Industrie automobile : Bonne visibilité en... 2012

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BONNE VISIBILITÉ EN… 2012 ! AU SOMMAIRE ❚ MARCHÉ AUTOMOBILE UN CATACLYSME MONDIAL

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❚ SEUILS DE RENTABILITÉ DES TRANSPORTEURS PRUDENTS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 30 ❚ FRANCK BRAULT, ASSOCIÉ CHEZ KUCHER & PARTNERS « UN CONTEXTE OPPORTUN AUX HAUSSES » . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 33

RÉALISÉE PAR DIANE-ISABELLE LAUTRÉDOU

Dans l’industrie automobile, les deux dernières années resteront marquées d’une pierre noire. Le recul des ventes, dans le monde, avoisine les 15 millions de véhicules neufs entre 2007 et 2009. Le retour de l’activité n’est pas attendue avant 2012, au prix de stratégies d’alliances engagées par les constructeurs. Dans ce contexte de crise et de bouleversements industriels, comment s’adapte la chaîne logistique, soumise à la loi des appels d’offres ? Parmi les plus pénalisés par l’effondrement du marché automobile : les sous-traitants. La flexibilité se conjugue avec une tension sur les prix pour les sous-traitants, marqués par une baisse des tarifs de 5 % en moyenne. Le transport de voitures a-t-il franchi un seuil de non rentabilité ? L’Officiel des Transporteurs – N° 2553 du 4 juin 2010

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❚ MARCHÉ AUTOMOBILE

UN CATACLYSME MONDIAL Pour la majorité des constructeurs et des prestataires qui gravitent autour de l’industrie automobile, les deux dernières années resteront gravées dans les mémoires parmi les pires périodes de l’histoire du secteur. Bien que le creux de la vague ait été atteint l’an dernier, le retour de l’activité n’est attendue qu’en 2012 au prix de stratégies d’alliances. es constructeurs automobiles ne re t ro u veront leurs volumes de 2007 que dans deux ans. C’est du moins la feuille de route prévue par Euler Hermes SFAC lors de la publication de son étude intitulée « l’industrie automobile face à la chute de la demande mondiale » à la mi-2009. R é t ro s p e c t i vement, les instigations de l’ a s s u re u r-crédit débutent dans un contexte de croissance mondiale des immatriculations de 5 % dynamisé par la demande des pays émergents. À l’époque, les principaux acteurs se plaisent alors à croire à ce nouvel eldorado et investissent massivement dans ces zones géographiques telles que le Brésil, l’Argentine, la Russie, etc. En t re t e m p s, frappés par une chute de 25% des immatri c u l ations mondiales qui s’accompagne d’un recul des ventes compris entre 15 et 16 millions de véhicules entre 2007 et 2009, leurs perspectives de développement se sont recentrées sur un seul objectif : trouver un maximum de leviers d’économies. Pour la suite, les analystes prévoient une mu-

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tualisation des coûts via des stratégies d’alliances ou de rapprochement entre constructeurs et prestataires. UNE RÉDUCTION MONDIALE Historiquement premier consommateur mondial avec près de 17 millions d’unités vendues par an, le marché américain se vo i t

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p rivé, dès les prémisses de la crise économique, de l’un de ses plus gros organismes de financement avec la faillite de Lehman Brothers. Un coup dur dans un contexte où près de 80% des automobiles sont achetées à crédit... À l’échelle mondiale, la situation se dégrade tout aussi vite et le secteur ne tarde pas à s’effondrer durant l’été 2008. L’année suivante

ne sera pas plus encourageante a vec une moyenne annuelle de ventes qui touche dix millions d’unités, en repli de 40 % en deux a n s. À elle seule, la production américaine se rétracte à 6,5 millions de véhicules l’an dern i e r contre neuf millions en 2008 et o n ze millions en 2007. Se positionnant comme l’un des premiers exportateurs mondiaux, le


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Japon, a dû déstocker massivement pour s’assurer d’un volume de ventes de neuf millions de véhicules en 2009 contre 11,5 millions en 2008. En revanche, la faiblesse de ces marchés semble a voir profité à la Chine qui détrône désormais les États-Unis de la première place des ventes mondiales avec onze millions de véhicules vendus l’an dern i e r. Une croissance qui devrait, selon l’ a ssure u r-crédit, se poursuivre au vue du taux d’équipement des ménages qui demeure encore très faible. Pour le reste du monde, les perspectives s’annoncent déjà largement moins encourageantes puisque cette étude prévoit un retour à un niveau d’immatriculations annuel compris entre quinze et seize millions de vo i t ures pour l’exercice 2011/2012. UNE EUROPE CONTRASTÉE En Europe, 2008 s’apprêtait à figurer au palmarès des meilleures années en termes d’ i m m atriculations. Record assombri par la chute des ventes dans tous les pays européens et particulièrement en Espagne ou en Angleterre, où les ménages sont très fortement endettés. Conclusion : les immatriculations euro p é e nnes ont diminué de 12% à 13% en 2009 tandis que les ventes ont régressé de 25%. Une érosion qui a part i c u l i è rement touché les n o u veaux États membres et la Russie qui voient respectivement leurs ventes régresser de 30 % et 50 %. En Europe occidentale, plusieurs nations comme l’ A l l emagne, l’Espagne, la France ou l’Italie ont mis en place des dispositifs de prime à la casse pour soutenir leur rythme de consommation. Globalement, les re t o mbées de ces initiatives devraient p o rter sur un million de ventes supplémentaires durant la période 2009/2010. À l’instar du Japon, l’Allemagne, principal exportateur européen, a vécu l’ e ffondrement du secteur avec un temps de retard avec un volume de production en déclin de 55% sur le seul premier trimestre 2009 et une production de cinq millions de véhicules en 2009 contre six millions en 2008. En France, les déstockages massifs réalisés par les constructeurs au cours des derniers trimestres 2008 et 2009,

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➜ KOEN VANDERSTEEGEN, Regional manager de Toyota Motor Europe

« CERTAINS PRESTATAIRES BAISSENT DANGEREUSEMENT LEURS PRIX » ❱❱ Votre groupe a annoncé un recul des ventes de 5 % avec 7,2 millions d’unités au cours de l’exercice 2009/2010, comment expliquezvous ces résultats ? KOEN VANDERSTEEGEN : L’an dernier, nos ventes ont considérablement chutées à l’échelle européenne. Ce rtains marchés comme l’Espagne, l’Estonie et la Russie ont été sévèrement pénalisés. En revanche, d’autres pays comme l’Allemagne, la France ou la Belgique ont bien résisté. Pendant, la crise économique nous avons dû faire face à un contexte de surcapacité sur l’ensemble de nos sites. Notre centre de Zeebrugge, qui réceptionne nos véhicules importés, a retrouvé son niveau de stock habituel d’un mois. ❱❱ Quelles ont été les conséquences de ces variations pour les transporteurs avec lesquels vous travaillez ? K.V. : La crise économique a re n f o rcé nos besoins en transport routier car nos baisses de volumes ne nous permettaient plus de remplir de trains complets. Avec 80% de nos flux sur la route, nous travaillons avec une trentaine de transporteurs européens dont quatre en France. Pour eux, ces va riations de volumes se sont traont largement pénalisé le niveau de production qui a atteint 2,5 millions d’unités en 2008 et moins de deux millions en 2009. DES ACTEURS AFFAIBLIS Les conséquences de cette c o n t raction internationale des ventes de voitures n’ont pas été ressenties de la même manière par tous les constru c t e u r s. Aux États-Un i s, les restructurations opérées depuis 2000, ayant déjà abouti à réduire les effectifs de moitié, n’auront pas empêché le placement sous la loi des faillites de deux géants historiques : C h rysler et General Motors. En parallèle, les constructeurs japonais ont été tiraillés entre la baisse de leur demande domestique, l’effondrement des ventes américaines dont ils détiennent 40% de parts de marché et la chute de la parité euro/yen à l’été 2008 qui a ruiné cinq ans de gains de productivité en trois mois. En Europe, le décrochage s’est limité au seul dernier trimestre 2008 permettant

duites par une réduction de nos fréquences. Pour les sélectionner, nous passons toujours par des appels d’offres à l’issue desquels nous proposons un contrat d’une durée d’un à trois ans réévalué chaque année.

❱❱ Bon nombre d’entres eux ont-ils revu leurs tarifs à la baisse ? K.V. : Oui, depuis le début de la crise économique, certains prestataires baissent dangereusement leurs prix. Nous refusons d’entrer dans cette spirale qui les conduira au redressement judiciaire. Dans ce contexte, nous avons re nforcé notre surveillance de leurs capacités financières. Propos recueillis par D.-I. L.

ainsi aux fabricants d’afficher une rentabilité satisfaisante sur l’ensemble de l’année. En revanche, pour 2009, les chiffres plongent a vec une activité contractée de 10% et une rentabilité nette négative de –1,5%. Dans ce contexte, les rapporteurs de l’étude s’attendent à une accélération des défaillances des constructeurs et d’équipementiers. Au niveau int e rnational, il dénombre déjà 87 procédures au cours des cinq premiers mois 2009 contre 94 enregistrées en 2008. L’EMPLOI DANS LE ROUGE Aux yeux de l’assureur-crédit, les bonus écologiques et les primes à la casse utilisés par certains pays pour relancer la consommation paraissent avoir favo risé l’acquisition de modèles d’entrée de gamme dont la production demeure largement délocalisée. En France, la sanction ne s’est pas faite attendre puisque aujourd’hui, l’outil de production sous-utilisé devra, pour rester compétitif, pour-

suivre ses restructurations, voire ses fermetures de sites... Une mauvaise nouvelle pour les salari é s parmi lesquels 13 000 ont déjà perdu leur emploi en 2008 portant à 33 000 le nombre de suppressions de postes depuis 2005. Plus alarmante, à elle seule, l’année 2009 se termine sur une perte de 20 000 et 30 000 emplois. Un contexte qui met également les sous-traitants en danger puisque, dès le mois de mai 2009, le nombre de défaillances de ces acteurs progressait de 65% en moyenne annuelle. Au final, les prévisions de la filiale du groupe Allianz dén o m b rait 400 défaillances de sous-traitants et équipementiers en 2009. Pour pallier cette situation, les analystes de l’étude estiment que des changements organisationnels pourraient permettre aux constructeurs de mutualiser leurs coûts. Dans cette optique, le secteur devrait assister à bon nombre d’alliances ou de rapprochements à courts ou moyens termes. ● D.-I. L

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❚ SEUILS DE RENTABILITÉ

DES TRANSPORTEURS PRUDENTS Malgré une chute des volumes, bon nombre des transporteurs sont parvenus à conserver leurs seuils de rentabilité au cours de l’exercice 2008/2009. En coulisses, ces résultats s’expliquent, en partie, par une réduction massive de leurs coûts de structure. Dans la foulée, ils ont également abaissé leur niveau de sous-traitance qui est rapidement devenu un levier d’ajustement ponctuel. ’un contexte de pénurie de moye n s, né en 2005, le monde du transport de vo i t u res s’est brutalement re t rouvé confronté à un re t o u rnement de marché devenu en surcapacité. « En soixante ans d’ existence, nous venons de vivre un repli sans précédent de notre chiffre d’affai res. Depuis deux ans, nous nous battons pour conserver une tré sorerie et des capacités de ma nœuvre intactes », revendiquait Yves Fargues, P-dg de Gefco, lors de la présentation des résultats financiers de son groupe en mars d e rn i e r. Affichant un recul de 18 % de son chiffre d’affaires, la filiale du constructeur PSA est p a rvenue à stabiliser son résultat opérationnel courant à 3,5 % en 2009 contre 3,6 % l’année précédente. Même schéma chez le troisième géant du secteur qui a vu son chiffre d’affaires dégri ngoler de 8 % tandis que « notre résultat d’ exploitation est resté stable », confie Gilles Guinchard, président de Walon.

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vier 2009,notre activité a chuté de 57 % par rapport à l’année pré cédente », atteste Antoine Namand, directeur de la division logistiques véhicules de la CAT. Premier volet des plans d’action des sociétés : le social « q u i constitue 50 % de nos coûts d’ ex ploitation », souligne Antoine Re d i e r, directeur de l’activité transport et logistique automobiles de Ge f c o. Aux yeux des

SI LES GROUPES SEMBLENT S’ÊTRE RECENTRÉS SUR LEURS MOYENS, LES PLUS PETITES STRUCTURES ONT PRIS DES RISQUES.

prestataire s, la pri o ri t é consistait à de préserver les équipes internes. « Notre ob jectif était de réduire les conséquences de la crise économique sur nos collabo rateurs. Ma l h e u reusement, nous n’avons pu garder notre vo l a n t d’intérimaires et de contrats à du rée déterminée qui représentent 20 % de nos effectifs », explique Antoine Redier. Mesure qui s’accompagne, dans la majorité des cas, d’une vague de chômage partiel s’alignant sur l’arrêt des chaînes de production des clients. « Plusieurs de nos centres ont été placés en chômage partiel. Pour en limiter l’impact, nous a vons constitué une équipe d’une centaine de salariés qui se dépla cent sur les sites dont l’activité né -

AJUSTER LES EFFECTIFS ET LE PARC Côté sous-traitants, dégager des m a rges suffisantes s’est révélé être un exercice tout aussi compliqué, « l’année dernière, notre niveau de rentabilité n’a pas dé passé 3 % », constate Fr é d é ric Évrard, directeur des Transports des véhicules lorrains (55). Dans une spécialité où l’activité est plus étroitement liée à la production qu’aux ventes, le creux de la vague a eu lieu au moment où les Durant la crise économique, les prestataires ont revu leurs effectifs constructeurs ont commencé à à la baisse. Si les salariés ont été « protégés » en interne, les travailleurs déstocker massivement. « En jan - intérimaires ont plutôt servi de variable d’ajustement. L’Officiel des Transporteurs – N° 2553 du 4 juin 2010

cessite un renfort d’effectifs », précise Antoine Namand. Pour les autres, cette période d’inactivité a été mise à profit pour perm e ttre aux salariés de monter en compétences par le biais d’ a ctions de formation ou de mobilité interne. « L’an dernier, 250 postes ont été pourvus en interne aussi bien sur des fonctions ad m i n i s t ra t i ves qu’opérationnel les », souligne Antoine Re d i e r. Si les groupes semblent s’être recentrés sur leurs moye n s, les plus petites stru c t u res ont pri s des risques. « En dépit de la crise économique, nous avons effec tué deux recrutements cette an née portant nos effectifs à dixhuit salariés», témoigne Thierry Pe t e r, dirigeant des Transports Peter (69). Après le social, les eff o rts des tra n s p o rteurs ont porté sur la flotte. « 700 de nos 2 300 port e - vo i t u res sont restés immobilisés dans l’attente d’ o p é rations de maintenance re p o rtées à plus tard », avo u e Antoine Re d i e r. Une occasion pour Gefco de se livrer à une révision interne de ses plans de tra n s p o rt. Alors que cert a i n e s t ractions ont été arrêtées, d’ a utres ont été renforcées. Parmi ell e s, les lignes reliant dire c t e-


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tion à la baisse. Travaillant habituellement avec des partenaires contractualisés à l’année ou à la prestation, « nous avons pri vilégié nos collaborations “s p o t” qui affichent davantage de sou plesse », reconnaît Gi l l e s Gu i n c h a rd. Une flexibilité qui se conjugue à une tension sur les prix pour les sous-tra i t a n t s. « L’année dernière, les transpor teurs qui nous affrètent ont essayé de nous faire baisser nos tarifs de 5 %.Traditionnellement niche ré munératrice, le transport de voi tures a désormais franchi un seuil de non rentabilité », déplore Fr é d é ric Évra rd . Une situation L’an dernier, l’immobilisation de certains véhicules a contribué qui complique sérieusement à lever des économies supplémentaires pour les transporteurs. l’équation au quotidien, « au vu de la conjoncture actuelle, je ne ment les usines aux concession- d’utiliser notre surface pour un pourrais pas renouveler mon ma naires qui ont permis au trans- autre donneur d’ordres et de ré - tériel vieillissant », admet Frédép o rteur de réduire les frais de duire nos coûts », note Antoine ric Évrard. En réalité, cette presfonctionnement de ses centres. Namand. sion résulte d’une remise en Pa rmi les plus pénalisés par cause des grilles tarifaires négoDes économies de stationnement parfois réalisées par les l’effondrement du marché auto- ciées en amont, « depuis plu constructeurs eux-mêmes. « Le mobile : les sous-traitants. Alors sieurs mois, les constructeurs res choix de Toyota de rapatrier ses que certains affréteurs ont conti- serrent les prix en faisant de plus stocks sur le site de Renault à nué à solliciter leurs prestations, en plus d’appels d’ o f f res pour Valenciennes (59) nous a permis d’autres ont revu leur collabora- remplacer certains contrats. Ce

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Yves Fargues, P-dg de Gefco. En 2009, le groupe Gefco a subit une baisse sans précédent de son CA. Malgré tout, le prestataire a réussi à maintenir son résultat d’exploitation à 3,5%.

« Notre résultat d’exploitation est resté stable », confie Gilles Guinchard, président de Walon.

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récent positionnement, nous ex pose davantage à la concurrence étrangère plus compétitive », analyse Gilles Guinchard. LE SPECTRE DES PAYS DE L’EST À en croire les professionnels, le marché susciterait les convoitises de bon nombre de confrères issus des pays de l’Est. « Il y a deux ans, ils ont considérablement in vesti en vue de profiter des oppor tunités du marché russe alors en pleine expansion. Au j o u rd’ h u i , son effondrement les a placés en situation de surcapacité et les obligent à écouler leurs moyens à n’importe quel prix », dénonce Gilles Guinchard. Pour relancer la consommation de vo i t u re s, la plupart des pays européens ont mis sur pied des variantes de la p rime à la casse fra n ç a i s e. Le montant et les barèmes diminuant graduellement, ce sont les c o n s t ructeurs qui ont consentis des remises sur certains modèles. Mais para d oxalement, les soustraitants ne semblent pas avo i r bénéficié de trafics supplémentaires. « Les flux sont revenus mais ils ne nous sont pas destinés car les affréteurs préfèrent travailler avec des entreprises étrangères », explique Thierry Peter.

« LES CONSTRUCTEURS ENVISAGENT UN RECUL DE LEURS VENTES COMPRIS ENTRE 8 % ET 9 %. »

Une crainte décuplée par la publication du décret n°2010-389 p r é voyant un nouvel encadrement du cabotage. « Les affréteurs sont déjà très concurrencés par leurs confrères des pays de l’Est. Ce nouveau cadre ne fera que ren forcer les positions des sociétés étrangères et nous éloignera da vantage du marché », ajoute-t-il. DES PROJETS REMIS SUR LES RAILS Après avoir actionnés tous les leviers dont ils disposaient, certains transporteurs commencent à renouer avec leur développement international pour doper leurs résultats commerciaux et lever un peu de rentabilité supplémentaire. Prudent, Gefco a limité ses projets à l’essentiel : « c’est à dire à ceux qui nous ne mettent pas en péril à moyen terme », admettait Yves Fa rgues en mars dern i e r. Comme bon nombre de transporteurs, le groupe guette le retour dans la course du marché russe dont les ventes automobiles ont fait partie des chutes les plus importantes avec – 60% en 2009. « Alors que nous réalisions 10% de notre activité dans ce pays en 2008 ce chiffre est tombé à 5% l’année dernière », constate Antoine Redier. Dans l’optique d’une reprise « as surée », cette zone géographique reste l’une des plus convo i t é e s par les tra n s p o rteurs qui y placent discrètement leurs pions. Ainsi, il y a trois mois, Gefco a inauguré un convoi ferrov i a i re entre l’usine PSA de Vesoul (70) et l’usine PSA et Mitsubishi à Kaluga près de Moscou. En pa-

Bon nombre de transporteurs ont repris leurs projets internationaux à l’instar de Gefco qui a lancé un convoi ferroviaire entre Vesoul et Kaluga en mars 2010. L’objectif est d’anticiper la reprise du marché russe.

rallèle, le prestataire a annoncé l’ouvert u re d’un centre de stockage près de Moscou d’ici à la fin de l’année. Pour autant, le groupe poursuivra ses ambitions en Asie, en Amérique du sud et Europe centrale et orientale sur lesquelles il travaille depuis dix ans et inaugure ra, cette année, des sites en Bu l g a ri e, au Kazakhstan, en Uk raine et en Inde, « pays qui témoigne d’une montée en puissance de ses échan ges avec la Chine », confie Antoine Re d i e r. Cette stratégie d’expansion vers l’Asie qui ne doit rien au hasard puisque la Chine est le seul pays à avoir vu son industrie automobile tirer ses ventes du jeu depuis le début de la crise économique. Une performance qui, selon l’association automobile chinoise, place ce pays au premier rang des marchés automobiles mondiaux avec une progression de ses ventes de 46%. Même tendance à la CAT qui conserve encore ses projets russes, ukrainiens et grecs en sommeil pour quel-

LES PREMIERS PAS D’UNE BOURSE DE PORTE-VOITURES Dévoilée à l’occasion du dernier SITL en mars dernier, la première bourse de fret exclusivement dédiée aux porte-voitures vient de conclure sa phase de lancement. C’est la bourse de fret Wtransnet, filiale du groupe espagnol Wotrant qui a conçu cette plate-forme, laquelle se définit comme un lieu de rencontre entre chargeurs et transporteurs issus de la même niche d’activité. « À l’origine, les grands groupes logistiques comme Gefco ou CAT nous ont sollicités pour minimiser leurs retours à vide », observe Grégory Joubert, responsable commercial de la structure. Avec un démarrage officiel au 1er avril dernier, 240 clients ont L’Officiel des Transporteurs – N° 2553 du 4 juin 2010

déjà bénéficié d’une clé d’essai gratuite jusqu’à fin mai. L’objectif est de mesurer la réalité de ce nouveau marché. « Notre princi pale difficulté est d’attirer les transporteurs spécialisés qui n’ont pas l’habitude de recourir aux bourses de fret contrairement aux artisans », ajoute-t-il. La phase de rodage s’est terminée le 1er juin. Depuis lors, les utilisateurs fréquentant cette bourse sont soumis à un abonnement forfaitaire pour une utilisation illimitée sans frais additionnel. « Dans quel ques mois, nous pourrons juger de la perti nence de notre stratégie sur ce marché », admet Grégory Joubert. D.-I. L.

ques mois. En réalité, le groupe finalise un certain nombre de contrats et de partenariats , « no tre développement pourrait pas ser par des prises de participation, de contrôle de flotte ou de centres logistiques que nous annoncerons dans les prochaines semaines », précise Antoine Namand. 2010 EN DEMIE-TEINTE Passés les premiers bilans, les attentes se sont reportées sur l’exercice actuel. À mi-parc o u r s, les p rotagonistes restent sur leurs gardes. « Cette année ne sera pas meilleure que la précédente car les constructeurs envisagent un recul de leurs ventes compris entre 8% et 9%. Notre activité devrait donc continuer à baisser progressive ment sur l’ensemble de l’année », p ronsostique Antoine Redier. Un pessimisme partagé par les soustraitants : « au cours des six pre miers mois, les trafics sont restés irréguliers », note Thierry Peter. Pour la deuxième partie de l’année, la CAT ne semble pas plus sereine. « Le second trimestre mar que la réévaluation de cert a i n s dispositifs de prime à la casse, no tamment sur le marché allemand. À cela devrait s’ajouter un déséqui libre des zones de consommation auquel nous devrons nous adap ter sur le même principe de flexi bilité que l’an dernier », affirm e Antoine Namand. De rnier sujet d’inquiétude : les tensions sur les prix. « Nous adapter à des vo lumes fluctuants fait partie de no tre métier. En revanche, nous res tons démunis face à une baisse des tarifs de nos prestations. Actuel lement,le maintien des prix consti tue déjà un combat de taille », rappelle Gilles Guinchard. ● D.-I. L.


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FRANCK BRAULT, ASSOCIÉ CHEZ SIMON KUCHER & PARTNERS

« UN CONTEXTE OPPORTUN AUX HAUSSES DE PRIX » Franck Brault, associé chez Simon Kucher & Partners et spécialiste du transport de marchandises, dresse un bilan de la crise économique dans la distribution automobile. Il encourage les transporteurs à défendre voire à augmenter leurs prix pour prévenir la baisse des volumes. ❱❱ L’O.T. : Comment l’effondrement du marché automobile a-t-il impacté le transport de voitures ? F. B. : Mi-2008, les constructeurs ont été confrontés à une réduction brutale de leurs ventes. Une perte en partie compensée par l’écoulement de leurs stocks durant toute l’année dernière. Pour les transporteurs, ce re t o u rnement s’est traduit par une baisse significative des volumes. Malgré tout, l’initiation de nombreux dispositifs de relance de la consommation au niveau européen, à l’instar de la prime à la casse en Fra n c e, a permis au secteur de renouer avec des volumes de ventes qu’il n’avait plus connu depuis au moins quinze ans. Au total, ils ont plafonné à 2,3 millions d’unités vendues pour une moyenne habituellement comprise entre 2 et 2,2 millions. ❱❱ Faut-il craindre l’arrêt progressif de ces dispositifs ? F. B. : Lancés pour stimuler ponctuellement le marché, les dispositifs commencent à se tarir. En Allemagne, nos équipes observent déjà de fortes fluctuations. En France, au cours du mois d’ a v ril, les volumes de ventes de voitures ont déjà chuté de 12%. Cette baisse pénalise les constructeurs de façon inégale ; certains prestataires japonais ayant connu un déclin de 30% à 40%. Pour conserver leur volant de contrats, les stratégies commerciales des prestataires n’ont pas manqué d’imagination. Ainsi, dès le début de la crise économique, Hyundai a mis en place une offre de protection liée à la perte d’emploi destinée au marché américain. Son principe intègre le remboursement de crédits en cas de perte d’emploi ou d’incapacité temporaire de travail. En France, ce dispositif est effectif depuis avril 2009. Sur le même re g i s t re, le constructeur coréen a lancé un crédit à taux zéro en Algérie. ❱❱ Comment les transporteurs se sont-ils adaptés à ces variations d’activité ? F. B. : Globalement, ils ont commencé par chercher à réduire leurs coûts en abaissant leurs capacités de traitement et/ou la taille

F. B. : La crise économique a sanctionné les

comportements de certaines sociétés qui pratiquaient des tarifs beaucoup trop peu rémunérateurs. Au vue du nombre de défaillances d’entreprises depuis le début de la c rise économique, la surabondance de l’offre est terminée et le contexte est favorable à une augmentation des tari f s. Qu’il s’agisse de grands groupes ou de plus petits établissements, une augmentation de 2 à 3 % des p rix reviendrait dans de nombreux cas à doubler leur résultat net.

« Dans le monde du transport, la pratique des clauses de compensations en cas de baisse des volumes n’est pas encore suffisamment utilisée », explique Franck Brault.

de leur réseau. Ils se sont attachés à conserver la flexibilité de leurs moyens en propre quitte à réduire la sous-traitance. Ils se sont recentrés sur l’optimisation de leurs moyens, en jouant très peu sur la défense des prix.

❱❱ À quoi doivent-ils s’attendre cette année? F. B. : En 2010, les stocks des constructeurs se

reconstituent progre s s i vement donnant de nombreuses opportunités aux transporteurs. Cette tendance devrait notamment profiter aux sociétés qui tra vaillent avec plusieurs marques. En revanche, pour celles qui travaillent localement ou sur un seul segment de marché, l’équation va se compliquer car leur exposition aux risques reste encore très forte. A l’inverse, les structures les plus audacieuses devraient pouvoir réaliser de bonnes affaires en termes de prises de participation dans de nouvelles structures, flottes ou centres de distribution. Enfin, en termes de services, les demandes de prestations logistiques à haute valeur ajoutée devraient être assez recherchées par les équipementiers dont l’activité est déjà repartie.

❱❱ La tension observée sur les prix depuis un an et demi va-t-elle se poursuivre ?

❱❱ Est-ce le seul levier financier à la disposition des transporteurs ? F. B. : Non, une fine négociation d’un contrat peut également s’avérer très utile en temps de crise. Déjà répandu chez les équipementiers, les clauses de compensations en cas de baisse de volumes permettent de limiter les effets de variation d’activité. Dans le monde du transport, cette pratique n’est pas encore suffisamment utilisée. La messagerie et l’express commencent à s’y mettre. Ma i s, là aussi, c’est peut-être aux grands acteurs du secteur de donner l’impulsion nécessaire afin de favo riser les changements de comportement. En effet, les plus petits établissements sont souvent plus démunis lors des négociations avec un chargeur représentant une part i m p o rtante de leur activité. ❱❱ Qu’en est-il des sous-traitants qui risquent de subir la concurrence étrangère malgré le dispositif d’encadrement du cabotage en vigueur depuis le 4 mai dernier ? F. B. : Le cabotage ne constitue pas une menace réelle pour les leaders du secteur du fait de la répartition des risques qui les caractérise. C’est plutôt une opportunité pour une mise en concurrence plus intense ent re leurs sous-tra i t a n t s. De leur côté, ces derniers subissent directement les effets d’un marché fortement concurrentiel et fragilisé. Cette offre de tra n s p o rt supplément a i re les rend vulnérables. Cette crainte est renforcée par le fait que les pouvoirs publics constatent la difficulté à juguler le cabotage illégal. ● Propos recueillis par D.-I. L. L’Officiel des Transporteurs – N° 2553 du 4 juin 2010

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