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REVUE SEMESTRIELLE D’ART CONTEMPORAIN EN RHÔNE-ALPES

SOMMAIRE 2 ARTISTE Les affinités électives de Simon Feydieu entretien avec Karen Tanguy

N 12 Printemps 2013

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Exposition Double révolution Focus sur « Sir Thomas Trope », Villa du Parc par Étienne Bernard

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Territoire Collections actives Musées et institutions d’art contemporain en Rhône-Alpes par Dorothée Deyries-Henry

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Essai De l’art de passer inaperçu : trois démarches furtives par Sophie Lapalu

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Analyse Glissements de terrain dans l’espace public par Fabien Pinaroli

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Insert par Diane Lentin et Agathe Lacalmontie, École supérieure d’art et design Saint-Étienne (option Art)

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COMPTES RENDUS

Gratuit


ZÉROQUATRE N  12 Printemps 2013 Édition Association Zéro4 Rédactrice en chef  Florence Meyssonnier

Retrouvez la revue téléchargeable en ligne www.zeroquatre.fr ZéroQuatre bénéficie du soutien de la Région Rhône-Alpes.

Comité de rédaction Alexandrine Dhainaut, Fabrice Lauterjung, Aurélien Pelletier, Pascal Thevenet. Ont collaboré à ce numéro Franck Balland, Carine Bel, Étienne Bernard, Dorothée Deyries-Henry, Alexandrine Dhainaut, Simon Feydieu, Agathe Lacalmontie, Sophie Lapalu, Aude Launay, Fabrice Lauterjung, Diane Lentin, Adeline Lépine, Florence Meyssonnier, Isabelle Moisy, Hugo Pernet, Fabien Pinaroli, Aurélien Pelletier, Karen Tanguy, Pascal Thevenet. redaction.zeroquatre@gmail.com www.zeroquatre.fr Graphisme Aurore Chassé www.aurorechasse.com Typographies DIN & Goudy Old Style Impression Imprimerie de Champagne, Langres Relecture Aude Launay & MP Launay Association Zéro4 Président : Emmanuel Tibloux Vice-Présidentes : Anne Giffon-Selle et Sylvie Vojik Trésorier : Stéphane Sauzedde Secrétaire : Isabelle Bertolotti 8 bis quai Saint-Vincent 69001 Lyon ZéroQuatre est un supplément à 02 Nº 65, édité par Zoo Galerie, 4 rue de la Distillerie, 44000 Nantes www.zerodeux.fr Directeur de la publication Patrice Joly

Partenaires de ZéroQuatre : Grand Lyon ; Musée d’art moderne de Saint-Étienne Métropole ; Cité du design ; École supérieure d’art et design Saint-Étienne ; École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon ; École supérieure d’art et design Grenoble Valence ; Institut d’art contemporain, Villeurbanne / Rhône-Alpes ; Fondation Léa et Napoléon Bullukian, Lyon ; La Villa du Parc.


exposition du 1er mars au 28 avril 2013

Saâdane Afif

BlueTime , BlueTime, BlueTime... 1

1. « Oh I’ve been waitin’ for days / It feels cool in this haze / Weeks, years, it seems a century / But there’s no need to worry / Cos waitin’ has to be my duty / No I’m not scared of infinity / Infinity’s the heavy duty / Of a songwriter like me », in Blue Time, Lili Reynaud-Dewar / S.A., 2004.

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Les affinités électives de Simon Feydieu entretien avec Simon Feydieu par Karen Tanguy

Bossanoïa, raisin blanc, figue, citron vert, carreaux de plâtre, 660 × 250 × 5 cm, 2010. © DR

1 Produit lors de Salon d’Automne (remix), L’assaut de la menuiserie, Saint-Étienne, 2011. 2 Claude Lévi-Strauss, La Pensée sauvage, Paris, Plon, 1960, p 27.

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Karen Tanguy Vous faites souvent usage de matériaux qui relèvent du domaine de la construction (plâtre, tubes pvc, carrelage…) mais vous précisez vouloir accentuer davantage le côté domestique que le côté monumental, par l’introduction d’éléments organiques. Le mortier du mur Bossanoïa est par exemple constitué de fruits qui scellent entre eux les carreaux de plâtre. Vous privilégiez « des agencements empiriques et provisoires à des formes définitives et immuables », c’est pourquoi vous avez présenté ce mur à quatre reprises mais toujours dans des configurations différentes : les fruits sont choisis en fonction des saisons et les dimensions du mur sont à chaque fois étudiées selon l’espace donné. Simon Feydieu L’in situ entretient un rapport de concurrence et de domestication à l’espace. Si j’introduis des notions d’architectonique et de résistance des matériaux dans mes sculptures, mes œuvres sont plus liées à l’adaptabilité à un espace qu’à une mise en concurrence d’échelle avec celui-ci. Ce qui m’intéresse dans la standardisation de ces matériaux que j’emploie fréquemment, c’est leur capacité à s’adapter à n’importe quelle échelle de réalisation. D’autre part, ils sont faussement génériques car leur design et leur chimie peuvent varier selon les pays. Dans un deuxième temps, le scellement des fruits gorgés d’eau et de sucre avec le plâtre contribue à la cohésion du mur. Ce caractère ornemental est indissociable du processus de construction. Le choix et la collecte des fruits

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font office de datation saisonnière de l’œuvre. Cela peut aussi être une contrainte restrictive à sa réactivation. Mes protocoles de construction pointent certaines typologies d’objets selon des qualités matérielles qui ne leur sont pas nécessairement exclusives. Un peu comme un cocktail. De dimensions et de composants variables, chaque œuvre s’adapte au lieu d’accueil, embrassant un contexte large (temporalité de l’exposition, typologie de l’espace…). K.T. Kom, d’une dimension architectonique très prégnante, est une réactivation du Merzbau de Schwitters 1. À première vue, le visiteur se trouve devant un mur monumental gris quelque peu déstructuré. Une fois derrière, il s’aperçoit que ce mur est constitué d’objets tels des éviers, des chaises, des réfrigérateurs que vous avez collectés au préalable dans les rues de Saint-Étienne. Votre démarche pourrait s’assimiler à du bricolage, au sens induit par Lévi-Strauss, où « la règle de son enjeu est de toujours s’arranger avec les “moyens du bord” 2 ». S.F. Le concept de « Merz » (collecte de fragments hétéroclites réunis sous forme de collage ou d’assemblage) initié par Schwitters pourrait s’appliquer à la plupart de mes travaux. En dévoyant l’usage des objets et des matériaux, je leur trouve de nouvelles relations, des propriétés insoupçonnées. Ce qui me plaît dans le concept de « bricolage », c’est son caractère empirique : que la tâche relève ou non

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3 L’imitatio était une pratique très répandue dans les Académies des beaux-arts pour que l’élève se perfectionne dans sa technique mais elle était aussi une forme d’hommage. 4 Sans titre (2011) conjugue des pièces de Leopold Landrichter, Anna Kleberg, Caroline Molusson, Jean-Alain Corre & Pierre Bonnouvrier et de Simon Feydieu. 5 Terme mis en exergue par Yoon Ja & Paul Devautour, eux-mêmes connus pour leur fameuse collection.

d’un savoir-faire spécifique, il s’agit de l’exécuter avec la justesse de son économie présente. Bien que non anticipée, l’improvisation, au contraire de l’accident, est un acte responsable et conscient. K.T. Vos matières premières peuvent tout aussi bien être des œuvres d’art. Pour Kuss (d’après Modèle d’exposition de Caroline Molusson), vous vous appropriez l’œuvre de Caroline Molusson et la dupliquez en son sein à une échelle légèrement inférieure et avec des matériaux différents. À l’inverse de Sherrie Levine qui s’empare de travaux d’artistes de générations antérieures, vous travaillez avec des productions d’artistes de votre génération. De plus, dans ce cas précis, votre œuvre n’existe plus sans la pièce de Caroline Molusson à ses côtés. Elle est à la fois un parasite et une imitatio 3. S.F. Je ne recherche ni l’écart ni la perfectibilité dans la copie. La figure copiée n’a pas nécessairement besoin de faire autorité mais on constate qu’elle est souvent choisie plus pour ce qu’elle représente que pour ce qu’elle est. Pour moi, il n’est d’ailleurs pas question de reproduire mais de travailler avec l’œuvre concrète. Pour Kuss (le baiser, en allemand), il s’agissait de dupliquer une figure et de les faire s’interpénétrer. Par extension de l’axiome de Philippe Thomas, « les ready-mades appartiennent à tout le monde », je considère que les œuvres, qui sont ponctuellement à ma disposition, sont des matériaux plus économiques que certaines matières premières. Mes premiers collages avaient pour support des œuvres empruntées à une artothèque. Paradoxalement, il s’avère plus économique d’utiliser une œuvre encadrée que d’acheter un cadre. Pour moi, les œuvres d’art sont des matériaux ou des marchandises comme les autres : l’artiste n’est pas propriétaire de son œuvre et ce dans les deux sens du terme. Il y a toujours cette ambivalence de profiter et de promouvoir. K.T. Vous prenez donc la liberté de disposer d’œuvres d’artistes pour construire des pièces sous votre nom. Dans la perspective de votre seconde exposition personnelle chez Ilka Bree à Bordeaux en 2011, vous avez prospecté dans la réserve de la galerie pour élaborer Sans titre (2011) 4. Sa temporalité est très limitée car elle n’existe que dans le temps de l’exposition. Il n’y a donc qu’un pas de la collecte à la collection. Vous explorez à nouveau la sphère domestique par le biais d’une collection privée éphémère constituée selon vos affinités. C’est peut-être dans ce sens que vous vous définissez comme un « opérateur de l’art 5 » ?

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b. a. Kuss (d’après Modèle d’exposition de Caroline Molusson), carton gris, fil, scotch, plaques de plâtre, câble acier, 3 × 3 × 5 m, 2011. © Jean-Alain Corre b. Kom, techniques mixtes, 7,5 × 2,5 × 1,2 m, 2011. © Cyrille Cauvet

La collection est intrinsèquement liée à la notion de propriété. C’est l’acquisition, et non l’emprunt, qui valide une collection. D’autant plus qu’en France, les collections publiques sont inaliénables. Dans la sphère domestique, les collections privées, plus fluctuantes, sont pour moi le lieu d’exercice d’associations concrètes et décomplexées.

S.F.

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6 Sans titre (2011) réunit un double autoportrait de Rodney Graham, une reproduction d’une illustration du lapin d’Alice aux Pays des Merveilles de John Tudell et un extrait du tapuscrit Poisson d’argent, d’Orion Scohy. 7 Philippe-Alain Michaud, Aby Warburg et l’image en mouvement, Paris, Éditions Macula, 2012 (3e édition), p. 321.

C’est sans doute le fait de commencer à avoir des œuvres dans mon appartement qui m’amène à étendre mes agencements d’œuvres dans des compositions plus complexes. Un peu comme avec les fruits de saison, je cultive des contraintes restrictives à la réactivation de nombre de mes pièces. Il est peu aisé d’avoir l’accord des artistes ainsi que les œuvres à disposition sur demande. Mes sélections ne sont jamais laborieuses : cela doit rester intuitif, basé sur des associations libres et sur un fonds d’œuvres déterminé, un contexte restreint et local de sélection. Quant au terme d’opérateur, il reflète bien la multiplication de mes activités dans le champ de l’art. On a tendance à croire que l’artiste est un maillon privilégié et nécessaire à la machine exposition, ce dont je doute aujourd’hui. Je pense que la multiplication des opérateurs (administratifs, économiques, critiques et techniques) minore la marge de participation de l’artiste au sens de celui qui produit l’objet de l’exposition. J’apprécie donc d’enrichir mon travail en incorporant des compétences qui relèvent d’autres opérateurs du milieu de l’art. Un des gestes les plus manifestes est celui d’Haim Steinbach : la valeur qu’il confère à ses sculptures est la somme au cent près des objets achetés qui les constituent, plus la cote objective de l’artiste. C’est dans ces termes que je conçois la transaction de mes assemblages. Ce qui est comique est que la valeur de l’œuvre devient ridiculement élevée et que je suis censé revendiquer une commission. Je deviens un nouvel intermédiaire. Cela peut évoquer certains écrits sur l’art de Baudelaire, où celui-ci, motivé par l’intéressement pécuniaire, proclamait la nécessité du critique, statut alors informel et officieux, pour conseiller l’acheteur. K.T. Ces assemblages d’œuvres, comme Sans titre (2011), relèvent donc de l’association libre 6. Cette démarche, couplée avec vos activités de commissaire d’exposition, n’est pas si éloignée de « l’iconologie des intervalles » d’Aby Warburg : « une iconologie qui porterait non sur la signification des figures […] mais sur les relations que ces figures entretiennent entre elles dans un dispositif visuel autonome 7 ». S.F. C’est suite à des exercices récurrents d’accrochage d’œuvres sur un même mur en qualité de monteur d’exposition que je me suis mis à initier la sélection d’œuvres et leur agencement. Je me suis interrogé sur la désignation du diptyque et par extension, de tout polyptique. Deux œuvres se jouxtant sur un mur ?

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d. c. Sans titre, bois, verre, autoportrait de Rodney Graham, édition Rosascape (deux exemplaires), reproduction sur affiche d’une illustration de John Tudell, reproduction sur affiche d’un extrait de Poisson d’argent, tapuscrit de Orion Scohy, 200 × 250 cm, 2011. © DR d. Aby Warburg, Mnemosyne-Atlas, planche n° 58 de l’exposition Rembrandt, 1926. © DR

Du même auteur ? Auteur de leur production ou de leur réunion ? Chaque ensemble est comme la maquette inaltérable d’une exposition en puissance. La concentration des œuvres et leur agencement leur donnent la qualité d’un objet plus que d’un espace, d’une œuvre plus que d’une exposition, bien que l’on puisse y projeter des compétences relevant du collectionneur ou du commissaire (sélection, réunion et organisation d’un ensemble d’œuvres). Il y a quelques années, j’ai eu la chance de feuilleter une édition épuisée de Mnemosyne-Atlas d’Aby Warburg. Ces associations de documents et de reproductions d’œuvres dépourvus d’annotations textuelles ont été décisives. Malgré la clarté du dispositif (série de panneaux noirs numérotés et de même format), on prend plaisir à se perdre dans la circulation et la contemplation des images. Ce principe d’association et de combinaison pour créer un sens nouveau est d’ailleurs l’un des piliers de la postmodernité

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La suite de cet entretien sera disponible prochainement sur *DUUU / Unités Radiophoniques Mobiles, http://duuuradio.fr

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Double révolution Focus sur “Sir Thomas Trope”, Villa du Parc par Étienne Bernard

Sir Thomas Trope, Villa du Parc, cimaise B. Série Eugène Flandin (AM 2009), Le Salon (JT 2007/2012), Culbute (AM 2012), Amonite (AM 2011), The Ghostwriter (Syndicat/AM 2012), Portrait de l’autre (JT 2012), Réflexion (Olivier Nattes 2012).

1 Une première version de l’exposition « Sir Thomas Trope » fut présentée en 2011 dans la librairie HO à Marseille.

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Le jeu de références commence dans le titre simplement prononcé. Il sent bon le boudoir anglais. On s’imagine aisément invité par ce « Sir Thomas Trope » à partager un verre de scotch de dix-huit ans d’âge et découvrir ses obsessions compilées dans un intérieur british cosy tout de boiseries paré, avec son lot de cabinets dérobés, de bibliothèques riches de trésors soupçonnés. C’est d’ailleurs dans le quartier londonien d’Holborne que l’aventure dans laquelle Julien Tiberi et Aurélien Mole nous projettent, commence. En effet, en 1792, un certain Sir Joane Soane, architecte de Sa Majesté, acquiert au 13 Lincoln’s Inn Fields un hôtel particulier qu’il réhabilitera dans le pur style georgien qui caractérise sa pratique pour accueillir sa fabuleuse autant qu’hirsute collection. On y trouve aussi bien de la peinture flamande qu’italienne, des antiquités égyptiennes, des bronzes romains et des dessins d’architecture. Tout ceci installé dans un cabinet de curiosités où le jeu d’occupation visuelle de l’espace se structure à la fois par les goûts, les choix domestiques et urbains (au sens social du terme) du maître de céans. Sir Joane Soane ira même jusqu’à créer des cimaises escamotables pour libérer plus d’espace au mur. Si, pour les deux artistes français, la référence au modèle s’arrête bien à l’anecdote, il n’en reste pas moins que leur proposition pour la Villa du Parc 1 procède de l’exploration d’une collection de leur invention à travers les salons de cette demeure bougeoise – plus balzacienne que

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patmorienne cette fois-ci – plantée au beau milieu d’un parc urbain. Et dès l’entrée dans les espaces, le visiteur découvre un accrochage certes normé et construit mais qui laisse libre champ à une pagaille généreuse dans la collusion des médiums. La salle des cimaises est ainsi obstruée en son centre par deux parois sur lesquelles se déploient dessins au trait, affiches, photographies ou objet modifié dans une perspective proprement surréaliste. Breton vantait d’ailleurs les mérites de la leçon de choses confrontées comme « manifestation de contrastes bizarres, d’une réalité secouée qui forge des associations inconscientes et rêvées ». Mais quand l’illustre auteur guidait volontiers avec autorité le regardeur dans ses échappées oniriques, Mole et Tiberi l’invitent à jouer avec eux. On découvre effectivement que ces cimaises sont montées sur pivots et tournent sur ellesmêmes, tandis que plusieurs œuvres sont également mobiles. L’exposition se meut en un ballet envoûtant et ludique à mesure qu’on en active les éléments. Et contrairement à Soane qui avait installé des cimaises pivotantes pour montrer plus que ce que son intérieur lui permettait, rien ici ne joue de l’accumulation. Au contraire, si « Sir Thomas Trope » appuie à loisir sur le bouton ludico-formel, au plus grand plaisir des visiteurs de 7 à 77 ans, c’est pour mieux affirmer une rigueur et une maîtrise de l’accrochage composé de renvois, de correspondances formelles, matérielles et sémantiques plurielles entre les œuvres et les espaces. Ainsi, le cabinet dérobé de la grande salle

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2 Harald Szeeman, entretien avec Jean-Pierre Bordaz, in cat. Hors Limites, Éditions du Centre Georges Pompidou, Paris, 1994.

de l’étage est structuré par la symétrie axiale comme le négatif du recto-verso des cimaises mobiles. De quoi revendiquer une approche résolument formelle du display et répondre gentiment dans le même temps au regretté Harald Szeemann qui dit un jour à propos de « Quand les attitudes deviennent formes » que « le formalisme, c’est toujours le danger. C’est pour ça que j’ai réagi à ma façon et inventé une nouvelle forme d’exposition 2 ». Si l’enjeu n’est à l’évidence pas directement ici de s’inscrire dans le long et fastidieux débat quant à l’exposition comme surface de manipulation de l’œuvre, Mole et Tiberi écrivent néanmoins dans l’espace un pamphlet sur l’autonomie supposée de cette dernière. Les œuvres présentées sur ces murs dansants sont autant de figurants dans une chorégraphie optique. Ils se rapprochent, s’éloignent, communiquent ou s’ignorent au gré des activations du spectateur. Bref, ils collaborent. Et c’est certainement parce que cette salle dite « des cimaises » est manifeste de ce qu’est le projet « Sir Thomas Trope » dans son intégralité qu’elle en introduit le parcours. C’est une expérience collaborative dans laquelle s’entrecroisent démarches et œuvres des deux protagonistes dans l’idée d’ouvrir toujours, de désenclaver. Et l’exposition de dresser une sorte de typologie de la collaboration. Dans le commissariat à deux, pour commencer, en construisant dans le dialogue, comme un cadavre exquis, au fil de la discussion et en invitant d’autres artistes à leur emboîter le pas dans ce jeu de rôle d’un genre nouveau. Aurélien Mole leur propose ainsi de donner vie et futur aux Objets incomplets de leur choix ou d’intervenir au verso d’un de ses collages sur papier carbone pour créer un Dessin biface. La collaboration est aussi imaginée dans la création à deux. Il ne s’agit pas tant de produire à quatre mains que de tenter ensemble ce qui ne l’avait pas été jusqu’alors. La série des Peintures acryliques sur toiles pliées est l’occasion pour les deux artistes de s’essayer au monochrome et de faire de concert l’apprentissage des techniques, parfois fastidieuses, nécessaires à sa réalisation, comme le ponçage de la toile, par exemple. L’œuvre devient alors prétexte au partage d’expérience. Mais ce qui ressort de ce partenariat particulier entre deux artistes aux démarches, somme toute, très différentes, c’est aussi et même peut-être avant tout, un désir de bâtir ensemble pour mieux affirmer une autonomie des pratiques. Chacun se réserve des zones à lui qui ponctuent autant qu’elles structurent le parcours. Julien Tiberi signe ainsi la série de miroirs gravés L’Assemblée (2012) qui souligne

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poétiquement son approche du croquis ou construit un cabinet de soixante dessins imprimés de son Histoire véritable (2009), tandis qu’Aurélien Mole installe son Objet inanimé (2009) comme un lustre surplombant une grande salle laissée vide. Car collaborer, c’est aussi cohabiter

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Aurélien Mole et Julien Tiberi, “Sir Thomas Trope”, du 23 novembre 2012 au 16 février 2013, Villa du Parc, Annemasse.

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b. a. Dessins Bifaces, 2012. Olivier Soulerin, Clément Rodzielski, Eva Taulois, Roxane Borujerdi, Nicolas Chardon, Colombe Marcasiano, Julien Tiberi et Hippolyte Hentgen, Raphaël Julliard, Niels Trannois / Aurélien Mole. b. Sir Thomas Trope, Villa du Parc. Cimaise B : Back from eternity éd. 2012 (AM JT 2012), Portrait de l’autre (JT 2012), Réflexion (Olivier Nattes 2012). Cimaise A : La disparue (JT 2012), Colifichet (AM 2012), Contenant (AM 2012), Le Salon (JT 2007/2012, Raw vision (JT 2012).

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Collections actives Musées et institutions d’art contemporain en Rhône-Alpes par Dorothée Deyries-Henry

Saâdane Afif, Mise à flot (la maquette), 2001. Günther Forg, Maison sans escalier, 1987. Vue de l’exposition « Scénographies – de Dan Graham à Hubert Robert », 2009, Lux Scène Nationale, Valence / Drôme. © Blaise Adilon

1 Propos recueillis auprès de Marie-Cécile Burnichon et Pascal Neveux en novembre 2012. 2 Nathalie Ergino, décembre 2012.

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Les institutions culturelles et patrimoniales n’échappent pas à la dynamique de l’événement. De toute évidence, elles en ont besoin. En communication, le zoom sur les chiffres et les expositions spectacles vise à susciter le déplacement du public. Les expositions attirent et vivifient. Dans ce contexte, quelle place occupent aujourd’hui les collections ? La discussion avec un certain nombre de directeurs d’institutions et l’observation des activités de quelques établissements de RhôneAlpes font apparaître que les collections, constitutives des institutions, ont une vie à double vitesse, entre leur exposition dans ou hors les murs et leur conservation en réserves. Elles s’inscrivent en tout cas dans une dynamique de projets qui se distinguent par leur originalité et font émerger la capacité de l’art contemporain à activer une collection. Compte tenu du besoin de nouveauté et de renouvellement, des contraintes budgétaires, d’espace et de calendrier, les institutions ont adopté le principe de renouvellement des accrochages des collections, à travers des présentations monographiques ou thématiques. Riches en nombre, variées dans leurs matériaux et dispositifs, les collections en Rhône-Alpes sont présentées dans des espaces modulables, en alternance et comme des expositions temporaires : « Collection’12 » à l’Institut d’art contemporain de Villeurbanne / Rhône-Alpes (IAC), « Gustav Metzger » au MAC de Lyon, « Collection du musée : Le cortège de l’art  » au Musée d’art

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moderne de Saint-Étienne Métropole… De même, la circulation des œuvres vers l’extérieur, sur le territoire, en France et à l’étranger, représente une large part de la vie des collections et de leur dynamique. Cette visibilité est bien sûr assurée par les FRAC, aux patrimoines essentiellement nomades – l’IAC en Rhône-Alpes –, mais aussi par les musées qui, lorsqu’ils ne bénéficient pas à proprement parler d’antennes ou de structures mobiles ont, en plus de leur politique de prêt, des projets hors les murs de plus en plus affirmés (citons un seul exemple car ils sont nombreux : l’exposition « Le corps-image, 1870-2005 » au musée d’art de Shangaï en 2010, qui regroupait des œuvres issues des collections du Musée de Grenoble, du MAC, de l’IAC, du Musée d’art moderne de Saint-Étienne, et du Musée des beaux-arts de Lyon). Dans une économie restreinte, mais pour aller plus avant dans le processus d’installation et de circulation des œuvres et du public, les institutions misent aujourd’hui sur des bâtiments adaptés : extensions, nouvelles réserves ou encore « nouveaux FRAC » qui visent à prolonger la dimension partenariale, à favoriser la rencontre avec l’œuvre, à développer le rapport au public 1. Toutes proportions gardées, c’est bien ainsi que l’on peut définir l’extension de la Tate Modern à Londres, car selon Chris Dercon, ses onze étages seront exclusivement dédiés aux activités éducatives et de médiation. Les collections sont ainsi plongées dans une double temporalité : celle de l’éphémère, à travers leur présentation et leur circulation, et celle

Collections actives PAR Dorothée Deyries-Henry


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c. a. Melik Ohanian, Invisible film, 2005. Vue de l’exposition « Collection’12 », Institut d’art contemporain, Villeurbanne / Rhône-Alpes, 2013. © Blaise Adilon b. La Monte Young et Marian Zazeela, Dream House, 1990. Vue de l’exposition, MAC Lyon, 2012. © Blaise Adilon c. Élisabeth Ballet, Road movie, 2008. Vue de l’exposition « Immersion » (Franz Ackermann / Élisabeth Ballet /  James Turrell), Imprimerie Céas, Valence, 2011. © Marc Domage

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de la longue durée, du fait de leur inaliénabilité, de leur conservation, de leur dimension historique et patrimoniale en devenir. La production d’œuvres dans ces institutions se situe précisément à l’articulation du temporaire et du permanent. À l’IAC, par exemple, les commandes aux artistes pour une exposition donnent des possibilités d’achat mais, souligne Nathalie Ergino, mettent surtout en perspective le travail de l’artiste : la prise de recul étant indispensable à la sélection de l’œuvre qui rejoindra les collections 2. Plus significativement encore, la production est de plus en plus associée au phénomène de reconfiguration, voire de dématérialisation de l’œuvre, donc à un principe d’activation. Le caractère protocolaire de certaines pièces, des peintures murales aux installations, conduit à de nouvelles formes de conservation et de présentation. On peut penser à Études d’espaces (2007) de Yona Friedman, Dream House Lyon de La Monte Young et Marian Zazeela au MAC, à des œuvres de Michel François, Véronique Joumard, Philippe Decrauzat à l’IAC. Un certain nombre d’œuvres « permanentes » se définissent donc en fonction des conditions d’exposition. Il n’y a qu’un pas pour que ce type d’œuvres soit envisagé dans sa dématérialisation totale et qu’ainsi, le rapport à la matérialité de l’œuvre et à sa gestion physique évolue. Le FRAC Lorraine, référence en la matière, célèbre l’invisibilité, revendique l’effacement. Ici, l’achat d’un protocole et d’un fichier « révolutionne » la question de la conservation et, selon le contrat avec l’artiste, modifie l’investissement. Ce processus inscrit radicalement ce type de collections dans la dynamique de projet, puisque l’œuvre existe uniquement le temps de son exposition. S’agissant d’art contemporain, les collections « permanentes » ont de quoi pencher vers le dynamique et le renouvellement, contenus dans la forme et le propos même des œuvres 3. À partir des projets d’établissement, le processus de travail concilie le scientifique et une approche interprétative qui met en relief la singularité des pratiques et des approches des institutions. Leur point commun, c’est qu’à travers ces méthodes, la collection est toujours au plus près du présent. L’activation est en effet aussi une question de mise en regard, qui « réinvente » la collection : cela peut prendre la forme de relectures thématiques, transversales, d’expositions monographiques, par différents commissaires (conservateurs, directeurs d’établissement, artistes, historiens, etc.). Chaque contexte, chaque mise en espace est un nouveau cadre de réception

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3 Cf. sur cette question After Art de David Joselit, Princeton University Press, 2012. 4 Propos recueillis en novembre 2012. 5 Idem. 6 Propos recueillis en décembre 2012. 7 Nathalie Ergino, décembre 2012.

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de l’œuvre. Ce n’est pas la même collection qui est à voir si les œuvres sont mises en relation avec celles d’autres artistes voire d’autres époques, dans un lieu d’art contemporain ou un lieu historique, ou si l’on est au plus près d’une œuvre, en présence directe de son histoire, de sa physicalité, ou de son immatérialité. « Privilégions l’individu ! », déclare Thierry Raspail. Depuis sa création, le MAC relie étroitement la politique d’enrichissement des collections à leur présentation dans le musée. Détachée d’une volonté encyclopédique, voire d’un récit historien, la collection privilégie les histoires individuelles, les moments-clés de l’évolution d’une œuvre via l’acquisition et la présentation de pièces génériques (Supportive de Gustav Metzger, 2011-2013). Souvent monumentales (Composition for Violin and Voices (Male), 1987 de John Baldessari ; Échappatoire, 2007 de François Morellet), ou caractéristiques d’un moment, d’un angle particulier de la production des artistes (films de Jan Fabre), les œuvres sont comme des capsules temporaires : « au MAC, on entre directement dans l’œuvre, chez des individus particuliers 4 », précise Thierry Raspail. Les contraintes d’espace et de budget ont incité ce dernier à aller toujours plus loin dans cette direction, préférant la sélection au nombre, l’expérience de l’œuvre à l’histoire de l’art, toujours en privilégiant des créations et des volumes qui favorisent la rencontre entre l’art et le visiteur. Dans un autre registre, le Musée d’art moderne de Saint-Étienne met en exergue la dimension contextuelle, le rapport au monde et à ses évolutions à travers des œuvres biographiques, évocatrices de mythologies personnelles, autour d’artistes confirmés comme Annette Messager, Gilbert and George, Orlan, Roman Opalka, etc. une part étant laissée aux jeunes artistes dans la programmation et pour des acquisitions plus légères. À son arrivée au musée, Lóránd Hegyi annonce qu’il souhaite « apporter une vision globale, géographique et historique car la collection a besoin d’une ouverture géopolitique 5 ». Dès lors, les collections du musée et sa programmation s’ouvrent au reste de l’Europe (l’Arte povera, notamment, devient un nouveau chapitre de la collection), puis à l’Asie. Avec « Monumental ? », « Géométries variables », « La figure humaine », les expositions de collections sont envisagées non comme des successions de mouvements dans une approche épistémologique de l’histoire de l’art mais comme les chapitres d’une histoire, aux côtés d’expositions comme « Micro-Narratives : tentations des petites

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réalités » (2008) ou « Îles jamais trouvées » (2009), pensées, elles, comme de véritables histoires. La notion d’histoire prend une toute autre forme dans les collections d’art contemporain des musées historiques. Au musée-château d’Annecy, parallèlement à une présentation chronologique classique, le choix du thématique, autour notamment de l’observatoire régional des lacs alpins, permet, souligne Élodie Kohler, de « jouer sur les permanences et impermanences, de contextualiser les objets, de les expliciter les uns par rapport aux autres, de souligner le poids historique des œuvres 6 ». Dans les musées d’histoire ou de beaux-arts, la continuité s’impose, notamment dans la représentation des périodes et médiums de l’histoire de l’art. Mais en développant des collections d’art contemporain, ces musées introduisent des productions d’artistes qui échappent à tout mouvement ou filiation en tant que tels et expérimentent ainsi autrement l’idée de continuité. Les musées de Nantes ou, en Rhône-Alpes, de Valence, ciblent leurs acquisitions d’art contemporain sur une sélection de pièces majeures et emblématiques pour synthétiser ou former des ensembles thématiques qui leur permettent aussi de repenser et de présenter les collections à partir du présent. Et cette lecture-là de la collection crée des rapprochements aisés avec les institutions d’art contemporain proprement dites. « Scénographies de Dan Graham à Hubert Robert » (2009), une lecture à rebours des collections de l’Institut d’art contemporain et du musée de Valence, illustrait en effet le principe « d’une collection que l’on renouvelle par activation 7». Cette notion est d’ailleurs au cœur du projet de l’IAC dans toutes ses dimensions. Le développement actuel de la collection est tourné vers des artistes investis dans l’élargissement des pratiques sculpturales, qui considèrent l’espace, la perception, comme matière première de l’œuvre et jouent sur sa malléabilité. Ces œuvres nous rappellent que les collections sont un processus (historique, constitutif et inachevé). Qu’elles soient constituées d’objets ou de protocoles, elles ont besoin d’être préservées, exposées, au contact de nouveaux contextes, à la rencontre de publics différents. Elles font événement car elles sont un matériau vivant

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Remerciements : Thierry Raspail, Isabelle Bertolotti (Musée d’art contemporain de Lyon), Lóránd Hegyi (Musée d’art moderne de Saint-Étienne Métropole), Nathalie Ergino (Institut d’art contemporain-Villeurbanne), Élodie Kohler (Musée-château d’Annecy), Pascal Neveux (FRAC Provence-AlpesCôte d’Azur), Marie-Cécile Burnichon (Platform), Alice Fleury (Musée des beaux-arts de Nantes).

Collections actives PAR Dorothée Deyries-Henry


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d. © Claes Oldenburg et Coosje Van Bruggen, From the Entropic Library, 1989. Vue de l’exposition « Collection du Musée : Monumental ? », Musée d’art moderne de SaintÉtienne Métropole, 2012. e. Hans Schabus, vue de l’exposition « Hans Schabus, Nichts geht mehr », Institut d’art contemporain, Villeurbanne /  Rhône-Alpes, 2011. © Blaise Adilon f. Gustav Metzger, vue de l’exposition « Supportive, 19662011 », MAC Lyon, 2013. Collection du Musée d’art contemporain de Lyon. © Blaise Adilon

TERRITOIRE

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ActuALITÉS : MAC Lyon : Gustav Metzger, “Supportive, 1966-2011”, jusqu’au 14 avril 2013. Musée d’art moderne de Saint-Etienne Métropole : “Collection du Musée : Le cortège de l’art”, jusqu’à fin août 2013. IAC, Villeurbanne/Rhône-Alpes , Dans le cadre de “Les Pléiades – 30 ans des FRAC” : In situ : “exposition collective sur une proposition de Laurent Montaron”, 24 mai – 11 août 2013. Ex situ : “la collection par Vincent Lamouroux”, Le Plateau – Hôtel de la Région Rhône-Alpes, 13 avril – 20 juillet 2013. La collection en Rhône-Alpes, Espace d’art François-Auguste Ducros, Grignan, 22 juin – 15 sept. 2013.

Collections actives PAR Dorothée Deyries-Henry

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De l’art de passer inaperçu : trois démarches furtives par Sophie Lapalu

Élodie Bremaud, 33 tours, Suée de l’île d’Yeu, 2012.

1 www.elodiebremaud.com 2 www.lesgensduterpan.com 3 www.jeanchristophe norman.net

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Lorsqu’elle lui a répondu qu’elle était artiste, il fut rassuré, soulagé. Les danseurs, eux, n’avaient pas l’autorisation des chorégraphes de répondre aux questions. Lui n’a pas parlé de son geste. Au cours de l’été 2012, Élodie Bremaud 1 fit trente-trois fois le tour de l’île d’Yeu durant autant de jours consécutifs, soit 1120 km à pied à raison de 34 km quotidiens. Vêtue du typique shortbleu-tee-shirt-marin-sac-à-dos du touriste désireux d’épouser les couleurs locales, elle « fait l’île » selon l’expression consacrée, c’est-à-dire « le tour de l’île », reprenant par là l’attitude lambda d’un vacancier. N’invitant aucun spectateur à venir applaudir son exploit, sans ligne de départ ni d’arrivée si ce n’est la promesse un peu burlesque du titre du projet (33 tours), n’annonçant nulle part le caractère artistique de sa proposition, elle agit toutefois au vu et au su de tous. Si le touriste journalier ne put déceler le caractère répétitif de son geste, les insulaires commencèrent quant à eux à souffrir de paramnésie répétée en voyant passer tous les jours, à peu de chose près à la même heure, au même endroit, habillée de la même manière, la même jeune fille. Un mois plus tard à Lodz, en Pologne, les citadins furent atteints du même mal : la compagnie des Gens d’Uterpan y présentait Topologie. Suivant dans la ville le tracé d’un « graphique étalon » (schème représentant une spatialisation idéale, en référence à la scène) dessiné par les chorégraphes Annie Vigier et Frank Apertet 2 sur le plan de la cité à investir, les danseurs, durant deux jours de répétitions, repérèrent leur chemin,

ESSAI

notèrent la série de mouvements nécessaires à leur parcours, entrèrent dans les administrations, commerces ou jardins privés, demandèrent des autorisations, augmentèrent même leur chorégraphie de désirs individuels. Ils traduisirent de la sorte le dessin en pas, foulées, attitudes, qu’ils mémorisèrent pour les interpréter au fil des neuf jours suivants. Ils rythmèrent la réalité à éprouver – la précision devint millimétrée. Essayer le même chapeau. Traverser le même jardin les pieds dans l’eau. Escalader le même mur d’école. La structure du graphique suivi permettant la réunion de tous les danseurs en des points précis à des horaires exacts, il fut parfois nécessaire de courir, chaque parcours se terminant par le retour des interprètes au point de départ. Personne ne fut en mesure de distinguer le caractère artistique des gestes réalisés. Les danseurs furent vus, souvent « déjàvus », mais la chorégraphie resta insoupçonnée. Quelque temps plus tôt, à Berlin, Paris, Tokyo – je ne sais plus très bien ni où, ni quand, tant il semble ne jamais cesser – Jean-Christophe Norman 3 choisit quant à lui, de suivre un tracé parfaitement objectif, le contour d’une ville A, et de l’arpenter à l’intérieur d’une ville B. Lisbonne à Berlin en 2006, puis l’année suivante Piotrkow à Paris, ou Besançon à Tokyo, et vice versa (Walk in progress)... En 2008, il sectionne le pourtour de Vilnius pour le dessiner non plus dans une seule autre cité, mais par l’addition de parties parcourues dans sept villes de par le monde : Paris, Tokyo, Besançon, Berlin, Nice, Metz, New York (Constellation Walks). Don Quichotte cartographe,

De l’art de passer inaperçu : trois démarches furtives PAR SOPHIE LAPALU


Jean-Christophe Norman, Constellation walks (New York), 2008.

4 Écrits sur le signe, rassemblés traduits et commentés par Gérard Deledalle, coll. L’ordre philosophique, Le Seuil, Paris, 1978. 5 Peirce l’appelle « l’interprétant logique final ». Elle permet à deux interlocuteurs, dans un contexte précis de communication, de comprendre de quoi ils parlent, coutumiers d’attribuer telle signification à tel signe dans tel contexte. 6 Pour désigner ces gestes, nous reprenons la terminologie de Patrice Loubier d’« art furtif », qui décrit ainsi la façon dont l’art pénètre les espaces publics et sociaux et interroge alors la notion de spectateur idéal et attendu. 7 J. Bouchet, Ep. mor. i, xiii ds Gdf. Compl. Dans Centre National des Ressources Textuelles et Lexicales, http://www.cnrtl. fr/definition/furtif, consulté le 22 janvier 2012. 8 Louis Marin, « Logique du secret », dans Lectures traversières, Bibliothèque du collège international de philosophie, Albin Michel, Paris, 1992, p. 24.

il tenta de faire correspondre une vérité normée à sa propre fiction, déplaçant la règle topographique au profit d’un jeu de plans superposés – bien entendu à la dérobée. Sans attaquer des moulins, ces trois artistes agissent anonymement dans l’espace public, au travers de gestes d’une banalité sourde, qui ne distinguent pas leurs auteurs de la masse des comportements quotidiens. Selon la théorie de la signification de Charles Sanders Peirce 4, tout acte de pensée est un signe. Le processus sémiotique serait donc, théoriquement, illimité. Dans la pratique, cependant, il est court-circuité par l’habitude 5, celle que nous avons de donner tel sens à telle chose, tel geste. Le citadin pressé hâte le pas pour rejoindre un point dans un but précis. Le même devenu touriste effectue tranquillement le tour de l’île dans la journée. L’habitude endigue le renvoi infini d’un signe à un autre. Et si le vacancier se précipitait pour boucler un tour quotidiennement renouvelé, sans autre objectif ? Si l’habitant enlevait ses chaussures pour marcher les pieds dans l’eau du jardin public ? Les actions décrites précédemment semblent ambitionner de remettre en route ce processus sémiotique, afin de repenser ad infinitum nos usages ordinaires. Pressant l’allure vers la performance physique, comme si leurs actes pouvaient trouver une absurde reconnaissance sportive, ces artistes dissimulent le caractère artistique de leur proposition ; aucun ne convoque de spectateurs. Ces actions, visibles, publiques, sont perçues – mais non pour ce qu’elles sont. Pour nommer ces pratiques, nous posons l’hypothèse d’une typologie nommée « actions artistiques furtives ». Le terme « action »

ESSAI

désigne ici un acte qui est autant la situation que sa propre terminaison, et se différencie de celui, public, de « performance ». L’adjectif « furtif  6 », du latin furtum (larcin, vol), qualifie quant à lui ce « que l’on cache, dissimule, garde en secret comme on le ferait d’un larcin 7 ». Il caractérise l’aspect fugace et éphémère des objets auquel il est affilié mais désigne avant tout ce qui est « secret », caché intentionnellement. Paradoxalement, je suis en mesure de vous les décrire. Ce n’est en effet qu’une fois révélé que ce qui était dissimulé s’avère avoir été secret : « Le secret ne se constitue tel que de sa disparition 8 ». L’action « aura été furtive », et leurs auteurs ne sortent pas des « cadres de l’art » ou de ses procédés de légitimation. 33 tours d’Élodie Bremaud n’est qu’une partie d’un projet plus large (Devenir Islaise : Ambition impossible pour artiste obstinée) au sein d’une résidence à l’été 2013, mise en place par la mairie de l’île d’Yeu en partenariat avec la DRAC Pays de Loire. Par sa présence répétée, elle s’inscrit dans le paysage ; ses intentions filtrent au cours de conversations minimales, puis amicales, par distillation. Les habitants deviennent complices. Les Gens d’Uterpan étaient quant à eux conviés par le Musée Sztuki de Lodz, qui avait communiqué sur l’événement. Un plan avec le graphique était à disposition des visiteurs du musée (qui se trouvaient cependant dans l’impossibilité de distinguer un passant lambda d’un danseur), et la bande-son du projet fut diffusée à la radio. Enfin, Jean-Christophe Norman était invité par le Centre d’art Contemporain de Vilnius, où il présenta une vidéo de trottoirs qui défilent, caméra dirigée vers le sol. Les FRAC du Grand Est

De l’art de passer inaperçu : trois démarches furtives PAR SOPHIE LAPALU

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9 Georges Perec, L’infra-ordinaire, Seuil, coll. La librairie du xxie siècle, Paris, 2011, p. 12. 10 Andras Zempléni, « Secret et sujétion, Pourquoi ses “informateurs” parlent-ils à l’ethnologue ? » in Traverses « Le secret », n° 30-31, Centre national d’art et de culture Georges Pompidou, 1984, p. 104.

le sollicitèrent également afin de réaliser une extension de ce travail, Les circonstances du hasard, où il dessina en 2011 les contours des cinq régions concernées (Alsace, Bourgogne, Champagne Ardennes, Franche-Comté, Lorraine) à l’intérieur de l’immense agglomération d’Istanbul. Non spectaculaires, débusquant les « choses communes », les artistes sollicitent ainsi « ce qui semble tellement aller de soi que nous en avons oublié l’origine 9 » : les usages communs tout comme les idées reçues liées à l’art contemporain. En effet, le jugement artistique « Ceci est de l’art » apparaît en définitive plus souvent comme un jugement non descriptif ou appréciatif, mais dépréciatif : « Ceci n’est que de l’art » – annulant par-là toute effectivité. Au contraire, agir furtivement, dissimuler la nature artistique de l’action, permet non seulement d’échapper à cette suspension de valeur de vérité, mais également d’ouvrir les perspectives d’un art qui ne s’offre plus directement comme évènement oculaire à un spectateur contemplatif, mais privilégie l’expérience au sein de la vie ordinaire. Celui qui perçoit ne peut alors se constituer ni comme témoin (il ne peut pas certifier avoir vu de l’art), ni comme spectateur (comment admirer un fait dont la nature est cachée ?), et permet aux chorégraphes des Gens d’Uterpan d’affirmer qu’en élargissant la scène à l’espace social, « l’audience » ne peut être autre que les citoyens. Aussi Élodie Bremaud n’aurait-elle peut-être pas dû dévoiler qu’elle était artiste à la seule personne qui lui demanda explicitement pourquoi elle tournait quotidiennement, afin que cette dernière ne cesse de s’interroger. Au contraire,

l’habitude de considérer l’art contemporain comme contraire au sens commun rassura quant à sa santé mentale non la « 33 touriste », mais celle qui butait face à l’incompréhension. Annie Vigier et Frank Apertet l’ont bien compris : les danseurs ne sont pas autorisés à révéler le pourquoi de leurs actes furtifs, tandis que les marches de Jean-Christophe Norman passent tellement inaperçues qu’il n’est pas nécessaire d’expliciter à quiconque la raison de son parcours. Les trois derniers protagonistes de cet article se sont d’ailleurs réunis très récemment pour un projet commun dont ils ne dévoileront jamais ni la nature, ni le lieu de sa réalisation, ni la date de son accomplissement. Le secret ne sera donc a priori jamais révélé, jamais divulgué. Cependant, il est communiqué – je participe moi-même, au travers de cet article, à sa transmission. Jean-Christophe Norman et les Gens d’Uterpan déplacent ainsi les limites, créent une sorte de fait social partagé par une communauté de confidents – dont les lecteurs de ZéroQuatre font désormais partie. Le furtif, le secret, ne pouvant subsister comme tel sans se signaler d’une manière ou d’une autre à ses destinataires, voire sans être validé de temps à autre par des « accusés de réception 10 », il ne sera considéré par ses détenteurs comme « existant » que lorsque il sera acquis par une institution publique. Cette dernière se trouve réduite à son rôle de légitimation – jusqu’à ne pas connaître ce qu’elle valide. Le système de croyance réclamé par toute œuvre d’art, habituellement assis sur le pouvoir institutionnel, est retourné. La responsabilité de chacun au sein d’un système a priori bien huilé est ébranlée ; d’autres géographies se dessinent, les lignes attendues se déforment

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Les gens d’Uterpan, Topologie Île-de-France, 4–13 octobre 2012. Photo : Martin Argyroglo

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ESSAI

De l’art de passer inaperçu : trois démarches furtives PAR SOPHIE LAPALU


Glissements de terrain dans l’espace public par Fabien Pinaroli

Delphine Reist, Parade, 2008. Des bottes en caoutchouc frappent le sol et l’eau. Bottes, électro-aimants. Manœuvre 1/3, Genève. © Laurent Faulon

1 Raphaël Zarka, Free Ride : Skateboard, mécanique galiléenne et formes simples, B42, 2011. 2 Voir Caroline Cros & Laurent Le Bon (dir.), L’art à ciel ouvert. Commandes publiques en France, 1983-2007, Flammarion, 2008. 3 http://manoeuvres. over-blog.net. Le film Manœuvre, de Demis Herenger est le seul objet visuel et pérenne, un film hybride fait de séquences filmées par les collégiens et lui. 4 Cette phase devait avoir lieu en juillet 2012 et a dû être annulée.

Il est un type d’art dans l’espace public appelé « drop sculpture », qui trouva son apogée dans les années d’après guerre, et qui est constitué d’œuvres considérées comme autonomes et parachutées (dropped) dans l’espace public pour embellir une architecture moderniste mal digérée. Raphaël Zarka a relevé des façons d’habiter cette sculpture, notamment chez les skateurs. Pour lui, si les passants, le public, la critique et l’histoire de l’art jugent les œuvres selon des critères esthétiques et conceptuels, les critères des skateurs sont plutôt mécaniques. « Plus irrévérencieuse que vandale, cette pratique de l’œuvre d’art souligne le dynamisme explicite de tout un pan de la sculpture moderne. Sur des sculptures le plus souvent abstraites et géométriques, les skateurs rendent effective l’idée de mouvement littéralement mise en œuvre par les artistes 1 ». On trouve une même sorte d’irrévérence dans la série What is public sculpture? de Franck Scurti, conçue comme une réminiscence de la drop sculpture couverte de tags. Depuis plus de quarante ans, on peut facilement attester une grande diversité des démarches d’artistes intervenus dans l’espace public. Ayant perdu son autonomie, l’art est aujourd’hui bien conscient des liens qu’il peut nouer avec la commande – qu’il s’amuse aussi à détourner le cas échéant – mais surtout avec le contexte géographique, social, historique, etc 2. À l’initiative des artistes, il arrive que les commanditaires puissent entendre que les notions de monumentalité, de pérennité et de matérialité soient remises en question. En 2003, à Genève, Delphine Reist,

Analyse

Laurent Faulon et Demis Herenger répondent à un concours de commande publique à l’occasion de la reconstruction du collège Sismondi. Au lieu de proposer un travail concret et pérenne, ils conçoivent une suite d’événements qui dématérialisent les qualités habituellement attachées à ce type d’œuvre. Les processus de travail proposés, totalement en accord avec leur mode d’action depuis plus de dix ans éprouvé, ont séduit un jury qui a préféré à l’orthodoxie formelle la pertinence et la force d’un propos. Le projet Manœuvres 3 se déroule pendant la construction du nouveau bâtiment et consiste en trois temps forts d’occupation du chantier par les artistes et les œuvres 4. Cette réponse postule que le caractère public d’une œuvre pourra lui être attribué par d’intenses rencontres éphémères avec des publics. La tenue systématique de repas collectifs ainsi que le caractère exceptionnel que prend l’ouverture d’un lieu généralement interdit d’accès ont permis la présence d’un public bigarré : enfants, adultes, collégiens, ouvriers, punks, passionnés de musique industrielle et amateurs d’art contemporain. Comme le montre le cas de Manœuvres, des glissements sont en cours dans les récents développements de l’art rattaché à l’espace public. Les formes artistiques qui ont émergé dans la critique de l’autonomie, du pérenne ou du monumental de l’art sont parfois intégrées en amont, dans le cahier des charges. C’est peut-être pour cette raison que, de plus en plus, sont mis en place des comités de pilotage pluridisciplinaires qui élargissent l’approche des contextes. Autre changement notoire, dans les deux programmes

Glissements de terrain dans l’espace public PAR FABIEN PINAROLI

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a.

5 http://www.8e-art.com

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ambitieux que Lyon verra finalisés entre aujourd’hui et 2014 (8e Art et Rives de Saône) : le principe de compétition ouverte à tout artiste selon un cahier des charges fourni par le commanditaire s’est transformé dans les deux cas en sélection d’un directeur artistique (par concours ou non) qui bâtit ensuite un programme à la façon d’un commissaire d’exposition. L’ultime conséquence de la présence de ce nouvel intermédiaire serait que les attentes des commanditaires, finalement, soient toujours prêtes à être déjouées – mais peut-être est-ce aller un peu loin. Enfin, les programmes sollicitent de plus en plus les artistes pour requalifier des espaces, leurs interventions étant certaines fois très diffuses : mobilier urbain, qualité des circulations ou invitation à reconsidérer le paysage. Quels en sont les impacts sur la façon dont les artistes créent dans le cadre de la commande publique ? Et quel serait le devenir d’un art qui ne se prête plus qu’à des usages, alors qu’il a longtemps été le lieu de débats, de commémorations et de représentations collectives au sein même de ce que l’on a appelé, jadis, l’espace public ? Y a-t-il, en fin de compte, incompatibilité ? 8e Art 5 est un programme de commande publique pour le quartier des États-Unis, dans le 8e arrondissement de Lyon, fortement marqué par l’histoire du logement social et qui désire créer

Analyse

un dialogue permanent entre l’art et les habitants. L’utopie que représente la Cité industrielle de Tony Garnier est le point de départ de ce projet centré sur le patrimoine, l’urbanité et la citoyenneté. Son mérite est de chercher à reconsidérer les enjeux du modernisme d’autant que les terribles exemples fournis par la reconstruction des années cinquante correspondent à l’enfouissement des espoirs que ce même modernisme avait fait naître. Une dizaine d’œuvres vont être installées. Si les jeunes artistes convoqués n’ont pas spécialement l’expérience d’un art destiné à l’espace public, la relecture du modernisme est une modalité centrale dans leur travail et leurs projets sont pour la plupart propices à établir une relation avec un public de proximité. Pour la première phase, les œuvres de Karina Bisch, Armando Andrade Tudela et Bojan Sarcevic vont être installées cette année et, dans la seconde phase, six nouveaux artistes seront choisis parmi onze propositions. Celle de Simon Starling, Rotary Cuttings, paraît la plus audacieuse car il intervient en accord avec les habitants dans deux appartements pour prélever dans leurs salons respectifs deux pans de mur circulaires afin de les intervertir ; un film documentaire circule et deux photos au format 4 × 3 sont présentes dans la rue. Bojan Sarcevic quant à lui, dans La traversée d’un ailleurs, prélève une portion de sol qui donnera l’impression

Glissements de terrain dans l’espace public PAR FABIEN PINAROLI


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a. Raphaël Zarka, Riding Modern Art, une collection photographique autour de Spatial Composition 3 (1928) de Katarzyna Kobro, installation, 2007. Avec des photographies de : Éric Antoine, Loïc Benoit, Sébastion Charlot, Guillaume Langlois, Dominic Marley, Bertrand Trichet, Marcel Veldman, Alexis Zavialoff. Collection FRAC Alsace, Selestat. Courtesy de l’artiste & galerie Michel Rein, Paris.

6 http://www.lesrivesde saone.com

b. Franck Scurti, vue de l’exposition « What is Public Sculpture ? », Magasin CNAC, Grenoble, 2007. Courtesy galerie Michel Rein, Paris. c. Simon Starling, Rotary Cuttings, maquette, 2011. d. Laurent Faulon, Ensemble, 2009. Manœuvres 2/3, Transmissions Genève, 2009. © Marika Palocsay

d’onduler entre quatre arbres à l’image d’un papier froissé. L’intervention se fait dans un passage initialement sans qualité et l’adjonction de bancs autour des troncs rendra à nouveau possible des rencontres. Les priorités de 8e Art visent à dynamiser la vie culturelle du quartier avec la mise en place d’une équipe de médiation qui s’active depuis deux ans auprès de différents publics. Le credo est que l’art contemporain est une affaire d’interrelation et que sans un travail de médiation l’œuvre reste incomplète, ce qui semble poursuivre les dynamiques « relationnelles » initiées par certains artistes, il y a plus de deux décennies, intégrant la médiation dans les œuvres elles-mêmes. Bien différente dans sa conception comme dans sa mise en œuvre, la « superproduction » Rives de Saône est une requalification des berges sur plus de vingt km entre Rochetaillé-sur-Saône et le sud de Lyon. Les artistes ont été choisis au même moment que les urbanistes et paysagistes, assurant ainsi des équipes constituées en amont qui vont pouvoir s’imprégner des lieux et collaborer dans un véritable dialogue : « ils réaliseront une promenade alliant patrimoine naturel, historique et culturel, mettant en valeur et développant les usages […] pour que chacun vive la Saône et ses rives à son rythme, au gré de ses envies et de ses sensibilités 6 ». Les nombreuses installations

Analyse

de Tadashi Kawamata – différentes structures, passages, habitats ou belvédères –, véritable fil rouge de cette promenade, sont des marqueurs importants par l’utilisation du bois, élément emprunté au végétal et qui entretient une certaine fraternité avec la rivière par leur histoire commune. Dans Rives de Saône, l’artiste fait figure de créateur ingénieux et enchanteur, proposant des expériences, agrémentant une balade urbaine d’équipements, d’aires ludiques ou d’installations qui, sans sa présence, serait amputée d’une dimension culturelle. Elmgreen & Dragset se distinguent avec The Weight of One Self (le poids de soi-même), seule sculpture de facture très classique et qui semble relever d’un art parachuté façon « drop sculpture » moderniste. Il sera intéressant de voir si ceci la prédestine à recevoir les mêmes tags que ses homologues modernistes. Puisque les aménagements priment, l’expérience esthétique semble s’élargir vers un partage de sensations ; elle délaisse certaines préoccupations centrées sur l’ancienne autonomie de l’œuvre, mais peut-être cette expérience va-t-elle ouvrir sur de nouvelles significations esthétiques liées à des faits de sensibilité publique, en public, par le public ? Ou au contraire a-t-on affaire à une réduction, à une attitude de consommateur et de dilettante éloignant par là d’une certaine émancipation attachée habituellement à la

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7 Christian Ruby, L’âge du public et du spectateur, essai sur les dispositions esthétiques et politiques du public moderne, collection Essais, La Lettre volée, 2007, p. 282. 8 Christian Ruby, op.cit., p. 181.

fréquentation de l’art ? Il est peut-être utile de convoquer à ce stade les réflexions de Christian Ruby à propos des apparitions et des mutations du phénomène d’esthétisation du public. Celle-ci est actuellement à son apogée et concerne « tant la pensée que le comportement, les mœurs et les relations sociales ; une esthétisation par fait de rôle accru de la sensibilité et des émotions dans la relation avec les autres. Elle tend à un recentrement de chacun sur l’épanouissement du moi, corrélé avec un regard positif à l’égard d’une diversité contrôlée des pratiques, pour peu qu’elles puissent se juxtaposer ». L’état et les collectivités locales chercheraient à ramener à une unité perdue. « Mais une unité de juxtaposition à partir d’une instrumentalisation sociale, touristique, commerciale, en terme de prestige 7. » Les usagers des berges de Saône et les habitants du 8e arrondissement seraient-ils dans ce cas ? Il y a en effet toujours à chercher une instrumentalisation du fait artistique lorsqu’il est inscrit dans la sphère publique, ici par une collectivité

territoriale et là par un bailleur social, c’est même la règle et l’on s’y est habitué depuis des siècles. Mais à un niveau plus global, pour sortir de la relation aliénante que « l’ère des gens » tente aujourd’hui d’instituer – succédant à « l’ère du public », de l’époque moderne – Christian Ruby ouvre la piste de l’exercice esthétique qui est différent de l’expérience esthétique et s’y oppose même. Pour lui, c’est une relation d’interférence qui définit la relation à l’art et elle doit mener à une transformation de soi. L’intrusion de l’œuvre dans la sphère intime constitue alors « une introduction à une mise à l’épreuve de soi, de ses abdications et piétinements, de sa formation, de sa mémoire, de son goût, de son imagination […] et un exercice enfin qui ne s’intéresse qu’à lui-même, l’activité qu’il déploie est nécessaire mais tout rapport avec l’utile lui répugne 8. » Encore faut-il que les œuvres permettent cet exercice du sujet. Les usagers, les habitants, les citoyens, les amateurs et professionnels de l’art contemporain en jugeront bientôt par eux-mêmes

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La commande publique : “une démarche artistique intégrée” ? Journée séminaire organisée par l’ESADSE et ZéroQuatre dans le cadre de la Biennale Internationale Design Saint-Étienne, mardi 26 mars 2013, www.biennale-design.com.

Tadashi Kawamata, Plages de Neuville, œuvre commandée par le Grand Lyon dans le cadre de l’aménagement des Rives de Saône, 2011. © Raphaël Lefeuvre

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COMPTES RENDUS

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COMPTES RENDUS


COMPTES RENDUS expositions & lectures

Vue de l’exposition « Aujourd’hui à 10 ans / This day at Ten » au Magasin-CNAC. © Blaise Adilon. Courtoisie de l’artiste et de la galerie Sfeir Semler © Niek van de Steeg, La mine Jeffrey à Asbestos à ciel ouvert, fusain et pastel, 2012. Photo : Thierry Chassepoux

Niek van de Steeg, “La Maison de la Matière Première – Dessins” du 11 octobre au 17 novembre 2012, art 3, Valence. Dans un entretien avec Hou Hanru, Niek van de Steeg avançait : « Mes expositions sont des sculptures et mes sculptures sont des expositions ». À art3, l’artiste néerlandais ne montre pas d’objets tridimensionnels sinon la boîte en céramique renfermant le tirage de tête de la publication « la Maison de la Matière Première » éditée par Captures éditions en partenariat avec le Centre d’art Le Lait d’Albi. Captures éditions, à l’initiative de Valérie Cudel, a la particularité de considérer l’espace livresque comme un lieu, le volume devenant exposition. L’accrochage à art3 propose notamment un déroulé des dessins présentés dans l’édition, série où la couleur jaune, celle du yellowcake, est dominante. Le yellowcake est le surnom de l’uranium, une des matières premières, après le café et l’amiante, qui sert de fil à Niek van de Steeg pour explorer les stratégies d’exploitation et les mises en réseau qui y sont invariablement associées. Lise Guéhenneux pose ainsi la problématique : « comment l’homme sculpte-t-il le territoire pour prélever ces matières premières ? ». S’affirme ainsi l’idée que l’exploitation des ressources, dont la finalité est l’enrichissement selon les modalités libérales, serait un acte esthétique qui échappe aux exploitants dont le seul objectif est la plusvalue. Niek van de Steeg prend alors le statut de révélateur de cet acte esthétique insoupçonné, son travail consistant en un décryptage des liens invisibles s’établissant entre enjeux économiques et transformation plastique du monde. « Il situe la responsabilité de l’artiste face au monde là où il peut agir concrètement, sur le territoire de l’œuvre, issue du réel et générant de la fiction, dont les pouvoirs sur les structures mentales créent à leur tour de la réalité » écrit Jackie Ruth-Meyer. [Pascal Thevenet]

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Akram Zaatari, “This Day at Ten” du 13 octobre 2012 au 6 janvier 2013, Le Magasin, Grenoble. Un palimpseste est un manuscrit gratté par les copistes afin d’y écrire à nouveau mais qui, selon un certain éclairage, laisse transparaître le texte effacé. C’est à la lueur de cette définition que pourrait s’observer le travail d’Akram Zaatari. Des couches d’images et de textes sur l’histoire du Moyen-Orient 1 par lesquelles, selon la formule benjaminienne, « l’Autrefois rencontre le Maintenant dans un éclair pour former une constellation ». La plus brillante étoile en serait un film réalisé en 2004 (prix son au FID Marseille), titré Aujourd’hui, et assumé par l’artiste comme la pièce maîtresse autour de laquelle s’articule son exposition. Le film est pris dans une mise en scène qui emprunte à la salle de cinéma ses strapontins, un écran de taille conséquente et l’indispensable pénombre sans laquelle une projection (cinématographique autant que vidéo) ne serait que du semblant. Reprise du dispositif cinématographique certes, mais sans chercher à tout prix à transformer l’espace d’exposition en salle. Ainsi, quand nous regardons et écoutons Aujourd’hui, se rejoue dans notre dos – en moins grand –, une scène du film 2, comme un écho à celui-ci et un possible contre-champ. À moins que ce ne soit l’inverse. Car Zaatari est trop conscient des manipulations que médias et régimes politiques font subir aux images pour imposer aux siennes une lecture univoque. Il ne suffit pas de montrer, encore faut-il se demander comment, et pourquoi. Aujourd’hui est en cela exemplaire : il entremêle documents d’archives (photos, vidéos, télé, radio, Internet) tout en mettant son propre processus de création en abîme. Par-delà l’hétérogénéité formelle, ce sont des sédiments visuels et sonores avec lesquels l’artiste construit une pensée faite film. Peu surprenant alors que ce soit derrière l’écran d’Aujourd’hui que soit exposée la simulation de la Time Capsule, cette

expérience d’enfouissement de documents précieux, illustrée, une salle plus loin, par une vidéo-making-of. Et là encore, making-of ne signifie pas simplement « accès aux coulisses », mais nouvelle strate sédimentaire. Peu surprenant non plus qu’à l’enfouissement succède, par une vidéo titrée Le trou, l’extraction d’une lettre enterrée des années auparavant. Faire remonter à la surface l’histoire d’un peuple ou bien l’enfouir comme témoignage adressé aux générations futures : dans les deux cas, l’artiste devient passeur d’un récit qui s’écrit dans le temps. Comment ne pas penser à Godard et à ses Histoire(s) du cinéma qui ont influencé les premiers films de l’artiste 3 ? Et d’autres noms viennent spontanément à l’esprit : Harun Farocki déjà, autre grand arpenteur et archéologue d’images, dont certains passages du film Images du monde et inscriptions de la guerre 4 entrent en résonance avec Aujourd’hui. Walid Raad, bien sûr, avec qui Zaatari a collaboré, et dont le projet d’Atlas Group Archive compile des documents sur l’histoire contemporaine du Liban. Et puis, Khalil Joreige et Joana Hadjithomas pour leurs « images latentes ». Reste un film réalisé en 2008 : Nature morte 5, avec lequel j’aurais tendance à vouloir clore l’exposition, à rebours du parcours qui semble indiqué. Tout commence dans un espace exigu : deux hommes travaillent de la nuit au petit jour. Sont-ils des civils engagés dans une lutte armée ? Fabriquent-ils une bombe ? Où sont-ils et qui est l’ennemi ? Zaatari ne répond pas vraiment, il préfère laisser aux images leur part d’insu, et au spectateur sa responsabilité. [Fabrice Lauterjung] 1 Akram Zaatari est co-fondateur de la FAI (Fondation Arabe pour l’Image). 2 Une courte vidéo en réalité antérieure au film Aujourd’hui et dont il existe aussi une extension photographique. 3 Il s’agit de la série Image + Son, composée de 7 films réalisés entre 1995 et 1996.

4 Je pense aux passages consacrés aux photos de femmes algériennes, prises par Marc Garanger en 1960, pour le compte de l’armée française. 5 C’est également le titre de deux grandes photos exposées dans la célèbre rue du Magasin, et supposées dialoguer avec l’exposition patrimoniale « L’Isère en relief » qui présente une immense maquette de Grenoble.

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© David Wolle, Fête cup, huile sur toile, 2012. Philippe Cognée, New York (détail), 2001, collection particulière. © ADAGP, Paris, 2013

Philippe Cognée du 10 novembre 2012 au 3 février 2013, Musée de Grenoble. Premier vrai retour sur l’œuvre de Philippe Cognée, la rétrospective que lui consacre le Musée de Grenoble en donne à voir l’impressionnante prolificité. C’est un acteur majeur du paysage pictural français qu’il est ici donné à découvrir ou redécouvrir, dans des conditions exceptionnelles : une centaine de tableaux répartis dans pas moins de dix-huit salles sur quelques mille mètres carrés. La question du rapport à la photographie qui a jalonné le xxe siècle pictural retrouve là sa pleine actualité ; Philippe Cognée peint en effet principalement d’après photo (photos de vacances, photos de famille, photos prises au téléphone ou plus récemment, captures d’écran de Google Earth). Il commence par peindre directement sur les tirages 10 × 15 en un recouvrement-dédoublement de l’image originelle (Sans titre, 1991-1995). En résulte un certain brutalisme ; une généricité du motif affleure par-delà sa représentation : le vélo, le niveau à bulle, le téléviseur, le panneau stop. En parallèle, paysages et natures mortes se succèdent (Paysage vert, 1993 ; Pot de peinture, 1995, etc.) mais aussi les célèbres portraits de ses fils et de sa femme à la plage – c’est à ce moment qu’il inaugure sa fameuse technique de la peinture à l’encaustique chauffée au fer à repasser. L’exposition grenobloise adopte un parti pris chronologique auquel elle se permet tout de même de faire quelques entorses, notamment en insérant un cabinet graphique au cœur du display, présentant des dessins pour la plupart de 2012. Châteaux de sable, cendriers, crânes, autoportraits, esquisses du désert de Namibie et de rayonnages de supermarché : autant de vanités récurrentes

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dans l’œuvre du peintre. C’est que les séries qu’il consacre à ses sujets ne sont jamais terminées, à l’image de celle des crânes dont il offre ici une admirable variation en six dessins sur papier photo : l’encre aquarellée se fait ombre évanescente, se fondant littéralement au papier glossy pourtant rétif sur l’un tandis que, juste à côté, elle incarne un trait d’un noir féroce. Hormis les portraits pour tels, peu de présence humaine se fait jour chez Cognée, ou alors fantomatique comme dans les tablées familiales (Anniversaire du père i, 2000) ou sous forme de micro-silhouettes dans les foules sans visage (Foule, 1999). Les villes sont toujours désertes, n’offrant qu’un abri géométrisé à l’entassement des êtres (Immeuble Beaulieu Nantes, 1997 ; Google L.A., 2006) et finissent par se ressembler étrangement, comme dans l’impressionnant tryptique TNYP (2010) qui fond Tokyo, New York et Paris en un même réseau de lignes qui s’entrecroisent. La subjectivité affective de la prise de vue alterne avec celle, désincarnée, des cadrages réalisés dans Google Street View. Il s’agit, pour le peintre, d’« accaparer l’espace photographique 1 », que ce dernier transcrive son propre vécu ou des vues proprement inhumaines car produites par recoupement et agglomération d’images satellitaires. « La photographie, pour moi, c’est juste un intermédiaire à faire quelque chose d’autre […] à créer de nouvelles [images] qui n’existent que dans la peinture. » Sa toute récente série de façades d’après Street View (Deux maisons quelque part dans la banlieue de Chicago, 2012) offre paradoxalement, dans la frontalité du motif, une abstraction du banal confondante. [Aude Launay] 1 Toutes les citations sont extraites de l’entretien de Philippe Cognée avec Philippe Piguet publié dans le catalogue

de l’exposition co-édité par Actes Sud, le Musée de Grenoble et le Musée des beaux-arts de Dole.

David Wolle, “Grand Lisboa 1” du 6 septembre au 22 décembre 2012, Galerie Bernard Ceysson, Saint-Étienne. Face aux peintures de David Wolle, nous ne pouvons être absents au fait qu’une séduction, légèrement louche, opère. Nous ne sommes pas en face d’une peinture qui relève du fantasmagorique à la sauce surréaliste mais ce serait en fait plus rassurant. David Wolle avoue ne pouvoir peindre que ce qu’il a sous les yeux. Il s’est donc attelé à la question de la représentation du sujet en peinture, et c’est peut-être un des rares aspects de ce travail qu’il faille prendre au sérieux. Le reste est soit trop dérisoire, soit carrément inquiétant malgré des titres aux résonances enfantines et loufoques. En effet, la technique à l’huile clairement maîtrisée, les couleurs suaves et les textures toutes de guimauve ondoyante nous font clairement sentir que le rapport entre le tableau et le sujet représenté a subi quelques secousses. Mais le type de secousse est par contre moins clairement identifiable. Dans les peintures, des volumes bizarres baignés de lumière dans un espace toujours clos ou quasi abstrait laissent un goût étrange quant à l’identification même de leur nature. L’artiste fabrique tout cela de bric et de broc : pâte à modeler, plâtre, polystyrène, papier découpé, etc. Il met en scène ces petites choses comme on le ferait dans un théâtre de marionnettes et photographie le tout, s’amusant follement, semble-t-il. L’objet de la représentation, on le comprend, existe mais n’existe pas. Il est vrai et il ne l’est pas. Disons que cet objet existe au point que sa vérité est malicieusement enfouie dans la possibilité de sa représentation ; représentation dont le fondement, on le sait, a toujours été une question d’artifice, de mensonge. Dès lors, se fendille et vacille toute identité, jusqu’à la nôtre éventuellement. [Fabien Pinaroli]


Vue de l’exposition « Tricontinental, une étude graphique ».

Mathieu Kleyebe Abonnenc, “Tricontinental, une étude graphique” avec Léna Araguas, Gaëlle Choisne, Fabrice Mabime, Pablo Réol, Fabien Steichen du 19 au 25 novembre 2012, Réfectoire des nones, ENSBA Lyon.

Thierry Liegeois, Forest of the dead, 2012. Vue de l’exposition « Dystopia », Angle art contemporain, Saint-Paul-Trois-Châteaux/Drôme, 10 octobre – 24 novembre 2012. © IAC / Galeries Nomades 2012 © Blaise Adilon

“Galeries nomades 2012” du 28 septembre au 1 décembre 2012, VOG centre d’art contemporain, Fontaine ; Angle art contemporain, Saint-PaulTrois-Châteaux ; Greenhouse et La Serre, Saint-Étienne. Le programme « Galeries Nomades », porté par l’Institut d’art contemporain, développe deux types de rencontres : tous les deux ans, il permet de découvrir à la fois des jeunes artistes issus des quatre écoles supérieures d’art de Rhône-Alpes et des lieux d’art contemporain en région dont la visibilité a parfois du mal à franchir le seul périmètre de leur territoire. Ainsi en 2012, deux artistes diplômés de l’école d’Annecy et deux autres de celle de Lyon furent invités à présenter et à défendre leur travail dans des sites de la banlieue grenobloise, de la Drôme provençale et de Saint-Étienne. La proposition de Rémi dal Negro avait l’intelligence de dissimuler et de révéler le lieu – l’architecture de Greenhouse est celle, post-industrielle, d’une réoccupation des espaces à des fins non-productivistes – laissant le visiteur explorer les recoins de l’ancienne Brasserie Mosser. Monolithe, installation constituée de bâches de protection translucides marquait cette respiration, soit en se gonflant jusqu’à occulter toute une partie de l’architecture, soit, vidée de son air, la dévoilant tout en laissant le sentiment inconfortable, mais drôle, d’un ratage du dispositif. Toujours à Saint-Étienne, La Serre est un jardin d’intérieur présentant

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deux massifs arborés desquels Johan Parent dut s’accommoder. Ses différentes pièces se jouèrent de la contrainte en incluant de manière efficace cette végétation contrastant avec l’aspect mécanique et technologique de l’univers de l’artiste. Néanmoins, la notice de Sans titre (2009), œuvre constituée de ventilateurs, spécifiait : « Sortes de prothèses de l’homme pour un monde meilleur, les objets semblent désormais se passer de leurs concepteurs et opérateurs ». « Semblent » seulement car malheureusement une panne d’électricité m’empêcha de goûter aux divers mouvements, sons et images articulant Asphalt. Faire appel à des lieux dotés de peu de moyens pose la question du projet artistique, de sa maintenance et de sa durée. L’exposition de Mathilde Barrio Nuevo était trop courte pour que j’aie l’occasion de m’y rendre. Quant au vernissage de Dystopia de Thierry Liégeois, un bouc y était attendu mais n’est jamais arrivé. Ces dysfonctionnements n’occultent cependant pas la qualité des recherches menées par ces quatre jeunes artistes et le profond attachement de ces « moindres-lieux » à diffuser la création la plus contemporaine. Ils ne remettent pas non plus en cause l’initiative de l’IAC qui permet l’expérience d’une première exposition monographique à de jeunes artistes qui se voient ainsi accompagnés tant au niveau curatorial qu’analytique puisque de jeunes critiques d’art sont aussi invités à produire des textes sur leur travail, publiés ensuite dans un numéro spécial de la revue Semaine. [Pascal Thevenet]

Après un mois de résidence à l’ENSBA de Lyon, Mathieu Kleyebe Abonnenc présente la restitution du workshop effectué avec cinq étudiants en art et en graphisme. La revue militante Tricontinental, publiée en 1967 à Cuba et un an plus tard en France aux éditions Maspero en est l’objet d’étude. Son but fut de donner la parole aux acteurs locaux des luttes armées qui se jouaient en Asie, Afrique et Amérique latine. Le groupe a choisi un display proche du studio ou de l’atelier, utilisant de fines barres métalliques parallèles pour les faire courir tout le long des murs du réfectoire. Les exemplaires et les reproductions de la revue sont aimantés, se présentant comme des notes de musique sur une partition. Le sous-titre de l’exposition, « une étude graphique », semble alors s’appliquer tant à la recherche au sein de la revue qu’à la restitution de cette étude. D’abord, un diaporama de détails nous offre un regard subjectif sur les parties visuelles de la revue, alors que les éléments graphiques les plus redondants sont isolés et présentés sur une affiche. Si on les compare aux formes géométriques très rectilignes des affiches de propagande soviétique, on voit ici l’utilisation de courbes qui donnent un côté plus « pop » au design de l’ensemble. Ensuite, l’étude s’est portée sur les différences entre les structures visuelles des éditions cubaine et française, autrement dit sur la manière dont le passage d’une langue et d’une culture à une autre pouvait se répercuter sur le graphisme. Il est étonnant de voir comment les numéros français suppriment une large part d’images et d’outils graphiques au profit du texte. La culture française privilégie clairement la puissance du langage à celle des images. La part visuelle de l’édition cubaine s’avère ainsi beaucoup plus riche et percutante. [Aurélien Pelletier]

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© Jérémy Gobé, Quatre Mains, 2012.

Jérémy Gobé, “Monuments aux Mains” du 1er décembre 2012 au 16 février 2013, Fondation Bullukian, Lyon. La Fondation Bullukian a accueilli l’exposition « Monuments aux Mains » de Jérémy Gobé, lauréat de son Prix à la création 2011. Conçues au cours de sa résidence à Lyon, les œuvres du jeune artiste reposent sur un processus de récupération de matériaux et d’appropriation de savoir-faire. De ses rencontres naissent des formes plastiques (sculpture, dessin, vidéo...) témoins ou hommages. Des chutes de tissus issues d’une usine désormais fermée (L’Usine, 2011), des meubles de l’atelier de la Fondation (Miroir et La Porte, 2012) et des vêtements récoltés (La Promesse, 2012) ont ainsi été réinvestis et transformés par l’artiste. Selon lui, sa « démarche vise […] à retrouver l’énergie qui a un jour habité ces objets ». Trois figures, plus particulièrement, traversent le projet. Un sac se réfère ainsi à sa grand-mère qui en réalisait, pendant la guerre, avec des matériaux trouvés (Sac, un foudre de guerre, 2012). Jérémy Gobé cite aussi Giovanni Anselmo dont il reprend le geste puis le titre pour la vidéo Torsion (2012). Enfin, il rend hommage à la sculptrice textile Simone Pheulpin en achevant une pièce qu’elle lui a offerte (Quatre Mains, 2012). Comme celle-ci affirme que ses « réalisations sont […] le reflet d’une harmonie avec le monde naturel », certains de ces « monuments » suscitent le même constat. Les formes organiques ou végétales des excroissances ornementales de Jérémy Gobé traduisent, certes, la dextérité technique et la visée esthétique exacerbée des gestes manuels répétitifs, mais peu les histoires singulières qu’elles sont censées conter. Les plis et replis, malgré la narration – à la première personne – des rencontres par l’artiste, tendent parfois vers une illustration « générique » des mémoires et des actes qui se juxtaposent. [Adeline Lépine]

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Anonyme (Fluxus), I wish to remain on Fluxus, mailing list, Collection du Musée d’Art Contemporain de Lyon, 1965.

“Fiat flux : la nébuleuse Fluxus, 1962-1978” du 27 octobre 2012 au 27 janvier 2013, Musée d’art moderne de Saint-Étienne. Fiat or not Fiat Le Musée d’art moderne de Saint-Étienne fête les cinquante ans de la naissance de Fluxus : Fiat Flux (que le flux soit). Ni mouvement cohérent, encore moins style identifiable, Fluxus est un réseau informel et international qui, à partir de 1962, a permis la mise en relation, la production et la diffusion des œuvres d’artistes qui ont renversé une conception alors figée de l’art. Englué dans la sphère du confort bourgeois et les hiérarchies de valeurs, ce dernier souffrait d’une trop grande importance accordée au savoir-faire, à la qualité et à la signature d’un artiste atteint du syndrome de la diva. L’esprit Fluxus prône un art d’attitude, accessible à tous et défiant toute grandeur artistique. Le détournement poétique des gestes quotidiens les plus simples permettait d’envisager une activité créatrice permanente et pour tous. Dans l’exposition, les passionnants diagrammes historiques de Georges Maciunas sont présents et un grand nombre de productions Fluxus en vitrines sous forme de boîtes, d’objets et de jeux. Les Fluxfilms sont projetés dans une salle, complétant celles qui énumèrent par le menu les différentes préoccupations des artistes de cette nébuleuse : le jeu, la fusion de l’art et de la vie, l’intermédia, la musique , l’indétermination, la commercialisation à bas prix de multiples et la mise en question de l’art. En outre, une frise historique, les journaux, les annonces promotionnelles, des photos de quelques performances permettent de visualiser la chronologie Fluxus autant que la qualité et la cohérence graphique de toutes ces productions. Enfin,

un bonne moitié de l’exposition est dédiée à deux ensembles cohérents d’œuvres de Nam June Paik et Volf Vostell. Réaliser une exposition Fluxus revient à tenter de résoudre la quadrature du cercle tant le musée a tendance à mettre en boîte tout ce que l’art a de vivifiant, pourtant celui de Saint-Étienne s’y risque. Il ne prend pas le parti d’être Fluxus mais de faire une exposition sur Fluxus. Pourquoi pas, le musée assume être une institution dont le rôle est tout sauf de badiner. Un catalogue conséquent et un colloque rassemblant les spécialistes des questions autour de l’exposition de Fluxus en attestent 1. Les enjeux inhérents à la mise en place de « Fiat Flux » auraient tout de même mérité d’être traités par les moyens mêmes que permet l’exposition, l’utilisant comme le moyen discursif qu’elle est. Entre autres questions qui auraient gagné à être traitées de la sorte, figure celle de la frontière entre art et non-art, de ce que l’on nomme le phénomène d’artification des documents d’archives, question tellement pointue lorsqu’on aborde cette période. Mais aussi celle de l’historio­ graphie d’un phénomène car la multiplicité des récits, racontés différemment par chaque protagoniste, n’a pu être exposée dans sa complexité 2, une des versions officielles étant livrée sans plus de distanciation. L’exposition peine à rendre compte de la force vitale, des intentions autant esthétiques que politiques et sociales qui ont été divergentes au sein de cette nébuleuse d’artistes, au cours des différentes périodes. [Fabien Pinaroli] 1 Colloque « Fluxus, un triomphe amer ? » les 23 et 24 janvier 2013.

2 Cf. Bertrand Clavez, « Fluxus à 50 ans : des histoires sans histoire » http://www.artpress. com/mobile/Fluxus-agrave-50ans--des-histoires-sans-histoire


© Sans titre (Donald Bud), 2012.

Grout / Mazéas, “Oh Gravity, Thou Art a Heartless Bitch !” du 26 octobre au 29 décembre 2012, Maison du Livre, de l’Image et du Son de Villeurbanne.

Archipel, 2012 . Installation, vidéo-projecteurs, plaques de verre brisées avec film opaque de projection, résine capa, haut-parleurs, éclairage multicolore. © Aurélie Leplatre / La Salle de bains

Adrien Missika, “Archipel” du 20 novembre 2012 au 12 janvier 2013, La Salle de bains, Lyon. Tropes photogéniques Sous les variations colorées des lumières distribuées dans les recoins de la Salle de Bains, une impression mêlée de désenchantement et de rayonnement de l’être traverse l’exposition « Archipel » d’Adrien Missika. Une forme de minéralité s’y propage comme une douce ironie, qui viendrait raviver un monde que la surexploitation des ressources comme des images a fini par user. À l’instar de nombreux artistes de sa génération, la vision mélancolique néo-romantique que l’on prête souvent à Adrien Missika, s’assimile à une errance que l’on a aussi trop vite fait de rattacher à une contemplation nostalgique. Or si nombre d’artistes sont aujourd’hui attirés vers les restes de ce monde, c’est justement avec le désir de se laisser surprendre par ce qu’ils n’y cherchent pas. Alors qu’Adrien Missika se définit lui-même comme un « touriste professionnel », nous verrions plutôt, dans les aléas qui donnent naissance à ses œuvres, la posture du voyageur amateur, à rebours de celle du touriste de masse, adaptée à un monde hyperstructuré et prêt à consommer. Donnant son titre à l’exposition et en écho aux récents voyages de l’artiste, l’installation vidéo produite à cette occasion affiche un artifice low fi, non dénué d’un certain raffinement. Des câbles relient au sol cinq petites projections d’images tournées sur différents sites volcaniques et projetées sur des plans de verre brisé plantés sur des amas

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de résine récupérée auprès de son voisin d’atelier. Sur ces monticules noirs à l’évidente résonance, chacune de ces vidéos se focalise sur une plante, lui associant une musique composée par Victor Tricard. Des sites parcourus à l’exposition, en passant par l’atelier, les mouvements de déterritorialisation et de reterritorialisation dans lesquels se produit l’œuvre se voient ainsi rassemblés dans cette figure de l’archipel et dans le délicat spectacle qui se déroule devant nous – l’artiste nous impose une vision distanciée. L’assemblage hétérogène y acquiert la photogénie d’une vue d’ensemble : la représentation d’un monde contemporain qui ne se saisirait pas dans la projection d’un espace-plan ou d’un objet, mais dans la topologie de contextures mouvantes. À l’échelle de l’exposition, si chacune des œuvres semble aussi fonctionner en îlot (installations multimédias, sculpture, impressions…), englobées dans les variations lumineuses et sonores, elles cristallisent ces transits dans lesquels les éléments naturels et synthétiques modulent leur existence. Aux plantes projetées sur ces monticules de lave factice succède un cactus trônant sur un cache-pot dégoulinant de cette même résine (Élément Vertical Zéro), et dont l’artiste nous apporte d’étonnantes visions en « tranches » dans les impressions sur papier métallique de Cactus Frottage. Par un jeu de mises en abîme, ces archipels exposeraient tout autant la « forme » que le « faire » à l’œuvre chez Adrien Missika, les alliages y incarnant la fabrique d’un réalisme contemporain aussi désuet que fabuleux. [Florence Meyssonnier]

Dans le champ relativement frileux de l’art contemporain français, peu semblent s’être autorisés à expérimenter la question de l’humour comme le font, depuis une quinzaine d’années, Sylvain Grout et Yann Mazéas. Au sein d’une scène qui éprouve bien plus de facilité à célébrer les références éculées que les propositions fondées sur le choix délibéré de s’inscrire en marge de la mode, il faut reconnaître que l’exercice est assez périlleux. À la MLIS, le duo d’artistes montpelliérain s’est employé à opérer un rapprochement entre la rigueur de la théorie scientifique et les blagues de potaches des séries comiques américaines. Cette hybridation des styles, perceptible dès la lecture du titre de l’exposition, ne se limite cependant pas à quelques bonnes formules. Les œuvres se déploient dans l’espace du bâtiment de Mario Botta et entretiennent un dialogue quasi constant avec son architecture, suggérant que la vertigineuse colonne de lumière qui le traverse fut à l’origine d’une réflexion profane autour de la gravité. L’arrondi du lieu est ainsi recouvert de larges bâches imprimées d’une « voie lactée » de fruits et de légumes s’écrasant sur une table ; en face, au centre de trois hauts piliers, quatre packs de bières sont suspendus parallèlement, soigneusement alignés les uns sous les autres. Hommage iconoclaste aux sculptures « étagées » de Donald Judd, cette composition sans titre, ironiquement sous-titrée Donald Bud, illustre le genre de facéties auxquelles se livrent les artistes. Un peu plus loin, dans un espace faiblement éclairé aux allures de décor de western, deux tables en bois sont couchées, criblées de balles. Bien que le support soit mal approprié pour l’astronomie, les percées évoquent des constellations d’étoiles écroulées au sol. Flinguer les savoirs austères, soustraire l’art à toute forme de gravité – et rire de sa chute – tel pourrait être, en résumé, le modus operandi suivi par Grout / Mazéas. [Franck Balland]

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© Christine Crozat, Wallpaper pour Minnie, 2012 ; Les tournis de Minnie, sculptures moulées en cire, chocolat, sucre, 1998-2002.

“Jeux d’artistes” du 15 décembre 2012 au 30 mars 2013, Musée-Château, Annecy.

Vue de l’exposition « Cage’s Satie. Composition for museum », MAC Lyon, 2012. © Blaise Adilon

“Cage’s Satie. Composition for museum” du 28 septembre au 30 décembre 2012, Musée d’Art Contemporain de Lyon. Cette « composition pour musée », attendue depuis longtemps, a largement divisé. Le projet était ambitieux. D’abord, exposer un artiste sonore, John Cage, à travers les liens qui le relient à un compositeur : Erik Satie ; des personnages qui, a priori, ne réalisaient pas d’objets, ou peu. Ensuite dans la forme retenue, une forme concertante, qui ne se veut ni exposition ni concert, mais plutôt comme une expérience dont la durée dépasserait chacun des deux. Un univers sonore et visuel qui invite à l’errance et la découverte. Cage est celui qui va redécouvrir Satie. Pour lui, il est le premier à avoir accordé une véritable considération au silence. Or, dans ses pièces, Cage entretient une relation d’équivalence entre le son et le silence avec, comme point d’orgue, ce qui apparaît comme le fondement commun aux deux : la durée. Le premier étage invite à la déambulation. L’espace a été largement ouvert par le retrait des cimaises. Les dispositifs sonores cachés dans la structure du bâtiment se déclenchent tour à tour à divers endroits du plateau. Des chaises longues permettent de marquer de véritables temps d’arrêt et invitent le spectateur à s’abandonner à une écoute détendue. Au centre, des vidéos des chorégraphies de Merce Cunningham, écrites pour les œuvres de Cage, souffrent d’une mauvaise qualité et d’un éclairage trop important. Aux murs sont accrochées

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des reproductions de partitions de Cage correspondant aux morceaux diffusés. Loin d’apparaître comme des objets ou des œuvres, ces éléments visuels deviennent ici des « documents d’ambiance » à fonction informative. Ce qui étonne dans cet art de l’aléatoire et du silence, c’est la précision avec laquelle semble être écrite chacune des compositions. Ces partitions qui, pour les non-initiés, oscillent entre formules chimiques et poésie formelle, paraissent néanmoins totalement maîtrisées. Le deuxième étage, qui ne compte pas de grand dispositif sonore mais des écoutes au casque ponctuelles et plus anecdotiques, souffre plus du phénomène de remplissage visuel. Il est néanmoins intéressant de voir les contributions d’artistes tels que Jasper Johns, Robert Ryman ou Sol LeWitt à The First Meeting of the Satie Society, livres conçus par Cage en hommage à Satie. La liste des différents participants à ces ouvrages réunis dans une valise de verre inspirée de Duchamp, permet de resituer le compositeur new-yorkais à travers ses relations et ses goûts pour d’autres grandes figures de l’art du xxe siècle. Enfin, une salle est consacrée à la collection de documents de Cage concernant Satie, où l’on découvre entre autre l’humour et les frasques de ce personnage haut en couleurs. Cette composition pour musée, bien qu’inégale, a le mérite d’expérimenter des formes d’exposition différentes, sans rester dans les carcans classiques de l’institution. En mettant directement le son à l’œuvre, le premier étage s’avère toutefois plus en adéquation avec le projet. [Aurélien Pelletier]

Tricotez cinéma d’animation et art contemporain, ajoutez une virée dans l’enfance, assaisonnez le tout avec une bonne dose d’ironie : vous obtenez une expo à visiter avec un plaisir fou. Dix-sept plasticiens et douze cinéastes d’animation sont réunis dans un parcours qui mixe les générations et les genres et ne retient que la logique du jeu. Et ça marche ! Comme une activation de l’identité culturelle d’Annecy ancrée dans son festival du cinéma d’animation cinquantenaire, un passage ouvert dans la création, une invitation à se prendre aux jeux de construction, illusions d’optiques et détournements d’objets qui font œuvre. Entre le Château de cartes en verre de Luc Deleu et le morse poétique du Dot-Dash de Robert Breer, quelques œuvres de maîtres marquent le parcours, comme Anemic Cinema de Marcel Duchamp ou Chemin faisant, c’est la faute à Rousseau, des peintures originales de Georges Schwizgebel pour son nouveau film d’animation. Les travaux d’une dizaine d’artistes de la génération soixante-dix donnent le ton : mordant, ironique, moqueur puis tendre, désinvolte et rêveur. Dessin d’architecture aussi précis que brillant d’intelligence, Tradition of Excellence xii de Baptiste Debombourg représente une église dans le Walther PPK de James Bond ; Kiss & Fly de Carole Brandon étudie la notion de paysage à partir d’un dispositif interactif brouillant les frontières entre réel et visuel. Le jeu se termine par un retour en enfance devant les quarante dessins aquarellés de Doudous de Patricia Cartereau, la Trempette de schtroumpfs de Frédéric Malette, les Tournis de Minnie de Christine Crozat ou les peintures de Brice Postma Uzel, dressant des jouets sur une tête d’enfant. Gagnants ? Les manifestes décapants d’artistes trentenaires, en prise avec le burlesque de situations aussi improbables que réelles. Coup de cœur pour le catalogue de l’expo, livre-objet édité aux éditions du Chemin de fer. [Carine Bel]


© Fabienne Ballandras, Coucou les enfants !!! (partie 1), photographie couleur.

Fabienne Ballandras, “Il guerre ” du 19 janvier au 15 mars 2013, l’Angle, La Roche-sur-Foron.

East River, 2012, acrylique sur panneaux de bois et néon fluorescent. Vue de l’exposition personnelle de Lisa Beck, Endless, commissariat : Caroline Soyez-Petithomme. Photo : Bertrans Stofleth.

Lisa Beck, “Endless” du 8 décembre 2012 au 17 mars 2013, Fort du Bruissin, Francheville. John Constable a peint plusieurs études d’arcs-en-ciel sur papier, dont la plus célèbre, une huile de 1812 intitulée Moulin à vent à East Bergholt, avec un double arc-en-ciel, a été marouflée sur toile. L’arc-en-ciel, les phénomènes lumineux et météorologiques sont quelques-uns des sujets récurrents du naturalisme paysager mais aussi du romantisme ou du symbolisme. L’art de Lisa Beck a quelque chose à voir avec ces thématiques issues du xixe siècle : on y trouve des miroirs peints, des motifs dédoublés par réflexion, des allusions aux couchers de soleil, aux lumières de la ville miroitant sur l’eau ou aux éclats lumineux eux-mêmes. Dans le numéro 669 des Cahiers du Cinéma, le chef opérateur du film Super 8 expliquait que J. J. Abrams avait voulu recréer l’éblouissement des films de Spielberg en exagérant volontairement les flares, ces taches de lumière créées par la réverbération d’une source lumineuse sur l’objectif des caméras. De la même manière, l’art de l’Américaine apparaît comme une tentative pour renouer avec l’enchantement coloré (et les sources d’inspiration) de la peinture pré-abstraite. East River est peut-être l’œuvre de l’exposition qui illustre le mieux cette synthèse entre référence aux formes de l’abstraction et figuration implicite de la nature, du cosmos ou, ici, d’un paysage urbain. Elle est constituée de deux parties, deux tableaux : l’un au mur, peint de bandes

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verticales colorées surmontées d’un néon se réfléchissant sur l’autre, au sol (un peu à la manière de certaines compositions d’Ellsworth Kelly). L’incompatibilité entre autonomie supposée de la forme et évocation – évidemment affective – d’un panorama new-yorkais n’existe que sur le papier : de nombreuses œuvres dites minimalistes, comme celles d’Agnès Martin ou d’Anne Truitt, sont empreintes d’une même sensibilité romantique. Chez ces artistes, l’art et la nature sont deux choses distinctes, mais la nature peut encore servir de modèle à l’art : une œuvre d’art, une feuille d’arbre ne renvoient qu’à elles-mêmes. Elles font partie d’un tout qui implique la littéralité de chaque chose. Car un autre aspect évident du travail de Lisa Beck est la continuité des parties et du tout, des œuvres et de l’œuvre à proprement parler. Dans son art, la sérialité n’est pas liée à des protocoles rationnels ou mathématiques mais à une succession de choix instinctifs. L’histoire de l’art est le résultat des choix que font les artistes. Mais c’est aussi celui de leurs doutes, de leurs erreurs et des possibilités qu’ils ont abandonnées. Comme il est possible d’imaginer des mondes parallèles, il est possible d’imaginer des histoires de l’art parallèles. Par son jeu de résonance, de dédoublement et d’unification, l’exposition de Lisa Beck semble évoquer ce genre d’hypothèses, qui posent en négatif une question sans réponse : un artiste choisit-il réellement son destin, son style, ou ne fait-il que réaliser le programme inconscient d’une histoire dont il est l’instrument, le réflexe ? [Hugo Pernet]

Roquettes, missiles, mitrailleuses, soldats en opération, manifestations, gisants : Fabienne Ballandras expose des images de guerre. Une série de photos issue du cahier de souvenirs d’un soldat en Irak déroule des projectiles qui ont muté en objets ludiques portant des messages comme une bouée à la mer : « coucou les enfants », « dans le cul Lulu ». En face, les portraits du soldat en tenue évoquent tour à tour la figure de l’aventurier ou la statuaire du héros grec. Les bombes ressemblent à des jouets, les scènes de combat à des mises en scène, les foules à des calligraphies. Changement d’échelle, transformation de la matière, lissage du contenu, l’artiste poursuit son traitement des flux médiatiques à partir d’un même dispositif : la collecte d’images reconstituées en maquettes puis reprises en photo. La collecte a la rigueur d’un travail de documentariste, le processus a la mécanique d’un double filtrage produisant une abstraction des données visuelles empruntées au champ du réel. Issue des opérations de mise à distance du sujet, l’image finale fait œuvre. Dans les derniers travaux de Fabienne Ballandras, la figure et le corps surgissent et avec eux un autre traitement : le dessin. Le trait active une nouvelle forme de mise à distance en un traitement gestuel de l’image, comme s’il s’agissait de mieux se l’approprier pour en libérer l’impact, l’œuvre se chargeant d’une intensité charnelle avec parfois un clin d’œil à la peinture classique. Quelle part de fascination contiennent ces images ? L’ambiguïté est là, elle trouble, dérange, émeut. Répertoire visuel d’une époque de guerre ou mode de nettoyage d’un flux d’informations médiatiques dont le sens se perd dans la dramaturgie, « Il guerre » questionne avec une acuité inédite le traitement du corps au combat dans les médias et l’histoire de l’art. [Carine Bel]

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Le Gentil Garçon, L’arbre à poissons, œuvre commandée par le Grand Lyon dans le cadre de l’aménagement des Rives de Saône, 2011. © Fabien Astruc

Benoît Broisat éd. Adéra, 2012. Philippe Piguet “Chapelle de la Visitation espace d’art contemporain”, Thonon-les-Bains, “Semaine 2008-2011” éd. Analogues, août 2012. Rassemblant trois ans d’édition de la revue Semaine, l’ouvrage retrace les douze premières expositions de la Chapelle de la Visitation. Il témoigne de l’action de l’historien et critique d’art Philippe Piguet auprès de la ville de Thonon désireuse d’inviter tous les publics à la découverte de l’art contemporain. C’est d’abord la parole d’un homme passionné, bavard, débordant d’enthousiasme, qui veut nous faire partager son appétit pour l’art contemporain comme une invitation à une bonne table. Il y explique ses choix, nous y confie ses coups de cœur, traçant une histoire de l’art inédite et complètement personnelle. Très structurée, sa programmation à la Chapelle s’organise en trois cycles annuels : Art & Figure (2008-2009), Art & Nature (2009-2010), Art & Langage (2010-2011) rythmés d’une exposition par saison comme la monographie d’une figure majeure en été, une exposition collective en automne, la monographie d’un artiste émergent en hiver et la monographie d’un artiste déjà repéré au printemps. L’écrit suit le même découpage tout en se tenant très proche de la conversation. De Erró, le dévoreur d’images en passant par Le dessin évidem(m)ent de Mathias Schmied, L’étrange familiarité de Françoise Pétrovitch, la cosmogonie de Christian Lapie, Les mots et les lettres de Villeglé ou Joël Ducorroy – plaqué art, il fait état de la diversité des pratiques et des postures artistiques, tisse des liens, contextualise les œuvres pour en livrer le sens. Précis, documenté, il a les atouts d’un manuel d’histoire de l’art et se lit comme un roman truffé de rencontres et de découvertes. À parcourir, une très belle iconographie mêlant les images d’œuvres avec parfois un zoom sur les détails et des vues d’exposition. [Carine Bel]

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Benoît Broisat n’a de cesse d’interroger le statut des images. Variant les médiums, l’artiste favorise avant tout le concept et le processus. Son projet Place Franz Liszt (2006) explorait la reconstruction du réel par l’imaginaire en représentant, par le biais de maquettes, modélisations 3D, croquis et vidéo, une place parisienne à partir de témoignages collectés auprès des riverains, sans jamais l’avoir vue et en s’imposant de ne jamais la voir. C’est aussi avec un certain sens du détail qu’il donne corps au flou d’un rêve (Dreams) ou d’un vague souvenir de son village d’enfance qu’il tente de recréer dans sa vidéo Bonneville. Œuvre qui entre directement en résonance avec le Test du village, observant la façon dont un enfant structure une ville d’après divers éléments dont il dispose et les stéréotypes qui en découlent. Dans le flux d’images – de presse notamment – qui circulent au quotidien, Benoît Broisat cherche la part tangible. Dans sa série Témoins, l’artiste endosse le rôle de détective, remontant le filon d’un objet-détail repéré dans l’image d’un article de presse (du drapeau tricolore trônant sur le toit du Grand Palais au pin’s d’un trader américain, en passant par la chemisette jaune de Houellebecq) et retenu pour sa teneur relativement neutre. L’image d’origine est alors confrontée à l’objet de toutes les investigations, comme pour en démontrer la fiabilité. Benoît Broisat montre les mécanismes de notre perception, du prisme par lequel on pense, observe et retranscrit la réalité. Il explore la part forcément lacunaire du souvenir ou du témoignage que l’imagination vient alors combler. De ces tentatives toujours renouvelées d’analyse / restitution / construction d’une image résulte un corpus d’œuvres rassemblées ici en un ouvrage sobre et élégant, entrecoupé de petits cartels signés Pierre Giquel et d’un texte de Florence Ostende. [Alexandrine Dhainaut]

La commande publique : “une démarche artistique intégrée” ? Journée séminaire organisée par l’École supérieure d’art et design Saint-Étienne et ZéroQuatre dans le cadre de la Biennale Internationale Design Saint-Étienne, mardi 26 mars 2013, www.biennale-design.com. Par des œuvres de commande ou d’infiltration, l’art public recoupe des situations variées mais reste chargé d’une histoire considérable dans laquelle se croisent des mouvements d’appropriation et d’affranchissement. Si dans les années soixante, l’investissement de la sphère publique par les artistes, souvent éphémère, renvoyait à une démarche anti-institutionnelle, il est aujourd’hui amplement intégré à d’importants dispositifs de commande à caractère durable, inscrits dans des politiques d’aménagement du territoire. La pratique artistique répond ici à un contexte spécifique et s’articule à un processus de réalisation traversé par de nombreux impératifs et de multiples voix. Dans le cadre de la Biennale Internationale Design Saint-Étienne, l’ESADSE propose en partenariat avec la revue ZéroQuatre, une journée interrogeant les approches des différents interlocuteurs et les enjeux d’une production artistique dans l’espace public. Cette rencontre constitue notamment l’occasion de revenir sur plusieurs projets rhônalpins, à travers le témoignage d’artistes mais aussi de commissaires ou de chargés de production – intermédiaires essentiels entre les commanditaires et les artistes. Au fil des discussions, elle questionnera l’interaction entre les œuvres et leurs modes d’inscription dans et avec la sphère publique.


“L’empathie ou l’expérience de l’autre” Biennale Internationale Design Saint-Étienne du 14 au 31 mars 2013, www.biennale-design.com a.

a. Studio Gabillet et Villard Curiosity Object, cloche lumineuse, chêne noirci et verre soufflé teinté, galerie Cat Berro, 2012. © Felipe Ribon b. Lauren Alexander, Florian Conradi, Judith de Leeuw, Isabel Lucena, Vitor Peixoto, Ghalia Srakbi, Marco Ugolini, Judith Van der Velden, Dirk Vis, Kamiel Vorwerk, (Sandberg Instituut, Amsterdam), I Have Something to Hide, vidéo, 2008. © Video still – Marco Ugolini c. Mehdi Saeedi, Be Kind to All Animals, poster, 2011. © Mehdi Saeedi d. Kuba Jagiello, ConstructionDeconstruction Lamp, modules lumineux, 2010. © Kuba Jagiello © Przemek Szuba

Pour sa 8e édition, du 14 au 31 mars 2013, la Biennale Internationale Design Saint-Étienne revient avec quarante-neuf expositions et plus de vingt-sept rendez-vous d’envergure nationale et internationale. Depuis la dernière édition en 2010, quelques remaniements ont été opérés sur la forme même de l’événement : tout d’abord, la biennale passe de novembre à mars, elle amplifie aussi son développement en s’internationalisant avec des invitations et des propositions venues d’Europe et d’ailleurs et en intensifiant sa présence sur l’ensemble du territoire stéphanois, dans plus de soixante lieux différents cette année. Enfin, les équipes ont aussi connu quelques changements majeurs : Ludovic Noël a pris la tête de L’EPCC Cité du design – École supérieure d’art et design, succédant à Elsa Francès qui reste cependant directrice de la Biennale et Yann Fabès remplace désormais Emmanuel Tibloux à la direction de l’école (ESADSE). Avec pour thématique cette année « L’empathie ou l’expérience de l’autre », la Biennale propose au visiteur de découvrir comment les pratiques du design abordent l’empathie et comment les designers s’y inscrivent en regard d’une production qui touche aujourd’hui tous les domaines du quotidien. « Nombreux sont les philosophes et les sociologues qui estiment urgent de repenser la société sur des bases plus respectueuses de la communauté humaine. […] L’empathie propose de regarder et de construire autrement le monde grâce à cette capacité d’appréhender et comprendre les sentiments et les émotions d’un autre ». Pour Elsa Francès, l’empathie serait

porteuse de l’espoir d’une société plus sensible et plus attentive à un moment où celle-ci serait en mal d’utopie. Si le designer est celui qui invente et produit une réponse aux besoins et aux nouveaux modes de vie des individus, l’empathie est, quant à elle, le dialogue entre le créateur et l’usager. C’est à partir des questions que suscite la mise en relation de ces deux termes qu’a été construit le programme de la Biennale, en confrontant les points de vue et en ouvrant les débats : empathie et création, innovation, appréhension et réponses à des attentes universelles, force d’investigation de l’empathie, relations aux marques, le designer comme médiateur. Au programme donc de cette nouvelle édition, sept expositions majeures dédiées aux perspectives et aux innovations en design : « Demain c’est aujourd’hui #4 », « Les androïdes rêvent-ils de cochons électriques ? », « Nano-ordinaire », « Traits d’union (objets d’empathie) », « Artifact », « Singularité » et « L’Autre Jean », une proposition de Marithé et François Girbaud ; quatre invitations internationales dont l’exposition « EmpathiCITY », sous le commissariat de la designer américaine Laetitia Wolff et de Josyane Franc de la Cité du design et six expositions en région destinées à mettre en lumière les savoir-faire. L’ESADSE et les projets étudiants sont aussi à l’honneur avec quatre expositions : « L’aventure c’est l’aventure », « The Dream Team », « C’est pas mon genre ! » et « Faire école ». De quoi faire école, justement, en matière d’événement dédié aux pratiques et aux champs d’application du design en 2013. À voir impérativement [Isabelle Moisy]

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b. d. c.

ÉVéNEMENT

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Gustav Metzger, Supportive, 2011 Tests à Londres © collection mac LYON

Huang Yong Ping, Mille bras de Bouddha, 2012 Installation, Biennale de Shanghai, Power Station of Art, 2012 Courtesy de l’artiste et kamel mennour, Paris © Adagp Paris, 2013

Latifa Echakhch, Mer d’encre et Tambour, 2012 Vue de l’exposition « Tkaf », kamel mennour, Paris, 2012 © Latifa Echakhch Photo. Fabrice Seixas Courtesy de l’artiste et kamel mennour, Paris

Horaires d’ouverture du mercredi au dimanche de 11h à 18h www.mac-lyon.com

130206_zeroquatre_ap00.pdf

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2/6/2013

5:22:39 PM

12/13

saison "Tea for Two"

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23 novembre 2012 _ 16 février 2013

Sir Thomas Trope Aurélien Mole / Julien Tiberi C

01 mars 2013 _ 04 mai 2013

M

Terrible Two Grout / Mazéas

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CM

avec Emilie Brout & Maxime Marion, Berdaguer/Pejus, Jake & Dinos Chapman, Les Frères Chapuisat, Collectif Fact, Dewar et Gicquel, Iain Forsyth & Jane Pollard, Hippolyte Hentgen, McDermott & McGough, Ida Tursic & Wilfried Mille

MJ

CJ

CMJ

17 mai 2013 _20 juillet 2013

N

Estefania Peñafiel Loaiza / Thu van Tran | villa l du l parc | centre d'art contemporain

parc montessuit _ 12 rue de genève _ 74100 annemasse _ france _ +33(0) 450 388 461 _ communication@villaduparc.org www.villaduparc.org _ ouvert du mardi au samedi de 14h à 18h30 et sur rendez-vous _ entrée libre

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École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon sélection post-diplôme 2013-2014 inscriptions ouvertes jusqu’au 24 mai 2013 www.ensba-lyon.fr/post-diplome

Je m’échappe, vidéo performance, 2010 / Xuanhe Wang, post-diplôme 2012-2013


Pauline Fleuret et Félix Lachaize Installation, dessin, vidéo et performance

Mehdi Chafik

La brouette enragée et l’oiseau

Shifting Lines Casablanca Lieu d’art contemporain - La Halle Center Periphery Suède Médiathèque de St-Marcellin

6 avril > 8 juin

Vernissage à La Halle samedi 6 avril à 17h

Séance d’art vidéo expérimental d’artistes marocains dvdproject.org une proposition de

Exposition du 12 janvier au 23 mars 2013 Espace arts plastiques - Maison du Peuple

l’Atelier Cinématographique Ad Libitum adlibitum.sud-gresivaudan.org

Un projet dans le cadre de la Biennale de Nord en Sud et en partenariat avec Cultures Interface culturesinterface.com et le service culturel de la ville de Saint-Marcellin. 04 76 36 05 26 • La Halle • 38680 Pont-en-Royans • lahalle-pontenroyans.org 04 76 38 02 91 • Médiathèque • 1 Bd du Champ de Mars • 38160 St Marcellin Le Lieu d’art contemporain la Halle est soutenu par la commune de Pont-en-Royans, la Communauté de communes de la Bourne à l’Isère, le Syndicat mixte Pays du Sud Grésivaudan denordensud. sud-gresivaudan.org, le Conseil Général de l’Isère, la Région Rhône-Alpes, la DRAC Rhône-Alpes

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En résonance à la

U A E B C’ES T UNE ViLLE ! N i A DEM D IE U L E T Ô H D N A R G 14.03 → 17.03 |

EN TR ÉE G R AT U IT E

EXPOSITIONS, VISITES ET CONFÉRENCES Venez découvrir dans le Grand Hôtel-Dieu les objets et tendances de la ville de demain. Une vision de la ville réinventée par les designers !

Accès Grand Hôtel-Dieu : 1, place de l’Hôpital 69002 Lyon

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Charlotte Perriand Christian Lhopital Barthélémy Toguo

Charlotte perriand et le japon

splendeur et désolation

talking to the moon

23 février - 26 mai 2013 Charlotte Perriand, Chaise longue bambou, 1941. Photo Archives Perriand. © ADAGP, Paris, 2013.

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École Supérieure d’Art et Design, www.esad-gv.fr — 25 rue Lesdiguières, 38 000 •Grenoble ; Tél. +33 (0)4 76 86 61 30, Fax +33 (0)4 76 85 28 18, Mél. grenoble@esad-gv.fr — Place des Beaux-Arts, CS 40 074, 26 903 •Valence cedex 9 ; Tél. +33 (0)4 75 79 24 00, Fax +33 (0)4 75 79 24 40, Mél. valence@esad-gv.fr École Supérieure d’Art et Design, www.esad-gv.fr — 25 rue Lesdiguières, 38 000 •Grenoble ; Tél. +33 (0)4 76 86 61 30, Fax +33 (0)4 76 85 28 18, Mél. grenoble@esad-gv.fr — Place des Beaux-Arts, CS 40 074, 26 903 •Valence cedex 9 ; Tél. +33 (0)4 75 79 24 00, Fax +33 (0)4 75 79 24 40, Mél. valence@esad-gv.fr


Philippe Decrauzat, One two three four five, 2005 et Can I Crash Here, 2005. Vue de l’exposition « Atmosphères », Espace d’Art François-Auguste Ducros, Grignan / Drôme, 2011. © Blaise Adilon


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