Zen Road 01 Aperçu français

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n° 1 • 2014 • version française • 8,00 € / 10 CHF

zen road magazine

Textes et entretiens sur le zen d ’aujourd ’hui :

avec Philippe Coupey, moine zen - Yoko Orimo, spécialiste du Shôbôgenzô Guido Keller, éditeur bouddhique - François Loiseau, moine zen et Lee Lozowick, maître Bâul


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L’

Introduction

expérience pousse à l’expression» me disait un ami et moine zen alors que nous évoquions la quantité phénoménale de livres zen. Alors pourquoi créer un nouveau magazine ? Pour donner de l’espace à nos pensées sur le zen et pour en proposer une lecture plus accessible – en contraste avec l’enseignement traditionnel, qui requiert une lecture lente, dont la beauté et la profondeur laissent de nombreuses empreintes.

Photo de couverture : Juliette Heymann; tout droit réservé

Nous avons envisagé ces empreintes dans un contexte contemporain. Vous les trouverez à travers différents thèmes, qui nous intéressent car ils concernent l’évolution du zen en occident. Une évolution qui, d’ailleurs, n’est jamais acquise mais que nous considérons plutôt comme une création permanente, afin de conserver l’authenticité et la possibilité de pratiquer dans le quotidien. Je vous souhaite une bonne lecture avec les textes polémiques, les interviews et les textes de fiction qui composent ce premier numéro. Jonas Endres, Paris, mars 2014

Zen Road magazine n° 1 mars 2014 • Parution annuelle Zen Road Magazine est un projet de la Sangha Sans demeure, disciples et amis du moine zen Rei Ryu Philippe Coupey qui pratiquent dans la lignée de Maître Taisen Deshimaru. Ce magazine vise un élargissement des réflexions publiées sur notre site web www.zen-road.org. Elargissement également au sens où la plupart des personnes conviées à s’exprimer dans ce magazine ne sont pas membres de notre sangha. Cela est délibéré, et à l’avenir nous souhaitons élargir davantage ce cercle, pour mieux communiquer la vision qui porte le zen. N’hésitez donc pas à nous contacter, nous sommes intéressés. Zen Road / Jonas Endres • Dojo Zen de Paris • 175 rue de Tolbiac • 75013 Paris • jonas.endres @ yahoo.fr 3


Sommaire S o m m a i r e

p. 5 - 12

Poèmes, pensées Trois poèmes et une pensée. Du Moyen Age japonais à l’Occident contemporain.

p.13 - 30

Maître Dôgen et les femmes Un commentaire de Yoko Orimo, spécialiste de Dôgen et traductrice du Shôbôgenzô, sur la deuxième partie du Raihai-tokuzui, le chapitre le moins connu du Shôbôgenzô. Dans la première partie de ce chapitre, maître Dôgen s’élève contre les hiérarchies et grades spirituels ; la deuxième partie, qui est traitée ici, met l’accent sur l’absurdité de l’inégalité entre hommes et femmes.

p.31 - 38

La sexualité dans le bouddhisme Deux textes du moine zen Philippe Rei Ryu Coupey sur la mauvaise sexualité selon les kai, préceptes, sur l‘homosexualité et les malentendus entre les bouddhistes et les gays.

p. 39 - 50 Le

malotru du zen

Entretien avec Guido Keller, éditeur et bloggeur. Avec un certain sens de la provocation, il convoque et oppose différents courants du Bouddhisme tout en devisant sur le végétarisme, les maîtres zen contemporains, la littérature et l’imposture....

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p. 51-64

Trouble in Paradise Interview avec François Loiseau, moine zen et responsable du dojo de Fréjus, sur la côte d’Azur, qui témoigne des vicissitudes à maintenir un dojo dans une région où le matérialisme s’érige en art de vivre. Comment transmettre le dharma à une époque où le zen est devenu synonyme de bienêtre et de relaxation?

p. 65-78

Une question d’esprit Un entretien avec le moine Philippe Rei Ryu Coupey, sur le zen et la direction qu’il prend aujourd’hui.

p. 79-84 Zen

trash

Zen trash Zen trash

Quatre nouvelles de Lee Lozowick, maître bâul, extraites du recueil du même nom Zen Trash. Bigarrées, cocasses, pleines de digressions ou de détails superflus, elles surprennent par la vivacité et l’esprit de leur auteur qui revisite dans ces histoires brèves la grande tradition de la fable et des contes.

p. 85

Mentions légales et contact

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Les vagues meurent sur le rivage. Le vent léger retient son souffle. La barque abandonnée dérive doucement. Dans le silence de la nuit, La lune, au firmament profond, Répand sa paisible clarté. Maître Dôgen (1200 - 1253) , poème de San Sho doei

Photo prise par Juliette Heymann à Saint-Malo

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Bien sûr, notre civilisation a besoin de grandes œuvres Mais qu’est-ce qui est le plus important ? De grandes œuvres ou de grands hommes ? On pourrait dire que le monde a besoin de grands hommes et de grandes femmes, sans grandes œuvres.

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Photo par Agnès Villette

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Yoko Orimo est diplômée de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, spécialiste du Shôbôgenzô. Elle a publié notamment Une galette en tableau de riz (Gabyo) et Le Shôbôgenzô de Maître Dôgen. Elle travaille depuis de nombreuses années à la traduction intégrale de cette œuvre dont les six premiers volumes ont été publiés depuis 2005 aux éditions Sully.

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Maître Dôgen et les femmes par Yoko Orimo

Un commentaire sur la deuxième partie du Raihai-tokuzui, chapitre peu connu du Shôbôgenzô de maître Dôgen. Dans la première partie de ce chapitre, maître Dôgen s’élève contre les hiérarchies et grades spirituels ; la deuxième partie, qui est traitée ici, met l’accent sur l’absurdité de l’inégalité entre hommes et femmes.

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Maître Dôgen et les femmes. par Yoko Orimo

Les femmes dans la vie de maître Dôgen. Sans doute connaissez-vous un peu la vie de maître Dôgen (1200-1253). Il reçoit la tonsure au mont Hiei à l’âge de 13 ans, et à partir de ce moment-là il mène une vie de moine dans la pureté et dans la chasteté totale, avec la stricte observance de tous les préceptes bouddhiques, tant au niveau des préceptes du Petit Véhicule que des préceptes du Grand Véhicule. Nul doute que maître Dôgen n’a pas connu la femme au sens physique du terme. En ce qui concerne sa vie personnelle on ne peut relever que deux points au sujet de la femme : – s’il est devenu moine, c’est grâce à sa mère qui s’appelait Ishi. Maître Dôgen est devenu orphelin très tôt : il perd son père à l’âge de 2 ans puis il perd sa mère à l’âge de 7 ans. Et c’est au chevet de sa maman mourante que le petit Dôgen se rend compte de l’impermanence de ce monde et qu’il décide de consacrer sa vie toute entière à la Voie de l’Éveillé (du Bouddha) pour le salut de tous les êtres vivants. – les historiens sont d’accord pour affirmer que maître Dôgen avait des disciples féminines : il y avait des nonnes qui suivaient son enseignement. Dôgen critique la recherche de profits personnels, mais pas la séduction féminine. À part ces deux points on connaît très peu de choses, d’autant que le maître japonais reste extrêmement laconique sur ce sujet de la femme, et cela en deux sens. En effet s’il parle très peu de la femme il ne parle pas non plus, en guise d’avertissement donné à ses disciples masculins, du danger exercé par la séduction féminine ou bien par la tentation de la chair. Par contre, ce qu’on constate très fréquemment dans la totalité de ses écrits et surtout dans le Shôbôgenzô, c’est une mise en garde récurrente et pressante contre l’amour de la renommée, c’est-à-dire des honneurs et des profits personnels. Maître Dôgen se montre extrêmement sévère à l’égard des grands moines, surtout de ceux qui cherchent la notoriété, la célébrité auprès de personnalités puissantes, de ceux qui sont à la poursuite de profits personnels. Une seule fois, très discrètement en deux lignes, Dôgen fait mention de ce qu’on appelle en Occident chrétien « le péché de la chair ». C’est dans 16 Zen Road magazine - n° 1 - 2014


le texte intitulé Gyôji 行持 , que je traduis par « la pratique maintenue », car gyô 行 signifie la pratique et ji 持 veut dire maintenir (il y a la main dans l’idéogramme), d’où le sens de « maintenir ensemble la pratique ». Voici les deux lignes en question, extrêmement brèves et allusives : « L’amour de la renommée est pire que la transgression des préceptes – avec le sous-entendu que la transgression des préceptes désigne de manière assez précise ce qu’on appelle le péché de la chair – ; celle-ci n’est qu’une faute d’un moment alors que l’amour de la renommée est un tracas (un obstacle) de toute la vie1. » En effet le péché de chair, ou transgression des préceptes, n’est, aux yeux de maître Dôgen, qu’une faiblesse humaine passagère, à laquelle il arrive de succomber momentanément : à la suite de quoi on se repent et on est purifié, pour se relever et repartir. En outre, nul ne peut prétendre avoir transgressé les préceptes au nom du Bouddha, au nom de la Loi, au nom de la Voie, alors que pour la recherche de la renommée, c’est possible, puisqu’il y a des maîtres qui disent : « C’est pour mon temple, c’est pour ma sangha : si ma notoriété augmente ça fait beaucoup de bien pour tout le monde. » Voilà pourquoi, aux yeux de maître Dôgen, la recherche de la renommée et de l’honneur est extrêmement dangereuse. On va le voir avec les extraits qu’on va lire : pour Dôgen les préceptes existent non pas pour ligoter les pratiquants, mais pour les aider à avancer dans le chemin. Donc il ne faut jamais avoir peur devant les préceptes : « Non, non je ne pourrais jamais observer cela, donc je m’arrête. » Bien au contraire ce qui compte c’est ici et maintenant, et si jamais il y a une faiblesse, après, on la regrette et on est purifié, et puis on repart. La différence de Dôgen par rapport aux autres maîtres de son époque. Revenons maintenant à notre sujet principal : « Maître Dôgen et la femme ». La question qui nous habite, c’est : « Comment ce grand maître du XIIIe siècle du Japon percevait-il la femme, que recommandait-il à ses disciples masculins à ce sujet ? » Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, encore quelques mots : maître Dôgen est un moine qui n’a jamais triché. Vraiment il a mené une vie de moine dans la pureté totale, alors que ce n’était pas le cas de tous les moines à cette époque du XIIIe siècle, au Japon. Je cite un seul nom, celui de Shinran, qui est le maître fondateur de la Véritable École de la Terre Pure japonaise (JôdoShinshû). Il était moine, mais il s’est marié avec une de ses nonnes, c’est déjà une chose ; mais les historiens spécialistes disent qu’avant même ce mariage officiel, il menait une sorte de concubinage, et que, même après ce mariage officiel, en même temps ou consécutivement (les hypothèses diffèrent) il avait 1 Extrait de Gyôji, tome 6 de l'édition intégrale du Shôbôgenzô par Yoko Orimo, ce texte est classé 16e de l'Ancienne édition.

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Les grandes lignes de la première partie de Raihai-tokuzui. Un mot encore sur les grandes lignes de la première partie. Le fond du discours est le même que celui de la deuxième partie mais j’aimerais quand même vous présenter cette première partie avant de lire avec vous 12 paragraphes de la deuxième partie. Dans la première partie maître Dôgen souligne d’emblée, quand on s’engage dans la pratique de la Voie, l’importance mais aussi la difficulté de rencontrer un vrai maître guide. Et il souligne que ni l’apparence physique ni le genre ne doivent être le critère pour le choix de ce vrai maître. Lisons les premières lignes de la première partie : « Au moment favorable où l’on pratique l’Éveil parfait et complet sans supérieur, le plus difficile est d’obtenir un maître guide. Celui-ci ne repose pas sur l’aspect, que ce soit d’homme ou de femme, mais il doit être une personne sûre, digne de confiance : il doit être une personne telle quelle ». L’épithète « telle quelle » est le qualificatif le plus important : c’est la personne de vérité à qui on peut vraiment faire confiance.

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Ensuite, toujours dans la partie introductive, le maître de zen qu’est Dôgen souligne que ce qui compte pour la pratique de la Voie c’est la loyauté parfaite et sans partage, le cœur de la foi c’est-à-dire le cœur croyant. Je lis quelques lignes. « Obtenir la moelle et obtenir la Loi dépend sûrement et nécessairement d’une loyauté parfaite et d’un cœur croyant. Point de trace qui montre que la loyauté et la foi proviennent d’ailleurs. Elles n’ont pas non plus le moyen de surgir de l’intérieur. – ça ne vient donc ni de l’intérieur ni d’ailleurs –. Il s’agit tout simplement et justement de faire grand cas de la Loi, – c’est-à-dire donner une importance maximale au dharma – faisant peu de cas de soi-même» . Ceux qui connaissent un peu le fascicule Genjôkôan du Shôbôgenzô doivent se rappeler le célèbre passage où maître Dôgen dit : « L’étude de la Voie consiste à s’oublier soi-même. » C’est toujours dans l’oubli de soi, en donnant toute l’importance au dharma (à la Loi) qu’on obtient la Voie. Après ces quelques lignes introductives, Dôgen critique très sévèrement les moines masculins vétérans, surtout ceux qui s’élèvent dans l’échelle institutionnelle : ils sont orgueilleux, ne saluent surtout pas les laïcs qu’ils soient femmes ou hommes, ne saluent pas non plus les nonnes parce que ce sont des femmes.

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Ensuite maître Dôgen cite le célèbre mot de Jôshû Jûshin, un moine chinois du VIIIe - IXe siècle sous la dynastie des Tang, ce célèbre mot : « Même si c’est un enfant de sept ans – parfois cette citation est donnée avec « une fillette de sept ans » mais ici Dôgen écrit « un enfant de sept ans » – s’il m’est supérieur, je dois lui demander l’enseignement. Même si c’est un vieillard de cent ans, s’il m’est inférieur, je dois lui donner l’enseignement. » Et donc ni la différence homme et femme, ni l’aspect physique ni l’âge non plus ne comptent pour le choix du maître. Suivent deux séquences assez longues consacrées à l’histoire de deux nonnes3 absolument éminentes, remarquables, dont la compréhension du dharma surpasse largement celle des moines masculins : Dôgen prodigue ses éloges à l’égard de ces deux nonnes. Et pour conclure Dôgen dit : « Pourquoi l’homme pourrait-il être estimable (plus que la femme) ? Ceux qui ont obtenu la Voie ont tous obtenus la Voie. Seulement, dans tous les cas, c’est la Loi obtenue qui est à respecter et à estimer. Ne discutez pas (de la différence entre) les hommes et les femmes. Telle est la norme la plus sublime de la Voie de l’Éveillé. »

3 Il s’agit de Massan et de Myôshin, deux nonnes chinoises dont la seconde était disciple de Kyôsan (Ejaku, 807-883).

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donc : est-ce qu’il faut rejeter les femmes ? Dôgen critique –. Celui qui les rejette n’est pas un être d’Éveil (un bodhisattva). Comment cela pourrait-il être appelé la compassion de l’Éveillé ? Ce n’est que le langage d’un fou pénétré profondément du vin des auditeurs – c’est-à-dire les doctrines du petit véhicule –. Que ni les humains ni les divinités ne le tiennent pour vérité. » Paragraphe 10. « Par ailleurs, si vous repoussez la personne qui a violé le précepte dans le passé, il faudrait également repousser tous les êtres d’Éveil (les bodhisattvas). – Donc ce qui est dit de manière nuancée, c’est que, aux yeux de Dôgen, tout ce qui a été commis comme transgression de préceptes dans le passé, du moment que la personne s’est repentie, n’a plus aucune importance. – Si vous repoussez la personne qui risque de violer le précepte plus tard, il faudrait également repousser tous les êtres d’Éveil qui déploient le cœur de l’Éveil pour la première fois. – C’est-à-dire que par peur du futur à cause des préceptes, personne ne saurait s’engager dans la Voie, or ce qui est important c’est le présent, et dans ce présent on s’engage en sachant que si jamais on succombe on fera le rituel de repentance, et après on repartira. – Si vous les repoussiez ainsi, vous finiriez par les rejeter tous. En vertu de quoi alors la loi de l’Éveillé pourrait-elle se réaliser comme présence ? C’est une parole folle prononcée par un idiot qui ignore la Loi de l’Éveillé. Il faut s’en lamenter. » Là implicitement on voit vraiment la grande générosité et aussi l’indulgence du cœur de maître Dôgen au niveau des préceptes. Paragraphe 11. « Si tout était conforme à votre vœu – il s’agit du vœu du moine stupide qui a fait le vœu de ne jamais voir de femme de toute la vie présente et même de la vie future – Shâkyamuni ainsi que la multitude des êtres d’Éveil de son temps, auraient-ils alors tous violé le précepte ? – En effet ils étaient auprès des femmes. – De même, le cœur de l’Éveil qu’ils ont déployé serait-il moins profond que le vôtre ? Observez cela à tête reposée. Le patriarche (Kaçyapa) qui transmit les corbeilles de la loi – c’est-à-dire toutes les écritures bouddhiques – ainsi que les êtres d’Éveil contemporains de l’Éveillé (Shâkyamuni) n’auraient-ils pu étudier la Loi de l’Éveillé parce qu’ils ne formulèrent pas ce vœu ? – Ils étaient auprès de femmes. – Étudiez-le. Si tout était conforme à votre vœu, faudrait-il non seulement ne pas sauver les femmes, mais aussi ne pas venir écouter les femmes qui, ayant obtenu la Loi, prêchent la Loi au profit des humains et des divinités ? Si vous ne venez pas l’écouter, vous n’êtes pas un être d’Éveil, mais une personne hors de la Voie. » Tout à l’heure quelqu’un me posait la question : « Est-ce une pure réflexion philosophique, idéaliste, ou bien est-ce fondé sur des circonstances historiques ? » Maître Dôgen cite des cas concrets qui se sont passés en Chine. Je vais lire juste deux petits extraits de la première partie. « S’il en est ainsi, aujourd’hui encore, quand le poste d’abbé ou celui d’abbé-adjoint est vacant, il faut faire appel à une nonne ayant 26 Zen Road magazine - n° 1 - 2014


obtenu la Loi. Même un moine âgé et de longue expérience, s’il n’a pas obtenu la Loi, à quoi serait-il bon ?5 » « S’il y a dans un monastère sous la grande dynastie actuelle des Song, une nonne en formation au sujet de laquelle on déclare qu’elle a obtenu la Loi, celle-ci reçoit d’un bureau d’État la nomination officielle au poste d’abbesse d’un temple de nonnes. Elle monte alors à la chaire dudit temple, et l’abbé et l’assemblée des moines (du séminaire) viennent écouter sa prédication de la Loi, se tenant debout sur le sol (par respect).. Ceux qui lui posent des questions sont également des moines (masculins).6 »

Paragraphe 12. « Maintenant, quand je vois le grand pays des Song, il y a des moines qui, semblables en apparence au vétéran ayant longtemps pratiqué la Voie, comptent en vain le nombre des grains de sable de la mer – c’est une manière de dire métaphoriquement qu’ils font des choses inutiles – et naviguent sur l’océan des naissances et des morts. Il y a des femmes qui ont cherché des amis de bien (des maîtres), pratiqué la Voie avec ingéniosité et qui sont devenues des maîtres guides pour les humains et les divinités. Il y a aussi une vieille marchande qui a jeté des galettes sans vouloir les vendre. – Vous connaissez sans doute cette histoire. Donc là il y a déjà un petit éloge à l’égard de la vieille marchande de galettes de riz qui a convaincu par son intelligence. Elle a surpassé l’intelligence de Tokusan, qui est le grand moine spécialiste du sûtra du Diamant : il a perdu tout son éclat devant cette marchande de galettes de riz ! – Qu’ils sont lamentables, les moines qui, tout en étant hommes, comptent en vain le nombre des grains de sable de la mer des doctrines sans voir la Loi de l’Éveillé, même en rêve. » Dôgen est très sévère à l’égard des messieurs !

5

Ce texte se trouve p. 160 du tome 5.

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Ce texte se trouve p. 161 du tome 5.

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La sexualité dans le bouddhisme Deux textes du moine zen Philippe Rei Ryu Coupey Dans le contexte de ses commentaires sur les kai – préceptes que reçoit celui qui se fait ordonner bodhisattva ou moine - , Philippe Coupey a parlé de la sexualité, son influence sur la société et sa perception dans le bouddhisme. Dans ces textes, il s’oppose à la fois à une sexualité de consommation – chercher le bonheur en ayant beaucoup de relations sexuelles avec de nombreux partenaires - mais aussi à la position bouddhique vis-à-vis de l’homosexualité – sans oublier d’aborder les attentes, souvent erronées, de la communauté gay envers le bouddhisme. 32 Zen Road magazine - n° 1 - 2014


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Ce chien est un ami de Guido Keller, on le rencontrera plus tard dans l’interview.

u r t o l a m e L du

zen

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Un entretien avec Guido Keller, éditeur allemand ayant une faiblesse pour la lignée de Kodo Sawaki et pour les sûtras bouddhiques anciens, dont il a publié un grand nombre dans sa maison d’édition bouddhique «Angkor Verlag», importante en Allemagne. Actif sur le net, il ne cesse de publier sur son blog des textes épicés, qu’il sous-titre «Commentaires d’un malotru zen sur le bouddhisme et la vie en ce monde». Certains pourront estimer son style présomptueux, venant de quelqu’un qui, lui-même n’est pas pratiquant zen, tant il vrai qu’il peut lui arriver de prendre les choses de haut. Mais qui est-il vraiment? Ni intellectuel ni érudit, il connaît cependant particulièrement bien le bouddhisme et le zen. Il n’est issu d’aucune organisation, ayant toujours souhaité rester indépendant . Il ne cherche pas d’alliés, il reste seul. Peut-être est-il un des futurs porte-paroles du bouddhisme? Le blog de Guido Keller en anglais : dooyen.wordpress.com En allemand : angkor-verlag.blogspot.com • der-asso-blog.blogspot.com 41


d’un temple, les structures cléricales.... Tu reproches une certaine dilution à certains maîtres qui ont été mis en cause dans divers scandales et affaires. Quelle est ta critique du bouddhisme engagé pour des personnes comme Glassmann et Thich Nhat Hanh ? Et pourquoi Genpo Merzel ne figure-t-il pas dans la liste concernant la dilution ? Avec sa méthode Big mind®, il assure pouvoir déclencher un éveil bouddhique pour ses clients en quelques heures. Des moines qui font des « erreurs », cela doit être jugé par le Vinaya. Si les moines sont ordonnés dans une tradition respectable. Thich Nhat Hanh, par exemple l’est, mais personne ne tente de réunir les vingt moines les plus âgés ensemble pour un « Vinaya Kamma » - comme il est requis par le Pali Canon – pour le punir de sa copropriété de l’institut de Waldbroel qui est une violation de la loi monastique. Je souligne juste cela car eux-mêmes insistent sur les règles bouddhistes, formulées il y a des milliers d’années dans le Pali Canon ou renouvelées modérément (mais encore de rigueur) comme c’est le cas pour TNH. Ils se tirent une balle dans le pied ici, comme lorsqu’ils produisent de fausses autorisations écrites. Je ne crois pas que cellesci soient importantes, mais eux oui, comme ceux qui les suivent. Autant de pièges ridicules dans lesquels ils se font attraper. Comme « charlatans », je critique principalement ceux qui montent tout un show (du zazen dans des camps de concentration par exemple) et qui ne peuvent abandonner leurs possessions (l’argent, les voitures, les maisons, les femmes...) Bien sûr, un type comme Genpo Merzel pourrait être inclus dans la catégorie dilution. Ce ne sont que des mots pour faire réfléchir à deux fois ceux qui cherchent une tradition bouddhiste ou un lieu où méditer. Quelqu’un qui entre un nom sur google et qui trouve mon blog est ainsi prévenu. « L’absence de légitimité » signifie ne pas être un auteur. Il est parfois dit qu’un disciple doit dépasser son 46 Zen Road magazine - n° 1 - 2014


maître pour lui succéder. La question est de savoir ce que « dépasser » signifie. Le premier maître – et il est indifférent de savoir s’il n’a existé que comme métaphore et non comme figure historique – est le Bouddha. Ce qu’il représente dans la tradition zen est un esprit éveillé qui est capable d’abandonner toutes choses. Les charlatans n’abandonnent rien, ils accumulent, thésaurisent, se développent, ils suivent globalement le principe des affaires et du marketing, comme les directeurs et les entrepreneurs. Ce n’est pas mauvais en soi, mais si vous les testez afin de vérifier s’ils sont capables de tout lâcher, qu’est-ce que vous allez découvrir ? Bien sûr, de la même manière, beaucoup de vieux maîtres ont pu être des charlatans aussi, c’est juste que l’on sait peu de choses à leur sujet. Mais si vous extrayez le meilleur de Glassman ou de Thich dans une centaine d’années, vous n’obtiendriez pas grand-chose comparé à la pensée de Takuan ou Ikkyû. Le zen de ces enseignants que j’attaque est dilué par leur cupidité. Dans certains cas, c’est juste de la cupidité pour avoir plus de personnes qui vous suivent et être vénéré. Dans le cas de TNH, sa mégalomanie est évidente lorsqu’il essaie de conseiller les présidents américains avec des lettres naïves.

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Trouble in Paradise

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Trouble in Paradise

François Loiseau

Une interview avec François Loiseau, moine zen et responsable au dojo de Fréjus sur la Côte d’Azur.

Au cœur d ’une région où dominent l ’individualisme et le matérialisme, François Loiseau dresse un portrait lucide de son époque tout en narrant les diff icultés rencontrées dans le quotidien de la vie du dojo de Fréjus.

L’interview est illustrée par les photos de Christoph Martin Schmid, artiste photographe. Elles ont été publiées chez l’éditeur Seltmann + Söhne dans le livre «Trouble in Paradise». Voir aussi son site internet www.christoph-martin-schmid.com 54 Zen Road magazine - n° 1 - 2014


ZR : Qu'est-ce qui te donne la légitimité d'être responsable d'un dojo zen ? François Loiseau : D'abord mon ordination de moine, j'ai d'ailleurs préparé un document [il montre un document officiel estampillé]... c'est mon enregistrement à la Sotoshu Shumucho1 ! Certains moines et nonnes ont été enregistrés par Maître Deshimaru. C'est déjà une chose, je suis un moine de la Sotoshu. La seconde chose, j'ai l'agrément d'un godo2 de l'AZI et de la Sotoshu : Roland Rech. C'est donc là qu'est la légitimité. ça c'est le plan officiel. C'est aussi lié au fait que l'on fait des sesshins3, c'est-à-dire que l'on rencontre régulièrement la sangha et que l'on ne reste pas enfermé chez soi, dans son petit dojo, à devenir un petit gourou de province. On est supervisé dans sa pratique par un godo ou par des godos et aussi par la sangha, qui est le miroir de notre pratique. C'est dans ce sens que j'entends la légitimité. Organiser un dojo t’as-t-il pris beaucoup de temps ? C'est beaucoup de travail car il faut trouver un lieu, là où je me trouve, c'est une région très chère pour l'immobilier, c'est compliqué de trouver un lieu. Il faut s'organiser, créer une association, organiser la pratique, il faut faire de la « publicité », montrer que l'on existe. Faire des conférences et après assurer la régularité des séances de zazen. Au plus fort du plus fort, le dojo de Fréjus avait 4 séances hebdomadaires. Il faut constituer une équipe pour partager le travail, pour que les gens qui viennent au dojo trouvent la porte ouverte. Il faut étudier le dharma. Les godos actuels ont beaucoup étudié. Et surtout faire beaucoup de sesshins. Est-ce que tu gagnes de l'argent avec le dojo ? Je perds beaucoup d'argent ! Le dojo me coûte cher. Je ne prends rien. Je n'ai rien pris pendant des années, donc l'essence pour la voiture, c'est moi qui paye. Les sesshins, c'est moi. Quand le dojo a commencé à être un peu plus à l’aise financièrement, je prenais 15 € par mois mais maintenant que la pratique est descendue, car il y a moins de monde, je prends 5 € par mois. ça ne me paie même pas un paquet de cigarettes. Je peux le faire car j'ai travaillé toute ma vie, je suis en retraite, je n'ai pas besoin de beaucoup d'argent. Toutefois, je comprends que certains responsables ont besoin que le dojo participe à leurs frais. Mais on ne gagne pas. C'est bénévole. 1 Sotoshu Shumucho : Le bureau administratif du zen soto au Japon et ailleurs dont beaucoup de sanghas – mais pas toutes – suivent le règlement. 2 Godo : Parmi les disciples de maître Deshimaru, ce terme est utilisé pour désigner l’enseignant de zazen. 3 Sesshin : Lit. « toucher l’esprit ». Période de plusieurs jours consacrée à la pratique intensive de zazen.

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Une question d’esprit Un entretien avec Philippe Coupey, moine zen

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Photo: zazen dirigé par Philippe Coupey (assis à l’avant à droite) pendant une sesshin dans la région du Mans en 2008. La méditation se passe dans l’internat d’une école d’agriculture que nous avons louée pendant les vacances scolaires.

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u cours d’une retraite (Sesshin Sans demeure à Gorenzen, Allemagne) Philippe Rei Ryu Coupey répondait à des questions sur la pratique posées par trois disciples : Gernot Knödler, journaliste à l’édition de Hambourg du journal Taz-Die Tageszeitung, spécialiste de l’urbanisme et des questions d’environnement ; Uli Schnabel, journaliste à Die Zeit, spécialiste des sciences physiques, de la recherche sur le cerveau et de la philosophie des sciences, qui était aussi le tenzo (cuisinier) pendant la sesshin ; Bertrand Schütz, traducteur, crosscultural trainer et professeur de langue et de littérature. 67


Moine en zazen Au fond, l’absence d’esthétisme (Sesshin Sans demeure, Le Mans, 02/2008)

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Quel est le sujet du zen? B.S. : Beaucoup d’images et de concepts sur le zen sont sont aujourd’hui devenues familières pour un large public — ce n’est plus quelque chose d’inconnu. Nous voyons le zen en rapport avec l’esthétique et le design1 ; un parfum est sorti avec le nom « Zen » ; des produits bien connus sont vendus avec l’image d’un moine zen avec crâne rasé et rakusu. Alors, quel est le sujet du zen ? Ph.C. : Eh bien, il n’y a rien à ce sujet ! Le zen est une pratique. La pratique est absolument essentielle pour tous en ce monde. Pas seulement pour nous, mais pour tous. Si nous pratiquons, tout ce que nous faisons est le zen. Mais nous devons pratiquer avec un esprit au-delà de notre petit soi, en nous débarrassant de nos attitudes égocentriques. C’est universel. C’est le zen. B.S. : Universel pour qui ? Pour tout le monde, ou seulement pour les gens religieux ? Ph.C. : Tout le monde ! « Religieux » ne veut rien dire. C’est pour tout le monde. Tout le monde est religieux, tout le monde a un esprit spirituel. G.K. : Mais tout le monde ne croit pas en Dieu... B.S. : Est-ce que les bouddhistes croient en Dieu ? Ph.C. : Dieu n’a rien à voir avec ça. Dieu n’est pas ici ou là. Dieu, le diable... ne sont que des concepts humains. Nous ne fabriquons rien. Dieu est fabriqué. Dans cette pratique, nous ne fabriquons ni ne construisons rien. Dieu est nous.

De nombreuses expressions de l’enseignement zen 1 sont aujourd’hui également utilisées par les psychologues, les philosophes et même les politiciens, qui inévitablement diluent et détournent son sens originel. Ainsi Christian Lindner, président fédéral du FDP (Parti libéral démocrate allemand), a déclaré dans son discours de réception en décembre 2013: « Si on demande à un libéral ce qui est important pour lui, il va répondre : ‘L’essentiel, c’est toi, c’est ton droit d’être heureux dans l’ici et maintenant.’ » (N.D.L.R.)

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Lee Lozowick

Zen ttr Zen par Lee Lozowick

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Lee Lozowick, décédé en 2010, était un maître bâul, pratique indienne qui associe des éléments du soufisme, de l’hindouisme et du bouddhisme; il a dirigé durant trente-cinq ans la Hohm Sahaj Mandir Community (ou tout simplement la Hohm Community), une communauté de disciples répartie dans et hors des ashrams qu’il a créés aux Etats-Unis, en Inde, en Allemagne et en France. Entouré d’un big band de musiciens il a chanté le blues et le rock en concert et dans les grands festivals, en Europe, aux Etats-Unis, au Canada. Il définissait sa musique comme l’authentique musique bâul occidentale, de même qu’il désignait son enseignement comme celui de la voie bâul occidentale.

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L’enseignement de Lee Lozowick n’est pas une entité indépendante, il est issu d’une tradition et d’une lignée. De même manière que le sont les histoires zen, l’intention des histoires racontées ici n’est pas de livrer un reflet du passé, mais de produire un effet sur le lecteur. Ces histoires sont bigarrées de digressions, de chutes singulières, de détails ajoutés, non pas parce que Lee pensait qu’il serait astucieux et réjouissant d’y glisser ses propres inventions, ni pour faire preuve d’insolence. Mais comme le font le maître soufi, le maître zen, les histoires sont présentées de manière à décevoir l’attente d’une compréhension intellectuelle, en mêlant les pistes de diverses interprétations.

Elles sont extraites du recueil “Zen Trash”. Le mot “trash” peut se traduire par “déchet”, et aussi par “sottise”. Comme l’enseignent la plupart des traditions, c’est souvent dans les diatribes des idiots qu’on peut trouver la plus grande sagesse. Bien que dans la forme ces histoires relèvent du “rebut”, dans le fond elles recèlent la possibilité d’un aperçu sur la réalité.

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La princesse très dégoûtante Il était une fois, un prince qui chevauchait à travers la jungle et qui s'arrêta devant la hutte d'un coupeur de bois. La fille du coupeur de bois qu'il aperçoit est la plus jolie femme qui lui ait été donné à voir. Selon l'histoire il était un très gentil prince, mais pas un prince très réaliste. La plupart des princes aurait juste violé la jeune femme, tué le père, mangé ce qui restait dans la cuisine et se serait taillé. Mais ce prince-ci demanda la main de la jeune femme au père. Très poli. Alors le père, de manière toute aussi irréaliste, demanda à sa fille - au lieu de juste se dire, "Un prince?! pour ma fille??!! ah ouais, super fini la pauvreté", non, le père alla demander son avis à sa fille. "Le prince veut t'épouser. S'il te plaît, je t'en prie, je t'en supplie, accepte!" Mais sa fille répondit, " Dis lui de revenir dans trois jours et je lui donnerai alors une réponse." - Alors le prince s'en va en se disant, génial, je reviens dans trois jours. Entre-temps, la jeune femme se procure de puissants vomitifs et en prend, en prend, en prend. Et tout ce qui sort de son corps - elle dégueule, elle a une chiasse terrible - tout ce qui sort de son corps, elle le garde dans des jarres en terre. Au bout de trois jours, le prince est de retour. "Puis-je avoir la réponse de votre fille?" demande-t-il Le père répond, "Elle est dans l'autre pièce." Le prince se rend dans l'autre pièce, elle est là, affreuse, tout droit sortie de l'enfer: ses cheveux sont en pétard, ses yeux sont cernés, elle est dégueulasse et elle pue. Vous pouvez imaginer sa tête après ces trois jours. Elle est la chose la plus moche qu'il ait jamais vue. "Aaargh", gémit le prince, "mais que t'est-il arrivé?" La jeune femme fait un geste vers les jarres de terre. "C'est de ça que tu es tombé amoureux. Regarde dans les jarres." Le prince comprend alors que cette femme n'est pas ordinaire. Oh non, cette femme a compris de grandes et profondes vérités spirituelles. Alors, il s'incline devant elle et demande à devenir son disciple. C'est ce que dit l'histoire. En vrai, le prince aurait dû dire: "Mais, merde, t'es complètement tarée non? Je suis un putain de prince, t'aurais pu m'épouser! T’es débile ou quoi ??" Et il se serait barré. Mais dans cette histoire, le prince a compris que la femme était une femme d'une grande sagesse. Donc en fait, c'est plutôt une histoire qui parle des femmes en général ... par contre, elle colle pas pour la plupart des hommes.

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L’ a p p e l d e P i e r re Lorsque nous nous abandonnons au maître en nous soumettant à lui, si le maître reconnaît en nous l’intégrité et que notre don est digne de confiance, alors le maître fait un geste. Il nous prend. Il nous offre une façon de le servir. Vous connaissez l’histoire de Pierre et de Jésus? Pierre était un pêcheur. Un jour, Jésus marchait sur les berges et Pierre était là à réparer ses filets, à faire ses trucs de pêcheur. Et vous connaissez l’histoire, Jésus s’approche de Pierre, tout auréolé de sa gloire et Pierre n’a jamais rien vu de tel, bien qu’évidemment existait le paradigme éternel des juifs, “Le Messie viendra”. Il n’y avait pas de chrétienté à l’époque, on était juif ou païen, point barre. Donc, Jésus s’amène et se tient là. Pierre lève le nez de ses filets et se dit, “Waouh, et si c’était le messie?’ - Jésus opine, “T’as tout compris Pierre.” Et Pierre se dit, “Génial” et lui répond, “Vous voulez entrer chez moi? Je peux vous offrir un verre d’eau ou quelque chose?” Mais Jésus lui répond, “Non, suis moi”. Pierre répond alors, “Ah oui, bien sûr, j’aimerais tellement. Où puis-je vous retrouver?” Jésus dit, “Non, non. Suis moi maintenant, à cette minute, dans l’instant!” Bon, en fait, Jésus avait bon coeur, alors il dit à Pierre, “Tu peux aller dire au revoir à ta mère et me rejoindre juste après”. Parce que vous savez comment sont les mère juives: Pierre se serait fait massacrer s’il n’avait pas dit adieu à sa mère. Donc, Pierre court chez lui en criant “Maman!” Sa mère en sort en disant, “Mon fils chéri!! tu as faim, entre!! viens manger, c’est vrai que tu es trop maigre!” Pierre répondit, “Non maman, je pars...je vais prendre le train”. Non en fait, il a juste dit, “Je pars”. - Alors sa mère fait, “Quoi?” - “Pour suivre le messie!” Et donc sa mère dit, “ Comment? amène-moi ce bouffon, quoi alors, tout ça c’est pas dans la bible quand même...” La mère est donc sur le seuil de la porte et Jésus vient devant elle. Elle pose ses yeux sur lui et elle dit, “Bon d’accord.” Et voilà. Pierre n’aurait jamais suivi Jésus si Jésus n’était venu le chercher. A cette époque, les gens essayaient de suivre Jésus, mais très peu d’entre eux y parvenaient. On dit qu’il y avait des milliers de personnes pour le sermon sur la montagne. Mais combien ont suivi Jésus? Trente? Cinquante? Cent? On se dit, “Imaginez un peu ce que ça a dû être le sermon sur la montagne, waouh!” En fait, il y avait cinq mille personne là-haut et la plupart n’en avait rien à foutre. Tout ce qu’ils voulaient c’était du pain et du poisson, et ils étaient contents comme ça, parfaitement contents. “Waouh,” ils se sont dit, ”ce séminaire était super”. Et ils sont rentrés chez eux se prendre la tête avec leurs familles et leurs enfants. “Le poisson n’était pas mauvais, un instant j’ai cru que je n’en aurais pas mais enfin...” Seul le maître peut faire le choix de qui peut le servir.

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