04 n°10

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REVUE SEMESTRIELLE D’ART CONTEMPORAIN EN RHÔNE-ALPES

SOMMAIRE

DOSSIER : Édition

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ESSAI Vers une redéfinition de l’écriture et de son accessibilité. The Serving Library, Active Archives, Heath par Camille Pageard

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ŒUVRE La vie fabuleuse de Jackson di Matteo par Françoise Lonardoni

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RENCONTRE B42 et Éditions deux-cent-cinq : deux aventures éditoriales par Gilles Rouffineau

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TERRITOIRE Publions les artistes. Dispositifs éditoriaux pour la scène artistique en Rhône-Alpes par Carine Bel

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AIR DU TEMPS Le pays où la vie n’est pas chère par Cyrille Martinez

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COMPTES RENDUS Lectures & expositions

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INSERT par l’École supérieure d’art de l’agglomération d’Annecy

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N 10 Printemps 2012

PORTRAIT Une possible cartographie du réel : Notes sur le travail d’édition et de publication de Ludovic Burel par Mathieu Copeland

Gratuit


ZÉROQUATRE N  10 Printemps 2012 Édition Association Zéro4 Rédactrice en chef  Florence Meyssonnier Comité de rédaction François Aubart, Carine Bel, Nicolas Garait, Fabien Pinaroli, Corinne Rondeau, Pascal Thevenet. Ont collaboré à ce numéro Franck Balland, Carine Bel, Paul Bernard, Michel Bonnot, Mathieu Copeland, Caroline Engel, Françoise Lonardoni, Cyrille Martinez, Florence Meyssonnier, Isabelle Moisy, Estelle Nabeyrat, Éléonore Pano-Zavaroni, Camille Pageard, Aurélien Pelletier, Gwilherm Perthuis, Fabien Pinaroli, Joël Riff, Pascale Riou, Gilles Rouffineau, Pascal Thevenet.

Comité partenaires de ZéroQuatre Musée d’art moderne de Saint-Étienne Métropole ; Cité du design – École supérieure d’art et design, Saint-Étienne ; École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon ; École supérieure d’art et design Grenoble – Valence ; Institut d’art contemporain, Villeurbanne / Rhône-Alpes ; Fondation Léa et Napoléon Bullukian, Lyon ; Fondation pour l’art contemporain Claudine et Jean-Marc Salomon, Alex ; École supérieure d’art de l’agglomération d’Annecy.

ZéroQuatre bénéficie du soutien de la Région Rhône-Alpes.

redaction.zeroquatre@gmail.com www.zeroquatre.fr Graphisme Aurore Chassé www.aurorechasse.com Typographies DIN & Goudy Old Style Impression Imprimerie de Champagne, Langres Relecture Aude Launay & MP Launay Association Zéro4 Président : Emmanuel Tibloux Trésorier : Stéphane Sauzedde Secrétaire : Isabelle Bertolotti 8 bis quai Saint-Vincent 69001 Lyon ZéroQuatre est un supplément à 02 Nº 61, édité par Zoo Galerie, 4 rue de la Distillerie, 44000 Nantes www.zerodeux.fr Directeur de la publication Patrice Joly Retrouvez la revue téléchargeable en ligne www.zeroquatre.fr

Pour recevoir ZéroQuatre chez vous, merci d’envoyer vos coordonnées complètes (nom, prénom, adresse, téléphone et email) et votre règlement par chèque à l’ordre de l’association Zéro4 et à l’adresse : ZéroQuatre – 8 bis, quai Saint-Vincent – 69001 Lyon


Ludovic Burel & Regular, A Girl and a Machine, sérigraphie, 180 × 120 cm, artconnexion, 2001.

PORTRAIT

Une possible cartographie du réel PAR Mathieu Copeland

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Une possible cartographie du réel : notes sur le travail d’édition et de publication de Ludovic Burel par Mathieu Copeland

Ludovic Burel, Waterfall, it: éditions, design : Regular, 1ère de couv., 2008.

Ludovic Burel, Lobster, it: éditions, design : Regular, 4e de couv., 2009.

Ludovic Burel, Fist, it: éditions, design : Regular, 4e de couv., 2009.

Né en 1968 à Lille et établi à Grenoble où il enseigne à l’école des beaux-arts depuis une dizaine d’années, l’artiste, éditeur, curateur et philosophe de formation Ludovic Burel propose une véritable réflexion sur la possibilité du livre et son corollaire à l’exposition (le catalogue) – une approche qui pourrait de prime abord sembler évidente mais qui se révèle surtout très vite nécessaire. De fait, en dépassant les cadres établis d’un système qui tend si souvent à simplement se répéter, Burel cherche à travers son art et son travail éditorial à mettre en œuvre une pensée différenciée, en marge des procédés d’édition mainstream. Dans un environnement économique en surproduction constante dans lequel le non-viable est le plus souvent rejeté à la marge (faire trop de livres que personne n’achète), la production d’une

pensée par définition non rentable est définitivement salutaire dans sa possibilité de générer des propositions uniques, loin d’un diktat économique qui forcerait à la rentabilité, et donc un possible nivellement pour rencontrer un public pouvant justifier une publication et toute l’économie que celle-ci met en œuvre. Une pensée que Ludovic Burel, à travers périodiques et publications, allie à une notion personnelle de l’archive (de sa conservation à sa reproduction), à une compréhension élargie de la possibilité même d’une partition, ainsi qu’à la question de l’exposition et de son histoire.

Godard ou de Corman et des cadrages qui ressemblent à des œuvres de Rothko ou El Lissitzky. Véritable réflexion accumulative sur l’industrie du cinéma et la brutalité du changement, Standard Gauge est aussi, métaphoriquement parlant, une autobiographie partielle de Fisher lui-même. Si Ludovic Burel a longtemps pensé en termes de sampling, nous préférons envisager son approche à travers le concept de « uncreative writing » tel que défini par le poète (et concepteur d’UbuWeb) Kenneth Goldsmith : « L’objet de ce projet est d’être le moins créatif possible »1. Au travers d’un travail important d’accumulation, l’archivage de Burel nous permet une pensée sur la consommation constante d’objets virtuels (textes, images, sons…) dont nous faisons quotidiennement l’expérience. Poursuivant ainsi ce que Goldsmith

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PORTRAIT

La reproduction et l’archive Dans Standard Gauge (1984), Morgan Fischer combine un found-footage de film institutionnel à des épisodes de séries télé oubliées, des extraits de

Une possible cartographie du réel PAR Mathieu Copeland


envisage pour ce qui est de l’écrit, nous nous « confrontons à une masse de texte disponible sans précédent : l’écriture se doit de se redéfinir et de s’adapter à ce nouvel environnement d’abondance textuelle ». Avec l’outil « copier / coller », méthode dérivant de l’informatique, Burel trouve la possibilité de travailler, de soustraire et de soumettre une base de données pour la création de ses projets éditoriaux. Proche, d’un point de vue méthodo­ logique, de la série d’ouvrages initiée en 1995 par Maurizio Cattelan, Paola Manfrin & Dominique Gonzalez Foerster, Permanent Food, un digest de magazines du monde entier où sont compilées des images publiées dans divers magazines, sans références ni principe d’organisation apparent, Burel travaille ainsi l’accumulation d’images par le mot. Ou, comme le souligne l’artiste en jouant de la fameuse phrase de Marcel Broodthaers : peu de mots, mais des mots (clés) qui se doivent d’être choisis, puis justifiés (au sens graphique) – ou le choix des mots à défaut des images que ceux-ci génèrent. Ainsi, de cette série « Partially un-edited » (une expression en écho au travail « Strictly_unedited by the Publisher » de Christophe Boutin et OneStarPress), Page Sucker (suceur de pages) pourrait bien être le projet emblématique de cette approche. Réalisé en 2002, ce projet, qui tire son nom d’un logiciel aspirateur de sites Internet, regroupe deux cent huit photographies de crânes. De ce projet nominaliste, qui n’est pas sans nous faire penser à la série d’œuvres fondamentales et onomastiques de Jérôme Bel 2, découlent Another Picture of Me as Dracula, soit deux cent quatre-vingthuit photographies de divers soi ; Waterfall, seize images photographiques de chutes d’eau ; Lobster, seize images de homards ; ou encore Fist, seize photographies de poings fermés ! L’archive comme partition Dans son article « Par-delà le bien et le mal de l’archive », Ludovic Burel insiste sur le fait que si « un mot est susceptible d’embrasser toute (sa)

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b.

c.

d.

a. Ludovic Burel & Regular, Page Sucker n°1 – Skull, it: éditions, 1ère de couv., 2002. b. Philippe Artières & Ludovic Burel, Archives du biopouvoir, Marseille 18e-20e siècles, it: éditions et Archives départementales des Bouches-du-Rhône, design : Sara Dabbagh, p. 31, 2011. c. Ludovic Burel, Purely Diagrammatic – Other Visible Things on Paper not Necessarily Meant to Be Viewed as Dance Scores, it: éditions, design : Thomas Berthou & Sara Dabbagh, p. 103, 2011. d. Ludovic Burel, Another Picture of Me as Dracula, it: éditions, design : Mathieu Mermillon & Regular, p. 3, 2007.

pratique artistique, c’est probablement celui d’“archive” », et que « l’archive est ce “dehors, ce déjà-là” qui ne demande qu’à être interprété, au sens herméneu­tique aussi bien que performatif du terme »3. À travers deux projets d’éditions et d’expositions – et leurs liens les plus ténus –, Purely Diagrammatic 1 – Other Visible Things

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on Paper not Necessarily Meant to Be Viewed as Dance Scores (2011) et Celebration of the Body (Purement schématique 2) (2012), Burel se propose d’envisager ce qui reste d’une exposition une fois que celle-ci a achevé son cours et se trouve cristallisée dans son catalogue, et comment il est possible d’envisager le passé et l’archive

Une possible cartographie du réel PAR Mathieu Copeland

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comme une partition à suivre pour générer de nouvelles réalités. Comme je l’écrivais dans le prologue de « Reprise », une série d’expositions que j’ai initiée en mai 2010, l’exposition qui « fut » est également un matériau – égal à tout autre – et comme tel peut être repris des semaines, des mois ou des années plus tard, et dans différents contextes. Un catalogue met généralement à disposition les détails des travaux qui ont été inclus dans une exposition. Il « reproduit » les images des objets qui ont fait ce qu’elle est et / ou des vues de l’exposition elle-même. Les catalogues, dans le meilleur des cas, complexifient l’exposition, et, dans le pire, rendent simplement compte de ce qui a eu lieu. Une exposition peut être considérée comme une tentative d’envisager sa mémoire, pour la réinsérer dans la réalité, en utilisant son catalogue comme la partition d’une autre exposition à venir.

il s’agit bien de catalogue (soit de « liste énumérative de choses ») d’expositions ! De cette « pensée visuelle », ces inserts et partitions qui sont soit le résultat du mot qui les a formés (« homard », « poing »…) ou des contextes qui les ont réunis (le diagramme, le schéma, Bochner, Baxter…), Burel affirme que « plus que le livre comme exposition, tel que l’expérimenta Seth Siegelaub, c’est le livre comme “théâtre” – n’en déplaise à Michael Fried –, et qui plus est comme “théâtre immatériel”, qu’il [l’]intéresse ici de questionner »8. Entre libretto et partition, cette conception poursuit une nécessaire (re)pensée du catalogue, et sa relation à l’exposition

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Ludovic Burel, Celebration of the Body : Purely Diagrammatic 2, design : Clément Le Tulle-Neyret, it: éditions, sortie avril 2012.

« Being Boring », conférence de Kenneth Goldsmith à RedCat, Los Angeles, novembre 2004.

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expression pour Ludovic Burel et annoncer par la reprise et la redite que « le monde est plein d’images, plus ou moins intéressantes ; [auxquelles l’artiste] ne souhaite pas en ajouter d’autres ». Cette compréhension élargie de la partition justifie l’accumulation des documents d’origine variée, recyclés d’autres contextes, qui s’offre comme un recueil de partitions à suivre, une accumulation de documents spécifiques destinée à être lue et interprétée afin d’en extraire une poésie. Une pensée théorisée et mise en œuvre de manière brillante par Franck Leibovici dans son ouvrage Des Documents Poétiques 6.

Purely Diagrammatic… est ainsi la « reprise » et l’expansion (extension) de la pensée d’une exposition et du catalogue de l’artiste américain Mel Bochner : « Working Drawings And Other Visible Things On Paper Not Necessarily Meant To Be Viewed As Art », et travaille l’objet partition dans sa plus large compréhension. Purement schématique 2… reprend Celebration of the Body de l’artiste conceptuel canadien Iain Baxter, une exposition et une publication conçues dans le cadre des Jeux olympiques de 1976 qui s’attachaient à mettre en relation art et sport à travers différentes problématiques corporelles. En écho à COB#2 4, Burel envisage ce nouveau chapitre par la partition sous « le double éclairage du reenactment (la reprise ou encore la réactualisation de performances et / ou d’expositions) et du re-design (de catalogues ou, plus généralement, d’ouvrages d’art) »5. En somme, et jouant de l’expression de Douglas Huebler « le monde est plein d’objets, plus ou moins intéressants ; je ne souhaite pas en ajouter d’autres », nous pourrions reprendre cette

La partition de sa nécessité, une série d’accumulations Ces accumulations s’offrent en écho à une question et suivent les invitations offertes par les mots qui en définissent le contenu et la forme. Pour faire un écho furtif à la définition diagrammatique du livre d’artiste donnée par Clive Phillpot dans Outside of A Dog: Paperbacks and other books by artists 7, il serait plus à propos d’envisager la question du catalogue – un terme qui ne saurait être plus juste pour Burel :

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PORTRAIT

Jérôme Bel (1995), ou encore les séries pour danseur éponyme Xavier Le Roy (2000), Véronique Doisneau (2004), Pichet Klunchun and Myself (2005), Isabel Torres (2005), Lutz Forster (2009) ou encore Cédric Andrieux (2009).

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Ludovic Burel, Par-delà le bien et le mal de l’archive, note d’intention, 2011.

4 COB#2 ou Celebration of the Body #2, imaginé par Fabien Pinaroli, est une remise

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en forme de Celebration of the Body, se déroulant d’avril et juillet 2012 en plusieurs temps et différents sites entre la région lyonnaise et Londres qui accueillera les prochains JO. 5

Ludovic Burel, Celebration of the Body – Purely Diagrammatic 2, note d’intention, 2012.

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Al Dante, Paris, 2007.

7 Baltic, Gateshead, 2003. 8

Entretien entre Katia Schneller, historienne de l’art, et Ludovic Burel, in Ludovic Burel, Purely Diagrammatic 1 – Other Visibles Things…, it: éditions, 2011.

“Atlas de la micro-édition”, les 22 & 23 mars, Musée des beaux-arts, Rouen. “Avatars de Rousseau”, exposition du 4 avril au 4 juillet, Bibliothèque d’étude et d’information, Grenoble. “Film/Fabrik”, projection le 23 avril, Arsenal, Cinémathèque allemande, Berlin. “COB#2 (Celebration Of the Body #2), L’histoire de l’art à l’ère…”, exposition du 25 avril AU 19 mai, Musée des moulages, Lyon et “Remise en forme d’une exposition”, du 1er juin au 21 juillet, CAP, Saint-Fons. “Celebration of the Body, Purely Diagrammatic 2”, journées d’étude les 10 et 11 mai, Magasin/MC2, Grenoble.

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Une possible cartographie du réel PAR Mathieu Copeland


Vers une redéfinition de l’écriture et de son accessibilité

The Serving Library, Active Archives, Heath par Camille Pageard

ESSAI Dexter Sinister, www.servinglibrary.org capture d’écran.

« Nos outils d’écriture agissent aussi sur nos pensées. » Friedrich Nietzche, 1882.

Sur le site internet de The Serving Library, revue en ligne et sur papier éditée par Dexter Sinister, on trouve cette injonction en ouverture de la note programmatique : « Imaginez-vous dans un espace virtuel. »1 Cet espace est bien sûr celui du site internet lui-même, espace au sein duquel tout lecteur peut avoir accès à un ensemble de textes disponibles au format PDF et déposés au fur et à mesure de leur écriture. Dématérialisée, gratuite et rythmée par une temporalité propre au flux du numérique, l’accessibilité à ces textes destinés à prendre une forme papier, payante et périodisée dans les Bulletins of The Serving Library constitue un des principaux enjeux du projet. Toutefois,

ce dernier se trouve n’être que la partie visible d’un programme initié dès 2007 à la Biennale de Lyon et constitué de moments de réflexion, de groupes de travail et d’une bibliothèque itinérante, chacune des occurrences du projet étant l’occasion de la modulation et de la manipulation d’une accumulation continue d’informations, de livres et d’œuvres imprimés. Le site internet lui-même en constante évolution trouve ainsi sa fonction dans le rassemblement mouvant de textes issus des différentes stations de cette « institution expérimentale »2 et multiforme qu’est aujourd’hui devenue The Serving Library. Stuart Bailey et David Reinfurt, les deux membres fondateurs de Dexter Sinister, approfondissent ainsi une programmation éditoriale conçue en termes de processus collectif,

ESSAI

tout autant qu’une forme de publication jouant de la décentralisation et de la centralisation des propos, problématiques déjà présentes dans leur précédent périodique Dot Dot Dot. Si de prime abord la fonction du site peut sembler usuelle, c’est le processus fonctionnel même conduisant à la publication des Bulletins of The Serving Library qui est des plus intéressant. Celui-ci met en effet à jour une certaine fluidité dans le passage d’un espace de production intellectuelle à l’autre et donne une assise structurelle à une réflexion sur le repositionnement de l’écologie des pratiques artistiques et éditoriales. « Publier et archiver, écrivent-ils par exemple, ont traditionnellement existé à des bouts opposés de la trajectoire de la production du savoir, mais ici […], ils fusionnent

Vers une redéfinition de l’écriturE… PAR Camille Pageard

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en un processus unique […] c’est une archive qui édite et un éditeur qui archive […]. » Tout autant qu’une conception collective de la production du savoir, Dexter Sinister affirme ici une conception de l’édition travaillant un principe essentiel d’accessibilité aussi bien qu’une décentralisation et une déconstruction des formats de diffusion et d’écriture. À l’instar de leur projet Portable Document Format (2009), ce qui pourrait d’abord sembler n’être qu’un jeu tautologique d’éclatement des formes éditoriales devient une démultiplication des formats physiques et économiques. Le redoublement d’un même texte dans un contexte différent ou sur un support autre n’est pas la simple répétition du même mais la démonstration d’une prise en compte de la politique éditoriale en tant que travail spécifique au contexte d’écriture, de production, de diffusion et de réception. Avec The Serving Library, la revue et le site internet sont deux modes perceptifs et sociaux hétérogènes d’accessibilité, tout autant que deux modes de production et d’espace collectif de travail dont la fixation n’a de sens que si elle invite à un réarrangement et à une appropriation ultérieure. Si le projet marque clairement une volonté de sortir d’une certaine forme de fixité de l’écrit et d’une auctorialité monolithique, il s’inscrit aussi dans un champ éditorial où le texte semble rester central, Internet un médium de diffusion et l’écriture linéaire malgré ses variations. Il est en effet possible de se demander si le travail éditorial au sein d’un espace virtuel tel que revendiqué par le duo puisse ne pas se jouer uniquement sur le mode de la métaphore fonctionnelle hypertextuelle, et ce à la suite d’un constat récemment énoncé par Florian Cramer. Selon ce dernier, alors qu’Internet est le premier media de masse à fonctionner à partir de l’écrit (mails, sms, chat, code, etc.), il est étonnant que la production littéraire n’ait pu encore y trouver une réelle place à la suite des premières expérimentations des années quatre-

vingt et quatre-vingt-dix. « Si le champ de la littérature électronique a stagné ou s’est effondré, argumente-t-il, peut-être est-ce simplement parce que la différenciation entre […] deux types de littérature – l’écriture en général et les belles-lettres – est devenue aussi problématique que le schisme entre les beaux-arts et les arts appliqués. »3 Ne pourrait-on pas imaginer alors une écriture informée aussi bien par le fragmentaire et le continu que par la fixité et le mouvant, le théorique et le documentaire, l’impersonnel et l’individualisé, le textuel et le visuel, l’original et la copie, etc. ? Soit une écriture aussi hybride que le médium Internet et ses contenus. Quelques réponses à ces enjeux peuvent être par exemple trouvées au sein de pratiques graphiques et éditoriales telles que celles menées, au sein du collectif Constant (Bruxelles), par les membres du projet Active Archives 4. Pour ces derniers, les perspectives mises en œuvre par le projet de Dexter Sinister trouvent en effet une application réflexive où le discours rendu accessible n’est plus centralisé autour d’une personne ou d’un groupe de personnes et sa production intellectuelle. Au sein de leurs plateformes en ligne, la mise en forme et l’intervention

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ESSAI

ouvertes à la manipulation par l’usager permettent en effet la construction de discours critiques proprement collectifs. Ces plateformes constituent des espaces éditoriaux, au sens tout aussi technique que littéraire, affirmant une volonté de mise à disposition d’espaces publics de discussion en suivant un principe d’accessibilité et de participation au processus de réflexion comme à celui de l’élaboration des programmes. S’appuyant sur la structure fragmentée du commentaire du web et les modalités d’écriture de type wiki, la structure littéraire des projets d’Active Archive, comprise dans le sens de travail d’écriture, n’est plus linéaire et univoque, mais hétérogène et multiple, déconstruite et remontable. Il est à noter qu’avec Active Archives, de même qu’avec la structure fonctionnelle de Dexter Sinister, on touche à une forme de « nouvelle théâtralité » de la production éditoriale, une théâtralité qui, de loin en loin, peut être rapprochée des discussions de Walter Benjamin sur les courriers de lecteurs reproduits dans les journaux. Selon le philosophe, ce principe permettrait de « repenser les idées de formes ou de genres poétiques en s’appuyant sur les données techniques de la situation actuelle, pour parvenir

Oral Site, Active Archives, annotation de vidéo, capture d’écran.

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Tan Lin, Heath (Plagiarism/Outsource), Notes Towards the Definition of Culture, Untilted Heath Ledger Project, a History of the Search Engine, Disco Os (Bootleg Version), Westphalie Verlag, Vienna, 2011.

à ces modes d’expression qui représentent le point d’attaque des énergies littéraires du présent. »5 À partir de là est envisageable l’apparition d’un genre d’écriture répondant au théoricien des médias Friedrich Kittler qui, en 1986, à propos de la production littéraire à partir de machines à écrire et en empruntant les mots de Marshall McLuhan, appelait de ses vœux « une attitude entièrement nouvelle envers l’écrit et le mot imprimé [où seraient mêlées] composition et publication »6, soit « le rêve de fusionner production littéraire et reproduction littéraire. »7 Se pose en effet aujourd’hui la question d’une écriture conçue au sein d’un « environnement » numérique qui ne serait pas uniquement tendu vers l’abstraction spécialisée du code mais qui permette une écriture portant en elle les spécificités de son insertion au sein d’une culture virtuelle et numérique. Le livre Heath 8 de l’écrivain américain Tan Lin intervient assez clairement dans ce champ de réflexion. Contenant un flux d’informations textuelles et visuelles écrites par l’auteur

comme issues de blogs autour de la mort de Heath Ledger, Heath constitue une forme de simulation de l’environnement de lecture du web qui, sous la forme d’un livre et inscrit sur papier, induit un repositionnement de ce qui appartient au simple regard ou au domaine de la lecture. On peut d’ailleurs le lire expliquer à propos de son précédent livre 7 Controlled Vocabularies 9 qu’« en tant qu’examen général de différentes pratiques de lecture, 7CV est un livre autant qu’un système de vocabulaire contrôlé […] Qu’est-ce qu’un livre ? Quelque chose qui catégorise et contrôle les données et organise des formats spécifiques de lecture, c’est-à-dire que le livre est un environnement généralisé de lecture […]. » Le travail opéré par le lecteur est alors celui d’une navigation au sein d’un environnement visuel et textuel dont le déplacement dans le cadre du livre réagence les hiérarchies. À l’instar d’Internet, celui-ci peut et doit être interrogé dans sa praticabilité tout autant que dans son potentiel significatif, formel, sémiotique ou

ESSAI

idéologique. Le livre, l’écriture, le copier / coller et l’acte de publication (qu’il soit sur papier ou sur Internet, ou qu’il navigue d’un espace à l’autre), deviennent alors des lieux d’interrogations poétiques, théoriques et culturels

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1

http://www.servinglibra ry.org/words.html?id=97

2

Yann Chateigné, « (Dé)faire l’école ! », ArtPress 2, n° 22 : « Écoles d’art, nouveaux enjeux », octobre 2011, p. 55-58.

3

Florian Cramer, « L’alphabétisation électronique et les arts contemporains », in Lire à l’écran, Paris, B42, 2011, p. 127.

4 http://www.constantvzw. org/site/-Active-Archives, 112-.html 5

Walter Benjamin, « L’auteur comme producteur », in Essais sur Brecht, Paris, La Fabrique, 2003, p. 126.

6

Friedrich A. Kittler, Gramophone, Film, Typewriter (1986), Stanford, Stanford University Press, 1999, p. 202.

7

Ibid., p. 208.

8

Tan Lin, Heath (Plagiarism/Outsource), Notes Towards the Definition of Culture, Untilted Heath Ledger Project, A History of the Search Engine, Disco Os (Bootleg Version), Vienne, Westphalie, 2011.

9

Tan Lin, 7 Controlled Vocabularies and Obituary 2004, The Joy of Cooking, Middletown, Wesleyan University Press, 2010.

Vers une redéfinition de l’écriturE… PAR Camille Pageard

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La vie fabuleuse de Jackson di Matteo par Françoise Lonardoni

Dans les années quatre-vingt-dix, di Matteo complexifie le processus en reproduisant photographiquement ses propres peintures, pour les peindre ensuite à l’identique : sa série La vie illustrée de Marcel Duchamp d’après les dessins d’André Raffray (1993) existe ainsi en deux versions, assez indiscernables : huile sur toile et huile sur scanachrome. La progression de cette analyse effrénée de la peinture conduit naturellement à l’élision du sujet peintre : à partir des années deux mille, di Matteo confie en partie la réalisation de ses toiles à un copiste de métier ; un « artisan-peintre », pendant

métonymique de « l’artiste-peintre ». La délégation de la tâche noble resserre encore l’échelle d’appréciation de la peinture et pulvérise les valeurs d’autorité et d’originalité. Lorsqu’il commence la série Jackson Pollock fin 2008, Gabriele di Matteo revient sur la question de la biographie, en y mêlant la sienne propre. La visite de l’exposition Pollock au centre Pompidou en 1982 avait constitué un événement fondateur pour le jeune di Matteo et le catalogue Pollock était resté un livre de proximité. Les années passant, il rapporte que son intérêt se déplaça de la peinture de Pollock vers sa biographie. François Michaud postule que « ce n’est pas tant la vie de l’artiste qui l’occupe que la façon dont elle se présente à titre posthume ».1 Gabriele di Matteo revient sur le célèbre catalogue de 1982, marqué par l’emploi de deux papiers différents : un papier recyclé ocre jaune pour les textes et un couché blanc pour les reproductions de peintures. La partie biographique, sur papier ocre, n’est pas rejetée en fin d’ouvrage mais placée près du milieu. Elle sera le territoire de di Matteo qui peint sur toile chaque image de cette biographie, qu’elle représente un manuscrit, un imprimé ou une photo de famille. À un détail près : toute peinture de Pollock visible dans le décor sera remplacée par un monochrome blanc. Cet ensemble de toiles est donc traversé par ce manque fondamental : la disparition de la peinture de Pollock, comme si le mouvement d’expansion de l’image imprimée vers la peinture avait entraîné « chimiquement » une perte. Et dans un mouvement inverse, comme par entropie négative, les peintures de di Matteo, une fois terminées, réintègrent le livre : un livre essentiel, qui copie exactement la maquette de 1982, mais dont

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ŒUVRE

Si l’on cherche à cerner les multiples rapports qui se croisent à l’intérieur du livre d’artiste Jackson Pollock de Gabriele di Matteo, on doit entrer dans le labyrinthe de sa méthode de travail qui déploie, depuis les années quatre-vingt, une mise en abîme de la peinture et de l’illustration, de l’original et de la copie. Tout l’œuvre est marqué par un lien matriciel avec l’imprimé mais aussi, plus discrètement, par la question de la biographie, jouant comme une didascalie sous-jacente à l’histoire de l’art. La plupart de ses travaux prennent source dans des images qu’il agrandit fortement et reproduit en peinture ou par impression scanachrome sur toile. Sa série des Biographies (1992) qui reprend les couvertures de livres de vulgarisation édités en Espagne dans les années cinquante, constitue l’archétype du processus di Matteo : les grands portraits sur toile de Cézanne, Rembrandt ou Gutenberg ont été engendrés par de petites couvertures de livres. Ils matérialisent de manière saisissante deux mouvements antinomiques : la métamorphose de l’imagerie populaire en peinture hiératique et la rencontre saisissante des deux régimes de l’image sur une toile.

seules les pages biographiques sont imprimées. Dans cet îlot entouré de pages vierges, le cahier biographique retrouve ses textes et ses photographies – qui ne sont plus les documents d’origine, mais bien entendu, les peintures de di Matteo sur Pollock. Parce qu’il copie les caractères visuels du catalogue, ce livre d’artiste 2 est travaillé par la question de l’apparence. Au-delà de l’ordonnancement texte-image, di Matteo conserve les caractéristiques sensibles du catalogue de 1982 : épaisseur du volume, qualité des papiers, reliure. La prise en main des deux volumes confirme bien l’intention phénoménologique de cette édition. Cette manière d’activer une maquette pose la question de l’identité de ce livre, saisi entre l’histoire culturelle qu’il porte, son contenu documentaire faussé et la disparition qui le traverse. Dans la valse des transpositions conduites par Gabriele di Matteo, le doute est entretenu avec constance, la vie de Pollock coïncide soudain avec la vie de di Matteo, comme le sousentend la page titre : les noms, placés en miroir et les dates des deux expositions, identiques à vingt-sept ans d’écart, organisent l’identification entre les deux artistes. Le récit déployé étape après étape dans la série Pollock, comme dans le reste de l’œuvre de di Matteo, cherche à établir une jonction entre peinture et littérature, pour faire de la figure du peintre le héros d’une histoire qui ne lui est jamais arrivée

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Catalogue d’exposition « Gabriele di Matteo – Jackson Pollock », Charta, Federico Lüger, Milan, 2009.

2

Le livre d’artiste est entendu ici au sens contemporain du terme, selon la définition proposée par Anne Mœglin-Delcroix dans Esthétique du livre d’artiste, Paris, JeanMichel Place, 1997.

Ni précieux, ni limité en tirage, il est une œuvre sous forme de livre, qui représente la solution trouvée par l’artiste à une question esthétique. Il n’est pas un catalogue d’exposition, pas plus qu’il n’est l’espace de dialogue d’un peintre avec un poète, qu’on appelle livre illustré ou livre de bibliophilie.

La vie fabuleuse de Jackson di Matteo PAR FRANçOISE LONARDONI


Livre Jackson Pollock, Gabriele di Matteo, 2009 [à gauche] ; catalogue Jackson Pollock, Centre Pompidou, 1982 [à droite] Courtesy Federico Luger, Milan. © Gabriele di Matteo

Jackson Pollock, catalogue de l’exposition, Centre Pompidou, 1982. pp. 266-267. © D. Nicole

Livre Jackson Pollock, Gabriele di Matteo, 2009. pp. 266-267 [en haut] et pages de titre [en bas]. Courtesy Federico Luger, Milan. © D. Nicole

ŒUVRE

LE LIVRE “JACKSON POLLOCK” sera présenté dans le cadre de l’exposition “COB#2 (Celebration Of the Body #2), L’histoire de l’art à l’ère…”, Musées des Moulages, Université Lyon 2, Lyon, du 25 avril au 19 mai 2012.

La vie fabuleuse de Jackson di Matteo PAR FRANçOISE LONARDONI

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B42 et Éditions deux-cent-cinq : deux aventures éditoriales par Gilles Rouffineau

Gaël Étienne, Alexandre Dimos (deValence-B42) et Damien Gautier (Bureau 205-Éditions deux-cent-cinq) s’entretiennent avec Gilles Rouffineau. Déc. 2011.

Gilles Rouffineau : Alexandre, Gaël et Damien, vous êtes designers graphiques. Pouvez-vous revenir sur les origines, les motivations de vos nouvelles activités d’éditeur ? Alexandre Dimos : À vrai dire, mon expérience d’éditeur est antérieure à celle de graphiste. J’ai publié et contribué à des fanzines avant de consacrer mes projets de diplômes en DNAT puis aux Arts Déco de Paris à des questions éditoriales. Gaël Étienne : Au cours de nos études de design graphique, nous avons très rapidement fait le constat d’un manque théorique. Dès nos premiers contacts avec le collectif Bulldozer, en 1998, nous avions cette volonté de préciser le champ dans lequel nous allions bientôt nous inscrire professionnellement. L’opportunité s’est présentée en 2006, lors de notre résidence au Crac, une scène nationale à Valence, avec la publication des trois numéros de Marie-Louise 1 (incluant notamment des traductions de textes de Wim Crouwel, un extrait du journal de Stefan Sagmeister…) que nous avons conçus comme spécimens typographiques du caractère Dada Grotesk.

Design éditorial et édition de l’ouvrage Lyon architecture(s) urbaine(s), bureau 205 + Éditions deux-cent-cinq, 2010. [Conception éditoriale : In medias res]

G. R. : Pour vous, Damien, Éditions deux-cent-cinq c’est plus récent ?

A. D. : Le graphiste est souvent limité à l’organisation formelle du contenu or nous nous intéressons davantage à sa dimension structurelle. Pour porter ce projet, nous avons fondé la maison d’édition B42 en 2008, distincte juridiquement du studio deValence. Elle répond à la forme professionnelle de cette activité d’éditeur et prolonge les activités de F7 2.

Damien Gauthier : Oui, Bureau 205 ouvre en 2010 avec Quentin Margat. J’ai travaillé treize ans au studio Trafik que j’ai co-fondé après mes études de typographie à Estienne. Auparavant, mon expérience de graphiste chez des grands éditeurs fut assez décevante : aux Éditions du Chêne, en particulier, où l’on confiait les couvertures à des spécialistes. Par ailleurs, le dessin de caractères n’y trouvait pas sa place. J’ai rédigé un ouvrage sur la typographie et un autre sur la mise en page, pour lequel j’avais des difficultés à trouver un éditeur. J’ai alors pensé m’affranchir de cette contrainte. Au bureau, avec Quentin, nous travaillions simultanément sur deux livres d’architecture. Après plusieurs refus d’éditeurs, nous avons créé les Éditions deux-cent-cinq dont le catalogue comporte aujourd’hui une dizaine de titres.

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RENCONTRE

G. R. : Ce « devenir éditeur » a-t-il eu un effet en retour sur votre pratique graphique ? D. G. : Pour ma part, j’ai redécouvert l’importance des techniques de fabrication, celles des imprimeurs et aussi du façonnage. Pour penser le livre, le graphiste doit être au plus près de sa réalisation matérielle. La connaissance de ces contraintes enrichit ses possibilités de création. Pour assurer cette proximité, nous avons restreint notre périmètre de fournisseurs à soixante-dix kilomètres de Lyon. Par exemple, lorsqu’un éditeur nous a proposé d’imprimer en Espagne en réduisant le prix d’un quart, la conception a été revue pour réduire son coût et produire localement, en étudiant particulièrement l’économie du façonnage qui est un point trop souvent négligé. A. D. : En effet, dans tous les cas, il faut trouver des astuces pour s’assurer d’une

B42 et Éditions deux-cent-cinq par Gilles Rouffineau


bonne fabrication. Pour nous, certains déboires avec des imprimeurs français ne sont pas liés à des questions de budget, mais plutôt de compréhension du processus de travail, de réactivité ou font suite à des analyses erronées de fichiers techniques… G. R. : Donc, le choix de l’imprimeur est un aspect déterminant ? A. D. : Parfois moins celui de l’imprimeur que du relieur, c’est vrai, dont la responsabilité est peu engagée en cas de problèmes et pourtant cruciale pour la qualité de l’objet final. Actuellement, on travaille surtout en Belgique et aux Pays-Bas. G. É. : À partir du moment où l’on prend la décision de mettre un texte sur du papier, l’objet doit présenter une réelle qualité, il doit être cohérent. Cette exigence va du contenu lui-même à sa mise en forme typographique jusqu’à la reliure, en effet, qui conditionne la façon dont le livre pourra être utilisé. D. G. : Par plaisanterie, au départ j’ai ajouté une ponctuation à la mention « Imprimé en France » : points de suspension, d’interrogation ou d’exclamation… Finalement, c’est plus sérieux que je ne le pensais ! G. R. : La question de la reliure semblait secondaire. N’est-elle pas au cœur de la mutation numérique actuelle, comme le suggère avec

malice le titre d’un récent colloque aux Pays-Bas évoquant des pages volantes : « Unbound Books » 3 ? D. G. : Le livre électronique est encore relié, il a une suite logique. Le rapport entre édition papier et numérique est surtout une question d’objet. Quand on a apprécié un livre, on sait l’identifier, le situer sur une étagère… L’éditeur doit maîtriser tous ces aspects, au-delà de la reliure : le format, le poids, le papier et les réponses de l’objet à la manipulation. G. É. : La reliure est ce qui vient nous dire que l’objet est fini. Le livre électronique nous prive de cette information. On ne sait pas combien de temps on va consacrer à sa lecture. Mais, à choisir, je préfère un fichier numérique non designé à un objet mal conçu, mal imprimé et mal relié… G. R. : D’un point de vue éditorial, où en êtes-vous de cette question ? Avez-vous choisi de publier des ouvrages en version électronique ? A. D. : C’est curieux, à chaque évolution technologique, il y a comme une perte de mémoire. Faible définition, rafraîchissements lents : la lecture sur les premières liseuses était désastreuse. Mais c’est du passé et nous proposerons très bientôt le catalogue en format numérique. G. É. : Le choix du format pose la question du métier du designer. Pour

Lire à l’écran, Contribution du design aux pratiques et aux apprentissages des savoirs dans la culture numérique, B42 / Ésad Valence, 2011.

un simple texte à lire, avec le format epub, le design se joue entre le concepteur du logiciel de lecture et l’utilisateur, qui a la possibilité de manipuler l’aspect du texte… Un designer préférera le pdf, pour proposer « sa » version du texte. D. G. : Pascal Béjean m’a proposé d’inclure le livre sur les architectures urbaines dans le catalogue numérique d’ABM (Art Book Magazine 4) . Puisque sa conception éditoriale comportait déjà des renvois, à la façon d’un objet « interactif », l’adaptation était simple et évidente… Comme ici, puisqu’un dernier sommaire permet de positionner les projets sur une cartographie avec les coordonnées GPS. G. R. : Le livre était déjà la trace de l’écran qui n’existait pas encore ? D. G. : En quelque sorte. C’est assez récent, donc je ne sais pas s’il trouve un public. G. R. : Parlons des livres. Pouvez-vous préciser vos choix de distribution ? D. G. : Les Éditions 205 assument le rôle de diffusion. Ainsi, nos démarches commerciales sont des occasions de rencontre avec les libraires. On leur explique pourquoi ce livre-là, par exemple, n’a pas de couverture… A. D. : Pour B42, il était hors de question de s’investir dans la distribution. C’est un travail de spécialiste, très coûteux, qui représente environ 60 % du prix d’un livre. Avec F7 chez Paris Musée, puis Le comptoir des

Back Cover 3, Éditions B42, hiver-printemps 2011.

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Indépendants, les échanges restaient limités et la compréhension imparfaite. Maintenant, l’exigence des Belles Lettres nous oblige à être plus précis quant à la structure du livre, son public possible… Nous avons ainsi accès aux libraires indépendants tout comme aux grandes enseignes culturelles.

Design éditorial de la collection « Sans titre » dédiée à la photographie contemporaine. Deux premiers ouvrages parus dans cette collection: Italia, Dopo la dolce vita [ci-contre] et F/M – Tom Wood, bureau 205 + Éditions deux-cent-cinq, 2011.

D. G. : Je ne suis pas certain que ce soit déterminant pour nous car nos tirages sont sans doute très différents… A. D. : Non, ce n’est pas une question de tirage, c’est juste une possibilité de diffusion. G. R. : À partir de votre activité, pouvez-vous affirmer comme Stuart Bailey dans le numéro 9 de Dot Dot Dot que l’expression « éditeur indépendant » est un oxymore ? A. D. : Sans aucune aide sur l’ensemble de notre catalogue, les livres n’existeraient pas. Dans nos domaines éditoriaux, l’indépendance totale supposerait de pouvoir y consacrer une fortune personnelle, c’est certain. G. É. : Tout dépend ce que veut dire cette indépendance ? S’il s’agit des aides, en effet, il serait difficile de s’en passer… A. D. : Mais la question du financement ne concerne pas que l’édition indépendante. Chez de grands éditeurs, le financement public ou privé est aussi assuré par les subventions ou le mécénat. Quoi qu’il advienne de ses ventes, un livre d’art contemporain est déjà financé. Depuis trois ou quatre ans, on sait que certains livres doivent être financés à l’origine. Ils ne rapporteront rien, de toute façon. Pour d’autres, comme celui de Norman Potter qui est là, sur la table, il est possible de parier…

est coéditeur, par exemple, de la collection « Sans titre ». G. R. : Gaël, au début de l’entretien, vous avez évoqué Wim Crouwel. Dans le livre publié par F7 5, il rappelle l’importance du bâtiment moderne (construit en 1922), dans lequel il a fait ses études et son rôle déterminant une véritable conduite ultérieure. Comment remplacer aujourd’hui l’élan moderne de Crouwel ? D. G. : Notre génération est celle des propositions à venir. Alors que le modèle économique d’une élite s’effondre sous nos yeux, je crois beaucoup à l’avenir des petites structures, au faible rayon d’action, à une écologie de la production. G. É. : Je pensais que la question relevait du projet artistique. Nos années d’études ont coïncidé avec celles de la déconstruction, de la typo trash, des années Carson et du postmodernisme… Utiliser l’Helvetica était un péché ! Ses qualités et la validité de son programme, nous les avons découverts ensuite, par nous-mêmes.

D. G. : De mon côté, je ne souhaite pas passer mon temps à remplir des dossiers de subventions mais il est vrai que certains de nos livres ont fait l’objet d’une commande préalable. La galerie Le Bleu du Ciel

D. G. : Hans Peter Willberg, dans son texte sur Jost Hochuli, explique comment les règles de composition traditionnelle qui lui semblaient fautives finirent par s’imposer après un débat avec son ancien professeur, et comment la sortie du modernisme au profit d’une solution plus classique était dans ce cas salutaire.

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G. É. : Jan Tschichold l’a fait le premier… D. G. : Oui, mais Tschichold a renié ce qu’il avait lui-même mis en avant. J’ai tenté de montrer ça dans une conférence à l’université Paris 8 en 2009 6. A. D. : L’exposition « Good Design, Good Business… » 7 consacrée à une multinationale de la chimie mettait en évidence cette contradiction. Une façon moderne de structurer la forme reste assez fascinante pour qu’on essaye encore parfois de suivre ces règles. Et en même temps, il serait impossible de communiquer, aujourd’hui, aussi ouvertement pour une firme qui produit des produits toxiques… C’est impossible de structurer ta pensée avec des références qui semblent justes mais représentent l’inconscience de la construction du monde industriel de l’après-guerre. Crouwel pouvait choisir un programme, à cette époque c’était possible, grâce à une forme de candeur, peut-être… G. É. : Formuler le problème du client, c’était déjà apporter une partie de la solution. Avec la typographie ferrée à gauche, l’Helvetica bold : c’était nouveau, ils avaient cette nouveauté pour eux. Et justement, le travail d’Experimental Jetset parvient à interroger ces codes-là. Ils sont assez proches du style international, en tenant une position clairement contestataire. Ainsi, le succès du célèbre T-shirt des Beatles a largement dépassé le cercle des graphistes…

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G. R. : C’est vrai, mais est-il lu avec la conscience critique que vous proposez ? G. É. : Conscience peut-être pas, mais la typographie suppose une lecture inconsciente. Même sans identifier l’Helvetica, la silhouette de la lettre est reconnue et avec cette simple lettre, on avait la communication. En effet, cette candeur a disparu. D. G. : N’oublions pas que le studio de Crouwel s’appelait Total Design ! Encore au début des années quatrevingt-dix, j’ai eu des cours de « design global » et ce n’était pas la pire des écoles… Mais ces approches pédagogiques n’existent déjà plus. Peut-être certains groupes de communication ou de publicité parviennent à y croire… Mais pour nous, c’est fini. G. R. : Le centre du graphisme de Chaumont mène actuellement une enquête pour établir une cartographie du graphisme. Fin décembre, aura lieu à Bordeaux la deuxième table ronde consacrée au « dépassement du clivage commande culturelle et commerciale ». Qu’en pensez-vous ? A. D. : On peut en parler, mais ça ne nous intéresse pas plus que ça… Poser la question de travailler pour le « Grand Capital », c’est mal regarder le monde dans lequel on vit. G. É. : Je ne sais pas si c’est la question… D. G. : C’était celle des graphistes, il y a encore quelques années. Nous étions exposés au risque d’une remontrance si on la discutait. Mais cette rencontre indique que la dichotomie est dépassée. Comme nous, les plus jeunes naviguent allègrement de l’un à l’autre et le revendiquent… G. É. : Pour parler de la crise, de la dette… D’où vient l’argent dit public sinon des emprunts… Travailler pour le Capital ou non n’a plus grand sens aujourd’hui. Et même il y a trente ans, ça n’en avait pas vraiment…

G. R. : Je vous propose d’aborder la question du commanditaire. Votre activité éditoriale a-t-elle modifié votre rapport à la commande ? A. D. : Le rôle d’éditeur nous montre l’importance de la méthode, qui reste toujours perfectible, mais simplifie considérablement le travail. Elle libère l’esprit. Dans le livre de Potter, les questions de méthode sont centrales. Il ne parle pas de formes mais uniquement de procédures et de méthodes. Après dix ans d’activité au studio, et après l’arrivée de Ghislain Triboulet, on cherche encore à l’améliorer pour ne pas reproduire les erreurs passées. C’est le propre de toute entreprise. L’expérience d’éditeur conforte l’intuition que tu es toujours confronté à la méthode de l’autre, même s’il n’en a pas. Dans ce cas, construire celle du client est une perte de temps et d’énergie. G. É. : On va perdre des clients si on laisse entendre que le fait de devenir éditeur nous a rendu plus intransigeants avec les clients ! A. D. : Non. Il s’agit d’économie, on souhaite surtout ne pas réitérer nos propres erreurs. D. G. : Avec les outils informatiques la méthode a complètement disparu. Au lieu d’être définitif, le texte peut en permanence être modifié, or pour le designer, les corrections tardives sont problématiques. Il m’arrive aussi d’expliquer à un client comment travailler, ce qui peut lui déplaire, mais crée aussi une certaine exigence commune. Par contre, si nous utilisons rigoureusement la flexibilité numérique, certaines modifications ultimes sont possibles au studio : changer la typo, modifier une couleur. Mais ça suppose une parfaite organisation en interne… Je l’explique souvent aux étudiants. G. R. : Dans cette transcription, nous avons laissé de côté la question de l’enseignement qui est revenue à plusieurs reprises et celle de la micro-édition, trop périphérique.

RENCONTRE

Pour conclure, un peu schématiquement, il me semble que l’édition est pour vous, Damien, l’occasion indirecte de réfléchir à son activité, au processus, tout comme son enseignement lui donne l’occasion de clarifier sa pratique par l’explicitation. Pour vous, Alexandre et Gaël, la recherche de contenu vous porte à enrichir et à mettre en commun vos questionnements de designer dans un cadre éditorial. Partagez-vous cette analyse ? A. D. : En ce qui nous concerne, nous la partageons. Il s’agit d’une activité complémentaire indispensable à notre pratique. G. É. : Exactement. D. G. : Du graphiste à l’éditeur, je passe de celui qui réceptionne, analyse, discute, propose et met en forme des contenus à celui qui décide – souvent avec d’autres – de ces contenus

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1

Changements onomastiques : la scène nationale consacrée aux images est devenue aujourd’hui le Lux°, la revue, elle, s’appelle désormais Backcover.

2

Créée en 2003 par des passionnés et professionnels du design graphique (dont Alexandre Dimos et Gaël Étienne), l’association F7 a pour but d’explorer les pratiques du design graphique et contribuer à une meilleure compréhension de ce domaine, de son statut et de ses enjeux.

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The Unbound Book, Amsterdam-La Haye, 19-21 mai 2011.

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http://e-boekenstad.nl/ unbound/ 4 ABM est une application iPad. 5

Architectures typographiques, Wim Crouwel, Catherine de Smet, Emmanuel Bérard, F7, Anatome, 2007

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Dans le cycle de conférences Typographie contemporaine, « Jan T. a-t-il jeté le bébé avec l’eau du bain ? ».

7 « Good design, good business – design graphique et publicité par Geigy 1940-1970 », du 8 octobre 2010 au 8 janvier 2011 au Lieu du design, Paris.

SORTIE D’“Images en résidence“ (FÉV. 2012), ÉDITIONS DEUX-CENT-CINQ ; “Sur les traces de Jésus de Nazareth” (FÉV. 2012), ÉDITIONS DEUX-CENT-CINQ. SORTIE DE “Back Cover nº5” (avril 2012), ÉDITIONS B42 ; “La typographie moderne. Un essai d’histoire critique”, Robin Kinross (mai 2012), ÉDITIONS B42. B42 ORGANISE UNE Conférence / RENCONTRE de Robin Kinross Le 10 mai À L’ÉSAD Valence ET LE 11 mai AU Centre Pompidou, Paris.

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Publions les artistes Dispositifs éditoriaux pour la scène artistique en Rhône-Alpes par Carine Bel

Benjamin Hochart [à gauche] dans l’atelier de Mathieu Mermillon, [à droite] au cours de la conception du catalogue monographique de Benjamin Hochart, éditions ADERA, 2012. © Mathieu Mermillon

Cartels, textes critiques ou articles de presse, catalogues ou sites internet, visuel et textuel, l’éditorial accompagne toujours plus la création – il la signale, la balise et la prolonge. Créé en 2010, le site internet de Documents d’artistes Rhône-Alpes 1 est une nouvelle plate-forme de publication numérique consacrée à des artistes du territoire. Fonds documentaire en ligne accessible à tous, cette base de données évolutive et dynamique propose des informations détaillées et s’insère dans un véritable réseau interrégional (PACA, Bretagne, Aquitaine…). Répertoriés et documentés, les travaux d’artistes sont donnés à découvrir en circulation horizontale, libre et ouverte sur le web, en lien immédiat avec les réseaux existants et à travers des connexions aléatoires, hasardeuses et sauvages dont peuvent surgir de nouveaux acteurs comme de nouveaux modes d’expérience de l’art.

Défini comme un relais entre création, professionnels et publics, le dispositif vient compléter les actions développées en région Rhône-Alpes en faveur de l’insertion professionnelle et de la diffusion des artistes. C’est sur ce même terrain qu’en 2007, l’ADERA (association des écoles supérieures d’art de Rhône-Alpes) 2 conçoit sa collection de catalogues monographiques bilingues consacrée aux diplômés de leurs formations respectives. La préfiguration de DDA-RA démarre un an plus tard avec l’expertise de Documents d’artistes PACA (dix ans d’expérience, plus de deux cents dossiers en ligne et mille cinq cents visites par jour en moyenne). Le projet se construit : étude de viabilité et prospection sur le territoire, élaboration d’une charte documentaire commune en perspective d’un réseau regroupant les entités régionales, création de l’association, conception et réalisation de l’identité visuelle

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et de la base de données… Aujourd’hui, après dix-huit mois d’existence et avec une douzaine de dossiers en ligne, DDA-RA prend sa place dans un réseau en développement. L’ADERA, quant à elle, compte seize publications, une compétence identifiée dans l’édition artistique désormais portée vers le numérique et une diffusion internationale. Distincts par leurs objets, les deux dispositifs se rejoignent sur le traitement du travail de l’artiste, intégrant textes critiques et repères pour favoriser l’appréhension de chaque recherche plastique, et posant la question de l’inscription des artistes sur le territoire, comme celle de la circulation des œuvres. 1

Nous utiliserons l’abréviation DDA-RA pour nommer Documents d’artistes Rhône-Alpes.

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L’association des écoles d’art Rhône-Alpes (ADERA) a été créée en 1990.

WWW.DDA-RA.ORG & www.ecoles-art-rhonealpes.fr

PUBLIONS LES ARTISTES PAR CARINE BEL


Documents d’artistes Rhône-Alpes, capture d’écran, www.dda-ra.org.

Documents d’artistes Rhône-Alpes, une documentation vivante Sur www.dda-ra.org, on navigue dans un répertoire qui s’enrichit d’environ un dossier d’artiste par mois, avec à terme l’objectif de représenter une scène artistique régionale la plus large possible qui inclura également le design. Pas de restriction d’âge, de médium ou de niveau de carrière : un jury mixte mêlant des professionnels de la région et d’ailleurs est invité chaque année à étudier les candidatures pour déterminer les nouveaux artistes qui intégreront le fonds. Il s’agit de valoriser des travaux pertinents, en rendant compte de leur contemporanéité et de leur évolution. « DDA-RA va dans le sens de la circulation et de la diffusion au service d’une efficacité professionnelle assez universaliste », observe ainsi l’artiste Christian Lhopital. Chaque dossier a son propre mode de lecture et une arborescence qui recoupe œuvres, textes, biobibliographie, repères et actualité. Très souple, le format est conçu avec l’artiste et lié à la nature de son travail. « Le dispositif est assez proche du livre mais il agit à un autre endroit » précise Pierre-Olivier Arnaud. « Je n’ai pas de site dédié et DDA-RA m’a permis de me dire sur le net. Ce mode de diffusion fonctionne comme un outil de consultation,

vérification et validation ». « J’ai déjà un site dont je m’occupe », ajoute le Gentil Garçon, « donc un réflexe de documentation de mon travail. DDA-RA m’a permis de m’insérer dans un autre réseau avec une autre lisibilité. Par ailleurs, l’édition faisant partie intégrante de ma démarche, ce nouvel espace de publication est devenu le lieu d’une réflexion renouvelée sur la collecte et la hiérarchisation des données ». DDA-RA apporte regard critique, expertise documentaire et technologique dans une relation de proximité qui passe par la rencontre et qui devient un accompagnement. Le site consacre aussi une rubrique aux œuvres réalisées par ses artistes dans le cadre du 1 % artistique et de commandes publiques ou privées. DDA-RA évolue sur la toile et accompagne également les expositions des artistes référencés. Projections vidéo lors de la Nuit Résonance à Lyon, installation de bornes interactives, présentation du projet dans des universités, l’association agit comme un diffuseur qui promeut ses artistes sur le territoire, tout en activant le support sur lequel leurs œuvres se documentent auprès d’un public varié. L’inscription dans le Réseau DDA, créé en 2011, élargit désormais son champ d’action à l’international. Cette

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structure fédère les associations Documents d’artistes en PACA, Bretagne, Rhône-Alpes, Aquitaine et Piémont. Pionnier des DDA depuis 1999, PACA a acquis une crédibilité comme outil de transmission de la pensée artistique et entretient des liens avec des lieux à l’étranger, notamment avec Artexte à Montréal et CareOf à Milan. En 2011, le Réseau a ainsi créé son identité visuelle et communiqué sur son action documentaire commune lors d’événements artistiques internationaux. Il reste cependant encore des chantiers à mener. « La diffusion des contenus en anglais est essentielle. Chaque site est prévu pour être bilingue mais les moyens des structures en régions ne permettent pas encore la traduction systématique », précise Lélia MartinLirot, coordinatrice de DDA-RA. Outil encore très jeune, DDARA est d’ores et déjà repéré pour la qualité de son travail documentaire. La nécessaire progression du nombre de dossiers en ligne permettra au site de devenir également un outil de prospection. L’écosystème du web lui promet une visibilité dans et hors réseau institutionnel, avec en filigrane un potentiel de découverte d’artistes échappant au balisage.

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Publications ADERA, une étape de la production artistique « Il est souvent très difficile de nommer les choses. Il faut saisir le moment où la publication est nécessaire. C’est un temps dans le travail de l’artiste. Quand nous avons contacté Benjamin Hochard, il a complètement changé son travail. Le livre peut mettre six mois à se réaliser mais aussi plusieurs années. Lieu de réflexion, il est parfois celui d’une profonde mutation », observe Audrey Marlhens, chargée de mission ADERA. Tous les artistes et graphistes diplômés d’une école d’art de la région, sans limite d’âge, peuvent être invités à présenter leur candidature pour une publication ADERA. Chaque année, quatre artistes et quatre graphistes sont sélectionnés par un jury d’experts, sur dossiers proposés par les directeurs de chaque école, proportionnellement à leur volume d’élèves. Il peut s’agir de rendre compte du travail d’un artiste diplômé pour valoriser un élan, comme de donner une intelligibilité à un travail qui commence à être identifié. Nombre d’artistes abordent l’édition comme un objet à part entière. Le geste éditorial recoupe alors le geste artistique et la monographie se tient à la frontière du livre d’artiste, fonctionnant par capillarité avec la production artistique, définissant une somme d’outils par réitération. C’est aussi

Julien Prévieux, Gestion des stocks, éd. ADERA, février 2009. Textes : Elie During et Julie Pellegrin Graphisme : Popular Standard / Grégory Ambos

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le lieu d’une proche collaboration entre l’artiste, un théoricien et un graphiste où la question de la représentation du travail se pose et remue. Chaque année, les lancements des publications ADERA s’inscrivent dans l’actualité artistique nationale et régionale. Le catalogue de Marie Voignier sera par exemple lancé en mars à la librairie lyonnaise Ouvrir l’œil, en partenariat avec art3 qui présente un ouvrage sur Anne-Lise Seusse, également diplômée de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon. À Paris, les publications seront présentées à la galerie Anatome et sont régulièrement invitées au Salon Light. Chaque catalogue est bilingue et publié à sept cents ou huit cents exemplaires. Sa diffusion dans les pays francophones passe par le réseau de librairies R-Diffusion et les centres d’art. En Europe, elle se développe à partir des liens privilégiés tissés avec l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et la Suisse. Si les publications reposent sur le solide réseau des écoles rhônalpines, elles gagnent en visibilité grâce aux connexions qui se font au fil des collaborations de chacune d’entre elles. Elles circulent ainsi à l’étranger par l’intermédiaire de personnes identifiées, intervenants extérieurs des écoles ou autres, recoupant également l’actualité des artistes et graphistes publiés. Très ciblée

Pierre-Olivier Arnaud, éd. ADERA, octobre 2009. Texte : Jill Gasparina Graphisme : Mathieu Mermillon

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et renforcée, la diffusion à l’international s’affiche comme l’une des priorités 2012. Le catalogue de Julia Cottin sera ainsi lancé à la Biennale de Marrakech, tandis que de nouvelles personnalités internationales ou officiant à l’étranger entrent dans le jury d’experts. Autre nouveauté, capable de changer la donne de la diffusion : l’élargissement du champ éditorial aux supports digitaux. « Il s’agit de créer une nouvelle collection permettant à d’autres artistes et designers diplômés de développer et diffuser des projets d’édition numérique en ou hors ligne », précise Audrey Marlhens. « Sur le mode des éditions papier, quatre projets seront sélectionnés annuellement et pourront faire l’objet de coédition avec d’autres structures de diffusion ou de production ». En parallèle, l’ADERA numérise sa collection de monographies pour une mise en ligne sur son site web et éditera ses prochains catalogues en double format papier et numérique. « Certaines publications papier nécessiteront et seront pensées dès leur conception avec une version web, application ou livre numérique proposant une autre lecture ou même différents contenus ». À suivre dans The Place We’ve Been, prochain catalogue de Bertrand Planes et du graphiste Yannick James

Ludovic Paquelier, Selles de vélo & Impalas noires, éd. ADERA, décembre 2010. Texte : Madeleine Aktypi Graphisme : Clément Le Tulle-Neyret

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Lancement du catalogue de Marie Voignier, LE 14 mars à la Librairie Ouvrir l’œil, 18 rue des Capucins, Lyon 1ER.

Marie Voignier, 9’25”00, éd. ADERA, mars 2012. Textes : Guillaume Désanges et Dork Zabunyan Graphisme : Frédérick Dubouchet


LE PAYS Où LA VIE N’EST PAS CHÈRE par Cyrille Martinez

C’est un immense cube métallique, façade blanche surmontée d’un lettrage rouge vif et vert pomme, LE PAYS OÙ LA VIE N’EST PAS CHÈRE. Sur plus de douze mille mètres carrés de surface de vente, le Pays s’engage à proposer un large choix de produits de qualité et des services innovants. Le Pays est construit autour de six valeurs-clés : le pouvoir d’achat, l’authenticité, la confiance, la facilité, la découverte, la relation client. Le Pays a été fondé sur le principe selon lequel la vie c’est bien, mais ça pourrait être mieux. Ça pourrait être moins cher. Moins cher que son coût actuel, qui est exorbitant. Sa création remonte à une époque où vivre était devenu trop cher pour une majorité de vivants. Les vivants disaient n’avoir plus de vie. La vie n’était pas ce qu’on croyait. On aurait été trompés. Il y avait deux régimes de vie, la vie de ceux qui se gavent, et la vie de ceux qui casquent. Ce n’était pas une vie, ce n’est pas ça la vie. Ça ne pouvait plus continuer comme ça. Au train où allaient les choses, on se demandait qui serait en mesure de vivre

dans un avenir proche. Car au train où allaient les choses, sous peu, la vie serait hors de prix. Vivre deviendrait un luxe. Alors nous n’aurions aucune raison de vivre, aucune raison de travailler, et nous laisserions tomber. L’information remonta auprès des personnes hautement qualifiées. Elles s’en inquiétèrent et formèrent en urgence un groupe de réflexion capable de redonner le goût de la vie. Ces personnes étaient d’origines différentes, elles avaient suivi des formations différentes, chacune avait envisagé une manière différente de faire carrière, en conséquence de quoi chacune menait une vie tout à fait différente de celle de ses collègues. En dépit de ces différences d’approche, elles avaient en commun d’occuper des postes à forte responsabilité. Elles étaient mues par quelque chose d’assez spécial, que l’on nomme l’esprit d’entreprise. Elles appartenaient à la famille des entrepreneurs. Il leur incombait de prendre des décisions, de choisir des options, de mener une politique qui influerait sur la vie de leurs collaborateurs et, même au-delà, sur la vie d’un cercle étendu d’individus. La manière dont ces personnes réussissaient leur vie était une garantie quant à

AIR DU TEMPS

la fiabilité de leurs expertises. Dans l’évaluation de la vie des autres, et de la vie en général, on avait tout lieu de leur faire confiance. Il n’était pas de personnes plus qualifiées pour apporter des réponses concrètes à cette vie qui était devenue un problème pour une majorité de vivants. Il était impératif de créer un outil permettant d’améliorer la qualité de vie. Sans quoi les vivants finiraient par ne plus croire en la leur. Et dès lors que les vivants ne croiraient plus en la vie, on pouvait envisager le pire, les drames, les catastrophes, plus envie de travailler, plus envie de se lever, le goût de rien, des entreprises vides, des commerces déserts, des services fantômes, le marché qui s’effondre, la révolution qui vient. Le groupe de réflexion répondit en trois points. Un) anticiper la révolution des populations par la révolution des prix. Deux) révolutionner la vie en la rendant accessible aux revenus les plus bas. Trois) inventer le Pays où la vie n’est pas chère. Une fois inventé, le Pays s’est fait connaître par une communication offensive vantant les prix fous auxquels étaient vendus les produits du quotidien. À coups de prospectus distribués massivement dans les boîtes aux lettres et de campagnes d’affichage sur des panneaux quatre par trois installés en bord

AIR DU TEMPS

de route, le Pays au logo de petit oiseau rouge et vert est rapidement devenu familier aux habitants de cette région française. Convaincus que le futur passait par un élargissement de l’offre de loisirs et de l’offre de services, les dirigeants du Pays ont développé la galerie marchande en installant cafétéria, pizzeria, bar tabac, point chaud, marchand de glace, coiffeur, magasin de sport, de fringues, de culture, de cadeaux, d’objets fantaisie. Dans les allées, des stands thématiques proposent de l’artisanat régional. Des cigales artificielles s’expriment par haut-parleurs. Motivés par une croissance à deux chiffres, les types en charge de la stratégie ont jugé qu’ils avaient intérêt à agrandir le Pays. Si bien qu’il s’est développé une immense zone commerciale, à la hauteur de l’ambition des patrons du Pays. Ils s’en sont donné à cœur joie. C’est ainsi qu’on a vu apparaître des grandes surfaces spécialisées dans le bricolage, le jardinage, les jouets, les sports et les loisirs créatifs. On a vu apparaître des chaînes de restauration, des hôtels préfabriqués, des salles de squash, des clubs de remise en forme avec espace musculation, piscine et sauna. Dernier commerce à s’implanter, un restaurant de poissons et fruits de mer diffuse par haut-parleurs une bandeson maritime où la vague, la brise et des cris de mouettes invitent le chaland à la dégustation à bas prix

LE PAYS Où LA VIE N’EST PAS CHÈRE PAR CYRILLE MARTINEZ

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COMPTES RENDUS lectures & expositions

LECTURES Pierre Vadi, “HOTEL” éd. Triple V, Paris, 2011.

Fouet, charognes, chaînes en verre brisées, similicuir, ruines : au premier abord, on croit saisir, tant dans les formes que dans les matériaux, les névroses qui habitent les œuvres de Pierre Vadi. Un sentiment que vient renforcer leurs titres, énigmatiques et changeants – Maman avait raison de ne pas m’aimer, pour ne prendre qu’un exemple de titre finalement abandonné par l’artiste. C’en est presque trop, une vraie « chair à psychanalyse », pour reprendre les mots de Jill Gasparina. Cette dernière pointe cependant l’opacité tenace, les apories presque comiques à l’œuvre dans ce « minimalisme ténébreux ». On finit par percevoir un certain dandysme dans le travail de Pierre Vadi, oscillant entre ces deux pôles, incarnés par les œuvres Pierre (1966-1956) (soit un parallélépipède en béton au minimalisme austère) et Wo Es war, soll Ich werden (petite sculpture aux apparences de jouet carbonisé) : un couple d’œuvres souvent montrées ensemble et qui, très justement, vient ici ouvrir et fermer le catalogue, comme si le premier cachait l’autre ou que le second prenait le premier comme décor. [Paul Bernard] HARDCOPY http://head.hesge.ch HEAD Genève.

Exposition et performance Hard Copy LiveinYourHead, Institut curatorial de la HEAD, Genève, 2010. © Delphine Bedel

Hardcopy est un projet qui explore l’édition de livres d’artistes mais

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aussi leur diffusion grâce à des pratiques contextualisées telles que des conférences, des rencontres publiques dans des foires ou des salons du livre sur la scène internationale. Ce programme a été initié en 2009 par l’artiste et curatrice Delphine Bedel pour le Work Master à la Haute École d’Art et de Design de Genève. C’est un projet pédagogique qui entend le livre comme un format curatorial à part entière. Les étudiants choisis creusent la façon dont le livre fera sens en regard de leur travail. Ce cheminement et les réalisations émergent grâce à un travail collaboratif étroit entre l’étudiant(-e), les intervenants et un designer graphique professionnel extérieur à la HEAD qui accompagne et travaille le livre comme un dispositif pour faire émerger un design en lien avec les problématiques de l’artiste. À chaque livre un designer et un imprimeur spécifiques pour des livres performatifs. Recherche ardemment diffuseurs ! [Caroline Engel] “Azimuts 36, une anthologie” éd. Cité du design, 2011.

Couverture d’Azimuts 36, automne 2011. © Azimuts, Cité du design

« Le design est économique, esthétique, industriel, culturel, expérimental, polémique, ensemble. C’est au sein de cet ensemble, de cet être avec, qu’il doit prendre place. » [page 243] – « Dans toute pollution les designers ont leur part de responsabilité. » [page 34] Voici deux polarités présentes dans les 484 pages du numéro spécial d’Azimuts. Ces deux conceptions du design sont là, à un moment donné du feuilletage qu’induit la forme, plus concentrée, plus épaisse de ce numéro anniversaire. Tout autour s’étoile une réédition d’articles, d’entretiens, extraits des trente cinq numéros précédents de la revue conçue et publiée par le Post-diplôme design de l’École d’art de Saint-Étienne. Azimuts 36 est une anthologie, clôturant un cycle initié voilà vingt

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ans, lui rendant hommage tout en en préfigurant un nouveau. Si étymologiquement un azimut est un chemin (az-samt en arabe), Azimuts 36 est un échangeur qui distribue plusieurs axes de réflexion, sur l’économie, l’esthétique… [Pascal Thevenet] “Retour d’y voir, numéros CINQ et SIX”, “Retraits de l’artiste en Philippe Thomas” éd. Les presses du réel, MAMCO revue, 2012.

Hommage à Philippe Thomas : autoportrait en groupe, 1985.

Les numéros 5 et 6 de Retour d’y voir reviennent sur la trajectoire particulière de l’artiste Philippe Thomas. Ils proposent un regard à plusieurs facettes croisant analyses et témoignages. Retour sur une œuvre habitant le champ de l’art conceptuel des années quatre-vingt et quatre-vingtdix, ayant déployé un arsenal de manœuvres esthétiques questionnant le rapport à la réalité, l’autorité de l’artiste, le conservatisme du monde de l’art, l’expérience de l’œuvre et ses conditions. Il est question de l’actualité de ce travail – les ready-made appartiennent-ils encore à tout le monde ? – , de la place de l’écriture, de sa dimension paratextuelle, de l’intérêt de l’artiste pour la périphérie de l’œuvre d’art et de la manière dont il est perçu par les générations suivantes. Occasion aussi d’ouvrir sur un hors-champ de cette pratique, la manière de travailler de l’artiste. Des points de vue multiples qui forment un hommage riche constituant une véritable matière à réflexion quant à l’histoire que nous a racontée Philippe Thomas et qui nous travaille encore. [Éléonore Pano-Zavaroni] “Laurent Montaron” éd. Les presses du réel, Collection IAC, 2012. Nouvelle collaboration entre les presses du réel et la collection IAC, dont les publications font

tout à la fois office de témoin et de prolongement des expositions présentées par l’Institut d’art contemporain, le catalogue éponyme de Laurent Montaron s’ouvre sur une immersion dans la production de l’artiste. Les soixante-dix premières pages du livre forment ainsi un large compte-rendu visuel d’une œuvre interrogeant les médias – comme objets d’émission et de diffusion de messages – dont l’artiste sonde l’aura symbolique à l’heure de leur obsolescence. Les pièces mécaniques et dispositifs sonores qu’il sélectionne alternent avec des captures de films et des photographies, ponctuellement entrecoupées de quelques lignes de texte : fragments de récits rapportés, en anglais ou en espéranto, fictions constituant cette production. À ce dossier font suite une excellente analyse de Michel Gauthier – où l’auteur développe une réflexion éclairante sur le « tropisme du sens en défaut », qui « enténèbre » cette œuvre – ainsi qu’un entretien réunissant l’artiste et le commissaire Daniel Baumann, davantage orienté sur la production filmique de Laurent Montaron. [Franck Balland] “Architecture & typographie, Quelques approches historiques” École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon, École européenne supérieure d’art de Bretagne-Rennes et éd. B42, 2011.

Actes d’une série de conférences organisées autour d’un atelier de recherche éditoriale, Architecture & Typographie aborde la question des mots et de leur image dans le livre ou la ville à partir de quelques approches historiques.


Digression, hypertextualité, grille, navigation, hiérarchisation sont autant de fonctions mises en jeu par une écriture dans un espace saturé d’information comme dans le champ très actuel du design multimédia. Quelles sont les liaisons intimes entre l’art du bâti et celui du lettrage ? À l’endroit de ces connexions, quels modèles peut-on extraire pour alimenter une réflexion sur le graphisme ? La publication réunit iconographies, textes et études sur les enseignes publicitaires et projets de livre des avant-gardes, des diagrammes ou datascapes illustrant une sociologie de l’habitat, un livre d’architecture issu de la contre-culture américaine ou des écritures urbaines contemporaines tels une somme de matériaux bruts propices à la conception de systèmes de visualisation de l’information multi-supports. [Carine Bel] Élodie Lesourd, “Werther Effect” éd. Dilecta, 2011.

Élodie Lesourd est peintre et musicienne. Elle réalise de manière « hyperrockaliste » (un hyper­réalisme fixé sur l’esthétique rock, pour le dire autrement) des images photographiques reproduisant des œuvres d’art composées de guitares, amplis, batteries – et tout ce que l’on peut rapprocher de la culture rock. Spécialiste de black metal, elle puise dans les codes et figures emblématiques de cette musique – plus précisément dans sa branche norvégienne, l’Inner Black Circle – les principaux motifs constituant la part ténébreuse de sa production. Sorti aux éditions Dilecta, le catalogue consacré à l’artiste est une fidèle retranscription de ces esthétiques ; les nombreuses reproductions rendent tout à la fois compte de ce fétichisme voué aux instruments et de cette sombre fascination accordée aux symboles maléfiques. Titré Werther Effect (en écho au roman de Goethe, l’expression est utilisée pour décrire un phénomène de contagion des suicides après la surexposition médiatique d’un cas), griffé en lettres noires sur une couverture monochrome rouge, le livre aborde ce travail de manière précise et complémentaire. [Franck Balland]

Jean-Pierre Huguet éditeur www.editionhuguet.com Saint-Julien-Molin-Molette (42). Revue De(s)générations www.desgenerations.com

eXPOSITIONS — RHÔNE-ALPES — “4 × 10” Œuvres de la collection de l’INSTITUT D’ART CONTEMPORAIN, RHÔne-ALPES du 15 oct. 2011 au 14 janv. 2012, Galerie d’exposition du Théâtre de Privas et Ad Libitum, salon de curiosités.

Pierre Joseph, Little democracy, 1997, sérigraphies. © Blaise Adilon © l’artiste

Couverture de De(s)générations n° 15, janvier 2012.

En 1976, Jean-Pierre Huguet installe son imprimerie à SaintJulien-Molin-Molette. En 1988, il se lance dans l’édition suite à une première rencontre avec un artiste qui souhaitait produire et diffuser ses estampes. Ainsi se mit en place un double geste : Huguet éditeur décide et commande le travail d’Huguet imprimeur qui l’exécute. Dans les années quatre-vingt-dix, alors qu’il imprime les catalogues de l’ELAC, une autre rencontre sera déterminante pour son activité d’éditeur : celle avec Michel Sottet, proviseur d’un collège de Vienne, qui mit en place un programme d’interventions d’artistes au sein de l’établissement. Jean-Pierre Huguet fut sollicité pour imprimer / éditer les estampes résultant des travaux menés entre les élèves et Villeglé, Messagier ou Combas. Que signifie imprimer / éditer ? Pour Jean-Pierre Huguet, c’est avoir la maîtrise de deux paramètres : le financement et l’amortissement, sans chercher une économie productrice, ce qui laisse à l’éditeur une vraie liberté puisqu’il élude le besoin de dégager des bénéfices. D’ailleurs, Jean-Pierre Huguet n’a d’autre engagement que d’éditer en nom propre. Fortes de cet engagement, les éditions Huguet proposent plusieurs collections dont nombre sont consacrées à l’art : les sept collines, rencontre, raretés… Il s’agit ou de publier écrits d’artistes, critiques, philosophes, ou d’expérimenter la forme livre. Ainsi Derrière la vitre éprouve un format, le leporello, qui est

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une ligne : horizon et temporalité. Cette collection, dirigée par Anne Tayeb, insiste sur l’inter­ pénétration disciplinaire puisque plasticiens, poètes, écrivains ou musiciens peuvent être sélectionnés pour penser leur ouvrage qui s’accompagne d’un support sons et / ou images. Derrière la vitre explore aussi la notion de dépôt légal puisque Jean-Pierre Huguet dépose par exemplaire et non plus par tirage. Une autre expérimentation, de l’ordre de la diffusion celle-là, va s’échafauder à partir des prochains numéros de la revue De(s)générations. Il s’agira alors de mettre en connexion un des rédacteurs de la revue avec le libraire afin de générer une relation plus humaine que commerciale. Chaque numéro de la revue développe une thématique – « violence et politique », « postérité du post-colonial » pour les deux derniers – dont le contenu est laissé à la réflexion des rédacteurs sélectionnés parmi le comité de rédaction. Ainsi, tour à tour, un (ou plusieurs) membre devient rédacteur en chef. Libre à lui, ou à eux, de commander et articuler textes théoriques et regards plastiques traitant la thématique. Ce « management » inédit fonde la richesse de la revue qui revendique d’être « un affront ouvert à trente ans de crispations réactionnaires ». En 1976, trente ans avant le premier numéro de De(s)générations, Jean-Pierre Huguet s’installe aux limites de l’Ardèche et de la Loire… [Pascal Thevenet]

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Retracer 4 ×10 années de création plastique hexagonale ne pourrait qu’être didactique ou commémoratif si l’on s’en tient au prétexte des quarante ans du Théâtre de Privas qui, pour l’occasion, s’est associé à l’IAC. Se dégage pourtant de cette exposition un aspect ludique et enjoué créé par le voisinage d’œuvres très différentes formellement (No future de Bossut vs Les tortures volontaires de Messager) ou par un contexte décalé (la gestuelle provocante du mannequin de Beecroft dans la quiétude du salon de thé Ad libitum). L’intelligence de cette exposition réside dans les rebonds incessants qu’opèrent les œuvres entre elles, déviant par là la convergence des problématiques théâtrales (corps, espace, narration) avec celles des arts plastiques. Le choix et la disposition des œuvres dans l’espace de la galerie fonctionnent finalement comme Little democracy de Pierre Joseph, posters installés le long d’un corridor, où un « personnage vivant à réactiver » peut se retrouver au détour d’une autre image de la série. [Pascal Thevenet] Fred Vaillant et Todor Todoroff, “Projections mouvementées” du 8 nov. 2011 au 9 janv. 2012, Lux, Valence. Insondables est un dispositif interactif dans lequel le corps du spectateur se fait instrument déclencheur d’une expérience particulière. L’espace est plongé dans la pénombre, occupé par des modules, sortes d’aquariums contenant de la lumière, ainsi que par une projection muette et instable sur tout un mur. Pendant la déambulation entre les éléments, des bruits sourds se font entendre. Confronté à ces formes dont l’esthétique importe peu, en prenant

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Vue de l’installation Insondables de Fred Vaillant et Todor Todoroff. © Olivier Janot

le temps, le corps s’immerge et se concentre sur ses sensations. L’attention se porte sur le son qui paraît déterminé par les mouvements du corps, puis sur l’image projetée, difficilement discernable qui apparaît puis disparaît comme dans un flux et reflux d’eau. Il semble que tout comme le son, l’image réagisse aux mouvements. Les sons et les images dialoguent par le corps en déplacement, médiateur entre ces deux formes, embrayeur du dispositif visuel et sonore. Insondables est la tentative de créer une machine à sensations, un espace entre, comparable à un espace aquatique où tout est amplifié, proche et loin à la fois, proche et flou. [Éléonore Pano-Zavaroni] Gabriela Oberkofler, “I will not leave my home for three months” du 26 nov. 2011 au 21 janv. 2012, art3, Valence. Programme de résidences d’artistes plasticiens entre la région Rhône-Alpes et le land du Bade-Wurtemberg.

Gabriela Oberkofler, Küche (cuisine), 2011, étagère et objets ; Haus auf Apfelbaumwiese (le pommier sur le chemin de la maison), 2010, feutre sur papier. © Thierry Chassepoux

« Je ne quitterai pas ma maison pour trois mois » déclare Gabriela Oberkofler en guise de titre à son exposition à art3. Alors l’artiste, suite à trois mois de résidence, reconstitue un intérieur avec mobilier, étagère, livres et objets, un coin cuisine, le tout ornementé de patients dessins au feutre, dont le trait dominant est la hachure, un peu à la manière du décompte des jours d’emprisonnement gravé sur le mur d’une cellule. Un intérieur certes, mais agencé selon une rigoureuse gestion de l’espace qui fait que chaque élément devient plastique, intouchable, inusuel. À la fois à l’entrée et à la sortie de l’exposition, en boucle, un court film

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de l’artiste allemande montre comment une tourterelle qu’elle a libérée de sa volière d’oisellerie ne prend pas son envol malgré la porte ouverte de sa nouvelle cage, installée telle une île sur un plan d’eau. Tout comme la cage est l’habitat de cet oiseau né captif, le lieu d’exposition comme « système de dispositions réglées » (P. Bourdieu) est l’habitus de l’artiste. Du moins celui de Gabriela Oberkofler. [Pascal Thevenet]

“Columna 01” Paul Chazal, Jean-Baptiste Ganne, Natacha Lesueur, Florian Pugnaire ET David Raffini, Cédric Teisseire, Tilman, Jan Van Der Ploeg, Jean-Luc Verna, du 17 sept. au 8 déc. 2011, Vienne, Chasse / Rhône.

Lili Reynaud-Dewar, “Ceci est ma maison / This is my place” du 5 fév. au 29 avril 2012, Magasin, Grenoble.

Vue de l’exposition Ceci est ma maison / This is my place au Magasin-Cnac © Blaise Adilon © Magasin-Cnac

Dire que l’exposition est dense serait un doux euphémisme. Comme à chaque fois, les motifs-référenceshistoires-mythologies présents dans le travail de Lili Reynaud-Dewar rythment et saturent sciemment tous les espaces du Magasin, à l’exception de la rue, empreinte d’un esprit nouveau. Car pour la première fois, l’artiste s’est mesurée à la performance, seule, avec la rue comme écrin, nue, recouverte de fard noir, en empruntant des postures de danse de Joséphine Baker. Seules subsistent des photos que l’artiste a prises. Elles scandent l’espace, au même titre que les dix sculptures minimales en métal réfléchissant posées sur des tables-établis à intervalles réguliers. L’espace est désincarné mais maîtrisé : les formes se répètent, les couleurs sont absentes, les volumes se répondent. Seul un corps noir, plein, habite l’immense espace qu’est la rue. En 1927, Adolf Loos dessine, pour Joséphine Baker, une maison qui ne sera jamais construite ; Le Corbusier en publiera les plans dans sa revue l’esprit nouveau. Loos unifie les deux étages par des bandes régulières, parallèles, alternées de marbre noir et blanc, alors que le rez-de-chaussée figure un socle blanc. Lili ReynaudDewar s’approprie ce motif efficace pour habiter la rue et en recouvrir l’intégralité des murs. Elle s’imprègne de l’histoire de ces deux personnages et de cette maison-paradis-utopique pour nous plonger dans des superpositions de paradoxes : Loos et Baker, un homme et une femme, un blanc, une noire, un référent de la culture \

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Tilman, Artitecture (Cabane communale), Chasse / Rhône, 2011. Laque sur bois, 500 × 420 × 300 cm. © l’artiste

Aller à Vienne, soit. Du jazz, un passé gallo-romain et probablement d’autres atouts qui font que la sous-préfecture peut être une étape. Mais Chasse / Rhône ? Pourquoi s’y rendre expressément ? Cette commune, coincée entre l’axe rhodanien et une colline, percée d’un grand pont autoroutier, présente l’intérêt d’une esthétique banlieusarde et post-industrielle. Cela justifie t-il le détour ? Oui, si quelques jalons guident la découverte. Des œuvres par exemple : une intervention graphique de Jan Van Der Ploeg et une construction de Tilman. Sous le fameux viaduc, une répétition de motifs géométriques anime le pilier sud. Des arrachements du papier collé, témoignages de quelques passages dans ce nonlieu, n’affectent pas l’aspect rosé que prend la culée alors que le regard s’éloigne de l’intervention de l’artiste néerlandais. Plus haut, sur la butte d’où la vallée industrielle se dévoile, d’autres couleurs, vives, agencent un espace urbain où école, MJC et intersection routière voisinent. Tilman a posé sur ce promontoire une « artitecture », tenant à la fois du préau, de l’abribus et de l’édifice sans fonction définie, dont l’usage est laissé à l’imagination de ses visiteurs. Voir l’art là où il n’a pas habituellement lieu permet de découvrir le lieu qui, sans l’art, n’aurait pas été vu. « Voir plus loin sans jamais s’arrêter » est le sous-titre de Columna 01, exposition

commissariée par Paul Raguenes en collaboration avec le collectif La Station, de Nice. « Voir plus loin sans jamais s’arrêter » aux apparences. Apparence d’un désordre lapidaire (musée Saint-Pierre de Vienne) articulé par les œuvres de Jean-Luc Verna, Natacha Lesueur, Cédric Teisseire et Paul Chazal. Apparence d’une beauté architecturale (temple d’Auguste et Livie) soulignée par deux monochromes du même Teisseire et l’installation lumi­ neuse de Jean-Baptiste Ganne. Apparence enfin d’une ancienne halle des bouchers où le duo Raffini et Pugnaire a envahi l’espace voûté d’explosions, de coulures, de dégradations pour une proposition finalement … envoûtante. « Voir plus loin sans jamais s’arrêter » : ne jamais s’arrêter au seul charme de Vienne mais bien aller se perdre dans un faubourg voisin. Voir plus loin que l’attendu dialogue entre patrimoine et création actuelle pour vérifier qu’une œuvre modifie la perception de son espace environnant. Au final, Columna 01 propose une mobilité permanente qui, rétrospectivement, est effective par le souvenir des lieux et non-lieux occupés temporairement par de l’art contemporain. Une mémoire en mouvement incessant qui va d’une tête de dieu colossale à un parking vide sous le pont autoroutier en passant par des volées d’adolescents partant se restaurer. [Pascal Thevenet]


\ dite haute, l’incarnation de l’émancipation de la sous-culture, le dépouillement maîtrisé versus l’extravagance surjouée. Dans les galeries, les enchevêtrements de sources et d’histoires nécessitent neuf heures de présence si vous décidez d’un décryptage du discours ; rassurez-vous, la maîtrise absolue des références citées n’est pas indispensable à la lecture de l’exposition : regardez, choisissez, faites mûrir. [Caroline Engel]

Commissariats In Extenso : Simon Feydieu, Marc Geneix, Sébastien Maloberti, “Salon d’automne (remix)” du 18 nov. au 11 déc. 2011, L’Assaut de la Menuiserie, Saint-Étienne. Pierre Labat, Christian Andersson, Geert Goiris, Ulla von Brandenburg, Pierre Laurent Cassière, “Phénomènes” du 4 nov. au 17 déc. 2011, Néon, Lyon. Élise Grognet et Benjamin Artola, détail de l’état des lieux de Véranda Dunk. © Élise Grognet et Benjamin Artola

Museum of Museum, “Esprit des Petits Aigles” du 8 oct. au 12 nov. 2011, Laboratoire d’Art d’Aujourd’hui, La Bifurk, Grenoble.

Marc Geneix, Le roi dans son royaume, 2011, L’Assaut de la Menuiserie. © DR

Museum of Museum, Esprit des Petits Aigles, 2011, courtesy MoM.

Au point d’accueil, on nous donne un ticket et un audioguide. À l’entrée du LAA, la signalétique est muséale, imposante. À l’intérieur, une frise de cadres – les premiers abritant des dessins, les autres vides – investit les quatre murs. Pour ce projet, le collectif MoM a travaillé avec des d’élèves d’écoles primaires sur l’institution muséale et leur a demandé de dessiner un musée. Le point de vue des artistes est double, sur l’institution – sujet des dessins – et sur l’accrochage en lui-même : les cadres sont à 1 m du sol. Les codes de l’institution sont bien présents : il est question de donner à voir des œuvres et de muséifier le LAA, mais une critique ironique pointe vite en filigrane. D’une voix électronique froide, l’audioguide décrit plus le lieu que les pièces, tandis que les cadres vides nous renvoient forcément au caractère inachevé du projet. Celui-ci est une mise en abîme contenant différents niveaux de lecture, des représentations sociales (les « ne pas toucher » visibles dans plusieurs dessins) à la référence à Marcel Broodthaers (les « Aigles » du titre). Il est juste, ludique autant que sérieux. [Pascale Riou] Élise Grognet et Benjamin Artola, “Dunk”, État des lieux de la résidence Véranda octobre 2011, Saint-Martin-d’Hères. Résidence située dans le domaine universitaire de Grenoble, Véranda aborde un fonctionnement \

Le collectif In Extenso, fondé en 2002 par les artistes Marc Geneix et Sébastien Maloberti, développe une activité foisonnante (édition, exposition, mise en place d’un réseau en Centre-France). Leurs nombreuses collaborations sont le fruit d’une prospection minutieuse, les rencontres se font par coups de cœur et sympathies, loin des sirènes du marché de l’art. Fin 2011, les deux cartes blanches qui leur ont été offertes furent l’occasion de découvrir deux manières différentes de concevoir un travail de commissariat. À L’Assaut de la Menuiserie, le duo s’expose en compagnie de Simon Feydieu. C’est à trois que le projet prend forme et, si KOM de Simon Feydieu, accumulation d’objets récupérés inspiré du Merzbau de Schwitters était pressenti dès le départ, le reste de l’exposition est élaboré directement sur place. Les travaux, presque tous des productions, sont choisis pour dialoguer entre eux et répondre à l’espace. Ainsi devant KOM et ses 6,75 m de long, sorte de « monstre » imposant sa présence, Sébastien Maloberti présente Behind an oak tree, une fine barre d’acier discrètement posée contre le mur, derrière laquelle sont cachés des crayons à dessin. L’habitude est également de modifier le lieu qui accueille le projet. Ici, Marc Geneix construit une porte inamovible au fond de la première salle, empêchant de poursuivre le parcours. Le visiteur est forcé de ressortir pour emprunter une seconde entrée et continuer l’exposition en sens inverse. Le commissariat pourrait ainsi être qualifié d’in situ, conçu en direct

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et de façon intuitive. De plus en plus d’artistes se font ponctuellement commissaires mais ils s’en tiennent souvent à ce rôle, sans ajouter leurs propres œuvres à leur sélection. Ici, les rôles sont confondus et permettent une totale liberté d’action, sans l’avis d’un décideur extérieur. Chez Néon, la démarche apparaît à première vue éloignée. Le projet est thématique, entièrement pensé à l’avance. Il réunit cinq œuvres d’artistes différents, datées de 2001 à 2010, autour des questions de perception et de faux-semblants. Dès l’entrée, Soft Drink Stand de Christian Andersson, fausse projection d’un extrait de texte de Philip K. Dick qui, par un système de caisson lumineux, apparaît des deux côtés de la cimaise, fonctionne comme une sorte de cartel annonçant l’esprit de « trucage » général. L’espace a été morcelé pour s’adapter à chacune des œuvres, telle celle de Pierre-Laurent Cassière qui s’infiltre jusque dans les murs pour diffuser un son de basse oppressant. La démarche du collectif est cette fois plus classique, tout en évitant le piège du thématique où les travaux viennent simplement illustrer le sujet choisi. Les œuvres gardent toutes une présence individuelle forte malgré leur proximité. Si la manière diffère, ces deux commissariats d’artistes privilégient une approche sensible à la réflexion théorique et font de l’espace un matériau constitutif de l’exposition. In Extenso s’illustre par sa volonté d’échapper aux réseaux existants, en soutenant plutôt de jeunes artistes et en privilégiant les lieux de diffusion aux galeries. [Aurélien Pelletier]

\ comparable à un appartement aux horaires de bureaux. Au début du mois, les clés sont laissées à un artiste et à la fin du mois, la seule exigence envers le locataire est d’ouvrir les portes pour un état des lieux. Cette fois, c’est Élise Grognet et Benjamin Artola qui se confrontent à l’exercice souple mais non moins compliqué, induit par ce format dont l’objet consiste en une sorte de compterendu d’activité. À cette occasion, Véranda porte de multiples traces, signes de tentatives quasi compulsives ou enfantines. Dans l’espace sont disséminés des objets et agencements dont on peine à identifier le statut : plusieurs dispositifs pour voir, tel qu’un périscope et un mirador, ou des résidus de tentatives avortées, tel qu’un feu d’artifice pour fourmis. Constitué de formes qui se répondent, témoignant d’intenses discussions, cet état des lieux sonne comme un échauffement attisant la curiosité quant à ce que produira par la suite cette rencontre entre les deux artistes. [Éléonore Pano-Zavaroni] Bertrand Lavier du 14 oct. 2011 au 5 fév. 2012, Musée d’Art Moderne de Saint-Étienne.

Bertrand Lavier, Composition en 4 couleurs, détail, 2011. © DR

Une carte blanche a été offerte à Bertrand Lavier pour investir la plus grande salle du musée. L’artiste a choisi d’y réaliser une production monumentale. Composition en quatre couleurs, détail se compose d’un socle en bois carré de 40 cm de hauteur et de 15 m de côté, recouvert d’une moquette imprimée d’un détail de terrain de basketball. Si ce format est pour lui inhabituel, ses préoccupations n’ont pas changé.

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Mettre en doute le quotidien aussi bien que l’œuvre d’art, brouiller les frontières entre chacun. Le motif est décentré pour s’adapter au format de la salle. La pièce est inqualifiable, ni tableau ni sculpture, encore moins terrain de basket. Dans un couloir adjacent, Mamba (2008) vient appuyer le propos autant que contrebalancer physiquement l’œuvre précédente. Ce petit personnage en bronze recouvert de nickel, qui porte la signature de Bertrand Lavier, est le moulage d’une statuette africaine. À nouveau les matériaux clament le mensonge, tout comme la signature toujours inexistante sur les originaux en bois. L’artiste ne fait pas que s’approprier les choses, il les reconfigure afin de leur donner un statut in-utilitaire et suffisamment ambigu pour que chacun se fasse sa propre idée. [Aurélien Pelletier] Pierre-Olivier Arnaud, “Cosmos 2” du 3 sept. au 5 nov. 2011, CAP Saint-Fons.

Pierre-Olivier Arnaud, exposition Cosmos 2, 2011. Vue partielle avec sans titre (projet : cosmos – fleur 72 et 73) et sans titre (RE 02), Le CAP Saint-Fons. © l’artiste

Tirant son titre d’un corpus photo­ graphique intitulé projet : cosmos, l’exposition de Pierre-Olivier Arnaud à Saint-Fons, Cosmos 2, présente un ensemble d’images dérivées de ce premier corpus et tiré au format des posters publicitaires pour abribus. Partant de cette collection d’images d’hôtels modernes de style international, l’artiste s’est rendu sur leurs sites pour réaliser de nouveaux clichés. Se jouant du potentiel iconique des hôtels Cosmos et plutôt que de prolonger la fascination qu’entretient le modernisme architectural, Arnaud déplace le point de vue sur des détails et des situations anodines : une fleur, un ciel, une lumière... Ces images qui pourraient être décrites comme abstraites font alors écho à un autre champ de la modernité : la peinture (fonds mono­ chromiques, cadres et grilles tracés par le vol d’un avion). Parallèlement à ces grandes images placées au mur, le sol, lui, est jonché d’une multitude de tirages de format plus modeste. Dégradés de gris, ces sfumati photographiques sont en fait des recadrages d’images publicitaires. Images d’images, parterre d’éphémeras \

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FABRICE GYGI, “Gygi grave” du 10 sept. au 10 nov. 2011, URDLA, Villeurbanne.

\ dépourvus de messages de réclame, l’artiste renforce par cette installation un fragile équilibre entre la promesse de l’image et son impossibilité à la tenir. [Estelle Nabeyrat] “Coup d’éclat” du 15 sept. 2011 au 5 fév. 2012, Fort du Bruissin, Francheville.

Fabrice Gygi, Bâche, œillet, sangle, 2003, linogravure, 200 × 110 cm, 16 exemplaires, édition URDLA Villeurbanne.

L’estampe : un terrain d’expérimentation Maison d’édition et atelier invitant des artistes en résidence pour produire des estampes, l’URDLA (fondée en 1978 par Max Schoendorff) s’impose également comme un centre d’art de niveau européen. Sa programmation ambitieuse permet de diffuser son savoir-faire technique exceptionnel – axé sur les techniques dites traditionnelles – tout en prenant part aux nouveaux enjeux qui animent l’art contemporain. Récemment, l’URDLA a accueilli une exposition monographique consacrée à l’artiste suisse Fabrice Gygi. Depuis la rétrospective du Magasin de Grenoble en 2000, celui-ci n’avait pas bénéficié d’une exposition personnelle dans le circuit des institutions françaises 1, bien qu’il ait représenté la Suisse à plusieurs reprises dans des événements internationaux comme la Biennale de São Paulo en 2002 et la Biennale de Venise en 2009. Réunissant des multiples (linogravures et lithographies) et des pièces uniques (sculptures et bijoux), l’accrochage permettait de découvrir « différentes voies que peut emprunter un artiste lorsqu’il est confronté aux techniques traditionnelles de l’estampe » 2. Pour Cyrille Noirjean, directeur de l’URDLA, il s’agissait de construire une exposition qui démontre la continuité entre les techniques et la complémentarité des travaux imprimés et des pièces tridimensionnelles. Ce format d’exposition articulée autour d’un noyau d’œuvres éditées mais ouverte à d’autres médiums permet de réintroduire l’estampe au cœur de l’activité et des préoccupations des artistes contemporains. La gravure n’est pas marginale dans l’œuvre de Fabrice Gygi mais elle y tient au contraire une place aussi importante que sa pratique de l’installation,

COMPTES RENDUS

Ivan Argote, Lovely, 2011. © Blaise Adilon

de la sculpture ou de la performance. Selon Cyrille Noirjean, « la cohérence de l’exposition n’émanait ni de la chronologie ni de l’anecdote biographique mais de la tresse des disciplines 3 ». Les trois grandes linogravures de deux mètres, imprimées à l’URDLA, placées en ouverture de l’exposition et figurant trois motifs récurrents dans le travail de Gygi (le treillage, les sangles et les patchs pour électrocardiogramme) permettaient d’établir un pont entre les estampes et les pièces uniques, puisque la première (Treillis), réalisée en 2002, correspond au moment où l’artiste commence à faire se rejoindre les deux ensembles, jusque-là pensés indépendamment. Les objets produits trouvent une unité dans l’évocation régulière des formes de l’autorité, puis dans le recours à des structures mimant le ready-made bien que réalisées manuellement. Le regain d’intérêt récent pour les arts graphiques – amorcé au début des années 2000 – permet d’envisager l’estampe non plus comme un ensemble de techniques de reproduction et d’édition d’œuvres préexistantes mais comme un véritable terrain d’expérimentation dans lequel l’artiste puise les ressources pour enrichir son travail, le réorienter et le faire évoluer. La prochaine exposition de l’URDLA, centrée sur la cosmologie d’Onuma Nemon, poursuit la proposition de « tresse » des disciplines en réunissant des gravures, dessins et textes : fragments d’une œuvre littéraire et artistique totale. [Gwilherm Perthuis] Sur le plan du marché de l’art, la galerie Chantal Crousel (Paris) lui a également consacré plusieurs expositions personnelles. 2 Voir la note d’intention de Cyrille Noirjean, dossier de presse de l’exposition, page 3. 3 Ibid. 1

Pour cette exposition en résonance avec la Biennale de Lyon, Francheville a confié le commissariat à l’École du Magasin de Grenoble (F. Agnesod, G. Hervier, A. Rodriguez Nova) qui s’est intéressée à faire coexister un travail de recherche sur les artistes d’Amérique latine avec la spécificité du Fort militaire, architecture de retranchement et d’isolement. Dans ce contexte, Coup d’éclat tente de rendre compte, à travers un choix d’une dizaine d’artistes, de certaines formes artistiques de résistance et de critique en regard d’une réflexion vis-à-vis de la société de contrôle décrite par Deleuze ou du biopouvoir analysé par Foucault. Réflexion que le site convoque par son histoire et qui est suggérée dans l’exposition par de multiples entrées, une approche ironique par exemple, comme c’est le cas pour la vidéo Lovely d’Ivan Argote, dans laquelle une fourgonnette de police s’agite imageant une étreinte ; ou bien une démarche prospective et une forme documentaire comme dans le film de Judi Werthein réalisé à partir d’images d’archives et de témoignages au sujet de la Colonia Dignidad, communauté bavaroise installée au Chili dans les années soixante, ex-camp de torture reconverti en complexe touristique. [Estelle Nabeyrat] Julien Nédélec, “Tout ce que cela n’est pas” du 28 oct. 2011 au 31 déc. 2011, Artothèque MLIS Villeurbanne. « Tout ce que cela n’est pas ». Le titre est facile à comprendre et néanmoins ambigu, ouvert à de multiples interprétations, bref, tout ce que sont les œuvres de Julien Nédélec. Dans son monde de joyeux paradoxes, jeux de mots, de volumes et de matières se côtoient sans cesse. Autour du langage, Une impression de silence est une pile de papiers


les artistes brésiliens à la 11e Biennale de Lyon “UNE TERRIBLE BEAUTÉ EST NÉE” du 15 sept. au 31 déc. 2011, La Sucrière, Musée d’art contemporain de Lyon, Fondation Bullukian, Lyon ; Usine T.A.S.E., Vaulx-en-Velin. Julien Nédélec, vue de l’exposition, 2011. © DR

imprimés d’un mot en braille en gros plan, devenu illisible de par sa planéité. Ce n’est pas ce que vous croyez est un contre-collage de cette phrase écrite en morse sur fond noir, enchaînement de signes abstrait. Ces deux pièces font passer la dimension esthétique du langage au premier plan par l’emploi d’une forme inhabituelle et utilisée à mauvais escient. Les copistes poursuit le jeu avec un exercice de téléphone arabe chromatique. L’artiste a peint un monochrome puis demandé à deux personnes d’en faire chacun une copie. Les deux nouveaux monochromes sont à leur tour donnés à copier et ainsi de suite avec chaque nouvelle toile. Le résultat forme un nuancier dont les variations suivent un ordre étonnamment logique. On retiendra cette capacité à rendre à première vue abstraites des œuvres finalement très littérales. [Aurélien Pelletier] L’ENS de Lyon et l’ENSP d’Arles “À distances” du 19 nov. 2011 au 15 janv. 2012 Centre Photographique Île-de-France (CPIF), Pontault-Combault.

Oscar Dumas & Charlotte Morse-Fortier, Private Eye, 2009-2011.

Deux cent quatre-vingt-deux kilomètres séparent Arles et Lyon. Mais quel est l’écart entre la photographie et l’écriture ? La question motive une collaboration entre l’École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles et l’École Normale Supérieure de Lyon qui fusionnent deux de leurs classes en huit groupes hybrides. De l’incompréhension à la concorde. Après l’édition d’un ouvrage, il s’agit de trouver les dispositifs pour occuper l’espace plutôt que la page. Oscar Dumas & Charlotte Morse-Fortier s’affichent dès l’entrée sur grand \

\ format. Jessica Hervo & Rémi Warret oblitèrent phrases et tirages. Renaud Duval & Eva Déront invoquent le fantôme d’un palais berlinois. Julia Milward & Laura Caraballo formulent bien les approches de l’angoisse, collective ou intime. La liaison de Sara Rejeb & Edouard Beau s’articule autour d’une lettre d’amour bilingue. Par la vidéo, Benjamin Roulet-Decante & Marion Chérot herborisent tandis que Valérian Bayo-Rahona & Damien Blanchard signent un délicieux générique. Et Paul Ruellan, Alexis Joan-Grangé & Laurie Dall’Ava parviennent à rebondir bien que La Poste ait perdu l’ensemble de leur correspondance. Toujours, se joue la négociation du texte avec l’image, du texte contre l’image. [Joël Riff] ”TOUT LE MONDE CONNAÎT ROGER EXCOFFON” du 24 nov. 2011 au 19 fév. 2012, Musée de l’imprimerie, Lyon.

Laura Lima, Gala Chicken and Gala Coop, 2004-2011. © Blaise Adilon

Avant Lyon, Victoria Noorthoorn avait déjà mené un travail de commissariat d’envergure lorsqu’en 2009 elle fut en charge de la Biennale de Mercosul à Porto Alegre, seconde biennale brésilienne s’échelonnant d’une année sur l’autre avec la Biennale de São Paulo. Sa connaissance de la scène brésilienne et l’intérêt qu’elle lui porte devaient nécessairement transparaître dans ses choix et Noorthoorn nous aura effectivement fait l’immense plaisir d’en sélectionner un échantillon du meilleur goût. C’est un panel savamment étudié et représentatif, en quelques noms, d’une certaine histoire de l’art brésilien. Avec une série de poèmes visuels réalisés par l’artiste Augusto de Campos, le visiteur est rappelé au mouvement néoconcret des années cinquante-soixante qui animait les arts visuels autant que la poésie. Cildo Meireles, artiste conceptuel majeur au Brésil et pourtant bien moins cité qu’Helio Oïticica ou Lygia Clark – devenus de véritables emblèmes de la scène brésilienne de la même époque – témoigne du dynamisme qui animait les années soixante et soixante-dix. Mais il faut mentionner aussi le privilège qui a été offert au spectateur de découvrir le travail d’Arthur Obispo Do Rosario, interné à partir de 1938 à l’asile de la Colônia Juliano Moreira, en périphérie de Rio et qui n’aura eu de cesse de collecter des matériaux et des objets, de les assembler, de nommer son monde par le fil de ses broderies.

COMPTES RENDUS

Son travail aura une influence sans précédent : sa culture du tissage marquera nettement les arts plastiques au Brésil. Jarbas Lopes, installé à l’Usine T.A.S.E pour l’occasion, représente cette génération, post-conceptuelle et minimale, héritière des théories anthropophages reprises et appliquées par le mouvement Tropicalismo né dans un Brésil sous dictature. Avec son travail d’inserts dans les journaux quotidiens et les photos dans lesquelles elle se met en scène, Lenora de Barros, est, entre autres, une figure de l’engagement féministe dans un Brésil qui pose la question du genre sur un mode de réflexion désormais plus queer, s’échappant ainsi d’une pensée trop souvent ancrée dans un modèle de société patriarcale. Il nous faudra finir en citant deux artistes femmes qui, comme nombre d’autres au Brésil, mènent une carrière artistique internationale. C’est le cas de Laura Lima et Erika Verzutti ; la première présente deux pièces qui ont contribué à sa renommée : Gala Chicken and Gala Coop est une grande cage remplie de poules affublées de plumes colorées, métaphore de l’ordre social, tandis que Puxador (Pilares) s’intéresse plus particulièrement au pouvoir de domination de l’architecture ; Verzutti, elle, présente plusieurs installations, le plus souvent des fruits, formes sculpturales naturelles qu’elle moule en céramique, béton, bronze, etc. s’écartant ainsi de l’exotisme de référence. [Estelle Nabeyrat]

Campagne publicitaire Lastex, 1967. Photographies d’archives. © Archives Martine Excoffon-Rosaz

Excoffon, un geste, une signature Niché entre les rues de la République et E. Herriot, le Musée de l’Imprimerie de Lyon dévoile ses archives sur l’histoire du livre et des techniques graphiques. À l’initiative de Tony Simões Relvas et de Samuel Rambaud (commissaires), la rétrospective sur le travail du graphiste Roger Excoffon (1919-1983), confirme l’attention d’Alan Marshall, directeur du musée, et de son équipe, à faire découvrir le patrimoine typographique français. Première exposition d’envergure depuis celle de la Monnaie de Paris en 1986, elle met en lumière des documents inédits – issus en grande partie des archives personnelles de la famille – sur celui qui fut directeur artistique de la Fonderie Olive et l’auteur de nombreux caractères typographiques dans les années cinquante à soixante. Mais « tout le monde connaît Roger Excoffon ». Qui n’a jamais croisé dans la rue une enseigne commerciale utilisant une de ses typographies, le Banco, le Choc ou le Mistral ? Reflet de la France d’après-guerre, celles-ci montrent encore aujourd’hui une étonnante vigueur. Une « spontanéité maîtrisée ». Voilà

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quelques termes utilisés par Tony Simões Relvas dans le catalogue (publié aux Éditions deux-cent-cinq) et qui résument la démarche singulière du typographe faisant de son geste une signature intemporelle. Fondateur de l’agence publicitaire Urbi & Orbi, il signe ainsi les identités visuelles et des campagnes pour Air France, la SNCF et les Jeux olympiques d’hiver de Grenoble en 1968. En quatre salles, diaporama, dessins préparatoires, lithographies, fontes, études, peintures dévoilent la qualité de l’œuvre de Roger Excoffon. [Isabelle Moisy]

ture verticale est l’étai de l’exposition, ce qui tient le tout ensemble. Jamais on ne peut embrasser les œuvres d’un seul regard. Il y a peu de pas à faire pour être avec les œuvres mais une position toujours différente, pas toujours agréable, doit être adoptée. [Caroline Engel]

Joachim Koester, “Of Spirits and Empty Spaces” du 10 déc. 2011 au 19 fév. 2012, Institut d’art contemporain, Villeurbanne.

“Chanéac, itinéraire d’un architecte libre” du 17 nov. 2011 au 7 janv. 2012, CAUE de la Savoie, Espace Malraux, Chambéry.

Stéphanie Cherpin, “NO ROOM” du 24 janv. au 10 mars 2012, la Salle de bains, Lyon. Joachim Koester, Variations of Incomplete Open Cubes, 2011. Production IAC, Villeurbanne/Rhône-Alpes. © Blaise Adilon

Chanéac, Centre Beaubourg, maquette, 1974. © Philippe Magnon © Coll. FRAC Centre, Orléans Stéphanie Cherpin, No Room, la Salle de bains, 2012. © Aurélie Leplatre

L’espace est sans doute la matière première des sculptures de Stéphanie Cherpin. L’espace et le contexte. Ils sont les axiomes de base, les réalités qui orientent et donnent forme. L’espace c’est ce lieu toujours vierge à conquérir et investir, à modeler au moyen de différents matériaux, objets et matières. La jeune artiste présente trois propositions indépendantes constituées en modules singuliers qui s’appréhendent indépendamment et qui, pourtant, sont nécessaires les uns aux autres. « Ces trois parties d’un même corps », comme elle le dit, évoluent selon le principe du contrepoint ; plusieurs voix de la même importance se superposent et se combinent. La ligne de basse repose sur la structure du fond, sans doute la plus majestueuse. Réalisée en premier, on la découvre en dernier en pénétrant dans l’exposition. Cet enchevêtrement volumineux de panneaux de roseaux tressés orangés terreux, de tasseaux recouverts de crépi gris est massé dans un recoin, comme s’il avait toujours été là. Y répondent trois œuvres plus domestiques, à la limite de l’effondrement, dans la seconde salle. Elles contrebalancent la présence forte, voire chaleureuse, de la matière dans la salle du fond : une terre colorée, lumineuse, trop propre. L’entrée principale du lieu est condamnée par un tressage de fer à béton sur lequel sont accrochées des briques en argile autodurcissante ou en mousse de polystyrène extrudé. Cette struc-

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Retour sur un architecte confidentiel dont les propos se révèlent d’une actualité surprenante, l’exposition Chanéac piste une réflexion qui fait étrangement écho aux prototypes d’habitat d’urgence et villes mobiles, présentés à la biennale de SaintÉtienne 2011. Sa maison, quelquesbulles, une maquette de la ville utopique, des modules tridimensionnels : les réalisations sont restreintes à l’expérimentation car arrêtées par la production d’une architecture « néo-régionaliste » qui domine la France des années quatre-vingt. Chanéac s’adapte à cet état de fait en créant le concept « d’archéo région » mis en œuvre dans ses projets d’hôtels à Val d’Isère. « Ce n’est qu’un passage, il est inéluctable que l’on refera de l’architecture », confiera-t-il. La force et les prolongements des expérimentations de Chanéac tiennent dans sa vision libre et ouverte de la ville plus que dans l’élaboration d’un mode constructif. Avec le « Manifeste de l’architecture insurrectionnelle », il propose de nouveaux modes d’habiter souples et capables de s’adapter à un cycle de vie complet et aux changements de besoins qu’il induit. Il crée des modules presque organiques, des bulles à composer et décomposer selon les usages du moment. Pas d’angles droits, des formes libres et des matériaux ordinaires, les bases d’un art du construire à la portée de tous et capable de suivre des tracés inédits. La production est pensée aussi bien sur le mode de l’autoconstruction que de l’industrialisation. Mobilité, évolutivité, flexibilité, repositionnabilité sur des \

COMPTES RENDUS

Preuves et épreuves Il paraît difficile de rendre compte en quelques mots de l’exposition de Joachim Koester qui s’est tenue dernièrement à l’Institut d’art contemporain ; il serait plus tentant de palabrer sur la quantité de références qui s’effeuillent dans la vingtaine d’œuvres présentées. À la croisée du documentaire et de la fiction, nombre d’entre elles sont en effet les épiphanies de transcendances modernes, émanant des foyers obscurs de la psyché ou des sciences – sous l’effet des croyances comme des drogues – que Koester sonde à travers l’histoire de l’obscurantisme, des contrecultures, sur les traces de leurs figures emblématiques et des lieux de leur inscription. Ainsi revient-il notamment sur les sites qui auraient été un temps habités par la magie noire, les Hashshashins, les communautés hors-la-loi, les dérives irrationnelles d’Emmanuel Kant, ou réactive-t-il les gestuelles des rites chamaniques (à partir des recherches de Carlos Castaneda), ou d’Henri Michaux sous mescaline. De ces pérégrinations réelles et fantasmées, l’artiste tire, à la manière d’un chercheur, une importante matière cognitive – que le Laboratoire espace cerveau 1, en collaboration avec Yann Chateigné, vient cette fois pertinemment prolonger – retranscrite dans une tout aussi dense matière textuelle qui accompagne chaque œuvre et notre visite. Mais comme le rappelle Jean-Christophe Royoux, le scientifique et l’artiste ayant en commun de ne pas cesser « par-delà ce qui est connu et vérifié, de postuler sur l’inconnu » 2, Koester choisit l’égarement immédiat du visiteur et du propos dans un dispositif spectral qui sursignifie la virtualité des territoires parcourus. Par une scénographie

en clair-obscur particulièrement appuyée (de nombreuses projections sur barricades de bois délabrées amplifiant l’effet « maison hantée » découpent l’espace), l’artiste affirme en effet une artificialité qui défait de facto l’œuvre de stricts rapports de causalité avec le récit. Le double photographique saillit alors des fonds obscurs de l’exposition et de ses propres origines. Comme la gestuelle frénétique des danseurs de Tarantism ou l’étrange chorégraphie des mains du mime interprétant ses Variations of Incomplete Open Cubes de Sol LeWitt, l’image acquiert une présence paradoxale. Dans l’omniprésence sonore de l’appareillage de projection, elle hante l’exposition comme un phénomène à la fois muet et bruyant, visuel et aveuglant. De voilement perceptif en dévoilement déceptif, l’artiste réussit ainsi à nous égarer dans ce pli du langage, lorsque survient l’incomplétude propre à l’acte qui tente de manifester ici et maintenant un « lointain intérieur »3. Plus que l’exégèse des faits, le véritable mobile des errances de Koester serait davantage la magie qui opère au lieu même de l’exégèse. Au sortir de cette exposition aussi riche de sens que d’incompréhensions, une lointaine voix mallarméenne pourrait alors nous rappeler que « rien n’aura eu lieu que le lieu »... [Florence Meyssonnier] Laboratoire interdisciplinaire mené depuis 2009 par l’IAC, à partir des pratiques et théories permettant de lier espace et cerveau. 2 Jean-Christophe Royoux, « Vers le temps zéro, ou le cinéma à rebours de Melik Ohanian », Melik Ohanian, Kristale Company, Hyx, 2003, p. 19. 3 Henri Michaux, Lointain Intérieur, Gallimard, 1938. 1


\structures existantes, maison parasite : on se déplace avec son habitat. « L’homme escargot » prend forme. La réflexion de Chanéac s’inscrit dans le contexte d’une démographie galopante où l’architecture cherche des réponses à la diminution de l’espace vital individuel. Il y ajoute une approche singulière de la plasticité et de la lumière. Son travail du ferro-ciment a donné la forme de cosse de haricot à son habitation d’Aix-les-Bains. Le jeu avec la pénombre dans une partie de ces espaces marque le trait de l’homme du sud qu’était Chanéac. Il assemble les bulles avec la « recherche d’un effet comparable du soleil dans un sous-bois ». C’est l’une des touches sensibles qu’il souhaitait voir s’exprimer dans la «Ville du futur ». Libre dans ses réflexions et les formes produites, Chanéac nous ouvre une pensée architecturale dans laquelle on peut se retrouver aujourd’hui. [Michel Bonnot] “Multiples & co” du 2 déc. 2011 au 4 fév. 2012, Villa du Parc, Annemasse.

Insolation, salle conçue par Guillaume Millet pour la rétrospective des éditions papier de revue Horsd’œuvre, éd. Interface.

Une série de louches, un guéridon, une pieuvre ou une sculpture en terre cuite contenant trois métronomes, la Villa du Parc expose le multiple sous toutes ses formes. Quelle différence avec des œuvres uniques ? Aucune. Si ce n’est peut-être le caractère léger, mobile et volontiers sériel d’un format prêt-à-porter. Confié à la Galerie de Multiples, l’accrochage réunit les œuvres d’une quarantaine d’artistes autour des éditeurs Hard Hat, Interface et Wallpapers by artists. Le tout témoigne des initiatives les plus actuelles des éditions d’art et active la question de la reproduction autour de deux projets. Rétrospective de la revue Horsd’œuvre et installation de Guillaume Millet, Insolation conduit dans une pièce tapissée de sérigraphies au fond jaune et lettrage blanc qui portent les trente-deux éditions papier de la revue. Peinture, multiple ou affiche ? À vous de choisir le statut de cette œuvre qui trouble la perception. À l’étage, New Jerseyy conçoit une exposition contenue dans un DVD. Le principe ? On achète le DVD,

PRIX BULLUKIAN

l’édition des œuvres papier et leur accrochage étant laissés à notre initiative. [Carine Bel]

— VOISINS — Simon Starling, “The Inaccessible poem” du 29 oct. 2011 au 15 jan. 2012, Fondazione Merz, Torino.

Simon Starling, 1,1,2, 2011, courtoisie de l’artiste et de la Galleria Franco Noero, Torino. © Paolo Pellion

The Inaccessible poem est une exposition conçue par l’artiste anglais Simon Starling sur une invitation de la Fondation Merz à Turin. Invité comme curateur, Starling tisse ici un dialogue poétique entre son propre travail et celui de Merz, figure de l’Arte povera. À ce duo se joignent une sélection de pièces des artistes argentins Faivovich & Goldberg ainsi qu’un échantillon des travaux réalisés par les astronomes amateurs écossais : James Nasmyh et James Carpenter. De ces derniers est exposée une série de photographies faites à partir d’illustrations de la Lune et extraites d’un ouvrage publié en 1874 intitulé The Moon : considered as a planet, a world and a satellite. Les moyens n’étant pas suffisamment sophistiqués à l’époque, il s’agit en fait de représentations « spéculatives » réalisées à partir d’observations approxi­ matives de la Lune. C’est ce que Starling appelle « une représentation de 3e main », un processus de transformation qu’il adopte dans son travail et qui lui permet d’assembler avec subtilité et de faire se confronter ici art et science, espace et temps, technologie et illusion. [Estelle Nabeyrat] Jonathan Monk, “Dear painter, paint for me one last time” du 15 sept. au 23 déc. 2011, Blondeau Fine Art Services (BFAS), Genève. Depuis de nombreuses années, les pratiques d’appropriation de travaux conceptuels et les questions liées à l’autorité de l’artiste sont au coeur de la réflexion de Jonathan Monk. Il a entamé depuis 2007 plusieurs séries pour lesquelles il délègue à des peintres chinois

COMPTES RENDUS

Feutre offert par les employés d’une usine fermée aujourd’hui. © Jérémy Gobé Jonathan Monk, Lieber Maler, Bitte Male Mich Noch Einmal, 2011. © DR

la production de ses travaux. Il présente à l’espace BFAS Blondeau dix copies à l’identique des peintures célèbres présentées par Martin Kippenberger en 1981. Celui-ci avait questionné, en les distinguant, les deux statuts de peintre et d’auteur. Pour l’exposition « Cher peintre, peins-moi », un peintre de panneaux publicitaires avait réalisé dix toiles à partir de photos et collages fournis par l’artiste allemand. Cette délégation et le désengagement du peintre dans ce qui était une série d’autoportraits avaient fait date dans un contexte où la peinture néo-expressionniste était consacrée. L’ascendance de Kippenberger résidait clairement dans la peinture de Picabia. Aujourd’hui, Monk assume l’hommage mais dans cette série intitulée « Cher peintre, peins pour moi une dernière fois » ce n’est pas une dernière fois mais un nombre illimité de fois qu’il désire. Le fonctionnement habituel du marché de l’art tend à être contourné via un système de service à la demande : les copies de Kippenberger sont vendues environ vingt-cinq fois moins cher que les originaux et la spéculation est censée n’être plus possible. À chaque achat, une nouvelle commande est passée aux peintres chinois. L’artiste annonce une production illimitée de ces peintures. Mais on sait d’ores et déjà que c’est affaire de langage. [Fabien Pinaroli]

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NOUVEAUX LIEUX BIKINI À la taille de son nom, l’espace du projet Bikini présente une œuvre avec pour seule médiation, hors vernissage et rendez-vous, une vitrine et un texte. 15 bis rue de la Thibaudière, Lyon 7e. www.capsule-bikini.com SUNSET RÉSIDENCE Atelier partagé par des créateurs (art, design, illustration, édition, web...) l’espace de Sunset Résidence compte également une librairie et un lieu d’exposition. Sur le principe de courtes résidences ce collectif souhaite dynamiser de riches croisements entre les pratiques d’une scène émergente. 41 rue des Tables Claudiennes, Lyon 1er. www.sunset-residence.fr

Nous annoncions en septembre le lancement de la seconde édition du prix d’aide à la création de la Fondation Bullukian. Jérémy Gobé en est le lauréat. Le jeune artiste diplômé de l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris voit son projet Monument aux mains soutenu à travers une aide à la production, la mise à disposition d’un atelier, la production d’un catalogue, ainsi qu’une exposition personnelle à la fondation. Nourri de ses expériences et souhaitant les mettre en partage, l’artiste retient des gestes pour en faire les matériaux de sa sculpture. À découvrir à la Fondation Bullukian fin 2012.

PROCHAINS RENDEZ-VOUS AVEC ZEROQUATRE

Retrouvez ZéroQuatre sur le kiosque des partenaires presse d’Art Paris, qui se tiendra au Grand Palais du 29 mars au 1er avril. www.artparis.fr La revue sera distribuée sur les foires Art Brussels (19 – 22 avril) www.artbrussels.be et Art Genève (25 – 29 avril) www.artgeneve12.ch

ZéroQuatre sera également présent sur la 7e biennale de Berlin (27 avril – 1er juillet). L’entretien de Joanna Warsza Une biennale comme lutte des classes au sommaire du précédent numéro, sera intégralement publié dans le reader de cette prochaine édition. www.berlinbiennale.de

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CoB#2

(Celebration of the Body #2) UNE PROPOSITION DE FABIEN PINAROLI

RÉACTIVATION ET ACTUALISATION D’UNE EXPOSITION HISTORIQUE DE LA N.E. THING COMPANY (IAIN BAXTER&)

CoB#2 : L’HISTOIRE DE L’ART À L’ÈRE...

EN ÉCHO À CoB#2 :

25 AVRIL — 19 MAI 2012 Musées des Moulages, Université Lumière Lyon 2

PUREMENT SCHÉMATIQUE 2 CELEBRATION OF THE BODY

museedesmoulages.univ-lyon2.fr

04 72 84 81 12

CoB#2 : REMISE EN FORME D’UNE EXPOSITION 2 JUIN — 21 JUILLET 2012 Le CAP Saint-Fons

Journées d’études Grenoble 10 — 11 MAI 2012

& : IAIN BAXTER& ET PAUL RAGUÉNES

Exposition La BF15, Lyon 8 JUIN — 28 JUILLET 2012

Emmanuelle Coqueray photographies

Espace arts plastiques Maison du Peuple 12, rue Eugène-Peloux 69200 Vénissieux Métro ligne D - Gare de Vénissieux Ligne 12 - Les Marronniers

,_WVZP[PVU K\ H]YPS du mercredi au samedi H\ Q\PU Ouvert de 14h30 à 18h

www.saint-fons.fr www.adele-lyon.fr

04 72 09 20 27

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+ 33 (0)4 72 21 44 44 service.artsplastiques@ ville-venissieux.fr

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Fon ine de la r it v l, r Bria Jennife rs – 24 ma r 9 févrie 18 h 30 à 19 h vrier à é f 9 i de 12 h i d d u e e j m e sa ag verniss e du mardi au r b li e entré

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Lyon


BERDAGUER & PÉJUS INSULA

DU �� MARS AU �� MAI ���� EXPOSITIONS OUVERTES DU MERCREDI AU DIMANCHE, DE ��H À ��H

STANLEY BROUWN

DU � JUIN AU �� AOÛT ����


© Stéphane Couturier (Détail)

Stéphane Couturier

EXPOSITION 18 MARS / 3 JUIN 2012

Commissaire de l’exposition : Philippe Piguet

74 290 Alex (Annecy) Tél. : + 33 (0) 4.50.02.87.52 www.fondation-salomon.com

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LE RENDEZ-VOUS PRINTANIER POUR L’ART MODERNE ET CONTEMPORAIN 10 Chancery Lane Gallery (Hong-Kong) - 313 Art Project (Séoul)* - A&B Gallery (Séoul / Karlsruhe)*�A. Galerie (Paris) - A2Z Art Gallery (Ivry-sur-Seine) - Acte2 galerie (Paris) - AD Galerie (Béziers)�Galerie Albrecht (Berlin)* - Louise Alexander Gallery (Porto Cervo) - A.L.F.A. Galerie (Paris)* - Analix Forever (Genève) - Arts d’Australie Stéphane Jacob (Paris)* - Galerie Albert Baumgarten (Fribourg) - Galerie Albert Benamou, Véronique Maxé & Albert Koski (Paris) - Galerie Berthet-Aittouarès (Paris)�Bourouina (Berlin)* - Galerie Jean Brolly (Paris) - Galerie Bernard Ceysson (Luxembourg / Paris/ Saint-Etienne) - Galerie Pierre Alain Challier (Paris) - Galerie Michèle Chomette (Paris)* - °Clair Galerie (Munich) - Galerie Claude Bernard (Paris) - Confluence (France)* - De Primi Fine Art (Lugano) - Delaive Gallery (Amsterdam)* - Dovin (Budapest)* - Galerie Dukan Hourdequin (Paris)* - Eidos Immagini Contemporanea (Asti)* - Erdesz Gallery (Budapest)* - Erika Deak Gallery (Budapest)* - Espace Beaumont (Luxembourg)*�- Fabbrica Eos (Milan)* - Faur Zsófi Gallery (Budapest)* - Les Filles Du Calvaire (Paris)* - Flatland (Utrecht)*- Galerie Forsblom (Helsinki)* - Gagliardi Art System (Turin)* Galerie Claire Gastaud (Clermont-Ferrand) - Galerie Bertrand Gillig (Strasbourg)* - Gimpel Müller (Paris/Londres)* - Galerie Laurent Godin (Paris)*�- Galerie Bertrand Grimont (Paris)* - Galerie Guillaume (Paris) - Gallery H.A.N. (Séoul)* - Galerie Kashya Hildebrand (Zurich) - Galerie Ernst Hilger (Vienne) - Galerie Catherine Houard (Paris) - Galerie Catherine et André Hug (Paris) - IFA Gallery (Shanghai)�Ilan Engel Gallery (France) - Galerie Imane Farès (Paris)* - Inception Gallery (Paris)* - Inda Gallery (Budapest) - Galerie Catherine Issert (Saint-Paul de Vence) - J. Bastien Art (Bruxelles) - Galerie Jacques Elbaz (Paris)* - Galerie Jean Fournier (Paris)* - JGM Galerie (Paris)* - Anna Klinkhammer Gallery (Düsseldorf)* - Konzett Gallery (Vienne)*- Galerie Koulinsky / Cellule 516 (Marseille)* - La Galerie Particulière (Paris)* - Galerie Lahumière (Paris) - Baudoin Lebon (Paris) - Galerie Lelong (Paris) - Galerie Levy (Berlin / Hambourg)* - Galerie Linz (Paris) - Magnum Gallery (Paris)* - Kalman Maklary Fine Arts (Budapest)* - Mario Mauroner Contemporary Art (Vienne)* - Galerie Martine et Thibault De La Châtre (Paris)* - Galerie Matignon (Paris)* - Mayoral Galeria D’art (Barcelone) - Galerie Alice Mogabgab (Beyrouth) - Galerie Lélia Mordoch (Paris) - Galerie Nathalie Obadia (Paris / Bruxelles) - Oniris (Rennes) - Galerie Orel Art (Paris) - Galerie Paris-Beijing (France) - Galerie Priska Pasquer (Cologne)* - Pente 10 (Lisbonne)* - Galerie Jérôme Poggi (Paris)* - Polka Galerie (Paris) - Catherine Putman (Paris)* - Rabouan Moussion (Paris) - Galerie Richard (Paris/New York)* - J. P. Ritsch-Fisch Galerie (Strasbourg) - Galerie Brigitte Schenk (Cologne)* - Sémiose (Paris)�- Shuim Gallery (Séoul / Paris)* - Galerie Slott (Paris)* - Galerie Véronique Smagghe (Paris) - Galerie Stefan Roepke (Cologne)* - Galerie Rive Gauche Marcel Strouk (Paris) - Galerie Taïss (Paris) - Galerie Tamenaga (Paris) - Galerie Daniel Templon (Paris) - Galerie Toxic (Luxembourg) - Trait Noir-Aroya Galerie (Toulouse)* - Galerie Patrice Trigano (Paris)* - Galerie Vanessa Quang (Paris)* - Venice Projects (Venise) - Galerie Vieille Du Temple (Paris) Galerie Vintage (Paris)* - VIPArt Galerie (Marseille) - Galerie VU’ (Paris) - Galerie Olivier Waltman (Paris) - White Moon Gallery (Paris)* - Galerie Esther Woerdehoff (Paris)* - Young Gallery (Bruxelles)* - Espace Meyer Zafra (Paris) - Galerie Zimmermann Kratochwill (Graz)* - Galerie Zürcher (Paris / New York)* * Nouveaux participants (liste au 30 janvier 2012)

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Los Angeles : des marges aux centres Los Angeles : From Margins to Centers Un cahier proposÊ par l’Êcole supÊrieure d’art GH OêDJJORPUDWLRQ Gê$QQHF\ (6$$$ ODERU SDU *UDOGLQH *RXUEH HW ,VDEHOOH /H 1RUPDQG

'JMN j 6WLOO IURP 7KH 6DYDJH (\H v #FO .BEEPX 4JEOFZ .FZFST +PTFQI 4USJDL

)DFH DX ODF GĂŞ$QQHF\ VXU OHV IURQWLÂŞUHV OĂŞ(6$$$ D VX SURÄ?WHU GH ses capacitĂŠs d’accueil pour dĂŠvelopper une ambitieuse activitĂŠ de recherche. Et depuis 2006, l’ESAAA soutient le travail d’une ĂŠquipe d’artistes, de philosophes, d’architectes et d’historiens qui collaborent au sein de son UnitĂŠ de recherche. Elle propose ĂŠgalement un troiVLÂŞPH F\FOH mbUHFKHUFKHb} OH SUHPLHU GDQV XQH ÂŤFROH VXSÂŤULHXUH GĂŞDUW RÄ?UDQW ¢ YLQJW MHXQHV WKÂŤRULFLHQV HW SUDWLFLHQV OD SRVVLELOLWÂŤ GH SUÂŤparer un diplĂ´me d’Êcole Bac+8, le DSRA – DiplĂ´me SupĂŠrieur de Recherche en Art. &HWWH DFWLYLWÂŤ ¢ JÂŤRPÂŤWULH YDULDEOH D SHUPLV TXH VRLHQW PHQÂŤV MXVTXê¢ SUÂŤVHQWĂĄ - Des travaux sur l’expĂŠrimentation et l’archive, puis sur la perforPDQFH HW OH mbIRUPDWb} DYHF OH /$$& GĂŞDERUG VRXV OD FRQGXLWH GĂŞ(OLH 'XULQJ HW /DXUHQW -HDQSLHUUH SXLV VRXV FHOOH GH 7KLHUU\ 0RXLOOÂŤ et David Zerbib, SURGXLVDQW OHV MRXUQÂŤHV GĂŞExpĂŠrimenta ¢ $QQHF\ HQ RX FHOOHV GH Formats X DX ¢ 3DULV HQ ÂŤGLWDQW *OÄ€BDUV EF M FYQĂ?SJNFOUBM EBOT M BSU HQ DX[ 3UHVVHV GX UÂŤHO SXLV chez le mĂŞme ĂŠditeur *O Ä€PDUBWP EFT GPSNBUT EF M BSU SULQWHPSV 8Q SURJUDPPH PHQÂŤ SDU 1LFRODV 7KÂŤO\ VXU OHV PRGLÄ?FDWLRQV GH OD VHQVLELOLWÂŤ ¢ Oê¤JH GX ZHE &HWWH mbOLJQH GH UHFKHUFKH VXU OD EDVVH GÂŤÄ?QLWLRQb} D SURGXLW GHV MRXUQÂŤHV GĂŞÂŤWXGHV ¢ *UHQREOH 9DOHQFH RX 4XLPSHU D SHUPLV OD UÂŤDOLVDWLRQ GĂŞH[SRVLWLRQV FRPPH #FTU 1SBDUJDFT, ¢ 6WRFNKROP HQ HW VH FRQFOXH SDU XQH ÂŤGLWLRQ 4FBSDI 5FSNT #BTTF %FG ¢ SDUDLWUH DX[ ÂŤGLWLRQV % - Un troisième axe de recherche conduit par StĂŠphane Sauzedde dĂŠYHORSSH ¢ SDUWLU GH IRUPHV DUWLVWLTXHV D KLVWRULTXHV HW ORFDOLVÂŤHV XQ DSSDUHLO FULWLTXH HW VHQVLEOHĂĄĂĄ mbOD SHQVÂŤH VDXYDJHb} &HWWH UHFKHUFKH DERXWLUD ¢ OĂŞH[SRVLWLRQ "653&4 DX 0XVÂŤH &K¤WHDX GĂŞ$QQHF\ MXLQ (QÄ?Q OĂŞ(6$$$ DFFXHLOOH GHSXLV RFWREUH XQH TXDWULÂŞPH OLJQH GH UHFKHUFKH m /RV $QJHOHVĂĄĂĄ GHV PDUJHV DX[ FHQWUHV } VRXV OĂŞLPSXOVLRQ GH *ÂŤUDOGLQH *RXUEH HW GĂŞ,VDEHOOH OH 1RUPDQG 'DQV FH FDGUH certains outils d’analyse critique, tirĂŠs des disciplines HFOEFS TUVEJFT WJTVBM TUVEJFT FU QPTUDPMPOJBM TUVEJFT VRQW DFWLYÂŤV DÄ?Q GH FHUQHU OĂŞKLVtoire et l’esthĂŠtique d’une scène contemporaine longtemps marginalisĂŠe. Cette nouvelle activitĂŠ de recherche en rĂŠsonance avec les hypothèses posĂŠes par l’UnitĂŠ de recherche de l’ESAAA, vient s’articuler aux questions d’expĂŠrimentation, de XJMEFSOFTT, d’art collaboratif, de catalyses ĂŠthico-esthĂŠtiques‌ Ce sĂŠminaire a logiquement favorisĂŠ la rĂŠalisation d’une plateforme d’Êchanges transatlantiques entre trois centres ĂŠmergents sur les terULWRLUHV IUDQŠDLV HW DPÂŤULFDLQV $QQHF\ /RV $QJHOHV HW 6DLQW 2XHQ HW DXMRXUGĂŞKXL OĂŞDJHQFHPHQW GHV GÂŤVLUV HW GHV H[SHUWLVHV VH SRXUVXLW DYHF OD FUÂŤDWLRQ GĂŞXQ SURJUDPPH GH H F\FOH mbUÂŤVLGHQFH UHFKHUFKH HW SURGXFWLRQb} VXU WURLV DQVĂĄĂĄ OH 5IJSE 1SPHSBN

,Q D FODVVLÄ?HG WK FHQWXU\ EXLOGLQJ IDFLQJ WKH /DNH RI $QQHF\ QHDU VHYHUDO (XURSHDQ ERUGHUV (6$$$ KDV WDNHQ DGYDQWDJH RI LWV FDSDFLW\ IRU UHFHLYLQJ DQG KHOSLQJ VWXGHQWV DQG VWDÄ? LQ RUGHU WR GHYHORS DQ DPELWLRXV UHVHDUFK 6LQFH (6$$$ KDV HQFRXUDJHG WKH ZRUN RI D WHDP PDGH XS RI DUWLVWV SKLORVRSKHUV DUFKLWHFWV DQG KLVWRULDQV ZKR FROODERUDWH ZLWKLQ LWV 5HVHDUFK 8QLW ,W DOVR RÄ?HUV D SRVW JUDGXDWH UHVHDUFK FRXUVH ĂŚ WKH Ä?UVW FUHDWHG LQ D )UHQFK $UW 6FKRRO ĂŚ HQDEOLQJ WZHQW\ \RXQJ WKHRUHWLFLDQV DQG SUDFWLWLRQHUV WR SUHSDUH IRU WKH '65$ 'LSOÂśPH 6XSÂŤULHXU GH 5HFKHUFKH HQ $UWĂĄ 3RVWJUDGXDWH 'HJUHH LQ $UW 5HVHDUFK 7KDQNV WR WKLV YHU\ YDULHG DFWLYLW\ VHYHUDO SURMHFWV KDYH EHHQ FDUULHG RXWĂĄ :RUNV RQ H[SHULPHQWDWLRQ DUFKLYHV DQG SHUIRUPDQFH ZLWK WKH /$$& Ä?UVW VXSHUYLVHG E\ (OLH 'XULQJ DQG /DXUHQW -HDQSLHUUH WKHQ E\ 7KLHUU\ 0RXLOOÂŤ DQG 'DYLG =HUELE UHVXOWLQJ LQ WKH Experimenta GD\V $QQHF\ RU LQ WKH Formats X GD\V DW WKH 3DULV and in the publication of *O BDUV EF M FYQĂ?SJNFOUBM EBOT M BSU 3UHVVHV GX UÂŤHO WKHQ RI *O PDUBWP EFT GPSNBUT EBOT M BSU WR EH SXEOLVKHG E\ WKH VDPH SXEOLVKLQJ KRXVH 6SULQJ $ SURJUDP OHG E\ 1LFRODV 7KÂŤO\ RQ WKH ZD\V VHQVLELOLW\ LV DOWHUHG LQ WKH :HE HUD 7KLV Ă­OLQH RI UHVHDUFK RQ ORZ GHÄ?QLWLRQĂŽ UHVXOWHG LQ RQH GD\ FRQIHUHQFHV LQ *UHQREOH 9DOHQFH RU 4XLPSHU DQG LQ YDULRXV H[KLELWLRQV VXFK DV #FTU 1SBDUJDFT 6WRFNKROP HQGLQJ ZLWK WKH SXEOLFDWLRQ WR FRPH RI 4FBSDI 5FSNT #BTTF %FG 6SULQJ % 3UHVV - A third research program headed by StĂŠphane Sauzedde develops a critical and sensitive apparatus out of a-historical and localized DUW IRUPVĂĄ Ă­:LOG 7KLQNLQJĂŽ 7KLV UHVHDUFK ZLOO OHDG WR WKH "653&4 H[KLELWLRQ DQG FDWDORJXH DW WKH 0XVÂŤH &K¤WHDX GĂŞ$QQHF\ -XQH

&H FDKLHU mb/RV $QJHOHVĂĄĂĄ GHV PDUJHV DX FHQWUHVb} HQWHQG SUÂŤVHQWHU FH QRXYHDX GLVSRVLWLI VHV HQMHX[ VHV DFWHXUV HW HQ VXLYDQW SDUWDJHU quelque chose de l’Ênergie produite par l’immersion dans la scène contemporaine West Coast.

7KHVH SDJHV RQ Ă­/RV $QJHOHVĂĄ )URP 0DUJLQV WR &HQWHUVĂŽ DLPV WR SUHVHQW WKLV QHZ (6$$$ GHVLJQ LWV JRDOV LWV DFWRUV DQG WKHUHE\ VKDUH something of the energy induced by the immersion in the West Coast contemporary scene.

)LQDOO\ (6$$$ KDV EHHQ KRVWLQJ VLQFH 2FWREHU D IRXUWK OLQH RI UHVHDUFK ZLWK WKH VHPLQDU Ă­/RV $QJHOHVĂĄ IURP PDUJLQV WR WKH FHQWHUVĂŽ LQLWLDWHG E\ *ÂŤUDOGLQH *RXUEH DQG ,VDEHOOH OH 1RUPDQG 6RPH DQDO\WLFDO WRROV GUDZQ IURP HFOEFS TUVEJFT WJTVBM TUVEJFT BOE QPTUDPMPOJBM TUVEJFT DUH XVHG KHUH WR WDNH D FORVH ORRN DW WKH KLVWRU\ DQG WKH DHVWKHWLFV RI D ORQJ PDUJLQDOL]HG FRQWHPSRUDU\ VFHQH 7KLV VFHQH KDV EHFRPH D paradigm to explore the assumptions made by the ESAAA Research Unit, especially around experimentation, XJMEFSOFTT, collaborative art, ethical-aesthetic catalyses... 7KH DFWLYLWLHV FDUULHG RXW ZLWKLQ WKLV VHPLQDU KDYH ORJLFDOO\ OHG WR a hub for transatlantic exchanges on research and art among three HPHUJLQJ FHQWHUV RQ )UHQFK DQG $PHULFDQ VRLOV $QQHF\ /RV $QJHOHV DQG 6DLQW 2XHQ 7KH SDUWLFLSDQWVĂŞ SURMHFWV DQG Ä?HOGV RI H[SHUWLVH DUH FRPLQJ WRJHWKHU WRGD\ ZLWK WKH FUHDWLRQ RI D WKUHH \HDU SRVWJUDGXDWH SURJUDPĂĄ WKH 5IJSE 1SPHSBN.

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2 SĂŠminaires Los Angeles :

The Los Angeles Seminars :

des marges aux centres

From Margins to Centers

/D SHUFHSWLRQ GH OD UÂŤDOLWÂŤ LFL ¢ /RV $QJHOHV HVW WHOOH TXĂŞHOOH DSSDUD°W HQ quelque sorte, libĂŠrĂŠe de l’histoire, ou, du moins, de la façon euro-amĂŠricaine qui domine la comprĂŠhension et la production du passĂŠ, sur la cĂ´tĂŠ Est et en Europe.*

7KH SHUFHSWLRQ DQG WKH UHDOLW\ KHUH >/RV $QJHOHV@ LV WKDW RQH LV LQ VRPH ZD\ liberated from history or at least the Euro-American version that dominates WKH ZD\ SDVW LV XQGHUVWRRG DQG SURGXFHG RQ WKH (DVW &RDVW DQG LQ (XURSH.*

/D YLOOH GH /RV $QJHOHV FÂśWH 2XHVW VRXYHQW GLVWLQJXÂŤH YRLUH RSSRVÂŤH ¢ 1HZ <RUN FÂśWH (VW D ORQJWHPSV ÂŤWÂŤ SHUŠXH FRPPH XQ QRQ OLHX GH OĂŞDUW /D GLÄ?XVLRQ PDVVLYH HW JOREDOLVÂŤH GHV FOLFKÂŤV FDUWHV SRVWDOHV SDOPLHUV Ä?ÂŞUHPHQW GUHVVÂŤV JODPRXU ÂŤPDQDQW GĂŞXQH LQGXVWULH GX GLYHUWLVVHPHQW FRUSV DX[ OLPLWHV FRQWLQXHOOHPHQW H[FÂŤGÂŤHVĂ´ occultent la plupart du temps une histoire et une scène de l’art dont OD OÂŤJLWLPLWÂŤ DXUDLW ÂŤWÂŤ GLÄ?ÂŤUÂŤH MXVTXê¢ DXMRXUGĂŞKXL 6HORQ OD FRPPLVsaire d’exposition Connie Butler, les raisons de cette mĂŠconnaissance GH /RV $QJHOHV FRPPH WHUUDLQ GH MHX PDMHXU GDQV OĂŞH[SÂŤULPHQWDWLRQ artistique s’expliquerait par ses positions d’outsider. /ĂŞDUW GH OD FÂśWH 2XHVW DXUDLW ÂŤWÂŤ ¢ OD PDUJH GĂŞXQH KLVWRLUH GH OĂŞDUW GRPLQDQWH FRQVWUXLWH ¢ SDUWLU GĂŞXQ SRLQW GH YXH FHQWUÂŤ VXU OĂŞD[H (XUR DPÂŤULFDLQ 8Q ¢ FÂśWÂŤ GH FHWWH KLVWRLUH TXL OXL DXUDLW YDOX GĂŞÂŹWUH TXDOLÄ?ÂŤ GH VSRQWDQÂŤ SRÂŤWLTXH FRUSRUHO VXEMHFWLI HW FRPPXQDXWDLUH FRQWUDLUHPHQW ¢ VRQ KRPRORJXH GH OD FÂśWH (VW SUÂŤVHQWÂŤ FRPPH FRQFHSWXHO GÂŤPDWÂŤULDOLVÂŤ QHXWUH HW LQGLYLGXHO /HV H[SRVLWLRQV HQ FRXUV DFWXHOOHPHQW ¢ /RV $QJHOHV HW LQLWLÂŤHV SDU OH SURJUDPPH GH UHFKHUFKH GX 1BDJĂŠD 4UBOEBSE 5JNF *HWW\ 5HVHDUFK GÂŤMRXHQW XQH ¢ XQH FHV ÂŤWLTXHWWHV UÂŤGXFWULFHV QRWDPPHQW HQ PXOWLSOLDQW OHV SRLQWV GH YXH /D force de cette nouvelle page de l’histoire de l’art en train de s’Êcrire sous nos yeux mobilise autant les historiens, les conservateurs, les critiques que les artistes, les collectifs et les activistes impliquĂŠs dans OĂŞDUW GHSXLV OHV DQQÂŤHV FLQTXDQWH MXVTXê¢ QRV MRXUV &HWWH KLVWRLUH contemporaine qui nuance l’idĂŠe d’un art amĂŠricain scindĂŠ en deux WHQGDQFHV VĂŞDSSXLH ¢ VRQ WRXU VXU WRXW XQ KÂŤULWDJH FRQWUH FXOWXUHO GHV SOXV LPSRUWDQWV ¢ /RV $QJHOHV /RV $QJHOHV D ÂŤWÂŤ XQ WHUULWRLUH SULYLOÂŤJLÂŤ SRXU OĂŞLPSXOVLRQ GHV PRXYHPHQWV PLQRULWDLUHV EODFN FKLFDQR FRUÂŤHQ MDSRQDLV SDFLÄ?VWH IÂŤPLQLVWH HW KRPRVH[XHOĂ´ 'HSXLV OD Ä?Q GHV DQQÂŤHV VRL[DQWH FHV PRXYHPHQWV JU¤FH ¢ OĂŞDFWLRQ FROOHFWLYH SXEOLTXH HW OD PLVH HQ SODFH GH programmes alternatifs dans les universitĂŠs, ont particulièrement oeuYUÂŤ VXU OD FÂśWH 2XHVW ¢ OD GÂŤFRQVWUXFWLRQ GH OĂŞLGHQWLWÂŤ :$63 ¢ VDYRLU une identitĂŠ normĂŠe par sa blanchitude, sa bourgeoisie et sa mascuOLQLWÂŤ /HV IRUPHV SULVHV SDU FHV FRQWHVWDWLRQV RQW SDUWLFXOLÂŞUHPHQW LQÄ‘XHQFÂŤ GHV SUDWLTXHV FRPPH OD SHUIRUPDQFH OĂŞLQVWDOODWLRQ OĂŞDUW FROODERUDWLI PDLV DXVVL OD PDQLÂŞUH GĂŞHQVHLJQHU OĂŞDUW HQ VĂŞDÄ?UDQFKLVVDQW GH FHUWDLQV FDQRQV SDU H[HPSOH RX HQFRUH GH GLÄ?XVHU OĂŞDUW HQ GHKRUV des circuits traditionnels via des OPO QSPĂŠU TQBDFT et BSUJTU SVO TQBDFT.

7KH FLW\ RI /RV $QJHOHV KDV KLVWRULFDOO\ EHHQ GHÄ?QHG LQ RSSRVLWLRQ WR 1HZ <RUN D FLW\ RQ WKH :HVW &RDVW ZHVW RI 1HZ <RUN ZHVW RI Europe, a city on the literal geographical margin, far from artistic reOHYDQFH 7KH PDVV GLVVHPLQDWLRQ DQG JOREDOL]DWLRQ RI SRVWFDUG FOLFKÂŤV SURXGO\ HUHFW SDOP WUHHV JODPRXU HPDQDWLQJ IURP WKH HQWHUWDLQPHQW LQGXVWU\ ERGLHV WKDW FRQWLQXDOO\ H[FHHG OLPLWV REVFXUH WKH KLVWRU\ RI WKH /$ DUW VFHQH ZKRVH OHJLWLPDF\ KDV EHHQ GHIHUUHG XS WR WKLV GD\ According to the curator Connie Butler, the reason for this ignorance RI /$ DV D PDMRU SOD\JURXQG LQ DUWLVWLF H[SHULPHQWDWLRQ LV H[SODLQHG by its position as an outsider. 7KH DUW RI WKH :HVW &RDVW KDV EHHQ RQ WKH PDUJLQ RI D GRPLQDQW DUW KLVWRU\ FRQVWUXFWHG IURP WKH SRLQW RI YLHZ FHQWHUHG RQ WKH (XUR$PHULFDQ D[LV 7KLV VLGH RI KLVWRU\ KDV OHG WR /RV $QJHOHV EHLQJ GHVFULEHG DV VSRQWDQHRXV SRHWLF IXOO RI ERG\ VXEMHFWLYH DQG FRPPXQDOO\ RULHQWHG FRQWUDU\ WR KRZ LWV (DVW &RDVW FRXQWHUSDUW LV SUHVHQWHG DV FRQFHSWXDO GHPDWHULDOL]HG QHXWUDO DQG LQGLYLGXDOL]HG ,Q D JOREDOO\ VKLIWHG SRZHU VWUXFWXUH /RV $QJHOHV EHFRPHV D QHZ FHQWHU EHWZHHQ 1HZ <RUN DQG $VLD ,QLWLDWHG E\ WKH UHVHDUFK SURJUDP RI 1BDJĂŠD 4UBOEBSE 5JNF *HWW\ 5HVHDUFK ,QVWLWXWH DQG WKH H[KLELWLRQV FXUUHQWO\ XQGHUZD\ LQ /RV $QJHOHV RQH E\ RQH WKH\ DUH WKZDUWLQJ WKH UHGXFWLYH ODEHOV QRWDEO\ E\ PXOWLSO\LQJ YLHZSRLQWV 7KH VWUHQJWK RI WKLV QHZ SDJH RI DUW KLVWRU\ EHLQJ ZULWWHQ EHIRUH RXU H\HV JDOYDQL]HV DOO KLVtorians, curators, critics, artists, collectives, and activists involved in DUW VLQFH WKH Ä?IWLHV WLOO WRGD\ 7KLV FRQWHPSRUDU\ KLVWRU\ WKDW VKDSHG WKH LGHD RI DQ $PHULFDQ DUW GLYLGHG LQWR WZR WHQGHQFLHV UHOLHV RQ D FRXQWHU FXOWXUDO KHULWDJH RI WKH PRVW LPSRUWDQFH LQ /$ /$ ZDV DQG UHPDLQV D SUHIHUUHG WHUULWRU\ IRU WKH DQFKRUV RI %ODFN &KLFDQR .RUHDQ -DSDQHVH SDFLÄ?VW IHPLQLVW DQG KRPRVH[XDO PLQRrity movements. Since the end of the Sixties, through collective public action and the establishment of alternative university programs, these movements have aided the destruction particular to the West Coast RI WKH :$63 LGHQWLW\ RU DQ LGHQWLW\ QRUPDOL]HG E\ LWV ZKLWHQHVV LWV ERXUJHRLV H[LVWHQFH DQG LWV PDVFXOLQLW\ 7KH IRUPV WDNHQ E\ WKHVH FKDOOHQJHV DUH SDUWLFXODUO\ LQÄ‘XHQFHG E\ SHUIRUPDQFH LQVWDOODWLRQ collaborative art, the manner of teaching art by freeing certain canons, and also by the dissemination of art outside of the traditional circuits of galleries and museums.

/RV $QJHOHV XQH PÂŤJDSROH ORQJWHPSV FRQVLGÂŤUÂŤH ¢ FRQWUH WHPSV GH l’histoire et de la thĂŠorie de l’art, devient dĂŠsormais de plus en plus LQÄ‘XHQWH DXSUÂŞV GHV MHXQHV DUWLVWHV 8QH FRPPXQDXWÂŤ GĂŞHQWKRXVLDVWHV ont trouvĂŠ dans la ville des modus operandi pour s’autoriser et crĂŠer. A l’image d’une ville qui aurait inventĂŠ un scĂŠnario d’anticipation dans lequel l’horizontalitĂŠ, l’expĂŠrimentation, le croisement des mĂŠdiums et des disciplines auraient favorisĂŠ un certain ĂŠtat d’esprit. Un ÂŤWDW GĂŞHVSULW SURSLFH ¢ OĂŞDFWLRQ RÂť OĂŞRSWLPLVPH VHUDLW XQ FKRL[ SROLtique et esthĂŠtique.

/RV $QJHOHV D PHJDSROH FRQVLGHUHG IRU D ORQJ WLPH WR EH DJDLQVW WKH WUHQGV RI KLVWRU\ DQG DUW WKHRU\ LV EHFRPLQJ PRUH DQG PRUH LQÄ‘XHQWLDO DPRQJ \RXQJ DUWLVWV DURXQG WKH ZRUOG $ FRPPXQLW\ RI HQWKXVLDVWV Ä?QG LQ WKH FLW\ D PRGXV RSHUDQGL ZKLFK IUHHV WKHP IURP WKHLU KHDY\ (XURSHDQ WUDGLWLRQV DQG DOORZV WKHP WR FUHDWH LQ D QHZ VW\OH DQG GLUHFWLRQ /RV $QJHOHV ORQJ PLVXQGHUVWRRG FDQ QRZ EH VHHQ DV IRUHVKDGRZLQJ D FHUWDLQ VWDWH RI PLQG DQG DUWLVWLF SUDFWLFH QRZ ZLGHVSUHDG ZKLFK HPEUDFHV KRUL]RQWDOLW\ UDGLFDO H[SHULPHQWDWLRQ and the cross-pollination.

*HUDOGLQH *RXUEH philosopher and professor at ESAAA, 8QLYHUVLW\ RI 3DULV 2XHVW 1DQWHUUH DQG 6FLHQFHV 3ROLWLTXHV 3DULV ,VDEHOOH /H 1RUPDQG DUW GHSDUWHPHQW GLUHFWRU DQG FXUDWRU RI 0DLQV GĂŞĂ…XYUHV 3DULV *&RQQLH %XWOHU m /$ 1RZ DQG 7KHQ } in -RKQ :HOFK PDQ 3FDFOU 1BTUTÄ? "SU JO 4PVUIFSO $BMJGPSOJB GSPN UIF T UP /PX =XULFKĂĄ MUS ULQJLHU S


Séminaire 1 : Audrey Cottin

La sculpture comme voyage ou le voyage comme sculpture

absurd, and unembarrassed. 6KKK OLVWHQá /RV $QJHOHV VHHPV WR EH ODXJKLQJ )RU WKH XQLQLWLDWHG WKLV LV D SUREOHP :K\áá" %HFDXVH IRROLVKQHVV LV DOZD\V DQ DWWDFN RQ UHDOLW\ $V D FKLOG LQ /RQGRQ LQ WKH V %DQKDP VDZ /$ EHLQJ EXLOW LQ WKH EDFNJURXQG RI WKH VLOHQW PRYLH VODSVWLFN FRPHGLHV RI WKH .H\VWRQH .RSV DQG %XVWHU .HDWRQ ,Q -XOLDQ &RRSHUêV PRYLH 3FZOFS #BOIBN -PWFT -PT "OHFMFT %DQKDP KDV DGRSWHG WKH UROH RI WKH VODSVWLFN IRRO ,Q WKH GHWHFWLYH VFHQH KH LV D FORZQ ORQJLQJ WR EH D GHWHFWLYH OLNH Keaton in 4IFSMPDL +S :KHQ %DQKDP LV UHMHFWHG ZKLOH DWWHPSWLQJ WR HQWHU D JDWHG FRPPXQLW\ , DP WRXFKHG E\ WKLV PDWWHU RI IDFW JHVWXUH WR GRFXPHQW ZKDW KH NQHZ ZRXOG EH D NLQG RI IDLOXUH :KDW , ZDQW \RX WR UHPHPEHU LV WKDW LQ /$ \RX DUH DOZD\V IUHH WR EH D IRRO 7KLV IUHHGRP LV ZKDW (XURSHDQV DUH RIWHQ DPD]HG E\ DQG ZKDW ORYHUV RI /$ YDOXH DQG DSSUHFLDWH DERYH DOO HOVH } $ SURSRVDO E\ -RQ %HUQDGá H[SHULHQFH DVVLVWDQW DQG IUHQFK EXOOGRJV NHHSHU ¢ /RV $QJHOHV

"VESFZ $PUUJO TPVMFWBOU PLQXWHV WHOHSDWKLF VFXOSWXUHV VOF VWSF EF 4PCFS -POFMZ 1IPUPč *FWB &QOFSF ¨ "VESFZ $PUUJO FU 4PCFS -POFMZ

Seminar 3 : Joel Kyack Crossing The Lines

Depuis 2007, l’artiste Audrey Cottin mène des recherches sur l’enWKRXVLDVPH FRPPH XQH SRVVLEOH SUDWLTXH /êDSSODXGLVVHPHQW DSSDUD°W FRPPH XQ JHVWH V\QWK«WLVDQW VHV UHFKHUFKHV /êDUWLVWH FRPPHQFH DORUV ¢ RUFKHVWUHU GHV $MBQQJOH (SPVQT, véritables « oeuvres-évènePHQWV } VH G«URXODQW GDQV SOXVLHXUV YLOOHV HW SOXVLHXUV FRQWH[WHV PXV«HV «FROHV OLHX[ DOWHUQDWLIV $XGUH\ &RWWLQ VêLQW«UHVVH PRLQV ¢ l’harmonie comme dans la pièce de Steve Reich $MBQQJOH .VTJD TXê¢ Oê«PXODWLRQ HW OêLQWHQVLW« HQWUH OHV GLď«UHQWV SDUWLFLSDQWV &HWWH communication élémentaire, non verbale génère un moment collectif. ,O QH VêDJLW SDV GêDSSODXGLU SRXU XQH UDLVRQ SDUWLFXOLªUH PDLV SOXW¶W de célébrer la célébration. /HV V«MRXUV GH OêDUWLVWH ¢ /RV $QJHOHV RQW LQVSLU« VHV UHFKHUFKHV VXU l’enthousiasme, le nomadisme et la xénophilie. Elle évoquera notamPHQW VHV OLHQV DYHF OD VFªQH DUWLVWLTXH FDOLIRUQLHQQH FRQWHPSRUDLQHá -DVRQ +ZDQJ 0DWW 6KHULGDQ 0LNH 5H\ &KDUORWWH +RXHWWH .DUWKLN 3DQGLDQ $QQHWWH :HLVVHU $XGUH\ &RWWLQ D SU«VHQW« GHUQLªUHPHQW DX -HX GH 3DXPH OêH[SRVLtion personnelle $IBSMJF 4BCSJOB RVJ M FÝU DSV WK«¤WUH GH SOXVLHXUV collaborations et conversations dans le cadre de la programmation 6DWHOOLWH FXUDW«H SDU 5DLPXQGDV 0DODVDXVNDV

Seminar 2 : Reyner Banham Loves Los Angeles a program by Jon Bernad

4DSFFOTIPU PG UIF EPDVNFOUBSZ 5H\QHU %DQKDP /RYHV /RV $QJHOHV

)RROLVKQHVV LQ /RV $QJHOHV SHUYDGHV WKH HQWLUH FLW\á ZHDWKHU ZKLFK DOZD\V FKDQJHV \HW DOZD\V VWD\V WKH VDPH ULGLFXORXV DUFKLWHFWXUH ZLWK EXLOGLQJV VKDSHG OLNH KRW GRJV DQG ERZOHU KDWV HFFHQWULF SHUVRQDOLWLHV IRXQG LQ FHUWDLQ GLVWULFWV DQG FHOHEUDWHG DV SXEOLF PRQXPHQWV WUHHV ZKLFK ORRN IRUHLJQ DQG H[RWLF KDYLQJ EHHQ LPSRUWHG IURP DOO RYHU WKH JOREH FDFWLL WKDW VHHP IDNH SODVWLF DQLPDOV OLNH KXPPLQJELUGV ZKLFK đ\ DURXQG ORRNLQJ DV LI WKH\ ZHUH D PLVWDNH LQ QDWXUH 9HU\ OLWWOH DWWHPSWV VHULRXVQHVV LPSUHVVLYHQHVV HYHU\WKLQJ LV VOLJKWO\ /HV U«VXP«V GHV V«PLQDLUHV VRQW «FULWV GDQV OD ODQJXH GH OêLQWHUYHQDQW H 7KH VXPPDULHV RI WKH VHPLQDULHV DUH ZULWWHQ LQ WKH WRQJXH RI WKH SDUWLFLSDQW

+PFM ,ZBDL $PVSUFTZ 'SBODPJT (IFCBMZ (BMMFSZ %3

, EHOLHYH VROLWDLUH WR EH RQH RI WKH VXSUHPH JDPHV RI PDQ 7KLV RQH SOD\HU JDPH HPSOR\V D GHFN RI SOD\LQJ FDUGV DV LWV VROH SK\VLFDO UHTXLUHPHQW ,W FDQ EH FDUULHG LQ D SRFNHW DQG UHTXLUHV QR RXWVLGH SRZHU RU DFFHVVRU\ 7KH FDUGV FDQ JHW ZHW ZLWKRXW IDLOXUH DV ZHOO DV EH H[SRVHG WR H[WUHPH KHDW DQG FROG ZLWKRXW FRQVHTXHQFH 7KH\êUH WRXJK DV LQGLYLGXDOV DQG DV D GHFN WKH\êUH FUXVK SURRI DQG PXOWL XVH DV æ DPRQJ RWKHU WKLQJV æ DQ DGMXVWDEOH VKLP IRU DQ XQHYHQ WDEOH DQ LPSURYLVHG ĐQJHU VPDVKHU QRVH EUHDNHU RU D IDQ RQ D KRW VXPPHU GD\ 7KH GHWDLOV IRU WKH 3VMFT PG 1MBZ are, for my purpose here, arbitrary. 6XĒFH WR VD\ WKDW LQGHHG WKHUH DUH UXOHV HOHJDQW DQG VWUDLJKWIRUZDUG DQG D NH\ WR RQHêV VXFFHVV LQ WKH JDPH LV FRQWLQJHQW RQ D NQRZOHGJH DQG XQGHUVWDQGLQJ RI WKHVH UXOHV $V WKLV WDVN LV RI TXLFN PDVWHU\ PRUH LPSRUWDQW DQG FKDOOHQJLQJ LV GHYHORSLQJ D NHHQ H\H IRU WKH XQIROGLQJ VLWXDWLRQ RI WKH FDUGV EHLQJ GHDOW DQG GHDOW ZLWK DQG DQ XQGHUVWDQGLQJ RI KRZ WR RUJDQL]H WKDW HYROXWLRQ WR RQHêV DGYDQWDJH 7KH SOD\LQJ RI WKH JDPH VHUYHV WR SURYLGH D IUDPHZRUN LQ ZKLFK WR YLHZ WKH RXWFRPH RI ZKDW , EHOLHYH WR EH LWV PRVW LQWHUHVWLQJ DVSHFW ZKHUH LQ SUHSDUDWLRQ WKH SOD\HU EHFRPHV D IDFLOLWDWRU WR DQRWKHU game, the one that is played amongst the cards. Each against the RWKHU WKH\ FRPSHWH LQ WKH VSDFH RI WKH VKXēH 7KH IRXQGDWLRQ IRU the success or failure of the coming game is built solely through this chance alignment, as the freedom and movement of the cards yields VXGGHQO\ DQG IDFH GRZQ WR WKH GHFN WKDW LV WR EH GHDOW b .\DFN LV UHSUHVHQWHG E\ )UDQFRLV *KHEDO\ LQ /RV $QJHOHV DQG %UDQG 1HZ LQ 0LODQ +H OLYHV DQG ZRUNV LQ /RV $QJHOHV &$ b+H KDV UHFHQWO\ H[SRVHG DW WKH +DPPHU 0XVHXP /RV $QJHOHV DQG DW WKH 5XEEHO &ROOHFWLRQ 0LDPL

3


4

SĂŠminaire 4 : RaphaĂŤl Pirenne John Baldessari : Born to paint

+PIO #BMEFTTBSJ %251 72 3$,17 4UVEJP *OUFSOBUJPOBM 7PM /P %3

(Q DR½W ORUV GH VRQ $SFNBUJPO 1SPKFDU -RKQ %DOGHVVDUL DOODLW dĂŠtruire une partie des toiles qu’il avait rĂŠalisĂŠes depuis le dĂŠbut GHV DQQÂŤHV HW TXL ÂŤWDLHQW WRXMRXUV HQ VD SRVVHVVLRQ /D PÂŹPH DQQÂŤH SRXU OH QXPÂŤUR GĂŞÂŤWÂŤ GH OD UHYXH 6WXGLR ,QWHUQDWLRQDO GRQW un portfolio avait ĂŠtĂŠ coordonnĂŠ par le critique d’art et poète David $QWLQ OĂŞDUWLVWH FDOLIRUQLHQ Ä?W XQH IXJDFH PDLV GÂŤFLVLYH DSSDULWLRQ RÂť HQWUH DXWUHV LO VH SUÂŤVHQWDLW GH GRV PXQL GĂŞXQ EORXVRQ HQ MHDQV VXU OHTXHO ÂŤWDLHQW FRXVXV GHX[ ÂŤFXVVRQVĂĄ XQ FU¤QH SRVÂŤ VXU XQH SDOHWWH GH SHLQWUH Ä?FKÂŤ GĂŞXQ SLQFHDX HW HQWRXUÂŤ GH Ä‘DPPHV DLQVL TXĂŞXQH PHQtion qui reviendra de manière intermittente dans d’autres productions d’alors, Born to paint. ,O HVW VLJQLÄ?FDWLI TXê¢ FHWWH SÂŤULRGH FKDUQLÂŞUH GH OD FDUULÂŞUH GH OĂŞDUWLVWH s’installe un discours mĂŠta-critique sur la peinture ĂŠminemment dialectique et ironique, oscillant entre d’une part destruction, ou plus SUÂŤFLVÂŤPHQW VDFULÄ?FH V\PEROLTXH GH VD SURGXFWLRQ SLFWXUDOH DQWÂŤrieure, et d’autre part prĂŠsentation publique en tant que peintre. /D SHLQWXUH DSSDUD°W HQ HÄ?HW FRPPH XQH FRQGLWLRQ HVVHQWLHOOH DX dĂŠveloppement de la pratique intermĂŠdiale que Baldessari mettait HQ SODFH VRXV OĂŞLQÄ‘XHQFH GĂŞXQH FHUWDLQH m SRÂŤVLH } FHOOH GH *HRUJH %UHFKW HQ SDUWLFXOLHU YÂŤKLFXOÂŤH ¢ FHWWH ÂŤSRTXH SDU FH PÂŹPH 'DYLG Antin dont Baldessari ĂŠtait proche. 5DSKD­O 3LUHQQH Docteur en histoire de l’art, ChargĂŠ de Recherches du Fonds National GH OD 5HFKHUFKH 6FLHQWLÄ?TXH )56 )156 ,O HVW ÂŤJDOHPHQW PHPEUH GH OD SODWHIRUPH ÂŤGLWRULDOH HW FXUDWRULDOH 6,& EDVÂŤH ¢ %UX[HOOHV

Seminar 5 : Emily Mast

How to Become an Expert Amateur

&NJMZ .BTU Bird Brain QFSGPSNBODF %3

,Q WKH DUWLVW (PLO\ 0DVW ZDV SDUW RI D V\PSRVLXP DW WKH 0XVHXP RI 0RGHUQ $UW LQ 1HZ <RUN H[DPLQLQJ WKH UROH RI WKH DXGLHQFH in contemporary performance art. For her lecture at ESAAA, Emily 0DVW ZLOO DWWHPSW WR GHÄ?QH Ă­6RFLDOO\ (QJDJHG $UWĂŽ DQG WDON DERXW WKH H[FLWHPHQW DQG GRZQULJKW GLVFRPIRUW RI PDNLQJ ZRUN WKDW UHVLGHV XQFRPIRUWDEO\ EHWZHHQ GLVFLSOLQHV GRZQSOD\V WKH UROH RI WKH LQGLYLGXDO DUWLVW DWWHPSWV WR UHGHÄ?QH QRWLRQV RI DXWKRUVKLS DQG LV VWXEERUQO\ DW RGGV ZLWK WKH FDSLWDOLVW DUW PDUNHW 6KH ZLOO GLVFXVV WKH VSDFHV RI DPELJXLW\ KHU ZRUN JHQHUDWHV DQG DWWHPSW WKURXJK various performative exercises, to introduce students to the potential of spontaneous, creative and collaborative practices that revel in the SHUSHWXDOO\ XQUHVROYHG VWDWH EHWZHHQ DUW QRQ DUW WKHDWHU WKHUDS\ VRFLRORJ\ DQG HGXFDWLRQ )XUWKHUPRUH VKH ZLOO GHVFULEH KRZ WR GHI\ GHÄ?QLWLRQ DQG WHOO \RX ZKDW LW WDNHV WR EHFRPH DQ H[SHUW DPDWHXU (PLO\ 0DVW LV D YLVXDO DUWLVW ZKR ZRUNV SULPDULO\ ZLWK SHRSOH PRYHPHQW DQG VRXQG WR DGYRFDWH XQFHUWDLQW\ DV OLYH VFXOSWXUDO PDWHULDO ,Q VKH SUHVHQWHG D OLYH ORRSLQJ SOD\ FDOOHG Ă­&WFSZUIJOH /PUIJOH 4PNFUIJOH "MXBZT 8BMMB ĂŽ IRU 1FSGPSNB LQ 1HZ <RUN &LW\ +HU ZRUN KDV EHHQ VHHQ DW 08+.$ LQ $QWZHUS 6DPVRQ 3URMHFWV LQ %RVWRQ DQG 5('&$7 7KH 9HODVODYDVD\ 3DQRUDPD 7KHDWHU +XPDQ 5HVRXUFHV 6WHYH 7XUQHU &RQWHPSRUDU\ %ODFNER[ DQG LQ /RV $QJHOHV

Seminar 6 : Alexandra Grant On Collaborating

"MFYBOESB (SBOU )LUVW 3RUWDO PLQG EFUBJM %3

A central aspect of my artistic practice is the careful consideration RI KRZ , ZRUN ZLWK RWKHUV ZKHWKHU WKH\ DUH DUWLVWV ZULWHUV FXUDWRUV D JDOOHULVW RU WKH VHFXULW\ JXDUG DW D PXVHXP 7KH LGHD RI Ă­OĂŞDXWUHĂŽ RU WKH RWKHU LV RI FRXUVH D SKLORVRSKLFDO FRQFHSW WKLQN +HJHO /Dcan, Derrida, for example -- but also a psychological one suggesting WKHPHV RI LGHQWLW\ DQG VHOI KRRG :H ZLOO GLVFXVV KRZ WKH LGHD RI FROODERUDWLQJ RU ZRUNLQJ ZLWK Ă­RWKHUVĂŽ DV DQ DUWLVW LV PRUH WKDQ MXVW an exchange of ideas but an opportunity to examine and enact relaWLRQVKLSV RI SRZHU HFRQRP\ JHQGHU UDFH FODVV DQG RWKHU VRFLDO DQG FXOWXUDO GLÄ?HUHQFHV $OH[DQGUD *UDQW LV D /RV $QJHOHVĂĄ ĂĄEDVHG DUWLVW ZKR XVHV ODQJXDJH DV D VRXUFH IRU LPDJHU\ LQ VFXOSWXUH SDLQWLQJ GUDZLQJ DQG YLGHR *UDQW LV NQRZQ DV D Ă­UDGLFDO FROODERUDWRUĂŽ ĂŚ WKH ORQJHVW RI KHU H[FKDQJHV EHLQJ ZLWK WKH SLRQHHULQJ ZULWHU RI K\SHUWH[W Ä?FWLRQ 0LFKDHO -R\FH *UDQW LV DOVR NQRZQ IRU KHU ZRUN LQ FROODERUDWLRQ ZLWK WKH :DWWV +RXVH 3URMHFW ,Q HDUO\ *HUKDUG 6WHLGO SXEOLVKHG WKH 0EF UP )BQQJOFTT, in colODERUDWLRQ ZLWK .HDQX 5HHYHV ,W ZDV *UDQWĂŞV Ä?UVW DUWLVW ERRN DQG 5HHYHVĂŞ Ä?UVW ERRN DV D ZULWHU *UDQW LV FXUUHQWO\ ZRUNLQJ ZLWK &L[RXV RQ D SURMHFW UHYROYLQJ DURXQG WKDW ZULWHUĂŞV ERRN 3KLOLSSLQHV


Seminar 7 : John Welchman Found Out : Nine Based LA Artists

/RV $QJHOHV LV D ULFK HQYLURQPHQW IRU FUHDWLQJ ORZ FRVW JUDVVURRWV YHQXHV RI DOO NLQGV DQG LQ WKLV WDON 0DUN $OOHQ IRXQGHU DQG H[HFXWLYH director of .BDIJOF 1SPKFDU D /RV $QJHOHV QRQ SURÄ?W VSDFH ZLOO GLVcuss the increasingly important role of artist run curatorial initiatives in Southern California. 7KH .BDIJOF 1SPKFDU s focus on temporary, experimental, performative DQG SHGDJRJLFDO SURMHFWV KDV OHDG WR FROODERUDWLQJ ZLWK DUWLVWV ZKRVH ZRUN LV UHDOL]HG DV HYHQWV ZLWK D OLYH DXGLHQFH WKH VXFFHVV RU HÄ?HFWV RI XQNQRZQ XQWLO WKH PRPHQW WKH\ KDSSHQ .BDIJOF 1SPKFDU aims to be a context for artists and performers to put DVLGH LGHDV RI VXFFHVV DQG IDLOXUH DQG WKLQN RI FXOWXUDO SURGXFWLRQ DV D VHULHV RI H[SHULPHQWV ZLWQHVVHG LQ SDUWQHUVKLS ZLWK WKH JHQHUDO SXEOLF b 8QGHU 0DUN $OOHQĂŞV GLUHFWLRQ .BDIJOF KDV SURGXFHG VKRZV ZLWK WKH /RV $QJHOHV &RXQW\ 0XVHXP RI $UW WKH 0XVHXP RI &RQWHPSRUDU\ $UW LQ 'HQYHU WKH &RQWHPSRUDU\ $UW 0XVHXP 6W /RXLV DQG WKH :DONHU 0XVHXP LQ 0LQQHDSROLV

SĂŠminaire 9 : Bruno Queysanne et Nicolas Tixier Track the City/ Tracer la ville $BUIFSJOF 0QJF 6HOI 3RUWUDLW &XWWLQJ %3

-RKQ :HOFKPDQ FXUDWHG WKH JURXS VKRZ 'PVOE 0VU IRU WKH )LUVW ,QWHUQDWLRQDO :RPHQĂŞV %LHQQLDO LQ .RUHD LQ 7KLV H[KLELWLRQ EURXJKW WRJHWKHU KDOI D GR]HQ /$ EDVHG ZRPHQ DUWLVWV PRVWO\ ZRUNLQJ LQ SKRWRJUDSK\ DQG LQVWDOODWLRQĂĄ 6KDURQ /RFNKDUW -R\FH &DPSEHOO :RQ -X /LP %DUEDUD .UXJHU (OHDQRU $QWLQ &DWKLH 2SLH -HDQ /RZH DQG -HQQLIHU 3DVWRUĂ´ 7KH ZRUN RI WKH QLQH DUWLVWV LQ 'PVOE 0VU by no means adds up to a picture — or a critique — of the cultural scene in Southern California. But all the artists exhibited here share a commitment to the IXWXUH LPSOLFDWLRQV RI ORRNLQJ FORVHO\ DQG HDFK LV LQYHVWHG PRUH LQ WKH SURFHVVHV DQG VSHFLÄ?FLWLHV RI Ä?QGLQJ RXW WKDQ WKH\ DUH LQ WKH SURnouncement of conclusions. -RKQ & :HOFKPDQ 3URIHVVRU RI DUW KLVWRU\ WKHRU\ DQG FULWLFLVP 8QLYHUVLW\ RI &DOLIRUQLD 6DQ 'LHJR +H LV DQ HPLQHQW VSHFLDOLVW RI WKH ZRUN RI 0LNH .HOOH\ DQG 3DXO 0F &DUWK\ +LV ERRNV RQ DUW LQFOXGH .PEFSOJTN 3FMPDBUFEÄ? 5PXBSET B $VMUVSBM 4UVEJFT PG 7JTVBM .PEFSOJUZ $OOHQ 8QZLQ ,QYLVLEOH &RORXUVĂĄ $ 9LVXDO +LVWRU\ RI 7LWOHV <DOH 83 DQG "SU "GUFS "QQSPQSJBUJPOÄ? &TTBZT PO "SU JO UIF T 5RXWOHGJH KH LV FR DXWKRU RI WKH %BEB BOE 4VSSFBMJTU 8PSE *NBHF 0,7 3UHVV DQG RI .JLF ,FMMFZ LQ WKH 3KDLGRQ &RQWHPSRUDU\ $UWLVWV VHULHV DQG HGLWRU RI 3FUIJOLJOH #PSEFST 0LQQHVRWD 83

Seminar 8 : Mark Allen and his Machine Project The Collector of Experiences

#SVOP 2VFZTBOOF %3

/RV $QJHOHV OH PRPHQW RÂť OH OLHXWHQDQW 2UG GRQQH OH SURMHW GH la nouvelle ville de la Californie du Sud. De part et d’autre du 1VFCMP PH[LFDLQ TXL DLQVL VH WURXYH mbLQWDFWb} 2UG GÂŤYHORSSH WDQJHQW ¢ OD colline qui s’appellera #VOLFS )JMM, et dans la partie Nord, dĂŠsaxĂŠ par UDSSRUW DX 3XHEOR XQ SURMHW HQ GHX[ SDUWLHV VÂŤSDUÂŤHV HW GÂŤVRULHQWÂŤHV $XFXQH GHV GHX[ RULHQWDWLRQV QĂŞÂŤWDQW DOLJQÂŤH VXU OĂŞD[H 1RUG 6XG /H SURMHW GH 2UG HVW mbFROOÂŤb} VXU OD JULOOH WHUULWRULDOH SURSRVÂŤH SDU +DQFRFN HQ /H SURMHW QĂŞHVW SDV ¢ ÂŤFKHOOH XUEDLQH FKDFXQH GH ses unitĂŠs de subdivision ĂŠtant bien trop grande pour reprĂŠsenter un CMPDL GRQW OH SODQ GH 2UG GRQQH OHV GLPHQVLRQV +DQFRFN QH VXLW QL OHV GHX[ RULHQWDWLRQV GX SURMHW GH 2UG QL OĂŞRULHQWDWLRQ 1RUG 6XG ,O HQ UDMRXWH GDQV OD GLVORFDWLRQ HW LO FRQIÂŞUH DX SURMHW GH /RV $QJHOHV XQH dimension territoriale en plus de la dimension urbaine. 'DQV FHW HQWÂŹWHPHQW ¢ JDUGHU OHV GHX[ GLPHQVLRQV /RV $QJHOHV VH IDLW ainsi nommer, et ce depuis le dĂŠbut, 4PVUIFSO $BMJGPSOJB. Un nom de YLOOH HW XQ QRP GH WHUULWRLUH /D IRUPH XUEDLQH GLVORTXÂŤH GÂŤVRULHQWÂŤH HW GLVFRQWLQXH DX GÂŤEXW HW HQFRUH DXMRXUGĂŞKXL QH SHXW VH FRQWHQWHU GĂŞXQH VHXOH GÂŤQRPLQDWLRQ LO OXL IDXW GHX[ QRPV TXL UHQYRLHQW ¢ VD double dimension de ville et de territoire. %UXQR 4XH\VDQQH HVW SURIHVVHXU KRQRUDLUH ¢ OĂŞÂŤFROH GĂŞDUFKLWHFWXUH GH *UHQREOH GĂŞKLVWRLUH HW GH SKLORVRSKLH ,O WUDYDLOOH VXU OHV YLOOHV GHSXLV FHOOHV GH OD 5HQDLVVDQFH MXVTXĂŞDX[ YLOOHV FRQWHPSRUDLQHV HQ UHFRXUDQW ¢ OD P\WKRORJLH ¢ OĂŞDSSURFKH SKÂŤQRPÂŤQRORJLTXH HW OĂŞKLVWRLUH XUEDLQH

'RJ 2SHUD PLQL GRFXPHQWDU\ .BDIJOF 1SPKFDU -PT "OHFMFT

1LFRODV 7L[LHU HVW FKHUFKHXU DX ODERUDWRLUH &UHVVRQ ,O HQVHLJQH ¢ Oê‹FROH 1DWLRQDOH 6XSÂŤULHXUH GĂŞ$UFKLWHFWXUH GH *UHQREOH HW ¢ l’ESAAA. Au sein du collectif Bazar Urbain, il expĂŠrimente, dans le FDGUH GH SURMHWV XUEDLQV GLÄ?ÂŤUHQWHV IRUPHV GH UÂŤFLWV GX OLHX HW GH traversĂŠes du territoire.

5


6

6ÂŤPLQDLUH -XGLWK 'HOĂ­QHU West Coast Bohemia

ESAAA Mains d’Œuvres /ĂŞÂŤFROH VXSÂŤULHXUH GĂŞDUW GH OĂŞDJJORPÂŤUDWLRQ GĂŞ$QQHF\ (6$$$ GLVSHQVH GHV HQVHLJQHPHQWV FRQGXLVDQW DX[ GLSOÂśPHV '1$3 QLYHDX /LFHQFH %DF HW '16(3 QLYHDX 0DVWHU %DF HQ $UW HW HQ 'HVLJQ DLQVL TXĂŞXQ GLSOÂśPH GĂŞÂŤFROH OH '65$ QLYHDX 'RFWRUDW %DF (OOH fait partie du rĂŠseau national des ĂŠcoles supĂŠrieures d’art au sein duquel elle se singularise par son attitude volontaire en ce qui concerne OD UHFKHUFKH SDU VRQ WUDYDLO VXU OHV HVSDFHV FRPPXQV GX MDUGLQ DX paysage, des espaces urbains aux montagnes, de l’architecture au cliPDW PDLV DXVVL SDU VD SRVLWLRQ UDGLFDOH HQ FH TXL FRQFHUQH OĂŞH[SÂŤULPHQWDWLRQbTXL HVW SODFÂŤH DX GÂŤSDUW GH WRXWH VRQ DFWLYLWÂŤ (OOH RFFXSH XQ E¤WLPHQW FRQVWUXLW SDU $QGUÂŤ :RJHQVFN\ HQ HW \ GÂŤYHORSSH une activitĂŠ de rĂŠsidence, mais aussi d’Êdition et de production de SURMHWV KRUV OHV PXUV

Semina DPWFS XJUI QIPUPHSBQI PG $BNFSPO 8BMMBDF #FSNBO 4FNJOB KPVSOBM OP CZ 8BMMBDF #FSNBO $PVSUFTZ PG UIF &TUBUF PG 8BMMBDF #FSNBO

0D°WUH GH FRQIÂŤUHQFHV HQ KLVWRLUH GH OĂŞDUW FRQWHPSRUDLQ ¢ OĂŞXQLYHUVLWÂŤ 3LHUUH 0HQGÂŞV )UDQFH GH *UHQREOH -XGLWK 'HOÄ?QHU YLHQW GH IDLUH SDUD°WUH DX[ 3UHVVHV GX UÂŤHO %PVCMF #BSSFMMFE (VOÄ? %BEB BVY °UBUT 6OJT , une synthèse de sa thèse de doctorat. Dans cet ouvrage, l’auteur interroge l’identitĂŠ d’une production artistique expĂŠrimentale situĂŠe dans le prisme de Dada qui ĂŠmerge dans l’ombre de l’expresVLRQQLVPH DEVWUDLW VLPXOWDQÂŤPHQW ¢ 1HZ <RUN HW HQ &DOLIRUQLH GDQV un contexte politique dominĂŠ par la guerre froide et le maccarthysme. Au sein de cette recherche, c’est plus prĂŠcisĂŠment la partie consacrĂŠe ¢ OD FÂśWH 2XHVW GHV ‹WDWV 8QLV TXL VHUD H[SRVÂŤH ORUV GH FHWWH VÂŤDQFH GX VÂŤPLQDLUH /ĂŞDXWHXU \ GÂŤSORLHUD OHV GLÄ?ÂŤUHQWHV IDFHWWHV GĂŞXQH FRPmunautĂŠ d’artistes qui, si elle ne forme pas mouvement cohĂŠsif, parWDJH XQ HQVHPEOH GH YDOHXUV HW GH UÂŤIÂŤUHQFHV PDQLIHVWH ¢ WUDYHUV XQH H[SUHVVLRQ TXL VH SRVH ¢ FRQWUH FRXUDQW GH OĂŞ"NFSJDBO 8BZ. RestĂŠe ODUJHPHQW FRQÄ?GHQWLHOOH FHWWH SURGXFWLRQ DUWLVWLTXH HQ FLUFXLW IHUPÂŤ connue d’un cercle restreint d’initiĂŠs, irrigua profondĂŠment la crĂŠaWLRQ FDOLIRUQLHQQH SURPLVH ¢ XQH YLVLELOLWÂŤ DX FRXUV GH OD GÂŤFHQQLH

Ă€ venir : To be coming : 7KRP $QGHUVHQ Ä?OP PDNHU DQG FULWLF 0DWWKHZ &RROLGJH 'LUHFWRU RI &/8, -HQQLIHU 'R\OH DUW KLVWRULDQ )UDQŠRLV *KHEDO\ DUW JDOHULVW $QQHWWD .DSRQ DUWLVW DQG SKLORVRSKHU /HÂąOD .KDVWRR DUW JDOHULVW DQG FXUDWRU 6\OYÂŞUH /RWULQJHU SKLORVRSKHU DQG HGLWRU /DXUHQ 0DFNOHU FXUDWRU %ÂŤUÂŤQLFH 5H\QDXG Ä?OP FULWLF DQG FXUDWRU $OLVRQ 2ĂŞ'DQLHO DUWLVW -RKQ 7DLQ KLVWRULDQ DQG FXUDWRU -LP 6KDZ DUWLVW -XOLD 6LVVD SKLORVRSKHU

ESAAA is located in Annecy – French Alpes region – from 30 minutes GULYLQJ WR *HQHYD DQG LWV LQWHUQDWLRQDO DLUSRUW 7KLV JUDGXDWH VFKRRO RI $UW DQG 'HVLJQ SURYLGH % 0)$ LQ $UW DQG 'HVLJQ DQG 3K ' DQG today ESAAA comprises three entities. First, is the educational artistic and theoric program in a patrimonial building facing the mounWDLQV EXLOW LQ E\ $QGUÂŤ :RJHQVFN\ ĂŚ /H &RUEXVLHUĂŞV DVVLVWDQW 7KH VHFRQG LV D SURGXFWLRQ VWUXFWXUH GHGLFDWHG WR H[SHULPHQWDWLRQ edition, exhibition and events mainly for international young artists and theoricians. And third is an ambitious research programm that PDNHV DFDGHPLF ZRUOG DQG UHVHDUFK FHQWHUV ZRUNLQJ WRJHWKHU 7KLV QHWZRUN RI FROODERUDWLYH SDUWQHUVKLSV OLQNV (6$$$ ZLWK ORW RI DUW design and research organizations, and connects everyday this border place to the international actuality. 0DLQV GĂŞĂ…XYUHV VRXWLHQW OĂŞDUW FRQWHPSRUDLQ SDU OĂŞLQWHUPÂŤGLDLUH GĂŞXQ programme de rĂŠsidences d’artistes ĂŠmergents et d’une programmation d’expositions et d’Êvènements. En plaçant les artistes au coeur GHV SURMHWV 0DLQV GĂŞĂ…XYUHV LPSXOVH XQH G\QDPLTXH HQWUH OĂŞDWHOLHU HW l’espace d’exposition, mais aussi entre les disciplines et les territoires. Quatre expositions par an dont une monographie d’artiste rĂŠsident permettent de dĂŠcouvrir des oeuvres produites dans le lieu mises en SHUVSHFWLYH DYHF GHV RHXYUHV GĂŞDUWLVWHV UHFRQQXV /HV H[SRVLWLRQV VRQW ÂŤJDOHPHQW GHV HVSDFHV GH UÂŤÄ‘H[LRQ DFWLYÂŤV SDU OD SDUROH GDQV OH FDGUH GHV ÂŤYÂŤQHPHQWV FRQIÂŤUHQFHV YLVLWHV UHQFRQWUHV RX TXRWLGLHQQHPHQW lors de l’accueil des visiteurs. Dans l’esprit de la double lecture deleuzienne — sensible et intellectuelle, spĂŠcialiste et non-spĂŠcialiste — 0DLQV GĂŞĂ…XYUHV HVW XQ OLHX GĂŞH[SÂŤULPHQWDWLRQ GH OĂŞDUW RXYHUW ¢ WRXV 0DLQV GĂŞĂ…XYUHV VHHNV WR VXSSRUW FRQWHPSRUDU\ DUW WKURXJK D SURgram of residencies for emerging artists in addition to a Exhibitions DQG (YHQWV 3URJUDP ,Q SODFLQJ WKH DUWLVWV DW WKH KHDUW RI LWV SURMHFWV 0DLQV GĂŞĂ…XYUHV HQFRXUDJHV D G\QDPLF UHODWLRQVKLS QRW RQO\ EHWZHHQ WKH VWXGLR DQG WKH H[KLELWLRQ VSDFH EXW DOVR EHWZHHQ GLÄ?HUHQW DUWLVWLF disciplines and territories. Four exhibitions per year, including one LQGLYLGXDO H[SRVLWLRQ E\ D UHVLGHQW DUWLVW DOORZ WKH GLVFRYHU\ RI ZRUNV SURGXFHG RQ WKH VLWH SXW LQ SHUVSHFWLYH ZLWK ZRUNV E\ UHFRJQL]HG DUWLVWV 7KH H[KLELWLRQV SURYLGH D VSDFH RI DFWLYH UHÄ‘HFWLRQ DQG FRPPXQLFDWLRQ HLWKHU WKURXJK UHODWHG HYHQWV FRQIHUHQFHV YLVLWV HQFRXQWHUV RU RQ D GDLO\ EDVLV LQ ZHOFRPLQJ YLVLWRUV ,Q WKH VSLULW RI 'HOHX]LDQ double-reading — sensual and intellectual, specialist and non-speciaOLVW ç 0DLQV GĂŞĂ…XYUHV LV DQ H[SHULPHQWDO DUW VSDFH RSHQ WR HYHU\RQH

0DLQV GêÅXYUHV ZZZ PDLQVGRHXYUHV RUJ (6$$$ ‹FROH VXSULHXUH GêDUW GH OêDJJORPUDWLRQ Gê$QQHF\ ZZZ HVDDD IU


Third Program

Third Program

programme 3e cycle de rÊsidences recherche et production entre Los Angeles - ESAAA et Mains d’Oeuvres

residencies research and production Ph.d program between Los Angeles - ESAAA and Mains d’Oeuvres

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5IJSE 1SPHSBN est un programme de rĂŠsidences recherche et proGXFWLRQ TXL UDVVHPEOH GHV DFWHXUV HW GHV OLHX[ GÂŤGLÂŤV ¢ OĂŞDFWXDOLWÂŤ DUWLVWLTXH HQ )UDQFH HW ¢ /RV $QJHOHV SRXU XQH GXUÂŤH GH WURLV DQV 5IJSE 1SPHSBN D ÂŤWÂŤ FRQŠX HQ SUHPLHU OLHX SRXU TXH GH MHXQHV DUWLVWHV GLSOÂśPÂŤV GĂŞXQ 0DVWHU GĂŞXQ '16(3 RX GĂŞXQ 0)$ SXLVVHQW WUDYDLOler dans un cadre actif et euphorisant, et cela dans le temps dĂŠcĂŠOÂŤUÂŤ TXL HVW FHOXL GH OD UHFKHUFKH /HV VL[ MHXQHV DUWLVWHV LQVFULWV ¢ FH SURJUDPPH SUÂŤSDUHQW ¢ OĂŞ(6$$$ XQ GLSOÂśPH GH WURLVLÂŞPH F\FOH OH '65$ HW LOV EÂŤQÂŤÄ?FLHQW GĂŞXQH ERXUVH GĂŞXQ DWHOLHU HW GĂŞXQ ORJHPHQW DOWHUQDWLYHPHQW ¢ 6DLQW 2XHQ ¢ $QQHF\ HW ¢ /RV $QJHOHV ĂŚ WURLV JÂŤR ORFDOLWÂŤV TXL YLHQQHQW QRXUULU HW FRPSOÂŤWHU OĂŞHQVHPEOH GHV SURMHWV TXH FHV MHXQHV DUWLVWHV PÂŞQHQW SDU DLOOHXUV

5IJSE 1SPHSBN are residencies, research and production program that unites the doers and places dedicated to artistic present in France and LQ /RV $QJHOHV GXULQJ WKUHH \HDUV 5IJSE 1SPHSBN ZDV WKRXJKW LQ WKH Ä?UVW SODFH IRU \RXQJ DUWLVWV ZKR KDYLQJ REWDLQHG D 0DVWHU '16(3 RU 0)$ GLSORPD FRXOG ZRUN LQ DQ DFWLYH DQG VWLPXODWLQJ IUDPHZRUN WR VORZ GRZQ GXULQJ WKHLU UHVHDUFK 7KH VL[ \RXQJ DUWLVWV ZKR HQURO WKLV SURJUDP SUHSDUH D WKLUG F\FOH GLSORPD WKH '65$ 'LSOÂśPH 6XSÂŤULHXU GH 5HFKHUFKH HQ $UWĂĄ PostHSBEVBUF %FHSFF JO "SU 3FTFBSDI LQ (6$$$ 7KH\ EHQHÄ?W IURP D VFRODUVKLS D VWXGLR DQG D KRXVLQJ HLWKHU LQ 6DLQW 2XHQ LQ $QQHF\ RU LQ /RV $QJHOHV WKH WKUHH JHR ORFDOLWLHV QRXULVKLQJ DQG FRPSOHWLQJ WKH ZKROH RI WKH SURMHFWV RI WKHVH \RXQJ DUWLVWV

5IJSE 1SPHSBN concerne ĂŠgalement une ĂŠquipe amĂŠricano-française de professionnel-le-s de l’art et de chercheur-e-s qui ĂŠlabore l’agenda et le contenu de ce troisième cycle inĂŠdit. Cette plateforme en rĂŠVHDX ÂŤODERUH GLÄ?ÂŤUHQWHV DFWLRQV HW ÂŤYÂŞQHPHQWVĂĄ H[SRVLWLRQV MRXUQÂŤHV d’Êtudes, FWFOUT, ĂŠditions.

5IJSE 1SPHSBN concerns also an american-french team of art profesVLRQDOV DQG UHVHDUFKHUV ZKR GHYHORS WKH DJHQGD DQG WKH FRQWHQW RI WKLV RULJLQDO WKLUG F\FOH 7KLV SODWIRUP LQ QHWZRUN GHYHORSV GLÄ?HUHQW DFWLRQV DQG DÄ?DLUVĂĄ H[KLELWLRQV VHPLQDUV HYHQWV SXEOLFDWLRQV

(QÄ?Q 5IJSE 1SPHSBN rassemble des ĂŠcoles supĂŠrieures d’art, des centres de recherche indĂŠpendants et acadĂŠmiques, des lieux de production institutionnels ou encore des OPO QSPĂŠU TQBDFT qui soutiennent le programme et collaborent ensemble, comme autant de points de GÂŤSDUW DÄ’UPÂŤV GĂŞXQH FHUWDLQH IDŠRQ GH IDLUH GH OĂŞDUW 5IJSE 1SPHSBN a donc l’ambition de faire se rencontrer la recherche dite acadĂŠmique et les pratiques artistiques et curatoriales contempoUDLQHV ,O VH GÂŤSORLH VHORQ WURLV D[HVbWKÂŤRULTXHVĂĄ 8Q D[H WHUULWRLUHV QVCMJD TQBDF TUVEJFT FRQGXLW SDU 1LFRODV 7L[LHU - Un axe histoire de l’art WJTVBM TUVEJFT, regroupant des chercheur-e-s FRPPH -XGLWK 'HOÄ?QHU - Un axe philosophie HFOEFS TUVEJFT FRQGXLW SDU *ÂŤUDOGLQH *RXUEH

Finally, 5IJSE 1SPHSBN gathers together the higher schools of art, independent and academic research centers, institutional production SODFHV RU WKH 1RQ 3URÄ?W 6SDFHV WKDW VXSSRUW WKH SURJUDP DQG FROODERUDWH OLNH GLÄ?HUHQW GHSDUWXUH SRLQWV FODLPLQJ D FHUWDLQ ZD\ WR PDNH DUW 7KH DPELWLRQ RI 5IJSE 1SPHSBN is therefore to bring together the academic research and contemporary artistic and curatoral practices. ,W VSUHDGV RXW DFFRUGLQJ WR WKUHH WKHRUHWLFDO D[LVĂĄ 7KH D[LV RI WHUULWRULHVĂĄ SXEOLF VSDFH VWXGLHV FRQGXFWHG E\ 1LFRODV 7L[LHU 7KH D[LV RI DUW KLVWRU\ YLVXDO VWXGLHV EULQJLQJ WRJHWKHU VXFK UHVHDUFKHUV OLNH -XGLWK 'HOÄ?QHU 7KH D[LV RI SKLORVRSK\ JHQGHU VWXGLHV FRQGXFWHG E\ *ÂŤUDOGLQH *RXUEH

&HV WURLV D[HV VRQW WUDYDLOOÂŤV VSÂŤFLÄ?TXHPHQW DYHF OHXUV ORJLTXHV SURSUHV PDLV VRQW GDQV OH PÂŹPH WHPSV DSSHOÂŤV ¢ VH FURLVHU UÂŤJXOLÂŞUHPHQW HQWUH DXWUHV JU¤FH DX WUDYDLO SURVSHFWLI HW FXUDWRULDO PHQÂŤ SDU 0DLQV GĂŞ2HXYUHV UHSUÂŤVHQWÂŤ SDU ,VDEHOOH /H 1RUPDQG TXL RUJDQLVH les rencontres, les dĂŠbats, les croisements.

7KHVH WKUHH D[LV DUH ZRUNHG RXW VSHFLÄ?FDOO\ DFFRUGLQJ WR WKHLU SURSHU logics, but are at the same time called to cross regularly, amongst RWKHU WKLQJV DOVR WKDQNV WR WKH ORQJ WHUP FXUDWRUDO ZRUN OHG E\ 0DLQV GĂŞ2HXYUHV WKDW LV UHSUHVHQWHG E\ ,VDEHOOH /H 1RUPDQG ZKR RUJDQL]HV meetings, debates, crossings.

0RWHXU HW RUJDQLVDWHXU GĂŞXQ UÂŤVHDX GH FRPSOLFLWÂŤ 5IJSE 1SPHSBN FRQWULEXH ¢ OĂŞÂŤGLÄ?FDWLRQ GH YÂŤULWDEOHV 'SFFXBZT entre des zones de VHQVLELOLWÂŤ TXL QĂŞÂŤWDLHQW SDV HQFRUH FRQQHFWÂŤHV HW LQ Ä?QH FRQWULEXH ¢ un dĂŠcloison.

0RWRU DQG RUJDQL]HU RI D QHWZRUN RI FRPSOLFLW\ 5IJSE 1SPHSBN contriEXWHV WR D FUHDWLRQ RI UHDO )UHHZD\V EHWZHHQ WKH ]RQHV RI VHQVLELOLW\ WKDW ZHUH QRW FRQQHFWHG \HW DQG LQ Ä?QH FRQWULEXWHV WR D JHQHUDO RSHning-up.

7


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Yann Annicchiarico DNSEP art 2011, ENSBA Lyon Lauréat de la bourse Hélène Linossier Étudiant chercheur au sein du groupe ACTH www.yannicchiarico.com

Étude. La peste et le crétin, 2010


Ludovic Burel, A Boy and a Machine (Print as Performance), document de travail, 2012.


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