OFP : Une voie de diversification pour les entreprises de transport ?

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AU SOMMAIRE ❚ JACQUES CHAUVINEAU (PRÉSIDENT D’OBJECTIF OFP) « LES TRANSPORTEURS ONT COMPRIS L’INTÉRÊT STRATÉGIQUE DES OFP » . P. 28 ❚ COMPAGNIE FERROVIAIRE RÉGIONALE « LES OFP, J’Y CROIS » . . . . . . . . . . . . . . . . P. 29 ❚ ALLEMAGNE UNE SUCCESS STORY PORTÉE PAR LES SUBVENTIONS ❚ RETOUR D’EXPÉRIENCES HGK : DU LOCAL AU GLOBAL

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OFP : AU SINGULIER OU AU PLURIEL Parce qu’il n’existe pas de formule unique, il n’existe pas un seul type d’OFP, souligne RFF. Il peut réaliser différentes prestations, en totalité ou en partie, comme :

OPÉRATEURS FERROVIAIRES DE PROXIMITÉ

UNE VOIE DE DIVERSIFICATION POUR LES ENTREPRISES DE TRANSPORT ? Inscrits dans l’engagement national pour le fret ferroviaire, les OFP rencontrent nombre d’obstacles à leur création. Face à ces difficultés, les organisateurs de transport s’interrogent sur la pertinence à s’y investir. Certains ont déjà franchi le pas, comme les encourage Objectif OFP qui organise le 7 juin une journée sur lethème : «les OFP aujourd’hui : Gadget ou contribution à la solution de la crise du fret ferroviaire français ? » RÉALISÉ PAR S. LE HÉNAFF ET A. HEULARD

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n octobre prochain, si les délais sont respectés, ce sera au tour de la région Midi-Pyrénées de voir circuler sur ses voies un opérateur ferrov i a i re de proximité (OFP) : Agenia. « Le montage du projet avance bien. Nous travaillons actuellement sur le business plan et le dossier d’obtention du certificat de sécurité. Agenia a déjà acheté des machines et finalise des contrats de location de matériel. Son objectif est bien de traiter en pro p re l’intégralité de ses flux sur son territoire régional », s’enthousiasme Gilles Royer, chef du service commercial et gestion du réseau ferré et pilote du projet OFP pour RFF en MidiPyrénées. En revanche, du côté des deux partenaires d’Agenia, la société Egénie spécialisée dans les travaux de construction et de réfection de voies ferrées d’une part et Denjean Logistique d’autre part, c’est plutôt

E

silence radio malgré les sollicitations. Une p rudence que Michel Colombié, directeur d’Egénie, expliquait ainsi en début d’année : « Les projets d’OFP qui ont été les plus médiatisés ne sont pas ceux qui ont vu le jour » (Logistiques Magazine). Comme Proxirail ? C’était en septembre 2007 : l’association Proffer Centre, réunissant des chargeurs (essentiellement des céréaliers et coopératives comme Sofiproteol et Unigrains) signait avec la SNCF un protocole d’ a c c o rd dont l’ o bjectif était de créer à court terme Proxirail, présenté alors comme le premier OFP en France. Ce sera le premier couac également. Discordes entre les différents acteurs, et pas seulement avec l’opérateur ferroviaire, coûts de rénovation des infrastructures jugés trop élevés, l’accord fait long feu. Le second viendra de Na v i Rail Atlantique, le projet port é conjointement par le port de la Rochelle et

la SNCF fin 2009. Annoncé alors comme le premier OFP port u a i re de l’ He x a g o n e. Finalement, ECR se substituera à son concurrent pour lancer avec l’autorité port u a i re La Rochelle-Ma ritime Rail Service, en activité depuis fin 2010. Et que dire, enfin, de Fe rove rgne dont le démarrage opérationnel a été maintes fois repoussé depuis la signature du protocole d’accord le 5 f é v rier 2010. Mais mieux vaut tard que jamais, et les premiers trains sont annoncés pour le second semestre 2011… si tout va bien. DES TENSIONS Effectivement très médiatisés, ces trois projets d’OFP ont également en commun de l’ a voir été par le secrétaire d’État d’ a l o r s, Dominique Bussereau, et l’entre p rise ferroviaire nationale associée à chacun d’eux. Ontils confondu vitesse et précipitation ? Ou le

p remier a-t-il voulu marquer son mandat d’un acte fort, en ligne avec les orientations du Grenelle de l’environnement, obligeant de fait le second à s’impliquer quelque peu à marche forcée dans un projet inscrit dans l’ Engagement national pour le fret ferroviaire ? On se souvient encore de propos du secrétaire d’État, à la sortie d’un comité de suivi du plan fret en 2010, laissant entendre que la SNCF mettait des bâtons dans les roues des projets d’ O F P. Une critique que l’entreprise ferroviaire avait immédiatement balayée. « Si la SNCF n’avait pas décidé à un moment, sous l’impulsion de Pierre Blayau, de dire qu’elle va faire ce qu’il faut pour que les OFP existent, je crois qu’il n’y en aurait pas eu aujourd’ h u i . Et je le dis sans fausse modestie », plaide Jean-Michel Genestier, Dg adjoint de SNCF Geodis. Ah bon ! ? Pourtant, les deux seuls OFP continentaux actuelle-

– opérateur de services de transport, il peut offrir des services sur : une ou plusieurs lignes du réseau ferré national (RFN) ; et/ou une ou plusieurs lignes du réseau capillaire fret ; un réseau hors RFN, tels que les ports, embranchements particuliers ou réseau privé, lignes à statut spécial (comme les voies ferrées d’intérêt local). – gestionnaire d’infrastructures pour le compte de RFF sur une ligne capillaire fret, d’un port ou d’un réseau hors RFN ; il peut réaliser les tâches suivantes : entretenir l’infrastructure, assurer la sécurité et gérer les mouvements. RFF a ainsi défini cinq catégories d’OFP : – Catégorie I : opérateur de transport sur des lignes capillaires fret (pouvant, en particulier, bénéficier des dispositions particulières de la loi de 2009 d’Orientation et régulation des transports ferroviaires pour les entreprises « réalisant des circulations limitées et à vitesse réduite »). – Catégorie II : prestataire de RFF pour la gestion de l’infrastructure sur des lignes capillaires fret sans voyageurs (peut être conjoint ou non à la première catégorie) – Catégorie III : gestionnaire d’infrastructures portuaires (pour l’entretien et/ou la gestion des circulations) – Catégorie IV : entreprise de transport assurant des activités de transport ferroviaires à l’intérieur d’un port – Catégorie V : entreprise ferroviaire régionale (entreprise ferroviaire de plein droit dont les activités sont régionales), pouvant également intervenir dans un port sous réserve des conditions d’accès à son réseau

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ment opérationnels, TCFP Fret (Pays Cathare) et CFR (Mo rvan), ont bien été créés sans le concours de la SNCF. « Qui n’a pas souhaité faire partie du tour de table de CFR, ni tirer les trains en dehors du territoire initial de l’OFP, complète un observateur du secteur ferroviaire. Les autres non plus d’ailleurs ! » Derrière les propos convenus, les bonnes intentions affichées des entre p rises ferrov i a ires quelles qu’elles soient, en coulisse les tensions avec les porteurs de projet d’OFP sont réelles. « La SNCF ne nous a pas déroulé le tapis rouge. On s’ i n t e r roge même parfois sur sa réelle volonté d’aboutir », gronde un des actionnaires de Ferovergne. Entre la théorie, qui repose en grande partie sur le rapport de Jacques Chauvineau de 2005, et la pratique, le montage et le lancement d’un OFP s’ a v èrent être un parfait parcours du combattant. Il faut dire que l’objectif fixé à ces PME ferroviaires est plus qu’ambitieux : revivifier le tissu ferroviaire capillaire dans des territoires de trafic peu dense. En clair, reconstruire ce qui a été progre s s i vement abandonné par la SNCF et rarement repris par ses concurrents. Une désertification des territoires qui a participé à l’ é rosion du trafic ferré dans l’ Hexagone au cours des dern i è res décennies. Au-delà de cette mission de redynamisation du mode ferroviaire, l’OFP remet donc plus largement en cause des années de politique nationale du fret ferré fragmentée de multiples plans de restructuration. Faire des OFP des PME ferroviaires susceptibles de sauver ce mode à l’échelle nationale, ou tout au moins d’aider à sa relance, sonne comme une remise en cause de l’existant. Po u r

Jacques Chauvineau, les OFP doivent s’inscrire en complément des entre p rises ferroviaires nationales. Aux premiers la distribution fine des flux diffus de et vers des points d’échanges régionaux, d’où les seconds acheminent les flux densifiés et réguliers constitués sur le réseau national et européen. Là où l’opérateur historique a échoué, l’OFP est jugé par ses promoteurs apte à réussir. Comment ? Grâce à des coûts d’ e x p l o i t ation plus faibles, « les frais de structures devraient se situer à 5 % contre 9 à 20 % pour les entreprises ferroviaires traditionnelles », d é c l a rait Emmanuel De l a c h a m b re, DG d’ERC lors de la SITL ; et à son ancrage dans le tissu économique local. Et parce que l’OFP, qui est un assembleur de compétences, devra délivrer des prestations logistiques et de manutention, assurer des opérations de groupage et de distribution, réaliser si nécessaire des tractions terminales par la route, les transporteurs routiers ou organisateurs de transport constituent bien des porteurs potentiels de projet. A tout le moins des part e n a i res financiers et opérationnels pour les OFP continentaux. Les OFP portuaires relevant d’autres promoteurs. « Si un transporteur-logisticien estime, par sa connaissance des besoins locaux, qu’il existe un réel business, qu’il peut au besoin équilibrer le compte d’exploitation avec des prestations annexe s , et surtout qu’il y a une volonté d’au moins un chargeur pour garantir des flux de dép a rt , alors il peut être le porteur d’un OFP. Car le savo i r-faire et la compétence technique ferrov i a i re s , cela se tro u ve », rappelle Philippe Boucheteil, président de VTG France

DEUX OBLIGATIONS POUR CIRCULER Si un OFP veut pouvoir circuler sur le réseau ferré national, il doit disposer d’une licence ferroviaire et d’un certificat de sécurité. – La licence ferroviaire (validité de quatre ans). Elle est délivrée par arrêté du ministre chargé des Transports au vue d’un dossier fourni par le demandeur et attestant qu’il répond à certaines obligations : 1) la capacité professionnelle. Le demandeur de licence doit disposer des connaissances, de l’expérience et d’une organisation de gestion lui permettant d’exercer un contrôle opérationnel et une surveillance sûre et efficace du type de transport désigné dans la licence ; 2) la capacité financière : le demandeur doit notamment justifier qu’il peut faire face à ses obligations au moins pour une période de douze mois et qu’il dispose soit d’un capital social minimum (différent paliers, de 50 KE si le volume de marchandises transporté est inférieur à 50 M de t-km par an, jusqu’à 1,5 ME lorsque le volume de fret transporté est supérieur à 500 M de t-km annuels), soit d’une sûreté personnelle ou réelle équivalent au capital identifié dans les paliers précédents ; 3) l’honorabilité : aucune condamnation, notamment en matière sociale et commerciale, du demandeur ; 4) une couverture des risques. – Le certificat de sécurité (validité cinq ans). Son obtention, délivré par l’EPSF (Établissement public de sécurité ferroviaire), permet à l’entreprise ferroviaire d’attester qu’elle a mis en place un système de gestion de la sécurité sur la ou les lignes concernées. Cas d’exemption : lorsqu’un opérateur circulant principalement sur des voies privées doit circuler sur le réseau ferré national sur seulement quelques centaines de mètres afin de collecter ou livrer des wagons d’une entreprise ferroviaire, il n’a pas à obtenir les autorisations énumérées précédemment (art. 10 du décret n°2006-1279 du 19/10/2006).

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TPCF Fret est le premier OFP territorial à avoir fait circuler un train sur le réseau ferré français. C'était le 27 juillet 2010 entre Cases-de-Pène et Rivesaltes (66).

et vice-président de TLF. Mais ont-ils vra iment envie de se lancer dans une telle galère ? Et avec quelle chance de succès ? CONCURRENCE Car la création d’un OFP implique de bousculer les organisations en place en y transférant des activités et compétences que les entreprises ferrov i a i res acceptent de lui transmettre ou de perdre, notamment l’aspect commercial. Premier écueil : n’y a-t-il pas alors un risque de concurrence entre les deux opérateurs ferroviaires ? « La SNCF s’est fixée pour mission d’aider à la mise en place des OFP, en y posant quelques conditions. Notamment qu’ils ne soient pas des acteurs alternatifs à nos propositions. En clair : qu’ils ne deviennent pas des compétiteurs, mais qu’ils soient complémentaires de l’activité ferroviaire existante, et en particulier de celle de SNCF Ge o d i s », précise le Dg adjoint de SNCF Geodis. D’où la scission avec le port ro c h e l a i s. Ou t re ses implantations portuaires, Europorte a également signé des c o n t rats de prestations avec des industriels, coopératives agricoles ou commissionnaires de tra n s p o rt qui s’ i n s c ri vent dans cette logique de proximité. Alors, pourquoi ces grandes entre p rises ferroviaires iraient-elles investir dans des collectifs d’OFP quand elles p e u vent souvent agir seules ? « Je pense que la base d’un OFP, c’est le savo i r-faire de l’entreprise ferroviaire. C’est elle qui prend la majorité des risques car l’investissement en matériel est important compte tenu des p roblèmes de disponibilité de moyens actuel-


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QUELLES AIDES FINANCIÈRES ? avoir çais. ne

Trois outils permettent de soutenir le lancement des OFP : – L’accompagnement financier de l’État par la réalisation d’études de faisabilité. Pour financer la remise en état de l’infrastructure capillaire fret, des fonds peuvent être disponibles dans le cadre des Contrats de Projets État-Région 2007-2013. – La rénovation de petites lignes fret à potentiel grâce à une participation de RFF et de l’Afift à hauteur de 8 ME par an. – Des aides des collectivités locales, qui ne constituent pas un droit, peuvent être versées dans différents cadres (aide à la formation, à la création d’entreprise, à l’investissement, aux installations terminales embranchées…) Par ailleurs, les entreprises ferroviaires nationales peuvent également apporter leurs concours financier ou technique en fonction de leur stratégie propre. C’est le cas de SNCF Geodis, actionnaire de Ferovergne.

lement, tranche François Co a rt, directeur du développement d’Europorte. Les tra n s p o rteurs routiers apportent eux leur réseau commercial qui va aider l’OFP, ainsi que leurs moyens pour assurer la collecte et la distribution finale des marchandises chez les clients s’il s’agit de flux diffus ». Un avis loin d’être partagé par certains organisateurs de transport comme l’explique Ja c q u e s Chauvineau (lire interview p. 28). Même si quelques uns en conviennent : « Le ticket d’entrée dans le monde ferrov i a i re est très élevé. Aujourd’hui, on s’en rend compte pour Ferovergne. Mais les petits actionnaires ve ulent-ils, ou peuvent-ils, investir davantage ? ». SURÉVALUATION L’un des argumentaires en faveur des OFP repose sur le désengagement partiel de l’entre p rise nationale du wagon isolé, remplacé par le multilots-multiclients. Selon Objectif OFP, d’ici 5 ans, les OFP pourraient apporter 10 à 15 % de trafics aux opérateurs nationaux. Mais cette structure locale peut-elle être économiquement viable si sa mission prioritaire est de privilégier la massification de flux diffus et irréguliers, et de laisser aux entreprises nationales le traitement des trains entiers ? Deuxième écueil : le niveau de trafic territorial est-il suffisant ? Entre les études et la réalité, le potentiel serait souvent divisé par dix ! « En fonction du matériel utilisé pour la traction longue, basculer ensuite sur OFP territorial pour la distribution capillaire peut e n g e n d rer des coûts supplémentaire s . Le transfert n’a rien de systématique, analyse

Pa t rick Ni e rat, chercheur à l’IFSTTAR. Attention à ne pas chercher à surévaluer le trafic potentiel d’un OFP pour en démontrer la pert i n e n c e . Car plus son activité sera faible, plus ses coûts de prestation seront élevés ! Et moins il sera compétitif face aux entreprises ferroviaires traditionnelles ». Pas d’OFP donc sans la conviction et la contribution de chargeurs à s’engager en faveur du re p o rt modal. Mais actuellement, ils se font plutôt désirer. Parce que les ports sont en soi des points de massification, l’émergence d’un OFP paraît plus naturelle. « La création de Normandie Rail Se rv i c e s au Havre doit redonner de la compétitivité au fer en rendant plus efficaces les entrées et sorties de marchandises par fer. Il est certain que les flux territoriaux sont moins massifs. D’où la nécessité de pouvoir regrouper et s’appuyer sur plusieurs acteurs locaux. Mais ceux-ci demandent à vo i r. Ils sont enc o re suspicieux », re l è ve Je a n - Mi c h e l Genestier. Pour autant, pas question pour la SNCF qu’ils soient les porteurs de projet d’OFP « car il pourrait y avoir des conflits d’int é r ê t s, sur les plans de tra n s p o rt notamment », poursuit-il. C’est un juste équilibre qu’il faudrait donc tro u ve r. Une approche française des OFP à l’opposé des short-liners allemands où les chargeurs et les collectivités publiques sont les porteurs de projet et les organisateurs d’OFP (lire papier p. 30). EN RETRAIT Entre des entre p rises ferroviaires qui ne veulent finalement pas lâcher totalement leur

e m p rise sur les flux régionaux et des chargeurs qui tiennent des postures souve n t contradictoires sur le re p o rt modal, les transp o rteurs routiers logisticiens ne peuvent encore qu’être dubitatifs face aux OFP et à la pertinence d’y investir. « On ne les sent pas motivés, mais attentifs au sujet, car ce n’est pas actuellement leur sujet de préoccupat i o n , re l è ve Loïc Sivien, délégué aux Op é rations ferrov i a i res de proximité à la SNCF. Il y a un an, la demande de pro j e t s était plus fort e . » Les atermoiements des OFP contribuent aussi à leur faire prendre un peu de champs. « On commence à perd re de l’énergie, à s’ i n t e r roger sur notre capacité à continuer le challenge », reconnaît un actionnaire de Ferovergne. « La probabilité la plus forte est que cet OFP s’arrête plutôt qu’il ne continue », poursuit un autre. En cause : les relations avec la SNCF, et notamment à p ropos du prix de la location du matéri e l qu’elle propose. Une réunion de tous les actionnaires est prévue le 9 juin pour faire un point. Et trancher ? Même si un arrêt complet du projet auve rgnat paraît peu plausible, en revanche une reconfiguration de l’actionnariat et une prise d’automomie par rapport à la SNCF n’est pas à exclure, les aléas rencontrés illustrent les difficultés à bâtir localement une organisation ferroviaire compétitiveet attractive. De quoi motiver les initiateurs de projet d’OFP continentaux à préférer travailler désormais dans l’ombre, comme Agenia ou Ra ve Transilog. De son côté, RFF a référencé 17 projets dont quatre déjà en activité. S. Le Hénaff L’Officiel des Transporteurs – N° 2600 du 3 juin 2011

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❚ JACQUES CHAUVINEAU (PRÉSIDENT D’OBJECTIF OFP)

« LES TRANSPORTEURS ONT COM PRIS L’INTÉRÊT STRATÉGIQUE DES OFP » • Né le 6 Mai 1940 à DomfrontenChampagne (Sarthe) • Polytechnicien (1960) • Entre à la SNCF comme ingénieur (1963) • Conseiller technique du ministre Charles Fiterman (1981) • Fondateur du TER -Train Express Régional (1987) • Jean-Louis Borloo lui demande de présider la Cellule d’appui à la création d’opérateurs ferroviaires de proximité (2008)

❱❱ L’OT : Les transporteurs routiers ont-ils vocation à investir dans les OFP ? Même si c’est plutôt à eux de le dire, personnellement je perçois beaucoup d’attente à l’égard du ferrov i a i re dans les entreprises, dans les territoires, et je constate que les organisateurs de tra n sport sentent également cette poussée du marché. Un certain nombre de tra n s p o rteurs ro utiers et logisticiens régionaux, de taille respectable, réfléchissent aujourd’hui à étendre leurs prestations au ferrov i a i re parce qu’il y a une demande des chargeurs et une prise en compte des problématiques de développement durable. Et comme ces professionnels du tra n s p o rt ont une connaissance de leur territoire géographique, à priori, l’idée que l’OFP est axe de différenciation intéressant, qui répond à un besoin potentiel, passe plutôt bien c h ez eux. À pre u ve, le fait que l’association Objectif OFP compte parmi ses membres la FNTR et TLF. Le profil d’un porteur de projet d’OFP, c’est donc un logisticien qui se sent solidaire

Auteur de deux rapports « Transport ferroviaire de fret et développement territorial »(1), Jacques Chauvineau est le père des « shorts-liners » à la française. Le président d’Objectif OFP estime que les transporteurs routiers régionaux ont un rôle à jouer pour faire émerger les OFP. de son terri t o i re et est animé d’une volonté entrepreneuriale.

❱❱ L’OT : Mais ce mode, par sa technique, son savoir-faire, ne ressemble en rien au leur. Ontils la capacité de faire ce grand écart ? Le rôle fondamental de l’OFP dans le secteur le ferroviaire, son a p p o rt et son intérêt en termes de compétitivité, c’est sa capacité à mutualiser et massifier localement des flux multi-clients et à affirmer son ancrage commercial local. Aujourd’hui, tous les organisateurs régionaux partagent cette vision logistique du transport et peuvent apporter beaucoup à un OFP. La notion de groupage-dégroupage, de multiclients, ils la connaissent depuis

les tra n s p o rteurs ont bien comp ris l’intérêt stratégique des OFP, ils émettent toutefois une réserve : comment y parvenir sans passer sous la coupe d’entre p rises ferroviaires ? Mais les compétences en dehors des grands groupes, cela se tro u ve. À eux d’aller les chercher.

❱❱ L’OT : Leur crainte, c’est donc d’être dépendant de la SNCF ou d’autres opérateurs privés ? Les porteurs de projet d’OFP savent qu’il leur faut trouver des part e n a i res qui maîtrisent la technique ferroviaire pour le local, et des partenaires ferroviaires pour assurer la traction longue distance. Pour autant, l’entrée au capital d’une entreprise ferroviaire n’est pas un

ment ouvertes. Il n’y a pas de formule unique.

❱❱ L’OT : Reste que les projets d’OFP continentaux sont rares. À quand le déclic attendu, notamment chez les transporteurs ? Si le re p o rt modal est un échec pour le moment, je re s t e convaincu qu’il ne se fera pas par une reconquête du rail sur la route, mais bien parce que des transporteurs routiers investiront dans ce mode. À la condition, toutefois, qu’ils conservent la maîtrise commerciale de leurs tra f i c s. L’arrivée des OFP doit s’accompagner d’une évolution de la culture ferroviaire française : celle d’accepter que certains trafics ne soient plus détenus par le

LA NOTION DE GROUPAGE-DÉGROUPAGE, DE MULTI-CLIENTS, ILS LA CONNAISSENT DEPUIS TOUJOURS. toujours. C’est dans leur culture et leur savo i r- f a i re. Ils peuve n t donc transmettre au ferroviaire une capacité de mutualisation des flux qui est naturelle dans leur métier. Par ailleurs, une organisation de proximité ferroviaire peut mixer dans le multiclients des lots de combiné. Alors que cette technique ne s’opère j u s q u’à présent que par des trains spécialisés. Constituer des trains réguliers mixtes circulant entre différents territoires peut être une évolution considérable et un développement de productivité pour le mode ferroviaire. Si

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préalable à la création d’un OFP. De ce point de vue, l’exemple de CFR, l’OFP du Mo rvan, est intéressant. Il a été initié par des chargeurs, Eiffage et Lafarge, rejoints par un transporteur qui est en deuxième ligne au capital pour l’instant. Ce montage présente un double intérêt : il garantit un apport de flux et un apport financier de la part des charg e u r s, qui sont eux des préalables au démarrage d’un OFP. Il est important de rappeler que les modalités d’investissement dans les OFP peuvent prendre différentes formes et restent extrême-

tractionnaire mais par d’autres, c’ e s t - à - d i re des tra n s p o rteurs routiers. Mais cela va prendre un peu de temps. De plus, avec la c rise économique, les transporteurs routiers ont eu d’autres sujets de préoccupation. Mais une fois levée leurs craintes et interrogations, leur implication ne peut que prendre de l’ampleur. J’en suis persuadé. ● Propos recueillis par S. Le Hénaff (1)

en 2005 et 2006 L’association Objectif OFP a rédigé le guide « Comment créer un OFP ». Il est téléchargeable sur son site : www.objectif-ofp.org


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LES OFP, IL Y CROIT Alain Cassier, P-dg des Transports Cassier (58), est actionnaire de l’OFP du Morvan. Pour l’heure, il est le seul transporteur a avoir investi dans un PME ferroviaire locale en activité. Une diversification qu’il juge naturelle.

lain Cassier, P-dg des transports éponymes, n’y va pas par quatre chemins : « Le tout routier va dans le mur. On ne pourra pas continuer indéfiniment sur ce seul modèle. C’est de notre responsabilité, celle d’organisateur de transport, d’accompagner nos clients vers le re p o rt modal. La transition pre n d ra du temps, mais la demande pointe. La création des OFP s’inscrit dans cette logique. Et, p e rsonnellement, j’y cro i s ». Une conviction dans les propos qui s’est traduite dans les actes : les Transports Cassier sont un des actionnaires de la CFR (Compagnie Ferroviaire Régionale), l’OFP du Mo rvan, en activité depuis novembre 2010. Aux côtés d’Eiffage et Lafarge, il détient une part minoritaire avec 19 % du capital. Ce projet d’OFP, Alain Cassier n’en est pas à l’ o rigine. Ce sont les deux industriels qui l’ont porté, conçu et ont ensuite sollicité le dirigeant pour re j o i n d re le tour de table. Po u rquoi lui ? Parce qu’il était l’un de leurs prestataires et qu’il a immédiatement montré son intérêt d’y être. « Les deux industriels souhaitaient associer un logisticien pour réaliser les prestations annexes à l’offre ferroviaire, notamment des prestations routières pour la distribution finale car tous les clients potentiels de l’OFP ne disposent pas d’un embranchement ferroviaire. Et qu’il faut au moins deux ans pour activer une ITE. La route est donc le complément naturel de l’OFP », e xplique Alain Cassier. Un package qu’il propose désormais aux chargeurs régionaux.

A

TRAFICS DE BOUT EN BOUT Opérationnelle depuis la fin 2010, la CFR a déjà opéré plus d’une quarantaine de convois. En 2011, l’objectif est de réaliser 180 trains en propre, soit un potentiel de près de 200 000 t.

Si les ambitions sont grandes, les obstacles l’ont été également pour cet OFP créé pour pallier le désengagement partiel de la SNCF sur une ligne capillaire de 40 km entre Corbigny et Cercy-la-Tour (58). Retrait qui risquait d’entraîner la fermeture des carrières de granulats d’ Eiffage et Lafarge, car un report complet des flux sur la route n’était pas envisageable. Avec le soutien de RFF, qui a investi 5 ME dans la rénovation des voies, les industriels ont donc décidé de prendre leur avenir en main et d’y associer les Transports Cassier. Fo rmation du personnel, location du matériel (loco et wagons), CFR a choisi de se développer par ses propres moyens. Une stratégie de démarrage coûteuse mais payante au final car, aujourd’hui, l’OFP doit assurer tous ses trafics de bout en bout. Et ce au-delà de son périmètre initial. S’il opère deux convois par semaine en courte distance, il en assure également un ou deux en longue distance. Une situation de fait liée à l’impossibilité, pour l’heure, de trouver une entre p rise ferroviaire nationale acceptant de prendre le relais en dehors de son terri t o i re! Une extension du certificat de sécurité a donc été nécessaire. Malgré ces désagréments, la confiance est de mise. L’OFP envisage déjà d’étendre ses prestations à de nouveaux marchés tel que le bois. Des évolutions qui demanderont peut-être une augmentation du capital. Pour l’ h e u re, les activités de tra n sport et de logistique annexes à CFR restent donc limitées. « L’OFP étant également gestionnaire d’ i n f rastructure, notre entreprise contribue à cet entre t i e n », explique Alain Cassier. Si les flux générés par les deux actionnaires industriels constituent un socle de base, essentiel au démarrage de l’OFP, c’est d é s o rmais aux équipes commerciales des Transports Cassier de participer à son déve-

Alain Cassier, P-dg des Transports Cassier (58), détient 17 % de la CFR.

loppement et de faire fructifier cet investissement. « Il faut être clair, l’offre ferroviaire ne pourra cro î t re que si elle est compétitive par ra p p o rt à la route pour les clients. L’arrivée de l’Ecotaxe va modifier la donne à terme. C’est l’un des arguments que nous faisons valoir à nos clients pour les accompagner au re p o rt modal. L’OFP constitue donc une étape et un outil important de ce basculement, insiste le P-Dg. Dans l’entrep r i s e , nous avons la même démarche et conviction vis-à-vis du mode fluvial. Le report modal n’est pas une concurrence à la route. C’est un complément ». Une certitude : Alain Cassier restera comme le premier transp o rteur routier à avoir investi dans un OFP. Un exemple suivi par d’ a u t res dirigeants depuis.● S. LE HÉNAFF L’Officiel des Transporteurs – N° 2600 du 3 juin 2011

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❚ ALLEMAGNE

UNE SUCCESS STORY PORTÉE PAR LES SUBVENTIONS Alors qu’en France le secteur des OFP est balbutiant, l’Allemagne fait figure de modèle : une centaine d’opérateurs sont parvenus à développer une offre rentable. Un dynamisme lié à la géographie industrielle allemande, très décentralisée, et surtout à l’engagement des collectivités locales qui subventionnent les compagnies ou réseaux secondaires. ue du ciel, l’ u s i n e, gig a n t e s q u e, semble presque perd u e, au beau milieu de la campagne. A l’ouest, des champs et des forêts. A l’est, Harsewinkel, une petite ville d’à peine 24 000 h a b i t a n t s. C’est ici, au centre l’Allemagne, que le géant du mat é riel agricole Class a implanté l’un de ses sites avant la guerre. Moissonneuses, tracteurs, ensileuses : plus de 400 000 machines sortent désormais des chaînes de montage chaque année. Face à l’ampleur des volumes et l’encombrement exceptionnel des marchandises à transporter, l’ i n d u s t riel choisit de miser sur le train pour atteindre ses clients. Seulement voilà : l’ e m b ra n c h ement ferré le plus proche est situé à trois kilomètres de l’établissement. Class fait alors appel à un opérateur local : Teutoburger Wald Eisenbahn (TWE), filiale du groupe Veolia (devenu Captrain Allemagne GmbH en 2010 suite à son rachat par la SNCF). Elle est chargée de constru i re une vo i e de raccordement jusqu’à la gare de triage la plus pro c h e. Une s o rte de « mini ligne » dont TW E devient l’opérateur exclusif : il se voit confier l’intégralité des marchandises transitant entre l’usine et le réseau ferré national. D’autres compagnies, comme la Deutsche Bahn par exemple, prennent ensuite le relais et se c h a rgent du trajet longue distance.

V

Loin d’être un cas isolé, cette solution apportée par TWE illustre le dynamisme des short-liners outre-Rhin. Alors que la France peine à développer ce type de services ferroviaires de proximité, le voisin allemand fait figure de modèle : sur les 160 compagnies qui se livrent bataille sur le segment du fret, une centaine opère sur des réseaux régionaux. Du coup : un trafic sur cinq s’effectue sur une distance inféri e u re à 50 km, contre 6 % dans l’Hexagone. HÉRITAGE De fait, il existe en Allemagne une longue tradition de compagnies ferrov i a i res locales. La success s t o ry commence au XIXe siècle avec la révolution industri e l l e. Pour soutenir l’activité, de nombreuses collectivités achètent des trains et construisent des réseaux ferrés secondaire s. Objectif : amener le train aux portes des entreprises. Un héritage encore présent aujourd’hui : les Länder ou les communes contrôlent un OFP sur cinq. Les pouvoirs publics ont également joué un rôle déterminant dans les années 90 en subventionnant massivement les embranchements pri v é s. « L’aide à la réouverture d’ e mb ranchements ferrov i a i re est financé à hauteur de 50 % par l’État : une aide décisive », affirme Hans-Paul Kienzler du bureau d’étude K + P Transport Consultants, dont la filiale fra n-

L’Officiel des Transporteurs – N° 2600 du 3 juin 2011

En 2001, DB Cargo s’est tournée vers les OFP allemands pour qu’ils reprennent ses activités ferroviaires locales.

çaise conseille le ministère des transports. Et quand les pouvoirs publics ne sont pas à l’initiative, les industriels prennent le relais. Le n° 2 allemand de l’acier Salziger, par exemple, possède encore aujourd’hui sa propre filiale ferrov i a i re dédiée aux transports de proximité : VPS opère principalement entre la gare de triage de la DB et les sites de production du gro u p e, au centre de l’Allemagne. « Bien sûr, nous pouvons aussi nous mettre à disposition d’autres clients sur place », glisse-t-on au siège de la compagnie. Mais cela reste très rare. En re vanche, les sociétés de transport routier sont quasiment absentes du paysage. « Beaucoup préfèrent externaliser leurs opérations. Elles achètent plus volontiers des prestations que du matériel roulant », croit savoir Ge o rg Lennarz, spécialiste des questions de fret ferroviaire de la V DV, l’équivalent allemand de l’UTP (Union des transports pu-

blics et ferroviaires). A l’inverse, c e rtains OFP ont évolué pour devenir de véritables opérateurs de logistique, fondant au passage leur pro p re filiale de tra n s p o rt routier (lire encadré HGK). Autre facteur de réussite : la précoce nationalisation des chemins de fer allemands. « Elle a eu lieu dès 1879, rendant possible le d é veloppement ultérieur des OFP », analyse Martin Henke, cod i recteur de la fédération V DV. « En France, à l’inve r s e , la SNCF n’a été créée qu’en 1938 ce qui a conduit au re g roupement d’un grand nombre d’acteurs locaux ». Et puis, outre-Rhin, les OFP bénéficient aussi d’un tissu industriel dense et très décentralisé. A l’image du fabricant de matériel agricole Claas, de nombreuses entre p rises sont implantées loin des grandes agglomérations, quand en France l’activité se concentre autour de Pa ris et de quelques grands pôles régionaux. « Du coup, il est plus intéressant de monter des OFP dans


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des petites villes allemandes car les tonnages à tra n s p o rter sont i m p o rt a n t s » , ajoute Martin Henke. Par ailleurs, très tournés vers l’export, les industriels allemands font transiter leur production par les ports : les shortliners sont ici souvent chargés du dernier kilomètre. EFFET D’AUBAINE Enfin, il faut dire aussi que les opérateurs locaux ont reçu un sérieux, bien qu’indirect, coup de pouce de la Deutsche Bahn, lancée dans une cure d’amaigri s s ement drastique au milieu des années 90. En dix ans, elle abandonne ainsi 2 000 km de voies secondaires dédiées au fret : pas assez rentable estime l’ancien patron Ha rtmut Me h d o rn, qui veut faire sortir la compagnie publique du rouge. Une aubaine pour les OFP qui parviennent à mettre la main sur ces lignes dont la Bahn ne veut plus. Résultat : le réseau ferro-

v i a i re de proximité double de taille pour atteindre 4 000 km. Ces nouveaux débouchés sont d’autant plus intéressants que le marché du rail s’est ouve rt à la concurrence. Les OFP peuve n t donc s’aventurer au-delà de leurs « frontières » et circuler sur le réseau national. « Les compagnies short-liners ont pu élargir le spectre de leurs activités » , commente Ge o rg Lennarz, spécialiste des questions de fret ferroviaire de la VDV. « De toute faç o n , ces compagnies ne pourraient pas surv i v re si elles se contentaient d’ o p é rer dans les seules limites de leur réseau ». Ce rayon d’action plus vaste leur permet aussi de massifier les flux et donc de faire baisser les coûts : sur les trajets locaux, les prix fondent de 30 %. Cette évolution semble en tout cas convenir à la DB qui peut sous-traiter une partie de ses trafics de proximité à des tarifs avantageux. En t re les OFP et

l’opérateur historique, s’est ainsi d é veloppé une relation de « coopétition » (1), explique Ge o rg Lennarz. Dans certains cas, ils sont en concurrence, dans d’ a utres, ils collaborent ». Une situation qualifiée de « gagnant-gag a n t » par cert a i n s, mais qui connaît néanmoins des limites. Conséquence de la forte hausse du trafic ferroviaire de marchandises ces dern i è res années, les voies ferrées régionales sont à bout de souffle. Traverses en bois rongées par la moisissure, rails rouillés : les OFP manquent de moyens pour entretenir les lignes dont elles sont propri é t a i re s. Malgré leurs demandes répétées, ils ne perçoivent aucune aide de l’État Fédéral. « La Deutsche Bahn en re vanche touche 2,5 MdE par an », s’indigne la fédération allemande des entre p rises de transport qui réclame une m e i l l e u re répartition des allocations. Selon ses calculs, il manque 150 ME par an pour la main-

tenance des 4 000 km de voies régionales placées sous la responsabilité des opérateurs locaux. Faute d’argent, la moitié de ce réseau pourrait dispara î t re. La Westfälischen Landes-Eisenbahn fait déjà les frais de l’absence de soutient financier de Berlin. Sur les 30 km de voies qui séparent Münster et Neubeckum, à l’ouest de l’Allemagne, ordre a été donné aux conducteurs de ne pas dépasser les 20 km/h. Les voies sont en tellement mauvais état, que l’opérateur redoute un accident s’il roule plus vite. « Nous consac rons chaque année un million d’euros dans l’entretien des voies, mais il en faudrait le double », d é p l o re Dieter Ei c h n e r, le re sponsable des finances de la compagnie. Notre action se limite au curatif. Si rien n’est fait ra p i d em e n t , nous devrons fermer la liaison ». ● ANTOINE HEULARD (1)

contraction des deux mots : coopération et compétition

RETOUR D’EXPÉRIENCES

HGK : du local au global Dans la Ruhr, la compagnie HGK est l’un de ces OFP qui a su tirer profit de la libéralisation pour devenir l’un des concurrents les plus sérieux de la Deutsche Bahn. u départ, il y a deux sociétés ferroviaires créées par les municipalités de Cologne, Bonn et Frenchen : la KFBE et la KBE. Nous sommes en 1894 en pleine révolution industrielle. Pour renforcer leur prospérité, ces trois communes montent un réseau ferré entre leurs cités et une mine de lignite, située à p roximité. Chaque jour, des trains entiers font la navette et alimentent particuliers et industriels en charbon brun, utilisé notamment pour le chauffage. L’activité fait les beaux jours des deux compagnies jusque dans les années 60. Avec l’apparition du chauffage électrique ou au gaz, elles doivent tro u ver de nouveaux chargements. Pour cela, les deux compagnies peuvent compter sur leur réseau : 100 km de voies situées au cœur d’un tissu industriel très dense, et surtout 66 embranchements particuliers à des usines de la région. Un argument de poids car la Ruhr héberge de puissants groupes chimiques avec de gros besoins en transports ferroviaires, notamment pour les matières dangereuses.

A

Mais le grand bond en avant se produit en 1992. A l’aube de la libéralisation du marché du rail, Cologne orchestre la fusion des deux compagnies avec l’opérateur des ports fluviaux de la commune. Rebaptisée HGK, la nouvelle entité se lance alors à la conquête

de nouveaux marchés en misant sur le transp o rt combiné. Pa ri gagnant : la compagnie se d é veloppe rapidement hors de ses bases. A tel point que les flux extra régionaux représentent désormais près de 80 % des trafics. ● A. H.

L’Officiel des Transporteurs – N° 2600 du 3 juin 2011

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