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LA RÉFORME ENTRE EN ACTION EXERCICE ET ACCÈS À LA PROFESSION
L’ÉTAT A MIS LE « PAQUET »
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ATTESTATION DE CAPACITÉ
LES STAGES DE FORMATION S’ORGANISENT P. 27 DISTRIBUTION URBAINE
MOYENS LÉGERS, TENDANCE LOURDE
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ACCÈS AUX CENTRES-VILLES
CONTRAINTES EN VUE P. 30
Depuis le 1er juillet, le transport léger bénéficie de sa propre attestation de capacité, délivrée après 105 heures d’enseignement et un véritable examen. L’allongement de la durée de la formation et le relèvement du niveau exigé des candidats font partie des changements majeurs dans cet univers orienté urbain. Plus élevées, les capacités financières et professionnelles requises visent à assainir le transport léger effectué avec un véhicule de deux à quatre roues d’un PTAC inférieur à 3,5 tonnes. Premier bilan sur l’entrée en vigueur du « paquet routier » détaillé dans le décret n°2011-2045 du 28 décembre dernier. RÉALISÉ PAR BENOÎT BARBEDETTE ET ANNE MADJARIAN L’Officiel des Transporteurs – N° 2652 du 6 juillet 2012
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EXERCICE ET ACCÈS À LA PROFESSION En 2011, les pouvoirs publics décidé de sévériser les conditions d’accès et d’exercice de la profession dans le secteur du transport léger public (– 3,5 t). La professionnalisation du secteur est en marche. En arrière-plan, les bonnes pratiques et la juste concurrence sont recherchées.
L’ÉTAT A MIS LE «PAQUET» aquet routier ? Dans l’univers du transport léger (qui comprend la course, l’express et la courte distance), ce texte européen apporte des changements majeurs, avec une réglementation plus drastique visant l’accès à la profession et les conditions d’exercice. Le ticket d’entrée se veut plus sévère pour les « petits patrons ». La date butoir du 30 juin vise les entreprises à qui il manquerait l’une des exigences d’accès à la profession. À l’origine, le paquet routier européen s’appuie sur trois règlements européens 1071/2009, 1072/2009 et 1073/ 2009 du 21 octobre 2009. Il a été transposé en France par décret 2011/2045 le 28 décembre 2011. Il s’applique à toute entreprise de transport, quel que soit le véhicule motorisé. L’autorisation d’exercer le métier est subordonnée à trois exigences d’honorabilité professionnelle, de capacités financière et professionnelle. Une petite révolution. « Le transport léger a longtemps été le parent pauvre, vu comme un ascenseur social. Il a besoin d’une reconnaissance réelle et sérieuse », justifie Josselyne Gillier, directeur administratif de la société TSM (42) et membre de la Commission Transport Léger de la FNTR. Détaillé dans le décret n°2011-2045, le nouveau cadre remet à plat les « exigences d’honorabilité, de capacités professionnelle et financière, et les conditions d’établissement imposées aux chefs d’entreprise », souligne Stéphane Choquet, président du syndicat national des transports légers (SNTL), affilié à TLF, également patron de la société Défense 2000
Courses (92). Plusieurs dispositions sont entrées en vigueur au 1er janvier. Telle la capacité financière et les montants exigibles (voir l’arrêté du 3 février). Les transporteurs légers publics doivent justifier de leur niveau de capitaux propres auprès des DREAL, sur la base de 1800 euros pour le premier véhicule et de 900 euros pour les véhicules suivants mis sur la route (rappelons qu’elle est de 9 000 euros pour le premier véhicule et de 5 000 € pour les suivants dans le transport de + 3,5 t). « L’inscription au registre des transporteurs et le contrôle des copies conformes vont professionnaliser le sec-
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Hasard ? Frédéric Cuvillier, nouveau ministre des Transports, a rendu sa première visite à une entreprise (Star’s Service) spécialisée dans le transport léger en zone urbaine au début juin.
teur des – 3,5 t. Nous devons accompagner et aider ceux qui restent », confirme Luc Serveau, de la FNTR. « Nous avons, en effet, noté une augmentation du nombre d’adhésions, indique Cathy Blanc, déléguée générale du SNTL (syndicat qui tiendra son assemblée générale le 26 janvier prochain). Il y a de nombreux questionnements. Des chefs d’entreprise préfèrent adhérer à un syndicat car ils savent qu’ils doivent se conformer à la nouvelle réglementation ». « Il fallait tirer cette profession vers le haut et l’assainir. C’est une vraie avancée », assène Amaury de Turckheim, dirigeant de SVP Transport (92), qui compte 90 salariés et 300 sous-traitants, et administrateur du SNTL.
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Le monde de la course et des deux-roues (ici chez Novea) n’est pas épargné par la nouvelle réglementation.
HONORABILITÉ PROFESSIONNELLE L’exigence d’établissement, à compter de deux véhicules, est une autre obligation. C’est-à-dire que l’entreprise doit disposer
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en France de locaux abritant des documents, des équipements administratifs et un centre d’exploitation. Dans ce siège, bureau ou cette agence, elles doivent conserver les documents réglementaires obligatoires. Le dispositif doit mettre fin aux seules « boîtes à lettre » et adresses fictives. Autre obligation depuis le 1er juillet : la formation professionnelle des entrepreneurs. Le stage passe de 70 à 105 heures, à compter du 1er juillet, dont la moitié du temps consacrée à la gestion financière. L’idée est de donner des bases de gestion et de comptabilité aux nouveaux dirigeants. « Le calcul d’un prix de revient et la connaissance de la réglementation sociale sont deux domaines majeures pour la formation. Il y aura fort à faire dans cette population de petites entreprises, de deux ou trois salariés », assène Amaury de Turckheim. Pour la formation des conducteurs, la mise en pratique s’annonce plus délicate et sensible.
Synthèse des principales nouveautés applicables en 2012 AVANT
APRÈS
■ Trois
exigences d’accès à la profession : honorabilité professionnelle, capacités financière et professionnelle.
■ Attestataire
de capacité.
à l’exigence de capacité professionnelle par examen ou par reconnaissance de l’expérience professionnelle ou par équivalence de diplôme.
■À
ces exigences s’ajoute celle d’établissement en France.
■ Gestionnaire
■ Satisfaction
■ Satisfaction
■ Justificatif
■ Attestations
■ Entreprises
■ Entreprises
■ Capacité
■ Capacité
de capacité professionnelle pour le transport de marchandises avec des véhicules de – 3,5 t de PMA délivré après le suivi d’un stage. de transport tenues d’envoyer leur bilan uniquement sur demande écrite de l’administration et de lui adresser par an une fiche de calcul de leur capacité financière. financière pour les transporteurs (véhicules de – 3,5 t) : 900 € pour tous les véhicules.
de transport.
à l’exigence de capacité professionnelle principalement par examen. Accès direct par diplôme figurant sur liste fermée.
de capacité professionnelle délivrées après formation et examens spécifiques pour le transport de – 3,5 t.
de transport tenues d’envoyer leur liasse fiscale chaque année.
financière pour les transporteurs (véhicules de – 3,5 t) : 1 800 € pour le premier véhicule puis 900 € pour les suivants.
« À PARIS, À LYON, À MARSEILLE, LE TRAVAIL ILLÉGAL EST UNE RÉALITÉ.» Concernant l’honorabilité professionnelle, elle est rejetée quand sont mentionnées des condamnations au bulletin n°2 du casier judiciaire (prononçant une interdiction d’exercer une profession commerciale ou industrielle) et pour des délits mentionnés dans les textes applicables à la profession. Elle n’est pas reconnue également en cas de contraventions répétées au Code de la Route ou au Code des Transports. Avec la nouvelle réglementation est apparu le « gestionnaire de transport ». Le terme désigne le titulaire de la capacité financière, porteur de l’honorabilité professionnelle. C’est une nouveauté (voir tableau). Le métier de transporteur léger se dirige tout droit vers la « professionnalisation ». Y compris dans l’univers urbain, lieu de certaines dérives. « À Paris, à Lyon, à Marseille, le travail illégal est une réalité », dit-on à la FNTR. « Le simple justificatif de capacité était devenu insuffisant », note Josselyne Gillier. Les organisations professionnelles (FNTR, OTRE et SNTL) ont salué cette évolution. « C’est aussi une façon de sensibiliser les donneurs d’ordres à leur coresponsabilité », dit-on au SNTL. Les contrôles sont attendus sur le terrain. C’est un euphémisme. Ils doivent lll (suite p. 26)
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porter sur l’inscription au registre du transport routier de marchandises pour compte d’autrui, les documents obligatoires à bord du véhicule, le livret individuel de contrôle. Avec en ligne de mire les éventuelles surcharges et la lutte contre le travail dissimulé. Deux travers notoirement connus dans le transport léger. ATTESTATIONS DÉCLARATIVES De ce point de vue, l’impact du décret n° 2011-1601 du 21 novembre 2011 est majeur. Entré en vigueur le 1er janvier, il vise à améliorer les informations dont disposent les donneurs d’ordre pour s’assurer du respect du droit du travail par leurs sous-traitants et… à renforcer la lutte contre le travail dissimulé. Liées à l’art. L243.15, les attestations déclaratives (réalisables on-line), que les entreprises sous-traitantes doivent produire à leurs donneurs d’ordre, font référence au respect des obligations en matière de déclarations sociales et aussi au paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale. Ce qui doit limiter les cas de recours par les donneurs d’ordre, à des sous-traitants qui ne respecteraient pas le droit du travail. « Le nouveau dispositif des déclarations trimestrielles ou semestrielles et de l’attestation Urssaf est un bon moyen de contrôler la masse sa-
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Stéphane Choquet, président du SNTL, lors de la dernière AG en janvier à Paris. Le syndicat revendique 200 adhérents.
lariale, le nombre d’heures facturées et le nombre de salariés. Nous appelons à la vigilance des entreprises sur ce sujet qui touche aux cotisations et contributions de sécurité sociale », assure Cathy Blanc. Faut-il rappeler que dans le transport routier léger et la course, le « poids » de la sous-traitance dépasse 50 % de l’acti-
16 000 ENTREPRISES ET 60 000 VÉHICULES Selon les données des organisations professionnelles et du ministère des Transports, le transport léger pour compte d’autrui effectué avec un véhicule motorisé de deux à quatre roues de – 3,5 t regroupe plus de 16 000 entreprises, représentant « seulement » 60 000 véhicules environ et autant d’emplois. Avec un poids financier de l’ordre de 4 Md€, il représente 10 % du chiffre d’affaires et près de 20 % des effectifs du TRM pour compte d’autrui, tous tonnages confondus. La profession concentre à peine 1 % des véhicules utilitaires légers immatriculés en France
(5,8 millions d’unités) dont la quasi-totalité est exploitée en compte propre (transport et hors transport). L’évolution du cadre réglementaire coïncide avec la transformation profonde des besoins de transport, en zone urbaine en particulier. « Développement des ventes du commerce électronique, étalement urbain et nouvelles conditions d’accès aux villes plus restrictives en termes de taille de véhicules et d’horaires » favorisent le secteur en stimulant la demande de transport léger selon Lucas Charmel. S’ajoutent des choix logistiques déjà anciens autour de la réduction des stocks et la pratique
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du juste à temps par les entreprises. Prépondérante dans le transport léger, la part du compte propre offre également un gisement d’activité très important par externalisation. Elle est en effet composée « d’un nombre élevé d’entrepreneurs individuels ou de petites entreprises sans organisation commerciale et comptable ». Capable d’exploiter à son profit le jeu de la concurrence, la demande est mieux structurée autour de commissionnaires, expressistes, messagers, gros transporteurs (70 % des donneurs d’ordres environ), et de chargeurs en direct (30 %). E.D.
vité ! Dans les faits, le secteur a toujours été vu comme un « terrain » de promotion sociale, attirant des « nouveaux entrants » peu formés, constituant une population atomisée. Ce contexte a généré des pratiques de sous-tarification et le travail clandestin, aujourd’hui dans le collimateur. De même que le régime d’auto-entrepreneur qui ne dispense ni de l’obligation d’inscription aux registres RCS ou RM et des transporteurs de marchandises tenu par les DREAL, ni de l’attestation de capacité de transports légers à compter du 1er juillet 2012 (ou de l’actuel justificatif de capacité), ni, enfin, aux exigences d’honorabilité, de capacité financière ou d’établissement. « Le régime fiscal d’auto-entrepreneur n’est pas fait pour le métier de transporteur public de marchandises tant en raison du Code de commerce que des textes d’application de la LOTI », dit-on à la FNTR. Pour juguler le risque, le SNTL met en avant « son » attestation de compétences et « sa » charte de qualité, validées après vérification de divers documents (licences de transport, attestation de capacité, attestation URSSAF, assurance RC, déclaration sur l’honneur…). Le but : permettre d’identifier les transporteurs légers qui respectent les réglementations professionnelles, sociales et fiscales. « Le dernier kilomètre est le souci de toutes les villes. Les transporteurs légers doivent être incontestables », assure Josselyne Gillier. Pour Amaury de Turckheim, l’impact de cette grande réforme pourrait être double : hausse des prix de transport et raréfaction des sous-traitants. ◆ B. B.
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LES STAGES DE FORMATION S’ORGANISENT ATTESTATION DE CAPACITÉ. Très axés sur la gestion financière, les stages préparant à l’attestation de capacité transport léger démarreront à la rentrée de septembre. Objectif : professionnaliser les futurs dirigeants. ’est fait. Depuis le 1er juillet 2012, le transport léger a sa propre attestation de capacité délivrée après 105 heures d’enseignement et un véritable examen, organisé par le centre de formation et validé par un jury associant notamment des professionnels et la DREAL (1). Elle remplace le justificatif de capacité dont la délivrance sanctionnait essentiellement l’assiduité de son détenteur au stage de 70 heures. D’où un taux de réussite qui atteignait les 90 %. L’allongement de la durée de la formation et le relèvement du niveau exigé des candidats ont été voulus par les représentants professionnels. L’administration La durée de formation de l’attestation de capacité transport léger va être des Transports a lié la révision allongée et le niveau exigé des candidats relevé. du dispositif à l’entrée en vigueur du « paquet routier » sur douzaine de dossiers, a reçu le trans : « l’ancien système était l’accès à la profession. De dis- premier agrément, pour son vraiment trop léger sur ce chapicussions en validations du réfé- centre francilien, le 28 juin. tre alors que savoir établir un coût rentiel ou du cahier des charges, « Nos premiers stages seront ou- de revient constitue un minimum les choses se sont un verts dès le mois de sep- pour un futur chef d’entreprise ! ». peu bousculées au « BLENDED tembre dans pratiqueprintemps pour les or- LEARNING » ment chaque région de TRAVAIL COLLABORATIF ganismes de formation : « les France, proposant ainsi une offre À vouloir relever le niveau d’exiderniers textes bouclant le dis- de proximité, indique l’Aft-Iftim. gence, la barre n’aurait-elle pas positif de mise en œuvre de l’at- Quant au service TFTL spécialisé été placée un peu haut au regard testation de capacité Transport dans la formation à distance et du niveau général des candiLéger sont parus à la fin avril », en @learning, il prépare pour la dats ? Eliane Rakotomanana ne rappelle Philippe Loubière, di- rentrée de janvier 2013 une offre le pense pas : « Tout dépend de recteur de l’Institut pédagogi- en “blended learning”, combi- la manière dont ils sont formés que du transport et de la logisti- nant une formation à distance à l’épreuve et de la façon dont que (IPTL) du groupe Aft-Iftim. individualisée et quatre journées sont formulées les questions ». de regroupement avant l’examen « La DGITM a organisé de nomPRIORITÉ DONNÉE À final ». breux groupes de travail et les féLA GESTION FINANCIÈRE Sur le plan pédagogique, la ré- dérations professionnelles ont Dans la pratique, la nouvelle or- forme renforce notablement le exprimé leurs attentes en maganisation sera donc effective volet consacré à la gestion finan- tière de connaissances devant en septembre. Le temps que les cière qui occupe la moitié du être maîtrisées et validées à l’isDREAL instruisent les dossiers temps de formation (52 heures). sue de la formation. L’Aft-Iftim a d’agrément présentés par les Une bonne chose aux yeux de apporté son expertise d’ingéniecentres de formation. Forget Éliane Rakotomanana, respon- rie pédagogique pour la formaliFormation, qui a déposé une sable pédagogique de Promo- sation du programme. Ce résul-
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tat est donc le fruit d’un travail collaboratif », note pour sa part Philippe Loubière. La formation est sanctionnée par un examen de trois heures (QCM et sujet rédigé), se déroulant dans le centre de formation lors de la dernière demi-journée. Chaque centre disposera d’une banque de questions. Élaborées sur la base d’un référentiel commun à tous les organismes, elles feront l’objet d’un tirage aléatoire. La constitution de cette base de données n’a pas été des plus simples, sachant que chaque centre ne peut soumettre deux fois la même batterie de questions sur la durée de son agrément, soit cinq ans, conformément au cahier des charges. La correction de l’épreuve sera assurée par un formateur qui n’a pas dispensé la formation. Loïc Lelièvre, directeur technique de Forget Formation, se dit satisfait du système retenu : « Le précédent ne l’était pas dans la mesure où nous étions juges et parties ». Dans le nouveau dispositif, les notes des candidats seront envoyées au jury d’examen et la DREAL délivrera ou non l’attestation de capacité « transport léger ». En cas d’échec à l’examen, une attestation de suivi de la formation permettra de se représenter à l’épreuve avec une dispense de formation. Le coût de l’examen est compris dans celui de la formation, sauf en cas de deuxième présentation à l’épreuve. ◆ ANNE MADJARIAN (1) Comme pour l’attestation de capacité « transport lourd », deux autres voies d’accès existent : celle de l’expérience professionnelle (2 ans de gestion d’une activité transport) et celle de l’équivalence de diplôme (dont le bac pro).
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En raison de la pression environnementale et des contraintes d’espace, les initiatives innovantes se multiplient dans le transport léger en zone urbaine. Les transporteurs pour compte d’autrui participent à l’émergence de solutions logistiques spécifiques.
MOYENS LÉGERS, TENDANCE LOURDE epuis deux mois, la société Vert Chez Vous exploite une boucle logistique dans Paris intra-muros, en utilisant des triporteurs assistés électriquement. Au menu : des distributions et enlèvements dans 14 arrondissements de la capitale, de produits non pondéreux, visant les colis – 30 kg, en BtoB. Soit une capacité quotidienne de distribution de 14 tonnes
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ou de 144 m3 (18 vélos de 2 m3 x quatre tournées). Au programme journalier : quatre tournées et 25 km au total autour de 10 escales sur la Seine dans Paris. L’objectif est d’atteindre 2 000 à 3 000 colis par jour avec ce plan de transport original. Le schéma a été présenté au SITL, fin mars, mis en exergue par Gilles Manuelle, directeur général de Vert Chez Vous (VCV), une SAS codétenue par le groupe Tendron (45) et les Transports Labatut (31), créée en novembre 2011.
Les groupes Tendron et Labatut font partie des entreprises de transport qui innovent dans cet univers professionnel du transport léger. Au vu de la congestion routière et des restrictions de circulation appliquées dans certains grands centres urbains, de nouveaux schémas logistiques sont réclamés par les autorités locales (mairies et agglomérations) devenues sourcilleuses. Fin 2010, le groupement Astre inaugurait Astre City, en utilisant le réseau et le savoir-faire d’adhérents dans le domaine de la distribution. Six mois plus tard, Geodis lançait Distripolis, avec l’idée de mutualiser les volumes des réseaux Calberson, Ciblex et France Express. Le déploiement de Distripolis a commencé à Paris, s’appuyant sur des « bases logistiques urbaines écologiques » (BLUE), de 150 m2 au minimum, et utilisant des véhicules électriques Electron et des triporteurs. L’impact environnemental favorable dans Paris intramuros se serait traduit en 2011 par une réduction de 365 tonnes équivalent CO2 de gaz à effet de serre et particules. Photo ci-dessus. Distripolis en test dans cinq grandes villes : Paris, Strasbourg, Versailles, Toulouse et Lille
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Ci-contre, Vert Chez Vous, créé par Tendron et Labatut, inauguré fin juin sur les bords de Seine avec les clients Raja et Sanofi.
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DOPÉ PAR LE E-COMMERCE En raison du partage de la voirie et des accès limités, le transport léger en zones urbaines ne s’improvise pas. Dans l’Hexagone, le groupe Star’s Service (95 M€ de revenus) fait partie des grands spécialistes de la livraison à domicile et du « dernier kilomètre » (ayant abandonné la longue distance avec la cession de la filiale lyonnaise CGVL en 2011). Avec 2 700 salariés et 2 300 véhicules légers, l’entreprise fait référence. Elle a été fondée par Hervé Street, P-dg du groupe, président de TLF Ile-de-France et administrateur du SNTL. Ce dernier aime à rappeler que c’est au
tendant Aix et Montpellier) 85 cargocycles capables de charger jusqu’à 180 kg. 100 % ÉLECTRIQUE Dans ce contexte, les idées nouvelles donnent naissance à des entreprises originales. C’est le cas du transporteur 100 % électrique, Greenway Services (75), créé en septembre 2010 par Nicolas Morisse, Dg, et Grégory Roman, directeur associé, avec le soutien financier du groupe Horus. L’entreprise se déploie depuis la porte de la Chapelle, à Paris. Elle revendique une trentaine de clients, à commencer par Coca-Cola et Yves Rocher. Avec la croissance de l’activité, la flotte a augmenté de dix petits Renault Maxity électriques de 3,5 t (mis à disposition par
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ECO-RESPONSABLE Dans le même esprit d’innovation, le groupe Deret (45) multiplie les initiatives originales. La plus récente : avec LPA (Lyon Parc Auto) et le cabinet InterfaceTransport (69), le transporteur a mis en œuvre un espace logistique urbain (ELU) dans le quartier Lyon-Cordeliers en plein cœur de la Presqu’île entre Rhône et Saône. « Le dispositif permet de limiter les phases d’approche depuis l’extérieur de l’agglomération lyonnaise vers les points de livraison, principalement situés en hypercentre. L’approche est massifiée et nocturne. Les marchandises sont ensuite triées sur site et distribuées dans Lyon avec des petits camions électriques », explique Deret. Le message “vert” sonne juste aux oreille des élus. Dès son origine, Vert Chez Vous a badgé son offre comme étant « éco-responsable », avec des véhicules « propres », soit une quinzaine de modèles, allant du vélo utilitaire de 1,70 m3 au porteur de 20m3. Le vélo demeure un fort point d’ancrage pour servir le client. « La capacité de transport d’un vélo et son petit gabarit font de lui le véhicule qui a le plus de facilité pour circuler à la même vitesse tout au long de l’année, soit environ 12 km/h. Il peut distribuer les marchandises dans les temps, la congestion de la circulation ayant peu d’impact sur son rythme. Il n’est pas soumis aux réglementations sur les horaires de distribution. Enfin, ils véhiculent un très fort capital sympathie.Cette constance représente un gage de qualité de service », assure l’opérateur qui va implanter ce schéma logistique à Toulouse, sur les terres de Labatut, avant la fin de l’année.
retour d’un voyage aux États-Unis qu’il eut l’idée de concrétiser le concept du service aux personnes dans la distribution. Son projet : reproduire le modèle du « baggueur » placé en bout de caisse dans les hypermarchés. Un premier client, Euromarché en 1987, a lancé le mouvement. En 1992, Monoprix lui confiait la livraison des courses. En 2000, le e-commerce naissant dopait l’activité. Signataire de la Charte d’engagement CO2 en 2010, Star’s Service (95) investit dans les véhicules électriques. Le groupe a acquis trois ZE Kangoo, en juin, et en attend neuf autres (n des Kangoo ZE partira pour le centre-ville de Montpellier). Le groupe a fait le choix de s’afficher sous plusieurs enseignes commerciales : Star’s
Astre City exploite des véhicules utilitaires pour accéder aux centres-villes.
Service pour la grande distribution ; Biotrans dans le médical ; Toutadom à destination des traiteurs et… La Petite Reine pour le « développement durable ». Avec Toutadom, le cœur de métier touche à la préparation et à la livraison de marchandises alimentaires transformées, et de plateaux-repas pour les entreprises et particuliers. Soit 360 000 livraisons par an avec une centaine de véhicules légers. Avec La Petite Reine, société rachetée à 51 % en juillet 2011, le groupe exploite dans Paris, Bordeaux et Toulouse (en at-
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Au-delà de la région parisienne, Geodis veut essaimer Distripolis dans d’autres villes, avec comme perspective finale 290 véhicules dédiés et 200 triporteurs. Quatre autres agglomérations pilotes sont au programme : Lille, Toulouse, Strasbourg et Versailles.
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Nicolas Morisse, directeur général, et Grégory Roman, directeur associé de Greenway Services.
Clovis Location), pouvant transporter chacun jusqu’à huit palettes européennes, pour un volume de 20 m3. Soit 1,5 tonne de marchandises par camion pour une autonomie d’environ 80 km. « Nous sommes encore une petite structure de 11 personnes, dont huit chauffeurs salariés ». Greenway veut faire plus que de simples livraisons. « Nos clients peuvent s’ils le souhaitent utiliser nos véhicules comme support publicitaire, pour des campagnes ciblées sur une période précise… Nous proposons des “covering” partiels ou total si le véhicule est dédié ou pour des opérations spot, explique Grégory Roman. Nous nous occupons, si la demande nous est faite, de récupérer les emballages des produits que nous venons de livrer, pour les insérer dans une chaîne de recyclage auprès de sociétés comme Veolia, par exemple. À terme, nous traiterons peut-être plus largement des déchets ». En 2011, le chiffre d’affaires de Greenway a approché les 400 000 euros. Les deux dirigeants, qui avaient exposé leur savoir-faire et un véhicule lors du dernier SITL, misent sur un CA d’un million d’euros en 2012. ◆ B. B. L’Officiel des Transporteurs – N° 2652 du 6 juillet 2012
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ACCÈS AUX CENTRES-VILLES. Les transporteurs vont-ils devoir revoir leurs plans de transport dans les centres urbains ? Les zones d’actions prioritaires pour l’air (ZAPA), instituées par la loi Grenelle II, annoncent un dispositif visant à imposer des restrictions. Projets à Paris, Saint-Denis, Bordeaux, Lyon, Grenoble, Clermont-Ferrand et Aix-en-Provence.
CONTRAINTES EN VUE es communautés urbaines ont jusqu’au 13 juillet pour faire connaître leur projet d’expérimentation ZAPA (zone d’actions prioritaires pour l’air), un acronyme appelé à entrer dans le langage courant. Ce dispositif, s’inspirant des Low Emissions Zones (LEZ) en Europe, fait partie des mesures phares du Grenelle II, intégré dans une loi (art. 182) parue au Journal Officiel du 13 juillet 2010. Juridiquement, les ZAPA sont censées être mise en œuvre entre 2013 et 2016 et permettre 532 véhicules électriques ont été immatriculés au premier trimestre en France. aux collectivités de plus de 100000 habitants de réglementer, ZAPA. Il a fixé les sanctions qui À l’origine, la pierre angulaire voire d’interdire, la circulation en pourront être appliquées : contra- juridique doit donner aux collecfonction des émissions polluan- vention de 4e classe (135 €) pour tivités la possibilité d’interdire tes des véhicules (répertoriés les poids lourds, les bus et auto- l’accès de manière permanente dans quatre catégories : cars; contravention de 3e ou temporaire aux véhicules les les voitures particulières; SANCTIONS classe (68€) pour les au- plus émetteurs de particules et les camionnettes; les PL, tres véhicules. Un second d’oxydes d’azote (NOx). D’autres cars et bus; et les 2, 3 et 4 roues à décret a établi la liste des véhicu- outils incitatifs ou coercitifs sont moteur). La parution au JO du les dont l’accès à la zone ZAPA ne évoqués : politique de stationne22 février du décret n°2012-238 pourra être interdit : les véhicules ment, soutien aux modes de précisant les sanctions en cas d’intérêt général, ceux relevant du transport collectifs propres, mod’infraction aux mesures d’inter- ministère de la défense et ceux dalités d’approvisionnement diction ou de restriction de circu- portant une carte de stationne- des commerces, report de trafic, lation dans les ZAPA a donné le ment pour personnes handica- renouvellement du parc de véhitop départ. Il dessine un premier pées. Il précise ainsi les véhicules cules anciens… Sept commucadre. Ainsi, ce décret en Conseil qui, à titre dérogatoire sur le plan nautés d’agglomérations se sont d’État définit les sanctions appli- national, pourront avoir accès aux déclarées intéressées par le discables en cas d’infraction à une zones d’expérimentation. positif : la Ville de Paris ; la com-
munauté d’agglomérations de Plaine Saint-Denis ; Bordeaux ; le Grand Lyon ; Grenoble Alpes Métropole ; Clermont Communauté ; le Pays d’Aix. La phase d’expérimentation doit être lancée mi-2012. En Europe, 185 Low Emission Zone (LEZ) ont été recensées. Londres, Stockholm et Berlin font partie des pionniers, depuis 2008.
NICE DÉCLARE FORFAIT Le retrait de l’agglomération de Nice du dispositif ZAPA, annoncé au début juin par Christian Estrosi, le premier magistrat, jette le trouble. Sans préjuger de l’avenir il donne à réfléchir sur le devenir de ce dispositif. Pour le maire de Nice, la ZAPA « n’apparaît plus nécessaire pour atteindre l’objectif de réduction des émissions de gaz polluants (qu’il s’est) fixé ». Et Christian Estrosi d’enfoncer le clou : les projets « locaux » devraient « permettre d’atteindre plus aisément que ne l’auraient fait les ZAPA, l’objectif de réduction des pollutions automobiles ». Difficile d’ignorer dans ce repli une prise de position politique. Le Grenelle de l’Environnement a été porté par le gouvernement précédent, de droite.Depuis lors, les élections présidentielle et des députés sont passées, donnant une nouvelle couleur aux pouvoirs exécutif et législatif. Le maire de Nice ne souhaite pas, visiblement, voir d’interférences dans son action municipale.
L’Officiel des Transporteurs – N° 2652 du 6 juillet 2012
B. Barbedette
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QUELS VÉHICULES INTERDITS ? La mise en place des ZAPA va modifier le droit de circulation dans les agglomérations concernées. La perspective fait réagir. Selon l’Automobile Club Association (ACA), le décret vise à sanctionner 38 % des véhicules au sein des ZAPA. Didier Bollecker, président de L’Automobile Club Association, a déploré « qu’on privilégie des mesures de restriction automobile, au lieu de travailler efficacement sur la gestion intelligente du trafic et les questions de logistique urbaine ». La composition du parc roulant, quand elle est justement évaluée, demeure un point de repère pratique pour les pouvoirs publics. La date de première immatriculation servira logiquement à faire le classement et le tri. Dans son rapport EVA Recherches paru en septembre 2009, l’Ademe indique sur la base des connaissances actuelles de composition du parc des véhicules en France et en travaillant sur l’hypothèse d’introduction de ZAPA qui interdiraient l’accès aux véhicules antérieurs à Euro 4, que le pourcentage de véhicules non autorisés à pénétrer dans les ZAPA serait, en 2012, de 64 % pour les bus et autocars ; de 57 % pour les poids lourds ; de 43 % pour les véhicules utilitaires légers (– 3,5 t) et de 38 % pour les véhicules légers. ◆ B. B.