n° 883
Du 24 juin au 8 juillet 2011 -ISSN 0399 2535
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Evénement
Bientôt de nouvelles clés d’ Règlementation Modifiant les conditions d’accès et d’exercice de la profession, le décret transposant les trois règlements européens du paquet routier devrait être publié au Journal Officiel à la rentrée. Etat des lieux des prochains changements. Diane-Isabelle Lautrédou
A
COMPTER du 4 décembre 2011, les conditions d'accès à la profession de transporteur de voyageurs obéiront à de nouvelles règles. Objectifs : renforcer la qualification professionnelle, rationaliser le marché, augmenter la qualité de service et améliorer la sécurité routière. Si trois décrets européens* définissent le contexte général, chaque pays de l'Union s'active actuellement à transposer ces textes dans leurs législations respectives. “En durcissant les conditions d'accès au métier de transporteur, la Commission européenne vise à maîtriser l'exercice de la profession et à enrayer le phénomène des entreprises fantômes”, assure Alain Coudret, chef du bureau de l'organisation des transports routiers de voyageurs de la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM). Un travail de fond qui, au niveau hexagonal, s'est traduit par plusieurs mois de “négociations” avec les principaux acteurs du secteur. “Nous avons officiellement lancé les consultations auprès des différents intervenants concernés en mai dernier”, assure Alain Cou-
dret. Parmi eux, les organisations professionnelles, les services régionaux de l'Etat et les ministères des Transports, de l'Intérieur et de la Justice. Prochaine étape : la soumission du projet de décret au Conseil d'Etat d'ici à la fin de l'été. Suivront ensuite les publications de plusieurs arrêtés et circulaires, “le plus rapidement possible après la parution du décret au Journal Officiel”, confie Alain Coudret. Si les autorités semblent sur le quivive, le terrain commence à s'impatienter, “ à moins de six mois de l'échéance, nous sommes toujours dans le flou”, s'inquiète Maurice Marsalet, responsable pédagogique de Promotrans. D'autant que dans leur esprit, l'Europe s'est livrée à une démonstration de force, du moins sur le principe. “Le passage d'une directive peu appliquée à un règlement apparaît clairement comme une volonté de durcissement des règles”, poursuit Maurice Marsalet. Disposant d'un délai de six mois pour régulariser leur situation, c'est-à-dire jusqu'au 3 juin 2012, les sociétés du secteur sont fortement encouragées à s'organiser. “Nous avons déjà édité et transmis des fiches récapitulatives aux organisations professionnelles
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pour les aider à accompagner leurs adhérents”, assure Alain Coudret. Un laps de temps qui pourrait être prolongé en dehors de la métropole. “Dans l’attente de leur rattachement au droit commun, les territoires et départements d'outre-mer pourraient bénéficier de dispositions adaptées à leurs particularités et d'un régime transitoire”, soutient Alain Coudret. Ayant activement participé aux réunions préparatoires, la FNTV se montre plus optimiste, du moins sur les grandes lignes de ce projet de décret. “Les propositions présentées par la DGITM paraissent aller dans le
bon sens au regard du positionnement traditionnel de la profession”, assure la fédération. Un lieu, un gestionnaire S'appliquant aux nouvelles entreprises comme à celles déjà inscrites au registre des transporteurs, le règlement n° 1071/2009 introduit l'obligation de disposer d'un local administratif où devront être centralisés l'ensemble des documents exigibles lors d'un contrôle en entreprise comme les rapports comptables, les données de gestion du personnel, les informations relatives au temps de conduite et de repos,
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és d’accès à la profession les organisations professionnelles, et afin de tenir compte de la situation des petites entreprises, il est envisagé d'étendre la responsabilité d'un même gestionnaire à deux entreprises dans la limite de vingt véhicules”, confie Alain Coudret. Enfin, la configuration prévue pour les groupes prévoit que le gestionnaire de la maison mère puisse aussi ajouter une ou plusieurs filiales à son périmètre d'action.
etc. Laissant la possibilité aux transporteurs d'utiliser un site différent de leurs sièges sociaux, cet établissement sera également susceptible de faire office de centre d'exploitation regroupant les équipements et les installations techniques liés à l'activité en fonction de la taille de l'entreprise et de son parc. Soucieuse d'avoir un interlocuteur unique dans chaque société, la législation européenne impose également aux transporteurs de désigner un “gestionnaire de transport” titulaire de l'attestation de capacité professionnelle et assurant la direction permanente de l'activité
de transport de l'établissement. Remplaçant ainsi l'attestataire de transport, le gestionnaire devra impérativement résider dans l'Union européenne, et être clairement identifié au sein de l'entreprise en endossant des fonctions d'employé, de propriétaire, de directeur, ou d'actionnaire. Si la taille de l'entreprise ne permet pas de mobiliser un gestionnaire dédié, le texte émet l'hypothèse de recourir à un prestataire “partagé” qui pourra exercer son activité au sein de quatre structures et chapeautant une flotte maximale de cinquante véhicules. “Après concertation avec
L’incontournable honorabilité “Face aux enjeux de libéralisation du cabotage, l'uniformisation des conditions d'honorabilité constitue un challenge de taille”, estime Maurice Marsalet. Sur ce point, le règlement recense une liste d'infractions susceptibles d'entraîner la perte d'honorabilité et, par répercussion, l'interdiction temporaire d'exercer en France et dans tout Etat membre. Parmi elles : le dépassement des temps de conduite, le non-respect des temps repos, l'absence de tachygraphe, l'utilisation de limitateur de vitesse frauduleux, la conduite sans certificat de contrôle technique, le transport de passagers sans permis de conduire, etc. En parallèle, le législateur européen s'est aussi attaché à hiérarchiser la gravité des infractions en fonction du risque de décès ou de blessures graves, et à définir la fréquence d'occurrence au-delà de laquelle les infractions répétées seront considérées comme plus graves. Au niveau national, la perte d'honorabilité constitue une sanction administrative et dépend des condamnations prononcées par le préfet de la région dans laquelle l'entreprise est inscrite,
MAURICE MARSALET Responsable pédagogique de Promotrans
“Face aux enjeux de libéralisation du cabotage, l’uniformisation des conditions d’honorabilité constitue un challenge de taille.”
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Evénement après avis de la Commission régionale des sanctions administratives (CRSA). Pour motiver sa sanction, dont il fixera la durée, le préfet prendra donc en compte les condamnations déjà prononcées à l'encontre de la société et appréciera si la décision constitue ou non une mesure disproportionnée. En cas de désaccord entre les deux parties, le dossier peut être directement porté devant la juridiction administrative. Pour compléter ce dispositif, le législateur européen n'a pas hésité à évoquer sa volonté d'aboutir à la création de registres électroniques nationaux qui, une fois interconnectés, contribueront à réduire sensiblement les coûts administratifs des contrôles, tout en améliorant leur efficacité. “Pour l'heure, nous sommes loin de cet objectif mais travaillons à établir des points de contacts dans chaque Etat membre”, précise Alain Coudret. Aux yeux de Promotrans, cette initiative arrive à point nommé, “dans un contexte d'ouverture du marché au cabotage et la libéralisation des services de transport, cette plateforme commune garantira davantage de traçabilité car il semble clair que certaines entreprises ne joueront pas le jeu et continueront d'exercer en dehors des clous”, affirme Maurice Marsalet. Lisibilité renforcée Troisième volet du paquet routier, le règlement européen n° 1073/2009 ne s'applique théoriquement qu'aux transports internationaux de voyageurs par autocars et autobus. Cela ne l'empêche pas de préciser certaines définitions de transport domestique comme les services réguliers, les services occasionnels ou le transport pour compte propre. “La transposition de ces définitions dans notre législation apportera davantage de souplesse et de lisibilité à ces activités”, observe Alain Coudret. S'attachant à décrire un service
accès limité aux services occasionnels, réguliers et à la demande. “Le risque à trop fermer la porte du transport occasionnel pourrait multiplier les inscriptions de voiture de tourisme avec chauffeur dont les conditions d'inscription restent laxistes”, prévient la FNTV.
“Nous réitérons notre demande d’instauration d’une formation minimale spécifique à la sécurité, qui serait obligatoire pour le transporteur et le conducteur, dans le cadre d’activité de transport public réalisée avec des véhicules de moins de dix places.” FNTV et Promotrans
occasionnel comme un transport de groupe constitué à l'avance, quels que soient les points de départ ou d'arrivée, le nombre de personnes, le mode de réservation, et la capacité du véhicule, ce texte prévoit également la limitation du régime dérogatoire aux entreprises exerçant comme activité “accessoire” du transport régulier et à la demande, avec un seul véhicule n'excédant pas neuf places. Un parti pris qui touchera aussi la profession de taxi, soumise depuis le décret n° 2010-524 du 20 mai 2010, à la possibilité d'inscription au registre des transporteurs sans condition de capacité professionnelle et financière, qui pourrait voir son
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Fin du régime dérogatoire Parmi les autres changements majeurs de ce paquet routier : la fin du régime dérogatoire de capacité financière pour les entreprises de transport de voyageurs. “Cela sousentend que les transporteurs devront disposer de fonds propres pour financer l'exploitation de leur activité”, précise Alain Coudret. Prévue par le règlement n° 1071/2009, cette obligation de capacité financière impose à une société de démontrer, sur la base de ses comptes annuels certifiés par un auditeur ou une autre personne habilitée, qu'elle dispose chaque année de capitaux et de réserves d'une valeur au moins égale à 9 000 euros lorsqu'un seul véhicule est utilisé, et à 5 000 euros pour chaque véhicule supplémentaire. Toutefois, conformément aux dispositions proposées par le législateur, le décret pourrait donner la possibilité aux transporteurs de bénéficier d'une dérogation permettant à une entreprise de démontrer sa capacité financière par le biais d'une garantie bancaire émanant d'un ou plusieurs organismes financiers se portant caution voire solidaires à hauteur de la moitié des montants fixés. La formation revisitée Passage obligé pour accéder à la profession, la formation initiale sera, elle aussi, soumise à de nouvelles règles à compter du 4 décembre prochain. Conservant le principe d'un examen écrit obligatoire, c'est plutôt du côté du régime des équivalences que l'étau de resserre puisque chaque pays doit dresser une liste des diplômes
donnant accès à l'attestation de capacité. “Ce recensement est un exercice particulièrement fastidieux car l'offre de formation du secteur est riche et évolue en permanence”, précise Alain Coudret. Sur le même modèle, l'expérience requise pour gérer un établissement passera de cinq ans à dix ans. Au sein de ce nouveau dispositif, les personnes possédant une attestation de compétence professionnelle, mais n'ayant jamais géré d'entreprise de transport durant les cinq dernières années, pourront actualiser leurs connaissances via une “remise à niveau” par le biais d'un stage théorique. Une aubaine pour les organismes de formation qui peuvent ainsi compenser la perte de ses stagiaires en validation d'acquis par l'expérience. “L'obligation d'une remise à niveau régulière nous permettra de compenser la baisse de fréquentation de nos cursus de VAE”, précise Maurice Marsalet. Si l’organisme de formation travaille actuellement à vérifier que ses référentiels d'examen et programmes sont conformes à la législation européenne, il s'avoue néanmoins démuni face aux questions de ses clients en l'absence du décret, “nous n'avons pas, pour le moment, de réponses précises à apporter aux transporteurs si ce n'est de repasser rapidement leur examen”, conclut Maurice Marsalet. Une impatience qui gagne aussi la FNTV. Elle estime ces mesures incomplètes : “nous réitérons notre demande d'instauration d'une formation minimale spécifique à la sécurité, qui serait obligatoire pour le transporteur et le conducteur, dans le cadre d'activité de transport public réalisée avec des véhicules de moins de dix places.” ■ * Le règlement n° 1071/2009 concernant l'exercice de la profession de transporteur par route, le règlement n° 1072/2009 concernant l'accès au marché européen de transport routier de marchandises et le règlement 1073/2009 pour l'accès au marché européen de voyageurs.