Un centenaire : 1848-1948

Page 1

UN 1848-1948



UN

CENTENAIRE 1848-1948




Hyp olite Worms ( 1801-1877).


LES pages qui suicent retracent la '-'Le de la Maison WORMS et [ie depuis un siècle. Elles s'adressent d'abord à ses membres et à ses familiers. Elles ont été écrites pour leur faire parcourir les étapes d'une histoire qu'ils ne pou'-'aient connaître. Elles '-'eulent être '-'raies, dussent la fantaisie, la couleur, la légende même, en souffrir. C'est seulement ainsi qu' hommage peut être rendu aux milliers d'hommes qui ont été les ou'-'ners d'une œu'-'re collectfoe, patiemment, laborieusement édifiée sur les degrés du temps. Mais l'histoire de cette Maison n'intéresse pas seulement ceux qui la ser'-'ent. On a pensé, en l'écrfoant, à ses amis et à ceux qui mudraient la mieux connaître. Ils trou'-'eront ici la simple· relation de ce qui fut. La '-'ie d'aujourd'hui est née de l'effort d'hier, et l'exemple des morts est l'enseignement des '-'Î'-'ants.

11



Le plus ancien document d'archives de la Maison : correspondances commerciales d'Hypolite Worms en 1842. Le troisième texte, page de droite, se rapporte à sa première affaire de charbons de terre.


Les deux premières pages de la lettre adressée par Hyp olite Worms à Arthur Pring, le 23 Décembre 1848, citée page �5.


ORIGINES ET ESSOR 1848 - 1877

ON intention est de donner un grand développement au commerce de charbon pour l a France. Mais, comme il faut un commencement à tout, je porte mon attention d'abord sur les vallées de la Seine-Inférieure où se fait une forte consommation de charbons : et ces vallées, je veux les desservir au moyen du chemin de fer de Dieppe à Rouen concurremment avec la rivière la Seine et même par l'un et l'autre moyen, suivant que les frets seront plus favorables, soit au point de Dieppe, soit directement au point de Rouen. Je ne vous entretiendrai donc, quant à présent que des affaires à contracter pour le département de lei Seine-Inférieure.» « C'est à Rouen, point culminant du dit département, que viennent se vendre, concurremment, les charbons an-

15


UN CENTENAIRE 1848-1948 glais et les charbons belges. Les premiers, plus appréciés comme qualité, se vendent plus cher, et d'ailleurs les propriétaires des mines belges perdent sciemment quand il s'agit d'une fourniture importante pour l'enlever aux marchands de charbons anglais. Si donc, effaçant tout intermédiaire, opérant au comptant, un ou plusieurs propriétaires des mines de Newcastle ou Sunderland voulaient comprendre qu'avec mon aide et en limitant leurs prix de vente aux dernières extrémités du possible, je pourrais battre les charbons belges au moyen des charbons anglais, ils pourraient être assurés d'une consom­ mation énorme dans ce seul département. Voilà, comme principe, voilà ce sur quoi vous aurez à travailler. » Cette lettre, qu'Hypolite Worms adressait, le 23 décembre 1848, au Directeur de la succursale qu'il venait de créer à Newcastle, peut être considérée comme l'acte de naissance de la Maison Worms.

HYPOLITE WORMS JUSQU'EN 1848

NÉ à Metz le 8 novembre 1801, d'une famille de com­

merçants fixée à Sarrelouis dès 1683, Hypolite Worms s'établissait à Rouen, à 28 ans, commissionnaire et négo­ ciant en gros. Après son mariage avec Sephora Goudchaux, fille de banquiers lorrains, il était devenu, à Paris, enl 83 7, l'associé des frères G. & J. Goudchaux, banquiers eux­ mêmes. Quand il les quitta, quelques années plus tard, leurs relations restèrent très confiantes. Aussi, lorsque

16


WORMS et Cie Michel Goudchaux devint en 1848 Ministre des Finances du Gouvernement· provisoire, et qu'il décida en consé­ quence de mettre fin à son activité bancaire privée, chargea-t-il Hypolite Worms d'être le liquidateur de sa banque.

CRÉATION DE LA MAISON WORMS EN 1848 DEPUIS 1845, il s'occupait surtout de fabrication et de vente de plâtre. Comprenant de quelle aide seraient les chemins de fer dans la conquête des marchés, il avait installé ses dépôts dans la plupart des villes pourvues de gares. Suivant le rythme même de la construction des lignes nouvelles, on le trouvait, en 184 7, à Bourges, Châteauroux, Vierzon, Rouen, Le Havre, Dieppe, etc... C'est ainsi qu'abordant la Manche, il regarda vers l'Angle­ terre pour y exporter du plâtre, assuré de trouver dans le charbon anglais le fret de retour nécessaire. Un de ses amis de Londres, consulté, lui écrivait le 19 juillet 1848 : « Je pourrais cous encoyer du charbon, et en combinant ainsi l'opération, elle decrait cous donner un débouché très considérable que nous pourrions étendre à plusieurs ports d'ici. » La révolution industrielle née de la machine à vapeur créait alors en France de grands besoins de charbon, que la

17


UN CENTENAIRE 1848 -1948

production nationale ne parvenait pas à combler, C'est pourquoi les importations passaient de 1.669.000 tonnes en 1842, à 2.549.000 tonnes en 1847, les fournisseurs belges y figurant pour 66 %. Hypolite Worms, qui songeait dès 1842 au commerce du charbon, fut séduit par la perspective de recourir au marché anglais pour entamer les positions de la houille belge. L'ouverture, le pr août 1848, de la voie ferrée Dieppe-Malaunay, qui constituait un moyen de pénétration avantageux sur Rouen, pouvait lui fournir l'occasion d'une concurrence victorieuse, à condition de disposer en Angleterre d'une source régulière d'approvisionnement, à des prix aussi réduits que possible. Il importait donc de résoudre le problème de l'achat direct aux mines. A titre d'essai, deux cargaisons arrivaient à Dieppe les 8 et 13 novembre 1848. Les prix de vente se révélèrent inférieurs de 10 % à ceux des concurrents. L'expérience vérifiait donc ses prévisions et ses calculs. Des opérations plus importantes suivirent. La Maison Worms était créée. Elle vient donc d'avoir cent ans.

L'INSTALLATION EN ANGLETERRE ET EN FRANCE CETTE première affaire le persuadait de la nécessité de bien choisir le combustible et d'en surveiller le charge­ ment : cela n'était possible qu'en s'installant aux sources.

18


La succursale de Newcastle en 1848 (troisième maison en partant de la gauche).



WORMS et Cie

Newcastle, étant alors -le premier port charbonnier des Iles Britanniques, il y envoya un jeune AneJais aui y fonda une succursale le 19 décembre 1848. Hypolite Worms lui adressa aussitôt la lettre qu'on a lue plus haut, véritable exposé de la politique commerciale qu'il entendait suivre pendant de longues années. En mê­ me temps, il s'installait en France aux points d'arrivée. Au début de 1849, il fondait à Rouen sa p1;emière succursale française. En avril, il s'établissait au Havre, et enlevait rapidement d'importantes adjudications. Mais le chiffre croissant des importations de charbon anglais rendait plus aiguë la question du fret de retour. Mettant à profit la nécessité où se trouvait l'Angleterre d'importer des produits que son agriculture, sacrifiée à son industrie, ne lui fournissait plus, Hypolite Worms y expédiait des denrées alimentaires. Observant également .que Newcastle exportait de la houille dans des pays avec lesquels la France était encore mal reliée, il pensa charger, sur des navires regagnant ce port, des produits français destinés à la Baltique. Hypolite Worms accor­ dait ainsi son·· affaire à la politique économique de l'Angleterre au XIX e siècle. Elle reposait sur l'exportation du charbon, l'achat de produits agricoles, et l'exploitation d'une flotte transportant partout les pro­ duits que le monde entier faisait transiter dans ses ports. On comprend ainsi que, dès l'origine, la Maison Worms ait pratiqué l'importation des charbons et les transports maritimes. Dès 1849, Hypolite Worms recommandait à son agent de Dieppe de se mettre en rapport avec des courtiers maritimes de Cette, Marseille, Bordeaux et

21


UN CENTENAIRE 1848-19 48

Nantes, pour organiser des services de cabotage, Persuadé au surplus que la navigation à vapeur, en s'imposant défi­ nitivement, accroîtrait les besoins en charbon de soute, il se préoccupait déjà d'en obtenir.

PREMIÈRE LIAISON NEW-YORK - LE HAVRE DANS ses lettres à ses collaborateurs, il traçait tou­ jours d'avance le cadre des activités de la Maison. A la fin de 1849, il définissait, pour son agent de Newcastle, ses buts prochains : « Je n'ai pas encore abordé tout le littoral depuis Boulogne jusqu'à Bordeaux où je compte bien me procurer des débouchés. Il y a aussi des contrats avec le gouvernement. Si jusqu'à ce jour je n'ai rien fait, c'est que je ne suis pas parfaitement organisé. ]'espère, à par­ tir du 1 er janvier prochain, être en position de donner une forte impulsion à ces affaires... » Avant même de pouvoir s'y consacrer, il se trouva associé à l'un des grands événements maritimes de l'année 1850. Cette année-là, une société de navigation américaine, la New-York and Havre Steam Navigation Co décidait de cr�éer la première ligne directe New-York - Le Havre par bateau à vapeur. Le 19 octobre, après un voyage de 13 jours 5 heures, le Franklin entrait dans le port normand, accueilli avec enthousiasme par la foule havraise,

22


Le Franklin. Première liaison à vapeur New-York - Le Havre.



WORMS et Cie impressionnée par la nouveauté de cette traversée, et par les dimensions du « gigantesque » navire - qui mesurait en fait 88 mètres de long.

Des personnalités importantes vinrent de Paris par train spécial. L'une d'elles eut ces paroles prophétiques :

« C'est bien ici que nous pourrons dire, sur ce �aisseau qui supprime les distances entre les nations : « Plus d'Atlantique. »

Six mois avant l'arrivée du steamer, Hypolite Worms avait_ passé un contrat pour la fourniture du charbon nécessaire aux navires de la lign�. Quand le Franklin quitta Le Havre, il avait à son bord 800 tonnes 4e charbon fourni par le dépôt Worms, qui alimenta ensuite les navires de la Compagnie sur cet itinéraire. La Maison participait ainsi activement au développement d'une ligne que l'avenir devait consacrer.

RECONNAISSANCES DANS LE MONDE POURSUIVANT l'exécution de son plan, Hypolite Worms s'était également tourné vers la marin� de l'État, dont il allait devenir l'un des principaux fournisseurs.

Un premier marché, en mars 1850, portait sur 2.000 tonnes fournies à Cherbourg. Dix -huit navires français

25


UN CENTENAIRE 1848 - 1948 furent affrétés à cette fin. Quelques semaines plus tard, 2.500 tonnes étaient demandées pour la Martinique. C'était là le début d'une activité peu à peu étendue au monde entier, vers lequel regardait alors le commerce français, enfin sorti de la crise économique de 184 7.

Dès lors, Hypolite Worms étudia, et souvent réalisa, des affaires dépassant le cadre de l'Europe : envoi de charbon en Afrique occidentale combiné avec le retour de produits africains au Havre et à Rouen, adjudication de charbon aux colonies françaises d'Amérique, au Cap, à Singapour et à Shangaï, ainsi qu'aux compagnies assurant le service tout le long de la côte californienne, agitée depuis 1848 par la fièvre de l'or. En 1851, Hypolite Worms allait jusqu'en Amérique du Sud, et on le consultait sur la possibilité de ravitailler les navires à vapeur en charbon de soute, dans les ports d'escale de l'Atlantique, comme Madère ou Ténériffe.

EXPANSION EN MÉDITERRANÉE BIENTOT l'occasion lui fut donnée de pénétrer en Méditerranée.

En 1851, les Messageries Nationales avaient repris à l'État le service maritime postal à vapeur Marseille-Cons­ tantinople, créé en 183 7. Elles recherchèrent donc du charbon. La première adjudication eut lieu à Marseille,

26


Le premier siège, 46, rue Laffite. ( état actuel)



WORMS et Cie

pour tous les ports du parcours. Attributaire de 40.000 tonnes sur 50.000, la Maison Worms s'engageait à effectuer ses livraisons à Civita-Vecchia, Le Pirée, Athènes, Smyrne, Constantinople et Alexandrie. La navigation à vapeur était déjà florissante en Médi­ terranée, où les traversées brèves permettent de réduire la soute et d'augmenter la cale. Troisième port du· monde après Londres et Hambourg, Marseille apparaissait comme un dépôt charbonnier de grand avenir. Hyp olite Worms s'y attacha d'autant plus qu'il devenait en 1855, dans ce port même, fournisseur de toutes les lignes créées peu à peu par les Messageries. Cette présence en Méditerranée devait être capitale pour sa Maison, à ce moment même.

INSTALLATION A CARDIFF INSENSIBLEMENT, le charbon de soute gagnait en importance. Encore peu connu en France, la réputation du «Cardiff» était grande en Angleterre. Dès septembre 1851, Hypolite Worms avait décidé de s'installer dans le grand port gallois. Présent désormais à Newcastle et Cardiff, c'est-à-dire dans les deux principaux centres de l'exportation houil­ lère, il annonçait son intention d' « aborder les plus grandes affaires dans tous les points du globe où l'on consommait du charbon », et de « lforer partout aussi bien que toute maison anglaise ». Au surplus, Cardiff le

29


UN CENTENAIRE 1848-1948

rendait plus fort vis-à-vis de Newcastle, tenté d'abuser d'une suprématie jusqu'alors incontestée. Il écrivait dès cette époque à son agent du Pays de Galles : « Le charbon de Cardiff est appelé à jouer un grand rôle. Bien des maisons de Newcastle qui ont des relations par tout le globe reçofoent et rece�ront des ordres en charbon de Cardiff, ordres qu'elles ne peu�ent remplir. Offrez mes ser�ices à ces maisons, je leur �endrai le charbon à aussi bas prix que les mines à cause de mes contrats, et je ferai leurs affrètements. » C'est ainsi qu'Hypolite Worms devenait le plus gros acheteur français de charbon en Angleterre, et le principal affréteur français de navires naviguant sous pavillon bri­ tannique. La guerre de Crimée allait mettre à l'épreuve la force et les capacités de sa jeune Maison.

LA MAISON WORMS ET LA GUERRE DE CRIMÉE

LA guerre opposa, on le sait, en 1854 et 1855, la Russie

de Nicolas I er à l'Angleterre de Palmerston, alliée à la France de Napoléon III, pour la maîtrise de la Méditer­ ranée orientale. Le manque de frontières communes entre les belli-

30


La guerre de CrimĂŠe. Bombardement de SĂŠbastopol par la flotte franco-anglaise.



WORMS et Cie

gérants contraignit les deux alliés à opérer des débarque­ ments sur les côtes russes, les uns en mer Baltique,' les autres, beaucoup plus importants, dans la péninsule de Crimée. Le transport d'une armée qui finit par compter 200.000 hommes, à 3.000 kilomètres de ses bases, ainsi que du matériel nécessaire pour la campagne, exigeait une flotte nombreuse et de gros tonnages de charbon. Le gou­ vernement impérial eut donc brusquement besoin de charbon de soute. Or, la pénurie était tell_e que le Maréchal de Saint-Arnaud, commandant en chef du corps expédi­ tionnaire, résumait ainsi la situation : « Il n'y a de charbon nulle part, et Ducros ordonne de chauffer a\iec le patriotisme des marins. »

(I)

En effet, et on l'a trop peu remarqué, cette guerre était la première dans laquelle la navigation à vapeur était appelée à jouer un rôle décisif. Dans cette conjoncture critique, Ducros fit venir le fondateur de la Maison Worms. Il connaissait la qualité de ses fournitures à la Marine, et les vastes possibilités que lui donneraient ses relations avec les Messageries Impé­ riales en Méditerranée. Il lui laissa carte blanche. Hypolite Worms réussit à obtenir des conditions très avanta­ geuses pour le gouvernement français, malgré les nom­ breuses demandes encombrant le marché du fret. Il répondait d'ailleurs à la confiance du Ministre en écrivant à ses agents du Havre : ( 1) Ministre de la Marine en 1854.

33


UN CENTENAIRE 1848-1948

« Cette liberté illimitée entraîne pour des gens honnêtes une grande responsabilité morale. » En fait, il mettait sa grande expérience des affaires à la disposition du Directeur du matériel du Ministère, et par conséquent de l'État, qui put traiter au meilleur compte. Ce sens scrupuleux de l'intérêt général se passe de tout commentaire. On aura une idée du trafic global en se souvenant que les seules « subsistances » exigèrent 1.800 navires, tandis qu'il en fallait près de 250 pour assurer une liaison cons­ tante entre la France et les lointains champs de bataille, sans compter ce qu'exigea le débarquement ·dans la mer Baltique. Ainsi, à son rang, qui n'était pas négligeable, Hypolite Worms fut l'un des artisans de la victoire. Sans le charbon, elle n'eût pas été possible. Et c'est le charbon aussi qui fit de cette· guerre la première guerre moderne.

CRÉATION DES SERVICES MARITIMES

A

ce point du développement de la Maison Worms, la marine marchande française ne s'était pas encore relevée d'une décadence commencée en 1789. La crainte d'un

34


Ce,'lpH�1•1�

FRf DtRJC

, .DU ...�·�Vf.tt;:' 'LE

H!::.RPIN

N•.·�EM13�E .. 1862

Sephora, premier navire de la flotte Worms (500 tonnes).



WORMS et Cie

nouveau conflit avec l'Angleterre, en 1840, restreignit encore les investissements dans le secteur maritime. Le retour progressif de rapports normaux avec Londres provoqua un nouvel essor des affaires maritimes. Hypolite Worms fut des premiers à y participer. C'était le moment historique du remplacement des navires à roues par les navires à hélice. Le fondateur de la Maison avait suivi les expériences décisives par l'inter­ niédia�re de ses agents de Newcastle. Il vit le parti que l'on pouvait tirer de leur utilisation dans le transport charbonnier, et l'accroissement de trafic qui devait en résulter. Deux navires « héliciers », comme on disait alors, furent donc mis en chantier à Hull. Armateur dès la fin de 1855, Hypolite Worms possé­ dait, un an plus tard, une flotte de quatre navires à hélice, les plus modernes des bateaux de charge alors en service.

LIGNE DE HAMBOURG ET PÉNÉTRATION DANS LES MERS DU NORD DÈS son installation à Newcastle, Hypolite Worms avait vendu du charbon aux riverains de la Baltique. En 1854 il en fournit à Kiel, en prévision de la campagne contre la Ru$sie. Deux de ses bateaux, le Sephora et l' Emma,

37


UN CENTENAIRE 1848 - 1948

avaient été affrétés à la fin de 185 7, pour deux voyages vers le Nord. Il envisagea ensuite de créer une ligne ré­ gulière entre Bordeaux et Hambourg. Le premier parcours était inauguré entre le 16 et le 22 février 1859 par le Sephora, dont le pont même regor­ geait de marchandises. Six navires de 4 à 600 tonneaux équipaient ensuite cette ligne qui fut la première de l'Armement Worms. Elle survécut aux deux premières guerres franco-allemandes. La dernière, en revanche, lui a porté une atteinte qu'on veut espérer momentanée. D'autres lignes régulières apparurent : Bordeaux­ Rouen en 1868, Bordeaux-Anvers en 1869, orientées comme la précédente vers les mers du nord de l'Europe, et délimitant, dès les premiers jours, un domaine maritime qui s'est maintenu jusqu'à nos jours.

INSTALLATION A GRIMSBY

LA liaison régulière avec l'Angleterre avait été établie

dès 1856, dans des circonstances qui valent d'être rappelées, car elles montrent l'interdépendance du développement des affaires charbonnières et des affaires maritimes.

L'attention d'Hypolite Worms s'était porté� sur le charbon de Hull. Il lui fallait en effet de nouvelles

38


WORMS e t Cie

sources d'approvisionnement pour satisfaire de croissantes demandes. Grimsby, port naturel des charbons du Yorkshire, offrait l'avantage d'un faible encombrement et d'un équipement convenable. Le Manchester Sheffield and Lincoln Railway recherchant un partenaire pour la création d'une Société franco-anglaise de navigation, destinée à développer ce port, Hypolite Worms cons­ titua le groupe français avec ses amis havrais et rouen­ nais. En mars 1856, la Société Anglo-Française de Na�iga­ tion, au capital de 100.000 Livres, était fondée, tandis que la Maison Worms s'installait également à Grimsby, et confiait sa succursale à Henri Josse. Un mois plus tard ses navires reliaient Grimsby à Dieppe, Le Havre et Rouen. L'introduction du charbon de Yorkshire sur le marché français, jusqu'à la région parisienne, fut ainsi facilitée. L'importance du trafic dans les deux sens provoqua la création d'une liaison r�gulière Dieppe-Grimsby, profitable aux deux ports.

ÉQUIPEMENT DE LA FRANCE DU SUD-OUEST

AvEc

l'ouverture de la ligne de chemin de fer Paris-Bayonne, le Sud-Ouest offrait, à son tour,- un impor-

39


UN CENTENAIRE 1848 - 1948

tant débouché aux charbons anglais. Il devait également fournir aux héliciers leur fret de retour. Hypolite Worms négociait aussitôt avec Émile Pereire, Président du Conseil d'Administration des Chemins de fer du Midi et obtenait à Bordeaux la fourniture de 20.000 tonnes de Cardiff. Dès qu'ils étaient déchargés, les navires regagnaient le Canal de Bristol, avec des marchan­ dises embarquées sur les quais de la Gironde. Il créait dans les Landes des chantiers de fabrication de traverses de voie ferrée, de bois de mines et de poteaux télégra­ phiques. Il en exportait jusqu'aux Indes. Hypolite Worms se trouvait donc associé aux travaux d'équipement de cette région, activement poussés sous le second Empire.

NAVIGATION A VAPEUR DÉPOTS CHARBONNIERS

LE

commerce du charbon demeurait en ce temps-là l'essentiel de l'activité de la Maison. Dès 1858, la succur­ sale de Marseille était ouverte et pourvue de charbons anglais. D'importantes fournitures étaient faites aux chemins de fer et aux industries gazières d'Espagne et d'Italie, ainsi qu'à la Marine sarde : la Maison posséda même une agence à Gênes et une usine à gaz à Turin. En mer

40


WORMS et Cie

Adriatique, le Lloyd autrichien enrichissait à son tour une clientèle de plus en plus vaste. La Maison fournissait éga­ lement les chemins de fer algériens et les dépôts de la Marine française en Extrême-Orient. Mais déjà, le charbon de soute prenait une grande importance dans le commerce charbonnier. L'avenir de la navigation à vapeur s'élargissait grâce à des perfectionne­ ments techniques efficaces. Hypolite Worms entreprit de multiplier le nombre de ses dépôts pour profiter de cet essor. Les Messageries Impériales, concessionnaires en 1860 du réseau postal de l'Atlantique Sud, lui demandaient d'organiser leur ravitaillement à Lisbonne et Rio-de­ Janeiro. En 1863, créant au départ de Marseille un service sur la Cochinchine, avec transbordement par le chemin de fer d'Alexandrie à Suez, la même Compagnie le chargeait de constituer des stocks à Aden, Pointe-de-Galle (le port de Ceylan) et Calcutta. Participant ainsi à l'équipement des routes maritimes du monde, Hypolite Worms ne pouvait se désintéresser d'une œuvre aussi décisive que le percement de l'isthme de Suez.

41


UN CENTENAIRE 1848 - 1948

LA MAISON WORMS ET LE CREUSEMENT DU CANAL DE SUEZ

EN

fait, il était déjà en relations d'affaires avec l'Égypte. Il fournissait en charbon les dépôts des Messageries, les chemins de fer, et diverses industries. Les travaux du Canal, commencés à Port-Saïd en 1859, exigeaient un outillage mécanique puissant, qui posait le problème de la fourniture de charbon aux entrepreneurs, notamment à Borel, La�alley et Cie. Hypolite Worms s'en chargea à partir de 1865. Il s'agissait de quantités considérables, à livrer promptement, ce qui accroissait les difficultés nées de la pénurie des navires. Il devenait en outre le fournisseur de la Compagnie. L'ouverture de l'écluse du Canal d'eau douce allait transformer le trafic. Le 15 août 1865, une cargaison de 300 tonnes de houille sur cha­ lands suivit le Canal maritime de Port-Saïd au lac Timsah, puis gagna Suez par le Canal d'eau douce depuis Ismaïlia. Pour la première fois, on allait de Méditerranée en Mer Rouge par voie d'eau, sans transbordement. Pour la première fois, du charbon venant de la Méditerranée arri­ vait par eau à Suez, afin de ravitailler les navires venant de l'Est. La Maison Worms en avait fourni la plus grande part. Elle devenait' alors en 1867, le fournisseur à Suez des Messageries Impériales. Elle proposait à la Peninsular de lui expédier du charbon par la même voie. Il arrivait à Port-Saïd, et des chalands le trans­ portaient à Suez, où les navires des deux Compagnies en prenaient livraison.

42


WORMS et Cie

Hypolite Worms fut ainsi amené à créer une succur­ sale à chaque extrémité du Canal : Port-Saïd et Suez. Il entendait y vendre du charbon et y développer ses activités de transitaire et de consignataire. Il pensait aussi aux opérations de banque, nées du mouvement de fonds provoqué par le passage de nombreux navires. En juin 1869, _l'un de ses plus anciens collaborateurs arrivait à Port-Saïd. Il devait notamment se mettre en mesure de ravitailler les navires qui devaient participer aux fêtes de l'inauguration. Opération importante, qui portait, à son estimation, sur 6 à 8.000 tonnes, entraînant des frais de premier établissement, d'achat, de transport et de stockage, véritablement énormes pour l'époque et pour un seul homme. On imagine difficilement aujourd'hui le risque couru par Hypolite Worms. On croit qu'en misant sur le succès du Canal, il ne faisait que suivre l'opinion. Rien n'est plus faux. Pour une bonne part, elle croyait à l'échec de cette entreprise titanesque. La nature désertique semblait invin­ cible, non seulement en s'opposant aux travaux, mais en rendant impossible le maintien du Canal en état de navigabilité. En Angleterre plus qu'ailleurs déferlait une vague d'hostilité. Les objections techniques, favorisées par la prépondérance encore existante de la navigation à voiles, rejoignaient celles que suscitaient les besoins financiers de l'entreprise. Hypolite Worms, au contraire, avait confiance dans l'avenir du Canal, pièce maîtresse de la nouvelle route de l'Océan Indien. Pourtant son optimisme était soumis à rude épreuve

43


UN CENTENAIRE 1848- 1948

par ses agents locaux, aux prises avec de lourdes difficultés, et qui, quinze jours avant l'inauguration, croyaient que l'affaire serait un irréparable échec. Ils lui écrivaient des lettres désabusées, où ils répétaient qu'ils n'avaie°:t aucune foi dans les destins du Canal, que la lutte à mener était impossible, et qu'en mettant les choses au mieux, le pas­ sage ne serait jamais qu'un « tour de force, mais non une chose pratique ».

L'INAUGURATION DU CANAL ET LE CHARBON WORMS L'INAUGURATION, fixée au 17 novembre 1869, ne mit pas fin à leurs doléances. Malgré quelques incidents, elle · réussit. Le fait le plus spectaculaire fut la rencontre à Ismaïlia des bateaux partis de Suez et de ceux venant de Port-Saïd. Mais l'affluence des steamers n'avait provoqué qu'une demande de 500 tonnes de charbon. Et ce calme devait durer. Huit jours après, l'un des agents d'Ismaïlia écrivait qu'il n'y aurait sans doute qu'un petit nombre de vapeurs « qui entreprendraient régulièrement le myage d'Europe �ers l'Inde par le Canal ». Et celui de Port-Saïd renchérissait, le 9 décembre. Signalant qu'aucun navire n'était en vue, il concluait : « Le Canal est raté», pour résumer la situation, quelques jours plus tard, par ces mots : « Ici calme de mort ». Nous avons peine à concevoir aujourd'hui que le Canal n'ait pas attiré immédiatement la navigation. Pour­ tant, il n'y eut que 9 passages en décembre, 16 en janvier

44


Le dépôt charbonnier Worms à Port-Saïd

1872

1912


Les bureaux de la succursale de Port-SaĂŻd.


WORMS e t Cie

1870, 20 en février. Les pessimistes pouvaient triompher, et ne s'en privaient pas. Hypolite Worms n'avait jamais ni désespéré, ni renoncé. Son charbon était là avant l'achèvement du Canal, ce qui "' avait permis d ailleurs à son agent de Port-Saïd d'écrire le 9 décembre 1869 à Ferdinand de Lesseps : « Seule, ma Maison n'a pas hésité à faire cenir des charbons, et sans son concours, toutes les marines de France et des autres puissances représentées ici le 17 no­ cembre eussent littéralement manqué de combustible. »

La veille, Hypolite Worms avait énergiquement ré­ conforté son agent : « Vous semblez désespérer de l'acenir du Canal. Je ne sais où cous puisez cos craintes que je suis loin de partager. Acant peu, la plus grande activité règnera dans cette partie de l'Égypte, ce sera le plus grand passage de l'Inde, chaque jour cous cerrez passer des steamers. »

Il continua donc la lutte, et l'on sait dans quel sens l'histoire a tranché ce débat.

ESSOR DE LA SUCCURSALE DE PORT-SAÏD

LE chef de la Maison consacrait tous ses soins à Port­

Saïd. Un matériel coûteux fut acheté, le dépôt constam­ ment approvisionné. D'importants armements le choisi­ rent comme consignataire. Au lendemain de la guerre

47


UN CENTENAIRE 1848 - 1948

de 1870, il envoya son Jeune collaborateur Henri Goudchaux à Londres pour prospecter les armateurs anglais. Il le chargea notamment de prendre contact avec la Maison James Burness & Sons, avec laquelle il était en rapport depuis la guerre de Crimée. Elle avait des dépôts à Gibraltar et à Malte d'une part, à Aden, Pointe­ de-Galle et Si11;gapour d'autre part, jalonnant ainsi la route d'Angleterre aux Indes, à l'exception de la zone du Canal. Une entente avec les Burness fut conclue en 1872. Ils devenaient les . agents . de Worms à Londres, lequel renonçait à établir des dépôts là où ils avaient les leurs. A la fin de 187 2, la succursale égyptienne avait livré près des trois-quarts du charbon aux navires en transit. Trois ans après l'inauguration du Canal, la Maison était solidement installée. On voit encore près des bureaux actuels, une tourelle en bois de trente mètres de hauteur. Les guetteurs s'y succédaient pour signaler l'arrivée d··un navire. Ceux qui devaient le ravitailler se préparaient. Les bateliers vêtus de longues robes multicolores, uni-· forme de la Maison, partaient en ramant aux accents d'une mélopée orientale. Et l'on essayait d'enlever la fourniture...

LA GUERRE DE

1870

CEPENDANT que les affaires d'Égypte débutaient, la guerre de 1870 éclatait. La ligne de Hambourg était interrompue. Les bateaux de la Maison étaient affrétés par le gouvernement, et Hypolite Worms devait assurer

48


WORMS et Cie

d'importantes fournitures de charbon à la Marine Nationale à Cherbourg, Brest et Toulon. En même temps, il prenait une large part à l'équipement de !'Escadron des Éclaireurs de la Seine, qui s'illustrait à la bataille de Champigny. Son gendre, le Commandant Franchetti, y fut mortellement blessé, cependant que Lucien Worms, son fils, y gagnait la Légion d'Honneur pour sa conduite au feu. Après la guerre, Hypolite Worms sauva la ligne de Hambourg que les Allemands auraient voulu exploiter pour leur compte. Peu de temps après, la Maison cessa d'être la propriété exclusive de son fondateur. En 1874, il s'adjoi gnit comme associé son collaborateur Henri Josse, avec lequel il constitua la Société en nom collectif Hypo­ lite Worms et [ie au capital de 4.500.000 francs, ramené à quatre quelques années plus tard, et conservé ainsi jus­ qu'en 1940. Le siège, transféré 7 rue Scribe en 1865, se déplaça à nouveau en 1877. Ses bureaux s'installè­ rent 45 boulevard Haussmann, dans une maison que le fondateur de la Maison, lui-même, fit construire.

LA FIN D'HYPOLITE WORMS JUSQU'AU bout, Hypolite Worms dirigea ses affaires. Ses forces déclinaient néanmoins et, en 1877, dans sa 76e année, il s'éteignait, vingt-neuf ans après avoir fondé sa Maison. Il avait été un représentant typique des grands hommes d'affaires du Second Empire. Précurseur et pionnier en maintes circonstances, il aimait le risque mais

49


UN CENTENAIRE 1848 - 19418

gardait le sens du possible. Il comprenait dès le principe l'importance des chemins de fer, ajustait l'extension de sa Maison à leur progression, et orientait ses affaires d'après leur tracé. Il croyait à la navigation à vapeur quand la voile triomphait, parce qu'il concevait les possibilités ouvertes par la substitution de l'hélice à la roue. Son intuition la plus profonde fut d'imaginer, dès 1848, le rôle que jouerait la houille anglaise dans l'économie moderne. C'est pourquoi il s'établissait en Angleterre, et y prenait une place de- premier ordre dans l'exporta­ tion du charbon, qu'il contribuait en outre, plus qu'au­ cun autre, à introduire en France. Il prenait place, enfin, au Canal de Suez, quand les Anglais mêmes doutaient encore du succès. Marqué par l'influence saint- simonienne, qu'il avait subie comme tant d'autres, il voulait être présent sur la plus grande voie maritime du monde. Il était donc le pre­ mier à Port-Saïd, dont il étendait promptement et largement les installations initiales.

Dès 18 71, il assurait 7 % de l'exportation charbon­ nière de la Grande-Bretagne dans le monde entier, soit environ un million de tonnes. La place qu'il occupait dans ce domaine était d'autant plus significative qu'il était Français, et qu'il partageait ainsi avec des Anglais l'une de leurs principales activités commerciales. A ce titre, il mérite d'être considéré comme ayant contribué directement au développement économique des Iles Britanniques au XIXe siècle. Toutes les marines de l'Europe étaient ses clientes. Il organisait des lignes de navigation importantes en un

50


WORMS et Cie

temps de crise grave pour la marine marchande fran­ çaise. Résolu, dès le début, à exporter le charbon anglais en se chargeant lui-même des affrètements, il décidait rapidement d'acquérir des bateaux. En même temps, il décentralisait au maximum ses activités. Moins de vingt ans après avoir créé la Maison, il se trouvait donc à la tête d'une dizaine de steamers, et de treize succursales ou agences françaises et étrangères. Il rédui­ sait fortement le déficit charbonnier de la France, et facilitait ainsi son industrialisation, cependant que ses navires lui gagnaient des marchés. Et l'on ne peut oublier le rôle important joué par sa Maison au cours de la guerre de Crimée. Mais la marque distinctive de l'œuvre d'Hypolite Worms était dans le caractère personnel qu'il donnait à son œuvre, en un temps où les affaires évoluaient vers l'ano­ nymat. A une époque où disparaissait le négociant-arma­ teur, dont Jacques Cœur a donné le modèle, et où les grandes affaires s'organisaient en Compagnies, du Lloyd autrichien (1836) à la Compagnie Générale Transatlan­ tique (1862), il devenait précisément ce négociant-arma­ teur, engageant ses seuls capitaux dans ses entreprises, dont il assurait l'entière direction. Cette empreinte indélébile de la forte personnalité d'Hypolite Worms est plus significative encore, pour l'his­ toire de sa Maison, que les voies qu'il lui a ouvertes, et que les résultats obtenus. Car ses successeurs d'aujourd'hui assun:ient, selon les mêmes principes, de pareilles res­ ponsabilités.

51



EXTENSION ET CONSOLIDATION 1877 - 1914

A Maison allait donc être dirigée par Henri Josse. Né en 1818, il avait dû s'exiler à Londres, au lendemain du coup d'État du 2 décembre 1851, à cause de ses convictions républicaines. Il s'était fait naturaliser Anglais. Il devint le collaborateur d'Hypolite Worms en 1854. Directeur de la Succursale de Grimsby en 1856, il fut associé en 187 4. Après avoir siégé à la Chambre des Com­ munes, il n'avait pas demandé le renouvellement de son mandat, car il l'estimait incompatible avec ses responsa­ bilités dans une Maison française. En 1881, de nouveaux associés entraient dans la société qui s'appela désormais Worms, Josse & Cie. Henri Goudchaux était du nombre, qui deviendra le chef de la Maison, en 1893, à la mort d'Henri Josse.

53


UN CENTENAIRE 1848-1948

HENRI GOUDCHAUX DÈS 1881, le jeune associé jouait un rôle considéra­ ble dans la Maison, bien avant d'en être le chef incontesté. Né à Paris en 1846, il était le neveu du �inistre des Finances de 1848, et le cousin par alliance d'Hypolite Worms. Il voulait être reçu à l'École Normale Supérieure. Mais le fondateur de la Maison l'appela auprès de lui en 1863, et l'envoya à Cardiff où il rendit de grands services. Il le chargea de missions diverses, notamment à Londres, au lendemain de la guerre de 18 7 0, pour régler les affaires de Port-Saïd. La différence d'âge n'altérait pas l'intimité réelle de leurs relations. Peu à peu, la part d'Henri Goud­ chaux dans l'activité de la Maison s'élargissait. A partir de 1893, il la dirigea pleinement et presque exclusive­ ment. L'apport de son travail personnel y était considérable, et s'étendait au détail même. Ceux qui l'ont connu racon­ tent que ses Directeurs, avant le rapport quotidien, reli­ saient attentivement leurs dossiers, pour répondre sans erreur aux questions précises qu'il posait... Henri Josse, puis Henri Goudchaux, gouvernèrent la Maison dans une période d'âpre concurrence. Ils luttèrent vigoureusement pour maintenir, consolider, et étendre ses conquêtes. Devant eux se dressaient, non seulement l'Angleterre au faîte de sa puissance, mais encore de jeunes géants en pleine croissance : les · États-Unis, l'Allemagne, le Japon. Le charbon anglais trouvait devant lui le charbon allemand. Partout naissaient lignes nouvelles et nouveaux dépôts. Et la voie ferrée, qui s'étendait

54


Henri Goudchaux (1845-1916).



WORMS et Cie

largement, portait des coups renouvelés au cabotage national. En face de ces difficultés, d'autres facteurs plus favora­ bles existaient heureusement : croissance des besoins en charbons _industriels et de soute, apogée du libre commerce entraînant un développement corrélatif de la marine mar­ chande, naissance d'activités économiques nouvelles, com­ me celle du pétrole, auquel la Maison ne resterait pas étrangère. Il serait certes passionnant de retracer toutes les luttes qu'elle soutint, mais il y faudrait un cadre plus vaste que ce bref mémorial. Le seul tableau de sa crois­ sance en donnera néanmoins une idée suffisante.

CHARBONS INDUSTRIELS ET CHARBONS DE SOUTE

LA Maison continuait, comme les années précédentes,

à passer d'importants marchés de fourniture de charbons industriels, notamment pour l'industrie gazière à laquelle Henri Goudchaux vouait une attention particulière. La Maison s'intéressait également aux dépôts de charbon de soute. Mais, à cause de l'âpreté de la concurrence, elle entendait se limiter. Henri Goudchaux croyait en effet que seuls pourraient vivre les dépôts qui étaient installés dans des stations charbonnières de premier ordre, comme Alger ou Port-Saïd. En d'autres ports, pourtant, la Maison s'établit, et parfois durablement. Dans les quarante dernières années du

57


UN CENTENAIRE 1848 - 1948

XIXe siècle, elle ne cessa de ravitailler la ligne de l'Atlan­ tique Sud. Elle avait commencé à approvisionner le dépôt de Dakar dès 1861 pour le compte des Messageries Impé­ riales. Elle s'intéressait à la création de plusieurs autres, notamment à St-Vincent du Cap Vert, mais cette activité était gênée par le retard économique de la zone sud de cet Océan et la dif ficulté d'obtenir la clientèle anglaise, dont l'importance était décisive. Au contraire, l'Océan Indien, en bordure de l'Afrique, était plus actif. La Maison nouait alors des liens avec La Réunion et Madagascar. Elle eut un dépôt à Zanzibar en 1885, dont le développement fut entravé par la signa­ ture du traité anglo-allemand de 1890.

CRÉATION DE LA SUCCURSALE D'ALGER C'EST en Afrique du Nord qu'Henri Goudchaux créait en 1892 sa principale succursale africaine. Bien avant 1848, Hypolite Worms avait envisagé la mise en valeur de vastes terrains en Algérie, et l'exploitation d'une mine de plomb à Constantine. Dès 1851, il livrait du charbon à Alger. A partir de 1856, il approvisionnait les dépôts des Messa­ geries à Oran, Alger, Bône et Tunis ; et en 1888, la Maison commençait de fournir les chemins de fer algériens. La situation du port d'Alger justifiait la création d'un dépôt. De nombreux bateaux y charbonnaient, et la Maison avait intérêt à s'y établir, pour concurrencer

58


WORMS et Cie

indirectement Gibraltar et Malte et consolider sa position sur le Canal de Suez. Après bien des traverses, la succursale fut ouverte. Le premier navire chargé de charbon gallois arrivait le 11 janvier 189 2. Une flottille de chalands marseillais et un remorqueur gallois équipaient le dépôt dans la lutte qui s'engageait. Quatre Maisons rivalisaient avec Worms, et d'autant plus sévèrement qu'il s'agissait de Maisons algéroises, spécialisées elles aussi dans l'exportation du charbon. Un vieil employé qui a connu la succursale en 1898, évoque ainsi les méthodes de travail : « Il fallait se battre pour obtenir un ordre... On de�ait se rendre au de�ant du client à la rame. Aussi, dès qu'une fumée était aperçue au large, les commis s'apprêtaient à se présenter à bord aussitôt l'amarrage pour essayer d'obtenir une commande parfois modeste. »

La Maison Worms était gênante et on l'attaquait vive­ ment. Comme elle avait obtenu dès les premières semaines une grosse adjudication pour la Marine française, la presse locale l'accusait d'être une maison anglaise. La Bataille du 28 février 1892 paraissait avec ce titre sensationnel : « L'Amirauté d'Alger - Les fournitures pour la flotte Française confiées aux Anglais. » Mais d'autres journaux, mieux informés, n'hésitaient pas à so1ùigner les avantages que la présence de cette Maison française, déjà vieille, pourrait valoir au port d'Alger. Ils insistaient notamment sur la possibilité de concurrencer les dépôts charbonniers de Gibraltar et de Malte.

59


UN CENTENAIRE 1848 - 1948 Malgré cette campagne, la Maison Worms consolidait sa position. De nombreux navires angl�is prenaient l'habi­ tude de charbonner à son dépôt, et il en résultait un effort de l'administration pour améliorer l'équipement du port. La grève galloise de 1893, la création de dépôts alle­ mands, ne ralentirent pas le développement de la succur­ sale algéroise.

DÉVELOPPEMENT DU DÉPOT DE PORT-SAÏD DANS le même temps, la succursale de Port-Saïd se développait d'autant plus qu'Henri Goudchaux lui vouait une prédilection certaine. De Londres en 18 71, quand il négociait à son propos avec les Herring et les Burness, il écrivait à Hypolite Worms :

« Attachons-nous à Port-Saïd exclusi\iement, je ne crois pas que nous nous en trou\iions mal. »

Par sentiment et par raison, il était l'homme de Port­ Saïd.

En 1891, 4.206 navires franchissaient le Canal, attes­ tant les prodigieux progrès accomplis en vingt ans. Cette même année, la succursale fournissait 500.000 tonnes à 1.548 navires, soit la moitié du tonnage du charbon embarqué dans le port. La Maison Worms ne cessera pas d'être le principal fournisseur de charbon dans la zone du Canal.

60


La succursale Worms sur le port d'Alger. ( second immeuble Ă arcades Ă partir de la gauche)



WORMS et Cie

Pourtant, la concurrence y était sévère, et des dépôts nouveaux s'y créaient. Mais la Maison restait le fournis­ seur exclusif des Messageries Maritimes, comptait parmi ses clients les Marines de guerre d'Angleterre, d'Autriche­ Hongrie et d'Italie, et rayonnait jusqu'aux Indes èt en Extrême-Orient. L'activité de la succursale était telle que, dès 1882, elle possédait une flottille de 62 chalands de fer, à peine suffisante pour son incessant trafic. Port-Saïd s'affirmait ainsi comme le plus grand dépôt de la Maison. Le rôle· de la Maison la mêlait à toute la vie du Canal et en 1887, par exemple, elle fut l'un des principaux ms­ truments d'une utile amélioration du trafic. L'accroissement du nombre des navires provoquait un perpétuel encombrement, et une forte élévation de la d11rée du transit. La navigation de nuit pouvait pallier cette difficulté, mais elle nécessitait à l'avant des navires de puissants projecteurs. La Compagnie n'envisageait pas de les en pourvoir, et les armateurs hésitaient devant les frais à engager. La Maison Worms décida d'en faire fabriquer, de les entreposer à chaque extrémité du Canal et de les louer aux navires. Le premier trajet de nuit eut lieu en juin. Les passages nocturnes se multiplièrent et la Maison Worms en assura un grand nombre : les lenteurs qui entravaient le trafic furent ainsi surmontées. Malgré la grève de 18 9 3 et la concurrence de Maisons anglaises et allemandes, le dépôt se développa. Il avait acquis, à la fin du siècle, de nouveaux clients : les marines impériales de Russie et du Japon, ainsi que la flotte

63


UN CENTENAIRE 1848 -1948

mlontaire russe et la grande société japonaise Nippon Yusen Kaisha, qui avait établi, en 1896, un service régulier vers l'Europe. En 1904, la tension russo-japonaise augmenta sou­ dain la demande de charbon à Suez, où les navires de guerre des deux pays charbonnaient en général. La Maison y livra en quelques jours, au prix d'un effort intense, autant de charbon qu'en une année. Quand les hostilités se déclenchèrent, l'Amirauté russe la sollicita plusieurs fois pour d'importantes fournitures à sa flotte de haute mer, qui d�vait aller au devant de la marine nippone.

LA MAISON WORMS ET LE PÉTROLE DE LA SHELL L'INSTALLATION de la Maison â Port-Saïd l'orienta au même moment vers l'une de ses activités les plus originales. Dans les dernières années du XIXe siècle, la Maison Marcus Samuel & Co de Londres, faisait son entrée dans les affaires de pétrole. Elle décidait de faire passer par· le Canal des navires-citernes transportant le pétrole en vrac. L'intervention d'Henri Goudchaux fit accepter ce projet par la Compagnie du Canal. Celle-ci lui demanda de cau­ tionner certains engagements financiers de Samuel, néces­ saires à l'exécution de son entreprise. Il le fit. En même temps, il devenait l'agent général de Samuel en É gypte, et son fournisseur de charbon, de Constantinople à Colombo. Depuis ce moment, les relations des deux

64


WORMS et Cie

Maisons n'ont jamais cessé, pas plus que celles existant avec les Burness de Londres. En 1897, la Shell venait d'être creee par la Maison Samuel pour prendre en charge l'ensemble de ses inté­ rêts pétroliers. La vente du pétrole pour la navigation se développait, et exigeait qu'on organisât des dépôts sur les grandes routes maritimes, comme trente ans plus tôt on y installait des dépôts de charbon. La Shell dési­ rait équiper d'abord la route d'Europe en Indochine, afin d'utiliser ses puits indonésiens. Elle demandait donc à la Maison Worms d'être son agent à Marseille, Port-Saïd et Suez, où sa situation exceptionnelle faciliterait la solu­ tion de bien des difficultés. La Maison acceptait et obtenait elle-même l'autorisa­ tion d'établir des réservoirs à chaque extrémité du Canal. Trois d'entre eux, de 4.000 tonnes, étaient rapidement construits à Port-Tewfik. La première cargaison de« liquid fuel», de 6.050 tonnes, y arrivait sur le Nérite le 18 octo­ bre 1899, et on la déchargeait dans le temps record de 31 heures. On sait que depuis cette date le pétrole a pris une place largement prépondérante dans le trafic du Canal, et l'on mesure mieux ainsi le rôle d'Henri Goudchaux dans cette entreprise. Comme Agent général de Samuel, puis de la Shell, la Maison Worms avait le monopole de la vente en Egypte et au Soudan. Elle ouvrit donc des succursales au Caire et à Alexandrie et établit des dépôts dans les villes et villages égyptiens. Son rôle dans le commerce de l'or noir était tel qu'au début du siècle le bidon de pétrole, en Egypte, s'appelait un « worms». Néanmoins, malgré la très grande

65


UN CENTENAIRE 1848 -1948

extension prise par la vente du pétrole, le charbon garda sa prépondérance à Port-Saïd jusqu'à 1918. La Maison Worms, dans cette période, participait à 5 0 % du trafic du Canal de Suez, et il lui arriva, plus tard, de fournir jusqu'au tiers des recettes décadaires de la Compagnie.

EXTENSION DES SERVICES MARITIMES

LE développement de toutes ces affaires pair avec celui des services maritimes.

marchait de

En 1881, une importante modification intervint dans leur organisation. La Maison Worms racheta totale­ ment l'armement F. Mallet du Havre, avec lequel exis­ taient des rapports très étroits depuis trente ans, et dont le rôle avait été important. Désormais le cabotage national et international tint_ plus de place encore dans la politique de la Maison. Elle l'effectuait avec une flotte dont les ports d'attache étaient Le Havre, où siégeait la Direction des services maritimes, et Bordeaux, où Hypolite Worms avait débuté comme armateur. Henri Goudchaux fit de profonds changements dans les services maritimes quelques années après la mort d'Henri Josse. Sous son impulsion les lignes de la Maison prirent dans les vingt années suivantes un grand déve­ loppement.

66


WORMS et Cie

LES LIGNES WORMS AU DÉBUT DU XXe SIÈCLE

LA

ligne Bordeaux-Hambourg, par Le Havre, restait le fleuron de la Maison.· Elle nécessitait quatre départs par _ mois, presque depuis sa création. C'était pour cette ligne qu'on mettait en construction, en 1913, la série des quatre Château, afin d'avoir une flotte homogène et d'un port en lourd suffisant. La ligne était l'objet d'une concurrence constante émanant de maisons hambourgeoises, d'un armement danois et même de maisons françaises. Elle y résistait par la régularité de son service, et la pratique d'ententes avec les diverses compagnies. Afin de la protéger, la Maison ouvrait en 1896 deux succursales à Dunkerque et Rouen. Elle comptait ainsi ramener à Dunkerque une partie du trafic de la région du Nord, détourné jusque-là vers Anvers, et améliorer le service des transports vers Paris. Parallèlement à cette ligne, fonctionnait celle de Bordeaux à Anvers, créée en 1869, et développée en accord avec l'armement Deppe. Elle comportait également un départ hebdomadaire. Son existence consolidait la ligne de Hambourg. L'intérêt que la Maison portait à la mer du Nord la rendait attentive à l'ouverture du Canal de Kiel, en 1895. Le rôle de Hambourg s'en trouvant accru, elle lui envoyait davantage encore de marchandises, dont beau­ coup en transit, à destination de l'est de la Baltique, où elles parvenaient à bord de caboteurs des pays riverains. Il existait aussi, au départ de Bordeaux, une autre

67


UN CENTENAIRE 1848 - 1948

ligne, en direction du port espagnol de Pasajes. Enfin, le service du cabotage international se complétait, en 1905, par la ligne Dieppe-Grimsby. En la sauvant de la dispari­ tion, la Maison reprenait le contrôle de la ligne qu'elle avait contribué à créer, cinquante ans plus tôt, lors du lancement de Grimsby. Modernisée, elle subsiste encore. A côté des lignes au cabotage international, celles du cabotage national se renforçaient également. Après Bor­ deaux-Rouen, la plus ancienne, s'organisaient celles de Nantes à Bordeaux, de Nantes à Bayonne, de Bordeaux à Bayonne. Les départs étaient fréquents. S'y adjoignait ensuite un service entre Nantes et Pasajes. En 1911, la création des succursales de Brest et de Boulogne annonçait la mise en exploitation des lignes Brest-Boulogne-Dun­ kerque, et Brest - La Pallice - Bordeaux. Elles étaient par­ tagées avec l'armement Chevillotte, ainsi que la ligne Le Havre-Brest qui remontait, elle, à 1894. Telles étaient les principales. Un chiffre résumera le développement des services maritimes dans cette période. De 1893 à 1914, le ton­ nage de la flotte accusait une augmentation de plus de 100 %. Comme toujours dans les œuvres humaines, c'était l'action d'une individualité remarquable qui expli­ quait un pareil essor. En l'occurrence, il s'agissait de Georges Majoux, Directeur des services maritimes au début du siècle, associé depuis 1915, et qui exerça une grande influence sur le développement de l'armement Worms jusqu'au lendemain de la première guerre mondiale. Cet essor était d'autant plus significatif qu'il se produi­ sait au milieu d'une période de crise de la flotte de commerce

68


WORMS et Cie

française. Latente durant tout le XIXe siècle, elle attei­ gnait son paroxysme au début du XXe siècle. A ce moment, le tonnage net de la flotte marchande était inférieur à ce qu'il était en 1870. L'opinion, et même le gouvernement, restaient indifférents aux choses de la mer. Émus et inquiets, les armateurs s'unirent pour vaincre la crise. Ils fondèrent en 1903 le Comité Central des Armateurs de France. Henri Goudchaux prit une part très active à sa création, et y laissa un souvenir exceptionnel.

LA MAISON WORMS A LA VEILLE DU PREMIER CONFLIT MONDIAL

Au moment où le monde va abandonner les activités

pacifiques pour entrer dans une crise guerrière dont il n'est pas encore sorti, il convient de décrire brièvement l'évo­ lution de la Maison depuis 1877. En 1895, elle se donnait le nom qu'elle porte depuis lors. Elle devenait la Maison Worms et Cie, que de nou­ veaux statuts régissaient. En 1911, sa direction s'augmen­ tait de deux nouveaux associés : Hypolite Worms, petit­ fils du fondateur, et Michel Goudchaux, fils d'Henri. Michel Goudchaux restera associé jusqu'à 1940. Dans toute cette période, la Maison eut à soutenir de sévères combats. Après la flambée industrielle du milieu

69


UN CENTENAIRE 184,8 -1948

du siècle, qui avait facilité les initiatives audacieuses, étaient venues les dures rivalités des années 1900. A côté de la concurrence anglaise, chaque jour plus sévère, d'autres se précisaient, et d'abord celle de l'Allemagne. C'est pourquoi il était parfois plus nécessaire de conso­ lider ce qui existait que de l'étendre. C'est pourquoi la Maison ne fondait dans cette période qu'un nombre limité de nouveaux dépôts de charbon de soute. Elle savait que les navires anglais prenaient l'habitude de se servir chez leurs compatriotes, et que la défense du grand dépôt de Port-Saïd postulait des concessions ailleurs. Cette situation invitait à la prudence. La Maison en montrait à bon escient, dans ces trente années précédant la guerre, au cours desquelles la lutte économique entre les grandes puissances était acharnée. En 1914, la Maison Worms restait la première maison française pour l'importation du charbon anglais. Elle était installée solidement dans le Proche-Orient. Son pavillon flottait de Suez à la Balti que. Elle avait vingt et une succur­ sales, et une flotte de cabotage circulant sur des lignes régulières dans toutes les mers du nord de l'Europe, vers l'Angleterre, la Belgi que, la Hollande, l'Allemagne et la Scandinavie. Depuis que son fondateur se proposait de concurrencer à Rouen le c}:iarbon belge elle avait grandi au-delà même de ses espérances.


DANS LA CRISE MONDIALE 1914 - 1948

EPUIS 1914, la vie de la Maison a été fonction des événements dramatiques dont le monde fut le théâtre depuis plus de trente ans, et de la direction qui lui fut donnée, durant ce laps de temps, par son nouveau chef.

MORT D'HENRI GOUDCHAUX

LA guerre de 1914 coïncida pratiquement avec la dis­

parition d'Henri G <?udchaux. Peu de temps avant la bataille de la Marne, il avait suivi le gouvernement à Bor­ deaux, renouvelant le geste du fondateur de la Maison en 1870. Michel Goudchaux étant mobilisé, la direction du siège social restait à ses deux associés Hypolite Worms et Paul Rouyer. L'année suivante, une crise terrassait

71


UN CENTENAIRE 1848-1948

Henri Goudchaux, l'éloignant définitivement des affaires. Il devait mourir au début de 1916 cependant que Paul Rouyer, malade lui aussi, abandonnait la Maison. Avec Henri Goudchaux, s'éteignait une intelligence vaste et ouverte, dont la culture débordait largement le secteur de ses propres affaires. Travailleur infatigable et méthodique, il disparaissait après avoir consacré cinquante­ trois ans de sa vie au service de la Maison. Cette puissance de travail jointe à une force de carac­ tère peu commune lui furent d'autant plus nécessaires que la période durant laquelle il tint le gouvernail fut celle de sévères rivalités commerciales. Ces difficultés ne l'em­ pêchèrent ni de consolider ce qui existait avant lui, ni de l'étendre, comme on le vit avec le développement considérable des lignes de navigation de la Maison ou de ses activités en Égypte. Lorsqu'il mourut, le rayonnement de la Maison Worms n'avait jamais été plus grand. Si son fondateur a pu apparaître comme un type caractéristique de son époque, Henri Goudchaux ne le fut pas moins de ces hommes d'affaires tenaces, scrupuleux et probes, qui contribuèrent à faire la France riche et prospère de la première entre-deux guerres.

HYPOLITE WORMS POUR le remplacer, il avait désigné Hypolite Worms, petit-fils du Jondateur. Entré dans la Maison en 1908, son

72


Hypolite Worms



WORMS e t Cie

chef actuel en a pris la direction en 1 916. Leurs vies se confondent donc depuis une quarantaine d'années.

Arrivé à ce point de notre récit, il n'est plus possible de poursuivre selon la méthode et dans le ton qui pré­ cèdent. L'histoire de la Maison, depuis cette époque, a été faite par ceux qui la dirigent encore.· D'autres, se penchant sur les archives conteront un jour, dans le détaîl et la sérénité de l'histoire, ce que furent la pensée et l'action des chefs d'aujourd'hui. Pour nous, nous ne voulons plus que tracer à larges traits l'évolution de la Maison, et décrire brièvement son organisation actuelle. Certes, les réalisations de cette époque ont été considérables ; mais on ne parle point des vivants comme on parle des morts.

Les trente années qui viennent de s'écouler ont été marquées, pour la Maison Worms, par de grandes destruc­ tions et d'importantes créations. Sa flotte a été presque anéantie à deux reprises, au cours des deux guerres mon­ diales, et les chantiers navals qu'elle a construits au len­ demain de la première, ont été ravagés de fond en comble pendant la seconde. Ses services traditionnels ont été transformés par l'évolution économique contemporaine,

75


UN CENTENAIRE 1848 - 1948

mais de nouvelles et vastes activités se sont offertes à elle, dans le domaine de la navigation au long '.cours, des cons­ tructions navales et plus récemment de la banque. Aux côtés d'Hypolite Worms, plusieurs associés ont participé à la direction de la Maison. Ce furent successivement Michel Goudchaux, Georges Majoux, Jacques Barnaud, Robert Labbé, ancien Inspecteur des Finances, petit-fils d'Henri Goudchaux, et Raymond Meynial. Ces deux derniers nommés, associés en 1944, et qui le sont encore, ont joué un rôle considérable au cours des années qui viennent de s'écouler. La Maison Worms comprend donc aujourd'hui quatre départements : les charbons, les services maritimes, les constructions navales, la banque. C'est l'esquisse de leur vie au cours de cette période, et leur physionomie actuelle, que nous voulons nous borner à exposer maintenant.

LES SERVICES CHARBONNIERS DEPUIS 1914 PENDANT la première guerre mondiale, la Maison assu­ ra d'importantes fournitures de chai·bon anglais pour la Marine militaire, pour les services publics, ainsi que pour les industries de guerre, grâce à la coopération de ses succursales anglaises. En 1918, quand les Alliés résolurent de débarquer en Syrie afin de prendre à revers les troupes turques, la Marine française fit appel à Hypolite Worms pour organiser l� base de débarquement, car l'existence du dépôt

76


Robert LabbĂŠ



WORMS et Cie

de Port-Saïd permettait d'accomplir ce�te tâche. Le Direc­ teur de l'agence partit immédiatement pour Beyrouth avec le personnel et le matériel nécessaires. Le débarque­ ment eut lieu grâce à la base créée et équipée- en quelques jours. Ce fut le principal titre à la Légion d'Honneur d'Hypolite Worms au lendemain de la guerre. En 1918, les circonstances amenèrent la Maison à renoncer à son orientation charbonnière exclusive vers l'Angleterre. Elle fonda des succursales à Gand, Rotterdam et Duisbourg. Cette évolution fut provoquée par les modifications du marché européen du charbon : alors que celui de l'Allemagne et de la Pologne progressait, celui de l'Angleterre déclinait, en particulier à la suite des deux grèves de 1921 et 1926. Chargée de recevoir et de transporter en France le charbon de la Ruhr livré au titre des réparations, la Maison Worms continua son activité dans cette région après la cessation de ces livraisons. Elle doubla ses achats de char­ bon allemand entre 1929 et 1937. Elle importait, vers 1930, 15 % de la houille polonaise introduite en France : elle avait d'ailleurs crée une succursale à Dantzig et Gdynia. A partir de 1931, elle concurrença les célèbres anthracites gallois avec ceux de Hongay. Elle s'assura en 1936 l'exclusivité de la vente en France et en Afrique du Nord du charbon turc d'Héraclée. Les chiffres, ici, parlent clair. De 1848 à 1923, les seuls fournisseurs de la Maison étaient les Britanniques. En 1929, les charbons anglais représen­ taient encore 85 % de ses ventes. En 1937, ce pourcen­ tage était tombé à 60, le reste étant fourni, au premier rang, par l'Allemagne, la Pologne et le Tonkin. A la veille

79


UN CENTENAIRE 1848 - 1948

de la seconde guerre mondiale, la Maison fournissait donc au marché français une partie importante du charbon acheté à l'étranger. Le fait capital, dans ces vingt dernières années, fut le recul accentué du commerce des charbons de soute, par suite de la prédominance croissante des navires chauffés au mazout. On ne construisait plus guère de navires chauf­ fant au charbon, et l'âge éliminait une à une les vieilles unités. Pourtant, pendant la seconde guerre mondiale, la succursale et le dépôt charbonnier de Port-Saïd furent utilisés à plein par l'Angleterre, à laquelle ils rendirent d'immenses services. Néanmoins, l'impossibilité d'importer des charbons ralentit considérablement le fonctionnement des services charbonniers métropolitains entre 1940 et 1944. Ils se bornèrent à distribuer la houille française et à pratiquer quelques activités de remplacement. L'équipement de nombreux véhicules au gazogène, l'utilisation du bois com­ me combustible, orientèrent la Maison vers les exploi­ tations forestières et la carbonisation. Diverses réalisations datant de cette époque ont subsisté. A partir de 1945, la suppression complète des exportations britanniques, le ralentissement de celles de l'Europe Centrale, le nouveau développement du chauf­ fage au mazout, et la politique des nationalisations, ont fortement retenti sur la physionomie du département charbonnier.. VÉtat se chargeant désormais de l'achat du charbon, la Maison ne peut plus exercer son· métier tra­ ditionnel d'importateur. Mais ses installations dans les

80


Raymond Meynial



WORMS et Cie

ports lui permettent de recevoir, de stocker, et de vendre le charbon acheté, notamment pour les services publics. Cette activité des succursales de la Maison donne au département charbonnier un caractère industriel plus marqué, en raison des nombreux travaux de manuten­ tion qu'elle exige. Sur le plan commercial, c'est comme négociant intérieur et non plus comme importateur que le plus ancien service de la Maison continue à se déve­ lopper. Le problème des combustibles liquides retient également son attention et dépend de lui.

LES SERVICES MARITIMES DEPUIS 1914

EN 1914, comme tous les autres armements, Worms et C • i

mit sa flotte au service de l'État. Ses bateaux transpor­ tèrent surtout du ravitaillement et des matières premières pour les armées. La moitié de la flotte Worms fut détruite pendant ces quatre années. Au lendemain de la guerre de 1914, les services mari­ times, bientôt dirigés avec une grande maîtrise par le Commandant Delteil, se transformèrent peu à peu. Ils se tournèrent vers la Baltique orientale, ouvrirent des suc­ cursales à Hambourg et Dantzig notamment, et ressus­ citèrent les liaisons d'autrefois avec St-Pétersbourg devenu Léningrad. De nombreux services de cabotage dans l'Atlantique, la Manche et la Mer du Nord complétèrent les lignes de l'armement. La flotte, rapidement restaurée, avait, en 1939, un tonnage supérieur de 40 % à celui

83


UN CENTENAIRE 1848 - 1948

de 1914; ses unités portaient les plus beaux noms du vignoble bordelais et de la Seine Maritime. Enfin, les activités annexes de consignation, manutention et transit, très anciennes, prirent une importance plus grande. A partir de 1929, la Maison étendit ses activités mari-_ times au trafic long-courrier, en s'intéressant aux pro­ blèmes posés par la situation de la Compagnie Ha�raise Péninsulaire. Fondée en 1882, cette Compagnie disposa longtemps de la seule ligne de navires de charge entre Madagascar et la métropole. Elle se trouva, en 1929, en difficultés. La Maison Worms en prit alors la direction et le contrôle. Elle la réorganisa et on ne peut oublier à cette occasion le rôle joué par le Commandant Denis, Secrétaire Général de Worms et C ie. Un peu plus tard, elle créa la Nou�elle Compagnie Ha�raise Péninsulaire. Elle commença à moderniser la flotte de la Nou�elle Compagnie qui s'élevait à 70.000 tonnes en 1939. Sa plus belle unité était le Malgache, construit aux Chan­ tiers du Trait. La Compagnie jouait, et joue toujours, un rôle très important dans les liaisons maritimes entre la France, Madagascar et l'Océan Indien. Peu d'années après la réorganisation de la Ha�raise, la Maison Worms créa la Société Française de Transports Pétroliers. L'insuffisance de la flotte pétrolière française, en 1938, inquiéta les pouvoirs publics. La Maison, ayant conçu une formule originale de société d'économie mixte, le gouvernement la chargea de l'exécution de ce projet. L'État put obtenir ainsi 110.000 tonnes de tankers dans d'excellentes conditions. En même temps, la Maison formait le personnel capable d'utiliser ·rapidement cette

84


Le Château-Palmer (2.560 tonnes), de la flotte Worms et Cie



Le cargo mixte Malgache (8.940 tonnes), construit au Trait en 1939 pour la Nouvelle Compagnie Havraise PĂŠninsulaire



Le pĂŠtrolier Roussillon (15.000 tonnes) l'une des huit unitĂŠs achetĂŠes par la S.F .T .P. en 1938.



WORMS et Ciè

flotte, représentant le quart de la flotte pétrolière française. A la veille de la guerre, cette réalisation revêtait une importance d'autant plus grande pour le pays que la Société unissait la puissance de l'Etat à la souplesse de la libre entreprise, selon une formule efficace. En partici­ pant aux transports pétroliers sur toutes les mers, la Maison élargissait considérablement son champ d'action traditionnel, et achevait de donner à ses activités maritimes une physionomie nouvelle. La seconde guerre mondiale leur porta les plus rudes coups. La flotte Worms fut réquisitionnée par l'État en 19 3 9, et la Maison cessa ainsi de l'administrer pendant cinq ans. Quatorze unités sur vingt-quatre furent détruites, dont les plus belles. La Nou�elle Compagnie Ha�raise Péninsulaire et la Société Française de Transports Pétroliers, eurent elles aussi de lourdes pertes, atteignant près de la moitié de leur tonnage total. La reconstruction fut entreprise dès la fin des hosti­ lités. L'armement Worms dispose d'un tonnage déjà équi­ valent à celui de 19 3 9. Le cabotage national, en pleine réadaptation, a vu reparaître la Maison en Méditerranée. Sur le plan du cabotage international, elle se tourne plutôt vers la Scandinavie. Le pavillon bleu à disque blanc flotte donc fréquemment dans les Mers du Nord, où il s'est montré pour la première fois en 1855. Le développement des activités de consignation, manu­ tention et transit est devenu considérable. En effet, la lenteur des opérations dans les ports faisant souvent perdre aux navires ·une partie du temps gagné grâce à leur rapi­ dité, on essaye de pallier cet inconvénient par une méca ft

91


UN CENTENAIRE 1848-1948

nisation poussée des moyens de chargement et de déchar­ gement. La Maison a donné une grande attention à ce problème, ce qui a entraîné une sorte d'industrialisa­ tion de ses services maritimes. Son ancienneté, jointe au nombre de ses succursales françaises et étrangères, lui assurent la consignation d'importants armements. La création de services de consi gnation aérienne, depuis 1946, à Paris, Alger et Tunis, a élargi également le cadre des activités de la Direction Générale des Services Maritimes. Un effort parallèle de reconstruction a été fait dans les deux compagnies animées par la Maison. La Nou'.'elle Compagnie Ha'.'raise Péninsulaire a mis en route un pro­ gramme de modernisation de sa flotte. A son achèvement, d'ici peu d'années, les services des lignes de la Nou'.'elle Compagnie Ha'.'raise Péninsulaire seront assurés par une flotte homogène de cargos rapides à moteur, qui compte­ ront parmi les plus modernes de la marine marchande française. Quant à la Société Française de Transports Pétroliers, elle exploitait, au pr janvier 1949, dix pétroliers d'une portée en lourd de 136.800 tonnes, soit 20 % du tonnage de la flotte pétrolière française au long cours. En 1952, sa flotte sera de 180.000 tonnes, en augmen­ tation de 50 % sur celle de 1939. Dès aujourd'hui, la Société Française de Transports Pétroliers transporte cinq fois plus de combustibles liquides qu'en 1939, en pro­ venance, pour l'essentiel, du Golfe Persique. Hyp olite Worms préside le Conseil d'Administration

92


WORMS et Cie

de la Noucelle Compagnie Hacraise Péninsulaire et de la Société 'Française de Transports Pétroliers.

LES CHANTIERS DU TRAIT DEPUIS 1917

ÛN aborde, avec les constructions navales, un chapitre

nouveau dans l'histoire de la Maison. En 1916, Anatole de Monzie, Ministre de la Marine Marchande, redoutant la pénurie de navires, au lendemain de la guerre, demanda à quelques groupes industriels de s'intéresser à la construction navale. Parmi eux se trouvait Worms et C . Les Chantiers de Constructions maritimes du Trait (Seine-Inférieure) furent fondés en 191 7. A la veille de l'armistice, les premiers ateliers s'élevaient, grâce aux efforts de Georges Majoux. ïe

Au cœur de la forêt normande, en aval de Rouen, le village du J1rait menait une vie somnolente, avec ses trois cents habitants groupés autour de leur église. Toute trace d'industrie avait disparu vingt ans plus tôt, quand les der­ niers chantiers de La Mailleraye, sur la rive opposée, avaient cessé leur activité. Dans cette plantureuse campagne s'édi�èrent les pre­ miers chantiers navals bâtis en pleine nature. C'était une initiative audacieuse, que celle qui consistait à créer une grande industrie au cœur d'un pays rural. Elle a eu des imitateurs. D'autres usines très importantes sont venues

93


UN CENTENAIRE 1848-1948

s'établir au voisinage des chantiers, pour constituer, avec eux, le nouveau secteur industriel de la Seine Maritime. Aujourd'hui, le Trait compte plus de 4.000 habitants. Mais la petite ville a gardé son caractère campagnard. La Maison Worms l'a faite ce qu'elle est devenue, en y construisant une cité ouvrière de huit cents. logements, où les· maisons fleuries, de style normand, égaient le paysage sans le défigurer. Beaucoup de travailleurs sont d'ailleurs devenus propriétaires de leur maison. Pour peupler le Trait, il fallut recruter au loin une main d'œuvre qui faisait défaut sur place. De Dunkerque et de Nantes vinrent des professionnels qualifiés. On se préoccupa d'en préparer d'autres en ouvrant une École d'apprentissage. Un réseau étendu d' œuvres sociales, atteste que la Maison a toujours vu des hommes dans ses ouvriers et ses employés. Leur nombre s'éleva rapide­ ment à un millier et le dépassa même largement. Cette politique sociale facilita le développement tech­ nique des Chantiers. Ils s'étendaient sur 25 hectares, avec huit cales de construction et des ateliers équipés pour la fabrication des navires, des machines marines et des chau­ dières à vapeur. Le 21 novembre 19 21, le premier bateau fut lancé. C'était un charbonnier de 4. 700 tonnes, le Capitaine Bonelli. Jusqu'à 1939, une centaine le sui­ virent. Ce qui caractérisait la construction des Chantiers, c'était son extrême diversité : tous les types de navires de charge ont été lancés au Trait. Le premier et le seul navire de recherches océanographiques de la France, Président Théodore Tissier, y fut construit en 1933. Le Shéhéra•

94


Les Chantiers du Trait en 1939.



Le pétrolier Shéhérazade (18.870 tonnes) construit au Trait en 1935.



WORMS et Cie

zade, était, lors de son lancement en 19 35, avec ses 18.870 tonnes, le plus grand pétrolier français et l'un des plus grands du monde. La Marine militaire leur passa très rapidement des commandes. Ils lui livrè­ rent des sous-marins du type Antiope et des torpilleurs de la classe Basque. Les Chantiers firent également de la grande chaudron­ nerie, ainsi que de la fabrication de matériel pour l'in­ dustrie pétrolière. La guerre les frappa très durement. En 19 39-40, ils travaillèrent activement pour la Marine militaire. Ils furent évacués le 10 juin 1940, sur les positions de repli assignées par la Marine. Les Allemands ·s'y installèrent et imposèrent la continuation du travail. Grâce aux disposi­ tions prises par la Direction, les prestations furent réduites au strict minimum. En particulier, aucun navire ne fut réparé pour le compte de l'Allemagne. Ce travail forcé se déroulait sous de meurtriers bom­ bardements de l'aviation alliée. Les premiers datent du deuxième semestre de 1941. Après le 15 août 1944, au moment de la bataille de la Seine, ils devinrent quotidiens. Des duels d'artillerie les aggravèrent sensiblement. Tous ces bombardements firent d�immenses dégâts. Les destruc­ tions furent achevées à terre par les Allemands lors de leur retraite. Privés de grues, avec leurs toitures effondrées, leurs installations détruites, leurs navires éventrés, les Chantiers présentaient alors le plus navrant spectacle de mort. Il ne subsistait à peu près rien des 36.000 mètres carrés de leurs surfaces couvertes. Ils avaient subi- des dommages supé-

99


UN CENTENAIRE 1848 - 1948

rieurs à ceux de la plupart des établissements similaires. Leur capacité productrice était réduite à rien. Mais, sans désemparer, les hommes du Trait se mirent au travail. L'ère de la reconstruction commença aussitôt. M. Pierre Abbat effectua alors un voyage d'enquête aux États-Unis et en Scandinavie, qui lui permit d'établir un plan de reconstitution qui, à l'échelle européenne et française, tient compte des enseignements de la guerre et de l'évolution de la technique. L'existence, préalablement au montage sur cale, d'éléments préfabriqués, a conduit à disposer, suivant un circuit aussi court et aussi continu que possible, les différents postes de travail où se succè­ dent les opérations de fabrication : parc de réception des matériaux, ateliers de tôlerie et d'assemblage, plate­ formes de montage, et cales de construction. Cet effort de reconstruction, déjà très avancé, n'a jamais interrompu le travail de production. Depuis 1945, les Chantiers ont lancé un sous-marin, un pétrolier, trois caboteurs, trois chalands citernes, et ont actuellement sur cale ou en commande trois cargos rapides et quatre pétro­ liers. Ils ont également livré des chaudières et machines diverses. Ce travail a été permis grâce à une reconstitution de leurs surfaces couvertes qui seront portées à 56.000 mètres carrés cette année. Bientôt, les Chantiers totalement reconstruits occu­ peront une main d'œuvre plus nombreuse qu'en 1939, et qui continue à travailler dans le climat de confiance qui a toujours régné aux Ateliers du Trait.

100


.. ..

WoQM/

.6TtLIE:Q/ & CHAMTIW/

ô.

oe lo

Cie

ftlr1E: M.AOITIMt

PLAN GE:NëQAL

0

,

41

...

'\�:�� ...,.,-..,.. • t ,· ,:

•.:,,

J

•· ,: J

r rr

11" M

• ---··· •-- • .�.t.6

••'11

• • aht-• •tl •• l" ._.�'.!!.. .... _. __

Plan montrant les points de chute· des bombes lancées sur les Chantiers au cours des neuf bombardements.

. ___ .. ..iJel'"•'!it. •

·__!..ltl.!.':".JIÔI..



1949. La reconstruction des Chantiers : les deux cales principales et le grand atelier de 125 mètres. En construction, un cargo de 9.500 tonnes et un pÊtrolier de 16.500 tonnes.



WORMS et Cie

CRÉATION DE LA BANQUE

IL reste à étudier les origines et le développement de la Banque, qui est certainement la création capitale de la Maison au cours de ces vingt dernières années.

Comme il est toujours difficile de parler des activités bancaires, qui donnent matière à tant de commentaires fantaisistes, on pourrait être tenté, pour esquiver l'obsta­ cle, de parodier Kipling et d'écrire : « En 1929 enfin, Hypolite Worms fonda la Banque qui porte son nom. Mais ceci est une autre histoire ... » Parmi toutes les raisons qui conduisent à rejeter cette solution séduisante, l'une est décisive à elle seule : et c'est qu'il ne s'agit pas d'une autre histoire, mais bien de la même. Le fondateur de la Maison avait été banquier avant 1848, et à Port-Saïd il avait songé, dès l'origine, aux activités financières. En 1881, les opérations de banque figuraient dans l'acte social où Henri Goudchaux apparaît comme associé. Tout cela était certes peu de chose, mais il est significatif que la Maison ait pensé, dès longtemps, aux opérations de banque. En 1929, Hypolite Worms décidait de créer un dépar­ tement bancaire. Depuis l'année précédente, il avait auprès de lui, Jacques Barnaud, ancien inspecteur des Finances. Nommé associé en 1930, il jouera un rôle d'une extrême importance dans le développement de la Banque d'abord, dans celui de tous les autres départements ensuite. A quels mobiles Hypolite Worms obéit-il en enga­ geant la Maison dans les affaires financières? Il était frappé

105


UN CENTENAIRE 1848-1948

des services rendus à l'économie britannique par les banquiers que les Anglais appelaient, et appellent encore, « merchant bankers ». Il pensait que la Maison pourrait se développer utilement sur un plan analogue. Il souhaitait pouvoir, de la sorte, aider efficacement les industriels et les négociants de toutes catégories. Il avait en outre la convic­ tion que les relatio�s commerciales de sa Maison, étendues au monde entier, et vieilles parfois de près d'un siècle, seraient un appoint précieux pour une telle tentative. Ce furent les capitaux propres de la Maison qu'on engagea tout d'abord dans l'aff�ire, et cette décision situait l'effort dès l'origine. Il ne s'agissait pas de collecter l'épargne de tous, mais bien d'engager les réserves amas­ sées depuis longtemps. Au surplus, l'activité charbonnière et maritime de la Maison, ses activités de transitaire et de consignataire, son rôle à l'étranger et notamment aux deux extrémités du Canal de Suez, nécessitaient d'incessantes opérations bancaires.. Elle commença donc par être son propre banquier. Les clients vinrent bientôt, et d'abord ceux qui lui confiaient leurs marchandises pour les transporter. Ainsi naquit la banque commerciale, qui exécutait les opérations classiques de ce genre d'établissement, et dont le dévelop­ pement fut ininterrompu jusqu'à la guerre.

106


Le siège social, 45, boulevard Haussmann.



WORMS et Cie

LA BANQUE D'AFFAIRES

LA transformation progressive en banque d'affaires fut

accélérée par le choix, comme Directeur des services ban­ caires, de Gabriel Le Roy Ladurie. C'était une personnalité rayonnante pour qui les hommes comptaient avant tout. Ils venaient lui parler de leurs difficultés, et il leur répon­ dait en leur ouvrant de nouveaux champs d'action. En étroite union avec Hypolite Worms et Jacques Barnaud, ce praticien hors de pair, dont l'intelligence maîtrisait parfaitement une technique exceptionnelle, a marqué la banque d'une empreinte ineffaçable. Il n'est pas facile d'entrer dans le détail des affaires, car il n'est pas de banque sans discrétion. Parler de soi, c'est parler des autres qui vous confient leurs inté­ rêts, et. leur réputation. Le secret professionnel y est donc aussi légitime que dans la médecine ou la judicature. Les créateurs de la banque peuvent se flatter d'avoir marché à contre-courant de l'évolution historique. Jus­ qu'au XVIII e siècle, les armateurs devenaient banquiers en utilisant dans la banque la fortune amassée dans le négoce, ainsi qu'on le voyait à Bordeaux ou à Nantes. Mais depuis lors la vie économique s'est transformée, et c'est la banque souvent qui crée les affaires. Passer de l'armement à la banque, c'est donc revenir à l'une des plus constantes pratiques des grands armements de l'ancienne France. L'adjonction d'un département bancaire

109


UN CENTENAIRE ·1848 -1948

aux activités de la Maison, se place ams1 dans le droit fil d'une tradition séculaire. Deux aspects caractéristiques de l'activité de la Banque doivent pourtant être soulignés.. Elle s'intéressa d'abord aux petites et moyennes entreprises, et seulement à des affaires françaises. Elle les aida en leur fournissant des forces nouvelles pour se développer. La règle était de soutenir les hommes de valeur dans tous les secteurs de l'activité économique. Elle donna de même son appui aux vieilles affaires de famille, dont les. proprié­ taires risquaient d'être dépossédés par l'évolution du capitalisme moderne. Elle chercha toujours à sauve­ garder leurs droits, à leur donner les moyens de survivre et de grandir. Pendant la guerre, l'activité de la Maison, et surtout celle de la Banque, fut strictement surveillée par l'occu­ pant, qui installa chez elle un contrôleur allemand. C'était une conséquence de la méfiance résultant des importantes fonctions exe:r:cées par Hyp olite Worms à Londres, en 1939-40, comme chef de la délégation française au Comité exécutif anglo-français des transports maritimes, et signataire des accords passés avec le gouver­ nement anglais, le 4 juillet 1940. L'occupation provoqua la création de deux succur­ sales de la Banque : à Marseille en 1940, et à Alger en 1942. Il s'agissait de donner aux clients plus de sécurité, en leur permettant de déposer leurs capitaux ailleurs qu'en zone occupée. Depuis 1944, les activités bancaires ont continué à se développer largement en France surtout,

110


WORMS et Cie

et à l'étranger, notamment en Suède. En Afrique du Nord, elles ont débordé sur -le Maroc, avec l'ouverture d'une succursale à Casablanca en 1946, et se sont éten­ dues à de nombreuses affaires. Ainsi se confirme l'orien­ tation vers .l'Afrique, déjà notée à propos des services maritime_s. Cette extension de Worms et Cie vers le continent africain est l'un des faits majeurs de sa vie actuelle. Il confirme au surplus son caractère essentiel. La Maison Worms n'appartient pas à ce qu'on nomme parfois la finance internationale. Elle s'intéresse, pour ainsi dire exclusivement, aux affaires françaises, de la métropole ou de l'Union Française. Tels sont, brièvement résumés, les principaux aspects de l'effort accompli de nos jours par WORMS & Cie que dirigent, cent ans après la création de la Maison, Hypolite Worms, Robert Labbé et Raymond Meynial.



WORMS et Cie·

C

lfore n'a pas besoin de conclusion. Le rappel

d'une histoire �ieille d'un siècle suffit à dégager la signi­ fication d'un labeur dont les origines remontent au pre­ mier tiers du XIXe siècle. La Maison Worms a efficacement contribué au dé�e­ loppement économique de la France. Importation du charbon anglais nécessaire à l'industrie nationale, expan­ sion du commerce maritime, participation à la construc ­ tion des flottes militaires et marchandes françaises, créa­ tion d'une banque d'affaires dont le soutien aux entre­ prises métropolitaines et coloniales n'a cessé de croître, voilà les principales têtes de chapitre de son actfoité. Cela n'a d'ailleurs pas interdit de nouer a�ec l'étranger des relations profitables pour le pays, et de conquérir des positions économiques pri�ilégiées, notamment en Angle­ terre, en Égypte et en Suède. La Maison a grandi comme une maison de famille,

113


UN CENTENAIRE 1848-1948

tra�aillant a�ec ses propres capitaux et engageant la responsabilité directe de ses chefs. Si importante qu'elle soit de�enue, elle demeure une entreprise où les contacts personnels ont été maintenus entre tous ceux qui la ser­ �ent. Ils forment une équipe au ser�ice d'un pa�illon. Rien de plus éloigné, par conséquent, du capitalisme anonyme et dépersonnalisé que la Maison Worms et Cie. Elle garde même quelque chose d'artisanal dans ses méthodes comme dans son climat. Ce parfum de jadis, cet attachement à tout ce qui �aut d'être maintenu dans la tradition, ne diminuent ni sa solidité, ni son dynamisme. Elle y puise la force qu'il faut pour construire un a�enir digne de son passé séculaire.


WORMS

ET CIE

SIÈGE SOCIAL 45, Boulevard Hauss mann PARIS Hyp o lite WORMS Robert LABBÉ Raymond MEYNIAL Philippe SIMONI, Secrétaire Général. Pierre GRÉDY, Directeur du Service Étranger. Robert MALINGRE, Directeur du Contrôle Financier.

PARIS SERVICES CHARBONS

COMBUSTIBLES LIQUIDES - SERVICES FORESTIERS

Louis VIGNET, Directeur Général. Michel LEROY, Directeur Général Adjoint. SERVICES MARITIMES Lucien EMo, Directeur Général. Henri BouTELOUP, Directeur Général Adjoint. Louis PÉQUIGNOT, Directeur Commercial. SERVICES BANCAIRES Guy BROCARD, Directeur. Lucien GuÉRIN, Directeur des Agences et du Département Étranger. 115


SUCCURSALES MÉTROPOLITAINES ANGOULfME Jean PÉRAUD, Directeur.

BAYONNE Edmond Le RoY, Directeur.

BORDEAUX Achille RIBEYRE, Directeur des Services Maritimes. Louis CASTAN, Sous-Directeur des Services Maritimes. Jean LECREUX, Directeur des Services Charbons. Francis SAUDUBRAY, Directeur des Services Bois.

BOULOGNE-SUR-MER Charles ROCHARD, Directeur.

BREST Maurice BouAN, Directeur.

CAEN André VALLAUX, Directeur.

DUNKERQUE Robert DHORNE, Directeur. Lucie ETCHEVERRY, Sous-Directeur. ·

DIEPPE Raymond BouTERRE, Directeur.

LE HAVRE Pierre DARREDEAU, Directeur des Services Maritimes. Henri MAHUZIER, Directeur des Services Charbons.

LORIENT Henri LARRIVOIRE, Directeur.

116


MARSEILLE Jacques REVOIL, Directeur des Services Maritimes. Jean PELLETIER, Directeur des Services Maritimes. Jacques GouDCHAUX, Sous-Directeur des Services Maritimes. Paul DOUCET, Directeur des Services Charbons. François Louis, Directeur des Services Bancaires. André CHÉRIX, Sous-Directeur des Services Bancaires.

NANTES

André DELMOTTE, Directeur.

ROUEN

Raymond DELTEIL, Directeur des Services Maritimes. Jean GosSELIN, Sous-Directeur des Services Maritimes Francis BEDEL, Directeur des Services Charbons.

TOULON Jean MANSE, Directeur. TOURS

Claude d'ARGENT de DEUX FONTAINES, Directeur.

-SUCCURSALES D'AFRIQUE DU NORD CASABLANCA Robert DUBOST, Directeur des Agences bancaires d'Afrique du Nord.

ALGER

D'AVEZAC de MoRAN, Directeur des Services Maritimes. Jean REUMAux, Sous-Directeur des Services Maritimes. Pierre LELIÈVRE, Directeur des Services Bancaires.

TUNIS et SFAX Pascal RouGÉ, Directeur. 117


SUCCURSALES ÉTRANGÈRES BELGIQUE ET HOLLANDE Paul POTOCKI, Directeur.

ANVERS

Armand DEWINT, Fondé de Pouvoirs.

GAND

Gérard DEvos. Fondé de Pouvoirs.

ROTTERDAM

A. Gethmann, Fondé de Pouvoirs. ÉGYPTE S. C. AcFIELD, Directeur Général des Succursales d'Égypte. PORT-SAÏD S. C. AcFIELD, Directeur Général Frank DJIKSTAL, Directeur-Adjoint. André GAUDAIRE, Sous-Directeur.

ALEXANDRIE

André RATHLE, Directeur.

J.

LE CAIRE

E. MAVROS, Sous-Directeur.

SUEZ

E. A. SEDDON, Directeur. ROYAUME-UNI (WORMS & Co. Ltd.) LONDRES Colonel C. E. THOMPSON, D.S.O., Chairman. ·

NEWCASTLE

L. C. ToMLINSON, Director. CARDIFF L. Mc EWEN, Director. _______.

118


SOCIÉTÉ ANONYME DES ATELIERS ET CHANTIERS DE LA SEINE MARITIME Robert LABBÉ, Président Hypolite WORMS, Administrateur. Raymond MEYNIAL, Administrateur.

PARIS Henri N ITOT, Directeur Général.

LE TRAIT (Seine-Inférieure) Pierre ABBAT, Directeur Général de l'Exploitation. Marcel LAMOUREUX, Sous-Directeur. Jean RoY, Secrétaire Général.


PE RSONNE L __ AYANT PLUS DE 30 ANS DE PRÉSENCE-HERAND Louis. 1895. Alger. SEMPE Louis. 1899. Bordeaux. HULLER Georges. 1901. Le Havre. LUDER Gaston. 1901. Le Havre. DUPRAT Jules. 1902. Dieppe. BOUCHERIE Fernand. 1903. Bordeaux. GREDY Pierre. 1903. Paris. SAUNIER Émile. 1903. Le Havre. HONAKER Maurice. 1903. Alger. LAUGER Jules. 1903. Le Havre. GARGUILO Jean. 1903; Alger. BARCELÈRE Valentin. 1904. Bayonne. EMO Lucien. 1905. Paris. HEBERT Georges. 1906. Rouen. GHYS Albert. 1907. Dunkerque. SCHMIDT Edmond. 1907. Marseille. BARDY Paul. 1907. Marseille.

Nota. La date est celle de l'entrée dans la Maison.

120


COMPE Fernand. 1907. Bordeaux. SOUDAIS René. 1907. Le Havre. VILLIERS Georges. 1907. Bordeaux. GARGUILO Louis. 1907. Alger. JOLY Charles. 1908. Marseille. WORM,S Hypolite. 1908. Paris. FUMADELLES Marcel. 1908. Bordeaux. GRACIET François. 1909. Bayonne. LAMARRE Auguste. 1909. Le Havre. LETTICH Antoine. 1909. Port-Saïd. BERQUE Gabriel. 1910. Bayonne. SCHMIDT Auguste. 1910. Port-Saïd. BOUCHE André. 1911. Marseille. WULLENS Albert. 1911. Dunkerque. PLUYM Émile. 1911. Dunkerque. GRENET André. 1911. Rouen. PENE Paul. 1911. Bayonne. VISTICOT Jacques. 1911. Rouen. POYBLANT Arnault. 1912. Dunkerque. COLLIN Eugène. 1912. Dunkerque.

121


CAZADE René. 1913. Bordeaux. SOL Pierre. 1913. Bordeaux. DULTE Henri. 1913. Port-Saïd. RIBERT Maurice. 1913. Dieppe. PINIER André. 1913. Bordeaux. LESTAVEL Georges. 1913·. Dunkerque. DUBOURG Max. 1914. Bordeaux. RAFFIN Georges. 1914. Bordeaux. BREIL Paul. 1914. Bordeaux. OLIVIER! Louis. 1915. Marseille. PHILIPPOT André. 1915. Bordeaux. DECELLE Émile. 1915. Le Havre. DUPONT Berthe. 1915. Bordeaux. D'HAUCOURT Henri. 1916. Bordeaux. GALY Pierre. 1916. Bordeaux. GOUPIL Georges. 1916. Rouen. RATHLE André. 1916. Alexandrie. VIELLART Germaine. 1916. Le Havre. RIALLANT Albert. 1916. Le Trait. GOUREVITCH Zalman. 1916. Port-Said.

122


BOLDRON Alphonse. 1916. Le Trait. BELIET Adrien. 1916. Le Havre. FOURREY René. 1916. Alger. LOISEAU André. 1916. Le Trait. BARBICH Jean. 1916. Suez. BELLOC Louis. 1917. Bordeaux. DUBOC Georges. 1917. Rouen. MALHERBE Cécile. 1917. Le Havre. CARPENTIER René. 1917. Dieppe. TAYLOR Norman. 1917. Newcastle. GODOT Germaine. 1917. Le Havre. ROGNERUD Christian. 1917. Le Havre. CARSOULLE André. 1918. Bordeaux. ROUGE Pascal. 1918. Alger. PERAUD Jean. 1918. Angoulême. ATGIE Gaston. 1918. Le Havre. OLLIVEAUD Jean. 1918. Le Trait. LARRIVOIRE Henri. 1918. Le Havre.

123


PERSONNEL INDIGÈNE -----ayant plus de 30 ans de présence ____....,. en Égypte MAHMOUD HACHKEL FARGALI. 1898. OSMAN HAMEIN.-1907. MOHAMED CHERBINI. 1907. HASSAN AGAMI. 1910. AHMED BEHID. 1912. MOHAMED ADAMI. 1912. HASSAN AMINE. 1912. ALI KERAIM. 1912. RACHWAN BEDAWI. 1912. ABDEL MOTELEB HAMMAD. 1912. ABDEL RAHMAN AISSA. 1912. SALEH IBRAHIM. 1912. AMIN GONEIM. 1913. AHMED KERAIM. 1914. HOB SKANDAR. 1914. ABDOU MENSI. 1914.. ABDOU KERAIM. 1914. ALY AYAD. 1915. VASSILI ISSA. 1915. HASSAN AHMED. 1916. MOUSSA TREMSI. 1916. MAHMOUD ISSA. 1916. MELIK GUIRGUIS. 1916. MOHAMED HASSAN. 1917. MAHMOUD GANTIRI. 1918. ABDEL HAK. 1918. AHMED ABOU NABSEL. 1918.

124


TABLE DES MATIÈRES

AVERTISSEMENT

11

ORIGINES ET ESSOR (1848-1877)

15

EXTENSION ET CONSOLIDATION (1877-1914)

53

DANS LA CRISE MONDIALE. (1914-1948)

71

CONCLUSION

ANNEXES

113



CET OUVRAGE A ÉTÉ RÉALISÉ PAR LES ÉDI­ TIONS MAURICE PONSOT, A PARIS, POUR LA MAISON WORMS ET Cie, SOUS LA DIRECTION ARTISTIQUE DE JEAN BAUDET ET GILBERT BAILLY. IL A ÉTÉ COMPOSÉ EN CARACTÈRE BODONI DE LA MAISON CLICHÉS-UNION ET ACHEVÉ D'IMPRIMER LE VINGT OCTOBRE MIL NEUF CENT QUARANTE-NEUF, SUR LES PRESSES DE LA BELLE PAGE, A PARIS, LUCIEN ET HENRI DEBLADIS ÉTANT DIRECTEURS. LES LETTRINES ONT ÉTÉ DESSINÉES PAR ROBERT DECOUVOUX, ET LES CULS-DE-LAMPE PAR PINELLI. LES HORS-TEXTES PHOTOGRA­ PHIQUES ONT ÉTÉ RÉALISÉS D'APRÈS DES DOCUMENTS D'ARCHIVES DE LA MAISON WORMS, ET PAR FÉHER, A COURBEVOIE. LE BROCHAGE EXÉCUTÉ PAR MASURE, A PARIS. LE TIRAGE EST LIMITÉ A 5.210 EXEMPLAIRES SE DÉCOMPOSANT COMME SUIT : 200 EXEMPLAIRES SUR B.F.K. RIVES PUR FIL, NUMÉROTÉS DE 1 A 200. 5.000 EXEMPLAIRES SUR VÉLIN PUR FIL, NUMÉROTÉS DE 201 A 5.200. 10 EXEMPLAIRES HORS-COMMERCE SUR B.F.K. RIVES PUR FIL, NUMÉROTÉS DE I A X.

·

Exemplaire N°

2· V�-16--14 3'--



Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.