N°3 # JUIN 2012
Philippe Bossin Parler de service urbain
TOULOUSE DYNAMISME ÉCONOMIQUE
UN NOUVEAU PLAN DE DÉPLACEMENTS
Transports légers Place au tri sélectif
Nº3 // JUIN 2012 // 15 EUROS // ISSN : 225912660
> Politique Limiter la «jungle» en ville > Courses Vocations et reconversions > Profession Accès au marché plus rude
CDU Séduisant
concept cherche bonne formule
20000 POINTS RELAIS QUATRE RÉSEAUX EN CONCURRENCE FRONTALE
Éditorial PAR BENOÎT BARBEDETTE Rédacteur en chef
Faire plus avec moins Cette information circule, plus
proche de la rumeur que de l’encyclique : un projet, en région parisienne, évoque l’utilisation des taxis pour faire… du transport de marchandises. Les voyageurs sur la banquette arrière et du fret dans le coffre. Le schéma part d’un constat basique : les taxis utilisent fort peu le coffre de leur voiture et sillonnent 24 heures sur 24, la ville en tous sens, dont une partie du temps sans objet. Comment ne pas imaginer qu’il soit possible d’exploiter cette énergie brûlée et ces espaces libres à des fins utiles ? Cette approche originale, iconoclaste pour certains, se réclame de l’optimisation des moyens de transport ou, autrement vu, de la réduction des voyages à perte (également appelés «kilomètres parasites»). Le transport en commun des marchandises reste à inventer. Dans cette optique, les collectivités territoriales ont des responsabilités à assumer. L’idée d’intégrer la logistique urbaine dans les réseaux de transport de voyageurs se lit dans le projet de faisabilité de l’intégration logistique des espaces transport (FILET). Il est soutenu, depuis 2010, par la mission Transports de marchandises en ville (TMV) de la RATP. Il tend à vérifier la possibilité d’intégrer des opérations de logistique urbaine dans des espaces dédiés au transport de voyageurs, visant les réseaux intégrés (type RER, métro, tramway…) sans ignorer le contexte réglementaire et les critères de sécurité. La recherche favorise LES TRANSPORTS EN ainsi l’émergence d’un modèle économique. Cette modélisation COMMUN DU FRET permettrait de renforcer les politiques urbaines de réduction RESTENT À INVENTER des gaz à effet de serre et de décongestion des centres-villes. La sphère privée est également appelée à la rescousse. Mutualiser les livraisons urbaines des messagers et expressistes, par exemple, a du sens. Partant du constat qu’une proportion significative du transport routier circule à vide, un projet de recherche « Logistique mutualisée et durable » est cofinancé par le PREDIT. Il incite à créer des « business models innovants » d’optimisation des « capacités vides ». Ce que font méthodiquement les bourses de fret dans le transport sur longues distances depuis 20 ans, pourquoi ne pas l’appliquer à l’échelle urbaine ? Dans ce dessein, le dernier rapport du Conseil d’Analyse Stratégique (CAS) vante les travaux de l’école des Mines de Nantes. Il en sera forcément question lors du 2è colloque de Logistique Urbaine à l’université de Nantes, prévu le 27 juin. La mutualisation des bonnes idées fait aussi partie du programme. ACTEURS URBAINS /// JUIN 2012
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GRAND ANGLE
Philippe Bossin, PDG d’Interface Transport
« Ne plus parler de logistique mais de service de distribution » Ancien chercheur au Laboratoire d’Économie des Transports, Philippe Bossin est un expert reconnu des questions de logistique urbaine. Il propose une approche transversale du sujet en soulignant la nécessité de sensibiliser tous les acteurs de la ville à l’enjeu économique qu’il représente. PROPOS RECUEILLIS PAR SÉBASTIEN MÉRIENNE ACTEURS URBAINS : Vous travaillez sur les questions de logistique urbaine depuis une vingtaine d’années. Avec le recul, quel regard portez-vous sur cette activité ?
PHILIPPE BOSSIN : Je suis de ceux qui pensent que ce sujet, mal connu, pour ne pas dire négligé par beaucoup, deviendra un des grands chantiers de la mobilité au cours des décennies à venir. C’est une thématique puissamment transversale et les villes vont redécouvrir la nécessité de se préoccuper de la politique de mobilité des marchandises dans la mesure où celle des voyageurs est globalement « sous contrôle ». Lorsque les élus s’occupent du portage à domicile des plateaux-repas pour nos aînés, ils pensent action sociale. Mais il s’agit bien, également, de logistique urbaine. Je pourrais citer d’autres exemples comme les déménagements ou la collecte des ordures ménagères. De cette manière, nous parvenons à faire comprendre que cette problématique n’est pas un simple sujet de technique transport-logistique mais qu’elle est en lien avec l’urbanisme, le social, l’emploi et la dynamique économique des centres-villes.
Il est donc nécessaire de réaliser cet effort pédagogique avant de multiplier des initiatives sur le terrain ?
Interview réalisée le 25 avril 2012, à Paris.
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P. B. : Absolument. Notre rôle d’experts est de faire évoluer la représentation mentale de la logistique urbaine chez les citoyens et surtout chez les élus. Lorsque, par exemple, vous allez au salon des maires et des collectivités locales, le stand des bennes à ordures ménagères ne désemplit pas, chaque maire de France étant, légitimement, très attaché au rôle d’ambassadeur que le véhicule de collecte de déchets
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représente. Mais, il n’a pas du tout ce raisonnement pour le camion. Or, une tournée de livraison constitue l’exact symétrique d’une collecte de déchets. La première part pleine et se vide à chaque arrêt. La seconde part vide et se remplit à chaque halte. J’ai souvent entendu des élus vilipender un camion « ne transportant qu’un seul carton ». A l’inverse, je ne les ai jamais vus se plaindre qu’à sa première escale une benne à ordures est vide ! De la même manière, les riverains protestent moins contre les bennes à ordures qu’à l’encontre des véhicules de livraison dans la mesure où ils savent très bien que les premières sont indispensables pour ramasser leurs poubelles. En revanche, ils estiment que les camions sont gênants, qu’ils polluent et qu’il faut leur interdire l’accès en centre-ville, exigeant dans le même temps, dans une sorte de schizophrénie, de trouver leurs produits familiers dans les rayons des supérettes de proximité. Cette ambivalence s’explique-t-elle du fait que la logistique urbaine a longtemps été considérée comme relevant uniquement des prérogatives des acteurs privés ?
P. B. : Oui. Les collectivités ont l’habitude du transport public de voyageurs et considèrent que les marchandises relèvent du secteur privé : commerçants, transporteurs, logisticiens. Mais elles commencent à comprendre que les frontières sont perméables. La logistique urbaine, ce n’est pas uniquement l’approvisionnement des supermarchés, mais tout un ensemble de mouvements de biens dont bénéficie directement chaque résident. La livraison à domicile des riverains, la collecte des ordures ménagères, l’approvisionnement des distributeurs de billets, le
INTERFACE TRANSPORT
Un chercheur entreprenant Créer un lien entre les mondes public et privé : telle est la conviction de Philippe Bossin lorsqu’il fonde Interface Transport. Alliant la solidité de ses travaux au CNRS à son appétence naturelle pour la communication, il s’est imposé depuis comme l’un des meilleurs spécialistes de la logistique urbaine en France et à l’étranger.
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SVLUMA / FOTOLIA
GRAND ANGLE
MOBILITÉS Inventer de nouvelles organisations logistiques pour permettre le développement des modes doux en centre-ville constitue l’un des grands chantiers des collectivités en matière de mobilité.
« La logistique urbaine deviendra un des management des centres-villes aident à cette perméabilité des thématiques de mobilité. Interface Transport fait partie de ceux qui ont travaillé sur la mobilité des marchandises depuis son émergence, tant auprès des clients privés que des collectivités. Il y a 20 ans, la priorité consistait à créer des politiques de mobilité centrées sur les voyageurs et à donner de la place aux modes doux, aux transports en commun, aux cyclistes et aux piétons. L’idée maîtresse était de chasser l’automobile et d’augmenter la part des autres modes. Le sujet marchandises n’était donc pas du tout à l’ordre du jour. Mais en réduisant l’espace dédié à la voiture, les collectivités ont mal perçu qu’elles handicapaient aussi les véhicules de livraison, remplaçant ainsi des dysfonctionnements d’écoulement par d’autres types de dysfonctionnements.
Diriez-vous que les mentalités ont évolué ?
P. B. : Globalement oui. Mais à des vitesses diverses. Si dans certaines villes il existe une implication politique réelle sur ce sujet, cela ne signifie pas pour autant que tous les problèmes sont réglés, notamment parce qu’il existe une concurrence forte dans l’occupation du moindre m2 en centre-ville. À chaque projet de ZAC ou de mutation d’un bâtiment émerge une demi-douzaine d’utilisations potentielles. Et malheureusement, la logistique n’est pas forcément celle qui peut payer le loyer le plus élevé, ni celle qui possède l’image la plus valorisée. Entre installer un acteur du dernier kilomètre, une enseigne commerciale renommée ou une station de vélos en libre-service, le choix logistique a toujours des difficultés à s’imposer.
DATESCLÉS 6
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1989-1995 Chargé d’études au Laboratoire d’Économie des Transports
Pourtant, les collectivités semblent prendre conscience de l’impact de cette question sur le dynamisme économique de leur territoire…
P. B. : Effectivement. Mais, ce n’est pas parce que certains élus sont pleinement conscients des enjeux représentés par la logistique urbaine que pour autant la thématique est diffusée partout et dans tous les services. Lors de l’instruction d’un permis de construire par exemple, tant au niveau de l’État que des collectivités, le technicien en charge du dossier n’a souvent jamais entendu parler de ce sujet. Résultat : il va accepter des permis qui, une fois les travaux achevés, démontreront certaines aberrations sous l’angle logistique. Ainsi, dans le cas d’un bâtiment de grande hauteur accueillant des activités tertiaires ou commerciales fortement génératrices de flux de marchandises, aucun quai de déchargement n’aura été prévu, la hauteur sous plafond ou les accès se révéleront inadaptés pour accueillir un véhicule de marchandises. Force est de constater qu’aujourd’hui encore, l’acculturation des différents services reste à mener. L’enjeu est immense de faire comprendre le lien entre mobilité des marchandises et développement des centres-villes. Pour quelles raisons ?
P. B. : La logistique urbaine se trouve actuellement dans la situation de l’accessibilité des personnes à mobilité réduite il y a 10 ou 15 ans. Un noyau de pionniers est conscient qu’il est nécessaire de s’intéresser au sujet, mais tous les services techniques ne l’ont pas intégré dans leurs pratiques professionnelles. Aujourd’hui, toute personne en charge d’un permis
1993 Doctorat en Sciences Économiques (Université Lyon 2)
Depuis 1993 Professeur en Master Fret et Intermodalité à l’ENPC
SVLUMA / FOTOLIA
DÉCHETS Au même titre que la livraison des entreprises et des particuliers, la collectes des déchets constitue une part de la logistique urbaine, même si les collectivités locales ne la considère souvent pas ainsi.
grands chantiers des décennies à venir » de construire, qu’elle soit urbaniste, architecte ou technicien, a pris l’habitude de prévoir des rampes d’accès et des largeurs de portes adaptées pour la circulation des fauteuils roulants. A contrario, la logistique urbaine reste encore uniquement l’apanage du service déplacement ou mobilité de la collectivité. Leurs collègues des bureaux voisins, responsables de la mobilité des personnes, de l’urbanisme ou de l’action économique, n’ont souvent jamais entendu parler de cette problématique. Je pense qu’il faudra attendre la prochaine génération de techniciens pour que cet essaimage soit effectif, que ce sujet sorte du service déplacement et se diffuse aux autres départements. Comment expliquer ces réticences ?
P. B. : Je crois qu’il s’agit moins de réticence que de méconnaissance. Le simple énoncé du sujet ne mobilise pas les gens. Les mots camion, logistique et marchandises sont repoussoirs. Ce sont des termes marqués au fer rouge. Il ne faudrait plus parler de logistique mais de service de distribution ; ne plus parler de camion mais de transport en commun de marchandises pour bien montrer qu’il s’agit d’un service urbain et faire prendre conscience de son utilité publique. Je suggère régulièrement aux fédérations professionnelles du transport de communiquer, d’utiliser les panneaux des grands afficheurs urbains pour expliquer que si les transporteurs n’étaient pas là, il n’y aurait pas de produits frais dans les rayons des magasins de centre-ville. Là encore, une pédagogie globale est nécessaire afin qu’il n’y ait pas seulement quelques élus sensibilisés à cette question, mais tous les acteurs et usagers du centre-ville. 1995 Dates Membre Xxxxxxx du programme national « Marchandises en ville »
Depuis 1995 Président du bureau d’études Interface Transport
De quelle manière y parvenir ?
P. B. : Si vous arrivez à démontrer que de la logistique urbaine peut fonctionner, en plein coeur d’un quartier dense, sans créer de perturbations particulières et en générant du service, vous aurez gagné. Cela ne pourrait que favoriser l’idée novatrice qu’il faut s’intéresser aux coulisses de la ville et les rendre perceptibles.
Le développement du e-commerce peut-il contribuer à cette évolution en impliquant personnellement les particuliers dans le processus de logistique urbaine ?
P. B. : Absolument. Je crois que ce travail de pédagogie sera facilité dans les années à venir parce que le particulier va devenir de facto logisticien. Lorsqu’il commandera sur internet 50 % ou 60 % de sa consommation et recevra ces produits à domicile ou sur points relais, les questions de distribution urbaine seront cruciales pour lui. Aujourd’hui déjà, avec l’explosion des sites internet de vente entre particuliers, chaque individu peut se transformer en commerçant en vendant un certain nombre d’objets dont il n’a plus besoin. Dès lors, les problématiques de livraisons auxquelles il ne prêtait pas attention hier s’avèrent primordiales pour lui puisqu’il devient expéditeur. L’aspect logistique constituera, de façon évidente et pour tout le monde, un nouveau service urbain. Comment je reçois et envoie mes colis ? De la même façon qu’une mère de famille est attentive à la distance entre son logement et l’école, elle veillera demain aux infrastructures lui permettant de recevoir ses commandes de manière satisfaisante. Finalement, le ebusiness, en venant perturber les schémas logistiques, va rendre un grand service aux acteurs du transport. On disait auparavant que la marchandise ne votait pas. À partir du moment où le citoyen devient logisticien, la marchandise votera. Et là, les choses risquent d’évoluer très vite en offrant une large place à l’innovation technologique et organisationnelle. ACTEURS URBAINS /// JUIN 2012
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Juin 2012
P.
N°3 BRUXELLES CAPITALE
Sommaire
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BB
Bruxelles : le plan de mobilité en marche
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RENAULT TRUCKS
DR
The Green Link change de braquet
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DR
La relocalisation vue par Atol
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Le gaz tente une timide percée
Grand angle
En couverture
Urbanismes
Futurs
4 PHILIPPE BOSSIN «Ne plus parler de logistique mais de service de distribution »
22 TRANSPORTS LÉGERS Place au tri sélectif
360°
32 PROFIL The Green Link L’esprit start-up 34 OPÉRATEUR Points relais Quatre réseaux en concurrence 38 DISTRIBUTEUR Atol fait le choix de la proximité 40 MARCHÉ Location La courte durée en pleine mutation 44 CONSOMMATEUR Déménagements Impossible d’improviser
46 MÉTROPOLE Toulouse Réaménager le plan de déplacement urbain 54 EUROPE Bruxelles Vers une politique régionale de la mobilité
68 DEMAIN Bornes de recharge Les projets attendent du jus 70 APRÈS-DEMAIN Plateforme trimodale Les plans d’Achères en 2020
10 L’ESSENTIEL Lyon TNT et Deret innovent 12 DÉCRYPTAGE CDU Séduisant concept cherche bonne formule 16 TENDANCE Londres Le modèle des FQP 18 TRANSPORT DURABLE GIE-CMDU Lille se jette à l’eau 20 AGENDA
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JUIN 2012 /// ACTEURS URBAINS
Économies
Mobilités 58 VÉHICULES Flottes urbaines Le gaz fait une percée 62 FOCUS Cabines surbaissées Le plein d’avantages 64 Transpalettes On ne les entend plus ! 66 À L’AFFICHE Iveco Du gaz naturel pour 800 km
Portfolio 72 LECTURES 73 PERSPECTIVES Jean-Louis Léonard « Pourquoi ne pas utiliser le bus pour livrer les colis ? » 74 AU SOMMAIRE DU PROCHAIN NUMÉRO
L’essentiel MARCHÉ POSTAL
Récent sur le marché postal, Colis Privé propose deux solutions de livraison aux particuliers : 100 % flexible et 100% traçable. Le jeune opérateur postal revendique plus de 9000 relais pour servir le client et 40 M€ investis pour pérenniser son entreprise sur un secteur ultraconcurrentiel dominé par La Poste.
ATEC-ITS
Rendez-vous en 2013 Le 40e congrès international d’ATEC-ITS France sera centré sur les transports et la mobilité en ville (les formes de gouvernance, les conceptions intégrées des projets, la mobilité géoconnectée, les exploitations multimodales...). L’événement aura lieu à l’Espace Champerret, à Paris, les 30 et 31 janvier 2013.
TNT
Colis Privé cherche succès
LYON
La logistique urbaine aux petits soins Le Grand Lyon a créé un espace logistique urbain (ELU) dans le quartier des Cordeliers, inauguré le 26 avril par Gérard Collomb, président du Grand Lyon et sénateur-maire de la ville (voir p. 14). Le site sur 300 m2, exploité par Deret, est géré par la SEM Lyon Parc Auto. Le dispositif assure des fonctions de «logistique avancée», devant permettre la massification et la distribution à proximité des points de livraison, effectuées par des véhicules électriques. Dans le même temps, la capitale des Gaules reçoit une expérimentation de consigne à colis (photo ci-dessus), menée par TNT Express, baptisée Bentobox. La consigne a été installée dans le centre commercial de la Part Dieu pour la marque Kookaï. « Ce concept doit contribuer à désengorger les centres-villes tout en proposant plus de souplesse aux clients et aux centres commerciaux », dit-on chez TNT. Le dispositif permet de livrer en dehors des heures d’ouverture des magasins en mettant les colis à disposition dans une consigne.
AFILOG
Deux villes pour aller dans le concret
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BB
T
rois mois après la parution de son Livre Blanc sur la logistique urbaine (AU n°1), Afilog veut passer aux actes. Ses préconisations présentées à Paris le 27 janvier (et téléchargées plus de 500 fois !) pourraient s’appliquer à Lille et à Bordeaux. « On doit aller vers l’expérimentation pratique, par le biais de nos adhérents. Nous devons concrétiser nos travaux et profiter du levier des ZAPA », annonce Claude Samson, président de l’association, qui rassemble des prestataires immobiliers (70 % des adhérents), des chargeurs, des logisticiens, un Conseil général (la Marne) et des ports. Afilog,
qui associe dans ses travaux les problématiques du foncier et de la mobilité, se voit dans un rôle de «go-between» avec
les collectivités territoriales. « Les initiatives se multiplient, atomisées, mais il n’y a pas d’harmonie. Afilog peut aider à canaliser les forces et nourrir la concertation nécessaire ». L’association peut compter sur la commission logistique urbaine coanimée par Stephan Collot (DHL), Christophe Ripert (Sogaris) et Laurent Martin (Pomona). Les données économiques sont prises en compte. « En ville, le foncier coûte cher. Pour l’amortir, il faut mixer logistique de flux et logistique de valeur ajoutée. Cela nécessite toujours une réflexion en amont », rappelle Claude Samson (photo ci-contre).
Label Route et l’intérêt collectif
L
GOUPIL
a capitale de l’Hérault tient son représentant en «éco-logistiqueurbaine ». Spécialisée dans la distribution de colis, la coopérative Label Route veut concilier transport vertueux et engagement social. Créée en octobre 2008, la structure « d’intérêt collectif » privilégie l’insertion et le reclassement professionnel de personnes en difficulté. Label Route bénéficie d’une aide de 70000 euros par an pour son action de formation. La coopérative met également en avant ses investissements matériels, en phase avec les contraintes urbaines. Les cinq Goupil élec-
triques (des G3 à rideaux de 2,5 et 3 m3) lui permettent de circuler dans le centre-ville toute la journée (droit qui profite aussi à Chronopost et à TEM). Les petits camions électriques font
trois rotations par jour, à partir de la plateforme du marché-gare, à 3 km de la zone piétonne. Pour les autres transports, Label Route exploite trois Daily Iveco roulant au gaz naturel. Travaillant aussi en soustraitance pour des expressistes, la coopérative, qui fait partie du groupe Replic, a généré 500000 euros de chiffre d’affaires en 2011. Pour Goupil, Label Route fait partie de ses 1500 clients en Europe, représentant 6000 véhicules en circulation.
En bref... APPEL À PROJET DANS LE NORD Comment faire pour désenclaver les axes routiers ? Comment développer un transport plus respectueux de l’environnement ? Pour répondre aux problématiques, le Conseil général du Nord a voté le du 26 mars 2012 le lancement de l’élaboration d’un Schéma de Mobilité Durable. Le document vise à « trouver les solutions pour mettre à disposition de tous les Nordistes une offre de transport et de mobilité performante, au meil-
MOHAMED KHALFI
MONTPELLIER
TRANSPARENCES SOCIALE ET ENVIRONNEMENTALE
Le décret est sorti e décret n°2012-557 du 24 avril 2012 « relaL tif aux obligations de transparence des entreprises en matière sociale et environne-
mentale » est paru le 26 avril 2012 au Journal Officiel. Il était très attendu. Sont visées par le texte les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé (sociétés cotées) ; sociétés anonymes et sociétés en commandite par actions non cotées dont le total de bilan ou le chiffre d’affaires est au minimum de 100 M€ et dont le nombre moyen de salariés permanents employés au cours de l’exercice est au moins de 500 ; actionnaires de ces sociétés ; organismes tiers indépendants chargés de contrôler ces informations. Les sociétés seront soumises à l’obligation d’inclure dans leur rapport de gestion des informations à caractère social et environnemental et de la liste de ces informations conditions de vérification des informations par un organisme tiers indépendant. Concernant le calendrier d’application, le décret impose trois échéances : ― pour les sociétés cotées, aux exercices ouverts après le 31 décembre 2011, avec obligation pour la société de justifier, le cas échéant, les raisons pour lesquelles elle s’est trouvée dans l’impossibilité de fournir certaines des informations
― pour les sociétés non cotées dont le total du bilan ou le montant net du chiffre d’affaires dépasse 1 Md€ et dont le nombre moyen de salariés permanents employés au cours de l’exercice est supérieur à 5000, aux exercices ouverts après le 31 décembre 2011, avec obligation pour la société de justifier, le cas échéant, les raisons pour lesquelles elle s’est trouvée dans l’impossibilité de fournir certaines des informations ― pour les sociétés non cotées dont le total du bilan ou le montant net du chiffre d’affaires dépasse 400 M€ et dont le nombre moyen de salariés permanents employés au cours de l’exercice est supérieur à 2000, aux exercices ouverts après le 31 décembre 2012 ― pour les sociétés non cotées dont le total du bilan ou le montant net du chiffre d’affaires dépasse 100 M€ et dont le nombre moyen de salariés permanents employés au cours de l’exercice est supérieur à 500, aux exercices ouverts après le 31 décembre 2013 S’agissant de l’obligation de vérification des informations par un organisme tiers indépendant, le décret est applicable : ― pour les sociétés cotées, à partir de l’exercice ouvert après le 31 décembre 2011 ― pour les sociétés non cotées, à partir de l’exercice clos au 31 décembre 2016.
leur coût ». Le schéma suivra plusieurs plusieurs étapes, dont un appel à projets, lancé le 3 mai et se terminant le 14 septembre. Cet appel à projets s’adresse aux collectivités locales, aux autorités organisatrices de transports urbains, aux associations, aux entreprises, aux laboratoires de recherche et aux établissements scolaires. Les quatre thématiques proposées par le Département visent l’accès aux équipements et à la vie économique ; la recherche d’un service global et intégré de transports ; le renforcement de la part des modes doux dans l’utilisation de la route ; et l’amélioration de la sécurité routière.
ACTEURS URBAINS /// JUIN 2012
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Décryptage MONACO. Le CDU de la principauté est un cas à part, en raison du contexte politique, de l’économie locale et de la topographie des lieux.
CDU
Séduisant concept vise bonne formule Schématiquement, en vue d’optimiser les flux de livraisons en ville, les projets de centre de distribution urbaine (CDU) semblent crédibles. La Rochelle et Monaco, depuis dix ans, servent encore de vitrines. Et puis après ? PAR VÉRONIQUE VIGNE-LEPAGE/PLEINS TITRES
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l y a débat. Voire frictions sur le bienfondé des centres de distribution urbaine. Les CDU sont, sur certaines estrades, présentés comme la «solution d’avenir», applicable dans une majorité de centres-villes. Mais en coulisse, les critiques fusent contre un « standard d’organisation », qui n’en est pas un, et le risque de délégation de service public, qui apparaît en filigrane aux yeux de certains. « C’est une solution parmi d’autres et le copier-coller est impossible », note Jean Thévenon, de France Nature Environnement (FNE). Un avis que partage Luc Serveau, directeur adjoint au développement durable à la FNTR : «Chaque projet doit être adapté aux contraintes locales, voire à l’activité». Sur le principe, optimiser le « dernier kilomètre » à partir d’un centre de distribution urbaine paraît cohérent. Intégré dans un PDU (plan de déplacements urbains), le CDU privilégie une plateforme par laquelle transitent les mar-
Que sont devenus les CDU ?
S
i les premières réflexions remontent à 1993, il a fallu attendre les années 2000 pour voir se concrétiser des projets d’envergure. « Le schéma que nous portons compte trois niveaux, détaille Christophe Ripert, directeur de l’immobilier de Sogaris. Le premier est en porte d’agglomération. Ce sont, par exemple, nos plateformes connectées au réseau ferré de Marseille-Arenc, Lyon-Mions et Rungis. Il y a ensuite l’hôtel logistique multi-activités, à l’image de celui cours de construction à Paris dans le quartier de Chapelle International (18e), près de l’A86 et du périphérique. Enfin, en rez-de-chaussée d’immeubles, nous créons des espaces urbains de distribution, plus petits ». La région parisienne, en raison des volumes quotidiens, peut justifier l’existence des trois niveaux. Les grandes villes françaises telles que Lyon ou Marseille peuvent cumuler plateformes logistiques et CDU, estime-t-il. L’Ademe a dressé un état des lieux en 2010. Intitulé « Logistique urbaine : agir ensemble » (1), le document répertorie deux CDU, à Monaco et à La Rochelle (voir encadré) ; la plateforme Sogaris à Marseille ; le service de consignes automatiques Consignity (DHL et Schenker), à Paris ; les relais des Coursiers verts et de la Petite Reine ; les 22 agences de «livraison électrique» créées par le groupe Deret en périphérie de villes et la plateforme parisienne de Samada (filiale de Monoprix). « Depuis lors, cela n’a pas beaucoup évolué, assure Luc Serveau. Le coût des ruptures de charge fait réfléchir ». Le prix du foncier en ville est un autre point d’achoppement. Christophe Ripert précise : « À Chapelle International, le terrain, situé près des voies ferrées, aurait pu être valorisé en bureaux. Car il reste trop cher pour de la logistique ».
FRED LE LAN
GUILLAUME BESMARD / FOTOLIA
chandises à destination et en provenance du centre-ville. Ce centre unique vise à dynamiser une plateforme d’échanges multimodale, créer une chaîne logistique techniquement efficace (en limitant le nombre de ruptures de charge) et à garantir une chaîne logistique socialement efficace puisqu’utilisant des modes de transport plus respectueux de l’environnement. En pratique, le dispositif doit faire ses preuves, même si l’initiative d’envergure de Geodis, avec Distripolis depuis 2011, continue de marquer les esprits.
LA ROCHELLE. Livraison de marchandises en centre-ville avec des Modec.
Le coût du foncier rédhibitoire ?
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Lyon, l’épreuve du foncier a été surmontée. Pour trouver un prestataire – en l’occurrence le groupe Deret- pour le CDU qu’il vient de créer, Lyon Parc Auto lui a proposé un bail « quasiment symbolique », admet François Gindre, directeur de la Sem Lyon Parc Auto (voir encadré). «Il faut que les collectivités locales donnent les moyens aux logisticiens de monter les projets»,
confirme Jean Thévenon au nom de FNE, qui se fait un plaisir d’aider des opérateurs à « porter le message » auprès des élus. « À Toulouse, nous venons d’organiser une rencontre entre la Dreal, l’Ademe, la CRCI, la FNTR et Geodis, qui veut implanter son offre Distripolis et nous a sollicités », commente-t-il. Toulouse où le projet de CDU existe depuis 2002 (2). La mobilisation des collectivités locales est fondamentale. « La Ville tient soit le foncier, soit les autorisations, poursuit Jean Thévenon. À Paris, la mise à disposition d’espaces au premier sous-sol des parkings au cœur de la ville n’aurait pu se faire sans la volonté et sans l’accompagnement
LA ROCHELLE : FIN DES AIDES PUBLIQUES EN VUE Adossée à l’océan, excentrée, la ville de La Rochelle doit composer avec une géographie qui l’éloigne des grands centres logisitques et de flux. « Dès 1997, la Communauté d’agglomération a compris qu’elle devait agir. Elle voulait aussi développer l’électrique », explique Anne Chané, chargée de ce projet au sein de la collectivité, avant d’être recrutée comme exploitante de la plateforme par le prestataire, les Transports Genty. Depuis, ces derniers, liquidés, ont été remplacés par Proxiway, filiale de Veolia Transport, « également bien acceptée car n’étant pas
un concurrent. Les transporteurs se réjouissent plutôt d’avoir gagné, en moyenne, grâce à la plateforme, trois heures par jour et par camion ». Nommée Elcidis (du nom du programme européen qui l’a soutenue), la plateforme a été créée, en 2001, dans d’anciens locaux de Sernam. « Ils avaient déjà des quais et sont situés juste à l’entrée du périmètre régi par l’arrêté de circulation : idéal ! », note Anne Chané, chargée de la rendre autonome. Entre 2006 et 2011, la subvention de la collectivité a diminué peu à peu. La délégation de service public prendra
fin en 2013. « Nous équilibrons les comptes, assure-t-elle, grâce à des services annexes ». L’activité de CDU, « très sensible à la conjoncture », ne représente ainsi que 60 % à 65 % du chiffre d’affaires (200 000 € en 2012, soit + 25 % par rapport à 2011). Elle est complétée par la livraison de particuliers pour des enseignes alimentaires, « difficile à anticiper mais moins fragile », et par la location de box de stockage, « le plus rentable ». Cependant, le futur de cette pionnière au-delà de toute aide publique reste la grande inconnue. ACTEURS URBAINS /// JUIN 2012
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Décryptage Séduisant concept vise bonne formule
au long cours de la municipalité ». Cependant, à terme, « le coût de la rupture de charge doit être pris en charge par le système », assure Luc Serveau. Or, il n’y a pas encore de retour d’expérience probant sur le plan économique. Même le CDU de La Rochelle, le premier modèle mis en exergue, suscite le doute (voir encadré). « Pour Monoprix, le surcoût par palette livrée est descendu de 24 % en 2009, à 19 % en 2010 et à 14 % en 2011, mais on n’ira pas en deçà, estime Jean Thévenon, sauf à parvenir à une mutualisation ». Un concept que seuls la librairie et la presse ont réussi à mettre en place et que le Club du dernier kilomètre livré (CDKL) cherche à promouvoir. Créé il y a un an pour réunir des acteurs concernés (tels Geodis, Nespresso, Mondial Relay…) et « faire parler de ce sujet de manière positive » selon son directeur, Marc Teyssier d’Orfeuil, il a réuni mi-avril des acteurs de l’immobilier, intéressés par les idées nouvelles lancées, comme celle d’utiliser les parkings d’immeubles de bureau le matin, avant l’arrivée des salariés.
SAG L AR CHI TEC TES ASS OCI ÉS
HOTEL LOGISTIQUE.
L’ambitieux projet de Chapelle International, à Paris, porté par Sogaris.
LYON : DERET FAIT L’OUVERTURE La société d’économie mixte Lyon Parc Auto (LPA) a ouvert en mars un Espace logistique urbain (ELU) dans le parking des Cordeliers, dans l’hyper-centre de Lyon. Après la disparition du prestataire envisagé, Les Coursiers Verts, c’est Deret qui a été retenu pour exploiter 300 m2 de ces 1000 m2. Pour la première fois, le transporteur assure deux ruptures de charge avant les clients finaux. À partir de 4 h, il achemine les marchandises (pour l’heure en camion thermique) de sa plateforme de Saint-Priest, en périphérie, jusqu’à l’ELU.
Nouveau service public ?
J. LEONE
L
es promoteurs du CDU doivent se multiplier face aux obstacles. L’opposition des riverains à une activité réputée bruyante reste toujours sensible pour les élus. Le coût prohibitif des véhicules électriques est une autre épine. Hugues Pouzin, représentant de la Confédération générale du commerce interentreprises (CGI), y voit une impossibilité de généraliser les CDU : « Nous, grossistes, qui représentons 120 000 entreprises, assurons déjà cette prestation de manière optimisée et intimement liée à notre prestation commerciale, assure-t-il. Nos chauffeurs font remonter des informations sur les clients, assurent la maintenance des distributeurs automatiques, ont les clés de pharmacies ou de restaurants avec qui il y a un contrat de confiance…
Sur le site, elles sont transbordées par les deux salariés dans deux véhicules électriques qui partent, dès 6 h, pour plusieurs tournées de 60 km en moyenne dans Lyon. Par mois, 250 palettes, soit 1500 colis, sont ainsi livrées à Sephora, Lush, Lafuma, Dior… Deret bénéficie d’un bail précaire pour trois ans de… 4 000 € par an. « Mais il faudra trouver des solutions de rentabilisation », commente François Gindre, directeur de LPA. Ainsi, le bail n’exclut pas qu’une activité complémentaire utilise le même espace après
Tout ceci ne peut être délégué ». Un constat non partagé par Marc Teyssier d’Orfeuil : « Tout change très vite, il faut s’adapter, même si certains ont du mal à s’y faire. Trouver des solutions relève quasiment du service public ! ». La bataille des chiffres n’est pas exempte de débats. Le bilan des
LE CDU DE LA ROCHELLE, C’ÉTAIT À L’ORIGINE…
700 M2 DE SURFACE DÉFINIE
14
72500 COLIS ET PALETTES
JUIN 2012 /// ACTEURS URBAINS
1600
TONNES DE MARCHANDISES
7
TRANSPORTEURS ET 95% DES COLIS
13h, fin des livraisons de Deret. Par ailleurs, sur les 700 m2 restants, LPA a créé un espace d’information sur ses services, une station Auto’lib, un parc vélo sécurisé et un salon d’attente pour le covoiturage. Enfin, un mur est loué à Coliposte pour son service de consignes automatiques, Cityssimo. Outre l’économie de 14 tonnes de CO2 par an, Jean-Luc Fournier (Deret) estime que « le coût des deux ruptures de charge sera équilibré par les kilomètres évités en gazole. La facture d’électricité, de 4,5€ pour 100 km, équivaut à trois litres de gazole, quand un véhicule thermique en consommerait 20 ». Enfin, Le groupe Deret ne désespère pas d’acheter ses futurs véhicules électriques moins chers que les deux premiers, conçus par l’américain Navistar, grâce à des discussions en cours menées avec Renault Trucks.
premières expériences de CDU est loin d’être anodine. Dès la deuxième année d’exploitation, Samada avait réduit de 50 % ses émissions de CO2, avec 700 000 km par an en moins. De même, Sephora, client majeur de Deret, estimait en 2010 avoir réduit de 14 % les distances parcourues et de 30 % ses émissions de CO2. À l’heure prochaine des zones d’actions prioritaires pour l’air (ZAPA), le principe du CDU compte des supporters. (1) www.transports-marchandises-en-ville.org (2) www.innovations-transports.fr
Tendance
LONDRES
Un modèle en devenir
R
approcher les structures publiques et privées pour améliorer la logistique urbaine : au Royaume-Uni aussi, l’objectif est affiché. Il explique la mise en place des « Freight Quality Partnerships » (FQP). Les entités constituantes d’un FQP sont les collectivités locales, les chargeurs et transporteurs et les commerçants. Les FQP peuvent être financés par les membres adhérents, les collecti-
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JUIN 2012 /// ACTEURS URBAINS
WALTER BARROS
Parc total VU en France (– 3,5 t)
Source : CCFA
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e nombre de véhicules utilitaires légers (– 3,5 tonnes) en France avoisine les six millions d’unités (+20 % en dix ans). D’année en année, la part des modèles diesel ne cesse de grimper et a atteint 90 % du parc total en 2010 (elle était de 75 % en 2000). Les niveaux d’immatriculations sont d’environ 400000 unités par an sur le marché du neuf et de 700000 unités sur celui du véhicule d’occasion. Sur ce marché du VU dominé par le BtoC, la France fait partie des pays les plus dynamiques en Europe et abrite tous les réseaux de constructeurs.
vités locales ou autorités de transport. Dans le cas de Londres, que révèle la Note d’analyse du CAS n°274, ils sont financés par Transport for London (autorité organisatrice des transports de l’agglomération londonienne), mais organisés et gérés par les collectivités locales. Ainsi le South London FQP, responsable de la qualité de l’air du Sud de Londres, et des collectivités locales ont concentré leurs efforts sur le transport de marchandises. Le South London FQP a inscrit les livraisons nocturnes en priorité et a procédé en trois phases : analyse des différentes réglementations locales en matière de livraisons nocturnes ; liste des entreprises
intéressées pour recevoir des livraisons entre 23 h et 5 h 30 ; négociations entre les collectivités locales et les entreprises. Deux constats en sont issus : les commerçants indépendants ne se sont pas montrés intéressés et les distributeurs ont souligné qu’ils voyaient dans la livraison nocturne un moyen d’améliorer le travail des livreurs et de réduire la congestion. Après huit semaines, le bilan souligne un temps de trajet des camions réduit de 60 minutes par tournée, une économie de 2 heures par jour du temps de travail des livreurs et un temps moyen de livraison par magasin ramené à 78,6 minutes contre 115,8 minutes.
Transport durable
GIE-CMDU
Avec le Lille se jette à l’eau Fin mars, Ports de Lille, la CCI Grand Lille, Generix, le MIN de Lomme, TLF et Veolia Propreté ont créé un GIE pour matérialiser le centre multimodal de distribution urbaine (CMDU). Le concret opérationnel est attendu en 2013. Voire fin 2012 ? PAR ÉLIANE KAN/TCA-INNOV24
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agglomération de Lille se donne un temps d’avance avec son projet de centre multimodal de distribution urbaine (CMDU). Bénéficiant d’une topographie et d’une situation géographique particulières, elle ouvre un beau chantier. Objectif : massifier les flux provenant de la route, des voies d’eau et du ferroviaire et de les répartir sur des véhicules de livraison plus «doux». Il y a urgence, dit-on dans le Nord, car avec la hausse du prix du foncier, les commerçants et les artisans ont réduit leur espace de stockage. Ce qui les oblige à être livrés plus souvent. L’adoption d’un outil informatique pour faciliter les échanges et optimiser la livraison des marchandises (hors matières dangereuses et produits de santé) provenant de la route, des voies d’eau et du train constitue un des piliers du projet de CMDU. Piloté à l’origine par Ports de Lille, un service de la Chambre de commerce et d’industrie du Grand Lille, il vient de prendre une nouvelle dimension avec la création, fin mars, d’un groupement d’intérêt économique, en l’occurrence le GIECMDU. Cette structure réunit les principaux acteurs du territoire : la CCI de Lille, le monde du transport avec TLF la fédération des entreprises de transport et de logistique, le MIN (marché d’intérêt national spécialisé dans les fruits, légumes et
fleurs, 2ème après Rungis) situé à Lomme, le groupe Veolia Propreté (9,7 Md€ de chiffre d’affaires), intéressée par la dimension «reverse logistique» du projet (logistique du retour). Sans oublier l’éditeur de logiciels Generix Group. Lequel a pour mission de concevoir un système informatique collaboratif qui permettra d’offrir à la communauté de nouveaux services. « Notre stratégie va consister à massifier les flux afin de mutualiser, d’optimiser et de coordonner les livraisons en centre-ville grâce à l’optimisation des circuits existants », résume Didier Lieven, chef de projet au sein du GIE-CMDU.
« Living Lab »
Les promoteurs présentent leur initiative comme un « Living Lab », bâti autour de la logistique urbaine. Les expérimentations concrètes devront proposer une exploitation in situ et au-delà, dans d’autres villes de France et d’Europe… Stratégique aux plans économique et environnemental, ce projet doit aider les transporteurs à optimiser leur organisation et à rentabiliser leurs trajets. Il va aussi contribuer à limiter en ville le nombre de camions entrants et sortants. Trois ans seront nécessaires pour mettre en œuvre ce projet qui réclamera un financement de 2 à 3 M, infrastructures comprises. « La dimension multimodale
DANS LILLE, L’EXPÉRIMENTATION VISE...
250
ESTIMATION DES TOURNÉES QUOTIDIENNES
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2000 M2
LA SURFACE DU SITE LOGISTIQUE DÉDIÉ
JUIN 2012 /// ACTEURS URBAINS
20
4000
TRANSPORTEURS COMMERÇANTS ET OPÉRATEURS INTRAMUROS COOPÉRANTS VISÉS
Jusqu’à 10 % d’économie
Pièce maîtresse du projet, ULIS (Urban Logistics Information System) se positionne comme un outil collaboratif. Il vise à relier l’offre et la demande dans une logique d’optimisation des flux. Parmi les fonctionnalités envisagées, citons la mise en relation des transporteurs avec les donneurs d’ordres en temps réel, la cotation des offres et l’organisation et la simulation de tournées. « Nous nous appuyons sur la plateforme de Generix qui dispose d’un module de TMS (Transport Management Systèm, en français système de gestion du transport) et d’un WMS (Warehouse Management System ou système de gestion d’entrepôt) », explique Didier Lieven qui réfléchit par ailleurs avec Inria (Institut national de recherche en informatique et en automatique) de Lille, l’Isen (Institut supérieur de l’électronique et du numérique) ainsi qu’avec d’autres écoles et laboratoires de recherche, à des fonctions encore plus avancées de replanification dynamique de tournées, d’optimisation et de simulation de trafic, tenant compte par exemple des données de trafic routier ou de données météorologiques. Pour les transporteurs, l’enjeu du projet est de taille sachant que le taux moyen de remplissage d’un camion de marchandises ne s’élève qu’à 65 % tandis que plus de 20 % de ses parcours sont effectués à vide, selon le cabinet de consultant BP2R. « Avec notre outil, nous pouvons réorganiser les 5 à 10 % des flux qui ne sont pas rentables pour les transporteurs et les aider à réaliser ainsi des économies », estime le chef de projet. « Quant aux commerçants, ils pourront bénéficier de nouveaux services à partir ou vers le MIN de Lomme ou sur le port selon les produits “frais-froid-fleurs” en formulant leurs demandes sur notre application, moyennant le prix d’un abonnement à notre service en ligne. » Autre
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ALEXIS LESAFFRE / FOTOLIA
du projet constitue une première en France », souligne Olivier Hollander, délégué régional Nord-Picardie de TLF. Il a su convaincre, avec Didier Lieven, les opérateurs de transports de l’intérêt du projet. Situé à moins de 3 km du centre-ville, le port devrait réserver 2000 m2 aux futures infrastructures logistiques qui accueilleront le flux de marchandises provenant aussi bien de la route que des voies d’eau ou du train. «Une fois débarquée, la marchandise sera traitée puis expédiée en centre-ville par des moyens de transports “doux”», explique Didier Lieven qui rédige le cahier des charges du futur système d’information.
VASTE. Le port s’étend sur 85 ha, sur Lille et Loos, connecté à l’A25. particularité du projet, il proposera un service de logistique de retour qui vise les emballages vides, consignes, retours de marchandises… Les expérimentations devraient démarrer en 2013.
Valoriser les moyens existants
Le déploiement de systèmes favorisant l’organisation d’une logistique urbaine plus rentable pour les transporteurs et moins polluante pour les citadins constitue le cœur d’un autre projet baptisé LUMD (Logistique urbaine mutualisée durable). Mené dans le cadre du Predit (Programme de recherche et d’innovation dans les transports terrestres), il est coordonné par Presstalis, un opérateur urbain,
À 3 KM DU CENTREVILLE, LE PORT DEVRAIT RÉSERVER 2000 M2 POUR LA LOGISTIQUE. spécialiste de la livraison du dernier kilomètre. L’ambition du projet est de valoriser également les espaces de stockage vacants et les moyens de transport sousutilisés tout en réduisant les émissions de CO2. Et ce, grâce au déploiement d’un système d’information qui va identifier ces gisements et mettre en réseau l’offre et la demande, voire même calculer l’itinéraire à suivre. «Avec notre partenaire, Deveryware, nous avons achevé le projet informatique. La prochaine étape sera de le déployer sur des agglomérations», indique le chef de projet Alain Gillot qui a répondu à plusieurs appels d’offres dont celui de la ville de Strasbourg qui recherche des solutions pour limiter les pollutions en ville. ACTEURS URBAINS /// JUIN 2012
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Agenda ville portuaire créative et durable, en lien avec les réalités économiques, sociales, énergétiques et environnementaux.
DU 20 AU 22 NOVEMBRE
Rendez-vous à Nantes Saint-Nazaire, (Tél. : 02 35 42 78 84 ou www.citiesandports2012.com)
Organisé par le groupe Moniteur, le salon des maires est devenu l’événement annuel majeur du secteur des collectivités locales. Il réunit les principaux acteurs de la commande publique pour débattre, partager les expériences, faire évoluer et mutualiser les pratiques pour mieux acheter et investir. Onze espaces thématiques sont prévus, dont un dédié aux transports et véhicules. Le salon des maires a lieu en même temps que le congrès annuel de l’AMF.
MOHAMED KHALFI
27 JUIN
DU 5 AU 7 JUIN
CapUrba
L
’est le salon de l’aménagement et des projets urbains. « Face à une concurrence entre territoires, les villes doivent faire la différence ! » indique le promoteur du salon. Pour fidéliser et attirer les habitants, les entreprises, les touristes, les collectivités locales doivent désormais penser et réfléchir la ville et non plus simplement la planifier. À deux ans des élections municipales, CapUrba veut attirer les grands décideurs de la fonction publique. Depuis l’aménagement de l’espace public jusqu’au développement de solutions innovantes, en passant par l’exposition de grands projets urbains, CapUrba, dédié aux tendances urbaines, offre une opportunité unique de penser, construire et aménager autrement l’espace urbain.
À Lyon Eurexpo, CapUrba est une plateforme d’échanges et de business pour les acteurs et fournisseurs de projets urbains (tél. : 04 37 40 31 61 ou www.capurba.com/capurba/index.php)
DU 5 AU 7 JUIN
Transports publics
C’est le grand rendez-vous européen de tous les acteurs du transport public et des modes de déplacement durables. Plateforme des produits, des services et des politiques les plus innovants en matière de mobilité durable, Transports Publics réunit l’ensemble des acteurs européens qui interviennent dans la chaîne des modes de transport : autorités organisatrices, opérateurs, industriels, constructeurs et sous-traitants… Sur 30 000 m2 d’exposition, sont annoncés 10 000 participants professionnels, 250 exposants internationaux et 50 pays représentés. Rendez-vous à la Porte de Versailles, hall 1, de 9h à 18h30 (www.transportspublics-expo.com)
DU 18 AU 21 JUIN
Villes et ports
C’est la 13e conférence mondiale villes et ports, à Nantes. Relever le défi d’un port urbain mobilise de plus en plus les acteurs des villes portuaires du monde : de Hambourg à Brisbane, de Los Angeles à Istanbul, en passant par Montréal, Durban et bien d’autres. La 13e conférence mondiale de l’AIVP (association internationale Villes et Ports) est l’occasion de les rencontrer. Focus sur les idées, projets pour construire une 20
JUIN 2012 /// ACTEURS URBAINS
Logistique urbaine à Nantes 2e colloque de la logistique urbaine, organisé par le Laboratoire d’Économie et de Management de l’Université de Nantes (LEMNA). La manifestation, qui s’inscrit dans le cadre du programme Predit « MILODIE » (Mutualisation des Informations Logistiques de Distribution : Effets Économiques et Environnementaux), s’interrogera sur les problématiques de logistique. Le thème : « Regards croisés sur la distribution des marchandises en ville : quelles perspectives pour la ville de demain ? » Rendez-vous à Nantes (www.univ-nantes.fr)
DU 2 AU 4 OCTOBRE
Interroutes & ville Organis par Comexposium, c’est le salon et congrès des infrastructures routières et de transport en milieu urbain et interurbain. Il vise à rassembler les acteurs de la route, de la rue, des infrastructures et de la mobilité se réunissent à Lyon Eurexpo. 8000 visiteurs et 300 exposants sont annoncés. Rendez-vous à Lyon Eurexpo (www.interroute-ville.com)
25 ET 26 OCTOBRE
Transfrigoroute International Transfrigoroute International organise son assemblée générale en France en 2012. Thème : la logistique urbaine en Europe. Transfrigoroute International est une fédération, fondée en 1955, visant à favoriser le développement du transport de denrées et produits liquides et non liquides à température dirigée. Le Magazine Acteurs Urbains sera associé à l’événement. Rendez-vous à Lyon, à la Cité internationale (www.transfrigoroute.fr)
Salon des maires
Rendez-vous à Paris Expo, Porte de Versailles (www.salons.groupemoniteur.fr ou www.salon desmaires.com)
DU 27 AU 30 NOVEMBRE
Pollutec 2012 Le salon marché de l’Environnement, Pollutec rassemblera pendant quatre jours à Lyon l’ensemble des équipements, technologies et services de traitement de toutes les pollutions. Plus de 2 400 exposants dont 30 % d’internationaux et 75 000 visiteurs professionnels issus de l’industrie, des collectivités locales, du bâtiment et du secteur tertiaire sont attendus.
Le salon se tient à Eurexpo/Lyon (Tél : 04 72 22 33 44 ou www.pollutec.com)
En couverture
Transports légers Place au tri sélectif Disparate, atomisé, multiforme, incontrôlable. Le transport léger en zones urbaines occupe des milliers d’entreprises, artisans et sous-traitants. Les prochaines exigences d’exercice du métier vont changer le paysage professionnel et les pratiques. PAR ERICK DEMANGEON, YVES RIVOAL ET BENOÎT BARBEDETTE. PHOTOS MOHAMED KHALFI, YVES RIVOAL, BB ET DR.
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JUIN 2012 /// ACTEURS URBAINS
POLITIQUE
COURSES
PROFESSION
Juguler le risque de «jungle» en ville
Vocations et reconversions
L’accès au marché devenu plus rude
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En couverture
Transports légers
Politique Limiter la jungle en ville Attention à l’impact ! Réformé en 2012, l’accès à la profession de transporteur léger devient drastique. Plus élevées, les capacités financières et professionnelles requises visent à assainir le secteur d’activité. PAR ERICK DEMANGEON
L’
année 2012 est un tournant pour le transport léger effectué avec un véhicule motorisé (de deux à quatre roues) de PTAC inférieur à 3,5 tonnes. Depuis le 4 décembre 2011, la transposition en droit français du « paquet européen routier » réforme les conditions d’accès et d’exercice de la profession. Détaillé dans le décret n°20112045 et ses huit arrêtés d’application, ce nouveau cadre remet à plat les « exigences d’honorabilité, de capacités professionnelle et financière, et les conditions d’établissement imposées aux chefs d’entreprise », rappelle Stéphane Choquet, président du Syndicat National des Transports Légers (SNTL) affilié à la Fédération des entreprises Transport et Logistique de France (TLF). Plusieurs dispositions sont entrées en vigueur dès le 1er janvier 2012. Tel est le cas des
nouvelles règles de capacité financière. « Les transporteurs légers publics doivent désormais justifier auprès des DREAL de 1800 € de fonds propres pour le premier véhicule et de 900 € de fonds propres pour les véhicules suivants mis sur la route», confirme Lucas Charmel, coprésident de la Commission Transport Léger à la Fédération nationale des transports routiers (FNTR). Sans modification sur le fond, l’honorabilité professionnelle est reconnue aux chefs d’entreprise sauf condamnations mentionnées au bulletin n°2 du casier judiciaire prononçant une interdiction d’exercer une profession commerciale ou industrielle, et pour des délits mentionnés dans les textes applicables à la profession. Elle n’est pas reconnue également en cas de contraventions répétées au Code de la route ou au Code des transports visées par les mêmes textes. Renforcées,
Les codes NAF du transport léger Code NAF
Intitulé
49.41A
Transports routiers de fret interurbain
49.41B
Transports routiers de fret de proximité
49.41C
Location de camions avec chauffeur
52.29A
Messagerie, fret express
52.29B
Affrètement et organisation des transports
52.10B
Entreposage et stockage non frigorifique
53.20Z
Autres activités de poste et de courrier
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JUIN 2012 /// ACTEURS URBAINS
les exigences d’établissement obligent une présence physique sur le territoire français pour les entreprises actives en France. À ce siège, bureau ou agence, elles y conservent leurs documents réglementaires obligatoires.
Capacité professionnelle refondue Avec la capacité financière, le principal changement intervenu dans les conditions d’accès et d’exercice concerne la capacité professionnelle. À compter du 1er juillet 2012, les entrepreneurs du transport léger devront suivre une formation de 105 heures (trois semaines) validée par un examen final. Jusqu’à cette échéance, seule une formation de 70 heures suffit suivie d’un questionnaire à choix multiples (QCM) débouchant sur un justificatif de capacité. « Cette délivrance est systématique sauf manque d’assiduité », critiquent les organisations professionnelles. Plus musclé, le nouvel examen comprend des études de cas et un QCM qui permettent d’obtenir une Attestation de capacité de transports légers. Quelques diplômes sont admis en équivalence comme le bac « pro » Transport ou la formation de l’École Supérieure des Transports (EST). « Tout détenteur d’un justificatif de capacité de transporteur léger n’ayant pas exercé depuis plus de cinq ans
devra passer une formation de 35 h pour réactualiser ses connaissances », précisentelles. De son côté, le programme de formation contient des éléments généraux sur la gestion d’une entreprise, le calcul d’un prix de revient en particulier, le droit du travail et du commerce avec des développements plus importants sur le droit des transports et la sécurité routière. L’IFRAC, l’AFT, Promotrans et Forget sont les quatre organismes et écoles spécialisées agréés à ce jour pour conduire la nouvelle formation et organiser l’examen final. « L’attestation transport léger permet à son titulaire de s’enregistrer au registre du commerce et des sociétés (RCS) ou au répertoire
PARIS. La capitale est le terrain d’une concurence pas toujours saine entre flottes propres et privées, vrais transporteurs et faux livreurs. Des contrôles sont réclamés.
des métiers (RM), et d’obtenir son numéro KBIS sous un code NAF transport. Grâce à cet enregistrement, l’entrepreneur peut demander auprès de la DREAL de sa région ses licences de transport et son inscription au registre des transporteurs de marchandises et loueurs* », explique Stéphane Choquet. Élément de contrôle de la capacité financière, chaque licence délivrée correspond à un véhicule et une copie certifiée conforme et numérotée (voire l’original déconseillé) doit se trouver à bord, la licence mère devant rester dans l’entreprise. À noter que l’exercice du transport léger par une entreprise non inscrite au registre des transporteurs de marchandises est un délit
LES PRINCIPAUX TEXTES À RETENIR En sus des références réglementaires citées dans l’article ci-contre, le transport routier léger pour compte d’autrui est une activité commerciale soumise aux textes généraux ou spécifiques des Codes des transports, civil, du commerce et du travail. Présents pour certains dans le Code des transports, s’appliquent plusieurs textes spécifiques au secteur du transport routier de marchandises dont : • Loi d’Orientation des Transports Intérieurs (LOTI). • Loi Gayssot du 6 février 1998 qui oblige notamment l’inscription au registre des transporteurs de marchandises et loueurs*. La course urbaine est soumise
à cette obligation depuis le 1er janvier 2007 conformément aux articles 24 et 25 de la loi n° 2006-10 du 5 janvier 2006. • Les contrat-types généraux marchandises, sous-traitance, commissionnaire de transport. • La Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires. • L’avenant «Course» n°94 sur le calcul de la rémunération et la feuille de mesure du temps de travail des coursiers, inséré à la Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires. • Les textes relatifs à la responsabilité des donneurs d’ordres (loi du 30 décembre 1982 et décret du 23 juillet
1992) et à la répression des prix abusivement bas (loi n°92-1445 du 31 décembre 1992, loi « Sécurité et modernisation des transports » du 1er février 1995, loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 dite «Raffarin», Ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986 et n° 2000-916 du 19 septembre 2000). • Les textes relatifs aux délais de règlement à 30 jours à date de facture.(loi du 4 août 2008 modifiant l’article du Code de commerce L441-6) et à la répercussion carburant (loi n° 2006-10 du 5 janvier 2006). * ou registre des commissionnaires de transport en cas de soustraitance supérieure à 15 % du chiffre d’affaires hors taxes. ACTEURS URBAINS /// JUIN 2012
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En couverture
Transports légers
FINAL. Comme dans la course depuis janvier 2009, le second volet de la réforme engagée dans le transport léger concerne les formations obligatoires des conducteurs et livreurs.
punissable d’un an d’emprisonnement et de 15000€ d’amende.
Forte «mortalité» Poussé par les organismes de placement comme Pôle Emploi jusqu’au financement des formations requises, le transport routier léger public et de courses a toujours été particulièrement accessible aux nouveaux entrants et un moyen de promotion sociale. Revers de la médaille, le secteur souffre d’un taux de mor-
talité très élevé sur fond de forte concurrence des prix. « Plus de la moitié des nouvelles entreprises disparaît en moins de trois ans. En Ile-de-France, cette proportion approche deux sur trois », s’accordent Stéphane Choquet et Lucas Charmel. À la demande des organisations professionnelles, la réforme des nouvelles conditions d’accès et d’exercice vise dès lors à assainir la profession et à mettre fin à des pratiques de sous-tarification, voire de travail dissimulé. Un temps
craint, le régime d’auto-entrepreneur est accessible à la profession de transporteur léger mais sans effet dérogatoire à sur ses conditions d’accès. Inexistant dans le transport selon les DREAL, « ce statut ne dispense ni de l’obligation d’inscription aux registres RCS ou RM et des transporteurs de marchandises tenus par les DREAL, ni de l’attestation de capacité de transports légers à compter du 1er juillet 2012 (ou de l’actuel justificatif de capacité), ni, enfin, aux exigences d’honorabilité, de capacité financière ou d’établissement », clarifie Lucas Charmel. Consacré aux transports légers, le rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable de septembre 2009 précisait déjà l’incompatibilité de ce statut avec la profession de transporteur va plus loin : « Le régime fiscal d’auto-entrepreneur s’avère inadapté à l’accession au métier de transporteur public de marchandises tant en raison du Code de commerce que des textes d’application de la Loi d’Orientation des Transports Intérieurs ».
Équilibrer le rapport de force Le renforcement de l’encadrement réglementaire vise aussi à lutter contre les faiblesses du
TRANSPORT ROUTIER LÉGER : QUATRE ACTIVITÉS Selon le rapport Bourget, référence dans le secteur malgré sa publication déjà ancienne (2005), les activités principales du transport routier léger pour compte d’autrui sont : • Les opérations terminales de messagerie et d’express (livraison de colis à des entreprises ou à des particuliers). • Les tournées urbaines pour approvisionner des commerces ou collecter du fret selon des parcours réguliers. • La course à la demande notamment dans le cadre d’approvisionnement
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JUIN 2012 /// ACTEURS URBAINS
«express» d’industriels, pour de petit tonnage (moins de 30 kg) ou en complément du transport lourd en cas d’urgence. • Le transport rapide ou de petit colis (activité de «coursiers») parfois exécuté en deux roues. À ces quatre activités réalisées majoritairement sur courte distance (moins de 200 km ou à l’intérieur d’une agglomération), quelques entreprises occupent des niches de transport rapide à plus grande distance. Cellesci exploitent la capacité des véhicules légers à circuler jusqu’à 130 km/h sur
autoroute ce qui les rend compétitifs par rapport à l’avion pour les expéditions de faible poids et de grande valeur unitaire. Selon le Conseil général de l’environnement et du développement durable, le nombre moyen de véhicules par entreprise de transport léger pour compte d’autrui est de trois. Estimé à 60 000 véhicules environ, la moitié du parc appartient à des entreprises exploitant 20 véhicules. Mais, dans leur grande majorité, les licences de transport sont détenues par des artisans qui gèrent moins de cinq véhicules, le plus souvent un seul.
transport léger en régulant mieux son offre très supérieure à la demande. Elle est en effet composée « d’un nombre élevé d’entrepreneurs individuels ou de petites entreprises sans organisation commerciale et comptable ». Capable d’exploiter à son profit le jeu de la concurrence, la demande est mieux structurée autour de commissionnaires, expressistes, messagers, gros transporteurs (70 % des donneurs d’ordres environ), et de chargeurs en direct (30 %). L’objectif est donc « de “tirer vers le haut” le niveau des transporteurs, de prévenir l’entrée ou le maintien d’entreprises incapables de respecter la réglementation sociale et de pratiquer une concurrence déloyale, et d’intervenir sur les dérives nuisibles à la sécurité routière et à la sûreté du transport ». Conscient de ces enjeux, le SNTL a créé il y a une dizaine d’années une attestation de compétences et une charte de qualité. « Sur demande et après avoir envoyé les documents nécessaires pour l’année en cours, ce label permet aux chargeurs d’identifier les transporteurs légers qui respectent les réglementations professionnelles, sociales et fiscales », valorise Stéphane Choquet.
Engagements Copies des licences de transport, du justificatif de capacité (et demain de l’attestation de capacité de transports légers), attestation URSSAF, de trésorerie, d’assurance RC, déclaration sur l’honneur contre le travail clandestin sont quelques-unes des pièces exigées pour l’obtenir. « L’entreprise s’engage à respecter en outre plusieurs règles dont les obligations du Code du travail et de la Convention collective nationale des transports routiers, ou et à établir avec ses éventuels sous-traitants assujettis des relations contractuelles conformes aux prescriptions du contrat type sous-traitance ».
COMPTE PROPRE.
Alliance Healthcare Répartition représente près de 27% du marché de la répartition. Elle exploite un parc de 800 véhicules pour 14000 clients pharmaciens .
Selon les données des organisations professionnelles et du ministère des Transports, le transport léger effectué avec un véhicule motorisé de deux à quatre roues de PTAC inférieur à 3,5 tonnes regroupe 16 000 entreprises, 60000 véhicules environ et autant d’emplois. Avec un poids financier de l’ordre de 4 Md€, il représente 10 % du chiffre d’affaires et près de 20 % des effectifs du transport routier de marchandises pour compte d’autrui, tous tonnages confondus. En termes de flotte, la profession concentre à peine 1 % des véhicules utilitaires légers immatriculés en France, soit 5,8 millions (2) dont la quasi-totalité est exploitée en compte propre (transport et hors transport). L’évolution du cadre réglementaire coïncide avec la transformation profonde des besoins de transport, en zone urbaine en particulier. « Développement des ventes du commerce électronique, étalement urbain et nouvelles conditions d’accès aux villes plus restrictives en
termes de taille de véhicules et d’horaires » favorisent le secteur en stimulant la demande de transport léger, selon Lucas Charmel. S’ajoutent des choix logistiques déjà anciens autour de la réduction des stocks et la pratique du juste à temps par les entreprises. Prépondérante dans le transport léger, la part du compte propre offre également un gisement d’activité important par externalisation.
Quid des formations « conducteurs » Dans l’immédiat, seule la course est soumise à une obligation de formation pour ses «conducteurs». Son but : améliorer la sécurité et le professionnalisme des coursiers. En vigueur depuis le 1er janvier 2009, elle comprend une formation initiale principale de 21h, et une formation complémentaire de 14 heures à réaliser dans un délai maximum de six mois après la formation initiale. Débouchant sur une attestation de formation obligatoire, ce cursus s’adresse aux coursiers utilisant un véhicule
motorisé deux roues nécessitant ou non un permis, et quatre roues légers (VL) avec permis B. Pour les autres professions du transport léger, aucune formation «conducteur» n’est exigée à ce jour à l’exception des titres nécessaires à la conduite avec son nombre de points certifié de façon déclarative par le salarié. Repéré, ce vide devrait être comblé d’ici à quelques années. Les organisations professionnelles et les syndicats de salariés concernés ont engagé une réflexion sur le sujet en effet. Comme pour les coursiers, la formation obligatoire envisagée s’adresserait aux chauffeurs conducteurlivreurs légers primo-accédants. « À affiner, les grands thèmes de cette formation, qui se composera d’un volet pratique et d’un volet théorique, sont la conduite rationnelle et la sécurité routière, le cadre réglementaire des transports, la gestion documentaire dont le contrôle et la rédaction des réserves, la sûreté et la relation commerciale », confie Lucas
NOUVELLES FORMATIONS OBLIGATOIRES POUR LES CONDUCTEURS ET LES CHAUFFEURSLIVREURS.
Charmel. La mise en place de chronotachygraphes à bord des véhicules utilitaires légers dans le but de contrôler et respecter les règles relatives au temps de conduite oppose, pour l’heure, les organisations professionnelles. La marche serait trop haute d’un coup… (1) ou registre des commissionnaires de transport en cas de sous-traitance supérieure à 15 % du chiffre d’affaires hors taxes. (2) Selon la note n° 310 du Commissariat général au développement durable « Véhicules utilitaires légers au 1er janvier 2011 » parue en avril 2012. ACTEURS URBAINS /// JUIN 2012
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En couverture
Transports légers
PASSION. Motard dans l’âme, Philippe Verdiell a fondé à Mougins, en 2007, Riviera Xpress.
COURSES
Vocations et reconversions
Focus sur la région PACA qui abrite une centaine de sociétés de courses en deux-roues. Dans cet univers hétéroclite, prospèrent des créateurs d’entreprise aux profils et aux parcours très variés. Rencontres. PAR YVES RIVOAL
E
«
n l’absence de statistiques officielles, la dénomination société de courses n’existant pas d’un point de vue juridique, il est difficile d’évaluer le nombre d’entreprises spécialisées dans la course urgente en deux-roues dans la région PACA », lance François Quillerier, administrateur et représentant du SNTL dans le SudEst. Il y aurait sur ce marché moins d’une centaine d’acteurs, avec beaucoup de petites structures qui emploient un ou deux salariés, et d’artisans qui travaillent seul à leur compte. Des chefs d’entreprise qui pour certains sont arrivés à la course dans le cadre d’une reconversion. C’est le cas de Philippe Verdiell, 55 ans, qui a fondé à Mougins en 2007 Riviera Xpress, une société de course et de taxi moto. « Après mon 28
JUIN 2012 /// ACTEURS URBAINS
bac, j’ai commencé à travailler dans le secteur de la parfumerie à Grasse. En 2007, alors que j’étais l’adjoint d’un responsable de service, avec sous ma responsabilité une vingtaine de personnes, j’ai été licencié dans le cadre d’une délocalisation. »
Très vite, Philippe Verdiell comprend qu’à 50 ans, il devra créer son propre emploi. « Étant passionné de moto depuis mon plus jeune âge, j’ai eu cette idée de lancer une société spécialisée dans la course et le taxi moto. J’ai été
consulter le centre de promotion des entreprises de Grasse qui m’a aidé à rédiger mon business plan et à constituer mon EURL. Ce soutien a été très important. Sans cela, je ne me serais probablement pas lancé dans l’aventure. »
AUTO-ENTREPRENEUR : UNE AUTRE CONCURRENCE En région PACA comme ailleurs, des auto-entrepreneurs ont investi le marché de la course. En toute illégalité. C’est le cas de Florent qui a opté pour ce statut après avoir été contraint en 2001 de fermer les portes de sa première entreprise qui employait alors deux coursiers. «Le ralentissement de l’activité, les charges à payer, les ennuis mécaniques, les assurances qui coûtent très cher, le personnel qui n’entretient pas les scooters, j’avais
tout arrêté car je n’arrivais plus à faire face à mes échéances.» Alors, quand en 2009, il décide de retenter sa chance, c’est cette fois sous le statut d’auto-entrepreneur. « Aujourd’hui, je travaille seul, pour une vingtaine de clients réguliers et une trentaine d’occasionnels, en me limitant aux courses rapides dans ma ville pour le compte de commerçants, de prothésistes, de cabinets comptables… Je suis sur le scooter du lundi au vendredi, de 7 h à 19 h, et sur le plan de la
rémunération, je suis au maximum ce que permet le statut d’auto entrepreneur. » Un statut qui lui donne un avantage concurrentiel notable face à ceux qui ont choisi de respecter la législation. « Je ne paie des charges, limitées à 23 %, que lorsque je me rémunère. Grâce à cela, je peux m’accorder des temps de pause alors que si je devais repasser en société, je devrais travailler plus et serais probablement plus stressé. » Les concurrents apprécieront…
Sofien Idiri, 32 ans, a lui effectué toute sa carrière dans l’univers de la course avant de fonder à Marseille en 2001 Depann Courses. « Je suis arrivé dans ce métier un peu par hasard », raconte cet ancien pensionnaire du sport-études football de l’OM qui a vu son rêve de devenir footballeur professionnel se briser à la suite d’une double fracture tibia péroné à l’âge de 17 ans. « Lorsque j’ai obtenu mon BEP de métallerie, j’ai commencé à chercher du travail dans ce secteur pour m’entendre dire que je manquais d’expérience… Alors, après six mois de recherches infructueuses, j’ai décidé de suivre le conseil d’amis qui étaient coursiers. Comme j’adore la vitesse, je me suis acheté un scooter pour intégrer l’équipe de Marseille Courses, en considérant ce métier plus comme un jeu que comme un travail. » Au bout de deux ans, Sofien Idiri quitte son poste pour passer l’examen d’entrée aux marins pompiers de Marseille. Recalé, il décide alors de fonder sa propre société de courses. Nous sommes alors en 2001, le jeune homme a 21 ans. « La création de l’entreprise ne m’a rien coûté ou presque, puisque j’avais déjà mon scooter, se souvient-il. Il a simplement fallu que j’investisse dans une ligne téléphonique mobile et un ordinateur pour pouvoir établir mes factures. Et comme j’ai choisi le statut d’entreprise individuelle, j’ai pu démarrer l’activité chez mes parents. » Pour financer les 17 000 € nécessaires à l’achat de sa Yamaha 1300 FJR, une moto polyvalente qui permet de transporter des passagers en toute sécurité et des colis jusqu’à une vingtaine de kilos, Philippe Verdiell a dû, lui, passer par un crédit-bail auprès d’une banque. « Tout le reste, le petit matériel, l’ordinateur et le site Internet, que j’ai fait concevoir par un professionnel, on été autofinancés par ma prime de licenciement. » Une prime de licenciement dans laquelle il
RECALÉ, IL DÉCIDE ALORS DE FONDER SA PROPRE SOCIÉTÉ DE COURSES.
ENDURANT. Maxime le Nocher a parcouru 21 000 km à vélo dans Nice intra-muros, l’an passé. va devoir piocher les deux premières années, faute de pouvoir sortir un salaire.
Un décollage rapide Pour Sofien Idiri, le décollage a été beaucoup plus rapide. « Au départ, j’ai commencé à travailler en sous-traitance pour mon ancien employeur : Marseille Courses. Deux ou trois clients m’ont très vite fait confiance, et le bouche-à-oreille a fait le reste. Au bout de six mois, j’ai pu commencer à me payer.» Pour faire face à la croissance de son activité, il embauche même un premier coursier, puis un second…
Tant et si bien qu’en 2008, il se retrouve à la tête d’une entreprise qui emploie sept salariés. Mais comme beaucoup d’autres, Sofien Idiri n’a pas vu venir la crise. « J’ai commencé à perdre des clients qui représentaient un gros chiffre d’affaires. Ajoutez à cela des problèmes avec ma comptable et le fait que par méconnaissance, j’avais tendance à confondre bénéfice et chiffre d’affaires… j’ai été contraint de licencier six salariés, pour n’en conserver qu’un seul. » Ce changement de cap brutal, couplé à une baisse drastique de sa rémunération, lui permet de se maintenir à flot et d’apercevoir deux ans plus tard le bout du tunnel. De ces années de galère, Sofien Idiri a tiré les leçons. « Aujourd’hui, je ne me prends plus la tête. Pour servir ma vingtaine de clients réguliers, je m’appuie sur mon ouvrier et sur deux ou trois sous-traitants que je paye sur facture. Et si je n’ai pas encore
réussi à retrouver mon salaire d’avant la crise, j’arrive à nouveau à me payer correctement et régulièrement. » Après deux premiers exercices difficiles, Philippe Verdiell a, lui aussi, trouvé son rythme de croisière avec une soixantaine de clients réguliers. Il réalise 65 % de son chiffre d’affaires sur la course et 35 % sur le transport de personnes, une activité saisonnière dynamique pendant le festival de Cannes et à la belle saison. « Et comme je suis inscrit au registre des transporteurs de marchandises, il m’arrive aussi d’assurer des livraisons d’urgence à moto et en véhicule léger sur toute la région PACA. » Grâce à cette offre de services, Philippe Verdiell arrive à couvrir toutes ses charges et à se verser un
CRITIQUE. François Quillerier le
note : dans sa région, seules 30 % des sociétés sont pérennes.
À VÉLO, « ON DÉPASSE LES AUTOS »… À Nice, les automobilistes, les chauffeurs de bus et les policiers le connaissent. Il faut dire qu’avec sa tenue jaune fluo et son vélo, Maxime le Nocher ne passe pas inaperçu. Depuis deux ans, cet ancien chef de cuisine, qui a exercé dans des palaces prestigieux en Suisse, au Canada et en Angleterre, écume en effet les rues de la ville pour livrer les plis urgents de ses clients. « Après la naissance de ma fille en 2009, nous avons décidé avec ma femme de nous installer à Nice pour nous rapprocher de sa famille, raconte ce Nantais d’origine de 33 ans. J’ai donc vendu les parts
de mon restaurant en HauteSavoie et essayé de trouver un métier qui me permette d’avoir une vie de famille plus épanouie. » Une idée lui vient très vite à l’esprit. « Au Canada et en Suisse, j’avais été frappé par le nombre de coursiers à vélo qui venaient chercher des lunch box dans le restaurant où je travaillais. » Après avoir «testé» le métier auprès d’un coursier à vélo à Genève, il décide dès son arrivée à Nice fin 2009 de lancer le Coursier Azuréco. « Lorsque j’ai débarqué, je ne connaissais pas une rue. La première semaine, j’ai dû faire 600 km pour me familiariser avec la
topographie de la ville, et rien que le premier mois, j’ai dû démarcher près de 400 entreprises. » Deux ans plus tard, Maxime le Nocher peut se targuer d’avoir trouvé la bonne recette auprès de ses 35 clients qu’il gère au guidon de son vélo, tout en gardant un œil sur les dangers qui guettent. « Lorsque vous parcourez en moyenne 80 km par jour à vélo dans une ville comme Nice, où les gens se garent en double file et oublient régulièrement le clignotant, vous vous faites des frayeurs. Je suis déjà tombé une fois, et je ne compte plus les portières évitées au millimètre… » ACTEURS URBAINS /// JUIN 2012
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En couverture
Transports légers
salaire équivalent à celui qu’il percevait dans la parfumerie. Regardant vers le futur, Sofien Idiri affiche sa prudence. « J’envisage cette année de passer en EURL. Pour le reste, je ne sais pas de quoi l’avenir sera fait car je n’ai pas encore réussi à reconstituer une trésorerie solide. Et je n’oublie pas non plus que l’essence augmente… Tout ce que je sais, c’est que je n’ai plus envie de faire grandir l’entreprise afin de ne pas refaire les mêmes erreurs que par le passé. »
Prudence, prudence... Même vigilance chez Philippe Verdiell. « Je garde les pieds sur terre et me remets en question tous les jours. Car même si la crise n’a pas trop entravé le développement de mon activité, je sais que rien n’est acquis et qu’il faut sans cesse améliorer le service pour satisfaire et fidéliser les clients. » Cette prudence trouve aussi sa source dans la baisse du prix de l’unité de course, un phénomène attisé par des acteurs qui exercent leur activité en toute illégalité, sans être inscrits au registre du commerce et des sociétés et au registre des transporteurs, une double obligation qui en théorie empêche d’exercer le métier en tant qu’auto-entrepreneur. «Tous ces acteurs, partout en France, et pas uniquement dans la région PACA, précise François Quillerier, introduisent une concurrence malsaine par rapport aux entreprises qui jouent le jeu. À titre d’exemple, pour payer ses charges, gagner normalement sa vie et dégager une marge correcte, il faudrait vendre l’unité de course à Marseille entre 5,50 € et 6,50 €. Or vous avez des coursiers qui la vendent à 3 €. Il ne faut donc pas s’étonner que sur dans la région, 30 % seulement des structures soient pérennes. Toutes les autres meurent dans les deux ou trois ans. Si on continue comme cela, il ne restera bientôt plus grand monde dans cette profession ». 30
JUIN 2012 /// ACTEURS URBAINS
ATTENTIFS. Les chefs
d’entreprise lors de l’assemblée générale du SNTL, fin janvier, à Paris.
PROFESSION
L’accès au marché devenu plus rude Toutes les entreprises qui font du transport léger, majoritairement actives en ville, doivent se fondre en 2012 dans le cadre strict du Paquet routier européen. La professionnalisation du secteur fait des heureux. PAR BENOÎT BARBEDETTE
Synthèse des principales nouveautés applicables en 2012 Avant
Après
• Trois exigences d’accès à la profession : honorabilité professionnelle, capacités financière et professionnelle
• À ces exigences s’ajoute celle d’établissement en
• Attestataire de capacité
• Gestionnaire de transport
• Satisfaction à l’exigence de capacité professionnelle par examen ou par reconnaissance de l’expérience professionnelle ou par équivalence de diplôme
• Satisfaction à l’exigence de capacité professionnelle principalement par examen. Accès direct par diplôme figurant sur liste fermée
• Justificatif de capacité professionnelle pour le transport de marchandises avec des véhicules de –3,5 tonnes de PMA délivré après le suivi d’un stage
• Attestations de capacité professionnelle délivrées après formation et examens spécifiques pour le transport de - 3,5 tonnes
• Entreprises de transport tenues d’envoyer leur bilan uniquement sur demande écrite de l’administration et de lui adresser par an une fiche de calcul de leur capacité financière.
• Entreprises de transport tenues d’envoyer leur liasse fiscale chaque année.
• Capacité financière pour les transporteurs (véhicules de – 3,5 tonnes) : 900 euros pour tous les véhicules.
• Capacité financière pour les transporteurs (véhicules
France
de – 3,5 tonnes) : 1800 euros pour le premier véhicule puis 900 euros pour les suivants.
P
aquet routier ? La terminologie peut sembler absconse. Mais dans l’univers du transport routier de marchandises, du petit colis de 20 kg au lot complet de 25 tonnes, l’application du « paquet routier » en 2012 n’est pas anodine. Le texte encadre l’accès et la pratique du métier de transporteur jusque dans le cœur des villes, là où parfois des « transporteurs » à la sauvette le pratiquent en dehors des clous réglementaires. Dans le moins de 3,5 tonnes, il apporte des «changements majeurs», assurent les pouvoirs publics, avec une réglementation plus drastique visant l’accès à la profession et les conditions d’exercice. Le ticket d’entrée est désormais plus sévère pour les « petits patrons», avec une date butoir au 30 juin pour les entreprises à qui il manquerait l’une des exigences d’accès à la profession. Professionnalisation rime avec moralisation. À l’origine, le Paquet routier européen est constitué de trois règlements européens 1071/ 2009, 1072/2009 et 1073/2009 du 21 octobre 2009. Il a été transposé en France par décret 2011/2045 le 28 décembre 2011. Il s’applique à toute entreprise de transport, quel que soit le véhicule motorisé. L’autorisation d’exercer le métier est subordonnée à trois exigences d’honorabilité professionnelle et de capacités financière et professionnelle. Pour la capacité financière, l’augmentation à 1800 euros pour le premier véhicule (contre 900 euros auparavant) ajoute une difficulté supplémentaire (rappelons qu’elle est de 9000 euros pour le premier véhicule et de 5000 euros pour les suivants dans le transport de plus de 3,5 tonnes). L’exigence d’établissement (à partir de deux véhicules) est une autre contrainte. C’est-à-dire que l’entreprise doit disposer en France de locaux abritant des documents, des équipements administratifs et un centre
d’exploitation. Et cela afin de mettre fin aux seules « boîtes à lettre » et adresses fictives. Autre obligation : la formation professionnelle des entrepreneurs. Le stage passera de 70 à 105 heures, à compter du 1er juillet, dont la moitié du temps consacrée à la gestion financière. L’idée est de donner des bases de gestion et de comptabilité aux nouveaux dirigeants. Avec cette réglementation apparaît le « gestionnaire de transport » (qui
LA LOI TELLE UN SAS EN RÉGLEMENTANT LES ACCÈS AU MARCHÉ ET À LA PROFESSION. désigne le titulaire de la capacité financière, porteur de l’honorabilité professionnelle). C’est une nouveauté (voir tableau de synthèse page 30). En conséquence, le métier de transporteur urbain se dirige tout droit vers la « professionnalisation ». Y compris dans l’univers urbain, lieu de certaines dérives. «À Paris, à Lyon, à Marseille, le travail illégal est une réalité », dit-on à la FNTR. Les organisations professionnelles (FNTR et SNTL) ont salué cette évolution. « C’est aussi une façon de sensibiliser les donneurs d’ordres à leur coresponsabilité », dit-on au SNTL. Désormais, les contrôles sont attendus sur le terrain. Ils doivent porter sur l’inscription au registre du transport routier de marchandises pour compte d’autrui, les documents obligatoires à bord du véhicule, le livret individuel de contrôle. Avec en ligne de mire les éventuelles surcharges et la lutte contre le travail dissimulé. Deux travers notoirement connus dans le milieu urbain. ACTEURS URBAINS /// JUIN 2012
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PROFIL
The Green Link (TGL), petite Sarl créée en 2009, développe la distribution de proximité avec des triporteurs de 2 m3. MICHAËL DARCHAMBEAU vend et défend le concept avec élan. PAR BENOÎT BARBEDETTE.
The Green Link L’esprit start-up
D
u haut de son 1,95 m, Michaël Darchambeau observe nonchalamment le ballet des coursiers. L’agitation se fait sans bruit, dans ce local de 300 m2 en fond de cour, sous les fenêtres des particuliers, à deux pas de la gare de l’Est, dans Paris. Chacun des coursiers prépare l’itinéraire de sa tournée, trie les colis dans l’ordre de passage (poids moyen de 5 à 6 kg), remplit méthodiquement la caisse de 2 m3, bichonne son « trike ». Il est 8 h. 22 tournées sont inscrites au planning, représentant un bon millier de colis à distribuer dans un « triangle » entre la gare de l’Est, la place de la Concorde et la Bastille. Les 24 triporteurs de The Green Link partent en cadence et en silence vers leurs destinataires. Ils feront entre 8 et 15 km dans la journée. Le jeune P-dg (31 ans), d’origine belge, peut se définir comme un « transformateur de la ville ». « Nous faisons du développement durable à petite échelle », assure celui qui se dit spécialiste des énergies renouvelables et ingénieur en gestion. Avec conviction, Michaël Darchambeau a fait entrer The Green Link dans le paysage urbain parisien. Fin 2009, avec deux autres entrepreneurs, il a monté cette affaire, au format Sarl. Un capital initial de 10000 euros et un crédit de trésorerie ont alimenté la pompe financière. Au début 2012, le fonds d’investissement Pole Capital, basé à Paris, a rejoint l’entreprise, en devenant le quatrième actionnaire (minoritaire). « Nos fonds propres s’avèrent logiquement
L’APPORT DU FONDS POLE CAPITAL EST DOUBLE : FINANCIER ET STRATÉGIQUE. 32
JUIN 2012 /// ACTEURS URBAINS
limités. Pole Capital nous apporte des moyens supplémentaires pour financer nos projets informatiques et l’ouverture d’autres bases », reconnaît Michaël Darchambeau. Le soutien se veut autant financier que stratégique. Pour la startup, c’est un coup d’accélérateur. « Pole Capital apporte aussi de la crédibilité vis-à-vis des banques et des clients », assure celui qui reste l’actionnaire majoritaire.
Cinq clients réguliers
Le « business model » de TGL est élémentaire : vendre de la distribution en triporteur sur le modèle des tournées. Le matin, priorité à l’express/messagerie; le midi, place à la pharmacie et aux livraisons de jour; le soir, action sur les re-livraisons BtoC. « À l’origine, il y a une intuition et un parti pris écologique. Nous avons démarré sans véritable test », assure le pionnier. Le premier client a été TNT Express. Malgré ce soutien d’envergure, l’entreprise a dû trouver ses marques. Se positionner sur le marché en termes de tarifs. Le «pricing» a été réalisé sur la base du coût de revient estimé (le premier poste étant logiquement celui du personnel). « Nos gains de productivité de livraison sont plus élevés que ceux avec un véhicule classique. Le vélo peut stationner sur les trottoirs, circuler sur les couloirs de bus et les pistes cyclables », reven-
TRICYCLE. Michaël Darchambeau juge ce véhicule parfaitement adapté aux contingences urbaines.
dique le patron. Lequel a « mouillé le maillot » au début, au sens propre du terme. L’entrepreneur a commencé au guidon d’un triporteur, dans les rues de Paris. Pendant un an, il s’est frotté aux couloirs de bus encombrés, aux faux plats, aux klaxons des automobilistes trop pressés… L’école de la rue, quoi ! Puis il a troqué la combinaison pour le costume. Désormais, le Belge concentre son énergie sur le développement et le commerce. L’entreprise compte cinq clients : TNT Express, Fedex, Groupe Casino, Eurodep et Saveurs & Vie (groupe Sodexho). Le chiffre d’affaires en 2011 a atteint 600000 euros (après avoir été de 350000 euros lors du premier exercice). Le taux de service (colis livrés dans les délais sans incident) est mesuré en permanence et affiché. Entre 96 et 98 %. The Green Link compte aussi Coca-Cola parmi ses références, pour des opérations ponctuelles de promotion sur tricycle en faveur du... tri sélectif écologique, dans des centres-villes.
nouveau. Le but : aider les coursiers à optimiser leurs tournées et leurs livraisons. L’entreprise emploie 33 salariés, tous en CDI. Un contrat à durée indéterminée, vendu comme un atout, qui séduit les candidats et rassure les salariés sur la pérennité de l’entreprise. « Le recrutement n’est pas un problème. Tous nos coursiers ont une sensibilité à l’environnement et l’esprit de liberté… ». Mais Michaël Darchambeau reconnaît que le turnover est élevé. À ses côtés, un manager opérationnel et un directeur commercial forment l’encadrement. Le grand projet est de constituer un réseau. Une nouvelle base sur la rive gauche parisienne sera bientôt mise en place, à proximité de la Seine. Et demain dans une autre ville ? Pourquoi pas ? Michaël Darchambeau donne de sa personne quand il s’agit d’expliquer la genèse et l’originalité du concept. L’homme ne craint pas la lumière des médias. « Faire savoir son savoirfaire demeure une valeur sûre dans le monde des affaires », aimait à dire Jean-Luc Lagardère, grand capitaine d’industrie au temps de Matra. Le jeune dirigeant parie donc sur la communication et incarne en toute occasion The Green Link, avec ce credo dicté par Pole Capital : «ancien métier, nouvelle approche ». Mettant en avant la jeunesse du projet et l’esprit startup, il fait des apparitions dans des émissions de télé consacrées à la logistique urbaine et au transport écologique, sur BFM et LCP (La Chaîne Parlementaire). Les images sont reprises sur le site internet (très bien fait !) de l’entreprise. Misant sur la notoriété, il a exposé pour la première fois au dernier SITL, fin mars 2012, et intégré en 2011 le Club du Dernier Kilomètre de Livraison (CDKL), qui réunit une trentaine de parlementaires et des partenaires privés. Marc Teyssier d’Orfeuil, le délégué général du Club, souligne : « Nous avons en effet trouvé originale la démarche de The Green Link, qui s’inscrit complètement dans un mode écologique. Et le jeune homme ne manque pas d’enthousiasme ».
THE GREEN LINK EN QUATRE DATES • 2009 : création de la Sarl The Green Link en novembre. • 2010 : premier exercice ayant généré 350 000 E de revenus et 32000 E de pertes. • 2011 : adhésion au Club CDKL. • 2012 : nouvel actionnaire avec le fonds Pole Capital.
TOURNÉES. Dans le local de 300 m2, les coursiers préparent leur distribution, sur 8 à 15 km dans Paris.
Que des CDI !
Les véhicules sont assistés électriquement. Ils peuvent embarquer jusqu’à 300 kg. « C’est un outil vraiment fait pour la ville ». Chaque coursier a son PDA pour valider les livraisons. Les tournées seront bientôt organisées par un nouveau logiciel maison, doué d’un algorithme ACTEURS URBAINS /// JUIN 2012
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KIALA
OPÉRATEUR
Points relais Quatre réseaux en concurrence
Dopé par le e-commerce, le marché de la livraison en points de retrait se professionnalise. Il est dominé par quatre enseignes, opposant les acteurs historiques liés à leurs maisons mères spécialisées dans la VAD et les nouveaux réseaux adossés à des expressistes. PAR BRUNO MOULY
P
ratique, souple, rassurante. L’alternative à la livraison directe à domicile, qui consiste à retirer un colis commandé sur Internet chez le commerçant du coin (le point relais) offre des avantages qui font de plus en plus d’adeptes. « La proximité du retrait, l’amplitude d’ouverture tôt le matin et tard le soir des points relais et leur ouverture le samedi permettent notamment aux actifs citadins souvent hors de leur domicile, d’avoir l’assurance de la livraison du colis et le loisir de le retirer à tout moment » explique Paul Ambroise Archambaud, fondateur et directeur général de Pickup
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JUIN 2012 /// ACTEURS URBAINS
Services, réseau de point relais appartenant à Geopost (groupe La Poste) et partenaire exclusif de Chronopost International. « Cette alternative est de plus en plus demandée par les consommateurs citadins. Aujourd’hui, les internautes ont tendance à choisir les deux modes de livraison, même si la livraison directe à domicile reste prédominante », ajoute Guillaume Guercing, responsable des marchés stratégiques à la direction marketing de Chronopost.
Concurrence ouverte
La bataille fait rage entre les opérateurs du nouveau marché de la livraison en points de retrait. Le secteur confronte
quatre réseaux principaux aux spécificités symétriques différentes. D’un côté, Relais Colis, filiale assimilée à La Redoute et Mondial Relay filiale de 3 suisses International, font figure d’acteurs historiques liés à des spécialistes de la VAD. Ils se confrontent à deux nouveaux réseaux Pickup Services et Kiala, qui ont misé dès le départ sur l’informatisation de leurs réseaux. Cela, afin d’apporter une réelle valeur ajoutée en qualité de service et en traçabilité des livraisons pour répondre aux exigences logistiques accrues de leurs clients, les e-commerçants et les opérateurs de téléphonie mobile et de packs Internet/Télévision à haut débit. « Pickup Services a été créé en 2000 sur le constat de la généralisation des livraisons du e-commerce, de l’existence de réseaux de point relais historiques fermés car captifs de leurs maisons mères comme Relais Colis et Mondial Relay, avec des gestions des livraisons débouchant sur une faible qualité de service, par manque d’informatisation», expose Paul Ambroise Archambaud. L’idée était donc de créer un réseau informatisé ouvert, au niveau des standards et des exigences de qualité logistique des nouveaux acteurs du e-commerce. « La puissance de l’informatique dans la logistique apporte une performance dans la gestion des flux de livraison » estime le dirigeant. Mais contrairement à Kiala
BRUNO MAZODIER DR
RELAIS COLIS. L’enseigne revendique 25 millions de colis livrés par an et deux millions à domicile, avec quatre hubs nationaux, 27 agences régionales et 4 000 commerçants.
PICKUP SERVICES. 5 500 points au total programmés à la fin 2012.
LES INTERNAUTES ONT TENDANCE À CHOISIR LES DEUX MODES DE LIVRAISON, EN DIRECT ET POINT DE RETRAIT.
(lancé en 2001 en Belgique avec 100 points relais) qui s’adresse directement aux entreprises, Pickup Services a fait le choix de fournir son système informatique à des transporteurs dotés de réseau, pour pouvoir à leur tour, toucher les entreprises. « En 2006, nous avons trouvé un partenaire Altadis qui offrait ses réseaux de bureaux de tabac et de presse. Le groupe était intéressé de créer un trafic commercial de produits hors tabacs dans ses points de vente. On a alors décidé en partenariat avec Altadis de développer le réseau à 2 pas qui s’appuyait en partie sur les bureaux de tabac », note Paul Ambroise Archambaud. En 2007, pour contrer les réseaux historiques existants de Relais Colis et Mondial Relay, Pickup Service ouvre le même nombre de points de retrait, et trouve environ 3 000 commerçants.
Mondial Relay et de Presstalis, « que nous avons professionnalisés en apportant une plateforme technologique centrale de gestion des livraisons pour laquelle nous avons investi 25 millions d’euros ! » affirme Denis Payre, P-dg et fondateur de Kiala.
Désaccord stratégique
Pour assurer la logistique des livraisons, Kiala a trouvé des partenaires comme Geodis et d’autres expressistes. Il a doté, comme Pickup Services, tous ses commerçants relais de terminaux PDA, leur permettant de gérer les encours de colis et la remontée d’informations automatiquement. En 2009, en raison d’un désaccord stratégique avec Altadis et Pickup Services se séparent. Ce dernier suscite la convoitise de Geopost amené par Chronopost. Geopost qui a compris à la
Simultanément, Chronopost devient son premier client, via France Telecom. « Il fallait faire travailler des points relais au rythme de l’express, à l’aide d’une gestion informatique puissante et centralisée des flux de livraisons. Notre pari a réussi avec la livraison et l’échange des téléphones mobiles et des live Box d’Orange » se souvient-il. Pendant ce temps, Kiala se lance en France en utilisant sur les réseaux de
STRUCTURE DES COÛTS (EN €)
La livraison à domicile demeure majoritaire, à plus de 60%. Mais les points relais gagnent en notoriété et en clients.
NOMBRE DE SITES MARCHANDS
Cette structure de coûts comparative résulte d’une étude de 2009 réalisée par un étudiant de la Sorbonne, M. Mandron.
Source : FEVAD
Source : Mémoire Sorbonne
Source : FEVAD
ACCÈS AUX PARTICULIERS
WALTER BARROS
Les indicateurs toujours sous contrôle de la vente à distance
Voici les chiffres indiquant la croissance régulière des sites e-marchands, favorable au développement des points relais. ACTEURS URBAINS /// JUIN 2012
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fois la compétence technologique et opérationnelle de Pickup Services et la montée en puissance du e-commerce, le rachète. De son côté, Kiala «récupère» en 2011 le réseau à 2 pas d’Altadis, dépourvu de gestion informatique. Entre-temps, les deux réseaux historiques Relais Colis et Mondial Relay se sont également agrandis et informatisés. Ils ont surtout la particularité d’être deux réseaux intégrés de l’ensemble de la chaîne logistique des livraisons aux particuliers, disposant de leurs propres hubs de préparation de commandes et de distribution, soit 21 agences régionales pour Relais Colis et 25 agences pour Mondial Relay, ainsi que de leurs propres moyens de transport. Aujourd’hui à la tête d’un nombre de points relais similaires en France (4 400 pour Kiala, 4 000 pour Relais Colis, 4 400 pour Pickup Services, 4 300 pour Mondial Relay), les réseaux ne sont cependant pas au même niveau de volumes de livraisons. Avec « 26 millions de colis livrés en 2011 dans ses points relais » selon Mourad Bensadik, directeur général du réseau Relais Colis, qui revendique « 48 % de parts de marché en nombre de colis et le leadership du marché derrière La Poste ». Il est suivi de Mondial Relay qui a livré « 24 millions de colis en 2011 » selon Antoine Pottiez, directeur général. Kiala aurait livré l’an dernier plus de 12 millions de colis et Pickup Services en a opéré 8 millions. Chronopost International survole tout ce petit monde en s’appuyant sur les 4 400 points relais de Pickup Services et sur ses 10 000 bureaux de poste, « des points d’instance où les particuliers peuvent aller chercher leur colis en cas d’absence à leur domicile » d’après Guillaume Guercing.
COLORS
LA DENSITÉ DU RÉSEAU DÉPEND DE LA RÉPARTITION DE LA POPULATION.
DANIEL BESIKIAN
OPÉRATEUR
Rentabilité en question
La photographie du marché n’est pas figée. Elle peut fluctuer en fonction du nombre de clients ou de contrats scellés avec les web marchands parmi lesquels tous les grands noms du e-commerce Amazon, Cdiscount, Pixmania, Venteprivée.com, Showroom.com… attribuent leurs livraisons aux quatre principaux 36
JUIN 2012 /// ACTEURS URBAINS
Denis Payre (P-dg fondateur de Kiala).
réseaux, ainsi que les opérateurs de téléphonie mobile Free, Orange, Bouygues Telecom ou SFR. Surtout, chaque réseau souhaite parfaire son maillage de points de vente en fonction de la croissance attendue des volumes. Pickup Services prévoit en tout 5 500 points fin 2012 et Relais Colis envisage d’en créer 3 000 de plus d’ici à 2013. Mondial Relay et Kiala comptent également développer leur réseau. « Il ne s’agit pas d’une course au nombre de points relais mais d’ajuster son réseau et sa densité en fonction de la répartition de la population », indique Guillaume Guercing, de Chronopost, qui a transformé le réseau de Pickup Services en marque commerciale Chrono Relais. Il s’agit aussi pour chacun des réseaux de trouver la rentabilité économique. Elle se calcule selon le nombre moyen de colis livrés par point relais et par jour. « Les
Mourad Bensadik (Dg de Relais Colis).
acteurs historiques ont le gros désavantage de devoir assumer seuls les coûts fixes de leur réseau. Nous parvenons à être rentable plus tôt qu’eux grâce à notre stratégie de limitation de stock chez nos commerçants, avec 10 colis livrés par jour par point relais contre 25 colis en moyenne pour les autres réseaux », veut préciser Paul Ambroise Archambaud. Le paysage du marché pourrait également changer de façon capitalistique. En rachetant Kiala et TNT, UPS bouscule le marché de la livraison à domicile. « UPS pourrait se désengager de notre réseau concurrent Relais Colis sur lequel s’appuie TNT. Cela démontre les velléités des expressistes sur notre marché », expose Mourad Bensadik. « Certains acteurs historiques, filiales de spécialistes de la VAD en difficulté, pourraient être vendus », conclut Denis Payre. C’est l’heure des grandes manœuvres.
CROISSANCE SOLIDE SOUS SURVEILLANCE Selon une étude de la Cevad, organisme qui anime un réseau de boutiques Internet, la croissance des livraisons en points relais a augmenté de 7 % entre 2009 et 2010. « Ce mode de livraison indirecte représente désormais 52 % des souhaits des consommateurs » indique Mourad Bensadik, directeur général du réseau Relais Colis, appartenant à Redcats (groupe PPR). Du coup, conscients des avantages des points de retrait, les web marchands
proposent de plus en plus cette alternative pour les livraisons des commandes. « Quelques clients e-commerçants commencent à passer le cap de 50 % de la totalité de leurs livraisons en point relais », confirme Denis Payre, P-dg et fondateur du réseau Kiala, racheté par l’américain UPS. Avec une croissance annuelle moyenne de l’ordre de 20 % du e-commerce en France, les réseaux de point relais voient un bon potentiel de progression. D’autant qu’ils partent
de loin et que le coût des livraisons en points relais est « deux à trois fois moins cher pour les opérateurs que celles directement délivrées à domicile », selon Paul Ambroise Archambaud. Sur ce marché, la livraison directe à domicile représente 65 % des volumes du BtoC assurée essentiellement par La Poste, les livraisons en points relais en constituent 25 % et environ 10 % sont traités par les principaux expressistes : TNT, Chronopost et UPS.
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DISTRIBUTEUR
fait le choix de la proximité
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ATOL
La coopérative d’opticiens produit désormais ses lunettes en France et non plus en Chine. Une relocalisation industrielle bénéfique à la fois du point de vue commercial et logistique.
A
tol. La seule évocation de ce nom fait rêver. On s’imagine dorant sur une de ces îles paradisiaques du Pacifique en lunette de soleil et chemise à fleurs. Un peu comme Antoine, le chanteur yéyé devenu navigateur, égérie, tout comme le mannequin star Adriana Karembeu, des campagnes publicitaires de cette enseigne d’optique, la quatrième du marché français. Si le groupement coopératif a souvent choisi l’exotisme pour sa communication, peu savent encore qu’il préfère le Jura pour la production des lunettes à sa marque. En effet, depuis 2005, Atol a progressivement relocalisé la fabrication de ses références dans le cœur historique de la vallée lunetière du Morez. Ce sont près de 170 000 paires siglées Made in France qui ont été distribuées et vendues dans les 772 magasins hexagonaux ces cinq dernières années ; implantés à plus de 80 % dans les centres-villes.
Objectif 35 % des ventes
« Nos quatre collections, toutes fabriquées en France à l’exception de la seconde paire à 1 €, représentent 30 à 35 % des ventes et 10 % des 375 millions de notre chiffre d’affaires », se réjouit Philippe Peyrard, directeur général du groupement, l’initiateur
de cette relocalisation industrielle. Objectif affiché par le réseau : que sa marque atteigne 35 % de parts de marché en valeur. Une ambition et une réussite qui tranchent avec les difficultés du départ. En 2003, quand Atol obtient la licence Ushuaïa, Philippe Peyrard fait le tour des sous-traitants jurassiens pour la fabrication de sa première gamme de monture. À l’époque, le groupement compte un peu moins de 300 magasins et table sur une production de 10 000 lunettes. « Jugeant ce volume trop faible, aucun n’a pris notre commande. Nous obligeant donc à la faire fabriquer en Chine », se souvient-il. Un choix à contrecœur et en opposition avec les valeurs écocitoyennes prônées par la coopérative qui veut mettre en avant le savoir-faire et la qualité de l’industrie lunetière française. Alors, quand un an plus tard Atol décuple sa puissance d’achat en dépassant les 450 points de vente, décision est prise de recontacter les fabricants régionaux. En 2005 l’un d’eux accepte enfin de relever le challenge. Pas de quoi crier cocorico pour autant. Car produire en France, c’est s’exposer à un coût salarial trois fois plus élevé qu’en Chine. Pour la coopérative, cela équivaut à un surcoût de 20 à 25 euros par paire. « On se retrouve alors hors du prix de marché », reconnaît Philippe Peyrard. Quand
LA DISTRIBUTION CHEZ ATOL (PAR AN8
50 000
RÉFÉRENCES (LUNETTES, VERRES,…8
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MILLIONS D’ARTICLES
JUIN 2012 /// ACTEURS URBAINS
700 000 MONTURES
300 000 COLIS
une lunette chinoise est vendue 130 €, son homologue française est proposée à 145 €. Si ce différentiel de 7 % est acceptable pour le consommateur, il s’avère nettement insuffisant pour rentabiliser la relocalisation.
Des délais réduits
Pour y parvenir, Atol se doit de repenser l’ensemble son modèle économique et industriel. L’opticien repositionne qualitativement sa marque et mise sur l’innovation pour conserver son taux de marge. Premier cas concret en 2008 avec le lancement de la collection Motifs et ses branches interchangeables. Dans le même esprit suivront, en 2010, les « premières lunettes cosmétiques » de la collection AK (Adriana Karembeu) et D’CLIP cette année. En transformant la lunette en produit de mode, Atol peut monter ses prix pour la proposer à 200 € la paire. Innovation technologique encore avec NU, en 2011, la première monture en inox sans vis ni soudure. Alors qu’elle devrait sortir à 450 €, Atol peut la proposer à 220 € ! Autant d’exclusivités rendues possibles grâce au partenariat étroit construit entre la coopérative et ses quatre principaux sous-traitants. Aujourd’hui, l’opticien n’hésite pas à se substituer aux banquiers pour financer des machines de production. Désormais, entre la concep-
WALTER BARROS
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Atol en France Chiffre d’affaires en M€
4e enseigne du marché de l’optique en France en chiffre d’affaires, enregistrant une croissance ininterrompue depuis 10 ans, Atol est la troisième en termes de notoriété.
Nombre de magasins
conteste environnemental. Produire localement, c’est diviser par 100 l’équivalent CO2 émis par lunettes fabriquées : 13 g en France contre 1,3 kg en Chine ! Et sur ce point-là, nullement besoin de lunettes pour voir les bénéfices obtenus par une production garantie «Origine France» !
En 2012, le groupement coopératif vise l’ouverture de 50 nouveaux magasins. Ces cinq dernières années, la création de 350 points de vente s’est accompagnée de l’embauche de plus de 1 100 collaborateurs.
Source : Atol
tion d’un produit et sa fabrication, il s’écoule deux mois, contre six précédemment avec l’Asie. Cette réactivité a été un vecteur essentiel de la relocalisation. Ainsi, entre la commande et sa livraison en France, il s’écoulait quatre à cinq mois dans le schéma précédent. Aujourd’hui, ce délai est tombé à deux mois maximum. D’où un effondrement des stocks, réduits de plus de moitié sur le site logistique de Beaune, qui s’est traduit par des gains économique et commercial. Car en rapatriant la production, Atol peut désormais se constituer une réserve en adéquation avec la demande. Terminées les livraisons de produits finis de Chine qui une fois arrivés pouvaient ne plus correspondre à la tendance du moment et lui rester sur les bras. « En relocalisant, nous avons bâti un système industriel reposant sur le semi-fini. La production s’arrête au stade de la coloration. Les lunettes sont ainsi peintes en fonction des exigences du réassort. Cela prend moins de trois semaines », détaille Philippe Peyrard. Plus que la réduction des coûts du transport, très relatifs sur un produit de 30 g et 18 cm, entre la Chine et la France, c’est dans la rationalisation des stocks qu’Atol a trouvé les bénéfices de la réindustrialisation en France et a amélioré son niveau de marge. Et, s’il faut un dernier argument en faveur de cette stratégie, il est sans
23000 COLIS TRAITÉS PAR GEODIS CIBLEX ET EXAPAQ Chaque mois, depuis le pôle logistique de Beaune en Côte-d’Or, ce sont plus de 300 000 articles, soit l’équivalent de 23 000 colis, qui sont livrés aux 772 magasins Atol (+78 opticiens indépendants). Le site traite 2 500 commandes par jour. Les magasins de centre-ville ne disposant pas de stocks, ils sont livrés quotidiennement. « Nous sommes dans une logique de flux tendu », confirme Cédric Veille, directeur des opérations. Cette distribution a été confiée à deux prestataires : Geodis Ciblex et Exapaq. Le premier assure la livraison, avant 9 h en points en vente, des petits colis (verre,
lentilles, montures) retirés la veille à 21 heures sur la plateforme, et dont la commande a été passée jusqu’à 20 heures. Parce que livrés avant l’ouverture du magasin, ces colis sont déposés dans des coffres dont le livreur détient la clé. Exapaq est chargé d’expédier les gros colis (plus de 10 paires de lunettes), préparés avant 16 h 30, qu’il réceptionne à 17 h à Beaune. Leur distribution est effectuée avant midi (dans 95 % des cas) le lendemain. Grâce à la réduction des stocks, Atol a pu optimiser sa distribution notamment en réduisant le nombre de colis expédiés. Durant les deux dernières années,
la facture transport s’est ainsi allégée de 15 %. Et les émissions de CO2 de cette activité ont chuté de 20 %. Des bénéfices non négligeables pour un poste transport qui représente 5 % du chiffre d’affaires (intégrés aux 15 % que pèse la supply chain). Dans le prolongement de la certification environnementale ISO 14001 obtenue en mars, Atol réfléchit à verdir ses transports en ville et suit avec attention le déploiement de l’offre Distripolis de Geodis. Car la coopérative, qui ouvre 50 magasins par an, veut se développer en Ile-deFrance et étendre son réseau au Top 100 des hypermarchés de France. ACTEURS URBAINS /// JUIN 2012
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MARCHÉS
Location La courte durée en pleine mutation
Face aux contraintes réglementaires envisagées par les municipalités et aux changements de comportements des citadins, la location de véhicules de courte durée se réinvente.
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ans la capitale, un foyer sur Elle privilégie l’usage à la propriété. Ce sont deux ne possède déjà plus des adeptes de la location, quel que soit le de véhicule particulier. Les produit. La voiture en est la parfaite illusraisons de ce choix sont mul- tration », analyse André Gallin, président tiples. Parce que bénéficiant de la Branche Loueurs du Conseil national d’offres de transport en commun répon- des professions de l’automobile (CNPA), dant à leurs besoins quotidiens, no- et directeur de la franchise chez Hertz tamment pour les déplacements do- France. Une récente enquête du CNPA micile-travail, les coûts d’acquisition, montre ainsi que 22% de la population se d’entretien et d’usage d’un véhicule per- dit prête à «envisager sérieusement de ne plus posséder de voiture». sonnel dans le budget d’un résiUn changement de conduite que dent parisien peuvent être jugés les loueurs entendent bien évidisproportionnés au regard son MILLIARDS demment accompagner, voire utilisation effective. De plus, DE REVENUS accélérer. Ainsi, le réseau Rent A compte tenu du nombre de plaCar, et ses 290 agences, a décidé ces de stationnement limité sur de surfer sur cette tendance avec la voie publique, et des prix de VOITURES EN son offre de reprise, «Posséder, parking élevés, le citadin peut LOCATION c’est dépasser», lancée en octobre aussi être contraint à se séparer 2011. Le principe : le loueur rade sa voiture. MILLIONS DE chète le véhicule en occasion, en Bien qu’encore très parisienne, LOCATIONS abondant de 15% par rapport à la cette évolution des comportecote Argus, et transforme cette ments est perçue comme une somme en bonds de location tendance de fond à moyen et MILIONS DE valable dans toute la France. long terme dans les grandes LOCATAIRES agglomérations urbaines. « Les baby-boo- «Nous sommes dans une démarche visant mers avaient un rapport social à la voiture. notamment à racheter les véhicules dits Ce n’est plus le cas avec la nouvelle géné- ventouses. Ces voitures sous-utilisées qui ration, notamment les moins de 35 ans. occupent l’espace public. C’est une dé-
2,5
280000 16,6 5,9
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marche intelligente par laquelle le loueur participe à réduire le nombre de voitures en ville –pour rappel une voiture de location remplace quatre véhicules particuliers–, et à s’inscrire dans l’offre globale de mobilité urbaine », juge Guilhem Mazzia, directeur général délégué de Rent A Car. Son réseau enregistre une dizaine de demandes par mois, soit la moitié de l’objectif fixé. Encore insignifiant au regard des plus de 16 millions de locations de courte durée effectuées en 2011.
Stationnement interdit En moyenne, la durée de location en France est de 3,2 jours (2,3 pour les véhicules utilitaires contre 3,9 pour les voitures). Dans 76% des cas, elle s’effectue à titre personnel et concerne l’utilisation d’un véhicule de tourisme (46% des locations contre 30 % pour un utilitaire). Surtout, le recours à la location est principalement motivé par « un besoin d’un véhicule spécifique » ponctuel (47% des demandes). En revanche, seuls 10% des locataires disent y faire appel car ils ne possèdent pas de moyen de locomotion en propriété. Enfin, il est important de souligner que 55% des retraits sont effectués en centre-ville. « Pourtant, parce que nous ne sommes pas considérés en tant que loueur classique comme participant à la décroissance et désaffection des voitures particulières en ville, les municipalités adoptent des mesures qui nous pénalisent», s’indigne Christophe Plonévez,
directeur général d’ADA. Ainsi, cinq villes, dont Douai, Melun et Saint-Laurent-duVar, ont pris des arrêtés interdisant le stationnement sur la voie publique de tous véhicules en attente de location. Ces décisions obligent les loueurs à trouver des solutions en louant des parkings et pèsent, notamment, sur la mise à disposition de véhicules utilitaires de 15 à 30 m3. Alors même que ces derniers représentent une part non négligeable des demandes de location en milieu urbain. Chez Rent A Car, ils peuvent composer 50% de l’offre en centre-ville. Chez ADA, c’est 25% des locations de proximité.
Boule de neige
Quelles alternatives alors ? Encourager le consommateur à venir retirer le véhicule en périphérie ? Et pourquoi pas chez le logisticien qui assure les transferts de véhicules d’une agence à une autre ? Honnêtement, personne n’y croit. Car le choix d’un loueur se fait sur deux critères: le prix et la proximité. « Autant la location de longue durée arrive à drainer les clients sur les sites logistiques extérieurs, autant cette hypothèse paraît difficilement faisable pour la courte durée, analyse Xavier Bourgeois, P-dg d’Uniroute (groupe SNCFGeodis). Seule une remise en cause par les municipalités des grandes agences de location dans les gares imposerait de revoir les modèles commerciaux et logistiques ». Pour l’heure, seul Paris s’interroge sur l’éventualité de restreindre les appro-
PARIS PEINE À RÉGLEMENTER LE TRANSPORT DE VÉHICULES C’est l’Arlésienne parisienne. Théoriquement, comme inscrite dans la Charte des bonnes pratiques des transports et des livraisons, signée en 2006, la dérogation accordée pour la livraison des voitures par voie routière dans la capitale devait prendre fin le 31 décembre 2009. Le lendemain, tous les flux d’automobiles et utilitaires légers devaient être opérés par un autre mode. Mais, faute de concertation et d’accord entre la mairie et les acteurs de la filière (constructeurs, loueurs, logisticiens, transporteurs), un report d’un an avait été accordé. Qui s’éternise. À ce jour, rien n’a encore été signé ! Et, selon nombre d’observateurs, il ne faut rien attendre avant les prochaines élections municipales de 2014. Pourtant, un protocole fixant les nouvelles règles a bien été rédigé fin 2010. Mais à l’exception notable de la ville, aucun représentant des fédérations professionnelles ne veut y apposer sa signature. Que dit ce texte ? Que dans cinq ans, à la date de sa validation, les camions portevoitures de plus de 29 m2 seront interdits de circulation. Seront donc définitivement bannis les porte-huit, ces camions permettant de transporter de huit à dix voitures, et
même les porte-cinq de 33 m2 et 58 m2 – à moins de prendre un nouvel arrêté. Pour se préparer à cette échéance, et trouver de nouveaux schémas d’organisation, notamment fluvial et ferroviaire, une situation transitoire est proposée. Dans l’immédiat, les sept premiers arrondissements de Paris, soit le cœur de la ville, seraient déjà interdits aux porte-huit. Et leur utilisation dans les treize autres arrondissements ne serait tolérée qu’entre 6 h et 12 h. Dans une étude réalisée par l’organisation professionnelle TLF, l’interdiction, même partielle, de ces camions aurait un impact environnemental négatif : +60 % de porte-cinq, +30 % d’émissions de CO2, +60 % de nuisances sonores et +45 % d’encombrement de la voirie. Au plan économique, le transfert de flux générerait une hausse des coûts de transport de 35 à 50 %. Avec 350 mouvements hebdomadaires (sur un total de 1 300 tous secteurs confondus), les loueurs de courte durée ont vite fait leurs calculs. D’où une opposition féroce à ce protocole. D’autant plus qu’ils estiment que la livraison fluviale, expérimentée par CFT fin 2011, ne répond pas à leurs organisations.
ACTEURS URBAINS /// JUIN 2012
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MARCHÉS
CHRISTOPH MORLOK FOTGRAFIE
CAR2GO. Après les Pays-Bas et l’Allemagne, le modèle d’autopartage Car2Go, lancé par Europcar et Daimler, a débarqué à Lyon. Un parc de 200 véhicules thermiques en libre-service que l’on peut prendre et laisser partout en ville.
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CARBOX. Un service d’autopartage à usage professionnel dédié aux entreprises pour leurs salariés. C’est la spécificité de Carbox qui propose notamment des véhicules électriques.
LES LOCATAIRES ET LEURS PRATIQUES
62%
sont des hommes.
39%
ont entre 18 et 35 ans.
31%
des réservations sont effectuées via Internet.
27%
des réservations se font à J -1.
Avis on demand à Paris. Basés sur le principe de la location en libre-service sur abonnement, comme Autolib’ à Paris, elles permettent au loueur de s’affranchir des contraintes foncières de la création d’une agence. Et elles constituent un vecteur de développement des véhicules électriques. Demain, on pourrait aussi voir arriver des automates de type DAB pour la distribution et la restitution des clés. Ces développements induiront une intensification du maillage urbain. «En démultipliant les bases de location, il faudra distribuer moins de véhicules sur plus d’endroits. On demandera donc plus de réactivité, de flexibilité aux logisticiens pour les approvisionnements,qui pourront se faire en camion électrique. De fait, nos coûts logistiques vont augmenter, prévient André Gallin. Notre métier va changer. Le leur également».
LAURENT NOLIUS
Intégration logistique
En attendant, des synergies sont à trouver pour optimiser les flux d’approvisionnement et de transfert vers ces importantes bases de location que sont les gares SNCF en cœur de ville. La STVA, qui réalise 20% de son activité avec les loueurs, réfléchit à de nouvelles approches. « Notre rôle étant de nous intégrer dans la chaîne logistique du client, nous effectuons des prestations de préparation de véhicules pour le compte des loueurs. Concernant les livraisons, nous avons, par exemple, proposé à l’un d’entre eux d’aller jusqu’à prendre en charge la gestion de leur personnel de préparation. Cela nous permettrait de livrer plus tôt, dès 4 h du matin, et plus tard,
jusqu’à 22 h pour la gestion des flux de transfert, tout en combinant des activités annexes, détaille Xavier Bourgeois. Mais notre proposition n’a pas été retenue. Les schémas sont encore difficiles à changer ». Les loueurs de proximité que sont ADA ou Rent A Car estiment ne pas être impactés par cette possible restriction des moyens de livraison. « Nos agences de centre-ville n’ont pas de besoins quotidiens en véhicules. Elles gèrent leur propre parc. Nous faisons appel aux logisticiens-transporteurs pour gérer les flux de buy back depuis nos centres de stockage en périphérie des villes », explique Guilhem Mazzia. Une approche partagée par Jérôme Daumont, directeur d’Atlas qui compte quelque 10000 véhicules répartis dans ses 16 franchises Avis en Ile-de-France: « Pour les transferts intra-muros, je fais appel à des convoyeurs professionnels. C’est moins cher qu’un transporteur routier qui va me facturer de 30 à 35 euros par véhicule. Soit un tiers du prix d’une location pour le week-end ». Quoiqu’il en soit, la logistique de distribution de véhicules en ville va obligatoirement évoluer pour accompagner les nouvelles formes de location dématérialisée, comme l’autopartage. Encore balbutiante, mais représentant néanmoins 3% du marché, elle constitue un segment d’avenir complémentaire de la courte durée. Voire de la très courte, de quelques heures seulement, qui s’octroie déjà 11% du marché et sur lequel tous les loueurs déroulent des offres ad hoc : Car2Go (Europcar) à Lyon et
THOMAS GOGNY
visionnements de véhicules avec des camions pouvant en transporter de huit à dix (voir encadré p.41). Cette décision impacterait directement les grands loueurs implantés dans les gares que sont Hertz, Avis ou Europcar. D’où leurs vives inquiétudes. «À ce jour, il n’existe pas de solutions alternatives crédibles. Le transport fluvial n’est absolument pas adapté à la location courte durée. Ni le train qui impose de prévoir vos commandes 15 jours en avance. C’est impossible quand on constate que 76% des réservations sont effectuées dans un délai inférieur à une semaine », prévient André Gallin. Il craint aussi que la décision des édiles parisiens ne fasse boule de neige dans les grandes métropoles françaises comme Lyon et Marseille.
AUTOLIB’. La première offre d’automobiles électriques en libre-service développée à Paris par Bolloré dans le cadre d’une délégation de service public. Un modèle complémentaire ou concurrent aux offres des loueurs de proximité et des taxis ?
Comment conquérir les collectivités locales
Les marchés publics représentent un potentiel de croissance important pour les loueurs. À condition de modifier le cadre fiscal défavorable au choix de la location.
S
i on dénombre encore 150 entreprises de location de véhicules industriels, générant un chiffre d’affaires annuel de 1,8 milliard d’euros, 85 % de l’activité est captée par cinq grands acteurs que sont Fraikin, Clovis, Petit Forestier, Via Location et Artegy. Ces loueurs ont accompagné l’externalisation et la gestion de parcs pour les comptes propres (60 % de la clientèle) mais également chez les transporteurs (40 %). « D’origine technique, le métier a évolué vers une offre de prestations globales. Nous sommes dans une économie de fonctionnalité. De plus, la location est un moyen de suivre les réglementations, notamment grâce à un parc deux fois plus jeune que celui en circulation, et de diffuser l’innovation », avance André Rigal, secrétaire général de la FNLV (Fédération nationale des loueurs de véhicules). Tous les loueurs proposent ou testent aujourd’hui des véhicules électriques ou hybrides, notamment pour la distribution urbaine. Reste que ces expériences sont encore marginales. En tout état de cause,
les relais de croissance sont à trouver ailleurs pour insuffler une nouvelle dynamique. Car en 2012, le cabinet d’études Xerfi ne prévoit qu’une timide progression de 1 % de l’activité en valeur. Le développement de nouveaux services comme la disponibilité, la flexibilité et la proximité sont indispensables. Mais surtout, face au repli de la demande des principaux clients (BTP, transport, agroalimentaire), il est essentiel de trouver de nouveaux débouchés. Dans cette optique, les collectivité s’affichent comme une priorité.
Répartition de la clientèle
WALTER BARROS
LOCATION DE VÉHICULES INDUSTRIELS
achète un camion à un concessionnaire, elle va récupérer 85 % de la TVA via le Fonds de compensation de la TVA (FCTVA) parce que cet achat est considéré comme participant à enrichir le patrimoine de la collectivité. Par ailleurs, si une municipalité confie une mission à un prestataire privé dans le cadre d’une délégation de service public (pour le ramassage des ordures, par exemple), elle peut faire récupérer, au travers de la délégation, la TVA grevant la location ou le crédit-bail des équipements confiés au prestataire. En revanche, si cette même commune gère en direct cette mission et fait appel à un loueur pour mettre à disposition des véhicules et gérer le parc, aucune récupération de la TVA sur la prestation de location n’est possible. « En clair, les collectivités vont privilégier l’achat à la location. Un choix purement financier au détriment des avantages économiques et écologiques de la location, regrette Yvon Pouhaër. Nous militons donc pour une égalité de traitement. Que la location bénéficie de FCTVA ». Un dossier que les loueurs espèrent voir bientôt se débloquer. Arguant aussi du fait que la Commission européenne a pointé cette inégalité de traitement. Une exception hexagonale, selon la profession.
Discriminatoire « Mairies, hôpitaux, Conseils généraux… le potentiel est énorme. Avec l’évolution du foncier, de la technologie et des politiques publiques, la gestion de leur parc est amenée à évoluer, explique Yvon Pouhaër. Seulement voilà, la location subit aujourd’hui une discrimination fiscale liée à la non-récupération de la TVA par les collectivités locales. Sans une évolution du cadre, les perspectives restent limitées. » Concrètement : quand une commune
Source : TLF
RENAULT TRUCKS
LA LOCATION NE BÉNÉFICIE PAS AUJOURD’HUI DE LA MÊME FISCALITÉ QUE L’ACHAT.
ACTEURS URBAINS /// JUIN 2012
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CONSOMMATEUR
Déménagements Impossible d’improviser
Tramways, couloirs de bus, rues piétonnes… Pour satisfaire les particuliers, les sociétés de déménagement doivent trouver leur place ou forcer le passage. Pas toujours évident à gérer au milieu des impatiences ! PAR YVES RIVOAL
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RIVOAL
ela devient de plus en plus compliqué. Mais on arrive encore à travailler. » Philippe L’Herrou, gérant des Déménagements L’Herrou, entreprise familiale fondée à Brest en 1947 par son grand-père, résume le sentiment général. Face au développement des
demandes d’autorisation relève du cassetête chinois comme le confirme MarieChristine Bouvier, directrice générale de Partner, une entreprise spécialisée dans le déménagement d’entreprise installée à Tremblay-en-France. « Cette complexité croissante nous a conduits à désigner au sein de notre équipe exploitation une per-
« Comme les livreurs et les transporteurs, nous devrions assez rapidement être frappés par des interdictions de circulation sur les gros tonnages. » Pierre de Bellefon, gérant des Déménagements Marcellin
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JUIN 2012 /// ACTEURS URBAINS
sonne qui a en charge la gestion des autorisations de stationnement. Il lui arrive d’ailleurs régulièrement d’avoir à se déplacer au commissariat pour gagner du temps, alors qu’auparavant, on se contentait d’envoyer les demandes par La Poste… ». Dans les petites et moyennes agglomérations, le problème du stationnement n’est pas aussi prégnant comme le reconnaît Roxane Gauci, directrice commerciale des déménagements Laurent. « Sur Fréjus et Saint-Raphaël, où nous sommes basés, tout est bien organisé. Il nous suffit de demander à la mairie par mail ou par fax une demande d’autorisation de stationnement
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tramways, des couloirs de bus, des pistes cyclables et autres voies piétonnières, les sociétés de déménagement n’ont d’autres alternatives que de s’adapter aux mutations qui modifient le paysage des centres-villes. Un paysage dans lequel il devient de plus en plus difficile d’improviser. « Il y a encore quelques années, il suffisait de faire le tour du pâté de maisons et de demander au propriétaire du véhicule gênant de le déplacer. Aujourd’hui, ce n’est plus possible car les gens râlent dès qu’ils voient arriver nos camions. Ce qui nous oblige, dans 70 % des cas, à recourir aux demandes d’autorisation de stationnement auprès des services de voirie ou de police municipale pour que nos équipes puissent travailler dans de bonnes conditions de sécurité, et sans bloquer la circulation. » Le problème, c’est que le traitement des demandes d’autorisation de stationnement dépend du bon vouloir des municipalités. Un service qui peut d’ailleurs être gratuit ou payant, certaines villes facturant jusqu’à 150€ la réservation… En région parisienne, la gestion de ces
cinq jours ouvrables avant le déménagement. Le problème, c’est que comme il s’agit d’un service gratuit, c’est à nous de nous déplacer pour positionner les panneaux de stationnement. En revanche, dès que l’on est amené à travailler dans de grandes villes comme Cannes ou Nice, cela devient très compliqué. On nous demande d’effectuer les demandes d’autorisation dix jours ouvrables avant le déménagement. Or, de plus en plus de clients nous appellent la veille pour le lendemain. Ce qui nous oblige à pratiquer le stationnement sauvage. » Une solution qui expose les sociétés de déménagement à d’éventuelles amendes, même si sur ce point, elles semblent bénéficier d’une certaine indulgence. « En ce qui nous concerne, nous sommes assez peu touchés par la chasse aux papillons, confirme Pierre de Bellefon, gérant des Déménagements Marcellin à Gap. Il y a de la part des forces de police une forme de bienveillance. Elles voient bien que l’on travaille. Alors, l’on bloque la circulation, le problème se règle en déplaçant le camion… ». Non contentes de devoir gérer la question de stationnement, les sociétés de déménagement sont aussi de plus en plus confrontées à des difficultés d’accès aux centres-villes. « Comme les livreurs et les transporteurs, nous devrions assez rapidement être frappés par des interdictions de circulation sur les gros tonnages, pronostique Pierre de Bellefon. Ce qui nous
« Auparavant, nous avions plus de véhicules porteurs lourds que d’utilitaires de 20 m³. Aujourd’hui, la tendance s’est inversée. » Marie-Christine Bouvier, Partner, à Tremblay-en-France
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3 QUESTIONS À SERGE FONTAINE, PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE SYNDICALE DU DÉMÉNAGEMENT
« LAISSEZ-NOUS TRAVAILLER ! » Acteurs Urbains : Quel regard portez-vous sur les problématiques du déménagement en ville ? Serge Fontaine : Les difficultés de circulation et de stationnement dans les grandes villes deviennent de plus en plus préoccupantes. Lorsque comme moi, vous travaillez en périphérie parisienne, il est impossible d’entrer dans Paris en partant après 6h du matin, et c’est la même chose pour en sortir le soir après 16h45. Cela se traduit par des temps de travail moyen qui oscillent entre 10 et 12 heures par jour. Ce qui n’est pas sans incidence sur les conditions de travail. On commence à évoquer des plateformes logistiques pour les livraisons du dernier kilomètre. Qu’en pensez-vous ?
obligera à effectuer des transferts avec des 3,5 tonnes qui passent partout, mais qui ont l’inconvénient d’imposer plusieurs manipulations. » Ces difficultés de stationnement et d’accès commencent d’ores et déjà à impacter la composition des flottes. « Auparavant, nous avions plus de porteurs que de 20 m3, confie Marie-Christine Bouvier. Aujourd’hui, la tendance s’est inversée. » Même son de cloche chez les Déménagements Laurent où l’on travaille de plus en plus avec des 20 m3, voire des volumes inférieurs. « Plutôt que d’être bloqué avec un gros camion, on préfère utiliser deux petits véhicules en instaurant un système de navettes qui nous permet de décharger le premier camion, pendant que le second est garé sur un parking de supermarché », note Roxane Gauci. Cette évolution vers des véhicules de plus petite taille va de pair avec la prise en compte des aspirations environnementales affichées par les villes. Un sujet sur lequel les sociétés de déménagement vont là encore devoir s’adapter. Avant d’acquérir son dernier véhicule équipé d’un poste de travail ergonomique, Philippe L’Herrou a regardé sur le marché du
véhicule électrique. « J’ai très vite refermé le dossier, car la différence de prix allait du simple au double, mais c’est clair que l’on y viendra… » Un avis partagé par Pierre de Bellefon qui estime, lui, que « dans cinq ans, la moitié de nos flottes sera composée de 3,5 tonnes électriques… » Face à toutes ces évolutions, qui rendent de plus en plus complexe l’exercice de leur activité, les professionnels du déménagement entendent bien faire entendre leur voix. Sur la question des autorisations de stationnement, ils appellent de leurs vœux la mise en place de systèmes d’autorisation qui passeraient par Internet, comme c’est déjà le cas à Lyon. Pour le reste, c’est le principe de réalité qui prévaut. « On ne pourra pas aller contre cette tendance naturelle qui veut que l’on nous demande de moins polluer et de ne pas perturber la circulation. Ces évolutions sont en effet inéluctables. À nous de travailler de concert avec les mairies, les chambres de commerce et les unions patronales pour bien comprendre et anticiper ces évolutions. Mais je veux aussi rappeler que l’on existe et qu’on devra continuer de pénétrer dans les villes pour que nos clients puissent déménager », conclut Pierre de Bellefon.
S. F. : Elles peuvent avoir un sens pour les activités logistiques traditionnelles. En ce qui concerne le déménagement, vous n’allez pas envoyer quatre navettes avec de petits volumes vers une plateforme où tout serait rechargé sur un gros porteur… C’est impossible sur le plan économique et pratique car pour travailler, on doit accéder au plus près du domicile de nos clients. Quelles sont aujourd’hui les grandes revendications de la chambre syndicale ? S. F. : Nous militons pour des réservations d’emplacement réelles comme c’est le cas à Lyon où, pour une somme modique, vous bénéficiez de places de stationnement réservées, avec des concessionnaires privés qui se chargent de poser les panneaux d’interdiction de stationner. Pour le reste, j’ai envie de dire : laissez-nous travailler. Plutôt que de nous taxer, les pouvoirs publics feraient mieux de traquer les contrebandiers qui gangrènent notre métier.
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TOULOUSE
RÉAMENAGER LE PLAN DE DÉPLACEMENT URBAIN Pour faire face à la croissance démographique soutenue de la ville, la politique de développement des transports urbains, de personnes comme de biens, constitue un enjeu majeur pour la municipalité. Objectif : concilier dynamisme économique et qualité de vie.
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PAR FRANCIS MATÉO ET SÉBASTIEN MÉRIENNE.
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cinquième rang des métropoles françaises en nombre de résidents. Une position qui pourrait encore évoluer. Si le rythme actuel de croissance se maintient, la capitale du Sud-Ouest deviendra, d’ici une quinzaine d’années, la troisième ville de France.
Risque de congestion Dans ce contexte, Toulouse se doit nécessairement d’évoluer. Notamment pour endiguer les risques réels de congestion de son centreville. Raison pour laquelle Pierre Cohen, député-maire et président de la Communauté de Communes du Grand Toulouse, a mis en œuvre, depuis trois ans, un vaste plan d’aménagement urbain dont l’investissement représente
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n record. Fort de ses 20 000 résidents de plus chaque année, le Grand Toulouse affiche la plus forte croissance démographique de France parmi les aires urbaines de plus de 300 000 habitants. En 2010, avec 1,2 million d’habitants, elle est devenue le quatrième pôle métropolitain de l’Hexagone, passant ainsi devant celui de Lille. La ville elle-même connaît une progression soutenue : elle accueille tous les ans près de 7 000 nouveaux arrivants. Au total, 903 000 Toulousains composent l’agglomération administrativement délimitée par le territoire du SCOT (Schéma de Cohérence Territoriale). Ce qui classe la Ville Rose au
CADRE DE VIE. Toulouse figure parmi les villes dont le dynamisme économique et la qualité de vie sont unanimement reconnus. ACTEURS URBAINS /// JUIN 2012
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MÉTROPOLE
TOULOUSE EN CHIFFRES
37 communes
composent la communauté urbaine du Grand Toulouse. L’aire urbaine toulousaine regroupe quant à elle 453 communes.
108 600 véhicules
par jour ont circulé en moyenne sur les périphériques ouest et sud de Toulouse en 2010.
+11,2% d’habitants
à Toulouse entre 1999 et 2008. Il s’agit de la plus forte progression parmi les villes françaises, juste devant Montpellier (+11,1%) et Bordeaux (+8,9%).
2e université
de France (hors Paris), Toulouse compte actuellement près de 90 000 étudiants.
1,9 milliard d’euros sur dix ans. Avec un cap prioritaire : expurger le centreville de la majorité des 20 000 voitures qui le traversent quotidiennement. « À terme, il s’agit de faire en sorte que le cœur de la ville devienne une zone de rencontres où les piétons et les bicyclettes cohabitent en harmonie avec les véhicules motorisés », précise Joan Busquets, architecte en chef de cette opération de réorganisation urbaine. Dans cette otique, la municipalité a élaboré un nouveau plan de déplacement urbain qui évitera de traverser de part en part l’hypercentre de la métropole grâce à un système, dit de bouclages, obligeant les automobilistes à ressortir régulièrement de l’octogone qui délimite le cœur historique de Toulouse. Il n’est cependant pas question d’éliminer totalement les automobiles puisque le projet s’est fixé comme objectif que tous les autres modes de transport réunis représentent, à terme, uniquement le quart des déplacements urbains.
Une partie du problème « Malgré tout, cette approche ne résoudra qu’une partie du problème », note Serge Mathieu, directeur adjoint au service de gestion des infrastructures de la communauté urbaine du Grand Toulouse. Car, précise-t-il, près de 12 000 livraisons sont enregistrées chaque jour dans le centre-ville pour alimenter notamment les quelque 1 700 commerces qui y sont implantés. Un volume d’activité, principalement concentré sur les quartiers du Capitole, de Jean Jaurès et de Wilson, qui induit l’entrée quotidienne d’environ
PRÈS DE 12 000 LIVRAISONS SONT ENREGISTRÉES CHAQUE JOUR DANS LES QUARTIERS DU CENTREIVILLE. 5 000 véhicules sur ce secteur. Dès lors, une chose est sûre : il devient nécessaire d’appliquer un autre modèle de distribution des marchandises au sein de cette zone stratégique. « Il faut en finir avec la situation actuelle où les véhicules de livraisons utilisent les couloirs de bus et s’arrêtent de façon anarchique au sein de l’octogone du centre-ville », explique Joan Busquets. Pour la municipalité, l’organisation des flux implique d’abord l’aménagement de zones de livraisons dédiées, notamment sur le boulevard Wilson et la place du Capitole, mais aussi un accès limité à certaines tranches horaires (voir encadré ci-contre). Le projet prévoit également de supprimer les contre-allées de certains boulevards afin d’aménager de larges trottoirs, des pistes cyclables et des zones de rupture de charges pour les livraisons. Un aménagement qui permettra par la même occasion de fluidifier et de redistribuer le service de bus, en collaboration avec l’opérateur Tisséo. Dans le cadre de cette réorganisation des trafics en centre-ville, une vaste concer-
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Attractivité Une ville idéale ? Qualité de vie, dynamisme économique, facilité des déplacements, taux de création d’emplois et d’entreprises parmi les plus importants de France, Toulouse, à bien des égards, fait figure de ville idéale. Toutefois, si elle bénéficie d’une image forte en temps que capitale régionale, elle peine encore à s’imposer parmi les métropoles européennes de premier plan.
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Environnement Mobilités durables Le développement des mobilités durables pour les personnes et les marchandises figure parmi les 7 objectifs prioritaires du Plan Climat 2012-2020.
tation a été menée pour impliquer tous les acteurs concernés, parmi lesquels les commerçants et les entreprises de transport routier. À ce titre, Louis Pacault, dirigeant de la société de messagerie MTM, a participé à l’émergence du futur plan de circulation. « En tant qu’entreprise locale, je crois que nous avons tout intérêt à accompagner les collectivités locales dans ce type de projet ; même s’il nous en coûte d’être un peu précurseur aujourd’hui, à travers les investissements qu’il faudra réaliser, cela nous donne une longueur d’avance dans une logique d’évolution vers une distribution urbaine plus respectueuse de l’environnement », explique-t-il avec pragmatisme. « Notre rôle consiste aussi à sensibiliser les municipalités aux difficultés des entreprises de transport et à leur faire comprendre qu’il vaut parfois mieux prendre un peu plus de temps pour atteindre les objectifs de réaménagement urbain. Ce qui permettra d’en garantir au mieux le succès ».
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Implication des habitants Parmi toutes les préoccupations et les interrogations liées au réaménagement du centre-ville, l’une des plus sensibles
NOUVEAUX HORAIRES EN CENTRE-VILLE Afin d’intégrer la logistique dans son projet d’aménagement du centre-ville, la municipalité a organisé une grande concertation impliquant notamment les transporteurs et les commerçants. Le cycle des réunions s’est achevé le 1er mars 2012 et a permis de faire émerger un certain nombre de propositions parmi lesquelles l’adoption d’un projet de réglementation. Concrètement, les livraisons seront autorisées 24 heures sur 24 aux engins non motorisés et véhicules électriques d’une capacité inférieure à 6 m3. Pour les autres moyens roulants, elles seront interdites de 11 h 30 à 20 h et de 6 h à 9 h 30. À l’exception de l’approvisionnement des cafés, hôtels, restaurants, commerces de bouche et de certaines livraisons
spécifiques réalisées sur des emplacements dédiés, sous couvert d’avoir obtenu une accréditation. En participant à ces réunions, Jean-Louis Pacault, dirigeant de l’entreprise MTM, a pris la mesure des changements concrets qui se préparent, notamment au niveau de la limitation des heures de livraisons dans le centre-ville. « Nous étions déjà soumis à des restrictions, mais nous pouvions déborder des horaires. Cela ne sera plus envisageable avec les nouvelles règles, à moins de livrer avec un véhicule propre, c’est-à-dire électrique », explique-t-il. Conséquence : il faudra nécessairement revoir l’organisation des tournées. Et pas seulement en interne, comme le précise le chef d’entreprise toulousain :
« Nous allons devoir nous accorder avec les enseignes pour qu’elles puissent recevoir les livraisons au plus tôt et nous organiser de notre côté sur le temps de travail de nos chauffeurs. L’adaptation n’est pas impossible mais elle nécessite un ajustement des moyens. Là où nous utilisions un seul véhicule, il nous en faudra peutêtre deux demain pour respecter les créneaux horaires ». Mais, au-delà des contraintes opérationnelles, ce sont sans doute les investissements concernant l’achat de véhicules électriques qui préoccupent davantage le transporteur. Car personne ne se fait d’illusion : il ne sera pas possible de répercuter en intégralité, ni même sans doute en partie, ce surcoût sur la facture du client. ACTEURS URBAINS /// JUIN 2012
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MÉTROPOLE
UN DES OBJECTIFS DE CE PLAN VISE À DÉCONGESTIONNER LE PÉRIPHÉRIQUE AUJOURD’HUI AU BORD DE LA SATURATION. concerne l’implication des 110 000 Toulousains qui vivent dans les limites de cet octogone. Car il s’agit bien entendu de conserver le dynamisme économique et l’animation commerciale qui le caractérisent. Et par voie de conséquence de créer les conditions favorables pour inciter les habitants à demeurer dans cet espace. Aussi, serait-il malvenu de vouloir les priver de l’usage de leurs véhicules. « Il y a plus de 10 000 voitures particulières stationnées aujourd’hui dans les rues de l’hypercentre et il faut bien veiller à ce que les gens puissent continuer à garer leur automobile à proximité de chez eux, sans que cela leur coûte plus cher », note Joan Busquets. L’architecte et la municipalité réfléchissent donc à une façon d’optimiser les places de parking aujourd’hui disponibles afin de régler ce problème. Dans le même sens, l’amélioration des transports en commun et l’aménagement d’espaces publics aérés constituent autant de facteurs favorables pour la préservation de la qualité de vie en centreville. Dans cet esprit, la Garonne à vocation à jouer le rôle d’épine dorsale citadine : le fleuve deviendra un axe majeur au sein de la ville grâce à des ponts flottants destinés à favoriser la communication entre les deux rives. Les berges seront également reliées au tramway, au métro et à une ligne de bus circulaire, créant ainsi une boucle de transport en commun tout autour de la ville. « En favorisant des moyens de transports alternatifs, nous allons forcément réduire le nombre de voitures, donc fluidifier le trafic aux abords du centre-ville », précise Joan Busquets. D’autant que l’un des objectifs de cette politique d’urbanisme vise également à décongestionner le périphérique, actuellement au bord de la saturation. Une urgence à laquelle entendent également répondre les travaux de mise à deux fois trois voies du dernier tronçon de cet axe stratégique, et qui devraient commencer d’ici la fin de l’année.
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GARE DE MATABIAU
Un nouveau quartier à l’horizon 2020 L’arrivée du TGV va remodeler en profondeur la gare de Matabiau et les quartiers Marengo et Raynal qui l’englobent. Au programme : création d’une plate-forme multimodale et d’un quartier d’affaires dont l’émergence générera le développement de nouveaux axes de transports urbains. PAR FRANCIS MATÉO ET SÉBASTIEN MÉRIENNE
C
e qui ressemblait à une simple promesse électorale de Pierre Cohen est en passe de devenir une réalité : que Toulouse devienne une grande métropole européenne, reconnue comme telle aussi bien pour son dynamisme et son attractivité économiques que pour la qualité de ses infrastructures urbaines. Et l’un des multiples visages de cette mutation pourrait être d’ici quelques années celui du nouveau quartier de Matabiau, situé au nord-est du centre-ville. La raison : l’arrivée en 2020 de la ligne ferroviaire à grande vitesse, en provenance de Bordeaux St-Jean, qui permettra de relier Toulouse à Paris en quatre heures, contre près de six aujourd’hui. Un gain de temps conséquent qui laisse augurer l’arriver de millions de personnes dans ce secteur urbain aujourd’hui en pleine mutation. Pour cela, la municipalité ambitionne de
transformer l’actuelle gare régionale de Matabiau en plateforme multimodale. Une évolution jugée fondamentale pour le développement même de Toulouse puisque le site restera intégré à l’hypercentre et accueillera, en plus du TGV et des trains régionaux, une gare routière de bus ainsi que des connexions directes vers le métro et le tramway.
Retombées économiques Consciente des retombées économiques qu’un tel projet est susceptible de générer, la municipalité prévoit la rénovation complète des quartiers alentours et espère ainsi convaincre les investisseurs de s’y implanter. Le périmètre en cours d’aménagement couvre près de 200 hectares et l’opération mobilise l’ensemble des partenaires institutionnels : État, conseil régional, conseil général, communauté urbaine du Grand Toulouse,
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Fréquentation Doublement en 2020
Réseau Ferré de France et SNCF. Les grandes lignes urbanistiques doivent être tracées dès 2012 et la municipalité a déjà prévenu qu’elle avait d’autres ambitions que d’y développer uniquement un quartier d’affaires. Actuellement, le projet envisagé prévoit plutôt de créer une zone urbaine mixte juxtaposant des logements sociaux, des équipements publics, des commerces et des bureaux. Toutefois, ce choix est jugé inapproprié par certains acteurs comme l’OTIE, l’Observatoire toulousain de l’immobilier d’entreprise, qui estime que l’arrivée du TGV justifie pleinement le développement d’un centre d’affaires d’envergure nationale capable de rivaliser avec ceux des métropoles concurrentes comme Marseille, Lille ou Bordeaux. Une orientation qui impliquerait la création d’un parc immobilier comportant au minimum 200 000 m2 de bureaux. Quoi qu’il en soit, les études et travaux
L’ARRIVÉE EN 2020 DE LA LIGNE FERROVIAIRE À GRANDE VITESSE PERMETTRA DE RELIER TOULOUSE À PARIS EN 4 HEURES CONTRE PRÈS DE 6 AUJOURD’HUI.
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Classée monument historique depuis 1984, la gare de Matabiau a accueilli 9 millions de voyageurs en 2009. Un chiffre qui devrait presque doubler d’ici 2020 avec l’arrivée du TGV.
ont d’ores et déjà été lancés et les premiers signes visibles de transformation du quartier devraient apparaître d’ici 2016-2017. L’investissement mobilisera près de quatre millions d’euros d’ici la fin de l’année 2012.
Facteur de développement « L’arrivée de ligne grande vitesse à la gare de Toulouse-Matabiau en 2020 est envisagée comme un facteur de développement pour les activités commerciales de l’hypercentre de Toulouse, mais aussi de l’habitat et des équipements collectifs qui iront avec, en considérant bien sûr la préservation nécessaire du patrimoine du cœur historique et de ses nombreux édifices classés », explique Joan Busquets. L’architecte catalan chargé de remodeler le centre-ville a même prévu le rattachement de la future plateforme logistique et de son centre d’affaires avec le Canal du Midi. D’où le projet de développer une ligne de tramway sur les berges du cours d’eau pour relier, à partir de 2020, le palais de justice et la nouvelle gare TGV. L’opération prévoit également la réalisation
d’une autre liaison entre la gare et l’aéroport de Blagnac, qui reçoit chaque année six millions de passagers. Une connexion qui devrait, selon ses promoteurs, considérablement alléger le trafic routier au niveau de la rocade toulousaine. Parallèlement, l’inauguration de la nouvelle gare devrait avoir un impact sur certains chantiers de rénovation des voies de circulation du centre-ville. Comme celui de rehausser le réaménagement prévu des allées Jean Jaurès, destinées à devenir l’équivalent des « ramblas » du cœur de Barcelone. Selon Joan Busquets, « ces allées s’inscrivent dans une stratégie appelée “épines vertes” qui concernent les axes convergeant vers le centre-ville. Cette dernière prévoit notamment des aménagements végétaux pour limiter l’accès aux automobiles et inciter les piétons et vélos à s’engager sur ces voies ». Certains parlent déjà de ces futures allées comme des « Champs-Élysées toulousains », comme si la restructuration du centre-ville allait aussi permettre de donner à Toulouse un statut de capitale dans sud de l’Europe. ACTEURS URBAINS /// JUIN 2012
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MÉTROPOLE
PIERRE COHEN
« Toulouse a vocation à devenir une grande métropole européenne » Député-maire et président de la communauté urbaine du Grand Toulouse, Pierre Cohen a entrepris depuis 2008 un programme volontariste concernant la politique de transports urbains. Avec l’ambition de faire entrer Toulouse dans le club des grandes métropoles d’envergure européennes. PROPOS RECUEILLIS PAR FRANCIS MATÉO
Pierre Cohen : Notre plan de déplacements urbains concerne un périmètre composé de 118 communes, le plus vaste de France après la région parisienne. C’est également l’un des plus ambitieux dans la mesure où il prévoit un investissement total de 1,9 milliard d’euros sur dix ans afin de construire 110 km de nouvelles voies en sites propres, en complément des 57 km déjà existantes. Au niveau des grands axes, l’avenir de notre pôle urbain passe par l’arrivée de la LGV et par notre capacité à proposer, autour d’une grande gare multimodale de centre-ville, un véritable quartier, Toulouse Euro Sud-Ouest, mixant activité économique et habitat. Dans le même temps, nous allons également élaborer un plan de déplacements pour le transport de marchandises. Ce dernier est responsable de 19 % des émissions de gaz à effet de serre de la métropole toulousaine. Il constitue, par conséquent, un enjeu important en matière de développement durable et est inscrit à ce titre dans notre plan climat énergie territorial. Ce plan permettra notamment d’intégrer dans nos outils de planification urbaine la création d’itinéraires privilégiés et d’espaces logistiques de distribution.
« LE TRANSPORT
DE MARCHANDISES EST RESPONSABLE DE 19% DES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE SUR LA MÉTROPOLE TOULOUSAINE.
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Acteurs Urbains : Quels sont les projets structurants du Grand Toulouse en matière de transport urbain ?
Comment imaginer une collaboration entre secteur public et secteur privé pour favoriser une distribution urbaine durable ?
P. C. : L’augmentation exponentielle des livraisons dans le centre-ville constitue aujourd’hui un de nos problèmes essentiels. 5 000 véhicules utilitaires entrent chaque jour dans l’hypercentre de Toulouse, soit deux fois plus qu’en 2000. Cela pose des complications en termes de pollution, de circulation et de fluidité de l’espace public. Nous avons donc travaillé avec les transporteurs, les commerçants, les chambres des métiers et les associations de quartier afin d’établir une nouvelle charte de livraison que nous mettrons en place en septembre prochain. L’enjeu est non seulement de réglementer, mais aussi d’intégrer la logistique dans nos projets urbains, de créer des espaces logistiques contrôlés et d’inciter à l’usage de véhicules propres et non motorisés. À terme, les livraisons en centre-ville ne devront concerner que le dernier kilomètre et s’effectuer en véhi-
CV EXPRESS • Depuis 2009 : Président de la communauté urbaine du Grand Toulouse. • Depuis 2008 : Maire de Toulouse. • Depuis 1997 : Député de la troisième circonscritpion de la Haute-Garonne. • De 1989 à 2008 : Maire de Ramonville-Saint-Agne. • De 1986 à 1992 : Conseiller régional de Midi-Pyrénées.
cule électrique. Pour cela, des bases logistiques devront bien entendu être installées en périphérie du centre-ville. Quels peuvent être, pour la ville de Toulouse comme pour la communauté urbaine, les bénéfices de la politique actuelle en matière de transports ?
P. C. : Le développement des transports en commun, l’organisation du transport et de la livraison des marchandises, répondent non seulement à des objectifs
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« FAIRE ÉVOLUER
LES MENTALITÉS POUR UN MEILLEUR PARTAGE DE L’ESPACE PUBLIC ENTRE VÉHICULES, CYCLISTES ET PIÉTONS.
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de développement durable, mais aussi au défi du vivre ensemble. Ils permettent à la ville de rester un lieu de rencontres, un creuset d’échanges économiques, sociaux et culturels. C’est la raison pour laquelle ils constituent ma priorité. Quelles sont les difficultés dans la mise en œuvre de cette politique ?
P. C. : Nous devons résoudre une équation difficile. Dans un contexte de crise des financements publics, il nous faut à la fois rembourser les dettes des investissements passés tout en développant le réseau de transports en commun. Mais les difficultés sont aussi liées aux habitudes, dans une ville dédiée pendant trop longtemps au tout automobile. Nous devons faire évoluer les mentalités pour un meilleur partage de l’espace public entre les voitures, les transports en commun, les véhicules de livraison, les cyclistes et les piétons. Cela ne se fera pas en un jour, nous en sommes bien conscients.
Comment la politique des transports s’inscrit-elle dans l’avenir de Toulouse ?
P. C. : L’agglomération toulousaine a vocation à devenir une grande métropole européenne, dotée d’équipements et de services de niveau international : un grand aéroport, la LGV, un nouveau parc des expositions, de grands campus scientifiques. Nous anticipons ces mutations en irriguant ces nouveaux espaces qui transformeront et structureront la métropole de demain. L’arrivée de la LGV à Toulouse et l’aménagement d’une plateforme de logistique urbaine ferroviaire à proximité répondent à ces forts enjeux. Ce projet s’inscrit en effet dans un axe européen de la grande vitesse et cette interconnexion avec le reste de l’Europe permettra de convaincre plus facilement les investisseurs de s’implanter à Toulouse. Tout le monde sait qu’un accès facile aux marchés, aux consommateurs, aux clients, est le premier facteur d’attractivité d’une métropole. ACTEURS URBAINS /// JUIN 2012
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EUROPE Bruxelles BELGIQUE
Bruxelles
Vers une politique régionale de la mobilité
Pour endiguer les problèmes de circulation que connaît la ville, le gouvernement régional a élaboré en 2010 un ambitieux plan de mobilité. Mais son application nécessite d’uniformiser les réglementations des 19 villes qui composent son territoire.
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PAR SÉBASTIEN MÉRIENNE
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riste palmarès. Selon l’étude TomTom consacrée à la circulation au sein des grandes métropoles européennes, Bruxelles se positionne en 2011, comme en 2010, à la première place des villes les plus congestionnées du continent. Et si le classement n’en identifie pas explicitement les causes, diverses analyses menées ces dernières années par le CRR, le Centre de recherche routière en Belgique, et l’IGEAT, l’Institut de Gestion de l’Environnement et d’Aménagement du Territoire de l’Université Libre de Bruxelles, ont démontré l’impact sur la circulation urbaine de plusieurs facteurs concomitants pour expliquer cette situation. À savoir un nombre élevé de véhicules par habitant comparé à d’autres capitales européennes, une part croissante des navetteurs, ces automobilistes habitants hors de Bruxelles qui viennent y travailler quotidiennement et une augmentation significative des flottes d’entreprises. Les évolutions tendancielles montrent d’ailleurs que, si aucune mesure significative n’est envisagée, ce phénomène devrait même s’aggraver dans les prochaines années, accentuant les difficultés d’accessibilité aux différents pôles régionaux et pénalisant l’activité économique de la région. C’est la raison pour laquelle, le 9 septembre 2010, le gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale a approuvé le plan IRIS 2 dont l’objectif prioritaire est de valoriser l’usage des modes doux en centre-ville et de réduire la pression auto-
mobile de 20 % à l’horizon 2018. Dans la mesure où plus de 50 % des déplacements bruxellois sont réalisés sur moins de 5 kilomètres, les autorités régionales espèrent pouvoir convaincre les habitants qu’il existe un certain nombre d’alternatives à la voiture pour effectuer des distances de ce type. Pour ce faire, le programme prévoit notamment une réorganisation du réseau routier donnant la priorité aux transports publics, aux cyclistes et aux piétons mais aussi la mise en place d’une politique de stationnement et d’optimisation des distributions urbaines au niveau régional. Car l’un des problèmes cruciaux de la Région s’avère être celui de la gouvernance en matière de mobilité. Dix-neuf communes, parmi lesquels Bruxelles-Ville elle-même, compose cet ensemble territorial enclavé d’environ 1,2 million d’habitants. « À Bruxelles, chaque commune possède la maîtrise de ses voiries. En conséquence, il existe un cumul institutionnel qui pose des problèmes de cohérence et de gestion globale en matière de transport des personnes comme des marchandises. Pour un même centre commercial, il peut exister une voirie régionale et des voiries communales vis-à-vis desquelles plusieurs municipalités sont compétentes », explique Pierre Francis, directeur exécutif de l’AMVC, l’Association du management de centre-ville.
Surenchère Une fragmentation de l’autorité qui pousse parfois à la surenchère en matière de réglementation notamment pour ce qui concerne la logistique urbaine. « Aujourd’hui les villes actent de plus en plus de règlements pour décider des horaires auxquels il est possible
BRUXELLES EN CHIFFRES
19 communes
composent la région de Bruxelles-Capitale parmi lesquelles Bruxelles-Ville constitue la plus étendue (32,6 km2) et la plus peuplée (165 000 habitants).
350 000 navetteurs
entrent quotidiennement au sein de la ville de Bruxelles.
30 % des voiries
communales du réseau de quartier étaient traitées en zone 30 en 2009. Un plan renforcé en septembre 2010 par la mise en zone 30 de la totalité du Pentagone.
7 millions de véhicules
empruntent chaque jour le Ring, l’autoroute servant de boulevard périphérique à l’agglomération bruxelloise.
AFFAIRES. À la fois capitale belge et européenne, Bruxelles attire chaque jour de plus en plus de visiteurs en déplacement d’affaires, ce qui accentue significativement les problèmes de circulation en centre-ville.
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EN 2010, LA RÉGION A APPROUVÉ LE PLAN IRIS 2 DONT L’OBJECTIF PRIORITAIRE EST DE VALORISER L’USAGE DES MODES DOUX EN CENTREBVILLE POUR RÉDUIRE LA PRESSION AUTOMOBILE DE 20% À L’HORIZON 2018.
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EUROPE
d’effectuer des livraisons en centreville. Cette tendance incite les communes à se mettre en concurrence les unes par rapport aux autres. Plus une municipalité fait de règlements, plus ses voisines sont tentées de faire de même. Cela n’est pas sans créer d’importants problèmes d’organisation pour les entreprises de transport. Bien entendu, la meilleure solution serait de mettre en place une politique globale de mobilité au niveau de l’ensemble de la communauté urbaine », précise le dirigeant belge. Pour pallier ce type de dysfonctionnements, le ministère des Transports de la Région oeuvre actuellement à la mise en place, d’ici deux ans, d’une législation visant à uniformiser les réglementations sur tout le territoire.
INTERVIEW
BRIGITTE GROUWELS, MINISTRE DES TRANSPORTS (1) DE BRUXELLES-CAPITALE.
BRUXELLES-CAPITALE
« BRUXELLES DOIT RÉSOUDRE SES PROBLÈMES DE GOUVERNANCE »
Acteurs Urbains : Entre la région et les communes qui la constituent, comment se répartissent les compétences en matière de mobilité ? Brigitte Grouwels : La responsabilité est nécessairement partagée dans la mesure où les communes qui composent la région disposent encore d’importantes prérogatives en matière de transport. Et chacune y défend ses intérêts locaux au détriment d’une vision globale de la question. Bruxelles doit résoudre ses problèmes de gouvernance et il est très clair que la politique des transports doit relever de la seule autorité de la région. Quels problèmes cette fragmentation de l’autorité peut-elle poser ? B. G. : Nous travaillons par exemple au développement des pistes cyclables. Cela implique une meilleure optimisation des voiries dont une part importante est utilisée pour le stationnement des automobiles. Mais cette question relève encore aujourd’hui de la compétence des communes et non de la région. Aussi, nous œuvrons à l’élaboration d’un plan visant à uniformiser toutes les réglementations en voirie au niveau de la Région de Bruxelles-Capitale. Notamment par la mise en place de plusieurs zonetypes de stationnement pour lesquelles s’appliqueront les mêmes caractéristiques, de tarifs et de durées maximum autorisées, dans toutes les communes. Est-ce aussi dans cette optique que vous comptez créer la future agence
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régionale de stationnement ? B. G. : Absolument. Cet organisme aura notamment pour tâche d’organiser le fonctionnement des parkings de transit situés en périphérie de la ville au voisinage des stations de transports en commun. Nous avons prévu une douzaine de zones de ce type sur le territoire bruxellois afin d’inviter les usagers à laisser leurs voitures pour entrer en ville. Parallèlement, cette agence aura la responsabilité de trouver des solutions pour le stationnement en surface avec notamment la création de parkings supplémentaires dans Bruxelles. Car aujourd’hui, seul 50 % du parc automobile bruxellois dispose d’un stationnement situé hors de la voirie. Il nous faut trouver une alternative à ce problème. Le port de Bruxelles dépend directement de la région. Quels sont vos projets le concernant ? B. G. : Je pense que le port peut jouer un rôle crucial pour que Bruxelles devienne une ville plus durable. Actuellement, une grande partie des matériaux bruts dont le secteur de la construction a besoin est déjà acheminé par bateaux. C’est également le cas concernant l’enlèvement des déchets ou l’approvisionnement en fioul. Notre souhait pour l’avenir est d’y augmenter le trafic par conteneurs afin qu’il devienne une zone logistique capable d’accompagner activement le développement de la nouvelle économie de l’e-commerce. (1) Ministre des travaux publics, des transports, de l’informatique et du port de Bruxelles.
Péage urbain Si sur cette nécessité de gouvernance régionale la majorité des acteurs publics comme privés sont plutôt unanimes, il en est une autre en revanche qui divise fortement les rangs : à savoir celle de l’éventuelle instauration d’un péage urbain. À l’image de ceux qui ont pu être réalisés à Londres, Stockholm ou Milan. En conclusion du plan de mobilité IRIS2, cette question est d’ailleurs évoquée de manière explicite comme moyen de trouver de nouvelles ressources financières pour faciliter la planification budgétaire des mesures envisagées. Avec toutefois des recommandations précises sur la manière dont il devrait être mis en œuvre et notamment sur la nécessité de l’appliquer à un territoire le plus large possible autour de la capitale belge afin de limiter les délocalisations d’entreprises et de ménages bruxellois. Car c’est bien sur la question des conséquences économiques du péage urbain que les avis divergent. Et si certains prônent qu’à l’exemple de Londres la croissance commerciale de la ville ne sera pas affectée par son application, beaucoup estiment
COMPTE TENU DE SON TERRITOIRE RESTEINT ET ENCLAVÉ, L’IMPACT DU PÉAGE URBAIN POURRAIT ÊTRE NÉGATIF SUR L’ECONOMIE DE LA REGION.
BRUXELLES-CAPITALE
PÉRENNITÉ
Avec le plan de mobilité IRIS 2, la Région de Bruxelles-Capitale ambitionne de modifier le visage de la capitale belge afin d’offrir une meilleure qualité de vie à ses habitants comme à ses usagers.
Taxation intelligente « Aujourd’hui, nous sommes plutôt favorables à un système de taxation kilométrique intelligente. À savoir qu’une voiture paierait plus lorsqu’elle roule en heure de pointe ou sur certains axes saturés. Évidemment pour améliorer son efficacité, ce système devrait être envisagé sur un territoire élargi : sur une zone d’environ 30 kilomètres autour de Bruxelles voire même au sein des deux autres régions belges, en Flandre et en Wallonie. À l’image de la taxe routière qui sera instaurée pour les camions à partir de 2013 pour l’ensemble de la Belgique. Du fait de la taille réduite de notre territoire, cette taxe pourrait engendrer une perte de concurrence par rapport aux villes voisines et inciter les entreprises à s’installer hors de son périmètre. C’est pourquoi nous souhaiterions fortement impliquer les deux autres régions dans ce processus », explique le ministère des Transports de la région de Bruxelles-Capitale. Une inquiétude réaliste que partage également l’AMVC qui constate déjà une tendance migratoire des commerçants comme des distributeurs vers les zones périphériques du fait des difficultés de livraison en centre-ville. Ajoutée aux problèmes contigus de congestion et réglementations disparates entre communes, le péage urbain, tout comme la taxation kilométrique intelligente, pourrait engendrer une distorsion de concurrence entre le centre et la périphérie bruxelloise, et amoindrir à terme l’attractivité économique de la ville. Une perspective que tous voudraient éviter en période de crise.
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que compte tenu du caractère restreint et enclavé du territoire bruxellois l’impact pourrait être négatif pour son économie urbaine.
LE BILC À SCHAERBEEK-FORMATION En janvier 2010, après plusieurs mois de bras de fer avec plusieurs associations de riverains, le gouvernement de Bruxelles-Capitale renonçait à son projet d’installer une vaste plateforme logistique en centre-ville. En cause les nuisances pour les habitants qu’aurait généré l’afflux des camions venus approvisionner le site. Cette opération baptisée BILC pour Brussels International Logistic Center et réalisée en partenariat entre le port de Bruxelles et la société français Sogaris prévoyait la construction d’un complexe de 53 000 m2 regroupant à la fois des entrepôts, des
parkings, des locaux d’activités, des showrooms et des bureaux. Ces derniers étant placés en façade pour masquer en partie le reste de l’opération et assurer ainsi une meilleure intégration dans le paysage urbain environnant. « Étonnamment, ce sont les écologistes qui empêché la réalisation de ce projet. Mais l’idée d’implanter ce CDU près du centre-ville visait à livrer le dernier kilomètre avec des modes doux, véhicules électriques et triporteurs. En préférant éloigner le site plus loin dans l’avantport, cette option s’avérera plus difficile à réaliser », précise Brigitte Grouwels.
En remplacement, le gouvernement a depuis évoqué la possibilité d’ériger ce futur centre logistique sur les réserves foncières de SchaerbeekFormation, situées au nord-est de Bruxelles. Il s’agit d’un espace multimodal au sein duquel le port de Bruxelles envisage de s’étendre sur une vingtaine d’hectares. Son éloignement limitant les nuisances engendrées sur les riverains. Problème : le terrain est toujours la propriété de la SNCB, les chemins de fer belges, et la région de BruxellesCapitale n’en prévoit pas l’acquisition avant une dizaine d’années. Autant dire que le projet n’est pas prêt de voir le jour. ACTEURS URBAINS /// JUIN 2012
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VÉHICULE
Flottes urbaines Le gaz fait une percée
Les motorisations fonctionnant au gaz méthane ne sont plus réservées à quelques flottes captives de bennes à ordures ménagères (BOM) et de bus. Le développement de l’offre, y compris vers les utilitaires légers, étend les motorisations au gaz. Tour d’horizon. PAR LOÏC FIEUX. PHOTOS DR.
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n moteur fonctionnant au gaz naturel pour véhicule (GNV) est comparable dans son principe à un moteur à essence. Il s’agit d’un moteur dont l’allumage est commandé par des bougies. Il est également possible d’utiliser du gaz avec un moteur fonctionnant selon le cycle diesel, avec un allumage par compression, mais à condition d’injecter un peu de gazole (25 %) avec le gaz (75 %) pour enflammer celui-ci. C’est là le principe « dual fuel » de Volvo.
GNV Le GNV est la principale énergie alternative face au pétrole. Apparentés à la technologie «essence», les moteurs GNV s’affranchissent de l’épuisement des énergies fossiles et sont sans impact environnemental si on les alimente avec un biogaz produit naturellement par décomposition de la biomasse, y compris les ordures ménagères.
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Pour le transport du gaz à bord du véhicule, on doit, soit compresser celui-ci (cas général du GNV), soit le liquéfier. Dans ce cas, le GNV devient du GNL (Gaz Naturel Liquéfié). Liquéfié, le gaz occupe un volume significativement réduit par rapport au gaz compressé. Cependant, le méthane ne reste liquide qu’à une température inférieure à – 182°C. Il faut donc stocker le GNL dans un réservoir isotherme (une « bouteille thermos »). En cas de non-utilisation du contenu du réservoir, le GNL se réchauffera immanquablement, passera à l’état gazeux et devra pouvoir s’échapper par une soupape. On ne peut donc pas stocker n’importe où un véhicule au gaz. Le GNL présente cependant l’intérêt de diviser le volume du méthane par 600 par rapport à son état détendu à température ambiante tandis que le GNV ne divise ce volume que par 200. Qu’il s’agisse de bouteilles pour le gaz comprimé ou d’un réservoir isotherme pour le gaz liquéfié, le transport de ce carburant à bord du véhicule nécessite un système
de stockage plus lourd et plus cher que ce que nous connaissons pour le simple gazole, en n’accordant qu’une autonomie inférieure à volume égal.
Où faire le plein ?
Si l’on accepte ces contraintes, il faut encore être en mesure de faire le plein de gaz. Des agglomérations françaises disposent toutes d’un réseau de distribution de gaz à usage domestique ou industriel. Pour utiliser celui-ci à bord d’un véhicule, il convient de s’équiper d’un compresseur adapté. Ces installations ont un coût qui limite jusqu’à maintenant l’emploi du GNV aux flottes captives de bus et de bennes à ordures. Cependant arrivent sur le marché des petits compresseurs plus abordables, tels le Phill de BRC Fuelmaker. Hors mesures incitatrices fortes, il est compréhensible que les utilisateurs n’aient pas envie de s’équiper de leur propre système de compression. Ils doivent donc pouvoir compter sur une station distribuant du GNV au public. S’il existe plus de 330 points de distribution de GNV
CITADIN. Depuis une quinzaine d’années, les motorisations GNV se banalisent à bord des bus et des BOM employés en ville. L’intérêt environnemental de ces motorisations (absence de particules, bruit réduit…) doit les aider à conquérir d’autres activités de transports en ville. Elles seront en cela aidées par leur compétitivité qui progressera avec l’augmentation des prix que subiront les motorisations diesel avec l’entrée en vigueur d’Euro 6 en 2013.
MIXTE. La solution « dual fuel » (méthane liquéfié et diesel) développée par Volvo sur son FM ouvre la voie à des véhicules lourds (44 t) et puissants (moteur 13 l, 460 ch, 2300 Nm) dont l’énergie est fournie à 75 % par du méthane liquéfié (GNL). Contrairement aux motorisations gaz à allumage commandé, celle-ci doit à son principe diesel sa compatibilité avec les boîtes robotisées dépourvues de synchros mécaniques. Un tel véhicule est destiné aux emplois régionaux lourds ou nationaux dès lors qu’il est possible de le ravitailler en GNL.
en France, ils sont presque tous installés dans l’enceinte privée du dépôt d’une flotte GNV. Rares sont les stations GNV ouvertes au public. Dans cette catégorie, on trouve le réseau GNVert (filiale GDFSuez), mais il ne compte à ce jour que 27 stations ! La distribution du GNL est en France à un état plus embryonnaire. Le méthane parcourt les canalisations françaises de distribution sous forme gazeuse. Il faut donc le reliquéfier pour disposer de GNL pour les véhicules. Il existe pour cela des solutions adaptées aux petites flottes ou à la vente au public de GNL.
GNV : l’offre actuelle
Sur le marché français, trois acteurs principaux proposent des camions fonctionnant au gaz. Renault Trucks propose ainsi son Premium Distribution en 19 t (4x2) ou 26 t (6x2*4) équipé par PVI d’un moteur Cummins Westport (8,9 l, 300 ch, 1166
L’INTÉRÊT DU GNL PAR RAPPORT AU GNV EST UNE AUTONOMIE TRIPLÉE.
Nm). Mercedes a à son catalogue le Sprinter (3,5 à 5 tonnes) en version NGT (Natural Gas Technology) qui utilise le même petit moteur que la voiture Mercedes Classe B NGT (1,796 l, 156 ch, 240 Nm), ainsi que l’Econic NGT (19 ou 26 t, 4x2 ou 6x2*4, 279 ch, 1100 Nm). Comme le Premium Distribution GNV, l’Econic NGT n’est proposé qu’avec une boîte automatique Allison. Ce choix s’explique par l’utilisation en BOM généralement faite de ces châssis. Iveco se distingue de ses concurrents par l’étendue de sa gamme. La gamme Iveco GNV est à peu près continue de 3,5 à 44 tonnes, ce qui constitue un cas d’autant plus unique sur le marché qu’Iveco est son propre motoriste par le biais de Fiat PowerTrains (FPT). Iveco propose ainsi depuis 2000 son Daily GNV (136 ch, 3,5 à 7 tonnes), l’Eurocargo GNV (200 ch, 12 ou 16 tonnes) depuis 2009, et le Stralis GNV depuis 2007 (270 ou 330 ch, 19 ou 26 t en porteur, 40 à 44 t de PTRA en porteur-remorqueur ou en tracteur). Comme Mercedes sur le Sprinter NGT, Iveco laisse sur ses véhicules gaz le choix entre boîte manuelle et boîte automatique. La boîte automatisée Agile est disponible sur le Daily GNV. Au sein du groupe Fiat, les utilitaires Fiat Doblo et Ducato sont disponibles en versions GNV, labellisées « Natural Power ». L’intérêt du GNL par rapport au GNV est une autono-
OUTIL DE COMMUNICATION Les plus éco-verts : comme les autres motorisations alternatives (véhicules hybrides, électriques), la motorisation au gaz est choisie avant tout parce qu’elle permet d’afficher une conscience environnementale. Bruit, vibrations et émissions polluantes réduits face au diesel constituent des atouts objectifs qui seront décuplés dès que l’emploi de biogaz se banalisera à bord des véhicules. En complément de leurs marchés traditionnels (BOM et bus), les motorisations au gaz sont clairement amenées à se développer à court terme à bord des véhicules de distribution. Le développement des ZAPA, la progression du prix du gazole et le surcoût d’Euro 6 pour les motorisations diesel contribueront au développement futur du parc des modèles GNV.
mie triplée malgré un volume de stockage égal à bord du véhicule.
GNL : offre en devenir
Le GNL s’adresse donc prioritairement à des emplois nécessitant une autonomie supérieure à celle des tournées urbaines. Il n’en reste pas moins que le GNL pose un problème d’approvisionnement pire que celui que rencontrent les véhicules GNV. On comprend donc que le ACTEURS URBAINS /// JUIN 2012
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UNIQUE. Iveco est le seul constructeur à proposer un moyen tonnage à motorisation GNV. Il s’agit de l’Eurocargo (12 ou 16 tonnes) avec le moteur Tector 6 CNG-EEV (200 ch/ 650 Nm). Ce châssis est voué aux applications type « distribution urbaine ».
BIOGAZ. Iveco est un acteur majeur dans le monde du GNV avec une gamme étendue (3,5 à 44 tonnes). Porté par le marché italien, il a pu ne pas s’enfermer dans les seules applications BOM pour s’ouvrir à d’autres usages, en distribution urbaine ou régionale. Ce châssis Stralis présente l’intérêt d’être alimenté avec du biogaz issu de la décomposition des matières organiques. Ce biométhane est produit en Moselle par l’usine Méthavalor, du Sydeme. Stralis GNL d’Iveco soit capable de fonctionner au GNL (bouteille de 568 l) ou au GNV (4 bouteilles totalisant 280 l, « en dépannage »). Lancé en version tracteur (40-44 tonnes), le Stralis GNL sera également proposé en porteur (19 ou 26 tonnes) et porteur remorqueur (jusqu’à 44 tonnes) d’ici fin 2012. Contrairement aux autres moteurs gaz qui sont « à allumage com-
mandé » (technique « essence »), le 13 l « dual fuel » du Volvo FM est «à allumage par compression» (technique diesel) grâce à une solution « dual fuel » qui utilise un peu de gazole (25 %) mélangé à beaucoup de gaz (75 %). Le Volvo FM « dual fuel » n’est proposé qu’en version 460 ch/2300 Nm, clairement destiné au transport régional ou longue distance.
COMBIEN ÇA COÛTE ? Selon Iveco, un véhicule fonctionnant au gaz coûte à l’achat 20 à 40 % plus cher que son équivalent diesel et a un coût d’entretien 20 à 30 % supérieur en raison des procédures dont l’application provoque un allongement des opérations d’entretien. Selon Mercedes, le surcoût à l’achat d’un Econic NGT est de 15 % tandis que le surcoût en entretien est de 8 %. Pour le Volvo FM «dual fuel», le surcoût à l’achat est de l’ordre de 40 % pour un tracteur 4x2. Avec l’arrivée de la norme Euro 6, les coûts liés au diesel vont augmenter alors que ceux liés aux
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motorisations gaz (virtuellement déjà conformes à la norme Euro 6) n’augmenteront pas dans les mêmes proportions. Euro 6 va donc améliorer la compétitivité des motorisations gaz. Quant à la consommation, il faut considérer que le prix du gaz est un prix au kilogramme alors que celui du gazole est un prix au litre. À transmission égale, on constate dans le cadre d’une utilisation sur route qu’un camion gaz consomme 1 kg de gaz quand son équivalent diesel consomme un litre de gazole. En longue distance, la comparaison est favorable au gaz avec
0,9 kg pour un litre de gazole. C’est par contre l’inverse en ville avec 1,05 kg de gaz pour un litre de gazole. En fait, plus un moteur gaz fonctionne à pleine puissance, plus il est rentable par rapport à un diesel. Les motorisations gaz n’ont qu’un impact réduit sur la charge utile grâce aux dérogations de PTAC accordées par rapport à la réglementation. Le marché de l’occasion est inexistant en France pour les véhicules fonctionnant au gaz. L’acheteur du véhicule doit donc prévoir de conserver le véhicule jusqu’à ce qu’il soit amorti en raison de l’absence de valeur résiduelle.
L’opinion publique a été éduquée dans un esprit qui désigne le CO2 comme le principal responsable du réchauffement climatique. On ne dit pas assez que le méthane contribue, à masse égale, à un effet de serre 20 fois plus important ! Si le méthane est le composant essentiel du « gaz naturel » d’origine fossile, il est également produit naturellement par la décomposition des matières organiques, y compris nos ordures ménagères. Ce méthane issu de la décomposition de la biomasse est communément appelé biogaz. Tout l’enjeu réside dans la décision purement politique d’imposer une élimination des déchets dans des conditions qui permettent de récupérer le méthane produit, au lieu de laisser celui-ci s’échapper et contribuer à l’effet de serre. En France, les installations d’envergure se comptent encore sur les doigts d’une main. En récupérant le biogaz produit par les ordures et en l’utilisant dans les véhicules, le cercle vertueux donne un bilan carbone favorable et réduit la consommation des énergies fossiles.
Pourquoi choisir le gaz ?
Hormis le cas des ZAPA (zones d’action prioritaires pour l’air) et de réglementations locales particulières, c’est la demande du client final qui oriente le choix vers les motorisations gaz. La
VÉHICULE
AUTONOME. Dans le domaine des véhicules gaz les plus lourds (jusqu’à 44 tonnes) et hors applications BOM, le Stralis GNL-GNV est moins puissant (330 ch/1300 Nm) que le Volvo FM « dual fuel » (460 ch/2300 Nm). Il se contente d’un moteur de 8 l à comparer au moteur de 13 l du FM. Cependant, et contrairement au FM qui a en permanence besoin de gazole, le Stralis GNL-GNV s’affranchit du gazole. Il doit son autonomie au faible encombrement du gaz sous forme liquéfiée (GNL). En cas de difficulté d’approvisionnement en GNL, il conserve sa mobilité grâce à ses bouteilles de gaz compressé (GNV).
LIMITE. Comme l’Iveco Daily CNG, Le Sprinter NGT est disponible en châssis cabine et pourra recevoir une caisse fourgon messagerie, une caisse frigo, etc. Il est cependant limité à l’intervalle de 3,5 à 5 tonnes alors que le Daily grimpe à 7 tonnes. Le Sprinter NGT doit par ailleurs se contenter d’un « petit » moteur de 1,796 l qui développe certes 156 ch, mais dont le couple de 240 Nm n’est disponible qu’à 3000 tr/min. Pour comparaison : le moteur 3 l du Daily CNG dispose de son couple maximal (350 Nm) dès 1500 tr/min.
IMPLANTATION. L’un des problèmes posés par les motorisations au gaz est l’implantation des bouteilles de stockage. Sur un petit véhicule comme le Daily, elles sont placées dans l’empattement, à la fois entre les longerons et à l’extérieur de ceux-ci, et dans le porte-à-faux arrière. Il n’y a ainsi ni perte de longueur carrossable, ni trop forte contrainte sur l’équipement carrossier. L’Iveco Daily CNG (GNV) dispose d’un moteur 3 l de 136 ch et 350 Nm et est disponible avec des tonnages compris entre 3,5 et 7 t. En 3,5 t, il profite d’une dérogation de PTAC qui lui permet d’absorber le surpoids de l’équipement GNV tout en conservant la charge utile de son équivalent diesel et la possibilité d’être conduit avec un permis B.
recherche du moindre bruit peut être le facteur le plus important, notamment pour les livraisons nocturnes. En Allemagne et dans d’autres pays d’Europe du Nord, le bruit réduit de la motorisation gaz vaut à l’Econic NGT d’y être employé pour la distribution urbaine. D’un point de vue environnemental, les motorisations gaz sont annoncées avec des émissions de particules au niveau des exigences Euro 6; des émissions d’oxydes d’azote (NOx) égales ou inférieures à celles d’un diesel Euro 6; et une maîtrise des émissions polluantes plus spontanée qu’avec un moteur diesel (en raison du temps nécessaire à celui-ci pour atteindre sa température de fonctionnement optimal). Enfin, en alimentant un moteur gaz avec du biogaz, le bilan carbone est nul.
GNL : une offre en devenir
En France, le marché historique est celui des entreprises de propreté travaillant pour des collectivités locales. Depuis que Monoprix a ouvert le marché de la distribution urbaine aux motorisations gaz en 2008, celle-ci constitue un nouveau marché, encore limité, mais dont la croissance est perceptible. Exemple : Solideo a acquis sept Iveco Daily GNV pour ses activités de distribution au profit de pharmacies et de points de vente Yves Rocher. Iveco estime à 600 le nombre de ses
camions GNV en service en France, dont 15 à 20 % de Daily. Qui programme la vente de 100 à 150 camions GNV dans l’Hexagone en 2012, dont les deux tiers pour des utilisations autres que les BOM, ce qui traduit une hausse de l’emploi des motorisations gaz pour le transport de marchandises. Le constructeur attribue ce succès à son tracteur GNV/GNL, pertinent en utilisation régionale. En concurrence, Renault Trucks annonce que son parc roulant de camions GNV est de l’ordre de 500 véhicules avec des ventes qui s’élevaient à environ 50 châssis dans le contexte difficile de 2011 alors qu’une année normale représente pour la marque des ventes se situant aux alentours de 100 châssis GNV. Mercedes estime son parc français de véhicules gaz à une quarantaine d’Econic, tous utilisés en BOM, et à autant de Sprinter pour la distribution, par exemple par La Redoute.
LA RECHERCHE DU MOINDRE BRUIT PEUT ÊTRE UN FACTEUR DÉTERMINANT.
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FOCUS
Cabines surbaissées Le plein d’avantages
Dans une journée, un chauffeur livreur ne cesse de monter et descendre de sa cabine et sa porte battante présente un risque pour les autres usagers. Inhabituelle, la cabine surbaissée propose confort et sécurité. Double atout. Insuffisant pour convaincre le marché de la distribution ? PAR LOÏC FIEUX. PHOTOS DR.
A
vec son plancher bas, la cabine surbaissée facilite les accès. Elle limite les efforts physiques et les risques de chute. De plus, de telles cabines disposent de planchers plats, peu ordinaires sur les camions de distribution, qui permettent la sortie du chauffeur par le côté droit. Parmi les accidents du travail, nombreux sont ceux qui surviennent quand le chauffeur accède à sa cabine ou la quitte. Le premier rôle de la cabine surbaissée est de réduire ce risque. Leur emmarchement permet une descente face à la route et non dos à celle-ci comme c’est l’usage avec les cabines de camion non surbaissées. La cabine basse réduit les angles morts à proximité immédiate de la cabine, ce qui réduit le risque d’accident avec un piéton. En outre, la position du poste de conduite nettement devant l’essieu directeur interdit à celui-ci d’encaisser un choc frontal avant l’habitacle. D’autre part, la conduite depuis le porteà-faux avant suppose une bonne appré-
ALLEMAGNE. L’Econic connaît quelques utilisations en distribution. Sa porte pliante, côté droit, et son plancher plat permettent aux livreurs de passer aisément par le côté trottoir. 62
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SCANIA P. La version surbaissée de la cabine Scania P conserve une porte battante côté trottoir alors que l’un des atouts des Econic et des Elite II/Access réside dans leur porte pliante.
ciation du balayage avant par le conducteur. Enfin, le «look de tortue» des camions à cabine surbaissée n’est généralement pas très apprécié. Deux catégories sont en concurrence : les cabines surbaissées extrapolées de celles montées en position « normale » et… les vraies originales. Dans la première catégorie, se retrouvent notamment la version «low entry» de la cabine P de Scania et la version LEC (low entry cab) du Volvo FE qui équipe une flotte d’une dizaine de bennes à ordures ménagères (BOM) en région lilloise. Les «pures» cabines surbaissées offrent une hauteur sous pavillon qui permet au conducteur de s’y déplacer debout (pavillon haut). Avec un pavillon bas, la hauteur hors tout réduite facilite l’équipement d’une échelle dans le cas d’une EPA (échelle pivotante automatique) de pompiers ou le passage du camion sous les ailes des avions dans le cas d’un avi-
tailleur aéroportuaire. Les cabines surbaissées d’origine ont la possibilité d’être équipées de portes pliantes («portes autobus»), notamment sur leur côté droit. Elles sont moins dangereuses pour les autres usagers que des portes battantes. Elles s’ouvrent sans effort, par une simple action sur un bouton.
Dennis Eagle/ Renault et Mercedes
On ne trouve en Europe que deux modèles de cabines surbaissées non dérivées d’une cabine classique : celle qui caractérise le Mercedes Econic et celle de Dennis Eagle. L’Econic a été conçu en Suisse chez NAW, désormais produit à Wörth sur la même chaîne «véhicules spéciaux» que l’Unimog. L’Econic connaît de multiples versions à pavillons haut et bas, tracteur ou porteur
(à deux ou trois essieux), avec moteur diesel ou GNV (gaz naturel pour véhicule). Contrôlé par le groupe espagnol Ros Roca, le constructeur britannique Dennis Eagle, a la particularité de ne produire que des camions à cabines surbaissées, destinés quasi exclusivement à être carrossés en BOM. Ros Roca dispose d’une gamme complète de compacteurs et de lève-conteneurs, ce qui assure une bonne intégration de l’équipement carrossier au châssis. L’Elite II, unique modèle de Dennis Eagle, est motorisé par le 7 litres Volvo (conçu chez Deutz).
Encore marginales
Cette proximité entre Dennis Eagle et Volvo explique que le réseau Volvo assure la maintenance du parc Dennis Eagle en Europe du Nord. Sur les marchés européens où Renault Trucks a un taux de pénétration significatif (France, Italie, Espagne, Bénélux), le Dennis Eagle Elite II est vendu par le réseau Renault. Il est à cette occasion rebadgé Renault Access. Le constructeur turc BMC a lui aussi intégré la cabine de l’Elite II à sa gamme. Parmi les caractéristiques intéressantes de l’Elite II et donc de l’Access, la cabine étroite (2,30 m) est disponible tant en 4x2 (19 t) qu’en 6x2*4 (26 t). L’Elite II se singularise par ses deux largeurs de cabine (2,30 m ou 2,50 m) et par ses multiples configurations, du 4x2 au 8x4. Tant pour l’Econic que pour l’Access, la transmission standard utilise la boîte automatique Allison. L’Econic et l’Elite II/Access sont produits à environ mille exemplaires par an. La vocation d’origine des cabines surbaissées est l’équipement des BOM. Cela dit, il est possible d’adapter une caisse distribution sur un châssis initialement conçu pour une BOM. En France, le marché total des cabines surbaissées représente une centaine de
MARCHÉ FRANÇAIS. Le Dennis Eagle Elite II est désormais commercialisé
par le réseau Renault en tant que Renault Access. Conçu exclusivement pour la cabine surbaissée, ce camion se destine principalement à un emploi en BOM.
véhicules par an, essentiellement en BOM. Il existe toutefois dans l’Hexagone une poignée d’Econic carrossés différemment, par exemple en citerne à fioul, en avitailleur aéroportuaire (Shell à Beauvais, BP Air à Toulouse) et en échelle de pompiers (à Strasbourg et à Marseille). Ces cabines tardent à investir le marché de la distribution urbaine. Cela s’explique par la nature du marché, qui n’est ni tenu par les patrons-chauffeurs, ni dopé par les collectivités locales qui souhaiteraient mettre en avant leur conscience sociale en s’équipant d’un matériel onéreux, mais offrant de meilleures conditions de travail. Au contraire, l’achat des véhicules de dis-
FUTURISTE. Le projet Connect de Renault Trucks se soucie de la position de conduite, de la vision périphérique et de l’accès au véhicule. La vocation urbaine de ce concept explique qu’il intègre une cabine surbaissée.
tribution est soumis aux habitudes des marchés «grands comptes» pour lesquels le prix est un facteur déterminant. D’emblée, la cabine surbaissée est donc écartée en raison du surcoût qu’elle entraîne. Les acheteurs de véhicules de distribution se montrent en outre conservateurs dans leurs choix. Ils souhaitent des véhicules simples, avec une bonne longueur carrossable et une bonne charge utile, tout en réduisant la longueur hors tout pour favoriser la maniabilité. Iveco, acteur important sur le segment français des porteurs de moyen tonnage, n’a recueilli aucune demande de ses clients pour des cabines surbaissées au cours des dernières années. Le marché des camions de distribution commence à migrer vers les boîtes robotisées avec plusieurs années de décalage par rapport aux véhicules sur longues distances. Les acheteurs sont encore très loin d’avoir intégré les cabines surbaissées à leurs appels d’offres. La réglementation évolue toujours dans le but d’augmenter la sécurité et de réduire les risques professionnels. Qui pourrait se traduire par une contrainte réglementaire visant à imposer des cabines surbaissées. À ce jour, cette évolution semble très lointaine, la pollution et l’effet de serre retenant toutes les attentions. ACTEURS URBAINS /// JUIN 2012
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FOCUS
Transpalettes On ne les entend plus !
Forcément solides, les transpalettes exploités en milieu urbain sont aussi jugés sur leurs niveaux de bruit et de consommation. Dans ce dessein, les innovations sont multiples et régulières. Tout est dans les détails. PAR WILFRIED MAISY
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ne palette n’arrivant jamais seule sur un trottoir, le transpalette est l’outil de base des livraisons. Avec 20000 unités par an, cet engin représente plus d’un tiers des ventes de chariots élévateurs en France. Avec des points forts. Discret ? Le chariot s’efforce de l’être davantage quand il bat le pavé. Propre ? Il s’affiche de plus en plus en motorisation hybride et conjugue les prouesses techniques : automatisation du freinage, paramétrage de conduite, ajustements au profil d’un cariste... L’objectif étant le respect de l’environnement, la sécurité et le confort.
Quel transpalette choisir ?
STILL
Ces petits matériels de manutention sont dédiés à une application unique : le transfert de palettes à l’horizontal, soit
ÉLECTRIQUE. Le transpalette Citi de Still est électrique, mais il est affiche le gabarit d’un transpalette manuel. 64
JUIN 2012 /// ACTEURS URBAINS
pour charger des camions, soit pour rassembler des marchandises, qui seront ensuite transportées par de plus gros chariots. Choisir un transpalette, c’est avant tout considérer le type de palettes à bouger. Quels sont le poids, les dimensions, la nature des produits ? En réponse, un chariot pourra porter une à deux tonnes ; être muni de fourches de 1 à 2 m. Son rayon de braquage lui permettra de tourner sur un espace d’1,5 à 2 m. Ses caractéristiques de vitesse et d’accélération seront adaptées à la fragilité du produit. Un transpalette manuel convient dans la limite des 360 kg pour une femme et 600 kg pour un homme. Par défaut, les 360 kg sont devenus la norme dans la grande distribution. Une palette d’eau, par exemple, représente 800 kg. L’assistance électrique, tant dans la translation que l’élévation de la charge, est un progrès certain pour les caristes. Question prix, les premiers modèles manuels coûtent moins de 300 euros, quand les électriques affichent au moins 1000 euros. Un autre critère de choix est la distance de portage. L’engin doit-il évoluer sur un bout de quai d’entrepôt, sur un trottoir ou sur plusieurs centaines de mètres, entre plusieurs espaces logistiques ? Dans les premiers cas, un modèle de transpalette électrique accompagnant (le cariste marche derrière le transpalette) suffit. Sinon, mieux vaut un transpalette à conducteur porté (l’homme est debout sur une tablette parfois relevable, voir assis). Un simple transpalette électrique atteint une vitesse de 6 km/h. Un modèle à plateforme rabattable va jusqu’à 9 km/h. Un transpalette à conducteur porté assis peut acheminer deux palettes jusqu’à 11, voire 20 km/h. Si des rampes sont à monter et des obstacles à franchir,
la garde au sol et la hauteur de levée du transpalette sont des critères à prendre en compte.
Confort oblige
Tous les chariots récents mettent l’accent sur la sécurité et l’ergonomie. Le confort de l’assise, de la vision et de la conduite n’est plus un luxe, mais une nécessité humaine et économique. Car en cas d’accident de manutention, le coût peut être lourd sur tous les plans. Les fabricants ont beaucoup progressé sur la stabilité, la suspension, le contrôle de la vitesse en fonction de la hauteur des fourches et de la charge. Les commandes sont simplifiées. La maintenance est facilitée par un meilleur accès à la batterie et au moteur. Un exemple avec la nouvelle gamme de transpalettes Fenwick T20, qui porte la technologie Sinergo, ou contrôle la vitesse maximale du chariot en fonction de la distance qui sépare l’opérateur de sa machine. Le système électronique durcit le timon en fin d’inclinaison, afin d’éviter les arrêts brusques et intempestifs. Une fonction de vitesse lente permet de manœuvrer dans les espaces exigus sans incliner le timon. La gamme est équipée d’un système de diagnostic et de contrôle d’accès.
Silencieux comme un chariot
S’adaptant aux évolutions de la distribution urbaine, les constructeurs travaillent beaucoup sur le bruit. Yale a récemment conçu un transpalette silencieux adapté aux chargements de nuit : le MP16S. Toutes les pièces mécaniques utilisées
de levage spécifique limitent les émissions sonores. Des matériaux anti-vibrations et réducteurs de bruits ont été placés à l’intérieur du châssis et du compartiment moteur. » Enfin, le transpalette électrique EXU de Still vient d’obtenir la certification Piek attribuée par le Cemafroid. Celle-ci garantit que le matériel respecte le seuil sonore maximum de 60 dB (A). Pour les livraisons nocturnes, il est d’usage de ne pas dépasser les 65 dB (A) pour les livraisons entre 19h et 23h et 60 dB (A) pour les livraisons entre 23h et 7h. Sur l’EXU SF à plateforme rabattable, doté d’un dispositif pneumatique d’amortissement des vibrations et des chocs, des barrières latérales capitonnées retiennent le cariste lors des déplacements.
ADAPTÉ. À l’image de LR Services pour McDonald’s, les livraisons urbaines demandent des chariots propres et silencieux.
sur un transpalette standard ont été passées en revue. Les zones génératrices de bruit ont été isolées : fixations magnétiques antibruit sur le couvercle de la batterie, bandes amortissant les chocs mécaniques, matériaux absorbant sur le capot moteur et sur la pompe hydraulique. « Mais le véritable progrès en matière de conception a été la troisième roue décentrée qui fonctionne en parallèle des bogies montés de série à l’avant des fourches, se félicite le constructeur. Ce système (breveté) permet que les roues antibruit adhèrent au sol. Celles-ci ne risquent pas de «glisser» entre des pavés ou sur des surfaces irrégulières à l’extérieur des magasins. » Autre exemple avec la nouvelle série WT 3000 de Crown, dont les roues stabilisatrices sont montées sur des ressorts de torsion, afin d’absorber les secousses
subies par le châssis. La machine est équipée du système breveté FlexRide, qui permet d’ajuster la suspension au poids du cariste, «réduisant les vibrations jusqu’à 80 % », selon le constructeur. De son côté, le fabricant BT a sorti une version silencieuse du transpalette Levio LWE200. « Ses roues souples et un système
L’ASSISTANCE ÉLECTRIQUE INTERVIENT DANS LA TRANSLATION ET L’ÉLÉVATION DE LA CHARGE.
W. MAISY
Pour le dernier kilomètre
Visant clairement les livraisons de charges jusqu’à 500 kg dans les cœurs de ville, Still a sorti un chariot électrique mais très compact : le Citi. Celui-ci est électrique, mais il est affiche le gabarit d’un transpalette manuel, avec une longueur hors fourche inférieure à 410 mm. « Le Citi se faufile à l’intérieur des camions et dans les ruelles étroites. Son moteur de traction intégré à la roue directrice permet un transfert sans effort des palettes ou des rolls, » souligne le constructeur allemand. Sa roue avant, «increvable», est en caoutchouc cranté (310 mm de diamètre et 85 mm de large). Ses galets arrière épousent la forme des obstacles, pour franchir sans effort et sans bruit les trottoirs et passages de seuils jusqu’à 70 mm de haut. Objectif : livrer le client au plus près de son espace de stockage sans détériorer le sol, très tôt le matin. Au niveau de la sécurité, le Citi possède un frein de parc automatique pour stabiliser la charge et immobiliser l’appareil en pente sur un hayon ou dans une ruelle. Il peut monter des rampes de 8 % avec ou sans charge. Autre modèle compact : Le petit transpalette électrique Hyster P1.3 d’une charge de 1 300 kg est une alternative à un transpalette manuel. D’une puissance limitée, il est conçu pour des applications légères. Il fonctionne sur deux batteries 12 V et se recharge directement sur une prise électrique standard. Sa capacité lui permet de travailler jusqu’à deux heures d’affilée. Il dispose d’un freinage par régénération et d’un compteur horaire. ACTEURS URBAINS /// JUIN 2012
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IVECO / MORTALI / LNG
À L’AFFICHE
ADEME Après l’hydrogène et les piles à combustible, l’Ademe a lancé un appel à manifestations d’Intérêt (AMI) sur les chaînes de traction électrique et celui sur les véhicules routiers lourds. But : réduire l’impact négatif des transports. Sont visés tous les véhicules routiers utilisant une pile à combustible, les travaux sur les composants, les moteurs compatibles à la combustion d’hydrogène et les dispositifs de production d’hydrogène embraqués. Date limite des dépôts de dossiers au 12 Juillet.
IVECO
Le gaz naturel sur 800 km d’autonomie Un pionnier ! Iveco (filiale de Fiat Industrial) a mis en exergue, lors du salon d’Amsterdam en avril, le Stralis GNL Natural Power. Le tracteur vise la distribution sur des trajets moyens et aux livraisons nocturnes (réduction du niveau de bruit entre 3 et 6 décibels), pour des applications de 18 à 40 tonnes. Il utilise le moteur Cursor 8 au gaz naturel de 330 ch. Il est équipé de quatre réservoirs de gaz comprimé. Le GNL est stocké sous 9 bar (pression de remplissage) dans des réservoirs cylindriques isothermes en acier contenant au total 280 litres de gaz comprimé. Le total lui confère une autonomie avoisinant 800 km. « Un des principaux avantages de la technologie GNL est qu’elle permet une plus grande autonomie du véhicule », dit-on chez Iveco. En plus des avantages en termes de réduction des émissions, déjà présents avec la technologie GNC (gaz naturel comprimé), la technologie GNL permet de réduire le poids du véhicule et d’augmenter sa charge utile. MERCÉDES
2014-2016
Période clé pour la pile à combustible à hydrogène
A
près la vague des véhicules électriques viendra le temps de la pile à combustible (PAC) à hydrogène. Après avoir testé la technologie sur des centaines de véhicules, Daimler, Honda, Hyundai, Opel et Toyota ont prévu de sortir les premiers modèles de série entre 2014 et 2016. Dans la perspective, des pays européens sont sur les starting-blocks. À commencer par l’Allemagne où des bus à PAC circulent déjà dans les rues de Hambourg et de Berlin. Les Allemands ont lancé le programme H2 Mobility qui vise au déploiement d’une infrastructure nationale d’hydrogène. Les grands gaziers comme Air Liquide, Air Products et Linde y participent aux 66
JUIN 2012 /// ACTEURS URBAINS
côtés de constructeurs et des pétroliers Shell et Total. « Avec cette initiative, l’Allemagne va investir deux milliards d’euros entre 2011 et 2016 dans l’hydrogène », rapporte Bertrand Chauvet, directeur marketing SymbioFcell, un équipementier français fournisseur de systèmes PAC de forte puissance (jusqu’à 300 kW) pour des camions, bus et véhicules utilitaires. En France, le développement de la PAC a connu un tournant avec l’homologation de la F-City H2, un véhicule d’une autonomie de 150 km codéveloppé par Michelin et FAM Automobiles. Lequel devrait en pro-
SCANIA Le constructeur suédois propose un tracteur fonctionnant au gaz naturel ou au biométhane. Le véhicule P 310 4x2 utilise un moteur de cinq cylindres de 310 ch, alimenté en gaz liquéfié, avec certification Piek pour les livraisons nocturnes. La demande se développe aux Pays-Bas pour les véhicules urbains.
CERTIBRUIT
duire une quinzaine d’exemplaires. «Quelques minutes suffisent pour faire le plein en hydrogène », note le directeur marketing de SymbioFcell qui compte ouvrir en fin d’année une ligne d’assemblage de systèmes de PAC. Dans un premier temps, ceux-ci seront destinés à tripler l’autonomie des engins électriques avant de se substituer aux batteries sachant que, à autonomie équivalente, un système de PAC prend quatre fois moins de place qu’une batEK terie Li-ion.
Les livraisons de nuit ont leur labellisation avec la charte Certibruit. En vue d’un plan de prévention des nuisances sonores, une expérimentation a été lancée à Paris, Lyon et Orleans jusqu’en septembre, avec le Club Demeter. Carrefour Market, Casino, Mc Donald’s et Sephora se sont engagées avec Certibruit. Les livraisons de nuit se développent afin de limiter le nombre de camions en ville aux heures de pointe.
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DEMAIN
Les batteries des véhicules électriques et hybrides ont besoin de beaucoup d’énergie. Les collectivités s’y préparent avec l’implantation de sites publics de recharge. Timidement. PAR ÉLIANE KAN
Bornes de
recharge
Les projets attendent du jus
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eu développées en France, les stations publiques de recharge électrique ou de gaz vont peupler le bord de nos chaussées. Objectif : répondre à l’émergence des véhicules électriques, hybrides et au gaz. En France, deux millions d’engins électriques ou hybrides sont annoncés sur les routes en 2020. L’estimation est confortée par la hausse du prix du carburant et la nécessité de réduire les gaz à effet de serre ainsi que les émissions polluantes qui, selon l’OMS, font 40 000 décès prématurés par an. En prévision du pic de 2020, les catalogues des constructeurs s’étoffent avec des hybrides rechargeables (Opel Ampera, Peugeot 3008…) et des modèles électriques. Ces derniers présentent une autonomie de 90 à 160 km. Voire plus à l’instar de Zoe, la petite citadine de Renault. De plus, cette dernière embarque un chargeur «universel» qui autorise une recharge normale (huit heures à 3kW), accélérée (une heure à 22 kW) et rapide (une demiheure à 43 kW). « À chacun de ces modes de chargement correspondent des prises spécifiques », souligne Bruno Armand, responsable commercial chez DBT, fournisseur de bornes de rechargement. Les bornes rapides ne remplaceront pas forcément les équipements plus lents. 68
JUIN 2012 /// ACTEURS URBAINS
D’abord, il faut que ce type de rechargement soit prévu par le véhicule. Ensuite, « les bornes rapides sont plus gourmandes en énergie, avec des risques de surcharge du réseau électrique, et bien plus onéreuses que les prises à recharge lente ou accélérée, soit une dizaine de milliers d’euros contre 1 500 euros », note Philippe Aussourd, président de l’association Avere France qui réunit 110 entreprises dont des fournisseurs de bornes, des équipementiers et de constructeurs automobiles. Se pose la question du financement des bornes. Certaines collectivités comme Monaco offrent un accès gratuit aux bornes tandis que d’autres font payer à l’acte (autour de deux euros) ou sur abonnement mensuel. Quelles que soient les conditions d’accès, la présence de bornes de rechargement est indispensable pour gagner la confiance du consommateur. Comme le préconise Louis Nègre, le sénateur des Alpes-Maritimes et auteur du Livre Vert sur les infrastructures de recharge (IR) ouvertes au public pour les véhicules décarbonés. Un ouvrage qui intéresse de près les collectivités. « Le rôle des élus locaux est important pour coordonner le déploiement des infrastructures de recharge, résoudre les problèmes techniques de dimensionnement des réseaux électriques et les points réglementaires
touchant notamment le problème de stationnement », signale Philippe Aussourd (Avere France).
400 000 bornes en 2020
Cette complexité n’a pas empêché 14 collectivités de signer le 13 avril 2010 une charte dans laquelle elles s’engagent à déployer des IR en phase pilote. Parmi les signataires : Bordeaux, Monaco, Nice, Paris et Strasbourg. En compensation, les constructeurs Renault et PSA se sont engagés à commercialiser 60 000 véhicules électriques en France en 2011-2012, en ciblant notamment les agglomérations qui développent un réseau suffisant d’infrastructures de recharge. De plus en plus de collectivités s’y préparent comme l’illustre le trophée des villes électromobiles organisé par l’Avere qui a enregistré en 2011 la participation de 150 villes (contre
DEUX MILLIONS DE VÉHICULES ÉLECTRIQUES ET HYBRIDES SONT ANNONCÉS EN 2020.
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PROFESSIONNELS. Bruno Armand, responsable commercial chez DBT, partenaire de Nissan, et Yann Pitrou, responsable « grands comptes » chez General Electric, fournisseur de bornes.
35 candidatures en 2010). Résultat : le parc français qui dénombrait 2507 points de recharge publics en 2011 devrait en compter 8572 à la fin 2012 (dont 100 charges rapides en 43 kW), 26000 en 2013, 75000 en 2015 et 400000 en 2020 Trop ambitieux ? « L’essentiel des rechargements se fera sur des prises standard à domicile ou sur le lieu de travail», assure Bruno Armand (DBT).
Bornes géolocalisables
Si le décollage du marché des bornes semble tracé, reste à résoudre le problème de leur standardisation. Plusieurs protocoles s’affrontent. Premier parti dans la bataille, «Chademo» concerne la recharge rapide. Il est supporté par les grands constructeurs japonais comme Mitsubishi, Nissan et Toyota rejoints par PSA et Siemens ainsi que Samsung. 1100 prises sont déployées dans le monde dont 880 au Japon et 220 dans le reste du monde (en France et en Allemagne notamment). En face, BMW, Daimler, Ford, General Motor et Volkswagen lui opposent le protocole «Combo» qui privilégie une prise universelle pour la recharge lente, accélérée et rapide. Citons enfin l’EVPlug Alliance créé par Legrand, Scame et Schneider auxquels se sont ralliés une vingtaine d’industriels dont les français Saintronic et DBT. Ce dernier comptabilise
6000 bornes installées dont 400 à Paris. Il fait partie des fournisseurs de Nissan qui veut doper le marché en déployant des milliers de bornes de recharge électriques rapides à l’horizon 2015. En matière de bornes, l’offre s’oriente vers des équipements géolocalisables et connectés pour être « supervisées à distance », indique Bruno Armand de DBT. « Les plus avancées savent dialoguer avec l’exploitant pour signaler leur disponibilité et avec l’utilisateur pour lui indiquer, par exemple, le temps de charge restant et le prix à payer », complète Yann Pitrou, responsable « grands comptes » chez General Electric. Les fabricants se préoccupent de l’interopérabilité des bornes. Ce sujet mobilise EDF avec le projet transfrontalier Crome. Financé par l’Ademe, celui-ci vise à expérimenter, entre l’Alsace et le Pays de Bade en Allemagne, la mobilité électrique et à harmoniser les futures normes en matière de recharge. Pour autant, les énergies alternatives n’ont pas dit leur dernier mot. Outre l’hydrogène (voir article en page 66), le GNV (gaz naturel de ville) garde son attractivité avec des prix inférieurs à celui de l’essence ou du gazole. « Nous opérons 140 stations sur le territoire dont 28 ouvertes au public », indique Nenad Nikolic, directeur commercial Transport de personnes chez
GNVert (filiale de GDF Suez). Ce type d’énergie vise autant les bus, camions et bennes à ordures que les voitures de tourisme comme les Fiat Panda ou les VW Passat.
Arrivée du biométhane En 2012, le groupe a prévu d’étoffer son réseau avec six nouvelles stations dont deux à Bordeaux. Son offre va aussi s’enrichir avec l’arrivée du biométhane liquéfié qui permet de rouler «décarboné». Ce carburant provient de la méthanisation de la biomasse ou des déchets ménagers. Surtout, à réservoir identique, la liquéfaction permet de stocker cinq fois plus de GNL que de GNV. Ce qui intéresse, notamment, les poids lourds en charge de parcourir de longues distances (à l’image de l’Iveco Stralis GNL). En revanche, la plupart de ces véhicules sont en cours d’homologation. Autre voie d’avenir pour GNVert, le nouveau carburant, l’Hythane, constitué de 20 % d’hydrogène et de 80 % de GNV. L’hydrogène sera généré sur site par un électrolyseur et mélangé au gaz naturel avant de remplir le véhicule. Par rapport au GNV, l’Hythane réduit de 8 % le taux de polluants locaux. Et de 10 % le taux de NOx. Ce nouveau carburant est testé avec deux bus à Dunkerque. ACTEURS URBAINS /// JUIN 2012
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APRÈS-DEMAIN
SOUCHON YVES / FOTOLIA
CRÉDIT
Plateforme trimodale Les plans d’Achères en 2020
BTP. L’approvisionnement en granulats sera développé, selon Ports de Paris.
Dans moins de dix ans, la plateforme trimodale d’Achères couvrira 50 ha sur un total de 420 ha. Une réorganisation logistique se profile dans les centres urbains d’Ile-de-France. PAR BENOÎT BARBEDETTE
L
a future plateforme trimodale d’Achères (qui couvre, en réalité, quatre communes avec Conflans-Sainte-Honorine, Saint-Germain-en-Laye et Andrésy) sort de l’ombre. La fin de l’année 2010 a permis de consolider le montage de la maîtrise du foncier. 2011 a été consacrée à la réalisation des études d’impact et socio-économiques. Le dépôt du dossier est attendu cet été, précédant le débat public qui se déroulera en 2013. À l’issue des procédures d’instructions administratives en 2014 et 2015, les travaux pourront être lancés en 2016 avec une mise en service d’une première tranche de 50 ha en 2020, sur un total de 420 ha(1). « Ce projet répond à deux enjeux. Rééquilibrer à l’ouest les flux, pour faire contrepoids aux zones de Roissy au nord et de au sud de Paris. Et favoriser le report modal, entre la route, le fer et le fluvial », note Marc Reimbold, directeur du projet de port d’Achères. La situation géographique de l’infrastructure portuaire, entre la première et la deuxième couronne parisienne, est déterminante. Situé à la confluence de la Seine 70
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et de l’Oise, sur une portion du réseau à grand gabarit au débouché du futur canal Seine-Nord Europe, à proximité de la A104, le port ouvre plusieurs perspectives. Avec le développement du transport fluvial sur l’axe Seine (entre l’Ile-de-France et les ports maritimes de Rouen et du Havre) et l’ouverture du Canal SeineNord Europe, qui devrait conduire à un triplement du transport fluvial de marchandises sur cet axe Nord-Sud d’ici à 2020 (13 à 15 millions de tonnes contre quatre actuellement), le port d’Achères (240 000 EVP) complétera le réseau des plateformes multimodales franciliennes de Gennevilliers, Bonneuil-sur-Marne et Limay. Elles contribuent à l’approvisionnement de la Région et de ses 12 millions d’habitants. « 13 % de l’approvisionnement de l’Ile-de-France est réalisé par voie d’eau »,
LE PROJET ENTRE DANS LE CADRE DU « GRAND PARIS 7.
dit-on à Ports de Paris qui annonce une capacité globale de 600 000 EVP par an d’ici à 2020. Ports de Paris travaille avec de nombreux chargeurs pour faire avancer ce dossier. « Pour massifier les flux, il faut de la disponibilité foncière importante », assure Marc Reimbold. Le projet d’Achères revendique trois vocations : •Stratégique dans une logique multimodale sur le secteur Est de la plateforme (plan ci-dessus), profitant de la proximité de la gare de triage de Grand Cormier. Les deux lignes ferroviaires auxquelles le port pourrait être raccordé sont celles de Cergy et de Paris-Mantes par Conflans. •Opérationnelle avec l’approvisionnement en granulat (45 millions de tonnes), utile au secteur du BTP ; •Industrielle avec la proximité du bassin automobile (PSA à Poissy et préparateurs de véhicules à Conflans), à la confluence de Seine-Oise et de Seine Avale, et le projet d’être un «territoire d’expérimentations innovantes», selon Marc Reimbold. Porteur du projet, Ports de Paris mise sur le fleuve pour accompagner le développement de la logistique urbaine. Sur 1000ha, les 70 ports franciliens ont traité un trafic total de 22,3 millions de tonnes en 2011 (+10 % par rapport à 2010). Rappelons que la Seine est le deuxième fleuve navigué d’Europe, aménagé à grand gabarit. Avec ses affluents, le fleuve accueille sur ses berges les trois principaux ports de Ports de Paris, tous raccordés aux réseaux ferré et routier. « Un million de m, d’entrepôts, de locaux d’activités et de bureaux, dont 300 000 m, lui appartiennent en propre, complète l’offre de Ports de Paris », note Marc Reimbold. (1) www.port-seine-metropole.fr
LECTURES PAR SÉBASTIEN MÉRIENNE
ENVIRONNEMENT
Les pionniers de la ville durable Est-il possible à l’échelle locale d’inventer de nouvelles voies de développement s’inscrivant dans des démarches durables ? De réconcilier la nature et la ville pour faire face au changement climatique ? Cette ambition, quelques communes, grandes et petites, la partagent depuis 1994. Quand, à Aalborg au Danemark, fut lancée la campagne européenne des villes durables. Cyria Emelianoff et Ruth Stegassy sont partis à la rencontre de vingt-sept de ces agglomérations pionnières. On y retrouve évidemment les exemples les plus connus et médiatisés que sont la Suédoise Stockholm, les Allemandes Fribourg-enBrisgau et Hanovre. Lesquelles côtoient les initiatives plus confidentielles mais tout aussi intéressantes menées à Angers, Echirolles dans la banlieue Grenobloise ou Silfiac une petite commune de 500 habitants dans le Morbihan. Toutes partagent un même objectif : réduire leur impact sur l’environnement et favoriser la production d’énergie renouvelable. À ce titre, la ville de Suédoise de Växjö apparaît comme l’une des plus ambitieuses. À l’horizon 2050, elle s’est fixée pour objectif de ne plus utiliser d’énergies fossiles. Depuis 1993, les émissions de CO2 par habitant ont déjà décru de 32 %. Seul point noir : les transports représentent désormais 86 % des émissions totales de la cité. Cyria Emelianoff et Ruth Stegassy. Les pionniers de la ville durable. Autrement, 2010, 304 p., 25 €
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HISTOIRE
Architectures urbaines et architectures du mouvement. 1800 – 1950 e XIXe siècle fut une période de révolution technologique et industrielle au cours de laquelle les questions de mobilité transformèrent fondamentalement les territoires comme les architectures urbaines. Avec le développement continu des réseaux fluviaux, routiers et ferroviaires, les villes ont dû adapter, parfois de gré, souvent de force, leurs organisations passées. L’une des grandes qualités de cet ouvrage collectif tient au fait qu’il offre une large place à la présentation de villes françaises moyennes ou petites, souvent peu traitées dans ce type d’études. Comment fut planifié le développement de Pontivy au carrefour des principales villes bretonnes ? Quel impact l’arrivée du chemin de fer a-t-elle eu sur l’organisation urbaine d’agglomérations régionales comme Bourges, Colmar et Laval ? De quelles manières ont émergé les quartiers jouxtant la gare ferroviaire de Rennes ou celui de l’embarcadère à Nîmes ? À travers une dizaine d’articles courts et illustrés, les auteurs montrent comment la création ou la modernisation d’un nouveau moyen de transport fut souvent l’occasion, pour les pouvoirs publics et privés, d’engager un ensemble d’intervention urbaine d’envergure dont les villes ont gardé les traces encore visibles aujourd’hui.
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Sous la direction de Michèle Lambert Bresson et Annie Térade. Architectures urbaines et architectures du mouvement. 1800 - 1950. Les cahiers de l’Ipraus, 2012, 176 p., 26 €
GÉOGRAPHIE
Atlas de la population mondiale En 2010, le seuil symbolique des 7 milliards d’habitants a été dépassé. L’humanité s’accroît rapidement, faisant planer le spectre de la surpopulation. Parallèlement, cette évolution quantitative s’accompagne d’autres changements démographiques profonds : vieillissement de la population, poids grandissant des continents du Sud, multiplication des migrations internationales et urbanisation généralisée de la planète. Chacune de ces tendances est décrite dans le détail en
distinguant le certain du possible. Partant de la situation actuelle, l’Atlas de la population mondiale se projette jusqu’en 2050 pour proposer un certain nombre d’hypothèses sur le visage qu’aura le monde de demain et les conséquences sociales qui en découleront. En combinant efficacement textes, cartes et graphiques, il offre un regard inédit sur ces questions avec en filigrane l’idée que l’avenir de l’humanité ne réside pas dans sa croissance démographique mais dans l’évolution de nos modes de vie, qu’il s’agisse de l’urbanisation galopante ou de la consommation excessive des ressources naturelles. Au final, cet ouvrage constitue une manière ludique et pédagogique de comprendre le monde de demain.
Montréal. 2111. Avec la montée des océans, la ville a été totalement envahie par les eaux. Lorsque le jeune Riel quitte sa province et y débarque pour la première fois, il se retrouve projeté dans un monde en pleine révolution. Si le récit manque parfois de rythme , le dessin et la mise en couleur remarquables de Thierry Labrosse offrent une vision saisissante de la métropole québécoise. Une sorte de Venise futuriste où les architectures high-tech côtoient les vestiges anciens les plus inattendus.
Gilles Pison & Guillaume Balavoine. Atlas de la population mondiale. Autrement, 2009, 80 p., 17 €
Thierry Labrosse. Ab Irato. Descente aux enfers. Vents d’Ouest, 2012, 54 p., 13,20 €
ANTICIPATION
Ab Irato
Jean-Louis Léonard
B. BARBEDETTE
PERSPECTIVES
« Pourquoi ne pas utiliser les bus pour livrer les colis ? » Président du Predit (1), Jean-Louis Léonard fait le lien entre la recherche sur les mobilités urbaines et leurs possibles applications dans le futur. Interview. PROPOS RECUEILLIS PAR STÉPHANE LE HÉNAFF
Acteurs Urbains : Pourquoi avoir intégré la mobilité urbaine dans le Predit 4 ?
Jena-Louis Léonard : Parce qu’elle recouvre deux enjeux : environnemental et sociologique. Le premier est bien connu : c’est la réduction des émissions de gaz à effet de serre de manière générale. Mais ce n’est pas le seul en milieu urbain. La diminution de la pollution atmosphérique, issue des particules notamment, est également un enjeu majeur de santé publique cette fois. L’aspect sociologique est lui étroitement lié à l’économie et concerne plus particulièrement les transports publics de voyageurs. Alors qu’ils n’occupent qu’une très faible place dans les déplacements urbains, ils représentent un poste de coûts important pour la collectivité. Ainsi, sur l’agglomération rochelaise, ils captent moins de 5 % des déplacements, mais affichent un déficit de 12 M€ par an. Pour autant, l’objectif est bien de voir cette part modale augmenter. D’où le risque d’accroître les besoins de financement. Le défi à relever est donc de trouver les solutions pour rationaliser et asseoir financièrement ce mode de transport essentiel au développement économique et social de la ville. Et qui plus est, indispensable pour la mobilité de nombreux citoyens. De quelle manière peut intervenir le Predit ?
J.-L. L. : Sur des thèmes choisis en cohérence avec le programme
de travail du Predit, des appels à projets sont lancés. Les transports urbains sont partie intégrante de ce programme et des projets de recherche sur ce thème sont donc financés. Ces projets ont globalement pour objectif l’amélioration de l’efficacité sociologique, notamment la réduction des inégalités face aux transports, économique et environnementale afin de les inscrire dans une politique de développement durable. En terme de politique d’aménagement, l’objectif doit être d’organiser l’urbanisme autour des transports et non l’inverse. Quel impact sur la mobilité des marchandises ?
J.-L. L. : Autant le transport urbain de passagers est par essence public, autant celui des marchandises relève d’abord de l’initiative privée car les collectivités ne sont pas autorités organisatrices de transport de fret. Mais les lignes commencent à bouger. Confrontées à des problèmes de partage de l’espace public et d’accessibilité, les collectivités doivent favoriser l’implantation de plates-formes de distribution et utiliser certains lieux différemment, comme les parkings, pour accueillir des activités en rapport avec la livraison de marchandises en ville. La diversification de l’usage des moyens de transport public est également à l’ordre du jour : pourquoi ne pas utiliser le bus ou le tramway pour livrer des colis sur certaines zones ? Les collectivités
BIO EXPRESS • Depuis 1996 : maire de ChâtelaillonPlage (CharenteMaritime) • Depuis 2001 : vice-président de la Communauté d’agglomération de La Rochelle • Depuis 2002 : député de la 2e circonscription de Rochefort • Depuis 2003 : président du Predit • Depuis mai 2011 : vice-président du Club du dernier kilomètre de livraison.
et les logisticiens ont tout intérêt réfléchir ensemble à ce type de projets. Qui aura autorité sur la mise en place des politiques ?
J.-L. L. : À l’instar du transport de voyageurs, les flux de marchandises pourraient progressivement passer sous la responsabilité des élus ou, tout au moins, tendre vers une co-responsabilité entre public et privé. Car une partie des moyens sera partagée. Partant de ce constat, la collectivité devra définir les règles de fonctionnement du transport de fret et des livraisons, règles qui pourraient être intégrées aux PDU. C’est à la collectivité qu’il reviendra de fixer et de faire appliquer la réglementation en termes d’horaires ou de caractéristiques de véhicules. Les ZAPA, qui devraient être prochainement expérimentées dans certaines villes pilotes, seront un outil supplémentaire à l’usage des collectivités.
(1) Programme de recherche et d’innovation dans les transports terrestre ACTEURS URBAINS /// JUIN 2012
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En 2010, la ville italienne s’est appuyée sur un référendum populaire pour restreindre l’accès des véhicules motorisés à l’hypercentre. Une zone protégée vouée à s’élargir.
En couverture
Insécurité routière en ville
Décryptage
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JUIN 2012 /// ACTEURS URBAINS
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RÉDACTION Rédacteur en chef Benoît Barbedette (30 57) bbarbedette@groupeliaisons.fr Chefs de rubriques Distributeur – Filières Stéphane Le Hénaff (37 65) slehenaff@groupeliaisons.fr Métropole – Europe – Lectures Sébastien Mérienne (39 14) smerienne@groupeliaisons.fr Wilfried Maisy (38 51) wmaisy@groupeliaisons.fr Ont collaboré à ce numéro : Erick Demangeon, Yves Rivoal, Loïc Fieux, Francis Mateo, Bruno Mouly, José Soto, Pleins Titres et TechnoChroniqueurs 1er rédacteur graphiste Lionel Fonmarty Rédacteur graphiste Walter Barros (30 69) Assistante de la rédaction Marie-Claire Leray (38 05)
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MOHAMED KHALFI
Les dernières données du baromètre d’Axa Prévention sont alarmantes. La sécurité routière en ville recule. Les professionnels du transport urbain sont-ils plus mis en cause ?
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