zéroquatre Revue semestrielle d’art contemporain en Rhône-Alpes Nº 2 | printemps 2008 Gratuit
Objectif 2013 ! Candidate au titre de Capitale européenne de la Culture en 2013, Lyon est désormais en finale. L’équipe « Lyon 2013 » remercie celles et ceux qui ont contribué à ce premier succès. L’aventure se poursuit et nous comptons sur votre soutien. Devenez les ambassadeurs de Lyon 2013 en France et à l’étranger, incitez vos amis, votre réseau à soutenir cette candidature.
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WOLFGANG LAIB
5 juillet – 28 septembre 2008
Post-diplôme art
2008-2009
Destiné à cinq jeunes artistes sélectionnés sur concours, issus de divers horizons géographiques et déjà engagés dans différentes pratiques, le post-diplôme de l’École nationale des beaux-arts de Lyon leur permet de jouir de l’infrastructure d’un établissement et de ses ateliers, d’une bourse, d’un logement, et surtout, de bénéficier d’un suivi critique, de rencontres, de déplacements à l’étranger Ce n’est plus l’école et son rythme rassurant ; c’est encore elle et ses exigences dans les croisements : c’est le pari d’une charnière, qui articule ce qui se déclare trop souvent séparé : l’enseignement et le professionnalisme, l’enceinte protégée de l’école et l’exposition au monde
informations et formulaire de candidature sur
www.enba-lyon.fr date limite d’envoi des dossiers [cachet de la poste faisant foi]
23 mai 2008
date du jury après présélection 17 et 18 juin 2008
5, place de Lavalette 04 76 63 44 44
www.museedegrenoble.fr
8 bis quai Saint-Vincent 69001 Lyon - France infos@enba-lyon.net t : +33 (0) 472 001 171 f : +33 (0) 472 001 170
zéroquatre Revue semestrielle d’art contemporain en Rhône-Alpes Nº 2 | printemps 2008 Gratuit
p. 2
« La couleur se détache de tout support visible » Interview d’Ann Veronica Janssens par Mathilde Villeneuve
Directeur de la publication / rédacteur en chef : Patrice Joly
p. 6
Clones Go Home Exposition Keith Haring au musée d’Art contemporain de Lyon par Aude Launay
Rédacteur en chef adjoint : Pierre Tillet
p. 8
Comité de rédaction : Hauviette Bethemont, Giovanni Carmine, Jill Gasparina, Patrice Joly, Georges Rey, Pierre Tillet
Le mariage de Caetano Veloso, ou la fabrique du kitsch et de l’exotisme Analyse par Jill Gasparina
p. 12
Dessins croisés Retour sur trois expositions consacrées au dessin par Pierre Tillet
p. 16
L’œil animal Exposition Adel Abdessemed au Magasin de Grenoble par Guillaume Mansart
p. 18
Seulement un spectre Portrait d’Armando Andrade Tudela par Jill Gasparina
p. 20
Le renouveau de la commande publique Art et espace public par Hauviette Bethemont
p. 24
Expositions Joana Hadjithomas et Khalil Joreige au Fort du Bruissin, Francheville Maxime Vernier au Stand, Lyon Ivan Moudov et Shingo Yoshida à la BF15, Lyon Mihael Milunovic à la galerie Verney-Carron, Lyon Mathias Schmied vs P.Nicolas Ledoux à la galerie Olivier Houg, Lyon Stéphane Calais à l’espace d’Arts plastiques, Vénissieux Laurent Mulot au Bleu du ciel et à la galerie Françoise Besson, Lyon Matthew Pillsbury et Julia Fullerton-Batten au Réverbère, Lyon Marine Hugonnier au Mamco, Genève Philippe Cazal à la Villa du Parc, Annemasse Retour sur images à L’Antichambre, Chambéry David Ancelin, Karim Ghelloussi, Émilie Perotto, Sarah Tritz à la Mlis, Villeurbanne Exposition de Noël à l’ancien musée de Peinture, Grenoble
p. 31
Lectures
Édition : Association Zéroquatre et 02
Rédacteurs : François Aubart, Hauviette Bethemont, Jill Gasparina, Patrice Joly, Aude Launay, Guillaume Le Moine, Daphné Le Sergent, Guillaume Mansart, Pierre Tillet, Cédric Schönwald, Mathilde Villeneuve Relecture : Mai Tran Design graphique : Claire Moreux & Olivier Huz, Lyon Impression : Imprimerie de Champagne, Langres Remerciements : Armando Andrade Tudela 04 bénéficie du soutien de la Région Rhône-Alpes 04 bénéficie du soutien de l’Institut d’Art contemporain – Villeurbanne 04 est un supplément de 02 Nº 45, printemps 2008 édité par Zoo Galerie 4 rue de la Distillerie, 44000 Nantes patricejoly@wanadoo.fr En couverture : Armando Andrade Tudela L’Artisan qui rit (détail), 2007-08 2 collages, 28 x 20 cm Courtesy Carl Freedman Gallery, Londres © Jonas Leihener
Ann Veronica Janssens Corps noir, 1995 Plexiglas, Ø 78,5 cm, P 33,5 cm Collection Frac Rhône-Alpes, Institut d’Art contemporain, Villeurbanne © Blaise Adilon
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interview par mathilde villeneuve février 2008
« La couleur se détache de tout support visible » Ann Veronica Janssens Mathilde Villeneuve.
Comment avez-vous imaginé
votre participation à l’exposition Collection(s) 08 organisée à l’Institut d’Art contemporain de Villeurbanne ?
Ann Veronica Janssens. Une salle proposant les tests et les expériences se rapportant à différents projets, réalisés ou non. La pièce présentée, le Cabinet, appartient au FNAC, et est à l’origine une petite salle composée de sept prototypes. J’ai rajouté certains essais et sculptures tels que le Corps noir et le Grand Disque, deux objets qui jouent eux aussi de la réfraction de la lumière en créant des volumes lumineux et convexes presque tangibles, ou encore l’étude de Blue, Red and Yellow : une boîte emplie à la demande de brouillard qui, au contact de la lumière filtrée, se colorie. J’aime cette idée d’un cabinet rempli d’objets tests que je viendrais régulièrement amplifier. Des objets d’expérimentations ?
Ann Veronica Janssens Grand Disque, 1996 Aluminium tourné, Ø 1 m Collection de l’artiste © Blaise Adilon
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Ann Veronica Janssens participe à l’exposition Collection(s) 08 qui présente également des œuvres de François Curlet, Jimmie Durham, Jef Geys, Dan Graham, Rodney Graham, Laurent Grasso, Anthony McCall, Melik Ohanian, Allen Ruppersberg. Institut d’Art contemporain, Villeurbanne du 8 février au 13 avril 2008
Oui, exactement. Les tests se rapportent à une longue période de travail, je crois que certains remontent à 1985. On trouve ainsi au sol, en résonance avec l’étude de Blue, Red and Yellow décrit plus haut, l’enroulement d’une feuille en plastique transparent dont l’aspect coloré provient tout simplement de l’épaisseur et de la densité de l’enroulement. Également, un bocal contenant une petite quantité d’huile de silicone versée dans un mélange d’eau et d’alcool, qui forme une sphère par effet de tension superficielle. Et aussi, un néon qui est agité toutes les minutes d’un bref tremblement lumineux. En ce qui concerne ce dernier, il s’agit de ce que j’avais utilisé pour un projet au Théâtre National de Bruxelles. J’avais alors proposé de travailler sur le système d’éclairage existant. Le théâtre est éclairé à l’intérieur et en façade par des néons. La proposition
consistait à ne rien ajouter mais à introduire un virus au programme déjà en place, qui provoquerait au hasard de la soirée, dans tout le bâtiment, un vacillement lumineux de deux ou trois secondes, entre le coucher du soleil et la fermeture du théâtre. Un ébranlement, une déstabilisation de toute la structure de l’édifice. Le test que je présente à l’IAC est le modèle qui m’a permis de faire les tests de résistance et une démonstration du tremblement. Une sorte de tube à essai…
Oui. La salle propose encore d’autres types d’expérimentations autour du sujet de la lumière et du temps. Il y a le film de l’enregistrement de l’allumage d’une ampoule au 1000e de seconde ; il s’agit également de fonction vibratoire et d’ébranlement par mouvement. Et puis aussi un échantillon de lumière flexible, une feuille de plastique encapsulant une surface de cuivre sur laquelle est déposée une matière phosphorescente divisée en deux pôles – une matière souple et adaptable à différentes situations qui est aujourd’hui largement utilisée dans le domaine public. Ou encore, une projection bleue et un texte qui dit : « En l’absence de lumière, il est possible de créer en soi les images les plus claires. » L’exposition consiste ainsi en la présentation de quelques essais, de recherches autour de la matérialisation de la lumière, de tâtonnements. J’aimerais poursuivre cette démarche et encore augmenter cette salle de très nombreuses études. Et le pavillon intitulé Blue, Red and Yellow, une maquette ?
Il avait été réalisé rapidement dans mon jardin pour tester l’espace et la couleur lorsque les repères sont bouleversés. Je préparais la
Ann Veronica Janssens Blue, Red and Yellow, 2001 Pavillon en panneau polycarbonate, machine à brouillard, 255 U 210 U 210 cm Collection [mac] musée d’Art contemporain, Marseille © Blaise Adilon
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Ann Veronica Janssens Cabinet (en croissance), 1985-2007 Prototypes, essais, matériaux divers Collection Fonds national d’art contemporain, ministère de la Culture et de la Communication, Paris © Blaise Adilon
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sculpture Blue, Red and Yellow pour mon exposition Light Games à la Neue Nationalgalerie à Berlin. Avant de réaliser l’expérience à plus grande échelle, je voulais vérifier le comportement des couleurs et de la lumière. Soit l’épaisseur intangible d’une couleur lumineuse flottant dans un volume empli d’un brouillard dense qui, au contact de la lumière filtrée, la matérialise et la colore. Obstacle, matérialité et résistance contextuelle disparaissent, la perception du temps et de l’espace se troublent, les repères vacillent et le temps semble ralentir. La couleur se détache de tout support visible.
J’aime aussi le paradoxe qui existe entre les grands espaces quasi spectaculaires que vous fabriquez, et les expériences au contraire intimistes qu’ils proposent. Une fois à l’intérieur, la communauté de spectateurs autour de nous est gommée.
Ce qui m’occupe est cette idée que l’on porte en soi la lumière, la couleur, l’espace, le son. Dans plusieurs installations, l’observateur est renvoyé à la surface de ses yeux, à un espace intérieur, une expérience intime. Vous reliez les sens et les inquiétez les uns par rapport aux autres pour notamment diminuer la prédominance de la perception visuelle. Je pense par exemple
Le spectateur est largement sollicité dans votre œuvre.
à Corps noir qui reflète notre image à l’envers et donne
Il est amené à produire un effort, à regarder de nouveau,
irrésistiblement envie de toucher sa surface qu’on
à sentir différemment, du moins à prendre conscience
hésite à qualifier de concave ou de convexe.
de son corps dans l’espace. Beaucoup de vos pièces s’apparentent à des environnements qui immergent son corps, l’incorporent et le conditionnent. Tout se passe comme si elles privilégiaient un type de spectateur qu’on pourrait qualifier d’« intro-spectateur », un spectateur plongé dans des expériences d’introspections.
Oui, Mieke Bal (critique et théoricienne de la culture, enseignante à la Royal Netherlands Academy of Arts and Sciences, artiste et curateur basée à Amsterdam – ndr) parle d’un « regard incarné ». À l’IAC, il est peut-être plus difficile d’observer cela, les propositions sont miniaturisées et indicielles.
L’expérience, la mise à l’essai, la vérification parfois physique de l’observateur le convient dans les limites de la fragilité de l’œuvre et aussi l’emmènent à une observation plus tactile et élastique du temps. C’est alors ce passage obligé de la prédominance d’un sens à un autre qui introduit dans votre œuvre l’idée de ralentissement, d’étirement du temps via sa spatialisation.
Dans mon travail, je mets en valeur le fait qu’on régule notre rythme par rapport à l’espace qu’on arpente, quitte à explorer les limites de ce phénomène. J’aime déceler ces moments de
palpitation, quand le cœur doit s’ajuster aux nouvelles fréquences qui lui sont proposées. Dans certaines de mes installations, on en vient à sentir physiquement le mouvement de pulsation de sa propre rétine. C’est le cas par exemple dans la projection lumineuse Donut. Dans l’installation présentée lors de Nuit blanche en 2003, les spectateurs pénétraient un espace rendu aveugle par un épais brouillard blanc. Le déplacement devenait une question d’ajustement du corps dans le temps et dans l’espace. En revanche, ce qui n’a sans doute pas été observé et expérimenté par le public, très nombreux, c’était que la saturation lumineuse et blanche créait une aura de couleur autour de chacun. Cette aura était provoquée par la réflexion dans la matière dense et lumineuse des couleurs des vêtements des visiteurs ou de leurs cheveux. Attentives à leur potentiel et à leurs vertus, vos pièces semblent étudier les possibilités qu’offrent divers matériaux. De quelle manière travaillez-vous ? Engagezvous des collaborations avec des scientifiques ?
Je bricole et m’informe un peu en lisant à l’occasion des études ou quelques revues scientifiques. Actuellement, je commence un projet à l’université de Louvain en collaboration avec un neurologue et un autre avec l’université de Bruxelles, mais c’est plutôt exceptionnel.
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LES ÉCOLES SUPÉRIEURES D’ART DE RHÔNE-ALPES www.ea-agglo-annecy.fr École d’art de la Communauté de l’agglomération d’Annecy www.esag.fr École supérieure d’art de Grenoble www.enba-lyon.fr École nationale des beaux-arts de Lyon www.esadse.fr École supérieure d’art et design de Saint-Étienne www.erba-valence.fr École régionale des beaux-arts de Valence
exposition
Clones Go Home Keith Haring
Keith Haring Prophets of Rage, 1988 Acrylique sur toile, 305 U 457 cm © Estate Keith Haring, New York
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aude launay
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Pourquoi aller voir une rétrospective Keith Haring ?
Keith Haring Musée d’Art contemporain, Lyon du 22 février au 29 juin 2008
Parce qu’il aurait eu 50 ans cette année. Parce que son fameux tracé en ligne continue empêche toute possibilité de repentir et est donc la trace d’une expression directe parfaitement assumée. Parce que l’exposition présente toute l’ampleur de la multiplicité des supports des peintures d’Haring, des bâches goudronnées à la toile en passant par le corps de Grace Jones et la BMW Original Keith Haring Object Z1. Parce qu’allant au-delà du warholisme, il est le premier artiste à être devenu une marque d’objets de diffusion massive.
Parce qu’il avait des tas de chouettes copains, comme Burroughs, Madonna, Jenny Holzer, Timothy Leary ou David Bowie. Parce qu’à la manière d’un média, il diffusait chaque jour le produit de ses observations sur tout ce qui l’entourait et ses analyses du monde qui l’entourait. Parce qu’il est sans doute le premier graffeur à avoir travaillé à la craie blanche. Parce que l’aspect faussement décoratif de son travail cache un militantisme exacerbé, antiyuppies 1, anti-HIV, anti-… Parce qu’au-delà du simple graffiti, ses dessins sont imprégnés et parfaitement conscients de l’histoire de l’art et de l’influence de Dubuffet, Matisse, Alechinsky, autant que de l’art africain ou aborigène. Parce qu’alors que le tag de Basquiat était une couronne à trois pointes, celui d’Haring était un bébé crapahutant à quatre pattes sur les murs new-yorkais.
Keith Haring Untitled, 1982 Dessin, 183 U 305 cm © Estate Keith Haring, New York
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Parce qu’avec une poignée de signes simples, dont la pyramide pour le passé, la centrale nucléaire pour le présent et l’ordinateur pour l’avenir, ainsi que l’homme et le chien, il a créé un langage lui permettant de presque tout exprimer. Parce qu’il est peut-être bien le seul artiste des 80s à ne pas avoir versé dans l’appropriationnisme. Parce qu’il a compris que l’expression « communication visuelle » pouvait ressortir de l’humain avant de n’être plus qu’un terme de marketing. Parce que ses images sont structurées de manière à être lisibles instantanément, que l’on passe devant à pied ou en voiture. Parce qu’il abordait même les thèmes les plus sombres comme l’oppression sexuelle, la haine et le racisme dans des couleurs ultra flashy. Parce que certaines de ses bâches peintes de 1985 et 1986 sont les Bosch et les Guernica des temps présents. Parce que si Bret Easton Ellis l’a écrit, il fallait bien quelqu’un pour le peindre. Parce que dans sa facture, sa peinture rend les intervalles aussi importants que les motifs. Parce que la vie foisonne et trépigne partout dans son œuvre, même jusque sur le corps de son christ en croix (Gil’s Dream, 1989). Parce que tout est si simple dans ses aplats colorés sertis de noir, aussi simple que ses équations silence = death ou ignorance = fear.
Parce que la répétition du motif dans ses toiles, tout en en montrant l’importance, en détruit aussi la valeur despotique. Parce que le flux énergétique qui parcourt tout l’œuvre d’Haring contamine tout ce qu’il touche et tous ceux qui s’en approchent. Parce qu’encore étudiant, il disait tendre vers une œuvre qui engloberait la musique, la performance, le mouvement, le concept, le craft et l’enregistrement des événements sous la forme d’une peinture. Parce qu’il a essayé d’insuffler le groove hiphop des débuts dans sa peinture et qu’il adorait les graffitis de Futura 2000. Parce qu’il dessinait des soucoupes volantes qui irradiaient les gens d’énergie positive. Parce que les 80s, c’était l’apogée de l’utilisation de l’énergie nucléaire. Parce que, contemplant « un monde empli de radios, téléphones, avions et ordinateurs, satellites et bagnoles, tous propulsés par les énergies invisibles du pétrole et de l’électricité », Haring déclarait qu’il avait « peur de la mort. » 2 Parce qu’il était un fan absolu des Grateful Dead. Parce qu’à l’instar de Smithson, il inscrivait son art dans l’espace public, dans des sites spécifiques qui avaient une certaine signifiance sociale. Parce qu’il était un produit autant qu’un producteur de la culture vernaculaire.
Parce qu’il a toujours souhaité travailler contre la « surrationalisation » minimale et conceptuelle. Parce que ses influences sont autant religieuses que cartoonesques lorsque les cordes auxquelles il attache l’une de ses figures se transforment en serpents dans l’image suivante. Parce qu’il eut l’idée de représenter des bonshommes à l’estomac percé par lequel pouvaient passer d’autres bonshommes lorsqu’il apprit l’assassinat de John Lennon. Parce qu’il était capable de dessiner une télé affichant le symbole du dollar sur son écran, duquel sortait un tube qui rentrait dans la tête de quelqu’un et en ressortait de l’autre côté puis se transformait en une main qui portait un panneau électoral sur lequel était inscrit : « Votez ! » Parce que cette liste pourrait encore être très longue… Pop pop pidoo… Notes : 1. En 1980, Keith Haring inscrit au pochoir le mot d’ordre « Clones Go Home » sur les murs de son quartier, East Village, pour protester contre l’intrusion de ces nouveaux riches à moustache, issus de West Village, sur le territoire des artistes. 2. Haring cité par Jeffrey Deitch, « The Radioactive Child », in Keith Haring, 1986, p. 15.
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analyse
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jill gasparina
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Dans le chapitre « Tropicália » de sa biographie Tropical Truth: A Story of Music & Revolution in Brazil, Caetano Veloso raconte son mariage avec sa femme Dedé, le 26 novembre 1967 à Salvador. Le mariage se déroule assez mal. Suite à l’annonce radio de l’événement, qui devait pourtant être tenu secret, une foule de jeunes filles se presse pour envahir l’église : « Il était extrêmement difficile d’entrer dans l’église, et une fois que nous fûmes à l’intérieur, les choses ne s’améliorèrent pas. Des multitudes de jeunes écolières en uniforme remplissaient l’église, envahissant les bancs, les nefs latérales, les chaires et les autels. Comme dans un mauvais rêve, elles chantaient “Alegria Alegria” 1 et essayaient de s’approcher de moi. Celles qui y parvenaient m’attrapaient par les cheveux et certaines attaquèrent même Dedé. » 2 Le dénouement, heureusement, est féérique. Une fois arrivé sur la plage, près du restaurant, Veloso éprouve un intense soulagement et il conclut sur l’évocation de cette « joie qui dura autant que le mariage. » 3 Tout au long de ce récit, les indices se multiplient pour pousser le lecteur à une lecture mythologisante, qu’il s’agisse du grandissement épique dans la description de l’invasion de l’église ou du féérique happy end, lorsqu’après la cérémonie les mariés et leurs proches retrouvent calme et sérénité. La satisfaction d’une curiosité biographique – bien réelle malgré tout – mise à part, de quoi cette histoire est-elle symbolique ? Un élément de réponse réside dans le fait que ce récit se trouve curieusement enchâssé, collé même, dans un chapitre où le musicien raconte
Le mariage de Caetano Veloso, ou la fabrique du kitsch et de l’exotisme
l’enregistrement de l’album Caetano Veloso et la naissance du mouvement Tropicália. Le terme Tropicália désigne l’avantgarde brésilienne à la fin des années 1960 (au théâtre, au cinéma, en art et en musique essentiellement), influencée par la poésie concrète d’Auguste de Campos ou de Decio Pignatari. C’est à l’une des œuvres d’Hélio Oiticica que l’on doit ce terme – plus précisément à l’installation pénétrable Tropicália (que l’artiste a décrit comme un décor tropical qui évoquerait l’architecture des favelas carioques) – ainsi que la description des principes de ce mouvement, qui consistait à « imposer une image expressément brésilienne dans le contexte actuel de l’avant-garde et de l’ensemble des manifestations d’art national. » 4 Veloso revient justement, dans le début du chapitre, sur la réception et la vulgarisation progressive de Tropicália, sa rapide digestion et transformation en « tropicalisme » : « l’idée d’un mouvement suscita un élan et les médias, naturellement, eurent besoin d’un label. Par son pouvoir intense, le mot “tropicália” s’insinua dans les gros titres et les conversations. L’inévitable suffixe -isme lui fut attaché presque immédiatement. » 5 Le récit de son mariage est tout sauf anecdotique à ce moment de l’autobiographie. Il dit aussi quelque chose de l’engagement artistique de Veloso, il trace les grandes lignes de sa politique culturelle. Surtout, il allégorise un phénomène culturel, l’appropriation d’un mouvement par un public large, la diffusion d’une avant-garde et sa transformation en mode. On comprend dès lors le parallèle tracé par le musicien entre sa vie privée et son destin public : à l’appropriation de l’espace de l’église par la masse des jeunes filles – plus
en délire qu’en fleurs – répond celle du mouvement tropicaliste par un large public, son internationalisation en somme. Veloso décrit avec précision cet instant de crise où la réception par un large public entraîne une dilution, une digestion folklorisante. Dans ses écrits, Hélio Oiticica dresse le même constat, décrivant lui aussi la manière rapide avec laquelle le mouvement s’est périmé. S’il était favorable à l’interprétation musicale des principes tropicalistes faite par Veloso, il souligne que cette avant-garde s’est perdue en même temps qu’elle se propageait : « Et que voit-on maintenant ? Des bourgeois, de faux intellectuels, des crétins de tout bord en train de prêcher le tropicalisme et Tropicália (c’est devenu une mode) – en train en un mot, de transformer en produit de consommation quelque chose dont ils ne savent pas exactement ce que c’est. » 6 L’histoire de Tropicália est un bon point d’observation pour celui qui cherche à comprendre ce qu’on peut appeler la massification des avant-gardes (leur transformation en un ensemble d’idées et de principes formels / esthétiques commercialisables). On trouverait le même type de descriptions chez les historiens et critiques à propos de toutes les avant-gardes, ce qu’on résume souvent par l’expression « mort des utopies ». Mais le cas du Pop Art est intéressant en regard de celui du mouvement Tropicália, parce qu’il illustre une tension identique entre des ambitions au départ nationales et une appropriation finalement internationale et massive. « Au milieu des années 1960, écrit par exemple Dick Hebdige dans In Poor Taste, Notes on Pop, le mot “pop” comme ses frères “mod”, “beat” et “permissif ” était si dévalué par son usage intensif
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qu’il finissait par être utilisé comme une génuflexion linguistique molle, accomplie rituellement par la presse devant n’importe quelle œuvre qui était vaguement contemporaine et / ou figurative dans son style », avant d’ajouter avec pessimisme que « nous courons le danger de perdre la dimension radicale qui lui donnait originairement son sens » 7 : les média sont les principaux opérateurs de la massification. Il s’agit de la radio dans le cas de son mariage, mais Veloso revient plus explicitement sur ce processus de diffusion médiatique : « Nelson Motta, […] un parolier proche de nous et qui commençait à ce moment-là sa carrière de journaliste à la télé, baptisa le mouvement “tropicalisme” et, identifiant avec ce mot un répertoire d’attitudes, une garde-robe folklorique, capitalisant sur le stéréotype du gentleman brésilien de l’ancien temps, avec son costume blanc et son chapeau de paille, absorbant des sirops pour la toux avec de drôles de noms, alangui sous un palmier – il inaugura d’une manière naïve et sans prétention ce qui allait devenir une longue série d’interprétations typiques du caractère de ce mouvement. » Avant d’ajouter : « Mais en ce qui me concerne, m’étant résigné au titre “tropicália” par manque d’une option meilleure, et pensant que la chanson ne serait pour finir pas affectée par son titre, je n’ai pas avalé ce sirop tropicaliste. Les images surannées et folklorisantes me dérangeaient – au contraire du terme “tropicália”, qui était un mot nouveau, “tropicalisme” sonnait vieux et vidé de son sens. » 8 Comme les théoriciens du Pop avant lui, Veloso expérimente une forme d’exotisme au sein de sa propre culture. C’est que la massification d’un mouvement artistique n’est pas la simple diffusion à grande échelle de contenus (esthétiques, conceptuels) pensés indépendamment de cette diffusion, selon un déroulé précis, une opération après l’autre. La diffusion a des effets rétroactifs sur les objets, elle implique une intervention sur le contenu de départ, une transformation, une réadaptation à la sphère commerciale, ou pour le dire encore autrement, un formatage médiatique. Dans les deux cas qui nous intéressent ici, il s’agit d’abord d’une opération langagière. Le glissement de « tropicália » à « tropicalisme » ou la resémantisation accélérée du terme pop décrite par Hebdige effacent progressivement le souvenir des propositions originelles de ces avant-gardes. Et cette labellisation entraîne aussi la production d’images exotiques, parmi lesquelles apparaissent le Brésilien folklorique décrit plus haut par Veloso, ou la figure mythique de l’artiste pop, blanc, masculin, sophistiqué, cool. On pourrait ajouter à cette liste bien d’autres images d’Épinal, par exemple l’architecte moderniste intransigeant vu par le cinéma hollywoodien – Gary Cooper dans
Le Rebelle de King Vidor en 1949 9 – ou dans le champ philosophique, le « nietzschéisme vulgaire » 10 ou la manière diluée mais certaine avec laquelle les concepts deleuziens et foucaldiens ont infiltré la langue écrite de la presse jusqu’à devenir, non sans ironie, de fausses évidences journalistiques, le même processus touchant également ce qu’Hebdige, et toutes les cultural studies britanniques avec lui, appelle les subcultures (réappropriation du punk gothic par l’emo plus commercial, des mods première génération par les magazines de lifestyle). Cette transformation des avant-gardes en images « prêtes-à-circuler » a conduit à de nombreux contresens. Le plus notoire pour le Pop Art concerne la confusion fréquente qui persiste entre le pop (le matériau) et le mouvement à proprement parler ou, comme l’écrit encore Hebdige, « ce lien fantasmé qu’il aurait avec le goût populaire et la notion de public de masse tirée dans les années 1950 de la publicité, du cinéma et de la télévision […] est au final, d’un point de vue historique, aussi pertinent que ces reportages télé sur les années 1960 dans lesquels chaque fille porte une minijupe et chaque garçon une coupe afro. » Dans cette interprétation de masse, le sens du pop se trouve inversé et perd son agressivité de départ, cette idée que les cultures populaires peuvent valoir pour elles-mêmes. De la même manière, la transformation du mouvement Tropicália en son ersatz kitsch international exportable, a annulé la force de la proposition de départ, celle d’une avant-garde spécifiquement brésilienne reposant sur le mythe du métissage. Ceci explique le recours chez les premiers acteurs des avant-gardes à des récits originaires, qui doivent moins être compris comme la description d’une authenticité que comme des gestes pragmatiques visant à créer de la résistance, des points d’accroche contre une possible digestion par les industries culturelles. Veloso et Hebdige ont quoi qu’il en soit produit chacun deux récits originaires, qui s’orientent vers la description de la source, l’artiste, l’œuvre et / ou l’exposition zéro, l’installation d’Oiticica pour Veloso, le célèbre collage de Richard Hamilton Just What Is It That Makes Today’s Homes So Different, So Appealing? de 1956 et This Is Tomorrow à Whitechapel la même année dans le cas du Pop. Dans les deux cas également, et en conformité avec l’idée avant-gardiste de proximité de l’art et la vie, ils insistent sur un pacte renoué au sein de l’œuvre avec le monde réel, décrit comme extra-artistique. D’un côté l’univers architectural et social des favelas traduit dans l’œuvre foisonnante d’Oiticica ou le bruitisme acéré des chansons de Veloso, et de l’autre, le monde graphique et visuel du packaging, des publicités, des films grand public, de la musique populaire, un monde d’images importées des USA dans l’Angleterre d’après-guerre (le terme « pop »
désignant au départ ces matériaux culturels). En vain ; leur réduction à des images ou à des trucs visuels est impossible à arrêter. D’autres questions restent à poser : y a-t-il lieu de déplorer aujourd’hui l’existence des cultures commerciales, la cohorte de t-shirts punk, la transformation de la tête de mort en icône H&M, la perte de sens ? Ne pourrait-on imaginer de calculer les capacités de résistance d’une culture, sa facilité à se prêter plus ou moins facilement à la digestion ? De quoi parle-t-on d’ailleurs lorsqu’on évoque les cultures commerciales ? La possible massification des avant-gardes n’annule en rien la puissance de leurs propositions, elle est l’horizon à partir duquel penser une pragmatique artistique et un engagement. On parle d’ailleurs à juste titre d’« avant-gardes historiques », parce que chacun des montages esthético-politico-conceptuels que l’on désigne sous ce terme possède un impact stratégique qui n’est compréhensible qu’en fonction du moment où il émerge dans la sphère publique et dans l’histoire. Le schéma est toujours le même. Les avant-gardes proposent, résistent, capitulent, puis elles sont mass-diffusées. Le kitsch est ce qui arrive en bout de course. Il n’a rien d’essentiel donc, mais il est le produit d’un phénomène historique de digestion lente. Parler de « culture commerciale » n’a donc pas grand sens : toute culture peut se faire digérer et toute avant-garde se fait effectivement digérer, même la plus radicale. On pensera ici aux réflexions de Richard Hoggart 11 sur l’importance de la subjectivité dans les sciences humaines, ou les tentatives élaborées par JeanClaude Passeron pour « penser par cas ». Car malgré tout, Veloso comme Hebdige posent indirectement, à travers leurs témoignages semi-théoriques aux frontières du conceptuel et du biographique, une équation intéressante : raconter = résister. Notes : 1. Alegria Alegria est l’une des chansons de l’album Caetano Veloso. 2. Caetano Veloso, Tropical Truth: A Story of Music & Revolution in Brazil, Da Capo Press, 2003, p. 121. 3. ibid, p. 122. 4. Hélio Oiticica, « Tropicália », in Helio Oiticica, Galerie Nationale du Jeu de Paume, RMN Paris, 1992, p. 125. 5. Caetano Veloso, op.cit., p. 120. 6. Hélio Oiticica, op.cit., p. 125. 7. In Poor Taste, Notes on Pop, in Modern Dream, The Rise and Fall and Rise of Pop, ICA New York, MIT press, 1988, p. 78. 8. Caetano Veloso, op.cit., p. 120. 9. Voir John A. Walker, Art in the Age of Mass Media, West View Press, p. 56. 10. Eve Chiapello et Luc Boltanski, Le Nouvel Esprit du capitalisme, Gallimard, Paris, 1999, p. 596. 11. Voir « Writing about people and places », in Richard Hoggart en France, éd. Jean-Claude Passeron, BPI, Paris, 1997.
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LE LAPIN AUX OREILLES COUPÉES 10 AVRIL - 14 JUIN 2008 UNE EXPOSITION DE PHILIPPE CAZAL GALERIE GEORGES VERNEY-CARRON LES DOCKS 45 QUAI RAMBAUD 69002 LYON T. 0033 (0)4 72 69 08 20 galerie@art-entreprise.com
EXPOSITION
Keith
HARING
Untitled 1982 © Estate of Keith Haring
22 février - 29 juin 2008
DU MERCREDI AU VENDREDI DE 12H À 19H. SAMEDI ET DIMANCHE DE 10H À 19H. RENSEIGNEMENTS : 04 72 69 17 17 - WWW.MOCA-LYON.ORG MUSÉE D’ART CONTEMPORAIN CITÉ INTERNATIONALE - 81, QUAI CHARLES DE GAULLE - 69006 LYON
à lyon, saint-étienne et genève, trois expositions simultanées ont offert des approches nouvelles du dessin
Dessins croisés
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pierre tillet
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Günther Brus Sans Titre, 1976 © Günther Brus et Galerie Heike Curtze
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Le Plaisir au dessin Musée des Beaux-Arts, Lyon du 12 octobre 2007 au 14 janvier 2008 Günther Brus, Aurore de minuit Musée d’Art moderne, Saint-Étienne du 7 décembre 2007 au 21 janvier 2008 Black Noise Musée d’Art moderne et contemporain, Genève du 31 octobre 2007 au 27 janvier 2008 Cneai, Chatou du 20 février au 4 mai 2008
La reconnaissance du dessin comme fin en soi, médium autonome, est un processus qui s’inscrit dans une temporalité longue. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, le dessin n’est guère considéré que comme un moyen en vue de la réalisation d’une peinture ou d’une sculpture – sans parler du dessin d’architecture. Il est souvent considéré comme un « art second », un « préalable » ou un « reste d’un autre art » 1. Puis, au cours du XXe siècle, émerge la critique de la notion de chef-d’œuvre. Elle amène à intégrer à la compréhension de l’œuvre celle de « tous ses états antérieurs », entraînant même la question : « Ne devons-nous pas tout mettre sur un pied d’égalité ? » 2 Aujourd’hui, le dessin n’est plus cantonné au carnet ou à l’esquisse. Ainsi, Bruce Nauman fait souvent des dessins à partir d’une sculpture « achevée » afin d’analyser ce qui est réussi ou non, à l’encontre de l’idée commune du dessin comme outil préparatoire. Richard Long réalise une œuvre en marchant « jusqu’à ce que l’herbe piétinée dessine une ligne visible » 3, se servant du sol comme d’une surface que son corps vient marquer. Pierre Bismuth exécute une série d’œuvres « en suivant la main droite » de stars de cinéma (Gene Tierney, Marilyn Monroe, Marlene Dietrich, Anita Ekberg), ce qui aboutit à des dessins dont il n’est pas l’auteur, mais « l’agent de la réalisation formelle » 4. Chez Raymond Pettibon, les références à la philosophie analytique et à la musique punk, aux comics et à l’actualité politique coexistent dans une production abondante que l’on peut aborder avec les codes de la gravure, de la peinture, aussi bien qu’avec ceux de l’illustration et de la BD. Comme le montrent ces quelques exemples,
le champ du dessin s’est considérablement élargi. On ne peut plus le résumer à l’idée d’une composition fondée sur le trait. Des immenses structures quasi architecturales dessinées par Silke Schatze aux portraits délicats de la série Longhairs de Steven Shearer, il oscille entre le monumental et le microscopique. Il n’est plus confiné à l’espace de la feuille, car on le retrouve dans des installations ou des œuvres in situ. Il n’est plus seulement un moment essentiel de la formation de l’artiste, mais le moyen d’expression privilégié d’artistes de plus en plus nombreux. Tension sans fin
Au travers de l’exposition Le Plaisir au dessin dont il était le commissaire au musée des Beaux-Arts de Lyon 5 et de son catalogue, JeanLuc Nancy entendait développer une théorie de la forme spécifique au médium. On ne cherchera pas ici à rendre compte de la complexité de la pensée du philosophe sur le sujet, du dialogue qu’il noue avec Roger de Piles, Kant, Hegel, Freud, Blanchot, etc. L’exercice serait périlleux et peut-être hors de propos, tant il est manifeste que Jean-Luc Nancy a œuvré sur deux versants distincts. D’un côté (dans l’exposition), il mène des réflexions sur le tracé, la ligne, l’espace ouvert, le geste du dessinateur, la rature, le repentir, la réserve, la variante et la variation, le drapé… De l’autre (dans le catalogue), il livre les fruits d’une longue méditation qui n’est portée par aucun regard sur des œuvres particulières – ce qui est plutôt gênant. Rappelons toutefois l’un des points forts de la réflexion de Jean-Luc Nancy. Si le dessin est « une ligne active en mouvement qui bouge librement, sans but », dont « l’agent de mobilité est un point qui se déplace vers l’avant 6 », alors on peut le considérer comme
Peter Coffin Black Noise, 2007 © L’artiste et Ecart Publications, Genève
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une métaphore du désir. En effet, « le désir se redemande lui-même : son dessein n’est pas autre que celui d’une intensification et d’une différentiation ou d’une dissémination illimitées. » 7 Comme le dessin, le désir est l’expression d’une dynamique qui vaut par elle-même avant d’être tournée vers un achèvement. Pour le dire autrement, le dessin comme ouverture de la forme « se plaît à sa propre intensité », à sa propre incertitude, tout comme le désir qui est « tension sans fin plutôt qu’intention réglée sur une fin. » 8 Conséquence de ces investigations théoriques : Jean-Luc Nancy a choisi de s’intéresser à l’inachevé dans le dessin, au premier geste, à la première forme jetée sur le papier. Dans l’exposition, cela apparaît d’abord avec un dessin abstrait de Joan Miró où coexistent la ligne qui divise l’espace et la ligne qui devient tache. L’œuvre est mise en relation avec une étude de femme nue allongée de dos, sur le flanc, dans le coin supérieur d’une feuille de Delacroix. Plus loin, le trait brouillon de Lucio Fontana, définissant à peine deux volumes abstraits, est rapproché du buissonnement hirsute des barbes et cheveux de deux hommes vus de profil par Pietro Faccini (XVIe siècle) et du
crayonné charbonneux grâce auquel Seurat esquisse une nourrice et un enfant. Puis des Rochers au bord de l’eau d’Hermann Saftleven présentent de surprenantes similitudes formelles avec un Silex de Fernand Léger. Chez Picabia, le redoublement des lignes répétant un corps de femme chauve (à moins que ce soit un homme) fait écho aux observations du commissaire sur la forme qui se cherche, le trait en cours de mimétisation. Dans une section intitulée « Soutenir l’insoutenable », Jean-Luc Nancy s’interroge sur le plaisir qui naît de la fascination pour « les images les plus soignées des choses dont la vue nous est pénible dans la réalité. » 9 On remarque deux figures de Clemente Bandinelli – un homme, les yeux fermés, penche la tête en arrière dans une position d’abandon, sous un écorché aux yeux ouverts qui semble plus vif que mort – et une scène de pénétration curieusement froide – reproduction au carreau d’une image porno – de Betty Tompkins. Autre proposition stimulante dans l’exposition : un quidam dessiné de profil par Erik Dietman (avec une véritable chaussette collée sur le papier en guise de masque), côtoie une étude de Benvenuto Cellini dans laquelle une sorte de gargouille semble vomir un pied.
Décors amers
À rebours de la perspective adoptée à Lyon, consistant à rapprocher des artistes anciens et des artistes contemporains, le musée d’Art moderne de Saint-Étienne proposait de (re)découvrir l’œuvre graphique de Günther Brus en près de trois cents feuilles 10. Chez l’exactionniste viennois, le dessin est toujours hanté par la crainte de céder à la tentation décorative. Une série intitulée Cours de dessin d’après nature est de ce point de vue exemplaire. Günther Brus y esquisse pervenche, sabot de Vénus, palmier, lys, etc., avec une minutie et un sens du détail caractéristiques du dessin botanique. Mais cette dimension ornementale est contredite par la présence de motifs rhizomatiques, spermatiques, en forme de vers ou de larves, à la limite de l’abstrait et du figuratif, répétés en guise de contrepoint ironique. Cette tension entre sujet et fond caractérise aussi Le Cabinet de mort de Monsieur Matisse, hommage grinçant aux intérieurs du peintre dans lequel une main osseuse (celle d’un squelette) passe à travers une porte et se prolonge dans une ombre se terminant en crâne. La scène se tient dans une chambre dotée d’un papier peint dont le motif doucereux renvoie aux fleurs souriantes
ò Philippe Decrauzat Black Noise, 2007 © L’artiste et Ecart Publications, Genève ñ Gabriel Orozco Sans titre, 2000 Collection Frac Picardie © Gabriel Orozco / André Morin
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de Takashi Murakami. L’autre fait marquant de cette exposition de Günther Brus est sa dimension fantasmagorique à mi-chemin entre la peinture de Jérôme Bosch et certaines scènes de La Nuit du chasseur de Charles Laughton (la dérive en barque le long de la rivière, les gros plans poético-naturalistes sur des animaux), avec la présence récurrente de spectres, goules et autres créatures mi-animales, mi-humaines. Ces êtres imaginaires prennent place dans des compositions où le dessin est mis en page avec du texte, ce qui fait de certaines œuvres de véritables récits illustrés. Le tout est accompagné d’une prodigieuse invention verbale, avec des titres comme Le Dénoyauteur de fruits, Maison de correction des anges, La Maison de l’homme qui vient d’accoucher, La Forceresse… Les références à l’illustration, aux comics, bref au versant pop de l’image dessinée 11 représentent un élément récurrent des trente-deux publications d’artiste rassemblées dans le coffret Black Noise, dont les planches étaient présentées au Mamco de Genève. Le projet est une édition pilotée par John M. Armleder, Amy Granat et Mai-Thu Perret en guise de « Tribute to the Late Steven Parrino ». Le principe en est simple : trente-deux artistes, anciens collaborateurs ou amis de Parrino, ont réalisé une publication avec pour seule contrainte un titre et un format
identiques. L’exposition qui en résulte 12 consiste en une présentation réduite de planches origi nales des couvertures et couvertures alternatives de ces livrets, ainsi que de certaines pages intérieures. Elle renvoie à l’importance de la BD dans la production de Parrino 13 et à son iconographie, qui emprunte autant aux sous-cultures biker et punk qu’à l’histoire de l’art. Le trash l’emporte généralement sur l’esthétique formelle, alors que tout l’intérêt de l’œuvre de Parrino consiste justement en un équilibre parfait entre les deux. Vidya Gastaldon et Fabrice Stroun narrent les aventures d’un personnage féminin, sorte de Miss Panthera chassant le sanglier, puis le Petit Chaperon rouge pour l’offrir au loup. Plus littéral, Michael Scott dessine certaines toiles désagrafées de Parrino et les mêle à de curieuses vues de tuyauteries, évoquant un Piranèse plombier. John Wallace livre une photo de gâteau cimenté de crème chantilly qui explose, révélant un cœur rouge. John M. Armleder propose des collages d’images photocopiées provenant de différents domaines : le rock, le cinéma, la BD gore… De même, chez Fia Backström, le photocopieur prend le relais de la main de l’artiste. Utilisant la page météo d’une édition du New York Times, l’artiste la reproduit et la déforme jusqu’à faire apparaître un crâne au milieu des cartes du temps. On ne pouvait imaginer meilleur support pour une vanité.
Notes : 1. Éliane Escoubas, La Main heureuse, cité par Jean-Luc Nancy dans Le Plaisir au dessin, catalogue de l’exposition au musée des Beaux-Arts de Lyon, Hazan, 2007, p. 14. 2. Jean Starobinski, « La perfection, le chemin, l’origine », Conférence n°5, automne 1997, p. 178, cité par Jean Galard, Qu’est-ce qu’un chef-d’œuvre ?, Gallimard, 2000, p. 9. 3. Richard Long à propos de A Line Made by Walking (1967), cité par Tony Godfrey dans L’Art conceptuel, Phaidon, 2003, p. 156. 4. Selon les mots de l’artiste, dans « Tout le monde est artiste mais… », entretien entre Michael Newman et Pierre Bismuth, Pierre Bismuth, Flammarion, La Création contemporaine, 2005, p. 171. 5. En compagnie de Sylvie Ramond, directeur du musée, et d’Éric Pagliano, pensionnaire scientifique à l’INHA. 6. Paul Klee, The Pedagogical Sketchbook, Londres, Faber & Faber, 1925, p. 16, cité par Emma Dexter, Vitamin D, Phaidon, p. 7. 7. Jean-Luc Nancy, op. cit., p. 20. 8. Jean-Luc Nancy, op. cit., p. 46. 9. Aristote, cité par Jean-Luc Nancy, op. cit., p. 126. 10. Datées du début des années 1970 à la fin des années 1980. 11. Une dimension complètement absente de l’exposition du musée des Beaux-Arts de Lyon. 12. Reprise en ce moment au Cneai de Chatou dans une version plus étendue. 13. Voir par exemple les quarante planches d’Exit Dark Matter, présentées lors de la rétrospective consacrée à Steven Parrino au Mamco du 21 février au 7 mai 2006.
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Gilles Verneret, Photographie à l’A48 galerie Françoise Besson en collaboration avec la galerie le Bleu du ciel 48 rue de Burdeau, 69001 Lyon Exposition du 8 mars au 26 avril
Adel Abdessemed Telle mère, tel fils, 2008 Avions tressés, 27 × 4 m Courtesy de l’artiste et David Zwirner, New York © Ilmari Kalkkinen, Le Magasin, Grenoble
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exposition
L’œil animal
Adel Abdessemed Don’t Trust Me, 2008 Vidéos couleur Courtesy de l’artiste et David Zwirner, New York © Adel Abdessemed
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guillaume mansart
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L’exposition Drawing for Human Park d’Adel Abdessemed au Magasin de Grenoble emprunte en partie son titre à un texte du philosophe allemand Peter Sloterdijk 1. On pourrait dès lors s’attendre à ce que l’artiste réactive les thèmes de la domestication humaine, ou ceux des puissances désinhibées ou des influences « bestialisantes » de l’homme, qui irriguent la pensée du philosophe. Et c’est effectivement l’exercice grandeur nature qu’il tente de mener à bien. À travers un ensemble homogène d’œuvres nouvelles, il investit l’intégralité des imposants espaces du Magasin.
Adel Abdessemed Drawing for Human Park Magasin, Grenoble du 3 février au 27 avril 2008
« Je suis un obsédé du sens, dit Adel Abdessemed, il n’y a que ça qui doit rester. Presser, presser comme on écrase un citron, presser le sens. » 2 À partir d’une grammaire élargie de formes et de gestes (des actes), il tâche d’avancer un regard sur l’homme, sur les systèmes politiques et sur la marche du monde. Bien plus encore, « il dessine les contours de nouvelles pensées et de nouveaux concepts de circonstance » 3, il interroge constamment la conscience et la consistance de ses œuvres. Au regard de son exposition, on peut dire qu’il n’est pas toujours le seul…
Il y a d’abord cette folle vidéo. Adel Abdessemed suspendu tête en bas par un hélicoptère en vol (presque) stationnaire. Bras tendus vers le sol, secoué par le vent et les sursauts mécaniques, il tente de dessiner à la pierre noire sur des plaques en bois posées à terre. Le dispositif est spectaculaire et la vidéo, diffusée sur un petit moniteur, ne cède pas à la démesure. La puissance de la mécanique, sa violence, s’accorde à celle du trait morcelé du dessin qui est également exposé. Déjà, l’œuvre annonce cette prise de risque qui se déroule tout au long de l’exposition. Elle met en scène un chaos. L’artiste pose les limites d’un territoire insécurisé dans lequel il se met lui-même en danger. Assez rapidement, au son grondant de l’hélicoptère succède un rythme régulier, comme un compte à rebours qui se fait entendre avant d’entrer violemment dans le champ de vision. C’est la première vidéo d’une série (de six) titrée Don’t Trust Me. Une boucle très courte se répète sans fin, et on comprend que c’est le bruit d’une masse s’écrasant continuellement sur le crâne d’un porc qui marque cet insoutenable tempo. Un peu plus loin, devant le même mur de briques, c’est un cheval qui s’effondre crâne contre terre après avoir été frappé. La même boucle, le même rythme. Puis une biche, un bœuf, un bouc, un mouton. Sur les six écrans disséminés dans la grande salle centrale, la vie
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animale s’affale et s’affale à nouveau, en un éclair infiniment rejoué. Cette série Don’t Trust Me pourrait fonctionner comme le pendant de Real Time (2003), cette vidéo en boucle qui, selon un principe de montage presque identique, donnait à voir sans effet et en l’espace de quelques secondes des couples en train de faire l’amour devant un auditoire de spectateurs. Les forces dionysiaques se trouvent réunies. Eros et Thanatos et toutes les puissances mythologiques « dissidentes » sont convoqués. Et puisque c’est le sens qui donne à l’œuvre son essence, il faudrait comprendre Don’t Trust Me comme une série jouant de symboles. Le marteau d’abord, ici instrument sacrificiel, est l’outil métonymique de la classe ouvrière. Les animaux choisis évoquent pour leur part le calendrier traditionnel chinois et par extension pointent le regard vers l’une des dernières nations communistes du XXIe siècle… et cette pièce se situerait donc dans le champ de la pensée idéologique. Adel Abdessemed s’appuie sur un ensemble de référents et de renvois qui inscrit chacune de ses œuvres au cœur d’un réseau complexe. D’un symbole à un autre, d’une vidéo à une sculpture, d’une pensée à une circonvolution, il écrit une somme de ramifications sans fins. Et si, comme l’écrit Philippe-Alain Michaud, « entre sémiologie et divination, Adel Abdessemed recueille et interprète les signes de la violence qui traversent le monde et les transforme en syntagmes cosmiques, construit un récit mythologique profane et composite, fait d’une infinité de correspondances, qui dit l’interminable naissance de l’ordre et de l’harmonie à partir du chaos » 4, il n’en reste pas moins qu’à trop vouloir être « rhizomatique », il arrive que ces
œuvres finissent par diluer leur propre sens, par devenir opaques ou transparentes et par écrire ce qui semble être la justification d’un geste plastique qui s’en passerait bien. Au cœur de l’exposition, Telle mère, tel fils est une pièce monumentale qui pose physiquement cet entrecroisement de notions et de liens. L’œuvre fait de ce maillage son statement. La description de Telle mère, tel fils pourrait se résumer ainsi : une tresse de 27 mètres de long, réalisée à partir de trois avions… Les cockpits et les queues d’origine de trois jets ont été conservés et reliés entre eux par de longs cylindres souples (à l’exacte diamètre des extrémités des avions) qui se mêlent, se tressent. L’avion, élément récurrent dans l’œuvre d’Adel Abdessemed, est souvent lié à l’image du chaos ou des puissances négatives (l’hélice de moteur d’avion qui « propulse » le squelette Habibi, la spirale formée par la carlingue écrasée de Bourek, la pâte à pain en forme d’avion pétrie dans la vidéo Brick…). Ici, il manifeste les entrelacs d’une pensée insaisissable. « Je ne suis qu’un détecteur, dit l’artiste, je me plonge dans le vide ou autre chose, le noir, peu importe, je plonge, mais je ne sais pas… Dans la cité, j’emploie passion et rage. […] En tant qu’artiste, je ne peux que changer des choses petit à petit, je me mêle. J’adore ce mot, se mêler : on se mêle. » 5 Plus loin, Elle est cela (2008) rappelle inévitablement Oui, une pièce de 2000. Même principe, une étoile (renvoi à « l’étoile du peuple ») prisonnière d’une cage de Plexiglas transparent tout juste percée de quelques trous afin de libérer l’odeur de son matériau principal, la résine de cannabis. La différence entre Oui et Elle est cela tient d’une part dans leurs dimensions (respectivement 22 x 22 cm et 60 x 60 cm) et d’autre part dans la nature exacte de la résine utilisée. Alors que la première est sculptée dans
ce que l’on nomme de l’« afghan » (en provenance, comme son nom l’indique, d’Afghanistan), la seconde se constitue d’un assemblage de morceaux de barrettes de haschich plus courantes. Peut-être faudrait-il alors comprendre cette reformulation comme le symbole des mutations du monde ? Tirer les fils qui bâtissent l’œuvre globale d’Adel Abdessemed, c’est accepter de s’enfouir dans des strates qui, des Guerilla Girls 6 en passant par Nietzsche 7 ou par Gino De Dominicis 8, n’en finissent pas de s’étirer, de se détourner et de recommencer. C’est accepter de se perdre, de tomber sur des impasses, des facilités ou des complexes. Mais en traversant cette œuvre à la fois séduisante et elliptique, il faut constamment garder à l’esprit que, comme l’écrit Adel Abdessemed en lettres de néon : « Tout peut arriver quand c’est un animal qui tient la caméra. » Notes : 1. Peter Sloterdijk, Règles pour le parc humain, 1999, paru en français chez Mille et une nuits en 2000. 2. Adel Abdessemed, entretien avec Elisabeth Lebovici, À l’attaque, JRP Ringier, 2007, p. 108. 3. Dossier de presse de Drawing for Human Park. 4. Philippe-Alain Michaud, « Abdessemed », dans À l’attaque, op. cit., p. 38. 5. Adel Abdessemed, entretien avec Elisabeth Lebovici, op. cit., p. 110. 6. Voir la photographie Anything Can Happen When an Animal is Your Cameraman. 7. Voir Also Sprach Allah. 8. En 1990, Gino De Dominicis exposait un monumental squelette à l’endroit même où Adel Abdessemed a choisi de placer son imposant cercueil Messieurs les volontaristes.
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portrait
Seulement un spectre Armando Andrade Tudela
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jill gasparina
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« Je crois qu’il n’y a jamais eu d’origines absolues. Et je pense qu’il ne reste rien d’originaire. Je pense qu’il y a seulement un spectre. » 1
Armando Andrade Tudela Camion, 2003 Projection de diapositives
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Armando Andrade Tudela Kunstverein, Francfort du 8 février au 27 avril 2008 Toutes les citations d’Armando Andrade Tudela sont extraites d’échanges par mail avec l’auteur, février 2008.
Ed Ruscha, qui se moque des médiums, expliquait dans les années 1960 qu’il n’aimait pas spécialement peindre, qu’il utilisait l’appareil photo comme un « outil purement documentaire » 2, et que ses livres pouvaient bien finir à la poubelle. Le travail d’Armando Andrade Tudela, bien que l’on propose souvent la comparaison entre sa série Camion et Twentysix Gasoline Stations, n’a pas grand-chose à voir avec celui de Ruscha, si ce n’est une totale liberté par rapport au médium utilisé – liberté dont on trouve aussi la trace dans son utilisation positivement indécise de la photographie 3. Comment décrire son travail ? Pièce par pièce, cela donnerait quelque chose comme : un ensemble précisément scénographié de mini-sculptures architecturales en asphalte ou en film transparent, posées chacune sur un petit socle rond ou une page de magazine (« Untitled », Asphalt Sculptures), une série de photographies de camions tous décorés de motifs hardedge, sur les autoroutes péruviennes (Camion), des « modules d’information » (Fragments of Sculpture), un modèle architectural de communauté utopiste construite avec des lignes géantes de cocaïne (Inka Snow), une double projection vidéo – Untitled Film #2 (Espace Niemeyer / Infrared Lamp) –, une sculpture réalisée avec des copies vinyle de Transa de Caetano Veloso, beaucoup de livres, des collages et des dessins et une attention appuyée pour l’histoire des formes culturelles.
En renvoyant le spectateur à ses réflexes d’analyse, l’œuvre éclectique de Tudela met en scène les vertiges de l’analogie. Si « tout l’univers visible n’est qu’un magasin d’images et de signes » 4 comme l’écrivait Baudelaire, quelle opération cognitive faisons-nous lorsque nous associons entre elles des formes, des images ou des références ? Cette question vaut pour le spectateur comme pour l’artiste. La réponse de Tudela consiste à « décentraliser les conditions par lesquelles les signes et les symboles deviennent fixés et statiques » et à créer des « solutions imaginaires » 5 pour saisir notre paysage proche comme notre arrière plan historique. À propos de Trucks 6, Dan Fox remarquait ainsi en 2006 dans Frieze : « Il y a une ressemblance notoire avec la peinture abstraite, et il est tentant de faire des comparaisons entre les chevrons du camion et les œuvres familières de l’abstraction géométrique de l’après-guerre. Pourtant, cela nous ramène à la nécessité d’être précautionneux, en tant que critiques, dans notre manière de mettre deux œuvres en rapport, uniquement parce qu’elles se ressemblent. Et c’est là que le travail devient plus complexe. » 7 Quel intérêt y aurait-il en effet à aller « redécouvrir la peinture hardedge dans les rues du Pérou » 8 ? Les « peintures » de Camion sont en fait des logos, des éléments formels qui appartiennent au monde visuel des grandes compagnies. La série pointe la disparition à venir de ces logos homemade remplacés par ceux des corporations plus puissantes, et met en évidence les échanges entre l’art moderne occidental, les pratiques vernaculaires péruviennes et les formes logotypées de la mondialisation. Cette triangulation est une critique des hiérarchies culturelles imposées par le modernisme à une échelle mondiale. C’est
Armando Andrade Tudela Sans titre (Photographie et Verre # 1-4), 2007-08 Impression photographique montée sur PVC et verre incliné, 241 U 170 cm Courtesy Carl Freedman Gallery, Londres © Jonas Leihener
Armando Andrade Tudela Transa, 2005 9 exemplaires de la pochette de l’album Transa de Caetano Veloso (1972), dimensions variables Courtesy Carl Freedman Gallery, Londres © Armando Andrade Tudela
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aussi une critique de la pensée formaliste analogique (mettre x en rapport avec y sur la base de leurs formes) : partant du principe que les formes, désormais mondialisées, sont « brouillées 9 » et impures, pleines d’histoire et de significations contradictoires, Tudela montre, non sans malice, que tout processus analogique produit des rapports mais surtout reproduit des hiérarchies de valeurs (for melles, culturelles et politiques).
politique inclusive et la possibilité d’une (re) construction (comme on parlerait d’un jeu de construction). D’où la prégnance, peut-être, de la métaphore architecturale et de l’imaginaire constructiviste et moderne qu’il n’abdique jamais (on pense aussi à la « volonté constructive générale », le premier point du manifeste « Schéma général de la nouvelle objectivité » d’Hélio Oiticica, dont son œuvre est souvent proche).
La mondialisation de l’art a malgré tout beaucoup plus à voir avec les conditions matérielles de travail et de production des artistes et des artworkers qu’avec la circulation de ce que l’on désigne de manière souvent lapidaire par le terme de « pratiques vernaculaires ». Méfiant à l’égard de mots comme « globalisation » ou « mondialisation », ne souhaitant pas être rattaché à des esthétiques historiques (« pas de références au surréalisme, s’il vous plaît »), ce jeune artiste péruvien (né en 1975) basé à Saint-Étienne, travaille pourtant effectivement dans la position d’un artiste mondialisé, si ce terme a un sens 10. Mais il a inventé des dispositifs formels et un hermétisme bien à lui qui rendent difficiles une vision réductionniste de son œuvre, ou une labellisation de sa production (voir l’emploi crispant du terme « tropicalisme » dans la critique d’art ces cinq dernières années). « Il est très commun d’insister sur l’utopie (et son échec) pour parler de ce que je fais. Mais pour moi il a toujours été plus intéressant de construire des chaînes de dystopie, au sein desquelles chaque chose essaie de se reconstruire après la crise et non pas pendant celle-ci », explique-t-il encore. Au deuil maniaque et mélancolique, au sempiternel acte de décès des utopies et autres grands récits, l’artiste oppose aujourd’hui une
Dans ses œuvres les plus récentes, la décentralisation symbolique et culturelle se poursuit, mais ces opérations critiques sont réalisées d’une manière toujours moins didactique. Ses œuvres possèdent à présent une étrange spectralité, une opticalité transparente, une géométrie mystique qui évoque le premier Smithson, Paul Klee, Emma Kunz, ou les recherches coloristes d’Oiticica – Tudela se réfère d’ailleurs au « supra-sensoriel » 11. On pense à la double projection vidéo à la dernière Biennale de Lyon, qui montrait les angles et les arrondis de l’architecture de Niemeyer, superposant deux types d’énergie, des flashs rougeâtres et une belle lumière, ou à Nine Images of the Glass House and One Portrait (2007), un livre de photographies prises à l’intérieur de la Glass House de Lina Bo Bardi. On pense encore aux pièces très picturales présentées à Francfort, de larges photogrammes sur lesquels reposent des plaques de verre teinté orange, bleu, vert, plus ou moins denses et profonds. Les pièces évoquent la peinture, la « banalité des vitrines » 12, certains matériaux architecturaux utilisés dans les années 1970 ou les verres colorés des lunettes de soleil, mais ces trois connotations restent flottantes et s’additionnent. Les dispositifs inventés par Tudela rendent toujours les superpositions
visibles et les formes traçables. Ils évoquent désormais le « spectre » décrit par Stuart Hall, la disparition des cultures pures et la puissance politique et intensément émotionnelle qu’ont acquis les « formes brouillées ». Notes : 1. Stuart Hall, in Stuart Hall, Mark Alizart, Stuart Hall, Éric Macé, Éric Maigret, Amsterdam, 2007, p. 84. 2. « My books end up in the trash » et « I’m not really a photographer », in Leave Any Information at the Signal: Writings Interviews, Bits, Pages par Ed Ruscha et Alexandra Schwartz, MIT Press, 2004. 3. « Parfois, je pense que l’altération du médium photographique est une solution intéressante et pertinente et parfois je me demande si on en a vraiment besoin. Spécialement depuis que ma manière d’utiliser la photo est aussi retorse, basée parfois sur un processus lumineux et parfois juste des instantanés. » 4. Baudelaire, Œuvres complètes, t. II, éditions Claude Pichois, Paris, Gallimard, 1976, Salon de 1859, p. 627. 5. Extraits d’un statement écrit par Armando Andrade Tudela il y a quatre ans, non publié. 6. La série existe en projection et aussi sous forme de livre. 7. Dan Fox, Frieze #102, octobre 2006. 8. Communiqué de presse de l’exposition au Kunstverein de Francfort, 8 février-27 avril 2008. 9. Stuart Hall, op. cit., p. 84. Dans cet entretien avec Mark Alizart, Stuart Hall, figure historique des cultural studies britanniques, évoque la nature désormais brouillée des formes culturelles à notre disposition. 10. Quelques critères institutionnels de cette position d’artiste mondialisé : il commence à exposer dans de grandes institutions et a participé à plusieurs biennales internationales (São Paulo, Lyon). 11. Voir « Apparition du supra-sensoriel » in Hélio Oiticica, Galerie Nationale du Jeu de Paume, RMN Paris, 1992. 12. Armando Andrade Tudela, op. cit.
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art et espace public
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hauviette bethemont
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La BF15, espace de diffusion de l’art contemporain situé à Lyon, vient d’éditer un étonnant guide qui répertorie les interventions artistiques effectuées dans l’agglomération lyonnaise depuis 1978 1. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette précieuse comptabilité des œuvres réparties dans l’espace public a demandé des mois de travail. Jusqu’à présent, aucune institution n’avait jugé bon de faire le point sur ce qui avait été réalisé. Marianne Homiridis, l’auteur de ce guide, est donc partie à la recherche des œuvres perdues avec peu d’éléments en main. Le guide qui résulte de son travail d’enquête ne se contente pas d’inviter les amateurs à la promenade, il est aussi un outil relatant l’évolution formelle des œuvres, les changements dans les demandes des commanditaires, les modifications du cadre législatif relatif à l’art dans l’espace public. Cet ouvrage a un précédent : le Guide de la statuaire lyonnaise réalisé en 1980 par Daniel Buren. À l’époque, l’artiste avait revalorisé ce patrimoine en intervenant directement sur les socles des statues. À partir de ce travail historique, Marianne Homiridis a choisi la date de 1978 comme point de départ, correspondant à la fois à la première ligne de métro et au premier symposium de sculptures à Lyon, deux commanditaires avant-gardistes. De rue en rue, de documents en archives, elle localise et décrit pas moins de trois cents œuvres. Il y a celles qui se donnent à voir sur une place, comme le patineur de César, dans des parcs comme celui de la Cerisaie à la Croix-Rousse, ou encore à la Cité Internationale, gardée par l’imposant ours de Xavier Veilhan, son fidèle
Le renouveau de la commande publique
livreur de pizza, quelques pingouins et une roller-girl. On les repère encore dans les parkings de Lyon Parc Autos où sont intervenus Daniel Buren, Dror Endeweld, François Morellet, Valérie Jouve, Véronique Joumard, etc. Les autres ? Elles sont dans des lycées, des universités, visibles parfois par les seuls utilisateurs de ces lieux. Qu’importe, au fil des pages de L’Art contemporain dans les espaces publics, on découvre ou redécouvre de petites merveilles : Giuseppe Penone au Conservatoire National de Musique, Robert Stadler au lycée Alfred de Musset, Lawrence Weiner sur la place Mendès-France de Villeurbanne…
mais ce n’est qu’en 2002 qu’un décret daté du 29 avril définit avec précision les procédures. Est alors institué un comité artistique comprenant le maître d’ouvrage, le maître d’œuvre, un représentant de la Drac, un représentant des utilisateurs du bâtiment et deux personnalités qualifiées. Une commission artistique régionale et une commission artistique nationale dont les avis sont consultatifs peuvent intervenir. Le décret réaffirme la possibilité d’achat ou de commande d’une ou plusieurs œuvres destinées à être intégrées dans l’ouvrage et ses abords, ce qui permet de globaliser ou de détacher de l’ouvrage les interventions dans un sens plus moderne de l’urbanisme.
Années fastes et baisses de tension
Marianne Homiridis propose des vues chronologiques des œuvres qui, rassemblées par date, s’offrent en résonance à l’histoire de l’art dans la ville. Immédiatement se dessinent les années fastes, les baisses de tension et les reprises. De 1980 à 1990, la période est généreuse pour Lyon comme pour la Région. L’État, via la direction régionale des Affaires culturelles (Drac), est un important commanditaire et la Région, qui s’affirme avec la loi de décentralisation du 22 juillet 1983, joue un rôle de plus en plus important. Entre ses mains, la loi de 1951 dite du 1% devient une superbe opportunité. Cette procédure permettant de réserver, à l’occasion de la construction, de l’extension et de la rénovation de certains bâtiments publics, une somme destinée à la réalisation d’une œuvre commandée pour ce lieu, va subir quelques modifications. Dès 1980, le 1% s’étend aux grands chantiers et permet des réalisations conséquentes. Des commissions se mettent en place, mais le fond de la loi demeure, c’est à l’architecte que revient le choix de l’artiste. En 1993, des comités de pilotage sont mis en place,
Les années 1980 entraînent l’installation de près 160 œuvres sur le territoire du Grand Lyon, résultat d’une forte volonté politique. En 1983, l’État relance la commande publique en créant un fond qui lui est destiné. Il s’appuie sur la décentralisation avec, dans ses bagages, des conseillers artistiques pour essayer de donner du sens et de la cohérence aux interventions. Mais ce bel élan est stoppé. Devenu frileux, l’État se désengage et les villes jouent la carte de la discrétion. Seules exceptions à cette situation de crise : la réalisation de la place des Terreaux par Daniel Buren et Christian Drevet, l’Opéra de Jean Nouvel éclairé par Yann Kersalé et les interventions d’artistes dans les parkings de Lyon Parc Autos. Les années 2000 sont plus prolixes. La Région Rhône-Alpes et le Grand Lyon deviennent des commanditaires incontournables. Ainsi, depuis 2006, la Région a réalisé pas moins de vingt projets et devrait étendre la logique de l’art dans l’espace public à d’autres architectures, les gares en particulier, comme le souhaite Yvon Deschamps en charge des arts plastiques. Des structures privées ou publiques comme la Sacvl, la Semaly, le Sytral,
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la Fondation Mérieux, l’Institut Pasteur ou la SEM Cité Internationale rejoignent la table des festivités. Belles rencontres
Le plus important commanditaire de l’art en France arrive lui aussi avec les années 2000. Soucieuses de leur environnement, les villes misent sur le tramway. Mais les œuvres accompagnant les deux lignes de tram de Lyon ne laisseront que peu de traces, les bornes vidéo de Pierrick Sorin, les créations sonores de Bill Fontana, la vraie-fausse table d’orientation de Jean-Jacques Rullier ayant fait l’objet de dégradations. Par opposition, Strasbourg, Rouen, Lille, Paris, Nantes et Nice ont réussi ou sont en train de réussir ce passage à l’acte. Contrairement à la Cité Internationale (architecte Renzo Piano) où Xavier Veilhan et François Morellet sont intervenus après coup, de nombreux édifices donnent lieu à de belles rencontres. Ainsi, au centre hospitalier Saint-Luc Saint-Joseph, Cécile Bart est intervenue sur toutes les façades, alors que Krijn de Koning a joué l’incrustation d’une sorte de corps étranger sur un ancien bâtiment rénové des douanes. Ce n’est qu’un début, puisque le futur site du Confluent déborde de projets, tel le pavillon n°8 conçu par Odile Decq et Benoît Cornette avec une œuvre de Felice Varini, ou le pavillon n°6 de Rudy Ricciotti dont une façade sera traitée par Gérard Traquandi. À ces deux exemples, il faut ajouter l’œuvre qui accompagnera le futur siège de la Région Rhône-Alpes
(architecte Christian de Portzamparc, inauguration prévue en 2010). Dotée d’une enveloppe de 900 000 €, cette commande est la plus importante jamais réalisée à Lyon. Parmi les artistes pressentis, on peut citer Daniel Buren, Jeppe Hein et Dan Graham, Vincent Lamouroux et Jorge Pardo.
Jean-Luc Vilmouth, Cage de lumière, 1988 Lycée professionnel Léon Blum, Saint-Fons
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Xavier Veilhan, Les Habitants, 2006 Cité Internationale, Lyon 6e
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Ce guide de l’art contemporain dans les espaces publics de l’agglomération lyonnaise permet d’avoir une vision globale des œuvres. Mis en page avec sobriété par Perrine Lacroix, cartographié par Alain Bublex, il se propose de faire découvrir un autre aspect de ce territoire. En recensant les œuvres, il leur redonne une existence : bon nombre d’entre elles, oubliées au fond d’un parc, dépérissent à petit feu. La question de l’entretien des œuvres n’ayant jamais été réellement posée, personne ne sait qui doit le prendre en charge. Un retard significatif du décalage d’attitude entre la volonté de faire entrer l’art contemporain dans nos rues et celle de le considérer comme partie intégrante de la ville. Notes : 1. Marianne Homiridis, Perrine Lacroix, L’Art contemporain dans les espaces publics, Territoire du Grand Lyon 1978 / 2008, Lyon, édition La BF15, 2008, 240 pages, cartes d’Alain Bublex.
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gilles verneret et l’équipe du bleu du ciel présentent expositions
du 6 mars au 26 avril 2008
Jean-Louis Elzéard
« Ce printemps, le printemps encore réinventera les près »
du 6 mars au 12 avril 2008
Laurent Da Sylva / La fabbrica
Bureau_espace d’expérimentation en partenariat avec l’École nationale des beaux-arts de Lyon
vidéos
Jared Katsiane / Five Films
Labo_espace vidéo en collaboration avec Les Inattendus Le Bleu du ciel — Le traitement contemporain 10 bis rue de cuire, 69004 Lyon tél. 04 72 07 84 31 — www.lebleuduciel.net
www.lespressesdureel.com
Projet2
15/02/08
8:22
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Page 1
Château des Adhémar Centre d’art contemporain - Montélimar
John ARMLEDER
Exposition du 28 juin au 5 octobre 2008 Ouvert tous les jours de 9 h 30 à 12 h et de 14 h à 18 h En partenariat avec la ville de Montélimar et la galerie Éric Linard (La Garde Adhémar) Renseignements : Les Châteaux de la Drôme, 26230 Grignan tél. 04 75 91 83 50 — http://chateaux.ladrome.fr
joana hadjithomas & khalil joreige
expositions
Histoires tenues secrètes par François Aubart
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Joana Hadjithomas et Khalil Joreige Wonder Beirut, « Carte postale de guerre », 1998-2006 Carte postale, 10 U 15 cm Courtesy Galerie In Situ © Joana Hadjithomas et Khalil Joreige
Le fort du Bruissin est un imposant ensemble construit après la guerre de 1870 pour défendre Lyon d’une éventuelle reprise des conflits. Depuis le début du mois de février, une partie importante de ce bâtiment accueille un centre d’art. Dans un tel lieu patrimonial, il n’est pas surprenant de découvrir l’œuvre du couple d’artistes palestiniens Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, qui s’attache à représenter l’histoire et la guerre par les traces qu’elles laissent. Chez eux les événements se racontent à la première personne. Ainsi, la série Wonder Beirut montre sous différentes formes les négatifs brûlés par un certain Abdallah Farah. Personnage fictif créé par Hadjithomas et Joreige, il est l’auteur d’un grand nombre de cartes postales de la capitale palestinienne dans les années 1960. Pendant la guerre civile qui ravage sa ville entre 1975 et 1990, il détériore méthodiquement ses négatifs avec un grand respect pour la correspondance entre les bâtiments détruits et leur représentation. Les cartels datent les bombardements et rendent compte de leurs évolutions, heure par heure. Dans ce passage d’une représentation de masse à un témoignage se fonde la personnalisation du commun. En effet, Abdallah Farah ne s’attaque pas à l’image même, par nature multipliable, mais à sa matrice. Les tirages qui en résultent ont donc ceci de particulier qu’ils rendent compte de la trans-
formation d’un médium objectif, dont toutes les apparitions seraient identiques, en une pratique laissant une place à son interprétant. Celui-ci, par son geste, ne fait pas que rendre visibles les conséquences des bombardements, il transforme une image générique en une vision subjective. Ainsi, la nature de ces images de destructions allégorisées brouille la frontière qui sépare représentation et interprétation. Ce passage par la vision subjective est renouvelé dans Khiam, un film composé de témoignages d’anciens détenus de la prison du même nom. Ils y décrivent d’abord leur vie quotidienne et son horreur physique, puis finissent par raconter les façons inhumaines d’y survivre, qui passent par une déréalisation. Les périodes d’isolement forcé dans des cellules minuscules deviennent des instants de méditation et la réalité des séances de torture est repoussée en les rejouant entre compagnons de cellule sur le mode parodique. Ces témoignages s’attachent aussi à la narration du besoin d’élaborer des objets. Utilitaires dans un premier temps puis finalement décoratifs, ils sont réalisés de façon de plus en plus virtuose dans leur finition, atteignant des summums de maîtrise. Cette recherche de perfection traduit l’accaparement de leur auteur et leur besoin de s’extraire du monde qui les encercle. Une fois de plus l’horreur n’est pas représentée de façon directe et descriptive. Elle se situe dans son intériorisation, dans la faille trauma tique de l’après-coup qui se révèle lorsqu’un ancien prisonnier affirme qu’une fois sorti de Khiam, plus rien ne peut motiver sa vie. Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, Histoires tenues secrètes Fort du Bruissin, Francheville du 8 février au 27 avril 2008
maxime vernier
ivan moudov & shingo yoshida
Vers une nouvelle économie de production ?
Rond-point
par Daphné Le Sergent
par Daphné Le Sergent
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Maxime Vernier Fructose Bending, 2008 Vue de l’exposition au Stand, Lyon © Loïc Charbonneau
Shingo Yoshida Sonic Hedgehop, Yokohama / Minatomirai, Japon (15 / 01 / 2008 à 20 h 30), 2008 Vue de l’exposition à la BF15, Lyon © Shingo Yoshida
Auparavant installé à la maison Neyrand, Le Stand a déménagé et poursuit ses activités rue Burdeau, dans le 1er arrondissement de Lyon. Outre un espace d’exposition, le nouveau lieu propose un atelier – et dans l’avenir peut-être un studio – pour accueillir les artistes en résidence. Ces modalités de travail et de monstration des œuvres ne sont pas sans rappeler celles de La Générale à Sèvres où se côtoient expositions, résidences et pôles de production. C’est d’ailleurs le projet du collectif d’artistes qui a la charge du Stand : participer au développement d’un réseau de lieux d’exposition alternatif à celui des centres d’art. Ainsi, Le Stand accueillera en mai le collectif NBSP de La Générale après avoir été exposé dans leur locaux de Sèvres en avril, permettant une visibilité de ces jeunes artistes hors région Rhône-Alpes. Pour l’instant y est présenté le travail de Maxime Vernier, Fructose Bending, un dispositif sonore partant d’un simple métronome, récupérant son battement rythmique, puis le faisant traverser des
fruits – citrons, oranges, pommes – dont l’humidité et l’acidité permettent la conduction du courant. Le système se prolonge jusqu’à une batterie, non pas générateur d’énergie mais instrument de musique, formée grâce à des bassines aux couleurs de l’installation et diffusant le rythme déformé du métronome. Celui-ci n’est plus simple battement mais s’étire au gré de ce filtre végétal, évoquant l’écho électronique et spatialisant des sound-systems. Ainsi, Maxime Vernier dresse une économie du visible, remake de la nature morte qui ne s’agence plus par rapport à une composition picturale, mais selon la question d’un environnement aussi bien visuel que sonore. Maxime Vernier Le Stand, Lyon du 9 au 26 février 2008
Face à un quotidien vissé dans l’espace public, un espace qui appartient à tous mais aussi à personne, les artistes présentés à la BF15, Ivan Moudov et Shingo Yoshida, réagissent et proposent deux différentes voies, fractures par lesquelles reprendre l’ascendant sur le paysage urbain. Ces nouvelles perspectives augurent ce que Toni Negri désigne par « exode », porte de sortie hors de tous les codes, normes, rapports de pouvoir auxquels l’individu insidieusement se plie en se tenant aux carrefours des flux des métropoles. Ivan Moudov, artiste bulgare, se substitue à la figure de l’ordre public et, endossant un costume de gendarme bulgare au milieu d’un rond-point allemand, bloque la circulation durant 14’13’’ jusqu’à l’arrivée de la police. La performance 14 : 13 Minutes Priority, dont la vidéo est diffusée à la BF15, usurpe la codification du trafic, la déleste de toute fonction, force l’absurdité de ses injonctions quotidiennes, coagulant autour du rond-point une circulation qui aurait dû rester fluide.
Quant à Shingo Yoshida, artiste japonais, il présente entre autres, une œuvre spécialement conçue pour l’exposition. Sonic Hedgehop est une structure de cinq mètres de haut transposant en trois dimensions la pente d’une courbe de fréquences sonores d’une circulation routière, capturées au Japon. Cette masse à l’allure rocheuse – esquisse d’une montagne ou d’une vague, comme dans l’estampe d’Hokusai – reprend la texture goudronnée de l’asphalte et se fait l’écho d’un environnement envahissant. Comme si la base de cette courbe sonore était devenue une route accidentée où l’on se trouve à l’état d’errance, comme si ce qui se tient sous nos pieds, le sol, ce que l’on partage en commun, notre identité, se dressait irrémédiablement. Ivan Moudov et Shingo Yoshida, Rond-point La BF15, Lyon du 9 février au 29 mars 2008
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Mihael Milunovic Duck, série Patches for the New Millenium, 2004-2008 Caisson lumineux, Ø 80 cm Série 1 / 4, courtesy galerie Georges Verney-Carron
expositions
mihael milunovic
mathias schmied vs p.nicolas ledoux
Charge creuse
Faites la guerre, pas l’amour
par François Aubart
par Cédric Schönwald
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Une grande partie du travail de Mihael Milunovic présenté dans cette exposition se construit par l’assimilation et la redistribution de signes et de symboles. Extraits de contextes divers, ils se mêlent dans des compositions qui, au moins formellement, gardent l’apparence d’emblèmes. Seulement, ils sont vides de sens. Car aucune lecture ne paraît leur être applicable. Chacun des éléments qui composent ces œuvres semble pouvoir être identifié en terme de provenance, mais leur motivation reste absente. De nombreux registres s’y croisent, de la bande dessinée à l’emblème communautaire, détournant de fait toute possibilité de les interpréter de façon univoque. Toute la portée que l’on pourrait attendre de ces images est annulée par leur caractère insaisissable. Relevant simultanément de différents champs, elles n’ont plus de véritable position et passent sans encombre de la revendication politique à la stratégie de communication. Ces œuvres mettent ainsi en lumière la disparition d’une véritable position stable du discours qu’elles devraient relayer. Elles rejouent la liquidation du champ symbolique par des stratégies où l’image n’est plus utilisée que pour ses caractéristiques formelles, sa provenance et sa fonction n’ayant plus d’importance. Ces blasons reflètent ainsi le mal-être d’une société dans laquelle il n’existe plus de division entre les différents niveaux d’expression et où tout ne relève plus que de la communication généralisée. Ce qu’ils ont d’effrayant n’est finalement pas leur apparente absence de positionnement, mais leur parfaite capacité à ne pas indiquer leurs véritables intentions. Mihael Milunovic, Charge creuse / Hollow Charge Galerie Verney-Carron, Lyon du 31 janvier au 29 mars 2008
Conçue comme une amicale bataille plastique à la manière des combats de dj’s, Drawing Battle 2 est en quelque sorte le match retour (premier round l’an passé, à domicile pour P.Nicolas Ledoux, galerie Magda Danysz) d’une partie qui pourrait connaître d’autres échéances. C’est à présent la galerie lyonnaise Olivier Houg qui sert de cadre à la joute entre l’un de ses poulains, Mathias Schmied, et son ami parisien. Le bel espace du quai Rambaud présente ainsi des œuvres issues du corpus de chacun des jeunes artistes ainsi que d’autres, réalisées à quatre mains selon diverses procédures. Un double diaporama aléatoire organise aussi un coin de confrontation, petite zone de chevauchement d’images où se concrétise le conflit, ou plutôt la rencontre de deux univers artistiques ayant bien plus de choses en commun que de motifs de querelle. Ils s’inscrivent tous deux dans une logique de remix, citant (Ledoux) et déstructurant (Schmied) avec impertinence l’œuvre d’illustres prédécesseurs. « Faites la guerre, pas l’amour », l’injonction caustique d’Ultralab (dont P.Nicolas Ledoux est membre) semble coller à la peau du dessinateur/graphiste parisien. Ses dessins au trait noir surchargent la page de scènes picrocholines d’une facture syncrétique. Artistes, curateurs, institutions, « œuvres phares » s’y livrent une guerre de position et de postures sans merci. Un champ fratricide dont l’artiste ne s’exclut pas, mais qu’il prétend observer depuis les bas-côtés. Taillant habituellement au scalpel dans l’histoire de la BD et de l’image de masse, Mathias Schmied se restreint ici surtout à la répétition obsessionnelle, au pochoir, d’un skull (une tête de mort). Incrusté sur (ou sous) les dessins de Ledoux, découpé puis épinglé sur les cimaises de la galerie, ce motif viendrait rappeler aux moins avertis l’issue immanquable de toute lutte pour la vie… Mathias Schmied vs P.Nicolas Ledoux, Drawing Battle Round 2 Galerie Olivier Houg, Lyon du 31 janvier au 5 avril 2008
Mathias Schmied vs P.Nicolas Ledoux Drawing Battle Round 2, œuvre à quatre mains n° 14, 2007 Techniques mixtes, 60 U 40 cm.
stéphane calais
laurent mulot
Abstraction impure
Dans l’empire des milieux
par Pierre Tillet
par Cédric Schönwald
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Stéphane Calais Sans titre, détail, 2008 Peintures murales, moquettes et acrylique, dimensions variables Courtesy galerie J. Wolff © Espace d’Arts plastiques de Vénissieux
Pour l’espace d’Arts plastiques de Vénissieux où il expose actuellement, Stéphane Calais a réalisé une série de quatre peintures murales, de grand format, en noir et blanc. Chacune représente une grille traversée de lignes obliques. Lorsqu’on avance dans l’espace, le fond noir prend le dessus et le motif tend à disparaître. D’un côté, la présence de la grille évoque l’abstraction géométrique. De l’autre, le noir qui devient envahissant fait de ces peintures des quasi monochromes. Mais ces renvois au modernisme sont brouillés par des références à d’autres domaines : le katagami (art raffiné du pochoir japonais apparu au XIIIe siècle) et la BD (on pense aux contrastes de noir et blanc dans certains strips de Milton Caniff ). Ainsi, en se rapprochant des arts dits « mineurs », Stéphane Calais ironise à propos de l’idée de l’auto-référentialité de la peinture abstraite (sans objet autre qu’elle-même, en lutte contre les images, etc.) À cette notion, il semble préférer celle d’abstraction impure. Une abstraction qui est aussi en continuité avec le monde ordinaire : la grille représentée de différentes façons fait aussi penser à un tressage, voire à un treillis métallique – comme ceux dont on se sert dans l’architecture. Il est d’ailleurs largement question d’architecture dans cette exposition constituée d’une seule œuvre. En face des peintures que l’on vient d’évoquer, des lés de moquette pendent du plafond vers le sol, en dessinant un t inversé. Les peintures murales et les pans de
moquette ont la même taille que les fenêtres du bâtiment dans lequel on se trouve. La moquette est de la même couleur et d’une texture comparable à celle du flocage qui recouvre le plafond. En tenant soigneusement compte de ces détails, Stéphane Calais se faufile dans l’architecture du lieu qu’il modifie imperceptiblement en le divisant et en y introduisant un rythme séquentiel. D’autre part, la moquette industrielle (on est plus proche de Saint-Macloud que du feutre de Robert Morris) a été éclaboussée de peinture noire à la manière de l’action painting. L’artiste joue ici sur plusieurs oppositions : la peinture sur moquette molle contredit la peinture murale ; la peinture au pochoir d’une grille architecturée contraste avec la peinture projetée qui éclabousse. Stéphane Calais élabore ainsi des tensions qui circulent au travers de son œuvre. Une œuvre qui crée son propre environnement et dont on ne peut avoir que des visions fragmentaires (les pans de moquette obstruant la vision des peintures murales). À charge ensuite de se reconstruire une image mentale de l’ensemble.
Grand voyageur devenu photographe après avoir pratiqué la sculpture, Laurent Mulot décide à l’occasion d’un séjour en Australie de ce qui sera son « entrée en art contemporain » 1. À cette fin, deux axes forts : l’un, formel, vise à associer une logique documentaire à des soucis plastiques ; l’autre, plus institutionnel, revient à intégrer à l’œuvre même sa quête de légitimation. Désormais conquérant, Laurent Mulot décide, pour s’attribuer une part d’art, de diviser le monde en quatre. De quatre continents, il désigne un milieu approximatif, qu’il considère comme « milieu de nulle part » (Middle of Nowhere). À Cook en Australie, Zhu Hai Zhen en Chine, Rocheforchat dans la Drôme ou Mazagao Velho au Brésil, il rencontre les rares habitants, fait des photos couleur de leur cadre de vie et tire d’eux un unique portrait en noir et blanc. Pour faire venir ironiquement à soi les centres d’art, Mulot pose en chacun de ces quatre « milieux » une plaque indiquant l’emplacement d’un centre d’art fictif dans lequel il s’invite comme artiste résident permanent (la plaque en atteste) et dont il confie la garde aux locaux rencontrés. Au Bleu du ciel et à la galerie Françoise Besson, on peut donc apprécier l’exposition de travaux documentaires et de paysages au service d’un bricolage conceptuel dont on pressent un peu trop la couture instrumentale. Deux vidéos viennent à l’appui du display ainsi qu’un site internet 2. 1. Cf. le texte de Gilles Verneret dans le catalogue qui accompagne les deux expositions. 2. www.theycomeoutatnight.org
Laurent Mulot, Middle of Nowhere Le Bleu du ciel et galerie Françoise Besson, Lyon du 13 décembre 2007 au 29 février 2008
Stéphane Calais Espace d’Arts plastiques de Vénissieux du 19 janvier au 24 mars
Laurent Mulot B31 at Dawn, 2006 Tirage lambda contrecollé sur aluminium, 160 U 90 cm
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expositions
Matthew Pillsbury Roger & Tina Anderson, WTTE Newscenter @ 10 pm, 2003 © Matthew Pillsbury / Fondation HSBC pour la photographie
matthew pillsbury & julia fullerton-batten
marine hugonnier
Les spectres de Pillsbury
Les lois du Caméléon
par Pierre Tillet
par Mathilde Villeneuve
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C’est un wapiti qui brame dans la vitrine d’un muséum d’histoire naturelle, avec un décor hyperréaliste totalement fabriqué. Saisie par Matthew Pillsbury, la bête semble plus vivante – même empaillée – que le spectateur fantoma tique qui la regarde, assis sur un banc. En effet, Pillsbury photographie avec un long temps de pose, ce qui réduit les sujets en mouvement dans ses images à n’être que des spectres. Un tube de dentifrice sur un évier a ainsi plus de présence qu’un homme assis dans la baignoire d’une chambre d’hôtel du Bellagio, à Las Vegas. Se détachant imperceptiblement sur le skyline de Los Angeles, deux personnages peinent à habiter la terrasse et le jardin d’une villa moderniste. Enfin, il faut se brusquer le cristallin pour apercevoir dans le sous-sol un peu miteux d’une maison une sorte d’ectoplasme courant sur son home-trainer. Autre particularité des somptueuses photographies nocturnes, en noir et blanc, de Matthew Pillsbury : la présence d’écrans de télévision ou d’ordinateur réduits à n’être que des sources lumineuses, des boîtes blanches – l’inverse de la chambre photographique. Au Réverbère, l’œuvre de Matthew Pillsbury était présentée avec celle de Julia Fullerton-Batten, dans le cadre de l’exposition annuelle des lauréats du prix de la Fondation HSBC pour la photographie. Plus spectaculaires, les images en couleurs réalisées par Fullerton-Batten montraient des jeunes filles mises en scène dans des centres commerciaux, des ports ou des quartiers historiques de villes reconstitués en maquette. Une approche parfois parodique, méticuleuse, étonnante dans ses brusques changements d’échelle, d’où ressortait bien la dra maturgie de l’adolescence post-girly. Matthew Pillsbury et Julia Fullerton-Batten Le Réverbère, Lyon du 9 février au 12 avril 2008
Marine Hugonnier The Secretary of the Invisible, 2007 Film super 16 mm transféré sur DVD, son, 21 ’ 49” Courtesy de l’artiste et galerie Max Wigram, Londres
Qui, mieux que le caméléon, peut jouer l’homme invisible ? C’est sûrement pour cette raison que Marine Hugonnier, artiste, philosophe et anthropologue de formation, en fait le symbole de son dernier film The Secretaries of the Invisible, projeté en ce moment au Mamco. Non seulement elle lui dédie une scène entière, en zoologue avertie, mais filme également la fête rituelle qui lui est consacrée au Niger. Le reste nous invite à une balade le long du fleuve nigérien qui alterne entre des longs travellings depuis une pirogue, des débarquements sur la berge et des conversations entre deux personnages, Damoure Zika et Moussa Hamidou, acteurs ou perches son, c’est selon. Comme la bête, maître en camouflage, qui se déploie à pas de loup, la caméra s’accroche en douceur à l’espace qui l’environne, nous faisant hésiter sur qui, du paysage ou de l’animal, ralentit l’autre. L’artiste étire-t-elle le cours des choses ou parvient-elle à capter leur rythme naturel ? Comme les yeux en orbite du reptile doué d’ubiquité, la caméra tantôt balaie le paysage, tantôt s’attarde sur des détails, resserrant sur des visages ou sur un alignement de matelas colorés disposés au fond de la pirogue – une belle image vécue soudainement comme l’irruption poétique d’une forme géométrique fléchie dans un espace ultra naturel. Installés en mode infra-mince, le caméléon et la caméra donnent lieu à un conte documentaire, délicat dosage de vérité et de mensonge, si l’on en croit un des protagonistes qui converse sur le cinéma. On pense alors à la dernière image du film qui plante rétrospectivement le décor : un spot éclaire une réunion de gamins autour d’un arbre. L’artiste caméléon s’approche puis se glisse au beau milieu des choses pour mieux s’y intégrer, voire s’y dés-intégrer. Marine Hugonnier, The Secretary of the Invisible in “Hagiohygiecynicism », cycle « Rolywholyover », quatrième période Mamco, musée d’Art moderne et contemporain, Genève, du 27 février au 18 mai 2008
philippe cazal
retour sur images
United Tilt
Ronde de nuit
par Pierre Tillet
par Pierre Tillet
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Anne-Laure Sacriste Les Séquoïas Huile sur bois, 2003, 15 U 24,5 U 6 cm
Philippe Cazal Invisible visible, 2008 Tirage numérique
Cela commence par des mots ordinaires, un dialogue certes lapidaire, mais apparemment banal. À l’entrée de la Villa du Parc, Philippe Cazal relate en lettres blanches, collées sur la verrière, une conversation entre deux personnages dénommés Jack et Philip. En fait, leur conciliabule est absurde, puisqu’il se réduit à des échanges à base de « Yes » et de « No » : « Jack : Yes – Philip : No – Jack : Yes… No ? – Philip : No – Jack : Yes ! », etc. L’artiste propose ici une combinatoire de mots qui fait sens, mais où le sens se délite. Cette interrogation sur l’efficience du langage (qui parle ? à qui ? de quoi ? comment ?) est établie grâce au procédé de la répétition transformante d’un ou plusieurs mots, que l’on retrouve dans plusieurs œuvres. Ainsi, « Untitled » devient « Untilted » en lettres noires sur fond blanc entouré d’un cadre noir. D’autre part, ces deux mots – ou pseudo mot pour le second – sont partiellement barrés, ce qui ajoute un niveau de sens : on lit alors « United Tilt », ce qui sort l’œuvre du champ de l’art où « Untitled » est courant, pour la rapprocher de la sémantique de Benetton et des flippers. La précision avec laquelle opère Philippe Cazal est telle que l’on assimile
ces déplacements plus intuitivement à la vision de l’œuvre que ne peut le laisser penser le présent commentaire. Dans les premières salles de l’exposition, de grandes affiches collées au mur présentent d’autres travaux qui portent sur le langage. Sur un fond orange clair, des lettres isolées apparaissent en blanc et en rouge. Un examen rapide permet de recomposer mentalement les termes « visible » et « invisible » – ce qui est signifiant puisqu’il est question de la lisibilité de mots proches, constitués de lettres détachées. Dans un autre registre, Philippe Cazal décline cinquante-deux propositions incluant l’idée de jeu (« Le jeu… du langage, du hasard, des images, de la fiction, des formes, des signes, des contraires, des contraintes », etc.) Autre qualité de l’œuvre : elle énonce ce qui pourrait être son propre commentaire critique. D’ailleurs, les notions ici associées au jeu semblent pertinentes pour approcher l’ensemble du travail de Philippe Cazal. Remarquable par sa qualité graphique et plastique, par l’ébranlement qu’elle fait subir au langage, l’exposition l’est aussi par la manière dont l’espace est investi (celui de la vitrine, des murs où sont collées des affiches, de la Villa du
Parc dans son ensemble). On est ainsi conduit du rez-de-chaussée au premier étage du centre d’art par une ligne continue de texte avec les mots : « contre lui contre elle contre eux contre nous contre tout contre rien contre quoi »… Cette sorte d’incantation qui progresse le long des murs se poursuit d’une autre manière par une création sonore. Casque sur les oreilles, on est invité à écouter les Litanies prononcées par Philippe Cazal. Ici, le mot n’est plus ni signe, ni image, mais son : les Litanies consistent en une scansion d’expressions, de formules toutes faites ou de termes journalistiques galvaudés : « Lettre ouverte, dessus dessous, 4% d’audience, l’inattendu, à l’épreuve du temps, de record en record… » Un cut-up jouissif que l’on voudrait prolonger indéfiniment. Philippe Cazal, Untitled Untilted Villa du Parc, Annemasse du 9 février au 12 avril 2008
Située à Chambéry, L’Antichambre est une galerie d’appartement comme il en existe beaucoup en Suisse et de plus en plus en France. Sous l’intitulé Retour sur images, elle présentait récemment une exposition collective réunissant des artistes qu’elle avait montrés en 2007. Soit un digest confrontant dessins, photographies et peintures sur des murs distincts, dans un accrochage par médium sans saveur. Pourtant, l’ensemble n’en restait pas moins fluide. De Jean Stern, on retient une surprenante hutte, forme générique dessinée sans échelle précise. Olga Yaker proposait un monotype intriguant dans lequel une sorte de baudroie se détachait sur un fond noir, entourée d’un collier de planètes colorées. À côté de tableaux précieux sur bois de Anne-Laure Sacriste étaient accrochés de vastes tirages d’Éric Hurtado (la moitié du tandem Étant donnés) dont une Ronde de nuit. Ces photos – prises à l’aube, au crépuscule ? – restituaient des fragments de paysage en gros plan, dans une tonalité vert sombre nuancée par des zones indistinctes, fleurs laissant de petites taches blanches ou rayons de soleil faisant une trouée. Enfin, l’exposition confrontait un diptyque de Pierre Gattoni et des toiles de Romain Bernini. Le premier livrait deux monochromes usant de dégradés de bleu et de gris, tandis que le second peignait un arbre expressionniste sur un sol neigeux et un paysage de Louisiane rappelant certaines scènes du film Intuitions (Sam Raimi, 2000). La couleur seule des monochromes, dans un rendu comparable à celui d’une carrosserie, opposée à des sujets banals, mais traités avec une fougue expressionniste : quoi de plus stimulant ? Retour sur images, avec Romain Bernini, Christine Crozat, Pierre Gattoni, Éric Hurtado, Anne-Laure Sacriste, Jean Stern, Alexandre Suberville, Olga Yaker. Galerie L’ Antichambre, Chambéry du 7 décembre 2007 au 15 février 2008
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expositions
david ancelin, karim ghelloussi, émilie perotto & sarah tritz
exposition de noël
Merry Xmas
David Ancelin Hamamatsu ‘79, 2004 Moto Suzuki 125GT, miroirs fumés 213,5 U 122 U 130 cm © David Ancelin
par Guillaume Mansart
par Guillaume Le Moine
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Le mérite du titre de l’exposition David Ancelin, Karim Ghelloussi, Émilie Perotto, Sarah Tritz est qu’il situe assez rapidement le propos. C’est donc quatre artistes qui sont accueillis à la Maison du livre de l’image et du son de Villeurbanne. Des artistes qui ont deux points communs (tout à fait distincts) : le premier est d’être lié d’une manière ou d’une autre à La Station de Nice, le second celui de faire (principalement) de la sculpture 1. Si d’autres correspondances existent de manière transversale entre les différents membres de ce groupe qui n’en est pas un (la pratique de l’assemblage, la persistance du motif figuratif…), ils n’en produisent pas moins une œuvre originale et personnelle. Pas d’école ici, donc. Karim Ghelloussi montre un ensemble de peintures et de sculptures qui jouent une parfaite partition de formes et de lexiques hétérogènes. Ses œuvres, qui intègrent parfois des éléments de mobilier ou d’objets décoratifs au kitsch revendiqué, se plaisent à contraindre les limites entendues du genre sculptural. La justesse des couleurs, des textures ou des volumes, écrit un art à l’étonnante poésie. C’est aussi la collision des matériaux qui traverse l’œuvre sculpturale de Sarah Tritz. La pièce monumentale qu’elle présente, joue pour sa part sur la rencontre de la brique, du parpaing, du mortier et d’une série de figures en terre cuite. L’ensemble crée un bloc architectural étrange et invasif. Émilie Perotto, qui occupe l’espace central de l’exposition, propose une œuvre dans laquelle tous les frottements s’autorisent. À la lisière d’une pratique sculpturale autonome et abstraite (qui jouerait la forme pour la forme) et d’un hyperréalisme figuratif, elle s’attache à livrer un art ouvert jouant d’équilibres et de collisions et qui fonctionne au final sur un imaginaire affranchi de tout dogme. Enfin, David Ancelin montre un ensemble de pièces hybrides se composant principalement d’éléments industrialisés qui s’unissent avec une certaine forme d’évidence plastique et qui reformulent alors avec humour notre réalité. David Ancelin, Karim Ghelloussi, Émilie Perotto, Sarah Tritz, c’est finalement un titre qui dit d’emblée quatre bonnes raisons d’aimer la sculpture vivante. 1. Karim Ghelloussi montre également des peintures, Sarah Tritz des collages, Émilie Perotto des photomontages, David Ancelin réalise la sérigraphie qui tient lieu d’affiche de l’exposition et présente également une photographie.
Fabrice Lauterjung Istanbul, le 15 novembre, 2003 © Fabrice Lauterjung
David Ancelin, Karim Ghelloussi, Émilie Perotto, Sarah Tritz Maison du livre de l’image et du son, Villeurbanne du 31 janvier au 15 mars 2008
Initiée par Le Magasin en partenariat avec le Conseil Régional Rhône-Alpes, la ville de Grenoble et le Conseil Général de l’Isère, une « exposition de Noël » s’est tenue dans l’ancien musée de Peinture de Grenoble. Calquée sur les modèles suisses et allemands, la manifestation présentait 44 artistes sélectionnés par un jury de professionnels de l’art parmi 310 dossiers de candidature exclusivement rhônalpins. Photographies, peintures, sculptures et vidéos ont dépoussiéré pour un temps le ventre de l’ancienne bibliothèque de l’ancien musée. Dans cet ensemble hétéroclite et quelque peu désordonné, des pièces d’artistes confirmés comme Bernard Joisten ou Nicolas Delprat côtoyaient celles d’artistes émergents comme Aurélie Pétrel. La série d’images d’Audrey Laurent, réalisée à partir de photographies familiales recadrées, proposait une représentation poétique de la mémoire où le hors-champ apparaissait comme un trou noir. Avec sa vidéo intitulée La Femme d’à côté, 1/4 de siècle après, Roman Scrittori interrogeait en travelling le souvenir d’un lieu de tournage du film de François Truffaut. Mémoire, cinéma, lieux de tournages étaient justement les champs de réflexion abordés dans Istanbul, le 15 novembre 2003, une vidéo de Fabrice Lauterjung qui a valu à l’artiste d’être lauréat du Prix de la Ville de Grenoble décerné à l’occasion de l’exposition, avant d’être exposé au Magasin. Une œuvre sensible, dans laquelle Lauterjung mêle fiction et reportage en projetant des films Super 8 et évoque par une bande passante de sous-titres une hypothétique rencontre avec un ancien réalisateur turc. Une deuxième édition de l’Exposition de Noël aura lieu en fin d’année avec un jury renouvelé. Exposition de Noël Ancien musée de Peinture de Grenoble du 23 décembre 2007 au 6 janvier 2008
Fabrice Lauterjung Istanbul, le 15 novembre 2003 Le Magasin, Grenoble du 3 février au 27 avril 2008
lectures
Harald Szeemann, Méthodologie individuelle
L’Art contemporain dans les espaces publics
Yona Friedman
par Patrice Joly
par Daphné Le Sergent
par Jill Gasparina
Un guide qui fait l’état des lieux de la commande publique dans la ville de Lyon et dans sa proche banlieue et qui vient combler une lacune, car si l’on passe quotidiennement à côté de telle ou telle sculpture publique, rares sont ceux qui peuvent donner le nom de leur auteur. L’ouvrage se veut pratique tout autant que pédagogique et propose plusieurs entrées : par chronologie, où une succession de photographies vient montrer l’évolution année par année des formes artistiques émergeant dans la ville ; par arrondissement, où l’on peut voir l’emplacement des œuvres sur des cartes dessinées par Alain Bublex ; par parcours, proposés par différentes personnes, artistes ou élus ; et bien sûr, par liste alphabétique des noms des artistes (lire aussi p. 20-21).
Ce livre est le premier d’une série de trois ouvrages en cours de publication par le Cneai, et consacrés aux manuels de l’architecte hongrois, ces bandes dessinées d’architecture et d’urbanisme diffusées dans le monde entier entre 1975 et 1984. Ce premier volume reprend une partie des thématiques de prédilection de l’architecte, à travers une interrogation sur les concepts de ville, de région et de nature. Grâce à un principe chromatique simple, une couleur par manuel, l’ensemble revêt une forme ludique, simple, dans la lignée directe de l’esprit de liberté qui caractérise encore l’architecte hongrois. Car ces manuels sont des outils faits pour « rendre les utopies réalisables » explique la courte préface (pour étendre leur diffusion, il est d’ailleurs possible de les télécharger sur www.cneai.com).
Publié peu de temps après la magnifique édition du catalogue des expositions d’Harald Szeemann, With by through because towards despite par Tobia Bezzola et Roman Kurzmeyer – pour lequel je réitère ici ma profonde admiration – Méthodologie individuelle constitue un remarquable complément qui permet de mieux appréhender la pratique mais aussi la pensée et les motivations de celui qu’on a qualifié de « faiseur d’exposition ». Incontestablement, Harald Szeemann aura marqué de son empreinte la profession ou la qualité de curateur, lui donnant ses lettres de noblesses et lui permettant, grâce à la qualité de ses interventions, de lui conférer, sinon la respectabilité que cet anarchiste aurait abhorrée, du moins de précoces sentiments de reconnaissance. Réalisée sous la conduite de Florence Durieux dans le cadre de la session 16 de l’École du Magasin, cette publication nous permet de mieux comprendre
comment s’est constitué l’itinéraire de Szeemann, comment il s’est peu à peu dégagé de l’institution pour devenir indépendant et imposer sa méthode, ses choix. Grâce à de nombreux témoignages, interviews, reportages, plus des textes originaux de Hal Foster et de Jean-Marc Poinsot, elle apporte également un éclairage tout à fait inédit sur l’époque mais aussi sur le montage de ces deux expositions phares qu’ont été la Documenta 5 (1972) et la Biennale de Lyon de 1997 (L’Autre). Harald Szeemann, Méthodologie individuelle est issu du projet de recherche développé par la session 16 de l’École du Magasin. François Aubart, Julija Cistiakova, Haeju Kim, Lucia Pesapane, Fabien Pinaroli, Karla G. Roalandini Beyer, Yuka Tokuyama, Sadie Woods. Sous la direction éditoriale de Florence Derieux. 248 pages, JRP/Ringier, Zurich, 2008 Illustrations noir et blanc
Marianne Homiridis et Perrine Lacroix L’Art contemporain dans les espaces publics, Territoire du Grand Lyon 1978/2008, 2008 240 pages, édition La BF15, Lyon Cartes d’Alain Bublex
Yona Friedman Manuels. Volume 1, 2008 344 pages, édition Cneai, Chatou
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lectures
Tectoniques unplugged
Fortune drawings Drawing fortunes
par Pierre Tillet
par Pierre Tillet
Ils ne veulent pas « accentuer les écarts, toujours plus grands, entre une architecture riche et savante et une architecture sans ressources ». Les membres de l’agence Tectoniques, à laquelle est consacrée cette monographie, s’inspirent de traditions vernaculaires aussi bien que des Case Study Houses de Charles et Ray Eames, Richard Neutra ou Craig Ellwood. Spécialisés dans la filière sèche, ils ont conçu la Maison du parc naturel du Haut-Jura, habillée d’un manteau de tavaillons (petites tuiles d’épicéa traditionnelles), une habitation individuelle à ossature bois reposant sur une série de portiques, ou encore une résidence de loisirs utilisant des procédés constructifs simples. L’ouvrage aborde une douzaine de bâtiments qui sont le fruit d’une démarche à la fois fonctionnelle, écologique et politique.
« You are your own protagonist A lot of things will be possible if you only agree to them Try to take risks where improvement is far Stop using materials that makes no sense You are your own antagonist »… Ces mots de Claude Horstmann, dessinés à l’encre de Chine, sont reproduits dans Fortune drawings Drawing fortunes. L’ouvrage a été réalisé à la suite d’une résidence effectuée par l’artiste en 2006 à art3, Valence, qui avait aussi donné lieu à une exposition intitulée On Drawing On. Il consiste en une succession d’énoncés inspirés des phrases que l’on trouve dans les petits gâteaux asiatiques (les « fortune cookies »). Des apophtegmes dessinés en grand format – on ne trouve généralement pas plus de cinq mots par double page – qui revêtent un aspect à la fois solennel, poétique et ironique.
Tectoniques architectes Unplugged, 2007 256 pages, Les presses du réel, Collection Architecture Textes de Cyrille Simonnet, Gilles Perraudin et Max Rolland, notices techniques des architectes
Claude Horstmann Fortune Drawings Drawing Fortunes, 2007 150 pages, édition art3 dans le cadre des échanges et résidences d’artistes entre le Bade-Wurtemberg et la Région Rhône-Alpes
WOLFGANG LAIB
5 juillet – 28 septembre 2008
Post-diplôme art
2008-2009
Destiné à cinq jeunes artistes sélectionnés sur concours, issus de divers horizons géographiques et déjà engagés dans différentes pratiques, le post-diplôme de l’École nationale des beaux-arts de Lyon leur permet de jouir de l’infrastructure d’un établissement et de ses ateliers, d’une bourse, d’un logement, et surtout, de bénéficier d’un suivi critique, de rencontres, de déplacements à l’étranger Ce n’est plus l’école et son rythme rassurant ; c’est encore elle et ses exigences dans les croisements : c’est le pari d’une charnière, qui articule ce qui se déclare trop souvent séparé : l’enseignement et le professionnalisme, l’enceinte protégée de l’école et l’exposition au monde
informations et formulaire de candidature sur
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23 mai 2008
date du jury après présélection 17 et 18 juin 2008
5, place de Lavalette 04 76 63 44 44
www.museedegrenoble.fr
8 bis quai Saint-Vincent 69001 Lyon - France infos@enba-lyon.net t : +33 (0) 472 001 171 f : +33 (0) 472 001 170
zéroquatre Revue semestrielle d’art contemporain en Rhône-Alpes Nº 2 | printemps 2008 Gratuit
Objectif 2013 ! Candidate au titre de Capitale européenne de la Culture en 2013, Lyon est désormais en finale. L’équipe « Lyon 2013 » remercie celles et ceux qui ont contribué à ce premier succès. L’aventure se poursuit et nous comptons sur votre soutien. Devenez les ambassadeurs de Lyon 2013 en France et à l’étranger, incitez vos amis, votre réseau à soutenir cette candidature.
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