Les industriels intègrent la nouvelle donne ferroviaire

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18 €

Interview

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PHILIPPE BONNEVIE délégué général de l’AUTF CHRISTIAN ROSE, délégué général adjoint de l’AUTF.

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Les chargeurs exigent une véritable politique des transports

» Spécial SITL

Dossier BSH, Danone Eaux France, EDF, Kronenbourg, Procter & Gamble ...

Les industriels intègrent

P.68

la nouvelle donne ferroviaire Stratégies

Le groupe Casino optimise sa logistique en Ile-de-France

P.28

L’entreprise du mois

Jardiland construit sa logistique de A à Z P.22 JULIEN LE GAUFFRE, directeur logistique de Jardiland


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Sommaire Les industriels intègrent la nouvelle donne ferroviaire P.70 BSH assemble ses trains en Allemagne P.74 La grande ambition ferroviaire de Danone Eaux France P.76 PRB a investi un million d’euros pour passer au train complet P.78 EDF Trading Logistics davantage contraint par Fret SNCF P.79 Majestiv massifie encore plus ses trains complets P.80 Kronenbourg, un OFP en partage P.81 Procter & Gamble privilégie les grands couloirs ferroviaires européens P.82 Warsteiner, petites histoires ferroviaires du quatrième brasseur allemand P.83

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Les industriels intègrent la nouvelle donne ferroviaire La plupart des grands chargeurs français ont commencé à modifier leur logistique ferroviaire quand la SNCF a fermé des gares marchandises en 2007. Le processus s’est accéléré avec la fin de l’activité wagon isolé en 2011, et les nouveaux plans de transport ont fait la part belle aux concurrents de la SNCF. Les industriels ont donc réagi plutôt vite, parfois en investissant, à la nouvelle configuration du marché. « Le fret ferroviaire » n’a pas pour autant enrayé son déclin. Pas encore ?

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l y a juste 6 ans,le 31 mars 2006, la France ouvrait son réseau national à la concurrence dans le transport ferroviaire de marchandises. Cela signifiait, concrètement, que d’autres entreprises que la SNCF pouvaient tirer des trains avec leurs propres locomotives en France, à condition de disposer des habilitations (certificats de sécurité) délivrées à l’époque par le ministère des Transports. Il est raisonnable aujourd’hui de se


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©RFF / Giraud Philippe.

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demander ce qu’a changé cette libéralisation pour les chargeurs.D’abord, parce que ces quelques années ont été mises à profit, par ceux que l’on a appelé « les nouveaux entrants », pour prendre pied sur le marché

domestique de la SNCF devenu « l’opérateur historique ». Ensuite parce que l’année 2011 qui vient de se terminer a été le premier exercice de la nouvelle offre multilotmulticlient de Fret SNCF (service intégré de l’EPIC SNCF),qui a consacré la disparition de l’activité wagon isolé, dont la plupart des grands clients de la SNCF étaient des utilisateurs pour tout ou partie de leurs flux ferroviaires. Force est de constater que ce processus, qui avait été précédé depuis 2007 par une période d’ajustement tarifaire et de fermetures de près de 300 gares marchandises, a très fortement bousculé le marché du fret ferroviaire en France.Les chargeurs ont dû revisiter leur plan de transport de façon plus ou moins radicale, soit pour adapter leur logistique à la nouvelle configuration du service de Fret SNCF, soit pour mettre sur pied de nouvelles organisations.

©RFF

Une offre plus dynamique. Beaucoup se sont tournés vers le marché de la traction ferroviaire et ils y ont trouvé un dynamisme, une réactivité, une fiabilité, y compris dans le groupe SNCF, qui tranchent radicalement avec l’image que leur avait léguée le monopole. Ils disent trouver plus facilement des prestataires capables de leur construire une offre sur mesure,jouant si besoin

sur plusieurs registres, qu’il s’agisse de trains entiers ou de groupage de wagons sur le réseau national, de dessertes locales, internationales, voire plus marginalement de transport combiné puisque les clients de ce dernier sont d’abord les transporteurs routiers. De leur côté, compte tenu de l’importance des investissements engagés notamment pour l’achat de locomotives, les nouveaux opérateurs de traction comme ECR (groupe Deustche Bahn), Europorte (Eurotunnel) et VFLI avancent prudemment. Ils n’ont pas les moyens d’accepter des contrats insuffisamment rémunérateurs. Comme sur n’importe quel marché de prestation de service, la rencontre des deux tendances définit le domaine de pertinence du transport ferroviaire de marchandises dont les contours sont un peu différents de ceux que lui avaient assignés les discours politiques volontaristes basés sur le partage modal. À l’instar de ce qu’ont mis sur pied VFLI et Kronenbourg en Alsace, on y trouve de véritables opérateurs ferroviaires de proximité, qui n’ont pas le souci d’être perçus comme tels par les promoteurs de la doctrine OFP, en panne, pour l’instant, de projets viables. On devrait même y trouver des trains massifs rentables sur quelques dizaines de kilomètres seulement,alors que le dogme n’envisageait rien de possible en dessous de 300 à 500 kilomètres, et surtout, on peut aussi y trouver des organisations multiprestataire. La mise en place de telles solutions est affaire d’opportunité locales, et à ce titre, elles resteront probableN° 267 \\ MARS 2012 \\ LOGISTIQUES MAGAZINE

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ment peu nombreuses, mais elles sont bien d’apparition récente.

Le retour des déçus. Le transport ferroviaire attire-t-il pour autant de nouveaux clients ? La tendance ne semble pas établie. On assisterait plutôt à un retour au train d’industriels qui l’avaient quitté, à une augmentation de la part du ferroviaire chez ceux qui l’utilisaient déjà et cela, plus que par le passé avec des trains massifs, c’est-à-dire sur le segment de marché de la traction où la concurrence est la plus vive. Ces mêmes industriels n’hésistent ni à modifier leur organisation logistique ni à investir dans des infrastructures pour accueillir plus de trains. Ils se montrent aussi plus actifs dans la recherche de trafics d’équilibre et le partage de capacité. Là aussi il est beaucoup question de mutualisation. Une attente nouvelle, identifiée par certains prestataires, concerne les aménageurs de zones industrielles ou

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Beaucoup de chargeurs sont passés aux trains massifs après avoir abandonné le wagon isolé de Fret SNCF, mais ils les ont confiés à d’autres opérateurs de traction ferroviaire.

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urbaines qui améliorent leurs chances de gagner un marché en y incluant une dimension ferroviaire. Le paysage ferroviaire n’est pas bouleversé mais les modifications y sont suffisamment importantes aujourd’hui pour que l’on puisse s’interroger sur la place qu’y occupera le groupe SNCF. En 2011, la part des « nouveaux entrants » (RFF les appelle maintenant les opérateurs « alternatifs » à la SNCF) représentait un peu plus de 16 % du marché de la traction ferroviaire exprimé en millions de trains-kilomètre. Elle était de 12,5 % un an plus tôt et l’on peut considérer que l’érosion de la part de Fret SNCF va continuer, mais il n’est pas écrit que celle du groupe SNCF diminuera à due proportion. Car la SNCF n’est pas restée inactive face à la libéralisation. À partir de 2004, et surtout en 2009, elle a opéré un tri dans les trafics de son département Fret SNCF dont elle a recentré l’offre sur les trafics internationaux, sur les trains entiers

et des transports massifs en national pour de grands industriels qui ne peuvent être servis que par un groupe capable de faire jouer un effet de masse pour absorber, par exemple, d’importants effets de saisonnalité. C’est le cas de l’approvi-


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Le wagon isolé, regretté, mais remplacé. L’activité wagons

©RFF / D’ANGELO Jean-Jacques.

isolés, principal foyer de pertes de l’ensemble du groupe, a été tranformée en 2011 pour adopter un mode opératoire s’approchant des critères de production des trains entiers. L’offre a été limitée à des groupages de coupons de trains sur des axes où les trafics sont suffisants à la rentabilité du service et donc, autant que possible, équilibrés. C’est le service multilot-multiclient (MLMC), lancé au changement de service d’hiver en décembre 2010 il y a un an mais qui n’a pas séduit tout son monde. De grands clients comme Gefco n’ont pas jugé cette offre adaptée à leur besoin. En ce début d’année, Gefco a intégré la gestion de son plan de transport ferroviaire et il en a sous-traité la traction par région à trois entreprises ferroviaires alternatives. La plupart des clients de Fret SNCF de la chimie se sont adaptés à MLMC, d’autres dans l’agroalimentaire ou dans le secteur des biens d’équipement ont réorganisé leur logistique pour faire des trains entiers, augmentant la part du ferroviaire dans leurs acheminements avec ou sans Fret SNCF, mais parfois aussi avec

VFLI. Cette filiale du groupe SNCF peut être considérée comme le troisième volet de la réforme de l’activité fret ferroviaire de la SNCF. Installée sur le marché comme un prestataire alternatif,VFLI travaille dans les mêmes conditions d’emploi de la main-d’œuvre que les nouveaux concurrents de Fret SNCF qui, de son côté, continue d’employer des cheminots « au statut ». La filiale est donc en situation de gagner des appels d’offres qui ont été perdus par Fret SNCF ou le contraire. Mais c’est le marché qui choisit désormais.

De ce côté du Rhin, ce que disent au bout du compte les industriels que nous avons interrogés est assez clair : la libéralisation est en passe d’atteindre son but, tout comme la réorganisation de Fret SNCF, mais en laissant le transport ferroviaire de marchandises à sa place. En d’autres termes, Fret SNCF a recentré son offre sur des trains massifs, beaucoup d’industriels ont suivi, mais ils sont quelques-uns à avoir retiré la traction de ces trains à la SNCF.

Fret SNCF pour continuer, VFLI pour résister. Dans ce

ment, cela n’a pas sensiblement modifié le volume de marchandises confié au rail ou pas encore. Depuis la libéralisation, en effet, ce que l’on appelle le « fret ferroviaire » n’a cessé de voir ses trafics diminuer. En 2006, RFF recensait 113,6 millions de trainskilomètres de fret.En 2010 ce chiffre était de 75,4 millions de trains-kilomètres. La crise est certes passée par là mais elle a joué sur l’inclinaison de la pente de la dégringolade, pas sur la tendance. Pour mémoire,ce chiffre était de 148,5 millions de trains-kilomètres en 2002. Il est vrai que, sans même parler des difficultés de l’économie, tout n’est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes ferroviaires en France. Les « Assises du ferroviaire », clôturées le 15 décembre dernier, ont rappelé l’urgence qu’il y avait à repenser la gouvernance d’un secteur en pleine mutation et de revoir, par exemple, la répartition des rôles entre le gestionnaire de l’infrastructure et les exploitants. Enfin, l’accès au réseau se fait de plus en plus difficile sur certains axes du fait de la mise en œuvre indispensable d’un plan de régénération du réseau qui durera encore quelques années.

contexte, compte tenu des moyens respectifs des deux entités, l’avenir de Fret SNCF paraîtra radieux à quiconque serait assuré de voir la France se réindustrialiser à très court terme, notamment pour reconstituer une industrie lourde. Pour les autres,cet avenir sera plutôt caractérisé par un marché domestique évoluant de façon erratique, au rythme des besoins de très grands clients, de moins en moins nombreux, qui ne trouvent pas ailleurs qu’à la SNCF une offre ferroviaire adaptée à l’importance de leurs flux. Il reviendra à VFLI de disputer à la concurrence la partie plus dynamique de la demande de traction ferroviaire. Les exemples, les témoignages de chargeurs que nous avons recueillis racontent un peu cette histoire-là. À ce chapitre, nous avons cédé à une tendance très en vogue aujourd’hui. Dix ans après le programme « MORA C », l’équivalent de la réforme de Fret SNCF pour la Deutsche Bahn, nous sommes allés voir en Allemagne comment s’organise le transport ferroviaire d’un grand chargeur, les brasseries Warsteiner. La distance avec la situation française n’est pas si grande.

Le fret ferroviaire toujours sur la mauvaise pente. Globale-

© RFF/D’Angelo Jean-Jacques.

sionnement des centrales thermiques d’EDF qui viennent de signer un nouveau contrat avec Fret SNCF.

Les travaux d’entretien et de régénération menés par RFF dureront plusieurs années. Ils limitent la capacité du réseau sur certains axes à certaines périodes.

Luc Battais

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BSH assemble ses trains en Allemagne

Le groupe d’électroménager BSH a abandonné le wagon isolé de Fret SNCF en 2007 pour approvisionner ses entrepôts en France depuis ses sites de fabrication allemands. Le groupe assemble maintenant ses trains complets en sortie d’usine et se les fait livrer par Euro Cargo Rail (groupe Deutsche Bahn). BSH a abandonné la SNCF et le wagon isolé pour des trains très massifs confiés à ECR.

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usqu’en 2007,la machine ferroviaire était bien huilée. Le groupe d’électroménager approvisionnait en wagons isolés remplis de machines à laver, de lave-vaisselle, de réfrigérateurs… son entrepôt national de Tournanen-Brie (Seine-et-Marne) depuis cinq usines allemandes spécialisées par produit. « Nous avions dès le départ la volonté d’utiliser le trans-

DB Schenker collecte toujours des wagons isolés au départ des sites allemands mais ceux-ci sont désormais regroupés en trains complets dans la gare de triage d’outre-Rhin d’Einsiedlerhof, Gabriel Schumacher, directeur logistique France de BSH.

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port ferroviaire entre les usines d’outre-Rhin et un entrepôt français embranché fer »,explique Gabriel Schumacher, directeur logistique France de BSH. Le groupe faisait ainsi venir d’Allemagne 4 à 5 wagons par jour et même jusqu’à 80 wagons par semaine en période de pic d’activités. En Allemagne, DB Schenker (Deutsche Bahn) groupait les wagons et tractait le train entier jus-

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qu’au triage de Woippy, en Moselle, où de nouveaux trains étaient confectionnés par Fret SNCF jusqu’à la gare de triage de Gretz-Armainvilliers (Seine-et-Marne), avant d’être expédiés jusqu’à Tournan-en-Brie. « Nous avions donc à l’époque deux points de transit qui rendaient la prestation de transport ferroviaire relativement chère. Sans compter l’aspect aléatoire ou anarchique de ce mode d’approvisionnement lié à la dépendance des wagons qui nous étaient dédiés aux autres wagons du train et aux problèmes de réseau de RFF »,indique Gabriel Schumacher. BSH était néanmoins satisfait de ce plan de transport en raison de « facilités » dont lui faisait bénéficier Fret SNCF. « L’opérateur nous donnait notamment la possibilité de garder pendant 48 heures nos wagons sans frais et avait établi un système de compensation tarifaire en cas de retard », précise le directeur logistique.

150 000 € de frais de stationnement. Mais la relation commerciale entre l’industriel

et la SNCF s’est peu à peu dégradée pour atteindre son point d’orgue en 2007. « Dans un souci de retrouver une situation financière plus saine, Fret SNCF a durci ses conditions de prestations en réclamant des frais de stationnement des wagons et des frais de déchargement. Nous pouvions avoir jusqu’à 150 000 € annuels de frais de stationnement les dernières années ! Nous perdions en flexibilité avec, en plus, des coûts annexes importants », regrette-t-il. Du coup, l’industriel a radicalement changé sa stratégie de transport ferroviaire. « On est passé d’un système de wagons isolés de Fret SNCF à un dispositif de trains complets opérés par l’acteur privé Euro Cargo Rail (ECR), filiale de la Deutsche Bahn. C’était la bonne solution au bon moment car nous avions la taille critique pour faire des trains complets », indique Gabriel Schumacher. Et de préciser : « Nous n’avons pas donné suite à l’offre de Fret SNCF, qui consistait à transporter nos produits jusqu’à GretzArmainvilliers, puis par sa filiale VFLI jusqu’à notre entrepôt de Tournan-en-Brie ». Depuis 2008, BSH approvisionne ainsi depuis ses usines allemandes sa plate-forme nationale française à raison de « 2 à 3


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trains complets de 30 wagons par semaine ». DB Schenker s’occupe toujours des wagons isolés à partir des sites allemands, mais ceux-ci sont désormais regroupés en trains complets dans la gare de triage allemande d’Einsiedlerhof pour être acheminés directement par ECR jusqu’à Tournan-en-Brie.

Le multimodal en aval. La plate-forme se charge ensuite de distribuer les produits en France, soit par camions, soit par transport combiné rail/route. « Avec une seule rupture de charge et une massification de nos chargements en trains complets, notre schéma d’approvisionnement est aujourd’hui plus performant qu’auparavant, grâce à des flux ferroviaires réguliers avec lesquels on peut synchroniser les arrivées de camions », expose le directeur logistique. Mais pour accueillir des trains complets parfois de 600 m de long, BSH a dû investir notamment dans l’allongement du quai

ferroviaire de déchargement de son entrepôt national. Il l’a prolongé de 132 mètres pour atteindre aujourd’hui une longueur de 427 m.« Nous avons une véritable stratégie du rail car à chaque agrandissement de notre entrepôt, nous y avons associé le développement de notre infrastructure ferroviaire », affirme Gabriel Schumacher. Une stratégie payante puisque le système de trains complets mis en place par ECR satisfait pleinement l’industriel. « Même si à coût fixe équivalent, la prestation d’ECR n’est pas moins coûteuse que celle de Fret SNCF, on obtient en revanche une meilleure qualité de service grâce à la mise en place chez ECR d’un plan de progrès et de mesure de ponctualité, et grâce à son système de notification notamment en cas de retard des trains, que ne nous donnait pas Fret SNCF ». BSH bénéficie d’un stationnement gratuit des trains et peut infliger des pénalités à ECR sur les retards. Beaucoup de ces retards sont dus aux chantiers

de rénovation en cours sur le réseau ferroviaire français opéré par RFF et à son système rigide de réservation de sillons jugé trop rigide chez BSH.« Nous enregistrons 2 à 3 retards de trains par mois en raison des travaux. Certains trains peuvent même être supprimés ou reportés à la livraison suivante, deux jours après. Cela décale tous nos approvisionnements avec pour conséquence parfois 50 % des stocks en transit. Pour pallier ce problème, nous avons dû mettre en place un système de gestion de ruptures de stocks », s’indigne-t-il. En attendant, BSH souhaite continuer à développer ses approvisionnements par le rail et voit loin : « Lorsque la situation du transport routier ne sera plus tenable en raison des multiples taxes qui s’abattront bientôt sur cette activité, nous envisagerons d’associer un système de wagons isolés à celui actuel de trains complets », conclut Gabriel Schumacher. Bruno Mouly

Des industriels de l’électroménager contraints d’abandonner le rail Le durcissement des prestations et l’augmentation tarifaire importante de Fret SNCF dès 2007 a laissé quelques industriels de l’électroménager sur le carreau. C’est notamment le cas des fabricants Miele, Fagor Brandt et Whirlpool, qui ont dû abandonner leurs approvisionnements par voies ferroviaires en France. « La réforme du réseau de Fret SNCF à l’époque, avec la fermeture de certaines gares de triage, et l’augmentation exorbitante de ses prix de 200 %, nous ont poussés à arrêter nos approvisionnements en wagons isolés en provenance d’une usine du groupe en Italie, sur deux flux à destination de nos plates-formes de LyonSatolas et d’Orléans », regrette François Massote, directeur des opérations logistiques chez Fagor Brandt France. En fermant notamment sa gare de triage de Fleury-lès-Aubrais,

proche d’Orléans, et en montant ses tarifs en flèche, Fret SNCF a ainsi donné le coup de grâce au fret ferroviaire de Fagor Brandt. « Nous avons été obligés d’arrêter nos acheminements ferroviaires vers Orléans par manque de solutions techniques alternatives. Et ceux vers Lyon à cause d’un coût prohibitif », confirme François Massotte. Même déconvenue chez Miele. « En 2007, Fret SNCF nous a annoncé l’arrêt de l’approvisionnement par wagons isolés depuis l’Allemagne de notre entrepôt national de Lagny-le-Sec dans l’Oise », indique Bertrand de Monval, directeur de la logistique de Miele France. L’industriel a dû se retourner rapidement pour assurer ses approvisionnements et a opté pour le transport routier. « On est passé à 1 200 camions par an, mais on a perdu en flexibilité liée à la possibilité de

faire 24 h à 48 h de stocks tampon grâce aux wagons », souligne Bertrand de Monval. De son côté, Whirpool a également subi le « big bang » de la SNCF en 2007. « La réforme de fret SNCF et de Trenitalia qui collaboraient ensemble pour le transport de nos produits en wagons isolés depuis l’Italie, conjuguée au mouvement de délocalisation industrielle de notre groupe en Europe de l’Est, a contribué à diminuer nos volumes d’Italie vers nos entrepôts français, et donc atteindre une sous-capacité inadaptée à l’acheminement ferroviaire », explique Didier Lallemant, directeur supply chain de Whirlpool pour l’Europe du Nord et de l’Ouest. Le groupe a néanmoins trouvé ensuite « une solution d’approvisionnement par trains complets », mais a dû y renoncer en 2010. « Le système de trains complets ne pouvait plus répondre à la stratégie de nos clients de la

grande distribution d’accélération des livraisons sur leurs plates-formes centrales que l’on devait approvisionner beaucoup plus que les nôtres », concède Didier Lallemant. Reste que ces industriels sont toujours intéressés par l’offre ferroviaire, soit de wagons isolés, soit de trains complets. « Nous étudions la nouvelle offre de wagons isolés de Fret SNCF ainsi que celles d’opérateurs privés, mais nous ne passons pas pour l’instant à l’acte », révèle-t-il. « Notre situation bloquée ne nous empêche pas de rester ouverts à toute opportunité du rail. Le transport ferroviaire doit avoir sa place dans notre logistique », ajoute François Massotte. « La remise en œuvre du transport ferroviaire devrait cependant nous amener à revoir toute notre organisation logistique », nuance Bertrand de Monval. B.M.

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La grande ambition ferroviaire de Danone Eaux France

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a division eaux minérales du groupe Danone multiplie les initiatives et agit sur tous les fronts afin de développer le transport ferroviaire de marchandises pour son propre compte mais aussi pour celui des industriels du secteur des boissons et pour ses clients de la grande distribution. Tout d’abord, comme beaucoup de clients de Fret SNCF, Danone Eaux France a recréé un schéma logistique en 2007-2008 lorsque l’entreprise est passée d’un acheminement en wagons isolés à une organisation à base de trains complets pour ses eaux minérales d’Evian et de Volvic.À l’instar d’autres entreprises de son secteur, elle en a profité pour passer au « franco ».« Jusqu’en 2006, Fret SNCF opérait des wagons isolés pour transporter nos eaux minérales. Mais nous n’avions pas la responsabilité du transport. Nos clients grands distributeurs envoyaient des wagons sur nos usines d’Evian et Volvic, qui étaient chargés par Fret SNCF et réex-

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La division Eaux minérales de Danone mise désormais sur la massification des chargements en trains complets pour laquelle un nouveau schéma logistique a été mis en place avec des ambitions nouvelles : saturer les flux retours, doper le transport combiné rail/route et mutualiser l’utilisation des trains avec les clients de la grande distribution ou avec d’autres industriels. pédiés vers leurs destinations finales », se souvient Cyril Marniquet, directeur supply chain de Danone Eaux france. Mais lorsque Fret SNCF commence à restreindre sa prestation de wagons isolés l’année suivante, le minéralier saisit l’opportunité de l’ouverture du marché ferroviaire à la concurrence pour s’attacher, en 2008, les services de l’opérateur privé Euro Cargo Rail (ECR). « Nous avons alors pris la responsabilité du transport et avons investi

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La part du transport ferroviaire pour Evian est de 70 %.

6 millions d’euros sur notre site d’Evian pour l’adapter à l’accueil de trains complets, en ajoutant deux voies ferroviaires », explique Cyril Marniquet. L’entreprise investit également à l’époque dans la création de deux nouvelles grandes plateformes embranchées fer à Ambérieux (Rhône) et à Brétigny-surOrge (Essonne),capables,elles aussi, de recevoir des trains complets. « Nous avons complété notre maillage d’entrepôts en louant deux platesformes secondaires et saisonnières à Rennes en Bretagne, où nos activités ont démarré en 2008 et à Miramas, dans le sud-est de la France, opérationnelle depuis début 2011 »,indiquet-il. Dans ce nouveau schéma logistique, Danone Eaux France s’est efforcé « d’allonger les distances de transport pour des destinations au plus près des clients ». Depuis trois ans,ECR tracte ainsi des trains d’eaux minérales à partir des sites d’Evian et de Volvic vers ses entrepôts de Rennes, Brétigny-sur-Orge,Ambé-


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rieux et depuis plus d’un an vers Miramas. « L’ensemble des trains de Volvic et d’Evian passe par Ambérieu en région lyonnaise », précise le directeur supply chain.ECR y confectionne des trains complets qui peuvent être également expédiés vers 8 destinations en Europe (notamment au Royaume-Uni, en Allemagne et en Belgique) ainsi que vers les grands ports français du Havre et de Marseille à destination du grand export en Asie et en Amérique. « Nos flux à destination du Royaume-Uni sont acheminés par rail vers les entrepôts de Boulogne-sur-Mer et de Daventry via le tunnel sous la Manche »,glisse le dirigeant.

(Hérault), qui ne sont pas embranchés fer. « Nous allons porter à 15 % en 2012 la part de transport combiné au départ de La Salvetat, contre 10 % aujourd’hui et nous testerons le transport combiné cette année depuis le site de Badoit. Mais nous aurions besoin que les opérateurs de rail/route proposent des offres plus compétitives », souligne Cyril Marniquet. La prochaine étape de Danone Eaux France sera d’exploiter son expertise dans la gestion de

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Nous pensons augmenter de 10 à 15 % la part des retours ferroviaires à plein en nous positionnant comme un prestataire logistique proposant une offre de traction pour les importations de marchandises de nos clients distributeurs et autres industriels,

ment sur la région lyonnaise », révèlet-il. La division Eaux de Danone effectue déjà des tests avec Chep, leader mondial de services de location-gestion de palettes et conteneurs, dans les flux retour de palettes du Royaume-Uni et avec certains grossistes du réseau CHR (CafésHôtels- Restaurants) qui déposent leurs casiers vides de bouteilles sur la plate-forme de Brétigny-surOrge pour les réexpédier par trains vers Evian.

L’enjeu des trajets retour.« L’objectif global est d’at-

teindre 50 % de flux ferroviaires retour à plein », affirme Cyril Marniquet. Mais Danone ne s’arrête pas en si bon chemin. Partant des résultats d’une étude qui a constaté une diminution de 37 % du transport ferroviaire dans la logistique de l’agroalimentaire en France entre 2008 et 2010 et l’abandon des opérations ferroviaires sur la plupart des sites d’entreposage embranchés fer des distributeurs pour la brasserie, le spécialiste des eaux minérales veut mutualiCyril Marniquet, directeur supply chain de Danone ser le transport ferroviaire à desEaux France. tination de ces plates-formes pour les enseignes de la distribution. « Nous avons mené un projet de ce type avec Carrefour trains pour optimiser ses flux retours sur la plate-forme de Miramas qui sur le rail. « L’idée est d’augmenter devient le premier entrepôt mutuade 10 à 15 % la part des retours fer- lisé de consolidation aval. De plus, roviaires à plein en nous position- l’enseigne nous autorise à livrer éganant comme un prestataire logis- lement les entrepôts de ses concurtique en proposant une offre de rents à partir de Miramas. C’est une traction pour les importations de grande première ! », s’enthousiasme marchandises de nos clients distri- Cyril Marniquet. buteurs et d’autres industriels, notamB.M.

Objectif pour Volvic : 65 % de rail. Cette nouvelle organisation a entraîné une hausse sensible de la part du rail dans les transports d’eaux minérales du groupe. « En investissant sur notre site de Volvic, nous souhaitons faire passer la part de rail de 50 % à 65 %, notamment pour doper nos acheminements en trains complets vers l’Allemagne. Quant à Évian, la part du transport ferroviaire y est déjà de 70 % », expose-t-il. Au total, les flux ferroviaires de Danone Eaux France représentent 60 % de son transport global. La branche eaux minérales du groupe veut faire passer cette part à 70 %. Dans ce contexte, l’entreprise pousse aussi ses opérations de transport combiné rail/route à partir de ses deux autres sites de Badoit et de La Salvetat-sur-Agout

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MLMC pas assez flexible pour Danone « Après avoir testé cette année l’offre multilot-multiclient de Fret SNCF sur des flux anecdotiques, nous avons constaté qu’elle n’est pas, pour l’instant, suffisamment flexible pour répondre aux délais de livraison de la grande distribution. Elle est intéressante cependant, mais nous ne l’utiliserons pas tant qu’elle ne montrera pas plus de

souplesse ». Le constat de Cyril Marniquet, directeur supply chain de Danone Eaux France, est sans appel. En effet, ce nouveau service de groupage ferroviaire sur des trains d’axe proposé par l’opérateur historique depuis un an, ne semble pas approprié pour desservir les entrepôts distributeurs qui ont des exigences de délais de livraison plus courts que le

temps de transport d’une semaine que permet cette nouvelle offre de wagon isolé mutualisé. « En revanche, c’est une prestation qui semble plus adaptée à de plus petits lots de PME industrielles. Cette nouvelle offre va néanmoins dans le bon sens », nuance Cyril Marniquet. B.M.

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PRB a investi un million d’euros pour passer au train complet La PME spécialisée dans la fabrication d’enduits de façade a dû changer son organisation logistique, en privilégiant notamment un entrepôt du sud de la France lorsqu’elle est passée d’un acheminement en wagons isolés à celui de trains complets.

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n octobre dernier, PRB et Euro Cargo Rail (ECR) ont inauguré en grande pompe un nouveau service régulier de fret ferroviaire entre la MotheAchard (Vendée) et Rognac (Bouches-du-Rhône). Le train emporte des palettes d’enduits de façade à raison d’un convoi de 18 wagons par semaine, soit environ 1 000 t de produits. L’inauguration marquait la fin d’un processus au terme duquel PRB changeait de tractionnaire ferroviaire, abandonnant Fret SNCF et le wagon isolé pour des expéditions en trains comtable plate-forme régionale à parplets. « De 2008 à 2010, nous tratir de laquelle les deux autres centres vaillions avec Fret SNCF qui, trois du Canet et de Carpentras sont fois par semaine, nous mettait à dislivrés. « Notre centre de Rognac est position 9 wagons expédiés de la le plus facilement accessible, extenMothe-Achard directement vers nos sible et se situe dans une position géotrois plates-formes du Canet en Rousgraphique stratégique plus centrale sillon, de Rognac et de Carque les deux autres », souligne PRB en bref pentras, dans le sud-ouest et Joël Tesson. le sud-est de la France. Mais Produits de Revêtement du fin 2009, l’opérateur histoLes trains plus lourds Bâtiment (PRB) est une PME rique nous a annoncé qu’il sont moins chers. Le familiale créée en 1975 à la n’assurerait plus cette prestanouveau plan de transport Mothe-Achard en Vendée. tion dès l’année suivante. Il ferroviaire a nécessité pas mal L’entreprise pèse aujourd’hui nous a fallu trouver rapided’adaptation des équipements 140 millions d’euros de chiffre d’affaires et emploie ment une solution de rechange logistiques de PRB, notam280 personnes. Premier fabriqui ne pouvait pas être le transment au niveau des infracant indépendant d’enduit de port routier, en raison de la structures : aiguillages, allonfaçade, PRB s’est diversifié pénurie de camions vers la gement de quais des deux ces dernières années dans la région Paca. Nous sommes plates-formes embranchées fabrication et la commercialisation de colle de carrelage, finalement entrés en contact de la Mothe-Achard et de de peinture et de systèmes avec ECR, qui a accepté d’asRognac.« Nous avons déboursé d’isolation thermique par l’exsurer l’acheminement de nos un million d’euros pour l’amétérieur. produits mais uniquement nagement des quais », précise B.M. en trains complets »,expliqueJoël Tesson, son directeur t-il. L’organisation ECR, qui logistique. L’entreprise, qui a consiste à confectionner des trains toujours privilégié le rail, ne compte complets en regroupant deux fois pas en rester là. Elle prévoit de mas9 wagons isolés,a poussé PRB à faire sifier davantage ses acheminements de l’entrepôt de Rognac une vériferroviaires en augmentant le nombre

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de wagons sur ses trains complets. « La massification va nous permettre de baisser nos coûts de transport de produits à faible valeur ajoutée », se réjouit son directeur logistique.PRB devrait ainsi poursuivre sa politique d’investissement afin d’accueillir en 2013 des trains d’une capacité maximum d’une trentaine de wagons et de lancer de nouveaux trafics ferroviaires vers de nouvelles régions. « Ces projets, notamment dans l’embranchement fer d’autres platesformes, peuvent se concrétiser d’ici à 2015. Nous allons effectuer pour cela une étude du marché régional, car le plan de transport actuel n’est pas duplicable partout », nuance Joël Tesson. PRB aura en tout cas le soutien de RFF.Le gestionnaire du réseau ferré national souhaite accompagner le projet de massification de PRB dans le secteur de la MotheAchard. Des travaux de voie, de télécommunications et d’installations de sécurité seront réalisés en 2013, sous maîtrise d’ouvrage de RFF, permettant le plein usage du faisceau de PRB. B.M.


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EDF Trading Logistics davantage contraint par Fret SNCF

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est tout nouveau. EDF Trading Logistics a signé en janvier dernier un nouveau contrat d’un an renouvelable avec Fret SNCF, pour assurer les acheminements en trains lourds de charbon entre le terminal de Dunkerque, la centrale thermique de Blénod en Lorraine et celle de Bouchain dans le Nord.« Ce contrat, qui succède au précédent avec Fret SNCF, fait suite à un appel d’offres que nous avons lancé. Notre choix s’est à nouveau orienté vers l’offre de Fret SNCF, qui a les moyens nécessaires pour répondre à notre activité saisonnière, au détriment de sa filiale VFLI et de B Cargo qui s’étaient aussi portés candidats », explique Thierry Chator, directeur des opérations charbon chez EDF Trading Logistics. Si la filiale d’approvisionnement en combustibles

La filiale d’EDF chargée de l’approvisionnement des centrales thermiques en combustibles vient de renouveler sa confiance à Fret SNCF pour l’acheminement en trains complets de charbon dédié à des centrales de Lorraine et du Nord-Pas-de-Calais. Mais l’opérateur a durci ses conditions de prestation, tout en assurant néanmoins une bonne qualité de service. d’EDF, propriétaire des wagons, renouvelle sa confiance à l’opérateur historique, elle n’y gagne pas sur tous les tableaux. « Dans sa nouvelle offre, Fret SNCF a durci ses conditions de prestation en nous demandant de garantir des tonnages minimum annuels à transporter, car l’opérateur a besoin de réserver des sillons à l’avance à RFF sur l’année. » La SNCF réclame aussi désormais d’être payée à terme fixe.

La météo modifie la demande de trains. En clair, il s’agit désormais pour la filiale d’EDF de régler quasiment au prix du fret les ton-

nages qui viendraient éventuellement à manquer sur les volumes annoncés, un coût qui peut s’avérer important. « Nous transportons chaque année 500 000 tonnes de charbon par trains de 40 wagons, entre Dunkerque et Blénod, et 200 000 en trains de 44 wagons entre Dunkerque et Bouchain. Mais ces acheminements, qui ne s’effectuent que sur une campagne de 8 à 10 mois par an, dépendent de la météo et de la consommation énergétique nationale », précise Thierry Chator.Autre nouvelle exigence de Fret SNCF : le paiement de pénalités plus fortes en cas d’annulation des trains par le client. Si

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l’annulation intervient entre la veille et 8 jours avant l’opération,ces pénalités sont plus chères que dans l’ancien système qui consistait à fortement pénaliser les clients uniquement en cas d’annulation la veille pour le lendemain. La réciproque ne semble pas équitable puisque l’annulation par la SNCF de trains « entraîne des montants de dédommagement moindres pour le client », que les pénalités qu’elle lui inflige. Sur la réservation des sillons, Fret SNCF reste en revanche assez souple. « L’opérateur historique nous laisse un délai d’un mois à l’avance pour programmer ses sillons et peut même en réserver 15 jours avant l’opération. Dans ce domaine, VFLI était plus contraignant », confirme Thierry

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Notre choix s’est à nouveau orienté vers l’offre de la SNCF, qui a les moyens nécessaires pour répondre à notre activité saisonnière, Thierry Chator, directeur des opérations charbon chez EDF Trading Logistic.

Chator. EDF Trading Logistics « apprécie » le maintien d’une certaine souplesse dans les commandes et les annulations de Fret SNCF. « Ses prix de traction restent les mêmes sur des trajets allers pleins et retours à vide. Et sa qualité de service est toujours correcte », ajoute-t-il. Les montants de traction pour chaque train complet sont de 20 000 euros sur la ligne Dunkerque-Blénod et de 16 000 euros sur celle de DunkerqueBouchain. « C’est du même ordre de prix que le fluvial entre Rotterdam et Blénod ou Anvers et Blénod. Le rail reste donc compétitif par rapport au fluvial », conclut Thierry Chator. B.M.

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Majestiv massifie encore plus ses trains complets Le commissionnaire de transport ferroviaire céréalier en trains complets, filiale du groupe In Vivo, a massifié ses chargements en confectionnant des trains plus longs de 33 wagons, contre 22 habituellement, sur l’une de ses dessertes. Il en retire un gain économique de 15 %.

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ajestiv, commissionnaire de transport ferroviaire filiale du groupe céréalier In Vivo, achemine à l’export les tonnes de céréales du bassin de production de la région Centre vers les ports de Nantes, de Bordeaux, de La Rochelle et de Rouen. Son directeur commercial, Marc Planes, a constaté que « l’offre ferroviaire favorise aujourd’hui une plus grande massification des chargements et donc l’allongement des trains ». Majestiv n’a donc pas tardé à adapter sa logistique aux nouvelles caractéristiques de l’offre.Il y a 3 ans, le commissionnaire a fait passer ses trains de 22 à 33 wagons sur l’axe Tours-Nantes,chargés de 1 950 tonnes de céréales,contre 1 300 tonnes pour les trains plus courts. « Concrètement, 44 wagons vides arrivent régulièrement de Nantes à Saint-Pierredes-Corps, la gare de Tours, où ils

sont chargés. On en prend 33 pour faire un train complet et le réacheminer vers Nantes. On se sert ensuite des 11 wagons restants pour la rotation suivante un à deux jours après et ainsi de suite », explique Marc Planes. Résultat : Majestiv a enregistré une baisse de 15 % sur son coût du transport. « Au regard du coût logistique important sur des produits à faible valeur ajoutée comme les céréales, toute économie est bonne à prendre, souligne-t-il. Cette surmassification s’inscrit dans notre nouvelle stratégie tarifaire car nous avons pu négocier une diminution des prix de traction avec Fret SNCF, qui avait augmenté ses tarifs de 30 % depuis 2007 », ajoute-t-il.

Anticiper le manque de sillons. Surtout, on considère chez Majestiv que cette action a permis d’anticiper les risques de réduc-

Un parc en propre de 477 wagons Jusqu’en juillet dernier, Majestiv louait ses wagons au pool Transcéréales de la Compagnie de transport de céréales (CTC), qui avait la gestion d’un parc de 477 wagons appartenant à Caf Grains, filiale du groupe In Vivo. « Caf Grains a sorti cette flotte de CTC pour nous confier son exploitation en propre. Cette stratégie de moyens propres consolide celle de notre actionnaire majoritaire In Vivo, également propriétaire de coopératives et de silos portuaires à Bordeaux, Nantes, La Rochelle et Rouen », relève Marc Planes, directeur commercial de Majestiv. Le commissionnaire de transport ferroviaire de céréales est né aussi d’un montage capitalistique un peu complexe. Majestiv résulte du regroupement de deux commissionnaires, Majefi, filiale d’In Vivo, et Stiv, propriété du groupe Sodistock, détenu à 50/50 par In Vivo et Sea Invest. Lorsque le groupe In Vivo a racheté les 50 % détenus par Sea Invest, Majestiv est né. B.M.


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Kronenbourg, un OFP en partage tion du nombre de sillons alloués au fret du fait des chantiers de rénovation du réseau engagés par RFF. « Les trains de 33 wagons nous permettent de gagner un sillon tous les 2 trains », souligne Marc Planes. Malheureusement, Majestiv n’est pas en mesure de dupliquer ce type de massification sur tous ses axes de transport. « Le profil assez plat de la ligne Tours-Nantes se prête à la circulation de trains de 33 wagons. Pas ceux des axes vers Bordeaux, La Rochelle ou Rouen. Cela serait possible mais demanderait l’emploi de deux locomotives d’un coût plus important », précise-t-il. Majestiv étudie néanmoins la faisabilité de trains de 33 wagons sur l’axe région Centre-Bordeaux, notamment sur la portion entre la Charente et le grand port d’Aquitaine.En revanche, il exclut toute massification supplémentaire sur les flux en direction de l’Italie opérés actuellement par Fret SNCF, puis par Trenitalia en trains complets de 20 wagons. Au total, Majestiv transporte sur le rail près d’un million de tonnes de céréales par an, dont plus de 50 % pour son actionnaire majoritaire In Vivo et le reste pour le compte d’industriels et de coopératives céréalières, à partir de silos embranchés fer jusqu’au port d’exportations. Son seul fournisseur de traction ferroviaire en France est Fret SNCF : « On travaille depuis 30 ans avec l’opérateur historique qui a fait évoluer son offre depuis 10 ans en cherchant notamment à programmer ses flux de façon plus fiable et à imposer ainsi à ses clients un resserrement de leurs programmations de 2 à 3 mois à l’avance ». Reste que le commissionnaire n’exclut pas de faire appel à des opérateurs privés lors de ses prochains appels d’offres. B.M.

Les Brasseries Kronenbourg étaient passées du wagon isolé au train complet en 2007, en réorganisant leur logistique en France. En 2011 elles participent au développement d’un véritable OFP avec VFLI, le port de Strasbourg et quelques autres idustriels.

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usqu’en 2006 les Brasseries Kronenbourg (BK), filiale du groupe Carlsberg,expédiaient partout en France environ 10 000 wagons isolés chaque année. Cela depuis son site de production d’Obernai qui dispose d’un faisceau ferroviaire privé de 14 km. Quand,en 2007,la SNCF a annoncé la fermeture de 262 gares marchandises, le groupe a totalement remis

sa logistique à plat. Quatre platesformes régionales ont été ouvertes à Bordeaux, Paris, Rennes et Lyon, gérées par Kuehne + Nagel et desservies depuis Obernai par des navettes ferroviaires de 28 wagons. Aujourd’hui BK charge en moyenne chaque année 900 trains complets et 50 000 camions. Pour le grand export, et jusqu’en mars 2011, c’est par la route que les conteneurs rejoignaient le port fluvial de Strasbourg, à 36 kilomètres d’Obernai, pour être chargés sur des barges à destination de Rotterdam et Anvers.Mais depuis lors, les trafics à l’export ont

considérablement augmenté et c’est une navette ferroviaire proposée par VFLI qui a pris le relais. En 2011 en effet, les Brasseries Kronenbourg ont été chargées par le groupe Carlsberg d’exporter chaque année environ 5 000 conteneurs de bière sans alcool vers le Moyen-Orient. La navette ferroviaire est constituée d’un train dédié de 15 wagons (prochainement une vingtaine) emportant une trentaine de conteneurs 3 à 5 fois par semaine dans un trafic équilibré par le retour de conteneurs vides à Obernai. Il s’agit typiquement d’une prestation d’opérateur ferroviaire de proximité rendue possible par la conjonction de plusieurs facteurs indissociables. Le premier est probablement la volonté d’aboutir des intervenants que sont le service logistique de Kronenbourg,VFLI et le Port de Strasbourg. Ensuite vient l’existence de trafics locaux suffisants chez d’autres chargeurs pour soutenir économiquement l’activité de 3 locomotives, dont Kronenbourg bénéficie pour sa navette spécifique. Enfin, rien n’aurait été possible sans l’existence d’infrastructures ferroviaires opérationnelles aussi bien sur le réseau qu’en bout de ligne chez Kronenbourg et au port de Strasbourg.Au début de cette année, les Brasseries Kronenbourg avaient réalisé 109 trains sur ce trafic et expédié 3 270 conteneurs. L’objectif en 2012 est de transférer sur la navette 2 000 conteneurs supplémentaires qui transitent aujourd’hui par la route, soit un total de 8 000 conteneurs. L.B.

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Procter & Gamble privilégie les grands couloirs ferroviaires européens Le géant américain des produits d’entretien et d’hygiène a choisi de développer ses acheminements européens sur de grands corridors intermodaux transnationaux par transport combiné rail/route. Et cela sans surcoût ni baisse de qualité de service par rapport au transport routier.

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n 2008, Procter & Gamble (P&G) a entamé son tournant ferroviaire.« À l’époque, l’objectif était de tripler notre part de transport par rail en Europe et la faire ainsi passer de moins de 10 % à 30 % d’ici à 2015, sans aucun compromis sur nos coûts et services, autrement dit sans hausse de coût et sans baisse de qualité de service par rapport au transport routier », expose Didier Delmotte, son directeur des opérations supply chain en Europe de l’Ouest. Trois ans après seulement, l’objectif est atteint. Pour passer du camion à un fret ferroviaire performant, P&G a opté pour la massification de ses chargements sur de grands axes ferroviaires intermodaux européens. « L’idée était de massifier pour optimiser et rentabiliser nos capacités sur le rail et de trouver du fret de retour », ajoute Didier Delmotte. Au lieu d’adopter une démarche « ligne par ligne », P&G a misé sur les grands corridors européens au sein desquels il a mis en place des lignes régulières aller-retour de transport combiné rail/route avec des caisses mobiles. « Autour de l’axe Belgique-ItalieGrèce, à partir de notre site de Malines situé dans la Flandre belge, nous avons mis en place une ligne de ferroutage entre Dourges, au nord de la France, et Perpignan, pour desservir ensuite nos entrepôts en Espagne et au Portugal », explique-t-il. P&G affrète également des trains complets de conteneurs ou de caisses mobiles aux Pays-Bas entre le nord du pays et Rotterdam, et en Belgique de Malines vers le port de Zeebrugge. « On agit de même entre la Belgique

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Le plan de transport européen de Procter & Gamble s’organise autour de trains de transport combiné circulant sur des axes internationaux.

et le Royaume-Uni via la plate-forme intermodale de Muizen à côté de Malines », ajoute Didier Delmotte. Autres grands axes choisis : Angleterre-Belgique-Allemagne-Pologne et Allemagne-pays scandinaves.

Le transport combiné sans surcoût. Dans la plupart des cas, le groupe s’appuie sur des opéra-

teurs spécialisés comme Novatrans, P&O Ferries, ECS… Au total, le groupe transporte aujourd’hui sur le rail quelque 750 millions de tonnes kilomètres de marchandises par an ! « Plus de 5 trains complets de transport combiné circulent tous les jours en Europe sur les principaux axes que nous avons choisis. Il s’agit d’un transport ferroviaire interentrepôts du groupe », précise le directeur supply chain. Tous les trajets sont optimisés. Sur la ligne Dourges-Perpignan par exemple, P&G achemine des lessives à l’aller et des produits pour lave-vaisselle au retour. Il s’agit de rentabiliser le transport dans les deux sens, si possible tous les jours. « Nous utilisons soit les trains d’autres industriels que nous complétons en les remplissant de nos produits, shampooings, lessives, couches culottes, alimentation animale… soit nos volumes sont suffisant et nous affrétons des trains complets qui nous sont dédiés », indique-t-il. Ce nouveau schéma de transport européen n’a pas modifié l’organisation logistique européenne du groupe.Mais il a entraîné des pratiques opérationnelles plus exigeantes. « Le train force à s’organiser de manière optimale pour que les délais d’acheminement soient respectés. Cela demande des plannings plus serrés. C’est l’horloge suisse à laquelle on doit coller en coopération avec les prestataires de transport com-

Toujours du wagon isolé, mais en Allemagne Si Procter & Gamble a fait le choix du transport combiné rail/route pour l’essentiel de ses acheminements européens, l’entreprise charge aussi des wagons conventionnels en Allemagne pour quelques trafics. « Nous transportons certains de nos produits, à raison de 5 à 10 wagons isolés par semaine, entre nos usines et nos entrepôts d’outreRhin », confirme Didier Delmotte, directeur des opérations supply chain Europe de l’Ouest de procter & Gamble. Autre particula-

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rité : le groupe livre directement par transport combiné les plates-formes de son client distributeur Tesco au Royaume-Uni, alors qu’en Europe, ses acheminements intermodaux se font uniquement entre ses entrepôts. « Nous approvisionnons les plates-formes de Tesco en transport combiné rail/route depuis notre centre de distribution de Londres », explique Didier Delmotte. B.M.


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Le train force à s’organiser de manière optimale pour que les délais d’acheminement soient respectés, Didier Delmotte,

Warsteiner, petites histoires ferroviaires du quatrième brasseur allemand

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son directeur des opérations supply chain Europe de l’Ouest de Procter & Gamble.

Le quatrième brasseur allemand expédie 10 % de sa production par chemin de fer. Les opérations sont peu flexibles et encore limitées, malgré la précoce libéralisation du marché ferroviaire outre-Rhin.

E biné », affirme Didier Delmotte. En revanche, l’intermodalité n’amène pas de surcoût. « La massification des chargements ferroviaires permet même quelques économies par rapport à la route », poursuit le dirigeant.P&G compte bien poursuivre sa politique de transport et développer le fer dans les années à venir, « d’autant que le rail est plus flexible que la route, contrairement aux idées reçues », affirme-t-il. La piste privilégiée est de pouvoir mutualiser le transport ferroviaire avec d’autres industriels afin de mieux compléter les trains. « Nous avons déjà effectué une série de tests de mutualisation avec l’entreprise Baxter sur l’axe Belgique-Italie-Grèce », révèle Didier Delmotte. P&G croit ainsi dur comme fer au fret ferroviaire,moins sensible aux congestions du trafic, à la hausse du prix de l’énergie et la pression fiscale de la notion de développement durable. Seul gros frein à ce mode de transport pour des multinationales comme P&G dont les produits sillonnent l’Europe : le manque d’harmonisation des réseaux et des infrastructures ferroviaires (écartement des voies…) d’un pays à l’autre. « L’augmentation de la part du rail dans nos acheminements dépendra de l’évolution de cette harmonisation », conclut Didier Delmotte.

Le brasseur dispose de son propre portique de manutention des conteneurs. 24 conteneurs sont chargés en moins de deux heures et demie.

n Allemagne,la bière est une affaire de tradition. Pas une « pilsner » qui ne sorte des brasseries, sans se conformer au fameux « Reinheitsgbot » : un décret qui, depuis 1516, établit la stricte liste des ingrédients autorisés. En plus de 250 ans d’existence, le groupe Warsteiner n’a donc pas beaucoup fait évoluer la recette de sa bière.En revanche,la chaîne logistique du quatrième brasseur allemand (4,3 millions d’hectolitres produits l’an dernier) a connu, il y a six ans, une véritable révolution. Cette année-là, l’industriel inaugure un terminal ferroviaire ultra-

moderne sur son principal site de production à Warstein, à 80 km à l’est de Dortmund, quatre quais et surtout un immense portique à conteneurs, qui fait la fierté de Uwe Salvey,le directeur de la supply chain. « Elle est gérée par un programme informatique qu’utilisent déjà certains opérateurs du port de Hambourg », explique-t-il. Il est 7 h 00 du matin, en ce glacial vendredi de janvier.Avec la précision d’une horloge suisse, le portique saisit les conteneurs jaunes aux couleurs de la brasserie avant de les reposer en douceur sur les wagons. Les opérations de charge-

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ment sont semi-automatiques : une main sur un joystick, l’œil rivé à quatre écrans de contrôle, un seul agent suffit pour piloter la grue. En moins de deux heures et demie, les 24 conteneurs sont chargés : le train peut s’élancer en direction de Munich. En début de semaine, un premier train complet avait déjà mis le cap vers la capitale bavaroise. Deux jours plus tôt, un convoi similaire était parti pour Berlin. Chiffré à plusieurs dizaines de millions d’euros, ce terminal ferroviaire est la clef de voûte de la nouvelle organisation logistique du groupe, qui expédie désormais 10 % de sa production par chemin de fer. Jusque-là, le train était totalement absent de la supply chain. Désormais, trois trains complets, transportant chacun 24 conteneurs,quittent donc chaque semaine la brasserie. « À Munich, une partie du chargement, soit 32 conteneurs par semaine, poursuit sa route vers Verone en Italie, précise Uwe Salvey. Sur ces flux transfrontaliers, nous opérons en train partagé ».

Le train moins cher que la route. Sur ces flux, plus aucun camion ne circule.Au fil des années, le transport par voie ferrée s’est révélé plus compétitif : autour de 500 € par conteneur,quand les transporteurs routiers peuvent difficilement descendre en dessous de 700 €. La brasserie a sorti aussi sa calculette écologique : elle économise ainsi 12 000 tonnes de CO2 chaque année. Mais pour en arriver là, Warsteiner a dû faire preuve d’obstination. « En fait, le chantier a été lancé dès 1993, mais il a fallu attendre 2005 pour voir circuler les premiers trains », raconte Uwe Salvey. Au-delà des considérations écologiques, c’est aussi l’enclavement de la brasserie qui a été déterminant : le site est quasiment encerclé à une forêt et situé à plus de 20 km de la première autoroute. « À l’époque, pour rejoindre les grands axes, il fallait traverser le centre-ville de Warstein, puis rouler sur de petites routes départementales,

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se souvient Uwe Salvey. Et puis en hiver, il y avait toujours des difficultés de circulation à cause de la neige. » D’où la volonté de miser sur le train pour atteindre une partie des clients. Seulement voilà : l’embranchement ferroviaire le plus proche est alors situé à cinq kilomètres de l’établissement.Warsteiner fait donc appel à un opérateur ferroviaire de proximité semi-public : Westphälische Landes Eisenbahn (WLE). Ce dernier est chargé de construire une voie de raccordement dont il devient le gestionnaire exclusif. Un « deal » classique outre-Rhin, où il existe une longue tradition de compagnies ferroviaires locales. Comme WLE, beaucoup sont nées pendant la révolution industrielle, avec le concours actif des collectivités, désireuses d’amener le train aux portes des entreprises pour soutenir l’activité économique régionale.

sation du fret ferroviaire, survenu outre-Rhin dès 1994, a aussi facilité l’accord. Car désormais, les « shortliners » peuvent circuler audelà de leurs « frontières » et emprunter le réseau national, ouvrant de nouvelles perspectives de développement. Un argument de plus pour convaincre WLE de s’associer au projet. Pour autant, malgré ce contexte favorable, les débuts furent difficiles. « Sur la route, tous les logisticiens sont champions du monde, confie Uwe Salvey. Mais sur les rails, où l’optimisation des flux se révèle beaucoup plus complexe, nous partions de zéro ». Première difficulté : lorsqu’un conteneur quitte la brasserie, avec des fûts ou des bouteilles pleines, la limite de poids est rapidement atteinte, si bien qu’il est impossible de charger « du sol au plafond ». En revanche, sur le trajet retour, cette contrainte disparaît puisqu’il s’agit de rapatrier des consignes vides, beaucoup plus légères : il est alors possible de rentabiliser au maximum l’espace disponible dans chaque conteneur.« Du coup, quand 24 conteneurs sont nécessaires à l’aller, 16 suffisent au retour », détaille le directeur supply chain.

50% de l’ITE sont financés sur les deniers publics. D’ailleurs Warsteiner a, elle aussi, profité d’un sérieux coup de pouce des pouvoirs publics, qui ont subventionné le raccordement de la brasserie au réseau ferré à hauteur de 50 % environ. Enfin, la libérali-

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Le travail accompli par mon équipe correspond à celui d’une entreprise de transport réalisant 7 à 8 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel, Uwe Salvey,

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directeur supply chain de Warsteiner.

Du discount pour les frets de retour. Alors, pour ne pas rouler partiellement à vide, Warsteiner décide de vendre son surplus de capacité à d’autres chargeurs. Et pour les attirer, le logisticien n’hésite pas à casser les prix. « De toute façon, les wagons et les conteneurs doivent rentrer ici. Chaque chargement, même s’il rapporte peu, est donc bon à prendre », avance Uwe Salvay. Mais n’allez pas lui dire qu’il pratique le dumping : le manager affirme qu’il est obligé de se battre avec les moyens du bord. Car à sa grande surprise, il a découvert qu’il n’est pas autorisé à consulter les bourses de fret,


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range pour être la seule compagnie compétitive », tacle Uwe Salvey.Voilà qui jette un autre regard sur la libéralisation du marché ferroviaire outre-Rhin, pourtant souvent cité en exemple.

Les sillons sont trop chers.

ouvertes uniquement aux transporteurs reconnus comme tels et titulaires d’une licence en bonne et due forme. Une discrimination injuste selon lui : « le travail accompli par mon équipe correspond à celui d’une entreprise de transport réalisant 7 à 8 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel ». Aujourd’hui, le système a trouvé son rythme de croisière : les volumes ne cessent de grimper,pour atteindre un taux de remplissage situé autour de 67 %. « Nous avons transporté toute sorte de produits : des conserves, des pâtes et même des chaussures, confie-t-il. Il nous est même arrivé de devoir laisser une partie de nos propres marchandises derrière nous, car nous avions tellement de fret tiers qu’il n’y avait plus assez de place dans les conteneurs ».

43 pieds rien que pour la bière. Pour optimiser ses opérations ferroviaires,Warsteiner a aussi fait fabriquer des conteneurs sur mesure : 43 pieds, au lieu des 40 pieds standard. Quelques dizaines de centimètres cubes supplémentaires qui font toute la différence : « sur les trajets retour on peut ranger une palette de plus et ainsi utiliser tout l’espace offert. Il n’y a plus un centimètre cube d’air libre », applaudit le directeur des opérations logistiques. Autre trouvaille :

l’une des parois latérales en métal a été remplacée par une bâche amovible.Lorsqu’on la détache,le conteneur est ouvert sur toute sa longueur,ce qui permet de faire évoluer plusieurs chariots de manutention simultanément et donc d’accélérer les opérations de chargement. Reste une contrainte de taille : l’absence quasi totale de flexibilité. En Allemagne, il faut réserver les sillons un an à l’avance et les redevances d’annulation sont extrêmement élevées. C’est pour cette raison que Warsteiner a opté pour un système de train complet avec des départs hebdomadaires réguliers. Pour ne rien arranger, les relations avec WLE sont passablement tendues. Les deux parties sont même en conflit ouvert autour du prix des sillons. Propriétaire des 35 kilomètres de voies qu’il faut emprunter avant d’atteindre le réseau national, la compagnie fixe les tarifs comme elle l’entend sur ce tronçon très stratégique. Et selon Warsteiner, elle profiterait outrageusement de sa position de « porte d’entrée ». « Les tarifs sont très opaques », dénonce un collaborateur de la brasserie. De fait, les prix réclamés par WLE seraient tellement prohibitifs qu’ils dissuaderaient la concurrence de répondre aux appels d’offres de Warsteiner. « Nous subissons une situation de monopole : WLE s’ar-

Montré du doigt, l’opérateur plaide non coupable et rappelle que,contrairement à la Deutsche Bahn, il ne touche aucune subvention de l’État Fédéral pour entretenir son réseau. Pour reprendre un peu la main sur les coûts,Warsteiner a finalement décidé de réduire au maximum ses relations contractuelles avec la compagnie. Le brasseur loue ainsi lui-même ses wagons à une société de leasing suisse, « beaucoup moins chère que WLE ». Cette dernière ne fournissant ainsi plus que la locomotive et la prestation de transport. Reste que cette mésentente bride sérieusement les ambitions du brasseur. « Si les prix des sillons de WLE étaient raisonnables, nous pourrions engager un service de navettes entre la brasserie et une gare de triage de Lippstadt, pour atteindre ensuite Karlsruhe (sud) ou la Ruhr (ouest). Mais en l’état actuel des choses, cela n’est pas possible », déplore Uwe Salvey. Pour autant, le brasseur entend renforcer la part du rail dans sa chaîne logistique Pour y parvenir, Warsteiner souhaite s’implanter sur le port intérieur multimodal de Duisbourg. Une plate-forme qui lui permettrait d’expédier 1 700 conteneurs par an vers des clients régionaux situés dans un rayon de 30 km. Mais aussi 1 200 EVP vers le Benelux ou encore 1 110 conteneurs vers l’Amérique du Nord, via les ports d’Anvers ou Rotterdam, directement connectés au terminal de Duisbourg. « Nous n’en sommes qu’au début, mais nous avons déjà repéré un terrain », glisse Uwe Salvey. Si cette piste se confirme,Warsteiner expédiera, à terme, 30 % de sa production par voie de chemin de fer. Antoine Heulard

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