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DOSSIER
Grand port maritime de Rouen Sommaire ■ Projet stratégique : développer le trafic maritime,
préserver l’environnement
■ Entretien avec Philippe Deiss, président du directoire
du GPMR : «La réforme est en place après plus de 150 réunions locales en deux ans et demi. »
P.16
■ Transports terrestres : l’atout de la voie d’eau
P.20
■ Services portuaires : suivre les évolutions au plus près ■ Amélioration des accès maritime : un dossier essentiel
■ Entretien avec André Laude, président du conseil
de développement du GPMR : «Le conseil de développement a étudié plusieurs dossiers importants pour Rouen. »
les trafics perdus… ■ … et regagner la confiance de leurs clients
■ Entretien avec Alain Bréau, président du conseil
de surveillance du GPMR : «Notre priorité est de mettre à l’ordre du jour le développement commercial du port. »
■ Manutention : les sociétés doivent récupérer
P.22
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Dossier réalisé par Hervé Deiss et Jean-Claude Cornier JMM - vendredi 20 mai 2011 15
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DOSSIER Entretien avec Philippe Deiss, président du directoire du Grand port maritime de Rouen
«La réforme est en place après plus de 150 réunions locales en deux ans et demi » Philippe Deiss, président du directoire du Grand port maritime de Rouen revient sur l’évolution des trafics au cours des quatre premiers mois et la mise en œuvre de la réforme portuaire. Il se projette dans le futur avec les travaux d’approfondissement du chenal.
■ Philippe Deiss, président du d i re c t o i re du Grand port maritime de Rouen DR
Journal de la Marine Marchande (JMM) : Après le record de trafic en 2010, les premiers mois de 2011 continuent d’indiquer une progression? Philippe Deiss (Ph.D.) : Nous sommes toujours en progression et, globalement, les trafics à fin avril sont satisfaisants. À fin avril, nos trafics augmentent de 8,8 % à 9,1 Mt. Une performance puisque l’année 2010 a été une année record pour le Grand port maritime de Rouen. Cette progression se décline sur les trois types de courants. Les vracs liquides augmentent de 9,2 % à 4,4 Mt avec un bon score sur les exportations de produits raffinés. Nous n’avons pas été touchés par les changements logis-
tiques sur ces flux. Bien au contraire, Exxon et Petroplus ont stabilisé le marché. Sur les autres vracs liquides, qui sont principalement des engrais liquides, la progression est encore plus forte, de 18,8 % à 884448 t. Les vracs solides, dont 75 % sont des céréales, augmentent de 9,3 % à 4Mt. Par rapport au trimestre de l’année passée, il nous manque 60000 t, mais cela représente deux navires. Nous sommes attentifs à la prochaine récolte dans le contexte de la sécheresse et attendons de voir ce qu’elle donnera. Quant aux autres vracs solides, leur envolée de 57 % à 1,1 Mt est liée à l’arrivée d’un trafic produits métallurgiques recyclés à l’export.
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Enfin, sur les diverses, la hausse est plus modérée puisqu’elle atteint 4,2 % à 713536 t. Les trafics de produits forestiers et papetiers sont revenus à des niveaux d’avant cette crise. Les papiers ont pour leur part plus souffert de la crise. Quant aux conteneurs, ils affichent une diminution. Nous avons perdu une ligne cette année avec le départ de Rouen au Havre des navires conro de Nile Dutch, mais nous avons vu l’armateur Grimaldi venir s’installer chez nous. Notre budget pour l’année tient compte des aléas climatiques notamment pour les céréales. Nous avons enregistré des records en 2010 et en 2009, nous avons été le seul port d’Europe du nord à afficher une hausse. Ces résultats ne peuvent que nous satisfaire, mais nous gardons la tête froide. JMM : La réforme est entrée en application le 3 mai avec la signature de la convention collective nationale unifiée et les conventions tripartites. Après les péripéties de 2010, comment s’est déroulée la fin des négociations au Grand port maritime de Rouen? Ph.D. : Le 3 mai, nous avons pu exprimer notre soulagement. Nous avions pris le parti, dès mai 2010 de trans-
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>> > RO UEN férer la propriété des outillages aux sociétés de manutention. Cette étape a été symbolique puisqu’elle signifiait que nous ne pouvions plus faire machine arrière. Entre mai 2010 et mai 2011, les négociations ont continué au niveau national et local. Le 3 mai, les agents du port ont été détachés dans les sociétés de manutention et dans la filiale de maintenance. S’agissant des grutiers, ils sont 18 à avoir intégré des manutentionnaires. La société Normande de manutention et la Somap en ont intégré huit chacune, Surveyfert et URA en ont pris chacune un grutier. De plus, La société Normande de manutention et Surveyfert en ont repris trois autres pour leurs postes de Honfleur. JMM : Pourriez-vous nous détailler le sort des salariés qui ont été concernés par la réforme portuaire? Ph.D. : Nous avions 105 salariés concernés. Pour reprendre, nous avons 18 grutiers détachés dans les entreprises de manutention. Ils sont 28 salariés à avoir rejoint la filiale de maintenance, SMPI. Dans le cadre des dispositions sur la pénibilité, 22 salariés ont fait valoir leurs droits pour un départ anticipé. Enfin, 37 salariés sont reclassés dans les ateliers du port dont un certain nombre entre dans le dispositif de départ lié à l’amiante. Nous avons prévu des dispositions plus avantageuses pour les salariés, à savoir la possibilité d’un retour au port étendu à 25 ans, contre 7 ans dans l’accord cadre national et une prise de participation à hauteur de 99 % dans la filiale de maintenance. Le solde du capital appartient à l’entreprise Normandie Manutention. La réforme est donc en place à Rouen après plus de 150 réunions locales en deux ans et demi. Des commissions de suivi nationale et locale ont été instaurées pour observer le sort des salariés détachés et leur évolution.
© GPMR
Les premières semaines seront décisives pour vérifier de la bonne application de cette nouvelle organisation du travail. JMM : Pour finir sur ce chapitre de la réforme, avez-vous réussi à céder l’ensemble de vos engins? Quel est le sort des cadres du port? Vous avez cité les principaux opérateurs reprenant des ouvriers portuaires, sans parler d’Euroports, pourquoi? Ph.D. : Concernant les engins de manutention, nous avons une dizaine d’outils qui n’ont pas été cédés. Nous souhaiterions les vendre pour réaliser des trafics nouveaux ou à des opérateurs extérieurs. Les salariés qui restent au port vont trouver leur place dans notre organisation s’appuyant sur nos nouvelles missions. Nous devons décliner la nouvelle convention collective et trouver une osmose pour que chacun puisse apporter ses compétences au port. Au niveau national, il est prévu de signer dans les six mois un protocole spécifique de gestion des cadres du
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Le GPMR passe de la gestion d’un service ouvrier de conduite d’engins à un établissement avec une majorité de cadres.
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port. Rouen, comme les autres ports d’ailleurs, passe de la gestion d’un service ouvrier de conduite d’engins à un établissement avec une majorité de cadres. Cette réforme a apporté au port de nouvelles missions, à l’image de la gestion des voies ferroviaires dans le port. Nous sommes devenus un aménageur d’espaces sans pour autant perdre notre vocation. Dans notre projet stratégique, nous y avons inscrit que le port ne doit pas se transformer en une tour d’ivoire qui observe les navires passer. Le lien avec l’exploitation doit être fort, et pour cela nous avons besoin des services commerciaux et de promotion. Si la proportion de cadres a augmenté, leur nombre a suivi cette tendance. Chaque cadre doit et peu d’ores et déjà « vibrer » avec l’exploitation portuaire. Enfin, vous l’avez noté, Euroports n’a pas pris de grutiers. La raison en est simple, aucune convention tripartite n’a été signée. Un accord de place lui permet de faire appel à des grutiers travaillant dans d’autres sociétés. JMM - vendredi 20 mai 2011 17
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DOSSIER la Région, le département, les collectivités locales, l’Agence de l’eau et le port. Vous constatez que le port participe à toutes les phases de travaux au travers d’un autofinancement, grâce à nos finances saines et par emprunt.
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JMM : Parmi vos projets d’investissements, la priorité a été donnée ces dernières années à l’arasement des points hauts du chenal d’accès. À quel stade d’avancement en êtes-vous de ce projet ? Ph.D. : L’arasement des points hauts du chenal d’accès est en effet un investissement prioritaire et stratégique pour le port. Il représente une enveloppe de 220M¤. Quant au calendrier, l’enquête publique s’est achevée le 29 avril. Nous sommes dans l’attente du rapport du commissaire enquêteur. Au cours de cette procédure, le port a pris des engagements sur les protections des berges, la valorisation des sédiments et la revalorisation des ballastières. Des mesures environnementales qui s’élèvent à 40M¤ pour le port. Avant même le début des travaux, nous avons entrepris d’enlever les épaves éparpillées dans le chenal. Ce chantier s’est terminé en avril. Le premier marché de ce projet d’arasement devrait être signé au cours du troisième trimestre de cette année. La première phase démarrerait alors. Elle vise la partie avale du projet jusqu’au poste de Port-Jérôme. Nous pourrions alors faire remonter des navires à 11,70 m de tirant d’eau. La seconde phase en 2013 concerne18 JMM - vendredi 20 mai 2011
rait les travaux jusqu’au terminal de Rubis à Grand Quevilly pour autoriser la remontée. En 2013, nous aurons à araser les points hauts de Duclair et de Moulineau. Les deux dernières années, 2014 et 2015, seront consacrées à araser les points hauts pour la descente des navires. JMM : Un projet de grande envergure avec une enveloppe à la mesure. Comment sont financés ces travaux? Ph.D. : L’enveloppe est à la mesure du projet. Elle doit consacrer une partie pour les dragages et une autre pour l’approfondissement des souilles de certains postes à quai comme celui d’Exxon. la société pétrolière va avoir besoin d’un poste plus profond. Nous réfléchissons aujourd’hui à un montage financier avec elle pour prévoir la mise à disposition d’un nouveau quai. Le plan de financement de ces sommes va se répartir entre l’État, la Région, le Grand port maritime de Rouen, et les autres collectivités sur la phase des arasements des points hauts. Une autre partie sera dédiée au rempiètement des quais dont la majeure partie sera prise en compte par le port aidé par les collectivités locales et le secteur privé. Enfin, les mesures environnementales seront financées par
JMM : D’autres investissements sont prévus dans les prochains mois? Ph.D. : En effet, si l’arasement des points hauts du chenal occupe une large part de notre temps, nous continuons d’investir dans le port d’une façon globale. Nous réalisons actuellement la seconde tranche des travaux sur le boulevard Maritime de Rouen en rive gauche et qui mérite d’être refaite. Ensuite, sur Honfleur, nous avons un chantier important dont l’enveloppe se monte à 15M¤. Il y est prévu de refaire un poste à quai et des terrepleins. Ce terminal de Honfleur sera en plus doté d’une grue mobile pour traiter de biens de consommation : conteneurs de Port 2000 et du futur parc d’activités Calvados-Honfleur. Enfin, nous allons déposer un plan d’aménagement de la zone logistique RSVL (Rouen Seine Vallée Logistique) pour accueillir d’autres opérateurs. JMM : Le Grand port maritime de Rouen a toujours été un acteur majeur dans le transport fluvial, et ce pour toutes catégories de marchandises. La mise en place de la réforme portuaire dans votre port ainsi qu’au Havre et la volonté politique de développer les transports massifiés sont des atouts pour Rouen. Comment envisagez-vous l’avenir de ces modes à Rouen? Ph.D. : Le fluvial a en effet toujours été un mode de transport important dans les pré et post-acheminements. Les développements récents avec l’avancée de Seine-Nord par le gouvernement appuient notre stratégie. Nous voyons dans ce projet un potentiel de développement pour nous. Senalia, manutentionnaire de céréales à Rouen,
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>> > RO UEN a décidé de s’implanter sur la plateforme multimodale de Nesles-Languevoisin pour y collecter des céréales qui seront ensuite acheminées par barges vers Rouen. Pour les trafics de conteneurs, la Seine est aussi un vecteur important tant à l’amont qu’à l’aval. Nous avons un rôle à jouer avec Port 2000 au Havre. Nous pouvons être une base arrière de ce terminal pour la logistique. Aujourd’hui, le débat sur l’accès fluvial aux terminaux de Port 2000 est relancé. Nous sommes plutôt favorables à la solution envisagée par les armateurs Marfret et CFT de construire des navires fluvio-côtiers qui accéderont directement sur les terminaux de port 2000 en empruntant une portion de trafic maritime. Pour continuer, sans que cette liste ne soit exhaustive, nous souhaitons développer un terminal pour les granulats sur le quai Wellington qui offre aux opérateurs une base pour relier ensuite la région parisienne par barges.
ter portuaire » dans les premiers rangs européens. Nous sommes complémentaires. La coopération interportuaire est une affaire de personnes. Nous travailLa coopération lons bien entre les différents responinterportuaire sables des trois ports. Nous avons est surtout une même réussi à aller au-delà des personnes pour institutionnaliser un foncaffaire tionnement commun. de personnes. Cette coopération est plus sensible Nous sur des sujets comme la promotion, travaillons la mutualisation de services à l’image bien entre les de ce que nous faisons pour les serdifférents vices de dragage et les services ferresponsables roviaires. Nous examinons les capades trois ports. cités d’une liaison avec Port 2000 et avec Paris. JMM : La coopération interportuaire Nous avons entre Rouen, Le Havre et Paris est en- institutionnalisé La coopération interportuaire se fera un selon les choix de la marchandise. trée dans une phase pratique? Ph.D. : Cette coopération interpor- fonctionnement N’oublions jamais que la marchandise et le client décident de son point tuaire est un élément stratégique commun. de passage, et c’est donc le client important. Il faut bien voir que les qui permettra la coopération interdeux ports de Rouen et du havre portuaire. réalisent ensemble un trafic de 100Mt par an, ce qui place ce «clusPropos recueillis par Hervé Deiss
JMM : Et le ferroviaire? Ph.D. : Nous avons plusieurs objectifs pour ce mode de transport. En premier lieu, nous conservons à l’esprit de créer un OFP (opérateur ferroviaire de proximité) dans les prochains mois. Ensuite, nous avons loué, récemment, un espace à un opérateur pour mettre en place une ligne directe avec l’Italie. Nous poussons pour trouver des idées nouvelles sur le sujet. Nous sommes par exemple favorables à des trains plus longs ou tout autre chose qui soit susceptible de permettre de massifier les flux.
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DOSSIER Entretien avec Alain Bréau, président du conseil de surveillance du Grand port maritime de Rouen
«Notre priorité est de mettre à l’ordre du jour le développement commercial du port » Alain Bréau, président du conseil de surveillance du Grand port maritime de Rouen, revient sur la réforme portuaire à Rouen et les perspectives d’avenir, notamment sur les conteneurs. Journal de la Marine Marchande (JMM) : La réforme portuaire engagée en juillet 2008 a pris un départ sur les chapeaux de roues à Rouen. Avez-vous bénéficié de cette avancée jusqu’au point final, le 3 mai? Alain Bréau (A.B.) : Le Grand port maritime de Rouen est parti en avance dans cette réforme, mais nous avons été obligés de nous mettre au pas. Depuis deux ans, nous constatons que la quasi-totalité des négociations ont été accaparées par le niveau national. Les places portuaires, et donc l’approche locale, ont été négligées, surtout entre juin 2010 et avril 2011. Nous ne pouvons que le regretter car nous avons perdu du temps. Cette perte de temps a des effets sur l’emploi dans le port. Les sociétés qui sont devenues propriétaires des engins de manutention dans les ports ont formé leur propre personnel. Aujourd’hui, ces sociétés ont besoin de moins de personnes que ce qu’elles auraient pu embaucher il y a un an. Un problème qui se ressent aussi sur la maintenance. En outre, les nouvelles missions du port nous obligent à réfléchir à notre organisation du travail. Celle-ci ne s’est pas traduite dans nos organigrammes mais nous sommes conscients du travail qu’il faut faire avec nos salariés. Le Grand port maritime de Rouen dispose de finances et d’un compte de résultat sains. Nous avons les atouts pour appliquer sereinement cette réforme. 20 JMM - vendredi 20 mai 2011
Le 3mai, les conventions tripartites entre les ouvriers portuaires, les sociétés de manutention et l’autorité portuaire ont été signées. Notre priorité est de mettre à l’ordre du jour le développement commercial du port. Au cours des négociations, le port a été relativement calme mais nous n’avons pas conquis de nouveaux marchés. Nous n’avons pas perdu de trafics mais nous devons nous remettre en ordre de marche. JMM : Le Grand port maritime de Rouen assoit ses trafics sur les céréales et les hydrocarbures. Le développement commercial que vous envisagez concerne ces courants? A.B. : Vous avez raison de souligner que les trafics du Grand port maritime de Rouen sont principalement assis sur les céréales et les hydrocarbures. Nous devons accompagner ces trafics pour leur développement. Le potentiel de développement du port vise les marchandises diverses. Nous travaillons principalement sur l’Afrique de l’Ouest et les DOM TOM. Le port de Rouen a tout à faire en faisant valoir ses atouts logistiques. Nous recevons aujourd’hui des porteconteneurs de petite et moyenne taille. Notre chenal d’accès doit être approfondi mais il ne permettra pas de recevoir les navires de dernière génération. Nous devons donc avoir une approche du conteneur en nous plaçant en complément de Port 2000 au Havre. Ces terminaux doivent savoir s’organiser vers le transborde-
■ Alain Bréau, président du conseil de s u rveillance du Grand port maritime de Rouen
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ment. Trois options existent. La première est de voir un armateur investir dans un navire fluvio-côtier d’environ 300 EVP pour venir charger directement sur les terminaux de Port 2000. La seconde option prévoit de transférer les conteneurs de Port 2000 sur le terminal multimodal. Cela signifie une rupture de charge, des coûts et des délais supplémentaires qui seront pris en charge par la marchandise. La troisième solution consiste en la construction d’une écluse directe entre Port 2000 et les terminaux intérieurs. Un investissement estimé aujourd’hui entre 120 M¤ et 150 M¤. Dans son approche de Port 2000, le ministère des Finances a sacrifié l’écluse fluviale. JMM : Ce développement des trafics sur les marchandises diverses place le Grand port maritime de Rouen comme un concurrent du Havre ou d’Anvers? A.B.:Cette idée d’amener plus de conteneurs à Rouen vient conforter la position du Havre. Il faut l’entendre comme un changement de la logistique d’import. L’importateur français doit passer d’un circuit passant par Anvers pour rejoindre Marne-la-Vallée et les entrepôts
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>> > RO UEN de l’Est parisien, à une chaîne avec un transbordement au Havre, un acheminement fluvial sur Rouen et ensuite vers l’Est parisien. Un trajet qui coûte aussi moins cher. Nous devons aller chasser sur les terres du port d’Anvers. Ces boîtes qui viendront à Rouen ne seront pas des trafics retirés duHavre, bien au contraire, cela servira encore plus les intérêts havrais. Il est nécessaire que nos homologues havrais comprennent que Port 2000 est un terminal de passage, de transbordement. JMM : En proposant ces modifications de chaînes logistiques, vous impliquez le Grand port maritime de Rouen dans une stratégie de coopération portuaire sur l’axe Seine. Vous pensez vraiment qu’une telle approche puisse un jour passer de la théorie à la pratique? A.B. : Le conseil de coordination interportuaire de la Seine est un organisme de coopération. Nous sommes passés de la théorie à la pratique. Les conflits entre les deux ports sont terminés mais ce n’est pas pour autant que nous vivons en communauté. Nous de-
vons traiter le sujet essentiel encore : la mise sur la Seine des trafics, et donc le principal du sujet est sur Le Havre. Nous devons faire exister le produit des ports de Seine pour mettre en place un instrument de commercialisation. JMM : Cette coopération doit-elle être politique ? A.B. : Le sujet ne doit pas être politique. Ce sont des sujets qui se travaillent sur la durée et le risque majeur serait de voir une sorte de «pingpong » politique se jouer au gré des changements de majorité politique nationale ou locale au détriment de l’action des deux ports. Cependant, il est indispensable que les responsables s’y intéressent mais en dépassant les clivages traditionnels pour un travail sur la durée. JMM : En parlant de la Seine et de ses ports, le projet de Seine-Nord est un élément majeur pour le Grand port maritime de Rouen? A.B. :Le projet Seine-Nord a connu des évolutions ces dernières semaines.
Seine-Nord ne changera pas la donne pour le Grand port maritime de Rouen.
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Le sujet de cette nouvelle ère qui s’ouvre est de travailler avec des opérateurs privés qui ont de l’ambition pour leur port.
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JMM : La réforme portuaire est désormais en place. Le Grand port maritime de Rouen possède de nombreux atouts pour son développement. Estce suffisant? A.B. : Avec la réforme, les missions de chacun sont plus claires et plus transparentes. Le sujet de cette nouvelle ère qui s’ouvre est de travailler avec des opérateurs privés qui ont de l’ambition pour leur port. Aujourd’hui, je ne suis pas certain que les opérateurs privés aient les moyens financiers de leurs ambitions. Il faut peut-être regarder ce qui se passe en Europe du Nord. Dans des ports comme Anvers ou Hambourg, on a créé des filiales marketing qui intègrent l’autorité portuaire et les opérateurs privés. Elles sont des vecteurs de développement importants. Comme je ne suis pas sûr qu’en France nous ayons ce qu’il faut, nous devons peutêtre avoir une approche sur les moyens de nos ambitions. ■ Propos recueillis par Hervé Deiss
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DOSSIER Entretien avec André Laude, directeur général du groupe Senalia, président du conseil de développement du Grand port maritime de Rouen
«Le conseil de développement a étudié plusieurs dossiers importants pour Rouen » La loi du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire a modifié en profondeur la gouvernance des anciens Ports autonomes, rebaptisés à cette occasion Grands ports maritimes. À l’organisation précédente s’est substitué un dispositif de directoire et conseil de surveillance, tandis qu’a été institué un conseil de développement où les professionnels portuaires sont présents aux côtés des représentants des personnels et d’un ensemble de personnalités qualifiées de différents horizons (associations environnementales, transports intérieurs, armements, etc.). André Laude, directeur général du groupe Senalia, a été porté à la présidence du conseil de développement du Grand port maritime de Rouen. Journal de la Marine Marchande (JMM): Quels sujets ont été abordés au conseil de développement? André Laude (A.L.) : Le conseil de développement du GPMR s’est réuni trois fois au cours de cette année, une quatrième réunion devant intervenir très prochainement. Au cours de celles-ci, nous avons abordé quatre grands thèmes : le programme d’ara-
sement des points hauts du chenal de la Seine et la question des chambres de dépôt de dragages, les sujets tarifaires, la desserte ferroviaire et enfin, la circulation des poids lourds sur les quais bas de la rive gauche de la Seine. Nous avons bien sûr suivi de très près la mise en place de la réforme portuaire dans son volet manutention. Il faut rappeler à ce sujet
© R.H.
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que cette réforme s’inscrit dans la continuité de celle qui avait été conduite en 1992 pour les ouvriers dockers. Elle représente une évolution majeure dans l’organisation portuaire, pour les entreprises mais aussi pour les salariés détachés dans ces dernières. Concernant la loi de juillet 2008, elle marque la volonté de l’État de reprendre en main les ports. Le rôle du conseil de développement est d’apporter une orientation stratégique au GPM, mais son avis n’est que consultatif. Il se réunit à l’initiative de la direction du port. Sur un sujet particulier, la tarification (droits de port en particulier), il doit être obligatoirement consulté au niveau de son premier collège (constitué principalement par les professionnels portuaires). Concernant le dossier relatif aux chambres de dépôt de dragages, nous avons créé des commissions au sein du conseil de développement pour étudier de près cette question pour obtenir que se dégage un consensus le plus large possible sur ces sujets. Nous avons également travaillé sur le dossier – essentiel pour l’avenir du port – de l’arasement des points hauts du chenal.
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>> > RO UEN JMM : En matière de dessertes terrestres, où en sommes-nous aujourd’hui? A.L. : Le conseil de développement a échangé sur deux sujets, la desserte ferroviaire et la circulation sur les berges de la Seine. Concernant le ferroviaire, Rouen est appelé à se doter d’un OFP (opérateur ferroviaire de proximité); mais c’est un dossier qui avance assez lentement. Par contre, la question de la circulation des poids lourds sur les berges de la Seine est un enjeu primordial. Aujourd’hui est envisagée une interdiction de la circulation des poids lourds sur les quais bas de la rive gauche, une voie faisant partie d’un itinéraire qui a fait consensus précédemment sous les auspices de la Crea (Communauté d’agglomération Rouen Elbeuf Austreberthe). La Ville de Rouen remet en cause ce schéma. L’ensemble des acteurs publics est à nouveau autour de la table et il faut y discu-
ter économie et environnement; nous regrettons que les solutions alternatives à cette interdiction n’aient pas fait l’objet d’une concertation avec les acteurs économiques. Concrètement, l’allongement de l’accès des poids lourds à la zone portuaire va générer non seulement des surcoûts de transport, une diminution des rotations journalières des camions, mais aussi une consommation de carburant supplémentaire… et les rejets de gaz à effet de serre qui vont avec. C’est le modèle économique de la desserte routière de proximité qui est remis en cause. Il en résultera, à terme, une réduction de la zone susceptible d’être couverte par le port. Les trafics de céréales sont concernés, mais pas seulement : les distributeurs de carburants aussi. Pour ces derniers, l’allongement se traduira par une hausse à la pompe… et c’est le consommateur qui paiera. Pour
les céréales, la situation est différente : sachant que certaines ventes ne se réalisent qu’à 1 $ de marge, il en résultera une perte de compétitivité sur les marchés mondiaux. Récemment, une commission a été mise en place par le préfet de la Seine-Maritime, avec la participation de la Crea, de la Ville de Rouen, des communes avoisinantes et du Grand port maritime, mais sans les acteurs économiques directement concernés. Sur un tout autre sujet, nous regrettons un peu le manque de communication et de coordination entre les ports au niveau de leur conseil de développement. Il serait certainement intéressant d’échanger entre structures de ce type pour savoir comment les uns et les autres travaillons sur nos sites respectifs. ■ Propos recueillis par Jean-Claude Cornier
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Projet stratégique : développer le trafic maritime, préserver l’environnement C’est en avril 2009 qu’a été officiellement adopté le projet stratégique du Grand port maritime de Rouen. Présenté initialement au conseil de surveillance en février 2009, il a fait l’objet de débats au sein du conseil de développement, du conseil scientifique de l’estuaire, avant d’être définitivement approuvé par le conseil de surveillance. es organisations syndicales et les collectivités locales ont été consultées. Au cours de ce processus, le projet a été considérablement enrichi. Il est articulé autour de quatre thèmes : développer l’activité portuaire de l’axe Seine, développer le ferroviaire et le fluvial, construire une nouvelle organisation de la manutention, privilégier une croissance responsable. Il s’accompagne d’un « outil financier et budgétaire ». Au cours de ces deux années, plusieurs des chapitres ont beaucoup avancé. Dans le projet stratégique établi en avril 2009, la nouvelle organisation de la manutention était envisagée dans des délais beaucoup plus courts que ce qui a été finalement constaté. La cession des outillages et le détachement des personnels, les deux volets de ce dossier, sont intervenus respectivement en mai 2010 (outillages) et mai 2011 (détachements). Le projet stratégique intégre les trois dispositifs concernant les personnels de l’outillage : détachements vers les entreprises de manutention, détachements vers la filiale de maintenance, reclassements au sein du GPMR. En matière de trafic, « les exportations de céréales, les importations de granulats, les vracs liquides énergétiques et les conteneurs apparaissent comme les axes prioritaires du développement des trafics du port de Rouen », souligne le projet initial. En termes de tonnage, l’objectif fixé vise à atteindre 28 Mt en 2015 et 33,8 Mt en 2020. Bénéficiant d’un très bon ni-
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veau de vracs liquides et d’exportations de céréales, deux des axes de développement retenus, le port de Rouen s’est hissé à 26,7 Mt en 2010, ce qui le rapproche de son objectif. Les trafics de granulats, eux aussi mentionnés, progressent également tandis que les mouvements sociaux ont pesé sur les trafics de conteneurs. Avec la mise en place définitive de la réforme portuaire dans son volet manutention, Rouen va renouer avec une croissance significative dans ce domaine. Quant aux trafics fluviaux, dont l’objectif est d’atteindre 7,7 Mt en 2015, ils ont progressé régulièrement depuis trois années et atteignent 5,2 Mt à fin 2010. Ajoutons que le projet stratégique insiste beaucoup sur l’aménagement du chenal de la Seine avec l’arasement des points hauts, un dossier qui vient de faire l’objet de l’enquête publique réglementaire.
Modes alternatifs à la route Autre axe important développé par le projet stratégique du GPMR, la croissance de la part des modes alternatifs à la route pour les pré et post-acheminements. Le document portuaire met en avant, en matière fluviale, le développement des navettes fluviales entre Rouen et Le Havre. S’agissant le plus souvent de navettes pour conteneurs, elles ont été confrontées, comme les terminaux maritimes, aux difficultés liées à la réforme portuaire. Rouen a très légèrement régressé l’an dernier en volume (- 1,2 %). Mais là aussi, la mise en place effective de la
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■ La végétalisation des berg e s de la Seine.
nouvelle organisation du travail portuaire devrait conduire à un retour à la progression. La communauté rouennaise demeure par ailleurs attentive à la mise en place d’un accès direct par unité fluvio-côtière à Port 2000 au Havre. Enfin, la réalisation du canal Seine-Nord Europe devrait contribuer à élargir l’arrière-pays du port. Concernant le mode ferroviaire, conformément au projet stratégique, le GPMR a conclu un partenariat avec Réseau ferré de France (et le GPMH) pour dynamiser ce mode de transport. Le GPMR est également très attentif à l’environnement. Il élabore des diagnostics environnementaux préalables à ses projets. Par ailleurs, le GPMR développe la valorisation des sédiments de dragage avec les professionnels carriers et du secteur BTP. «Il compte poursuivre et développer la mise en place de plans de gestion écologique sur les espaces à vocation naturelle ou d’intérêt patrimonial.» Le port a également mis en place une politique de pré-végétalisation de berges. Après une première expérience, le port a revégétalisé une zone de berges à Amfreville la Mi-Voie. ■
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Manutention
Les sociétés doivent récupérer les trafics perdus... es entreprises ont la maîtrise totale de leur organisation », explique Walter Schoch, président du Syndicat des manutentionnaires et employeurs de main-d’œuvre du port de Rouen (SMEMOPR). Ces deux années et demie n’ont pas été faciles pour les entreprises de manutention. Entre périodes de forte tension et mouvements sociaux, elles ont continué à travailler tout en suivant de très près l’évolution de la mise en place du volet manutention de la loi de réforme portuaire de 2008. «Nous avons
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participé à chaque fois qu’il en était besoin aux différentes phases de la négociation», explique Walter Schoch. Les entreprises ont également géré l’important dossier de la cession des outillages. Ce dernier s’est traduit par les cessions effectives des matériels en mai 2010. Au plan local, le Grand port maritime et ses salariés ont décliné l’accord national. Concernant les entreprises de manutention elles-mêmes, elles ont passé un accord permettant la mutualisation, en cas de nécessité,
des personnels transférés. «Pour nous, la date du 3 mai, avec la mise en place effective des détachements des personnels grutiers et portiqueurs, constitue une date importante. Les entreprises ont désormais la maîtrise totale de leur organisation et peuvent travailler comme elles le souhaitent,souligne-t-il. Mais il faudra certainement encore des semaines et des mois pour récupérer les trafics perdus pendant ces trois années difficiles et regagner – définitivement – la confiance de nos clients.» ■
... et regagner la confiance de leurs clients résident de l’Union Portuaire Rouennaise (UPR), Philippe Dehays a suivi de très près la mise en place de la réforme portuaire dans son volet manutention. Il rappelle : « En 2009, Rouen a été le seul Grand port maritime à enregistrer une progression. En 2010, Rouen a non seulement battu son record absolu de trafic, mais a également réalisé la meilleure croissance des sept GPM. En 2011, la hausse continue… sur la base d’une année précédente record.» Si les vracs liquides et les vracs solides se sont très bien tenus, les marchandises diverses, et en particulier les trafics générés par les lignes régulières, ont beaucoup souffert. « Deux raisons à cela. Les conflits sociaux, bien sûr, mais aussi la situation chaotique en Côte d’Ivoire et un encombrement dans certains ports africains. » Depuis le 3 mai, une page est tour-
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née : « L’unicité de commandement dans la manutention, que n’ont pas les ports belges ni d’autres ports européens, est une spécificité française : c’est un argument de vente vis-à-vis des armateurs. Cette nouvelle situation va libérer les énergies. Il nous faut regagner la confiance de nos clients : pendant les conflits, des habitudes se sont forgées d’utiliser les ports du Nord. Avec la nouvelle donne portuaire, nous parviendrons à ramener ces trafics vers Rouen», commente-t-il. Philippe Dehays souligne également les bons rapports qui se sont mis en place avec les services des Douanes. « Nous échangeons beaucoup. Avec les Douanes, nous travaillons à améliorer les conditions de passage par Rouen. Dans le même sens, la mise en place du logiciel communautaire AP+, commun avec la Soget du Havre, a contribué à une très bonne fluidité du
■ Philippe Dehays, président de l’Union port u a i re rouennaise (UPR)
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trafic.» Tout n’est cependant pas parfait : «Il faut aussi que l’on développe notre compétitivité. Il faudrait faire des efforts sur les prix d’embarquement. Mais on peut espérer que la massification – que nous entendons tous développer au port de Rouen– apportera une contribution à solutionner cette situation. Une chose est certaine : aujourd’hui, la croissance est devenue obligatoire.» ■ JMM - vendredi 20 mai 2011 25
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Transports terrestres : l’atout de la voie d’eau En matière de pré et de post-acheminements, le Grand port maritime de Rouen développe une politique très active. Comme le souligne le projet stratégique du port, adopté début 2009, «le GPMR se fixe pour objectif d’augmenter de 25 %, dans un premier temps, la part modale des pré et post-acheminements fluviaux et ferroviaires ». Si la situation évolue dans le domaine du ferroviaire, la voie d’eau poursuit un développement soutenu. Tour d’horizon. ans le domaine du transport ferroviaire, les choses évoluent lentement. Fin 2009, le Grand port maritime de Rouen et le Grand port maritime du Havre ont signé avec Réseau ferré de France un protocole d’accord visant à «coordonner leurs actions en faveur du développement ferroviaire et les rendre plus efficaces ». Les actions listées à ce protocole visent à « garantir la qualité des sillons desservant les ports hauts normands, mo-
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Deiss, président du directoire du GPMR, a souligné : «Nous devons travailler à l’adaptation du réseau ferroviaire portuaire de Rouen, riche de 120 km et pour lequel nous avons inscrit 15 M¤ de travaux, à la fois pour améliorer le service aux entreprises ferroviaires dans leurs dessertes et pour insérer correctement le réseau ferré dans les évolutions attendues sur Rouen dans la perspective de la ligne à grande vitesse Paris Normandie. » Des travaux ont déjà été réalisés avec l’appui des collectivités pour la mise en site propre d’une partie du réseau ferré portuaire.
derniser à court terme le réseau orienté fret desservant Rouen et Le Havre, préparer les aménagements ultérieurs du réseau orienté fret, connecter les deux ports au réseau transeuropéen de transport, améliorer les infrastructures ferroviaires portuaires, mettre en œuvre des opérateurs ferroviaires portuaires et partager les bonnes pratiques pour la maintenance et la gestion des réseaux ferroviaires fret ». À l’occasion de la signature de ce protocole, Philippe
Fluvial : la croissance soutenue par les déchargements
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L’an passé, la part du fret ferroviaire dans le trafic portuaire s’est un peu effritée et représente environ 3,5 % des tonnages. Mais les céréales pèsent beaucoup plus avec 10 % des tonnages transités à Rouen, soit environ 800000 t. Concernant la mise en place d’un «opérateur ferroviaire de proximité », Philippe Deiss confirme que le port «a cette ambition », mais il faut trouver la bonne solution. Dans le domaine fluvial, Rouen développe très régulièrement son potentiel. D’après les résultats statistiques publiés par Voies navigables de France (VNF), le tonnage traité dans la circonscription du Grand port maritime de Rouen a progressé tant en 2009 (12 %) qu’en 2010 (5,4 %). En deux ans, le volume global est passé de 4,4 Mt à 5,3 Mt. Sous l’influence de la croissance des trafics de céréales, ce sont les déchargements (entrées) qui ont soutenu la croissance : ces derniers se sont accrus de plus d’un tiers. Du reste, ce mouvement de progression des livraisons de céréales par voie d’eau a conduit les silos rouennais à s’équiper ou à moderniser leurs installations fluviales de
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>> > RO UEN réception. C’est ainsi qu’un nouveau poste a été réalisé au silo Soufflet, apte à recevoir des unités jusqu’à 1850 t. «L’investissement réalisé atteint environ 4,5 M¤ », souligne Régis de Braquilanges, directeur de la Socomac (groupe Soufflet). En matière de trafic conteneurisé, Rouen maintien sa position avec un trafic fluvial de 65 800 EVP « fluviaux » l’an dernier, un chiffre en baisse de 1,2 %, une contraction qui trouve son origine principalement dans les mouvements sociaux qui ont affecté les ports. Concernant la mise en place du canal Seine-Nord Europe, s’il est une en-
treprise rouennaise qui n’a pas attendu pour s’y investir, c’est bien le groupe agro-industriel Senalia. «Nous allons fédérer toutes les grandes coopératives, les betteraviers, les coopératives d’engrais, les carriers, les acteurs des marchés du sel de déneigement, etc., pour créer d’ici fin juin les entités de gestion de la future plate-forme de Languevoisin, explique André Laude, directeur général de Senalia. Il s’agit de mettre en place un interlocuteur unique pour une vingtaine de partenaires. » L’objectif de la mise en place de cette future plateforme est de permettre une massification des flux de marchandises en
vrac. Une noria de barges ou automoteurs devrait relier en aller/retour permanent Rouen et Languevoisin : « Il s’agit de tirer les céréales vers Rouen, mais aussi de remonter vers Languevoisin toute une gamme de produits : engrais, sel de déneigement, granulats, etc. » Avec cette plate-forme, Senalia et ses partenaires espèrent élargir l’arrière-pays de Rouen vers l’Est. Une rencontre devait intervenir très prochainement entre les responsables de Senalia et la mission de développement du canal Seine Nord Europe pour mieux définir ce que pourrait être cette implantation. ■
Services portuaires : suivre les évolutions au plus près Comme dans tous les ports, les professionnels au service des navires (pilotage, remorquage, lamanage) sont extrêmement attentifs aux évolutions de la fréquentation du port. Ils accompagnent et anticipent ces changements. Tour d’horizon des acteurs.
Pilotage : sécuriser les parcours rrivé au terme de ses deux années de mandat comme président de la Station de pilotage de la Seine – il cède son fauteuil à Olivier Couderc –, Daniel Dubuc dresse un constat de forte activité au cours de cette période : les navires ont été plus nombreux et, en particulier, ceux de grande dimension. Cette fréquentation en hausse a généré bien sûr davantage de tours de pilotage et, pour les plus grands navires, un allongement de la présence à bord. L’effectif de la station a dû être renforcé avec l’arrivée de deux
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nouveaux pilotes. Le pilotage travaille beaucoup pour améliorer ses techniques de navigation. La station fait usage notamment, pour les plus grands navires, de deux PPU (Pilot Portable Unit), des appareils très perfectionnés qui permettent une anticipation du déplacement des navires en utilisant les informations recueillies. «Ces matériels permettent de sécuriser un parcours », explique Daniel Dubuc. Par ailleurs,
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les pilotes développent la formation sur simulateur : il est possible aujourd’hui à quatre pilotes de travailler ensemble. Enfin, en matière de matériels, les pilotes de la Seine font construire actuellement une vedette rapide équipée d’une propulsion de type IPS. ■ JMM - vendredi 20 mai 2011 27
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DOSSIER Remorquage : des moyens plus puissants n ce qui concerne le remorquage, le groupe Thomas Services Maritimes/Sormar (Société de remorquage maritime de Rouen) a pris livraison l’année dernière du plus puissant remorqueur jamais vu en Seine, le RMT-Penfret. Construit en Turquie, il mesure 32 m de longueur pour 10,60 m de largeur. Il est équipé d’une machine de 5 200 CV et présente 70 t de puissance de traction. « Nous avions la volonté d’investir dans des remorqueurs de forte puissance, souligne Loïc Thomas, directeur général de Thomas Services Maritimes. Il y a plusieurs justifications à cela : le port de Rouen accueille des navires de grande taille, comme des Capesize. Par ailleurs, le
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port a souhaité que des surveillances de flot soient menées avec des unités de forte puissance. Enfin, le programme d’amélioration des tirants d’eau en Seine à l’horizon 2012/ 2013 va amener vers Rouen des na-
vires de plus grande taille. » Il faut ajouter que la flotte de la Sormar dispose d’un second remorqueur récent, le Capitaine-Louis-Thomas, livré en décembre 2008. Le groupe Thomas/Sormar est actif pour le remorquage portuaire, mais aussi maritime. Parmi les plus récentes opérations qu’il a menées, signalons le remorquage par le RMM o u l i s, l’un des remorqueurs du groupe, du cargo maltais NaftobulkVII de 122 m de longueur et 8700 t de port en lourd entre Rouen et Rot© J.-C.C. terdam. ■
■ Le re m o rqueur Capitaine-Louis-Thomas
Lamanage : de nouvelles installations our sa part, le service du lamanage a investi dans de nouvelles installations. Il s’est installé l’année dernière dans des locaux spécialement dessinés pour lui, représentant un investissement global de 1,5 M¤ (des aides ont été ac-
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cordées par la Région, le Département et la Communauté d’agglomération). Réalisé sur le mole séparant les deux darses du bassin Saint-Gervais, ce nouveau site comprend non seulement les bureaux du service (deux niveaux de 200 m2), ■ Le lève -bateaux et la barge Lama-Trans-2 du service de lamanage.
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un atelier (400m2 au sol), mais aussi un lève-bateaux de 50 t de puissance (qui permet en particulier de mettre au sec les matériels du service, mais aussi des bateaux de plaisance (le port de plaisance étant concomitant). Sur le site du lamanage est également installée une zone sous douane qui permet de stocker des matériels destinés à être embarqués sur des navires (pièces, huiles moteur…), notamment pendant les week-ends. Le service du lamanage, en plus de son activité habituelle, gère deux barges autopropulsées pouvant intervenir pour le service aux navires, les Lama-Trans-1 (basée à PortJérôme) et Lama-Trans-2 (basée à Rouen). La première présente une capacité d’emport de 8 t, la seconde de 20 t. Elles sont toutes deux dotées d’une grue de manutention. ■
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Amélioration des accès maritimes : un dossier essentiel En présentant les résultats du port de Rouen en début d’année, Philippe Deiss, président du directoire du Grand port maritime de Rouen, a souligné : «Le premier enjeu de 2011 est l’achèvement de la réforme portuaire. Le second enjeu est l’ouverture du chantier d’amélioration des accès maritimes du port. » e dossier de l’arasement des points hauts du chenal de la Seine a donné lieu à une concertation publique menée au cours de six réunions fin 2007 et début 2008. L’objet de ce projet, pris en compte au niveau du contrat de projet État-Région, est de gagner un mètre de tirant d’eau, soit 11,70 m à la montée de la Seine et 11,30 m à la descente. Son objectif permettra aux navires vraquiers de format Handymax, une classe d’unités en développement aujourd’hui, de pouvoir naviguer en Seine. Sur le plan administratif, ce dossier arrive aujourd’hui dans ses dernières phases. L’enquête publique décidée par les préfets de la Seine-Maritime, de l’Eure et du Calvados et couvrant au total 76 communes, s’est déroulée entre le 28 mars et le 29 avril. Le GPMR espère démarrer les travaux au dernier trimestre 2011. Le chantier se déroulera en plusieurs phases : la première portera sur la zone entre l’estuaire et PortJérôme (2011/2012), la seconde sur l’amont (2013/2014) tandis que la troisième phase concernera la descente de la Seine (2014/2015). Il est également prévu l’agrandissement de la zone d’évitage de Hautot-sur-Seine, qui permettra de faire éviter les navires de grande taille. Le budget de ce programme s’élève pour le chantier dragages à 130 M¤ : le financement est apporté principale-
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ment par l’État (51 M¤), le Grand port maritime de Rouen (39 M¤) et la Région de Haute-Normandie (35 M¤). Ce budget s’accompagne d’une enveloppe de 23 M¤ pour les opérations de rempiètement des quais (qui consistent à rendre totalement compatibles les postes d’accostage avec le nouveau dimensionnement du chenal) et d’une seconde de 70 M¤ pour les mesures environnementales (dont 30M¤ apportés par le département, 30M¤ par l’Agence de l’Eau et le GPMR et 9M¤ par la Région). Sur l’un des points qui ont suscité des observations, la valorisation des matériaux dragués, le GPMR a beaucoup travaillé. «Le projet prévoit le recyclage et la valorisation de 3,5 Mm3 de sédiments dragués dans le chenal amont, de Tancarville jusqu’à Rouen. 2Mm3 de matériaux tout-venant et sableux seront valorisés dans la filière du BTP; les contrats ont été finalisés fin 2009. 1,5 Mm3 de matériaux limoneux sera utilisé pour le comblement de ballastières et pour la restauration de milieux humides et de paysages », souligne le port. Dans la pratique, le chantier d’arasement ne porte que sur 17 % de la surface du fleuve entre Tancarville et Rouen et sur environ 10 % de la partie endiguée de l’estuaire. Les opérations d’enlèvement d’épaves, préalables au lancement du chantier d’arasement, sont aujourd’hui achevées. ■
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