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TEMPS FORT

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Sur le terrain, les producteurs se professionnalisent, qu’ils soient conventionnels, industriels ou adeptes de l’agriculture biologique. Tel est le constat de plusieurs constructeurs d’outils de travail du sol. «Désormais le travail est davantage réfléchi, constate Vincent Herpin inspecteur commercial nord-ouest de la France pour le constructeur suédois Väderstad. Au fur et à mesure que la chimie disparaît, les interventions mécaniques doivent être de plus en plus précises, tant au niveau de la profondeur de travail qu’au niveau du choix du moment où agir.» Une tendance que confirme Nicolas Millet, responsable commercial et marketing Kuhn Huard: «Aujourd’hui, l’agriculteur ne travaille plus systématiquement les sols, il y a de l’intelligence contextuelle qui est en train de se mettre en place. En fonction de la région, du précédent cultural, du sol, de la météo ou encore de la topographie, un raisonnement sur sa propre stratégie est nécessaire. Par exemple, l’enchaînement classique labour/herse rotative/semoir n’est plus systématique dans certaines régions. Le labour est raisonné et subsiste dans les secteurs aux conditions pédoclimatiques et rotations adaptées, avec des sols compactés, en terrain sain, pour enfouir et détruire le stock racinaire.» D’autres, bénéficiant d’un contexte pédologique plus favorable ou de moindres stocks semenciers d’adventices, veulent réduire leurs charges. Ils délaissent alors la préparation traditionnelle au profit d’un travail superficiel du sol. Car depuis trois ou quatre ans, le déclic est assez fort (voir graphique p.18). L’annonce de l’arrêt de l’utilisation du glyphosate, cumulée aux problèmes de résistances, a poussé certains agriculteurs à revenir vers l’agronomie, au travail superficiel du sol et au faux-semis

« Une préparation superficielle (en réalité augmentée, voir un article sur le présente de nombreux avantages: puissance et niveau de carburant sujet ) précédant l’implantation d’un couconsommés plus faibles, car moindre vert d’interculture. proportion de sol retourné, vitesse de travail supérieure, concentration de la matière organique en surface Horizons supérieurs et meilleure portance des sols, Lorsqu’il s’agit de définir la profondeur propre à notamment en sortie d’hiver », ce type d’intervention, les avis des constructeurs énumère Damien Brun, ingénieur agroéquipements chez Arvalis- divergent. Selon la source interrogée, la profonInstitut du végétal. deur maximale de l’horizon travaillé varie entre 5 et 10cm, plus rarement 15cm. Pour Damien Brun, ingénieur agroéquipements chez Arvalis-Institut du végétal, la préparation superficielle consiste à faire ce qu’il faut pour préparer le lit de la culture. Le travail profond (retournement, fissuration) a été réalisé auparavant si nécessaire. «Par rapport à un travail plus profond, une préparation superficielle présente de nombreux avantages: puissance et carburant consommés plus faibles,

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Chez le Suédois Väderstad, le déchaumeur Carrier équipé de disques CrossCutter gaufrés intervient sur sol travaillé ou en présence de couverts végétaux, à une profondeur de 1 à 5 cm.

car moindre proportion de sol retourné, vitesse de travail supérieure, concentration de matières organiques en surface, mais aussi meilleure portance des sols toute l’année, notamment en sortie d’hiver et en particulier lors des premiers apports d’azote», détaille-t-il. Une intervention peu profonde préserve la vie du sol en évitant le bouleversement des différents horizons. Jean-Luc Farges, chef produit semis et travail du sol chez Lemken, fournit une estimation du volume de terre retournée: «Avec une terre de densité moyenne (1,5t/m3), le volume bougé par centimètre de profondeur représente environ 150t/ha, soit 100m3/ha. En terrant à 20cm de profondeur avec un outil travaillant sur toute sa largeur, un exploitant déplace au bas mot 3000t/ha!» Mais comme toute technique, la préparation superficielle compte aussi des inconvénients, à commencer par l’incapacité à corriger les problèmes de structure et le recours plus difficile au retournement du sol. «On se prive là d’une arme capable le plus souvent de maîtriser les adventices!» prévient Damien Brun. De même, la largeur de travail s’avère bien plus réduite que celle d’une rampe de pulvérisateur appliquant une matière active. Par ailleurs, le travail superficiel génère un dessèchement des premiers centimètres du sol ce qui, dans le cas de l’implantation d’un colza, peut être très risqué. D’autres cultures présentent également une moindre compatibilité à la préparation superficielle: les pommes de terre, les betteraves, le maïs et l’orge de printemps se révèlent relativement exigeants par rapport à la structure du sol. Les céréales à paille d’automne, elles, s’avèrent assez tolérantes (en dehors des cas problématiques d’hydromorphie), expliquant un développement accru des techniques culturales simplifiées dans les grands bassins céréaliers, comme le rappelle Matthieu Noroy, chef produit pulvérisateurs et travail du sol chez Horsch. «Pour affiner la terre superficiellement et préparer le lit de semence, l’agriculteur peut opter pour un outil combiné de préparation superficielle pour betteraves à l’image du Synchrogerm de Franquet. En reprise de labour classique, il privilégiera un vibroculteur avec lame de nivellement. Éventuellement, il pourra opter pour un vibrodéchaumeur, comme l’Allrounder de Köckerling, ou un appareil à disques indépendants», précise Damien Brun. «Sur sols portants et bien

L’OAD J-DISPO PRÉDIT LES PLAGES D’INTERVENTION POSSIBLES

Mis au point par Arvalis-Institut du végétal, l’OAD (outil d’aide à la décision) J-dispo prend en compte le risque climatique et les caractéristiques du sol pour identifier, à partir d’un historique, le nombre de jours disponibles durant lesquels les agriculteurs peuvent ajuster leurs moyens et programmer leurs opérations culturales. Cet outil détermine par exemple si le sol est suffisamment ressuyé pour intervenir. Le modèle prend notamment en compte l’ETP (évapotranspiration potentielle). Dans le cas d’un scalpage, il évalue ainsi le nombre minimal de jours séchants nécessaires pour garantir la dessiccation des plantes indésirables sectionnées. Utilisé pour l’instant exclusivement en interne, il continue à être développé, notamment avec d’autres partenaires pour mieux prendre en compte les aspects de tassement du sol.

ressuyés, les techniques de travail superficiel autorisent un passage plus précoce. Ce type d'interventions limitées à la partie supérieure du sol réduit le risque d'une remontée de terre fraîche, préjudiciable au semis. Par la suite, la culture bénéficiera ainsi de l’humidité résiduelle du sol, nécessaire à son développement, surtout en l’absence d’irrigation», estime Jean-Luc Farges, de chez Lemken. Vincent Herpin, chez Väderstad, rappelle l’aptitude supérieure des outils à disques à provoquer la germination pour un faux-semis, à une vitesse d’au moins 10-12km/h. Évoluant à une allure moindre, les outils à dents s’avèrent en revanche plus efficaces pour exterminer les adventices et notamment les vivaces. Quelques constructeurs proposent des solutions modulaires, comme le Fox de Pöttinger, avec au choix des disques, des dents ou une herse rotative, combinés à un semoir.

Scalpage plébiscité en interculture

L’obligation de couverture des sols conduit elle aussi à la mise en place de nouvelles pratiques. Grâce au travail superficiel, l’agriculteur parvient à détruire à moindres frais les adventices et repousses de culture avant d’implanter une culture intermédiaire. Une intervention à l’aide d’un outil de scalpage à dents détruit mécaniquement les adventices et les repousses de la culture récoltée sur toute la largeur de travail. Pour pouvoir semer sur un sol propre sans recourir au glyphosate, les agriculteurs affichent ces dernières années un engouement croissant pour les scalpeurs. Parmi les outils du marché munis de larges ailettes figurent certains

Parmi les outils animés de préparation superficielle du sol, la fraise rotative EL Biomulch de Kuhn munie de quatre roues de jauge frontale travaille jusqu’à 10 km/h à une profondeur de 3 à 6 cm.

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«Aujourd’hui, l’agriculteur ne travaille plus systématiquement les sols, il y a de l’intelligence contextuelle qui est en train de se mettre en place.»

NICOLAS MILLET, responsable commercial et marketing Kuhn Huard à

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déchaumeurs à dents polyvalents et vibrodéchaumeurs: Koralin à dents rigides de Lemken, Kuhn Prolander, Väderstad Swift ou Köckerling Allrounder à socs pattes d’oie, Treffler TG, Pöttinger Synkro ou Terria avec ailettes larges, Horsch Finer SL voire Terrano muni d’ailerons Terracut… Afin d’éviter une reprise de végétation des adventices tout juste scalpées, notamment en conditions humides, mieux vaut des roues de terrage plutôt qu’un rouleau consolidant le sol et rappuyant sur les végétaux sectionnés, en particulier avec un outil porté. Avec un travail dépassant allègrement les 10km/h, il est préférable que les passages d’ailettes ou de pattes d’oie de ces outils se chevauchent légèrement pour garantir le scalpage sur l’intégralité de la largeur, y compris dans les courbes. «La réussite de ce travail facile à mettre en œuvre dépend toutefois largement des conditions météo, poursuit Damien Brun. Mieux vaut un temps sec dans les jours suivant l’intervention pour favoriser la dessiccation des plantes scalpées. En fin d’été ou début d’automne, cela ne pose pas vraiment de problème. Au printemps, on trouvera aussi des créneaux climatiques. Mais il faudra attendre un minimum pour que le travail soit efficace. Les semis risquent alors d’être retardés, avec

ÉVOLUTION DES VENTES DE CHARRUES ET DÉCHAUMEURS À DISQUES OU DENTS SUR LE MARCHÉ FRANÇAIS POUR LA PÉRIODE 2017-2020

NB UNITÉS DÉCHAUMEURS À DISQUES OU DENTS

NB UNITÉS CHARRUES

2017 2018 2019

: CEMA) (SOURCE

2020*

«La notion de jours disponibles est importante: selon le niveau d’ETP, il faut au moins 2 jours séchants en été et 4-5 jours en hiver derrière un scalpage pour une efficacité satisfaisante, sans quoi l’adventice continue de vivoter.»

DAMIEN BRUN, Arvalis-Institut du végétal

pour conséquence un effet négatif sur la productivité de la culture mise en place. La notion de jours disponibles est importante [NDLR: voir à ce sujet l’encadré sur l’OAD J-dispo en p.16]. Selon le niveau d’ETP, il faut au moins 2 jours séchants en été et 4-5 jours en hiver derrière un scalpage pour une efficacité satisfaisante, sans quoi l’adventice continue de vivoter.» De même, de la terre subsistant autour des végétaux scalpés limitera l’effet destructeur recherché. «Le scalpage est adapté aux graminées et dicotylédones, estime de son côté Gérald Guthmann, chef produits semis et travail du sol chez Pöttinger. Contre les vivaces, plusieurs passages peuvent être nécessaires pour réduire le stock de la parcelle.»

Les outils animés plus polyvalents

«L’offre des constructeurs s’est également enrichie d’outils de préparation animés, comme la fraise rotative, assez agressive mais qui présente l’intérêt de gérer la densité racinaire», ajoute le chef produits. Dotés de roues de terrage, ils travaillent superficiellement sur environ 5cm de profondeur à une vitesse inférieure à celle d’un outil non animé. Ces équipements répondant jusque-là aux seuls besoins des agriculteurs biologiques sont pour beaucoup affublés de la dénomination «bio» (tels que Maschio SC Bio et plus récemment Kuhn EL Biomulch, Alpego FG Bio…). Mais ils se destinent tout aussi bien aux autres modes de production agricole. Autre tendance: les combinés associant dents de scalpage et rotor à dents droites ou flexibles apparaissent, pour extirper des vivaces et détruire des engrais verts en replaçant en surface ce qui a été scalpé afin de favoriser le séchage. C’est le cas, par exemple, du Glypho-Mulch d’Eco-Mulch, ou du Kvick-Finn (voir vidéo en réalité augmentée depuis cette page ) importé de Scandinavie par l’Alsacien Agrosoil, qui s’avère assez efficace sur vivaces et notamment sur chiendent. Tous ces équipements de travail superficiel favorisent la transformation du couvert végétal en matière organique. Un nombre croissant d’agriculteurs s’y intéresse, sous l’effet combiné de l’obligation de couverture des sols et des restrictions en matière de glyphosate qui se confirment. Les pratiques futures seront assez dépendantes des décisions politiques et de l’influence sociétale. Ne pouvant maîtriser ces deux aspects, les agriculteurs, vont assurément chercher à optimiser leurs coûts d’interventions à l’hectare, car leurs produits stagnent voire diminuent, à l’image de ceux de la campagne 2020, alors même que leurs charges continuent à croître. ■

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