REVUE SEMESTRIELLE D’ART CONTEMPORAIN EN RHÔNE-ALPES
SOMMAIRE
N 9
Automne 2011
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ŒUVRE Trajectoire – Un film sans fin par Nicolas Garait
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EXPOSITION Une biennale comme lutte des classes entretien avec Djan Ivson Silva, Rafael Pixobomb & Sergio Franco par Joanna Warsza
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PORTRAIT Sarah Tritz par Elisabeth Wetterwald
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TERRITOIRE Résidences en Rhône-Alpes : Entre le fer à cheval et le fer de lance par Fabien Pinaroli
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RENCONTRE Résider dans les circonstances entretien avec Sylvie Vojik par Florence Meyssonnier
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AIR DU TEMPS Opération par Patrick Bouvet
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INSERT Rendez-Vous 11
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COMPTES RENDUS Expositions & lectures
Gratuit
ZÉROQUATRE N 9 Automne 2011 Édition Association Zéro4 Rédactrice en chef Florence Meyssonnier Comité de rédaction François Aubart, Carine Bel, Nicolas Garait, Fabien Pinaroli, Corinne Rondeau, Pascal Thevenet. Rédacteurs François Aubart, Franck Balland, Carine Bel, Paul Bernard, Patrick Bouvet, Nicolas Garait, Aude Launay, Lélia Martin-Lirot, Florence Meyssonnier, Estelle Nabeyrat, Aurélien Pelletier, Fabien Pinaroli, Charlotte Poisson, Corinne Rondeau, Pascal Thevenet, Joanna Warsza, Elisabeth Wetterwald. redaction.zeroquatre@gmail.com
Comité partenaires de ZéroQuatre Cité du design – École supérieure d’art et design, Saint-Étienne ; École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon ; École supérieure d’art et design Grenoble – Valence ; Institut d’art contemporain, Villeurbanne / Rhône-Alpes ; Musée d’art moderne de Saint-Étienne Métropole ; Fondation Léa et Napoléon Bullukian, Lyon ; Fondation pour l’art contemporain Claudine et Jean-Marc Salomon, Alex ; École supérieure d’art de l’agglomération d’Annecy.
La revue ZéroQuatre a été créée en 2007 à l’initiative de Nathalie Ergino, Yves Robert et Olivier Vadrot. Elle bénéficie du soutien de la Région Rhône-Alpes.
Graphisme Aurore Chassé www.aurorechasse.com (sauf insert réalisé par Thomas Leblond & Clément Le Tulle-Neyret) Typographies DIN & Goudy Old Style Impression Imprimerie de Champagne, Langres Relecture Aude Launay & MP Launay Association Zéro4 Président : Emmanuel Tibloux Trésorier : Stéphane Sauzedde Secrétaire : X. 8bis, quai Saint-Vincent 69001 Lyon ZéroQuatre est un supplément à 02 Nº 59, édité par Zoo Galerie, 4 rue de la Distillerie, 44000 Nantes www.zerodeux.fr Directeur de la publication Patrice Joly Retrouvez la revue téléchargeable en ligne www.zeroquatre.fr
Pour recevoir ZéroQuatre chez vous, merci d’envoyer vos coordonnées complètes (nom, prénom, adresse, téléphone et email) et votre règlement par chèque à l’ordre de l’association Zéro4 et à l’adresse : ZéroQuatre – 8bis, quai Saint-Vincent – 69001 Lyon
TRAJECTOIRE — UN FILM SANS FIN par Nicolas Garait
Melik Ohanian, “DAYS, I See What I Saw and What I Will See”, 10 sept. – 8 oct. 2011, Galerie Chantal Crousel, 10, rue Charlot, 75003 Paris.
Tout autant que l’œuvre finale, ce qui compte chez Melik Ohanian, c’est l’énergie déployée pour la construire et le moment unique qu’elle crée. En 1997, White Wall Travelling témoigne déjà, à travers un long travelling dans les rues désertes de Liverpool, de son obsession pour la trajectoire et la durée d’une image. En 2004, Seven Minutes Before se compose de sept écrans montrant simultanément autant de plans-séquences de vingt minutes qui convergent tous vers le même événement final. En 2005, Ohanian réalise Invisible Film en filmant la projection d’une copie de Punishment Park sur le lieu même où il fut tourné en 1971 : le film iconique de Peter Watkins n’est réceptionné par aucun écran et disparaît alors dans le paysage désertique de El Mirage, en Californie, à la tombée de la nuit, en une expérience essentielle, à la fois physique et conceptuelle. En 2011, à l’invitation de la Biennale de Sharjah, Melik Ohanian conçoit un projet qui synthétise son rapport au mouvement, à la durée d’un plan et à la multiplicité des points de vue. Un projet quasi-impossible : jour après jour, pendant près de quatre mois, DAYS, I See what I Saw and what I will See fait l’objet de nombreux rebondissements, jusqu’à l’annulation de l’unique projection prévue à l’issue de la Biennale.
– des labor camps. Les repérages commencent fin 2010. La question du travail à Sharjah frappe Ohanian : les ouvriers qui viennent y travailler sont invités par une entreprise précise pour un temps qui l’est tout autant. En abandonnant une partie de leur liberté, les ouvriers qui acceptent les conditions drastiques qui leur sont imposées ont une conscience absolue de ce qu’ils font et du statut social auquel ils accèderont une fois rentrés chez eux. Les négociations commencent avec un camp de 2500 travailleurs dont les allées font justement 100 mètres de long ; les demandes d’autorisations tombent les unes après les autres pendant que l’artiste adapte le trajet de la caméra et lance la construction des rails sur mesure qui serviront au travelling. L’équipe de tournage arrive aux Émirats… et l’accès au camp est brutalement refusé.
À l’origine de DAYS, il y a cette idée lentement mûrie d’un travelling dont la modalité serait d’avancer de 100 mètres par jour pour traverser un lieu donné. Si l’espace n’est pas rompu entre les plans, le raccord qui se fait entre eux d’un jour à l’autre, au fur et à mesure de l’avancée successive des rails du travelling, provoque une discontinuité temporelle. À Sharjah, l’artiste réalise que ce projet a toute sa place dans le monde clos – un monde dans un monde
Le statement original de DAYS stipule que le film sera diffusé une seule fois, la veille de l’ouverture de la Biennale, dans un endroit extérieur à celle-ci, sur un écran spécifiquement construit pour l’occasion qui doit être détruit à la fin de la manifestation. L’artiste part à la recherche d’un lieu dans le désert des Émirats, sur les îles artificielles et dans la ville mais se heurte là encore à des refus irrecevables et à des excuses qui n’en sont pas, malgré le soutien sans faille de l’équipe de Sharjah et particulièrement des commissaires Haig Aivazian et Rasha Salti. Le camp qui était prévu au départ étant désormais inaccessible, l’artiste se tourne vers un autre lieu, moins grand et surtout moins vivant. La question qui se pose alors, c’est de reformuler le projet pour qu’il corresponde conceptuellement avec ce changement abrupt. Dans le camp d’origine, l’activité était constante ; dans ce camp de 450 personnes, le rythme est plus classique : vide le jour, grouillant la nuit. Ohanian
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ŒUVRE
décide de doubler le tournage, jour et nuit, pour projeter les deux moments sur un écran à double face dont le spectateur puisse faire le tour : la vision sombre, de nuit – la plus habitée – nourrit ainsi la vision de jour, plus visible mais vide de tout mouvement. Cette deuxième version du projet modifie notablement les conditions de travail qui deviennent de plus en plus difficiles. Le travail produit par l’équipe de tournage vient appliquer un geste à une réalité, celle des travailleurs filmés, provoquant du même coup une sorte d’« égalité » entre l’objet filmé et sa représentation. Au final, le tournage dure 11 jours, pour une distance de 1 km 100 à vitesse constante, soit 44 minutes de film. Quant à l’écran, il devient impossible de le construire à temps pour l’ouverture de la Biennale de Sharjah. Des solutions sont proposées sans qu’aucune ne soit acceptable : DAYS n’a pas vocation a être projeté dans le champ du musée ou de l’architecture ici sauf à vouloir sacraliser la vision du monde des travailleurs qu’il met en œuvre : Ohanian repousse donc la projection à la fin de la manifestation. De retour en France après l’ouverture de Sharjah, où l’œuvre n’était volontairement présentée que sous la forme d’un poster reprenant son statement et des rails disposés au sol en pleine ville, Melik Ohanian apprend le licenciement abrupt du directeur artistique de la Biennale, Jack Persekian. C’en est trop : l’artiste annule la projection de DAYS – et se retrouve du même coup avec un objet passionnant qui traite de l’absurdité de l’art face au réel, mélange de résignation et de traversée d’un monde qui refuse de se laisser voir. Un trajet, une ligne prédéterminée face au quotidien, et surtout cette très belle question finale de l’impossibilité d’exposer un film sans vraiment savoir si c’est le format même d’exposition qui l’en empêche, ou si c’est le film lui-même
TRAJECTOIRE — UN FILM SANS FIN PAR NICOLAS GARAIT
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Melik Ohanian, DAYS, I See what I Saw and what I will See, 2011. Documents de tournage. © Melik Ohanian
ŒUVRE
TRAJECTOIRE — UN FILM SANS FIN PAR NICOLAS GARAIT
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UNE biennale comme lutte des classes Les attaques des groupes de taggeurs Pixadores contre la Biennale de São Paulo en 2008 et 2010 entretien avec Djan Ivson Silva, Rafael Pixobomb & Sergio Franco par Joanna Warsza
« Il y a 350 biennales dans le monde, qu’allons-nous faire des jours restants ? Peut-être aller voir de l’art ? » demande l’écrivain canadien vivant à Paris, Stephen Wright. Il y a deux grandes écoles d’interprétation du phénomène « biennale ». La première, soutenue par des curateurs tels que Okwui Enwezor, pense les biennales comme des mécanismes utiles à faire progresser l’idée de format d’exposition, à exercer le pluralisme, la sensibilité au contexte, la politique du « plus on en fait, mieux c’est » – dans laquelle l’art, la ville et les acteurs culturels joignent leurs forces en un effort performatif. L’autre école, représentée par des curateurs plus sceptiques dont fait partie Bob Nickas, estime que les biennales sont un acteur sérieux de l’économie locale des lieux qui les accueillent et plus exactement de leur industrie de loisirs Ces deux points de vue oublient les programmes cachés derrière l’exposition, les véritables influences et les intérêts sociaux et politiques en jeu. Une biennale ne célèbre pas que l’art, elle célèbre aussi les mécanismes qui la soutiennent. L’attaque de la biennale de São Paulo en 2008 par les taggeurs du mouvement pixadores est un exemple de geste politique qui révèle les forces de l’ombre. Lors de l’édition 2008 de la biennale brésilienne, un groupe de cinquante pixadores (des taggeurs qui utilisent un alphabet qui leur est propre) a attaqué le deuxième étage de l’exposition laissé vide. Ce groupe, originaire des classes défavorisées, cherchait à utiliser la visibilité de la biennale pour apparaître et exprimer sa colère envers la gestion municipale proche de celle d’une entreprise et le système artistique géré comme une entreprise élitiste.
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Intervention des pixadores dans le pavillon Niemeyer, São Paulo, Biennale 2008. © Pixadores
Cela s’est terminé par une bagarre avec la police, l’une des participantes fut arrêtée puis libérée suite à des négociations avec le ministre de la Culture. Les pixadores ont ensuite été invités officiellement à participer à la biennale 2010 où ils sont à nouveau intervenus. São Paulo, mars 2011. J. Warsza : Le monde se dirige vers une brésilianisation : pour le meilleur ou pour le pire, il commence à ressembler à la situation du Brésil avec ses inégalités sociales et sa lutte des classes, le précepte néolibéral et les diverses formes de néo-esclavage. Ce qui entraîne la création d’importants mouvements contestataires comme la « politique des pauvres », novatrice et anti-discriminatoire, l’auto-émanciaption des groupes opprimés et une réappropriation performative du droit à la ville. La pixação est un acteur important de ce processus, pouvez-vous expliquer ce que c’est et ce que cela représente ? D. Ivson Silva : La pixação est un vaste mouvement né dans les années quatre-vingt, dans les classes inférieures de la société brésilienne, précisément
EXPOSITION
à São Paulo, la plus grande ville de l’hémisphère sud. Cela a commencé comme un acte de résistance des populations urbaines les moins privilégiées qui ont alors créé un alphabet de tag avec une typographie propre qu’elles ont disséminé dans toute la ville, des places aux nombreux toits des gratte-ciel désaffectés en passant par les balcons des immeubles, les tunnels d’autoroute, les arrêts de bus ou les barrières et les murs municipaux. C’est aussi une forme de protestation contre la gestion de la ville à la manière d’une entreprise avec à sa tête un groupe de quelques privilégiés et non comme ce qu’elle devrait être : une métropole pour les hommes. Le centre-ville de São Paulo est totalement vide, parce que cela n’intéresse pas la classe dirigeante de prendre soin de tous ces gratte-ciel historiques qui deviennent alors des espaces vides, abandonnés. Dans cette société brésilienne contemporaine qui ignore les intérêts des classes défavorisées, les pixadores ont décidé d’imposer leur existence. J.W. : La pixação est l’expression de l’antagonisme des banlieues envers le centre et la capitale. Comment
UNE biennale comme lutte des classes PAR JOANNA WARSZA
s’organise-t-elle ? Quelle est votre structure interne, avez-vous un leader ? R. Pixobomb : C’est assez structuré, en effet, il y a de nombreux groupes qui ont chacun leur esthétique propre mais tout le monde a la liberté de créer de nouvelles lettres et de nouveaux tags. Nous nous retrouvons dans l’espace public pour échanger nos typos et nos lettres. Les plus petits groupes comptent environ cinq membres qui appartiennent à des unités plus importantes. Chaque groupe de pixadores possède son propre style, reconnaissable dans ses messages via lesquels les tags peuvent être identifiés. C’est un tag étroit parce que nous avons développé une relation très stricte à l’architecture, jouant avec la verticalité de la ville. En raison du grand nombre d’immeubles très hauts, l’écriture est, elle aussi, devenue verticale : les tags s’élèvent depuis le sol, pas comme à NYC où on les trouve principalement dans les gares. C’est notre manière d’imposer notre présence, de créer un système de communication compréhensible seulement par une minorité mais visible par tous – sur les murs, les immeubles désaffectés, les toits, etc. Chaque unité a son leader. C’est lui qui prend le plus de risques : il ou elle tague les bâtiments les plus hauts, les façades les plus dangereuses. J.W. : À l’instar du mouvement pixação, vous avez décidé de réclamer votre place dans le milieu de l’art. Pourquoi aviez-vous besoin de l’art ? R.P. : En fait, j’ai étudié l’art et je me définis comme un artiste pixação. Pour mon projet de fin d’études, j’ai essayé d’amener la pixação dans le monde de l’art et d’expérimenter les formes par lesquelles ce mouvement pourrait transcender la rue, révéler une idée de totalité, une sorte de sens métaphysique. Jusqu’à ce jour, je n’ai pas réussi à résoudre cette contradiction, je suis sûr que la pixação est de l’art mais la présenter dans une galerie serait un total contresens. La pixação doit avoir des conséquences réelles. Djan et moi avons ressenti le besoin de réaliser des performances dans un contexte artistique.
S. Franco : Les pixadores ont pris pour cible les trois principaux lieux de visibilité pour les artistes, lieux où les classes moyennes et supérieures créent de la valeur ajoutée et symbolique. Le sens d’une valeur ajoutée est une question non résolue dans les milieux de la classe ouvrière et du street art, particulièrement dans le cas d’un phénomène comme la pixação. C’est pourquoi le premier lieu qui a subi les attaques fut la galerie Choque Cultural,
Invitation pour les attaques sur la biennale de São Paulo, 2008. © Pixadores
lieu de commercialisation de l’art ; le second fut l’école des beaux-arts, lieu d’éducation artistique et de transmission ; et le troisième fut la biennale de São Paulo, lieu de consécration ultime de l’art. Les pixadores ont développé une réelle stratégie, une organisation quasi militaire mais ils savent qu’ils peuvent toujours échouer et même mourir en chemin. J.W. : Comment ces attaques artistiques ont-elle commencé ? D.I.S. : Quand Rafael a décidé de travailler sur la pixação. Il a demandé à tout un groupe de pixadores de donner à l’université l’allure de la rue en suivant les conditions réelles de la pixação, c’est-à-dire sans autorisation, bien sûr. Nous avons alors tagué tous les bâtiments de l’université : les façades,
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le hall d’entrée, les espaces d’exposition et les travaux des étudiants. Nous avons aussi tagué nos spots habituels dans la ville avec des phrases de Nietzsche pour entamer une révolution dans le monde de l’art dans le but de légitimer notre travail et d’élargir notre réseau de références symboliques. Nous voulions modifier la perception habituelle de la pixação comme étant du vandalisme, prendre notre place dans la lutte des classes et réunir éthique et esthétique – l’une des grandes questions qui crée la controverse dans un débat sans fin entre les artistes. Après l’attaque de l’école des beaux-arts, Rafael a été placé en garde à vue et n’a pu être libéré qu’en expliquant que cette action faisait partie de son projet de fin d’études. Suite aux attaques, Rafael et Djan ont acquis une certaine notoriété sur la scène de la pixação mais pas réellement sur la scène artistique. La première attaque contre la galerie de street art s’est évidemment soldée par une action en justice contre les pixadores. La seconde, contre l’école d’art dans laquelle étudiait Rafael, l’a mené à l’exclusion alors qu’il aurait plutôt dû être récompensé pour avoir mis sur pied un tel projet. La troisième attaque a eu lieu pendant la 28e biennale intitulée In Live Contact (en contact direct) mais surnommée « la biennale vide » par le public. J.W. : Pourquoi était-elle surnommée ainsi ? S.F. : Ivo Mesquita, le curateur de cette édition, avait eu le geste courageux de laisser vide l’un des étages de l’immeuble de Niemeyer, pour créer une rupture avec les précédentes biennales et comme une extension possible de l’espace public. L’action pixação était en accord avec le concept des événements qui était d’inviter des artistes à intervenir dans l’espace d’exposition. Les pixadores voyaient aussi cette action comme la conséquence naturelle de leur investigation des mécanismes de la ville. Toutefois, les curateurs ont agi en opposition avec leurs propres préceptes artistiques en proférant des menaces à l’encontre des pixadores lors de
UNE biennale comme lutte des classes PAR JOANNA WARSZA
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la conférence de presse. Néanmoins, le jour du vernissage, ces derniers sont entrés au deuxième étage et ont tout tagué, ce qui a entraîné une sérieuse bagarre avec les gardiens et la police. La pixadora Caroline Piveta da Mota a été emprisonnée pendant presque trois mois. Les pixadores sont parvenus à activer le système de communication du domaine public, apparaissant dans les principaux bulletins d’informations et allant même jusqu’à mobiliser le secrétariat aux droits de l’homme et le ministre de la Culture Juca Ferreira qui fit sortir la pixadora de prison. Par là comme lors de précédentes initiatives, les pixadores ont atteint le centre névralgique du monde de l’art, son ambition d’éducation, sa subsistance financière, son inclusion dans la société et ses préjugés envers les classes inférieures et leurs expressions artistiques.
n’avait pas droit à la représentation. Le contact avec le ministre fut possible parce que nous entrions tout juste dans une ère de démocratisation de la culture, notamment avec la création de la politique des pontos de cultura 1.
L’attaque à la faculté Belas Artes, São Paulo. © Pixadores
J.W. : Vous avez accepté d’exposer des dessins et des documents, ce qui paraît pourtant aller à l’encontre de votre politique. N’était-ce pas une manière de vous corrompre pour l’aura d’une valeur ajoutée ? D.I.S. : Non, pas vraiment. Après l’emprisonnement de notre amie en 2008, le ministre de la Culture a pris la défense des pixadores et est intervenu pour la faire libérer. Nous avons alors établi un contact régulier avec le ministre qui a joué par la suite un rôle de médiateur entre nous et la direction de la biennale. Nos intérêts divergeaient : la biennale cherchait à intégrer la pixação dans une exposition pour établir un compromis tandis que notre intention était de légitimer la pixação en tant qu’élément de la culture brésilienne mais nous ne souhaitions pas lui ôter sa dimension transgressive, nous avons donc décidé de produire un commentaire spontané pour exprimer cette discrimination artistique. S.F. : Il est important de décrire le paysage de la biennale 2010 : l’installation pricipale était une pièce de Nuno Ramos, intitulée Bandeira Branca (Drapeau Blanc), qui consistait en une grande cage avec trois vautours vivants sur un fond de samba – la chanson populaire Bandeira Branca. Cette installation était supposée représenter le côté sombre et les tensions du Brésil d’aujourd’hui. Le premier jour, elle a attiré une manifestation d’écologistes qui protestaient contre la captivité des animaux. La présence de ces écologistes mal informés dans une salle d’exposition décrit très bien la hiérarchie des intérêts au Brésil : la manifestation des défenseurs des droits des animaux dans une exposition qui a lieu dans un pays où il persiste des formes d’esclavage. Les amateurs d’art, les idéologistes de la cause animale et les pixadores se sont alors affrontés.
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EXPOSITION
J.W. : Et comment se fait-il que vous ayez officiellement fait partie de la biennale 2010 ? S.F. : En 2010, les pixadores ont reçu une invitation officielle à participer à la biennale mais ils savaient qu’aucun d’entre eux ne devait parler en son nom propre, seulement au nom du mouvement de la pixação. C’est aussi à cette occasion que le ministère de la Culture, qui était le principal financeur de l’événement, est intervenu. La politique du ministère était de démocratiser les politiques publiques envers l’art et d’offrir aux classes défavorisées un meilleur accès aux subventions de l’état. Cette fois encore, de nombreuses personnes affirmèrent que la pixação, du fait qu’elle ne soit pas de l’art,
D.I.S. : Nous nous sommes sentis autorisés à utiliser l’installation de Ramos pour exprimer la nature radicale de la pixação. Nous soutenions la remise en liberté des vautours, ces oiseaux de proie sont en fait assez symboliques du voile sombre qui entoure la pixação. Toutefois, l’action fut encore interprétée comme du vandalisme. J.W. : Qu’avez-vous réellement écrit sur la pièce de Ramos ? D.I.S. : J’ai écrit : « Libérez les vautours » pour faire l’analogie entre les oiseaux en captivité et les pixadores de Belo Horizonte qui avaient été emprisonnés. L’image plutôt sombre des vautours renvoyait à l’attitude la ville envers nous : nous travaillions sur les toits des immeubles et nous nous sentions comme les proies de l’art contemporain dans cette histoire. Cette analogie n’est pas habituelle dans la pixação. En 2010, nous avons choisi de faire appel à la pixação une nouvelle fois, d’une part parce que les curateurs revendiquaient la liberté d’expression pour l’art mais ne nous laissaient pas nous exprimer librement, d’autre part parce que l’œuvre de Ramos nous incitait à réagir […]
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Pontos de cultura (points de culture) est un programme initié par le ministère de la Culture brésilien sous le gouvernement de Lula. C’est une manière de cartographier et de soutenir les initiatives
culturelles existantes, de la plus petite à la plus importante, depuis la librairie que quelqu’un créerait dans son garage jusqu’au musée qui émergerait des favelas.
Djan Ivson SILVA et Rafael Pixobomb font partie du Cripta group, un groupe de pixação de São Paulo. Sergio Franco est sociologue et curateur, il vit à São Paulo. Joanna Warsza est curatrice associée d’Artur Zmijewski pour la biennale de Berlin 2012. Ce texte sera publié en intégralité dans le reader de la 7e biennale de Berlin (28 avril – 1ER Juill. 2012). www.berlinbiennale.de
Traduction Aude Launay
UNE biennale comme lutte des classes PAR JOANNA WARSZA
SARAH TRITZ par Elisabeth Wetterwald Vue de l’exposition Du fauteuil de mon roi rose, 2011, Galerie Anne Barrault, Paris. © Aurélien Mole
Née en 1980, Sarah Tritz fait partie de ces artistes dont le travail repose sur une grande curiosité, ou liberté, à l’égard des pratiques, des médiums, de l’histoire de l’art. Quand on lui demande quels sont les artistes qui l’inspirent, elle répond en tout premier lieu Robert Rauschenberg (ce n’est pas une surprise), Richard Tuttle, Rachel Harrison (ceux-là non plus), mais aussi Tatiana Trouvé, Phyllida Barlow, Paul Thek, Karla Black, Rebecca Warren, Wassily Kandinsky, Joan Mirò, Giorgio De Chirico, Hans Arp, Sophie Taueber, Frantisek Kupka, Kurt Schwitters ; et même des peintres comme Jean Hélion ou Jörg Immendorff. De fait, Sarah Tritz peint, dessine, réalise des collages, des sculptures, du modelage, des installations. Un mélange de genres, de styles et donc d’époques qu’elle revendique, mais pour élaborer une œuvre qui n’en est pas moins tout à fait personnelle et « de son temps ».
Dans un texte écrit en 2008 1, Anne Giffon-Selle décrit les expositions de Sarah Tritz comme des « univers foisonnants et disparates où des constructions à l’échelle humaine en bois, parpaings, béton ou briques » deviennent des « espaces d’accueil dans lesquels se “déposent” des petits objets hétéroclites, trouvés ou modelés, et des dessins directement collés sur les parois. » Des espaces foncièrement ambivalents, donc, qui peuvent être appréhendés comme des structures en construction ou au contraire en voie de démolition – voire, plus intéressant encore, comme une synthèse des deux. Bien que ce ne soit pas le propos de l’artiste, on pourrait faire une analogie visuelle avec des bâtiments en construction venant d’être bombardés. Des espaces bruts, en tout cas, massifs et imposants malgré les trous, les percées, les failles. Les objets, petits modelages de visages grimaçants, morceaux
PORTRAIT
de faïence colorée, modelages de mains enlacées, petits animaux indéfinis, plante, plumeau rose fluo sont donc déposés ici et là, plus ou moins visibles, formant des taches de couleur ou des aspérités formelles dans la (relative) rigueur des parois. À la même époque, Sarah Tritz réalise des « meubles » aux plans quelque peu anarchiques, faits de bois, plâtre, terre, plexiglas, la plupart montés sur des roulettes. Chacun est conçu spécialement pour servir d’espace de rangement ou de présentation d’un objet en particulier, une « trouvaille », selon ses termes : un cor de chasse acheté chez un antiquaire, la coquille d’un violet (fruit de mer très recherché) ou encore des porte-couteaux en forme de chiens qu’on lui a offerts. Avec ce type de travaux, on a affaire à un usage paradoxal de l’usage : les objets préexistent aux constructions qui sont des « espaces dédiés » malgré leur aspect
SARAH TRITZ PAR Elisabeth Wetterwald
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brut, bricolé et tout à fait opposé à la notion d’écrin. Surdimensionnés, ils contreviennent ainsi de façon grotesque à la logique du design, mais aussi à l’usage artistique du socle. Car au lieu de mettre en valeur l’objet, ils le dissimulent ou l’incorporent ; dès lors, la tradition du soclage est non pas niée mais inversée ou, tout au moins, brouillée. Qu’est-ce qui est mis en avant ? Qu’est-ce qui est « exposé » ? Cette dé-hiérarchisation des valeurs est un procédé récurrent dans le travail de Sarah Tritz. Très souvent, les points de vue sur les œuvres ou sur les installations sont multiples. Tout est fait pour désorienter le spectateur. Jeux sur des ouvertures, des trouées, des semblants de portes, de fenêtres, d’arcades ; fausses perspectives. À ce propos, elle dit être beaucoup inspirée par les espaces « impossibles » de Giorgio De Chirico (grand brouilleur de pistes, à tous points de vue), que ce soient les compositions insensées d’objets de toute provenance, les vues d’atelier dont l’intérieur et l’extérieur deviennent interchangeables ou encore les célèbres places aux perspectives et éclairages tout à fait fantaisistes. Elle évoque également son intérêt pour les « seuils de perception » : les moments de transition dénués de repères où on passe d’une expérience physique ou mentale à une autre, d’un univers à un autre, dans lesquels on n’est pas encore (ou plus) installé face à une œuvre (tableau, collage ou autre) ; un intérêt pour ce qui fait obstacle, pour les détours ou les dédales ; pour des espaces où le spectateur n’est pas forcément en position de confort. Autres thèmes chers à De Chirico : le théâtre, la mise en scène, le décor, le jeu. Mais là encore, on dira que les sièges ne sont pas très confortables et que les planches sont un peu branlantes... Car l’univers qu’on est amené à découvrir est souvent peuplé d’éléments énigmatiques qui mêlent des temporalités différentes, des goûts qu’on a l’habitude d’opposer (le kitsch et le précieux, par exemple), des matériaux manufacturés et des objets bricolés à la main, des hauts et des bas (importance des
changements de rythme), des masses et des lignes... Et bien que les titres des pièces ou des expositions possèdent un caractère souvent littéraire, aucune histoire cohérente ne nous sera racontée. Le désordre et le chaos sont ici et maintenant, minutieusement mis en scène, mais il n’y a pas plus d’au-delà que de dénouement. La représentation d’une présentation ? On l’aura compris, l’une des caractéristiques (précieuse) de cette œuvre est de ne pas livrer ses mystères à tout vent. À cet égard, on pense à l’exposition Unmonumental au New Museum à New York en 2007-2008, dont l’enjeu était de distinguer les pratiques sculpturales d’un certain nombre d’artistes du début du XXIe siècle de celles qui s’étaient succédé durant le siècle précédent, y compris dans ses dernières décennies. L’argument majeur reposait sur le caractère fragmentaire, tremblant et précaire des œuvres – une analogie avec la destruction des Twin Towers était évidemment sous-jacente à ce discours. Dans son texte, Massimiliano Gioni évoque le remplacement du style par une attitude, une définition fluide de la sculpture 2. Les œuvres en question, comme celles de Sarah Tritz, ne s’enferment pas dans une complétude : elles ne sont pas auto-suffisantes et se montrent comme des réceptacles, comme des intersections de matériaux et d’images disparates. Elles récupèrent la tradition de l’assemblage tout en abandonnant les questionnements sur leur statut. Gioni note qu’un certain nombre d’entre elles se répandent comme les branches plus ou moins tordues d’un arbre ; l’artificiel et le naturel s’entremêlent et se mettent lentement à se ressembler – significativement, nombreuses sont les formes totémiques. Fondamentalement, il s’agit d’un art non héroïque qui s’arme souvent du grotesque, de l’instable et de la précarité pour détrôner l’autorité. Les temporalités s’accumulent pour former des sortes de palimpsestes infinis. Constructions, destructions, fragments, ruines, reconstructions, collages, décollages, accélérations, décélérations.
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PORTRAIT
Pertes dans le temps. L’histoire de l’art moderne hante bien souvent les esprits, venant se mélanger aux vécus individuels et à des codes privés énigmatiques. Il y a, au fond, quelque chose de très solitaire dans ces œuvres, une appréhension non nécessaire de la communication, et donc une ouverture propice aux interprétations. Ce qui ne signifie pas, une fois encore, qu’elles soient déconnectées de tout. Si Unmonumental faisait directement (peut-être trop) référence au monde contemporain, aux discours désormais convenus sur la société de surconsommation et de « surcommunication », ou encore sur l’effondrement des valeurs sûres qui serait lié à celui des tours jumelles, ces œuvres sont indéniablement « remplies » du monde dans lequel elles prennent forme – les fameux objets de la société de consommation et ses rebuts. Et, dans le même temps, elles se trouvent symptomatiquement dans une position ambivalente, peut-être indécise, entre un désir de conquête et de protection. Ce n’est pas un hasard si l’art moderne est si fréquemment convoqué : tenant sa raison d’être d’un contexte téléologique, il est aujourd’hui souvent appréhendé comme l’espace du repli, de la mémoire, de l’intime. Une caverne d’Ali Baba remplie d’objets magiques que l’on peut transformer à sa guise et qui offrent l’intérêt d’être non plus des signes, mais des petites étrangetés mutiques
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Anne Giffon-Selle, « Bienvenue dans ce “joyeux naufrage” ! », Sarah Tritz – Rien, n’existe pas, et autres pièces (dé)construites, Lyon, éditions ADERA, 2008.
SARAH TRITZ PAR Elisabeth Wetterwald
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Massimiliano Gioni, « Ask the Dust », Unmonumental : The Object in the 21st Century, New York, Phaidon, 2008.
Sarah Tritz et Dominique Figarella, Lieu-Commun, dans le cadre du Printemps de Septembre 2011, “D’un autre monde”, du 23 sept. au 16 oct. 2011, Toulouse. “4 Place Saint-Germain”, du 18 au 23 oct. 2011, 4 Place Saint-Germain des Prés, AVEC LA galerie Anne Barrault, Paris. Exposition monographique, du 26 nov. 2011 au 28 janv. 2012, Centre d’Art Plastiques de Saint-Fons.
Le vase et la petite ruine (vase et céramique), 2004-2011, collection privée et Le salon, 2011 (fauteuil chiné, objets et matériaux divers, dimensions variables). © Aurélien Mole
Ma travestie au repos, 2010, matériaux divers (terre autodurcissante, fibres textiles, plastique, bois, etc.), 200 × 50 × 45 cm. © Aurélien Mole
L’ennui régnait au dehors, 2011, gouache sur papier et toile de lin contrecollée, 22 × 31 cm. © Maxime Thieffine Espace De Chirico, 2010, collage, encre de chine, encre aquarelle et peinture en bombe sur papier, 149 × 93 cm. © Aurélien Mole
La Bataille (Mes petites modernités), 2010, encre et crayon de couleur sur papier, 25 × 32 cm. © Maxime Thieffine
Sur cette page : Courtesy Galerie Anne Barrault.
PORTRAIT
SARAH TRITZ PAR Elisabeth Wetterwald
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Résidences en Rhône-Alpes : entre le fer à cheval et le fer de lance par Fabien Pinaroli
À la fin des années quatre-vingt, l’internationalisation de l’art tous azimuts et le développement exponentiel des résidences intègrent à la culture de l’artiste le voyage et le principe de créer hors de son atelier, en contexte spécifique. Le principe de résidence d’artiste est donc un modus operandi intéressant à questionner. En région Rhône-Alpes, un léger retard quantitatif est observé malgré certaines expériences de qualité indiscutable et des dispositions prises depuis cinq ans pour soutenir ce dispositif 1. Les quelques structures qui tiennent depuis plus de dix ans ne doivent pas cacher que, si certains rendez-vous internationaux sont aujourd’hui des fers de lance pour la région, les résidences d’artistes qui peuvent être de véritables outils de soutien à la création peinent à émerger. Le soutien à la recherche sans objectif prédéterminé ou l’association d’une création à des problématiques culturelles et territoriales sont difficiles à mettre en œuvre et à financer. Sans compter que les résultats n’ont souvent qu’un faible coefficient de visibilité. Par contre, dès lors qu’on aborde cette question, il ne faut pas négliger le fait que certains artistes créent de leur propre initiative des résidences dans des contextes et pour des projets spécifiques. Ces résidences cherchent, dans une autonomie « de fortune », une indépendance vis-à-vis de tutelles administratives, de fonds publics ou de pouvoirs, quels qu’ils soient. Elles ne sont donc pas forcément à voir comme des réponses à un manque de structures d’accueil mais plutôt comme des ZAT – les Zones Autonomes Temporaires – qui « occupent provisoirement un territoire, dans l’espace, le temps ou l’imaginaire et se dissolvent dès lors qu’elles sont répertoriées »2.
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L’un des producteurs de ZAT est Laurent Marissal, alias Painterman. L’artiste travaille comme gardien au Musée Gustave Moreau à Paris de 1997 à 2002 et systématise en tant qu’œuvre ses activités clandestines. Sa désaliénation nécessite la récupération de sa force de travail à travers des activités variées mais toujours liées à sa condition de peintre. Il est payé pour faire de la peinture mais à l’insu de son employeur. Le matériau pictural est le temps même. Le FreeZoo, réseau indépendant de résidences d’art internationales pourrait bien être également une ZAT, c’est en tout cas la partie visible d’échanges initiés par des artistes qui s’invitent les uns les autres à domicile et dans toute l’Europe pour générer des productions low-cost de toutes sortes. Proche de la nébuleuse qui s’active aux abords du centre d’art OUI à Grenoble, FreeZoo est également le produit de réflexions sur les conditions de production que les artistes cherchent à se créer, hors des majors des industries culturelles. Mais une ZAT peut aussi s’inscrire à l’intérieur même d’une résidence officielle. En 2005, Slimane Raïs, invité à Vénissieux afin de
travailler en rapport avec RVI (Renault Véhicules Industriels), se faufile dans les ateliers par la petite porte. Le but est de détourner un refus qu’on lui a opposé et de prendre des clichés des documents (photos, calendriers, objets personnels, etc.) que les ouvriers conservent et cachent près de leur poste de travail. Il leur a en effet été demandé de mettre fin à ce type de personnalisation dans une circulaire récente. Voici quelques thèmes de discussion figurant récemment au programme de journées professionnelles : « Y a-t-il un art de la résidence ? : Y a-t-il des artistes tout terrain ? L’artiste peut-il répondre à des contextes l’engageant dans des réseaux sociaux activés à l’occasion de son projet, tout en faisant œuvre avant tout ? Quelles médiations de l’œuvre, de l’artiste, du projet ? Quelle circulation pour le travail artistique hors des contextes premiers de production ? »3 En France, l’expérience acquise est l’objet de questionnements critiques qui peuvent concerner l’offre comme la demande. D’une part, le flou et la confusion semblent régner quant à l’appellation de « résidences » proposées par les structures, et d’autre part, dans Laurent Marissal, Painterman, temps de travail temps libre temps pictural, peinture murale, 3 × 3,15 m, mur Saint Martin, Paris, 2011.
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RÉSIDENCES EN RHÔNE-ALPES PAR FABIEN PINAROLI
les propositions artistiques au sein desquelles risquent de se retrouver inscrits in utero les dispositifs de soutien publics. La question est de savoir si tout ceci relève de la dérive ou de curseurs à régler. Il est de toute façon important de distinguer les deux grandes familles de résidences. Celle dite « de création » proposée par une structure qui se concentre sur l’accueil d’auteurs, lors de laquelle les conditions techniques et / ou financières sont fournies à ces derniers pour qu’ils travaillent à leurs projets. Sont également prévues des rencontres avec les professionnels et des temps d’échange avec les publics. Le défi, dans ce cas, est que la planification des ressources financières, la temporalité de la résidence et les moments de rencontre doivent être dosés afin de ne pas entrer en contradiction avec la maturation du projet artistique, faiblement prévisible dans son cours et son issue. La résidence dite « de diffusion territoriale » favorise également la création mais elle a pour objectif de créer des échanges avec les acteurs culturels et sociaux du territoire ou des rencontres, voire de la formation pour différents publics. Ses fondements pédagogiques et culturels peuvent parfois la faire passer à côté des objectifs de la résidence au sens noble du terme si elle ne propose que de simples animations par un artiste. Celui-ci devient alors, à son insu ou non, un médiateur social. Cette typologie est basique. Dans la réalité, toutes les nuances et redéfinitions ont cours et, au cas par cas, en fonction de son projet culturel, de sa conception de la création et des dialogues engagés avec les artistes, chaque structure peut être amenée à expérimenter de nouvelles voies. Une résidence est un réglage de paramètres, l’important semble résider dans la façon de prendre en compte de façon équitable chaque partie. À titre d’exemple, entre 2005 et 2008, trois parc régionaux : le Pilat, les Monts d’Ardèche et le Vercors, initient une expérience dont la première impulsion naît d’une volonté de créer des temps de résidence et de recherche pour
Parc du Vercors, Bethan Huws, Au fond du cerveau il y a une fontaine, Départementale 1532, 2007.
des artistes. Regards croisés sur le paysage consiste finalement en une chaîne de coopérations et d’invitations croisées, le tout coordonné par art3 qui en assure la direction artistique 4. Un véritable protocole de recherche se met en place, basé sur le constat suivant : transformé en territoires par les administrations, le paysage est, comme la résidence, à la croisée de différents enjeux, politiques, artistiques, culturels, économiques et sociaux. Les artistes sont choisis pour leurs capacités à apporter de nouvelles grilles de lecture sur la pression urbaine et foncière, la déprise agricole, l’enfrichement, le risque de muséification du paysage, etc. Associées au projet dès le début, et assurant l’accueil des neufs artistes, trois associations déjà concernées par ces questions sont rejointes par deux scientifiques 5 – l’historienne de l’art Catherine Grout et le chercheur en sciences politiques Emmanuel Négrier – pour rendre compte ensuite de toute l’opération. À un moment, il est apparu que les résidences d’artistes n’étaient pas suffisantes pour relever la complexité des enjeux, des désirs et des engagements de chacun et il devenait intéres-
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sant d’introduire un processus proche de celui de la commande. Des demandes spécifiques à chaque parc et association sont formulées afin que les artistes invités puissent y répondre. Les résidences sont donc augmentées de dialogues, lents, erratiques parfois, constructifs certainement et les œuvres sont pour beaucoup décalées par rapport à ce qu’on peut attendre d’une expérience initiée par les collectivités territoriales 6. L’éloignement des grandes agglomérations favorise évidemment les initiatives concernant les résidences. Basée à Saint-Mélany en Ardèche, l’association Sur le sentier des Lauzes invite depuis 2007 des chercheurs de toute discipline qui s’intéressent au rapport entre l’homme et le paysage. Elle fait également partie du collectif Traversées qui va travailler avec Giuseppe Penone en 2012 sur le parcours allant du Mont Gerbier-de-Joncs à la Combe d’Arc avec l’appui de deux scientifiques qui ont rejoint le collectif dès 2010 : Gilles Clément et Dominique Baffier, conservatrice de la Grotte Chauvet. L’Arteppes, depuis plus de dix ans également, accueille chaque année
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Parc des Monts d’Ardèche, Gilles Clément, Le belvédère des lichens, 2007.
Parc du Pilat, Georges Trakas, Quai des trois dents, 2007.
Parc des Monts d’Ardèche, Simona Denicolai et Ivo Provoost, Revolution is not a Pique-nique, 2007.
Parc du Pilat, Patrick Corillon, La conservation des paysages humides, 2007.
Sur cette page : © Pierre-Olivier Arnaud, Catherine Grout, Christophe Gonnet
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un artiste résident pendant cinq mois avec une bourse et une exposition à la clé. Il travaille en coordination avec la MJC Maison de l’enfance du quartier des Teppes situé au nord d’Annecy. La fondation Moly-Sabata à Sablon, depuis sa récente restauration, a renouvelé ses objectifs et propositions : les ateliers-logements sont pour partie loués à des artistes et pour l’autre proposés aux centres d’arts, écoles ou autres institutions qui auraient besoin d’organiser un séminaire ou une résidence pour un artiste sans avoir d’équipement adapté. Une dynamique d’échanges est en passe de se créer, accompagnée de présentations de travaux sur le lieu. Pendant de nombreuses années à l’Espace d’Arts Plastiques de la ville de Vénissieux puis au CAP Saint-Fons sous l’impulsion d’Anne Giffon-Selles, certaines résidences ont été des cartes blanches au cours desquelles les artistes ont investi de manière singulière ces territoires péri-urbains, comme récemment le groupe MOI. La galerie Roger Tator a mis en place des connexions à l’international ; ces deux dernières années, la résidence City Switch à Bucarest a permis à des artistes d’aller travailler sur place pour réaliser un projet et une exposition. Du côté de Vaise, une résidence de création est proposée à de jeunes artistes par l’Attrape-Couleurs depuis cet été. L’atelier-appartement situé au-dessus du lieu d’exposition est fourni pendant un mois afin qu’ils puissent approfondir une recherche. L’association peut, selon les projets qui émergent, les accompagner
Robert Milin, Panneaux d’information, projet in situ pour Vénissieux. © D.R.
dans leurs réalisations. Enfin, deux écoles d’art – Saint-Étienne et Annecy – accueillent, pour la première, des artistes et, pour la seconde, des théoriciens, afin de leur permettre un travail de recherche et des échanges avec d’autres artistes ou professionnels de l’art. La liste de ces exemples n’est pas exhaustive mais ces expériences sont à mentionner pour leur ténacité. Les voies choisies ne privilégient que très rarement l’exposition – plus facilement financée car elle a un public identifiable – et encore moins les têtes d’affiche, au risque de voir certains financements remis en questions. Veduta « au sein de la Biennale d’art contemporain de Lyon, est une fenêtre ouverte sur le territoire local, son enjeu est urbain, son objet, la visibilité de l’œuvre et son appropriation partout et par tous »7. La proposition sonne légèrement faux mais l’expérimentation de ce dispositif né en 2007 a le mérite de mettre en place des collaborations sur le long terme avec des acteurs économiques, universitaires, sociaux et territoriaux. Dans le travail en amont sur certains quartiers, la résidence fait partie de l’attirail de Veduta. Certaines œuvres, comme celle de Robert Milin produite en 2009, ont été achetées au terme de la résidence et s’ancrent ainsi dans un tissu local. Pour la présente édition, Jarbas Lopes, venu résider à Feyzin, a proposé de réouvrir l’ancien cinéma fermé depuis plusieurs années. Une journée d’étude devrait permettre de prendre du recul et de formuler certaines questions relatives aux enjeux expérimentés cette année ; les figures de
l’artiste et de l’artiste-amateur – son double devenu aujourd’hui menaçant d’un point de vue médiatique – devraient être mises au programme pour cette édition 2011 8. Veduta a sa spécificité et sa vulnérabilité, comme toutes les expérimentations qui s’éloignent de l’exposition pour se rapprocher d’enjeux concernant, par exemple, la production partagée, les modes de diffusion hors institution ou l’ancrage d’une création dans un contexte particulier. À cheval sur des enjeux artistiques, politiques et territoriaux, le positionnement des résidences est d’autant plus délicat. Elles sont en grande partie financées par des collectivités locales dont certaines peuvent parfois être à cent lieues de ce qui motive aujourd’hui la création contemporaine. Qu’il résulte de l’initiative d’un artiste ou d’un collectif, de la volonté d’une structure capable de drainer les financements ad hoc ou de toute autre configuration, ce dispositif est précaire et menacé dans sa survie par l’articulation constante voire parfois paradoxale entre les différentes motivations et forces en présence
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« L’émergence du fait régional », ZéroQuatre n°1, 2007-2008, p. 17. Voir aussi le guide gratuit et téléchargeable sur www.cnap.fr : 196 résidences en France, Centre National des Arts Plastiques, Paris, mars 2010.
4 Pour le programme de résidences d’art3, voir l’interview de Sylvie Vojik, p. 14-15.
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Hakim Bey, TAZ, Zone autonome temporaire, Éditions de l’éclat, Paris, 2008.
3
Journées professionnelles « Y a-t-il un art de la résidence ? », organisées par le BBB centre d’art centre régional d’initiatives pour l’art contemporain, jeudi 26 et vendredi 27 mai 2011, Toulouse.
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Les associations : Ceci n’est pas une usine, Sur le sentier des Lauzes, La Halle de Pont-en-Royans.
Regards croisés sur le paysage, Valérie Cudel (dir.), Jean-Pierre Huguet éditeur, art3, Saint-Julien-MolinMolette, 2008.
7 http://2009.labienna ledelyon.com/artcon temporain2009/veduta/ 8
Entretien téléphonique avec Abdelkader Damani, le 15 juillet 2011.
Import/Export, City Switch – Bucarest 2010, Laurent Pernel. Musée George Enescu (Bucarest), galerie Roger Tator. © Phoebe Meyer
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Résider dans les circonstances entretien avec Sylvie Vojik, propos recueillis par Florence Meyssonnier
Le paradigme de la résidence d’artiste n’associe pas seulement la création à une œuvre mais s’invente dans un territoire d’expériences indissociablement artistiques et sociales. Depuis une vingtaine d’années, art3 développe un programme de résidences internationales comme une réflexion sur les conditions de la création. Retour sur l’action du centre d’art à travers un entretien avec Sylvie Vojik, sa directrice.
du Piémont et avec des structures partenaires qui, sans gérer de résidences à proprement parler, les articulent aussi à leur activité à travers ces échanges. Notre ancrage à Valence est à la fois complexe et une vraie opportunité. Reconnue, notre action demande pourtant à être encore plus visible. En périphérie des grands centres comme Lyon ou Grenoble, les artistes résident ici dans un contexte moins évident mais qui favorise l’expérimentation, la recherche.
F. Meyssonnier : Comment ce programme de résidences est-il venu s’articuler à l’activité d’art3, un centre d’art basé à Valence ? S. Vojik : Le programme de résidences développé par art3 s’inscrit, à son origine en 1991, dans le Plan des 4 moteurs, un partenariat européen entre les régions Rhône-Alpes, Land Bade-Wurtemberg, la Catalogne et la Lombardie, qui alors était plutôt axé sur des accords politiques et économiques. Ce volet culturel a permis de développer les premières résidences d’artistes avec le Land Bade-Wurtemberg et la Catalogne mais l’échange avec cette dernière s’est interrompu depuis, suite à un changement politique. Ce programme a pris toute sa place au sein du projet d’art3. Nous avons toujours maintenu un équilibre entre les projets de recherche développés dans le cadre des résidences et la programmation hors résidence, en interrogeant différents formats : production, exposition et édition. Valérie Cudel, la précédente directrice, et moi-même, avons insisté, sans doute chacune à notre manière, sur ce caractère indissociable, souhaitant que chaque forme soit, comme la résidence, l’objet d’une expérimentation. Si elle appuyait particulièrement cette position autour du projet éditorial, je le fais peut-être davantage à travers l’exposition. Nous avons étoffé nos collaborations avec les régions du Québec et
F.M. : Fondé sur la réciprocité, ce programme est un jeu d’ajustements permanent sous l’influence de nombreux paramètres liés aux acteurs et aux contextes. Dans les différences, notamment culturelles ou de statuts, comment en définir des règles ou partager le terrain d’une action commune ? S.V. : Inscrire son action dans un contexte d’échanges et de déterritorialité, c’est surtout poser cette donnée de l’altérité au cœur du dispositif, à laquelle se confrontent en premier lieu nos acquis et nos attentes. La résidence ne s’impose pas comme une finalité mais comme une dynamique complexe et sinueuse. Elle s’articule autour d’un dialogue entre les différentes parties engagées : les régions, les structures partenaires et bien sûr les artistes qui savent très bien entrer dans la dynamique pour faire évoluer l’ensemble. Cela demande une énergie constante et l’expérience nous a confirmé que ce terrain commun ne peut trouver sa dimension qu’à travers une réflexion partagée et non dans une formalisation protocolaire. Sur ce point, la manière de contribuer à cet échange entre nous et notre partenaire « historique » du Bade-Wurtemberg n’a pas été sans incidence pour la suite. Du côté français, le seul protocole est un appel à candidature assez classique adressé aux jeunes artistes issus de la scène
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RENCONTRE
régionale et la constitution d’un jury de professionnels pour l’évaluation d’un pré-projet envoyé en réponse. Derrière ce cadre, nous devons surtout évaluer la capacité de l’artiste à s’imaginer en résidence, traduire les amorces possibles qui nous conduisent à penser ce départ et ce projet nécessaires. Si pour nous ce sont les artistes qui doivent formuler ce désir, la sélection du côté allemand est différente : les dossiers soumis au jury sont présentés par des structures artistiques du Land. Bien que ce soit moins le cas, les artistes allemands sont souvent arrivés avec des projets plus ou moins ficelés, se donnant le cadre des trois mois pour les réaliser, alors que pour les artistes français, ce temps ouvre celui d’une expérimentation. Au-delà des différences d’appréhension de cette notion de résidence, il nous est surtout paru évident que le cahier des charges d’un programme d’échanges pour la création devait construire un territoire commun en écho à la fois aux contextes des structures d’accueil et aux modes d’action en pratique dans la création actuelle. Si le programme de résidence avec le Bade-Wurtemberg a confirmé son format dans ses trois temps de production, exposition et édition, les collaborations plus récentes avec les régions québécoise et piémontaise proposent des temps et des modes de travail différents. Avec Optica à Montréal, nous prenons acte des circulations dans lesquelles évolue désormais le monde de l’art, notamment lors des temps de rencontre entre professionnels. Déchargée d’impératifs de résultat final, cette « résidence de recherche jeune création » actualise la dimension pragmatique de la création émergente ; les choses y sont constamment réfléchies en même temps qu’elles se font. Des artistes comme Diane Morin ont profité de ce temps de résidence pour développer de nouveaux projets,
RÉSIDER DANS LES CIRCONSTANCES PAR FLORENCE MEYSSONNIER
Gabriela Oberkofler, Buggelkraxen, 2010. © Gabriela Oberkofler
établir des connexions, voyager… Une édition ponctue chaque échange. Nous invitons les artistes à y participer par une proposition spécifique. Avec le Piémont, nous avons pensé encore différemment : cette notion de mobilité est associée à celle du territoire du fait de la structure partenaire, a-titolo, un bureau de commissaires turinois qui, sans lieu, développe des projets dans l’espace urbain. Le cahier des charges de cette sélection induit donc une exploration du territoire (géographique, physique, social, etc.) des deux régions. D’autres types de propositions nous parviennent et d’autres déroulés se mettent en place. L’artiste ne reste pas trois mois à Valence ou à Turin, mais après un temps de recherche et d’observation, il ne revient que pour les besoins de son projet qui peut investir un territoire plus large que celui de la structure porteuse. C’est le cas avec Maurizio Cilli qui proposera un travail autour du facteur Cheval en plusieurs parties et sur plusieurs sites dans la Drôme. F.M. : Les dispositions requises par la résidence suscitent-elles également des questionnements sur les régimes de compétences que génère la création actuelle ? S.V. : Du côté de l’artiste, la résidence se déroule dans les différents temps
de ses déplacements, sachant qu’il peut s’écouler quasiment un an entre l’accueil de celui-ci et son retour pour une exposition et une édition. Dans ce laps de temps, nous l’accompagnons tout au long du projet et établissons les connexions sur le territoire pour articuler son œuvre à l’activité du centre d’art. Il est d’autant plus intéressant, dans le cas des artistes qui investissent le territoire, de voir comment il est possible de ramener ce questionnement dans l’exposition. Mais encore une fois, il n’y a pas de méthodologie ou de compétences figées car, en même temps que les connaissances et savoir-faire propres à chacun alimentent les échanges, ils sont soumis au régime de l’expérience de la résidence et de son inscription dans la durée. F.M. : Envisagez-vous un avenir favorable pour ces programmes de résidences qui participent tant au soutien de la création qu’aux dynamiques des territoires ou pensezvous au contraire que leur dimension processuelle les précarise ? S.V. : Par le processus même, la résidence stimule une dynamique autant qu’elle déstabilise dans sa mise en pratique, la rendant parfois difficilement lisible pour des partenaires financiers. Même si nous avons la chance d’avoir des régions
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véritablement engagées à nos côtés, à notre échelle, notre action est à la fois généreuse, assurée et en même temps fragile. Nous regrettons en particulier de ne pouvoir encore expérimenter l’échange entre les artistes eux-mêmes, dans un accueil simultané et non successif. Cela nous demanderait une infrastructure plus lourde qui, sans vrais moyens, risquerait d’épuiser la qualité de l’accompagnement des artistes, telle que mise en place dès les débuts. En deçà d’une visibilité, notre activité doit être aussi constamment justifiée comme n’étant pas à fonds perdus, alors qu’elle est en cohérence avec un contexte de création. J’ai l’impression qu’un empilement et une confusion des missions des uns et des autres, notamment à travers cette notion de recherche, rendent difficilement possible l’articulation des initiatives et conduisent à penser en « ou » plutôt qu’en « et ». Pourtant la coexistence des contextes et la circulation entre eux, les dispositifs et les acteurs induisent un pragmatisme à l’œuvre dans nos modes d’agir sur la scène artistique. Grâce à une mise en disponibilité, j’ai moi-même été accueillie en résidence à Schloss Solitude à Stuttgart. Suite aux rencontres que j’y ai faites, j’ai formalisé, à mon retour, un projet de résidence pour les professionnels, en association avec ce lieu, que les régions partenaires ont accepté de soutenir. La sélection sera un peu plus complexe mais, on l’espère, plus spontanée aussi. Cette future collaboration me conforte surtout dans l’idée que le dispositif de résidence reste indispensable et toujours plus défendable
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art3 8 rue Sabaterie, Valence www.art-3.org Actualités DES RÉSIDENTS, automne 2011 Résidences Laurent Pernel à Montréal / Caroline Soyez-Petithomme à Schloss Solitude / Björn Braun à Valence. Expositions Photographies d’Anne-Lise Seusse à Rendez-vous, Institut d’art contemporain, Villeurbanne / Laure Vigna “Le relief vu d’en haut / Das Relief von oben”, Gedok, Stuttgart.
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opération par Patrick Bouvet
des niveaux sur le site de radioactivité limitent les très élevés possibilités ont été mesurés d’intervention après l’explosion humaine du réacteur 8 2 secouristes le réacteur ont été exposés 4 à des niveaux s’est embrasé de radiation l’accident a atteint supérieurs à le niveau la norme 6 “nous ne savons pas de gravité quand nous pourrons Tchernobyl rétablir (1986) les systèmes” étant au niveau c’est une centrale 7 des années les autorités ont 1970 évacué des vents favorables 120 000 ont poussé habitants une partie des rejets dans un rayon de radioactifs 20 vers l’océan km l’agence a annoncé l’étendue de la qu’elle serait contamination contrainte de dépend de la nature “libérer des rejets et de la température non filtrés” des particules émises en temps normal l’agence a annoncé ces rejets que volontaires l’enceinte de sont filtrés confinement dans une piscine du réacteur de suppression 3 située à la base n’est plus étanche du réacteur les niveaux de cette opération rayonnement retient 16
AIR DU TEMPS
une partie des radioéléments les plus dangereux comme l’iode 131 et le césium 137 les autorités ont évacué 200 000 habitants dans un rayon de 35 km l’agence a annoncé que “des solutions étaient à l’étude” l’opération consisterait à rebrancher les pompes de refroidissement des réacteurs 5 et 6 et de connecter au réseau les réacteurs 1 et 2 des vents défavorables ont poussé une partie OPÉRATION PAR Patrick Bouvet
AIR DU TEMPS
des rejets radioactifs vers les grandes mégapoles du centre les autorités ont évacué 300 000 habitants dans un rayon de 50 km des niveaux de peur très élevés ont été mesurés du centre à l’océan les autorités s’inquiètent d’une soudaine évolution de la météo des infos défavorables ont poussé la catastrophe vers les grandes mégapoles planétaires l’opération consisterait à évacuer des esprits exposés le niveau de gravité de l’accident et à le déconnecter du spectre de 1945
Rendez-- 15 11 sep. — 13 nov. Rendez Plateforme internationale 11 dédiée à la jeune création vous vous 11 Zarouhie Abdalian Fouad Bouchoucha Viriya Chotpanyavisut Julia Cottin François Daillant Émilie Peythieu ≤ohini Devasher ≤ichard Pro∞tt Newell Harry Matheus ≤ocha Pitta Mohamed Konaté Sasa[44] Thomas Léon Anne-Lise Seusse Camille Llobet Sophie T. Lvo≠ Sandra Lorenzi Antony Ward Soichiro Murata Anya Zholud
≤endezvous 11 2/8
Créée en 2002, ≤endez-vous, plateforme internationale dédiée à la jeune création, associe, de façon inédite en France, trois institutions : le Musée d’art contemporain de Lyon, l’Institut d’art contemporain, Villeurbanne / ≤hône-Alpes et l’École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon. En associant des commissaires et directeurs de Biennales, ≤endez-vous est un projet unique qui donne lieu, une année, à une exposition en ≤hône-Alpes en parallèle de la Biennale de Lyon et l’année suivante, à une manifestation à l’étranger sous la forme d’expositions et de résidences. Ainsi, ≤endez-vous 07 a permis l’organisation de résidences à Moscou, Pékin, Miami et Buenos Aires. En 2008, ≤endez-vous 08 est exposé au Shanghai Art Museum. En 2010, la Biennale de Shanghai accueille quatre artistes français de ≤endez-vous (Delphine Balley, Vincent Olinet, Marlène Mocquet, Chourouk Hriech). En 2011, ≤endez-vous se déroule, comme en 2009, à l’Institut d’art contemporain, Villeurbanne / ≤hône-Alpes, en parallèle à la 11◊ Biennale de Lyon. Plateforme internationale, ≤endez-vous 11 se construit avec la collaboration de 10 commissaires de 9 Biennales (Istanbul, São Paulo, Nouvelle-Orléans, Dakar, Liverpool, Sydney, Gwangju, Kochi Muziris, Moscou) et d’une Triennale (Yokohama). Cette édition rassemble vingt artistes des cinq continents dont dix résidant en France, avec des projets inédits en peinture, sculpture, vidéo, installation… ≤endez-vous 11, dont l’identité graphique a été confiée aux graphistes Thomas Leblond et Clément Le Tulle-Neyret, s’accompagne d’un site internet et d’une publication numérique. Commissaires de l’exposition : Thierry ≤aspail, Directeur et Isabelle Bertolotti, Conservateur, Musée d’art contemporain de Lyon Nathalie Ergino, Directrice, Institut d’art contemporain, Villeurbanne / ≤hône-Alpes Yves ≤obert, pour l’École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon, Directeur de la Villa Arson, Nice
Zarouhie Abdalian
≤endezvous 11
Née en 1982 à la Nouvelle-Orléans, vit à Oakland (États-Unis) Privilégiant les interventions in situ, la pratique de Zarouhie Abdalian se décline sur tous les médiums. Chacune de ses créations interroge les limites structurelles de l’espace dans lequel elle se déploie et les matériaux employés. Il en va ainsi de Fuzzy Logic (2010) présentée à ≤endez-vous 11 : en inscrivant une suite d’axiomes logiques sur une paroi éclairée spasmodiquement par une lumière stroboscopique, l’artiste souligne les paradoxes de la raison tout en déjouant Proposée par Adriano Pedrosa et notre perception.
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Jens Hoffmann (Biennale d’Istanbul, Turquie)
Fouad Bouchoucha
Zarouhie Abdalian, Impulse ≤esponse 4, 2010 © Zarouhie Abdalian
Né en 1981 à Marseille, vit à Marseille L’œuvre de Fouad Bouchoucha s’efforce de rendre perceptible le potentiel induit par la démesure technologique et sonore. Pour ≤endez-vous 11, l’artiste présente Goodbye Horses (2011), une Bugatti Veyron, « la voiture la plus rapide du monde » pour laquelle il a conçu une « prothèse ». S’il renforce l’aérodynamisme de l’automobile et par là même son potentiel de vitesse, il la rend simultanément inutilisable.
Fouad Bouchoucha, Goodbye Horses, 2011 © Fouad Bouchoucha
Viriya Chotpanyavisut
Viriya Chotpanyavisut, Satellite, 2011 © Viriya Chotpanyavisut
Né en 1982 à Bangkok, vit entre Bangkok (Thaïlande) et Paris Viriya Chotpanyavisut cherche à capter l’invisible et l’éphémère : il s’agit pour lui de suspendre le temps, de rendre perceptible le passage d’un monde intérieur à un environnement extérieur. Les jeux d’ombres et de lumières constituent le cœur des photographies issues des séries Little Sound of Some Place, Satellite et Souffle (2011) laissant voir des apparitions brumeuses et oniriques. Dans l’œuvre Boule (2011), vidéo d’instantanés, l’artiste souhaite aussi « capturer la beauté brève et transitoire de la vie quotidienne ».
Julia Cottin
Née en 1981 à Châlon-sur-Saône, vit à Paris La sculpture de Julia Cottin se développe autour de gestes simples inscrits dans la tradition du genre artistique (tailler, découper, assembler, empiler…). Forêt de Juma (2010), présentée à ≤endez-vous 11, se déploie comme une forêt de colonnes en bois. Traditionnellement rattachée, dans l’histoire de l’architecture, à un rôle de soutien monumental, la colonne prend ici une allure d’étai, la valeur d’un élément de chantier qui supporte temporairement une charge. Julia Cottin, Forêt de Juma, 2010 © Blaise Adilon
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François Daillant
Né en 1983 à Valence, vit entre Lille et Londres (Grande-Bretagne) François Daillant utilise le dessin, le volume et le son. Pour ≤endez-vous 11, il présente Black Blocks (2010), une installation sonore constituée de plaques de bois enchevêtrées sur lesquelles sont fixés des haut-parleurs auxquels s’ajoute un dessin mural. En passant de feuilles planes à la 3-D, du vide au plein, d’un son inaudible à une matière sonore perceptible, l’œuvre fait apparaître physiquement ce qui n’a pas de consistance propre. François Daillant, Black Blocks, 2010 ©Blaise Adilon
≤ohini Devasher
Née en 1978 à New Delhi, vit à New Delhi (Inde) Imprégnée des écrits botaniques de Goethe, ≤ohini Devasher utilise le dessin, la photographie et la vidéo pour représenter des organismes qui semblent en perpétuelle évolution. Pour ≤endez-vous 11, l’artiste présente une série de dessins qui partent d’un motif simple pour le démultiplier, le métamorphoser et le recouvrir de différentes strates, mimant ainsi le processus naturel. Les formes qui en résultent s’établissent ainsi dans une zone limite entre ordre et chaos, réalité observée et monde imaginaire. Proposée par Bose Krishnamachari (Biennale de Kochi Muziris, Inde)
≤ohini Devasher, Chimera-I, 2008 © ≤ohini Devasher
Newell Harry
Newell Harry, ≤everse Missionary (Nerveless ≤ats Hesitate / As Venereal Theists ≤est), 2010 © Sebastian Kriete
Né en 1972 à Sydney, vit à Sydney (Australie) Le travail de Newell Harry se fonde sur les expériences et les observations qu’il a pu faire en Australie, au Vanuatu et en Afrique du Sud. L’artiste agence des fragments puisés dans la culture vernaculaire de ces différents continents qu’il combine à des éléments issus de sa culture occidentale, s’intéressant tout particulièrement au langage. Il en va ainsi des œuvres présentées à ≤endez-vous 11 qui opèrent, non sans un humour subversif, par combinaisons intuitives et Proposé par David Elliot (Biennale de Sydney, Australie) glissements de sens.
Mohamed Konaté
Mohamed Konaté, Djé, 2008 © Mohamed Konaté
Né en 1978 à Bamako, vit à Bamako (Mali) Peintre, dessinateur, vidéaste et photographe, Mohamed Konaté s’attache à l’histoire et au quotidien du continent africain. Il s’intéresse à la question de la frontière et revendique l’idée d’une unité africaine. Certains objets sont récurrents dans son travail, comme les billes et les balles qui s’entrechoquent, s’attirent et se repoussent par un phénomène de magnétisme irrésistible. Aux prises avec des mouvements d’impulsion, d’attirance et de répulsion, elles évoquent ainsi le calme et la révolte, métaphore de sa vision Proposé par N’Goné Fall du monde. (Biennale de Dakar, Sénégal)
Thomas Léon
Né en 1981 à Dijon, vit à Paris Les œuvres de Thomas Léon — vidéos, sons, impressions et volumes — sont toutes conçues à l’aide d’outils informatiques. Influencé par les romans d’anticipation et les écrits utopistes, l’artiste s’attache à questionner les liens qu’entretiennent les projets d’urbanisme et de sociétés idéales avec les enjeux de pouvoir. L’installation vidéo et sonore Living In The Ice Age (2010) offre ainsi au regard du visiteur l’effritement de l’image d’un ancien bâtiment utilitaire au profit de l’émergence progressive de constructions de verre et d’acier qui se disloquent à leur tour.
Thomas Léon, Living In The Ice Age, 2010 © Thomas Léon
Camille Llobet
Née en 1982 à Bonneville, vit à Villeurbanne Camille Llobet relève des éléments visuels du réel (films, images d’archives, graffiti urbains, situations), pour en déconstruire l’unité et en donner une nouvelle lecture. Graffiti (2010) est une œuvre sonore qui poursuit le travail qu’elle mène avec sa voix, en lisant des graffiti prélevés dans neuf grandes villes, constituant un marquage original et répétitif de l’état du monde.
Camille Llobet, Gra∞ti, 2010 © Blaise Adilon
Sandra Lorenzi
Née en 1983 à Paris, vit à Nice Sandra Lorenzi s’intéresse aux objets, leur provenance, et le rapport que nous entretenons avec eux. Jouant autant avec le merveilleux que l’ironie, son œuvre puise dans la mythologie, les fictions populaires et dans le quotidien. Pour ≤endez-vous 11, elle réalise Urbi et Orbi (2011), une installation entre structure urbaine et forme archaïque, qui vient « chercher dans les profondeurs de notre inconscient ce qui peut bien sommeiller sous les décombres ». Sandra Lorenzi, L’édifice persistant, 2011 © Fabrice Gousset
Soichiro Murata
Soichiro Murata, Considering a Park, 2008-2009 © Soichiro Murata
Né en 1985 à Kanagawa, vit à Kyoto (Japon) Centré sur la question de « l’action de construction », le travail de Soichiro Murata se matérialise par des installations composées d’éléments fragmentaires, comme des maquettes, accompagnés de croquis. À la différence de vraies maquettes architecturales, qui se voudraient une miniature du réel, les agencements de Soichiro Murata associent images, dessins ou objets trouvés, pour créer des « parcs » et des « chemins » imaginaires relatant la violence humaine contenue selon lui dans tout acte de construction. Proposé par Taro Amano & Akiko Miki (Triennale de Yokohama, Japon)
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Émilie Peythieu
Née en 1982 à Bordeaux, vit à Lyon La peinture d’Émilie Peythieu est issue d’une première étape de capture photographique et se concentre sur la représentation de détritus, comme motif symptomatique de la société de consommation. Elle procède par séries (Décharges, Déchets, 2009) qui accentuent l’effet de prolifération engendré par les formes. Depuis peu, l’artiste réalise également des dessins, selon le même thème. Le cadrage, la fixation des détails et l’absence de couleurs font évoluer le réalisme photographique de ce sujet quotidien et contemporain vers une dimension fantastique. Émilie Peythieu, Fils à béton torsadés, 2010 © Émilie Peythieu
≤ichard Pro∞tt
Né en 1985 à Liverpool, vit à Liverpool (Grande-Bretagne) Le travail de ≤ichard Proffitt prend la forme de reliques de cérémonies dont le sens nous échappe. L’artiste y invoque autant les civilisations ancestrales que les idoles d’adolescents, les films de science-fiction post-apocalyptique, les westerns spaghetti, les villes fantômes, la culture underground ou encore les souvenirs d’enfance. Absurde, drôle et obscure, Feels Good To Burn (2011) présentée à ≤endez-vous 11, entremêle ainsi des références hétérogènes pour Proposé par Lewis Biggs venir brouiller leur signification initiale. & Paul Domela (Biennale de Liverpool, Grande-Bretagne)
≤ichard Pro∞tt, Feels Good To Burn, 2011 © ≤ichard Pro∞tt
Matheus ≤ocha Pitta
Né en 1980 à Manaus, vit à ≤io de Janeiro (Brésil) Photographies, vidéos, installations, éditions : la pratique de Matheus ≤ocha Pitta prend la forme d’une vaste enquête abordant le fait divers ou le trafic illégal. Pour ≤endez-vous 11 l’artiste présente Conversion figure (2011), une installation qui déconstruit et recompose une image, en l’occurrence celle d’un homme portant des sacs de supermarché. L’artiste interroge ainsi à travers la mise en scène de la photographie (qu’elle soit publicitaire, policière ou artistique) la société Proposé par Moacir Dos Anjos de consommation. (Biennale de São Paulo, Brésil)
Sasa[44]
Sasa[44], Touch It and you’re dead, 2009 © Sang Tae Kim
Matheus ≤ocha Pitta, Conversion figure, 2011 © Matheus ≤ocha Pitta
Né en 1964 à Séoul, vit à Séoul (Corée du Sud) Depuis plusieurs années, Sasa[44] développe une activité de collectionneur de souvenirs. S’intéressant à tout ce qui concerne la société dans laquelle il évolue, il amasse photographies, citations, magazines qu’il prélève autant dans le politique que dans l’économie, la culture ou le sport. L’artiste tisse ensuite des liens secrets entre ces différentes archives qu’il expose avec distance, sans émotion particulière. Ce faisant il permet au spectateur de raviver ses propres souvenirs et l’amène à déceler dans ce qu’il voit beaucoup plus Proposé par Massimiliano Gioni que ce qui est présenté. (Biennale de Gwangju, Corée du Sud)
Anne-Lise Seusse
Née en 1980 à Lyon, vit entre Lyon et Paris Les films et les photographies d’Anne-Lise Seusse s’intéressent à des territoires situés le plus souvent à la périphérie des villes et investis par des activités de loisirs (ball-trap, moto-cross, cérémonies de communautés de Second Life…). Le Mont ≤oyal (2010) présentée à ≤endez-vous 11 est une double projection qui se concentre sur un célèbre terrain de jeu de rôles à Montréal. En position d’anthropologue, l’artiste « zoome » sur cet espace porteur de récits tout en réalisant une série de portraits des protagonistes qui le composent.
Anne-Lise Seusse, Le Mont ≤oyal, 2010 © Anne-Lise Seusse
Sophie T. Lvo≠
Sophie T. Lvo≠ , Heeresversuchsanstalt (Army ≤esearch Center) Peenemünde, 2008 © Sophie T. Lvo≠
Antony Ward
Né en 1985 à Béziers, vit à Londres (Grande-Bretagne) La pratique picturale d’Antony Ward se développe sur différents supports. Ses œuvres à l’huile sur toile procèdent par « masses picturales » d’où émergent des formes figuratives stylisées. Dans le même esprit, l’artiste réalise des objets composés de surfaces planes agencées dans l’espace. Il élargit ses interventions par des œuvres en adhésif coloré apposé dans l’espace public. Pour ≤endez-vous 11, il intervient sur la verrière d’entrée de l’IAC avec un adhésif dont les motifs reprennent des couleurs de drapeaux et de fanions.
Née en 1986 à New York, vit à la Nouvelle-Orléans (États-Unis) Avec beaucoup de distance, la photographie de Sophie T. Lvoff se concentre autant sur l’architecture monumentale que sur les pavillons de banlieue, les espaces naturels ou encore les zones militaires ou les zones de transit. Pour ≤endez-vous 11, elle présente entre autres la série Heeresversuchsan (Army ≤esearch Center) Peenemünde (2008) réalisée sur le site de l’ancien centre de recherche militaire de Peenemünde, actif pendant la seconde guerre mondiale, réhabilité Proposée par Dan Cameron depuis en musée. (Biennale de Nouvelle-Orléans, États-Unis)
Antony Ward, Contorsionniste, 2009 © Anthony Ward
Anya Zholud
Anya Zholud, Living zone, 2010 © Anya Zholud and National Centre for Contemporary Arts, Moscou
Née en 1981 à Leningrad, vit à Moscou (≤ussie) Anya Zholud trace des lignes : sur la toile, sur la feuille et dans l’espace. Elle souhaite rendre visibles les liens souterrains qui connectent la réalité et la fiction, l’art et la vie. Il s’agit alors de schématiser de manière minimaliste le contour des objets de consommation par des sculptures de tiges métalliques ou de fils électriques, d’esquisser l’essence de situations banales et intimes par la peinture ou le crayon. La série de dessins proposée par l’artiste dans le cadre de ≤endez-vous 11 associe le quotidien ménager au naturel et Proposée par Daria Pyrkina à l’organique. (Biennale de Moscou, ≤ussie)
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Rendez-11
design graphique :
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Thomas Jaurès � Clément Le Tulle-Neyret
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Plateforme internationale dédiée à la jeune création, ≤endez-vous, associe, de façon inédite, 3 institutions
Le Musée d’art contemporain de Lyon L’Institut d’art contemporain, Villeurbanne / ≤hône-Alpes L’École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon
en collaboration avec les Biennales de Istanbul (Adriano Pedrosa et Jens Hoffmann) São Paulo (Moacir Dos Anjos) Nouvelle-Orléans (Dan Cameron) Dakar (N’Goné Fall) Liverpool (Lewis Biggs ^ Paul Domela) Sydney (David Elliot) Gwangju (Massimiliano Gioni) Kochi Muziris (Bose Krishnamachari) Moscou (Daria Pyrkina) et la Triennale de Yokohama (Taro Amano ^ Akiko Miki)
vous Rendez-11 vous Exposition du 15 septembre au 13 novembre 2011
Ouverture exceptionnelle pendant les journées professionnelles de la Biennale de Lyon les 13 et 14 septembre 2011
Institut d’art contemporain 11, rue Docteur Dolard 69100 Villeurbanne +33 (0)4 78 03 47 00 www.i-ac.eu www.rendezvous11.fr contact@rendezvous11.fr
COMPTES RENDUS expositions & lectures Ann Veronica Janssens “Dans la poussière du soleil” du 18 juin au 9 oct. 2011, Château des Adhémar, Montélimar.
eXPOSITIONS — RHÔNE-ALPES — Jochen Gerner, “Mehr Licht! ” du 25 mars au 13 juil. 2011, lux, Valence. Le Pas Tout, 2011, installation vidéo 14’25’’. © Sylvie Blocher
Jochen Gerner, Technicolor, 2011, acrylique sur support imprimé. © lux
Mehr Licht! in lux. Plus de lumière ! en lumière. L’exclamation en langue allemande est le titre de l’exposition de Jochen Gerner, produite par lux, la scène nationale de Valence. Situé dans un ancien complexe cinéma, lux propose une programmation annuelle transdisciplinaire : films, spectacles, expositions, rencontres… Si la cohérence de ces propositions multiples n’est pas de la première évidence, toutes traitent d’un rapport à l’image, qu’elle soit animée, historique, expérimentale, nouvelle… L’invitation faite à Jochen Gerner se révèle un habile condensé de ce que le lieu projette dans les croisements réguliers qu’il initie. Artiste multiple, Jochen Gerner est auteur de bandes dessinées, dessinateur de presse et plasticien. Les sept réalisations exposées participent à la fois du sériel (Wwwroom et Flipochrome), de la culture populaire (Reward-dead or alive), de l’objet promotionnel (Home), éléments constitutifs de l’industrie du cinéma et de l’image. Mehr Licht ! éclaire à la fois ce pour quoi et ce contre quoi lux travaille. [Pascal Thevenet] Sylvie Blocher, “Les coupables” du 15 avril au 21 août 2011, Centre d’art contemporain, Maison de la Cure, Saint-Restitut. L’architecture singulière du Centre d’art de Saint-Restitut offre un face-à-face privilégié avec les œuvres de Sylvie Blocher, dont les expositions personnelles se font rares en France. On y découvre quatre vidéos récentes (dont trois inédites) et une série de dessins : des œuvres parlant de mutation, de transgression, d’ambivalence, de désir. Sur fond de tapisserie aux motifs Mickey qui s’écroulent, un jeune homme
torse nu mi-blanc mi-noir chante des extraits d’un discours dans lequel Obama raconte son enfance et ses utopies. Des adolescents d’une favela brésilienne défient la caméra du regard dans une marche circulaire hypnotique. Des élèves d’un collège de Sevran exposent une phrase intime sur leur t-shirt. Les pages d’un magazine de mode pour enfants sont recouvertes de l’écriture acerbe de l’artiste. Enfin, tout en opérant une mue inversée de la nudité à l’accumulation de vêtements, une jeune femme débite des questions issues du livre Ambiguité sexuelle, Sexuation et psychose de Geneviève Morel. Suivant un protocole toujours renouvelé, les œuvres frontales de Sylvie Blocher s’adressent bien à l’Autre, sans voyeurisme ni condescendance. [Lélia Martin-Lirot] Éric Watier, “Monotone” du 5 mai au 2 juil. 2011, art3, Valence.
Éric Watier, Monotone, vue d’exposition, 2011, art3 Valence.
Éric Watier a fait de l’édition l’une de ses matières premières : livres, posters, sites, cartes… Il en explore les supports autant que les modes de reproduction et de diffusion. Un travail qui interroge autant l’œuvre à l’ère de son (hyper) reproductibilité technique et de sa dématérialisation que la notion d’auteur et ses limites. Si, du point de vue du droit, Watier milite pour une séparation contenu / objet dans un idéal de circulation des savoirs, sur le plan formel, ses œuvres laissent transparaître la permanence d’une réflexion sur le rapport forme / contenu. Parmi celles-ci,
COMPTES RENDUS
Dans la poussière du soleil, vue d’exposition, 2011. © CAC Adhémar
C’est dans la poussière des pierres, frappé par des faisceaux aux variations colorées, que le visiteur entame sa visite de l’exposition d’Ann Veronica Janssens au Château des Adhémar. Plongé dans l’obscurité, il reçoit l’impact vif, douloureux presque, des soubresauts de lumière qui envahissent l’espace d’un seul jet, soudain et régulier. Titrée Kolorado – comme un lointain hommage aux westerns, à ces terres brûlées serties par l’éclat des coups de feu – l’œuvre suscite, dans sa pulsation syncopée, une altération des repères sensoriels. Préambule au parcours, elle dévoile le mode d’intervention de l’artiste, qui déplace la focale d’appréhension de l’objet vers l’espace dans sa globalité. Matériau de prédilection d’Ann Veronica Janssens depuis de nombreuses années, la lumière n’a, dans son œuvre, pas tant vocation à capter le regard, qu’à s’adresser à l’ensemble des outils de perception dont le corps dispose. Dans cette perspective, l’exploitation de la situation géographique des salles du château donnant sur l’extérieur apparaît comme remarquable : les dispositifs installés s’effacent au profit des effets qu’ils produisent, catalysés par l’intense luminosité
du site dont l’artiste semble vouloir orchestrer la propagation. Au premier niveau, le panorama est ainsi prolongé par des miroirs plaqués contre les battants de fenêtres ouvertes, introduisant par là même les lignes d’une perspective éclatante dans l’espace architecturé, comme une percée lumineuse distordant l’espace. Pour en favoriser l’observation, le sol faisant face à cet alignement de fenêtres est surélevé par un dallage de parpaings saupoudré de paillettes dont les reflets brillants viennent contredire la pesanteur des blocs. La présentation d’Aquarium profite de la pleine exposition de la loggia pour étendre cette entreprise de réfraction de la lumière. Sur un socle gris, à mi-hauteur, un cube de verre rempli d’eau, de méthanol et de silicone – que l’on associerait volontiers à l’art minimal, en particulier à l’œuvre de Larry Bell – sert de prisme au travers duquel se dissout, dans un phénomène d’abstraction, le cadre environnant. Dans une troublante polarité avec le premier espace investi, Ann Veronica Janssens décline la lumière jusqu’à son point ultime : une surexposition qui favorise, paradoxalement, la sensation d’isolement. [Franck Balland]
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Monotone press est un site-web qui diffuse gratuitement quatre-vingt images fabriquées à partir de scans et prêtes à êtres imprimées. Art3 en présente une sélection de quarante-deux, chacune tirée à cinq cent exemplaires et au format A3, sur le modèle des cartons d’exposition édités à ces occasions. Les impressions sont laissées à disposition du public. Élégamment présentées selon une alternance de formats et surmontées à l’aide d’un petit socle, les piles s’amenuisent au fur et à mesure des visites. Distribuée, l’œuvre est dans sa pleine légalité dans la mesure où le don est lié à son devenir-œuvre, par là même, elle échappe aux lois du marché. [Estelle Nabeyrat] “Atmosphères”, parcours été 2011 juin-oct. 2011, Institut d’art contemporain / la Collection en Rhône-Alpes. Château des Adhémar, Montélimar ; Palais Delphinal, Saint-Donatsur-L’herbasse ; Espace Ducros, Grignan ; Espace Visitation, Romans ; Château de Suze-la-Rousse.
Laurent Grasso, Haarp, 2007. Projection vidéo 3D en boucle. Coll. de l’IAC, Rhône-Alpes.
Dans sa mission de diffusion de la collection, l’IAC a choisi cet été la Drôme pour un parcours qui rayonne autour du projet d’Ann Veronica Janssens au château des Adhémar à Montélimar. Si certaines des œuvres sélectionnées furent déjà présentées récemment en région (Decrauzat, Malphettes…), d’autres se découvrent (Coindet, Spaletti…). Cependant, la fréquence avec laquelle sont montrées certaines des dernières acquisitions de l’IAC n’enlève rien au plaisir de revoir ces œuvres dans des contextes autres que celui du white cube. Le parcours à travers les sites se ponctue ainsi de véritables « beaux moments ». Un arbre en bois sous un soleil électrique (Malphettes) retrouve une fragilité, voire une légèreté dans la pénombre de l’espace Visitation. Les deux scupltures d’Elisabeth Ballet redonnent une force visuelle au salon bleu, ornementé de gypseries à l’aspect très kitsch, du château de Suze-la-Rousse. Quant au Cabinet en croissance (Janssens), sa simplicité et son efficacité formelle font oublier un instant les salles ingrates de l’espace Ducros de Grignan. Cependant, ces « beaux moments » seront-ils partagés par la grande majorité d’un public
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“Immersion” Franz Ackerman, Elisabeth Ballet, James Turell du 1er avril au 25 sept. 2011, Musée de Valence hors les murs, imprimerie Céas, Valence.
estivant et touristique, souvent sclérosé dans sa capacité à vouloir se faire surprendre ? C’est justement là, la force de l’art d’aller à la rencontre des préjugés et de faire confiance à la perception du visiteur, quel que soit le niveau d’éducation de son regard. [Pascal Thevenet] Alain Kirili, “Dessins de sculpteur” du 14 mai au 31 juil. 2011, Musée de Grenoble.
Alain Kirili, Séquences rythmiques, 2010. Fusain et pastel gras sur papier noir. 48,5 × 63,5 cm. Photo : Carine Bel
James Turrel, Pink mist, 2001, installation de lumière. Collection privée. Courtesy Fundaciòn Almine y Bernard Ruiz-Picasso para el Arte. © Marc Domage
Une longue restauration et une nécessaire restructuration obligent le Musée de Valence à rester fermé jusqu’en 2013. Néanmoins, l’établissement a une actualité. Depuis 2009, un programme d’expositions hors les murs est mis en place et l’art contemporain y est prépondérant. Si Scénographies, de Dan Graham à Hubert Robert, en 2009, était conçue comme un dialogue entre œuvres classiques et récentes, Immersion est exclusivement contemporaine. Faut-il voir ici une volonté de diffuser plus largement l’art de notre temps dans une agglomération plutôt conservatrice quant à son appréciation des arts visuels, malgré l’important travail de fond mené depuis des années par l’École des beaux-arts et art3 ? Que l’institution muséale relaie ce travail peut apparaître comme un signe d’ouverture. Qu’elle propose une exposition intitulée Immersion pourrait fonder une pédagogie de la découverte de la création in progress. En cela, l’objectif d’Immersion semble plus répondre au désir d’immerger des publics peu avertis que développer la thématique que sous-tend le titre de l’exposition. Il n’y a toutefois pas tromperie. Le choix de la proximité entre des formes et des pratiques aussi différentes que celles de Franz Ackerman, Elisabeth Ballet et James Turrel fait que le regard peut difficilement se détacher de ces associations inédites. Les spirales colorées de Road movie, sculpture de Ballet, voient leurs effets centrifuges contrariés par les éclats picturaux de Terminal tropical, installation
COMPTES RENDUS
monumentale d’Ackerman. En arrière-plan, une création in situ de l’artiste allemand, Treibholz, associant peinture murale abstraite et alignement photographique, invite à une circulation permettant de découvrir aussi le « backstage » de Terminal tropical. Pink mist, installation lumineuse de Turrell de 2001 sise dans un cube blanc, est un environnement immersif où le visiteur pénètre l’obscurité d’un espace duquel se détache un rectangle coloré. Cette œuvre est intensément sensorielle car tout repère de distance entre soi et la couleur s’écroule, au point de douter de sa propre capacité à errer dans cette obscurité. Ressortir de Pink mist, c’est hésiter entre retrouver la profusion colorée de l’axe Ballet / Ackerman et cheminer dans l’interstice qui sépare la sortie du Turrell de la sortie du site. Cheminement peu usuel tant il semble mener à des coulisses. Le contournement du cube permet la découverte d’une proposition légère d’Elisabeth Ballet : une salle vitrée, où seul le regard peut accèder, est investie de silhouettes de feuillages et de mouvements de voilages. Le dispositif s’efface au profit de la sensation du naturel de l’ombrage et du vent. Le phénomène d’immersion ne se révèle-t-il pas aussi dans ces couloirs annexes où le visiteur ne mesure plus s’il est dans une exposition ou dans un lieu de production, où le structurel prend momentanément la place du pictural ? Ces couloirs seraient les non-lieux de la création émergente. [Pascal Thevenet]
Empreintes tactiles Le musée de Grenoble présente une sélection d’œuvres sur papier d’Alain Kirili. Scènes saisies dans la rue ou dans un bar et fruit de corps à corps menés avec la matière, les figures tiennent dans quelques traits. Les bras en croix dans Commandement ou à hauteur du ventre pour les musiciens, les traits de Kirili sont des gestes, ses ombres et aplats de couleurs des touchers. Empreintes de mouvements et touches de vie posées sur papier dans la fulgurance de l’élan, Hommage à Charlie Parker, Downtown, Dyonisos, Abama, Suzhou nous baladent dans la ville, le jazz ou le pop rock avec la sensation de la présence. On approche le dessin avec le trac de la rencontre, la pudeur de la confidence. Rien que des volumes et des traits amorcés, pas plus de trois couleurs, du papier d’Ingres ou du Kraft et une incroyable diversité. Kirili livre des impressions libres, elliptiques et incarnées. Pas de conversation, des exclamations. Il y a les gens, la terre, le feu et tout ce qu’on peut en faire : des séries d’excavations ou d’éruptions. La vie danse sur le papier. Réjouissant ! [Carine Bel] “Drawing by numbers” AVEC Thierry Agnone, Michel Barjol, Christophe Challange, Alexis di Maggio, Marie Frier, Claude Heath, Christian Lhopital, Dominique Lucci, Marie Maillard, Stéphanie Nava, Alexandra Pellissier, Didier Petit du 24 mai au 2 juil. 2011, Espace Vallès, Saint-Martin-d’Hères. Le titre de cette exposition collective à l’Espace Vallès énonce simplement son ambition : explorer
Dominique Lucci, Sans titre, feutres acrylique sur carton, 20 × 20 cm, 2010.
divers usages du dessin contemporain à travers les œuvres de douze artistes. On y découvre donc une diversité de formats, techniques, supports et intentions, révélant la richesse du médium. Pour ces artistes aux pratiques distinctes, le dessin se situe à différents niveaux de la démarche, comme finalité ou moyen, interface communicante ou ressource référentielle, outil fictionnel, philosophique, formel, etc. Des croisements sensibles sont néanmoins repérables, entre Thierry Agnone et Christian Lhopital par exemple pour la sérialité, la composition et l’ambigu des sujets ou entre Stéphanie Nava et Christophe Challange pour l’exercice de formulation de la pensée, ou encore entre Alexis di Maggio et Claude Heath pour la dimension performative du geste. La scénographie de l’exposition n’est pas grandiloquente mais elle convoque un regard concentré sur des œuvres de qualité. [Lélia Martin-Lirot] Stéphane Thidet, “Je n’existe pas” du 2 juillet au 11 sept. 2011, Centre d’art Bastille, Grenoble.
La crue, 2010, bois de peuplier, clous, dimensions variables. Courtesy galerie Aline Vidal, Centre d’art Bastille.
Après l’ascension qui mène au site sommital de la Bastille, les espaces du centre d’art, logé dans un des bastions de la forteresse, invitent d’abord au surplomb, donc à l’arrêt, puis à la descente. Stéphane Thidet sut jouer avec cette configuration puisqu’à l’entrée du lieu, trois œuvres invitent à s’arrêter : des écrans montrant des ampoules électriques qui éclatent, deux chaises rongées au point que leurs pieds deviennent de la dentelle, une bibliothèque remplie de blocs de pierre. L’ensemble crée un univers domestique où le temps est à l’œuvre. Puis une balustrade avec, en contrebas, une barque qui coule face au panorama :
l’extérieur pénètre l’intérieur. La pluie sculpte des livres ; le vent souffle un château de sable. Et la descente se poursuit : une constellation qui s’efface la nuit et un micro creusant bruyamment le sillon de son parcours circulaire. Je n’existe pas vaudrait « Je est un autre. Tant pis pour le bois qui se trouve violon… ». Tant mieux pour la réalité qui se trouve poésie. [Pascal Thevenet]
“Tableaux” du 29 mai au 4 sept. 2011, Le Magasin, Grenoble.
Elshopo, “Peti Turismo” du 5 juin au 3 juil. 2011, OUI, Grenoble.
Peti Turismo. © Jeremy Cortial
Bienvenue à Peti Turismo, premier rallye du OUI organisé par Elshopo, laboratoire de sérigraphie. Que les voitures téléguidées-customisées et les figurants aux manettes se placent sur la ligne de départ du mini-circuit formé de feuilles blanches et roses arborant les logos des sponsors « Shopault » et « Elfshopo ». Attention, la musique vrombit, five, …, one, go ! Les cinq voitures s’élancent à toute berzingue dans un nuage de paillettes. Non, que dis-je, quatre seulement car l’écurie « mal-bouffe » a déjà perdu son meilleur pilote : Alain Prost dont le portrait est imprimé sur la crêpe sucrée qui sert de toit à sa voiture. « Street Spirit » qui a transformé sa voiture en skate est devant, il s’approche du premier bain d’encre, et splatch ! Du rouge orangé gicle partout, le public est peinturluré, et voici qu’apparaissent les premiers imprimés sur le circuit vierge. « The King of Print » n’est pas loin derrière, la forme aérodynamique du manche de sa guitare lui fait prendre de la vitesse, il aborde la courbe, la foule l’acclame et c’est le saut ! Atterrissage 100 % contrôlé avec dérapage vert qui laisse apparaître les mots « anarchy of serigraphy ». C’est au tour du poulain « Geek » de se lancer dans la courbe, il tente le saut et c’est la chute ! Le bolide a perdu sa menaçante tête de mort et sa carrosserie Game Boy dans l’accident. Il est out. C’est le dernier tour, les feuilles sont barbouillées de peinture et de signes, un beau dripping chaotique. Pas de gagnant pour la course, chers spectateurs, mais vous pourrez constater l’exaltation qu’a provoquée en vous cette nouvelle performance d’Elshopo. [Charlotte Poisson]
COMPTES RENDUS
Nicolas Chardon, Echo, 2011, Série de 10 diptyques, toile tendus sur châssis. Courtoisie de l’artiste et Galerie Jean Brolly, Paris. Co-production Frac Aquitaine, Bordeaux et Magasin-Cnac. © Blaise Adilon / © Magasin-CNAC
L’ombre aux tableaux. Nous avions envie de voir Tableaux. Le statement était alléchant : « s’extraire de la peinture (du châssis) pour mieux s’attacher au geste, à l’aspect performatif de la peinture » et la playlist, parfaitement tendance. S’y bouscule en effet une vingtaine de jeunes pointures internationales de Kassay à Tuazon en passant par Hominal, Chardon, Warboys, Maire, Black ou Curry. C’est ensuite que le discours se floute, évoquant la polysémie du terme « tableau » – de celui dit vivant à celui qui qualifie ce qui frappe la vue ou l’esprit – pour en arriver à l’idée d’une « activité fictionnelle » plus que vague. L’on ne saisit pas très bien dans quelle mesure la fiction entre en jeu dans les productions d’Oscar Tuazon, de Jacob Kassay ou encore de Karla Black, pour ne citer qu’eux. Cette fiction serait, toujours suivant le propos des deux commissaires, Yves Aupetitallot et son invité Vincent Honoré, à l’origine de la production de l’œuvre ou son résultat. La fiction comme expédient de la peinture ? Soit. Si l’on considère en effet le programme de performances proposé le soir du vernissage qui voyait défiler les saynètes de Jessica Warboys, Karina Bisch et Pietro Roccasalva, la fiction était bien présente dans l’exposition mais son rapport avec le tableau était plus que ténu. Il était bien question de peinture chez Roccasalva, plus indirectement chez Bisch mais point chez Warboys. Se pose ensuite l’éternel problème du statut des traces de ces événements qui, si certaines désertent le display une fois la performance achevée,
restent, pour d’autres, des éléments troubles, ni totalement sculpture, ni véritablement tableau. La référence à l’« activité fictionnelle » est donc peu claire. Lui fait face la notion d’« accident » que Vincent Honoré relie au travail de Kassay, Hominal, Black et Tuazon notamment. En fait d’accident, il s’agit de laisser advenir la technique, les procédés chimiques et le temps sur les œuvres. « Comment se jouer de la peinture pour s’en extraire ? » interroge d’ailleurs le curateur au cours d’un entretien avec Nicolas Chardon qui, justement, ne cherche pas à s’en extraire mais bien au contraire à s’y plonger, se frottant comme à son habitude aux questionnements picturaux classiques avec une aisance déconcertante. Ses monochromes blancs parés des stigmates du monde extérieur suite à leur exposition précédente sur la façade du Frac Aquitaine s’adjoignent pour l’occasion des tableaux non peints, de simples toiles vichy tendues sur chassis qui leur opposent leurs motifs de grilles et leurs couleurs vives. Peut-être l’une des propositions les plus intéressantes que l’on aura vues au Magasin, avec celle de l’énigmatique Spandau Parks qui regroupe des photographies de ces fameuses toiles qu’il peint depuis plus de trente ans et qui ont ainsi acquis un aspect proche du sculptural. Des toiles, surtout, que personne ou presque n’a jamais directement vues, mais simplement entrevues sur les photos et les films qui en sont les seuls témoignages. Peut-être est-ce là que la fiction trouve véritablement sa place dans l’exposition ? [Aude Launay]
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“Surveillé(e)s” AVEC Mustapha Akrim, Younes Baba-Ali, Mohamed El-Baz, Gabriella Ciancimino, Bouchra Khalili, Younes Rahmoun, Badr Hammami et Fadma Kaddouri du 18 juin au 14 sept. 2011, La Halle, Pont-en-Royans ; Grand séchoir, Vinay ; Château de l’Arthaudière, Saint-Bonnetde-Chavagne.
Dennis Oppenheim du 14 mai au 27 sept., Musée d’Art Moderne de Saint-Étienne Métropole.
Jean-Alain Corre, élément de rêve n°18 (Johnny University Dream), béton, batte de baseball, bois, plateau, vis.
Younès Rahmoun, Khamsa, performance. © Fabien Pinaroli
La Halle de Pont-en-Royans, médiathèque et lieu d’art contemporain, bénéficie depuis dix ans de l’exigeante programmation assurée par Sandrine Martinet. Cette dernière a invité l’appartement 22 (lieu d’expositions de Rabat créé par le curateur Abdellah Karroum) à concevoir une exposition collective sous la forme d’un parcours. Celui-ci n’est pas aussi spectaculaire que les falaises du Vercors le surplombant mais il a l’avantage de susciter une réflexion sur le territoire et son rapport au politique. En effet, le type d’intervention que chaque artiste choisit pour s’exprimer au sein d’un espace public donné, redéfinit les tensions dialectiques entre pouvoir et expression. Ainsi, un haut parleur transmet l’appel à la prière traduit en anglais puis transcodé en morse, des lettres en ciment énoncent au sol un article de la constitution sur l’égalité d’accès au travail et à l’enseignement, la vidéo d’un tracé maladroit fait par un exilé condense de manière tragique ses souffrances, une performance minimaliste permet de relier la bâtisse dans laquelle se trouve l’assemblée aux archétypes atemporels de la construction. Normal donc que la musique, force unifiante, soit également très présente dans Surveillé(e)s avec une web radio diffusée en continu. [Fabien Pinaroli] “Fais gaffe aux biches”, cycle d’expositions sur une proposition de Gas Barthély et d’Antoine Palmier-Reynaud mai-juin 2011, Maison Pieuvre, Saint-Étienne.
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Fais gaffe aux biches est un cycle d’expositions, de performances, de résidences, d’entretiens, de projections, de concerts, de dispositifs radiophoniques, organisé par des artistes stéphanois sur une période de deux mois. Le carton en dit long : beaucoup d’informations, de participants, de dates, de titres. Une programmation presque démente, assurément boulimique, mais surtout hyperactive et qui est représentative de l’activité parallèle que déploient certains artistes face aux institutions qui ne laissent ni assez de place ni de champ libre aux jeunes artistes. Il s’agit ici de faire en sorte que quelque chose se passe, que quelque chose se crée en dehors des circuits fermés, avec les moyens du bord et un réseau d’amis artistes. Pour ce faire, l’artiste développe une activité aux formes tentaculaires ou, pour reprendre les termes d’Antoine PalmierReynaud, il devient « hommeorchestre ». À la fois commissaire, monteur, organisateur, financeur et artiste, il est créateur de son propre événement, de sa propre histoire. Mais ce n’est pas pour autant qu’il est porteur d’un discours autoritaire ou pour le moins affirmé. Fais gaffe aux biches est un avertissement sourd qui donne forme à une implosion. Il y a quelque chose qui bout, comme une envie de ne pas tomber dans le désœuvrement et la neurasthénie. [Charlotte Poisson] “La pratique est absolument nécessaire et elle pose désormais le problème non plus de son esthétique mais de sa stratégie” du 6 mai au 4 sept. 2011, École supérieure d’art et design, Cité du design, Saint-Étienne. Cette exposition est l’aboutissement de plusieurs mois de travail pendant lesquels les quinze étudiants de 2e année de l’option art de l’Esadse ont choisi dans la collection de l’IAC une vingtaine d’œuvres. Ils ont pu expérimenter toutes les étapes de la création d’une exposition : l’agencement des œuvres, le montage, la communication et la médiation ;
COMPTES RENDUS
Dennis Oppenheim, Theme for a Major Hit, 1974. © Dennis Oppenheim Estate ; Courtesy Gallerie Fumagalli, Bergame. Photo : Yves Bresson / MAM Saint-Étienne Métropole
C’est délicat mais il faut l’admettre : l’exposition de Dennis Oppenheim au Musée d’Art Moderne de Saint-Étienne est frustrante. Délicat d’abord parce que Dennis Oppenheim est sans conteste un très grand artiste, singulier et précurseur. Délicat ensuite parce qu’il est luimême à l’origine du choix des pièces et de leur installation dans le musée. Délicat enfin parce que l’artiste est disparu récemment et que l’on voudrait profiter de l’occasion pour lui rendre hommage. Mais frustrante néanmoins, parce que, naïvement peut-être, on s’attendait à plus, floué en partie par le communiqué de presse qui promettait une « occasion inédite en France de parcourir les trente dernières années de création » de l’artiste. Au lieu de quoi sont présentées six pièces, emblématiques sans doute, mais pas suffisamment pour rendre compte de l’œuvre d’un artiste à multiples facettes, passé par le land art, l’art conceptuel, le body art, décloisonnant les domaines de la sculpture, de l’installation, de la vidéo ou de la performance « déviant en permanence vers un chemin parallèle qui n’est jamais totalement identifiable 1 ». C’est à l’extérieur et dans le hall du musée que sont présentées les pièces les plus récentes. Leur monumentalité et leur touche décorative rappellent que l’artiste est devenu familier depuis quelques années de l’intervention dans l’espace public, témoignant entre autres de son intérêt pour l’architecture. Splash buildings (2010) reprend ainsi l’explosion causée par la chute de gouttes sur une surface plane,
créant « un bâtiment qui serait formé par le simple évènement d’une goutte d’eau, une gigantesque larme 2 ». À mille lieux de ses premiers travaux, ces constructions restent travaillées métaphoriquement par cette idée récurrente chez lui de la transformation et de l’indétermination. Mais les œuvres les plus saisissantes demeurent les trois pièces des années soixante-dix présentées à l’intérieur. Dans la salle principale du musée, Theme for a Major Hit (1974) déploie une vingtaine de pantins à l’effigie de l’artiste, affublés de petits smoking en feutre. L’activation d’une bande sonore les font se dégingander sur les paroles « it’s ain’t what you make, it’s what makes you do it » (ce n’est pas ce que tu fais, c’est ce qui te pousse à le faire). Ce refrain tout conceptuel, ce Major Hit, est ici tourné en dérision par la danse désarticulée des doubles de l’artiste. Teinté d’une étrange mélancolie, l’autoportrait du créateur en marionnettes nous ramène à une foule d’artistes plus récents, de Maurizio Cattelan à Pierre Huyghe en passant par Philippe Parreno. Plus loin, Aging (1974) clôture dramatiquement le parcours. Adossés au mur, une vingtaine de petits autoportraits, cette fois en cire, font face à une armée de lampes infrarouges. Lentement, les statuettes perdent leur forme et finissent par disparaître totalement. Là encore, l’ironie se mêle au tragique. [Paul Bernard] Alberto Fiz, « L’art en dehors de l’art » in Dennis Oppenheim, catalogue de l’exposition. 2 Dennis Oppenheim sur son site www.dennis-oppenheim.com 1
Art Keller, Champ social, 1992 – De la série : La chose, acrylique sur toile, 65 × 100 cm, coll. de l’IAC, Rhône Alpes. © André Morin
un projet de catalogue est même en cours. Au final, une exposition classique – on pourrait même dire académique – assez bien agencée, des œuvres hétéroclites, un certain nombres d’artistes reconnus, nés pour la plupart dans les années cinquante. Un exercice grandeur nature qui serait pourtant plus appréciable pour des étudiants en histoire de l’art que pour des étudiants en art. Son intérêt réside dans la mise en place d’un processus de professionnalisation incité par les nouvelles réformes des écoles d’art. L’étudiant doit désormais savoir écrire, monter une exposition, faire des dossiers, parler de son travail et du travail des autres car il y a ce chiffre problématique : seulement 10% d’entre eux deviennent artistes. La pratique est absolument nécessaire mais tend à ne plus être essentielle ou, en tout cas, elle paraît ne plus suffire. Le titre de l’exposition perd de son ironie. [Charlotte Poisson] Rémy Jacquier, “Papillonnages (Phosphènes, notules & linotes)” du 27 mai au 30 juil. 2011, Galerie Bernard Ceysson, Saint-Étienne.
© Rémy Jacquier
La série s’appelle Phosphènes, c’est le nom qu’on donne aux sensations lumineuses et colorées qui apparaissent, yeux clos. Sur un fond pigmenté recouvert de fusain, Rémy Jacquier lance une balle de tennis qui rebondit et enlève la poudre noire. L’effet est obtenu. Mais c’est un leurre. Le phosphène est un leurre, l’indice est de taille. Ses dessins, estampes, maquettes et instruments de musique provoquent généralement cet état de conscience flottant et salvateur car les outils habituels de la logique font faillite. Il y a butée. Non, il y a rebond. La surface s’anime mais la balle est une pierre qui est déjà au fond de l’eau. Enfouie. D’autres dessins
confirment que l’œuvre est aussi cérébrale que physique ; elle fait corps. Les causes, les effets, le mouvement, le mystère de ce qui nous meut. Et le langage ? Peut-être. L’écriture griffée, à rebours et incompréhensible de Rémy Jacquier nous indique clairement que rien n’est préhensible dans ce qu’il nous donne. Et c’est assurément la qualité de ce travail que de bien le faire. Surtout que tout ceci n’est que papillonnage. [Fabien Pinaroli] Fabrice Parizy, “Naufrage” du 10 au 26 juin 2011, L’Assaut de la menuiserie, Saint-Étienne.
© Sonia Barcet
Dès l’arrivée devant l’Assaut de la menuiserie, le bleu est présent. Un bleu piscine, vif et clair qui obstrue de moitié les fenêtres et la porte vitrée de la première salle d’exposition. On ne peut pas entrer et en collant le nez sur la vitre, on comprend que la pièce est comme inondée de bleu, remplie à moitié par des plaques de médium qui épousent les parois irrégulières du lieu. Un aquarium irrationnel, le plein créant du vide mais un vide consistant. Comme enfermé dehors, l’espace intérieur se fait ressentir plus intensément. À droite, une porte est ouverte et cette fois-ci la voie est libre mais non sans encombre. Des petits carrés de tasseaux de bois recouverts du même bleu, serrés les uns contre les autres, recouvrent le sol faisant ressortir ses imperfections. D’un pas peu assuré on traverse la vague qui déferle sur une autre pièce, une pièce vide. Ici, le sol est stable. Pourtant, une infime sensation de vertige nous atteint. À force d’observation, le jeu avec l’espace devient évident : le long des murs de la salle, l’artiste a posé en biais de fines cimaises, accroissant ainsi la vétusté du lieu, accélérant son effondrement. C’est un doux naufrage que nous propose Fabrice Parizy, un équilibre précaire de l’espace qui nous fait agréablement chavirer. [Charlotte Poisson] Cycle d’expositions “Entre autrefois et aujourd’hui”, Acte IV :“Une chambre à soi” du 11 fév. au 11 mars 2011, Le Polaris, Corbas. Ce n’est pas un hasard si le titre est emprunté au registre littéraire
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Frédéric Khodja, Géométrie écran, 2010.
de Virginia Woolf. La puissance de l’imaginaire est au centre de l’exposition proposée par Françoise Lonardoni. Sont données à voir dès l’entrée les célèbres prisons de Piranèse (1720-1778) et les estampes délirantes de Hans Vredeman de Vries (1526- 1609). C’est d’espaces mentaux qu’il s’agit plutôt que de ceux, plus cartésiens, de la géométrie ou de l’optique. Les photographies de maquettes de cellules pénitentiaires que Fabienne Ballandras crée d’après les descriptions des détenus font vaciller la frontière entre le réel et sa représentation, de même que le Lieu de l’Imaginaire de Lydia Solanna, soulignant la puissance d’évocation des bibliothèques, des miroirs et de certains paradoxes de langage. Les grandes toiles de Jérémy Liron figurent des immeubles en périphérie des villes ; la fluidité de la matière picturale et les espaces interstitiels qui débordent de ces blocs de béton se répondent. Enfin les apories, tant textuelles que spatiales, que Fabrice Khodja construit à partir de cartes postales anciennes retouchées, ont comme point commun avec les autres pièces de ne pas se contenter de la représentation d’un espace mental. Elles sont travaillées de l’intérieur et dans le processus de génération de l’image par une étrangeté qui nous projette à chaque fois vers un nouvel ailleurs. [Fabien Pinaroli] Yann Lévy, “Le plus faible état de cohésion” du 23 mars au 11 mai 2011, INSA, Hall d’exposition du Centre des Humanités, Lyon.
Yann Lévy, Pipe-rack, 2011, vue de l’exposition Le plus faible état de cohésion, INSA, Lyon, 2011. © Yann Lévy
L’exposition de Yann Lévy à l’INSA constitue une étape importante dans son processus de déploiement de la peinture en volume. En 2004, résident à Moly-Sabata, il aborde un sujet qui deviendra récurrent :
l’usine chimique comme paysage, puis il s’attaque à un site industriel grenoblois. De négociations en tâtonnements, se méfiant du beau et du tape-à-l’œil, il y réalise une centaine de dessins sur rhodoïd. Avec un système de cadrage bricolé, il se confronte physiquement au sujet et formalise son expérience du regard, une méthode évoquant l’impressionnisme et la performance. Ces dessins, qualifiés par l’artiste de « discontinus, stridents, éclatés, parfois tremblants, peureux, faibles, fragiles » deviennent les sources d’une recherche picturale prenant corps dans l’espace. À l’INSA, l’installation Pipe-rack (pont-tuyaux transportant produits et salariés) se compose de grandes plaques en plexiglas peint à hauteur de regard. En circulant dans le volume, on est saisi par la dynamique du dessin structuré par perspective et transparence, comme par la texture de la peinture renvoyée à sa nature chimique. L’usine y apparaît comme un organisme, avec ses flux énergétiques et humains. [Lélia Martin-Lirot] Damien Beguet et P. Nicolas Ledoux, “Ludovic Chemarin©” du 31 mars au 21 mai 2011 La BF15, Lyon.
Vue de l’exposition LUDOVIC CHEMARIN©. © La BF15, 2011
On considère généralement comme normal le fait que les œuvres arrivent sous nos yeux. Certains artistes comme Damien Beguet ou P. Nicolas Ledoux ont fait de leur recherche artistique un commentaire sur les pourtours du monde de l’art et les idéologies qui y circulent. Conçu de biais voire tordu, dans le sens où les deux artistes pourraient tordre le cou à une exposition, le contenu de Ludovic Chemarin© renvoie à ce qui n’est pas visible. L’artiste Ludovic Chemarin a arrêté sa production en 2005. La marque commerciale, créée et exploitée par les deux artistes avec son accord, leur permet d’exposer ses œuvres passées, d’en actualiser les modes de présentation, d’inventer des dessins préparatoires ou même de nouvelles œuvres sous son nom accolé du ©. Ces fictions et prospections a posteriori ont l’intérêt de poser, bien que cyniquement, de sérieuses questions sur des réalités qui restent taboues : l’abandon des artistes ainsi que le flou du cadre
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juridique qui a permis à ce projet de se concrétiser. [Fabien Pinaroli]
bâtiment de Mario Botta. Face à elle, un réveil, indiquant tour à tour des heures passées et futures, laisse surgir une nouvelle voix, au diapason de laquelle chaque œuvre semble devoir s’accorder, faisant de ce basculement aléatoire le dénominateur du travail exposé. [Franck Balland]
Commune, “Commune” du 18 mai au 4 juin 2011, Néon, Lyon.
© Xiao Zhang, Coastline No.2.
Commune, Sans titre (la nuit brûlera jusqu’à l’aube), techniques mixtes, 2011, vue d’exposition © Jean-Alain Corre / Néon 2011.
« Une commune, c’est ce qui se passe quand les êtres se trouvent, s’entendent et décident de cheminer ensemble. » Tirés du texte L’insurrection qui vient, rédigé par le comité invisible en 2007, ces mots accompagnent l’exposition Commune chez Néon comme une ligne manifeste servant la mise en œuvre du projet. Les musiciens et plasticiens qui y adhèrent sont dès lors réunis par cette dénomination aux contours larges, sous un anonymat qui semble signifier la rencontre d’individualités œuvrant à une entreprise collective. Si l’espace d’exposition est ici utilisé de manière à rendre compte de cette jonction, il atteste également d’une forme de débordement du champ quotidien dans l’espace normé de la galerie. Ainsi, la présentation d’un morceau de trottoir directement posé sur le parquet convoque un symbole urbain, sociétal, en même temps qu’il fait office de support scénique potentiel – à activer. Le chant des grillons, gardés à l’étage dans deux enclos aveugles, sortes de haut-parleurs perpétuellement branchés, devient quant à lui l’exemple d’une douce résistance à l’enfermement. Une parfaite incarnation de l’esprit de Commune, en somme. [Franck Balland] Alinka Echeverria et Xiao Zhang, Prix HSBC pour la Photographie du 18 mai au 23 juil. 2011, Galerie Le Réverbère, Lyon. La première vient du Mexique et nous dévoile une galerie de portraits de pèlerins se rendant à la basilique de la Guadalupe près de Mexico. Présentés systématiquement de dos sur un fond blanc, décontextualisés, tous portent de lourdes représentations de la Vierge qu’ils vont faire bénir, le corps parfois croulant sous le poids des icônes. Le second a sillonné les côtes chinoises et photographié ces nouveaux touristes, jouissant de vacances récemment acquises. Nous sommes très loin des images de cartes
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postales. Entre les détritus et l’absence de ciel bleu, le sable tente de trouver sa place face au béton. Le prix HSBC a cette année consacré deux jeunes talents qu’au-delà de l’origine tout semble opposer. L’une abolit toute profondeur et fait éclater ses couleurs, l’autre rend l’horizon omniprésent dans un univers saturé de grisaille. Ces deux regards saisissants parviennent, au moyen de scènes anecdotiques, à traiter des sujets sérieux qui s’étendent bien au-delà de leurs images. Mis côte à côte, ils nous montrent combien l’approche et le rendu documentaire ne sont pas uniformes mais bel et bien modelés par la subjectivité du photographe. [Aurélien Pelletier] Davide Bertocchi, “Apologie de l’aléatoire” du 21 mai au 2 juil. 2011, MLIS, Villeurbanne.
Samon Takahashi et Davide Bertocchi, Interstellar Static, 2010 ; Davide Bertocchi, Passato, Futuro, 2007. © Sarah Lowicki
Spécialiste du détournement d’objets usuels et adepte des croisements de formes culturelles, l’artiste italien Davide Bertocchi (né à Modène en 1969) investit les espaces de la MLIS à l’occasion d’une exposition qui apparaît, dès le départ, comme polyphonique. Polyphonique, car plusieurs voix en émergent et participent à dresser un portrait musical du milieu artistique : au rez-de-chaussée, avec Easy EveryDay (2006), un sound system coffré de plaques de marbre, posé au sol, que le visiteur peut librement faire résonner des titres de son choix ; au sous-sol, dans l’espace attenant à l’artothèque, avec les quatre volumes des morceaux favoris de 100 personnalités du monde de l’art (top 100, 2003-2009) à consulter. Enfin, une série de photographies des pièces de l’artiste Samon Takahashi occupe l’espace courbe du
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Raffaella Spagna & Andrea Caretto, “On ne peut pas descendre deux fois dans le même fleuve. De la Vallée de la Chimie au Port de Valence, une expérience artistique à l’échelle du paysage” du 21 mai au 13 juil. 2011, Centre Arts Plastiques de Saint-Fons.
Raffaella Spagna et Andrea Caretto, On ne peut pas descendre deux fois dans le même fleuve. [...], 2011, Le CAP, Saint-Fons. © Aurélie Leplatre
En partenariat avec art3 à Valence, le CAP de Saint-Fons présente une première restitution de la résidence des artistes italiens Raffaella Spagna & Andrea Caretto, partis à la découverte du Rhône depuis la Vallée de la Chimie jusqu’au port de Valence. Leur travail rappelle immanquablement leurs prédécesseurs de l’Arte Povera. D’abord dans l’usage de matériaux pauvres comme le polystyrène ou le plastique, à l’image de ce tas de « galets », simulacres saisissants, qui ne sont en fait que des déchets trouvés dans le fleuve, polis par l’eau et le temps. Cet humour discret est aussi présent dans ces sept questions posées au fleuve qui se voit personnifié, dont les réponses ont été à chaque fois modelées par une petite quantité de paraffine chaude versée dans ses eaux. Cette dimension de rituel panthéiste encourage au respect et à la bienveillance, car le constat est finalement très sérieux. Le Rhône se présente, pour la zone explorée, comme un fleuve qui a perdu sa nature à force d’interventions humaines, régulé par les écluses et l’industrie, souillé par les multiples déchets. Ce regard à quatre yeux parvient finalement à restituer toute la gravité d’une situation avec une agréable simplicité. [Aurélien Pelletier] Pierre Arnaud, Patrick Condouret, Fanny Melay, “Local Line 7” du 16 juin au 23 juil. 2011, Fondation Bullukian, Lyon, en partenariat avec le MAM de Saint-Étienne Métropole.
Installation in situ de Patrick Condouret, vue de l’exposition Local Line 7, Fondation Bullukian, 2011. © D.R.
Le Musée d’Art Moderne de SaintÉtienne Métropole et la Fondation Bullukian ont une volonté commune de valoriser la création émergente. C’est pourquoi le Musée a été invité à exporter la 7e édition de son programme Local Line dédié à des artistes stéphanois. Pierre Arnaud emprunte l’esthétique du dessin technique et de la cartographie pour représenter des architectures utopiques ou des territoires fantasmés. Entre la forme familière et séduisante de ses dessins et leur fond échappant au rationnel, se découvre une épaisseur critique où s’insinuent de multiples références. Par la photographie, Fanny Melay prélève des formes issues d’espaces urbains et de paysages, dont elle restitue la plasticité en volume. « Atterries » dans le jardin, les sculptures de la série Chute apparaissent comme des fragments de bâtiments rescapés d’une catastrophe, renvoyant avec force aux mutations de nos environnements. Quant à Patrick Condouret, c’est avec la ligne qu’il investit l’espace du dessin ou du lieu d’exposition. Contre un mur, il greffe un enchevêtrement de fils colorés, toile complexe et organique qui révèle et parasite son support. Trois démarches d’artistes singulières mais articulées autour d’un questionnement subtil de l’espace, de la matière et de l’architecture. [Lélia Martin-Lirot] Festival “extra-11” du 12 au 28 mai 2011, Annecy-Genève.
Loredreamsong, création danse de Latifa Laâbissi avec Latifa Laâbissi et Sophiatou Kossoko.
Coups d’éclat au festival Extra avec les nouvelles créations de Kettly Noël, Oskar Gómez Mata et Latifa Laâbissi. Je m’appelle Fanta Kaba sonde les rapports entre la femme et les fantasmes qu’elle suscite : en Afrique, la nuit, dans un antre,
une femme qui d’ange blanc se mue en déesse noire. Sur le plateau, un miroir qui reflète la salle et la séductrice qui s’effeuille et naît au monde. Bouleversant ! Avec Suis à la messe, reviens de suite nous allons vivre notre moment historique, ressentir la vibration qui nous unit tous, faire face à la menace des machines. Est-on atteint d’un Parkinson ou assis sur des vibromasseurs ? Oskar Gómez Mata prend soin de la santé de notre âme en prêtre jubilatoire. Bal de fantômes et black face, Loredreamsong ouvre la chasse au racisme. Grimées en esprits frappeurs, Latifa Laâbissi et Sophiatou Kossoko jouent à être vues comme elles le sont, une Arabe et une Noire. Elles traquent la blague raciale dans la rue, tirent à la mitraillette sur notre hypocrisie. Un duo sauvage à l’ironie assassine. [Carine Bel] Paul Rebeyrolle du 9 juil. au 6 nov. 2011, Fondation pour l’art contemporain Claudine et Jean-Marc Salomon, Alex.
La stèle, 1994. Photo : Carine Bel
La fondation Salomon fête ses dix ans avec une exposition Paul Rebeyrolle. « Hommage à la peinture dans un pays où les institutions continuent à la bouder ! » observe Jean-Marc Salomon, qui a montré son engagement auprès des jeunes peintres dans Génération 70 ou Collection 3. Ni rétrospective, ni manifeste, l’accrochage propose un parcours thématique autour de la nature, l’homme et la société à partir d’une sélection de tableaux peints entre 1957 et 2004. Il réserve des rencontres saisissantes avec La pluie et le beau temps, Le sac de Mme Tellikdjian, Le Petit Commerce ou La stèle. L’œuvre habite le château incitant à une appréhension intime de cet artiste surnommé le sanglier, qui trempe son pinceau dans les entrailles de la vie sans aucune retenue. La peinture de Rebeyrolle touche, dévore, rugit. Ses sculptures pétrissent la terre, malaxent le bronze faisant surgir des figures comme autant de visions. On pourrait être devant des Goya, on pense à Bacon et à Dubuffet. Le langage est radicalement singulier, sa force de résistance implacable, sa puissance volcanique. [Carine Bel]
Opalka, “le vertige de l’infini” du 2 juil. au 2 oct. 2011, Chapelle de la Visitation – espace d’art contemporain, Galerie de l’Étrave – espace Maurice Novarina, Thonon-les-Bains.
— VOISINS — Iain Baxter&, “Walking, Driving, Wandering (une pratique de la photographie)” du 18 mars au 15 mai 2011, Centre de la Photographie, Genève.
Iain Baxter& and Louise Chance Baxter, One Canada Video, 1992. © Renaud Marchand, courtesy Centre de la photo, Genève
OPALKA 1965/1-∞ Détail 5346904 5360271, acrylique sur toile, 196 x 135 cm, collection Claudine et Jean-Marc Salomon. Photo : Carine Bel
Regard inédit sur l’œuvre d’Opalka à l’occasion des quatre-vingts ans de l’artiste, Le vertige de l’infini découvre une série de gravures préfigurant la démarche radicale du « programme » et des travaux de jeunesse, pour la plupart jamais présentés en France. Quel processus de création l’a conduit à l’élaboration de son célèbre programme de figuration du temps ? « Je voulais témoigner du temps à la manière d’un sablier » répond Opalka. L’exposition dresse un état des formes et protocoles de travail. À la Chapelle, le site et l’œuvre se répondent offrant un espace de méditation absolu. Nous sommes accueillis par une toile blanche accrochée au mur du chœur. Un banc invite à s’asseoir devant l’installation de cette pièce récente d’Opalka, 1965/1-∞. Une bande sonore diffuse la voix de l’artiste énonçant en polonais les nombres au fur et à mesure qu’il les peint. Sur chaque côté, une série d’autoportraits marque l’écoulement du temps sur le visage de l’artiste. Le triptyque son, photo et peinture construit un instrument de mesure de l’écoulement du temps, universel et littéralement sensuel. Mis en œuvre, le concept est pure plastique, cycle, rythme. Les traits s’affirment, creusant des sillons dans le visage de l’être, alors même que la présence s’efface dans des chiffres peints en blanc sur un fond de plus en plus blanc, pour ne plus être que diffusée par la voix. De part et d’autre de la nef, une série de huit gravures à l’eau-forte sur papier déroulent la Description du monde réalisée de 1968 à 1970, deux photogravures
COMPTES RENDUS
célèbrent les cinquante ans de la révolution bolchevique et toujours un même protocole de travail. Un mouvement concentrique surgit d’une répétition de figures : petites silhouettes humaines, oiseaux en vol ou éléments architecturaux d’un temple. Dans cette répétition à l’identique, parfaitement ordonnée, la figure s’efface et devient calligraphie, le motif signe et le signe mouvement. Chaque élément est si concentré qu’il change d’état sur le modèle de la physique des corps. Les couleurs s’étendent en camaïeux et la construction implacable échappe à l’image pour ne plus être qu’énergie. La galerie de l’Étrave présente des pièces datées de 1949 à 1964 : études du mouvement, portrait, croquis du corps ou d’éléments du paysage et une série étonnamment gestuelle, Fonemat. Des dessins aux gouaches, des études aux œuvres, on retrouve tous les éléments annonciateurs du programme : une construction implacable et toujours une distance, pas d’intimité avec le modèle mais une sorte d’anonymat abstrait qui se dégage des visages ou des corps comme si l’artiste prélevait dans chaque personne un détail de l’humanité. Il est question du nombre, de la juxtaposition des individus et de leur ordonnancement dans le monde. De La lutte finale au Programme, Opalka ne cesse de capter les résonances d’une drôle de foule : l’humanité. Il en prend la mesure avec le corps qui peint le tableau, sous l’exigence obsessionnelle d’un rituel, celui d’une communion enivrante avec le temps. Un moment de sublime ! [Carine Bel]
Aimant cadrer tout et n’importe quoi, Iain Baxter& utilise la photographie, cet art moyen. Il partage un état d’esprit désinvolte avec le théoricien de la communication McLuhan pour qui le contenu d’un message n’existe jamais indépendamment du médium qui lui fournit un contexte, une forme et le fait circuler d’une certaine manière : « le médium, c’est le message ». Baxter& a en effet créé très tôt par télex, sérigraphie, lightbox ou Polaroïd. Sous le commissariat de Christophe Domino l’exposition met en avant cet aspect ainsi que son esthétique expansive du paysage. Elle en actualise les enjeux avec l’installation One Canada Video, projection sur pare-brise d’une traversée du Canada en voiture de cent dix heures. Si l’artiste cadre, il aime surtout décadrer : paysages, natures mortes, corps et langage. Pour People/Language Project, des personnes répondant aux noms de Miss Blue, Mr. Rice, Miss Grey, Mr. Stone posent pour une photographie titrée morte : Riz bleu, pierre grise. La coloration conceptuelle du travail de Baxter& est également pointée avec, entre autres, le Portfolio of Piles de 1968 qui utilise le principe documentaire et sériel du photoconceptualisme. Mais l’objectif devient malicieux, montrant tant de tas divers, il met en lumière la faculté de l’homme à tout empiler : ses déchets, ses voitures, ses beignets et ses congénères. [Fabien Pinaroli] Alexis Guillier, “Reworks” du 26 mai au 25 juin 2011, Piano Nobile, Genève. Reworks est une collection d’images de destructions de sculptures ou d’œuvres d’art. Pour l’alimenter, Alexis Guillier puise dans des registres et des histoires d’une grande variété. On y croise donc autant
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Cosima von Bonin, “Cosima von Bonin’s Zermatt ! Zermatt ! Z...ermattet ! For Mamco’s Sloth Section, Loop # 03 of the Lazy Susan Series, a Rotating Exhibition 2010-2011” du 8 juin au 18 sept. 2011, Mamco, Genève.
Alexis Guillier, Reworks, Piano Nobile, Genève. © Alexis Guillier
des photographies d’actes révolutionnaires que des images de catastrophes ou des mises en scène cinématographiques de vandalisme. Cet ensemble de gestes à la charge symbolique forte mais aux significations aussi variées que le sont leur contexte d’apparition, est présenté sur un ou plusieurs moniteurs. Les images s’y succèdent par typologies de gestes – écroulement, cisaillement, déboulonnage, etc – ce qui contribue à les laver de toute possibilité d’en approcher les particularités contextuelles. Entre l’image de la destruction de la statue de la Liberté par une tempête inventée à Hollywood et celle du démembrement d’une sculpture d’un chef d’état représenté le bras levé, les postures sont les mêmes. Ainsi, les différences s’estompent. Car les rapprochements qui se font par type d’action ou de composition offrent la prédominance à la représentation au détriment de ce qui est représenté. C’est donc d’images dont il est question ici et bien moins de faits : avec ses images de destructions, Alexis Guillier réalise à proprement parler un démontage qui, en les extrayant de leur contexte d’apparition, fait d’elles des signes vides, redoublant, par le traitement qui leur est accordé, la déconstruction des symboles qu’elles représentent. [François Aubart] Aurélie Pétrel et Laurent Proux du 30 avril au 5 mai 2011, LIA-Leipziger Internationales Atelierprogramm, Baumwollespinnerei Leipzig, Allemagne.
Vue d’exposition à la LIA, atelier L. Proux, Spring Spinnerei Rundgang 2011, Leipzig
C’est au printemps dernier, dans le cadre du 30e anniversaire du jumelage entre Leipzig et Lyon, que la plateforme LIA accueillait en résidence Aurélie Pétrel et Laurent Proux, artistes tous deux diplômés de l’Ensba
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Cosima von Bonin, 2010, TOTAL PRODUCE (MORALITY), & PRIVATO. Photo : Ilmari Kalkkinen – Mamco, Genève © 2011, Galerie Daniel Buchholz, Cologne/Berlin
À bien des égards, la visite de cette exposition s’apparente à une sortie dans un centre commercial, un parc d’attractions ou tout autre lieu de divertissement. La presque totalité de l’étage consacré par le Mamco à Cosima von Bonin est envahie de personnages de cartoons en peluche de tailles diverses ou apparaissant comme des motifs sur de grands tissus. Ils sont accompagnés d’une bande sonore de techno minimale composée par Moritz von Oswald. À certains endroits sont diffusés des films de Frances Scholz, invitée pour l’occasion, ou de Georges Romero et Jacques Tati, conviés dans une installation. Enfin, on en repartira avec entre les mains un livret contenant deux textes : une discussion entre Cosima von Bonin et Daffy Duck écrite par Dirk von Lowtzow et un épisode d’une épopée nommée Starlite que l’on doit à Mark von Schlegell. Évidemment, les références convoquées, la multiplicité des médias exploités et la diversité des collaborations nous plongent directement dans l’industrie des rêves autant pour son contenu édulcoré que pour son organisation collective. S’en dégage une sorte de jubilation quelque peu régressive, le spectacle et ses composants étant évoqués sur un mode ludique et décomplexé. Les sympathiques animaux colorés s’adonnent à des activités infantilisantes dans un environnement onirique, mais, au-delà de leurs
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Lyon. Un échange qui fait suite à des années de collaboration culturelle entre les deux villes et leurs écoles en particulier. Deux mois dans un atelier spacieux ainsi qu’une bourse de production ont permis aux résidents de développer un travail conséquent : Laurent Proux a réalisé une dizaine de peintures et de dessins, quant à Aurélie Pétrel, elle a pu finaliser une série de photographies ainsi qu’un projet de maquette ensuite présenté au Palais de Tokyo. L’interaction avec d’autres artistes internationaux autant que la confrontation de leurs œuvres à un autre contexte artistique ont été les atouts majeurs de ce programme. « Avec des artistes comme Neo Rauch, la scène picturale leipzigoise a gagné une renommée internationale. Cela a été une occasion pour moi de confronter ma pratique à cette scène bien qu’elle soit très hétérogène » confie Laurent Proux. Une expérience qu’ils prolongeront finalement par un nouveau séjour de travail dans l’ex-ville de RDA. [Estelle Nabeyrat]
LECTURES apparences, il semble surtout que ce soit, là encore, leur mode de production qui est souligné – ainsi, les patchworks de tissu sur lesquels les silhouettes de Daffy Duck ou d’autres figures de Walt Disney expriment avec fierté leur matérialité. Ces personnages, normalement produits industriellement comme si aucune main ne les avait façonnés, s’étalent ici sur un matériau qui ne cache pas son mode de fabrication. Les agencements de tissus aux motifs variés sont émaillés de dessins faits de fil à coudre laissant négligemment certains d’entre-eux pendre sur leur surface. Comme les câbles d’alimentation des enceintes qui diffusent la musique, laissés ostensiblement visibles, ils disent leur nature de production. C’est probablement en ce sens qu’il faut voir la référence à Tati et Romero, tous deux ayant exploré les manifestations d’une société de loisirs dans une posture instable, entre fascination et déconstruction. Car, si cette exposition de Cosima von Bonin est une balade dans l’univers du divertissement, son ton jovial reste le même lorsque l’on passe derrière le décor. On pourrait ainsi y lire une sorte de posture fataliste vis-à-vis de toute tentative de se positionner face à la culture de masse, une position qui malgré toute volonté de déconstruction se trouve indexée à l’environnement qu’elle veut démystifier. [François Aubart]
Dominique Ghesquière éd. FRAC Bourgogne, Dijon, 2011, bilingue.
L’entretien entre Dominique Ghesquière et Frédéric Oyharçabal résonne avec une étonnante justesse dans les œuvres reproduites pour cette monographie éditée par le FRAC Bourgogne. Comme en retrait et bien que faite de détours, la parole répond exactement à la perception insolite du travail. Précise et flottante, l’artiste dévoile une pensée qui ne cherche pas à prouver la justesse de ses actes plastiques, mais à se tenir aux aguets de la vie comme on se tient à l’écoute de son interlocuteur ou au fil de l’eau pour en relever une onde singulière : « J’ai conscience d’une vraie lenteur à la fois dans ma vie et dans mon travail. Je ressens le temps d’élaboration puisque je fabrique des objets et je ne les comprends que longtemps après ». L’un des deux auteurs, Philippe Pirotte ne s’y trompe pas en parlant d’opacité à propos de ces « choses » (canapé, lustre, pneu…) qui perdent leur signification, ou d’un certain mutisme
comme « l’écho d’un no man’s land ou même d’un désert discursif. » Les références citées dans l’entretien de Dominique Ghesquière sont pourtant nombreuses (littéraire, picturale, historique) mais elle montre une attention particulière à les déployer hors d’elles-mêmes. Marie de Brugerolle commettra d’autres références, afin de démontrer que le trouble et la fragilité de l’œuvre sont stratèges du visible et suspension du réel. [Corinne Rondeau] Captures éditions 1 rue Gutenberg, Valence.
Projet de couverture de Wild cube, Lois Weinberger. Sortie prévue à l’automne 2011.
Captures est une maison d’édition fondée en 2008 par Valérie Cudel. Renouant et rejouant avec la notion de livre d’art, chaque projet éditorial est spécifique. La forme du livre est l’aboutissement d’une réflexion entre artiste, graphiste et éditrice. Le livre, en tant qu’œuvre, devient un lieu à part entière où se développe la pensée de l’artiste. Deux collections structurent Captures : Livres d’artistes où figurent William Kentridge, Matt Mullican, Jessica Stockholder et les publications en projet de Lois Weinberger et de Francesc Ruiz ; et Braconnage, qui présente le livre comme un lieu de débat autour d’une œuvre ayant fait l’objet d’une commande ou d’une démarche collective. Après Monument d’images d’Alain Bernardini, se prépare Enquête sur le nôtre / dehors, Valence-le-Haut d’Alejandra Riera. Captures est diffusée en librairies spécialisées (Descours à Lyon, Le Magasin à Grenoble…) ou sur le net (Printedmatter, Florence Loewy…). [Pascal Thevenet] “Fabricateurs d’espaces” éd. Les presses du réel, Collection IAC, Dijon, 2011, bilingue. Un catalogue paru en 2011 pour une exposition de 2008, on serait tenté de dire : « ce n’est pas trop tôt ! » Or il est parfois nécessaire d’oublier le temps de l’exposition pour retrouver sous d’autres cieux les œuvres. Quatre auteurs se donnent la tâche de clarifier les procédures et la ligne de partage entre les différentes conceptions de l’espace. Deux textes ouvrent la voie conceptuelle. Celui de l’incontournable Michel Gauthier
qui démontre avec beaucoup de finesse deux types de mise en espace : « l’œuvre située » et « l’œuvre spacieuse ». Et celui d’Anne Bonnin qui travaille le mot de « fabricateur » afin de réélaborer la manière d’arracher le site de l’œuvre au white cube et de constituer l’espace réel de l’art. Deux autres textes de Nadine Descendre et Jean-Louis Poitevin, plus satellitaires, convoquent la notion d’espace comme le trouble perceptif qui conduit l’art à dessiner l’utopie d’un cosmos selon l’hypothèse d’un nouvel ordre du monde et à quitter la perception pour le « percept » pur. Si l’exercice est louable parce qu’il prend le risque de déplacements (entropie physique et philosophie), notons que la volonté d’ouvrir l’espace de réflexion – à l’image de la réception de l’exposition – expose les textes à des flottements. Mais peut-être faut-il les prendre comme la possibilité de faire rayonner l’espace au-delà des œuvres elles-mêmes. [Corinne Rondeau] Matt Mullican, “Notating the Cosmology 1973-2008” Valence, Captures Éditions, 2009. et “12 by 2.” éd. Les presses du réel, Collection IAC, 2011.
[à gauche] © Matt Mullican, Captures éditions, 2009. [à droite] Matt Mullican, 12 by 2, Les presses du réel, collection IAC, 2011.
Selon Lévi-Strauss, les civilisations premières ont beaucoup plus de facilité à imaginer le monde qu’à l’analyser. Les société modernes ont le problème inverse. Matt Mullican, lui, n’a pas de problème. Dans Notating the Cosmology 19732008, livre d’artiste, son univers, ses pensées, dessins et notes de travail sont classés, redessinés et agencés de manière à créer une déambulation mentale autant qu’une analyse. Anges et Démons, Destin et Mort, Enfer et Paradis sont personnifiés et créent une métaphysique
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contemporaine. Cet imaginaire taxinomisé livre au passage les grandes étapes de l’évolution de son travail. Dans le catalogue de l’exposition Matt Mullican 12 by 2 (été 2010 à l’Institut d’Art Contemporain de Villeurbanne), la volonté de l’artiste qu’une fusion se fasse entre ses deux protocoles d’exploration du monde est également centrale. Les pictogrammes de sa cosmologie monumentale et les performances sous hypnose qui sondent la subjectivité et l’inconscient – deux investigations, deux manières de créer et de visiter des mondes parallèles – se trouvent unifiés dans le livre. Sont abordés entre autres le personnage imaginaire Glen, l’angle anthropologique incontournable, le rapport de Mullican à la vie et à la mort et son goût pour la collection. [Fabien Pinaroli] “Tout le gentil garçon” éd. Les Requins Marteaux, Bordeaux, 2011.
En partenariat avec ZéroQuatre
© Véronique Ellena
Prix Bullukian Alors qu’elle accueille à nouveau un pan de la Biennale de Lyon, la Fondation Bullukian confirme sa position en faveur de la scène artistique contemporaine en relançant son prix d’aide à la création initié en 2007. Décernée par un jury de professionnels, cette aide à la production est assortie d’une édition et d’une exposition aux Échanges Culturels Bullukian fin 2012. Informations : www.bullukian.com Date limite de rendu des dossiers : 15 décembre 2011
Une balle de ping-pong en guise de globe terrestre sur la couverture, on ouvre au hasard : page 63, la frise des grandes périodes de l’histoire retrace le parcours du gentil garçon, né le 1er novembre 1998, passé par un âge pneumatique, un âge chaotique, un moment de doute pour finalement rentrer depuis 2010 dans une période ironique. Conçu par Olivier Huz, Ariane Bosshard et Julien Amouroux, Tout Le Gentil Garçon est un catalogue raisonné déguisé en encyclopédie. 122 articles bilingues, 78 planches couleurs, 10 cartes et diagrammes : tout, absolument tout des activités de l’artiste-super héros y est scrupuleusement inventorié, classé, comparé avec une exhaustivité confinant à l’absurde. Neuf pages sont ainsi nécessaires pour recenser l’intégralité des 1989 flocons du Triomphe de la neige (2009). Beaucoup de dérision évidemment mais l’ouvrage ne se réduit pas à une simple parodie : la minutie de la conception graphique, la qualité des articles, le soin apporté aux illustrations et aux enluminures en font une œuvre à part entière. On vagabonde d’une entrée à une autre pour finalement se perdre avec un plaisir jubilatoire. [Paul Bernard]
© Max Tomasinelli, 2010
ARTISSIMA 18, foire internationale d’art contemporain, du 4 au 6 novembre 2011, Oval, Lingotto Fiere, Turin Artissima souhaite s’affirmer comme un observatoire des modes de production, d’interprétation et de diffusion de l’art contemporain. La foire turinoise déploie cette année à travers la ville, son exploration débutée en 2010 avec la « Maison des contaminations » au cœur de l’Oval qui accueille les 160 galeries de cette 18e édition.
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Joachim Koester, Variations of incomplete open cubes, ���� © Joachim Koester
JOACHIM KOESTER �� DÉCEMBRE ���� � �� FÉVRIER ����
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Simon de Saint Martin Au rève bleu Exposition du 15 octobre au 23 décembre 2011
Vernissage le vendredi 14 octobre à partir de 18h30 Conférence présentée par Solenne Livolsi le jeudi 24 novembre à 19h
Espace arts plastiques Maison du Peuple 12, rue Eugène-Peloux 69200 Vénissieux Métro ligne D Gare de Vénissieux Ligne 12 Les Marronniers Ouvert du mercredi au samedi de 14h30 à 18h + 33 (0)4 72 21 44 44 artsplastiques@ ville-venissieux.fr adele : www.adele-lyon.fr
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Ivan Argote - Marcela Armas - Sebastian Díaz Morales Carlos Garaicoa - Monica Heller - Juliana Iriart Aníbal Parada - Amalia Pica - Wilfredo Prieto Judi Werthein - Lorena Zilleruelo
15.09.11 > 05.02.12 vernissage 16.09.11 - 18h30 Fort du Bruissin - Centre d’art contemporain Francheville (Grand Lyon)
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licences : 1 1024085 - 2 144651 - 3 144652 / photo : collection particulière / Š graphica.fr
LE PALAIS DU TRAVAIL
EXPOSITION AU RIZE
DU 20 OCTOBRE 2011 AU 25 FÉVRIER 2012 TÉL 04 37 57 17 17 LERIZE.VILLEURBANNE.FR ACCĂˆS 23-25 rue Valentin-HaĂźy 69100 Villeurbanne bus C3, C11, C26 mĂŠtro Gratte-ciel tram T3 mĂŠmoires, cultures, ĂŠchanges
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LES 25 ANS DU CAP SEPTEMBRE – DÉCEMBRE 2011
Focus de la Biennale de Lyon
PIERRE-OLIVIER ARNAUD SARAH TRITZ 2 EXPOSITIONS DE L’ARTOTHÈQUE
HISTOIRES SANS PAROLES ( Médiathèque de Feyzin )
ENVERS L’ENDROIT : L’ESPACE URBAIN À L’ÉPREUVE DE L’ART ( Musée Urbain Tony Garnier ) Centre d’arts plastiques 04 72 09 20 27 www.saint-fons.fr www.adele-lyon.fr
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Melik Ohanian, DAYS, I See what I Saw and what I will See, 2011. Document de tournage. Š Melik Ohanian