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AU SOMMAIRE ❚ PRÉVENTION DU RISQUE IL FAUT “MARQUER” LES ESPRITS . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 29 ❚ ÉRIC DARSEL & FRÉDÉRIC REMONNAY (RENAULT TRUCKS) « UNE PRÉOCCUPATION MAJEURE » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 32 ❚ MAÎTRISER LES RISQUES LE RÔLE DU CAHIER DES CHARGES . . . . . . . . . . . . . . . P. 31
VOL DE FRET
VIOLENCE DES FAITS, NOUVELLES TENDANCES «I
Braquages avec agressions, séquestration de conducteurs, faux policiers : tel est le descriptif des plaintes déposées par les conducteurs victimes de voies de fait et de vols de cargaisons. Les forces de l’ordre comme les grands groupes (tels TNT Express et Chronopost) insistent sur la montée de la violence des bandes organisées. Les initiatives se multiplient pour prévenir ces actes illicites. Avec quelle efficacité ?
RÉALISÉE PAR LOUIS GUARINO
l y a trois sortes de mensonges,dtendances itrès fortes : l’augmentation des sait le Premier ministre britanni- vols en tournée de livraison urbaine et la que Benjamin Disraeli. Les petits montée de la violence. » mensonges, les grands mensonges A l’ é v i d e n c e, la délinquance urbaine et les statistiques. » C’est pour éviter de tom- monte en puissance. Il suffit d’ i n t e r ro g e r ber dans ce piège arithmétique que l’Office l’Office central de lutte contre le crime orcentral de la lutte contre la délinquance iti- ganisé (OCLCO) pour mesurer l’ampleur des nérante (OCLDI) a décidé de ne pas commu- braquages des camions et des véhicules utiniquer les données des vols de fret pour 2009. litaires légers lesquels livrent les commerces. Sagesse ou tactique policière ? « On préfère « Les bandes organisées issues des banlieues parler de tendances, cela évite les polémi- sont spécialisées dans le fret de proximité, ques », confesse José Montull, lieutenant co- observe le commissaire divisionnaire Franck lonel à l’OCLDI. En 2009, la tendance est plu- Douchy, nouveau patron de l’OCLCO. Elles tôt à la hausse, 1 0 % enviro n . » De quoi surveillent les itinéraires de livraison urbaine parle-t-on précisément ? « Nous appliquons pour se « goinfrer » le Master qui approv ila définition européenne du vol de fret, pour- sionne le buraliste du coin. » Le fret de prox isuit le lieutenant-colonel. Nous enregistrons mité est d’autant plus visé que les cigarettes les faits commis à l’occasion du transport de rapportent. « Les cités restent un bon moyen la marchandise et les attaques qui ont lieu d’écoulement du tabac » , ajoute Fra n c k dans les entrepôts. » A noter que les vols in- Douchy. ternes à l’entreprise (fauche, coulage) ne sont RÉSEAU D’INFORMATEURS pas comptabilisés par l’OCLDI. « On a du mal à donner des chiffre s , poursuit Je a n - Les forces de l’ordre ont des méthodes spéJacques Richard, le président de la commis- cifiques pour appréhender les auteurs de mésion sûreté de TLF. Mais nous observons deux faits (OCLDI, OCLCO, BRB, Gendarm e rie na-
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tionale etc...). Elles bénéficient d’un réseau d’ i n f o rmateurs (« indic » ou « tontons ») pour intercepter les délinquants en flagrant délit ou remonter la filière de vol. L’OCLCO est compétent dans le vol à main armée (VMA), marque de fabrique des gitans. « L’attaquant dynamique d’un convoi est plutôt manouche ou gitan car cela implique une véritable organisation, estime Franck Douchy. Seuls les gitans possèdent cette capacité à se projeter. » L’office démarre ses enquêtes de manière accidentelle; le point de départ, ce sont des véhicules volés faussement immat riculés qui sont stationnés dans la rue « Nous bénéficions de tout un réseau de policiers de terrain qui nous alertent pour la présence de tel ou tel véhicule suspect, rapporte le chef de l’ O C LCO. Nous avons un côté hussard parce que nous démarrons directement sur les voy o u s . » Dans la mesure où cet office compte 130 personnes au total, il a les moyens d’envoyer du personnel sur le terrain pour intervenir en « flag » sur des vols de fret. « Notre philosophie du flag nous empêche d’étudier les filières de recel, insiste le
Contrôle à un poste d'inspection filtrage chez Chronopost.
Plombage du camion de livraison.
commissaire. Nous n’attendons pas que le butin s’évapore dans la nature. »
fectue des missions de police scientifique et technique sur les saisines. En outre, elle effectue un énorme travail d’ e x p e rtise en matière de vols de métaux. Si cette catégorie de délinquance n’est pas à proprement parler assimilée à du vol de fret, on peut noter que les équipes qui interviennent sur les chantiers sont aussi celles qui montent aux braquages de carg a i s o n s. Les vols de métaux sont surtout un bon indicateur de la conjoncture économique. « Le prix des matières pre-
CULTURE DE SERVICES La BRBPP (Brigade de répression du banditisme de la Préfecture de police de Pa ris) est davantage orientée sur le recel de marc h a ndises (voir encadré). Grâce à ses nombreux informateurs, elle a un accès direct aux filières d’écoulement de la marchandise. En complément, la Gendarm e rie nationale ef-
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Caméra de surveillance.
mières à la Bourse de Londres détermine la valeur du cuivre, soutient Mickaël Roudaut, administrateur à la Di rection générale de la Justice à Bruxelles et auteur du livre “Marchés criminels, un acteur global”(1). En fonction de cette va l e u r, cela aura un impact dire c t sur les vols opérés sur les chantiers. » Enfin, l’OCLDI s’est plutôt spécialisé sur les communautés criminelles du Caucase (Géorgie), les Roumains (filière de « Japu » le parrain de Baia Ma re) et les Mo l d a ve s. « Pour les auteurs de vols à la bâche, on ret ro u ve des délinquants locaux et des Roumains de Baia Ma re qui constituent des équipes à trois jours » , d é c l a re Jo s é Montull. En tendance, nous avons à la fois des équipes chevronnées (gens du voyage) et des clans familiaux issus du banditisme qui organisent des faux barrages de police. La difficulté, c’est de démontrer le lien patent entre le commanditaire du vol et les petits casseurs. » Sans compter que les officiers de l’OCLDI sont confrontés à des difficultés nouvelles lorsqu’il faut remonter la filière de recel : entre l’équipe de casseurs et la personne qui sera chargée de revendre la marchandise, il n’est pas rare de compter deux ou trois intermédiaires. « On peut identifier deux gra ndes catégories de braqueurs : ceux qui attaquent le semi avec des moyens matériels (talkies-walkies) et sont connectés aux filiè-
res de recel et ceux qui guettent la camionnette qui livre les buralistes », résume le lieutenant-colonel. Sur certaines affaires, on retrouve ra plutôt des casseurs gitans qui vont faire un braquage de cigarettes et des receleurs roumains installés en France (voir focus : deux braqueurs de camions de cigarettes écroués). D’une année sur l’autre, la typologie des marchandises dérobée est assez identique. « Les invariants sont les alcools spiritueux, les vêtements de marque, les écrans plats, le matériel Hi - Fi , et la téléphonie (Iphone) », détaille Olivier Outrequin, responsable transports terrestres et facultés chez l’assureur Axa Entreprises et vice-président du comité transp o rts terre s t res et facultés à la Fédéra t i o n française des sociétés d’ a s s u rance (FFSA). Curieusement, la nouveauté n’est pas liée aux produits volés mais à l’arrivée de la communauté chinoise. NOUVEAUX ENTRANTS L’apparition de membres de la communauté chinoise dans la délinquance itinérante est un phénomène émergent. « En début d’ a nnée, nous avons retrouvé une partie d’un butin chez des tra n s i t a i res à l’aéro p o rt de Ro i s s y » , souligne le lieutenant colonel Montull. On peut se demander si les Chinois ne sont pas en passe d’expédier des échantillons par voie aérienne pour alimenter le marché de la contrefaçon. » Ces nouveaux entrants vont-ils collaborer avec les bandes organisées existantes (Roumains et Gitans) ?
Richard Tricot, directeur de la sûreté chez Chronopost.
« C’est difficile à dire d’autant qu’il n’y a pas, à ma connaissance, de groupe de tra vail qui planche sur la communauté chinoise, a ff i rme le chef de l’ O C LCO. Nous savons toutefois que les vols récents de champagne ont été écoulés dans cette communauté. » Il ne faut pas oublier que les Chinois sont très o rganisés notamment en matière de corruption. Les difficultés des enquêteurs ne peuvent se réduire aux nouveaux entrants. En mat i è re de coordination des enquêtes, certaines affaires ne sortent pas au grand jour parce que la plainte est déposée hors de France. « En tendance, les malfaiteurs utilisent la dimension transnationale du transport comme un outil pour échapper à la répression, ass u re José Montull. A l’instar de ce commanditaire (ancien ennemi public numéro un en Roumanie fiché pour proxénétisme) installé en Gra n d e - Bretagne qui envoie un de ses hommes de main à Paris pour organiser un
LE RECEL DANS LE CODE PÉNAL Article 321-1 : Le recel est le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de faire office d’intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d’un crime ou d’un délit. Constitue également un recel le fait, en
connaissance de cause, de bénéficier, par tout moyen, du produit d’un crime ou d’un délit. Le recel est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende. Des peines complémentaires sont prévues par l’article 321-9 : interdic-
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tion temporaire d’exercer la fonction ou l’activité dans l’exercice de laquelle l’infraction a été commise, la fermeture temporaire de l’établissement ayant servi à commettre l’infraction, la confiscation du produit de l’infraction.
Écrans de surveillance
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vol de fret (cuivre) en Belgique au préjudice d’une société espagnole. « Une bande de Gitans était chargée de revendre le cuivre à des receleurs locaux en France », note le lieutenant-colonel. JUSTICE À GÉOMÉTRIE VARIABLE ? « Les méfaits ne sont pas systématiquement enregistrés par les services officiels, insiste Richard Tricot, directeur de la sûreté chez Chronopost. Par exemple, pour certains vo l s simples dans les grandes métropoles, les policiers se contentent de faire une main coura n t e . En re vanche, chez Chronopost, on quantifie et on mesure le moindre colis qui d i s p a ra î t . » Les grands groupes comme Chronopost ont les moyens d’avoir une politique de sûreté (voir encadré Verbatim). Ce qui n’est pas le cas des transporteurs de taille modeste. L’ e n t re p rise TMTA (Traction Me s s a g e rie Transport de l’Adour) implantée à Canéjan (33) existe depuis 2000. Elle emploie 45 sal a riés dont 40 conducteurs et a réalisé un chiffre d’affaires de 4 Me en 2009. En mars dernier, elle a été victime d’un vol de porteur sur la commune de Sa i n t - Ouen l’ Aumône (95). « Nous n’avons pas été appuyé par les p o u voirs publics après le dépôt de plainte, déplore le gérant Nourredine Ziane. Le véhicule a été retrouvé par un des conducteurs sur la commune de Saint Witz. » Le préjudice s’est élevé à 3000 e parce que la colonne de direction a été cassée. « Nous avons également été victime d’un vol de tracteur à Garonor (93) pendant un week-end en avril, ajoute le gérant. Une fois de plus la plainte déposée àAulnay-sous-Bois n’a pas été tra itée comme il se doit alors que le préjudice se monte à 8000 e. » Faut-il en déduire que les grands groupes sont mieux traités que les tra n s p o rteurs ? Lorsque la plainte est déposée, la justice joue-
t-elle vraiment son rôle ? Il semble que l’institution judiciaire banalise parfois le vol de fret. « Nous n’avons pas toujours le sentiment d’être compris, estime le directeur de la sûreté de Chronopost. Je pense que certaines de ces instances devraient s’ouvrir dava ntage vers l’extérieur et les sociétés privées. » Ainsi, dans les zones à forte criminalité, on rencontre parfois des magistrats qui relativisent les faits commis. « Dans l’application de la justice, le facteur humain compte. Le même fait présenté à Marseille ou à Guéret peut être du simple au double en termes de sanctions », souligne-t-il. DÉLINQUANCE PROTÉIFORME Au reste, on peut se demander si cette justice à géométrie va riable n’est pas la conséquence du caractère pro t é i f o rme de la délinquance itinérante. Deux exemples parlent d’eux-mêmes. En mars dernier en pleine nuit, un camion benne de 3,5 t a été dérobé à Vi l l e n oy (77) au préjudice de la société Océane (tra n s p o rt fluvial) avec un charg ement de 48 sacs de ciments. La même soirée à Thieux (77), c’est un véhicule avec grue de la société de levage Médiaco qui s’est vo l atilisé. Par hasard, l’engin de chantier de 40 t a été retrouvé à Goussainville (95) dans un camp de gens du voyage où son démontage avait commencé. Autre illustration significative. A la fin du mois de janvier 2010, six jeunes dont un mineur ont été jugés en comparution immédiate devant le tribunal correctionnel de Dole (39). Ils ont commis des vols de carburant et de fret au préjudice de l’entreprise Mi l l e t d’Annoire, soit 100 litres de gazole et des cartons de parfums et des cubitainers de vins. Il est re p roché à quatre d’entre eux d’avoir agi avec la circonstance aggra vante d’avoir commis les faits en réunion. Les deux autres ont été accusé de recel. « Des vols de cette na-
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BOURSE DE FRET : ATTENTION À L’USURPATION D’IDENTITÉ Moins de 0,00015 cas identifié par offre déposée pour des millions d’offres satisfaites par an. Le risque provient du facteur humain ou de la malveillance qui peuvent conduire à une usurpation d’identité lors de la conclusion d’une transaction. Les utilisateurs de bourse de fret ne doivent jamais confier leurs codes à un tiers. Afin de s’assurer de l’identité de son partenaire et éviter tout risque d’usurpation d’identité, la bourse Teleroute a mis en place au début de 2010 un outil gratuit de confirmation de transaction en ligne baptisé « econfirm. ».
ture déstructurent l’activité de certaines petites entreprises. Il faut qu’il y ait une réponse significative », a déclaré le Parquet en requérant la prison ferme avec mandat de dépôt. Le tribunal ne l’a pas suivi puisqu’il a condamné les trois jeunes majeurs à 6 mois de prison avec sursis et mise à l’épreuve pendant 2 ans, la jeune femme à huit mois de prison avec sursis et mise à l’épreuve pendant deux ans. Pa rmi les deux autre s, l’un a été relaxé des faits de recel alors que son petit frère a été condamné à trois de prison avec sursis. Violence des agressions, délinquance transnationale, filière asiatique, la lutte contre les bandes organisées en France et en Europe est d’une complexité sans nom. « La globalisation de l’économie a favorisé cette géopolitique de l’illicite, conclut Mickaël Roudaut, spécialiste de la criminalité organisée à la DG Justice à Bruxelles. Il ne faut pas oublier que 95 % des conteneurs maritimes qui arrivent dans les ports européens ne sont soumis à aucun contrôle. » L’ a d m i n i s t ration des Douanes et les forces de l’ordre ne ciblent que 5 % des flux… ● L. G. (1)
« Marchés criminels, un acteur global », Mickaël
Nourredine Ziane, gérant TMTA (Traction Messagerie Transport de l’Adour) implantée à Canéjan (33)
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DEUX BRAQUEURS DE CAMIONS DE CIGARETTES ÉCROUÉS eux hommes de 30 et 47 ans soupçonnés d’appartenir à une redoutable bande de braqueurs de camions de cigarettes ont été écroués fin mai après avoir été mis en examen à Lille. Johanny et Jean-Jacques sont tous deux originaires de la communauté des gens du voyage installée à Andrésy (Yvelines). Tout a commencé le 16 avril dernier dans le centre-ville de Rouen (Seine-Maritime). Un chauffeur de la société Transalliance au volant d’un camion chargé de cigarettes pour le compte d’Altadis est braqué et enlevé par une équipe de malfaiteurs. Les bandits s’emparent du camion et de près de 800 cartons de cigarettes, pour un préjudice estimé à 1,2 Me. Le 17 avril, la police judiciaire et le Raid arrêtent une partie du commando dans un entrepôt de la zone industrielle nord de Dreux (Eure-et-Loir).
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Deux suspects sont interpellés mais lors de l’opération, des coups de feux sont échangés et les bandits foncent sur le Raid à bord d’une Audi A4. Dans le véhicule, se trouvent deux brassards de police. Les enquêteurs ont retrouvé dans le bâtiment un camion Iveco de 7,5 tonnes volé le 17 décembre et faussement immatriculé rempli de 528 cartons de tabac volés. Les enquêteurs mettent aussi la main sur deux autres camions volés dans l’Eure remplis de 48 cartons de cigarettes vides, des couvertures, trois extincteurs, un scanner détectant les appareils de géolocalisation, deux brouilleurs d’ondes GSM, cinq rets contenant des téléphones GSM avec carte prépayée, deux talkies-walkies et un ensemble de connectique permettant la mise en service de ces appareils. Trois autres grosses cylindrées Audi sont saisies dont un quatre-quatre Q5. Bien
entendu, les deux malfaiteurs interpellés le 17 avril nient toute implication dans l’attaque du chauffeur routier. L’un deux finit par avouer qu’il a été recruté pour conduire le poids lourd volé juste après l’attaque, contre 40 000 e mais refuse de donner l’identité de ses complices. Les empreintes génétiques de Johanny et Jean-Jacques sont retrouvées dans le Q 5. Les enquêteurs finissent par faire un lien avec un autre braquage commis à Argentan (Orne) le 10 février dernier. La cavale s’est achevée le 21 mai 2010 lorsque Johanny et Jean-Jacques sont arrêtés à Cergy (Val d’Oise). La perquisition réalisée à leur domicile au sein d’un campement de gens du voyage à Andrésy a permis de découvrir quatre talkies-walkies, un brouilleur d’onde GSM et un navigateur GPS. Les deux hommes récidivistes ont nié toute implication dans l’opération commando.
VERBATIM Bernard Callier, P-dg de la société SOFIVAL (13), conteneur maritime. 15 salariés, 2 Me de chiffre d’affaires annuel : « Deux conducteurs de ma société volaient des conteneurs. Il s’agit souvent d’un système orga nisé qui va du petit larcin au vol de conteneur. Le fret est revendu. J’avais des doutes depuis des années. Les deux suspects ont mi nimisé les choses. Le préjudice économique est colossal, l’enquête en cours va permettre de le chiffrer. Les deux salariés ont fait trois mois de prison en préventive. Le jugement sera connu avant la fin 2010. A l’évidence, le cancer est à l’intérieur de l’entreprise. Il n’est pas toujours facile de démasquer ceux qui vous volent. Les trans porteurs se sont adaptés aux clauses d’assurance. J’ajoute que les ports français sont des zones à risque. La réforme portuaire a sans doute accentué les choses ; il faut montrer patte blanche avant de rentrer dans la zone portuaire mais on en sort comme on veut. » Richard Tricot, directeur de la sûreté chez Chronopost : « Chronopost a la chance d’être structuré avec une direction de la sûreté indépendante directement rattachée à la Direction. Notre credo, c’est de déposer plainte systématiquement. Nous allons jusqu’à la constitution de partie civile. Quand on réussit à identi fier et appréhender les auteurs, on sollicite des dommages et in térêts pour atteinte à l’image de Chronopost. Je demande à mes collaborateurs d’être présents aux audiences. C’est aussi une re connaissance du travail de chacun. En réalité, les échanges doi vent se faire entre les magistrats et les entreprises privées. Pour Chronopost cela a un coût. Toute prévention ne se mesure pas. Ce qui se mesure, c’est la baisse des taux de sinistralité, la baisse des remboursements clients et l’augmentation de la qualité de ser vice. Une PME n’a pas les moyens d’agir comme un grand groupe. L’équipe support sûreté chez Chronopost est constituée d’une tren -
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taine de personnes. Les responsables régionaux sont des conseil lers sûreté auprès des opérationnels. Dans une entreprise, la sû reté c’est l’affaire de chacun, tout le monde doit s’investir. En 2009, l’investissement global était de 7 M E. En dépit de la conjoncture économique, nous avons décidé de maintenir ce niveau d’inves tissement en 2010. » Franck Douchy, commissaire divisionnaire, chef de l’Office central de lutte contre le crime organisé (OCLCO) : « Une équipe chevron née travaille sur commande ; le fret est virtuellement recelé avant d’être volé. Fait marquant, il y a toujours une taupe quelque part. La bande organisée a une filière de recel. Elle peut stocker la mar chandise dans un entrepôt avec le risque qu’un informateur révèle le lieu de l’emplacement. Ou procéder à un écoulement de proxi mité par l’intermédiaire de la communauté. Les équipes profession nelles opèrent en flux tendus. Le fret repart en temps réel et il n’est pas stocké. Je précise que la police et la gendarmerie ont les moyens de rémunérer les informateurs. La somme correspond à un pour centage qui oscille entre 2 et 7 % de la valeur estimée du fret. La seule condition est qu’il faut s’entendre avec l’informateur sur le pourcentage à appliquer avant de saisir le fret caché dans un en trepôt. Les grandes entreprises privées comme Altadis rétribuent des agents privés de recherche pour qu’ils rémunèrent des infor mateurs. Dans ce cas, le but recherché est de retrouver la marchan dise, ce n’est pas d’arrêter les malfaiteurs. Parfois, l’indic prend beaucoup de risques mais il n’y a rien à gagner. Le système est très injuste. C’est la raison pour laquelle le système le plus équita ble, c’est de négocier avec l’entreprise victime d’un vol. Lors d’un vol de 800 cartons de cigarettes d’une valeur de 1,2 M e Altadis a fait appel à un privé chargé de rémunérer l’indic. Grâce à cette étroite collaboration, nous avons pu récupérer 750 cartons sur 800. »
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❚ PRÉVENTION DU RISQUE
IL FAUT “MARQUER” LES ESPRITS La Gendarmerie nationale d’une part, les prestataires de services d’autre part font le pari de l’innovation. La prévention de la délinquance passe par une approche systémique qui décline des solutions technologiques qui se veulent implacables. La preuve avec le véhicule L2V et le marquage SmartWater. e contrôle des flux de personnes et des biens est une priorité de la Direction générale de la Gendarmerie nationale (DGGN) en 2010. A l’approche de la période estivale, l’objectif a de nouveau été souligné par les pouvoirs publics. Pour lutter contre la délinquance itinérante et la criminalité organisée, les forces de l’ordre ont développé un concept nouveau baptisé « L2V » : LA PI(1), Vidéo protection, Verbalisation assistée par vidéo. Le procédé associe deux technologies complètement intégrées dans la rampe de signalisation des véhicules de patrouille : des systèmes embarqués de vidéo protection et un dispositif de lecture automatisée des plaques d’immatriculation (LAPI). Le système complet comp rend au total six caméras vidéo couleur et deux caméra s
L
LA PI infra ro u g e, elles-mêmes couplées avec un logiciel de reconnaissance de cara c t è res (OCR). Le système LAPI est la nouvelle force de frappe des gendarmes contre les trafics de véhicules. Il est à même de lire les plaques des véhicules qui cro isent le véhicule de gendarmerie, de jour comme de nuit, quelles que soient les conditions météorologiques (infrarouge). Dans la mesure où un délinquant utilise souvent un véhicule volé pour se rendre sur les lieux de son méfait, c’est un procédé implacable. En pra t i q u e, cette innova t i o n p e rmet de comparer les plaques lues avec le fichier des véhicules volés interrogé en temps réel à partir du terminal informatique embarqué à bord du véhicule de patrouille. En cas de ra p p ro c h ement positif ou « hit », le système déclenche une alarme : les gendarmes procèdent alors à l’inter-
Terminal informatique embarqué à bord du véhicule de patrouille «L2V»
ception du véhicule signalé volé et à l’interpellation de son occupant. Outre la police et la gendarmerie nationale, les douanes sont associées au déploiement de ce dispositif à l’échelon national. Lors de l’ i n a u g u ration du commissariat de police d’Ermont
(95) le 21 mai, le Premier minist re, François Fillon, a d’ailleurs annoncé que 500 véhicules seront équipés en 2010 afin d’identifier les véhicules volés en temps réel. Les pelotons de surveillance et d’ i n t e rvention (PSIG), les pelotons d’autoroute (PA), et les brigades motorisées (BMO) seront les premiers serv i s. En complément, la gendarmerie met en œ u v re d’ a u t res capteurs LA PI ; c e rtains sont embarqués à bord des hélicoptère s, d’ a u t res sont fixes sur autoroutes (portiques). UN MARQUAGE SCIENTIFIQUE Si les forces de l’ordre améliorent leur taux d’élucidation, c’est aussi parce qu’elles profitent de la R & D des sociétés pri v é e s. La technologie développée par la société SmartWater est un exemp l e. « Le principe du marquage est un bon outil, observe José
Parcours d’un écran plat marqué SmatWater de sa prise en charge en zone portuaire à l’acheminement auprès du consommateur final.
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Montull, lieutenant colonel à l’Office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI). Il faut simplement voir comment ce procédé peut s’appliquer aux vols de fret en France. » En quoi une telle technique est-elle pertinente ? « Il s’agit d’un système taggant (marqueur encre) et d’un système par aspersion (spray) similaires au concept de l’ADN, explique Patrice Fa u vet, le dire cteur général de SmartWater SAS (75). Comme l’ADN, chaque application a son code propre unique. Le marquage devient jaune ou vert fluorescent sous une lampe à UV et peut être détecté longtemps après un acte de délinquance. » L’empreinte reste sur la peau pendant des semaines et indéfiniment sur les vêtements et les chaussures. Résultat : elle va fournir aux enquêteurs la preuve d’un lien irréfutable entre une personne et le lieu d’un délit (voir le schéma : Technologie de marquage SmartWater en page 29). La société a signé une convention avec l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale ( I RCGN) et collabore avec la
GRILLE TARIFAIRE POUR LES TRANSPORTEURS a) Pour un véhicule, protection anti-intrusion : ●
Système de vaporisation sans système de notification (alerte) : ➜ autour de 3000 e HT (1ère année frais d’installation, matériel, licence, signalétique, référencement, année N + 1 autour de 800 e de licence récurent)
●
Système de vaporisation avec système de notification (alerte) : ➜ autour de 3800 e HT (1ère année frais d’installation, matériel, licence, signalétique, référencement, année N + 1 autour de 1000e de licence récurent)
b) Dans le cas des flottes, les coûts sont personnalisés et peuvent être remisés de 20 à 25 %.
«L2V» véhicule intelligent de la Gendarmerie.
Police Nationale et la Ge n d a rmerie nationale en les équipant respectivement de systèmes UV fixes et mobiles à même de révéler la présence de la technologie
SmartWater. Le coût de cette technologie pour un véhicule (protection anti-intrusion) va rie de 3000 e HT pour le système de vap o risation sans système de notification (alerte) à 3800 E HT pour la va p o risation avec système de notification (voir encadré ci-dessus). « Dans les cas des flottes, les coûts sont personnalisées et peuvent être remisés de 20 à 25 % », précise Pa t rice Fauvet. Utilisée par 95 % des forces de police au Roy a u m e - Un i , Sm a rt Water fait partie des prog rammes de réduction de la délinquance et d’amélioration de
la sécurité dans les quartiers des villes. Mais les pays anglo-saxons ont une culture de la sûreté qui n’est pas comparable à celle des pays latins. « Le système est davantage un outil de dissuasion et une technologie qui va dans le sens de la prévention positive, analyse Richard Tricot, directeur de la sûreté chez Chronopost. Il faut voir comment le pro c é d é peut être adapté à notre culture. » Cette technologie réussira-t-elle à convaincre les entreprises ? Le p rix du marquage constitue-t-il ou non une barrière à l’entrée ? « C’est une technologie innovante à un coût accessible ; elle vient compléter l’ex i s t a n t », estime Olivier Outrequin, responsable Transports Terrestres et Facultés chez Axa En t re p ri s e s. Po u r l’heure, le déploiement du dispositif ne fait que commencer. Le dirigeant de SmartWater ambitionne de former les forces de l’ o rd re et d’équiper l’ensemble du terri t o i re national avant le mois de décembre 2010. L’avenir nous dira si SmartWater marque les esprits ! ● L. G. (1)
Lecture automatisée des plaques d’immatriculation.
➜ PATRICE FAUVET, DG DE LA SOCIÉTÉ SMARTWATER SAS (75)
« Les transporteurs ont accès à des solutions intelligentes » ❱❱ Quelle est la méthodologie de SmartWater ? Patrice Fauvet : Les solutions SmartWater reposent sur une mise en pratique réelle de la théorie de la dissuasion. Elles résument le principe du cheval de Troie moderne : surprendre en effectuant au préalable une hypermédiatisation des solutions et des risques encourus. Notre méthodologie repose sur trois axes. D’abord, la standardisation du mode de marquage (soit un enduit appliqué en surface, un additif dans la matière ou en vaporisation), la traçabilité totale (qui ? quoi ? quand ? comment ? où ?) et l’identification (confondre l’auteur du délit avec le lieu du délit ou déterminer l’ o rigine de la propriété). Ensuite, l’information, la communication, l’ h y p e rmédiatisation des pro-
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grammes de réduction de délinquance et des résultats obtenus. Enfin, l’ e m p rise de la dissuasion grâce à une collaboration active et une gouve rnance avec les forces de l’ordre.
❱❱ Comment collaborez-vous avec les forces de l’ordre en 2010 ? P. F. : Nous avons notamment signé une convention avec l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN), le labora t o i re officiel référent pour le décodage des signatures uniques SmartWater®. Nous collaborons avec la police nationale et la gendarm e rie nationale en mettant nos technologies à leur disposition pour effectuer des opéra t i o n s sous couve rt. Nous les équipons également de systèmes UV fixes et mobiles à
même de révéler la présence de la technologie SmartWater. Enfin, nous avons défini et mis en place avec les forces de l’ o rd re un protocole pour l’analyse des p r é l è vements SmartWater et le décodage des signatures uniques, ce qui constitue une preuve juridique pour les tribunaux.
❱❱ Quel message souhaitez-vous transmettre aux transporteurs ? P. F. : Les transporteurs ont désormais accès à des solutions intelligentes répondant à toutes les problématiques et les risques (ou signaux faibles) de la chaîne logistique. De la prise en charge du fret au lieu de transit, en passant par une plateforme de groupage jusqu’à l’acheminement des marchandises auprès du consommateur final. LOUIS GUARINO
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❚ ÉRIC DARSEL & FRÉDÉRIC REMONNAY (RENAULT TRUCKS).
«UNE PRÉOCCUPATION MAJEURE» Éric Darsel, responsable service électronique, et Frédéric Remonnay, responsable fonction sécurité (sûreté des biens et des personnes), soulignent les choix techniques de Renault Trucks qui doivent favoriser la sûreté. Ils annoncent des expérimentations et soulignent leurs relations avec l’OCLDI et le réseau TAPA.
Éric Darcel, responsable du service électronique.
Frédéric Remonnay, responsable de la fonction sécurité.
❱❱ L’O. T. : Quelle est la stratégie de Renault Trucks en matière de sûreté ? E. D. et F. R. : Nous avons déjà un existant lié à la sécurité axé sur le verrouillage cabine, du type fermeture centralisée, commande à distance et déverrouillage séquentiel des portes. La fonction antidémarrage électronique, avec identification de la clé via un transpondeur, est aussi une sécurité. Les systèmes d’alarme, avec contrôle de l’état des ouvrants et du basculement cabine, surveillance vo l u m é t riq u e, mode « panique » déclenché par le conducteur, font également partie des dispositifs de sûreté. Outre ces trois fonctions, il faut ajouter une prestation télématique perm e ttant d’alerter un back-office en cas de besoin, quand il y a agression par exemple. En fonctions des gammes, ces systèmes représentent des taux de monte de 70 à 90 % pour la fermeture centralisée ou l’antidémarrage élect ro n i q u e, la gamme Longue Di s t a n c e, Magnum et Premium Route, tirant le pourcentage vers le haut. Les volumes de l’alarme sont bien moindre s. La pénétration de ces fonctions est également liée aux agréments d’assurances proposés dans certains pays. Par exemple, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas, certains assureurs proposent des réductions de prime si les transporteurs s’en équipent.
cule à l’agression, temps de résistance d’une serrure avant ouverture, d’une alarme avant neutralisation… Plus la note obtenue est élevée, plus le véhicule peut bénéficier de réductions d’assurances dans certains États (Royaume-Uni, Pays-Bas). En fait, la prestation « security » (sûreté en français, ndlr) est une préoccupation majeure chez Renault Trucks. Nous avons d’ailleurs établi des relations organisées avec les structures comme l’OCLDI (1) ou le réseau TAPA (2).
❱❱ Vos systèmes sont-ils certifiés ? E. D. et F. R. : Nous certifions nos systèmes auprès d’organismes type T H ATCHAM qui évaluent les temps de résistance d’un véhi-
❱❱ Comment évolue votre politique d’innovation ? E. D. et F. R. : En premier lieu, nous sommes à l’affût de ce qui se passe dans les marchés e x t é ri e u r s. Le Brésil, par exemple, met en place des réglementations spécifiques pour p r é venir de très importants problèmes de « security » de type vols de véhicules avec violence, du type « truck-jacking ». Ces réglementations requièrent l’équipement de systèmes permettant l’immobilisation du véhicule à distance. La tendance en R & D n’est pas à la révolution, mais au renforc ement des systèmes existants, comme les fermetures centralisées, antidémarrage électronique, alarmes… et à leur généralisation en équipements de série sur les gammes. Sur les fonctions elles-mêmes, des prestations supplémentaires apparaissent. Par exemple, ve r rouillage automatique des ouvrants en roulant destiné à restreindre les agressions lorsque le véhicule est à vitesse nulle (les feux
rouges). Nous constatons également une émergence des « vols à la souris » : cette technique est le fait de pirates évolués qui étudient les protections électroniques des véhicules et développent des solutions pour les contourner (« re verse engineeri n g »). En conséquence, nous renforçons nos systèmes de sécurité notamment en consolidant les méthodes de communication entre les composants du véhicule, entre la centrale de fermeture et la serrure par exemple. Ainsi, nous cryptons davantage de données et nous renforçons nos protocoles de cryptage pour contrer ces piratages. Nous augmentons également l’interdépendance entre ces systèmes. Par exemple, si l’antidémarrage détecte un fonctionnement anormal, il pourra interroger l’état de l’ a l a rme avant de procéder à l’identification de la clé. De même, grâce à la télématique, nous ajoutons un niveau supplémentaire de communication : commande à distance de l’antidémarrage, transmission des informations de l’alarme à un back office… Un service à distance peut alors intervenir et en fonction de l’évaluation de la situation, prendrel’initiative d’immobiliser à distance un véhicule, ou envoyer une équipe d’intervention vers le véhicule.
❱❱ Où en sont les recherches sur les matériels périphériques au véhicule moteur ? E. D. et F. R. : Nous travaillons sur la protection des énerg i e s, pour prévenir les vols de carburant, via des alarmes accessoires dédiées. C’est en cours de test. Nous misons sur l’intégration directe de cette surveillance par le biais des systèmes intégrés du véhicule. Des recherches sont également en cours sur des systèmes de surveillances périphériques du véhicule, qui incluent marchandises et remorques, pour prévenir les vols à la bâche. Même si Renault Trucks n’est pas un c o n s t ructeur de semi-remorques, nous travaillons avec les équipementiers pour adapter les interfaces entre les semi-remorques, caisses et véhicules moteurs pour améliorer la couve rt u re de nos systèmes de sécurité. ● Propos recueillis par L.G. (1) Office central de lutte contre la délinquance itinérante (2) Transported Asset Protection Association, association regroupant principalement des entreprises de transport, des logisticiens, des chargeurs et l’administration des polices européennes (Europol)
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❚ MAÎTRISER LES RISQUES
LE RÔLE DU CAHIER DES CHARGES Les transporteurs sont de plus en plus équipés de bâches armées pour éviter les vols. En parallèle, les chargeurs voudraient limiter le recours à l’affrètement quand il s’agit de fret sensible. Les assureurs s’emploient donc à rédiger des cahiers des charges détaillés pour « briefer » les sous-traitants. es assureurs et cabinets tra n s p o rteur et chez le chargeur. de courtage sont bien Quelle est la valeur d’un charg eplacés pour évaluer ment moyen sur un poids lourd ? l’ampleur de la sinistra- Qu’en est-il du préjudice global lité en France. Mais paradox a l e- compte tenu de la hausse des ment ils n’ont pas une vision glo- vols en zone portuaire ? bale de la délinquance itinérante. Il serait hasardeux d’ a vancer des « La reconstitution du préjudice estimations chiffrées. Seules les économique est compliquée, a d- tendances ont leur part de vérité. met Olivier Outrequin, re s p o n- « Nos clients tra n s p o rteurs sont sable Tra n s p o rts Te r re s t res et de plus en plus équipés de bâches armées pour éviFacultés chez ter les vols penAxa Entreprises. « DEPUIS 2000, dant les pauses Les assureurs ne LE PRÉJUDICE déjeuners ou les connaissent que stationnements ce qu’ils indemÉCONOMIQUE sur les park i n g s nisent. Les forces S ’ É L È V E sécurisés, explide l’ordre ont une que Pa s c a l connaissance des À 80 000 E », L e m a i re, re svols effectués sur OBSERVE LE ponsable du déles transporteurs é t rangers et les DG DE RESANO. p a rtement maritime et assureurs ne mesurent que les vols commis chez t ra n s p o rt chez Ve s p i e re n (4ème les entreprises fra n ç a i s e s . » courtier fra n ç a i s, plus de 400 L’analyse est d’autant plus pert i- clients assurés en marchandises nente qu’il convient de ne pas t ra n s p o rt é e s ) . En outre , j e faire doublon, en cas de sinistre, constate qu’il y a une véritable avec la déclaration du vol chez le problématique liée à l’agression
L
des conducteurs. » Une manière de dire que ce qui compte en matière de prévention de la délinquance itinérante, c’est la pri s e de conscience du chef d’ e n t reprise. Les transporteurs ont compris la leçon. « Il faut d’emblée posséder trois dispositifs antivo l s : bâches armées, plombage, cadenas, affirme Menno Van Be u rden, directeur général des Transports Resano (40). Avec mon a s s u re u r, Gras Savoy e , j’ai la chance d’avoir une clause vol assez souple. C’est le contrat type sous-traitance qui fait foi en cas de sinistre. » L’entreprise landaise (chiffre d’affaires prévu en 2010 de 14 Me) dispose d’une flotte de 85 moteurs et de 95 conducteurs. Elle a équipé l’ensemble des réservoirs d’un dispositif anti-siphonnage pour éviter le vol de carburant. « Depuis 2000, le préjudice économique total s’ é l è ve à 80000 e pour le vol de canapés, a p p a reils électroménagers, matériels informatiques…,
poursuit Menno Van Beurden. L’essentiel est de mettre en œuvre des mesures de prévention. Très s o u ve n t , l ’ exploitant n’a pas donné les instructions au conducteur, comme par exemple le cadenas, les bâches armées, les parkings sécurisés… ». FLUX SÉCURISÉS ET FAUTE INEXCUSABLE « Nous constatons que les marchandises sensibles posent question aux chargeurs, analyse Pascal Lemaire. La plupart du temps ces derniers souhaitent éviter le plus possible la sous-tra itance. C’est la raison pour laquelle, nous rédigeons avec eux des cahiers de charges détaillés pour leurs tra n s p o rteurs (parkings sécurisés, liaisons directes pour les chargements complets). » L’analyse est assez similaire chez le mandataire Ma rtin & Bo u l a rt (33), spécialisé en gestion de sinistres pour le transport routier et maritime. « Il y a un risque aggravé dans le cas de sous-
LA PRÉVENTION CHEZ AXA ENTREPRISES En octobre 2009, Axa a édité une charte Prévention Responsabilité Civile des Professionnels du Transport. C’est un ensemble de recommandations en matière de prévention des risques (sécurité au travail, protocole sécurité et document unique, CD d’accompagnement…). Cette charte vise à mettre en œuvre des outils de prévention. « Par exemple, nous savons que 80 % des entreprises de transport n’ont pas mis à jour leur document unique, confesse Olivier Outrequin, responsable Tr a n s p o r t s Terrestres et Facultés. Nous allons réfléchir pour savoir dans quelle mesure Axa peut financer une partie de ce document. » Lequel constitue aussi un socle pour greffer des partenariats avec le transporteur. En complément, la stratégie du groupe s’inscrit dans le cadre des parkings sécurisés. En tendance, les gestionnaires de parcs
Olivier Outrequin, responsable Transports Terrestres et Facultés.
constatent que 20 % seulement des transporteurs français sont utilisateurs contre 80 % pour les transporteurs étrangers. « Au
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plan géographique, le fuseau Lille-Marseille est bien couvert avec un parking sécurisé tous les 400 km environ. Le fuseau Ouest est également couvert avec le parking SécuriTPark de La Crèche près de Niort (79) en service depuis mars 2009 à la jonction des autoroutes A10 et A83 », estime le responsable d’Axa Entreprises. Il n’empêche que l’argument prix explique la faible fréquentation. « Nous sommes conscients que le coût de stationnement (15 e la nuit en moyenne) est une barrière à l’entrée, s o uligne Olivier Outrequin. C’est la raison pour laquelle dans le cadre de la charte de pré vention, Axa s’engage à prendre en charge une partie du surcoût du parking. » Cette modalité fait l’objet d’un avenant contractuel assorti d’une réduction de prime annuelle de l’ordre de 15 % pour l’entreprise L. G. de transport.
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Pascal Lemaire, responsable du département maritime et transport chez Vespieren.
traitance en cascade », constate Sylvie Avon, responsable sinistres. « Le conducteur ne sait pas ce qu’il transporte car la semi est fermée et plombée, ajoute JeanFrançois Pierron, souscripteur auprès de ce mandataire. En ra ison des flux tendus, il s’inscrit dans une relation d’opérateur logistique à tra n s p o rteur routier dans le cadre du système de déc ro c h e - ra c c ro c h e . » Dans ce contexte, le marché de l’ a s s urance française a pris des mesures drastiques en matière de clause vol. Mais ce n’est pas le cas de la part des compagnies établies dans les États voisins de la France. « En même temps, si un transporteur moldave arrive en France pour décharger une cargaison, c’est qu’il est affrété par un commissionnaire par exe mp l e » , re l è ve Je a n - Fra n ç o i s Pierron. La sous-traitance est un facteur de risque mais elle ne peut expliquer toute la délinquance itinéra n t e. D’autant qu’au-delà de cette dimension transnationale, une question de fond reste posée. « L’évolution de la faute lourde remplacée par la
faute inexc u s a b l e(1) va poser un problème juridique, note le re sponsable du département maritime et transport chez Vespieren. Il faudra attendre l’évolution de la jurisprudence. Les cas de transactions risquent de diminuer dans l’absolu. En effet, les assureurs des transporteurs ne chercheront pas nécessairement à transiger et vont attendre l’interprétation des magistrats. » La notion de faute inexcusable protégera davantage le transporteur. Mais force est de constater que certains industriels n’ont pas toujours la possibilité de choisir le transporteur. « J’ai traité un sinistre vol récemment dans lequel le conducteur, un artisan transporteur, n’avait pu stationner son véhicule dans un parking sécurisé parce qu’il n’avait plus les moyens de régler le stationnement selon sa déclaration aux autorités policières. Il sera intéressant de voir si dans ce type de cas la faute inexcusable sera retenue, conclut Pascal Lemaire. ● Louis Guarino (1)
(nouveau texte adopté au Parlement en décembre 2009, ndlr)
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