Les terminaux méthaniers en Europe

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DOSSIER

Les terminaux méthaniers en Europe © Elengy/Fos-Cavaou

Un peu de vocabulaire

Sommaire ■ Un marché du gaz bouleversé, des projets

freinés pour un temps ■ France : de l’avantage de développer

l’existant ■ Des projets qui avancent lentement

P.16 P.20 P.23

■ Pays-Bas : un premier terminal méthanier

néerlandais opérationnel en septembre 2011 ■ Belgique : Zeebrugge, un point d’entrée

central ■ Grande-Bretagne : les plus grands sites

européens ■ Espagne : des extensions de capacités

récentes ■ Italie : priorité aux sites offshores

P.26 P.27 P.29 P.30 P.31

Tout au long de ce dossier, il est question de «terminal méthanier ». Ces mots désignent l’appontement, les installations pour le déchargement, les différentes canalisations, les réservoirs, l’usine de régazéification du GNL, l’unité de cogénération, la torche, etc. «Terminal méthanier » désigne donc l’ensemble de l’infrastructure dédiée au gaz naturel liquéfie (GNL) et pas seulement la partie nautique du site. Au sein de l’Union européenne, les pays suivants sont évoqués : France, GrandeBretagne, Belgique, Pays-Bas, Espagne et Italie. Dossier réalisé par Clotilde Martin et Daniel Solano JMM - vendredi 11 mars 2011 15


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Un marché du gaz bouleversé, des projets freinés pour un temps L’évolution du marché du gaz n’a pas été un long fleuve tranquille depuis le milieu des années 2000. Et il est bien difficile de prédire de quoi demain sera fait. Seule certitude : la volonté de sécuriser l’approvisionnement énergétique de la France et de l’Europe en multipliant les points d’entrée et en favorisant l’interconnexion des marchés. n 2007-2008, dans un contexte de prix pétroliers très élevés, le marché du GNL était déjà tendu et cette tendance devait s’accentuer dans le futur à cause d’une demande en croissance et de retards sur la mise en service des trains de liquéfaction de gaz, notamment au Qatar et au Yémen », explique Colette Lewiner, directeur associé de Capgemini, en charge du secteur de l’énergie. Le gaz naturel était aussi porté par ses caractéristiques environnementales (énergie fossile la moins polluante) plutôt favorables

«E

et par sa facilité d’usage. Le GNL, qui permet d’importer du gaz en Europe de 60 % des pays producteurs, a une place privilégiée dans l’approvisionnement en gaz car il entraîne une diversification des sources d’approvisionnement et donc sécurise l’approvisionnement énergétique de l’Union européenne (UE). La fragilité d’un approvisionnement dominant en provenance de Russie ayant été mis en exergue par la coupure prolongée de l’approvisionnement de gaz russe suite à un différent entre Gazprom et l’Ukraine en 2006. Cette coupure a eu des ré-

© Capgemini

■ Colette Lewiner, directeur associé de Capgemini, en charg e du secteur de l’énerg i e . Elle a également dirigé le groupe de travail sur la régulation des t e rminaux méthaniers en 2008 à la demande de la Commission de régulation de l’énergie (CRE).

GNL et voie maritime Le gaz transformé en GNL est facilement transportable dans des navires méthaniers car, sous forme liquide, son volume est 600 fois moindre qu’à l’état gazeux. Mais il faut des infrastructures pour le faire passer d’un état à l’autre (voir schéma p.19). Le marché mondial du gaz se distingue également par un éloignement de plus en plus grand des lieux de production et de consommation qui ne peuvent pas toujours être reliés par des gazoducs. Le GNL et les navires méthaniers prennent alors tout leur sens, sachant qu’à partir de 2 500 km, la voie maritime devient particulièrement intéressante en termes de coûts. Quant à savoir s’il vaut mieux implanter des terminaux méthaniers sur les façades méditerranéenne ou atlantique, les opinions sont variées. Il y a deux sources principales d’approvisionnement en gaz dans le monde. Le Moyen-Orient, le gaz est alors plutôt dans le bassin méditerranéen ; l’Afrique de l’Ouest et la côte est de l’Amérique, la zone d’échanges de gaz est alors dans le bassin atlantique. Il revient à chaque opérateur de décider de la rotation des navires en fonction des coûts du maritime. Et au fond, à l’arrivée, ce qui fait sans doute la différence pour un importateur de gaz dans le choix d’un terminal méthanier, c’est la qualité du service proposée par l’exploitant et le prix de ce service. © Hoegh LNG

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© Walter Barros

percussions fâcheuses, notamment dans les États membres d’Europe de l’Est, dépendant à plus de 90 % des approvisionnements russes. Bruxelles a souhaité dépendre moins de la Russie mais n’a pas pu compter sur les ressources gazières européennes, entrées en lent déclin. L’UE a cherché également à rendre attractif son marché afin d’éviter que les grands pays producteurs ne choisissent l’Asie pour vendre leur gaz au détriment du Vieux Continent. Il a donc existé un courant favorable pour multiplier les possibilités d’importation de GNL en Europe et donc une multiplication des projets de terminaux méthaniers (voir carte). «Mais, il y a eu la crise financière et économique de mi-2008 et le marché du gaz n’a pas évolué comme prévu », relève Colette Lewiner. La consommation de gaz naturel, no-

© Clotilde Martin

tamment industrielle, a chuté alors que, depuis plus de 30 ans, elle était en hausse quasi ininterrompue. Du coup les prix, eux aussi, sont partis à la baisse. Le marché du gaz a alors connu une autre rupture majeure : les États-Unis ont su exploiter, à des conditions économiques compétitives, le gaz de schiste. L’Amérique du Nord, d’une balance gazière déficitaire, est devenue un pays producteur autosuffisant. Le GNL destiné aux États-Unis s’est donc retrouvé sur le marché alors même que la consommation était en nette diminution. Le marché du gaz compte trois grandes zones de prix : Asie, Europe et États-Unis. Elles étaient auparavant importatrices. Mais les États-Unis ne le sont quasiment plus. «Les prévisions évoquent désormais un marché du gaz en excédent, peut-être jusqu’en JMM - vendredi 11 mars 2011 17


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DOSSIER 2015-2020 », indique Colette Lewiner. Le marché du gaz est donc entré dans une zone de turbulences et d’incertitudes. Avec la crise économique et financière, les investisseurs sont devenus plus prudents ou plus frileux. Aussi plusieurs projets industriels, dont les coûts sont très élevés et les durées d’amortissement longues, ont été retardés. Il existe toutefois des signes qui poussent à l’optimisme. Le gaz conserve ses atouts environnementaux et ses réserves sont nettement plus élevées que celles du pétrole. Après le creux de 2009 (-6 % en Europe), la consommation de gaz est repartie à la hausse dans plusieurs pays européens. La volonté de l’UE de réduire la dépendance par rapport au

gaz russe demeure, tout comme celle de créer une plus grande fluidité du marché intérieur entre les États membres permettant une plus grande mutualisation des approvisionnements entre les différents pays en cas de crise. « La demande de gaz devrait repartir à la hausse, tirée par la production d’électricité à partir des centrales à cycle combiné à gaz (CCCG) », assure Florence Dufour, directeur adjoint à la direction des infrastructures et des réseaux de gaz de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). De nombreux projets de construction de CCCG sont sur les rails en Europe. Le GNL et les terminaux méthaniers devraient donc avoir encore de beaux jours devant eux. ■

© CRE

■ F l o rence Dufour, directeur adjoint à la direction des i n f r a s t ru c t u res et des réseaux de gaz de la Commission de régulation de l’énergie (CRE).

Terminaux régulés et terminaux exemptés Depuis une directive de Bruxelles du 26 juin 2003, les terminaux méthaniers européens peuvent être soumis ou non à la régulation de l’accès des tiers. « La différence de régulation entre terminaux régulés et terminaux exemptés repose sur deux philosophies », indique Colette Lewiner, directeur associé de Capgemini, en charge du secteur de l’énergie, et qui a dirigé un groupe de travail sur la régulation des terminaux méthaniers en France en 2008 à la demande de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). La première philosophie considère le terminal méthanier comme une infrastructure gazière essentielle au même titre que les gazoducs de transport. C’est le cas en France pour les trois terminaux en service, qui ont un accès des tiers régulé. L’autre philosophie, développée au départ aux États-Unis, considère le terminal comme une infrastructure gazière amont, comme les champs gaziers. Le terminal est alors exempté de l’accès des tiers. Le site britannique d’Isle of Grain est exempté. En France, si le projet de Dunkerque porté par EDF se réalise, il sera exempté pour l’accès des tiers, c’est-à-dire que l’accès au terminal se fera sur une base négociée entre l’opérateur du terminal et les souscripteurs réservant des capacités pour 20 ans, une partie de ces dernières étant réservées par EDF. Le Gate Terminal de Rotterdam a obtenu l’exemption totale. « La vraie différence entre les deux situations ce sont les prix, indique Colette Lewiner. Le propriétaire du terminal 18 JMM - vendredi 11 mars 2011

régulé doit pratiquer des tarifs de regazéification du gaz fixés par le régulateur, la CRE. Les propriétaires du terminal exempté ont une certaine latitude pour fixer le prix du gaz en fonction du marché. L’objectif est de rendre le terminal méthanier attractif et d’accroître la concurrence dans la zone d’échange du GNL. » Il existe aussi d’autres règles, notamment dans le cas de l’exemption. Par exemple, si des capacités réservées ne sont pas utilisées par les souscripteurs, il faut qu’elles soient proposées sur le marché (mécanisme « Use it or lose it »). Pour obtenir une exemption à l’accès régulé des tiers, le porteur du projet de terminal doit remplir cinq critères pour prouver que, sans exemption, l’infrastructure ne pourrait se faire. Le directeur adjoint à la direction des infrastructures et des réseaux de gaz de la CRE, Florence Dufour, précise que « le régulateur est favorable aux

investissements aussi bien en mode régulé qu’exempté. La CRE n’a pas de pouvoir en matière de décision d’investissement dans les terminaux méthaniers. Pour les projets en cours, c’est à l’opérateur privé du futur terminal de prendre sa décision ». Le rôle de la CRE est de veiller que tous les fournisseurs de gaz qui sont en compétition sur le marché français aient le même accès aux infrastructures et soient traités sur un pied d’égalité. Par rapport à la multiplication des projets de terminaux méthaniers, Florence Dufour rappelle que « l’État français a toujours voulu diversifier ses sources d’approvisionnement. Toute nouvelle infrastructure permet de renforcer la sécurité d’approvisionnement de la France et de favoriser la concurrence. Plus d’infrastructure, c’est aussi plus de flexibilité. Et un prix du gaz qui se rapproche de celui du marché ».

DR


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La chaîne du GNL Le gaz naturel liquéfié (GNL) est du gaz naturel refroidi progressivement jusqu’à une température de -162 °C pour qu’il devienne liquide. Cette transformation s’opère dans des usines de traitement et de liquéfaction. Sous forme liquide, il occupe un volume 600 fois moindre qu’à l’état gazeux. Grâce à cette réduction de volume, il peut être transporté dans des navires spécialement conçus, les méthaniers à double coque. Ces derniers sont soit à membranes, soit à sphères. Dans les méthaniers, le GNL est maintenu à -162 °C et à pression atmosphérique. La faible partie de GNL qui s’évapore est utilisée pour l’alimentation des chaudières et des moteurs assurant la propulsion des méthaniers. Au terminal méthanier, le GNL est déchargé par des bras articulés, transféré dans des réservoirs temporaires cryogéniques où il reste à -162 °C et à pression ambiante. Puis il est pompé à partir des réservoirs, mis sous pression et réchauffé, c’est-à-dire qu’il retrouve sa forme gazeuse naturelle. Il peut alors être injecté dans le réseau de transport et mélangé avec le gaz importé par gazoduc. Par le réseau de transport, le gaz est ensuite distribué aux clients finaux, aussi bien particuliers qu’industriels.

© Hoegh LNG

© Fos Faster

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Europe du Nord

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De l’avantage de développer l’existant Le pays compte trois terminaux méthaniers en service, gérés par Elengy. La filiale de GDF mise sur le développement de l’existant pour augmenter les capacités françaises de réception de GNL, ce qui permet de proposer des tarifs moins élevés que sur un site créé ex nihilo. lengy, filiale à 100 % de GDF, constitue à ce jour le seul exploitant de terminaux méthaniers en France. Le groupe GDF a créé Elengy en janvier 2009 pour se conformer à une demande de Bruxelles de filialisation de son activité terminaux méthaniers et à l’évolution de la réglementation européenne. Elengy est donc à la fois une jeune société et l’héritière de l’activité de GDF en matière de conception, de développement, d’exploitation et de maintenance de terminaux méthaniers depuis plus de quarante ans. Elengy possède

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et opère les sites de Montoir-deBretagne, sur la façade atlantique, au sein du port de Nantes SaintNazaire, et de Fos Tonkin sur la façade méditerranéenne, dans l’emprise du Grand port maritime de Marseille (GPMM). Elle exploite le terminal de Fos Cavaou, propriété de la Société du terminal méthanier de Fos Cavaou (STMFC), dont Elengy détient 72 % du capital et Total 28 %. «Parmi nos objectifs, il y a la volonté de développer les trois sites avec le sentiment que nous avons les meilleurs projets, c’est-à-dire les moins oné-

reux et les moins impactants, avec une capacité totale d’extension équivalent à plus d’un gros terminal méthanier. Nous voulons créer de nouvelles capacités de réception du GNL en France à partir de celles déjà existantes. C’est notre logique. Et cela permet de proposer aux clients les services du terminal à des tarifs moins élevés. Car réaliser des extensions de sites coûte moins cher que des constructions ex nihilo », témoigne Thierry Trouvé, directeur général d’Elengy. C’est dans ce cadre qu’il faut situer le projet Cap Tonkin, modernisation


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>>> TER MI N AU X MÉ THA N I ER S du terminal de Fos Tonkin, en service depuis 1972. Les capacités de ce site, entre 5,5 Mdm3 et 7 Mdm3, sont commercialisées jusqu’en 2014. En 2010, 128 navires ont été déchargés à Tonkin, soit plus de 5000 navires réceptionnés depuis son ouverture. La construction d’un nouveau réservoir en remplacement des deux existants les plus anciens et d’un nouvel appontement ou l’adaptation de l’appontement existant pour optimiser l’amarrage des navires de 75 000 m3 (MedMax) permettrait de prolonger l’exploitation de Tonkin de 20 ans à partir de 2015, assure Elengy. Cette dernière évalue le coût des travaux entre 250 M¤ et 430 M¤, selon les options choisies, à comparer aux 800 M¤ du Gate Terminal à Rotterdam ou aux 2 Md¤ de Toscana Offshore en Italie. Les résultats du débat public pour Cap Tonkin ayant été plutôt positifs (voir JMM n°4759), le maître d’ouvrage dispose de trois mois pour faire connaître sa décision de poursuivre son projet ou non. La

capacité d’émission de gaz naturel de Tonkin demeurera la même et continuera à accueillir des méthaniers en provenance d’Algérie et d’Égypte. Sachant que «le volet commercial de l’opération n’est pas complètement finalisé, précise Pierre Cotin, directeur stratégie, développement et commercialisation. Un nouvel appel au marché va être lancé en 2011. Le premier s’étant déroulé au moment le plus fort de la crise économique et financière ».

Deux projets d’extension envisagés Du côté de Montoir-de-Bretagne, ce sont aussi les besoins exprimés par le marché qui décideront des développements à réaliser. Deux projets d’extension sont envisagés pour le site. L’un porte sur une augmentation de 25 % des capacités, soit 12,5 Mdm3. L’autre envisage une montée à 16Mdm3 et nécessiterait la construction d’un quatrième réservoir. En attendant,

La particularité des trois terminaux méthaniers français est leur taux d’utilisation très élevé, c’est-à-dire les slots réellement utilisés par les clients.

des travaux sont en cours à Montoir depuis 2009 et devraient durer jusqu’en 2013 pour déjà prolonger la durée de vie du site jusqu’en 2035 à capacités égales (10 Mdm3). En 2009, 79 navires ont été déchargés à Montoir, dont 40 différents, «la preuve que le terminal est fiable et extrêmement ouvert », souligne Pierre Cotin. Dernierné sur le territoire français, le terminal de Fos Cavaou ne répond pas à l’objectif de développement d’un site existant prôné par Elengy. Mais il s’est agi de pouvoir réceptionner des méthaniers de grande taille sur la façade méditerranéenne, suite à la signature de contrats entre GDF et l’Égypte au début des années 2000. Ces méthaniers ne pouvant, pour des raisons nautiques, accéder à la darse de Fos Tonkin. La capacité de Cavaou est d’un peu plus de 8 Mdm3 répartis entre GDF et Total. Et 10 % sont réservés pour des opérateurs tiers, précise Elengy. La taille importante du site, supérieure aux standards euro-

© Elengy/Fos-Cavaou

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DOSSIER péens, rend possible des augmentations significatives de capacités (16 Mdm3). « Implanter un nouveau terminal méthanier en France ou en Europe n’est pas facile à faire accepter », relève Thierry Trouvé. Le calendrier de Fos Cavaou a d’ailleurs pris du retard pour finalement accueillir son premier navire en octobre 2009 et obtenir la possibilité de fonctionner à 100 % en août 2010. Deux navires sont programmés par semaine. «Pour nous, nos trois terminaux sont des infrastructures GNL dans un contexte régulé, assumé. Nous voulons avoir un maximum de clients et leur permettre de livrer leur cargaison sur le marché français et européen. Les Q Flex (216000 m3) viennent déjà régulièrement à Montoir et Cavaou. Et prochainement, nous y accueillerons les plus grands méthaniers de 260000 m3, les Q Max. ». Les trois terminaux méthaniers d’Elengy bénéficient en effet des liaisons terrestres de GRT gaz et des connexions frontières qui permettent le transport du gaz

vers les pays européens voisins (Belgique, PaysBas, Allemagne, Norvège, Royaume-Uni, Suisse, Italie). La particularité des trois terminaux méthaniers français est leur taux d’utilisation très élevé, c’est-à-dire les slots réellement utilisés par les clients. Sur les deux sites historiques fran- © Elengy çais, il tourne autour de 70 % en moyenne. À comparer au taux de 40% à 50 % des sites similaires en Europe. Cette singularité française est souvent mise en avant par les porteurs de projets de nouveaux terminaux méthaniers pour affirmer que la construction de leurs sites ne ferait que rapprocher la situation française de celle des autres pays de l’Union européenne et fournirait une offre élargie et plus de flexibilité aux clients. Une analyse pas totalement partagée par Elengy : «Il faut effectivement cons-

truire de nouvelles capacités GNL en France. Mais avoir un taux d’utilisation bas n’est pas un objectif en soi. À un niveau global, avoir des infrastructures utilisées seulement à 40 %, c’est courir le risque de faire payer plus cher le gaz aux consommateurs. Il vaut mieux avoir des points d’entrée bien répartis et bien dimensionnés par rapport à la consommation, avec une marge suffisante pour avoir de la flexibilité et permettre au marché de bien fonctionner. » ■

© Espace photo Gaz de France – C. Helsly

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Des projets qui avancent lentement Quatre projets de terminaux méthaniers ont fleuri en France au milieu des années 2000 : Dunkerque, Le HavreAntifer, Le Verdon, Fos Faster à Marseille. Mais avec la crise économique et financière de la mi-2008 et les turbulences sur le marché du gaz, les projets industriels ont, depuis, bien du mal à se concrétiser. © Fos Faster

n projet industriel ne se fait pas en un jour. L’investissement est en général très élevé, sa durée d’amortissement court sur plusieurs décennies. De l’ébauche de l’idée aux premiers coups de pioche, un certain nombre de procédures doivent être respectées. Et les années passent. Pour un projet de terminal méthanier, trois étapes majeures doivent être franchies, relève Marc Girard, directeur général de Dunkerque LNG SAS, en charge du projet Dunkerque pour EDF. La première concerne «l’acceptabilité du projet par le public ». C’est notamment le temps du débat public et de ses réunions sous la direction de la Commission nationale du débat public (CNDP) avec la présentation du projet par un document écrit, le dossier du maître d’ouvrage, mais surtout des échanges avec les riverains. À ce jour, les débats publics ont bien eu lieu pour les quatre projets français. Pour Dunkerque, Antifer et le Verdon, les débats publics se sont tous tenus au cours des quatre derniers mois de 2007. Si les dates sont similaires, les degrés d’acceptabilité par les riverains sont variés. «Il existe un discours diffus au sein du public suivant lequel on se passerait bien de tout nouvel établissement industriel sur un territoire qui compte déjà un nombre impressionnant de sites Seveso. Néanmoins, ce discours paraît

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Projet Fos Faster Le porteur du projet est la société Fos Faster LNG Terminal SAS. Elle associe le groupe Vopak LNG Holding BV à hauteur de 90 % et la société des pétroles Shell (10 %). Le terminal méthanier serait implanté à Fos-sur-Mer, à l’extrémité sud de la zone du Caban. Le projet comprendrait un appontement, deux réservoirs et une usine de regazéification. Dans ce cas, la capacité annuelle d’émission serait de 8 Mdm3 de gaz naturel, soit 6 Mt de GNL. Une extension à 16 Mdm3 serait possible et nécessiterait la réalisation d’un deuxième appontement, de deux autres réservoirs et d’un équipement de regazéification supplémentaire. À 8 Mdm3, le trafic annuel serait de 90 méthaniers.

■ Ce terminal serait le troisième installé dans le port de Marseille, aux côtés des deux d’Elengy.

© Fos Faster

concurrencé par un autre qui met en exergue le taux de chômage important qui sévit sur le territoire et qui voit ce projet comme un facteur de création d’emplois et de croissance économique. L’acceptabilité du projet d’un port méthanier à Dunkerque paraît alors forte », conclut la CNDP dans son bilan du débat public du pro-

jet de Dunkerque. Il n’en va pas de même pour les autres. Pour Le HavreAntifer, «si les enjeux essentiels tenant à l’économie nationale et européenne rencontrent une certaine adhésion, l’opposition au projet est trop évidente pour être contestée ». Pour le Verdon, «l’opportunité du projet est une question très débattue. Les parJMM - vendredi 11 mars 2011 23


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DOSSIER tisans avancent en priorité les retombées positives qu’il peut avoir sur l’activité économique locale, tout en soulignant la nécessaire protection de l’environnement. Les opposants craignent avant tout que l’on porte atteinte à l’image de leur région. Et certains considèrent que la réalisation de trois terminaux concurrents pose problème ». Enfin, pour Fos Faster, dont le débat public a eu lieu du 6 septembre au 17 décembre 2010, «si les milieux économiques, le Conseil régional Paca, la CGT accueillent positivement le projet, il n’en va pas de même pour la majorité des acteurs […]. Les réticences sont nombreuses et concernent presque tous les aspects du projet ». Après les bilans des débats publics, les maîtres d’ouvrage disposent de trois mois pour faire connaître leur décision de continuer ou non leur projet, quitte à le modifier pour mieux le faire accepter par les riverains. Pour les projets Dunkerque et Le Havre-Antifer, les maîtres d’ouvrage ont décidé de poursuivre leur projet. Ils ont assuré avoir tiré les enseignements des échanges lors des débats et modifié une partie plus ou moins grande de leur projet en conséquence. «Suite au débat public, neuf projets sur 10 sont modifiés par les maîtres d’ouvrage », relève Philippe Deslandes, président de la CNDP. De son côté, le cas du Verdon apparaît particulier car le maître d’ouvrage 4Gas a certes, en juin 2008, confirmé « la poursuite du développement de son projet ». Mais, au cours de l’été

2009, la décision de Dominique Bussereau, alors secrétaire d’État aux Transports, également élu local, de ne pas renouveler la réservation de terrain sur le port à 4Gas, a porté un coup fatal au projet. En ce qui concerne Fos Faster, le bilan du débat public ayant eu lieu le 17 février, le maître d’ouvrage doit faire connaître sa position d’ici la mi-mai 2011.

Structuration du projet La deuxième étape de la réalisation d’un terminal méthanier consiste en «la structuration du projet d’un point de vue industriel », poursuit Marc Girard. C’est le temps pour les maîtres d’ouvrage des dépôts des diverses demandes d’autorisations administratives : permis de construire, permis d’exploiter une installation classée Seveso, permis au titre du code des ports maritimes, de la loi sur l’eau, etc. La troisième étape du projet est celle du montage commercial et financier. Si c’est la troisième phase du projet, cela ne signifie pas qu’elle commence après les autres, au contraire. C’est un point déterminant travaillé en amont, explique Philippe Cracowski, président de Fos Faster LNG Terminal SAS. Ce projet a bouclé son débat public mi-février mais Shell et Vopak, les deux porteurs du projet, ont déjà des pistes de clients potentiellement intéressés. À l’issue de la décision du maître d’ouvrage, si elle était positive, il s’agit en effet de faire connaître au marché, au travers d’un processus d’open season,

Projet Dunkerque Le porteur du projet est la société Dunkerque LNG SAS pour le compte d’EDF. Le terminal méthanier serait installé au sein du Grand port maritime de Dunkerque (GPMD). Il serait prévu deux postes de réception, deux systèmes de déchargement, trois réservoirs, une unité de regazéification. La capacité oscillerait entre 6 Mdm3 et 10 Mdm3. 80 à 120 méthaniers (260 000 m3) par an pourraient être réceptionnés sur le site, soit un navire tous les 4 ou 5 jours. 24 JMM - vendredi 11 mars 2011

© GDN Le Havre-Antifer

■ Ci-dessus, le photomontage du projet de term i n a l méthanier au Havre-Antifer. ■ Ci-dessous, le site tel qu’il est actuellement avec les installations pétro l i è res.

© GDN Le Havre-Antifer

l’existence du projet pour permettre à tous les clients potentiels de se déclarer intéressés par rapport aux services qui seront proposés sur le futur site. Le porteur du projet connaît alors les attentes des clients potentiels du site, peut adapter les services du terminal aux besoins exprimés, définir le tarif. Sachant qu’un terminal méthanier comprend trois services principaux : l’accostage (slot), la capacité de stockage et la capacité d’émission dans le réseau. En ce qui concerne le projet de Dunkerque, c’est cet appel au marché et le tour de table qui en résulte « qui est le point sensible aujourd’hui pour le projet de terminal méthanier à Dunkerque, indique Marc Girard. Nous avions réalisé un premier tour de table dans lequel fi-


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>>> TER MI N AU X MÉ THA N I ER S gurait, parmi d’autres, notre filiale allemande EnBW. Suite à sa sortie en décembre 2010, EDF a dû lancer un deuxième appel au marché début février 2011. Il s’agit, entre autres, de donner l’opportunité à EnBW, qui n’est plus une filiale d’EDF, de confirmer son intention de rester partie engageante ou non pour 2 Mdm3. Ce deuxième appel doit aussi permettre à tout client susceptible d’être intéressé par un engagement dans le futur site de se manifester ». Pour le maître d’ouvrage du Havre-Antifer, Gaz de Normandie (GDN), société notamment détenue par Poweo, c’est l’appel au marché qui n’a pas donné les résultats escomptés. « Nous avons respecté toutes les procédures administratives et légales. GDN a investi 22M¤ dans les études d’ingénierie et d’impact environnemental depuis 2007. Mais il n’est pas possible de porter tout seul un projet d’un montant de plus de 800 M¤. Nous avons besoin de partenaires industriels. La réservation du terrain à Antifer étant parvenue à son terme début janvier 2011, nous avons choisi de ne pas la prolonger. Mais notre projet à Antifer reste pertinent et nous demeurons sur les rangs pour le prochain appel à proposition du Grand port maritime du Havre », précise Ivan Roussin, directeur de la communication de Poweo. De son côté, Gilles Fournier, président du conseil de surveillance du GPMH, assure qu’Antifer «est un bon endroit pour faire un terminal méthanier et le GPMH garde ses terrains libres pour un tel projet. Quand nous jugerons que la conjoncture est redevenue positive, peut-être dans trois ou quatre ans, nous relancerons un appel d’offres ». Il faut surtout noter que les projets de terminaux méthaniers en France ont été lancés dans une période faste pour le gaz naturel avec une demande très forte, des prévisions à l’avenant, tout un discours sur les avantages du gaz dans le ca-

dre de l’après-pétrole et dans un contexte de protection de l’environnement. Puis la crise économique de mi-2008 est survenue avec pour conséquence une baisse de la consommation du gaz, notamment industrielle, et des prix de cette matière première. Enfin, une certaine frilosité des investisseurs s’est instaurée par rapport aux projets industriels et leurs coûts particulièrement élevés. ■

Projet Le Havre-Antifer Le porteur du projet est la société Gaz de Normandie (GDN). Cette dernière associe Poweo (34 %), la Compagnie industrielle maritime (CIM, 17 %), E.ON Ruhrgas (24,5 %) et Verbund (24,5 %). Le terminal méthanier serait situé sur la commune de Saint Jouin Bruneval mais dans l’emprise du port du Havre-Antifer. Le projet comporterait un appontement et deux ou trois réservoirs. Le site pourrait accueillir les plus gros méthaniers, les Q Max (260 000 m3). La capacité annuelle d’émission s’élèverait à 9 Mdm3 de gaz naturel, soit 7 Mt de GNL.

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DOSSIER Pays-Bas

Un premier terminal méthanier néerlandais opérationnel en septembre 2011 L’ouverture du premier terminal méthanier néerlandais devrait avoir lieu en septembre 2011. Il est implanté sur la Maasvlakte 2 du port de Rotterdam. De son côté, le projet de terminal à Eemshaven a été abandonné en septembre 2010. otterdam appartient au trio de tête des ports énergétiques mondiaux avec Houston et Marseille. Mais il ne dispose pas à ce jour d’un terminal méthanier en fonction. Ce manque va toutefois être bientôt comblé avec la mise en service du Gate Terminal sur la partie nord de la Maasvlakte 2, programmée pour septembre 2011. Le site devrait renforcer la place de Rotterdam dans le secteur de l’énergie, assure la direction du port, qui participe à hauteur de 60 M¤ à la réalisation de l’infrastructure. Le coût total de cette dernière atteint près de 800 M¤. Gate Terminal est porté par deux entreprises néerlandaises, Vopak et Gasunie. Si ces dernières ont choisi d’implanter le terminal à Rotterdam, c’est non seulement en raison des qualités nautiques du premier port européen, mais aussi du fait que deux kilomètres seulement séparent le site d’une canalisation gazière terrestre existante. La liaison à construire est donc très courte. Pour le ministre des Affaires économiques néerlandais, le Gate Terminal remplit ainsi plusieurs rôles. Il diversifie l’approvisionnement en gaz des Pays-Bas, encore largement dépendant des champs scandinaves dont la production est déclinante. Il va placer le pays en position

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de devenir un véritable hub européen pour le commerce et la distribution de gaz naturel. Et le gaz peut ensuite être distribué non seulement dans les Pays-Bas, mais aussi ailleurs dans le Nord-Ouest européen grâce aux liaisons transfrontalières qui relient le pays à ses voisins, notamment le BBL UK Transit Pipe et le Nord Stream. Cette dernière doit relier Vyborg (Russie) et Greifswald (Allemagne) par la mer Baltique à partir de cette année. Il faut ici noter que le Gate Terminal va se trouver en concurrence directe avec son homologue belge de Zeebrugge. Rotterdam répond enfin pleinement à la politique européenne en matière énergétique fondée no-

■ Photomontage du Gate Te rminal sur la Maasvlakte2 du port de Rotterdam.

tamment sur la diversification des approvisionnements et l’établissement d’un marché intérieur du gaz plus fluide entre les différents pays membres. La capacité annuelle du Gate a été établie à 9 Mdm3 lors de la publication de la Final Investment Decision (FID) en décembre 2007. Elle a été portée à 12 Mdm3 en août 2008. Cette capacité est répartie entre quatre clients : le Danois Dong Energy, le Néerlandais Essent, l’Autrichien EconGas-OMV, et l’Allemand E.ON Ruhrgas. Une extension à 16 Mdm3 serait déjà en bonne voie. Pour une capacité de 12 Mdm3, le design du terminal comprend trois réservoirs et deux appontements. Pour atteindre

© Rotterdam Gate Terminal


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>>> TER MI N AU X MÉ THA N I ER S 16 Mdm3, il faudra ajouter un quatrième réservoir. Le site peut accueillir tous les types de méthaniers à partir de 65 000 m3. Autrement dit, les appontements sont aussi adaptés au déchargement des méthaniers de dernière génération, comme les Qatar Max de 260000 m3, 350 m de long et 12,50 m de tirant d’eau. Sachant que la majorité des navires méthaniers en service actuellement sur les mers du globe sont ceux compris entre 120 000 m3 et 210 000 m3 (315 m). Vopak et Gasunie indiquent que, pour une capacité annuelle comprise entre 8 Mdm3 et 16 Mdm3, le nombre de mouvements de navires au Gate Terminal devrait tourner autour de trois à quatre par semaine, soit un total de 180

© Rotterdam Gate Terminal

par an. Un deuxième terminal méthanier était en projet aux Pays-Bas, à Eemshaven, avec une capacité annuelle prévue de 12 Mdm3 et aurait dû entrer en service en 2015. Il était

porté par l’entreprise néerlandaise Essent, par ailleurs cliente du Gate Terminal. Vopak et Gasunie, les deux partenaires du Gate Terminal, se sont d’ailleurs associés à Essent en décembre 2007, chacun à hauteur de 25 %, dans le projet de terminal d’Eemshaven. Les trois partenaires ont annoncé début septembre 2010 renoncer au projet. « L’étude de faisabilité a démontré qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments favorables à l’investissement », ont précisé les trois entreprises. Ces dernières restent « ouvertes à toutes discussions avec toutes parties intéressées sur le devenir du terrain jusqu’à présent réservé à l’implantation du terminal ». ■

Belgique

Zeebrugge, un point d’entrée central Le port belge accueille un terminal méthanier depuis 1987. C’est aussi un lieu où convergent plusieurs oléoducs importants pour le nord-ouest de l’Europe. Sans oublier son rôle de hub pour l’échange de gaz naturel au niveau européen. e terminal méthanier de Zeebrugge est installé sur une presque île gagnée sur la mer. Sa mise en service en 1987 a répondu à la signature d’un contrat d’approvisionnement à long terme avec l’Algérie. À cette date, la capacité annuelle du terminal était de 4,5 Mdm3 et son design comprenait un appontement, trois réservoirs de stockage et une usine de regazéification. À l’approche de l’échéance de ce contrat, une consultation du marché a été lancée. Trois nouveaux contrats à long terme ont été signés avec Qatargas/Rasgaz, Distrigaz et GDF. Fluxys, gestionnaire du terminal, a alors décidé de doubler la capacité annuelle du site car à eux trois, ces clients réservaient pour 9 Mdm3. Entre fin 2004 et le printemps 2008, des tra-

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vaux ont été réalisés pour construire un quatrième réservoir de stockage et une deuxième usine de regazéification. L’extension de la capacité de Zeebrugge ne devrait pas s’arrêter à ce niveau de 9 Mdm3. Dès 2007, Fluxys a lancé une consultation du marché pour «évaluer l’intérêt pour des capacités additionnelles. Plusieurs acteurs ont alors affiché un intérêt non engageant ». Cette étape a permis à Fluxys d’affiner son projet de deuxième extension du terminal de Zeebrugge. Ce dernier pourrait comporter, à l’horizon 2014-2015, un deuxième appontement, un cinquième réservoir et une plus grande capacité d’émission. La phase engageante de consultation de marché pour réaliser ce projet a été lancée officiellement début

février 2011. En attendant la concrétisation de ce projet, un vaporisateur à eau de mer pour le réchauffement du GNL est en cours de construction. Il viendra s’ajouter au système à l’eau douce. Mais compte tenu de la température généralement assez fraîche de la mer du Nord, il faut aussi prévoir un chauffage de l’eau de mer.

Plusieurs connexions terrestres et maritimes Au-delà de ces développements passés et futurs, l’activité actuelle du terminal de Zeebrugge apparaît largement positive. Le site « a connu une activité intense en 2009 et 2010, souligne Fluxys, 78 navires ont été déchargés en 2009, 71 en 2010 contre 37 en 2008 ». Les déchargements effectués en 2010 reviennent à une importation de 4,58 Mt de GNL, soit 6 Mdm3 de gaz naturel, sachant que la consommation de la Belgique en gaz naturel s’élève à 19 Mdm3 et celle JMM - vendredi 11 mars 2011 27


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DOSSIER des 27 pays membres de l’Union européenne à 500 Mdm3. La plupart des navires ont été chargés à Ras Laffan au Qatar. Zeebrugge accueille aussi des navires chargés de GNL de Norvège, d’Égypte, du Nigeria, du Pérou et de Trinidad et Tobago. Si le site peut accueillir les méthaniers de type Qatar Flex (217000 m3), il peut également recevoir les plus petits de 7 500 m3. Au total, depuis 1987, ce sont 1200navires qui ont accosté au terminal belge, soit un navire par semaine en moyenne. Il faut aussi relever que, si la capacité du terminal est entièrement souscrite par des contrats à long terme sur le marché primaire à chaque fois que le planning des navires laisse suffisamment de temps, le gestionnaire du site propose le ou les slots disponible(s) sur le marché. En 2010, 16slots supplémentaires ont ainsi été proposés. Il en va de même quand les utilisateurs du terminal ne font pas usage de leurs slots réservés. Une fois averti par ses clients, Fluxys met à disposition les slots non utilisés sur

le marché secondaire. En 2010, 20 slots ont été mis en vente. Mais si Zeebrugge constitue un point central en Europe pour le marché gazier, ce n’est pas seulement grâce à ses installations dédiées au GNL. Le port belge bénéficie aussi de plusieurs connexions terrestres et maritimes avec différents pays européens. En 1998-1999, il y a eu la mise en service de la canalisation sous-marine Interconnector UK entre Bacton et Zeebrugge et celle de la canalisation terrestre entre les Pays-Bas, l’Allemagne et Zeebrugge. Une autre canalisation sous-marine relie la Norvège et Zeebrugge tandis qu’une connexion terrestre existe également avec la France. Une situation particulièrement mise en avant par Fluxys : « C’est dans la zone de Zeebrugge qu’arrive du gaz naturel de Norvège et du Royaume-Uni, mais aussi le GNL acheminé par méthaniers. Le gaz naturel en provenance des Pays-Bas et de l’Est peut également atteindre Zeebrugge via les canalisations de

Zeebrugge est une porte d’accès dans le nord-ouest de l’Europe, offrant une flexibilité maximale dans la destination des flux gaziers.

transit. Zeebrugge est donc une porte d’accès dans le nord-ouest de l’Europe, offrant une flexibilité maximale dans la destination des flux gaziers. Des livraisons sont possibles dans toute cette partie du continent via l’axe de transport est-ouest permettant d’accéder au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et à l’Allemagne mais aussi via l’axe nord-sud permettant d’accéder à la France et au sud de l ’ E urope. » Au total, la zone de Zeebrugge a une capacité d’environ 48Mdm3 de gaz naturel par an, ce qui représente près de 10 % de la capacité frontalière nécessaire à l’approvisionnement de l’Union européenne, souligne encore Fluxys. Cette « position unique » a entraîné la création du « hub de Zeebrugge, le premier marché gazier à court terme en Europe continentale ». Cette sorte de Bourse d’échange du gaz naturel compte à ce jour 77 traders et affiche un volume net négocié de 62,3 Mdm3 négociés, en essor régulier depuis sa création en 1998-1999. ■

© Clotilde Martin

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Grande-Bretagne

Les plus grands sites européens La Grande-Bretagne est devenue importatrice de gaz en 20042005. Elle est dotée aujourd’hui de trois terminaux méthaniers, les plus vastes d’Europe. Des projets offshore sont en cours. a Grande-Bretagne est devenue l’un des pays européens les plus consommateurs de gaz naturel car il dépend des centrales combinées pour la production d’électricité. Le pays est aussi largement urbanisé, plus de 20 millions de clients, particuliers ou industriels sont reliés au réseau de transport de gaz naturel de National Grid. La demande de gaz naturel a fortement progressé ces dernières années pour atteindre 100 Mdm3 par an. Le gaz couvre maintenant 40 % des besoins énergétiques de la GrandeBretagne ; ce pourcentage était de 25 % en 1995. Si cette matière première a pris tant d’importance, c’est grâce à un accès aisé aux champs gaziers situés dans les mers du Nord et d’Irlande depuis les années 1970. Mais la production de ces champs étant désormais en déclin, le pays s’est tourné vers le GNL pour assurer la diversification et la sécurisation de ses approvisionnements énergétiques. En 2020, la Grande-Bretagne devrait importer plus de 80 % de ses besoins en gaz alors que le pays a été exportateur jusqu’en 2004-2005. À ce jour, trois terminaux méthaniers sont en service et ils ont réceptionné 19 navires en janvier 2011. Le plus ancien, le Grain LNG Terminal, est installé au sein du port de l’Isle of Grain, à l’est de Londres. C’est à l’origine un centre de stockage du gaz. Il a été converti en terminal méthanier par National Grid à partir de 2002. Il a réceptionné son premier navire en 2005. La capacité de Grain LNG a été augmentée en trois temps pour atteindre près de 20 Mdm3 et devrait encore s’élever dans les an-

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nées à venir. En 2008 ont été ajouté un deuxième appontement pour recevoir les plus grands méthaniers, et quatre réservoirs aux côtés des quatre déjà existant.

© South Hook LNG

Milford Haven, nouvelle capitale énergétique Mais en matière de terminal méthanier, la date importante à retenir pour la Grande-Bretagne est 2009, avec la mise en service de deux sites, South Hook et Dragon LNG, à proximité du port de Milford Haven dans les Galles du Sud. À eux deux, ils ont une capacité de 28 Mdm3, soit 30 % des besoins britanniques en gaz naturel. Conséquence immédiate : Milford Haven a vu son trafic grimper de 10 % en 2009 (39,3 Mt), passant de la sixième à la troisième place au classement des ports britanniques. Comme il manutentionnait déjà 25 % des besoins en produits pétroliers du pays, Milford Haven se présente désormais comme «la nouvelle capitale énergétique de Grande-Bretagne ». South Hook, l’un des plus grands terminaux méthaniers européens, a été développé en lien avec le projet Qatargas 2, soit une chaîne complète des champs gaziers au lieu d’importation. Il appartient à un joint-venture associant Qatar Petroleum (67,5 %), Exxon Mobil (24,15 %) et Total (8,35 %). Le site est implanté près de l’embouchure de la Haven. Il comprend un appontement, cinq réservoirs et plusieurs usines de regazéification. Il est capable de délivrer jusqu’à 21 M d m3 par an. Qatargas possède une flotte de 8 Q Flex et 6 Q Max, exclusivement dé-

En 2020, la GrandeBretagne devrait importer plus de 80 % de ses besoins en gaz alors que le pays a été exportateur jusqu’en 2004-2005.

diée à l’approvisionnement de South Hook. De son côté, Dragon LNG est installé le long de la rivière Haven. Il est plus petit en taille. Ses clients sont BG Group (50 %) et Petronas (30 %) qui ont réservé la capacité pour 20 ans au propriétaire du site 4Gas. Le terminal comprend un appontement et deux réservoirs. Sa capacité est de 6 Mdm3. En plus de ces terminaux existants, deux projets sont en cours de réalisation en GrandeBretagne. Port Meridian est un projet offshore, dont l’implantation est prévue à 35 km de la côte de Fylde, au nord-ouest du pays. Il devrait être relié à la côte par un oléoduc sousmarin. Le maître d’ouvrage, Port Meridian Energy, une filiale du groupe norvégien Höegh, a reçu les autorisations administratives nécessaires à la poursuite de son projet. Il lui reste à trouver les clients intéressés par des capacités dans le futur terminal. La mise en service est programmée pour 2014. Autre projet offshore : Gateway Europe. Ce dernier est mené depuis 2006 par la compagnie britannique Stag Energy. Les installations du terminal méthanier seraient installées sur une plate-forme en mer. Elles seraient reliées à la terre par une conduite sous-marine. Et à terre, le gaz serait stocké dans de grandes cavernes souterraines de sel. De là, il pourrait être transporté vers différents pays européens. ■ JMM - vendredi 11 mars 2011 29


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Europe du Sud

DOSSIER Espagne

Des extensions de capacités récentes Comme les autres pays européens, l’Espagne a décidé d’accroître le poids du gaz dans sa matrice énergétique, ce qui passe par l’augmentation des importations de GNL et la construction de terminaux méthaniers. nagas, la société espagnole en charge de la gestion du réseau primaire de gazoducs, a mis en place une stratégie d’augmentation de sa capacité d’importation de GNL. En 2010, des extensions de capacité ont été concrétisées avec l’inauguration d’un nouveau réservoir de stockage dans chacun de ses terminaux méthaniers, tous situés sur la côte méditerranéenne. Celui de Barcelone est le plus important avec 7 réservoirs. Le site peut accueillir depuis décembre 2010 des méthaniers de 250000 m3. On trouve ensuite Carthagène (5 réservoirs) et Huelva (5 réservoirs). Les investissements se poursuivent en 2011. Un huitième réservoir devrait être opérationnel à Barcelone en 2011. Surtout, Enagas a lancé, en 2009, la construction d’un terminal méthanier dans le nouveau port de Gijón. La capacité d’émission prévue est de 800 000 m3/h avec deux réservoirs. La mise en service est programmée pour la fin 2012. Par ailleurs, en septembre 2010, Enagas a racheté la participation de Repsol (15 %) dans le terminal de Bahia de Bizkaia Gas (BBG) située dans le port de Bilbao. La société, qui a déjà racheté la participation de 25 % de BP en septembre 2009, est ainsi devenue avec 40 % du capital l’actionnaire majoritaire de BBG, sans toutefois en assumer la gestion. Les autres partenaires sont l’EVE, l’entreprise publique d’énergie du gouvernement régional basque, et le fonds d’investissement RREEF, avec 30 % respectivement. Enagas a également racheté l’unité de stockage souterraine offshore de Gaviota, face à la côte

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de Bermeo, également en Biskaye. La société BBG occupe une place stratégique comme plate-forme d’importation de GNL pour la production de gaz et d’électricité. Environ 60 % de la production est utilisée par la centrale thermique voisine de Bahia de Bizkaia Electricidad (BBE). Une extension de la capacité de stockage de BBG est prévue avec la réalisation d’un troisième réservoir. Les travaux doivent commencer au deuxième trimestre de 2011. À Mugardos, dans la ria d’El Ferrol, la société Reganosa exploite une unité de regazéification dotée de deux réservoirs de stockage. L’actionnariat a été modifié récemment à l’occasion de la sortie des caisses d’épargne et de la Banque Pastor. Le groupe Tojeiro est devenu l’actionnaire majoritaire (36,5 %) aux côtés d’Union Fenosa Gas (21 %), du gouvernement régional de Galice (17,5 %), de First State (15 %) et de la Sonatrach (10 %). À Sagunto, le terminal méthanier de Saggas dispose de trois réservoirs de stockage et d’une capacité d’émission de 1Mm3/h. Les deux actionnaires sont, à parts égales (50-50), les sociétés

Si les terminaux méthaniers sont si nombreux en Espagne, c’est parce que le réseau de transport n’est pas suffisamment dimensionné à l’intérieur du pays.

Infraestructuras de Gas et Iniciativas de Gas. En septembre 2010, le terminal a accueilli le méthanier AlDafna (266 000 m3) et a procédé au déchargement de GNL le plus important jamais réalisé en Espagne. Un quatrième réservoir de stockage, actuellement en construction, devrait être opérationnel en 2012. Si la capacité de stockage devrait augmenter sensiblement en 2011-2012, il n’est pas prévu de lancer de nouveaux projets d’accroissement de la capacité d’émission. En effet, en 2010, la demande de gaz naturel a été stable (-0,1 %) et les terminaux n’ont pas fonctionné à pleine capacité (53 % pour Saggas, deuxième meilleur taux en Espagne). Par ailleurs, dans les prochaines semaines, le gazoduc Medgaz va commencer à livrer du gaz algérien via Almeria en Andalousie. «La mise en service de ce lien va entraîner une redistribution des cartes dans la fourniture du gaz en Espagne », précise un expert. Les terminaux méthaniers conservent toutefois leur importance, car s’ils sont si nombreux en Espagne, c’est parce le réseau de transport n’est pas suffisamment dimensionné à l’intérieur du pays. Le gouvernement espagnol prépare la nouvelle version de sa planification stratégique sur quatre ans, qui devrait être rendue publique fin 2011. Il est peu probable que de nouveaux investissements de capacité soient annoncés. En revanche, il n’est pas exclu que se produisent des modifications au sein des actionnariats des différents opérateurs. Enagas, qui n’a pas caché son intérêt pour asseoir son leadership en Espagne, pourrait être intéressé par des acquisitions en cas de nouveaux désinvestissements. ■ Daniel Solano


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>>> TER MI N AU X MÉ THA N I ER S

Italie

Priorité aux sites offshores Pendant plusieurs décennies, l’Italie a disposé d’un seul terminal méthanier à Panigaglia. En 2009, un terminal offshore a été inauguré et un autre devrait être mis en service avant la fin de cette année. Parmi les nombreux projets à l’étude, ceux qui ont avancé le plus rapidement sont les sites offshores. n Europe, l’Italie est le deuxième pays consommateur de gaz naturel derrière l’Espagne. En matière d’infrastructure de réception de GNL, l’Italie a pendant longtemps disposé d’un seul terminal méthanier, situé à Panigaglia, dans la province de La Spezia. Mis en service en 1971, Panigaglia est un site dédié à l’accueil des méthaniers de moins de 65000 m3, la plupart en provenance d’Algérie. Un projet de modernisation du site a été lancé en 2007 avec l’objectif d’accueillir des navires d’au moins 140000 m3. Les capacités passeraient de 3,5 Mdm3 à 8 Mdm3. L’appontement devrait être rallongé. Les deux cuves devraient être remplacées par des versions plus modernes et plus sûres. GNL Italia précise que « l’évolution du site sera réalisée dans le périmètre existant sans modification du paysage ». Pour diversifier son approvisionnement, largement dépendant de la Russie et de l’Algérie, de nombreux projets de terminaux méthaniers ont été lancés dans le courant des années 1990 en Italie. En 2009, un premier a été concrétisé, à 15 km de la côte Adriatique, à la hauteur de Porto Levante, dans la province de Rovigo. Le terminal Adriatic LNG constitue la première structure gravitaire offshore (Gravity Based structure, GBS) de déchargement, stockage et regazéification au monde. Cette technologie de construction d’un site offshore a été mise au point par Exxon Mobil, dont la filiale italienne possède 45 % du terminal aux côtés de Qatar Ter-

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2 Md¤. La capacité totale d’Adriatic LNG est de 8 Mdm3 par an, ce qui correspond à environ 10 % des besoins italiens actuels, selon les estimations d’Exxon Mobil. 80 % des capacités du site sont aux mains d’Edison pour une période de 25 ans afin de recevoir le GNL en provenance du champ qatari North Field, probablement le plus grand gisement de gaz naturel d’une seule pièce au monde.

Un navire transformé

DR

minal Limited (45 %), filiale de Qatar Pétroleum, et Edison (10 %). Le GBS consiste en une massive structure en béton de 180 m de long sur 88 m de large et 47 m de haut. Une partie du GBS a été immergée à 29 m de profondeur dans la mer et sert de base à la plate-forme offshore. Le GBS forme le coffrage des deux réservoirs de stockage de GNL. L’usine de regazéification et les quais pour le déchargement des navires sont installés sur la plate-forme dont les dimensions totales sont de 375 m de long sur 115 m de large. La construction s’élève à 18 m au-dessus de la surface de la mer avec la torche qui culmine, elle, à 87 m. Au moins cinq navires de 150000 m3 ont été spécialement construits pour le transport du GNL à destination de cette plateforme. Selon les responsables d’Adriatic LNG, en moyenne, deux navires devraient accoster à la plate-forme chaque semaine. Un gazoduc sousmarin a été réalisé pour transporter le gaz à terre où il est ensuite distribué. Le coût total du projet s’élève à

Un autre terminal méthanier offshore devrait entrer en service en Italie avant la fin de 2011. Il s’agit du projet OLT Offshore LNG Toscana porté à parts égales par les groupes Iren (46,79 %) et E.ON (46,79 %) ainsi que par Golar LNG (2,69 %). Les 3,73 % de parts restantes appartiennent à OLT Offshore LNG Toscana. Le projet consiste à transformer un méthanier en unité flottante de déchargement, de stockage et de regazéification. La transformation du navire Golar-Frost (voir photo) a commencé dans un chantier à Dubaï en juin 2009 et devrait s’achever au milieu de cette année. Il sera alors amené en Italie et ancré au large de la Toscane, à une vingtaine de kilomètres de la côte. Les porteurs du projet assurent que « le navire sera positionné de telle façon sur l’horizon qu’il sera invisible depuis la côte ». Une canalisation sous-marine, en cours de réalisation, transportera le gaz à terre. Le coût du projet avoisine les 600 M¤. La capacité d’OLT est de 3,75 Mdm3 par an. «Le site va accroître la capacité d’importation de gaz de l’Italie et contribuer à diminuer l’écart entre la demande, qui est en augmentation, et la production de gaz du pays, qui est en recul », affirment OLT Offshore LNG Toscana. ■ JMM - vendredi 11 mars 2011 31


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