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Décryptage: la transition énergétique est-elle une aubaine pour l’agriculture?

S’ils génèrent moins de revenus que la méthanisation, les panneaux photovoltaïques présentent l’avantage de nécessiter peu de maintenance et d’entretien.

ÉNERGIES RENOUVELABLES

La transition énergétique est-elle une aubaine pour l’agriculture?

Que ce soit avec le photovoltaïque, la méthanisation, les agrocarburants ou encore via valorisation des haies, l’agriculture compte bien jouer un rôle dans la transition énergétique. Et la flambée actuelle des prix de l’énergie pourrait être un atout.

20% de la production d’énergies renouvelables provient de l’agriculture, selon les chiffres établis par l’Agence de l’environnement (Ademe) en 2017. Une part «qui pourrait doubler» table Olivier Dauger, administrateur de la FNSEA en charge des questions climatiques et énergétiques. Pas moins de 50000 fermes produiraient des énergies renouvelables, en France.

1Installer des panneaux photovoltaïques

Le solaire est sans doute l’énergie la plus simple à produire. 11000 fermes ont déjà installé des panneaux photovoltaïques sur leurs bâtiments. Les tarifs de rachat ont chuté au fil des ans, passant de plusieurs dizaines de centimes du kilowattheure (kWh) à 9,7 centimes (puis 4 centimes au-delà de 1000h/an). Le coût des panneaux ayant lui aussi chuté, la rentabilité reste sensiblement la même, avec un rendement entre 5 et 6% par an. «C’est une hérésie de ne pas utiliser le toit des bâtiments pour y mettre davantage de panneaux!» s’insurge Emmanuel Lachaize, exploitant à Brion, dans le Maine-et-Loire. Il en a installé 800m², soit 170kWc. L’un des avantages de la technologie est son faible coût de fonctionnement.

2Des méthaniseurs pour du gaz et/ou de l’électricité

La situation est tout autre côté méthanisation. La France compte aujourd’hui à peine 700 méthaniseurs agricoles, même si le ministère de l’Agriculture en voulait 1000 en 2020. Certaines unités ont connu des déboires techniques, voire des accidents, d’autres ont été très mal accueillies par les riverains. Et puis le tarif de rachat du biométhane,

autour de 90€/MWh, a progressivement diminué de 10 à 15% entre2019 et2022. Les dix premières années, la quasi-totalité des structures installées étaient en cogénération. C’est-à-dire que le gaz produit alimentait un énorme moteur entraînant une génératrice électrique. La chaleur n’était pas toujours valorisée. Depuis peu, les «trois quarts des projets sont prévus en injection directe», constate Olivier Dauger. Dans ce cas, le gaz produit par l’installation est aussitôt injecté dans le réseau. Cette méthode offre moins de perte d’énergie et des coûts d’investissement et de fonctionnement plus restreints. L’exploitation d’Emmanuel Lachaize a accueilli un méthaniseur l’an dernier. Celui-ci assure désormais 40% du chiffre d’affaires. «C’était un projet d’installation», raconte l’agriculteur. Il a permis l’arrivée d’un quatrième associé sur la ferme.

3Produire des agrocarburants

Qu’il s’agisse de micro-méthanisation ou de grosses unités collectives, gare aux abus, qui pourraient conduire la méthanisation à sa perte. Avec les effluents d’élevage, des cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive) sont utilisées dans les rations. Celles-ci sont produites pour leur fort pouvoir méthanogène. Parfois, des déchets de cultures alimentaires peuvent être valorisés, mais attention aux dérapages. «La fédération est en train de revoir le décret qui précise la définition d’une Cive», indique Olivier Dauger. Dans

ANTOINE HUMEAU

À Brion (Maine-et-Loire), sur l’exploitation d’Emmanuel Lachaize, la production d’énergie représente 40 % du chiffre d’affaires.

FGR

CE QU’ILS EN PENSENT

Jacques-Pierre Quaak, éleveur de vaches allaitantes à Chaumes-en-Brie (Seine-et-Marne)

«On a fait du lobbying, pour développer la valorisation de la méthanisation en injection»

L’exploitation de Jacques-Pierre Quaak est la première à s’être dotée d’un méthaniseur en injection, à une époque où la valorisation était toujours en cogénération. C’était en 2013, après « sept ans de lobbying politique pour pouvoir développer la valorisation de la métha en injection », explique-t-il. L’installation, d’une taille de 140 Nm3/h, produit pour les besoins de 2000 foyers environ. L’exploitation compte aussi 1800 m2 de panneaux photovoltaïques. Pour elle qui produit de la viande bovine (limousine) et des cultures de vente, l’objectif était de diversifier les revenus et maîtriser les coûts de production. « C’est un vrai troisième pilier pour les rentrées d’argent », commente l’éleveur, sans vouloir détailler. La production d’énergie, sur ce site, mobilise 1,5 actif à plein temps sur l’année.

DR

Jean-Marc Onno, éleveur à Moustoir-Remungol (Morbihan)

«La méthanisation, c’est un revenu régulier et des économies d’engrais»

Il était parmi les premiers à investir dans un méthaniseur, en 2010. Aujourd’hui, il produit entre 3,5 et 4 millions de kWh/an, en cogénération. Jean-Marc Onno a aussi 1000 m2 de panneaux photovoltaïques. « Ma commune de 650 habitants est autonome en énergie verte grâce à mon méthaniseur et trois installations photovoltaïques à côté », se félicite cet éleveur de porcs. La production d’énergie représente sur son exploitation le travail d’un actif à plein temps, et un revenu complémentaire. « Dans un milieu où les prix sont fluctuants, c’est la garantie d’un revenu régulier, argumente-t-il. Cela génère aussi des économies d’électricité et d’engrais chimiques, environ 50 t par an. » Mais l’émergence de gros projets fragiliserait la filière. « Les déchets d’industrie deviennent payants et je risque de devoir me mettre à implanter du maïs pour l’incorporer », s’alarme l’éleveur.

le contexte actuel de guerre en Ukraine, les «énergiculteurs» pourraient avoir de quoi se frotter les mains. «Le prix du gaz fossile a flambé, celui du gaz méthanier américain est le même, alors la nécessité de produire du gaz vert est une réalité très forte», s’enflamme le céréalier de l’Aisne.

4La biomasse, source de diversification

C’est sans doute pour la même raison que les agrocarburants, autre forme de valorisation de la biomasse, ont le vent en poupe. Le litre d’E85 est à peine à 1€ à la pompe, et nombre de collectivités territoriales subventionnent l’installation de boîtiers de conversion sur les véhicules. La production d’éthanol «permet à l’industrie betteravière de diversifier ses débouchés», soutient Olivier Dauger. Quant au diester, il «réduit notre dépendance au tourteau de colza». Au risque de contribuer au renchérissement de l’aliment pour bétail. La «bioéconomie», en tout cas, semble avoir de l’avenir: bioplastiques, dentifrices, matériaux verts en tous genres… la FNSEA y croit. «Il faudra produire plus de biomasse, développer les rotations de trois cultures en deux ans, couvrir les sols, et faire attention à ce qu’il y ait un équilibre des usages», prévient Carole Lejeune, chargée de mission climat énergie à la FNSEA. Plus discrètement, la biomasse peut aussi être valorisée grâce aux haies, mais ce n’est guère rentable pour l’instant. Alors on compte plutôt sur un système d’aides publiques ou de paiements pour services environnementaux (PSE). Objectif modeste: maintenir les linéaires existants. ■

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