d’éveiller chacun à la conscience de l’aliénation et de l’absurdité du monde environnant. » (6) Comme le précise plus tard Dominique Rouillard dans le texte sur Superstudio, il s’agit pour ces artistes de transposer cette pratique urbanistique en passe de devenir seulement l’endroit d’enjeux économiques et financiers, sur le mode du « conte » (6). Après le bouillonnement des années soixante, soixante-dix porteuses de ces projets contestataires mais sur un ton léger, les utopies sociales contemporaines ont investi d’autres territoires. Comme l’identifie clairement Nicolas Bourriaud, les artistes impliquant la forme de l’utopie préfère désormais composer avec la partition de nos rythmes quotidiens avec des instruments triviaux : « Les utopies sociales et l’espoir révolutionnaire ont laissé la place à de micro-utopies quotidiennes » (1) (Esthétique relationnelle, Nicolas Bourriaud)

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En la déplaçant, notre entendement de la pratique de l’artiste est mis à mal. On touche aux définitions préétablies − par nous-mêmes ou pas − du processus artistique. Ici commence la réelle implication du regardeur. Comme Berthold Brecht (7) interrogea un temps la position et surtout le rôle du spectateur dans une pièce de théâtre, l’artiste qui met en pratique sa propre vision du Gesamtkunstwerk, veut trouver comment intégrer et rendre actif le regardeur. De cette manière de nombreux auteurs se sont aussi exprimés, acquiesçant à cette nouvelle implication du spectateur/ regardeur/ acteur : « Burroughs, he noted, presents, “a paradigm of a future in which there can be no spectators but only participants. All men are totally involved in the insides of all men.” » (8) L’auteur revendique aussi une « subjective interpenetration », et plus généralement, il s’agissait notamment pour William Burroughs de retourner complètement une praxis, validant par là même, le déplacement vu précédemment : "taking the outside and putting it on the inside or taking the inside and putting it on the outside." (8) Gunter Berghaus, dans son texte Happenings in Europe in the '60s: Trends, Events, and Leading Figures, nous démontre force d’exemples, comment les performances de ces années furent brodées autour de la présence active du regardeur : “Performances were conceived as a means of stimulating a critical consciousness in the viewer/ spectator and, in that respect, the formula Art = Life possessed a far more concrete significance.” (9)

Pour ma part, je reprends mes exemples, cités précédemment et note comment ceux-ci ont à leurs manières, impliqué le public : Yona Friedman, par exemple, comme nombre de ses collègues radicaux, nous propose un design sur mode d’emploi, et de la même manière une architecture. De son côté Ettore Sottsass nous propose un design hic et nunc avec de que nous avons à disposition et la poésie d’un environnement, déclinable à souhait. Kim Soo-Ja nous propose de participer à une performance sur Time square, en s’asseyant et faisant l’aumône (women beggars, Kim Soo-Ja).

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Nous invitant à parcourir librement certaines œuvres, les reproduire et même les diffuser, l’artiste contemporain Seth Price (10), quant à lui, met en jeu les technologies liées à l’essor d’Internet pour impliquer le regardeur d’une nouvelle manière (devenant un curateur temporairement).

Ces artistes sont tous prescripteurs de l’acte de participation comme pierre angulaire de leurs œuvres. C’est à la condition sine qua non que l’on prenne part activement à ces partitions ouvertes que l’œuvre s’active. Le dessin, le texte ne sont que les avatars de cette œuvre d’art : un artefact en puissance. Reprenant par certains aspects la plasticité du cadavre exquis, des surréalistes, ces artistes composent des ordonnances, pharmacopée artistique de notre réalité quotidienne.

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Enfin il s’agit pour ces artistes, d’élaborer, d’élaborer un environnement, un contexte spatial et temporel. En quelque sorte il s’agit de construire une situation au sens qu’ont pu le développer les Situationnistes. Nicolas Bourriaud nous éclaire ici en réactivant cette idée de situations chère à ces artistes justement : « Le concept situationniste de « situation construite » entend substituer à la représentation artistique la réalisation expérimentale de l’énergie artistique dans les ambiances du quotidien. » (1) Ces « situations construites » pourraient aussi être observées sous la définition du « Political Street Theatre » qu’évoque Gunter Berghaus (9)

De cette façon, nous pourrions nous pencher plus précisément sur les diverses stratégies qu’ont développées les mouvements radicaux évoqués précédemment. Yona Friedman, pour sa part, élabore des utopies où les villes sont des grilles ouvertes aux interactions, et interprétations du réel de ses occupants : « la ville n’a désormais plus d’autre fonction que celle d’accueillir le jeu des initiatives et des rencontres que la structure urbaine n’a même plus pour objet de prévoir (principe n°1) » (5) Mais pour la plupart des autres groupes (Archigram, Superstudio, Archizoom etc.) « l’architecture devient action, l’attitude et l’information deviennent architecture » comme le précise Chantal Béret dans la partie intitulée « Les sixties : une décennie mythique de faiseurs d’univers ».. (5) (p.132) Il s’agit pour ces groupes de designers, au sens large, de construire un « urbanisme temporaire, transitoire, variable selon les dérives et désirs de l’homo ludens » (5) (p.133), d’appréhender « la ville dans une forme globale » (5) (p.135).

Ici l’œuvre d’art totale est le moteur principal de cette contestation : le Gesamtkunstwerk est rendu visible dans l’exercice de style qu’est la forme de l’utopie. L’œuvre d’art totale devient non seulement un microcosme potentiellement réalisable et à la portée de tous mais aussi support d’une contestation, mode d’expression à part entière :

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« le « gai savoir » d’Archigram formule autant de commentaires ironiques et implacables sur une société où cybernétique et consommation démultiplient leurs effets pour instaurer un territoire métropolitain « obsolescent, jetable, ludique, fun, préfabriqué, évolutif, juxtaposable » constitué de « nœuds, interconnexions, branchements, réseaux, flux, câbles, résilles, structures gonflables, containers, kits, caravanes, mobil-home, drive-in, robots, dômes géodésiques… » telles des machines désirantes mutant en permanence, en temps réel. » (5) (p.136). Et Andréa Branzi, figure emblématique de ce mouvement, de statuer : « (…) l’utopie n’est pas dans la finalité mais dans la réalité ». (5) (11) (p.138).

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Ainsi entre ces artistes préfigurant cette « ville-monde où l’instantanéité efface tout référent au temps local »(5) (p.139) dans les années soixante, soixante-dix, et ceux pour qui elle est devenue aujourd’hui réalité, on témoigne de la même tension fertile et créatrice pour faire exister ces projets d’œuvres d’art totales. Bien que les artistes et groupes vus précédemment ne s’en réclament pas, nous pouvons lire leur travaux avec la grille de lecture que permet le Gesamtkunstwerk. Loin des préconceptions de monumentalité, de doctrines mégalomaniaques, des parasitages du quotidien aux relents religieux ou idéologiques, l’œuvre d’art totale se décline sous forme de propositions alternatives. Farfelus ou utopiques, triviales ou poétiques, engagées ou de l’ordre du simple geste ou présence, ces œuvres ont pour trait commun de composer avec le réel. Les artistes s’y inscrivent : ils y étirent le temps, en cartographient les réseaux, en compriment l’espace. Tour à tour, collages, stratifications ou œuvre sérielle, leurs productions redéfinissent sans cesse les contours du ce concept englobant. A l’heure d’une mondialisation des cultures traçant son sillon de plus en plus profondément, et laissant par là même dans ses ornières des singularités fragiles dépérir, ces artistes nous donne à voir une recomposition de cette réalité. La poésie de ce nouveau regard posé, vient de la matière première de ces œuvres : ce quotidien même. Reprenant le Gesamtkunstwerk comme une nouvelle manière d’établir des connections, de créer de nouvelles circulations et d’improviser de nouvelles rencontres, la pratique artistique contemporaine redéfinit elle aussi ses contours, pouvant incorporer design, architecture, musiciens, et surtout se remet à graviter autour de la pratique d’un individu. Cette pratique n’est plus déterminée par la labellisation de son corps de métier, ni même par son environnement, mais bien par l’objet vers quoi son attention est portée, à un instant t. Le plasticien d’aujourd’hui est relié à sa pratique et au monde par l’interface que peut constituer le Gesamtkunstwerk ; il cultive cette attention scrupuleuse, comme le ferait un passionné d’ornithologie en forêt, ou un philatéliste cherchant son courrier : c’est un amateur. (12)

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Bibliographie

(1) Nicolas Bourriaud, « Esthétique relationnelle », ed. Presses du réel, Dijon, 1998. (ici nous pourrions aussi nous référer directement aux œuvres La révolution moléculaire, ou Mille Plateaux de Gilles Deleuze et Félix Guattari) Annexe à la pensée de Nicolas Bourriaud : - Nicolas Bourriaud, “Le Radicant”, Une esthétique radicante, ed. Denoel, Paris 2009 - Nicolas Bourriaud, « PostProduction », la culture comme scénario, ed. Presses du réel, 2004. - Nicolas Bourriaud, « GNS : Global Navigation System » (une exposition du 5 juin au 7 septembre 2003 au Palais de Tokyo, site de création contemporaine, Paris), ed Le Cercle d’art, Paris 2003 (2) Ettore Sottsass, « le Regard nomade » (exposition du 26 avril au 5 septembre 1994 au Centre Pompidou), ed. London Thames and Hudson c1996. p.203 mais aussi : - Ettore Sottsass, « Métaphores » sous la direction de Milco Carboni et Barbara Radice, ed. Skira, Milan ; ed. Seuil, Paris, 2002. - Ettore Sottsass, “Design metaphors, ed. Rizzoli, New York, 1988, c1987. (3) (4) Kim Soo-Ja, « Cities on the move : 2727 kilometers Bottari truck : 11 days performance in November 1997”, [korea], 1998 (5) Chantal Béret et Chrystèle Burgard, « Nouvelles de nulle part : catalogue d’exposition Utopies urbaines 1789-2000, Musée de Valence et Centre Pompidou 2001 », ed. Réunion des Musées Nationaux, 2001. p.131-139 et p 144 Pour la pensée de Yona Friedman, “Utopies réalisables”, Editions de l’Eclat, 2008, c2002. (6) Dominique Rouillard, Superstudio, « Nouvelles de nulle part : catalogue d’exposition Utopies urbaines 1789-2000, Musée de Valence et Centre Pompidou 2001 », ed. Réunion des Musées Nationaux, 2001. p.178

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(7) Juliet Koss, “playing politics with estranged and empathetic audiences : Bertold Brecht and Georg Fuchs”, The South Atlantic Quarterly, vol.96, no.4, 1997 (8)My Mind Split Open": Andy Warhol's Exploding Plastic Inevitable Author(s): Branden W. Joseph Source: Grey Room, No. 8 (Summer, 2002), pp. 80-107 (ici p.94) Published by: The MIT Press Stable URL: http://www.jstor.org/stable/1262609 (9) Happenings in Europe in the '60s: Trends, Events, and Leading Figures Author(s): Gunter Berghaus Source: TDR (1988-), Vol. 37, No. 4 (Winter, 1993), pp. 157-168 (ici p.162-165)

Published

by:

The

MIT

Press

Stable

URL:

http://www.jstor.org/stable/1146300 (10) Œuvres de Seth Price en ligne : http://www.distributedhistory.com/ (11) Site web http://www.medienkunstnetz.de/works/no-stop-city/ (12) amateur étymologiquement vient du latin traduisant se passionner, aimer pour qqch. +locution.

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