• Drôle de cirque ! • J’ai flirté avec le grippe porcine
• Portfolio : A la découverte de la Tasmanie
BERLIN LIBRE
Le terrain de la vérité
Par Louis Villers, directeur de la rédaction
Cambrai, mai 2009. « Vous allez-vous marier ? – Non ? mais pourtant vous vous tenez la main ! En tous cas mademoiselle, ne vous mariez pas avec un noir, ça pause toujours des problèmes… ». « Vous êtes à deux ? Tenez, prenez une fleur et un prospectus sur la scientologie ». « Bonjour, cela fera dix euros et trente centimes ».
Editorial
Deux heures de promenade dans une petite ville du nord. Et des rencontres. Le vieux français raciste, l’illuminé religieux et le caissier du supermarché. Non, nous ne sommes pas en reportage, et pourtant, quel article nous pouvons écrire après cette après midi ! Tous les médias traitent l’actualité, de façon plus ou moins pertinente, professionnelle ou neutre. Dans tous les journaux, dans toutes les radios ou télévisions, les mêmes informations, les mêmes personnalités, les mêmes drames, les mêmes joies. Et le formatage d’une France qui se croit libre, car informée, mais qui est en réalité prisonnière d’une seule et même information, aussi nombreuses ses formes soient-elles. Toutes ces informations viennent d’en haut. Du politique, du chef d’entreprise, du responsable syndical, du chef religieux, de l’artiste célèbre. Ils ont une vision d’ensemble sur la société, une vision sans doute juste, mais trop souvent inhumaine : des chiffres, des statistiques, des anonymes. Pourquoi ne pas aller chercher une autre vision à la source ? Pourquoi l’invité de M. Apathie ne serait pas ce vieil habitant de cambrai ? N’est-il pas capable, lui aussi de nous donner une véritable visions de la France ? A LINTERVIEW.fr, nous tentons, depuis plus d’un an, d’expérimenter cette information de rencontre, d’aller sur le terrain. Avec ou sans succès. En tous les cas, nous continuons. Dans ce numéro, nous vous parlons de ces marginaux Berlinois qui ont décidé de vivre à coté de notre société en crise. Nous vous offrons une vision de la grippe porcine bien éloignée de celle donnée par les médias. Nous découvrons les métiers du cirque, la Tasmanie et le malaise des prépas. Des rencontres si différentes lors de cette promenade de deux heures… au fil des pages.
Sommaire En Une BERLIN LIBRE
Reportage Drôle de cirque 8
Témoignage J’ai flirté avec la grippe porcine p12
Portfolio La Tasmanie
Jeunesse Désespoir des prépas Etudiant du monde Isabella, étudiante italienne p37
Journal LINTERVIEW.fr / 32 rue de Montholon 75009 Paris / redaction@linterview.fr / 06-65-35-56-99 Fondateur, directeur de la rédaction : Louis Villers / Directeur de publication : Jean Massiet / Rédacteur en chef : Alexandre Marchand. Rédactrice en chef de « Culture Est Société » Alice Beauquesne Journalistes : Nadège Abadie (Photographies)/Nicolas Combalbert/Basile Scache/William Buzzy/Marie Camier/Baptiste Gapenne/Alan Kaval/Vanessa Ferrere/Margaux Bergey/Caroline Gorge/Maria Martin Guitierez/Raphael Miossec/ Mise en page : L.V. Association LINTERVIEW.fr : Siège social : 32 rue de Montholon, 75009 Paris. Président : Louis Villers / Vice Président : Jean Massiet / Responsable financier : Alexandre Chavotier / Secrétaire : Alexandre Marchand Photo de Une : Mika Hiironniemi
BERLIN LIBRE Tacheles. « Teïkless », dit-on ici. Ce nom sonne comme celui d’un bar à la mode en plein centre de Londres, bar branché, gens chics, ambiance lounge… Raté. Tacheles est tout autre. Imaginez une vieille bâtisse qui ne demande qu’à s’écrouler, arborant une devanture des vieux cinémas des années cinquante, un édifice coincé entre deux immeubles récents du centre de Berlin. L’entrée est sombre, deux punks discutent devant, l’endroit semble mystérieux et inhospitalier. On entre ?
Par Marie Camier et Alice Beauquesne
Tacheles, c’est un peu comme une pub Brise Touch&Fresh, en pénétrant ce lieu unique, tous les sens endormis par une vie citadine reprennent le dessus : le regard est attiré par les affiches qui envahissent la cage d’escalier, par les tags multicolores, les graffitis « street art » provocants ; les narines raffinées tentent d’identifier la délicate fragrance ambiante, concluent sur un mélange d’odeurs de bière, d’urine, de pourriture, de peinture ; les mains se retiennent de s’agripper aux rampes qui ont tant vécu ; les oreilles chastes sont agressées par les musiques de fond des artistes rassemblés sur ces cinq étages… Des artistes, oui. Voilà le centre du patrimoine artistique alternatif de la capitale allemande. Tout ça. Depuis 1990, cette maison d’art édifiée en 1909 et gravement amochée par la seconde guerre mondiale est menacée par les pelleteuses ; c’est à cette date que deux groupes d’artistes de l’Est et de l’Ouest se sont réunis et ont investi le bâtiment, partageant leurs expériences mutuelles pour ressusciter le lieu. Aujourd’hui, bien que moins représentatif de la liberté et de l’engagement, Tacheles garde sa touche artistique en permettant à des artistes d’y exposer leur art. Il y a encore quelques années, payer un deutschemark symbolique leur donnait l’autorisation de s’installer. À l’heure actuelle, la ville cherche toujours à se débarrasser de cet ex-squat. Pourtant, au fil des étages, ce sont des artistes hors du commun qui se présentent aux curieux. Étape une : le photomaton en carton qui se vante de faire des croquis en cinq minutes chrono. Au même palier, un magasin loufoque propose des affiches de Berlin que l’Office de Tourisme ne distribuerait pas volontiers : sur l’une, Mickey, Superman et le Che sont mis en scène, collages de photos recherchés, humour garanti. Sur une autre, le buste de Néfertiti surplombe l’inscription « Berlin is a bitch » ; sur la plus trash, une femme à tête de chat reproduit un acte interdit aux moins de 18 ans à l’aide de la Tour de la Télévision de Berlin…
« Pourtant, au fil des étages, ce sont des artistes hors du commun qui se présentent aux curieux. Étape une : le photomaton en carton qui se vante de faire des croquis en cinq minutes chrono »
Au fond du couloir, un atelier présente des œuvres créées sur de la récup, bref, une belle brocante. Deux étages plus haut, l’atelier érotique de Tacheles accueille les badauds, constitué en grande partie de dessins loufoques mais suggestifs laissant deviner que la vie intérieure de la jeune artiste créatrice n’est pas remplie de fleurs bleues mais bien d’ensembles menottes-fouet… A côté de ça, l’exposition d’Alexander Rodin intelligemment intitulée « Global Warning » semble presque décalée. Lui, c’est un peu un tricheur. Installé depuis 2001 dans cet atelier, il a déjà exposé ses œuvres en Pologne, Hollande, France, Espagne, Italie et en Russie, son pays d’origine qu’il a quitté en décrochant son diplôme à l’école d’art de Minsk. Un conventionnel, le Rodin, mais pas inintéressant pour autant. Ses peintures riches en détails et en mouvements ne semblent tirer leur inspiration que de l’esprit développé de l’homme. Un peintre bien digne de Tacheles, même s’il n’est pas du genre à balancer ses baskets sur une branche dans la cour de derrière l’immeuble, comme on peut en voir en sortant. C’est dans cette cour, constituée de bars junkies ou à la mode que les fêtes les plus extraordinaires de Berlin ont lieu. ME-MO-RA-BLES, en dit-on. De l’avis de tous, Tacheles est un lieu unique de l’alternatif, un lieu spontané, plein de vie et d’ambition. La vraie face de Berlin qui s’exprime et s’éclate en communauté. « LUST », peut-on lire dans la cour, en lettres majuscules ancrées dans le sable. « ENVIE ». Est-il encore utile de se demander : « Envie de quoi ? » puisqu’ici, les envies individuelles se sont un moment mêlées aux envies collectives au profit de l’art. Puisqu’à Tacheles, on a envie de tout, mais surtout, surtout de liberté. Par Marie Camier
Sur une autre, le buste de Néfertiti surplombe l’inscription « Berlin is a bitch » ; sur la plus trash, une femme à tête de chat reproduit un acte interdit aux moins de 18 ans à l’aide de la Tour de la Télévision de Berlin…
Encadré : « L’alternative Tour de Berlin », dispensé en anglais part tous les jours du Starbucks d’Alexanderplatz et propose une visite de la ville axée sur le « street art ». Visite « gratuite » mais contribution financière libre à la fin pour les guides. Pour s’y rendre : station U-Bahn « Oranienburger Tor ». Plus sur l’histoire de Tacheles ? Visitez le site : http://multitudes.samizdat.net/LeTacheles-histoire-d-un-squart
La seule liberté que l'homme simple désire vraiment, c'est celle de démissionner de son job, de se faire dorer au soleil et de se gratter là où ça le démange. Henri Louis Mencken « L’homme simple», on l’a rencontré. Il s’appelle Rony, 23 ans, il vit à Berlin, dans le quartier de Warschauer Strasse, au sein d’une ancienne gare, entièrement tagguée, faisant office de repaire pour les artistes underground, les skatteurs, les squatteurs et les lazzarones de tous les âges. Vautrés autour d’une table de bois brut agressée par les coulées d‘alcool, les mégots écrasés, la pluie, le temps simplement ; quelques exemplaires des résidents de « l’Endroit » - appelons le comme ça -impossible de trouver le nom exact de ce véritable squat de l‘ancienne Berlin-Est - dégustent une bière, braillant dans un allemand de faubourg. Nous qui recherchions l‘autochtone cocasse, nous voilà servies. Tous respirent la marginalité, le vécu de bohème, l’anti-conformisme, et surtout, puent l’alcool et le bédo. Rony est le plus jeune. Plus jeune, donc naturellement plus facilement abordable. Rony est un punk, un vrai: la crête vert fluo, le costume destroy et l’œillère de flibustier en prime; un bel accordéon vintage à la main. En plus de jouer admirablement bien, il parle un anglais impeccable. Particulièrement étonnant pour un « punk à chien » de sa catégorie ? Rony s‘est arrêté avant le bac; hambourgeois de souche, il a quitté sa mère il y a quelques années. Pourquoi ? Pour quoi faire ? Pour vivre libre, simplement, pour s’échapper du « carcan social », classique, peutêtre. Mais alors, comment occupe-t-il ses journées ? « Je passe mes journées dans le quartier, je discute avec mes potes, je rencontre plein de gens, je bois, je traîne, je m’éclate, quoi ! ». A la question : « De quoi parlez-vous avec vos amis ?», il répond : « De politique, de soirées, de voyages, de nous, de nos rêves, de la vie, de la liberté ». Il se définit comme anarchiste et communiste, en désaccord avec le système allemand qu’il trouve trop conservateur, trop traditionnel… (ndlr, Le parti du CDU, centre
« Tous respirent la marginalité, le vécu de bohème, l’anticonformisme, et surtout, puent l’alcool et le bédo »
droit, parti conservateur chrétien). « Je voyage aussi, j’aime beaucoup faire la connaissance de gens nouveaux ». Mais justement, quand on se qualifie soi-même de «homeless » (sans-abri), par quel moyen est-il possible de gagner de l’argent permettant de voyager ? « C’est simple, je joue une heure par jour de l’accordéon devant la Brandenburger Tor, souvent déguisé, ça appâte les touristes ! Je me fais près de 10 euros par jour, ce qui me permet d'acheter quelques bières, des cigarettes à bas prix et de quoi manger. Et puis, je connais beaucoup de gens de nationalités différentes, parfois, certains retournent dans leur pays en voiture, j'en profite ! » . Et pour l'anecdote; un jour ou Rony faisait sa petite représentation, des journalistes lui ont proposé de le prendre en photo pour illustrer un article sur les Scorpions. Après avoir un peu hésité, ce dernier a fini par accepter. A raison; car un petit pactole de 50 euros lui a permis de vivre plus abondamment pendant quelques jours. Pour finir, l'artiste nous joue un petit air d'Amélie Poulain, « un bon truc à touristes », nous
dit-il en clignant de l'œil ; puis il se lève, il doit « rejoindre des potes ». « Schau Mal ! » (« Regarde ! »), lui dit un de ses amis. Quelques pièces de menue monnaie sont tombées de la poche de Rony qui les ramasse délicatement, comme s'il s'agissait d'un trésor. Un quinquagénaire barbu, (cf photo) un peu éméché, aux allures d'artiste, qui colle d'ailleurs parfaitement à l'Endroit, nous fait signe, on le suit dans une espèce de petit bar où sont accrochés des tableaux. Il nous montre un tableau de zèbre et part dans un délire psychédélique: « Look at the eyes, they are like stars... ». S'ensuit une logorrhée euphorique du personnage. « Where do you come from? ». « Paris », répond-on en choeur. Monsieur l'artiste minaude, saisit les pans de sa veste et se dandine : « Oh, Paris… Soixante quinze ! Marché aux Puces, Front National ! », avec un accent français très mignon. Notre troisième rencontre a lieu un peu plus loin, près du grand pont qui mène à la station de métro. Trois hommes et une jeune fille sont assis sur le trottoir, un verre MacDo à leurs pieds. «Hättest du eine Zigarette Bitte? ». Voilà qu'on taxe mon paquet, mais ce sont pour les besoins de l'interview. « Und ein paar Geld? ». Nous sommes étudiantes et sans le sou, donc ça sera non. C'est surtout avec Lotta, 17 ans, que nous discutons, ses confrères semblent un peu saouls, et ne parlent pas anglais. Lotta a quitté ses parents il y a trois ans, elle a donc commencé à mendier lorsqu'elle avait 14 ans. Elle nous explique qu'elle est partie de chez elle parce qu'elle n'en pouvait plus qu'on lui dise ce qu'elle devait faire. « J'ai fait des études d'infirmière, il faut que je passe le concours. Je ne passe pas mes journées ici, mais ça me permet de gagner un peu d'argent. » Ce qui suit est un peu confus, Lotta tente de nous expliquer où elle vit, nous en déduisons qu'elle loge chez un ami de son « Freund », petit ami qui est en prison. Soudain, un rot détonne dans l'air tiédi d'une fin de journée berlinoise. C'est Erik, l'un des trois hommes qui sont assis avec elle. Il rigole, nous fait signe, sur une feuille imaginaire, de l'écrire dans l'article. Théodor et Tito, eux, nous font croire qu'ils sont frères, Lotta les contredit, ce qui les fait hurler de rire. Enthousiasme de soulard, diriez-vous. Peutêtre qu'être à la rue rend un peu acteur, mais leur joie de vivre ne semblait pas feinte. Lotta nous a écrit l'adresse de “leur blog” : www.saubande.de. Ainsi donc, Rony, Lotta et les autres, se placent eux-mêmes en marge de la société. Néanmoins, ils en ont besoin, et c'est par elle qu'ils vivent, et non qu'ils subsistent. Parce qu'ils se complaisent dans ce mode de vie instable, parce qu'ils ont choisi cette insouciance. D'ailleurs, ils ne dénigrent pas tant que ça le système; pas tant que ça car Rony a comme projet futur, lorsqu'il en aura terminé de sa vie
« Soudain, un rot détonne dans l'air tiédi d'une fin de journée berlinoise. C'est Erik, l'un des trois hommes qui sont assis avec elle. Il rigole, nous fait signe, sur une feuille imaginaire, de l'écrire dans l'article »
fantaisiste, de passer son bac, de continuer ses études ! Quant à Lotta, elle cherche un boulot en complément de ses études, elle veut travailler ! Un style excentrique, une attitude qui se démarque de celle de « l'homme ordinaire ». Ce sont des hommes simples, des épicuriens des petits plaisirs, certes. Mais ils aspirent à quelque chose d'un peu utopique, ils ont besoin de la société, un besoin vital, et quoiqu'ils en disent, quoiqu'ils fassent, en prenant les touristes pour des idiots, en provoquant les citoyens par leur façon de se comporter qui peut paraître choquante; ils ne pourront pas se détacher de la société véritablement. Ne serait-ce que pour satisfaire leurs nécessités. Or, tous nous ont accueillies avec un grand sourire, tous ont accepté de répondre à nos questions, parfois indiscrètes. Tous ont choisi leur situation et tous semblent s'y être parfaitement bien accommodés. Et puis, à quoi bon ! Comme dit Jean Grenier, « Le meilleur usage que l'homme puisse faire de la liberté, c'est de n'en faire aucun ». Par Alice Beauquesne
DRÔLE DE CIRQUE ! Les métiers décalés du cirque…et pourquoi pas les métiers du cirque, tout simplement ? Parce que c’est plus original, pensait-on d’abord. Mais aussi parce qu’aller à la rencontre de ces numéros peu connus permet de rencontrer une foule d’artistes aux parcours divers – qui d’ailleurs n’officient pas tous dans un cirque, aléas du reportage obligent.
Ils sont fakirs, charmeurs de serpents, hommes canon… des numéros pour le moins inhabituels pour le cirque. On les aurait plutôt trouvé dans une foire au début du XXème siècle. Et pourtant, pas d’illuminés ni de jeunes bohême : derrière leurs numéros, se cachent des artistes accomplis, soucieux de leur carrière déjà bien rôdée, ayant suivi des parcours étonnamment différents. Plus encore, de vraies personnalités, des hommes et des femmes modestes, mais fiers de leur choix, de vrais passionnés dont le travail se déroule loin des feux de la rampe, mais qui à chaque représentation prennent toujours autant de plaisir à monter sur scène. Portraits.
Par Pauline VASSAL Photos : Lucas Gloppe
Un couple à la vie comme à la scène, entre les serpents et le fakirisme. Avant de se lancer à corps perdu dans le fakirisme, Hervé Perron finissait ses études dans la comptabilité, et sa femme, qui avait la phobie des serpents, faisait des ménages. Seulement, voilà, le travail manque, et Hervé accepte de s’improviser assistant magicien. En voyant sur scène des démonstrations de fakirisme, il se dit « si ce fakir est capable de faire ces numéros, je le suis aussi » ! Et c’est lorsque le fakir de la troupe s’en va qu’Hervé le remplace, mais peut-être plus par défi que par passion. La passion justement, viendra peu à peu, et il la transmettra à son épouse.
« Animal du fakir », le serpent s’impose à Hervé comme partenaire de travail. Pour se former, pas de gourou ni de coaching intensif : avec sa femme, ils travaillent en autodidactes, se forment à la connaissance des reptiles, au yoga, et aux techniques de respiration. Cette formation est absolument nécessaire pour contrôler la douleur c'est-à-dire détacher les sensations corporelles du psychisme. Hervé est capable de résister aux tessons de bouteilles, au feu, et même à la douleur d’une dague dans la narine ! Et il n’y a pas de trucs, contrairement aux magiciens. « Je montre en spectacle ce que le corps humain est capable de faire grâce à l’entraînement », explique Hervé avec simplicité. Quant aux serpents, pythons ou boas, s’ils ne sont pas dangereux – les serpents venimeux étant interdits en France – il faut « surveiller constamment leurs réactions », et les respecter. Cependant, aucune complicité n’est vraiment possible avec ces animaux à sang froid, et un peu de machiavélisme s’impose pour arriver à en faire quelque chose : « plus cet animal est manipulé, plus il aura l’habitude de l’être, et plus il sera cool » ! Aujourd’hui, le couple se produit à toutes sortes d’occasions : animations de rue, anniversaires et mariages, séminaires, cabaret… Son public est donc varié, mais heureusement, ni les pythons ni les planches à clou n’effrayent trop les enfants, car « mon style de fakirisme est très doux et pas agressif », conclue Hervé.
David Dimitri, l’ « Homme Cirque ». David Dimitri est l’un de ces artistes complets qui ont plus d’une corde à leur arc. Formé à l’Académie d’Etat du Cirque de Budapest, il poursuit son apprentissage en tant que danseur à la Juilliard School à New York, l’une des plus grande écoles d’arts du spectacle du monde. Il travaille avec les plus grands cirques tels que le Cirque du Soleil ou le New York’s Big Apple Circus, et même avec le Metropolitan Opera !
En 2001, il décide de créer son propre one-man show, “L’Homme Cirque”, qui se déroule sous un chapiteau. Dans ce spectacle, inspiré du cirque traditionnel et du théâtre, il joue à proprement parler tous les rôles à lui seul : comique, funambule, acrobate, musicien… Un de ses numéros les plus surprenants reprend la tradition ancienne de « l’homme canon ». S’il refuse de révéler sa technique de propulsion, qu’il a travaillé pendant deux ans afin d’obtenir un canon qui provoque un effet visuel frappant tout en restant sûr, il accepte en revanche de me livrer quelques anecdotes. Par exemple, la première fois qu’il essaye son appareil, ses jambes n’étaient pas suffisamment tendues, et le coup à échoué. Depuis, il a compris la leçon et résiste au choc de la propulsion, tout en reconnaissant qu’il est toujours aussi impressionnant d’être propulsé d’une façon si rapide. « A peine le temps de réfléchir, dit-il, et tu es déjà en train de voler ».
Ce qui est différent du cirque traditionnel ? David Dimitri ne se contente pas de reprendre à l’identique les vieilles traditions : si son cirque est traditionnel, il arrive à créer de la nouveauté à travers une mise en scène originale, qui ajoute de la poésie au comique et le rapproche littéralement du public.
Selon lui, le cirque est un art, et il déplore que beaucoup de cirques se contentent de présenter un numéro après l’autre, dans le seul but d’afficher des exploits de virtuosité, sans concept pour soutenir le spectacle. Le cirque, clame-t-il, n’a « pas de limites. C’est un lieu unique, une plate-forme où tout est possible ». Tout ce qui est « visuel » y est possible. Et ce qui fait la qualité d’un spectacle n’est pas la quantité d’artistes, de lumières, ou de numéros, mais la profondeur des émotions ressenties par le public.
A ma grande surprise, j’apprend que la France est « certainement l’un des pays les plus innovateurs en ce qui concerne le cirque », et que « aucun autre pays n’a fait autant pour les arts du cirque que le gouvernement français ». Un appel encourageant pour notre cher pays qui continue de consacrer moins de 1% de son budget annuel à la culture.
Romina, entre contorsionnisme et hoola-up. Romina représente la sixième génération d’une famille d’artistes : père circassien et mère danseuse, elle était prédestinée à exercer dans les métiers du spectacle. Dès l’âge de 5 ans, elle commence à s’entraîner pour la contorsion auprès de ses parents et des autres artistes avec lesquels ils vivent. A 11 ans, elle commence sa carrière dans des duos avec sa sœur, et mène ses études par correspondance.
Depuis 2 ans, elle se produit en solo dans un numéro de hoola-up, auquel elle ajouté de nombreux éléments de contorsion. Décalé, le hoola-up ? En tout cas, il revient à la mode : le cerceau est en effet l’un des instruments des gymnastes. Nombreuses sont celles qui, une fois la compétition finie, se lancent dans les carrières du spectacle. Sa carrière à elle a commencé dans ce milieu, et elle espère continuer à trouver des contrats pendant longtemps ! Ce qui compte, dit-elle « c’est de se faire remarquer des directeurs, et d’aller de l’avant : passer des castings, envoyer ses vidéos »...
Pour certaines, le métier s’arrête tôt, pour d’autres il peut durer : Romina évoque le souvenir d’une Russe ayant travaillé jusqu’à 50 ans ! Mais « tout dépend des personne » assure-t-elle, et de leur degré d’entretien du corps.
De son côté, son engagement au cirque Pinder, avec deux à trois représentations par jour et de nombreuses tournées, lui laisse peu de temps pour répéter, ou alors, le soir après les spectacles. Niveau préparation, c’est un demi-heure d’échauffement avant chacun. Sa vision du cirque n’est pas tranchée : ayant travaillée dans toutes sortes de productions (traditionnelles, contemporaines, cabarets...), Romina se montre ouverte, du moment que la qualité du spectacle est bonne, la formule idéale étant selon elle le mélange : elle aime quand le cirque allie « des bases de numéro traditionnelles, et une mise en scène originale et novatrice ».
Enfin, tout dépend du goût du public, auquel il faut aussi s’adapter : Pinder est un cirque très traditionnel, mais c’est aussi ce que les gens attendent. La preuve par la longévité : Pinder est fixé en France depuis 1855.
Sacha, danseur russe sachant manier le sabre
Lorsque j’appelle Sacha pour la première fois, il accepte de répondre immédiatement à mes questions, en pleine répétition.
Danseur russe traditionnel, il est arrivé en France avec une troupe d’artistes cosaques, et quelques tours de magie dans sa poche. Il décide de rester, et pour le besoin de ses numéros, de trouver quelques accessoires...ce qui n’est pas sans difficulté quand on ne parle pas encore français !
Mais alors, le numéro de lancer de couteaux ? Hélas, impossible de joindre dans l’Hexagone un lanceur de couteaux traditionnel (avec une assistante gentiment attachée à une roue tournant à toute allure). S’il a travaillé de temps à autre avec des cirques, Sacha, propose des animations « standard » : colombes, cordes, cartes... Quant aux couteaux, lancés en l’air, tournoyant au dessus de la tête du danseur, ils sont des accessoires au profit de la danse. Les danse folkloriques russes sont empreintes de la culture du pays, la figure guerrière du cosaque donnant notamment lieu à des démonstrations spectaculaires de maniements de sabre.
Aujourd’hui, à 37 ans, Sacha dirige sa compagnie, qui donne des représentations dans toute la France, et à l’occasion de mariages et autres fêtes... La danse folklorique russe est encore assez méconnue en France, et il espère bien que son corps le laissera monter sur scène encore longtemps. La conversation s’arrête là : il faut que la répétition continue.
J’ai flirté avec la grippe porcine « Tu as vu cette histoire de grippe, Armance, il faudrait peut-être que tu penses à rentrer en France ». Vous voulez parler de la Influenza qui sévit à la Ciudad de Mexico ? Une affaire de Chilangos, vous diront les Mexicains : le racisme de ces derniers à l’égard des habitants de la Capitale –encore plus mal-aimés que les parisiens dans le reste de la Frances’est tout d’abord régalé de cette nouvelle. Une maladie typiquement chilanga n’arrivera jamais jusqu’à Guadalajara. Et 10 jours plus tard, alors que vingt pays sont touchés, l’Etat de Jalisco ne déplore toujours aucun cas ; comme la France avec Tchernobyl, il y a des pays qui ont de la chance et d’autres non. Mais cela n’a pas duré, le 6 mai, on déclarait 20 cas avérés et 170 probables dans le Jalisco. Le nombre de malades augmente en France et baisse au Mexique mais je suis quand même rentrée. C’est que la psychose médiatique prend mieux en France qu’au Mexique. On confond le nombre de cas suspects et le nombre de morts avéré par l’OMS, on rappelle à tout hasard le
« Le nombre de malades augmente en France et baisse au Mexique mais je suis quand même rentrée »
nombre de victime de la grippe espagnole et on transforme vite la grippe porcine en grippe mexicaine… on manquait de boucs émissaires ces derniers temps en France. Les Mexicains aussi cherchent des responsables : le gouvernement Mexicain, Barack Obama, la crise financière... C’est qu’au Mexique, la supercherie médiatique un peu avant des élections est affaire courante. Et la démasquer à temps c’est être un esprit éclairé. Nombreux ont été les étudiants mexicains, commerçants et chauffeurs de taxis à avoir voulu m’expliquer la vérité sur la Influenza. Les élections législatives approchent (la campagne a débuté le 3 mai), le Mexique souffre comme beaucoup de la crise économique, on se méfie de Barack Obama en visite au Mexique le week-end du 25 avril, tous les éléments sont là pour un énorme mensonge fomenté par les médias, le gouvernement de Calderón et pourquoi pas avec la complicité des Etats-Unis et de l’OMS. Pour nous autres Français c’est difficile d’y croire, on connait trop les dangers de la théorie du complot, mais pour les Mexicains c’est une question de bon sens. Tous se rappellent le mythe du Chupacabras, une légende nourrie en 1992 par les médias mexicains : un animal à mi-chemin entre le gorille, le chien et la chauvesouris qui dévorait des chèvres dans les zones rurales du nord du Mexique. Et en y regardant de plus près, on a envie d’y croire : le 23 et le 27 avril 2009, à peu près en même temps que le déclenchement de la panique porcine, quelques lois des plus innocentes ont été votées incognito : la légalisation de la détention de drogue en petite quantité (cannabis mais aussi cocaïne, opium et cristal), davantage de pouvoir aux agents de police en civil et l’autorisation pour la police fédéral d’espionner les appels
« Les Mexicains aussi cherchent des responsables : le gouvernement Mexicain, Barack Obama, la crise financière... C’est qu’au Mexique, la supercherie médiatique un peu avant des élections est affaire courante »
téléphoniques et les emails (informations révélés par les journaux mexicains SDP noticias et Milenio). Mais il est difficile de ne pas remarquer que la Influenza aggrave la crise économique au Mexique plutôt que de l’occulter et que la dimension mondiale et le danger certain de cette maladie sont des plus réels. N’oublions pas qu’il s’agit d’un virus qui a muté pour passer du porc à l’homme, qui est transmissible de l’homme à l’homme, et qui continue à muter probablement vers une future résistance aux traitements jusqu’alors efficaces.
Alors au quotidien, la population mexicaine se divise en deux : les porteurs de cubrebocas (masque hygiénique) et les résistants à la psychose médiatique. La vie est fortement ralentie en raison de la fermeture des bars, restaurants, discothèques et universités. Alors il y a ceux qui se cloîtrent chez eux avec des provisions pour plusieurs semaines et ceux qui tentent de vivre normalement et qui remplissent les quelques restaurants qui ouvrent illégalement. Et encore une semaine après le début de l’alerte, il y en a encore qui répondent quand on les questionne : « La Influenza ? Que es ? Ah ! La enfermedad de los Chilangos !? » Ce sont finalement les étrangers installés au Mexique qui, de par leur vision mondiale du problème, sont les plus affolés : Sciences Po a rapatrié tous ses étudiants puis diverses Ecoles
de Commerce ont suivi l’exemple sur les conseils de la Conférence des Grandes Ecoles, l’ambassade française nous a demandé nos coordonnées et notre date anticipée de retour, et des entreprises multinationales comme Valéo font rapatrier les familles de leurs salariés Français. Mais notre université mexicaine fait tout pour nous rassurer : la maladie recule au Mexique, elle est curable et en prenant les précautions nécessaires le risque est mineur. On ne peut effectivement pas s’empêcher de penser que le risque de mourir d’un accident de voiture ou même de se faire braquer est milles fois plus important dans un pays que le Mexique et que, après tout, la grippe saisonnière que l’on connait tous, il y a, chaque année dans le monde, entre 250 et 500 milles personnes qui en meurt. Armance MB, Etudiante Française en échange universitaire à Guadalajara,
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TASSIE’S WEST COAST La Tasmanie, ce sont de vastes étendues d’eau dont l’horizon est fendu par les montagnes ; ce sont de grandes forêts où gambadent diables de Tasmanie, wallabies et autres créatures étranges. Mais la Tasmanie, c’est surtout une incroyable sensation de liberté qui nous envahit dès la première bouffée d’air. Un reportage de Clémence Malméjean
Mt Field National Park et ses arbres dépassant parfois les 60 mètres
The Russell Falls, chutes d’eau du Mt Field National Park
Lake St Clair, le lac le plus profond d’Australie  
Lake St Clair
Vue sur le chemin du parc national  
Franklin Gordon wild rivers national park, vu de Donaghys Hill.  
Coucher de soleil sur la ville de Strahan
Zeehan, la cité d’argent.
Cradle mountain  
Cradle mountain
(Merci à Emilie Déjoie pour les photos de Cradle mountain) Autres photos de Clémence Malméjean.
Le désespoir noyé dans l’alcool… …des anciens prépas
Pendant plus de 6 mois, notre journaliste s’est penchée sur « la méthode prépa ». Une enquête inquiétante qui révèle le profonds malaises des étudiants. En voici un extrait traitant particulièrement le problème de l’alcool. Par Marie Bolloré
[…] Selon une enquête menée par la LMDE (la mutuelle des étudiants) en 2006, sur plus de 9000 étudiants, les plus grands consommateurs d’alcool sont les élèves des Grandes Ecoles d’ingénieurs et des écoles de commerce. En effet, ils sont 10% à consommer de l’alcool trois à quatre fois par semaine contre une moyenne de 6%. Et ils sont 45,4% à boire de l’alcool au moins une fois par semaine. Dans le Nouvel Observateur un article au titre provoquant : « quand la défonce fait partie du cursus » révèle qu’à presque chaque soirée étudiante les pompiers, le SAMU ou la Croix Rouge sont appelés à intervenir. Une descente de
gendarmerie à l’X a découvert en 2006 : 500 bouteilles d’alcool fort, 700 cartouches de cigarettes et une soixantaine de fûts de bières de 30 à 50 litres, tout ça sans aucune licence. Sachant qu’il y a une khômiss, sorte de mafia secrète de l’Ecole, qui contrôle les éventuels débordements et veille au respect des traditions, tout cela est assez inquiétant. Selon la majorité des psychologues, les élèves de prépa sont souvent surprotégés à la fois par l’encadrement de l’établissement et par celui des parents, alors que d’un autre côté on leur demande de tenir un rythme effréné en travaillant d’arrache pied. C’est
ainsi qu’ils sont maintenus à un stade immature. Le fait de repousser les questions structurantes que se posent les étudiants du même âge concernant leur avenir, euxmêmes… ne fait que geler le problème et le repousse à la première année d’intégration. En prépa, ils n’ont en général pas le temps pour ce genre de questions et gardent un seul horizon en tête qui se décompose en deux temps : le prochain DS puis surtout le concours, après c’est le flou. Ils ont le sentiment de jouer leur avenir chaque jour et culpabilisent souvent de se détendre ou même d’être malade et d’avoir besoin de se reposer. Cependant, les élèves des classes prépa ne vont pas plus mal que d’autres du même âge. Les psychologues des Ecoles sont généralement confrontés à « des troubles psychiques, des dépressions et même parfois plus loin, de l’ordre de la psychose. Mais nous les retrouvons dans les mêmes proportions qu’ailleurs, dans le milieu universitaire par exemple. Environ 1% d’élèves sont concernés par les troubles les plus graves. Ce sont les passages brutaux de l’adolescence à l’âge adulte qui posent les plus gros problèmes » souligne Jean Christophe Maccotta. Ce qui
« 500 bouteilles d’alcool fort, 700 cartouches de cigarettes et une soixantaine de fûts de bières de 30 à 50 litres, tout ça sans aucune licence »
peut être nuancé par Pierre Veltz dans son ouvrage « Faut-il sauver les Grandes Ecoles ? » où ce dernier déclare que les parcours des classes préparatoires ont des impacts psychologiques et humains. Fait étonnant : une fois intégrée la majorité des élèves affirme que leur apogée intellectuelle était au moment des concours. En interrogeant les Grands Anciens, on découvre que ces derniers parlent plus volontiers de tout ce qu’ils ont pu apprendre en prépa plutôt qu’à l’Ecole. Après avoir travaillé d’arrache pied, d’un coup la pression s’en va, plus de cloche, et place à tout ce qu’ils n’avaient pas eu le temps de faire. Cette nouvelle liberté en général se ressent : les taux de réussite en première année ne sont pas toujours en correspondance avec le niveau du concours1; les cours où l’on ne fait pas l’appel sont désertés par certains élèves. Ce genre de comportement ne dure pas très longtemps, quelques mois pour la majorité des élèves. Mais là encore, tout dépend des écoles et des sections. C’est d’après Jean Christophe Maccotta, un mécanisme de cloche où « après avoir fait travailler intensément l’appareil psychique, un sentiment de vide arrive. Le travail est moins soutenu en première année, ce qui est souvent déroutant pour des élèves qui aiment travailler et qui en ont l’habitude. L’agrégation en général réactive le système de travail soutenu et de pression. De plus à normale sup’, il est très rare de ne pas avoir l’agrégation ; cet éventuel refus est très difficile à vivre pour les élèves. Les années suivantes, il y a une continuité dans l’excellence. Ils ont été sélectionnés avec de grandes capacités et les mettent en œuvre après l’éventuelle « pause », qui n’a d’ailleurs rien d’obligatoire. » Dans les écoles, on dit en général qu’un bon BDE est celui qui organise de bonnes fêtes. Pour se faire élire, il dépose une liste, signe un contrat avec un alcoolier et propose ensuite ses services pendant leur campagne : comme distribuer gratuitement de la nourriture, des boissons et des cadeaux. Certain offrait même un petit déjeuner livré à la porte de votre chambre. Mais parfois, il arrive qu’il y ait des dérives importantes, comme par exemple, un jeudi soir en banlieue parisienne une before dont le principe consistait à enchaîner les shots d’alcool fort puis à aller à la soirée dans un état d’ébriété plus que certain. L’alcool n’est plus juste festif, il entraîne des excès. Les open-bars donneraient lieu « à de véritables orgies aux conséquences dramatiques : comas, morts sur les routes ou encore conduites sexuelles à risque »1. Et le fait qu’il y ait des étudiants qui ramènent après chaque soirée leurs amis dans leurs chambres sur les campus, n’est pas normal. Un élève de première année en philosophie a évoqué à ce propos le malaise d’une société aliénante, d’un vide qui nous guette toujours et que certains remplissent par l’alcool, l’impression de festivité et de bien-être. C’est le malaise global de notre époque, de l’absence de valeur, de l’absence finalement de toute création. Demandez la totalité de l’enquete à redaction@linterview.fr
« Dans les écoles, on dit en général qu’un bon BDE est celui qui organise de bonnes fêtes »
Isabella E
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LINTERVIEW.fr : Peux-tu te présenter ? Isabella : Je m’appelle Isabella, j’ai 22 ans et je suis en Erasmus en Allemagne pour étudier le français et l’anglais. Je viens de Lamezia-Terme mais mon université est à Pérouse, dans le centre. LITW : Comment vois-tu le système éducatif italien ? I. : D’une façon générale, l’art n’est pas assez valorisé, on ne l’étudie pas vraiment alors que c’est notre culture qui fait de notre pays un pays unique. Selon moi, le gouvernement n’a pas compris que nous ne serons jamais une grande puissance militaire ni économique, il s’y est pris trop tard. Les seules choses qui nous restent sont l’art et le tourisme, or on ne nous les enseigne pas. En Italie, on est en passe de devenir un peuple qui ne sait pas d’où il vient et où il va. LITW : D’où viennent ces manques dans le fonctionnement des universités ? I. : Depuis 1945, l’université connait réforme sur réforme et en disant faire bien, le gouvernement empire tout.
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Dernièrement, ils ont voulu calquer le système américain. Ils ont coupé les fonds destinés à l’université, soit des millions d’euros. Je me suis alors renseignée sur la destination de cet argent et en allant sur le site du parlement, j’ai appris que notre éducation semblait passer après l’Exposition Universelle de Milan. J’ai été manifester, je me suis rendue à des assemblées à Rome, comme deux millions d’étudiants. A la télé, on nous a fait passer pour des toxicos nostalgiques de 68 en disant qu’on était deux mille ; à part les étudiants, personne n’a jamais su pourquoi on avait manifesté. C’est honteux. Un autre problème subsiste dans le système et il touche aussi les hôpitaux ou la politique : nos professeurs sont très vieux. Pour remplacer un professeur, au lieu de piocher dans les milliers de jeunes chômeurs diplômés et compétents, on va prendre un chirurgien à la retraite pour enseigner la podologie à l’université… Pour moi, le gouvernement ne fait que valoriser certaines personnes au détriment de la communauté, et c’est sûrement ça qui me révolte le plus. Propos recueillis par Marie Camier
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