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Dossier réalisé en partenariat avec Econostrum.info
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Comme un battement d’ailes de papillon
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peut générer un cyclone aux antipodes, une
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Armateurs et chargeurs dans la tourmente de la clause sanction
révolution au Maghreb n’est pas sans provo -
E n t retien avec Nicolas Jugé, vice-président de Forsea’s : « La clause sanction résulte de l’impuissance des États à faire respecter l’ordre »
quer d’onde de choc sur le monde maritime
E n t retien avec Blandine Huchet, responsable des affaires européennes d’Armateurs de France : « Les sanctions ont un impact non négligeable sur l’activité économique des armateurs »
d’Ivoire en février, le développement de la
Les importations italiennes mises à mal par le Printemps arabe
lution… Des événements qui ne sont pas
E n t retien avec Jean-Paul Lasserre, directeur général du Garex : « Il faut être très réactif en assurance pour risques de guerre »
sans conséquences pour les assureurs et les
Les révolutions arabes ne font pas de vagues dans le secteur maritime espagnol
en Europe et dans le monde. Après la Côte piraterie dans le Golfe d’Aden et de Guinée, l’Égypte, la Tunisie, la Libye en pleine révo -
armateurs qui doivent faire face à des condi tions d’opération nouvelles. JMM 4787-4788 vendredi 16 septembre 2011
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Armateurs et chargeurs dans la tourmente de la clause sanction Depuis la fin de l’année 2010, les assureurs peuvent mettre fin à une police d’as surance sans préavis en se retranchant derrière des lois et des règlements inter nationaux qui sanctionnent les pays en prenant des mesures de rétorsion économique. La clause sanction peut être lourde de conséquences, en part i culier dans le transportmaritime et le négoce avec des navires et des marchan dises non assurés.
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omment une simple petite phrase peut-elle mettre le feu aux poudres ? En l’occurrence, la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA), qui a refusé de répondre à nos questions, a adressé une circulaire à ses adhérents proposant un modèle de clause (lire encadré) à insérer dans les polices d’assurance prévoyant la suspension du c o n t rat lorsqu’une activité est pro h ibée où lorsqu’un armateur s’aventure dans un port dont les escales sont i n t e rdites. Cette clause vient compléter le dispositif existant qui faisait déjà référence à des activités prohibées à la fois dans les polices corps (art.3 des polices d’assurance maritime) et facultés (art.7). Difficile pour un armateur de se soustraire à cette clause sanction, le marché de l’assurance étant tenu par
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une poignée d’opérateurs qui n’ a d’autre choix que de supporter le report de la charge juridique des États. Mais, quel est au juste le cadre de cette clause ? A-t-elle une valeur constitutionnelle et d’ordre public ? Difficile, vo i re impossible à ce jour, d’avoir une réponse claire.
PAS DE DÉCLARATION DE GUERRE MAIS UNE RÉPONSE ÉCONOMIQUE Dans une circulaire à l’attention de ses adhérents, la FFSA justifie la rédaction d’une telle clause face à la « multiplica tion des mesures restreignant le com merce avec certains pays ou entité » et pour la « nécessité de la mise en œuvre de la loi », et précise que « ne sont retenues que les législations qui s’im posent à l’assureur ». Ainsi, un assureur français sera concerné par des sanc-
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tions prises par l’Union européenne et par des sanctions nationales. Un assureur américain suivra de près les décisions du Conseil de sécurité des Nations unies. Des sanctions peuve n t également être décidées par les États u n i l a t é ralement tels que la France lorsque la Côte d’Ivo i re était plongée dans le chaos, ou les États-Unis en adoptant des sanctions à l’encontre d’un certain nombre de pays. Pas d’attaque frontale, pas de déclaration de guerre. La riposte des nations occidentales se fait sous l’angle économique en sanctionnant les personnes physiques ou morales qui pactisent avec la puissance ennemie. Des listes nominatives sont d’ailleurs tenues scrupuleusement à jour. Le système est particulièrement poussé : « Un Américain qui tra vaille en Afrique et en affaire avec l’Iran est soumis aux sanctions », souligne Philipp Roche, avocat au cabinet londonien Norton Rose. « Certains courtiers se sont associés à la clause sanction. Il faut résister à cette psychose générale. En cas de sanctions, l’assuré sera alors soumis à une triple peine : confiscation de la marchandise, amende et sanctions financières pour l’assureur qui les r é p e rc u t e ra sur son client », lance Vincent Huens, Marine & Transports Manager chez Ascoma Jutheau Husson. Le 9 juin 2010, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté une résolution (1929-2010) à l’encontre des personnes physiques ou morales qui agissent au nom de l’armement national Islamic Republic of Ira n (IRISL), contre l’opérateur portuaire Tidewater Middle East qui gère des terminaux dans sept ports iraniens et contre le transporteur national Ira n Air. Dix jours plus tard, la Commission européenne a adopté une résolution
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similaireanti iranienne (règlement du 18-06-2010) avec la ferme intention de traquer les pratiques douteuses (falsification de documents, ra j o u t d’un préfixe au nom d’un navire … ) . Dès le début 2011, à la lumière du Printemps arabe, la liste des pays sanctionnés a été rallongée.
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Termes de la clause sanction : « Le présent contrat ne produit aucun effet dans tous les cas de sanction, restriction ou prohibition prévus par les conventions, lois ou règlements, notamment de l’Union européenne, s’imposant à l’assureur et comportant l’interdiction de fournir un service d’assurance. Le présent contrat ne s’applique ni aux marchandises, ni aux moyens de transport aérien, maritime, fluvial ou terre s t resoumis à une quelconque sanction, restriction, embargo total ou par tiel, prohibition, ni aux responsabilités en découlant. De la même façon, ce contrat ne s’applique ni à un commerce ou activité visé(e) par de telles mesures, ni au commerce clandestin et/ou aux moyens de transport utilisés à cette fin. »
L’ABSENCE DE DIPLOMATIE EUROPÉENNE POSE UN PROBLÈME En Tunisie, il s’est agi d’un gel des actifs a p p a rtenant aux clans Ben Ali et Trabelsi. En Libye, une sanction similaire a été prononcée dès le 26 février 2011 à l’encontre de Kadhafi et de six personnes de sa famille par le Conseil de sécurité des Nations unies, qui le 17 mars a élargi les sanctions avec un embargo, interdiction d’importer ou d ’ e x p o rter des armes. L’ Eu rope a adopté les mêmes mesures en avril. Au même moment, la répression san-
glante engagée par le président syrien Bachar el-Assad contre son peuple lui a valu des sanctions sévères en avril et en août dernier de la part des ÉtatsUnis et de l’UE. Désormais, il est interdit d’importer du pétrole et des produits pétroliers syriens. Plongé dans le chaos et la guerre pendant plusieurs mois, la Côte d’Ivoire a également fait l’objet de restrictions au commerce imposées le 12 avril par un règlement du Conseil de l’UE et
levées le 27 juin. La société ivoirienne de raffinage, le Comité de gestion du café et du cacao et les Ports autonomes d’Abidjan et de San Pedro ont subi des restrictions aujourd’hui levées. « Le Département d’État américain, avant de prendre des sanctions contre un État, interroge les entreprises instal lées sur place et leur donne 24 à 48 heures pour prendre leurs disposi tions. L’absence de diplomatie euro péenne est un problème. En France, il >
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> n’y a pas eu d’aménagement écono mique, et en Côte d’Ivo i re, une déci sion a été rétroactive de 24 heures. Où laisse-t-on les cargaisons ? En Afrique, chacun sait que pour travailler il faut ê t reproche du pouvoir et savoir part i r le moment venu. Il s’agit plus d’un pro blème de géopolitique que de busi ness », explique un observateur. Les sociétés étrangères présentes dans ce pays, Boluda, Bolloré CMA CGM, MedCoa, ont accusé des chutes de leur c h i f f re d’affaires. Sans attendre les sanctions, l’armement MedCoa a décidé de lever l’ancre de lui-même. CMA CGM indique avoir « subi des retards » en raison des contrôles imposés. « Il y a nécessité pour les arma teurs de vérifier la conformité des chargements et l’identité de leurs cocontractants afin de ne pas se retrou -
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ver en infraction des différentes légis lations, de perdre le bénéfice des cou vertures d’assurance et d’être assujettis à des pénalités », indique le groupe maritime. MSC dit « ne plus toucher la Libye, la Syrie et l’Iran et suivre les directives européennes ». « Si un global carrier e n f reint les sanctions, le gouve r n e ment américain peut geler les comptes bancaires, l’interd i re de faire escale dans les ports américains et faire arrê ter les directeurs des compagnies. Les Américains ne veulent pas la guerre mais ils mettent la pression au maxi mum », indique Me Roche. Morale et politique sont ainsi impliquées dans le délicat dossier des clauses sanction. Un armateur qui commerce avec l’Iran ou en Syrie doit s’attendreaux risques qu’il encourt …
En mai, l’affaire Ofer Brothers Gro u p a fait grand bruit. La compagnie israélienne, frappée de sanctions américaines, s’est vue infliger une peine e xe m p l a i re par les États-Unis pour a voir vendu un pétrolier (pour 8,65 M$) à la compagnie singapourienne Tanker Pacific, une émanation du groupe iranien IRISL. PDVSA, PCCI, Royal Oyster Group aux Émira t s , Tanker Pacific et le courtier maritime Associated Shipbroking de Monaco ont également été sanctionnés pour violation de l’embarg o américain. Ces entreprises ont désormais interdiction d’obtenir des financements d’opération d’importexport auprès de banques américaines et interdiction d’obtenir des prêts de plus de 10 M$. Nathalie Bureau du Colombier
ENTRETIEN AVEC NICOLAS JUGÉ, VICE-PRÉSIDENT DE FORSEA’S
« La clause sanction résulte de l’impuissance des États à faire respecter l’ordre » J O U R N A L D E LA M A R I N E M A R C H A N D E (JMM) : QUEL AV IS PORTEZ-VOUS SUR LA CLAUSE SANCTION ? NICO LAS JUGÉ (N.J.) : Elle est exorbitante par rapport au droit commun et à la sécurité qui doit prédominer dans le c o m m e rce international. Elle se ra pproche des risques de guerre. La garantie des risques de guerre peut être résiliée à tout moment, l’exclusion de la clause sanction peut être imposée à tout moment. En fait, la clause dépend de l’environnement politique. Je pense que seul les nouveaux voyages et/ou les nouveaux contrats devraient être concernés. Si un pays s’enflamme et que le risque a démarré avant, le contrat devrait perdurer. Je vois cette clause comme le constat d’impuissance des États à faire re s18
pecter les normes qu’ils édictent à terre et en mer. Les États ont délégué leurs responsabilités aux acteurs économiques face aux difficultés d’application des décisions de l’ONU. Ce système des clauses sanctions est pervers car la responsabilité de l’application des décisions des États ou des organisations internationales incombe aux ressortissants qui « facilitent » les intérêts des pays incriminés, sans leur indiquer véritablement un code de bonne conduite sinon des sanctions. Nous pouvons faire le parallèle ave c la mise en place de la qualité d’expéditeur connu qui touche aux questions de s û reté nationale. Avec ce procédé, les opérateurs privés organisent euxmêmes la protection de leurs sites et des marchandises qui entrent et sor-
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Nicolas Jugé, vice-président de Forsea’s
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Les marchés parallèles finissent par re venir au final aux Lloyd.
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tent dans les entrepôts. Ils font un travail de police. Cela démontre l’impuissance des pouvoirs publics qui délèguent aux acteurs économiques l’application de leur politique. Les États ne souhaitent pas engager une agre ssion politique frontale. JMM : LES ARMATEURS ONT TOUJOURS FAIT PREUVE D’INGÉNIOSITÉ POUR POURSUIVRE LEURS OPÉRATIONS COMMERCIALES.
QU’EN ? N.J. : En reportant cette clause vis-à-vis de leurs clients, mes partenaires assureurs sont entre deux feux, mais nous rencontrons des situations où le comm e rce s’en trouve paralysé. Parfois, l’armateur sans couverture se tourne vers des marchés parallèles pour s’ass u rer en dehors du circuit classique des assureurs et P&I Clubs. Il va chercher des garanties dans des pays (Chine, Turquie…) non concernés par les sanctions. Ces mêmes institutions financières vont ensuite se réassurer sur le marché de Londres, soumis aux clauses sanctions ! Ces marchés parallèles vont devenir des marchés d’assurance écran en reportant in fine le risque sur Londres. EST-IL
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JMM : COMMENT SE PASSE CETTE GESTION ? N.J. : Les Américains, plus pra g m atiques que les Européens, tiennent une liste à jour des intérêts iraniens bannis. Les flux de marchandises ne sont pas p e rturbés. En revanche, le transit dans c e rtaines zones telles que le Nigeria, le Golfe d’Aden, est modifié. Les armateurs évitent ces zones pour ne pas p a yer de surprimes. Si, en Syrie, les escales sont autorisées, le montant des primes peut être cent fois supérieur au taux normal. En Libye, nous avons mis en place des projets pour les programmes d’aide alimentaire de la Croix rouge, mais nous avons eu des difficultés à garantir les risques de guerre en France. Alors nous sommes allés à Londres. D ES SANCTIONS DANS LA PRATIQUE
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Forsea’s, courtier en assurance corps et facultés
Forsea’s est une société de courtage en
assurance maritime basée à Marseille et Genève. Créée en 2008, Marine & Tra n s p o rt Risks Management (M&TRM) a été rebaptisée Forsea’s en 2010. Ce courtier très spécialisé propose des solutions d’assurance « sur mesure » pour les acteurs de l’industrie du tra n s p o rt maritime, qu’ils soient armateurs, opérateurs de navires, affréteurs à temps, mais aussi négociants en matières premières. Il intervient également dans la grande plaisance de luxe. Forsea’s offre une gamme de service étendue à l’ensemble des besoins de sécurisation des relations contra c-
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tuelles, en dehors de l’assurance traditionnelle, telle que la gestion de fonds d’auto-assurance, « Shipping Advisory », veille juridique et économique et « claim Handling ».
ENTRETIEN AVEC BLANDINE HUCHET, RESPONSABLE DES AFFAIRES EUROPÉENNES D’ARMATEURS DE FRANCE
« Les sanctions ont un impact non négligeable sur l’activité économique des armateurs » Depuis la crise iranienne, Armateurs de France informe ses adhérents des sanctions économiques appliquées par l’ONU, les États-Unis et l’UE auprès de nombreux États. Un travail minutieux de veille au quotidien. J O U R N A L D E LA M A R I N E M A R C H A N D E (JMM) : POURQUOI SUIVEZ-VOUS DE PRÈS L ES SANCTIONS À L’ENCONTRE D ES ÉTATS ? BLANDINE HUCHET (B.H.) : Nous ne suivions pas la politique des sanctions jusqu’à ce que nous nous apercevions, à l’automne dernier, de leurs répercussions sur le transport maritime. Les sanctions contre l’Iran ont eu un impact considérable. Depuis, nous suivons la publication des textes au Journal offi c i e l. Ce n’est pas évident car ces textes re l è vent davantage de la politique é t ra n g è re. S’agissant de la Côte d’Ivoire, un règlement a été adopté en octobre 2010 venu modifier le règlement de 2005 en y ajoutant un volet maritime. 20
En Côte d’Ivo i re, les escales ont été impossibles, les réglements interdisant de verser des fonds aux autorités port u a i re s .
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JMM : QU E LS SONT L ES DIFFÉRENTS TYP ES DE SANCTION ?
B.H. : Dans de nombreux régimes de sanction, certains re s s o rtissants liés aux pays incriminés n’ont pas le droit de pénétrer sur le territoire communautaire. Parfois, les escales deviennent impossibles car il est interdit de verser de l’argent aux autorités port u a i res comme ce fut le cas en Côte d’Ivoire. En Iran, elles ne sont pas prohibées. Il s’agit ici d’éviter la prolifération nucléaire. Les marchandises sont visées avec un système de contrôle renforcé et une transmission préalable des informations par le biais de la d é c l a ration sommaire ava n c é e . Heureusement que nous possédions déjà ce système, sinon nous aurions dû mettre en place un mécanisme ad h o c. Tout transfert de fonds à la compagnie IRISLou société contrôlée par IRIS L est interdit, au-delà du charg ement ou déchargement de marchandises sur un navire IRIS L dans un port communautaire.
matière de sanctions ont été adoptés sans être discutés avec les opérateurs économiques port u a i res afin de prendre tout le monde par surprise. Ce fut le cas pour la Côte d’Ivo i re , lorsque nous avons appris au JO du 30 août que les escales dans les ports ivoiriens étaient interdites depuis la veille ! Cela a posé des problèmes aux navires qui se trouvaient à quai et à ceux qui étaient en route. Les dispositifs n’étaient pas précis et nous n’avions pas de réponse claire de Bercy. L’Union européenne a sous-estimé les conséquences opérationnelles des sanctions. Elles ont un impact non négligeable sur l’activité économique des armateurs. Depuis l’arrivée d’Alassane Ouattara au pouvoir, l’activité maritimo-portuaire re p rend dans les ports d’Abidjan et San Pedro, les interdictions ayant été levées le 12 avril. Il existe encore
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quelques sanctions qui portent sur l’interdiction d’importer ou d’exporter du matériel militaire. JMM : OUTRE L’IRAN ET LA CÔTE D’IVOIRE, QUELS PAYS SUIVEZ-VOUS DE PRÈS ? B.H. : Nous suivons attentivement les sanctions en Syrie et Libye même si, pour ce dernier, les sanctions relatives aux escales des navires ont été levées début septembre. La Birmanie fait l’objet de mesures restrictives s’agissant du bois exotique, des métaux et pierres précieuses. En Tunisie, l’armateur doit s’assurer qu’aucune de ses dépenses ne bénéficieraient au clan Ben Ali et aux personnes physiques ou morales « blacklistées ». Nous surveillons également la Biélorussie, la Guinée et le Zimbabwe. Propos recueillis par Nathalie Bureau du Colombier
JMM : QUELLES SONT VOS ACTIONS VIS-À-VIS ? B.H. : Nous faisons un travail de veille sur la réglementation et venons compléter celle assurée individuellement par les compagnies. Tous les textes en
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Les importations italiennes mises à mal par le Printemps arabe L’arrêt des raffineries libyennes et les sanctions décidées contre la Syrie pénalisent l’Italie. Malgré la baisse de trafic, armateurs et courtiers restent confiants compte tenu des besoins de développement que le printemps arabe devrait susciter dans le futur.
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ix-neuf pour cent du trafic maritime mondial de mar chandises transitent par la Médi terranée et ses quelque 80 principaux ports. Près de 2 000 navires prennent la mer chaque jour, ils transportent e n v i ron 1,4 Mdt de marc h a n d i s e s chaque année. Les troubles qui tou chent des pays comme l’Égypte, la Tunisie, la Libye ou encore la Syrie ne peuvent donc qu’impacter le trafic mari time, en particulier le transport des re s s o u rces énergétiques, pétrole et gaz », constate le porte-parole de Confitarma (Confédération des armateurs italiens). Déjà dans une situation économique difficile avec un taux de croissance qui devrait être inférieure à 1 % sur l’année 2011, l’Italie, très dépendante des importations de pétrole et de gaz, subit plus que d’autres pays occidentaux le contrecoup de ces bouleversements géopolitiques. Aux sanctions déjà décidées contre l’Iran se sont ajoutées celles qui concernent deux part e n a i res économiques importants pour la Péninsule, la Libye et la Syrie. « En matière d’im p o rtations, gaz et pétrole sont princi palement concernés » , c o n f i r m e Gian-Enzo Duci, vice-président de Assagenti qui, à Gênes, fédère les professionnels du shipping, agents maritimes et courtiers. L’Italien ENI a été jusqu’ici le premier g roupe pétrolier en Libye, 38 % des importations italiennes de pétrole et 1 0 % du gaz provenant de Libye . L’Union européenne a, en outre, décidé de suspendre les importations de pétrole en provenance de la Syrie pour 22
sanctionner la gestion de la crise par le président Bachar el- Assad. « Un tiers des exportations du pétrole syrien arrive en Italie, c’est pourquoi notre gouvernement a demandé un délai de deux mois avant l’entrée en vigueur de l’embargo », précise le vice-président d’Assagenti. Pour les contrats signés avant que ne soient prises ces mesures, courtiers et armateurs ne peuvent qu’invoquer, pour justifier la non-exécution du c o n t rat, la force majeure. Aux tribunaux d’apprécier la situation en cas de d é s a c c o rd. Les navires battant pavillons européens n’ont pas le choix, ils doivent respecter l’embargo. Confitarma veille cependant, en coordination avec le ministère des Affaires étrangères, à ce que ces sanctions n’introduisent pas de discriminations entre les différents opérateurs européens ou entre ces derniers et des armateurs de pays autres que ceux de l’Union européenne.
MISER SUR LA REPRISE DES ÉCHANGES Armateurs et courtiers italiens sont sur la même longueur d’onde, la normalisation des relations avec La Libye avec la chute de Kadhafi pourrait permettre de compenser le manque à gagner suite aux sanctions décidées à l’égard de la Syrie. « Les import a tions de pétrole libyen devra i e n t reprendre, mais nous espérons aussi pouvoir affréter des navires pour assu rer la livraison des biens d’équipe ments nécessaires à la reconstruction du pays », estime Gian-Enzo Duci. Reste une inconnue de taille : quel sera
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le poids de l’Italie dans les futures relations économiques avec la Libye car la France, la Gra n d e - B retagne et les États-Unis sont sur les rangs et la concurrence sera vive. Po u rtant, dans ce contexte incert a i n , Gian-Enzo Duci préfère voir le ve r re à moitié plein. « Le Printemps ara b e ouvre de nouvelles perspectives pour les ports des rives nord de la Mé diterranée. Égypte, Tunisie, Libye vont avoir d’importants besoins pour assu rer le développement économique de leurs pays. L’arrivée de la démocratie est un signe positif et fournit une base solide à une coopération future plus étroite avec les pays occidentaux ». Christiane Navas
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ENTRETIEN AVEC JEAN-PAUL LASSERRE, DIRECTEUR GÉNÉRAL DU GAREX
« Il faut être très réactif en assurance pour risques de guerre » Jean-Paul Lasserre dirige le Ga rex. Un GIE d’assureurs français dédié aux risques de guerre fondé voici 30 ans et relancé dans les années 2000. Destiné à mutualiser les capacités de couverture, il regroupe Axa, Allianz, Generali, Groupama, Mapfre, Mitsui Sumitomo. Assureur corps et P&I, le Garex dispose d’une capacité d’indemnisation de 115 Me pour l’assurance corps et 115 Me pour le P&I. Le Garex emploie une douzaine de personnes basées à Paris. Il est aussi caisse centrale de réassurance. En matière de risque de guerre, la place de Londres joue un rôle dominant. Elle couvre 80 % des contrats mondiaux pour risque de guerre. J O U R N A L D E LA M A R I N E M A R C H A N D E (JMM) : QUELLE EST LA PARTICULARITÉ DE L’ASSURANCE POUR R IS Q U ESDE GUERRE ? JEAN-PAUL LASSERRE (J.-P.L.) : Les polices d’assurance risques ordinaires excluent la guerre et le terrorisme. La nôtre rachète les exclusions de la police ordinaire. Ces contrats sont résiliables à très court terme. En fonction des évé-
nements, il s’agit de clauses de sept jours et chaque partie a le droit d’y mettre un terme. Lorsque les armateurs pénètrent dans des zones sensibles, ils doivent nous le signaler et p a yer des surprimes. Bien souvent, ils ne se privent pas de résilier le contra t lorsqu’ils trouvent une assurance moins chère. Il faut être très réactif car
la prime varie au jour le jour en fonction des événements et nos cotations ne sont valables que 48 heures. Ce fut le cas lorsque les Israéliens ont bombardé Beyrouth ou lorsque Médecins sans Frontières a envoyé du personnel à Misrata où se trouvaient des mines. JMM : APPLIQUEZ-VOUS LA C LAUSE SANCTION ? J.-P.L. : Notre clause de résiliation de sept jours suffit. À la différence de l’assurance pour risques de guerre, le préavis de l’assurance ord i n a i re est plus long, d’où la mise en place d’une clause sanction. JMM : COMMENT GÉREZ-VOUS L ES RISQUES ? J.-P.L. : Nous posons de nombreuses questions aux opérateurs désireux d’entreprendre un voyage dans une zone à risque. Le capitaine d’un navire qui doit se re n d reen Libye connaît-il déjà le port ? De quel type de navire s’agit-il et dans quelles conditions l’escale est assurée ? Propos recueillis par Nathalie Bureau du Colombier
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Les révolutions arabes ne font pas de vagues dans le secteur maritime espagnol L’évolution très favorable de l’activité des ports de marchandises en Espagne a éclipsé les problèmes liés aux interdictions très ponctuelles d’accoster en Tunisie lors de la « Révolution du jasmin ».
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n Espagne, les responsables des p o rts de marchandises ont le sourire. Car l’activité portuaire espagnole explose, avec près de 100 Mt de marchandises en transit sur l’ensemble des plates-formes du pays, au cours du premier semestre 2011. « Le niveau d’activité a presque atteint le record historique enregistré en en 2008, avec 102 Mt de marchandises », confirme le courtier maritime Pere Carbonell. Dans ce contexte d’euphorie – particulièrement ra re en ce moment outre Pyrénées –, les répercussions des révolutions arabes sur le trafic maritime espagnol sont passées inaperçues, selon le courtier catalan : « Les arma teurs ont été les plus impactés, car les assurances n’ont pas pris en compte
Maghreb a eu des conséquences assez limitées, avec des interruptions de flux relativement courtes. Pour la Tunisie, qui représente des échanges assez importants, le trafic n’a été interrompu que pendant dix jours, et depuis, les niveaux d’activité sont revenus rapi dement à la normale. »
les pertes liées aux interdictions d’ac coster en Tunisie notamment. Une situation habituelle en cas de guerre ou de catastrophe naturelle, et à laquelle les armateurs ne peuvent se couvrir qu’en prenant des assurances qui n’ont g é n é ralement pas lieu d’être en Méditerranée. Et puis, comment imagi ner ce qui allait se pro d u i re ? C’est d’ailleurs généralement le pro p re des révolutions ! ». Un point de vue partagé par Lu i s Romeu Vallejo, directeur de la société Tiba International, transitaire maritime basé à Barcelone et Valencia : « Le contexte ne justifie pas vraiment de modification des contrats pour les opé rateurs espagnols, car la rupture liée aux révolutions dans les pays du
PAS DE CHANGEMENTS EN TERMES DE PRIX Les opérateurs maritimes espagnols restent cependant en alerte sur les possibles développements politiques au Maghreb, sans se montrer pour autant inquiets. Notamment concernant la Libye, où ils constatent une baisse sensible des échanges mais sans interdiction concernant ce pays. « La situation apparaît aujourd ’ h u i un peu plus compliquée avec la Libye , en raison d’un conflit d’une autre nature et pas encore terminé », note Luis Romeu Vallejo. Les tensions en Syrie semblent beaucoup plus préoccuper ce transitaire maritime, compte tenu de la gravité des événements. Avec en ligne de mire de possibles changements dans d’autres pays pas e n c o re directement concernés, comme l’Algérie ou le Maroc. « Pour autant, insiste Luis Romeu Vallejo, je ne vois pas de raison de pre n d redes m e s u res part i c u l i è res, et les arma teurs comme tous les autres opéra teurs maritimes se contentent d’observer. Après tout, la situation s’apaise, que ce soit en Égypte ou en Tunisie, et les changements politiques affectent peu les volumes et les prix. Par conséquent, il n’y a pas vraiment de quoi de s’inquiéter sur un plan commercial, même si nous suivo n s tous avec grand intérêt ce qui peut se passer, notamment en Algérie et au Maroc. » DR
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Francis Matéo