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La culture du soja peut-elle se développer dans le nord de la France?
En 2022, 181706 ha de soja ont été implantés, soit + 17,7 % par rapport à 2021 et + 13,4 % par rapport à la moyenne 2017-2021.
PROTÉINES VÉGÉTALES La culture du soja peut-elle se développer dans le nord de la France?
Avec l’évolution du climat et de la sélection variétale, le soja, à la fois exigeant en chaleur et en eau, peut-il trouver sa place dans les assolements de la moitié nord de la France?
Principalement cultivé dans l’est et le sud-ouest de l’Hexagone, le soja étend petit à petit son territoire. D’après son dernier rapport mensuel, l’Agreste, le service statistique ministériel de l’agriculture, comptabilise 181706ha de soja en 2022. Et la sole pourrait atteindre 200000ha d’ici 2023, selon Bernard Gourgues, chef de marché soja pour Caussade Semences Pro (Lidéa), compte tenu du besoin en graines locales non-OGM notamment. «Si le soja, indique-t-il, souffre encore de l’image d’une culture gourmande en eau et d’une marge inférieure aux autres grandes espèces, il présente aussi des bénéfices.» Bénéfices qu’ont tenus à rappeler le semencier et différents intervenants lors d’une journée organisée au sein du lycée agricole Le Paraclet, à Boves, dans la Somme.
Le contexte actuel change la donne
Le soja présente différents atouts agronomiques. «C’est une légumineuse, il est donc capable de fixer l’azote de l’air.
C’est aussi une très bonne tête d’assolement, peu consommatrice de produits phytosanitaires», souligne Maurane Pagniez, ingénieure développement chez Terres Inovia. La plante pouvait paraître peu compétitive en termes de charges opérationnelles (voir graphique), cependant la conjoncture actuelle rend sa culture plus favorable. En effet, précise l’ingénieure, «ses charges ont peu évolué depuis 2020 comparées à celles d’autres cultures, du fait de son besoin nul en azote et du faible nombre d’interventions nécessaires au champ, impliquant un besoin réduit en carburant».À souligner que le prix de vente est également plus intéressant. «Entre 600 et 650€/t en 2022, là où le prix moyen était de 573€/t la campagne dernière, note Hugues Desmet, responsable collecte chez Valfrance. Et question débouchés, aucun frein pour développer sa culture: l’alimentation animale recherche du soja non-OGM produit localement, et la demande pour l’alimentation humaine est aussi en plein essor.» Pour la coopérative située dans l’Oise et en Seine-et-Marne, le soja reste toutefois un marché de niche d’environ 1000t cette année, sur les quelque 850000t collectées annuellement. Constituant un allergène, la culture requiert un point d’attention particulier au niveau de la réception et du stockage. «Les graines ne doivent pas entrer en contact avec d’autres produits, explique Hugues Desmet. La coopérative dispose donc d’un unique site de stockage dédié.» Concernant le taux d’humidité, la norme prévoit de ne pas excéder 16%. «Avec les récoltes d’octobre, continue-t-il, le séchage est souvent inévitable. L’an dernier, 100% des graines de soja ont dû être séchées, comme le maïs et le tournesol. Cette année, c’est moins le cas.»
Des points d’attention existent
Les autres points de vigilance concernent davantage l’itinéraire technique de la culture. Dans le cadre de Cap Protéines, Terres Inovia a mis en place un observatoire d’une dizaine de parcelles depuis 2021 dans les Hauts-de-France. Si «le climat froid et pluvieux n’a pas été un facteur limitant pour récolter le soja en 2021, annonce Maurane Pagniez, il y a eu une forte pression pigeons au moment
de l’implantation pour une parcelle et des difficultés liées au salissement pour les autres. Les parcelles récoltées enregistrent une moyenne de 26,4q/ha en 2021, avec des résultats allant de 18 à 40q/ha.»En 2022, les observations ont mis en avant «la sensibilité du soja au stress hydrique, particulièrement entre la flo«Question débouchés, aucun raison et la première gousse brune. La sécheresse estivale frein pour développer la culture s’est ressentie sur le nombre de gousses et de graines par du soja: l'alimentation animale plante notamment», poursuit en recherche du non-OGM l’experte, qui conseille d’éviter la culture en sols à faible produit localement» réserve en eau (argilo-calcaire superficiel, sables…). HUGUES DESMET, responsable collecte chez Valfrance Au 1erseptembre, l’Agreste estimait le rendement moyen à 22,8q/ha, soit 20,1% de moins que l’année précédente. C’est 12,7% en dessous de la moyenne 20172021. Bernard Gourgues rappelle aussi de «semer plutôt dans un sol réchauffé. Pour germer, le soja a besoin de 10-11°C».Et il ne faut pas oublier d’inoculer la culture au moment du semis, 70 à 90% de l’azote utilisé par le soja est fixée grâce aux nodosités de ses racines. Enfin, parmi les premières étapes à ne pas négliger: bien adapter le groupe de précocité. «Ce sont les variétés 000 et 00 qui conviennent en Normandie et dans les Hauts-de-France», précise-t-il.
Une génétique plus adaptée aux terroirs
«Grâce aux investissements des obtenteurs français, la génétique est plus adaptée aux terroirs et aux conditions pédoclimatiques. Le progrès agronomique et en matière de potentiel ainsi que de tolérance aux maladies a été fulgurant ces dernières années, […] et permet d’avoir un niveau de rentabilité acceptable pour le nord de la France, annonce Patrice Jeanson, responsable programmes recherche du groupe Lidea. Sans oublier que les travaux de recherche continuent, avec les instituts techniques entre autres, en vue d’approprier l’itinéraire cultural.» Outre l’adaptation aux terroirs, les sélectionneurs entendent répondre aux besoins du marché, notamment de l’agroalimentaire, en travaillant sur la composition des graines de soja (qualité et solubilité des protéines, composition en acides gras, goût…). ■