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DÉGUSTATIONS / DOMAINES ET ENTREPRISES
DOMAINE DU CLOS SALOMON
DU FRUIT À PROFUSION Purs, gorgés de fruit, et assez complets pour bien vieillir, les givrys premiers crus du Clos Salomon, domaine historique de la Côte Chalonnaise, sont de grands bourgognes rouges à découvrir.
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ans les années soixantedix/quatre-vingt, le Clos Salomon était réputé comme le meilleur des givrys » se rappelle Pierre, grand amateur de vins de Bourgogne. Mme du Gardin, qui conduisait le domaine de main de maître à cette époque, relativise le compliment : « la concurrence n’était pas aussi affûtée qu’aujourd’hui… » Il n’empêche. Le Clos Salomon s’affirme, depuis longtemps, comme l’un des vins (rouges) les plus complets et les plus réguliers de l’appellation givry premier cru. Une image qu’il doit à son histoire séculaire, à son terroir singulier, et au talent des femmes et des hommes qui ont conduit son évolution au fil du temps. Le Clos Salomon est un superbe vignoble de sept hectares, dédié exclusivement au pinot noir. Bénéficiant d’une exposition est/sud-est, et d’une altitude comprise entre 240 et 274 mètres, il est bordé par les premiers crus La Baraude (au sud), Clos Saint-Paul (au nord) et Grands Prétans. Il tire son nom de la famille Salomon, dont on trouve la trace à Givry dès le XIVe siècle. « Le Clos fournissait les papes d’Avignon. On sait par les archives pontificales qu’en 1375, Hugo Salomonis (Hugues Salomon) a vendu huit queues et deux poinçons de vin au souverain pontife » relate Ludovic du Gardin, cogérant du domaine avec Fabrice Perotto. Depuis 1558, le Clos appartient à la même famille, ce qui en fait l’un des plus anciens domaines laïcs de toute la Bourgogne. Géré durant de nombreuses années par Mme du Gardin, qui en prit la direction en 1977 au décès de son mari, il est depuis 1997 sous la responsabilité de son fils Ludovic, œnologue, associé à Fabrice Perotto, arrivé en 1990 comme responsable d’exploitation.
BOURGOGNE AUJOURD’HUI - N°121
Reposant sur un socle issu de l’oxfordien (trait commun aux givrys et volnays), le Clos Salomon dispose d’un terroir original, dû à son sol composé en majorité de colluvions caillouteuses apportées par une petite combe rappelant celles du nord de la Côte de Nuits. Ce sol très léger et drainant confère de la précocité aux vins, qui se signalent aussi par des acidités importantes. « Des ph de 3,15 avec des maturités supérieures à 13° ne sont pas rares » expose Ludovic du Gardin. L’âge des vignes (quarantecinq ans en moyenne) et la qualité du matériel végétal (nombreuses sélections de pinots fins, arrachage des pieds plantés dans les années soixante-dix) concourent à limiter les rendements. « En 2009, millésime le plus productif de ces dix dernières années, nous avons atteint 43 hectolitres/hectare » se souvient Fabrice Perotto. Mais en moyenne, le Clos tourne plutôt autour des 30/35hl/ha. Le domaine est conduit en lutte raisonnée, avec labours superficiels des sols depuis 1998. Il recherche la maturité phénolique optimale des baies à la vendange (manuelle et en caissettes) pour compenser leur acidité naturelle, et il se montre pointilleux sur le tri et le transport des raisins. Les macérations préfermentaires à froid, les extractions douces et les élevages d’un an en fûts, dont un tiers de fûts neufs, concourent à la production de vins remarquables de fraîcheur, de pureté de fruit, de régularité, et qui savent vieillir avec grâce. Les « petits » millésimes, tels 2000 ou 2004, sont ici particulièrement réussis et en remontreraient à beaucoup de crus plus prestigieux dans une dégustation à l’aveugle. Une démonstration -une de plus- que les meilleurs vins de la Côte Chalonnaise n’ont rien à envier à leurs voisins de la Côte-d’Or. Texte : Jean-Philippe Chapelon Photographies : Clara Gaudillère