LISEUSE ZATOPEK MAGAZINE N°64 EDITION SUISSE ROMANDE

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Zatopekzatopekmagazine.com N°64trimestrielnovembredécembre 2022janvier 2023Suisse10 CHF Edition Suisse romande Puissance Téléchargez le nouveau logiciel d’entraînement Merci Maman ! Les gènes de l’endurance Livre Je hais la randonnée Sprint La folie du plongeon ENQUÊTE : À QUOI RÊVENT LES COUREURS Le Magazine Running & Santé de référence en Suisse Nutrition Hamburger, frites et marathon L 16992 - 64 - F: 6,00 € - RD

«M adame Bovary, c’est moi.» On connaît cette célèbre expression attribuée à Gustave Flaubert qui prenait ainsi la défense du personnage central de son roman menacé d’interdiction par la censure. On y faisait le récit de liaisons adultères. Jusque-là, rien de choquant. Mais l’auteur relatait l’histoire du point de vue féminin. Cela a suffi pour mettre en émoi toute la bonne société française de l’époque. Le livre ne fut finalement autorisé à la vente qu’en 1857, non sans avoir préalablement subi de nombreuses mutilations. Pour paraître dans la Revue de Paris, Flaubert dut en effet l’expurger de ses passages le plus crus, notamment le scandaleux trajet en fiacre. «Madame Bovary, c’est moi.» Par cette phrase, ce ne sont pas tant les escapades hors mariage que Flaubert revendique à l’unisson avec sa création littéraire (Flaubert n’était pas marié). Pas non plus une éventuelle ressemblance physique. Dans le roman, la belle Madame Bovary est décrite sommairement: «de belles dents, les yeux noirs, le pied coquet». Quant à Gustave Flaubert, à 35 ans, il est déjà dégarni et arbore d’imposantes moustaches pour affirmer une virilité que n’évoque pas le reste de sa personne. «Madame Bovary, c’est moi.» Il semble enfin que, comme beaucoup d’autres citations célèbres, celle-ci lui soit injustement attribuée. En tout cas, on n’en trouve nulle trace dans ses lettres et ses manuscrits. Et si l’expression a tant fait florès, même parmi les flaubertistes, c’est qu’elle donne accès à l’œuvre par

un raccourci bien pratique. Flaubert et Madame Bovary ont effectivement en commun la prise de conscience de la petitesse de leurs vies respectives. L’identification devait être assez forte. On dit que l’auteur a vomi plusieurs fois en détaillant le suicide de son héroïne: la soif inextinguible induite par l’arsenic et le goût d’encre dans la bouche. Dans l’histoire de la littérature, on trouve beaucoup d’autres exemples de telles confusions entre des personnages imaginaires et leurs auteurs. On pense aussi à Jack London qui dans Martin Eden raconte la vie de son double de papier. C’est très étrange. Mais il arrive que ces grandes figures littéraires s’invitent en pensée alors qu’on rédige des articles pour Zatopek. On ne compare évidemment pas le talent, le style et la trace que ces œuvres ont laissés dans l’histoire. Seulement l’abolition des frontières entre écrit et vécu. Avant de vous être proposés (page 35), les nouveaux plans d’entraînement ont vraiment été testés pendant de longs mois par leurs concepteurs et une dizaine de cobayes volontaires. Les rêves (page 54) sont tous véritables. Les récits des vies extravagantes des mangeurs de hamburgers (page 20) ou des esclaves sexuels (page 60) sont tous authentiques! Bref, le magazine que vous tenez dans les mains peut s’enorgueillir de cela: une implication totale de ceux qui le font et qui peuvent dès lors déclarer à la manière de Flaubert: «Zatopek, c’est moi!».

04_ AJOUTEZ A MON PANIER Tout ce qu’il faut pour courir à la page 10_ ZOOM Plonger pour gagner 12_ OUILLE! La rubrique qui fait mal: la périostite 14_ COURRIER DES LECTEURS Une page, trois questions 16_ HISTOIRE VECUE La lourde vie de Vincent Machet 20_ NUTRITION Peut-on concilier course à pied et malbouffe? 24_ DES CHERCHEURS QUI CHERCHENT Les mères comptent-elles plus que les pères dans l’hérédité sportive? 30_ ENTRETIEN KALVO Pourquoi je déteste la marche et les marcheurs! 36_ PLAN D’ENTRAINEMENT A la découverte du nouveau logiciel « Puissance » 42_ MACHINE LEARNING Les machines ont appris à apprendre. 46_ LITTERATURE Cyrille Martinez, le zélateur des « sans grade »! 50_ SOMMEIL PARADOXAL Des cerveaux en ébullition 54_ TEMOINS Coureurs, à quoi rêvez-vous? 60 MENSONGES ET VERITES La vraie histoire de Mo Farah Et beaucoup d’autres. EDITORIAL ZATOPEK EST UNE PUBLICATION DES Editions Sport et Santé sprl 177 rue Vanderkindere B-1180 Bruxelles (Belgique) TVA: BE 0882 202 726 Tel: 00 32 (0)2 538 54 58 Fax: 00 32 (0)2 537 13 38 Email: info@zatopekmagazine.com Site web: www.zatopekmagazine.com SERVICE ABONNEMENTS Sur le site www.zatopekmagazine.com ou par téléphone: 00 33 (0)4 32 80 26 83 (France) et 00 32 (0)2 538 54 58 (Belgique et autres pays). EDITEUR RESPONSABLE Gilles Goetghebuer 177 rue Vanderkindere B-1180 Bruxelles DIRECTEUR DE PUBLICATION Jean-Paul Bruwier jpb@zatopekmagazine.com CONCEPTION ET GRAPHISME ILOVE MEDIA bvba REDACTEUR EN CHEF Gilles Goetghebuer gilles@zatopekmagazine.com SECRETAIRE DE REDACTION Anouk Ramaekers anouk@zatopekmagazine.com ICONOGRAPHIE Olivier Beaufays olivier@zatopekmagazine.com ONT COLLABORE A CE NUMERO: Olivier Beaufays, François Borel-Hänni, Louise Deldicque, Pierrick Desfontaine, Marc Francaux, Sébastien FrèreJean, Julien Legalle, Anouk Ramaekers CREDITS PHOTOS Wesley Hitt: couverture Belux; Inov-8: couverture Suisse; Agence Dumas: couverture France, 12,13 ,14,21,22,25,26,29,42,43,49,54,55,56,57,58 ,59; Deposit photos: 12,33; Art station: 12; Nike news: 13,60; Science photo: 13; Cyrille Quintard/ Serre Che Trail: 16,18; Mitch/Activ Images: 17; Shutterstock: 17,24,25,54; World obesity: 18; Life magazine: 20; Facebook/Don Gorske: 20,21; Avi Gerver/Supersize me: 21; Facebook/Joe D’Amico: 22; National Institute of health: 23; Dreamstime: 23; 123RF: 27; AP: 27; Commonwealth games: 28; Florian Fébreau/La Sarthe cyclisme: 29; Age Fotostock: 30; Ray Wood: 31; Det kongelige hoff: 31; Alphavarg/Pixabay: 32; Fox Photos: 32; Foot prints: 33; Radisson Blu Plaza hotel: 34; Gecko Evasion: 34; iStock: 35,44,47,58,59; Suunto: 36; Stryd: 36,37; Asbl Sport et santé: 37,38; Facebook/Eilish McColgan: 38; Hero images: 39; Leo Rosas/Red Bull Content Pool: 39; Craft: 39; On Running: 40; Volodalen: 40; NASA: 41; Domaine public: 41,44; Mike MacKenzie: 45; Aurélien Vialatte/A.S.O.: 46; Gallimard: 46; Francesca Mantovani/Gallimard: 47; IRR: 48 Free Pik: 54; PxHere: 55; Luca Garonzi: 56; Aurora pictures: 57. REGIE PUBLICITE Toutes éditions, Belgique et Luxembourg: Ghislaine De Drijver et Isabelle Crutzen Sport Consulting & Education & Medias SA Mobile: 0032 (0)477 63 01 44 isabelle@zatopekmagazine.com Pour la France et la Suisse: Pascal Leost pub@zatopekmagazine.com 7 lot. Les Cigales Chemin Georges Brassens 84210 Pernes-les-Fontaines Tél: 00 33 (0)4 32 80 26 83 COMMISSION PARITAIRE: 1115 U 89417 IMPRESSION Imprimé en Belgique/Printed in Belgium Imprimerie Bietlot Rue du Rond-Point 185 B-6060 Gilly Belgique DISTRIBUTION Belgique: Tondeur Diffusion Patrick Malotaux 9 Avenue Van Kalken 1070 Bruxelles Tel: 0032 (0)2 555 02 11 Luxembourg: MPK – Elisabeth Biever 11, rue Ch. Plantin – B.P. 2022 L-1020 Luxembourg Tel: 0035 (0)2 499 888 306 France et Suisse: MLP ZA de Chesnes -55 bd de la Noirée F-38070 Saint Quentin Fallavier Tel: 0033 (0)4 74 82 39 56 Trimestriel Novembre, décembre 2022 et janvier 2023 N° ISSN 1783-4104 La reproduction des textes et photos publiés dans ce numéro est interdite. LA LOCOMOTIVE (toutes éditions) Est un supplément gratuit au trimestriel Zatopek et ne peut être vendue séparément. Rédacteurs Belgique: Olivier Beaufays olivier@ zatopekmagazine.com Eric Cornu eric@zatopekmagazine.com Rédactrice France et Suisse: Sophie Sartet sophie@zatopekmagazine.com SOMMAIRE 64_ZATOPEK 3

Rubrique réalisée par Olivier Beaufays

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Faites entrer la lumière

Le saviez-vous?

Ce modèle est équipé de la technologie Reactive Lighting qui adapte la puissance de l’éclairage à l’environnement du coureur.

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Plus longue, la vie

Les statistiques sont formelles. Un Français achète en moyenne trois habits par mois, ce qui représente une mise sur le marché chaque année de quelque 500.000 tonnes de textiles qui, tôt ou tard, rejoindront la décharge. Désespérant! Il semble néanmoins que les coureurs à pied soient de plus en nombreux à prendre conscience de cette absurdité écologique et à s’équiper en seconde main. Vous avez envie de vous acheter le sac Sense

Pro 5 utilisé par Kilian Jornet lors de sa victoire au Fjellmarathon en Norvège? Sur ce site, il vous en coûtera 75 euros au lieu de 140. Ah oui! C’était la course de 2019. Ce n’est pas grave?

«En l’état actuel des connaissances, je ne vois pas comment on pourrait faire mieux», disait Sébastien Chaigneau en 2019 à propos de la Swift RL qui offrait déjà 900 lumens de luminosité. Trois ans plus tard, c’est fait! Petzl propose un modèle d’une puissance de 1500 lumens pour un poids d’à peine 145 grammes. Faites le calcul. Pour la première fois dans l’histoire des lampes frontales, dix lumens pèsent moins d’un gramme! www.petzl.com www.everide.app

BRAVO!

Les sportifs sont plutôt plus vertueux que le reste de la société. Dans cette population spécifique, ils sont 42% à avoir acheté du matériel en seconde main au cours de l’année écoulée. Leurs motivations? Le prix (61%) mais aussi l’envie de monter en gamme sans augmenter son budget (44%) et la volonté de diminuer son empreinte carbone (35%).

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Le TTT réunit des épreuves soucieuses de préserver l’environnement. Leur particularité ? Leurs lieux de départ sont tous proches d’une gare. Pas besoin de voiture !

Les traileurs sont amoureux de la nature, presque par définition. Par malheur, ils contribuent parfois à lui faire du tort lorsqu’ils se déplacent sur des longues distances en voiture. Le nouveau circuit TTT a été imaginé pour remédier à ces écueils. Plus de sérénité et moins de gaz carbonique !

A ce stade, neuf superbes épreuves ont déjà rejoint le TTT. D’autres suivront. De façon à proposer toute l’année un panel de courses à la fois accessibles en train, familiales, originales et touristiquement riches.

itrailbytraintour.eu Date Les 9 premières épreuves 2023 Niveau 05/03 Diablerets Trail Blanc aux Diablerets (Suisse) Un trail blanc entouré de sommets enneigés Familial 20 / 10 km 09/04 Le Full Moon Trail à Marseille (FR) De nuit entre Aix-en-Provence et Marseille Intermédiaire à expérimenté 70 / 39 km 16/04 Le Trail Liège Métropole à Liège (BEL) Dans les Ardennes belges, au fil de l’Ourthe Familial à intermédiaire 42 / 21 km 23/04 Le DKV Urban Trail à Luxembourg (LUX) Depuis le cœur historique de la capitale Familial à intermédiaire 34 / 27 / 18 / 13 km A partir du 18/05 La VVX à Volvic (FR) Une expérience d’au moins deux jours au pays des volcans Familial à exprimenté 224/ 110 / 80 / 43 / 25 / 15 km 25/06 L’Oxy'Trail à Marne-la-Vallée (FR) Une course nature qui traverse un des sites des JO de Paris Familial 23 / 13 / 5 km A partir du 25/08 L'Echappée Belle à Aiguebelle (FR) A travers le massif de la Belledonne, aussi beau qu’exigeant Expérimenté 149 / 84 / 62 / 21 km 03/09 Le Mega Meyboom Trail à Bruxelles (BEL) Dans les forêts de la capitale européenne Familial à intermédiaire 65 / 42 / 21 / 10 km 22/10 Le Grand Trail du Lac au Bourget du Lac (FR) Le tour ardu du plus grand lac naturel de France Intermédiaire à expérimenté 75 / 34 km / relais NOUVEAU CIRCUIT EUROPÉEN DE TRAILS ACCESSIBLES EN TRAIN LE TTT + EUROPÉEN + ÉCOLOGIQUE + RESPONSABLE (Trail by Train Tour)

«Tout sort de la terre et tout retourne à la terre.» On connaît tous cette pensée attribuée au poète grec Xénophane, qui a vécu cinq siècles avant notre ère. Plus rares sont ceux qui ont songé à la mettre en pratique de leur vivant. Un homme fait pourtant exception: Yvon Chouinard, le fondateur de la marque Patagonia. A la mi-septembre, l’homme d’affaires américain a annoncé qu’il transmettait la totalité du capital de son entreprise à deux structures chargées de protéger la planète. Depuis, Patagonia est déte nue à hauteur de 98% par le «Hold Fast Collective», chargé d’utiliser le chiffre d’affaires annuel de la marque (environ 100 millions d’euros pour financer des projets environnementaux), et par le «Patagonia Purpose Trust» qui décide ra de l’affectation des revenus. «Nous faisons de la Terre notre seule action naire», écrit Chouinard au moment de passer la main. «Au lieu d’extraire la va leur de la nature et de la transformer en richesse, nous utilisons la richesse créée par Patagonia pour protéger la source.»

L’information a été reprise par tous les médias et parfois présentée comme un coup marketing absolument génial. On est peut-être naïfs mais il nous semble qu’on dépasse ici le calcul commercial. Yvon Chouinard semble vraiment en proie à un questionnement existentiel qui le différencie radicalement de tous les autres membres de la profession. Rappelez-vous. En 2002, il était déjà l’un des initiateurs du projet «1% for the Planet» qui consiste à inciter les entre prises signataires de l’accord à rever

“ IL L’A DIT !

Dans une société bien gouvernée, la pauvreté est honteuse. Dans une société mal gouvernée, la richesse est honteuse. „

Confucius (551-479 av. J-C)

ser 1% de leur chiffre d’affaires annuel à des associations environnementales. En 2011, sa société avait aussi été la première entreprise américaine à obte nir le certificat «B Corp» attestant d’un bilan sociétal et environnemental posi tif. A présent, le voilà qui se défait des habits d’homme d’affaires qu’en réalité, Yvon Chouinard a toujours trouvé mal séants. Le récit de sa vie est édifiant. Il est rare en effet qu’on devienne million naire par hasard. C’est pourtant ce qui lui est arrivé! Dans les années 50, il s’est mis à fabri quer des pitons en acier à moindre coût, d’abord pour lui, puis il s’est mis à en vendre à des copains alpinistes. Son but? Juste gagner assez d’argent pour pouvoir s’adon ner librement à sa pas sion pour l’escalade. A l’époque, il vit alors dans sa voiture et se nourrit presque exclusive ment de boîtes de nourriture pour chats. Et encore! Il achète celles qui ont été cabossées parce qu’elles coûtent un peu moins cher. Le business marche bien. Il crée une société appelée «Chouinard Equipment». Mais quand il se rend compte que ses fameux pitons (70% du chiffre d’affaires) abîment la roche, il les retire du marché et propose à la place des cales en aluminium qui sont toujours

utilisées aujourd’hui. Yvon Chouinard est l’un des meilleurs alpinistes américains de sa génération. Mais il est tout aussi talentueux dans les affaires. En 1970, il rachète un lot de maillots de rugby en Ecosse pour les convertir en vêtements de montagne. C’est le dé but d’une ascension verti gineuse qui le verra figurer en 2021 dans le classement Forbes des hommes les plus riches du monde avec une fortune estimée à 1,2 mil liard de dollars. Lui qui n’a ni téléphone, ni ordinateur portable, qui porte des vê tements élimés et conduit une vieille Subaru prend cette nomina tion comme une insulte. «Trouvez-moi un moyen de sortir de ce classement où j’appelle moi-même tous les milliardaires du pays pour leur dire qu’il est complè tement faussé», tempête-t-il auprès de ses avocats. Grâce à ce montage financier unique, c’est désormais chose faite. Ouf! Son honneur est sauf car, dit-il, «chaque milliardaire est un échec politique».

PATAGONIA INVENTE LA PATA-ÉCONOMIE!

A VOUS LA TERRE! L’HISTOIRE EST RARE. ELLE EST MÊME UNIQUE DANS LES ANNALES ÉCONOMIQUES. UN PDG D’UNE GROSSE SOCIÉTÉ COMMERCIALE QUI DÉCIDE DE LÉGUER SA MARQUE… À LA TERRE!
Une ascension non désirée.
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Nous

sommes le 15 août 2016. Les Jeux de Rio se déroulent sans au cune des restrictions sanitaires qui seront malheureusement de mise lors de l’édition suivante à Tokyo. Malgré cela, les tribunes sont à moitié vides. Le prix des billets et surtout celui du séjour à Rio étaient sans doute trop élevés pour la majorité des habitants alors que le pays traver sait une grave crise économique. Une de plus! En revanche, on ne trouvait pas un siège libre dans la tribune de presse et, pour France Télévision, c’était encore Patrick Montel au micro. A l’issue de ce finish haletant et du plongeon spectaculaire de Shaunae Miller, il déclare: «cela va peut-être donner des envies à certains athlètes». Prémonitoire!

Aux

Jeux olympiques, le chronométrage est confié à la société suisse Omega depuis les premiers Jeux de Los Angeles en 1932. A l’époque, on donnait les temps au dixième de seconde près. Depuis Londres 2012, on peut descendre au millionième de seconde, soit 1/1000e de mil limètre de la vitesse à laquelle évoluent les sprinters. Depuis 1948, le tradi tionnel ruban a également été remplacé par des cellules photo-électriques. Le principe est le même. L’athlète coupe une série de quatre faisceaux lumineux à la place de l’ancien fil. L’appareil est équipé d’un chronomètre qui affiche immédiatement le résultat. Mais c’est toujours la photo-finish qui donne le temps officiel sur la base des images numériques captées par la caméra (jusqu’à 10.000 par seconde). Il faut effectivement tenir compte de la règle qui stipule qu’on arrête le chrono lorsque le torse de l’athlète franchit la ligne. La tête ne compte pas. Pour trancher certaines situations litigieuses, les ex perts de World Athletics ont même spécifié dans un document annexe au règlement que le torse débute à l’extrémité externe de la clavicule, donc au deux tiers de la distance entre le cou et le sommet de l’épaule. C’est précis!

Shaunae

Miller a toujours nié s’être intentionnellement jetée sur la ligne d’arrivée. Au moment de «casser» le corps, elle se serait tout simplement effondrée de fatigue. Il faut dire qu’elle courrait en aveugle au couloir 7 et qu’elle redoutait de voir se répéter le scénario de la demi-finale lorsqu’elle n’avait pu refaire son retard de quelques mètres sur sa rivale Allyson Felix. Elle était donc partie à fond. Quitte à coincer dans les derniers mètres. C’est exactement ce qui s’est passé. Son avance sur ses poursuivantes se réduisait de plus en plus. Sans cette chute provi dentielle, elle n’aurait probablement pas conservé les sept centièmes de seconde d’avance qui lui ont permis de remporter la médaille d’or.

_SPRINT
EN OBSERVANT ATTENTIVEMENT UNE PHOTO, ON DÉCOUVRE UN TAS DE DÉTAILS QUI ÉCLAIRENT LE SPORT SOUS UN PROFIL DIFFÉRENT. DANS CE NUMÉRO, ON A PORTÉ NOTRE ATTENTION SUR LE FINISH DU 400 MÈTRES AUX JEUX OLYMPIQUES DE RIO AVEC LE PLONGEON DE LA BAHAMÉENNE SHAUNAE MILLER-UIBO POUR DEVANCER L’AMÉRICAINE ALLYSON FELIX
 GILLES GOETGHEBUER
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QUI ES-TU, PÉRIOSTITE?

À CEUX QUI EN SOUFFRENT. ON COMMENCE AVEC LES PÉRIOSTITES.

Quel

est le point commun entre Bob Tahri, vice-champion d’Europe du 3000 steeple en 2010, et le crocodile géant Borealosuchus formidabilis qui vivait à l’époque du Crétacé, c’est-à-dire il y a cent millions d’années? Réponse: ils ont tous les deux souffert d’une maladie appelée périostite. Pour le savoir, les paléontologues se sont basés sur les traces laissées par cette affection sur le squelette: rugosité, protubé rances, déformations. Il faut croire que le vieux crocodile était mal pro portionné. On a en effet trouvé des stigmates de ce type sur 134 des 7154 os de Borealosuchus formida

bilis examinés. Vraisemblablement, il n’était pas le seul à souffrir de cette pathologie dans la préhistoire. Les périostites tourmentaient aussi les dinosaures, surtout les dinosaures herbivores qui se caractérisaient par leurs longs cous. Sans doute ce problème était lié à un problème d’ancrage de groupes musculaires tellement puissants, compte tenu des masses énormes à déplacer, qu’ils finissaient par outrepasser la résistance intrinsèque de l’os. Et chez les humains? Nous nous en sortons globalement mieux que ces anciens reptiles. Même si l’étiologie des périostites humaines révèle tout de même une grosse faiblesse au niveau tibial. Surtout chez les cou reurs pied. Médicalement parlant, une périostite est une inflammation de l’enveloppe de l’os appelée pé rioste. Elle naît dans des circons

tances parfois mystérieuses. Le plus souvent, elle résulte de la répétition des chocs du pied sur le sol lors qu’on court. Son origine est donc micro-traumatique et non pas micro bienne comme les affections respira toires, par exemple. Ces périostites sont la cause de douleurs parfois très intenses qui surviennent pendant et après l’effort sur la face interne du tibia et parfois du fémur. Attention à ne pas confondre cette douleur avec celle d’un syndrome des loges. La première a plutôt tendance à s’at ténuer au fil de la séance. Pour la seconde, c’est le contraire. Autre dif férence majeure: un syndrome des loges n’est douloureux qu’à l’effort alors qu’une périostite reste sensible à la palpation même au repos. La douleur s’étend alors sur une zone qui fait quelques centimètres de long. Plus localisée, on devra plutôt

CETTE NOUVELLE RUBRIQUE BAPTISÉE «OUILLE» FAIT LE TOUR DES LÉSIONS QUI ARRACHENT PARFOIS CE CRI DE DOULEUR
Bouabdellah alias Bob Tahri Périostite, la maladie qui fait pleurer les crocodiles.
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Pour la France et la Suisse: Chemin Georges Brassens - 7, lotissement les Cigales - 84210 Pernes Les Fontaines

Pour la Belgique: 177 rue Vanderkindere - 1180 Bruxelles

Le compte est bon!

Je suis à la fois cycliste et coureur à pied. Pour préparer les épreuves de course à pied, je me sers avec succès des plans d’entraînement que l’on trouve sur le site Zatopek. Jusqu’à présent, j’ai toujours sélectionné l’option «trois séances par semaine» puisque c’est effectivement le temps que je consacre à cette discipline. En revanche, je continue à faire du vélo. Du coup, je me suis posé une ques tion: ne ferais-je pas mieux d’utiliser le plan à quatre séances par semaine et considérer que la sortie vélo fait office de séance cool?

Notre réponse

Si! Nos programmes prévoient effectivement des sorties longues et relativement peu intenses pour habituer le corps aux efforts de longue durée, notamment pour tout ce qui concerne la gestion des stocks énergétiques et la question de l’hydratation. Ces séances permettent aussi de mieux contrôler les éventuelles fluctuations de poids. Sans oublier les bienfaits psychologiques. Beaucoup de coureurs les apprécient beaucoup dans la mesure où elles permettent de se dégager des consignes sévères du travail fractionné. Cela dit, tous ces avantages peuvent aussi se concevoir à vélo. Vous pouvez donc remplacer une discipline par l’autre sans nuire à votre progression. A condition toutefois de respecter ces deux conditions. 1/ La durée de la sortie à vélo doit être majorée de 60% environ pour produire les mêmes adaptations physiologiques. 2/ Il faut éviter de zapper complètement les sorties longues en course à pied car elles permettent aussi d’acquérir une bonne économie gestuelle dans la durée et cela compte lorsqu’on éprouve l’envie d’allonger ses distances de course. Prévoyez donc d’en conserver une toutes les deux à trois semaines.

Sortie de poids lourds

Ma question concerne la musculation et la crainte que nourrissent de nombreux cou reurs de prendre du poids en soulevant de la fonte. Dans vos articles, il me semble que vous défendiez la théorie selon laquelle il valait mieux faire de la musculation avec des charges lourdes et peu de répétitions plutôt que l’inverse. Même si cela semble contre-intuitif. J’en discutais récemment avec mon gendre, un ancien joueur de foot professionnel, reconverti en coach sportif. Il était d’un avis contraire. Qui a raison?

Notre réponse

C’est vous! Les charges lourdes ont pour effet de renforcer les tendons et les unités contractiles (sarcomères) au sein de la fibre. Surtout, elles permettent d’affiner la commande nerveuse. Tout cela participe au gain de force qui peut atteindre pratiquement 1% par séance au début du programme. C’est remarquable! L’effet sur le muscle sera très différent lorsqu’on reproduit le même geste un grand nombre de fois avec des charges forcément plus légères. Dans ce cas, le muscle s’adapte en augmentant sa teneur en eau, en glycogène et en phosphocréatine, ce qui se traduit par une prise de masse que recherchent les culturistes mais qui sera plutôt préjudiciable aux coureurs. Ce n’est pas un hasard si on utilise le terme «gonflette» pour décrire ce type d’entraînement.

Il est où, le warana?

Dans le numéro 62, à la rubrique «Ajoutez à mon panier», vous présen tiez les produits de la société Guayapi dans un petit article intitulé «L’appel de la forêt». Cette marque commercialise en effet l’écorce réduite en poudre de deux arbres qui poussent en Amazonie (muira puama et warana). A la fin de ce même numéro 62, un autre article était consa cré à la caféine («Au café des sports»). Malheureusement, on ne disait plus rien du warana cette fois-ci alors qu’il constitue une alternative intéressante pour tous ceux qui, comme moi, ne supportent pas le café (maux de ventre, nervosité, tremblements). Par comparaison, le warana de la marque Guayapi n’entraîne pas de pic brutal de concentration (et donc de nervosité). Sa cinétique de diffusion est plutôt de type trapézoïdal avec un plateau où l’esprit est efficacement maintenu en éveil, ce qui facilite la pratique du sport mais aussi la lecture attentive des magazines. La preuve!

Notre réponse

Le warana (ou guarana) ressemble très fort au caféier ou au théier. Comme eux, cette plante produit des baies riches en une substance (méthylthéobromine) qu’on appelle «caféine», «théine» ou «guaranine» selon la source. Si les cinétiques de diffusion diffèrent tellement, ce n’est pas tant lié à d’éventuelles spécificités chimiques du principe actif qu’à la présence de congénères au sein de la plante. On recense en effet des centaines d’autres substances dans ces préparations, notamment des tanins dans le cas du guarana qui ralentissent sa diffusion dans le sang et étirent son action dans le temps. Le choix d’un mode de préparation plutôt qu’un autre dépend alors beaucoup de la tolérance de chacun.

Nicolas Descours Eliud Kipchoge appelé à la barre.
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KILOS DE PLUMES ET KILOS DE PLOMB

VINCENT MACHET EST UN COUREUR À PIED DÉPASSANT ALLÈGREMENT LE QUINTAL. VOILÀ QUI CONSTITUE LA TRAME DE SON LIVRE INTITULÉ AUTOPSY D’UN MARATHON DONT NOUS NOUS SOMMES PROCURÉ LES BONNES PAGES. UN RÉCIT

EXTRAORDINAIRE!

«Lorsque

je monte sur la balance, désormais, elle m’indique ‘Error’», répond pudiquement Vincent Machet lors qu’on lui demande son poids actuel. Il n’abandonne pas pour autant l’idée de courir. Car oui! Vincent Machet (52 ans) est coureur. Il est même membre co-fondateur du «Team Salami» qui réunit plusieurs cou reurs aux mensurations hors-norme. Le nom est évidemment un petit clin d’œil au «Team Salomon» dont il côtoie d’ailleurs certains membres au départ des trails. «Seulement au départ», précise-t-il. «Pendant la course, c’est plus compliqué.» Tout est effectivement plus compliqué lorsqu’on pèse aux alentours de 150 kilos. «Remarquez, je n’ai pas toujours été aussi lourd», précise-t-il.

«Mon poids de forme est plutôt aux alentours de 130 kilos. Mais j’ai fait comme beaucoup de gens: j’ai pris du poids durant la crise du covid. A cela se sont ajoutés des soucis per sonnels, qui chez moi, se soldent toujours par des crises de boulimie. J’ai pris vingt kilos en quatre mois.» Actuellement, il suit un régime dras tique avec des rations ne dépassant pas les 800 calories par jour. Est-

ce que cela marche? «Lentement!», explique-t-il. «C’est d’ailleurs ce qui rend les régimes si difficiles à suivre lorsqu’on est obèse. On peut traverser une ou deux douloureuses semaines de privations sans que le poids ne change sur la balance. Ou si peu. C’est usant moralement.» En complément de ces restrictions, il compte aussi sur la course à pied pour revenir en meilleure forme.

Compte tenu de sa corpulence ac tuelle, l’information étonne un peu. Mais Vincent Machet est un habitué des grandes courses populaires et il possède un record personnel sur marathon à 5 heures et 5 minutes établi à Marseille en 2004. «Pour cette course, j’étais descendu à 115 kilos», se souvient-il. «Je me faisais l’effet d’un avion supersonique.» Le ton est donné. Celui de l’humour. Même si en toile de fond, on perçoit une sensibilité à fleur de peau. «Etre gros n’a rien d’évident», reprend-il plus sérieusement. «Tout le temps, ce surpoids se rappelle à vous. Il suffit de se voir dans le reflet d’une vitrine ou pire encore dans la glace d’une cabine d’essayage.» Quelle est pour lui la pire pensée à laquelle

16 ZATOPEK_64 HISTOIRE VÉCUE

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PEUT-ON CONCILIER JUNKFOOD ET RUNNING?

PLUSIEURS COUREURS À PIED ONT FAIT L’EXPÉRIENCE DE S’ALIMENTER EXCLUSIVEMENT DANS DES RESTAURANTS DE FAST-FOOD TOUT EN POURSUIVANT NÉANMOINS

UN ENTRAÎNEMENT INTENSIF. POUR QUELS RÉSULTATS?

Surcette vieille photo du Life Magazine, on peut voir ce qu’une famille améri caine type des années 50 consommait en douze mois: 669 bouteilles de lait, 578 livres de viande, 131 douzaines d’œufs frais, 440 livres de fruits frais, du café, des céréales, de la farine, etc. Aujourd’hui, si on voulait refaire un tel cliché, on ne verrait même plus les membres de la famille tant le nombre d’articles industriels s’amoncellerait. Sans parler des emballages! Aux Etats-Unis, plus de 50% des calories sont consommées sous la forme d’ali ments industriels, pauvres en fibres

mais bourrés de matières grasses, de sucres et de sel. De véritables bombes caloriques! Le secret de tous ces aliments ultra-transformés? Leur ingestion produit un relargage de do pamine dans le cerveau et donc une sensation temporaire de bien-être. Ce neurotransmetteur est d’ailleurs

également connu sous le nom d’«hor mone du plaisir». A la longue, il peut même se créer avec cette «junkfood» un phénomène d’accoutumance très semblable à celui qui préside aux autres toxicomanies: drogues, al cool, médicaments. En clair, on peut facilement y devenir «accro». Vous ne le croyez pas? Voici l’histoire de Don Gorske qui, le 17 mai der nier, a célébré ses cinquante ans de consommation exclusive de Big Mac ci-contre. D’après ses calculs, il en a avalé plus de 32.000! «Quand j’ai eu ma première voiture, j’ai roulé jusqu’au seul McDonald’s du coin pour manger trois Big Mac», raconte-t-il. «Je me suis tout de suite dit que je mangerai ça le restant de ma vie.» En un demi-siècle, seuls une tempête de neige, un cambriolage de sa maison, une fermeture ino pinée de l’enseigne à la suite d’une panne de courant et le décès de sa mère auront eu raison de sa fidélité.

L’HOMME QUI VALAIT 32.000 BIG MAC. 20 ZATOPEK_64 DIÉTÉTIQUE

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LA FAUTE AUX MAMANS

DES CHERCHEURS_QUI CHERCHENT 24 ZATOPEK_64
SI VOUS ÊTES SUPER CALÉ DANS LE SPORT D’ENDURANCE, OU ARCHINUL AU CONTRAIRE, N’INCRIMINEZ PAS VOTRE PÈRE QUI N’Y EST PROBABLEMENT POUR RIEN. SELON UNE CÉLÈBRE THÉORIE, L’ENDURANCE SERAIT SURTOUT UNE HISTOIRE DE MAMANS.
64_ZATOPEK 25

Pour faire simple en ce dé but d’article, disons que les performances sportives dé pendent de deux grandes catégories d’influences avec d’un côté, les facteurs environnemen taux et, de l’autre, les facteurs géné tiques. Les deux sont intrinsèquement liés. Nos gènes nous guident vers certains comportements, c’est en tendu. L’inverse est également vrai. On a découvert récemment que les gènes eux-mêmes sont sensibles au contexte. Cela signifie qu’ils sont amenés à «s’exprimer» ou à être mis sous l’éteignoir au contraire en fonc tion d’influences extérieures comme l’alimentation, le cadre de vie ou

le stress. Ces découvertes appar tiennent à une science relativement récente, l’épigénétique, qui nous a permis de réaliser de formidables progrès dans notre compréhension du vivant. A sa façon, l’épigénétique rend caduque l’ancienne distinction entre «inné» et «acquis» sur laquelle des générations de chercheurs se sont écharpées. Les deux aspects sont beaucoup plus liés qu’on l’ima ginait. Doit-on abandonner pour autant toutes références dichoto miques entre la génétique et l’envi ronnement? Peut-être pas. Prenons l’exemple du sport. Clairement, il apparaît que certaines disciplines sont plus dépendantes du mode de vie et d’autres plus marquées par l’hérédité. En gymnastique par exemple, la hiérarchie sportive ré sulte d’un tas de facteurs qui n’ont pas grand-chose à voir avec le gé nome. Il faut un bon coach et de bonnes conditions d’entraînement. Il faut éviter les blessures. Il faut que son style plaise aux juges. On doit pouvoir tenir le coup des contraintes alimentaires drastiques. Tout cela dé pend beaucoup de l’encadrement. Par comparaison, la génétique est prépondérante sur 100 mètres. Dans cette discipline, la masse musculaire

LA GYM N’EST PAS DANS LES GÈNES

et la vitesse de contraction sont deux facteurs déterminants de la perfor mance et ils sont largement détermi nés par la génétique. Entre ces deux extrêmes, celui de la gymnastique et du 100 mètres, chaque discipline sportive devra trouver sa place. Et le running? Dans le magazine Zatopek, il était logique qu’on se pose la ques tion à propos de la course à pied. Où la placer dans ce continuum? Le talent des coureurs dépend-il plus de l’hérédité ou du mode de vie? La réponse à cette question est perni cieuse car, comme pour les coureurs de 100 mètres, les performances en endurance présentent la particulari té d’être fortement influencées par les parents, à la nuance près que, dans ce cas précis, le legs des mères compterait davantage que celui des pères. Du moins, c’est ce que pré tend une ancienne théorie. Essayons de comprendre pourquoi.

Le féminin l’emporte

Pourquoi les mères seraient-elles plus importantes que les pères dans la transmission du talent athlétique?

Pour le comprendre, il nous faut re monter au premier moment de la vie in utero lorsqu’un spermatozoïde pénètre la membrane de l’œuf, blo

LE SPRINT, SI! 26 ZATOPEK_64 DES CHERCHEURS_QUI CHERCHENT

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RANDONNEUR, DOIGT D’HONNEUR!

Are Kalvo (52 ans) est très connu en Norvège pour son esprit satirique et les réflexions inattendues qu’il distille à la radio, dans des comédies musicales, dans des one-man-shows et dans ses livres. Il est né à Stranda, une petite ville du centre-ouest de la Norvège située entre mer et forêt. Luimême préciserait qu’en Norvège, tout est situé entre mer et forêt. C’est même la raison pour laquelle la randonnée n’aurait jamais dû y prendre racine. Car dans l’histoire de ce pays longtemps agraire avant de devenir riche grâce au pétrole, marcher en forêt fut d’abord et avant tout une indispensable tâche quotidienne. Une corvée, quoi. Il fallait ramasser le bois, relever les pièges, cueillir les baies. Incapable de comprendre pourquoi ce pensum est devenu un loisir, il a décidé de traduire sa surprise en un livre, Randonnée en enfer (éd. Glénat), le premier de sa bibliographie à avoir été traduit en français.

LA RANDONNÉE, C’EST CHOUETTE. SEUL UN FOU DIRAIT LE CONTRAIRE. UN FOU OU UN IGNARE. OU UN ÉCRIVAIN À LA PLUME BIEN TREMPÉE COMME LE NORVÉGIEN ARE KALVO.

Imaginons

un instant qu’un comique francophone à l’humour caustique, mettons Thomas Wiesel ou Florence Foresti, s’en prenne à une des sacro-saintes passions de nos contrées, comme la cuisine ou le jar dinage. Cela produirait un mélange entre rires sin cères, grincements de dents et réactions outrées du type «comment osent-ils?». A l’échelle norvégienne, forcément un peu plus réduite (5,2 millions d’habitants), on réalise donc l’ampleur de l’entreprise de démolition à laquelle s’est attelé Are Kalvo en rédigeant Randonnée en enfer Sans cri ni hurlement, en se questionnant à haute voix, l’auteur place ses concitoyens face à leurs choix. Car la randonnée en nature, c’est l’activité démocratique na tionale (ADN) du peuple norvégien. Tout le monde s’y adonne au point qu’il serait presque suspect de ne pas y consacrer ses vacances. Avec une densité très faible (14 habitants au km²) et des forêts à ne plus savoir qu’en faire, dont certaines montent jusqu’au cercle po laire arctique et la frontière russe, on comprend que les Norvégiens nourrissent cette passion. «Mais pas de là à en faire une norme, voire une religion!», s’exclame Kalvo quand on lui fait la remarque. Résolument athée, il ex pose dans ce livre ses griefs contre la randonnée, quitte à susciter l’ire de 80% de ses concitoyens. Cela dit, Are Kalvo est honnête. Avant de se lancer dans la rédaction, il a effectué deux longues excursions selon les règles de l’art. De cette expérience naquit Randonnée en enfer Un lecteur lui-même adepte de marche en nature pour ra se sentir un peu vexé. Ou stimulé intellectuellement, c’est selon! Quoi qu’il en soit, il s’amusera beaucoup et apprendra également pas mal de choses sur un pays, la Norvège, dont Kalvo fait finalement la pub sans en avoir l’air. Comme quoi, la randonnée mène à tout. Même à un entretien dans Zatopek!

CYNIQUE ENTRETIEN 30 ZATOPEK_64

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AIDE-TOI ET CE LOGICIEL T’AIDERA

LES LOGICIELS D’ENTRAÎNEMENT EN COURSE À PIED SONT EN TRAIN DE VIVRE

ENTRAÎNEMENT_
NON PAS UNE MAIS DEUX RÉVOLUTIONS MAJEURES. D’UN CÔTÉ, ON PASSE AUX WATTS POUR FORMULER LES RÉFÉRENCES D’INTENSITÉ. DE L’AUTRE, ON MET AU POINT DES PROGRAMMES CAPABLES DE S’AUTOCORRIGER EN FONCTION DES PROGRÈS RÉELS DE L’ATHLÈTE. ON ARRIVE ICI À DES DEGRÉS D’INDIVIDUALISATION EXTRÊMES QUI DEVRAIENT PERMETTRE D’AMÉLIORER BIENTÔT LES PERFORMANCES, À CONDITION BIEN ENTENDU DE SAVOIR DE QUOI IL RETOURNE. DANS LES PAGES QUI SUIVENT, NOUS NOUS SOMMES EFFORCÉS D’EXPOSER CES DEUX RÉVOLUTIONS DE LA FAÇON LA PLUS LIMPIDE POSSIBLE AFIN DE NE LAISSER PERSONNE AU BORD DU CHEMIN. IL EST DÉJÀ DIFFICILE DE SURVIVRE À UNE RÉVOLUTION. ALORS DEUX! 64_ZATOPEK 35

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LES LOGICIELS FONT LES MALINS

Dans le domaine de l’in telligence artificielle (IA), l’expression «ma chine learning» (ou «apprentissage auto matique») s’applique à tous les systèmes informatiques capables de s’auto-corriger. Face à un pro blème, l’ordinateur est capable d’adapter ses réponses en fonction des expériences passées. De ce fait, il évolue au fil du temps comme le font aussi les êtres vivants. Pour rendre les choses plus claires, rien de mieux qu’un petit exemple: la

victoire de l’ordinateur Deep Blue, conçu par les ingénieurs de la so ciété IBM, contre le champion du monde des échecs à l’époque, le Russe Garry Kasparov. C’était en mai 1997, il y a un donc un quart de siècle. Il s’agissait d’un match revanche. L’année précédente à Philadelphie, Kasparov avait ga gné sur le score de 4 à 2. Cette fois, il sera battu 3,5 à 2,5. C’était pourtant la même machine. La diffé rence, c’est que Deep Blue avait pu mettre à profit les douze mois écou lés entre les deux rencontres pour

L’ADOPTION DES MESURES DE PUISSANCE À LA PLACE DES ANCIENNES ALLURES CONSTITUE LA PREMIÈRE DES DEUX RÉVOLUTIONS PROMISES DANS
L’INTRODUCTION
DE CE DOSSIER. ET LA DEUXIÈME? ELLE VIENDRA BIENTÔT AVEC L’APPLICATION AUX PROGRAMMES D’ENTRAÎNEMENT DES ÉNORMES
PROGRÈS
RÉALISÉS DANS
LE
DOMAINE DU «MACHINE LEARNING».
Deep Blue, plus fort que son maître! 42 ZATOPEK_64 MACHINE_LEARNING

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AUX MARATHONIENS ANONYMES

Cyrille Martinez est un ancien journaliste du Provençal à Avignon. Aujourd’hui, il est biblio thécaire à la Sorbonne. Il vit parmi les livres. Il en commet aussi lui-même: recueils de poé sie, romans de fiction, histoires vraies. Son dernier ouvrage −le huitième− s’intitule Le

Marathon de Jean-Claude et autres

de fond. Il y fait le portrait d’une série de cou reurs

de village, celles où le premier gagne une bouteille de vin, un coupe-vent ou un demi-jambon, et qui sont pourtant d’une richesse incroyable.

dans des

épreuves
engagés
épreuves
CHAQUE SEMAINE, DES MILLIONS D’HOMMES ET DE FEMMES PARTICIPENT À DES ÉPREUVES DE COURSE À PIED PARTOUT DANS LE MONDE SANS INTÉRESSER PERSONNE AU-DELÀ DE LEUR PETIT CERCLE D’AMIS OU D’INTIMES. ON DÉCOUVRE POURTANT DES HISTOIRES PASSIONNANTES CHEZ CES «SANS GRADE». EN VOICI QUELQUES-UNES RACONTÉES DANS LE LIVRE LE MARATHON DE JEAN-CLAUDE ET AUTRES ÉPREUVES DE FOND, PARU EN MARS 2022 AUX ÉDITIONS VERTICALES. LITTÉRATURE_ 46 ZATOPEK_64

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SOMMEIL ET PERFORMANCE

LORSQU’ON ÉTABLIT LA LISTE DE TOUTES LES CONDITIONS REQUISES POUR RÉALISER UNE GRANDE PERFORMANCE SPORTIVE, ON OUBLIE TRÈS SOUVENT DE CITER UN PARAMÈTRE POURTANT ESSENTIEL: LE SOMMEIL.

Avouez

qu’il est rare qu’on compare le sport d’élite au jeu de Bingo. Du point de vue de la dépense énergétique, c’est vrai, il n’y a pas lieu de le faire. Pourtant, ces deux activités se ressemblent sur un point: pour sortir du jeu en criant «bingo», il faut réunir toutes les bonnes cartes. En sport, cela signifie qu’il faut se présenter le jour J de la compétition en grande forme mais pas trop fatigué. On doit avoir des stocks énergétiques au top. Pas de blessure. Pas de défaut d’hydratation. Une motivation au zénith. Cela fait beaucoup de conditions à remplir. Et, bien sûr, la performance sera toujours tributaire du mail lon le plus faible. C’est ce qui rend le sport si cruel! Dans cette liste, on oublie souvent d’évoquer le sommeil. Or son influence est considérable sur le bon fonctionnement de l’organisme et donc sur la performance. Ici, ce n’est pas tant la qualité du sommeil qui précède immédiate ment la prestation qui compte, mais plutôt l’habitude de bien ou mal dormir au quotidien. Les études montrent en effet que la qualité de ce sommeil impacte directement l’humeur, le poids, l’immunité, la variabilité cardiaque ou encore l’énergétique musculaire. Bref, on ne peut pas faire partie de l’élite sportive en dormant chichement. Ou alors pas longtemps!

Mensonges d’une nuit d’été

En langue française, il existe plusieurs expressions qu’on utilise au quotidien sans s’interroger sur leur sens profond alors que, prises au pied de la lettre, elles ont de quoi nous laisser circonspects. Que dit-on par exemple au len demain d’une bonne nuit de sommeil? «J’ai passé une nuit de rêve.» Le mot «rêve» est alors synonyme d’accom plissement, de repos, de bonheur, d’apaisement. C’est très curieux dans la mesure où la majorité de nos rêves (85%) sont plutôt anxiogènes. Certes, il arrive qu’on passe en songe des moments délicieux. Statistiquement,

Partout sur Terre, on rêve de serpents.

Même dans les pays où il n’y en a pas!

50 ZATOPEK_64 NUITS DE RÊVE

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J’IRAI AU BOUT DE MES RÊVES

NOS RÊVES REFLÈTENT NOS PASSIONS. DÈS LORS, QUOI DE PLUS

NORMAL QUE NOS LECTEURS RÊVENT BEAUCOUP DE COURSE À PIED?

PARFOIS CELA SE PASSE BIEN. SOUVENT CELA SE PASSE MAL!

Propos recueillis par Olivier Beaufays

PAROLE DE VEAU

YOHAN

«Au moins une fois par semaine, je rêve d’une course à laquelle je par ticipe avec les jambes lourdes, lourdes. Je cours comme un veau. Tout le monde me dépasse!»

Le saviez-vous?

En interrogeant une série d’étudiants en médecine sur leur sommeil à la veille d’un concours important, des chercheurs de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris ont constaté que les élèves qui avaient fait des cauchemars comme celui d’arriver en retard à l’examen −un classique!− avaient globalement mieux réussi que les autres.

IL EST OÙ LE MARATHON? CÉLINE

«A l’approche de mon mara thon annuel, c’est toujours la même ren gaine. Je rêve qu’au moment de me rendre vers la ligne de départ, je suis confrontée à un tas d’obstacles −la circulation, la foule ou un tas de déviations−, et je finis par me perdre!»

POUR LA SCIENCE

Lorsqu’on rêve, on vit chaque action très in tensément. Le cerveau envoie donc des ordres aux muscles, exactement comme lorsqu’on est éveillé. La seule différence, c’est que ces ordres sont interceptés par un noyau sous-cortical appelé locus cœruleus, ce qui en latin signifie «la tache bleue». On y retrouve en effet la présence de granules de mélanine, parfois de couleur bleue, comme pour les yeux. Entre autres fonctions, ce locus cœruleus a donc pour mission de bloquer les actions motrices, ce qui explique qu’on reste sagement dans son lit plutôt que de battre la campagne au fil de ses songes. Une hypothèse séduisante aux rêves récurrents que font un grand nombre de spor tifs de se retrouver soudain en état de paralysie totale ou presque totale serait qu’en réalité, ils prendraient conscience de l’existence de cette inhibition motrice. En conclusion, lorsqu’on rêve qu’on est paralysé, c’est souvent parce qu’on s’est aperçu… qu’on l’était vraiment!

LE COUP DE FEU QUI PARALYSE CLAIRE

«Je suis sur la ligne de départ, prête à m’élancer au coup de feu du starter. Pourtant lorsqu’il retentit, impossible de bouger! J’ai beau lutter de toutes mes forces, je reste scotchée au sol. Combien de fois n’ai-je pas fait ce mauvais rêve? Je m’en rap pelle précisément car le plus souvent, la rage que je ressens fait que je me réveille et que je me retrouve en sueur dans mon lit. Avec le recul, je pense qu’il était lié au stress de la course et à la crainte d’une possible contre-performance. Il était presque systématiquement présent la veille des courses importantes et il a pratiquement disparu le jour où j’ai cessé de me soucier de mes performances et de courir après les podiums.»

TU NE MOURRAS POINT!

De tous temps, les hommes ont voulu tirer des en seignements de leurs rêves. Ils ont pour cela utilisé toute une série de techniques plus ou moins sophis tiquées. Ce papyrus retrouvé en Egypte peut être considéré comme le premier «déchiffreur de rêves» de l’histoire. Il date de 3000 ans avant notre ère. On y apprend par exemple que si un homme rêve de sa propre mort, «c’est bien, cela signifie qu’une longue vie l’attend».

54 ZATOPEK_64 TÉMOINS_

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60 ZATOPEK_64 MENSONGES ET VÉRITÉS

LA VRAIE HISTOIRE DE MO FARAH

LES RÉCENTES RÉVÉLATIONS DE MO FARAH À LA BBC ONT PERMIS DE METTRE EN LUMIÈRE UN PHÉNOMÈNE QUE L’ON CROYAIT D’UN AUTRE ÂGE: LA TRAITE DES ÊTRES HUMAINS.

Néà Mogadiscio, la ca pitale somalienne, Mo Farah aurait émigré à Londres à l’âge de 9 ans pour rejoindre son père qui y exerçait la profession d’informaticien. Il aurait voyagé en compagnie de sa mère et deux de ses frères. Des années plus tard, des journalistes britanniques auraient retrouvé la trace de son frère aîné qui aurait déclaré ne nourrir aucune rancœur d’être resté au pays. Voilà la version qui prévalait jusqu’à un reportage diffusé en mai dernier sur la BBC. «La véritable histoire est que je suis né au Somaliland, au nord de la Somalie, sous le nom de Hussein Abdi Kahin», confie le quadruple champion olympique du 5000 et 10.000 mètres, brisant un long si lence. «J’ai été amené au RoyaumeUni illégalement sous le nom d’un autre enfant appelé Mohamed Farah. Malgré tout ce que j’ai pré tendu par le passé, mes parents n’ont jamais vécu au Royaume-Uni.» Son père est mort en Somalie, tué d’une balle perdue alors que le petit Hussein était âgé d’à peine 4 ans. Quant à sa mère, incapable de subvenir seule aux besoins de sa famille, elle l’avait confié à un oncle vivant à Djibouti. C’est là qu’une femme qui venait régulièrement lui rendre visite finit par lui proposer de l’exiler en Angleterre. Pour cela, rien de plus simple. Il suffit de col ler sa photo sur un visa sans doute volé à un certain Mohamed Farah. Sur le coup, l’absence de moyens de communication empêche Hussein de discuter de ce projet de voyage

avec sa mère. Mais comme la gen tille dame promet de faire venir toute la famille, il accepte et le voilà par ti pour le grand voyage. A peine débarquée de l’avion, la femme si dévouée se transforme en harpie. Elle déchire le papier sur lequel fi gurent tous les numéros de contact que l’enfant avait emporté avec lui. «A ce moment-là, j’ai compris que j’avais de gros ennuis», raconte au jourd’hui Mo Farah. Il se souvient qu’à l’époque, on l’avait menacé de ne plus jamais revoir ses proches s’il racontait sa véritable histoire. De toute façon, à qui aurait-il pu se confier? Il ne parlait pas un mot d’anglais et dans la nouvelle maison où on l’avait installé pour servir de domestique, il croulait littéralement sous les tâches. «Souvent, je m’en fermais dans la salle de bain et je pleurais», se souvient-il. Un an après son arrivée, la famille d’accueil dé cide de le scolariser. On l’envoie au Feltham Community College, une école pour jeunes en difficulté, surtout connue pour avoir été celle du tueur en série Levi Bellfield. Bloqué par la barrière de la langue qu’à force de rester seul, il ne maîtrise toujours pas, et aussi par son passé qui le rend instable socialement et émotionnel lement, il peine à s’intégrer dans sa classe. «Le seul langage qu’il semblait comprendre était celui du sport», ra conte Alan Watkinson, son profes seur d’éducation physique qui voit le regard du jeune Mohamed s’illumi ner la première fois qu’il emmène sa classe sur la piste d’athlétisme. «C’est l’athlétisme qui m’a sauvé», témoigne le champion. «Je me suis aperçu que

je pouvais courir plus vite que les autres. C’était le seul moyen à ma disposition pour m’éloigner de ma situation.» Son aisance sur le tartan et la relation de confiance qu’il tisse avec son professeur l’encouragent à tout déballer. Alan Watkinson ap pelle alors les services sociaux qui le placent dans une véritable famille d’accueil. «Mes proches restés au pays me manquaient toujours, mais à partir du moment de ce déménage ment, tout s’est amélioré», explique l’athlète qui, délesté du poids de ce mensonge, se met à engranger des résultats.

Sauvé par le sport!
64_ZATOPEK 61

UN ROMAN MEXICAIN

NORMA BASTIDAS A LONGTEMPS TENU SECRÈTE L’HISTOIRE

Certaines

personnes partent dans l’existence avec plus d’atouts que d’autres: une famille aimante, de l’argent, un accès à la culture, une bonne santé physique et mentale. Il ne leur manque rien. Pour d’autres, la voie de l’épanouissement est plus difficile à dégager. Parfois, l’équation paraît même impossible. Voici l’histoire de Norma Bastidas qui voit le jour dans une famille pauvre de Culiacan, au nord-ouest du Mexique. A 11 ans, elle perd son père. Les cinq enfants de la famille sont obligés de travailler. La petite Norma s’occupe alors d’un oncle aveugle qui la viole. A 17 ans, elle s’enfuit à Mexico où elle est kidnappée pour être vendue comme es clave. Ce genre d’histoire est malheureu sement banale au Mexique, quatrième pays le plus touché par la criminalité dans le monde (après la Colombie, le Congo et Myanmar). Norma est libérée par le frère de l’un de ses ravisseurs qui la prend en pitié. Elle retourne à Culiacan où une amie d’une amie lui propose de devenir mannequin au Japon. Bien sûr, elle accepte! Elle rêve d’une autre vie.

CHRONIQUE DES ANNÉES DE PLOMB

Sa joie sera pourtant de courte durée. Dès son arrivée à Tokyo, ses nouveaux employeurs lui confisquent son passeport et, plutôt que les séances de photos et les défilés promis, elle est envoyée dans une boîte de strip-tease dirigée par la mafia locale avant d’être vendue comme prosti tuée. Elle comprend que sa liberté passe par le rachat de son propre contrat. En 1993, il semble qu’enfin, la chance lui sourit. Elle fait la connaissance d’un consultant canadien qui l’emmène avec lui à Vancouver. Elle est âgée de seule ment 26 ans. «Les gens ne connaissant pas mon passé, j’étais à l’abri de tout ju gement», explique-t-elle. Elle donne nais sance à deux fils. A priori, tout semble aller bien pour elle. En réalité, elle peine à abandonner l’alcool, le compagnon de ses années de misère. Le couple se déchire. Là-dessus, elle apprend que son fils aîné (11 ans) souffre d’une dystrophie rétinienne entraînant une cécité progres sive. Comme son oncle! Se sentant mena cée par une nouvelle déchéance, Norma Bastidas décide alors de se battre. Elle se met à courir. Rappelons ici qu’elle est originaire d’une région du nord-ouest du Mexique où la population est connue pour son extraordinaire endurance. Au bout de six petits mois d’entraînement, elle se qualifie pour le prestigieux mara thon de Boston. Elle enchaîne alors avec la Death Race, une course de 120 kilo mètres dans Les Rocheuses. En 2009, elle devient la deuxième personne et la première femme à courir sept ultra-mara thons sur les sept continents en sept mois pour un total de 1272 kilomètres (*). Elle récolte au passage 140.000 dollars pour la recherche contre les maladies héréditaires des yeux. Cette notoriété acquise en tant que coureuse lui donne aussi la force de raconter la véritable histoire de sa vie. En 2013, elle prend contact avec l’association «Empathize»

pour donner corps à un incroyable pro jet. Elle envisage en effet d’établir un nouveau record de longueur en triath lon en sillonnant une route bien connue des trafiquants d’êtres humains reliant Cancun au Mexique à Washington aux Etats-Unis. Cela fait 6000 kilomètres qu’elle divise ainsi: 4719 kilomètres à vélo, 1183 kilomètres à pied et 152 kilomètres à la nage. Un an plus tard, elle accomplissait effectivement ce for midable voyage en 64 jours seulement au cours desquels elle mettait systéma tiquement à profit l’attention qu’on lui portait pour éveiller sur le sort de ceux et celles qui, de façon beaucoup moins vi sible, empruntent ces mêmes routes dans le cadre du trafic humain. A ceux qui l’interrogeaient sur sa propre souffrance pendant cette traversée, elle répondait: «ce n’est pas de la souffrance. La souf france est quelque chose auquel il est im possible d’échapper. Elle demeure à vos côtés, quoi que vous fassiez. Comme les violences sexuelles. Ici, je suis confrontée à des douleurs. Ce n’est pas la même chose. Ces douleurs sont parfois néces saires pour atteindre l’excellence. Et puis surtout, j’en garde le contrôle.»

Avec 6000 kilomètres, le triathlon de Norma Bastidas faisait plus du double de la distance du précédent record détenu par l’Australien David Holleran depuis 1988 (2500 kilomètres).

(*) Son record a fait l’objet d’un documentaire, Be Relentless de Bradley Riley disponible sur www.berelentlessmovie.com

D’UNE VIE QUI, IL FAUT BIEN LE DIRE, ÉTAIT PLUTÔT AVARE D’ÉPISODES JOYEUX, DU MOINS DANS SA PREMIÈRE PARTIE. TOUT A CHANGÉ GRÂCE À LA COURSE À PIED.
66 ZATOPEK_64 MENSONGES ET VÉRITÉS
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