11 minute read

TEMPS FORT

Next Article
Shopping

Shopping

COMPACTION Et si on arrêtait de matraquer nos sols?

Comment concilier débit de chantier et respect des sols? Au-delà des quelques règles de bon sens – tel éviter d’intervenir sur une parcelle humide –, de nombreuses solutions proposées par les manufacturiers existent pour réduire l’impact des machines. Tour d’horizon.

La règle d’or: ne pas dépasser 17 t par essieu, car au-delà, le sol est compacté en profondeur.

Le tassement du sol occasionne des pertes de rendement systématiques de 5 à 30% quel que soit le système, irrigué ou non (voir encadré ci-dessous). Celui superficiel, sur les dix premiers centimètres, est provoqué essentiellement par le passage de machines. En profondeur, entre 20 et 30cm, il est dû à l’humidité du sol. «La porosité provoquée par le travail du sol crée une sensibilité au tassement», alerte par ailleurs Christian Savary, conseiller agroéquipement à la chambre d’agriculture de Normandie. Pour réduire la pression au sol, les manufacturiers ont multiplié les innovations depuis une dizaine d’années. Les diverses solutions existantes consistent à mieux répartir la charge. Mais quelle que soit la situation, si l’on dépasse 17t de charge par essieu sur des terres limoneuses et humides, elles sont tassées en profondeur au-delà de 30cm.

QUEL IMPACT SUR LES CULTURES?

Le tassement en surface, sur les 25 premiers centimètres, est dommageable à la culture en cours. Selon les travaux menés dans le cadre du projet de transfert Sol-D’Phy dans les Hauts-de-France jusqu’en 2018, en culture de pommes de terre, l’enracinement est moins profond. Le cycle végétatif prend du retard et le rendement chute de 30 % sous le passage des roues. Les années sèches, le tassement de surface entraîne un défaut d’enracinement, notamment pour les racines pivotantes et les tubercules. En profondeur, les dégâts sont également préjudiciables: moins bon enracinement et productivité en baisse. Économiquement, l’impact n’est pas à négliger. D’après des tests réalisés en 2016, le rendement d’un blé de betteraves chute de 14 % dans les zones tassées au moment de la récolte. Soit un manque à gagner de 193 €/ha!

Efficacité relative des roues plus grandes ou plus larges

Un pneu à grand volume d’air permet d’augmenter la surface d’empreinte au sol. Les manufacturiers en proposent désormais qui atteignent 650 à 900mm de large pour les tracteurs de 200 à 250 ch de puissance (contre 420 à 520mm de large en standard). Le diamètre s’étend lui aussi, certains modèles atteignent 2,15m, voire 2,32m chez Michelin, par exemple. «Les céréaliers constituaient la clientèle pour ces produits-là, mais désormais, les polyculteurs-éleveurs s’y intéressent également», note Jonathan Ramos, directeur technique et spécifications chez Trelleborg. Si le pneu à grand volume d’air permet de diminuer la contrainte en surface, il influence peu la propagation des contraintes en profondeur.

Le jumelage: efficace et peu coûteux

Le jumelage, aussi efficace que les pneus basse pression, consiste à doubler les roues sur chaque essieu, et donc la surface de contact au sol. La technique revient en vogue depuis cinq ou à

Le spécialiste du transport de matériel agricole

Matériel performant

Livraison dans les délais

Suivi instantané par GPS

Devis gratuit et immédiat du lundi au samedi

Signataire de la charte CO2 les transporteurs s’engagent

Nouveauté : transport de moissonneuse batteuse et ensileuse

27130 Verneuil sur Avre Fax. : 02 32 30 48 91 E-mail : translyre27@yahoo.fr

Toutes les informations agricoles professionnelles agricoles professionnelles sur un seul site ! sur un seul site !

www.terre-net.fr

Le jumelage des roues (ici lors de semis de maïs), assez efficace en conditions humides, est moins onéreux que les pneus basse pression si l’on opte pour des modèles d’occasion.

six ans, sans doute parce qu’elle est assez peu onéreuse, surtout si l’agriculteur opte pour des pneus d’occasion. «Excellent compromis entre le coût et la performance», commente Julien Hérault, conseiller indépendant en machinisme. Les adeptes

TANGUY BIDAUD

L’AVIS DE L’AGRICULTEUR

Tanguy Bidaud, agriculteur sur 600ha de grandes cultures et producteur laitier à Heuqueville (Eure)

«Jumeler ses roues, c’est le meilleur matériel»

« Cela fait longtemps que l’on utilise le jumelage des roues, mais depuis deux ans, on est passé en 100 % jumelé. On a choisi cela pour le respect des sols. Et c’est aussi très adapté pour nos terrains en pente. Cela nous permet également de passer plus de puissance au sol. On a un Topdown, un déchaumeur lourd de 7 m que l’on tracte avec 370 ch, alors qu’il requiert plutôt 400 ch. On adapte la pression des pneus selon les saisons. Le principal inconvénient, c’est la circulation sur route. On est en convoi agricole avec un pick-up devant pour escorter. Malgré cela, je ne reviendrai pas en arrière. Les roues jumelées, c’est le meilleur matériel. Maintenant, il faut qu’on s’améliore sur nos pratiques, on y va trop quand c’est humide. » sont nombreux parmi les céréaliers du grand Bassin parisien, particulièrement pour les travaux de semis. «Si le sol est assez ressuyé, les roues jumelées sont plus intéressantes que les pneus basse pression», remarque Pascale Métais, ingénieure spécialisée sur la fertilité physique et la structure des sols chez Arvalis-Institut du végétal. Cependant, des inconvénients existent. Lorsque l’exploitant change de tracteur, il doit changer aussi son équipement. Autre point de vigilance: chaque pneu doit être identique pour avoir la même pression de gonflage, afin que le poids puisse être réparti de manière homogène. Et surtout, principal bémol: le gabarit routier. Certaines routes ne peuvent pas être empruntées. Au-delà de 3,5m de large, le tracteur est considéré comme un convoi agricole de catégorie B, ce qui implique d’être accompagné par un véhicule pilote. Au-delà de 4,5m, l’ensemble passe carrément en convoi exceptionnel.

Les basse-pression: efficaces, mais onéreux

Réduire la pression des pneus (en deçà de 1bar) élargit la zone de contact au sol. Après les pneus standards sont apparus les pneus élargis, puis très élargis et, plus récemment, les pneus IF (improved flexion) et VF (very high flexion). Les IF sont capables de supporter 20% de charge supplémentaire au champ et de rouler jusqu’à 65km/h sur route. «La majorité des pneus montés sur les engins neufs en grandes cultures sont aujourd’hui des modèles de technologie IF», constate Guillaume Vidal, responsable marketing chez Michelin. Les VF, à flancs encore plus souples, acceptent une charge de 40% supérieure à celle des

Avec le CTF, les passages sont archi compactés, des voies sacrifiées au profit du reste de la parcelle.

pneus standards. En situation humide, la solution est efficace à condition de réduire significativement la pression de gonflage. Ce type de pneus est apprécié notamment des céréaliers et des entreprises de travaux agricoles. D’après Julien Hérault, «ils sont plus flexibles, et aussi plus résistants dans le temps». Mais également beaucoup plus chers à l’achat: +53% pour un pneu IF de taille équivalente au standard de Michelin 208 R 38, par exemple. Quant au pneu VF, son prix constitue le double de celui d’un standard. Le retour sur investissement n’est pas bien calculé, «il est difficile d’évaluer les gains en rendement», remarque Christian Savary. Outre le prix, la principale contrainte des pneus basse pression réside dans la nécessité de les dégonfler et de les regonfler selon qu’on passe de la route au champ et vice versa. Certains trouvent un compromis en les gonflant à 0,8bar tout le temps et en roulant moins vite sur la chaussée.à

Le pneu de type VF est capable de supporter 40 % de charge supplémentaire à pression de gonflage identique. Mais il coûte deux fois plus cher qu’un modèle standard.

Pour alimenter votre méthaniseur, faites le choix KWS.

NOS SOLUTIONS

n KWS PROGAS n VITALLO n KWS TREBIANO n D.RUBIN n KWS SERAFINO

Icon

Michelin a lancé il y a cinq ans son pneu adapté à la fois à la route et au champ baptisé Évobib. Sa surface d’empreinte augmente de 20 %.

MICHELIN La firme Trelleborg a lancé le Pneutrac, un modèle à structure alvéolaire, «entre le pneu classique et la chenille», pour l’arboriculture et la viticulture. L’absence de flancs crée un effet chenille dans la répartition de la charge au sol. «Demain, la demande devrait arriver sur des plus grandes dimensions, pour les besoins de la grande culture», veut croire le directeur technique et spécifications de Trelleborg.

Le pneu adapté à la route et au champ, révolution silencieuse

Michelin a conçu le pneu Évobib, médaille d’or au Sima 2017, qui intègre la technologie VF et s’adapte à la route et au champ. Sa sculpture, réservée aux tracteurs de plus de 200 ch, change selon la pression de gonflage. Peu gonflé, c’est un pneu à chevrons, plus gonflé, il se transforme en pneu route. Jusque-là, la compaction du sol diminuait en allongeant la taille de l’empreinte. Avec Évobib, outre l’allongement, l’élargissement de l’empreinte offre 20% de surface supplémentaire en contact avec la parcelle. «C’est une évolution technologique majeure, en rupture avec le reste du marché», selon le conseiller indépendant en machinisme Julien Hérault. Le dispositif a été conçu spécifiquement pour le télégonflage. «Le manque de démocratisation du télégonflage est la principale limite à son développement, déplore Guillaume Vidal. Côté prix, il est sensiblement plus cher. C’est sans doute l’autre frein principal, même si le

TÉLÉGONFLAGE: INTÉRESSANT DANS CERTAINES SITUATIONS

L’agriculteur actionne le compresseur directement depuis la cabine de son tracteur pour diminuer ou augmenter la pression de gonflage de ses pneus selon le besoin. Résultat, il optimise les performances de l’engin en matière d’adhérence au champ ou sur la route sans perdre de temps. C’est le principe du télégonflage. Avec un compresseur de haute capacité, gonfler ou dégonfler les pneus ne demande que deux ou trois minutes. L’installation est adaptée aux travaux qui enchaînent les phases champs-route. En clair, cela répond plutôt au besoin des entreprises de travaux agricoles et aux Cuma. Côté coût, comptez entre 5000 et 10000 €. Une somme dissuasive, d’autant plus qu’il est difficile de calculer le délai de retour sur investissement. « Pour le fermier qui sème la même parcelle pendant plusieurs heures, opter pour une installation de base s’avère plus intéressant », préconise Christian Savary, conseiller agroéquipement à la chambre d’agriculture de Normandie. Regonfler grâce au compresseur du tracteur demande entre dix et quinze minutes. « Pour celui qui fait beaucoup d’épandage, par exemple, ou de transport, mieux vaut choisir une solution de télégonflage équipée d’un compresseur indépendant, ajoute-t-il. Son débit varie de 2000 à 4000 L/min, c’est donc très rapide. »

Le télégonflage permet de gonfler et dégonfler très rapidement ses pneumatiques en entrant et en sortant du champ. L’installation coûte entre 5000 et 10000 €.

L’AVIS DE L’EXPERT

Julien Hérault, consultant indépendant en agroéquipement

«Le système a plus d’impact que les solutions technologiques»

« Les premiers facteurs de compaction sont la charge par essieu, l’humidité du sol et le taux d’argile. Toutes les solutions techniques existantes sont importantes pour réduire le tassement du sol, mais elles ne corrigent pas la compaction en profondeur, ou très peu. Si on veut cesser de tasser, il faut stopper le trafic! Le système a plus d’impact que la technologie. En clair, si je passe en tout enrubanné au lieu d’une récolte ensilée, j’ai davantage de résultats qu’en faisant appel à une entreprise de travaux agricoles qui fait du télégonflage. Cela fait quarante ans que le débit de chantier est le premier critère de choix, à l’achat d’une machine. En contrepartie, on a peu à peu défoncé les terres. Sur les limons profonds des plaines céréalières, elles sont compactées sur plusieurs dizaines de centimètres. »

manufacturier assure qu’il n’est “que 20% supérieur” à celui d’un pneu VF.»

La chenille: efficace en surface pour les charges lourdes

La chenille constitue la solution qui apparaît comme imbattable pour compacter le moins possible en surface, mais qui demeure peu répandue hormis sur les prospectus ou sur certaines machines automotrices. Elle intervient en dernier recours lorsqu’il s’agit de passer avec de grosses charges. Le dispositif augmente très sensiblement la surface d’empreinte et limite significativement le tassement de surface. Pas celui en profondeur. Il est surtout valable sur terre meuble, pour des travaux d’épandage en sortie hiver et de reprise de travail du sol. À partir de 30cm, aucune différence significative n’est observable entre la chenille et le pneu. C’est le résultat d’un essai mené dans les Hautsde-France avec une arracheuse de betteraves sur sol limoneux humide par l’association de transferts de résultats Agro transfert.

« CTF », quèsaco?

Dernière solution: le controlled traffic farming (CTF). Le principe est simple, tous les chantiers sont effectués en utilisant l’autoguidage, qui a pour mission de faire passer le matériel toujours dans les mêmes empreintes. Il faut évidemment une installation RTK, ainsi que des outils ayant tous la même largeur de travail (ou un multiple). Les passages sont archi compactés, ils sont donc sacrifiés au profit du reste de la parcelle. Le CTF permet de concilier débit de chantier et conservation des sols. En Australie et en Amérique du Nord, la technique émerge, mais pas en France, le parcellaire n’étant pas adapté. Nos champs sont trop petits et surtout, l’équipement est hors de prix, car il faut que l’exploitant renouvelle son parc machines ou a minima modifie ses outils. Installer un élargisseur de voie pour obtenir la même distance entre les deux roues d’un essieu coûte très cher. ■

Toutes les informations agricoles professionnelles sur un seul site !

LA MÉTÉO PROFESSIONNELLE avec les prévisions à 10 jours, le radar de précipitations et le planning de traitement personnalisé.

LES MARCHÉS AGRICOLES avec des analyses quotidiennes par culture, les cotations des matières premières et un outil d’aide à la vente.

L’ESSENTIEL DE L’ACTUALITÉ traité en continu par nos journalistes traité en continu par nos journalistes spécialisés. spécialisés.

This article is from: