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Du 20 mai au 3 juin 2011 -ISSN 0399 2535
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Bilan social 2010
Plus nombreux, et plus vieux
Continuité territoriale
Les groupes ont le pied marin
Essai
L’Otokar-Fast Vectio T
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Evénement
Le marché de l’électrique cherche Mobilités urbaines Du tramway à alimentation par le sol au bus à batterie rechargeable en passant par l’autopartage électrique ou les cybercars sans chauffeurs, l’offre de mobilité électrique s’est sensiblement étoffée en quinze ans. Jouant la carte du lobbying, les constructeurs sont parvenus à attirer l’attention du gouvernement sur les enjeux économiques du secteur, tandis que les gestionnaires de réseaux et les autorités organisatrices continuent massivement à faire de l’œil aux usagers. Diane-Isabelle Lautrédou
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EPUIS quelques semaines, ça bouillonne dans l’électrique. Le 8 avril dernier, la RATP dévoilait son projet d’exploiter six minibus électriques sur une ligne de quartier de Paris. Une semaine plus tard, c’est au tour de la ville de La Rochelle d’annoncer l’arrivée d’un service à la demande assuré par deux cybercars électriques sans chauffeurs. Dans un registre plus traditionnel, l’agglomération de Reims inaugurait, le 18 avril dernier, son tramway fonctionnant avec un système d'alimentation par le sol (APS) qualifié par Christian Messelyn, président de Mobilité agglomération rémoise (Mars), de “premier tramway du Grenelle de l’environnement ”. Plus qu’un fairevaloir médiatique, le nouveau mode de transport rémois est surtout destiné “ à nous permettre d’afficher un bilan carbone positif au cours
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des cinq prochaines années”, confie Christian Messelyn. Une volonté partagée par le groupe RATP qui anticipe déjà une économie de 90 % de ses rejets de CO2 grâce à l’utilisation de ces minibus “verts”. Valorisantes en terme d’image, ces expérimentations visent aussi à doper la fréquentation des transports collectifs. Si la RATP table sur un rythme de croisière de 114 000 usagers à court terme sur son service électrique, le tramway rémois promet 45 000 usagers transportés d’ici à cinq ans, soit une augmentation de 40 % de la fréquentation de ses lignes. Concurrence = baisse des prix Dans un contexte où les villes se montrent de plus en plus friandes de mobilité électrique, le véhicule hybride fait souvent office de première pierre à l’édifice. “Dans la plupart des cas, le recours à des so-
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lutions hybrides conduit les municipalités à basculer dans l’électrique”, observe Denis Benita, ingénieur au service transport et mobilité de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Une place de dauphin qui découle “de préjugés ayant la dent dure”, regrette Charlotte de Silguy, secrétaire générale de l’Association pour la promotion et le développement des véhicules électriques et hybrides (Avere). Parmi eux : son prix réputé plus élevé. “Le passage à l’électrique engendre un surcoût de 100 % à cause de la batterie qui représente déjà la moitié du coût total du véhicule”, estime Denis Benita. Pour alléger l’addition, les constructeurs semblent avoir trouvé la parade puisque “certains d’entre eux proposent une option de location de batterie”, assure Denis Benita. Une formule offrant une flexibilité susceptible d’inciter ceux qui hésitent à franchir le pas. “Comme pour
Premier autopartage “L'autopartage permet de réduire l'utilisation de la voiture. Pour un véhicule partagé, ce sont quatre à six véhicules privés qui restent au garage”, avance Véronique Paquis, adjointe au maire de Nice, chargée du développement durable. Un pari 100 % gagnant en terme d’émissions si le véhicule “partagé” est électrique, ce qui est le cas depuis le 8 avril dernier à Nice avec le nouveau service, baptisé Autobleue. Géré par le groupement Venap, composé de Veolia Transport et EDF, en délégation de service public, cette structure s’appuie sur une flotte de 51 Auto Bleues réparties dans 17 stations. Un maillage de lancement qui devrait passer à 210 véhicules et 70 stations l’an prochain. Outre son parc vertueux, l’autre originalité
électriqu
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herche l’étincelle
partage
Réactions “Notre tramway APS nous permettra d’atteindre un bilan carbone positif au cours des cinq prochaines années”, confie Christian Messelyn, président de Mobilité agglomération rémoise (Mars). “Les résultats des recherches menées par les constructeurs pourraient tirer le prix des équipements vers le bas”, estime Denis Benita, ingénieur au service transport et mobilité de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).
électrique à Nice de cette structure repose sur son organisation “en boucle fermée” puisque l’utilisateur rend le véhicule à la station de départ. Un système plus simple en matière de logistique que celui du One Way utilisé par Paris ou La Rochelle prévoyant un retour dans n’importe quelle station. Avec 41 Peugeot iOn et 10 Citroën Berlingo Venturi auxquelles s’ajouteront dès cet été de premières Mia de Heuliez, l’autonomie de la flotte varie de 70 à 150 kilomètres selon l'utilisation et la vitesse de déplacement, bridée à 130 km/h. En phase expérimentale, la municipalité a prévu de concentrer ses efforts sur l’amélioration du temps de recharge qu’elle souhaite faire passer à trente minutes pour 80 % de la batterie contre un peu moins de six heures actuellement.
tout contrat de leasing, nous leur recommandons de raisonner en terme de durée de vie et de prendre en compte la valeur résiduelle ou Total cost ownership (TCO) du véhicule intégrant notamment les postes assurance, carburant, maintenance, pneumatiques, etc.”, conseille Denis Benita. Si l’achat d’un bus électrique représente un investissement plus conséquent, “ses coûts d’entretien restent moins lourds car son moteur requiert moins de pièces détachées et le prix de l’électricité demeure plus compétitif que celui du gazole”, plaide Charlotte de Silguy. Côté technique, l’innovation devrait également faire son œuvre dans la mesure où “les résultats des recherches menées par les constructeurs pourraient tirer le prix des équipements vers le bas”, estime Denis Benita. Enfin, dernier élément qui joue en faveur du portefeuille des clients, le nombre d’acteurs en présence sur ce marché ➽
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Evénement L’offre électrique
ALVA/BREDAMENARINI Zeus
Minibus
PVI Oreos 2x et le Oreos 4x (notre photo).
Voitures
FAM F-City (Antibes et RueilMalmaison).
Peugeot Ion (Nice).
Vélos L’offre de vélo électrique est abondante. Pour s’équiper, les collectivités et/ou les entreprises font appel à des sociétés qui assurent l’installation des stations de recharge et la fourniture des cycles. Les principaux acteurs du marché sont CLEAN ENERGY PLANET ET GREEN ON
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➽ niche. “Autrefois exorbitant, le prix
de l’électrique s’est considérablement démocratisé. Plus les prestataires seront nombreux à se positionner sur ce créneau, plus les prix diminueront”, prévoit Charlotte de Silguy. L’autonomie, cause nationale Autre reproche qui colle à la peau des modes de transports électriques : un manque d’autonomie. Un obstacle qui donne du grain à moudre aux équipes de recherches des constructeurs mais aussi au gouvernement qui doit rivaliser de créativité pour accompagner les avancées sur le terrain. Par le biais de son “Livre vert” sur les infrastructures de recharge nécessaires au déploiement des voitures électriques et hybrides, remis au ministère des Transports fin avril dernier, le sénateur Louis Nègre précise le dimensionnement des infrastructures, ainsi que les modèles économiques et juridiques nécessaires à ce déploiement sous la forme d’“un véritable guide destiné aux collectivités territoriales”. Evaluant un marché du véhicule décarboné compris entre 20 à 50 milliards d’euros par an à l’échelle européenne et 7,5 milliards d’euros au sein de l’Hexagone, tout l’enjeu est donc de développer “la disponibilité d’un réseau de points de recharge suffisamment dense”. Un maillage que le sénateur estime pertinent à partir de 400 000 bornes “publiques” et de quatre millions de bornes “privées”. Face à ce constat, le gouvernement s’est donc engagé à lancer un appel à manifestations d’intérêt et à lui affecter un levier financier lui permettant de prendre en charge la moitié de l’investissement lié à la création de points de recharge de la phase pilote ouverte jusqu’en 2015. Objectifs : lever les dernières interrogations techniques, économiques et comportementales relatives à la mise en place d’un réseau intelli-
“Les bus électriques peuvent parfaitement trouver leur place sur de petits trajets réguliers.” Charlotte de Silguy Secrétaire générale de l’Association pour la promotion et le développement des véhicules électriques et hybrides (Avere).
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gent, sécurisé et performant. Une feuille de route qui réjouit la majorité des acteurs de la filière persuadés que “les bus électriques peuvent parfaitement trouver leur place sur de petits trajets réguliers”, propose Charlotte de Silguy. Financer la recherche Laissant présager des enjeux commerciaux rémunérateurs, la problématique de recharge fait l’objet de nombreux travaux de recherches dans les “laboratoires” des indus-
triels. Face à une émulation qui peut vite s’avérer gourmande en moyens financiers, certaines autorités organisatrices ou gestionnaires de réseaux ont décidé de mutualiser leurs efforts avec les constructeurs en soumettant leurs projets à l’Ademe et à son fonds démonstrateur de recherche sur les nouvelles technologies de l’énergie (NTE), doté d’un milliard d’euros par son ministère de tutelle. Recharge tous les 400 mètres via un bras articulé situé au-dessus du bus
électrique, réapprovisionnement rapide de batterie en lithium en fin de ligne, onze programmes liés à la mobilité électrique ont été mis sur les rails depuis 2008. “Nous espérons qu’au moins l’un d’entre eux sera industrialisé”, confie Denis Benita. Testé à échelle variable selon le stade d’évolution attendu par l’instigateur du projet, la commercialisation de la technologie n’est malgré tout envisagée qu’à l’issue de dix ans d’expérimentations, selon qu’il sera nécessaire de revenir sur
la recherche et/ou sur les conditions économiques. Un délai souvent mal compris sur le terrain où “les candidats se montrent assez pressés et veulent des équipements à disposition tout de suite”, constate Denis Benita. Un processus que l’Ademe respecte à la lettre pour une seconde catégorie de projets qui, même s’ils doivent répondre à des objectifs identiques, bénéficient d’un canal de financement différent puisque l’organisme est parvenu à lever un milliard d’euros supplémentaires dans le cadre du programme des investissements d’avenir du grand emprunt national. Avec 350 millions d’euros spécifiquement attribués aux recherches sur les véhicules routiers, d’autres expérimentations sont actuellement en cours d’instruction dans les murs de l’organisme. Parmi eux : un bus modulaire hybride dont la taille se réduira en dehors des pointes de fréquentation. Mais, chut… la convention n’est pas encore officialisée. ■