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Tendances Overseas : la nouvelle frontière de la logistique P.60
Marché La demande de transport s’ a d a p te à la crise P.66 ASL : s’installer aussi sur les flux intra-Asie P.68
Chargeurs Airbus industrie : étendre à l’Asie un modèle qui a fait ses preuves P.70 Beaumanoir, un nouvel équilibre des zones de sourcing P.74 Thales : de l’intérêt de maîtriser le transport i n ternational P.78
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om m ent l’organisation des maillons internationaux de la su pp ly chain réagit-elle aujourd ’ hu i aux événem ents géopo l i ti ques ou é con om i ques mon d i a u x ? Po s er cette question revi ent à se demander comment les industriels adaptent leurs stratégies de sourcing ou d’ex port a ti on aux variati ons erratiques des taux de fret et des capacités de tra n s port comme à l’augm en t a tion du prix des mati è re s premières ou du coût de la maind’œuvre dans des régi ons réput é e s ju s que-là « low co s t ». S’il semble difficile d’identifier encore de véritables ruptures, c’est que les services su pp ly ch a i n , achats ou servi ce s l ogi s tiques, d’une part , et les commissionnaires de tra n s port international,de l’autre, déploient beaucoup d’éner gie pour les évi ter. De
Le monde du transport international es t bousculé par la crise économique et les différe n c es d’attitudes qu’elle engendre d’un continent à l’autre, tandis que les z o n es de production à faible coût se déplacent. Les industriels veillent à adapter leurs plans de transport en préservant le taux de service quand les taux de fret baissent.
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sensibles évolutions peuvent cependant être observées, qui modifient le rôle des acteurs.Les grands enjeux n’ ont pas de ra i s on de va ri er : les chaînes de transport internationales doivent ga ra n tir l’approvision n em ent des chaînes de produ cti on , des magasins ou la livraison des cl i ents dans des délais précis à moindre coût et de la façon la moins contraign a n tepossible. L’acc é l é rati on de la mon d i a l i s a ti on , dep u i s l ’ o uvertu re de la Ch i n e , a cependant modifié l’ordre des pri ori t é s ,
La Chine favorise le déplacement des productions à faible coût de main-d’œuvre vers l’ouest du pays, mais les points d’export resteront les grands hubs logistiques comme Hong Kong, Shanghai et Pékin, Pascal Le Guével, directeur commercial du groupe SDV.
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parfois de façon temporaire. S’agissant du transport international, on constate que pour les chargeu rs , la sécurisati on des acheminements a incontestablement pris le pas sur le pri x . Et ce, pour plusieurs raisons. La plus fon d a m entale est que les écon omies de main-d’œuvre réalisées par la délocalisation des productions ont procuré des augmentations de marge qui permettaient d’absorber facilement le surcoût de transport plus lointains, voire dans une certaine mesu re l’augmen t ation des taux de fret. Cela continue de se vérifier.
Des acheminements plus complexes. Mais dans le même temps, les ach em i n em ents devenant plus com p l exes, il était plu s difficile, mécaniqu em ent, d ’ a s surer la continuité des flux. Et les soubre s a uts de l’écon omie mondiale ont aggravé le manque de visibilité sur les capacités et les prix. Hors péri ode de cri s e , les chargeurs ont manqué de capacité sur cert a i n e s routes, notamment en provenance d’Asie. Les plus puissants ont pris des engagements de volumes auprès des transporteu rs mari times ou aériens. En péri ode de cri s e , l’offre de soute n’est plus un problème. En revanche,la dégradation du service, ou le retrait du marché de certains opérateurs, introduit de nouvelles i n certi tu des dans la solidité et la qualité des ach eminements.Ainsi, pour tenter de résorber la surcapacité qui les fra ppe, les arm a teu rs ralentissent la vi tesse des navi res et, de ce fait, allongent les transit-time. Le transport aéri en y tro uve son compte. Toujours réputé trop cher, il est irremplaçable pour tenir les délais mais quand la demande aug-
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m en te sur une ro ute, les systèmes de yi eld managem ent des com p agnies tournent à plein régime.Autant être considéré comme un « bon client » pour que ses palettes ne restent pas à quai.
Les commissionnaires en première ligne. En ces temps difficiles, les ch a r geu rs s’appuient plus largement sur la vocation d’assembl eu rs internati onaux de leurs commissionnaires de transport. Par con s tructi on, c’est chez eux que peuvent se réaliser les massificati ons les plus perti n en tes et il leur est demandé d’amortir les effets des
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variations de taux de fret ou de capacité de tra n s port. La puissance de ces intermédiaires organisateurs se mesu re chez les tra n s porteu rs au volume de soute qu’ils sont capables de réserver sur une même relation, pour plusieurs de leurs clients. Les grands chargeurs redécouvrent cette vertu, notamment pour leur transport mari time alors qu’ils n’éprouvent plus tant le be s oin d’abaisser des taux de fret, histori quement bas, que de pr é s erver des tra n s i t - ti m e compatibles avec leur planning commercial.Conséquence pour les commissionnaires internationaux : leur i n t é gration s’accélère dans des sys-
tèmes mondiaux de type 4PL. Des industri els comme Ai rbus peuvent a ll er jusqu’à con f i er (voir notre a rticle) à un seul prestataire le pilotage de l’ensem ble de leur système de transport . En France, les commissionnaires internationaux « recrutent » aussi de nouveaux clients chez des pre s t a t a i res de dimen s i on moyenne, ju s qu’ a l ors spécialistes de la logisti que aval, qui doiven t répondre plus fréquemment à des appels d’offres com portant éga l ement le pilotage de l’approvisionn em ent depuis les zones de production lointaines. La crise n’est pas é tra n g è re à ce ph é n om è n e . Pour
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be a u coup d’indu s tri el s , le tra n sport intern a ti onal était une zone grise qu’il était simple d’évi ter en ach etant « ren du » et en vendant « départ ». La crise aidant, to utes les sources po s s i bles d’écon om i e ont été revisitées et il est apparu que le tra n s port international po uvait être un gisem ent de marge po u r peu que l’on y développe qu el ques compétences permettant d’organis er un pilotage maîtrisé aux côtés des commissionnaires.
Qui renversera encore les incoterms ? Jérôme Bo u r, Pdg de DDS Logi s ti c s , qui commercialise une plate-forme inform a ti que d’intégration et de pilotage des différentes étapes du transport international, le confirme. La première vague de délocalisation a été menée a près l’ouvertu re du marché ch inois par les acteurs de la grande distribution qui ont appliqué une politique de renversement des incoterms pour maîtriser les transports amont. Les indu s tri els ont suivi beaucoup plus tard avec l’externalisation comp l è te de systèmes de produ cti on . Les qu e s ti ons du tra n s port et du dédouanement ava i ent été laissées de côté parce qu’ elles ne repr é s entaient pas grand-chose face aux écon omies réalisées sur les coût des main-d’œuvre. « Cepen d a n t , ch acun a fait la même ch o se, selon le Pdg de DDS, et les industri els qui se demandent aujourd’hui ce qu’ils peuvent trouver pour se différencier décou-
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Les industriels qui se demandent aujourd’hui ce qu’ils peuvent trouver pour se différencier découvrent que le transport amont est un élément à prendre en compte Jérôme Bour, Pdg de DDS.
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vrent que le transport amont est un élément à prendre en compte. Ils d é couvrent aussi qu’il s’ a git d’un domaine d’une grande compl exité ». Les éléments de cet te complexité, on l’a vu, sont de natures diverses : volatilité des taux de fret,contraintes r é gl em en t a i re s , ge s ti on de s risques, etc., mais ils sont désormais mis en pers pective avec les ava ntages compétitifs des zones de produ ction (coût, délai…). Jérôme Bour estime que la maîtrise de tous ces facteurs, dans de bonnes conditions économiques, est devenu un enjeu de premier plan pour les industri els.Au passage, les entreprises qui s’intéressent d’un peu plus près au pilotage de leur plan de tra n s port international (voir notre arti cle sur Thales p.78) s’ a perçoivent qu’elles n’avaient qu’une idée très approximative de ce que leur coûtaient vérit a bl em ent leu rs approvisionnem en t s , ou qu’ elles payaient trop cher leurs transports sur ventes dès lors que les coûts d’acheminement étaient inclus dans le prix de la marchandise. S’il y avait des économies à réaliser sur la ge s ti on du tra n s-
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Rale n t i ssement des échanges avec l’Asie au 1er semestre 2011 Selon la note semestrielle sur le commecre extérieur de la Fra n ce publiée par le ministère du Budget, les échanges industriels ont marqué le pas au premier semestre 2011, notamment dans l’aéronautique,l’électronique et l’informatique. La croissance des ex p o rtations se ramène ainsi à +2,8 %. Leur n i veau se situe ainsi en deçà de celui d’avant crise. La progression des importations est plus soutenue, du fait du surcoût des achats énergétiques lié aux tensions sur les prix du pétrole et du gaz. Au final, le déficit commercial pâtit à la fois de l’alourdissement de la facture énergétique et de la détérioration du déficit industriel, pour s’établir à -37,5 milliards au premier semestre 2011, après -27,6 milliards le semestre précédent. Dans ce co n texte, les impor-
port , le bénéfice en revenait soit au fournisseur, soit au client.
La Chine, plus chère, moins facile. Les en treprises qui s’ i nterrogent en ce mom ent sur l’opportunité de maîtriser leurs transports intern a tionaux ne sont pas les seules à revi s i ter leurs stra t é gi e en mati è re de tra n s port intern ational. Celles qui ont depuis lon gtemps « renversé les inco term s » pour gérer elles-mêmes leu rs flux intern a ti onaux doivent proc é der à de nouveaux équilibra ges du fait notamment des modifications intervenues dans leurs zones de sourc i n g.C’est le cas du gro u pe Be a umanoir (voir notre article p.74) qui envisage un nouvel équilibre de ses sources d’approvisionnement, anticipant les ef fets à moyen terme d’une hausse du coût de la maind’œuvre en Chine. Sur ce point, les com m i s s i on n a i res de transport i n ternati onal font tous le même constat que Pascal Le Guével,directeur commercial du groupe SDV : « on ob serve deux phénomènes récents : l’un est clairement un déplacement favo risé par le gouvernement chinois des productions à faible coût de main-d’œuvre vers l’ouest du pays tandis que l’on s’attend à ce que, sur tou te la zone côtière qui a su ppo rt é le redémarra ge économique inter-
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tations freinent depuis l’Asie (+3,3 %, après +11,7 % le semestre précédent), du fait d’un net ra le n t i ssement des achats à la Chine, et de la baisse de ceux à Singapour et au Japon. Les importations depuis la Chine (+3 %, après +9,8 %), qui repré s e n tent à elles seules plus de la moitié des achats à l’Asie, progressent modérément en lien avec le repli des achats de l’habillement, d’ordinate u rs et de téléphonie. Le déficit avec la Chine s’améliore ainsi légèrement et atteint -13,7 milliards au premier semestre 2011. Depuis le Japon, les importations marquent le pas (-1,1 %, après +8,9 %), dans un co n tex te de perturbation de la production suite au tsunami. Les achats de produits chimiques à Singapour reculent après la fo r te poussée du troisième trimestre
2010, due à une opération de stockage de produits chimiques par un gra n d laboratoire pharmaceutique. Les ex p o rtations vesr l’Asie ra lentissent également (+4 %, après +10,5 %),du fait de la baisse des ve n tes aéronautiques ve rs Hong Kong et Singapour, après les n i veaux élevés atteints au précédent semestre. Les ve n tes fléchissent vers le Japon en raison notamment de moins bonnes performances de l’industrie automobile et de l’habillement. A l’inve rse, les ex p o r tations ve rs la Chine re b o n d i ssent (+16,1 %, après +0,1 %), s o u tenues par les livraisons aéronautiques. Vers ce pays, les ve n tes hors aéronautique sont également dynamiques, plus particulièrement la chimie et les produits informatiques et électroniques.
national de la Chine, les coûts de main-d’œuvre augmentent de l’ordre de 15 % par an jusq u’ en 2015. Cela pourrait en traîner des coûts prohibitifs pour le sourcing dans ces zones. Et Pascal Le Guével de poursuivre : L’ a u tre phénomène résu l te du premier, c’est la relocalisation des fabrications des sociétés européennes, américaines mais aussi chinoises vers des pays moins chers, notamment le Vietnam qui devi ent un sous-traitant de la Chine pour des produ ctions de masse. Ce processus déjà observé dans le textile et l’industrie de la ch a u ssure touche aujourd’hui le high-tech ».
Déplacement du sourcing vers le Vi e t n a m. L’In de , le Ba n gl adesh et su rto ut le Vietnam profitent du mouvement. « Le Ba n gladesh plutôt pour des productions de masse et l’Inde pour des séries plus cou rtes et à va l eur ajoutée, explique Pascal Le Guével, car le problème de l’Inde c’est la mauva i se qualité de ses infra s tru ctu re s , qu’il s’agi s se des routes, des po rts ou des aéroports.Ils ont un retard notable par ra ppo rt à la Chine qui a dével oppé des installations extrêmement perfo rm a n tes. » Pour les commissionnaires, il faut suivre le mouvement. La plu p a rt géra i ent des flux import pour des groupes européens ou américains.Ils vont maintenant
devoir développer leu rs orga n i s ati ons sur des flux intra - Asie, po u r le com pte des indu s triels chinois mais aussi pour faire face à la complex i f i c a ti ondes flux traités po u r les en treprises occidentales qui n’abandon n ent pas la Chine lorsqu’elles en retirent une partie de leur production.On considère aussi chez SDV que le redéploiement géograph i que de l’industrie chinoise va poser de séri euses questions d’efficacité logistique et de coût.« À moyen terme, q u elle que soit leur localisation à l’intéri eur du pays , les productions continueront d’être évacuées par les grands hubs internationaux comme Hong Kong, Sh a n ghai et Pékin. Car même si des po rts et des aéropo rt s se condaires comme ceux de Canton ou Sh en zen sont assez bien équipés, il n’y arrivera jamais assez de fret impo rt pour équilibrer les trafics. On peut donc s’attendre à ce que les deux hubs export de la Chine restent encore longtemps Hong Kong et Shanghai. Nous regardons aujou rd’hui co mm ent nous pou rrions maîtri ser un réseau de transport en Chine et nous commençons à voir ce qui pourrait ê tre fait en ferroviaire sur des distances de 1000 à 2 000 km entre l’ouest du pays et la façade mari ti m e , mais le train n’est pas encore complètement fiable en Chine… ». Luc Battais