zibeline

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du 22/01/09 au 19/02/09 | un gratuit qui se lit

Culture:

rĂŠflexions sur la crise



Politique culturelle L’art visuel en crise Compagnie l’Entreprise Economie de la culture

4, 5 6 7

Théâtre Toursky, Tétard, Chêne Noir (Avignon) La Criée Les Bernardines, les Bancs publics Le Lenche, La Cité, Port-de-bouc Le Gyptis, Istres, Briançon, Draguignan Le Merlan, Cavaillon, le Jeu de Paume (Aix) Gymnase, Massalia, Martigues, Grasse, Cavaillon Aix : Les Ateliers, Vitez, le Maquis Aubagne : l’Escale, le Comœdia Châteauvallon, Le Revest-les-Eaux, Draguignan Gap, Grasse, Port-de-Bouc, Théâtre Durance Ouest Provence, Martigues Fos, Cavaillon, Arles Avignon : les Halles, Chêne Noir, le Balcon, Wajdi Mouawad

8 9 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22, 23

Danse Martigues, Avignon Nîmes, Istres, la Minoterie Pavillon Noir, 3bis f, Gap, Draguignan, Durance

24 25 26, 27

Cirque Les Elancées, La Seyne-sur-Mer Grasse, Châteauvallon

28 29

Arts de la rue Arles, Sirènes et midi net

30

Musique Concerts Disques Concerts

32 à 39 40, 41 42 à 45

Cinéma Parc , Blandine Lenoir, Manosque, Les Bureaux de Dieu Au programme

46, 47 48

Arts visuels Frac : Entretien avec P. Malphettes Sextant et plus, Galerie Lambert ABD G. Deferre, La Compagnie Expositions

49 50 51 52, 53

Livres Agenda Libraires à Marseille, Libraires du sud Mallarmé, Kamel Khélif Livres : arts, littérature, essais

54 55 56 57 à 65

Philosophie Le socialisme chez Jaurès

66, 67

Sciences et techniques La lumière, agenda

68, 69

Histoire et Patrimoine Une histoire de l’immigration Manufactures de tabac de la Belle de Mai Marais du Vigueirat

70, 71 72 73

Éducation Le Préau des Accoules Picasso. Métamorphoses Le BNM à Bruxelles Les Zibulons

74 75 76 77

Rubrique des adhérents

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Crise de consciences

La crise est partout. Jusque sous le ciel inclément, qui nous paralyse de neige. Sous le même firmament un peu plus loin tombent des bombes, définitives, qui dispensent une autre poudre blanche, brûlante celle-là, mortelle. Comment sentonsnous la guerre à Gaza, comment la pensent les Israéliens ? Comment ce pilonnage de civils à l’autre bout du monde, de l’autre côté du mur, est-il possible alors que nous en sommes tous informés jour après jour, mort après mort ? La crise est partout. L’autre est financière, presque virtuelle tant elle ne nous concerne pas, sinon lorsque les gouvernants annoncent qu’ils coupent les crédits. Pas ceux des banques ni de l’industrie automobile bien sûr. Personne n’a jamais proposé de prime d’état pour sauver l’industrie du disque… Car la crise est là, dans l’économie culturelle elle-même, victime des politiques qui assèchent la création, concentrent les budgets sur les institutions parisiennes mais décentralisent la gestion des subventions, se lavant les mains des restrictions forcées qu’opèrent les collectivités locales… La crise est là ? Et bien figurez-vous que non ! On constate une nette floraison de l’industrie culturelle. Succès traditionnel du divertissement en temps de crise économique ? On dirait bien que l’embellie dépasse cela… Non seulement les places de cinéma, de concerts, de spectacles ne se sont jamais aussi bien vendues, mais encore les musées, les librairies, les bibliothèques, les conférences mêmes ne désemplissent pas. À croire que les gens ont besoin de culture. De pensée ? Si la crise est là, dans les consciences, déclenchant cette nécessité douloureuse de nous élever pour regarder le monde violent qu’on nous impose, peut-être n’accepterons nous plus que les bombes pleuvent sur les têtes. Peut-être les Israéliens comprendront-ils que les Palestiniens sont des êtres humains. Peut-être l’homme qui se vante d’avoir dépassé son objectif d’expulsions ne sera pas promu ministre du travail. Peut-être les Américains se débarrasseront-ils de Bush junior. Pardon, cela est fait. Reste à pouvoir arrêter la guerre en Irak. Agnès Freschel


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POLITIQUE CULTURELLE

L’ART VISUEL EN CRISE

Culture,

crise et entreprise À l’occasion de la sortie de son ouvrage rétrospectif (A) partir de Marseille-65 projets d’arts contemporain, le Bureau des Compétences et Désirs organisait samedi 20 décembre à la librairiegalerie Histoire de l’œil une table ronde sur cette question désormais omniprésente : le financement de la culture et son rapprochement du monde de l’entreprise Sylvie Amar pour le B.C.D. et Baptiste Lanaspeze pour les Presses du Réel proposaient d’organiser le débat dans la «perspective de la création de richesses communes». Face au retrait croissant de l’investissement public et ses conséquences sur le subventionnement local, la recherche de solutions alternatives ou de compensation (pré)occupe lourdement le devenir des structures artistiques existantes, alors même que certaines doivent fermer (voir ci-contre).

Blocages idéologiques ? Qu’on se réclame d’un idéalisme de l’action culturelle ou du pragmatisme économique, les échanges avec le public ont montré l’acuité de la question à la fois pour les artistes, les médiateurs, les entrepreneurs public ou privé. Ce que n’ont pas manqué de rappeler Xavier Douroux (initiateur du Consortium et des Presses du Réel à Dijon) et François Lextrait (Radio Grenouille, Grandes Tables de la Friche, conseiller auprès de Jean Nouvel), soulevant les blocages idéologiques quant au rapport culture-économie. Pascal Neveux (directeur du Frac Paca) donnait l’exemple des financements croisés du Frac et le nécessaire travail de fond en partenariat. Ainsi était soulevé le rapport financement public/privé. Signe des temps, les terminologies issues de la gestion d’entreprise étaient réinvesties dans les discours telles «vendre son expertise», «échanges de compétences», «valeur d’échange». L’artiste invité, Hervé Paraponaris, affirmait pour sa part que pour la création artistique «l’économie était là pour valider les idées et non pas faire de l’argent».

Formatage ou centralisme ? Le manque de subsides, et l’État lui-même, incitant à chercher vers l’entreprise privée, la culture peutelle se passer de cette dernière ? Certaines questions étaient vivement discutées : de quels modèles s’inspirer, tel l’anglo-saxon, ou bien quelles innovations et expérimentations mettre en œuvre?

Dans la salle, Michel Colardelle, directeur du Mucem, évoquait le rapport difficile des institutions muséales avec le marché de l’art. Sur un plan plus politique, on se demanda s’il fallait s’affranchir du «centralisme français», «comment redistribuer les richesses produites» ou encore s’il fallait se méfier d’un «danger de formatage par l’économique sur les œuvres d’art ?» Difficile de conclure tant les questionnements et les propositions reflétaient ces inquiétudes circonstanciées. Sylvie Amar, rappelant l’intrusion de cette crise globale, pointait l’opportunité d’inventer de nouvelles manières d’entreprendre : comment par exemple «dans la négociation ou le conflit peuvent naître de nouvelles pratiques et des œuvres sublimes». S’agirait-il «de placer enfin l’art au centre des enjeux sociaux et collectifs» ?

VF Galerie Installée à deux pas du Palais Longchamp, la VF Galerie baisse le rideau après moins de deux ans d’activité, mais n’a pas dit son dernier mot… Explications

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Mars 2007-décembre 2008 : la trajectoire de VF Galerie dans le ciel de Marseille aura été celle d’une météorite. Les charges locatives et la baisse des ventes (78000 euros la première année pour 45000 euros aujourd’hui) ont eu raison de leur volontarisme… Un temps de vie très court qui ouvre la porte à de nombreux questionnements, notamment sur l’existence d’un marché de l’art contemporain sur le territoire. En effet, profitant de cette pause forcée, les quatre associés de la VF Galerie entament une phase de réflexion optimale, d’autant que certaines ventes sont en cours de finalisation. Entre Altitude croisière et Boum Blocs avec Anne-Valérie Gasc, la ligne de force aura toujours été la même : présenter des projets sous des formes courtes pour explorer les notions de temps. Un parti pris accepté par les artistes (Michel Auder, Cezary Bodzianowski, Frédéric Clavère, Julie C. Fortier, Aïcha Hamu, Arnaud Maguet, Érik Samakh, Lionel Scoccimaro et Emmanuelle Villard) et un rythme soutenu revendiqué par la galerie in situ et hors les murs. Car, dès le départ, elle a donné à son «écurie»

Rien à vendre Idéologique ou pas, il reste évident que les entreprises ne s’intéresseront à l’Art que si, à un endroit, par prestige, incitation fiscale ou pari sur l’avenir, la chose leur rapporte. L’art contemporain, parce qu’il produit essentiellement des objets qui se vendent, est historiquement particulièrement lié au privé, aux mécènes : il n’est pas certain que le théâtre public, la musique contemporaine ou la danse puissent survivre à l’incitation qui leur est faite de se tourner vers l’entreprise… CLAUDE LORIN

L’Histoire de l’Oeil nous a habitué à de nourrissantes rencontres -quelques semaines en arrière Mark Alizart exposait avec force l’originalité du Palais de Tokyo et les modalités de son fonctionnement. Ces rendez-vous sont désormais attendus. Une librairie qui ne vend pas n’importe quel livre et qui fait réfléchir, c’est une des voies possibles pour entreprendre la culture efficacement!

www.galerieho.com www.bureaudescometences.org www.pressesdureel.com

(A) partir de Marseille-65 projets d’art contemporain bilingue français/anglais 256 pages, 379 ill. coul., 79 ill. n&b éditions Les Presses du Réel, 2008 23 euros

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se met entre parenthèses une représentation à l’international en investissant dans les foires d’art contemporain : Docks Art Fair à Lyon en septembre 2007 avec un solo show de Lionel Sccoccimaro, Show Off à Paris en octobre 2007 avec un Group Show, et Slick à Paris en octobre dernier… Mais la réalité demande de la clairvoyance, ce dont ne manque pas Véronique Collard Bovy, l’une des quatre associés : «On peut se féliciter d’avoir bien vendu, mais pas de pièces assez chères, c’està-dire plus de 5000 euros chacune. C’est donc un problème et une question liés à notre situation : jusqu’à quel point un collectionneur peut donner du crédit à une œuvre, un artiste en province ?» Même si la galerie a reçu le soutien du noyau dur des collectionneurs régionaux, le groupe ne s’est pas développé, constate Véronique Collard Bovy qui déplore l’absence des institutions : «Il n’y a pas eu d’achat du Frac ni du Mac, et le Fonds communal de la Ville de Marseille n’existe plus» Après avoir fait le bilan du territoire et analysé le métier de galeriste, elle l’envisage autrement : «Quand on est une galerie de province, il est primordial d’avoir le soutien des collectivités, pas forcément en termes d’achat mais simplement comme relais. À Nantes, les liens entre institutions et galeries ne se sont jamais rompus car la coexistence est nécessaire» Quant à l’ouverture de Damien Leclerc, si elle a été vécue comme une bonne nouvelle, la concurrence s’est avérée rude car les collectionneurs sont un peu volatiles qui regardent le coût de l’acquisition et recherchent la bonne affaire. «Avoir une galerie, ça coûte de l’argent ; défendre un artiste dans les salons, ça coûte de l’argent et vendre 4

1 SHOOTING (The Single Bullet), 2008, broderie sur skaï, capitons, mousse, bois. 70 cm x 167 cm x 15 cm. Aïcha Hamu a exposé Hooloomooloo ou une île en duplex du 3 mai au 14 juin. 2 Emmanuelle Villard a exposé Medley du 13 sept au 18 oct 2008.

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l’œuvre d’un artiste qui travaille depuis 25 ans à 500 ou 1000 euros, ce n’est pas possible, explique Véronique Collard Bovy. Il ne faut pas le brader!» Alors, comment VF Galerie peut-elle trouver les moyens de rebondir ? En concevant un projet viable au format adéquat à l’espace dans lequel elle travaille : Marseille. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

3 Gold Mining River, 2006, deux fioles contenant de l’eau de la rivière et de l’or 23 carats. Détail. Julie C. Fortier a exposé Go West Young Man ! du 26 juin au 27 juillet 2008. 4 «Bootleg», 2005 - 2007 Thompson bois, métal, pvc, walldrawing dimensions variables Frédéric Clavère a exposé Speakeasy du 23 juin au 28 juillet 2007

www.vfgalerie.com

Tous touristes !!

La région PACA est un pôle attractif de premier plan, et le tourisme y représente une activité économique énorme (près de 12 % du PIB…). Mais celle-ci peut sans doute trouver de nouveaux axes de développement, en particulier hors saison : comme lors des Journées nationales du patrimoine, des Jardins ou des Musées, la Région fait le pari que les habitants peuvent devenir les touristes de leur propre territoire, et y emmener leurs invités et leur famille, puisqu’un visiteur de notre région sur deux va dormir non à l’hôtel, mais chez des proches… En effet, il est bien connu que nous nous comportons plus facilement en touristes, c’est-à-dire en visiteur de monuments, de musées, en découvreurs de gastronomie ou d’histoire… lorsque nous sommes en déplacement volontaire. Et bon nombre d’habitants de notre territoire

connaissent mieux la Cité médiévale de Carcassonne ou Notre-Dame de Paris que le Palais des Papes ! Le dispositif de la Région devrait donc vous permettre de découvrir des richesses insoupçonnées, grâce à la mise en place d’une carte «privilège», que vous pourrez demander dès le 19 janv par Internet ou téléphone, et qui vous permettra, du 30 janv au 15 fév, un accès privilégié à… 250 sites régionaux ! L’originalité de la démarche réside dans l’incroyable variété de l’offre : de la sublime Abbaye de Montmajour jusqu’à Boscodon ou Valbonne, du luthier au fabricant de santon, des planétariums aux moulins à huiles, en passant par les dégustations dans les caves ou les chocolateries, tous ouvrent leurs portes, offrent un cadeau… Sans compter les cinq parcs nationaux qui se mettent en quatre, et tous les musées, depuis Quinson

et sa préhistoire, Arles et son art antique, jusqu’aux peintres classiques d’Angladon (Avignon) et aux impressionnistes des Beaux-Arts de Nice… A.F.

Bienvenue chez vous ! du 30 janv au 15 fév 04 88 66 23 13 www.bienvenuechezvous.regionpaca.fr


Évolution permanente La permanence dans la diversité, un authentique travail de théâtre, des tarifs plus que raisonnables… une belle Entreprise ! «Quand j’ai rencontré le théâtre, j’ai senti que j’avais trouvé l’endroit où le corps et la parole pouvaient être vécus ensemble…» Depuis plus de 20 ans, François Cervantes, metteur en scène et auteur, (voir également page 60) creuse, sous des formes très diverses (masques, clowns, musique..), le sillon de la création théâtrale. Avec sa compagnie L’Entreprise, il poursuit une véritable «aventure de vie», en faisant le «pari de la permanence». En partenariat avec le théâtre Massalia, à la Friche La Belle de Mai, sur un territoire de développement artistique et culturel où il est encore possible de donner au public des rendez-vous réguliers, selon un cycle de créations et de reprises, comme un retour saisonnier de rencontres et d’échanges. C’est ainsi que durant 2 mois, on pourra revoir deux spectacles de la compagnie et en découvrir deux autres.

Pour l’île, embarquement immédiat ! Le spectacle a été créé en 2008. Pour ceux qui auraient raté les 45 représentations de la saison dernière, un conseil, hâtez-vous de réserver votre billet pour cette île désertée des humains et peuplée de fantômes si vivants pourtant, si pleins encore de désirs et d’espoir. Un spectacle magique, qui questionne la vie et la mort, la solitude et la création, dans une atmosphère tout à la fois comique et tragique, onirique et concrète. Après un an, on se replonge avec délices et émotion dans la mise en scène sobre mais très efficace, dans les ruptures de ton et de registres d’une écriture savamment travaillée. On admire à nouveau la performance des 4 acteurs, qui passent avec aisance de leur statut d’humains à leurs masques, voix et postures de fantômes. En un an, ils se sont coulés semble-t-il dans cet entre deux de l’île et l’ensemble a gagné en fluidité. Un beau, un fort moment de théâtre, à voir et à revoir jusqu’à la fin du mois. Le dernier quatuor de l’homme sourd © Christophe Raynaud de Lage

Une île ©Christophe Raynaud de Lage

Et ensuite… Ensuite, une création, dont le propos n’est pas très éloigné de celui d’Une île, même si la forme n’a rien à voir. Le dernier quatuor d’un homme sourd met en scène 4 musiciens réunis dans une maison isolée pour préparer un concert ; au programme, un quatuor de Beethoven et pas mal de péripéties. L’œuvre de Cervantes interroge ici encore le rapport aux autres et les cheminements de la création ; ici encore, une véritable performance sera exigée des comédiens, qui ont suivi des cours de musique pour travailler leurs rôles et se disent très stimulés de jouer sur scène des musiciens crédibles. Ce spectacle sera joué durant 3 semaines en février, avant la reprise de La Table du fond, un spectacle qui a beaucoup tourné dans les collèges et propose aux spectateurs de prendre place dans une classe, pour retrouver un peu de l’ambiance de l’école et du plaisir d’apprendre, du plaisir des mots, un des textes les plus subtilement autobiographiques de Cervantes… qui présentera la suite de ce spectacle, Silence. Certaines soirées de mars permettront d’ailleurs de voir ensemble ces 2 pièces consacrées à l’école et aux rapports parentsenfants. FRED ROBERT

L’Entreprise, Cie de François Cervantes présente, depuis le 13 janvier et jusqu’au 14 mars, quatre spectacles de théâtre tout public à partir de 10 ans 04 95 04 95 70 www.theatremassalia.com


ÉCONOMIE DE LA CULTURE

Zibeline ouvre une rubrique économie… de la culture ! Stéphane Menia, qui en sera le rédacteur régulier, vous explique ses objectifs et ses présupposés L’analyse économique de la culture n’est pas forcément ce que l’on croit. Le discours économique portant sur la culture est régulièrement parasité par des arguments qui sont très éloignés de ce que la discipline produit sur le sujet, dans l’austérité des laboratoires universitaires. L’approche économique de la culture s’interroge sur la façon dont les individus et la société consacrent une part de leurs ressources (rares) à satisfaire des besoins par le biais de l’activité culturelle, sachant que ces «besoins culturels» sont en concurrence avec d’autres. De ce point de vue, la culture ne diffère pas des autres activités économiques. Estce à dire que pour l’économiste une voiture est la même chose qu’un tableau ? Absolument pas. S’agit-il de considérer que l’art est une affaire de profits au même titre que la production de réfrigérateurs ou la restauration rapide ? Pour certains, oui. Mais pas pour la théorie économique, y compris la plus orthodoxe. Globalement, le discours des économistes sur la culture est plutôt bienveillant et non axé sur des arguments comptables. La culture n’est pas un gaspillage en soi, l’artiste n’est pas un parasite par principe et la subvention publique n’est pas forcément l‘ennemi de l’efficacité. Ce qui n’exclut pas pour autant de s’interroger sur la façon la plus appropriée de mobiliser des ressources vers la culture.

Définir l’objet culturel Lorsque l’économiste se penche sur la culture avec ses outils d’analyse, il n’est pas en territoire inconnu, mais se heurte à de sérieuses difficultés. La première relève du flou et de l’hétérogénéité de l’objet d’études. Qu’est-ce qu’un bien culturel, au fond ? Un bien issu d’une activité créative et esthétique ? Une œuvre musicale est naturellement à ranger dans cette catégorie. Mais le iPod sur lequel on pourra écouter cette œuvre est un objet que l’on peut trouver créatif dans son design. Doit-il pour autant être classé dans la catégorie des biens culturels ? L’économie de la culture tranche en considérant que les biens culturels sont ceux dont le contenu symbolique crée l’essentiel de la valeur. Autre question évidente : peut-on mettre sur le même plan Bienvenue chez les chtis et Satiricon ? Esthétiquement, il serait difficile de l’affirmer... Néanmoins, rien ne justifie d’exclure a priori le

POLITIQUE CULTURELLE

Laculture, objet

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d’étudepourl’économiste

© Tonkin Prod.

premier de la catégorie des biens culturels. L’économiste préférera ainsi se focaliser sur la notion d’«industrie culturelle» pour étudier le cinéma. Son calvaire n’est pas terminé pour autant. Car si la notion d’industrie convient bien à la musique enregistrée ou au cinéma, dans sa capacité à reproduire l’œuvre à un coût négligeable, comment traiter la peinture ou le spectacle vivant ? Un tableau est une œuvre parfaitement prototypique (unique d’un point de vue créatif et impossible à reproduire à l’identique). Une pièce de théâtre ne peut être regardée au même moment que par un nombre limité de spectateurs. L’économie de la culture aborde alors chaque domaine comme un univers singulier. Grosso modo, cette séparation implique de s’intéresser distinctement à l’économie du spectacle vivant, l’économie des beaux-arts (oeuvres, musées et patrimoine immobilier) et à l’industrie culturelle (musique, cinéma, édition).

Objet angoissant Un certain nombre de points communs unissent cependant les différentes branches, au travers de caractéristiques communes à tous les biens culturels. On a évoqué le caractère prototypique de la création, soulignant son exacerbation dans certains cas. Tout bien culturel est unique. Ceci a une implication majeure : le succès d’une œuvre est imprévisible, faisant de l’activité culturelle une activité particulièrement risquée (financièrement, mais pas seulement).

Ensuite, la culture s’apprécie d’autant plus qu’on en consomme et, pour une œuvre donnée, il est complexe de savoir à l’avance si on l’appréciera ou non. On dit qu’un bien culturel est un «bien d’expérience». Cette propriété en fait un objet angoissant, tant pour le consommateur de culture que pour le producteur ou la puissance publique, dont les objectifs sont certes différents, mais ont en commun l’espoir que les œuvres diffusées améliorent le bien-être de tous. Enfin, les biens culturels sont différentiables à l’infini, de façon plus ou moins marquée, dans des registres multiples. Cette donnée pose la question de l’offre, de sa diversité, de son audience, voire même de sa nécessité !

Projet… Dans les prochains numéros, nous verrons comment les traits esquissés ici ouvrent sur les débats les plus tendus en matière culturelle. La question des politiques culturelles y occupe une place de choix. Du prix unique du livre au régime des intermittents, en passant par le téléchargement musical ou le fonctionnement du star system, nous aurons l’occasion d’appréhender la façon dont l’économiste apporte son éclairage. Cette rubrique «économie» pourra néanmoins, selon l’actualité ou l’envie du moment, s’intéresser à des thèmes hors du champ culturel ! STÉPHANE MENIA


Au fil du programme

l'homme qui rit par le Footsbarn

Après un passage au Chêne Noir (voir page 22), l’un des grands moments de la saison du Toursky devrait être L’Homme qui rit, dernière grande œuvre d’exil d’Hugo. Par une mise en scène de pantins manipulateurs et de traîtres masqués, les clowns acrobates du Footsbarn théâtre nous embarquent dans un mirage aux franges du fantastique, entre tragédie antique et commedia dell’arte. Enchantement garanti avec cette troupe mythique, adepte d’un théâtre populaire. Dans le cadre de la semaine serbe, le Théâtre d’Art Dramatique de Belgrade présente Une petite trilogie de la mort d’après Elfriede Jenilek, connue pour ses textes provocants. L’adaptationdesapiècepoético-fantasmagorique, mise en scène par Nebojsa Bradic, donnera à réfléchir sur le sens des mystères de notre vie. Suivra un concert du Big Band, l’un des plus attachants groupes de jazz européen à la renommée internationale, éclatant de vitalité et d’inspiration. Splendeur des cuivres, sensualité des saxophones, brillance des solistes, cet orchestre possède les qualités que l’on aime à retrouver dans la musique jazz orchestrale. Puis viendra Nekrassov, pièce sartrienne sur la satire des médias par la cie Sea-Art et ses 9 comédiens incarnant une trentaine de personnages. Pour le metteur en scène Jean-Paul Tribout «c’est Arsène Lupin chez les réacs !» Rira-t-on au fil des péripéties de ce vaudeville politique, unique comédie de Jean-Paul Sartre ?

Nekrassov Les 13 et 14 fév Théâtre Toursky 0 820 300 033 www.toursky.org L’Homme qui rit Les 24, 25 et 27 jan Théâtre du Chêne Noir (Avignon) 04 90 82 40 57 www.chenenoir.fr

Sans instinct La Cie marseillaise Meninas reprend au Théâtre du Tétard le texte fort sur la maternité de Griselda Gambaro, dramaturge argentine : il s’agit des retrouvailles, après des années, d’une fille abandonnée et de sa mère. Réflexion sur l’instinct maternel, l’écriture en est lyrique et violente, abordant le sujet tabou de l’amour des mères : il est interdit d’en être dépourvu, et pourtant certaines le sont… et chacune est tentée, parfois, d’abandonner le combat, la responsabilité, la fatigue, les nuits blanches, les peurs et la douleur. C’est cet interdit-là, tacitement caché par les femmes, qui surgira pendant le dialogue entre celle qui vient demander des comptes et cette mère qui a refusé de l’être, et l’est pourtant, devant sa fille… A.F.

DELPHINE MICHELANGELI L’Homme qui rit Les 30 et 31 jan Une petite trilogie de la mort Le 3 fév Concert Big Band Le 6 fév

Profession mère Griselda Gambaro Cie Meninas Théâtre du Tétard jusqu’au 25 jan 04 91 47 39 93 www.letetard.com


LA CRIÉE

THÉÂTRE

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Être Schubert Le théâtre de Bergman est comme son cinéma : complexe et riche de contenu humain. Les personnages y sont épais comme des personnes. Aucun n’est une figure, et même ceux qui passent fugacement sont profonds, et font regretter le temps que l’on pourrait passer à les entendre. Les comédiens choisis par Célie Pauthe pour les incarner savent faire sentir toute leur humanité, ce qui les motive, comment chacun S’agite et se pavane. C’est proprement fascinant. La pièce est centrée sur Carl Akerblom, un homme capable de crises violentes, interné, fasciné par Schubert et par les inventions techniques. Au temps du cinéma muet il invente un procédé, très théâtral, de doublage en direct. Visité par la vision d’une Colombine androgyne qui réveille ses pulsions et chante des Lieder, il réussit cependant, grâce à l’amour immodéré et incompréhensible d’une jeune femme, à sortir de l’asile, tourner un film sur Schubert, et partir incarner sa voix dans une tournée froide et misérable… À cette histoire viennent s’ajouter celle de sa bellemère, sa sœur, sa maîtresse, celle d’un autre maniaque érudit surtout et de sa femme sourde et riche… Et, dans la fiction qu’ils inventent tous ensemble, celle des amours de Schubert avec une prostituée comtesse fessée par son mari… Les niveaux de narration se superposent sans se

S'agite et se pavane © Brigitte Enguerand

percuter, la fiction abandonne l’écran pour devenir théâtre, et les mises en abîmes exposent leurs reflets en un magistral jeu de miroir. La fiction, plus profonde que la vie, plus généreuse, embrase le cœur des spectateurs, et permet d’apprivoiser un instant la folie, les manies, les obsessions qui les habitent tous. Et trouvent un écho dans nos têtes, comme une idée fixe de Schubert. AGNÈS FRESCHEL

Programmation à venir du Théâtre de la Criée

Hors les murs S’agite et se pavane jusqu’au 24 janv au Théâtre du Merlan. Le 24 janv : projection de En présence d’un clown de Bergman (15h) et débat avec Celie Pauthe sur L’indécision d’un genre : entre théâtre et cinéma (17h) avant la représentation. Un autre duo théâtre cinéma, surprenant cette fois. C’est en montant Faces, d’après le film inoubliable de Cassavettes (comment rendre sur scène ces très gros plans si lyriques, et le visage confondant de Gena Rowlands ?) que Daniel Benoin, directeur du Centre Dramatique National de Nice, s’est rendu compte que son décor intime, celui d’un salon bourgeois, convenait parfaitement à Guitry… qui, lui, faisait du théâtre au cinéma… Benoin a donc monté en parallèle au scénario déchirant de Cassavettes, Le Nouveau Testament de Guitry. Qui n’a rien de biblique, mais révèle à l’occasion d’une succession quelques secrets de famille. Bourgeoise et misogyne, bien sûr! Le nouveau testament © Fraicher-Matthey

Le Nouveau Testament du 3 au 5 fev Faces du 6 au 8 fev La Friche la Belle de Mai

Dans le hall La Criée poursuit ses Cabarets ! Un hommage à Nadia Boulanger, mis en scène par Catherine Retoré, avec au piano Françoise Tillard. Une évocation de la musicienne, des années 30 et 40 à Paris, à travers une femme d’exception, pianiste généreuse qui savait repérer et faire fructifier les talents musicaux, et mettre en relation interprètes et compositeurs… du 12 au 14 fev. Le Fourgon, de Jean-Christophe Cavallin : à l’issue d’un comité de lecture qui se réunit chaque année, La Criée propose une lecture mise en espace par Michel Touraille. Cette fois-ci il s’agit de l’histoire de deux jeunes gens (Guillaume Clausse et Cécile Marmouget), à la sortie d’une discothèque de campagne, qui rencontrent une sorte de diable (Jacques Hansen). le 19 fev

S’agite et se pavane se joue au Merlan jusqu’au 24 janv, dans le cadre de la programmation hors les murs de la Criée

L’une chante, l’autre pas Le second cabaret de la saison a été proposé par les sœurs Schwarz, à l’occasion de leur venue à Marseille pour S’agite et se pavane. C’est un programme de chansons qu’elles ont proposé, l’une au piano, l’autre à la voix, toutes deux interprètes de talent : Hélène accompagne avec tout l’effacement et l’écoute nécessaires, mais aussi tous les moyens techniques d’une soliste, capable en outre de moments improvisés attachants ; sa sœur Violaine fait preuve d’une vraie musicalité dans son parlé chanté, qui détone un peu, rarement, quand elle chante vraiment ; mais surtout elle a une présence exceptionnelle de comédienne, de celles qui savent adresser au public leurs regards complices, leurs révoltes, leur ironie et leur pensée. Car les textes choisis -des lettres, des chansons, des poèmes d’Aristide Bruant, Barbara, Gainsbourg, Tsvetaïeva…se répondent subtilement, et ensemble forment le portrait d’une femme libre aimant les mots et l’amour. Prendre corps de Ghérasim Luca, accompagné par une chaconne de Bach, est une pure merveille, et l’on n’oubliera pas comment Violaine a dit : tu me château vide et me labyrinthe tu me paralaxe et me parabole… puis a fini, lors de nombreux rappels, par une petite chanson toute récente et personnelle sur… Marseille sous la neige ! A.F.

04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

Bien à vous, fantaisie épistolaire, a été joué du 8 au 10 janv dans le hall de la Criée



LES BERNARDINES | LES BANCS PUBLICS

Résistance et performance Les Bancs Publics accueillent La Conspiration des détails, dernière création de la cie parisienne Tanéshab, tirée de La Mélancolie de la Résistance de Làszlo Krasznahorkai. Œuvre qui brasse des thèmes aussi titanesques que le Bien et le Mal, l’Ordre et le Chaos, la Résistance et le Totalitarisme. «Les personnages s’enferment et se consacrent aux détails de leur quo-tidien jusqu’à l’obsession... De là naît peu à peu le sentiment d’une conspi-ration des détails.» Suivra une relecture insolite du Magicien d’Ozde L. Frank Baum par la cie Fanny & Alexander (en anglais, à partir de 11 ans). Dernier volet d’un parcours de

recherche dédié à ce texte par la structure italienne, HIM est une «mise en scène critique du texte provenant de la sphère des arts visuels, et dans un mélange vertigineux des langages du film de Fleming.» DELPHINE MICHELANGELI

La Conspiration des détails du 29 au 31 jan HIM du 5 au 7 fév Les Bancs Publics 04 91 64 60 00 http://bancspublics.free.fr HIM © X-D.R.

THÉÂTRE

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Monologue sensible Willma Levy est une très belle comédienne, posée, tranquille, épidermique pourtant à l’aura presque visible. Elle reprend, mise en scène par Béatrice Courcoul, un monologue d’Etty Hillesum qu’elle avait créé il y a quelques années, Une vie bouleversée, d’après le journal que la jeune femme tint à Auschwitz entre 1941 et 1943. A.F.

Une Vie Bouleversée Théâtre des Argonautes Du 22 au 24 janv 09 04 91 50 32 08 http://theatrelesargonautes.free.fr

De bruit et de fureur Macbeth vide le monde de son sang, Angela Konrad nous offre un bain de sons et de sens au cœur d’une démesure cohérente et inspirée. Heiner Müller, dans sa traduction/réécriture, radicalise Shakespeare et au début des années 70 en RDA galvanise une langue peu propice à l’évaporation. La cie In pulverem reverteris, dans cette nouvelle création, en donne à voir et à entendre la complexité à travers des signes d’une grande lisibilité : lumière et tapis rouge, glamour et bestialité en un seul manteau à poils longs, images projetées en fond de scène d’un monde qui se défait soufflé par les ouragans et les crises économiques... Comme dans Richard III ou Traumzeit, les précédentes créations de la Cie, la mort est là, hideuse, grotesque et toujours renouvelée ; il y a du revenant et du retour dans ce théâtrelà, du recyclage noble qui en fait une

véritable écriture de scène : le cérémonial trouble et envoûtant des corps entre reptation et envol (merci Laurence Langlois), les voix amplifiées qui font et défont la fable, la dépense physique qui épuise le temps de la représentation entre déflagration et extinction, la force expressive de la musique live... Frédéric Poinceau avec une belle «innocence» porte tout le poids de la névrose précoce de Macbeth tandis que Lady D’Alexis brûle de l’énergie combinée du désir et de la mort ; la catastrophe est menée tambour battant, l’irruption du rire est tout aussi brutale : l’anxiété de la mort en scène de Jean Vilar, «perforer vous dis-je...», surgie de la conscience malade de Macbeth et de la fatigue de l’acteur, les scènes chez le psy, frontales, attendues et hilarantes procurent le plaisir et l’effroi enfantins du diablotin dans le pot de moutarde... La sorcière Konrad Macbeth © Christiane Robin

doit poursuivre son exploration des champs de bataille !! MARIE-JO DHÔ

Macbeth ( Shakespeare / Müller / Konrad) est donné aux Bernardines jusqu’au 25 janv

À venir aux Bernardines Je voudrais être légère avait été créé la saison dernière aux Argonautes, une forme ouverte qui, loin de donner l’impression d’un inachèvement, laissait léger, justement, comme à la surface du langage, de la représentation, là où le corps de l’acteur glisse encore sur le personnage sans y entrer, entrouvrant la porte au regard amical du public. La forme, mise au monde conjointement par Alain Fourneau, Carol Vanni et Elisabetta Sbiroli, a été retravaillée, et sera présentée du 10 au 14 fev Please… kill me viendra ensuite. Une performance à deux têtes, celle d’Isabelle Cavoit la danseuse, et de Thomas Fourneau, fils de la maison, tombé dans la potion magique étant petit, et qui aime à bidouiller les bandes sons, les textes, et les corps des acteurs. Très différemment de ses parents ! Une performance dont on ne sait rien, sinon qu’elle empruntera à tous les langages du corps, de la voix et de la scène… du 17 au 21 fev. A.F. Les Bernardines 04 91 24 30 40 www.theatre-bernardines.org

Méfiance ? On se souviendra de ce protocole impitoyable et magique : 38 minutes rigoureuses de transactions énigmatiques ; quatre acteurs sans personnage s’activent ; cloisons en carton, vitrines d’entomologistes, bric à brac de coupeurs de têtes, Tintin, Buñuel, Bob Wilson sans l’électricité, un brin de Pasolini, musique éparse, gestes ébauchés d’illusionnistes furtifs, actions non abouties, enchaînement de signifiants orphelins dont on perçoit néanmoins la nécessité d’association et... lumière dans la salle, silence sur la scène. Bruno Meyssat, assis en bout de rang, officie, paisible comme l’artisan qui tient sa pièce en mains : au specta(c)teur de jouer à la roulette russe de ses mots, de ses rêves... moi, je... ça marche ! Les paroles sortent de la caverne et fabriquent 38 minutes hasardeuses, sans trop d’errance ce soir-là... Cadeau : le plateau s’anime et gratifie la salle de 10 mns de reprise. «Je me méfie des spectacles dont je sors content» dit Bruno Meyssat. Pas nous ! MARIE JO DHO

Séance, création de Bruno Meyssat (Théâtres du Shaman), a été présenté aux Bernardines du 16 au 20 décembre 2008


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THÉÂTRE

LENCHE | LA CITÉ | PORT-DE-BOUC

La pièce centrale Ivan Romeuf et sa Cie l’Egregore poursuivent leur grand œuvre : monter tout Tchekhov, de la dernière à la première pièce… Au centre, La Mouette, qui sera créée au Sémaphore et prendra ensuite ses quartiers intimes à la Friche de Lenche

Au cœur de l’adolescence

Karl Marx, le retour © X-D.R

Zibeline : La Mouette occupe-t-elle une place particulière dans l’œuvre dramatique de Tchekhov ? Ivan Romeuf : Sans aucun doute. Là il recherche très volontairement des formes nouvelles, tenant un discours sur le théâtre, bouleversant l’ordre dramaturgique, laissant passer deux ans entre deux actes… et imposant un dénouement sans nécessité, surprenant… Après La Mouette il abandonnera l’idée de finir une pièce, mais c’est déjà en germe. À travers le personnage de Nina ? Oui, on ne sait pas ce que devient la Mouette après. Elle garde sa pureté, son exigence, sa sincérité, mais que devient -elle dans ce monde dont elle a compris la bassesse ? C’est pour vous un personnage entièrement positif ? À peu près… son amour pour Trigorine reste assez incompréhensible, mais pas inexplicable : comme beaucoup de jeunes filles elle est attirée par un homme mûr, au physique fatigué, mais qui est un intellectuel. Elle est amoureuse en fait de l’écriture, même si Trigorine est un raté… ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL

Ivan Romeuf reprend également au Sémaphore son monologue sur Karl Marx, un texte vivifiant d’Howard Zinn publié chez Agone, qui met en scène Le Retour de l’auteur du Capital dans notre société, qui ne croit plus en… la lutte des classes !

Karl Marx, le retour mes Joëlle Cattino le 3 fév La Mouette mes Ivan Romeuf le 6 fév Théâtre le Sémaphore (Port-de-Bouc) 04 42 06 39 09 www.theatre-semaphoreportdebouc.com La Mouette mes Ivan Romeuf du 10 au 28 fév Théâtre de Lenche 04 91 91 52 22 www.theatredelenche.info/

À venir au Théâtre de Lenche La Cie L’Egregore présentera ensuite le dernier volet de son travail sur Tchekhov. La Cerisaie et Oncle Vania présentés lors des saisons dernières étaient un régal d’intelligence du texte. La Mouette, qui met en scène un des personnages les plus attachants de la littérature dramatique, viendra conclure ce parcours dans la petite salle de la Friche de Lenche, puis en tournée régionale… Nous y reviendrons! Du 10 au 28 fév. A.F.

Théâtre de Lenche 04 91 91 52 22 www.theatredelenche.info

C’est à la rencontre de 5 adolescents vivant à Marseille, issus de milieux et de quartiers très divers, que le spectacle écrit et imaginé par le metteur en scène Michel André et la cinéaste documentariste Florence Lloret nous convie. Intitulée Nous ne nous étions jamais rencontrés, cette création au long cours a permis contact et échanges. Un pari improbable, visiblement tenu. Zibeline s’est déjà largement fait l’écho de ce projet original, né il y a plus de 2 ans. La première étape a consisté en un long travail d’enquêtes et d’entretiens mené auprès de nombreux jeunes marseillais et concrétisé par une «esquisse théâtrale». Ce brouillon de spectacle a guidé metteur en scène, vidéaste et comédiens vers une recherche centrée sur quelques figures émergentes. Alors la rencontre s’est jouée entre ces 5 adolescents et les acteurs, bien au-delà de la simple restitution de la parole des premiers par les seconds. Au printemps dernier, le public a pu voir sur scène le résultat, déjà prometteur, de ces recherches. Depuis lors, Michel André et Florence Lloret ont travaillé à resserrer le spectacle, à lui impulser un rythme plus vif. On retrouvera donc très prochainement Daouda, Marion, Chloé, Belinda et Nicolas sur la scène de La Cité. Aboutissement d’un long et nécessaire parcours pour parvenir à représenter l’univers des jeunes d’aujourd’hui à Marseille, dans une écriture et une forme théâtrales élaborées au plus près de leurs corps et de leurs voix. Le spectacle sera présenté pendant un mois : si vous êtes ado ou si vous vous souvenez l’avoir été, ne le manquez pas. FRED ROBERT

Nous ne nous étions jamais rencontrés, Michel André et Florence Lloret du 28 janv au 21 fév La Cité Maison de Théâtre 04 91 53 95 61 © X-D.R www.maisondetheatre.com


LE GYPTIS | ISTRES | BRIANÇON | DRAGUIGNAN

THÉÂTRE

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D’oil et de fureur L’Orestie en stetson, ou Hamlet au pays de l’or noir…

Ça y est, Charles-Eric Petit et sa cie L’individu sont sur les starting blocks, prêts, en ce 17 janvier, à offrir au public leur Dallas, un projet passionnant, élaboré sur la durée, au fil de lectures publiques, d’ateliers, et peaufiné lors d’une récente résidence de création à La Chartreuse (voir Zib 14). Notre Dallas, ou comment constituer une mythologie commune ; Notre Dallas, ou comment s’interroger sur l’héritage héroïque, la famille et les enjeux de pouvoir. Charles-Eric Petit, tout juste trentenaire, est trop jeune pour avoir suivi la série culte des années 80. Pour lui, Dallas représentait pourtant un terreau théâtral exceptionnel, avec ses sombres rivalités fraternelles, son patriarche tutélaire, ses femmes trahies ou bafouées. Alors, fasciné par la dimension tragique, mais aussi politique et sociale, de cet «univers impitoyable», il a réécrit certains épisodes clés. Au final, trente ans de feuilleton télé resserrés en trois actes et deux heures de spectacle, dans lesquels on se laisse embarquer, pour suivre les heurs et malheurs de la famille Ewing, Atrides capitalistes d’une Amérique devenue obsolète… et mythique !

sonore, comme une sorte de pot pourri de la musique américaine vue de ce côté-ci de l’Atlantique : chansonnette country, gospel, blues et rockabilly accompagnent avec bonheur la représentation des règlements de compte à Southfork. Quant aux cinq acteurs-chanteurs-musiciens, ils sont épatants. Passant avec fluidité d’une chanson à une scène, d’un personnage à l’autre, on sent de bout en bout que ce spectacle est aussi leur création, et tous l’incarnent avec une grande justesse. Il n’est pas si fréquent, en ces temps de disette, que les jeunes cies aient la chance d’aller jusqu’au bout de leurs projets créatifs. Bravo à tous pour cette entrée en piste réussie… le 20 janvier, jour de l’intronisation officielle de Barack Obama. Heureux hasard ?

Yes we can !

FRED ROBERT

Notre Dallas © Agnes Mellon

Le pari n’était pas facile à tenir. Mais ils l’ont fait. Yes they can! Le texte, très écrit, bourré de vers blancs, oscille entre parodie, comédie et accents tragiques. La mise en scène adapte de façon ingénieuse les principes de la tragédie antique : côté jardin, un studio de radio fonctionne comme le chœur, qui résume, annonce, commente les scènes, jouées sur le devant du plateau ou côté cour. Au fond, un orchestre avec guitare, basse et percussions, ponctue lui aussi le spectacle. Olivier Night en a conçu la création

Notre Dallas Théâtre Gyptis du 20 au 24 janvier 04 91 11 00 91 www.theatregyptis.com

Après l’amour Alexandra Tobelaim fait partie de ces metteurs en scène de talent que notre région recèle. Sa cie est désormais fixée à Cannes, et depuis 10 ans on a pu voir ses mises en scène à la Criée (Le Boucher), à Grasse ou Draguignan (Réception) à la Friche ou à Cavaillon (Les pièces de cuisine)… Elle sait choisir et diriger ses comédiens, a une grande intelligence des textes, et un vrai sens de la scénographie. Son Marivaux lui ressemble : proche et classique à la fois, il tend vers l’émotion, tout en ne perdant pas une miette de sens. Cette Surprise est seconde à plusieurs égards. Parce que Marivaux a déjà écrit une première Surprise de l’amour, parce que les personnages, veuve ou repoussé, en sont à leur deuxième coup de cœur, parce que celui-ci,

comme toujours chez Marivaux, se déroule en deux temps : on tombe amoureux, puis on se l’avoue, grâce aux valets qui voient clair en vous. Alexandra Tobelaim confie ce texte difficile à de jeunes acteurs surprenants dans les rôles : la veuve s’évanouit mais est solide comme un roc, le Chevalier qui prendra les décisions sociales cherche à se pendre dès qu’il est seul sans sa boîte… Car la mise en espace ajoute au texte un degré de sens, un discours sur la perte amoureuse, le désir de mort, d’ensevelissement, et le lent cheminement du deuil de l’être aimé. Cette seconde surprise c’est qu’on peut à nouveau aimer, après la tombe, l’enfermement, le désespoir, l’envie de cacher son visage et de laisser son cœur partir en eau. Inspirée par

AGNÈS FRESCHEL

La seconde surprise de l’amour Théâtre de l’Olivier, Istres Le 30 janv 04 42 56 48 48 Théâtre de la Licorne, Cannes (06) le 6 fev 04 97 06 44 90 Théâtre Gyptis du 10 au 14 fev 04 91 11 00 91 Théâtre le Cadran, Briançon (05) Le 17 fev 04 92 25 52 52

Théâtre en Dracénie, Lorgue (83) Le 19 fev 04 94 50 59 59 www.tandaim.com Seconde surprise de l'amour © X-D.R

La cie Tandaim a créé sa Seconde surprise de l’amour au Théâtre Durance, en novembre, et viendra bientôt la jouer près de chez vous au Gyptis, à Istres, à Briançon, à Draguignan, à Cannes. Ne la ratez pas !

Seconde surprise de l'amour © X-D.R

Sophie Calle, sa Douleur exquise, la metteure en scène parle d’un cheminement vers une nouvelle vie : pas idéale, pas sublime, faite de terre et d’enfermements, mais qui s’accommode des contingences et fait le deuil de l’amour absolu, pour céder à un nouvel élan sans doute moins lyrique. Un discours très mature pour de si jeunes gens !


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THÉÂTRE

MERLAN | JEU DE PAUME (AIX) | CAVAILLON

Questions de justice

Là où les ondes tournent plat Je tremble © X-D.R

Ceux qui voyaient du Pommerat pour la première fois furent surpris, voire déçus. Bien sûr l’incroyable force émotionnelle des acteurs transparaît dans Je Tremble, l’originalité de l’écriture scénique aussi, cinématographique et virtuose d’effets illusionnistes, de chuchotements, de pénombre où le regard s’enfonce comme dans le trou profond d’un œilleton. Dans la première partie quelques moments exceptionnels subsistent : la fille chancelante, les mains sacrifiées, le cri de révolte inaugural… Mais au fur et à mesure que Je tremble avance ces moments de convulsion affective se raréfient, s’atténuent, puis disparaissent. L’écriture habituellement si construite de Pommerat se délite en une série de saynètes sans lien qui ne parviennent pas à conclure. La seconde partie, qui erre dans le fantastique des contes cruels, est belle, mais insensée. Sans doute Pommerat et sa troupe sont-ils victimes de leur succès et du nombre croissant, inhumain, des représentations de leur répertoire. L’écriture prend du temps et une des tâches des cies indépendantes est certainement, à l’heure actuelle, de savoir résister à la politique officielle du rendement, pour imposer le rythme apaisé de la création…

jeu, et loin aussi de toute forme de «représentation» mimétique : les mots sont dits, hurlés, et ils pénètrent. Dans Genèse 2 il est question de Sodome et Gomorrhe, d’écroulements, de punition. D’une femme aussi, Antonia Velikanova, qui d’un dans un hôpital psychiatrique qui écrit à l’auteur, écrit le texte (fiction littéraire ou réalité ?). Mais peu importe le réseau de fictions qui traverse ce récit quasi biblique : il est question de croyance et de cruauté et la forme impose sa force, nue, radicale, transcendante et noire, par l’offrande des trois comédiens, des trois musiciens… du 29 au 31 janv.

Claudia Stavisky met en scène un texte de David Harrower. Blackbird repose sur des retrouvailles, celles de vieil homme interprété par Maurice Bénichou, et d’une jeune femme (Léa Drucker), qui vient demander des explications : 15 ans auparavant, lorsqu’elle avait 12 ans, il a cédé à ses avances de petite fille à l’érotisme provocant, et inconscient. Un texte qui pose avec un angle inattendu le problème du désir déviant, et de la sexualisation insupportable des Lolitas en mal d’affection masculine. Plus inabordable encore sans doute, le pardon à l’assassin. Dans Couteau de nuit Nadia Xerri-L s’inspire d’un fait divers, une banale rixe dans un bar, durant laquelle un jeune homme en a poignardé un autre. Au procès les familles se jaugent, se jugent, et se posent les questions taboues auxquelles personne n’ose répondre : aime-t-on encore son enfant lorsqu’il tue ? Peut-on ne pas s’en sentir coupable ? Et plus inhumain encore, peut-on pardonner à l’assassin de son fils ?

Ils nous avaient bouleversés avec Oxygène, joué au Merlan et à Cavaillon en 2007. Ils reviennent à Marseille avec Genèse 2, après leur passage remarqué au Festival d’Avignon cet été. Galin Stoev (le metteur en scène) et Ivan Viripaev (l’auteur) atomisent les conventions théâtrales tout en imposant des écritures textuelle et scénique très denses : on est loin d’un théâtre contemporain du rien, du non

Blackbird mes Claudia Stavisky Théâtre du Jeu de Paume (Aix) 0820 000 422 www.lestheatres.net

A.F

A.F.

04 91 11 19 20 www.merlan.org

Melquiot à cheval Dans le cadre de la programmation du Gymnase-Jeu de Paume, et après une résidence sur la Scène nationale de Cavaillon, le Centaure va créer un texte contemporain…

quelques jours. Le récit d’une errance magnifique, écrit par Fabrice Melquiot, un auteur passionnant dont on n’a pas fini de découvrir la cruauté, et la tendre humanité. Chevaline ? A.F.

Otto Witte Cie du Centaure Chapiteau du Centaure Campagne Pastré du 13 au 21 fev réservation 0820 000 422 www.lestheatres.net

AGNÈS FRESCHEL

À venir au Merlan

Nadia Xerri-L © Elie Jorand

Couteau de Nuit Nadia Xerri-L 29 au 31 janv

La cie du Centaure ne fait pas du cirque équestre : elle fait du théâtre à partir d’hybridations monstrueuses. Ses acteurs sont des couples, hommecheval, femme-jument et… comique-baudet. Ces bêtes à deux têtes et un corps se déplacent avec une majesté lente, ou un sens de la dérision qui faisaient merveille dans Cargo… Leur création nouvelle s’appuie, outre leur immense talent de dresseurs, sur un texte plus écrit encore, et sur le duo de David

Théâtre de Cavaillon (84) 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com Otto Witte © Christophe Raynaud de Lage

Mandineau et Koko, son baudet poitevin. Ils incarneront Otto Witte, figure semi-légendaire, et pourtant historique, d’Albanie, dont il fut Roi


GYMNASE | MASSALIA | MARTIGUES | GRASSE | CAVAILLON THÉÂTRE 15

Drôles de trombines

Le Jour se leve Leopold © Agnes Mellon

Le Gymnase a fait un sacré cadeau aux Marseillais en coproduisant la création de Le Jour se lève, Léopold. Du grand Valletti, servi sur un plateau par Michel Didym Le jour se lève Léopold! se joue jusqu’au 24 janv

Serge Valletti est un auteur dramatique un peu inégal. Mais c’est un grand auteur ! La langue qu’il invente dans Le Jour se lève Léopold est d’une musicalité brute, rocailleuse, atteignant à une sorte de naturel populaire pourtant totalement factice. Personne ne parle comme ça, et pourtant cela chante, quel que soit l’accent. Didym, qui n’en est pas à son premier Valletti, a choisi de mettre en scène cette pièce marseillaise (la topologie, près de la mer, de ses cabanons et de la Rue Fortia, en est claire) en adoptant un accent populaire neutre, jamais connoté du sud. Et cela roule, se malaxe en bouche, éclate en invectives inventives. Les phrases, bizarrement clivées, construites en progressions syntaxiques renversées, digressives, surajoutent des syntagmes inattendus et éminemment comiques… La situation dramatique, improbable, inénarrable, fonctionne comme par miracle, et on s’en va errer avec ce Meredick alité miraculeusement sur pieds, cette midinette qui boîte, ce tôlier qui appelle son chien mort à le suivre… Plus classique qu’il y paraît, l’intrigue retombe sur ses pattes, décline son unité de temps, recoupe ses péripéties rocambolesques et ses accumulations de mensonges infantiles, de tours de magie à deux balles. Les comédiens sont fascinants, ils ont comme dans le cinéma des années 50, ou le théâtre des Deschiens, des

trognes inoubliables, marquées, si loin de l’asepsie des stars télévisuelles ! Léopold (Olivier Achard) en bonne poire serviable, Bastien (Quentin Baillot) en abruti simiesque, Christophe Odent en ingénieur naïf sont surprenants de ressources physiques, de malice. Le décor se décline en intervalles qui se succèdent de guingois, et la langue surtout installe son espace. Populaire, fait de bouts de ficelles, et tragique pourtant, puisque l’aube comme dans Racine révèle la mort qui jusque là guetta… AGNES FRESCHEL

Joël Pommerat Théâtre du Gymnase Du 4 au 7 fév 0820 000 422 www.lestheatres.net Scène nationale des Salins, Martigues Le 18 fev 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.com Scène Nationale de Cavaillon (84) Les 30 et 31 janv 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com

À venir au Gymnase Pinocchio, de Joël Pommerat, est une petite merveille. L’auteur metteur en scène adapte l’histoire devenue mythique en faisant du pantin de bois notre double : celui que nous étions enfants, et qui croisait des monstres de chair qui ne semblaient pas faits de la même matière que lui. On y retrouve la profondeur du roman initiatique et merveilleux de Collodi, et les images scéniques sont d’une beauté inédite. Personne avant n’avait fait du théâtre comme cela, en imaginant vraiment un théâtre d’images qui s’allume et s’éteint, se peuple de figures fantasmatiques, comme dans le tissu des rêves réels : ceux que nous avons tous, un jour, partagés, dans l’intimité pourtant unique de nos nuits enfantines. Pinocchio

Théâtre de Grasse (06) du 11 au 13 mars 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com

Les marionnettes et le ciel Les artisans d’Arketal fabriquent des marionnettes subtiles, et racontent des histoires qui leur vont bien. À demain ou la route des six ciels met en scène les 6 étapes d’une journée, traversée par des personnages étranges qui ressemblent au jour qui s’installe et décline. À Briançon, au théâtre du Cadran, le 20 janv (04 92 25 52 52), puis à la Friche du 17 au 21 fev. Et au Massalia vous pourrez voir également, avec ou sans vos enfants, Alias de Wanprater (voir p 18) et tout le répertoire de l’Entreprise (voir p 6). A.F.

Théâtre Massalia 04 95 04 95 70 http://massalia.lafriche.org

A demain ou la route des 6 ciels © Sophie Sandrin


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THÉÂTRE

LES ATELIERS | VITEZ | LE MAQUIS

Les maux des mots singularité. Dans cette cacophonie éructée avec douceur ou violence, des mots font tache : cheval, sexe, musculation, voiture, Internet, libido…, tandis que Les Parleurs se déshabillent jusqu’à admettre «qu’il est intéressant de se taire, aussi». MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Mon corps est nul a été créé au Théâtre Antoine Vitez à Aix du 13 au 16 janvier

À venir au Théâtre Vitez Mon corps est nul © X-D.R.

Bruyant et bavard, Mon corps est nul est une histoire d’abandon portée par l’écriture monocorde d’Arno Calléja et la mise en lumière des corps de Laurent de Richemond. Tel un chœur antique, les quatre interprètes s’y plongent, se noient, puis s’abandonnent dans cette pièce au débit contagieux. Une performance totale pour «Les Parleurs» qui, de tout leur corps, s’emparent du texte sans discontinuer durant une heure quarante, exceptés quelques moments d’un silence intense. Une respiration nécessaire dans cette logorrhée jetée avec crudité et drôlerie à la face du spectateur. Une performance aussi pour «La Muette» interprétée par la chorégraphe Barbara Sarreau qui, telle une vestale, entretient le feu sacré qui anime Jocelyne Monier, Pascal Farré et Paul-Emmanuel Odin. Sans jamais dialoguer, les choreutes évoluent sur un plateau aux lignes graphiques, sans se soucier des doigts habiles de La Muette qui effeuille leurs costumes immaculés, laissant leur corps à nu. Ce sont des instants fragiles, précieux, où l’esquisse d’une danse crée du lien entre les corps baignés d’une lumière vespérale. «Et si tu veux vivre, tu dis les mots, tu pousses les mots» peuton entendre dès l’ouverture de la pièce : des «textes impersonnels, des textes à voix blanche» selon l’auteur, qui nous parviennent par bribes ou dans un magma inaudible, toujours dans leur étrange

L’atelier de création de l’Université est confié aux bonnes mains de Renaud Marie Leblanc, qui a choisi, en guise de texte classique puisque telle était la commande, de leur faire jouer du Marivaux… Habitué des auteurs contemporains le metteur en scène retrouve dans La Surprise de l’amour quelque chose de la parole de ses auteurs favoris. Car chez Marivaux les élans physiologiques parlent bien avant les mots, pourtant labiles… du 27 au 31 janv. La commission centrale de l’enfance. David Lescot est un personnage qui impose la singularité de son écriture dans le monde du théâtre français. Il est à la fois comédien, metteur en scène, musicien et auteur du monologue autobiographique qu’il présente : une plongée dans les souvenirs de cette Commission, centre de vacances pour enfants juifs communistes aprés la guerre. le 11 fev. La Cie aixoise La Variante propose une mise en scène du texte de Bond, Si ce n’est toi. Un histoire de frère bien sûr, et de coupable à trouver… dans une société future et déshumanisée, militarisée. Un texte magnifique, qui doit reposer sur la performance des trois acteurs. les 17 et 18 fev. A.F.

Théâtre Vitez, Aix 04 42 59 94 37 http://theatre-vitez.com

pratiqué avec Burroughs la performance, la poésie oralisée, grand-mère étonnante du slam, mais avant cela génitrice de la performance plastique, et de la musique improvisée. Celui qui, entre deux voyages au Népal, a inventé le fameux Dial-a poeme, première entreprise de récolte de poésie vivante… Le projet d’Alain Simon est de replonger dans ses œuvres (ses enregistrements et ses recueils), de travailler sur ses liens avec Warhol, Glass, Cage, tout cela en mêlant corps des danseurs et des comédiens, tout en proposant un rapport ouvert au public… La nouvelle création d’Alain Simon va faire danser la poésie… Avec quelques danseurs que les Aixois connaissent bien (Leonardo Centi, Emma Gustaffson…) pour les avoir vu danser chez Preljocaj tout proche, il va mettre en scène du… John Giorno ! Le nom vous dit quelque chose ? C’est ce poète new Yorkais qui a

Le Farallone, c’est son nom, un fameux trois mâts, hisse et ho ! Mais il porte le drapeau jaune de la contagion, et trouve comme équipage trois personnages ramassés sur une plage, un capitaine ivrogne au bout du rouleau, une ancienne maquerelle sans scrupules et un jeune homme sans famille qui a trouvé dans ce couple une figure parentale dégradée mais dont il ne peut se séparer. Dans un voyage initiatique sur les mers du Sud, comme des personnages de dessin animé, maniant humour décalé, ironie, antiphrases, les acteurs, sous la houlette d’un Stevenson qui ajoute un contrepoint burlesque à l’histoire, s’en donnent à cœur joie. Florence Hautier, drôle et perverse à souhait, JeanMichel Bayard, usé, capitaine Haddock sans rédemption, Lionel Briand, bousculé et fragile, Pierre Béziers, écossais et gentleman énigmatique, livrent aux spectateurs enrôlés dans le spectacle, un festival de champagne (n’est-ce pas la cargaison du bateau ?). L’ensemble constitue roman noir jubilatoire, que la bande son composée par Martin Béziers, Stéphane Diamantakiou et… Beethoven accompagne et nourrit, cinquième élément du spectacle qui a recours aussi à un subtil théâtre d’ombres. Le dernier roman de Stevenson, The Ebb Tide, (la marée descendante) est mis en scène avec une merveilleuse infidélité ! C’est sans doute ce qu’aurait souhaité Stevenson, qui durant sa courte vie s’est élevé contre les politiques coloniales de l’Angleterre, de l’Allemagne et des Etats-Unis... MARYVONNE COLOMBANI

To perform

Leonardo Centi et Alice Chenu © X-D.R

Atteinte à Martin Crimp

A.F.

Tout le monde est une déception totale Création d’Alain Simon Théâtre des Ateliers, Aix du 16 au 20 fev 04 42 38 10 45 www.theatre-des-ateliers-aix.com

Farallone a été créé au Jeu de paume par le Théâtre du Maquis le 16 janv Farallone Le Comœdia, Aubagne Le 5 fev 04 42 18 19 88 www.aubagne.com Salle des terres blanches, Bouc-bel-Air le 20 fev 04 42 94 93 78 www.theatredumaquis.com Farallone © X-D.R.


AUBAGNE

THÉÂTRE 17

La flamme rouge des Paralipomènes «Paralipomènes» quel joli mot ! À la fois désuet et incantatoire, il porte en lui la magie des choses obscures. Tout bon dictionnaire romprait le charme en évoquant les évènements omis au Livre des Rois, titre d’un livre de l’Ancien Testament, et par extension, le supplément à l’ouvrage qui précède. Supplément donc, ou nous n’en finissons jamais avec l’horreur. Louisiane vit avec sa mère, Rose, un huissier vient, le compte des maigres meubles commence, les souvenirs de Rose affluent, deuil du frère assassiné par la milice, douleur atroce sans résilience, puisque jamais reconnue, jamais écrite… La folie, puissante, révèle, dévoile, permet la transmission impossible de l’hor-reur. C’est avec cet héritage que se construit la jeune femme, entre ces deux personnages incapables d’évoluer, l’une prisonnière d’un passé terrible, l’autre imperturbable d’indifférence. Naît la révolte contre les aliénations de tout ordre. Le spectacle, remarquablement adapté d’un roman de Lydie Salvayre, est porté avec une verve et une passion époustouflantes par Florence Hautier qui, seule sur scène passe d’un rôle à l’autre, joue avec les différentes tonalités les différents registres, avec

une aisance confondante. La mise en scène minimale de Pierre Béziers, soutenue par la partition originale de Martin Béziers met en valeur le talent de la comédienne. La Compagnie des Spectres nous suit longtemps… MARYVONNE COLOMBANI

La nef des fous À venir au Comoedia, Aubagne

La Compagnie des Spectres a été jouée à l’Escale, Aubagne, le 9 janv, au Château de Trets le20 janv. Elle sera reprise le 6 fev au Forum de Berre (04 42 10 23 65), le 13 fev à la Cité du livre d’Aix (04 42 38 94 38) Théâtre du Maquis 04 42 38 94 38 www.theatredumaquis.com

À venir à L’Escale Aubagne Une histoire populaire des Etats-Unis, excellente analyse de la gauche étatsunienne (oui oui elle existe) écrite par Howard Zinn, et éditée par Agone, sera lue par la Cie Manifeste Rien le 28 janv. Un autre 11 novembre, une pièce un peu maladroite mais très juste historiquement, retrouvera la mémoire d’un jeune groupe de comédiens Résistants les 16 et 17 fev © Leïla Garfield

Atteinte a sa vie © X-D.R

Parodique à l’extrême, l’adaptation d’Atteintes à sa vie de Martin Crimp par le metteur en scène de la cie Le Bruit des hommes, Yves Borrini, est troublante. Voire même déstabilisante: on oscille entre le rictus du rire et celui de l’énervement. À moins qu’il ne faille décrypter au second degré les traits grossiers du jeu des acteurs (quand les hommes vont-ils ôter les mains de leurs poches ou décroiser les bras de leur torse ?), le kitsch du décor (des fauteuils de hall d’hôtel, un écran géant, une plante verte…), le recours à de vieilles ficelles théâtrales (le metteur en scène, depuis la salle, participe au dialogue ou dirige les acteurs) ? Si l’on en reste au premier degré, le parti pris outrancier du metteur en scène provoque une irrépressible urticaire. Certes, les dix-sept histoires écrites, numérotées et titrées par Martin Crimp autour de la figure d’Anne mystérieusement disparue sont un écrin sans cadre pour celui qui s’y risque. Mais ce soir-là, on assista à des shows plutôt qu’à des «fictions documentarisées», avec un cortège de situations stigmatisées par des acteurs qui endossent la panoplie avec application : nuit passionnelle à l’hôtel, angoisse du terrorisme ou surdose de consommation bling-bling… Des scénarios qui, chez l’auteur anglais, surgissent d’une écriture distanciée, semblent ici des ressorts comiques de potache. Sauf dans le tableau «Porno» servi par la justesse des comédiens et la mise en scène dépouillée d’artifices. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Atteintes à sa vie a été joué au Comœdia le 16 janvier

Des spectacles destinés au jeune public, et à leurs parents. Bottes de prince et bigoudis. Le 23 janvier Annabelle Sergent viendra conter Grimm dans toute sa cruauté, sans les relectures édulcorées qui, pour rassurer les enfants, les empêchent de percevoir la force symbolique de ces histoires d’émancipation… Egalement à La Colonne, Miramas, le 27 janv, et à Fos-sur-mer le 28 janv www.scenesetcines.fr Le livre imaginaire, un spectacle burlesque de la Cie la Baldufa, le 12 fev. Quatre personnages perdus dans la mécanique du quotidien découvrent un jour un livre, qui les mènera sur les chemins de la fantaisie… Vous pouvez également y amener vos enfants, ou y aller tout seul : le comédien Jean-Paul Farré revient à la musique avec Les douze Pianos d’Hercule, monologue d’un musicologue fou, le 30 janv. Le Comœdia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.com


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THÉÂTRE

CHÂTEAUVALLON | DRAGUIGNAN | LE REVEST-LES-EAUX

Une douloureuse attente «Humblement», comme il l’écrit lui-même, Patrice Chéreau réussit à transmettre l’indicible douleur de Marguerite Duras relatée dans son journal autobiographique. Avril 1945, Marguerite Duras attend le retour de Robert L. des camps de la mort, et son journal n’est plus que le miroir de l’insoutenable, de la révolte, du quotidien misérable, de la folie de l’Europe, du «nouveau visage de la mort organisée, rationalisée.» Un «texte terrible» auquel Patrice Chéreau a eu envie de se confronter et qu’il transmet aux spectateurs avec la complicité de Thierry Thieu Niang. Il leur suffit d’une table et de quelques chaises posées dans un immense plateau noir dénudé pour donner toute l’ampleur de ce texte magnifiquement ressuscité par Dominique Blanc. Entre deux silences, trois soupirs et quelques menus gestes économes, l’actrice fétiche de Patrice Chéreau fait entendre la voix de la souffrance et du combat mêlés. Dans La Douleur, Marguerite Duras ne nous épargne rien : le froid, la faim, le mépris, la haine, les putréfactions du corps de l’homme qu’elle aime… Mais au-delà de cette douleur immense qui la persécute, l’attente traverse son propre corps comme une lame tranchante, plus pernicieuse encore. Avec une économie de moyens, la mise en scène se resserre au plus près des mots de l’auteur et du corps rapetissé de Dominique Blanc qui, sans fard aucun, prête tout son talent à la douleur d’une femme… Le public est en apnée, suspendu à ses lèvres, aspiré par le souffle de Duras.

La Douleur a été joué les 16 et 17 janvier au CNCDC Châteauvallon. Elle sera le 30 janv à Grasse (04 93 40 53 00), les 1er et 2 fev au théâtre d’Arles (04 90 52 51 51), le 20 mars à Cavaillon (04 90 78 64 64).

À venir à Châteauvallon L’Oral et Hardi. Jacques Bonnafé met en scène et joue cette allocution poétique de Jean-Pierre Verheggen. Jeux de mots, lapsus créateurs d’un langage poétique, la langue est une matière vivante que Jacques Bonnafé travaille et manipule en artisan virtuose, traversant quelques-uns des grands textes de Pierre Verheggen, offrant à l’oral un vibrant hommage, le 31 janv. Au théâtre d’Arles le 13 fév (04 90 52 51 51)et au théâtre des Doms, Avignon, les 6, 7 et 8 mars. Vous en rêviez. L’apesanteur vous tente ? 1961 : Youri Gagarine effectue un vol spatial à bord d’un satellite artificiel placé en orbite autour de la terre. 2009, Judith Depaule met en scène l’événement le 6 fev avec sept interprètes et un espace en trois dimensions. L’exploit est ici revisité avec humour, et se regarde comme on lirait une BD. DO.M.

Châteauvallon, Ollioules (83) 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI Dominique Blanc © Carole Bellaiche

Petits et grands Le Festival Amarelles, tout entier dédié au jeune public, se poursuit à Draguignan jusqu’à la fin du mois de janvier. Yaël Tautavel ou l’enfance de l’art raconte le voyage de Yaël et de son grand frère Gaëtan, partis de la petite île où ils vivent, désertée par les animaux pour cause de pollution, vers la Grande Terre où il y en a encore. L’un parce qu’il n’en a jamais vu, l’autre parce qu’il veut les manger à nouveau… Le 25 jan. Entre performance, émotion et musicalité, les danseurs de la cie de hip hop Accrorap (voir p19) conteront leurs histoires d’enfance (le 23 jan). Olivier Py, enfin, adapte la Vraie fiancée, des frères Grimm, à la façon d’un théâtre forain, à grands renforts de costumes, de cirque et de chansons (le 30 jan). Le troisième volet de ses contes de Grimm, qu’il vient de créer à L’Odéon. Amarelles Jusqu’au 30 jan Théâtres en Dracénie, Draguignan (83) 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com

Passages franchis

Quelques pierres dans la riviere © X-D.R.

C’est une histoire de passages, des moments particuliers en fait, décisifs, brutaux, attendus. Pour aider le franchissement de ces passages : la musique, qui les ritualise, les humanise. La cie Mediane a inventé quatre de ces passages et, grâce à un étrange instrument, les met en musique. D’un âge à l’autre veut faire rire les jeunes filles et séduire les garçons ; Vers d’autres horizons permet de voyager jusqu’au Pôle Nord ; De l’éveil au sommeil va endormir les petits ; et Une vie se finit pour qu’ils reposent en paix. Entre théâtre et musique, quelques pierres sont posées ça et là dans la rivière pour permettre de passer de l’autre côté, sans se mouiller les pieds, et sans couler… La cie bruxelloise Bronks revient avec un conte musical filmique, Alias de Wanprater. S’inspirant des films muets de Buster Keaton et Charlie Chaplin, les comédiens belges vont raconter secrets, angoisses, magie, illusion, chagrin et amour, avec fantaisie et un brin de surréalisme. Enfin, la cie Hippolyte a mal au cœur s’empare de l’œuvre de Perrault, Peau d’Âne, en en reprenant les grandes lignes. Vous savez bien ? Fuyant son père amoureux, la fille du roi s’enfuit cachée sous une peau d’âne… Une peau qui serait une mue d’où sortiraient les jeunes filles qui deviennent femmes. Les deux comédiens permettent à la carapace d’exploser, en douceur. DO.M.

Quelques pierres dans la rivière Les 27 et 28 jan Alias de Wanprater Les 10 et 11 fév Seule dans ma peau d’âne Les 17 et 18 fév Maison des Comoni, Pôle jeune public Le Revest-les-eaux (83) 04 94 98 12 10 www.polejeunepublic.com


GAP | GRASSE | PORT-DE-BOUC | THÉÂTRE DURANCE

Irrécupérable ?

THÉÂTRE

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Visites

philosophique de Sartre réussit grâce à cette impudeur qui traverse les deux personnages principaux -remarquablement interprétés- à s’incarner et à faire naître, au-delà du plaisir intellectuel, une véritable émotion. Preuve que le théâtre de Sartre est, quant à lui, récupérable ! AGNES FRESCHEL

Les Mains Sales, mise en scène de Guy-Pierre Couleau, a été créé sur la Scène Nationale de Gap du 13 au 16 janvier.

Prendrez vous le bus ou resterez-vous au théâtre pour accueillir un étrange visiteur ? La cie Kartoffeln, célèbre pour ses déplacements singuliers, vous attend dans son bus le 31 janv. Tandis que Gildas Bourdet viendra le 13 février mettre en scène un texte d’Eric Emmanuel Schmidt : son Visiteur raconte, en Autriche, la nuit, en 39, l’étrange arrivée au domicile de Freud d’un «homme» qui dit être Dieu… A.F.

À venir à La Passerelle, Gap (05) Le Voyage de Pinocchio mis en scène par Sandrine Anglade renoue avec l’Italie de Collodi, la Sicile, la Toscane et l’enfance. Grâce à la musique : des chants populaires siciliens, interprétés par un jeune chœur gapençais. Les 30 et 31 janv. Didier Galas met en scène La Flèche et le moineau, d’après deux textes de Gombrowicz. La rencontre de deux sens de l’absurde très différents : l’auteur polonais, philosophe à croc aux concepts mais aussi au décalage, et Didier Galas, qui aime sur signaler la langue, et la scène... le 3 fev.

Théâtre Durance Château-Arnoux (04) 04 92 64 27 34 www.theatredurance.com

Dans sa peau

Les Mains sales © Synchro X

Ce qu’il y a d’étrange dans le théâtre de Sartre, c’est qu’il pose des questions terriblement actuelles dans une forme incroyablement datée. Les Mains sales est un grand texte, d’une clairvoyance politique exceptionnelle, mais qui par certains aspects semble avoir été écrit au XIXe siècle : dans son naturalisme bourgeois, et aussi dans son psychologisme qui fait parfois frémir -les deux personnages féminins, la passionaria qui ferme les yeux en jetant la bombe parce qu’elle a peur du bruit, et la bécasse incapable d’idée politique, sont à hurler de colère, surtout quand on considère qu’elles sont les fruits de l’imagination de celui qui a partagé la vie de l’auteur du Deuxième Sexe. Toute l’intelligence de Guy-Pierre Couleau est de monter Sartre comme on monterait Racine : sans se préoccuper de son inactualité formelle. Il accepte le côté daté, les conventions bourgeoises, et fait merveilleusement entendre, grâce à une équipe d’acteurs frémissants, la grande intelligence politique des propos ; et là les conflits de la gauche actuelle apparaissent, dialectisés. Car, dans les Mains Sales, Sartre fait preuve d’une extrême clairvoyance sur les conflits qui agitent aujourd’hui encore la gauche : faut-il s’allier avec le centre, être pragmatique, mentir au peuple pour accéder au pouvoir, accepter la manipulation ou rester révolutionnaire, ne pas transiger sur ses idées, voire pratiquer l’attentat politique en cas de trahison ? Plus subtilement encore, il se demande, à travers son jeune héros qui sera jugé «irrécupérable», comment on peut être communiste en venant de la bourgeoisie, et en étant intellectuel. Ce sont ces questions personnelles, son rapport brutal au prolétariat, son appétence pour le luxe bourgeois, qui donnent aux Mains Sales une épaisseur autobiographique touchante : le théâtre

Et toi, tu repousses ? Il y a un âge où le corps grandit, un autre où non. Des choses qui repoussent quand on les coupe, d’autres non. La cie marseillaise Skappa sera à Grasse le 28 janv, pour que vos enfants vous demandent pourquoi. Également à Grasse : La Douleur les 30 et 31 janv, avec Dominique Blanc (voir ci-contre), Kadder Attou et son Accrorap dans un petiteshistoires.com plein de malice et de virtuosité les 25 et 27 janv… et surtout, sous chapiteau, Johan le Guillerm, un phénomène de cirque (voir page 29) ! A.F.

Théâtre de Grasse (06) 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com Cie Accrorap © X-D.R.

Jean-Jacques Vanier © Laure Bertin

Troisième collaboration avec François Rollin, et troisième spectacle pour Jean-Jacques Vanier, humoriste de son état. Avec une sincérité déroutante, son personnage se met en tête de comprendre les femmes en général, et sa femme en particulier, de l’intérieur. Comment naissent l’amour et le désir ? Comment mieux comprendre l’autre et le monde ? La vérité, rien que la vérité, hilarante bien sûr.(voir également page 12, programmation de L’Egregore au Sémaphore). DO. M.

Elles mes François Rollin les 30 et 31 jan Théâtre le Sémaphore (Port-de-Bouc) 04 42 06 39 09 www.theatre-semaphoreportdebouc.com


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THÉÂTRE

OUEST PROVENCE | MARTIGUES

Comme un enfant À venir au théâtre des Salins Thérèse Raquin. Philippe Faure a fait du plus sensuel des romans de Zola une adaptation tragique et charnelle. Condamnée au «bonheur tranquille» d’une vie conjugale imposée, ou à la passion sensuelle et criminelle, Thérèse Raquin et son amant bestial placent le corps au centre du roman naturaliste. Philippe Faure quant à lui décentre le roman, et met le cadavre de Camille, mari fade et bon, au centre de son adaptation dramatique. Un concentré de passions humaines, porté par une équipe de comédiens régulièrement exceptionnnels. Les 29 et 30 janv. L’inattendu. Anny Perrot a mis en scène un très beau monologue de Fabrice Melquiot, porté par la grâce de la comédienne Wilma Lévy. Une sorte de Pénélope sans prétendants y attend un homme dont on pressent qu’il ne reviendra plus. Puis l’espace s’ouvre miraculeusement, et le monde entre sur scène, inattendu… Les 11 et 12 fev. Pinocchio. Fidèle à Pommerat, la scène nationale offre son vaste espace à son sublime Pinocchio. Le 18 fev.

La repetition, une odyssee © Agnes Mellon

Au Théâtre de Cuisine, on aime à s’inventer des jeux : avec un bateau de bois, un bruit fait avec la bouche, un bout de tissu, un papier qui vole, on traverse la mer, on s’envoie des songes, on évoque des héros épiques et légendaires... La répétition, une Odyssée, fiction dans la fiction, raconte l’histoire des acteurs qui sont là, et qui vont créer leur Odyssée dans 10 jours : alors ils en jouent des bouts, dans un certain désordre, entrant plus ou moins dans la représentation... Lorsque celleci impose un décor important, ils trouvent des stratagèmes enfantins et drôles : la visite aux enfers se passe au bout d’un fil déroulé, hors scène, dans un espace dramaturgique décalé, l’Olympe est au sommet d’une échelle, la voix des sirènes au bout de tuyaux mobiles... Cette esthétique de bric et

de broc initie les enfants à l’envers du décor, tout en rejoignant leur propre imaginaire ludique, qui passe par le jouet, très présent parmi les objets scéniques. Si elle fait habituellement merveille à La Friche, au Lenche, dans des petites salles intimes, le grand plateau des Salins révéla quelques unes de ses limites : le décalage fait naître le sourire de la complicité, mais il interdit aussi l’émerveillement, et on n’entre jamais dans la fiction interne, le voyage homérique. Les personnages n’existent pas, ni le sentiment du beau, qui pourraient apparaître par moments, si la voix de la sirène, la lumière sur la mer, cherchaient à l’invoquer...

Les Salins, Scène Nationale de Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

Agnès Freschel

La répétition, une Odyssée a été joué aux salins le 9 janv

Introspections Après le remarquable Caligula donné l’année dernière sur cette même scène de la Colonne, la cie Uppercuthéâtre revient avec HuisClos, d’après Sartre. La cie varoise nous emmène visiter l’univers existentialiste

du philosophe en se réappropriant la célèbre morale «l’enfer c’est les autres» dans une mise en scène dépouillée de Laurent Ziveri ; toute latitude est ainsi laissée aux acteurs pour rendre compte de ce poids de

l’éternité et du jugement implacable d’autrui posé sur nous. Enfin, Marc Jolivet et son frère l’ours blanc, avec beaucoup d’humour, poseront sur la planète terre leurs regards acérés de citoyens concernés par les problèmes de biodiversité, d’environnement, de préservation d’espèces menacées… bref, par l’avenir de la planète et des hommes qui la peuplent sans trop s’en préoccuper… D.M.

Huis clos Cie Uppercuthéâtre représentation reportée au 19 mai

Huis Clos © X-D.R.

Mon frère l’ours blanc Marc Jolivet Le 6 fév Théâtre la Colonne (Miramas) 04 90 58 37 86 www.scenesetcines.fr

Questions humaines

Opera de quat'sous © X-D.R.

C’est une clown singulière et intrigante qui se proposera de sonder votre inconscient sur la scène du théâtre de l’Olivier. Pour enfin comprendre ce qui se passe dans la tête des hommes, Emma sera à la fois patiente et médecin, sur et sous le divan, maniant le vocabulaire «sychanalytique» avec beaucoup de verve. Et épinglera au passage tous nos petits travers, avec humour, tendresse et suffisamment de distance pour permettre au rire de prendre le dessus. Bien présent cette saison à Ouest Provence, le Théâtre de Romette proposera sa version de L’Opéra de quat’sous, d’après Bertolt Brecht. Un «Opéra bricole» pour cinq acteurs, dans lequel les acteurs seront aussi manipulateurs à vue de marionnettes, sur la musique de Kurt Weill. Entre Mackie, chef de bande de malfaiteur et Peachum, exploiteur de la misère des plus faibles, des mendiants cherchent le moyen de survivre. Étonnamment actuel, le texte de Brecht (1928) s’inscrit parfaitement dans le travail de Johanny Bert qui s’interroge sur la durée d’une œuvre et sur sa résonance à travers les générations. Le Théâtre de Romette sera aussi présent lors du Festival des Elancées (voir p28) avec Krafff. Dominique Marçon

Emma la clown sous le divan Meriam Menant Le 24 jan L’Opéra de quat’sous Théâtre de Romette Le 7 fév Théâtre de l’Olivier (Istres) 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr


FOS | CAVAILLON | ARLES

THÉÂTRE

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Bouleversant On s’y attendait, mais le choc fut tout de même rude. La cie québécoise le Carrousel nous a offert un moment de théâtre inoubliable, un de ces moments qui nous ancrent dans une réalité insoutenable, mais dont la connaissance est nécessaire. Le Bruit des os qui craque est un texte à la fois intense, dur, cru, simple et direct. Son auteure, Suzanne Lebeau, qui n’a de cesse d’écrire pour les enfants, s’est cette fois attachée à raconter avec justesse la réalité quotidienne des enfants soldats au travers de l’histoire d’Elikia, jeune fille enlevée à 10 ans par les rebelles, et qui s’enfuira trois ans plus tard, Kalachnikov en bandoulière, avec Joseph, 8 ans, jeune recrue qu’elle prendra le risque de sauver de l’enfer. Au bout de la fuite, une infirmière, Angelina, qui lui permettra, petit à petit, de reprendre place parmi les humains.

pressionnante Lise Roy, qui laisse aussi bien passer son mépris pour les membres de la commission que sa tendresse pour les enfants, d’un simple changement de ton) de ce qu’à vécue Elikia, avec ses mots à elle, posés dans un cahier écrit à l’hôpital. Ni didactique, ni misérabiliste, ce texte écrit pour les enfants (à partir de 10 ans) est un cadeau. Un vrai. DOMINIQUE MARCON

Le bruit des os qui craquent (Emilie Dionne et Suzanne Lebeau) © Lara Rosenoff

Divisée en deux espaces distincts, la scène permet le chassé-croisé des récits qui se complètent : celui des deux enfants

Le Bruit des os qui craquent a été joué pour la première fois à Fos-sur-Mer le 13 jan, puis à Cavaillon le 16. Dernière date dans la région : le 26 janvier au Jeu de Paume (Aix) dans le cadre des ATP.

en fuite dans la forêt, qui échangent confidences, espoirs et désespoirs, et celui de l’infirmière qui témoigne (im-

Conférence nirvanesque Beau voyage que cet Oratorio poétique et philosophique autour du concept du bonheur, monté par Arnaud Meunier. Grâce à un montage de textes où dialoguent Voltaire, Gide, Baudelaire, Flaubert ou le Clézio, et à l’appui d’études scientifiques, les trois comédiens de la cie de la Mauvaise Graine, tout en justesse et simplicité, baladés par un inventif violoniste électrique, tentent d’établir la carte du bonheur planétaire. Pétillant de poésie, En quête de bonheur aide le public à chercher en lui-même le sens à donner à sa vie. Et si le bonheur était à sa portée ? Et s’il suffisait de lâcher prise ? Cette proposition artistique «nomade» réussit son pari en offrant une balade intérieure étonnante. DELPHINE MICHELANGELI

En quete de bonheur © Pierre-Etienne Vilbert

En quête de bonheur a été joué aux Nomade(s) du Théâtre de Cavaillon du 6 au 13 jan

À venir au Théâtre de Cavaillon Habituée de la Scène nationale de Cavaillon, Nathalie Chemelny revient avec Bal-Trap, un projet longuement mûri achevé lors de résidences de

création au Théâtre et au Délirium Tzigane (Avignon). Les personnages de Xavier Durringer promènent leurs désespoirs et leur fragilité entre violence et poésie, dans une salle de bal vide, au petit matin. Tandis qu’un couple essaie vainement de retrouver l’ivresse de son premier baiser, un autre couple va se rencontrer, lui perdu, étranger à l’endroit, elle bafouée une fois de plus par un homme qui ne reviendra pas. Dans Kaïna – Marseille, Catherine Zambon et Bruno Thircuir dressent le portrait d’une jeune fille qui deviendra femme après l’exil et l’apprentissage de la liberté. Honorant la promesse faite à sa grand-mère Kaïna de quitter l’Afrique et un mariage

arrangé, Mamata ira chercher de l’autre côté de la mer l’Eldorado tant rêvé. Et se découvrira. DO.M.

Bal-Trap mes Nathalie Chemelny Du 5 au 14 fév Délirium Tzigane (Avignon) Kaïna – Marseille mes Bruno Thircuir le 6 fév à Cavaillon, le 10 fév à Apt, le 13 fév au Thor, le 17 fév à Coustellet 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com

Tombés dans le nid Posée sur la scène du Théâtre, une forêt, mais pas n’importe quelle forêt, une forêt ronde qui se referme une fois qu’on y a pénétré. Et dans cet espace circulaire, un grand nid, rempli de paille, et d’objets de toutes sortes qui racontent la vie d’une cigogne boiteuse, installée là après que le coup de fusil d’un chasseur a stoppé net son vol annuel et familial. Elle attend, s’occupe, scrute le ciel et guette le retour hypothétique du vol retour… Jusqu’à l’arrivée fracassante d’un coucou imposant, un coucou de l’Est, à l’accent, dont les paroles sont incompréhensibles

mais dont les gestes amples guident les petits spectateurs. Pas question bien sûr qu’il s’installe dans le nid de la cigogne outrée… Débute alors une cohabitation très drôle, où à coups de brindilles, de chansons, de coups d’œil La Cigogne et le coucou © X-D.R

méfiants puis amusés, les deux volatiles vont finalement apprendre que deux valent mieux qu’un. Simple mais efficace, la mise en scène d’Agnès Limbos sert deux comédiens formidables, jusqu’à la scène touchante de théâtre d’ombre qui nous raconte, mieux que n’importe quels mots, l’histoire d’amour naissante. DO. M.

La Cigogne et le coucou a été jouée le 14 janvier au Théâtre d’Arles

À venir au théâtre d’Arles La douleur, avec Dominique Blanc. (voir p 18). Les 1er et 2 fév. L’Oral et Hardi. Jacques Bonnafé met en scène et joue cette allocution poétique de Jean-Pierre Verheggen.(voir p 18). Le 13 fév. Pinocchio, d’après Carlo Collodi, mis en scène par Joël Pommerat (voir p 15). Les 10 et 11 fév.


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THÉÂTRE

HALLES | CHÊNE NOIR | BALCON | WAJDI MOUAWAD

Grenouilles de bénitier Le Mois de Marie tiré des Dramuscules de Thomas Bernhard, est une mascarade dramatique et farceuse, où l’animosité contenue explose à la fin comme un volcan, savamment planqué sous la piété populaire du mois de mai, consacré à la Vierge Marie. Deux voisines bien-pensantes, catholiques, dialoguent au sortir d’une église bavaroise, enchaînant ragots et poncifs, le tout culminant sur la même détestation des étrangers. En une demi-heure, les deux comédiens, aux gestes parfaitement orchestrés et savoureux de cynisme, dans un décor en castelet, laissent échapper peu à peu leur fiel. Critique au vitriol de la bonne société pieuse, la pièce mise en scène par Frédéric Garbe démasque la peur de l’autre, de l’étranger, et la méchanceté cachée derrière les apparences. Terriblement moderne, dans sa forme, son écriture, et sa dénonciation de cette xénophobie qui revient… DELPHINE MICHELANGELI

Le Mois de Marie a été joué au Théâtre des Halles les 15 et 16 jan

À venir au Théâtre des Halles Le théâtre des Halles accueille Nos Ancêtres les grenouilles, une conférence théâtrale, musicale et burlesque en hommage à Jean-Pierre Brisset, le «facteur Cheval» de la linguistique, écrite et jouée par Eugène Durif lui-même. L’auteur dramatique et co-fondateur avec Catherine Beau de la compagnie limousine L’Envers du Décor explore dans cette pièce farfelue et musicale, l’univers du «prince des penseurs», Jean-Pierre Brisset. Ce «fou littéraire», qui a révélé le mystère des origines humaines et notamment démontré que l’homme descend de la grenouille, inspire à nouveau Eugène Durif qui «se confronte à son univers poétique dans lequel les mots, à la recherche de leur origine, se découvrent une autre logique et jouent en toute liberté». Le musicien

Nos ancetres les grenouilles © X-D.R.

Pierre-Jules Billon accompagne cette aventure poétique de ses compositions, et de sa présence.

Nos Ancêtres les grenouilles les 11 et 12 février Théâtre des Halles, Avignon (84) 04 90 85 95 43 www.theatredeshalles.com

De Gaulle sous le Chêne ? Juste avant de fermer sa salle pour travaux, le directeur de La Criée y a créé une bonne surprise. Renouant avec le théâtre politique, documentaire, qu’il pratiquait à la Cartoucherie

ou à l’Aquarium, Jean-Louis Benoit a proposé une véritable mise en pièce du mythe De Gaulle : le Président fatigué, en 1968, est passé à deux doigts de catastrophes politiques et humaines

considérables. On apprend ainsi, ou on se remémore, comment le Président des Français envisageait de tirer sur la foule ; comment aussi il a failli fuir l’insurrection à l’étranger, comme © Agnes Mellon

Louis XVI à Varenne… La mise en jeu et en scène du journal de Foccart (monsieur Afrique de De Gaulle), agrémenté de quelques discours, est alerte, drôle, enlevée… et construit une excellente leçon d’histoire politique, pour qui s’intéresse aux lieux où le Pouvoir s’exerce. Le Chêne Noir accueillera également L’homme qui rit de Victor Hugo du 24 au 27 janv (voir p 8) et une conférence de Comte-Sponville sur l’amour le 12 fev, sujet principal de l’œuvre du philosophe humaniste. AGNES FRESCHEL

De Gaulle en mai mes Jean-Louis Benoit Théâtre du Chêne noir, Avignon (84) du 4 au 6 fev 04 90 82 40 57 www.chenenoir.fr


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Dialogue avec le monde Wajdi Mouawad, artiste associé du Festival d’Avignon 2009, à présenté à un public nombreux et curieux quelques indices sur la création qu’il proposera cet été, Ciels Artiste associé, oui, mais pas pour entrer «dans un rapport de pouvoir avec des artistes qui sont des amis», ni pour décider de la programmation. Le dramaturge québécois d’origine libanaise se voit plutôt comme un inspirateur qui déclencherait chez Hortense Archambault et Vincent Baudriller (codirecteurs du Festival) des envies de rencontres et de découvertes artistiques. Wajdi Mouawad les appelle d’ailleurs «les visiteurs» : comme des enquêteurs qui auraient pris le temps d’installer une «relation fraternelle, complice, affective» avec lui, tout en cherchant à savoir quel artiste ils auraient envie de lui faire découvrir, comment le perturber, comment il «parfumerait» le Festival… Lui est simplement heureux de «se mesurer joyeusement à la vibration de ce lieu artistiquement symbolique», à cette passion qui s’en dégage pour tout un chacun.

Reprises Pour l’occasion, il remontera la trilogie entamée il y a dix ans avec Littoral (présenté à Avignon en 1998 et qui sera entièrement recréé cet été, avec des acteurs qui auront l’âge qu’avait Wajdi Mouawad à cette époque), Incendies (2003) et Forêts (2006), à laquelle s’ajoute Ciels, contrepoint aux trois premiers. Un quatuor qu’il a envie de retrouver dans son ensemble, «pour la beauté du théâtre.» Le sang des promesses, titre du projet, sera ainsi l’achèvement d’une aventure.

La Cour d’Honneur du Palais des Papes accueillera la trilogie, un spectacle qui proposera aux spectateurs de «traverser une nuit au complet jusqu’à l’aube à travers des récits, une narration, une histoire.» Wajdi Mouawad ne veut pas révolutionner la Cour d’Honneur, mais «faire en sorte que cette écriture puisse vibrer dans cet espace», trouver le moyen d’offrir aux spectateurs «l’expérience commune de l’espace fictif.»

la Bible et le Coran. S’emparant d’un tableau du Tintoret, puis le décryptant jusqu’à en isoler les personnages qui apparaissaient alors comme l’occident (la vierge) attaqué par un terroriste (l’ange) sur fond de villes vues du ciel… Étonnant, osé, et assurément prometteur… Puis Wajdi Mouawad a lu la première réplique de Ciels, avant de répondre aux nombreuses questions de la salle. DOMINIQUE MARÇON

Création Quant à Ciels, qui se jouera dans une «boîte noire» et pas en extérieur, on sait peu de chose, il est en train d’y travailler. Contrepoint aux pièces qui forment la trilogie, «tant au niveau de la langue et de la forme que de l’écriture», la pièce pourrait parler d’enfermement, de paranoïa, de suspicion, et d’enfance aussi et toujours : un thème très présent dans les pièces de Wajdi Mouawad, puisqu’il le ramène à sa langue natale, aux bruits des canons, au départ précipité et à l’arrivée à Paris où il sera l’étranger. «L’enfance est devenue un couteau planté dans ma gorge, je n’ose pas le retirer». Cette rencontre a aussi donné l’occasion de présenter au public de quelques morceaux du puzzle, qui ne composent pas le spectacle mais aident à en donner une idée, la sensation, comme la lecture d’une longue lettre fraternelle écrite à Bertrand Cantat en 2004 et projection de tableaux évoquant l’Annonciation dans Wajdi Mouawad © D. Michelangeli

Veillée Hugo au menu

Victor Hugo photographie par Felix Nadar

Quatre comédiens de la Cie Uppercuthéâtre, sous la houlette de Laurent Ziveri, nous invitent à entrer dans les territoires interdits du petit monde de Victor Hugo et nous proposent d’être les passagers clandestins d’un soir. Le spectacle Cabaret Hugo a l’ambition joyeuse de nous offrir un florilège de l’humaine condition en empruntant les personnages sortis tout droit de l’Intervention et des textes, poèmes et chansons de l’écrivain humaniste. Gageons que l’adage employé «les mots sont les passants mystérieux de l’âme» nous livre les délices promis au menu... De. M.

Cabaret Hugo Les 13 et 14 février Théâtre du Balcon, Avignon (84) 04 90 85 00 80 www.theatredubalcon.org


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DANSE

MARTIGUES | AVIGNON

Beau mais froid Salle comble aux Salins les 19 et 20 déc pour les 3 représentations de Tango Metropolis, spectacle venu tout droit d’Argentine Dans un décor épuré, 11 danseurs et danseuses virtuoses, accompagnés par l’excellent quintette de Daniel Binelli. font le tour du tango en deux heures: de Gardel à Piazzola, des fameux bas-fonds de Buenos Aires au début du siècle dernier jusqu’au tango de scène d’aujourd’hui. Les scènes s’enchaînent sans temps mort, essentiellement des duos bien sûr, mais avec quelques scènes de genre: les inévitables rues mal famées, le Jockey Club de 1930 qui donne lieu à une milonga humoristique et à un court solo très réussi entre un danseur et deux balais. Plus tard un duo comique entre un marlou et une vieille dame indigne… Technicité et virtuosité sont les maîtres mots des interprètes de Buenos Aires Express Tango très bons danseurs avant que d’être aussi des tangueros d’exception. Les figures classiques du tango de bal (boleos, ganchos, saccadas, colgadas, barridas…) en sont transfigurées. Mais ce spectacle très maîtrisé manque d’émotion. Où sont les fêlures, les ratures, les déchirures du tango ? Où est l’hésitation des corps dans l’abbrazzo (l’embrassement) des couples ? La fragilité et la fulgurance ? La brillante démonstration n’effleure qu’en de trop rares moments ce qui fait la chair même du tango. Des morceaux de vraie vie surgissent pourtant grâce aux musiciens, tous excellents (surtout Daniel Binelli et son bandonéon) mais souvent cachés derrière les grands panneaux de lumière colorée qui constituent le décor. À l’issue de la représentation, la Scène Nationale avait eu la belle idée d’organiser un petit bal dans le hall du théâtre. D’abord un peu timides (après une telle démonstration, il fallait oser !), une quinzaine de couples se sont élancés sur la piste improvisée. Joli moment que celui où un des couples argentins de la scène est venu se joindre, juste pour le plaisir, à la petite milonga ! Tout le monde a dansé ensemble et l’émotion est enfin passée… CATHERINE SIMON

À venir aux Salins ATTENTION ! La neige ayant recouvert la Venise provençale plus largement encore que la Cité phocéenne comme disent les amateurs de périphrases, Appaix (qui en est) n’a pu y danser… Pas grave ! D’abord parce qu’il reporte son solo Question de goût au 13 fév. Ensuite parce que le port de Martigues, ses bateaux de plaisance et ses palmiers de métal sous le manteau blanc ont offert pour le coup un spectacle étonnant… La scène de Martigues continue de faire place aux danses du monde, en invitant le 27 janv Priyadarsini govind, c’est-à-dire la plus grande interprète de Bhârata Natyam, le style divin et noble de la danse traditionnelle indienne. Plus lointain encore, mais moins étonnant esthétiquement : l’Opéra de Pékin. Leur danse a toute la perfection des meilleurs numéros de cirque acrobatique, et toute l’élégance et le «fini»des ballets classiques. Un tourbillon de

Tango Metropolis © Tetsu Maeda

virtuosité à Martigues les 13 et 14 fév. À ne pas rater : la relecture par Olivier Dubois du Faune(s). Il s’y incarne en Nijinski, interrogeant sous la toile de Bakst, et dans la musique de Stravinski, cette révolution que fut pour la danse et pour l’Art l’Après midi d’un faune… Et ce qu’il en fait lui, aujourd’hui, dans son corps… Le 3 fév.

Scène Nationale des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

Étrange saison Hivernale ! En sondant cette année nos Inquiétantes Étrangetés, le festival de danse Les Hivernales a trouvé une nouvelle passion en s’intéressant à l’étrange poète Mallarmé (voir page 56). Dès l’ouverture, un évènement est programmé avec un parcours spectacle à la Chartreuse et la création La folie d’Igitvr d’Andy de Groat. Investis également par l’écriture mallarméenne, Anna Ventura revisite le Faune au féminin et Charles Cré-Ange donne sa vision du Corbeau d’Edgar Poe. Parallèlement, un parcours mystérieux de Stéphane Gladyszewski hantera la Maison Jean Vilar, la cie Mossoux-Bonté proposera un troublant Nuit sur le monde, et Stéphanie Nataf habillera son hip-hop d’infographie. D’autres étrangetés sont au Cie Mossoux-Bonte © M. Wajnrych

Josef Nadj © J. Rabillon

programme : la belge Mélanie Munt, l’imprévisible Michel Schweizer, l’univers surréaliste de Josef Nadj, un confondant Switch de Thomas Lebrun. Puis les pièces de David Wampach et Nelisiwe Xaba, un inquiétant solo d’Alexandre Castres et pour finir la légendaire cie japonaise Sankai Juku. Insatiable, cette 31e édition va nous combler d’étrangeté avec en prime, une vingtaine de stages, des expositions, des rencontres, des vidéos. DELPHINE MICHELANGELI

Les Hivernales (Avignon) du 19 au 28 fév 04 32 70 01 07 www.hivernales-avignon.com


NÎMES | ISTRES | LA MINOTERIE

DANSE

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Voyages en danse Le festival Flamenco de Nîmes se conclut par un spectacle féminin au possible. Mujeres confronte trois grandes danseuses aux caractères différents. Merche Esmeralda, classique, sévillane, Belen Maya, au style plus léger, contemporain, et la jeune Rocio Molina, qui métisse les genres. Elle seront accompagnées par sept hommes : 3 guitaristes, 3 chanteurs, et 1 percussionniste (les 23 et 24 janv). Puis, après sa performance magique au Théâtre des Salins (Martigues), on retrouve les magnifiques soli de Hiroaki Umeda qui joue de son corps, de la lumière, des accélérations et des sons de façon à guider exactement votre regard vers le pli qu’il veut donner à voir (les 3 et 4 fev). Magistral ! Une proposition plus conceptuelle que plastique viendra clore la programmation danse du théâtre de Nîmes. Pourtant, dans (Not) a love song Alain Buffard s’attache à… l’univers de la comédie musicale ! Surprenant ? Pas lorsque l’on sait qu’il l’évoquera à travers les souvenirs de trois femmes habillées de haute couture, et réveillant des figures masculines fantasmées. Aves Miguel Gutierrez, Casey Vidalenc, Vera Mantero, Claudia Triozzi et Vincent Ségal, le 24 fev.

Not a Love Song ©t Marc Domage

Danse, conte, théâtre… contemporains !

AGNÈS FRESCHEL

Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

Gat et ses voisins Emanuel Gat a décidé de gâter ses voisins, habitants comme lui de la (magnifique) Maison de la Danse d’Istres. La Cie Coline, promotion de jeunes danseurs en fin de formation professionnelle, actuellement en grande difficulté financière par suppression pure et simple de ses subventions, a monté des extraits de son répertoire : une traversée des pièces du grand chorégraphe israélien, installé à Istres pour quelques années encore, et l’occasion de s’approprier sa danse, sensuelle et froide, athlétique et subtile, plastique et intime. Ce sera le

27 janvier sur la scène de l’Olivier (Istres). Il faut y assister, en espérant que Coline puisse continuer à former de jeunes danseurs avec la réussite qu’elle connaît, pendant qu’Emanuel Gat et sa Cie sont leurs voisins, mais aussi après leur départ. Qui aura lieu un jour ou l’autre, et risque de plonger Istres dans un désert chorégraphique, annihilant le travail que La Maison de la Danse a mené depuis tant d’années… A.F.

Gat et Coline Théâtre de l’Olivier, Istres Le 27 janv 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr

Cie Coline © Agnes Mellon

La Minoterie vit un feuilleton à rebondissements fort peu comique. Elle a besoin du soutien de tous les spectateurs qui, depuis 30 ans bientôt, admirent sa disponibilité envers les compagnies régionales, les textes en création, le théâtre de proximité. Persistant dans sa voie esthétique généreuse, la scène «conventionnée pour les écritures contemporaines» programme deux cies de danse : Christine Fricker et sa Cie Itinerrances envahiront tout l’espace du théâtre, depuis le hall, la bibliothèque et la salle de répétition jusqu’à la scène, en haut. Les 23 et 24 janv son répertoire y passera, sa danse toujours amusée et libre comme l’enfance : un prélude à la création qui aura lieu lors des Elancées (voir p 28), une pièce

plus musicale, une rencontre avec la méthode Feldenkrais®, pour finir par un petit bal… Quelques jours plus tard c’est la Cie La Innombrable qui viendra danser Paradise (le 30 janv) avant de laisser place au conte de Stefanie James, Entre deux rives, l’histoire d’un voyage en méditerranée effectué… sans quitter Le Panier ! Les 5 et 6 fév. Enfin la Cie de Daniel Danis, auteur québécois à la langue fulgurante et simple, passera par la Minoterie, une de ses rares étapes en France après son passage très remarqué à Avignon. Tissé de mots et de vidéo, Kiwi est l’histoire difficile de deux gamins livrés à la rue (du 12 au 14 fev). À ne pas manquer. A.F.

La Minoterie 04 91 90 07 94 www.minoterie.org

© Fricker


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DANSE

PAVILLON NOIR | 3BIS F | GAP | DRAGUIGNAN | DURANCE

Jusqu’au bout 70 minutes de danse maximale. Entity commence fort, poursuit, et s’achève sur un crescendo encore Rarement (jamais ?) on a vu des corps danser aussi bien, aussi violemment, du moins dans ce style contemporain, abstrait, athlétique, rapide et placé, maximaliste. Car ce qui épate, c’est cette violence des mouvements qui mettent à mal les corps, les tirant à chaque mouvement jusqu’au bout de leur possibilité physiologique, musculaire, articulaire. Ces dix jeunes danseurs, capables de subir et de s’infliger de tels chocs sans broncher, sont époustouflants. Ce qui épate encore dans la danse de Wayne Mac Gregor est l’inventivité des mouvements. De ses combinaisons de corps, solitaires, en duos, trios, quintets, en portés rigoureux ou groupes spatialisés, à l’unisson, en quinconce, en fugues ; en électrons libres. Car l’imaginaire du chorégraphe est fondé sur des métaphores scientifiques (représentations d’ellipses, de cellules, de molécules, d’équations, de défilés numériques, de modélisations), ce qui donne aux corps une froideur permanente, une abstraction presque complète : les dix danseurs ont des physiques similaires, fins et musclés, grands, à la peau claire, aux cheveux assez courts, les hommes comme les femmes… Leur individualité ne disparaît pas complètement mais ce n’est pas elle qui fait sens: ce qu’ils font ensemble, n’est jamais relatif à des histoires, des attirances, une quelconque expressivité narrative, sentimentale ou sensuelle. Sans être désincarnés ces corps-là demeurent presque virtuels, tant ils sont virtuoses, et tant ils n’expriment rien. La musique des deux compositeurs souligne cette dualité entre le corps et son abstraction : Joby Talbot fait entendre des instruments acoustiques qui semblent transpirer, et dont les répétitions scandent les mouvements, tandis que Jon Hopkins les noie de ses rythmes appuyés, synthétiques et binaires, interdisant toute imagination charnelle. La pièce, à un moment, y perd un peu d’intensité, avant que l’espace ne s’ouvre, et que la lumière revienne sur les corps libérés des scansions et des projections sur les écrans. Car au fond, ces Entités qui s’agitent sont des hommes. Ils endossent un instant d’autres représentations, se transformant en matière inerte ou vivante, cellulaire, robotisée. Mais ce qui fascine est justement qu’ils y parviennent, dans la douleur cachée et la virtuosité toute apparente de leur chair. AGNES FRESCHEL

Wayne Mc Gregor, Entity © Ravi Deepres/Odette Hughes, Auh Ngoc Nguyen

très pertinent, au discours clair et… éclairant !), et surtout avec la création de son triptyque… «électroacoucycle» ! À partir de la musique de Christian Zanesi il a conçu trois pièces : Alea, interprétable par 7 danseurs d’horizons et de techniques différentes, car comportant des cellules aléatoires ; Viiiiite, un duo en création qui devrait, selon toute logique, être assez rapide… ; et Tattoo, une belle pièce sur le carcan gris des pointes vertes, interprété par 5 danseurs du Ballet National de Marseille. Du 29 au 31 janv. Eric Oberdorff lui succèdera avec Un autre rêve américain, quatuor au titre prémonitoire créé en 2008. Bukowski, Kerouac, Whitman, Brautigan ou Tennessee Williams sont ses références, l’homme et les trois femmes dansent sur Tom Waits, Patti Smith et John Cage. Cette Amérique là existe aussi, la contre culture y est demeurée vivante. On avait failli l’oublier ! Les 12 et 13 fev. Eric Oberdoff, LIbre © Malou/ Maya Morelli, Gildas Diquero

Pavillon Noir, Aix 0811 020 111 www.preljocaj.org

Men battle Après Alexandra Tobelaim et Thierry Baë c’est Denis Plassard et sa Cie propos qui sont en résidence de création au Théâtre Durance. Ils y préparent Débatailles, un spectacle inspiré des battles hip hop, et interprété par huit hommes : cinq danseurs et trois musiciens. Une chorégraphie de combat ! A.F.

Entity de Wayne Mac Gregor a été dansé au Pavillon Noir du 15 au 18 janv

À venir au Pavillon Noir Michel Kelemenis s’installe pour un temps dans le bâtiment des corsaires. Avec une répétition publique le 27 janv, des vidéos danse du 27 au 31 janv (à ne pas rater, le chorégraphe est également un analyste

Débatailles Cie Propos Theâtre Durance, Château-Arnoux (04) Le 20 fev 04 92 64 27 34 www.theatredurance.com


DANSE

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De l’autre côté du tulle noir Ni représentation, ni workshop, la présentation publique de Manifestement au 3bisf était selon le chorégraphe Yann Lheureux «un temps de mise en jeu, aux prémices de la création», offert à un public plus ou moins averti du protocole. Car, tenu secret, le dispositif scénique est volontairement complexe et brouille les rôles : le spectateur n’est pas forcément celui qu’on croit et les danseurs non plus… Heureusement que le temps d’échange qui accompagne le spectacle lève le voile sur toutes les ambiguïtés. Chut, on ne percera rien du mystère pour que le public vive pleinement cette expérience lors des prochaines résidences de la compagnie au Citron jaune et au Vélo Théâtre, dans le cadre d’un dispositif d’accompagnement tripartite baptisé Tridanse… Circonscrit dans un espace obscur, clôt de bâches en tulle opaque, les spectateurs assistent à un «exercice» chorégraphique et musical interactif favorable à la déambulation, la rencontre et toutes sortes de postures possibles. Jusqu’à ce que Yann Lheureux et Marina Cedro entreprennent de les inviter à entrer dans la danse, orchestrant à eux seuls «une partition où forces, tensions, impulsions, corps et mots entrent en collision…» L’instant de danse le plus convaincant étant le solo du chorégraphe à la lumière de sa lampe de poche, luciole dans l’obscurité, qui change notre rapport au mouvement dansé, tel une ellipse ou un léger souffle. La gageure,

Manifestement a été créé au 3bisf à Aix-en-Provence le 15 janvier. Présentations publiques le 30 janvier au Citron Jaune/ilotopie à Port-Saint-Louis-du-Rhône 04 42 48 40 04 www.ilotopie.com le 13 février au Vélo Théâtre à Apt 04 90 04 85 25 www.velotheatre.com

À venir au 3BisF Un atelier corps et texte mené par la Cie Perspective Nevski du 21 au 30 janv sera suivi par la création, le 6 fev, de leur Essai sur l’inquiétude. Une partition collective dirigée par Sandrine Roche, et dont l’écriture a été soutenue par le CNES de la Chartreuse. 3bis F, Hôpital Montperrin, Aix 04 42 16 17 75 www.3bisf.org © Yann Lheureux

pour Yann Lheureux, prisonnier des contraintes spatiales et de la proximité du public, est alors de trouver son espace de danse propre… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Le Brésil, la Chine, Ovide et la virtuosité La scène nationale de Gap propose ce mois-ci trois danses d’esthétiques fondamentalement différentes ! En Chine, on ne sépare pas les genres comme dans nos rubriques, et le spectacle de l’Opéra de Pékin (les 17 et 18 fev, et les 13 et 14 fév au Théâtre des Salins à Martigues) relève du cirque acrobatique tout autant que de la danse, et de la musique. Spectacle total, traditionnel, virtuose, épatant, un brin agaçant par son cérémonial que l’on devine plus commercial que séculaire. Mais enfin c’est épatant. Plus authentique certainement, plus Opera de Pekin © Elmar STOLPE

près de notre chair et de nos révoltes à tout coup, est la danse de la Cie Membros (le 27 janv). Febre est virtuose dans le genre hip hop, et audelà. Spectacle sur la violence qui est faite aux corps et aux âmes dans les favellas, il touche les banlieues européennes par la radicalité de ses dénudements. C’est beau, touchant et violemment pertinent. Quant à Métamorphoses, créée en 2008, c’est sans doute la pièce de Frédéric Flamand la plus réussie à ce jour. Littéraire, mythique, elle s’inspire assez littéralement des personnages des Métamorphoses d’Ovide, pour produire une réflexion en mouvements sur les transformations de nos corps. Celles qu’ils opèrent dans nos rêves, dans nos fantasmes, mais celles aussi que la société nous impose, en nous mécanisant, en nous animalisant. Un très beau spectacle, servi par des danseurs qui se donnent, les inventions plastiques des frères Campana (encore le Brésil !), et la musique qui tisse de belles nappes

Metamorphoses © Agnes Mellon

acoustiques. Preuve qu’une autre Olympe, sans foot, est envisageable à Marseille ! AGNES FRESCHEL

La Passerelle Scène Nationale de Gap (05) 04 91 52 52 52 www.ville-gap.fr


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CIRQUE

LES ÉLANCÉES | JANVIER SOUS LES ÉTOILES

Magic circus

2004, le Festival des Élancées s’affirme comme un grand rendez-vous annuel où les arts du cirque, la danse et la musique sont proposés comme autant de découvertes à un public toujours plus nombreux. Et le Festival ne se contente pas de cette belle programmation : le travail particulier effectué auprès des enfants leur permet une découverte particulière des œuvres; séances scolaires, ateliers de sensibilisation, initiation à la danse et à la gestuelle, rencontres avec les artistes dans les classes avant les représentations…

Un cirque très danse

L’amoureuse de Monsieur Muscle © Agnes Mellon

La 11e édition des Élancées, Festival des Arts du Geste, s’annonce comme un savoureux mélange des genres, cirque et danse en tête. Artistes à découvrir ou confirmés, ils s’en donnent à cœur joie ! Le pari semble gagné : au fil des rencontres artistiques programmées depuis sa création en 1999, et grâce à son extension sur tout le territoire de Ouest Provence depuis

Cette année, 23 compagnies donneront une soixantaine de représentations, dont certaines sous chapiteaux, notamment avec le collectif AOC qui proposera au public istréen de partager une étape de sa nouvelle création après 3 semaines de résidence (14 et 15 fév au Palio, à Istres), une répétition publique que ces artistes circassiens partageront avec la chorégraphe Karin Vyncke. Sous chapiteau toujours, le Service Après-vente du Père Noël concocté par les jeunes artistes de l’association Cabriole (18 fév, au Palio), Volchok du Cirque Trottola (17 au 21 fév, au bord de l’Étang de l’Olivier), ou encore L’Homme-cirque qu’est David Dimitri (du 13 au 15 fév, au Stade Bardin). Du côté de la danse, très présente cette année, deux créations de chorégraphes marseillais sont à l’affiche : le très joli L’Amoureuse de Monsieur Muscle de Michel Kelemenis (14 fév à la Colonne à Miramas, voir Zib 12) et Les Ailes de Philomène, créé spécialement par Christine Fricker pour les Élancées (16 fév à l’Espace 233 à Istres, 17 fév à l’Espace G. Philippe à Port-St- Louis et le 21 fév à la Colonne). Mais il faudra aussi compter avec les artistes de la cie de danse hip hop E.go, dont une première étape de la création du chorégraphe Eric Mezino, Memorandum, avait été dévoilée lors du festival Zone danse hip hop en novembre (15 fév au Citron Jaune à Port-St-Louis et le 21 fév à Fos, voir Zib 14), Génération Kadors de la cie ngc25 (14 fév à Fos), Plume et Paille de la cie Adroite Gauche (14 et 15 fév à

l’Espace R. Hossein à Grans)… Sans oublier le Théâtre de Romette, déjà présent lors de l’édition 2008 et qui revient avec Krafff (20 fév à la Colonne, à noter qu’ils se produiront aussi à l’OMC Simiane le 21 fév), la fantaisie circassienne de Jérôme Thomas, Sortilèges (19 fév à l’Olivier), et les 3 clowns de la cie barcelonnaise Chapertons, en clôture du Festival le 22 fév à l’Olivier… L’offre est généreuse, les prix exceptionnellement abordables : profitez-en bien ! DOMINIQUE MARÇON

11e Festival Les Élancées du 13 au 22 février Cornillon, Fos (04 42 11 01 99), Grans (04 90 55 71 53), Istres (04 42 56 48 48), Miramas (04 90 50 05 26), PortSt-Louis (04 42 48 52 31) www.scenesetcines.fr AOC © Philippe Cibille

Grande forme pour les étoiles Malgré le pessimisme ambiant, certaines structures continuent de soutenir la création en organisant des festivals ambitieux et attrayants. C’est le cas du Théâtre Europe avec la 10e édition du festival Janvier dans les étoiles de La Seyne-sur-Mer qui se déroule du 23 janvier au 1er février. Devenu au fil des ans un rendez-vous incontournable, le festival de cirque contemporain a su se faire un nom à l’échelle internationale par sa programmation diverLe cirque désaccordé © Reynaud de Lage

sifiée qui permet de découvrir des troupes étrangères. Créée par Thierry Dion, l’association Théâtre Europe, dont la vocation est de proposer des spectacles venus de tous horizons, gère également la politique théâtrale et le spectacle vivant à la Seyne-sur-Mer avec la Saison Europe (programmation hivernale annuelle théâtre jeune et tout public). Cette année l’accent est mis sur les «grandes formes» qui drainent ainsi plus de spectateurs (10000 sont attendus) et d’artistes sur des scènes encore plus grandes. L’ambition du festival étant de rester volontairement populaire en s’adressant à tous les publics et en pratiquant des tarifs attractifs, tout en accueillant des compagnies aux origines esthétiques et horizons différents. Pour cette édition anniversaire, quelques grands spectacles seront présentés avec notamment Le Cirque Désaccordé et ses Petites mythologies populaires, les espagnols Los Gingers avec Perlas y Plumas, la Cie Galapiat qui présentera Risque Zero, le spectacle InSTALLation du Kollektiv InSTALLation (Suisse) et la cie chilienne Compania de Paso avec Un Horizonte Cuadrado. Notons aussi la venue de la Cie franco-suisse-allemande Tr’espace

qui jouera le Cercle. Des formations, des rencontres et des stages professionnels sont également proposés. 10 jours de festival qui renouvellent ainsi l’occasion, pour tous, d’aller à la rencontre de la création circassienne contemporaine. Delphine Michelangeli

Janvier dans les étoiles Espace Chapiteaux des Sablettes, la Seyne-sur-Mer (83) du 23 janvier au 1er février 04 94 06 84 05 ww.theatreeurope.com


GRASSE | CHÂTEAUVALLON

CIRQUE

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Poésie scientifique Illusions de la balle Si vous ne connaissez pas, allez découvrir Johann Le Guillerm à Grasse ! Il faut voir son spectacle Secret, puis l’exposition Monstration. Ou l’inverse, mieux encore. Et y retourner. Personne avant lui n’avait fait du cirque comme cela, à partir de cela, de l’imaginaire scientifique, des lois physiques, mécaniques, anatomiques, botaniques, zoologiques… Personne n’avait osé exposer l’humour des probabilités, des projections planes, de la linguistique. C’est beau, drôle, intelligent, inattendu, et ça vous plonge avec lui au cœur de la matière et de ses chiffres, dans une imagerie proche de Jules Verne, mais revisitée par Borges, et corrigée par un physicien atomiste. Dans Monstration, l’exposition, vous apprendrez comment naissent les alphabets. Car les pommes de pin qui s’ouvrent, les pelures de clémentines qui sèchent peuvent écrire des lettres nouvelles. Parlent-elles pour cela ? Un peu plus loin vous verrez des objets étranges, des combinatoires déployées, dont des vidéos explicatives, mais toujours poétiques, vous donneront les clefs. Là-bas une grosse boule déséquilibrée par de la flore et des creux obéira à sa trajectoire établie. Et enfin, avant de sortir, vous plongerez dans la matière animale. Ou du moins dans ses traces, squelettes, résidus… Car ce sont bien les écrits produits par les objets que Monstration met en scène, dans une ambiance de laboratoire fin de siècle (le XIXe !) qui n’aurait pas succombé au high tech, et continuerait de laisser pulluler l’organique… À la lumière de ce travail plasticolyrique, Secret aussi prend un autre corps. Ce solo créé en 2003, mais qui n’a cessé depuis de changer, repose sur les qualités acrobatiques de Johann le Guillerm, mais aussi, surtout, sur son sens du décalage. En reprenant l’imaginaire du cirque traditionnel, sa piste circulaire, son sens du risque et du frisson, et ses numéros d’animaux, il a invente un bestiaire surprenant, domptant des bassines,

Secret © P. Cibille

une créature d’acier, puis chevauchant ensuite un empilement de livres, faisant claquer son fouet. Mais Secret décline surtout des formes, cercles, lignes, points, sphères et des matières, du bois au fer. Le corps de Le Guillerm, personnage rebelle, s’inscrit dedans, la tord, l’explore. Durant presque deux heures, qui passent comme un rien ! Agnès Freschel

Secret du 6 au 15 fev Chapiteau du golf Saint-Donnat Monstration Du 4 au 18 fev Espace Chiris, Grasse Théâtre de Grasse (06) 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com

Non content d’abandonner les pistes pour envahir les scènes des théâtres, voilà que les jongleurs abandonnent… les balles ! Adrien Mondot, circassien spécialité jonglage, est autant enfant du numérique que de la balle. Son solo parle du jonglage, et il lui en reste bien trois, blanches, avec lesquelles il joue… mais qui se multiplient en projections virtuelles dans l’espace, semblant figurer toutes les trajectoires possibles, puis impossibles… Il fait entrer ainsi le spectateur dans la vision de l’interprète, et on se dit que c’est un peu ainsi qu’un jongleur doit s’imaginer l’espace audessus de sa tête : peuplé de balles qui tombent vers lui, comme la neige sur un écran en panne, ou comme autant de lucioles convergentes. A.F.

Convergence 1.0 © Fabrizio Lazerelli

Convergence 1.0 Adrien Mondot Les 13 et 14 fev Châteauvallon, Ollioules (83) 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com


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ARTS DE LA RUE

ARLES | SIRÈNES ET MIDI NET

Pagaille de plumes

K@osmos de la cie Grupo Puja © X-D.R

Il neigeait déjà ce soir-là à Arles… Des plumes, qui voletaient dans tous les sens, s’élevaient en tourbillon, aidées par un Mistral forcené. Du monde partout, sur la Place de la mairie et dans les rues adjacentes, battant la semelle pour tromper le froid. Du monde, recouvert de plumes… Précédée par une voix aérienne qui semble sortie de nulle part, rythmée par un orchestre trip hop rock, s’élève une sphère en acier -la Boule-, huit acrobates accrochés tout autour. Ce sont les artistes de la cie hispanoargentine Grupo Puja ! qui, s’élevant dans le K@osmos arlésien, vont évoluer à plusieurs dizaines de mètres de hauteur. Habillés de blanc, impressionnants dans cette nuit glaciale et ventée, ils vont exécuter quelques numéros vertigineux, dansant dans la Boule et dans les airs, suspendus comme des oiseaux sauvages prêts à prendre leur envol, tournoyants tels les

pantins fous d’un mobile vivant. La grue redescend une dernière fois, des ballons blancs s’envolent dans le ciel pour le plus grand bonheur des enfants, le canon à plumes reprend du service et en inonde la foule compacte. Discrètement, les façades de SaintTrophime et de l’Hôtel de Ville vont se parer des chromatiques éclairées de Xavier de Richemont, superbes ornements bigarrés, tandis que la foule se disperse tant bien que mal… DOMINIQUE MARCON

Les Drôles de Noëls arlésiens ont animés les rues de la ville du 20 au 24 déc

Sur les pavés la neige Ils ont eu du nez, les artisans de lieux publics, en omettant de prévoir une sirène à midi net le 7 janvier… Le parvis de l’opéra était blanc de neige, les voitures en travers avouaient enfin leur impuissance, et tout l’espace était envahi de flocons froids, le sol, l’air, le ciel, les murs et l’eau. L’espace public faisait de l’art tout seul, et les réactions des passants surpris, qui chaussaient leurs skis ou bataillaient ferme à coups de boules blanches avec des inconnus revêtus de bonnets et de gants sortis en hâte des armoires, ont fait de cette journée une magnifique manifestation de transformation de l’espace public… dont même les auteurs du Flash rue prévu à 18 h, et annulé, ne pouvaient que se réjouir ! La sirène de février sera-t-elle aussi surprenante ? C’est Christian Mazucchini qui s’y colle, sur un texte de Valletti bien sûr. L’acteur a une présence bien à lui, conviviale, décalée naturellement, proche et simple, populaire. Si son Jésus de Marseille a fait

rire sans provoquer l’unanimité, son Psychiatrie Déconniatrie était un petit chef-d’œuvre de délire… Qu’en sera-til de son personnage jeté dansl’espace public, durant le temps compté entre les deux sirènes, et accompagné bien sûr de sa chienne Pile Poil, mais aussi de quelques compères familiaux, musicaux, amicaux ? Sera-t-il mythomane, pilier de bar, acteur, échappé de l’asile ? C’est toute l’ambiguïté des personnages de Valletti qui est ici mise en œuvre par son double…. AGNES FRESCHEL

Souvenirs assassins Serge Valletti Sirène et Midi net le 4 fev juste avant midi net Parvis de l’Opéra de Marseille www.lieuxpublics.fr

Christian Mazucchini dans Psychiatrie - Deconniatrie © Caroline Felix Faure



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MUSIQUE

SPECTACLES

Opérette champagne !

© Christian Dresse

Pour débuter l’année 2009 sur une note réjouissante, l’Opéra municipal reprenait La Veuve Joyeuse festive montée à Bordeaux et Marseille en 2005… pour un nouveau succès ! Le travail accompli par l’équipe de Charles Roubaud (mise en scène), Katia Duflot (costumes) et Emmanuelle Favre (décors), a permis l’épanouissement d’une scénographie luxueuse : du grand hall art-déco du premier acte

avec son majestueux ascenseur introduisant les personnages, ses baies plongeantes sur Paris by night, de la magnifique verrière/pavillon du deuxième acte, au rideau en forme de menu s’ouvrant, au final, sur le grand salon de chez Maxim’s, flanqué en son centre d’un immense seau à champagne… Toute la fin de l’ouvrage fut une parfaite réussite : du numéro des Grisettes avec leurs voix gouailleuses, au pyrotechnique Can-Can donné par des danseurs dignes des grands cabarets parisiens!

Les réserves portent sur la distribution vocale. Si Michelle Canniccioni est une veuve au physique superbe, à la voix solide, son chant manque de nuances. On a dans l’oreille, pour la célèbre Chanson de Vilya, des aigus filés qui ont hélas fait défaut à la soprano. Le Brésilien Paulo Szot, quant à lui, porte le frac à merveille : il aurait tout pour faire un excellent Danilo… s’il savait comment le chanter. Manifestement il s’est empêtré toute la soirée à adapter son baryton d’opéra à l’émission claire du français, au style léger du genre, à passer des dialogues parlés aux airs chantés en blanchissant son timbre pour un résultat néfaste au naturel de la projection vocale. L’opérette est un métier… et Francis Dudziak (l’Ambassadeur) ou Jean-Claude Calon, jouant un Figg au burlesque irrésistible, le pratiquent avec justesse. Si les voix de Kimy Mc Laren (Baronne Popoff) et Christophe Berry (Coutançon) ne manquent pas de charme, comme dans la fameuse Scène du Pavillon, elles s’avèrent trop légères pour résister aux dimensions symphoniques de l’orchestre de Franz Lehar. C’est finalement dans la fosse que s’est scellé le succès du spectacle. Dominique Trottein a dirigé l’opus avec goût, verve et lyrisme, conduisant au sommet le magnifique mélodrame du 2e acte et son inaltérable valse de l’Heure Exquise. Car c’est là, dans l’érotique duo violon/violoncelle, que se lit l’aveu amoureux que les personnages n’osent se faire à voix haute. JACQUES FRESCHEL

Bonne Nokto les petits Nokto est une bulle d’oxygène lancée dans une planète affolée, un spectacle musical à vivre comme une parenthèse de bien-être Présenté comme «une invitation au sommeil» par Jean-Pascal Viault (Lulubelle compagnie) et Raoul Lay (Ensemble Télémaque), le spectacle Nokto serait plutôt une incitation à la zen attitude. Les plus petits et les plus grands ne sombrent pas dans le sommeil, gardant leur acuité visuelle et auditive parfaitement acérée. Car le dispositif scénique est volontairement intime et suffisamment «merveilleux» pour surprendre, et l’espace propice à une extrême proximité avec l’artiste. Du coup, les yeux restent grands ouverts et les oreilles n’en perdent pas une miette… Sous une petite tente noire, à ras du sol, baignant dans un halo de lumières tamisées, Nokto peut commencer : la soprano Brigitte Peyré, la flûtiste Charlotte Campana et le percussionniste Christian Bini tissent les fils d’une histoire invisible, sans début ni fin. Avec pour seul écheveau la composition musicale écrite spécifiquement pour les tout petits, l’espace où ils naviguent lentement, les tableaux écrits sur le sable, la féerie des lumières et quelques partitions gravées sur des cadres translucides. Tels des Pierrot lunaires, leurs

corps oscillent dans un espace blanc apaisant, un entre-deux qui fait de la réalité une chose impalpable et du rêve un état d’abandon. Car Nokto n’est pas un «spectacle» à proprement parler, mais plutôt une vague musicale et colorée totalement abstraite. De là sa force, et son équilibre aussi : les petits s’abandonnent, décrochent parfois, quand les grands intellectualisent le temps du silence. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Nokto a été joué au Pôle jeune public des Comoni, Le Revest (83), du 6 au 8 janv

Nokto © Alexandre Viault


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Hôtel Mozart : pastiche «Pop & Love» ! Les 15 et 16 janvier, le Grand Théâtre de Provence affichait Mozart short cuts, une production précédée d’une belle réputation… Séduisante… Depuis sa création en 2006 au Luxembourg, le pastiche Mozart short cuts, imaginé par Laurence Equilbey (voir p 40) et mis en scène par le couple Makeïeff / Deschamps, a glané ses succès à Nîmes, Paris, Vichy, Caen, Grenoble... Il faut dire que ce spectacle possède de nombreux atouts : au premier chef, celui de faire entendre des pages rares du jeune Salzbourgeois, formidables airs tirés d’opus lyriques antérieurs à Idomeneo. Ce montage de scènes épouse la forme d’un «dramma giocoso», en deux actes avec final, et permet également de mêler les genres «seria», «buffa», Singspiel… En second lieu, on y découvre une troupe de jeunes chanteurs, pour la plupart issus de l’école baroque, d’où émergent les solides voix d’Anne-Catherine Gillet (soprano), Konstantin Wolff (baryton) ou un ténor mozartien prometteur (Robert Getchell)… De la fosse, l’Orchestre de l’Âge des Lumières distille des clairs-obscurs sur instruments

anciens, hautbois incisifs, cuivres chatoyants, timbales sèches fondues dans une texture de cordes et de clavecin… On loue enfin la mise en scène énergique, le décor de hall d’hôtel fantasmagorique, kitch et bariolé façon pop art des sixties : un patchwork visuel analogue à la construction narrative. Et l’on sourit à la signature «Deschiens» incarnée par le burlesque catalyseur Robert Horn en majordome girond, bougon et fredonnant… Qu’est-ce qui ne prend pas complètement alors ? Peut-être que le scénario, tissé autour du thème de l’Amour (passion, plainte et jalousie, libertinage et désordres intimes), est basé sur une «affinité de livrets» illusoire… Que les intrigues croisées autour de la passion de Zaïde pour Gomatz et de Violante travestie en chambrière briseuse des cœurs (La Finta Giardiniera) forment un argument peu lisible… Plus probablement, que la mise en scène hésite entre une forme de désacralisation désopilante des thèmes mozartiens, et une inclination nécessaire devant son Génie musical… JACQUES FRESCHEL

Mozart Short Cuts © Agnes Mellon

Les cris du chœur

Le concert de l’ensemble Musicatreize qui s’est tenu au temple Grignan le 15 janvier a une nouvelle fois démontré l’incroyable richesse du répertoire vocal a capella

Bien que spécialisé dans la littérature du vingtième siècle, Roland Hayrabedian, chef de chœur de «l’orchestre vocal» Musicatreize ne délaisse pas pour autant les œuvres plus lointaines, faisant régulièrement son marché, à juste titre, dans la mine d’or qu’est la Renaissance. Démonstration avec Janequin et ses Cris de Paris, indémodables et toujours aussi modernes par leur traitement vocal au contrepoint complexe, décliné en «navetz, marons ou febves». La spatialisation du chœur en quinconce et à neuf voix (au lieu des quatre habituelles) donne un relief idoine à cette chanson descriptive. Vous l’aurez compris, il s’agit bien de cris ! et la

mise en regard avec Cries of London composé par Berio il y a une trentaine d’années est judicieuse ! Traité avec humour, le marché londonien «tousse» et marchande son garlic concrètement, de façon vraiment exubérante… On assiste également à la création marseillaise des Cris de Nancy 09 de JeanChristophe Marti et Jean Poinsignon, œuvre mixte pour douze voix faisant appel à une diffusion de cris divers et variés par haut-parleurs. Le jeu est théâtral et le matériau vocal passe par tous les états, donnant même une leçon humoristique sur le parler nancéen. Quant aux cris de Marseille de Régis Campo, ils clament avec facétie les représentatifs «pitain

cong», «coquin de sort» et autres «elle n’en veut pas de ma rascasse» avec une écriture fouillée qui ne tombe jamais dans la caricature. Changement d’atmosphère brutal mais réussi par les saisissants Cris de Maurice Ohana, tragédie vocale tendue dont les frottements, glissandi et silences deviennent synonymes de douleurs. On ne peut que féliciter les acteurs pour la qualité musicale et la trame singulière de ce programme, et se réjouir de pouvoir encore entendre de la musique en création, mise en regard de son histoire et de ses pères. FRÉDÉRIC ISOLETTA


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MUSIQUE

CONCERTS

Lumière de chambre

Un pianiste révélé

Le pianiste Ronald Brautigam arrivait à Marseille précédé d’une aura assez confidentielle. Son récital du 16 Lors du concert de clôture des décembre à la Faculté de Médecine a Journées Henri Tomasi, le 9 janvier convaincu les sociétaires de la à la Cité de la Musique, les fidèles s’étaient assemblés autour de Claude, Musique de Chambre ! Rompu, depuis une trentaine d’années, à la infatigable défenseur de la musique pratique des scènes internationales comme de son père…

Ensemble Pytheas © X-D.R.

La première biographie du musicien nouvellement primée (éditions Albania) et la décision du Conservatoire de musique de Corse de porter désormais son nom contribuent à sa reconnaissance : Henri Tomasi (1901-1971) a, jusqu’à son grave accident de voiture en 1952, concilié brillamment les carrières de compositeur et de chef d’orchestre. Cette double casquette, chère à Mahler ou Boulez, lui a permis d’exceller dans l’art de l’orchestration et la connaissance des instruments. On sait aussi le goût de ce Corse, né à Marseille, pour le lyrisme et l’expression naturelle de la mélodie. On se demandait, en regard de ses grandes fresques vocales (Requiem pour la paix, Retour à Tipasa), ses opéras (Don Juan de Mañara, Sampiero Corso, L’Atlantide, Le silence de la mer), ses symphonies («du Tiers-Monde»), ses concertos («À la mémoire d’un poète assassiné», Cyrnos…), si sa musique de chambre allait atteindre l’intimité nécessaire au genre… Les musiciens de l’ensemble Pythéas, autour du violoniste Yann Le Roux, ont su rendre toute la science de son écriture : des contrepoints savants à l’emploi de modes colorés, pentatoniques ou d’un exotisme fantasmé, de la Corse à l’Andalousie, du Siam à la Cordillère des Andes, ses effets sonores subtils, alliages de timbres, sens de l’équilibre instrumental… Dans les brillantes pièces de jeunesse pour violon et piano (Chant hébraïque et Paghiella) ou les pages colorées (Pastorale Inca, Invocations et danses rituelles), les cordes, flûte, clarinette ou harpe ont enthousiasmé… quand le chef-d’œuvre de classicisme expressif, son Trio à cordes, a une nouvelle fois convaincu de sa maestria ! JACQUES FRESCHEL

concertiste avec orchestre ou dans le cadre plus intime de la musique de chambre, le pianiste Ronald Brautigam est reconnu comme un éminent spécialiste du trio classique viennois. Il est en passe d’enregistrer, outre l’intégrale des Sonates de Mozart, l’intégralité des musiques pour piano de Haydn et Beethoven ! Mais les sociétaires de la Musique de Chambre de Marseille ne devaient pas connaître si bien ce Hollandais, son aura en France demeurant assez confidentielle. Toutefois, au vu du hourra qui a suivi son récital, le public a sans doute réalisé la chance qu’il avait eue de découvrir un grand musicien ! Dans le couplage intelligent de Sonates de Haydn avec les Waldstein et Appassionata de Beethoven, Ronald Brautigam a allié un jeu pointilliste, léger et articulé, à un style sensible, souple et fondamentalement libre. On a senti, dans la palette des nuances distillées sur un Steinway moderne, toute l’influence bénéfique de sa pratique experte du pianoforte, instrument contemporain des compositeurs au programme. Son sens des contrastes, en particulier pour Beethoven, a figuré un peintre sachant détacher son sujet du fond, avec virtuosité, puissance et brillance… Ses gammes en fusées n’ont fait perdre aucune note, son chant fut

Richard Brautigam © Borggreve

tendre et simple, les marteaux percutant les cordes sans dureté… Un pianiste qui sait aussi ne pas s’appesantir tout en préservant au discours une plénitude sonore prenante ! On oubliera néanmoins les bis : un fameux Nocturne en do dièse mineur de Chopin, frustrant car manquant de profondeur, une «Marche turque» trop véloce, noyant au final les octaves brisées de la main gauche. JACQUES FRESCHEL

Jeune ou rare Le 6 janvier, le Quatuor Gabriel a ouvert l’année 2009 de la Société de Musique de Chambre de Marseille avec un programme alliant le jeune Fauré et un très rare Joseph Jongen Le premier intérêt du récital du Quatuor Gabriel a été de faire découvrir aux sociétaires, venus nombreux malgré l’annonce de chutes de neige, un compositeur rarement joué : Joseph Jongen (1873-1953). Ce Belge, enfant précoce, organiste et Prix de Rome, est l’auteur de près de 137 opus, dont une symphonie, quelques concertos… et un vaste Quatuor pour piano et cordes (1902). C’est ce dernier qui fut joué, et pour lequel on apprécia la finesse d’une écriture empreinte de l’esprit romantique, épique et lyrique, peu éloignée du style de César Franck et finalement de l’école française… C’est de ce domaine que le Quatuor Gabriel s’est fait le champion, depuis sa fondation (en 1988, en dépit de quelques remaniements). Il faut une sensibilité particulière, alliant clarté, équilibre et expression passionnée, pour mettre en

valeur les glissements harmoniques subtils, la légèreté toute mélancolique de ce répertoire. Avec le Quatuor op 15 en do mineur de Fauré on se trouve au cœur de cette esthétique. À trente ans tout juste, le musicien maîtrise la forme et l’équilibre cordes / clavier. De surcroît, son séduisant Scherzo ou le bouleversant Adagio sont déjà la marque d’un génie (ce qui n’est pas vraiment le cas de Jongen). Dans cet exercice, les interprètes ont rencontré l’adhésion de l’auditoire, grâce à une belle cohésion et un goût sûr. J.F.

Quatuor Gabriel c X-D.R


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Qu’a-t-Il entendu à Paris ? Il faut aller écouter l’ensemble Baroques-Graffiti ! Le 16 janvier à la Bastide de la Magalone on a beaucoup appris sur Mozart, le violon, le pianoforte… et d’étonnants compositeurs ! Connaissez-vous le Chevalier de Saint-Georges ou Johann Schobert ? Le premier, métis né d’une mère esclave et d’un noble français, fut l’un des plus éminents chefs de son temps. Sans doute jalousé par Mozart lors de son second voyage parisien, il vit la charge de Surintendant de la musique lui échapper en raison de sa négritude. Sa 3e Sonate en sol mineur, d’une rare élégance, place le violon dans une posture virtuose et moderne. Johann Schobert, né en Silésie, croisé par l’enfant prodige lors de son premier séjour à Paris, est un O.V.N.I de l’histoire de la musique : sa Sonate en ré mineur op.14 n°4 comporte une partie de piano prépondérante et des sections d’une densité expressive quasi-romantique… alors qu’elle date seulement de 1766 ! En regard de ces deux opus étonnants, Caroline Gerber et Jean-Paul Serra ont interprété au violon «classique» et au pianoforte deux Sonates composées par Mozart lors de sa malheureuse

résidence dans la Capitale. Dans la 1re Sonate en sol majeur ou le chef-d’œuvre que constitue déjà la 6e Sonate en ré majeur, les deux musiciens ont finement exposé les méandres formels de la sonate bi-thématique, menuet et trio, andantino cantabile, en ménageant des contrastes de sourdines feutrées, de sonorités pleines, parcimonieusement vibrées… Et lorsque Caroline Gerber explique, sur sa copie de Stradivarius, les différences subtiles entre violons et archets «baroque» et «classique», ou que Jean Bascou expose la mécanique du pianoforte (une copie de Stein qu’il a conçu pour l’ensemble), de la genouillère préfigurant la pédale de sostenuto aux délicats marteaux de cuir qui fondent des sonorités uniques, on sort convaincu que cet instrument-là n’est pas un sous-piano… mais bien une machine aboutie ! JACQUES FRESCHEL Ensemble Baroques-Graffiti © X-D.R.

Phénoménal Le concert de l’Orchestre Philharmonique de Marseille donné à l’Opéra le 17 janvier s’est soldé par un succès éclatant

Louis Langree © X-D.R.

Trois compositeurs synchrones aux langages dissemblables : Saint-Saëns, Dukas et Ravel étaient réunis dans un programme flamboyant haut en couleurs. L’Apprenti sorcier de Paul Dukas est toujours resté en haut de l’affiche depuis sa création il y a plus d’un siècle et l’interprétation magistrale de l’Orchestre Philharmonique de Marseille n’a pas démenti son passage à la postérité. Dans le sillage des écrits de Goethe, antérieurs d’un siècle à la partition, la dynamique endiablée de ce scherzo symphonique a donné le ton coloré de surcroit à la soirée. Après une telle entrée en matière, le violoniste Renaud Capuçon se mettait l’auditoire dans la poche avec des interprétations impeccables et enlevées de deux pièces où le violon est roi : la Havanaise et l’Introduction et le Rondo capriccioso de Camille

Saint-Saëns. Virtuosité fantastique sans être gratuite, du rythme de habanera chaloupé au final survolté, l’instrument ayant appartenu à Isaac Stern sonne merveilleusement et avec soin, et même dans les passages périlleux,! Le jeune prodige violoniste sait aussi se saisir de l’ambiance slave du Tzigane de Maurice Ravel, renversante rhapsodie de caractère improvisé sous forme de variations. Le génial orchestrateur fait alors éclater son génie au grand jour avec le concours de l’excellent chef d’orchestre Louis Langrée dans la seconde suite de Daphnis et Chloé. Par les bois, les cuivres, les harpes et le riche pupitre de percussions les couleurs scintillent, se mélangent et se fondent entre elles. Ravel pigmente sa partition avec une palette de timbres donnant des teintes inouïes, servies avec délicatesse et éclat par les interprètes et leur mentor, concluant une soirée étincelante et triomphale. Frédéric Isoletta


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MUSIQUE

CONCERTS

L’épreuve du concert

Le National à Aix

Le parterre est impressionnant, la vision émouvante ! En ce 23 décembre, le plateau du Grand Théâtre de Provence est recouvert par une centaine de jeunes musiciens qui vivent là une expérience inoubliable… et le public aussi ! On sent, dès l’attaque de la bouleversante 8e Symphonie de Chostakovitch, dans l’application et la discipline que mettent ces jeunes à livrer une prestation d’une réelle valeur musicale, toute l‘importance que revêt l’épreuve du concert. L’Orchestre Français des Jeunes est en résidence à Aix depuis l’hiver 2007 : ces futurs professionnels, issus des conservatoires nationaux, y répètent et éprouvent leur travail (voir Zib 14). Et quelle partition plus «pédagogique» que cette grande symphonie issue de l’âge d’or de l’U.R.S.S ! Les solos y sont nombreux, l’expression intense qui s’y déploie exige un travail de fond, afin que la tension électrique qui traverse l’œuvre ne se dilue pas au fil des longs mouvements. C’est du reste le seul reproche que l’on peut faire à cette fresque géniale : ses dimensions (elle dure près d’une heure !). Malgré un pouvoir plus que réfractaire à l’avant-garde, Chostakovitch livrait là une réflexion sombre sur la guerre, ses conséquences meurtrières, malgré la victoire de Stalingrad… Grâce au

travail léché du chef américain Dennis Russel Davies, les pupitres ont trouvé une vraie cohésion et ont rendu à l’opus toute sa puissance expressive. Un violoniste peut en cacher un autre ! Auparavant, le public aixois avait fait une ovation à Olivier Charlier. Ce dernier, remplaçait au pied levé Laurent Korcia dans le Concerto pour violon de Tchaïkovski. Les mélomanes n’ont pas eu à regretter le «lapin» posé par la star. Les amateurs qui n’avaient jamais entendu ce virtuose français (il s’est produit dernièrement au Festival de SaintVictor) ont découvert un formidable soliste. Malgré une entame un peu rêche (un son trop ouvert, manquant de rondeur), une tendance à grossir parfois le trait, Charlier a fini par emporter l’adhésion grâce à sa technique brillante, un engagement communicatif et un vrai sens du jeu avec l’orchestre. Un beau cadeau d’avant fêtes ! JACQUES FRESCHEL

Dennis Russel Davies © A. Balon

Daniele Gatti © Silvia Lelli

Il est rare de pouvoir assister à des concerts symphoniques d’une telle qualité ! C’est avec beaucoup de cœur que Daniele Gatti a dirigé l’Orchestre National de France le 20 déc au Grand Théâtre de Provence. Son geste, à la fois clair et fin, a su détailler chaque phrase avec sobriété, transmettre l’émotion sans jamais la surexposer : depuis les trois moments profondément sombres de l’Ouverture

Tragique en ré mineur, jusqu’à la Symphonie n°4 de Brahms, ultime hommage à Haydn, et pétrie de références à Bach. Mihaela Ursuleasa a, pour sa part, adopté un jeu beaucoup plus démonstratif dans Concerto pour piano n°3 de Bartók. Pour notre plus grand bonheur, puisqu’il se prête, par ses contrastes, à un jeu plus appuyé! Ce concerto est aussi une œuvre ultime, écrite par un compositeur malade, qui retrouve paradoxalement une certaine sérénité dans les mélodies populaires qui surgissent comme des souvenirs du magma de l’orchestre. Son interprétation sensible et inspirée de cette œuvre étrange était tout simplement parfaite, subtile, jamais retenue, et pourtant sans excès… Du grand art ! SUSAN BEL

Hors du temps C’est avec délices que les spectateurs du Grand Théâtre ont eu le privilège d’entendre et de voir la Chambre Philharmonique le 10 janvier, dans un concert tout entier dédié à Haydn. Il restait un peu de neige, on dérapait encore dans les escaliers qui mènent au théâtre, et l’atmosphère sèche et froide faisait craindre le pire pour les instruments… Mais tout s’oublia grâce à la maestria des musiciens emportés par la verve de leur chef, Emmanuel Krivine. Grâce à sa direction à la fois précise et enlevée, ce dernier met en lumière les nuances qui mènent, par exemple, du mineur au majeur dans La Poule qui ouvrait avec humour le concert. Puis les séjours londoniens de «Papa Haydn» sont évoqués par la Symphonie concertante n°105, avec quatre éblouissants solistes, Alexander Janiczek, au violon, Nicolas Hartmann, au violoncelle, Jean-Philippe Thiébaut, et son hautbois, Aligi Voltan, enfin, au basson. «Le père de la musique instrumentale», comme l’avait baptisé Stendhal, était servi par un orchestre dont l’entente, la complicité, était rendue sensible, jeu délié, regards de connivence, un bonheur de jouer que même la corde cassée d’un violon baroque ne pouvait ébranler ! Car l’originalité de cet ensemble repose sur le choix de jouer sur des

Emmanuel Krivine © X-D.R.

instruments de l’époque du compositeur : régal pour les yeux aussi, les cors naturels sans palettes, avec leurs tons (tuyaux de longueurs variables adaptés aux différentes tonalités), les trompettes naturelles aux sons cuivrés, les violoncelles dépourvus de pique, les sonorités chaudes de l’ensemble… Bissé par une foule enthousiaste, la Chambre Philharmonique interpréta La Prague de Mozart, qui disait de Haydn «lui seul a le secret de me faire sourire, de me toucher au plus profond de mon âme…» Les échos entre les œuvres en fournissaient la plus parfaite des illustrations. MARYVONNE COLOMBANI


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Cadeau ! La Communauté du Pays d’Aix offre à ses habitants, dans la grande tradition des concerts du nouvel an et grâce à l’association Aix en Musique, une série de concerts gratuits de grande qualité. L’orchestre Philharmonique, dirigé depuis cette année par le chef et pianiste Jacques Chalmeau, se produit dans les différentes communes aux alentours d’Aix depuis de nombreuses années. Mais cette sixième saison, plus ambitieuse, a choisi une programmation de premier plan avec l’ouverture de Fidelio et la 7e symphonie de Beethoven, l’ouverture et le scherzo du Songe d’une nuit d’été et le quatrième mouvement (saltarello) de la Symphonie n°4 dite l’Italienne de Mendelssohn, (centenaire de la naissance oblige) enfin, les Danses hongroises n°1 et 5 de Brahms. Le 17 janvier cette belle formation se produisait dans la salle du centre socioculturel de Peynier avant de rattraper

Il serait redondant de souligner à quel point ce type d’action permet de populariser la musique classique, la sortant de cadres plus conventionnels pour aller chercher tous les publics, sans jamais renoncer à la qualité. Démonstration brillante que la musique, langage universel, nous touche tous : c’est un public enthousiaste et debout qui a ovationné les artistes. À suivre absolument ! MARYVONNE COLOMBANI

Orchestre Philharmonique du Pays d'Aix © X-D.R.

la représentation reportée à cause des intempéries à Fuveau… Si, à Peynier, la salle en elle-même n’était guère propice par son acoustique à une prestation musicale, le brio du chef, possédé par les œuvres, la qualité

irréprochable des musiciens en a largement compensé les défauts ! Admirable aussi la capacité de Jacques Chalmeau à vulgariser l’approche des passages exécutés pour un public de non spécialistes.

Deux fois bicentenaire

Bonne année?

C’est un très beau concert que nous a offert Aix en Musique le 14 janvier au musée des Tapisseries d’Aix en Provence. Les musiciens d’Hélios ont ravi l’auditoire

Trois représentations gratuites ont été données à l’opéra pour célébrer le début de la nouvelle année. Toujours dirigé par son jeune et dynamique chef américain Jonathan Schiffmann, l’OLRAP a offert à un public hétérogène un programme Beethoven (6° symphonie dite pastorale), Gershwin (Lullaby) et Dvorak (Suite tchèque opus 39). Une foule dense comptant nombre d’enfants et jeunes s’est pressée dès l’ouverture des portes pour pouvoir assister au spectacle se déroulant dans un décorum rouge et éclatant de

Avec la formule Art et Buffet, que demander de plus ? Un magnifique concert suivi d’un apéritif délicieux ! Mettant à l’honneur les compositeurs Haydn et Mendelssohn par le bicentenaire de la disparition du «père classique» et la naissance du «classique des romantiques», les Musiciens d’Hélios, ici en formation trio, ont su magnifier par leur talent et le choix des œuvres ces deux grands compositeurs. Florence Cabrita au piano, Noël Cabrita dos Santos au violon et Yannick Carlier au violoncelle nous ont rapidement mis en appétit avec le Trio Hb 18 en la majeur de Haydn. Délicats, galants et subtils, les deux premiers mouvements scintillent dans la belle salle voutée grâce au jeu raffiné des interprètes, alors que le final virevoltant aux accents populaires conclut brillamment la partie «classique» de ce concert. Place maintenant à un chef-d’œuvre du romantisme : le Trio en ré mineur de

Musiciens d'Helios © X-D.R.

Mendelssohn. Passionnée, fougueuse, agitée, cette pièce est incroyable et il faut un sacré talent pour la servir convenablement. Les difficultés techniques sont nombreuses, notamment au piano dont la partie se révèle plus que virtuose. Le thème chanté au violoncelle dès l’entame de l’œuvre, si large et si lyrique, nous installe d’emblée dans un pathos enivrant intense propre au courant romantique. Après cette superbe première partie, rendez-vous le 13 février pour le Second trio de Mendelssohn avec les mêmes musiciens. FRÉDÉRIC ISOLETTA

L’orchestre philharmonique du Pays d’Aix poursuit sa tournée jusqu’au 1er fev (voir page 38). Le concert prévu à Venelles le 9 janv est reporté au 22 janv.

jeux de lumières créé par Noël Lemaître. Cet enthousiasme, tant pour la musique pure que pour les chorégraphies d’Eric Belaud, interprétées par les danseurs de l’Opéra d’Avignon, réjouit et permet d’affirmer que, la musique classique de proximité a encore un avenir, et que, l’OLRAP, toujours en mauvaise posture judiciaire, doit demeurer l’orchestre merveilleux qu’il est, et continuer à faire vibrer les salles de concerts de la région PACA. ! CHRISTINE REY

Bel canto à l’Apéro C’est autour du bel canto que s’est déroulé, le 17 janvier à l’OpéraThéâtre d’Avignon, le premier Apér’opéra de l’année 2009 : ce concert lyrique, accompagné au piano par Nino Pavlenichvili, nous a permis de découvrir les voix prometteuses des jeunes sopranos Joanna Malewski et Bénédicte Roussenq dans des airs extraits d’opéras de Rossini, Verdi, Donizetti et Puccini, ainsi que celle, puissante et théâtrale, du baryton Mamuka Lomidze dans Verdi. Le duo qu’il interpréta brillamment avec

Bénédicte Roussenq «O il signore vi manda, compar Alfio» de l’opéra Cavalleria Rusticana de Mascagni fut très applaudi et le baryton Zheng Zhong Zhou, déjà connu du public avignonnais et toujours très bien accueilli, fit une belle prestation dans Verdi. Ces jeunes artistes, qui finissent leur formation de solistes au CNIPAL, et se produisent plusieurs fois par an à Toulon, Marseille ou Avignon, sont toujours passionnants à entendre chanter ! CHRISTINE REY


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MUSIQUE

CONCERTS

Lyrique Bel canto

… et ponyme !

CNIPAL

Vincenzo Bellini (1801-1835) avec Norma ou La Sonnambula a fait triompher le «beau chant» romantique italien. Malgré une vie brève, le compositeur a composé quelques autres chefs-d’œuvre, dont peut-être le premier du genre, Il Pirata en 1827, narrant les amours contrariées et tragiques de la sicilienne Imogène pour le pirate Gualtiero. Pour cette nouvelle production, Fabrizio Maria Carminati, dirige la soprano Ángeles Blanca Gulín et le ténor Giuseppe Gipali dans une mise en scène de Stephen Medcalf explorant «toute la riche ambiguïté» des personnages.

Au bord de l’Étang de Berre, l’Opéra éclaté représente une version allégée, avec dialogues parlés, de l’ultime chef-d’œuvre d’Offenbach, Les Contes d’Hoffmann. Dominique Trottein dirige 9 solistes, 10 choristes et 23 musiciens. La mise en scène d’Olivier Desbordes présente une gigantesque table évoquant des séances de spiritisme, sur le plateau duquel Isabelle Philippe, Jean-Claude Sarragosse ou Andrea Giovannini ont séduit lors de la création à Saint-Céré l’été dernier.

Pour entendre les voix de demain formées à l’école lyrique basée à Marseille, on se rend à «l’ Heure du Thé» (les 22 et 23 janv. à 17h15 - Opéra de Marseille) à l’«Aper’Opera» (le 14 fév. à 17h - Opéra d’Avignon) ou à «L’Heure Exquise» (le 20 fév. à 19h - Opéra de Toulon

MARSEILLE. Le 17, 20 et 25 fév. à 20h, le 22 fév. à 14h30. Opéra. 04 91 55 11 10 - http://marseille.fr

MusicaNîmes L'amour Sorcier de Falla dirigé par Jean-François Heisser (le 29 janv) et récital de la jeune pianiste Sofya Gulyak (le 7 fév). NÎMES. 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

Deux font «Les Contes» Sur les bords du Rhône, Raymond Duffaut affiche la production des Contes d’Hoffmann créée à Metz en 2005 et mise en scène par Eric Chevalier. L’action s’y déroule dans le cadre unique d’un foyer de théâtre à l’italienne où les personnages s’invitent dans le délire narratif du poète. Jonathan Schiffman dirige Mélanie Boisvert, Michelle Canniccioni, Patricia Fernandez, Gilles Ragon, Nicolas Cavallier, Caroline Fèvre… AVIGNON. Le 25 janv. à 14h30 et le 27 janv. à 20h30 Opéra-Théâtre. 04 90 82 81 40 www.mairie-avignon.fr

MARTIGUES. Le 23 janv. à 20h30 et le 25 janv. à 15h. Les Salins. 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

«Je crois entendre encore…» Les amoureux des grandes voix connaissent la «Romance de Nadir», l’un des plus beaux airs écrits pour un ténor. On entend dans ce rôle un soliste très prometteur, Jesus Garcia. Pour cet autre chef-d’œuvre de Bizet, Les pêcheurs de perles (une production qui a fait ses preuves à Avignon, Tours et Metz), il est accompagné par le formidable baryton Jean-François Lapointe (Zurga) et la jeune soprano Kimy Mc Laren (Leïla). La mise en scène orientaliste est signée Nadine Duffaut et la direction musicale assurée par Claude Schnitzler (les 30 janv. et 3 fév. à 20h, le 1er fév. 14h30).

«On a l’béguin…» … pour l’opérette L’Auberge du Cheval blanc (1930) de Benatzky, modèle du genre léger et «swing», créée dans la mise en scène de Jacques Duparc en Avignon il y a un an. (le 14 fév. à 20h et le 15 fév. à 14h30). TOULON. Opéra. 04 94 92 70 78 www.operadetoulon.fr

Musique de chambre Stars de demain Le Quatuor Ebène (voir p 41) a en quelques années acquis une réputation hors normes qui fait d’eux l’un des quatuors à cordes les plus demandés au monde. Nouvellement nominés aux prochaines «Victoires de la Musique», ces quatre jeunes Français reprennent à la scène le programme somptueux de leur dernière galette : les Quatuors de Ravel, l’op.10 de Debussy et l’op. 121 de Fauré. Du bonheur ! MARTIGUES. Le 1er fév. à 16h Théâtre des Salins. 04 42 49 02 00 - www.theatre-des-salins.fr BRIANÇON. Le 3 fév. à 20h30 Théâtre du Cadran. 04 92 25 52 52 - www.ccbrianconnais.fr

Clavecin & trio Après un récital de l’éminent claveciniste Pierre Hantaï dans Couperin (La Forqueray), Scarlatti (Sonates) et Bach (Suite française et Concerto italien) ou Byrd (le 3 fév.), on attend un fameux trio de solistes. David Guerrier (cor), Nicolas Dautricourt (violon) et Bertrand Chamayou (piano) jouent des pages romantiques de Schubert, Schuman et Brahms (Trio op.40) et le Trio op. 70 de Ligeti (le 17 fév.). MARSEILLE. Société de Musique de Chambre Concerts à 20h30 à la Faculté de Médecine. Adhésion Espace Culture - 04 96 11 04 60

Dialogues et création

Baroque Clavecin

Troubles italiens

Christine Lecoin (clavecin) joue un programme François Couperin intitulé Ornements royaux.

Anne Périssé dit Préchacq, (soprano), Anne-Garance Fabre dit Garrus, (violoncelle baroque), Isabelle Chevalier (orgue et clavecin) et Lambert Colson, (cornet à bouquin) jouent et chantent Barbara Strozzi (1619-1677) et… Scelsi (1905-1988).

MARSEILLE. Le 7 fév. à 18h - Urban Gallery au 37 cours F. Roosevelt (places limitées) 04 91 64 03 46 - http://www.baroquesgraffiti.com ou http://christinelecoin.free.fr

Festes, tambourin & Dames chantantes Les Festes d’Orphée propose L’Italie du XVIIe siècle : un Florilège instrumental de Canzones, Chaconnes, Passacailles, Toccatas, Ricercars... signés Frescobaldi, Merula, Falconiero, Fontana, Cima... (le 30 janv. à 20h30). L’académie du Tambourin de Maurice Guis présente des Musiques de danses du Moyen-Âge : Estampies et Danses royales du XIVe siècle sur flûtettambourin, vielle et psaltérion (le 10 fév. à 19 h). Le Chœur de Dames (dir. Guy Laurent) incarne L’art du chant des Dames religieuses (le 17 fév. à 20h30). AIX. Chapelle des Oblats. Festes d’Orphée 04 42 99 37 11 - www.orphee.org

MARSEILLE. Le 30 janv. à 20h30 à La Magalone 04 91 39 28 28 - www.citemusique-marseille.com

Si l’on se réjouit à l’annonce de ces «Cantiques d’amour», où Liszt et Schubert répondent à Verlaine ou Lamartine, joués à deux voix par la pianiste Brigitte Engerer (voir p 40) et le comédien Daniel Mesguish (le 23 janv. à 20h30), on est intrigué par un duo rare : l’alto de Christophe Desjardins et les percussions de Daniel Ciampolini mêlent Gabrieli, Carter, Berio et créent mondialement un nouvel opus de Philippe Hurel (le 1er fév. à 11h). ARLES. Chapelle du Méjan. 04 90 49 56 78 www.lemejan.com

Mozart franc-maçon

Beethoven

Poursuivant l’exploration de l’univers mozartien dans une optique «dix-huitièmiste», l’ensemble de Jean-Paul Serra (clavecin) présente des transcriptions d’Opéras maçonniques. Il est accompagné, pour des extraits de La Flûte enchantée (certes !), mais aussi de Zoroastre (mais oui… Sarastro !), de Jean-Philippe Rameau, par Caroline Gerber au violon, Agustina Merono à la viole de gambe et Jean-Christophe Deleforge au violone.

Jean-François Heisser (piano), François-Xavier Roth (flûte) et François-Marie Drieux, (violon) jouent des Sonates de Beethoven.

AIX. Le 5 fév. à 12H30 & 18h30 au musée des Tapisseries MARSEILLE. Le 6 fév. à 20h30 à la bastide de la Magalone 04 91 64 03 46 - www.baroquesgraffiti.com

AIX. Le 27 janv. à 20h30 au G.T.P. 04 42 91 69 69 - www.legrandtheatre.net

Première avignonnaise Pour sa première prestation dans la cité papale, le Quatuor Rasamunde interprète Debussy (Quatuor en sol mineur op. 10) et Schubert (Quatuor n°15 en sol majeur op. 161). AVIGNON. Le 30 janv. à 20h30. Opéra-Théâtre 04 90 82 81 40 - www.mairie-avignon.fr


39 Symphonique

Contemporain «Quindici anni…»

Perspectives historiques

De Mozart à Beethoven

Comme Despina dans Cosi fan tutte, l’Ensemble Télémaque chante ses quinze ans dès janvier 2009. Après son Portrait composé sur L’Ecole de Vienne (le 23 janv à 19h), on retrouve la formation de musique contemporaine pour un nouveau Portrait à la Bibliothèque Gaston Defferre. La Symphonie de chambre de Schoenberg est mise «en regard de la jeune génération» et des opus de Tristan Murail, Philippe Narboni et Nicolas Bacri (le 17 fév. à 19h - entrée libre sur réserv. 04 91 08 61 00). Raoul Lay dirige aussi sa propre musique conçue pour le fascinant conte La Mort Marraine de Grimm. Le jeu fin de la comédienne Julie Cordier et la facture moderne d’une partition qui illustre à souhait l’univers onirique du récit, fondent le succès d’un spectacle proposant de nombreux niveaux de lecture… et qui ravit pitchouns (dès 8 ans) et grands ! (le 30 janv. à 19h - Cité de la musique). Les musiciens proposent derechef la belle invitation à la découverte d’Olivier Messiaen. Un récital qui tourne depuis un an avec succès ! (le 8 fév. à 17h à l’église de Venelles).

La session de février des Rencontres Musicales du Mourillon se compose de quatre concerts autour du thème «le Passé dans le Présent». Le principe intéressant et «pédago» de mettre en regard une écriture du passé et une pratique née après 1950 est illustré par des trios et duos composés de viole, saxophone, percussions ou clavecin, piano ou clarinette, violoncelle ou violon. Bartok, Vivaldi, Milhaud et Charlie Parker, Marin Marais et John Gordon Armstrong sont ainsi mis en perspective.

François-Xavier Roth dirige l’orchestre Les Siècles dans la fameuse 40e symphonie de Mozart et accompagne Jean-François Heisser au piano pour le 1er Concerto de Beethoven encore ancré dans la tradition toute récente du Salzbourgeois (le 28 janv.). Après que l’Orchestre Philharmonique du Pays d’Aix et son nouveau chef Jacques Chalmeau achèvent leur tournée départementale avec la 7e Symphonie de Beethoven (le 1er fév. à 17h - entrée libre dans la limite des places disponibles), c’est au tour de l’Orchestre du Théâtre des Champs-Élysées dirigé par Christian Zacharias de jouer la 95e symphonie de Haydn et d’accompagner la jeune Mojca Erdmann (soprano) dans des Airs de concert de «Wolfi» (le 3 fév.).

04 91 39 29 13 www.ensemble-telemaque.com

La rétrospective signée Agnès Mellon, collaboratrice de Zibeline et photographe de l’Ensemble Télémaque, est à découvrir dans le Hall de la Cité de la Musique jusqu’au 2 fév (voir p 52).

Spectacles & récitals Le mythe Satie Le pianiste Alexandre Tharaud (voir p 40) s’entoure de la chanteuse Juliette (Aix), des comédiens Olivier Saladin (Gap), François Morel, du ténor Jean Delescluse et d’Eric Lesage (piano) pour un spectacle mêlant les textes savoureux et l’inaltérable musique d’Erik Satie GAP. Nuit Erik Satie le 9 fév. à 20h30 La Passerelle. 04 92 52 52 52 - www.ville-gap.fr AIX. Spectacle Gymnopédique le 10 fév à 20h30 Grand Théâtre de Provence. 04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net

Suivre Boris… Après Avignon et Aix (au G.T.P le 22 janv.), le phénoménal pianiste Boris (voir p 40) retrouve Beethoven (Appassionata), Schubert (Fantaisie Wanderer) et Liszt (Sonate en si mineur) au pied du Faron. À bon mélomane varois… salut ! TOULON. Le 27 janv. à 21h. Palais Neptune. Festival de Musique de Toulon et sa Région 04 94 93 55 45 http://musiquetoulon.pagespro-orange.fr

Chinoiseries 35 artistes de l’Académie Nationale de Tianjin font découvrir l’Opéra de Pékin. MARTIGUES. Le 13 fév. à 20h30 et le 14 fév. à 20h Théâtre des Salins. 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr GAP. Les 17 et 18 fév. à 20h30. - La Passerelle. 04 92 52 52 52 - www.ville-gap.fr

LE MOURILLON. Du 12 au 15 fév. à 20h30 Eglise St Jean Bosco. 06 64 11 00 62 réserv. et programme sur http://accordsenscene.free.fr

On s’allonge ! La 7e édition du festival Trans’électroacoustique propose toujours ses concerts de musique acousmatique à suivre allongés sur des transats. Cette saison invite à entendre Stockhausen, Risset, Natasha Barret… avec pour point d’orgue une rencontre /débat sur les musiques concrètes & électroniques suivie de la création intégrale de Birds / Sounding Landscapes / Spaces of Mind de Daniel Teruggi (le 5 fév. à partir de 19h). MARSEILLE. Du 28 janv. au 13 fév. à 19h30. Atelier studio du Gmem. 04 96 20 60 10 www.gmem.org

AIX. Concerts à 20h30 au Grand Théâtre de Provence (sauf 1er fév.) 04 42 91 69 69 - www.legrandtheatre.net

Braley & Rösner L’Orchestre Philharmonique de Marseille dirigé par Thomas Rösner joue l’Ouverture de L’isola disabitata de Haydn, La Nuit transfigurée de Schoenberg et se joint au pianiste Franck Braley pour le Concerto n°21 de Mozart. MARSEILLE. Le 1er fév. à 17h à l’auditorium du Pharo 04 91 55 11 10 - http://marseille.fr

L’autre Capuçon

L’O.L.R.A.P. dirigé par Jonathan Schiffman joue Brahms (Variations sur un thème de Joseph Haydn), Lutoslawski (Variations symphoniques) et soutient, Effarant Farré après le passage de son frère Renaud (violon) à On ne présente plus Jean-Paul Farré et ses «one man Marseille, le violoncelliste Gautier Capuçon dans le shows» burlesques parodiant l’univers de la musique Concerto en si mineur de Dvorak. classico-contemporaine… AUBAGNE. Les douze pianos d’Hercules le 30 janv à 21h. Le Comœdia. 04 42 18 19 88 - www.aubagne.com

AVIGNON. Le 5 fév. à 20h30 Opéra-Théâtre 04 90 82 81 40 - www.mairie-avignon.fr

JACQUES FRESCHEL

Autour des quatre saisons La Suite Tango est un Concert-spectacle basé sur Les Quatre Saisons d’Astor Piazzola avec les musiciens de Tango Quattro et deux danseurs (le 5 fév à 20h). Avec le même thème (et pour les pitchouns), l’Orchestre et les classes de Danse du Conservatoire Darius Milhaud, dirigés du violon solo Michel Durand Mabire, créent un spectacle musical et chorégraphique conçu autour de l’opus éponyme de Vivaldi sur une histoire de Claude & Frédéric Clément « Le luthier de Venise » (le 7 fév à 17h et le 8 fév à 15h –dès 5 ans) AIX. Théâtre du Jeu de Paume. 04 42 99 12 12 www.concertsdaix.com

La bande à Cocteau Le pianiste et conteur Edouard Exerjean présente un spectacle littéraire et musical intitulé : Jean Cocteau et ses musiciens. CARRY-LE-ROUET. Le 10 fév à 20h45 Espace Fernandel 04 42 45 09 85

Gautier Capucon © X-D.R.


40

MUSIQUE

DISQUES

Fauré magnifié

B.O. pour Bébel

Depuis sa création, le chœur de chambre Accentus s’attache au répertoire vocal des XIXe et XXe siècles. Sa chef Laurence Equilbey apporte un soin particulier au choix des voix, au mixage des timbres qu’elle modifie de façon subtile selon le répertoire abordé. Accentus est composé d’un savant échéancier de timbres, plus ou moins légers, lyriques, vibrés ou «droits»... Pour donner à la musique française sa transparence, sa profondeur, Equilbey s’appuie sur des techniques germanique et scandinave : le chœur s’y est abondamment abreuvé. Grâce à ce «background» exigeant pour la ligne de chant, le souffle, le passage des registres, elle parvient à donner du cuivre, de la cavité à ce répertoire comme dans son dernier enregistrement du Requiem de Fauré (et du Cantique de Jean Racine) avec l’Orchestre National. Cette version «de chambre» originelle marie sobriété et lyrisme, des lumières diaphanes à un indispensable pathos dans l’expression.

Philippe Rombi, qui a fait ses premières armes au Conservatoire de Marseille, fait partie de la nouvelle génération des compositeurs spécialisés dans la musique de film. Jadis des compositeurs «savants» s’y sont employés : Honegger, Auric, Prokofiev… Puis le métier s’est établi avec Morricone, Rota, Jarre, Legrand… Rombi, fidèle du cinéaste François Ozon, a aussi signé la jolie B.O. de Joyeux Noël… et récemment celle des Ch’tis ! Parallèlement à la sortie d’Un homme et son chien de Francis Huster (remettant en selle Jean-Paul Belmondo après son accident vasculaire cérébral en 2001) paraît également la B.O. du film. On sait l’importance de la musique au cinéma : elle peut relever l’œuvre comme l’affadir ! Ici la palette classique, mélancolique et flottante qui se dégage des compositions pour piano, flûte, orchestre séduira ceux qui voudront prolonger l’émotion de la salle.

Berezovky défend Medtner Si Boris Berezovsky brille dans les pages romantiques du répertoire des forçats du clavier, il excelle également dans le cadre intime de la musique de chambre. Ici, il se fait le défenseur de Nikolaï Medtner (1879-1951), compositeur assez peu joué, voire controversé car sa musique est souvent jugée difficile d’accès. Ce Russe d’origine allemande fut un éblouissant pianiste à l’instar de ses illustres contemporains Rachmaninov ou Prokofiev. Berezovsky grave ses Contes pour piano et des mélodies, qui sont vraiment très abordables. On découvre des pièces pour piano solo éclatantes et poétiques, qui alternent avec de puissants chants en russe et en allemand (par Yana Ivanilova et Vassily Savenko). J.F

J.F

J.F.

CD Naïve V 5137

Artiste associée au Grand Théâtre de Provence, Laurence Equilbey a dirigé Mozart shorts cuts les 15 et 16 janvier (voir p 33) et revient en mars avec Accentus pour le Requiem de Brahms.

Reine du clavier En plus de la bête à concours qu’elle fut à ses débuts (Lauréate des «Marguerite Long» à Paris, «Tchaïkovski» à Moscou et «Reine Elisabeth» de Belgique !) Brigitte Engerer s’est forgé une réputation de concertiste sans faille dans les grands concertos romantiques. C’est aujourd’hui l’une des plus grandes pianistes du monde. Dans les Concertos n°2 & n°5 «L’Egyptien» de Saint-Saëns, qu’elle grave pour le label de René Martin avec l’Ensemble Orchestral de Paris (dir. Andrea Quinn), elle a des doigts à revendre (et il en faut pour les opus du virtuose qu’était SaintSaëns) ! Mais la Française n’est pas qu’une machine à sons. Si elle déploie un brio époustouflant dans les allegros, les mouvements lents chantent divinement, la sonorité est pleine, les couleurs variées, lumineuses, sensibles... Un témoignage d’une artiste au sommet ! JACQUES FRESCHEL

CD MIRARE 059

CD Zig-Zag Territores ZZT 090105

Après son récital en Avignon, Boris Berezovsky se produit à Aix le 22 janv. et Toulon le 27 janv. (voir p 39).

Le film Un homme et son chien est sorti en salle le 14 janv.

Indispensable Satie Pas du pipeau ! Les enregistrements d’Alexandre Tharaud sont de petits bijoux : des Suites de Rameau et pièces de Couperin initialement prévues pour clavecin, au piano de Ravel et aux Préludes de Chopin, ses galettes ont été saluées par la presse spécialisée et connu un succès public. Le double CD consacré à la personnalité attachante et excentrique d’Eric Satie ne déroge pas à la règle. En solo, Tharaud passe avec intelligence, sensibilité, humour et bon goût, des Gnossiennes aux Avant dernières pensées, des Valses distinguées du précieux ridicule ou des Embryons desséchés aux Gymnopédies… En duo, à quatre mains avec Eric Le Sage (Morceaux en forme de poire) ou accompagnant la soprano Isabelle Faust (Je te veux), le ténor Jean Delescluse et le trompettiste David Guerrier, Alexandre Tharaud transforme l’essai et se situe, du coup, dans la sphère du modèle Ciccolini. Indispensable !

Dorothée Oberlinger est de celle qui convainc les plus réfractaires à un instrument qui perça (et perce encore !) les oreilles de jeunes têtes blondes et brunes (et de leurs professeurs !) en cours d’éducation musicale au collège. Cette interprète est aujourd’hui l’une des plus grandes virtuoses de la flûte à bec, ce «bois» qui fut très prisé à l’époque baroque. Oberlinger et son Ensemble 1700 de Cologne, interprètent avec panache et élégance des Sonates avec basse continue, Sonates en trio et une Fantaisie pour flûte seule de Telemann. Le plus souvent à l’alto, dans un style ornemental clairement articulé, ses phrasés s’avèrent jubilatoires et son chant savoureux. Une véritable Paganini de la flûte… et c’est pas du pipeau ! J.F

J.F

CD MIRARE 079

On retrouve Brigitte Engerer au Méjean à Arles le 23 janv. dans un récital musical et poétique en compagnie de Daniel Mesguish (voir p 38).

2CD Harmonia Mundi HMC 902017.18

Après les Journées Satie à la Cité de la Musique à Paris, on retrouve Alexandre Tharaud pour un hommage au compositeur à Gap le 9 janv. et à Aix au G.T.P le 10 janv. (voir p 39)

CD Deutsche Harmonia Mundi / Sony 88697 397692

On a entendu dernièrement Dorothée Oberlinger lors du récital du contre-ténor Max-Emmanuel Cencic au Festival de Saint-Victor (voir Zib 14).


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Déjà grands !

Ça plane pour moi Sweet home

Le Quatuor Ebène a acquis en peu de temps une dimension fabuleuse. «Tout est parti du 1er Prix remporté au Concours International de l’ARD à Munich en 2004. Seuls deux quatuors, les Tokyo et les Artemis, l’avaient remporté avant nous…» déclarait l’altiste Mathieu Herzog en 2006. Depuis, leur calendrier de concerts s’est encore garni ! S’ils excellent dans Haydn, Bartok, Beethoven ou Brahms, leur première signature chez Virgin est un somptueux programme de musique française. Trois fleurons ! Le Quatuor en sol mineur de Debussy abonde en couleurs expressives, le celui en mi mineur de Fauré semble éthéré, quand le chef-d’œuvre de Ravel en fa majeur éclate de sensualité. Un disque formidable !

Dans la famille Laplane je voudrais…. Yves, le jazzman, le pianiste. Troisième album pour le Yves Laplane Quartet avec la sortie de Sentimental Ties et ses huit compositions originales. D’entrée nous ne pouvons être qu’agréablement surpris par la fluidité et la richesse harmonique du quatuor. Le langage n’est pas stéréotypé mais s’adapte, se roule et se transforme au gré des influences variées et complémentaires. Sur une touche romantique classique chère à de nombreux pianistes se tissent des couleurs proches de Chick Coréa ou de Michel Petrucciani. Elégants et subtils, les titres ne se focalisent pas autour du seul piano, au demeurant excellent, pour laisser tour à tour «choruser» les saxophones ou la flûte de Jean-Marc Baccarini, la contrebasse ou basse électrique de Guiseppe Crimi et les percussions (batterie et bodhran allias tambour irlandais…) de Willie Walsh. Ces multiples rencontres de timbres rendent la texture et la couleur des pièces lumineuses et inventives. Un bel alliage entre balade feutrée et swing moderne pour le plaisir de nos oreilles.

J.F.

CD Virgin 50999 519045 2 4 Le Quatuor Ebène se produit le 1er fév. à Martigues et le 3 fév. à Briançon (voir p.38)

Premiers pas dans les studios d’enregistrement, première signature avec le tout nouveau label 3e bureau et surtout premier succès pour les lavallois de La Casa. Le duo détonnant de Pierre Le Feuvre et Jeff Péculier ne devrait pas rester longtemps inconnu du public. La première galette Les trucs abîmés sortira du four pour être servie dans les bacs le 12 janvier 2009. Peu aidé par les infrastructures locales, La Casa s’est construit tout seul, au gré d’influences multiples et variées allant de Noir Désir à Gainsbourg. À vrai dire, il est difficile de classer ces chansons à texte qui s’écoutent naturellement : folk, rock, pop, cuivres, guitare ? L’univers du duo est loin d’être étroit et l’alchimie prend très vite, sans que l’on n’ait l’impression de sauter du coq à l’âne. Fluide, varié et rythmé, un balancement à découvrir ! FRÉDÉRIC ISOLETTA

FRÉDÉRIC ISOLETTA

Sentimental Ties Yves Laplane Quartet

Les trucs abîmés La Casa 3e Bureau – Wagram

Bienvenue chez lui Aussi inattendu qu’un Paris-Dakar traversant la steppe argentine, le dernier album de Ba Cissoko surprend… par son arrivée en territoire africain ! Après de nombreuses étapes, on le retrouve là où on ne l’attendait pas, sous sa vraie identité. L’enfant de Conakry a refusé de pratiquer la kora «ringarde» de sa famille de griots jusqu’à ses 14 ans. Il a ensuite pris conscience de sa force et innové en branchant son coté rebelle sur l’instrument, via des pédales de guitare wah wah. Après l’éclectique Electric Griot Land, il revient sur l’enseignement tardif de son oncle. Ce sont ses leçons, et le parcours de ces souvenirs qui se dégagent de Seno, de la nonchalance du Cap-vert sur le morceau d’ouverture à son passage en Guinée Bissau (Gambia) ou en Casamance (Music et les titres plus reggae de cet album). Mais son fidèle groupe ne peut pas se perdre dans cet itinéraire : soudés comme une famille, ils se sentent chez eux à Marseille, depuis leur découverte il y a 13 ans par les Nuits Métis. Sur la feuille de route du cd, on croise le nom de maîtres conducteurs d’autrefois, comme Kandja Kora clôturant l’album. L’ombre hendrixienne semble dépassée, tout comme les jalons électros tendus par Yvi Slan (une grande réussite) ou le penchant Dub resté sur la ligne de départ. L’invitation n’en est que plus émouvante, aux antipodes de leur dernier concert à la Fiesta des suds, où le thermomètre s’était emballé et poussait à la danse et la fête. Une façon de changer de vitesse, mais pas de braquet…

L’hystérie continue Mass Hystéria est devenu au fil de son parcours incontournable dans l’univers du métal français, rivalisant même aujourd’hui avec Lofofora, grosse pointure du genre. Cela fait en effet dix ans que les headbanger de Mass Hysteria remuent la scène métal française. Après quatre albums survoltés, arrive leur dernier opus sorti en 2007. La bande à Mouss (chanteur déjanté du groupe) continue de faire chauffer nos tympans et on aime ça ! Leur 5e album, Une somme de détail du label indépendant at(h)ome, plus hardocore et industriel que les deux précédents (tendance pop rock), est furieusement excellent. Tout au long des 13 morceaux, les MH nous transportent dans leur monde hystérique aux riffs affutés. Même à l’écoute les sonorités énergiques de Babylone, Killing the hipe (ruff style) ou une joie kamikaze nous projettent dans la boucherie du live !!! Avec cet album extrêmement entraînant et qui dévoile son lot de nouveauté, le groupe retourne à ses sources pour le plus grand plaisir des furieux de la première heure.

Pleine lune Premier opus pour les bien nommés Sire et déjà une patte rock originale qui nous annonce un bel avenir. Théâtral, le quintet parisien ? En exagérant un peu on parlerait de glam rock baroque tant les onze titres qui composent Chair memories se révèlent atypiques. Sombre : oui ; couleur cabaret : encore oui ; codes affranchis : toujours oui… Et pourtant, l’heureux mélange et alliage des styles fait alterner des ambiances contrastées où le violon de Gaëlle Deblonde dialogue avec la voix noirâtre et mélancolique de Jiben Sire. Nick Cave n’est pas loin, mais sitôt ressenti, il est déjà parti. C’est aussi ce qui fait la force de ce renouveau musical qui ne peut faire que du bien au paysage sonore français. «No limit», ce n’est pas le titre d’une chanson, juste l’empreinte esthétique qui fait corps avec le dessein de ces fans de cinéma. On pourrait d’ailleurs se croire dans une salle obscure devant un David Lynch ! F.I.

SONIA ISOLETTA

X-RAY

Séno Ba Cissoko Dist Cantos

Une somme de détails Mass Hysteria at(h)ome- Wagram

Chair memories Sire Chancy / Anticraft


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MUSIQUE

Cette 6e édition de Nuit D’hiver s’est posée sur une branche musicale où seul les artistes un peu barrés vont se percher : De l’écrit à l’improvisé Un tel festival sans limites attise la curiosité. Il se balade autour de thématiques explorant un instrument particulier, jusqu’au genre du Blues l’an dernier, avec, entre autres, des musiciens éthiopiens ! Mais «comment définir plus précisément des musiques ne se laissant réduire à rien d’aisément identifiable ?» questionne Philippe Robert dans son ouvrage sur le Rock1. Vinko Globokar y répond en jouant sur son trombone quelques notes de facture classique, avant de rapidement envahir d’autres espaces sonores distordus, avec l’aide d’un cor des Alpes par exemple, ou en raclant son instrument sur le parquet. Un défi qu’il partage avec le bruiteur-percussioniste sexagénaire Jean Michel Drouet, tels deux laborantins s’amusant à une joute audacieuse. Essayez donc de faire grincer une fourchette à spaghetti sur votre table en bois, de souffler dans votre théière ou rouler une boule de métal calée dans une cloche renversée ! Là, poétique et improvisation ne se conjuguent pas sans un certain humour : un «Continue, on sait pas où on va, mais c’est beau…» calmera finalement cette dispute théâtrale... En deuxième partie de soirée, Jean Marc Montera présente l’issue de sa résidence avec la chanteuse et guitariste Sophie Gonthier. Après la débauche de timbres inattendus, le rendu de The Room sera plus convenu, la recherche s’inscrivant ici dans un courant nowave cher à Sonic Youth : interprétation libre de guitares à effets, pour un set assez court qui a conquis un public avisé. On en redemandait, mais sans doute en option groupe, l’élément rythmique absent ici semblant le seul capable de donner plus de corps à cette audace… Quoi qu’il en soit, le créateur mène sa musique par les oreilles : Jean Marc Montera vit son festival hors des sentiers rebattus et conserve une liberté d’action dans tous ses actes. Un geste courageux en ces temps d’incertitude…

CONCERTS

De l’improvisé à l’aléatoire

Jean-Marc Montera © Pirlouiiiit - Liveinmarseille.com Sophie Gonthier © Pirlouiiiit - Liveinmarseille.com

Pour la dernière soirée de l’écrit à l’improvisé le 20 déc, le Grim s’est mué en lieu de rencontres, carrefour d’artistes et d’expressions musicales. Première confrontation ou premier tête à tête ? La pianiste Liégeoise Geneviève Foccroulle s’attaque aux pièces pour piano seul de l’américain Anthony Braxton. Composées entre 1968 et 2000, ces pièces difficiles d’exécution mettent en valeur la grande variété compositionnelle de l’auteur. Lui-même improvisateur, multi-instrumentiste et performeur, Braxton ne ménage pas l’excellente pianiste (sœur du directeur du festival d’Aix, voilà un autre type de rencontre…) avec un jeu de mains extrêmement percussif, des détours jazzy ou avant-gardistes proches de Jean Michel Drouet et Vinko Globokar © Pirlouiiiit - Liveinmarseille.com

l’improvisation. À la limite de la performance et du sport, exigeant parfois de jouer des coudes, certaines partitions sont des œuvres ouvertes laissant une part de détermination à l’interprète, qui choisit l’ordre des séquences tout en devant décrypter le codage établi par le compositeur sur une page totalement graphique. Chapeau ! Cette période aléatoire, mi-écrite miimprovisée, Joëlle Léandre l’a bien connue. Simplement et sans chichi, elle est venue présenter son livre2, creuset de rencontres musicales ou journal témoin d’une musicienne qui fait voler les barricades. Elle se met alors à tout dire façon impro : sa contrebasse à trimballer, sa rencontre avec Cage, sa boulimie discographique (plus de 90 enregistrements !)… Elle ne s’arrête plus alors que les Aixonoéspanic et Sebastia Jovani sont fins prêts à en découdre. C’est normal, «l’artiste est une machine à exprimer, à inventer». Bien dit ! FRÉDÉRIC ISOLETTA

X.RAY

Concert du 18 déc au GRIM, pour le Festival Nuit d’hiver 1 Philippe Robert : Rock, Pop, un itinéraire bis… éd le Mot et le Reste

Concert du 20 déc au GRIM, pour le Festival Nuit d’hiver 2 À voix basse, entretiens avec Joëlle Léandre par Franck Medioni, éd MF.


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Un beau cadeau ! En mai 2007 sortait le CD de Christian Brazier, Sazanami, sous le label CELP et distribué sur le site www.allumesdujazz.com. Haïkus musicaux de contrebasse solo, ponctués de pièces courtes pour trio de cuivres avec Philippe Renault, Bastien Balloz (trombones) et Christophe Leloil (trompette). À recommander vraiment aux amoureux de contrebasse ! Avec ce compositeur très prolifique, les fidèles du Moulin à Jazz de Vitrolles se sont vu offrir en ce mois de décembre, propice aux étrennes,

la nouvelle création Circumnavigation. La mer est très présente dans l’imaginaire de Christian Brazier. Il décide avec sa nouvelle formation de nous faire explorer de nouveaux rivages, avec un jazz apaisé, mélodique, très construit, qui laisse pourtant sourdre une grande liberté. Un très beau cadeau distribué par d’excellents musiciens : René Perez Zapata (piano), Jean-Luc Di Fraya (batterie/chant) et Christophe Leloil (trompette+bugle). Le célèbre navigateur Bernard Moitessier a été

évoqué : alors qu’il était sur le point de franchir la ligne d’arrivée du premier tour du monde à la voile en 1969, celui-ci choisit de poursuivre sa route «parce qu’il est heureux en mer, et peut-être aussi pour sauver son âme.» Christian Brazier enregistre son prochain CD cette année. À cet homme discret, roi de l’évasion sensitive, souhaitons en ce début d’année nouvelle tout le succès qu’il mérite. Dan Warzy

© Gerard Tissier

Circumnavigation, du Christian Brazier Quartet, a eu lieu au Moulin à Jazz de Fontblanche à Vitrolles le 13 déc lors de la. 10e édition de Nuit des Scènes Jazz

Christian Brazier © Gerard Tissier

Encore un festival à la dérive…

Sayon Bamba : Mod’vakance Loin des fausses galères du Vendée Globe, c’est l’abandon de tout soutien financier qui a provoqué le quasi-naufrage du Margose Festival en rade de Marseille Pas besoin de creuser le sol de Guinée pour en extraire sa richesse, il suffit de pousser la porte du Tankono et y rencontrer Sayon Bamba, revenue du pays avec un album éclatant, une programmation pleine d’espoir, et de l’énergie à revendre. «Ce lieu c’est l’association de quatre personnes, et c’était pour moi le rêve d’avoir un cabaret africain, permettant la rencontre d’artistes comme les scènes ouvertes du jeudi, tout en étant exigeant, pas comme ces petites scènes qui s’inventent des spectacles qui sont un peu de l’arnaque.» Une seconde carrière pour cette chanteuse, marseillaise depuis 11 ans, et dont le déclencheur a été Miriam Makeba durant l’intermède d’un match de boxe à Conakry : «Cette voix, ces yeux, le combat de cette femme au milieu de ces hommes…» Vraie passerelle entre les deux pays, Mod’Vakance

donne un élan communicatif et s’oppose à la misère politique de son pays, aujourd’hui sans président... «J’avais envie de dire les choses làbas, car je veux que la femme sorte du silence si elle ne l’a pas choisi, qu’elle s’exprime. Je n’ai pas peur que l’on me juge comme une femme à ne pas fréquenter.» Son album soigné (évident dans Sadjo, le meilleur morceau) et complet (cornemuses et mandolines se mêlent

à la tradition) est dédié «aux personnes qui ont vu en moi un être humain plutôt qu’une femme.» Elle l’a concocté avec Abdoulaye Kouyaté du Circus Baobab de Marseille, «qui faisait déjà partie de mon premier groupe Sobé», et Riad Challoub, ancien du Bembeya Jazz National : «une référence musicale, qui m’a beaucoup conseillée, et rappelé ce que nous les jeunes avons tendance à oublier»… X-RAY

La programmation du Tankono (9 rue des trois Mages) en février est consacrée à la pensée noire et l’esclavage 06 43 21 54 29 http://tankono.online.fr

Rageant, surtout quand on sait ce que cela aurait dû donner avec Moktar Samba, David Linx, Sylvain Luc ou Richard Bona. Seuls les rescapés d’Urban Kreol ont pu exprimer leur métissage autour d’un projet scénique acoustique très abouti. Gérald Toto, l’initiateur de cette rencontre, accompagnait David Walters, issu de la nouvelle scène locale électro-world. Unis par le rythme reggae, caraïbéen lui aussi, la chanteuse Sandra Nkaké (sans son groupe mais avec sa beat box) les a précipités sur des hauteurs de voix et des prouesses de rythme avec un talent tout naturel. Quant au guitariste jamaïcain Chinna Smith, il a été contraint d’abandonner son set acoustique au Poste à Galène, devant un brouhaha de gens sans écoute… Marseille connaît trop souvent ces galères, un public mal informé, des collectivités territoriales non concernées, des structures maladroites et inquiètes qui se débrouillent. Pourtant Christian Ortolé reste motivé : «La joie et la sérénité partagées à cette occasion valent la peine de pérenniser cette expérience passionnante.» Larguant les amarres vers le Brésil, il compte sur une nouvelle date de soutien en avril. X-RAY


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MUSIQUE

CONCERTS

Voyage d’hiver Parcourir l’hiver glacial sans écouter au chaud un bon concert de rock c’est un peu comme aller à Dieppe sans voir la mer ! L’hiver sera chaud à l’Espace Julien avec la présence des Stranglers (26/1), échauffement nécessaire avant la venue des brutaux Kreator (2/2) dans un mois de février qui s’annonce métal du côté du cours Ju : Gojira + Trepalium (5/2) et ETHS (20/2). Température plus clémente en Arles avec l’accordéon de Zaza Fournier (30/1), l’électro funk de Benjamin Diamond (31/1), le blues marseillais de Moussu T e lei Jovents (6/2) et les psychedelectro Kid Loco (7/2) au Cargo de Nuit. Possibilité de se détendre en écoutant le chanteur pop rock Murray Head (5/2) au Pasino à Aix et de participer au retour d’Oasis (18/2) au Dôme. Retour à Marseille ? Alors direction La Meson pour

le festival Autour du piano (30/1 au 1er/2) histoire de se réchauffer au son de l’Henri Florens Trio, d’halluciner devant Nicolas Cante tout seul et de swinger pour un Bœuf autour du piano. Si vous êtes du quartier, le festival Cordes sans cible, deuxième du nom, prendra la suite du clavier (19/2 au 22/2) dans un registre plus éclectique avec de l’impro (Duo Deschepper/Luci), du Yddish Kabyle (Trio Ziad/Galeski/Boukerou), de la musique contemporaine (Duo Croquetas) et du traditionnel (Takht Khasif). Du côté du Poste à Galène le pop rock se porte bien avec Stanley Brinks (22/1) et Marie Modiano (20/2), et nous réserve une petite surprise néo-sixties avec les suédoises The Bombettes (31/1). FRÉDÉRIC ISOLETTA

Kreator © X-D.R.

Prescriptions supplémentaires…

Herve Lapalud ©Francis Vernhet

Si vous êtes un mordu du son actuel, ou porteur de virus musical, quelques remèdes pour vous aider à passer un début de saison plutôt frisquet. Entouré par la famille Ayo-Patrice, puisque ce dernier sera à l’Usine à Istres (19/2) un mois après sa femme au Dock des Suds (20/1), nos oreilles frileuses se réchaufferont au Tonkono, à l’heure brésilienne

avec le Tropical Swing (24/1). Les anciens retrouveront la mémoire à Salon-de-Provence, avec dans Hopla quelques fers de lance du Punk français, comme OTH et les Sheriffs, (07/2 au Portail Coucou), et les autres le sens du rythme, avec la famille Benhamou alias Al Benson Jazz Band (29/1) au Paradox. Vos zygomatiques vont se détendre avec Thomas Ngijol, revenu des plateaux de Canal + pour nous présenter un show «à la Michael Jackson» (24/1 à l’Espace Julien). Attention à l’arrêt cardiaque, si vous arrivez en retard au concert de Kéziah Jones (31/1 au Dock des Suds) car vous rateriez Krystle Warren, et sa guitare, et c’est un peu comme un feu de cheminée, évident et magique à chaque fois… Pour les frileux, l’Expresso Blues Band vous servira un café bien serré, à l’italienne (24/1, toujours au Portail Coucou) et on sortira la bouteille de vin cuit pour accueillir «chez elle» La Rubia, célèbre danseuse de Flamenco, qui trouvera plus d’Espace sur la célèbre scène du Cours Julien (le 13/2), que

lors de son passage à la Meson. Attention aux boissons anisées avant le concert de Moussu T et ses Jovents, (le 3/2 à Aubagne, ou le 6/2 en Arles), ainsi qu’aux «Energy drinks» pour supporter le set electro de Benjamin Diamond (Cabaret Aléatoire le 30/1, et le lendemain en Arles, au Cargo de Nuit). Plus traditionnel ? Y’a de la chanson dans l’air à la MJC de Berre L’Étang, avec Carmen Maria Vega (20/1), à celle de Venelles (avec Hervé Lapalud, le 7/2, une très bonne surprise sur scène en solo : son album invendable, confié à l’Autre Distribution, chaloupe sur un océan de vers bien sentis), et enfin, à Draguignan, aux Théâtres en Dracénie, début de la tournée pour Thomas Dutronc (20/2) qui passera ensuite à Aix et Marseille, en mars et avril. En attendant plus gros poisson pour les giboulées de Mars (Festival avec le temps), on vous souhaite une bonne prise… X.RAY

Jazz aux sommets L’Altitude Jazz Festival, 3e ! Un festival qui s’étoffe et s’enrichit, et qui propose, sur trois semaines, concerts et expos à Briançon, Monêtier-les-Bains et l’Argentière-la-Bessée, à l’instigation de l’association les Décâblés, du Théâtre de Cadran et du Jazz Club de Turin. Toujours plus de jazz, et de jazz agrémenté de musique du monde, avec un festival In d’un côté, Off de l’autre, tous deux très complémentaires. Côté In, le Cadran ouvre les festivités avec le jazz pur et authentique de René Urtreger Trio (le 23 jan) ; il accueillera aussi une grande soirée d’Hommage à Léo Ferré (le 27 jan), avec, excusez du peu, Gianmaria Testa (voix, guitare), Roberto Cipelli (piano), Paolo Fresù (trompette et Bugle), Philippe «Pipon» Garcia (batterie et percussions) et Attilio Zanchi (contrebasse), et le Eliot Zigmund Planet Four (le 10 fév), l’occasion pour le batteur de renom de rendre hommage aux Stan Getz, Lee Konitz, Eddie Gomez ou

Michel Petrucciani qu’il a accompagné sur scène. Il faudra aussi compter sur le Hadouk Trio (le 12 fév) et Etienne Mbappe (le 31 jan) salle du Dôme à Monêtier, ou encore Marimbanda (le 14 fév au Casino Barrière à Briançon). Côté Off, les bœufs seront de rigueur un peu partout dans les restaurants, bars et stations du Briançonnais, où les concerts se succèderont sur les grandes et petites scènes. Sans compter que vous pouvez aussi en profiter pour descendre quelques pistes : jazz et ski ne sont pas incompatibles ! Do.M.

Altitude Jazz Festival du 22 jan au 14 fév Briançon (05) 04 92 21 08 50 www.altitudejazz.com

F a Leo, soirée hommage à Leo Ferré © Caselli Nirmal


CONCERT | AGENDA

MUSIQUE

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Rock’n’roll, baby !

2013 le 13/2

Toujours très présente dans les spectacles de l’Atelier du Possible (Parade, La Vie qui va…), la musique sera au centre de la nouvelle création de la compagnie, dont Bernard Colmet assure la direction artistique. Il met en scène My g.g.generation, sorte de documentaire live sur l’histoire du Rock’n’roll, depuis sa naissance au début des années 50, et jusqu’à la fin des années 70. Ils y passeront tous, les Dylan, Beatles, Rolling Stones, Led Zeppelin et autres Jimi Hendrix, dont on entendra les chansons, les musiques, originales ou réarrangées par Gilles Maugenest et Cyrille Martial. Entre performance théâtrale et concert, My g.g.generation mêle musique, textes (avec des textes courts commandés à Dominique Duby, Loiseau et Paul Fructus sur des thèmes qui balayeront rock et

Tout juste sorti de scène le 16 janv au Poste à Galène, où le volatile nous présentait son album sorti au printemps), Jo Corbeau nous dévoile qu’une délégation du nom de RAMA va faire parler d’elle. Le Rassemblement Artistique et Musical d’Aubagne organisera un événement autour de la Culture, et inversant les rôles et les dates, présentera dans de multiples ateliers des questionnements et des réponses à ceux qui s’interrogent sur les effets et le pouvoir d’une manifestation comme Marseille Provence 2013. Rassemblant tout ceux qui se sentent à l’écart, il y aura notamment des concerts (pour la partie reggae Sista Lanza et Toni Tonda ont répondu présent, pour y figurer avec les Salyens), des animations diverses dans les arts visuels, des rencontres associatives, un apéritif jovial et dansant, et enfin la première Dub Conference internationale, où un DJ mixera du Dub pendant toutes les interventions des acteurs invités. L’appel est ouvert à tous, pour participer et faire entendre son opinion...

société, violences et destins brisés et désillusion et fin des utopies) et images (interviews et portraits d’artistes, documents d’époques…), pour créer un univers dont s’empareront cinq musicienschanteurs dont les parcours différents (entre gospel, jazz et rock) enrichiront le propos. La tournée débute le 6 fév à La Penne-surHuveaune, puis Meyrargues le 14, Rognes le 21… Les dates s’étalent dans le département jusqu’en juillet, grâce au dispositif d’aide à la tournée mis en place par le Conseil Général 13. Ne les ratez pas !

X.RAY

R.A.M.A, le 13 fev, à la MJC d’Aubagne, Entrée libre. 04 42 18 17 17

DO.M.

My g.g.generation Atelier du possible 04 42 50 27 99 www.atelierdupossible.fr

Au programme MARSEILLE Cabaret Aléatoire : Kamelancien, Tunisiano, Olkainry, Black Marche, Non sens (23/1), Davis & May, Autistic, Nkow, Anthony Hokins, Mirak, Chap (24/1), Benjamin Diamond, Dondolo, Tcheaz (30/1), Balas Hiphop Rhythm Festival 09 (les 7 et 12/2), Philharmonique de la Roquette (11/2), R-Zac, Miss-Sy, Cyclick (13/2), Kill the Vultures, Uzi & Ari, Francklin (17/2) 04 95 04 95 09, www.cabaret-aleatoire.com

Théâtre Carpe Diem : Craies, spectacle mêlant théâtre, danse et musique (du 18 au 20/2) 06 25 33 48 34

Cité de la Musique : Entrevoir, Entre Temps par le MIM (20/2) 04 91 39 29 19, www.citemusique-marseille.com

Dock des Suds : Noche Cubana avec Sexto Sentido, Salsa caliente avec Dj Gass de Radio Latina (30/1), Keziah Jones, Krydtle Warren (31/1) Réservation au Cubaïla Café, 04 91 48 97 48

El ache de Cuba : Le bœuf, guinguette et chansons françaises (23/1), Foire aux disques, spécial vinyle (24/1), Body and soul (24/1) 04 91 42 99 79, www.elachedecuba.com

La Machine à Coudre : Zampano,

Dolipranes, Solidagite (23/1), Bardan (24/1), Antonio Negro et invités (29/1), Des Belles et des clochards (30/1), The Cavaliers (31/1), The Host, The singh (6/2), Begarsound, Les Prouters (13/2) 04 91 55 62 65, www.lamachineacoudre.com

Le Merlan : Atelier Benjamin Dupé (21/1) 04 91 11 19 28

Station Alexandre : Courts métrages avec le quintette à cordes et percussions Kataklop (13/2) 04 91 00 90 00, www.station-alexandre.org

Tankono : Josée Fernandez y Tres Notas (23/1), Tropical Swing (24/1), Tzwing (30/1), Mobilafon (6/2), Guy de Cavacco (7/2), Carte blanche à Ba Cissoko (14/2), Compagnie X (21/2) 06 43 21 54 29, http://tankoko.online.fr

AIX Le Pasino : Les Princes de l’Opérette (31/1), Murray Head (5/2), Jil Aigrot chante Piaf (20/2) 04 42 59 69 00, www.pasino-aixenprovence.com

Théâtre et Chansons : Champs érotiques de Corine Milian (31/1 et 1er/2) 04 42 27 37 39, www.theatre-et-chansons.com

AUBAGNE L’Escale : Yohanna, Usthiax (31/1), Moussu T e lei Jovents, Fatche d’eux (7/2), Dissonant nation, Smackla, The Host (20/2) 06 29 75 09 71, www.mjcaubagne.fr

AVIGNON Ajmi : Andy Emler, piano solo (25/1), Geneviève Foccroulle, piano solo (1er/2), Thomas Savy Quintet (6/2), Steeve Laffont Trio (12/2), Jobic Le Masson Trio «Hill» (20/2) 04 90 860 861, www.jazzalajmi.com

VITROLLES Moulin à Jazz / Charlie free : The Nu Band (10/1), projection du film Let’s Get Lost de Bruce Weber sur Chet Baker + Marc Perez Trio qui invite François Chassagnite (24/1), Thomas Savy Quintet (7/2), Christophe Pays Quartet «Ellipse» (14/2) 04 42 79 63 60, www.charliefree.com

COUSTELLET La Gare : NMB Brass Band, Les Mutins du Rafiot (24/1), Complément d’âme (31/1), Le Grand Lilliput Ensemble (7/2), Micromusic Festival #3 (9 au 14/2)

04 90 76 84 38, www.aveclagare.org

SALON Portail coucou : Expresso Blues Band, Carrément blues (24/1), The Hopla, Accouphen’, Howling Mad (7/2), 04 90 56 27 99, http://portail.coocoo.free.fr

CHÂTEAU-ARNOUX/SAINTAUBAN Théâtre Durance : Claire Diterzi (23/1), Kocani Orkestar (31/1), Carte blanche au Jazz club de Turin (3/2) 04 92 64 27 34, www.theatredurance.com

GAP Théâtre La Passerelle : Chet Nuneta (13/2) 04 92 52 52 52

TOULON Oméga Live : Neimo, Paingels, The Dodoz (24/1), Hip hop convict support, part 1 (31/1), Cosmik Connection, Minimal orchestra (14/2) 04 98 070 070, www.tandem83.com


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CINÉMA

BLONDINE LENOIR | PARC

Pauvre petit garçon riche ! Une avant première organisée par la Région PACA, le 15 janv, au cinéma Variétés : Parc, le dernier film d’Arnaud des Pallières, un film déroutant et énigmatique devant lequel les spectateurs oscillent sans arrêt entre désarroi et plaisir esthétique Parc est l’adaptation d’un roman de l’Américain John Cheever, paru en 1969, Les Lumières de Bullet Park. Le récit est éclaté, sans flash-back, comme s’il y avait une multitude de présents, un peu comme fonctionne la mémoire. «Le livre possédait déjà cette liberté dans la manière de raconter une histoire : nombreux monologues intérieurs des personnages, multiples récits emboîtés les uns dans les autres.» Georges Clou (Sergi Lopez) est un bourgeois, heureux dans son confort étroit, fier de la bulle qu’il s’est construite sur la Côte d’Azur, avec sa femme (Nathalie Richard) et son fils Tony. Mais grain de sable dans les rouages, cet adolescent (Laurent Delbecque) a «l’impression d’être un personnage de série télé», il se dit «triste et presque mort», alors qu’à la radio les banlieues flambent. Paul Marteau (JeanMarc Barr) est un oisif qui vient de s’acheter une maison dans cette résidence pour riches et qui choisit Clou pour crucifier l’idéal de bonheur de l’homme occidental et exécuter le plan de sa mère folle (Géraldine Chaplin).

Echange «C’est un conte cruel, comme tous les contes, avec des choses énigmatiques, un film excessif, mais je préfère l’excès au manque !», a expliqué d’Arnaud des Pallières au public qui le pressait de questions après la projection. L’échange avec la salle a été une vraie leçon de cinéma. Le réalisateur a précisé comment, pour lui, écriture, tournage, direction d’acteurs et montage forment un tout, comment écrire et monter sont des gestes similaires. Il a expliqué son travail avec son compositeur et ingénieur du son, Martin Wheeler, «en parallèle, en parlant beaucoup, et en nous laissant nous influencer l’un l’autre en permanence.» À une spectatrice qui lui reprochait une musique parfois trop présente, il a confirmé : «J’ai voulu vous envahir par le son car le cinéma est l’art de l’invasion, comme le disait Cocteau. Le son, c’est un accès à la pensée des personnages.» Arnaud Des Pallières a fait le choix de l’adaptation afin de se concentrer sur la mise en scène : nombreux gros plans sur les visages de ceux qui parlent, prisonniers du cadre comme de leur solitude ; caméra qui glisse lentement autour de ces êtres flottants, en détresse. La scène où Marteau est humilié publiquement par sa femme (Delphine Chuillot) est un bijou ! Si certains peuvent être agacés de ne pas comprendre où Des Pallières veut en venir, on peut aussi apprécier un vrai travail de cinéma. Et pour ceux qui n’acceptent pas de ne pas tout comprendre, une

Jean-Marc Barr et Arnaud des Pallieres ©A.G.

clé a été offerte à la fin de l’échange par le réalisateur: «J’avais été frappé par les textes de Dolto: on oublie souvent que les enfants de riches sont aussi malheureux. Il y a déjà beaucoup de films sur les pauvres ! C’est la raison principale pour laquelle j’ai voulu faire le film. Mon film dit que l’argent n’est pour rien dans la capacité à être heureux.» Certes ! Parc séduira ceux qui aiment les univers étranges et oniriques à la Michael Haneke et à la David Lynch. Il déroutera, voire dérangera, certains car les repères sont sans cesse mis à mal par des choix radicaux. Mais on est à coup sûr en présence d’un véritable cinéaste. ANNIE GAVA

5 courts en DVD Être femme, un univers à découvrir… Ceux qui fréquentent les festivals de courts métrages connaissent Blandine Lenoir : depuis quelques années, cette comédienne, passée à la réalisation et qui prépare actuellement son premier long, voit ses courts primés. Elle faisait partie, cette année, du Jury du Tous Courts d’Aix ( cf Zib 14). Ceux qui ne la connaissent pas vont pouvoir découvrir ses courts métrages, c’est à dire cinq portraits de femmes. Pas de pitié, où un serial killer s’attaque aux poupées roses «Betty©» aurait sans doute gagné à avoir un montage plus serré. Dans tes rêves questionne l’amour à travers trois serveuses interprétées par la réalisatrice et deux comédiennes qu’on retrouve dans plusieurs de ses films, l’exubérante Nanou Garcia et la belle Lila Redouane, sans oublier le lunaire Frédéric Pierrot. Ma culotte, qui fait partie de la collection «Ecrire pour…», nous montre la superbe Christine Boisson

face au désir. Rosa propose un regard sur la maternité, une expérience vécue par Blandine Lenoir qu’elle a voulu faire partager. Pour finir, on ne vous révèlera pas le dénouement du dernier, réalisé en 2008, Pour de vrai, où une femme, rongée par la culpabilité se désespère par rapport à son enfant dans le coma… A.G.

Rosa de Blandine Lenoir

Ce DVD (édition Come and See) sortira le 29 janvier au moment du Festival du Court Métrage de Clermont-Ferrand


LES BUREAUX DE DIEUX | MANOSQUE

CINÉMA

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Les Bureaux sous la neige Les Bureaux de Dieu étaient dans la rue, Claire Simon les a filmés.... Mercredi 7 janvier, devant le 13 du Boulevard d’Athènes, une cinéaste, dont la chevelure rousse tranche avec le blanc qui a recouvert la ville, filme. Arrivée tout droit de Paris la veille au soir pour soutenir l’action du Planning Familial de Marseille. Les pieds gelés, elle filme les salarié(e)s du Planning qui tiennent leurs permanences dans la rue, dans la neige, parce que les locaux vétustes ne permettent plus d’accueillir les quelque 200 personnes qui y venaient chaque mois, et pour alerter sur l’insuffisance du financement de ces lieux d’écoute. Elle les filme avec bienveillance parce que, dit-elle, «je tiens à montrer ma solidarité avec ces femmes qui m’ont accueillie et que j’ai connues quand je préparais Les Bureaux de Dieu (cf Zib 13) et dont je soutiens la démarche aujourd’hui. J’espère que je pourrai faire le montage de ces images : ce sera dans le bonus du DVD qui se prépare.» ANNIE GAVA Claire Simon © A. G

Vingt-deux films aux vingt-deuxièmes Rencontres… Du 3 au 8 février se tiendront, à Manosque, les 22e Rencontres Cinéma du Réel à l’Imaginaire qui proposent le regard des cinéastes sur le monde et explorent des formes originales d’écriture et de mise en scène. Une semaine de projections, rencontres, échanges avec des cinéastes. Vingt-deux films choisis pour leurs qualités esthétiques et leurs thèmes. Un voyage chez les peuples du Grand Nord avec Kyoukta d’Aïda MaigreTouchet, Le Peuple invisible de Richard Desjardins et Robert Monderie ou le mythique Nanouk. Avec les films de Charles Burnett, de Killer of Sheep à Warming by the Devil’s Fire, c’est un regard qui sera porté sur l’évolution de la société nord-américaine. Le Brésilien Julio Bressane nous contera l’histoire de la musique popu$laire brésilienne à travers la figure du chanteur Mario Reis dans O Mandarim. Il présentera deux autres films, L’Herbe du rat et Miramar. Seront aussi présents à Manosque

l’iranien Saman Salour avec Lonely Tunes of Tehran, sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs 2008, et Quelques Kilos de dattes pour un enterrement, «histoire d’hommes ordinaires, avec leurs qualités et leurs défauts, mais aussi une véritable histoire d’amour» ; la Chinoise Xiaolu Guo avec deux films, We Went to Wonderland et How is your Fish Today, Grand Prix du Festival du Film de Femmes de Créteil 2007, ainsi que son dernier roman, Vingt Fragments d’une jeunesse vorace. Los Herederos du mexicain Eugenio Polgovsky, et Une Affaire de nègres d’Osvalde Lewat permettront d’aborder le problème du travail des enfants et de s’interroger sur le rôle de chacun pour soutenir la démocratie. Karin Albou présentera Le Chant des mariées, et Claire Denis en avantpremière son dernier film, 35 Rhums, où Lionel, conducteur de RER qui a élevé seul sa fille, réalise que le temps de se quitter est peut-être venu… «Regards comparés, croisements, décou-

vertes ou retours sur des films qui font l’histoire du cinéma», tous ceux qui aiment le Septième Art trouveront leur bonheur au Théâtre Jean Le Bleu ou au cinéma Le Lido à Manosque. ANNIE GAVA

35 rhums de Claire Denis © Carole Bellaiche

Rencontres Cinéma de Manosque 04 92 72 19 70 www.oeilzele.net


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CINÉMA

AU PROGRAMME

Les rendez-vous d’Annie Du 21 au 27 janvier se tient le festival AFCAE - Télérama dans douze cinémas de la région… l’occasion de voir les films que vous avez «loupés» ou que vous avez envie de revoir. Surtout, ne ratez pas Les plages d’Agnès d’Agnès Varda, Valse avec Bachir d’Ari Folman , Le Silence de Lorna des Dardenne, Vicky Cristina Barcelona, de Woody Allen, L’ heure d’été, d’Olivier Assayas… Pour connaître le programme, contactez les salles de votre ville : à Marseille, l’Alhambra : www.alhambracine.com à Aix : Le Renoir et le Mazarin

à Apt : au César à Briançon : Eden Studio à Forcalquier : Le Cinématographe à Gardanne : Les 3 Casinos à Manosque : au Lido à Nîmes : Le Sémaphore à Pertuis : Le Lubéron Le Silence de Lorna des Dardenne

Khalil Joreige, le réalisateur de Je veux voir sera présent jeudi 5 février à 20h30 à L’Alhambra CinéMarseille pour parler de son cinéma Au moment de la guerre de juillet 2006 entre Israël et le Liban, Khalil Joreige et Joana Hadjithomas étaient à Marseille. L’aéroport à Beyrouth étantfermé, ils sont restés en France et ont vu la guerre à travers l’écran des télévisions. Les images, très dures, presque insoutenables les ont énormément perturbés. Après cette guerre, ils se sont demandés: que doit-on faire ? Que peut le cinéma ? Quel genre de film peut-on faire désormais ? Ils ont rencontré un attaché de presse, Tony Arnoux, qui leur a proposé de faire quelque chose ensemble. De là est née cette idée : que peut le cinéma ? «Posons la question de façon un peu littérale et invoquons pour cela une actrice de cinéma et pas seulement une actrice mais une icône de cinéma :

Catherine Deneuve. Notre travail est de rendre compte d’autre chose, de la complexité de certaines situations : on s’attache aussi à ce qu’on ne peut pas voir, d’où le titre du film notamment. Je veux voir mais qu’est-ce que je peux voir ? Comment je peux me rendre compte de ce qui est ? Je crois que c’est le travail des cinéastes que d’essayer de prendre à bras le corps cette question-là : qu’est-ce qu’une représentation ? Comment représenter après une catastrophe ? Quelle est la distance nécessaire ? Cela pose la question de l’éthique : comment filmer cela ?»

Les 13,14 et 15 février aura lieu au cinéma Le Méjan le troisième Festival de Cinéma Images Mouvementées d’ATTAC Pays d’Arles, En Désespoir de Luttes : la raison des armes ou les armes de la raison.

Le 27 janvier, à 20h au Théâtre Comœdia à Aubagne, la projection du film Le silence des Nanos sera suivie d’un débat en présence du réalisateur, Julien Colin. Ce documentaire raconte l’histoire des nanotechnologies et pose la question de notre rapport au progrès technologique.

Au programme trois films : - En avant-première, Tiro en la Cabeza (Une balle dans la tête) de Jaime Rosalez, fiction inspirée de l’assassinat, à Capbreton, de deux gardes civils espagnols par l’ETA ; - Calle Santa Fe, voyage très émouvant de Carmen Castillo sur les lieux où son compagnon, Miguel Enriquez, dirigeant du MIR, est mort en combattant la dictature de Pinochet ; - El Manara de Belkacem Hadjadj, petite histoire dans la grande Histoire. En Algérie, trois jeunes amis mènent une vie insouciante. Les émeutes d’octobre 1988, la répression, l’explosion démocratique et la dérive islamiste qui ont suivi bouleverseront leurs vies et leur relation. www.local.attac.org/13/arles/ programmefestivalcinema.pdf

Cinéma L’Halambra 04 91 03 84 66 www.alhambracine.com

Alcimé 04 42 18 92 10 alcime-aubagne@wanadoo.fr

Le 5 février à 19h 30 au cinéma Variétés, Médecins du monde et le centre Osiris proposent La Cité des Rom, un documentaire de Frédéric Castaignède. Dans le ghetto de Nadejda, au cœur de la Bulgarie, vingt mille Roms vivent derrière un mur en béton. La campagne pour les élections municipales bat son plein : tous les candidats cherchent à acheter les voix des Roms… Du 11au 24 février, l’Institut de l’Image à Aix propose un regard sur le cinéma italien : «Dérision et démesure». Fellini, Riccardo Freda, Sergio Leone… seront au programme ! Institut de l’Image (Aix) O4 42 26 81 82 www.institut-image.org

Le 20 janvier à 20h aura lieu au cinéma Variétés une avant-première du film Pour un instant la liberté, premier long métrage de fiction d’Arash T. Riahi, en collaboration avec Réseaux Éducation Sans Frontière Ali et Merdad tentent de fuir l’Iran avec leurs cousins Asy, 7 ans, et Arman, 5 ans, dans le but de les ramener à leurs parents en Autriche. Mais ils doivent d’abord passer par la Turquie et attendre un hypothétique visa qui tarde à venir. Ils font alors la connaissance d’autres réfugiés iraniens : des hommes et des femmes qui espèrent de toutes leurs forces entrer en Europe, terre de liberté… «Je suis né en Iran et j’ai fui mon pays avec mes parents à l’âge de 9 ans, dans l’espoir qu’on nous reconnaisse le statut de réfugiés politiques ; mes frères et sœurs étaient trop petits pour voyager avec nous. Ils nous ont rejoints plus d’un an après, grâce à un cousin et à un ami à nous. Du coup, l’un des parcours que raconte le film est assez autobiographique. Les autres intrigues s’inspirent aussi d’événements réels (…) » Le film sera suivi d’un débat Cinéma Les Variétés 0892 68 05 97 ANNIE GAVA

Emmanuel Bourdieu et la scénariste Marcia Romano seront au rendezvous des Mardis de la cinémathèque le 27 janvier à 19 h à l’espace Cézanne (CRDP) Ils parleront de leur travail d’écriture et de réalisation, après la projection du film, Les Amitiés maléfiques, grand prix de la Semaine de la critique 2006 à Cannes, «un film d’action sur la violence du langage», dit le cinéaste. Les mardis de la Cinémathèque 04 91 50 64 48


ENTRETIEN AVEC PIERRE MALPHETTES

ARTS VISUELS

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Pierre Malphettes, une approche fractale du paysage Le Frac compte dans sa collection trois œuvres de Pierre Malphettes, l’installation Les Attracteurs étranges, la vidéo Le Festin et le film Firefly-, sans jamais en avoir exposé aucune. C’est désormais chose faite avec l’exposition monographique Sculptures terrestres et atmosphériques, l’occasion d’évoquer avec l’artiste les notions fondamentales qui traversent son œuvre : le paysage, l’espace, la matière Zibeline : Dans quel état d’esprit avez-vous abordé cette première exposition au Frac ? Pierre Malphettes : Ce qui a changé les choses, c’est de montrer la première pièce achetée par le Frac, Les Attracteurs étranges, mais cela n’a pas changé ma façon de travailler. L’exposition est élaborée autour de Nuage de verre qui ouvre le parcours, un projet de 2000 et que je n’avais jamais pu faire, et Les Attracteurs étranges qui ne pouvait être montrée que dans la dernière salle, en clôture de l’exposition. Cela a tout de suite donné les axes : montrer des pièces anciennes et récentes sans pour autant dresser un parcours chronologique ou rétrospectif. Il y a par exemple, à mi-parcours, des petites pièces de 2006, Les Flaques, qui côtoient Nuage de verre ou le Tas de sable que je viens de terminer. C’est l’occasion de montrer comment les œuvres dialoguent, mais aussi des pièces rarement exposées comme Cloisonnement qui fonctionne avec des ventilateurs et dont la mécanique est compliquée. Dans le titre, déjà, vous vous affirmez comme sculpteur, pourtant vous avez déjà utilisé la photographie et la vidéo… J’ai choisi le mot «sculpture» car je parle de mon rapport avec elle. Dans Les Attracteurs étranges et Nuage de verre, je pose les bases essentielles de mon travail. J’ai aussi créé des dessins et des peintures comme Brouillard que je développe ici différemment : sur le principe d’un brouillard peint sur les murs, l’œuvre évolue selon un certain protocole et peut grandir sans limites car elle n’est pas circonscrite dans l’espace. Les deux points de départ sont des œuvres liées au volume et à l’espace, et l’ensemble a évolué autour d’elles. Ma pratique de sculpteur est toujours liée à l’espace et à notre rapport à lui, question de limites, de variations… Aujourd’hui, je m’intéresse plus aux éléments constitutifs de l’espace. C’est quand même toujours la même aventure, la même histoire. Justement, dans le film Firefly, vous nous entraînez de Marseille en Écosse. Quelle sorte de voyage proposez-vous dans votre exposition ? Il s’agit plutôt d’un voyage cérébral. Nous sommes au Frac, je sais où je suis allé mais je ne sais pas où vous irez, et cela ne m’intéresse pas beaucoup… Il y a dix ans je me préoccupais plus du paysage dans son entièreté, aujourd’hui je fais une exposition de sculpture. J’avais en tête une exposition minérale avec

des matériaux de construction -verre, plastique, béton, acier, pierre- et des questionnements liés à la sculpture : le plein, le vide, la forme, la déformation. On a des éléments du paysage dans un Tas de sable, Brouillard ou Nuage de verre, mais les œuvres sont liées à l’architecture, au déplacement et à la matière. D’ailleurs, les œuvres liées essentiellement au paysage intègrent aussi ces questions-là. Ce qui donne une extrême cohérence à l’ensemble… Pour une exposition de cette ampleur, je voulais que chaque œuvre ait sa propre qualité artistique, son autonomie et fonctionne avec son histoire. Puis j’ai fait en sorte que les matières dialoguent entre elles jusqu’à ce que l’exposition elle-même ait sa propre autonomie. Un peu comme sur le principe de la fractale : de la matière à l’œuvre à l’exposition, avec des sculptures qui parlent du paysage ou de l’espace, d’autres qui parlent de matériaux par leur transparence, ou de l’atmosphère par le mouvement et l’air. Ce qui m’intéresse c’est de travailler sur les couches, les superpositions, les niveaux : quelle est la limite entre le terrestre et l’atmosphère ? Les

œuvres ensemble créent une atmosphère qui est l’exposition même. Peut-on parler «d’expériences» à propos de vos représentations de l’espace, naturel ou reconstruit ? Il y a l’installation Cloisonnement qui se parcourt, se traverse et propose l’expérience du déplacement. Il y a aussi L’arc-en-ciel, une autre installation qui n’est pas exposée ici, où je fais personnellement l’expérience de sa construction. Firefly était une autre expérience encore, car le film rend compte des paysages traversés mais aussi de ma propre expérience humaine. Il y a aussi l’expérience du temps de vie traversé pour faire la Poutre en acier présentée ici. Car ce qui m’intéresse, c’est de vivre de nouvelles expériences à travers les œuvres. Entretien réalisé par MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Sculptures terrestres et atmosphériques Pierre Malphettes FRAC, Marseille (2e) Jusqu’au 25 avril 04 91 91 27 55 Pierre Malphettes a publié en 2008 Mécanique Magenta, textes de Gilles Clément et Léa Gauthier, dessins de Lina Jabbour (à voir également jusqu’au 31 janvier chez Buy-Sellf Art Club), disque de Eddy Godeberge, Julien Hô-Kim et Christophe Rodomisto, Black Jac éditions, Montreuil.

Un arbre en bois sous un soleil électrique, 2005. Bois, acier, moquette, ballon éclairant, 700x600x320 cm. Photo de Pierre Malphettes, vue d’exposition, Muzz Program Space, Kyoto, Japon. Courtesy : l’artiste et galerie Kamel Mennour


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ARTS VISUELS

SEXTANT ET PLUS | GALERIE LAMBERT

Petite discussion entre amis La jeune génération d’artistes marseillais n’en fait qu’à sa tête ! Pour preuve Mauvaises résolutions, une exposition qui confronte leurs singularités et détermine leurs diverses inscriptions dans le monde D’emblée, pour inaugurer l’année 2009, Sextant et plus donne un titre espiègle à sa première exposition, Mauvaises résolutions, comme «une manière d’être à rebours de ce que l’on pouvait attendre d’un anniversaire». La situation précaire de l’association l’obligeant à être mordante selon Véronique CollardBovy. Alors, quel est l’enjeu posé par ce groupe de treize artistes réunis par la cellule de recherche curatoriale de Sextant et plus ? «L’affirmation, la prise de position et la défense de leur territoire.» Pour Stéphanie Moisdon, il s’agissait d’inviter les artistes à «travailler indépendamment ou dans des procédures variables de collaborations, à produire des espaces dynamiques, à élargir, déporter, amplifier ou rétrécir les dimensions physiques et temporelles des œuvres.» Aussi, dans ce temps de latence qui leur a

été donné pour concevoir des pièces inédites, ces treize artistes ont appréhendé la question de la promiscuité, avec bonheur ou tension, afin de trouver le juste dialogue. Tous bénéficiant d’un soutien structurant par le biais des résidences en atelier, et d’une expertise professionnelle. Il ne restait plus alors qu’à donner de la visibilité à leur travail en organisant Mauvaises résolutions, temps de partage entre des artistes qui exposent dans les mêmes circuits professionnels. «Même si ce n’est pas une exposition générationnelle», se défend Véronique Collard-Bovy, encore moins une exposition qui les réunirait sous un drapeau thématique commun… Bref à chacun son enjeu personnel, qui ouvre à une discussion sans tabous et sans préconçu sur les œuvres. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Clara Perreaut, les Voleurs, 2009 technique mixte

Mauvaises résolutions Damien Berthier, Fouad Bouchoucha, Rémi Bragard, Colin Champsaur, Claire Dantzer, Gilles Desplanques, Mr Moo, Luce Moreau, Clara Perreaut, Nicolas Pincemin, Stéphane Protic, Karine Rougier et Cathy Weyders

Jusqu’au 7 février, La Friche Belle de Mai, Marseille 04 95 04 95 94

de Lévèque… Reste que ce parcours très riche bénéficie comme bien souvent à l’Hôtel de Caumont d’une mise en espace recherchée favorable aux œuvres. Ainsi la présentation, ponctuée en cinq étapes par groupes de cinq portraits en gros plan d’Isabelle Huppert photographiée par Roni Horn, jalonne le parcours comme des allers-retours brouillant insensiblement notre perception temporelle de la visite ; le salon rouge consacré aux grands formats de Nan Goldin est puissant et impressionnant. Par contre, dans la grande salle du premier étage, le trop grand nombre d’œuvres et l’hétérogénéité des médiums (et l’absence de sièges) n’incitent pas à la délectation posée de chacune d’elles. Finalement on perçoit la difficulté à valoriser une si importante collection : le visiteur a du mal à percevoir ce retour de Rome, à moins de suivre la visite commentée ou s’accompagner du catalogue fort bien documenté sur les inclinations romaines du collectionneur, ses intentions (faire la «démonstration que la rupture

supposée entre l’art contemporain et les arts du passé doit être nuancée»), les références de ces œuvres nourries de la culture transalpine. Hors sujet car sans rapport avec l’exposition principale, le petit bout d’hommage à Olivier Messiaen clôt notre retour, avec, entre autres, une installation bien trop littérale (l’amour porté par le compositeur aux oiseaux représenté par des silhouettes noires suspendues façon Calder) de Carlos Amorales. Sachant la sensibilité religieuse du compositeur et son admiration pour Saint-François d’Assise… les petites boites à sons de Pierre-Marie Agin sont apparues plus opportunes, qui méritaient un espace de meilleur recueillement.

Cités d’étapes Une sélection de l’impressionnante collection d’Yvon Lambert, après sa présentation au printemps 2008 à la Villa Médicis à Rome, revient à Avignon. Avec un discret hommage à Messiaen en sus Le projet s’inspire du Grand Tour que se devaient d’effectuer les intellectuels du XVIIe siècle en Italie. Cette culture romaine, classique plus généralement, irrigue depuis toujours les choix d’Yvon Lambert. Les œuvres présentées dans ce second volet en gardent trace de manière variable ou explicite. Les collages de Brice Marden/le

Quattrocento, Miquel Barcelò/Virgile, Cy Twombly/la mythologie, Serrano/Dante se succèdent avec des pièces moins évidemment liées à l’argument. Les Iles Flottantes de Douglas Gordon (don de l’artiste suite à son exposition de l’été), les vidéos portraits Je t’Aime de Courrèges, l’installation brumeuse (sfumato)

Villa médicis, atelier del bosco, oeuvre de Sol Lewitt et Laurence Weiner

CLAUDE LORIN

Retour de Rome jusqu’au 31 mai Le Réveil des oiseaux jusqu’au 01 mars Collection Lambert en Avignon (84) 04 90 16 56 20 www.collectionlambert.com


ABD GASTON DEFERRE | LA COMPAGNIE

ARTS VISUELS

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Lorsqu’on arrive en ville Associé à l’exposition Plossu qui vient de se clore à la galerie du 13 d’Aix (Je vous salue ethnies voir Zib 12), Marseille en autobus constitue une commande plus ancienne qui n’a pas perdu de sa pertinence subjective Comment découvrir une grande ville lorsqu’on vient de poser son premier regard ? Arrivé à Marseille dans le cours de l’année 1991, Bernard Plossu avait choisi le transport le plus commun : le bus. Seule différence avec les usagers quotidiens : son Nikkormat au coin de l’œil. Ensuite il lui suffisait de se laisser porter pour capter à travers les grandes vitres «…les odeurs, les bruits, les images, les langues, tous les sens à vif !». Dans l’anonymat du véhicule, le photographe ne prend pas des images selon l’acceptation commune de l’acte photographique, mais saisit à distance les fugacités de circonstance, comme en témoignent flous de bougé, cadrages à l’orthogonalité malmenée, premier plan inopportun, profondeur de champ approximative, reflets parasites, sujets imprécis ou expositions incongrues... Plossu ne tente pas d’arrêter les choses mais semble plutôt les accompagner, intuitivement. Le choix du noir et blanc contribue à cette dé-documentarisation. Car tenter de voir à travers ces vitres-là n’est pas pour y voir plus clair -celles des bus ne sont pas toujours très translucides. Il s’agit d’empathie

avec le grain de la cité, sans fioritures, posture qui lui convient particulièrement. Les clichés de Plossu jouent l’extérieur avec l’intériorité, transparence et opacité, réalité et poétique, déploiement narratif et singularité de l’instant. Dommage que les cadres de bois brut desservent leur présentation. Diffusé parallèlement à l’exposition, le film d’Hedi Tahar, caméra à l’épaule portée par l’esprit Nouvelle Vague, accompagne en treize minutes le voyage du photographe. Le film en couleurs alterne avec les clichés noir et blanc, pendant qu’en voix off et douce, Plossu commente son périple, explique sa démarche, ses difficultés et ses bonheurs comme un voisin de trajet. Avec des mots tellement simples. CLAUDE LORIN

Marseille en autobus photos de Bernard Plossu et un film d’Hedi Tahar jusqu’au 28 février ABD Gaston Deferre 04 91 08 61 00 www.biblio13.fr

Marseille en autobus, photographie de Bernard Plossu

Sans la mer ? Les escales de Geoffroy Mathieu à Beyrouth, Marseille, Alger, Valence ou Tripoli n’ont rien à voir avec le déplacement : dans Dos à la mer, promenade en méditerranée urbaine, l’artiste témoigne de ses expériences physiques du paysage à travers la photographie, l’objet et le livre 120 photographies qui tournent en boucle durant 14 minutes, cela pourrait sembler une éternité ! Justement non : le projet de Geoffroy Mathieu, Dos à la mer, promenade en méditerranée urbaine, défie tous les pièges du diaporama grâce notamment à un montage sonore très évocateur du hors champ et gage d’unité. Exemptes de légende, les images offrent le temps de pose nécessaire pour regarder avec acuité les paysages urbains, ces «zones de poésie anarchiques» comme il les nomme. D’aucuns peuvent y voir l’échec violent de l’aménagement urbain, lorsque l’artiste se réjouit de la victoire de l’homme à se trouver des espaces de vie… Geoffroy Mathieu restitue

ainsi l’âme des quartiers de l’entredeux, ni centres-villes historiques, ni banlieues éloignées, mais «des quartiers où la majorité de la ville habite.» Pour construire sa carte géographique personnelle, il marche de manière intuitive, emprunte les lignes de métro jusqu’à leur terminus pour mieux se perdre à pied au retour, et recréer son propre itinéraire. Ce qu’il intercepte de la ville, notre

œil n’y prêterait pas une seconde d’attention : pluie d’antennes paraboliques sur les toits, chantiers abandonnés, palissades et devantures baissées… Avec le parti pris formel d’évoquer le littoral méditerranéen sans jamais photographier la mer ! Une posture née de son ressenti d’habitant de Marseille : «je ressens une forte dichotomie entre un discours euroméditerranéen et la réalité de la difficulté d’accéder à Valence, 2007 © Geoffroy Mathieu

la mer, j’ai plutôt l’impression de fermeture que d’ouverture.» Dès lors, il tourne son regard vers l’intérieur, «vers là où se dirigent les hommes et les marchandises qui y débarquent. » Cela lui prendra près de trois ans, le temps nécessaire à la maturation de sa réflexion. Pour vider un peu les photographies de leur substance documentaire («je veux garder la poétique des villes»), cet ancien diplômé de l’École nationale supérieure de photographie d’Arles a invité Lina Jabbour à représenter sa perception du pourtour méditerranéen. Son intérêt pour la liberté du trait qu’elle développe est hautement récompensé : les dessins muraux de Lina Jabbour ouvrent l’horizon quand ses photographies cassent la ligne de flottaison et, dans ce jeu entre le positif et le négatif du dessin en noir et blanc, l’œil se perd, se repère, et se re-perd. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Dos à la mer, promenade en méditerranée urbaine Geoffroy Mathieu jusqu’au 7 février La Compagnie 04 91 90 04 26


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ARTS VISUELS

EXPOSITION

Lit d'enfant © Carolle Benitah

Voiture bachee © Carole Benitah

À Aix-en-Provence, après Rivage de Jean-Claude Carbonne visible jusqu’au 31 janvier, Carolle Benitah exposera Lost Angeles, série réalisée en diptyques dans la grouillante mégalopole californienne, des images où domine paradoxalement la vacuité des lieux. Du 4 au 27 février. La Fontaine Obscure, 04 42 27 82 41. www.fontaine-obscure.com.

Les nouveaux locaux de l'association Videochroniques © Vdeochroniques

L'espace d'exposition de l'Atelier Itineraires © X-D.R

Alors que La Fontaine Obscure s’est installée récemment dans ses nouveaux espaces de l’école Albéric Laurent, Vidéochroniques a fait ses cartons (avec plein de projets dedans), de la Friche (dix ans ça compte) pour le 1 place de Lorette. www.videochroniques.org, et dans la foulée, l’atelier galerie d’artistes Itinéraires prend le relais avec une nouvelle équipe très motivée à Vauvenargues, bien placés pour l’évènement Picasso-Cézanne : ils ne pouvaient rêver rien de mieux. 04 42 20 15 48.

Etude pour Katia lisant 1968 - Encre de Chine et crayon (19,5x22,5) Collection particuliere

Marc Stammegna est le commissaire de l’exposition Balthus à l’Espace Ecureuil. Il semblerait que ce soit l’unique évènement programmé en France en l’honneur de ce peintre célèbre notamment pour ses portraits de gamines un brin aguichantes. Du 27 janvier au 2 avril. 04 91 57 26 49 www.fondation-ecureuil.fr.


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Au lycée Antonin Artaud, l’Artothèque poursuit son cycle autour de Van Gogh avec une sélection de la série La Maison Jaune réalisée en 2006 et 2007 par Gabriel Delprat . Jusqu’au 20 février. www.lyc-artaud.ac-aix-marseille.fr/artotheque.

Gabriel Delprat dans son atelier © X-D.R

Nos copines de Zibeline présenteront leurs œuvres… Agnès Mellon à la Cité de la Musique de Marseille, notre photographe de la première heure suspendra ses clichés pour les 15 ans de l’Ensemble Télémaque. Jusqu’au 30 janvier. www.citemusique-marseille.com. http://photographe-agnesmellon.blogspot.com Tandis que Chris Bourgue vous ouvrira ses Portes, une série de peintures très matériologiques en techniques mixtes, accompagnées de textes créés pour l’occasion par Delphine Imbert. Château des Remparts à Trets du 3 au 13 février. vernissage le 6 à 18h30. 04 42 61 23 75. www.chrisbourgue.fr.

L'Ensemble Telemaque © Agnes Mellon Série de peintures intitulée les Portes (techniques mixtes), Porte du Grand Chemin (60X80)

Jeane Derome, Portrait alimentaire Alain

Finalement, Regards de Provence a trouvé une solution à la morosité ambiante (qui semble avoir atteint aussi l’art contemporain ces derniers temps), alors autant venir s’en payer une tranche au Palais Carli : Humour et Dérision. Du 13 février au 3 mars. www.regards-de-provence.org. Claude Lorin


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LIVRES

AGENDA

Au Programme AIX-EN-PROVENCE Cité du livre – 04 42 91 98 88 Table ronde autour d’Albert Camus à l’occasion de la publication des tomes III et IV de ses œuvres complètes dans La Pleiade. Aux côtés de Raymond Gay-Rosier, directeur scientifique, des chercheurs interviendront autour de quatre axes : L’Exil et le Royaume avec Alain Schaffner, L’Homme révolté avec Maurice Weyembergh, Chroniques algériennes avec Agnès Spiquel et Camus homme de théâtre avec Davis Walker ; Catherine Camus, Robert Dengler, Samantha Novello et Franck Planeille, qui ont travaillé sur cette édition, répondront aux questions du public. Le 30 janvier à 18h30 salle Armand Lunel.

AUBAGNE MJC L’Escale – 04 42 18 17 17 Lecture, par le collectif Manifeste Rien, du texte de Howard Zinn Une histoire populaire des Etats-Unis de 1942 à nos jours (éd. Agone). Le 28 janvier.

MARSEILLE BMVR Alcazar – 04 91 55 56 34 Marseille en noir et en couleurs : exposition de 36 photographies de Marseille vu à travers l’objectif de Robert Loï. Du 27 janvier au 14 février dans l’allée centrale. Hommage à Patrice Rossignol-Gicquel dans le cadre du cycle Portraits d’artistes : projection d’un montage des œuvres documentaires du créateur des In Extenso (présentation d’artistes travaillant ou vivant dans la région) par Laurence Rossignol, en présence d’artistes qu’il a filmés : Jean Jacques Surian, Olivier Bernex, Rachid Koraichi, Olvier Rebuffat, Max Fabre… Le 24 janvier à 15h30, salle de conférence. Formation et enseignement des sciences : quelles réformes pour quels objectifs ? conférence de Pierre Arnoux, chercheur à l’Institut de Mathématiques de Luminy. Le 24 janvier à 15h à l’auditorium. Le tango, le couple, le bal et la scène : Christophe Apprill, sociologue et danseur, évoquera le renouveau du tango. Le 27 janvier à 18h dans la salle de conférence. Les Jeudis du comptoir – 04 96 12 43 42 Rencontres littéraires radiophoniques en public : Espoirs et détresses, poésie et révolte : Pascal Fontana animera cette rencontre avec Jean-Pierre Levaray & Efix, en collaboration avec les librairies Histoire de l’œil et La Réserve à bulles. Le 12 fév à La Caravelle à 17h30. Le Merlan – 04 91 11 19 20 Dans le cadre des représentations de Genèse 2 de Galin Stoev (29 au 31/1) est organisée une rencontre avec Tania Moguilevskaia et Gilles

Morel autour de l’œuvre de Ivan Viripaiev et du théâtre russe contemporain. La rencontre sera agrémentée de lectures, par Gilles Morel, d’extraits des pièces Les rêves, Le Jour de Valentin, Oxygène et Juillet. Le 31 jan à 18h dans le hall du théâtre. Théâtre du Petit Matin – 04 91 48 98 59 Kfé littéraire indien : une sélection d’extraits de textes d’auteurs indiens contemporains sera portée par des comédiens, différentes associations culterelles indiennes de la région seront aussi présentes. Le 23 janvier à 20h30. Echange et diffusion des savoirs – 04 96 11 24 50 Espace public et patrimoine local à l’heure de la mondialisation : Françoise Choay, urbaniste, et Olivier Mongin, philosophe, débattront des facteurs de la transformation normalisatrice en cours de la ville et de ses conséquences anthropologiques, le 22 janvier à 18h45 Démocratie, individualisme et/ou parcellitarisme ? : conférence d’Alain Caillé, docteur en économie et en sociologie et professeur de sociologie à Paris X, le 29 janvier à 18h45 Confronter la peur : Sophie Body-Gendrot, politologue et américaniste, spécialiste des violences urbaines confrontera l’analyse de contextes urbains divers (New York, Shanghai, Johannesburg, Mexico) avec les mesures publiques ou privées qui tentent de canaliser les peurs des habitants, le 5 février à 18h45 Apprendre à voir ensemble : Marie-José Mondzain, philosophe, développera sa réflexion sur les différents régimes de l’image, le 19 février à 18h45. Espace Leclere – 04 91 50 00 00 Rencontre avec Nadeije Laneyrie-Dagen autour de son ouvrage L’Invention de la nature (éd. Flammarion), le 23 janvier à 18h Rencontre avec Jean-Claude Marcadé autour de son ouvrage Nicolas de Staël (éd. Hazan), le 16 février à 18h Conférence de Jean-Robert Cain, directeur du patrimoine religieux de la Ville de Marseille sur Les orgues d’églises à Marseille, le 23 janvier à 18h. Espaceculture – 04 96 11 04 60 L’Espaceculture accueille les œuvres d’artistes issus de l’ouvrage de Claude Darras Ateliers du Sud – L’Aventure intérieure (éd. David Gaussen) jusqu’au 2 février. Rencontre avec Julien Blaine et Pierre Pellizon le 22 janvier et avec Roger Abate et Alain Grosajt le 29 janvier, à 17h30. Les copains qui viennent chez moi : Georges Brassens et Pierre Louki par Jacques Bonnadier. Le 26 janvier.

ABD Gaston Deferre – 04 91 08 61 00 Qui a peur du grand méchant loup ? Mythes et réalités d’un grand prédateur : conférence de Jean-Marc Moriceau, professeur à l’Université de Caen, lecture d’archives et d’extraits d’Un roi dans divertissement de Jean Giono par les Diseurs d’archives. Le 22 janvier à 18h30. Dans le cadre de l’exposition Des âmes en équilibre, Les hommes-fleurs au défi du 21e siècle, réalisées en partenariat avec l’Institut de Recherche pour le Développement : conférence, à 18h30 dans l’auditorium, de Hubert Forestier, archéologue à l’IRD, Y a-t-il un chamane dans la pirogue ? Les tribulations d’un chasseur de passé chez les hommes-fleurs de Mentawai (le 12 février) et de Dominique Guillaud, géographe à l’IRD, Des hommes-plantes en Asie du Sud-Est insulaire (le 19 février). Librairie L’Attrape Mots – 04 91 57 08 34 Rencontre autour du livre J’ai nom sans bruit d’Isabelle Jarry (éd. Stock). Le 3 février à 19h.

MARTIGUES Médiathèque Municipale Boris Vian – 04 42 06 65 54 Lecture, par le collectif Manifeste Rien, du texte de Howard Zinn Une histoire populaire des EtatsUnis de 1942 à nos jours (éd. Agone). Le 27 janvier à 1830.

VILLENEUVE-LEZ-AVIGNON Chartreuse – 04 90 15 24 24 Rencontres, le 22 janvier, avec les artistes en résidence qui présenteront leurs créations en cours : présentation du projet Tarantelle, ciné-concert interactif, mise en scène de Marie-Laure Cazin (à 18h) ; lecture de Le Retour du père par Jacques Albert (à 18h30) ; présentation du projet Infrabasse, mise en scène de Jérémy Beschon et JeanBaptiste Couton (à 19h15) ; lecture de Les Veilleurs de Jour et Villa Lumen par Laurent Contamin (à 19h45).


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LIVRES

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Haut les livres !

Les Littorales 2008 - Belles Latinas :de g. à d. Erick de Armas - Maria Valéria Rezende - Pascal Jourdana - Rocio Durán Barba - Fabrizio Mejía Madrid © Patrick Box

Pour le dernier numéro de Zibeline, nous sommes allés à la rencontre des écrivains, de leurs ouvrages, dans les librairies, à l’heure où celles-ci invitent à faire une pause, le temps d’une conversation entre amis des livres… Ces voyages en littérature sont nombreux dans la région, même si on ne le sait pas toujours assez. On les doit à l’enthousiasme des libraires, à leur volonté de faire découvrir les œuvres et les auteurs qu’ils aiment. On les doit aussi au travail discret mais acharné de deux associations qui, depuis plus de 10 ans, visent à promouvoir la littérature contemporaine, française et étrangère, en organisant de multiples «itinérances littéraires».

Associations modèles Créées respectivement en 1991 et 1998, Libraires à Marseille et Libraires du Sud occupent les mêmes locaux au numéro 142 de la Canebière, au-dessus de la librairie Maupetit. Elles font partie du Réseau des Libraires et Organisateurs d’Evénements Littéraires de France, le RELIEF. Claude de Peretti en est la déléguée générale, à mi-temps sur les 2 associations. Secondée par Marie-Dominique Russis et Géraldine Attias, elle l’est aussi, pour la programmation, par les libraires associés et par les journalistes littéraires Pascal Jourdana et Maya Michalon. Libraires à Marseille a été l’une des premières associations de ce type en France, fondée pour défendre la profession, mais surtout pour mettre en place des projets culturels. Aujourd’hui, sur ce modèle, d’autres associations ont vu le jour dans d’autres villes, Lille, Nice… Au niveau régional également, Libraires du Sud est pilote, comme l’est Librairie Atlantique pour la région Aquitaine. Ces réseaux de passionnés de livres et de littérature fonctionnent bien. Ils reçoivent des subventions du Ministère de la Culture, du Comité National du Livre, de la Direction Régionale des Affaires Culturelles, de la Région (Libraires du Sud), du Département, de la Ville (Libraires à Marseille).

Réalisations plurielles Fortes de cette reconnaissance locale et nationale, fortes aussi de leur expérience, les deux associations travaillent main dans la main et participent à de nombreuses manifestations, des plus importantes au plus confidentielles. Longtemps partenaires de Lire en Fête, elles ont, en octobre 2008, organisé les 1res Littorales sur le cours d’Estienne d’Orves, avec le succès que l’on sait (voir Zib 12). En partenariat avec les Belles Etrangères, elles ont invité depuis 2002 des écrivains venus d’Inde, d’Algérie, de Russie, de Roumanie, du Liban, et même de Nouvelle-Zélande et du Canada. Libraires du Sud a également mis sur pied les remarquables Paroles d’Ecrivains et Ecritures Contemporaines. Durant dix jours, ces rencontres littéraires proposent des débats, des lectures, des films dans toute la région PACA, autour d’un pays, voire d’un continent, du pourtour méditerranéen. L’Algérie en 2001 et 2003, l’Egypte en 2004, l’Afrique en 2007, pour ne citer que quelques exemples. Les Jeudis du Comptoir, Itinérances littéraires, et autres Ecrivains en dialogue offrent des occasions, plus intimistes, de rencontres avec les écrivains contemporains et leurs textes. Et on ne peut que saluer leur pertinence, la valeur des échanges qui s’y jouent et leur esprit à la fois érudit et détendu.

Projets pour l’année nouvelle Malgré des subventions à budget constant depuis 3 ans, et des tentatives, inabouties à ce jour, de mécénat, les 2 associations ne se découragent jamais et ont du

grain à moudre pour 2009 ! Avec nombre de propositions alléchantes dès les premiers mois de l’année. En janvier et février, les Itinérances littéraires accueilleront, entre autres, dans plusieurs librairies de la région, les deux romanciers, Carole Martinez et Patrick Boucheron (voir pages 56 et 57). Fin janvier, deux rencontres importantes : Pascal Jourdana fera dialoguer aux ABD Gaston Defferre Jean Rouaud et Boualem Sansal ; la même semaine, il recevra au Bouchon Marseillais François Bégaudeau, avant d’autres Jeudis du Comptoir tout aussi appétissants. Le partenariat avec le Prix Littéraire des Lycéens et Apprentis de la Région PACA se poursuivra évidemment, de même que se met déjà en place la deuxième édition, élargie et encore améliorée, des Littorales (octobre 2009). Et puisque débute en juillet prochain l’année de la Turquie en France, il est fortement question, pour février 2010, d’Ecritures contemporaines turques. On le voit, ce ne sont ni les chantiers, ni les idées qui manquent à Claude de Peretti et à ses équipes. FRED ROBERT Rencontres aux ABD Gaston Deferre :

Ecrivains en dialogue, rencontres animées par Pascal Jourdana : Jean Rouaud et Boualem Sansal : Des histoires pour voir le monde. Le 27 jan Jeanne Benameur et Hubert Mingarelli : Entre sens et émotion, des écrivains en vigilance. Le 10 fév Rencontres avec les Libraires du Sud :

Patrick Boucheron, Léonard et Machiavel (éd. Verdier, 2008) : le 29 jan, à 19h, à la librairie Forum Harmonia Mundi à Aix et le 30 jan, à 19h, à la librairie L’Odeur du temps à Marseille. Patrice Pluyette, La Traversée du Mozambique par temps calme (éd. Le Seuil, 2008) : le 5 fév, à 18h30, à la librairie Le Poivre d’Âne à Manosque et le 6 fév, à 19h, à la librairie l’Histoire de l’œil à Marseille. Carole Martinez, Le cœur cousu (éd. Gallimard, 2008) : le 18 fév, à 18h, à la librairie Préambule à Cassis, le 19 fév, à 19h, à la librairie Forum Harmonia Mundi à Aix et le 20 fév, à 17h30, à la librairie Le Lézard amoureux à Cavaillon. Ingrid Thobois, Le Simulacre du printemps (éd. Le Bec en l’Air) : le 26 fév, à 18h, à la librairie Préambule à Cassis, le 27 fév, à 19h, à la librairie Histoire de l’œil à Marseille et le 28 fév, à 17h, à l’Hôtel Voland à Manosque.

Les auteurs venus à Marseille : de g. à d. Pierre Autin-Grenier, Gamal Ghitany, May Tamissany, Michèle Lesbre, Abdelatif Laabi, Salvatore Niffoi,Marc Delouze, Patrick Deville, Giacomo Cacciatore © Patrick Box


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LIVRES

MALLARMÉ | KAMEL KHELIF

Tous Mallarméens Entourée de ses nombreux partenaires, Amélie Grand a dévoilé avec enthousiasme le programme de l’Évènement Mallarmé, initié voilà 3 ans. À l’occasion du festival annuel Les Hivernales (voir page 24), son équipe propose notamment un parcours spectacle Mallarmé le bel aujourd’hui, comprenant défilé de mode, exposition de Joëlle Molina, révélations sur la danse au XIXe siècle et La folie d’Igitur par Andy de Groat. Parallèlement, emballées par le projet, une quinzaine de structures culturelles organisent des manifestations autour de Stéphane Mallarmé (la Maison Jean Vilar qui publie un cahier sur le poète, la bibliothèque Ceccano, les Archives Municipales, le Conservatoire, les Musées, l’Éducation Nationale, les cinémas Utopia, des artistes, un enseignant chercheur...). Ils se sont tous passionnés pour l’écrivain, auteur d’Igitur, considéré comme la genèse de toute son œuvre future qu’il écrivit à Avignon. Dès le 7 février, le cycle Mallarmé débute dans Avignon avec un parcours inaugural et une performance du danseur Thierry Thieû Niang à l’arrivée.

Jeunesse présente également, avec un spectacle d’adolescents sur l’Étrange, thème de ce 30e festival de danse, au Théâtre du Ring les 11 et 12 février, suivi d’un travail d’élèves de quartiers prioritaires avec l’inspection de l’Éducation Nationale. Des ateliers et expositions

sont également mis en place au Musée Angladon et la Collection Lambert autour de la création mallarméenne et les élèves chanteurs-acteurs du Conservatoire du Grand Avignon se produisent le 13 février. Un véritable engouement qui offre au public un nouveau regard sur Mallarmé et une programmation des Hivernales alléchante, avec notamment la danseuse Anna Ventura qui revisitera le Faune de Mallarmé au féminin et la Cie Cré-Ange qui présentera Le Corbeau d’Edgar Poe... traduit justement par Mallarmé. DELPHINE MICHELANGELI

Mallarmé le bel aujourd’hui 19, 20, 21 fév La Chartreuse (Villeneuve-lez-Avignon) Les Hivernales (Avignon) du 19 au 28 fév 04 32 70 01 07 www.hivernales-avignon.com Mallarmé photographié par Félix Nadar

Livre et Expo

Beau et utile

Des images illustrant les livres nous n’avons pas si souvent l’occasion d’en voir les originaux, qui plus est dans une librairie ! C’est pourquoi il faut remercier Païdos de nous avoir offert de découvrir les œuvres de Kamel Khélif et Mathilde Chèvre à l’occasion de la sortie de leur contribution respective aux ouvrages L’Algérie et La Maison de Sabah (éd. Grandir). Ce sont deux styles bien distincts et reconnaissables:graphismesépurés,dansl’esprit ligne claire laissant de la liberté aux espaces chez Mathilde Chèvre alors que Kamel Khélif, dans la veine qu’on lui connaît depuis Cité Bassens, traverse du mazout, travaille le support de ses fuligineuses matériologies. Difficiles à traduire lors de l’impression, qui a naturellement tendance à écraser les riches effets visuels, ces images, présentées ici par bonheur brutes ni sous verre, révèlent leurs subtiles niveaux de lecture. Mais ce qui apparaît avec plus d’évidence encore c’est le travail paradoxal de la complexité et de l’inachevé. Tout comme les transparences, glacis et superpositions provoquent le jeu du lisible/illisible, des contaminations plastiques et sémantiques, l’inachèvement invite chez Kamel Khélif à l’au-delà des formes et du sens immédiat, incite par-delà l’illustration à appréhender une autre mise en forme : celle, métaphoriquement, de l’itinéraire de vie très complexe de l’auteur dans

La collection Grandir propose aux jeunes lecteurs à partir de 9-10 ans de découvrir des pays, grâce à de petits atlas carrés, maniables, précis. Djilali Djelali, l’auteur, et Kamel Khelif, l’illustrateur, sont venus aux Littorales, en octobre dernier, présenter celui qu’ils ont consacré à l’Algérie. Tous deux jugent utile de donner une idée exacte, scientifique et dépassionnée, de la terre

une ville qui ne sait pas l’être moins. Parfois rehaussées d’or, ces images se donnent comme des icônes. Une façon d’atteindre l’invisible, de tendre à une figure de l’universel probablement. CLAUDE LORIN

natale qu’ils ont quittée. Tous deux aspirent aussi à transmettre aux jeunes générations la beauté de ce pays mal connu, à la leur faire imaginer. À ce titre, la première de couverture de l’album est parlante. Sur fond d’or safrané, la moitié de la tête d’une belle jeune fille au regard énigmatique, d’un bleu aussi profond que celui de son foulard retenu par de splendides bijoux; sa moitié de visage est tatouée de la carte de l’Algérie, la carte ancienne des multiples tribus de ce territoire immense. Au lecteur de reconstituer la moitié manquante, grâce aux textes et aux images que le livre renferme. L’album, en quelque 35 pages, fait le tour, comme son original sommaire circulaire y invite, des différents aspects du pays : géographie, histoire, architecture, arts, religions… Une double page par rubrique. Pour chacune, un texte qui brille par sa clarté, sa concision et son absence de langue de bois, et des illustrations dont les dominantes rappellent les verts et les ocres des régions arides et qui font naître un désir de voyage… en rêve ou en vrai. FRED ROBERT

L’Algérie texte de D. Djelali, illustrations de K. Khelif Grandir, 15 euros.


ARTS

LIVRES

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Amis tchèques Visages et Paysages tchèques est un projet comprenant une exposition itinérante (lire Zib 14) entre France et Tchéquie ainsi qu’un livre de 66 photos en noir et blanc réalisées par Bernard Lesaing. L’ouvrage, bien plus qu’un simple catalogue, complète l’exposition et documente un travail effectué sur trois ans. Le photographe est allé à la rencontre des personnalités du monde de l’art et de la culture tchèques. Parcourant le pays en multiples endroits dont il intègre les images entre la trentaine de portraits (des plans taille principalement) comme autant de stations, le photographe construit un voyage non linéaire (il n’y a ni pagination ni commentaire) qui alterne vues d’extérieurs et intérieurs, points de vue et perspectives, ville ou campagne, approches tantôt documentaires tantôt plus poétiques qu’on aimerait voir plus souvent (l’atmosphère surréaliste dans le jardin de Kurt

Gebauer par exemple). Regrettons de ci de là des noirs et des ombres trop marqués dus à l’impression, mais il semblerait que ce soit dans la sensibilité tchèque ! En préface, l’ouvrage, conçu dès son origine en collaboration par Bernard Lesaing avec les associations Images et Recherche (Aix-en-Provence) et Artefactès (Prague), s’enrichit des regards de l’historien d’art Pavel Chalupa et du philosophe Robert Pujade tandis que les biographies ont été confiées à la journaliste Kamila Drtilova. Bien que toujours teintée de l’esprit du photo-reportage, Bernard Lesaing signe ici une approche encore plus personnelle que ses précédents... CLAUDE LORIN

Visages et paysages tchèques Bernard Lesaing 66 ill. n&b trilingue anglais, français, tchèque éditions Kant (Prague), 29 euros www.imagesetrecherche.com

Bouche en coin Il n’existait à ce jour aucun ouvrage en français consacré à un instrument très populaire : l’harmonica. Les Herzhaft y remédient avec une étude très complète sur l’instrument David Herzhaft est harmoniciste, auteur de méthodes d’apprentissage de l’harmonica ; Gérard Herzhaft est spécialiste de «l’orgue à bouche» et des musiques populaires d’Amérique (blues, country, folk). Ces père et fils conjuguent leur savoir pour publier une étude documentée sur un instrument qui a connu un bel essor ces dernières décennies, particulièrement en France. Les amateurs, souffleurs occasionnels, comme les instrumentistes et musiciens aguerris, trouvent là un récit qui retrace l’histoire de l’harmonica, depuis

son invention en Extrême-Orient, son arrivée en Europe, jusqu’aux succès américains… Une partie technique, tableaux à l’appui, décrit son développement, sa fabrication et répertorie les différents types et marques d’harmonica comme Hohner ou Susuki... On y trouve les réponses sur ce «vrai instrument» présent dans de nombreux genres musicaux (classique, jazz, music-hall, country…). De plus, l’ouvrage comprend un dictionnaire complet et détaillé d’une centaine d’interprètes qui ont fait l’histoire de l’harmonica : des frères Adler à «Sonny Boy», Dylan, Stevie Wonder ou Neil Young…

L’orgue à bouche David et Gérard Herzhaft Éditions Fayard, 20,90 euros

JACQUES FRESCHEL

À cœur ouvert

Z comme Zappa

Quel admirable ouvrage vient de paraître aux éditions Symétrie sur le compositeur et chef d’orchestre Pierre Boulez ! Intimistes et débordant de réflexions instructives et pertinentes, les entretiens réalisés sur France Culture par Véronique Puchala se voient ici agrémentés de textes, de photos inédites et de compositions du maître (deux cd accompagnent la publication). Les cinq thèmes que sont L’écoute, Le regard, Le geste, La voix et L’autre jalonnent la longue conversation entreprise à l’occasion des 80 ans du compositeur et prolongent sa pensée musicale et humaine. Ainsi À voix nue nous entraîne dans l’univers si cohérent de cet acteur majeur du vingtième siècle artistique. Un voyage initiatique qui trouve dans la parution de ce livredisque un support idoine, faisant de lui

La collection Solo des éditions Le Mot et le Reste continue d’alimenter les rencontres fondatrices entre un auteur et une musique, une pochette. D’une seule voix, Guy Darol nous livre ses émotions sur le phénomène Frank Zappa et plus particulièrement l’album One size fits all à la pochette cosmique et marquante. Sorti en 1975, l’album odysséen de l’inclassable guitariste touche à tout est au cœur de l’essai de l’auteur de plusieurs ouvrages musicaux dont quelques-uns uns sur le spécimen moustachu californien (Zappa de Z à A entre autres…). Egalement journaliste à Musiq, le fan convertit au «Zappaisme» laisse aller sa plume aux souvenirs et au ressenti. En tant que spécialiste du bonhomme et acteur d’un tête à tête privilégié, il nous présente son Zappa, un «pont routier

un compagnon de chevet idéal pour tout musicien. Car «la polémique ça fait circuler le sang», et ça se consomme sans modération ! FRÉDÉRIC ISOLETTA

Pierre Boulez à voix nue Véronique Puchala Ed Symétrie, 29 euros

qui unit la fantaisie et le désastre, le rêve et la réalité.» FRÉDÉRIC ISOLETTA`

Cosmogonie du Sofa Frank Zappa One size fits all Guy Darol Ed. Le Mot et le Reste, 7 euros


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LIVRES

ESSAI

Deux contemporains «Les lieux parlent, mais leurs occupants se taisent». Ainsi, Patrick Boucheron les imagine, Machiavel et Léonard de Vinci, tous deux témoins, observateurs et acteurs de leur temps. Contemporains par les dates, les cours fréquentées, les personnages abordés, les situations vécues, mais aucun témoignage, aucun écrit, aucune allusion de l’un ou de l’autre pour évoquer leur possible rencontre. C’est ce vide, cette histoire en creux, ces traces laissées, ces influences sensibles qu’évoque l’auteur, en historien soucieux de l’exactitude des faits. Jamais il ne se livre à l’exercice du romancier qui recrée, imagine des conversations, des regards, mais à une narration croisée des destins des deux hommes. Se tisse ainsi une trame sur laquelle s’élaborent des approches semblables de l’histoire, un même «rêve de Renaissance». L’un, sans relâche, dessine le monde, constructions de digues, de villes, cartes animées d’une indéniable «vibration esthétique», l’autre, l’écrit, le juge, en retire des enseignements, tente d’influer sur la politique de son époque, d’inventer de nouveaux moyens de gouverner. Contemporains ils le

furent surtout par leur même conception de la «qualité des temps». Chacun est en perpétuelle tension, animé par une conscience aiguë des enjeux, des cadences, des rythmes profonds de l’histoire, à l’encontre de la devise de Laurent de Médicis, «le temps revient». Les deux hommes se croisent, certainement, mais, «nous voici une fois de plus devant le secret de La chambre des époux, obligés de lire des mots envolés sur des lèvres absentes». Florence, César Borgia, les rois de France, les batailles, les guerres, les luttes de pouvoir, ils les partagent, cherchant sans cesse de nouveaux points de vue, de nouvelles perspectives. Il s’agit aussi du projet de l’auteur de ce remarquable ouvrage, à la frontière du roman et de l’ouvrage historique érudit (magnifique grille chronologique de l’appendice !), émergence d’un nouveau genre, qui, s’il ne cède pas aux sirènes du romanesque, nous livre de sensibles et pertinentes analyses dans une prose vibrant d’intelligence.

Léonard et Machiavel Patrick Boucheron Ed Verdier, 12 euros

Maryvonne Colombani

Chronique d’une grève oubliée Étrange coïncidence de la littérature : à l’heure de la crise des subprimes aux États-Unis et des sans abris en France, l’ouvrage de Paco Ignacio Taibo II, Je paie pas le loyer, je fais la grève !, entre en résonance avec le réel. D’autant que la première version date de 1983 et que l’auteur a ressenti en 2006 la nécessité de «reconstruire» son texte ! Pourtant les faits qu’il rapporte datent de 1922 au Mexique : des locataires de Mexico et Vera Cruz se mettent en grève pour protester contre l’état insalubre des appartements et le prix abusif des loyers… Avec ce petit opuscule de 78 pages, Paco Ignacio Taibo II renoue avec son travail d’historien du mouvement ouvrier pour relater un épisode de l’Histoire mexicaine tombé dans l’oubli. Faire acte de mémoire et réparer l’injustice, telle est son ambition. Cela donne un ouvrage âpre, très documenté (pas moins de 74 notes, des extraits du journal El Democrata, les résultats d’une enquête réalisée dans trois casas de vecindad de Mexico et des données statistiques) où l’on suit pas à pas, avec toute la rigueur chronologique et analytique de l’historien, la naissance du Parti Communiste

Mexicain en novembre 1919 jusqu’à la mort du syndicat des locataires en 1923. Alliance avec les anarcho-syndicalistes pour encadrer la montée des masses ouvrières, ruptures et conflits, accélération vertigineuse de la dynamique de la lutte des locataires, succession intensive de manifestations, de rassemblements, de meetings avant que la grève n’éclate et ne s’étende au pays. Et c’est toute une nation qui s’embrase avant de perdre la mémoire. Pas besoin d’être un expert de l’histoire mexicaine pour comprendre la complexité des mouvements sociaux, politiques et syndicalistes qui secouèrent le pays, et pour constater que le monde reste sourd à l’expérience de l’Histoire : le 5 juillet 1922, Jesús Martínez, un jeune cheminot de 16 ans, était abattu par la police dans les rues de Santa María la Redonda alors qu’il manifestait contre les propriétaires… Aujourd’hui Paco Ignacio Taibo II n’a plus qu’à espérer qu’une chape de silence ne s’abatte pas sur le peuple Grec.

Je paie pas le loyer, je fais la grève ! Paco Ignacio Taibo II trad Jacques Aubergy Ed. L’atinoir collection ’atineur, Marseille, 6 euros

MARIE GODFRIN GUIDICELLI

Le nouveau monde En Chine tout peut aller très vite. Les mutations architecturales ayant poussé comme des champignons à l’occasion des Jeux Olympiques de 2008 en sont l’illustration. Mais pas seulement. L’achèvement de chantiers prestigieux, tel l’Opéra de Pékin ou encore l’échéance de l’Exposition Universelle de 2010 à Shanghai, mettent en jeu les grandes agences internationales tout en dévoilant une nouvelle génération d’architectes chinois. Sachant allier la tradition millénaire et le modernisme occidental, ces édificateurs de la nouvelle Chine sont à l’honneur dans

le très bel ouvrage de Christian Dubrau édité aux éditions Parenthèses. Sinotecture nouvelle architecture en Chine dresse un panorama complet, en français et en anglais, entre constructions achevées et projets en cours, à travers 500 illustrations en couleurs! Les projets les plus fous côtoient les plus classiques, les travaux de 40 agences témoignant de l’incroyable diversité des styles architecturaux qui composent le territoire chinois. FRED ISOLETTA

Sinotecture Nouvelle architecture en Chine Christian Dubrau Ed. Parenthèses, 42 euros


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Un sport plus haut Samedi 6 décembre, Salle d’Escalade de Saint-Marcel, tout ce que la Région compte de grimpeurs, varappeurs et autres rochassiers est réuni pour la signature du livre de Bernard Vaucher (Barney pour les initiés), Les fous du Verdon, qui paraît aux Editions Guérin. Près de deux cents personnes parmi lesquelles des noms légendaires de l’escalade sont réunies pour un hommage à un roman d’amour et de mémoire, à une passion qui brûle les âmes. Un beau livre pour ceux qui ont vécu dans l’incandescence et la vanité des conquêtes de l’inutile indispensable. Un hymne à l’amitié, l’amour, l’intensité, la peur, la sensualité de l’au-delà du soimême. Trois-cent quatre-vingts pages de papier glacé de chaleur humaine, plus de 400 photos issues des archives personnelles de fidèles de la religion verticale, depuis des évêques jusqu’à de simples pratiquants de la foi païenne en la minéralité et l’effort. Couverture

toilée rouge sang, une photo en noir et blanc, une enfant, un lutin dansant dans les airs à plus de 200 mètres de hauteur en solo intégral, Lynn Hill, championne d’escalade photographiée par Bernard Gorgeon ; le ton est donné. Une légende de presque cinquante ans d’histoire d’un sport plus haut que l’ordinaire s’illustre, dans un Verdon aux gorges extraordinaires. La légende flirte par endroit avec l’histoire politique et sociale, la liaison est heureuse parce que discrète et sensuelle. Ceux qui ont connu ces voies de vie savoureront ce livre, ceux qui n’ont pas eu ce bonheur y comprendront ce qui conduit certains à y brûler leurs ailes d’Icare ou à y repousser l’éternité de Sisyphe. Un travail de mémoire, d’intelligence, d’amitié, de tendresse et de sensualité. YVES BERCHADSKY

Les fous du Verdon Bernard Vaucher Editions Guérin, Chamonix, 55 euros

Lieu de cult(ure) L’acronyme GTP fait désormais partie du vocabulaire culturel du coin ! C’est dire si le Grand Théâtre de Provence a réussi son implantation dans le paysage artistique aixois. Inaugurée pour le festival d’Art Lyrique 2007, la grande salle de spectacle conçue par l’architecte italien Vittorio Gregotti est une véritable montagne culturelle, au propre comme au figuré, conçue comme un écho à la Sainte Victoire, et édifié sur une parcelle peu évidente (pente, angle, chemin de fer…). Enclavé au cœur du nouveau quartier Sextius-Mirabeau et voisin de la Cité du Livre et du Pavillon Noir, le GTP connaît un immense succès qui le rend incontournable. Le très bel ouvrage édité chez Skira Flammarion avec le concours de la Communauté du Pays d’Aix

inscrit sur le papier la mémoire d’une œuvre : un chantier remarquablement retranscrit, depuis les fouilles paléontologiques jusqu’au choix plutôt rare de graver dans la pierre les noms de tous les acteurs de l’oeuvre, tous corps de métiers associés. La Gregotti Associati retrace à travers cette publication la genèse d’un édifice réussi et reconnu, agrémenté d’un DVD de 34 mns. FRÉDÉRIC ISOLETTA

Grand Théâtre de Provence Gregotti Associati Ed Skira Flammarion, 150 p, 1DVD, 49 euros

Tranquille, la ville ? Coïncidence heureuse : au moment où sort sur les écrans Nino, le premier film de Jean-Louis Milesi, le co-scénariste de Robert Guédiguian, paraît dans la collection Overlittérature, le scénario de La Ville est tranquille, leur sixième travail commun. Le projet de cette collection étant de «parler de la ville dans tous ses états», le lecteur se rendra vite compte que ce scénario y a vraiment sa place ; la lecture fait revivre à ceux qui ont vu le film les images terribles de cette fin de siècle marquée par la fin des utopies, toutes les mauvaises choses qui «grouillent, des choses dangereuses, effrayantes, qui pourraient à tout instant mettre le feu à la ville» : dépendance à la drogue, chômage, violence, une mère, «qui pédale, qui n’a jamais fini de pédaler, qui pédale à vide» et qui tue sa propre fille par amour…

Et pour ceux qui ne connaissent Guédiguian que par le conte Marius et Jeannette, c’est l’occasion de lire un texte âpre, dur, qui reflète notre société, enrichi par les conversations qu’André Not (Chroniques d’un gardien de phares), a eues avec les membres de la tribu du cinéaste, interprètes du film : Ariane Ascaride (dont le frère, Gilles, co-dirige la collection), Jean-Pierre Darroussin et Gérard Meylan. ANNIE GAVA

La ville est tranquille Robert Guediguian et Jean-Louis Milesi Ed. L’Ecailler, coll Overlittérature, Marseille, 8 euros


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LIVRES

LITTÉRATURE

Refaire le voyage Montréal, mai 2003. Avec la complicité de sa tante Jacqueline, Pierre Anhoury est venu au Québec réaliser l’interview de Virginie Mesropian, sa nounou bien-aimée, la gouvernante restée 68 ans au service de sa famille. Depuis longtemps, il attendait le moment où Jija serait prête à lui livrer ses souvenirs d’une enfance bouleversée par le génocide et l’exode. Avec elle, il a refait le long et douloureux voyage, de 1909 à 1935, pour qu’à travers cet itinéraire individuel survive la mémoire d’un peuple meurtri. Pour lutter aussi contre un certain négationnisme ambiant qui le hérisse. «Comment tu t’appelles ? - Je ne sais pas. - Quel jour tu es née ? - Je ne sais pas.» Ce que sait Jija, c’est qu’elle avait 6 ans en 1915, à Erzeroum, en Arménie. Et elle raconte le début des massacres, la fuite, la mort de certains proches, la séparation d’avec les autres et son existence ensuite, ballottée dans tout le Moyen-Orient

d’orphelinats en familles d’accueil, avant de poser, enfin, sa valise chez les Anhoury à Beyrouth. Sur la vidéo, la vieille dame minuscule évoque sans pathos les atrocités dont elle a été le témoin, ses souffrances, ce qui donne une grande force au propos. Le livre qui accompagne aujourd’hui le DVD a été réalisé en hommage à cette femme qui a choisi de veiller sur les enfants des autres plutôt que de fonder une famille, car elle préférait «souffrir seule». L’album transcrit fidèlement les mots de Jija, morte quelques mois après l’entretien. Il s’enrichit des précisions historiques apportées par Claire Mouradian et d’une agréable iconographie : cartes, photos anciennes, dessins de Dupuy et Berbérian, clichés extraits du film… Bref, il se feuillette comme un carnet de voyage. Un voyage hélas sans retour.

J’avais six ans en Arménie… Virginie-Jija Mesropian édité par Pierre Anhoury et Claire Mouradian éditions L’Inventaire, 22 euros

FRED ROBERT

Lorsque le clown paraît Les fêtes sont terminées mais ce n’est pas une raison pour se priver d’un beau livre ! Celui qui vient de paraître aux Editions Maison, coécrit par François Cervantes et Catherine Germain, est une petite merveille. Le clown Arletti, vingt ans de ravissement a aussi de quoi ravir tous les lecteurs. Les amateurs de photographie se délecteront de ses clichés superbes. Souvent pleine page, souvent sur fond noir, les images captées en coulisse ou sur scène par l’œil complice de Christophe Raynaud de Lage restituent en beauté la présence poétique et décalée du clown Arletti. Quant aux amateurs de mots, ils trouveront dans ce livre à 2 voix des perles. On connaît le talent d’écrivain de Cervantes. Il se déploie ici encore une fois, toujours dans cet entre deux de l’intime et de l’universel, qui vise à rendre la plus parlante possible une expérience de création très particulière. Cervantes part du

principe qu’«un clown, c’est une œuvre», et il relate magnifiquement les étapes de la naissance d’Arletti, le travail d’artiste accompli par Catherine Germain pour disparaître, se laisser envahir par l’autre, la créature. Il évoque aussi son métier d’auteur de théâtre et la spécificité de cette langue qui «donne la parole aux revenants». Un théâtre empreint de magie, où corps et langage sont indissociables. Quant à Catherine Germain, elle retrace elle aussi la genèse émouvante d’Arletti ; elle donne également la recette du blanc de clown et explique les étapes de son long rituel de maquillage. Album illustré, manuel pratique pour clown débutant, recueil de souvenirs pour fans, essai sur le théâtre (avec croquis et notes de répétition en prime), ce livre est tout cela à la fois. Et bien plus encore…

Le clown Arletti, vingt ans de ravissement François Cervantes et Catherine Germain Editions Maison, 20 euros

FRED ROBERT

Paradoxe du paradigme Voici un bien étrange et érudit propos : questionner au plus près le concept de transparence -via des domaines aussi divers que la philosophie et l’esthétique, les sciences économiques, la cybernétique et technologies de l’information, l’épistémologie des sciences sociales, l’anthropologie-, interroger des œuvres d’art anciennes et contemporaines. La danse aussi, manquerait la musique. Les seize auteurs, professeur d’université, chercheur, doctorant, ingénieur, thésard, maître de conférences, doublé d’artiste pour certains, ont mené leurs réflexions lors d’un séminaire durant une année universitaire dans le cadre du LESA (Laboratoire d’Etudes en Sciences des Arts) de l’Université de Provence dirigé par le philosophe Michel Guérin. Leurs biographies respectives sont rassemblées en fin d’ouvrage. Alors amis lecteurs accrochez-vous à vos concepts, à moins de faire preuve de pure poïétique. Car l’objet ordonné en trois chapitres principaux, concepts, percepts, expériences, regorge de portes d’entrée. Après une mise en place redoutablement théorique de

Guérin, le lecteur pourra entreprendre l’ouvrage en quelque point de son choix sans grave préjudice de compréhension, puisque chaque participation, conclue par une bibliographie nourrie, est indépendante des autres. En ignorer certaines pour les moins opiniâtres serait se passer d’angles d’analyse singulièrement pénétrants (à travers le prisme de l’économie pour Carine et Elisabeth Krecké, les machines optiques selon Pierre Bauman, la transparence brumeuse et l’art contemporain par Jean Arnaud…) donc de lectures inouïes car impensables communément. Mais il vous faudra outrepasser votre retenue envers des langages ou des tournures a priori rébarbatifs et abscons : la transparence prendrait-elle sens au risque de l’opacité ? Dans sa préface, Michel Guérin prévenait «c’est au lecteur seul qu’il incombe de tirer éventuellement la conclusion, s’il en est une.» Et s’il y en avait plusieurs ? CLAUDE LORIN

La transparence comme paradigme ouvrage collectif sous la direction de Michel Guérin 332 pages, 13 ill. coul. Publications de l’Université de Provence, 2008, 29 euros www.univ-provence.fr/wpup


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Poésie et Chamanisme «L’esprit du climat souffle la tempête, l’esprit du climat disperse la neige, et Narsuk, l’enfant démuni de la tempête, fait trembler de ses plaintes les poumons de l’air (Esquimaux Copper)». Yves di Manno a enfin publié une magnifique traduction de la somme de Jérôme Rothenberg : un recueil de textes issus des traditions orales des tribus dites «primitives» des quatre coins du monde, des récits d’initiation chamaniques aux épopées africaines, des chants péruviens aux légendes irlandaises, qu’il rapproche des réalisations les plus novatrices de la poésie contemporaine -poésie sonore, performances, théâtre total... Cette anthologie à double entrée, nous invite à lire, et à lier, ces deux extrêmes de l’histoire de la poésie : langage originel d’avant la poésie, et langage d’après la poésie, une fois la «poésie occidentale» enterrée. Publié dans les années 60, dans la mouvance de la Beat Generation, le projet était politique. Il niait l’hégémonie de la civilisation occidentale, accusée d’une arrogance insupportable s’appuyant sur l’illusion du progrès technique et du rationalisme, et récusait une poésie qui en était le miroir, épuisée et racornie par l’esprit analytique, et par un polissage normatif stérilisant. Car Rothenberg poursuit, dans

ce voyage à travers une culture injustement taxée d’archaïsme, une utopie du langage cherchant sa vérité et son efficacité dans un rapport immédiat au corps, au souffle, à la danse, à la parole, et à la ritualité magique. Certes, l’entreprise est discutable, et par le choix arbitraire de textes hétérogènes, et parce qu’il faut feindre d’ignorer que toute la poésie, occidentale ou non, et pas seulement depuis Rimbaud ou Tzara, a poursuivi ce rêve d’un langage visionnaire et organiquement lié au monde et aux hommes. Mais le livre reste, plus de quarante ans après sa parution, incroyablement stimulant. D’abord par la richesse de la compilation de ces textes inconnus et magnifiques, au charme mystérieux et à la vitalité réjouissante. Tantôt oniriques, tantôt drôles ou obscènes, les cosmogonies et les épopées, les récits de transes et les extases, les guérisons fabuleuses, les incantations rituelles, les nuits immenses et les jours clairs, les chevaux et les yacks, nous emmènent dans des mondes oubliés, où la plus grande naïveté coïncide avec l’abstraction pure, où la continuité des vivants et des morts, de l’esprit et du corps, de l’homme et des bêtes, estompe la séparation entre réel et irréel, où le langage ramène aux hommes la réalité obscure des

rêves, des visions, des esprits. Mais la plus belle réussite de cette «anthologie active» tient dans l’échange d’énergies entre les «techniciens du sacré», des poètes ancestraux aux poètes contemporains. Elle nous permet de redécouvrir l’étonnante inventivité expérimentale et novatrice des premiers, et la profondeur et le vertige des seconds, les uns par les autres. Comme si dans ce transfert, ce transport, d’un âge à un autre, d’une langue à une autre, avaient opéré les communications mystérieuses et les pouvoirs thaumaturges du chamanisme... AUDE FANLO

Les Techniciens du sacré Jérôme Rothenberg trad. Yves di Manno José Corti, 33 euros

Pour l’amour de l’Art Aller jusqu’au bout pour trouver du nouveau, procéder à un long dérèglement de tous les sens pour extraire de ses propres profondeurs le minerai incandescent qui se transformera, dans les mains de l’artiste, en œuvre immortelle. Baudelaire et Rimbaud auraient sans doute compris cette démarche… Au XIXe on fumait de l’opium, on cherchait dans l’acmé de plaisirs interdits des sensations nouvelles…. Mais au XXIe siècle ? Que faire ? Surtout dans une société extrêmement policée, à tous les sens du terme. La marge de dérèglement sensoriel de l’artiste devient très étroite. Puisque tout a été tenté, que reste t-il comme liberté ? C’est cette question qu’explore le roman de Pia Petersen. Iouri est un «vrai» artiste, un de ceux qui vivent pour créer, dont la vie même est une pure création, aux dires

de sa compagne, totalement fascinée par le monstre sacré qu’est son amant. C’est elle qui dévoile lentement, comme dans une enquête policière, le mystère de la création. Elle observe le petit monde de l’art contemporain d’un regard admiratif : «l’idée de vivre dans le milieu artistique me plaît, c’est comme d’être dans une perpétuelle foire aux monstres et c’est étrange et magique.» et parfois malicieux : «c’est une grande personnalité dans le monde de l’art et chaque minute qu’elle consacre à quelqu’un compte.» Mais elle se laisse lentement envahir par la folie de l’artiste. Au point de la justifier et de la soutenir là où lui-même aurait peutêtre attendu un garde-fou…

Iouri Pia Petersen Actes Sud, coll. un endroit où aller 21,80 euros

SYLVIA GOURION

Le Bégaudeau nouveau est arrivé On l’attendait, on l’espérait et il l’a fait ! Drôle, érudit, malicieux, cet antimanuel de littérature va enterrer définitivement notre bon vieux Lagarde et Michard, et tous ceux qui ont tenté de le suivre. Bien écrit, dans une langue précise et franche, «la présence des femmes a tout changé, comme quand une cousine s’invite à un regardage de pornos en groupe… émasculés se sentent les écrivains mâles», qui permet de saisir l’essentiel des enjeux de l’écriture dite «féminine». Ensuite, il est bien construit, comme un vrai manuel, mais illustré d’images décalées qui donnent à cogiter. Si la forme est classique, le contenu l’est moins et répond à toutes sortes de questions fondamentales ; «l’écrivain peut-il être une femme ?», «L’écrivain est-il

beau et riche ?» ou, plus angoissante, «y a-t-il une vie après la littérature ?» Curieusement, c’est en chahutant la littérature et ceux qui la produisent que François Bégaudeau donne des éléments de réflexion sur cette drôle de manie qu’est l’écriture. Une belle leçon pour ceux qui pensent encore qu’un manuel se doit d’être sérieux pour instruire… Voilà donc un petit bijou à s’offrir de toute urgence, et à laisser traîner à côté du micro-onde. Surtout si vous avez un ado à la maison qui passe son bac français cette année. La moyenne n’est pas garantie mais il se pourrait qu’il prenne enfin goût à la lecture ! SYLVIA GOURION

Antimanuel de littérature François Bégaudeau Editions Bréal, 21euros


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LIVRES

LITTÉRATURE

Chroniques sociales Le court roman de Fanny Guillon se présente sous forme de récits successifs, traçant ensemble le parcours de la vie d’une jeune femme, de 14 à 30 ans. Julie est un double romancé de l’auteur, une narratrice à la deuxième personne. Ce «toi» passe -comme Fanny Guillon l’a fait- d’un univers à l’autre : assistante sociale surtout, mais aussi conteuse, slameuse, écrivaine à ses heures, épouse, mère et amante. Ce parcours, attachant, permet au lecteur de naviguer dans les rues de Marseille, de côtoyer une misère sociale qu’il soupçonne et voit sans vraiment la regarder, la comprendre : les personnages de laissés pour compte qui traversent la vie professionnelle de la narratrice sont criants de vérité et de douleur, et les anecdotes qu’elle rapporte tiennent en haleine et en

révolte contre l’insupportable misère matérielle et morale dont ils sont victimes. Les déboires sentimentaux de la narratrice s’y rattachent avec habileté, formant un portrait en mosaïque plus qu’attachant. Une lecture très agréable donc, malgré la langue, crue et brute, qui aurait sans doute mérité, au-delà de ce choix justifié, un travail stylistique plus fin. Une telle matière aurait gagné à ajourer les phrases, percuter les mots et les registres, et percer la misère d’illuminations lexicales : la richesse de l’expérience, de l’anecdote et de la réflexion ne suffit pas complètement à remplacer l’amour des mots.

L’effondrement Fanny Guillon Ed Tangentes, Marseille, 9 euros

AGNÈS FRESCHEL

Le désert de l’amour «Il me faut t’écrire pour que tu disparaisses, pour que tout puisse se fondre au désert, pour que nous dormions enfin, immobiles et sereins, sans craindre de perdre de vue ta silhouette déchirée par le vent, le soleil et les pierres du chemin. O mère, il me faut ramener des profondeurs un monde enseveli pour y glisser ton nom (…). Mon lumineux cahier sera la grande fenêtre par où s’échapperont un à un les monstres qui nous hantent.» Ainsi s’ouvre le récit de Soledad. Comme ses aïeules, comme sa mère, comme ses sœurs avant elle, elle a reçu pour unique héritage une boîte magique qui renferme son don. Dans cette boîte, elle a trouvé un grand cahier, de l’encre et une plume. À elle revient d’écrire l’histoire de sa mère, Frasquita Carasco, la petite Andalouse qui avait trouvé, elle, dans le coffret miraculeux, des écheveaux de fils multicolores et était devenue une magicienne de la couture. Le récit suit

donc la mère, fil conducteur de cette épopée familiale, des collines arides du sud de l’Espagne à l’arrivée sur le sol algérien. Heurs et surtout malheurs d’une tribu déshéritée, malgré -ou peut-être à cause ?- des dons quasi surnaturels de la mère et de chacun des enfants. Histoire chaotique et mystérieuse, dont le style épouse l’âpre poésie des confins désertiques, l’évidente beauté des mythes ancestraux. Réalisme et merveilleux s’enchevêtrent dans la trame de ce roman envoûtant, qui chante la douleur des mères, leurs sacrifices, leur force et leur courage aussi. À l’image de cette Frasquita en robe de mariée, qui tire sa charrette pleine d’enfants sans jamais s’arrêter. Un hymne superbe et émouvant aux mères et aux liens du sang, dont le cœur cousu est sans doute la métaphore.

Le cœur cousu Carole Martinez Gallimard, 23 euros

FRED ROBERT

Le chant de l’Histoire C’est un tout petit livre mais une longue histoire. Elle a débuté aux Archives Départementales, à Marseille, par la lecture de lettres sur la marche des exilés Espagnols : le passage des Pyrénées, avec le souvenir de Guernica, des combats, puis l’arrivée au camp d’Argeles. À partir de ces archives Sara Sonthonnax a bâti tout d’abord un spectacle à deux voix complémentaires : dans Exilio créé au théâtre Gyptis en 2007, Miguel le libertaire et Pablo le combattant «ordinaire» croisaient leurs témoignages, en prose et en versets. Dans le livre publié aux éditions L’atinoir c’est la voix de Pablo qui a pris le dessus, même si celle de Miguel se laisse encore entendre en écho. La langue est toujours belle et impose sa force sensuelle et brutale. Sans complaisance l’horreur y est dite : celle des Fascistes qui, en janvier 39, contraignent au départ et imposent leurs visages rieurs et vulgaires, féroces,

mais aussi celle des Républicains désaxés, dont certains violent des enfants, exécutent des déserteurs avant de fuir eux-mêmes. Mais c’est celle des Français surtout qui révolte, invisibles mais imposant aux réfugiés de mourir de faim et de froid sur la plage… Et la chaleur fugace, au détour de rencontres entre anciens combattants, puis tenace face aux rives mexicaines qui approchent… Exil et camps qui, par l’âpreté de l’évocation physiologique de la neige, du sable, du mépris, de la séparation, de l’oubli, font penser à d’autres goulags : l’enfer de Mauthausen, où mourront en masse les Républicains espagnols soigneusement livrés aux Nazis par l’État vichyste, mais aussi la honte d’aujourd’hui, nos centres européens de rétention, aux conditions quasi carcérales. A.F.

Exilio Sara Sonthonnax Ed L’atinoir, coll L’atineur, Marseille, 6 euros


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Le chemin de l’harmonie NON ! Elle ne peut pas mourir ! Car c’est par la mort d’Ellana que débute le roman ! Pour la première fois, Pierre Bottero ne suit pas une chronologie linéaire, mais entrecroise les temps, la trame complexe des destins, que chaque personnage forge. Il est préférable d’avoir lu les épisodes précédents, pour goûter toutes les facettes de cette aventure poignante. Ellana a grandi, mère, maître marchombre à son tour, elle perçoit à quel point apprendre à l’autre passe nécessairement par une réflexion sur soi, sur son propre apprentissage. C’est pourquoi elle va devoir revenir aux origines pour se reconstruire et se trouver. La quête des personnages de Bottero est toujours, à travers des aventures magnifiquement imaginées, une quête spirituelle et humaine, profondément. C’est sans doute pour cela que ses jeunes et moins jeunes lecteurs

le suivent avec passion. Ils savent qu’à toute question, deux réponses sont toujours possibles, «celle du savant et celle du poète», et surtout, qu’«Infinie et lumineuse, / La voie du marchombre se déroule. / En soi.» Pour tous ceux qui ne sont pas encore précipités sur le dernier livre de la dernière trilogie de Pierre Bottero, parce qu’ils étaient malades, hors du monde, surchargés de travail ou de loisirs, il n’y aura plus d’excuse ! Et si vous faites attention, vous trouverez des échos entre les différentes séries, ainsi, la prairie dévoreuse se trouvait déjà dans la superbe trilogie de L’Autre. Ouvrez le volume de la «Prophétie», et partez sur le chemin des Marchombres, avec de la poésie et de l’aventure, sans modération !

Ellana, La Prophétie Le pacte des Marchombres vol 3 Pierre Bottero Ed. Rageot 19,50 euros

MARYVONNE COLOMBANI

La traversée de la nuit August Brill, critique littéraire à la retraite, est cette nuit, une fois de plus, en proie à l’insomnie. Installé dans le Vermont chez sa fille à la suite d’un accident de voiture, il est le troisième d’un trio de blessés de la vie. Dans cette maison, trois générations de malheureux cohabitent. Katya, sa petite-fille, 23 ans, qui ne se remet pas de la mort en Irak de son ex petit ami et avale DVD sur DVD pour essayer de distraire sa dépression. Miriam, sa fille, 47 ans, divorcée, malheureuse, qui doute d’elle-même et de son travail de biographe. Et puis, il y a lui, avec sa jambe en capilotade, sa toux persistante de vieux fumeur, ses envies pressantes et ses insomnies. Lui qui a perdu sa femme bien-aimée, sa jeunesse, ses illusions. Pour parvenir au bout de la nuit sans se laisser submerger par les fantômes, l’ancien critique s’invente des histoires. Récit dans le récit : se juxtaposent aux micro péripéties d’une nuit blanche les mésaventures

d’Owen Brick, projeté pendant son sommeil dans une Amérique parallèle en pleine guerre civile. On ne suivra pas ce héros malgré lui jusqu’au bout, car son histoire réveille les souvenirs d’autres histoires de guerre, et de rencontres et d’amour et de ruptures. Le narrateur, au bout du compte, est loin d’être «seul dans le noir». Et lorsque le jour point, c’est comme s’il faisait plus clair dans sa tête et dans son cœur ; «ce monde étrange continue de tourner.» Quoiqu’on retrouve dans les aventures d’Owen Brick le goût pour l’absurde grinçant du romancier new yorkais, ce roman n’est sans doute pas un grand Auster. On prend pourtant plaisir à suivre les méandres de la pensée insomniaque ; on goûte la nostalgie désabusée d’un personnage qui n’est sûrement pas très éloigné de l’auteur ; et on savoure la tendresse et l’espoir malgré tout.

Seul dans le noir Paul Auster éditions Actes Sud, 19,50 euros

Fred Robert

Hélas, Hellas ! Il est en quête de lui-même, il a 17 ans, «on n’est pas sérieux» à cet âge, murmurerait Rimbaud… Le propos de ce roman d’initiation est plutôt sympathique, un jeune homme en proie aux incertitudes part en Grèce sur les traces d’un père prématurément disparu. Quelques notations drôles sur la vision frelatée des touristes, l’arrivée au nouvel aéroport d’Athènes, une opposition entre les «parthénons» de plâtre et la vie réelle des contemporains, un air de rébétiko, du vrai, tout ceci aurait pu constituer l’étoffe d’un roman à la fois critique et léger. Était-il alors nécessaire de plaquer artificiellement des théories et des poncifs sur les personnages ? Le décor est grec, mais fallait-il à tout prix avoir recours au thème oedipien de l’inceste ? Le

rythme de la narration se perd dans de longues et pesantes digressions philosophiques… L’écriture romanesque n’est pas celle de l’essai, on écrit en gommant, en biffant l’inutile… «Où que j’aille, je porte en moi la Grèce comme une blessure» écrivait Séféris… On aurait aimé retrouver cette sensible douleur des origines. Maryvonne Colombani

Les Lèvres d’Athènes Yannis Youlountas Ed. La Gouttière, 15 euros


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LIVRES

PHILOSOPHIE

Histoire et actualité de l’anarchisme Même si l’on n’y croit pas, à tout le moins on peut se dire que l’anarchisme est une formidable école d’espérance de rationalité, de lucidité ; d’humanisme, en fait C’est toujours le premier piège à lever quand on parle de l’anarchie ou du communisme : ce sont des utopies. Le mérite de ce petit livre fort abordable, sans aucune obscurité, ce qui n’est pas le moindre de ses mérites, est de nous rappeler que l’anarchie est avant tout une théorie de l’émancipation ; et à moins de se dire que l’on aime ses chaînes ou que l’on ne veut pas les voir, qui peut dire qu’il n’a pas envie d’être libre ? Voir l’anarchie comme un non-sens (un non-lieu, une utopie donc) tient moins à son caractère irréalisable qu’au désir de vivre dans ses illusions, et penser que l’on est libre ; ce qui est plus confortable et épargne de lutter pour se libérer. Car l’auteur le rappelle d’emblée, et il faut toujours le dire, «an-archie» n’est pas l’absence d’ordre ou d’organisation mais l’absence de pouvoir. Cette théorie est synthétisée poétiquement par deux artistes, Ferré rappelant que l’anarchie c’est l’ordre moins le pouvoir, et Brassens disant qu’il était tellement anarchiste qu’il traversait dans les clous !

nous rappelle l’utilité pratique et l’efficience historique de l’anarchie, notamment dans le syndicalisme où ses militants étaient en pointe de tous les combats ; c’est à une répression brutale et une condamnation ubuesque de ses membres lors d’une manifestation à Chicago le premier mai 1886 que l’on doit la fête du travail. Le lecteur pourra aisément avoir une limpide synthèse des conflits épiques au sein de la première internationale, des implications anarchistes lors de la Commune de Paris, de la Révolution de 1917, de la guerre d’Espagne, etc… Pour revenir à la théorie, il n’en est guère en fait de plus indispensables qui selon les mots de Chomsky permettent d’identifier les structures coercitives et les mettre à l’épreuve de leur légitimité ; en ce sens l’anarchie est dans le droit fil des théories du contrat social, de Grotius à Rousseau, qui permettent aux sociétés d’un peu moins marcher sur la tête, ou de se rappeler ce que l’euphémisme -ou oxymoron ça dépend !- «société vraiment humaine» veut dire. REGIS VLACHOS

Histoire Mais par delà son caractère indispensable pour l’esprit, qui invite à comprendre le mode de coercition inhérent à toute société où il y a un pouvoir, ce livre

Vous avez dit Capital ? Marx revient et cela fait pourtant longtemps qu’on en parle : des Spectres de Marx de Derrida au Sourire du spectre de Bensaïd. Mais aujourd’hui, avec la crise, le renouveau conceptuel transperce la pratique Renoncer à nommer cette crise comme une crise du capitalisme permet d’éviter Marx, ses analyses du système, et toute remise en cause. Cependant le public, minoritaire il est vrai, ne s’y trompe pas tout à fait : les ventes du Capital croissent jusqu’à 50%. Mais avez vous déjà ouvert le Capital ? C’est du lourd ! Qui pourrait alors se hasarder à abréger clairement le Capital, notamment le fameux livre 1 ? Ne serait-ce pas trahir les intentions de l’auteur, ses patientes et progressives analyses du système, au travers de la mise en place de concepts qui vont marquer notre histoire? L’idéal serait d’avoir en plus l’approbation de l’auteur… de la science fiction ? Et bien non, c’est fait! Figurez-vous qu’il vient d’être réédité ce fameux abrégé, avec les félicitations même de Marx ! «Des deux abrégés que j’avais déjà lus, le vôtre atteint le but principal, celui d’impressionner le public auquel les

résumés sont destinés. Et voilà la grande supériorité de votre travail. Du reste je suis de votre avis qu’il ne faut pas surcharger l’esprit des gens qu’on se propose d’éduquer.» Mais la lettre date du 29 juillet 1879 ! La grande supériorité, quant à la forme, de cette édition de 2008 tient d’abord à son format et à son prix sympathique de 10 euros. Quant au fond, rien ne nous est épargné des patientes élaborations de la valeur d’échange et d’usage, de la plus value absolue et relative, et des rapports de force inhérents au système capitaliste entre l’acheteur de la force de travail, le capitaliste, et son vendeur, le prolétaire. Mais la valeur inestimable de ce petit livre est son style: «je demande donc une journée de travail de longueur normale, et je la demande sans faire appel à ton cœur, car dans les affaires d’argent le sentiment n’a pas de place. Tu peux être un bourgeois modèle, peut être membre de la société protectrice des animaux, et par-dessus le marché en odeur de sainteté : mais la chose que tu représentes vis à vis de moi n’a point de cœur qui batte dans sa poitrine.» Moraliser vous avez dit ? Assez de comédie. Lire, penser… lutter ? R.V.

Abrégé du capital de Karl Marx Carlo Cafiero Le chien rouge, 10 euros

L’ordre moins le pouvoir Normand Baillargeon Agone, 10 euros


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Est-ce une guerre ? À l’heure ou les bombes pleuvent sur la population de Gaza, un livre sorti il y a trois ans nous foudroie de lumière. C’est un roman, d’un style éblouissant, d’une poésie sublime qui raconte le pan de vie d’un docteur israélien plongé chez ces inconnus des Israéliens : les Palestiniens Le livre «Le matin, à l’heure où la nuit retrousse ses ourlets sur les premiers attouchements du jour, je suis debout. J’ai dormi comme un enfant. Je le vois dans ce patio chauffé à blanc. Ce n’est pas l’Abdel que j’ai connu drôle et généreux ; c’est quelqu’un d’autre, quelqu’un de tragique, mû par une ambition de loup qui ne porte jamais plus loin que le prochain repas, la prochaine proie, la prochaine tuerie au-delà de laquelle c’est le néant blanc, vierge, où tout reste en suspens et à supposer. Il porte dans son regard la pénombre des chambres mortuaires. C’est évident, Abdel ne relève plus de ce qui est vivant. Il s’est choisi le statut qui adhère le mieux à son profil ; le statut de martyr.» On voudrait ne pas vous en dire plus de ce livre ; ou simplement, lisez-le si ce n’est déjà fait, il se suffit. Vous en toucher même deux mots révélerait l’intrigue qui se joue dès les premières pages ; ne posez pas les yeux sur la quatrième de couverture non plus où elle est bêtement décrite. Disons seulement que le voyage cruel et métaphysique de ce médecin chez les Palestiniens relève d’un prodige de puissance dramaturgique, et révèle ce que peut éprouver un Israélien bourgeois et modéré qui découvrirait la réalité de l’existence de ses voisins arabes. Fin du compte rendu !

Les concepts Mais on ne peut en rester là, car il n’est souvent de plus vivant hommage aux concepts philosophiques ou géopolitiques que ceux de la littérature. Parce que le réel des images et de la narration peut tordre les subtilités dialectiques, et poser les détails concrets qui déjoueraient toute théorie. Qu’est-ce qu’une guerre ? Deux pays qui s’affrontent, un qui se défend, des populations terrorisées ? La plongée au cœur de Tel Aviv, de quartiers chics de Jérusalem nous montre des populations aisées hors du temps, ignorantes des réalités guerrières, de ce qui se passe à Gaza ou en Cisjordanie. C’est le cas du

médecin de Khadara. Les Israéliens ne connaissent pas les Palestiniens, la propagande d’État comme dans tous les pays développés fait son office, répétant : nous sommes attaqués par les Palestiniens. Qu’est-ce qu’une frontière ? Le Mur n’est certes pas pour les Israéliens une délimitation de frontières, il est perçu comme un rempart sécuritaire ayant contribué à faire baisser le nombre d’attentats. Or ce mur assume des fonctions de contrôle moins visibles, moins médiatiques, inscrits dans des formes de territorialité post-moderne : contrôle des populations et de leur cheminement, avec plus de 700 check point en Cisjordanie. Et puis une guerre c’est : qui a commencé ? Sur ce conflit on en finirait pas : tirs de roquette du Hamas, occupation israélienne ? Quand commencer ? On part de 1948 ? Mais la réalité et l’horreur ne supportent pas ces généralités sans fin. Posons donc un terme court dans ce voyage à rebours : l’accord de cessez le feu négocié le 19 juin 2008 nommé tahdi’a («calme») entre Israël et le Hamas. Entre juin et novembre 2008, il y a eu 15 tirs de mortier et 11 roquettes tirés sur le territoire israélien ne faisant aucun mort suivant les sources mêmes de l’armée israélienne. L’incursion de cette dernière dans Gaza, le 4 novembre 2008, en pleine occupation médiatique sur les élections étasuniennes fit plusieurs morts et des ravages supplémentaires. Par ailleurs, suivant les mêmes sources, l’attaque contre Gaza de décembre était prévue depuis 6 mois.

Belligérants Qu’est-ce qu’une guerre alors ? On présente sur les plateaux d’une même balance les Israéliens et les Palestiniens, comme s’il s’agissait d’un conflit entre nations plus ou moins égales. Si on sait ce qu’est Israël, un pays riche et souverain, sait-on ce que sont les Palestiniens ? Des individus vivant dans un espace où ils ne contrôlent par leur eau, pas leur électricité, pas leur espace aérien et maritime, ni leur passeport, leurs déplacements, leur nourriture, creusant des tunnels comme des animaux pour se nourrir à l’extérieur ; que peuvent faire des individus en cage affamés et humiliés? S’en remettre à une organisation qui tire des roquettes à l’aveugle par exemple ? Jaurès écrivait : «Il n’est plus nécessaire de rechercher dans la complication des évènements, dans la rouerie de la diplomatie, dans les intrigues et les mystères des gouvernements, quel est le gouvernement qui attaque, quel est le gouvernement qui est attaqué. L’agresseur, l’ennemi de la civilisation, ce sera le gouvernement qui refusera l’arbitrage et qui, en refusant l’arbitrage acculera les hommes à des conflits sanglants.» L’arbitrage a dit depuis Oslo de lever l’embargo ; aujourd’hui le gouvernement israëlien refuse tout arbitrage et assassine civils et enfants. REGIS VLACHOS

L’attentat Yasmina Khadra Pocket, 9 euros


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PHILOSOPHIE

Un étourdissant mutisme commémoratif semble plomber l’aube de cette année 2009 : le 150e anniversaire de la naissance de Jaurès. Rien ne semble prévu et les bacs des libraires restent désespérément vides. À Zibeline nous ne pouvions passer sous silence un tel événement. Touchons donc deux mots de cette étoile persistante, charnière des XIXe et XXe siècle de la pensée et de la politique françaises. Juste pour cerner l’imposture de certains qui se disent socialistes, ou citent Jaurès

PHILOSOPHIE DU SOCIALISME CHEZ JAURÈS

Jaurès, ou ce que la philosophie politique veut dire

On ne se tromperait pas à parler d’inspiration quasi mystique de Jaurès ; à lire ses discours surgit une arrière pensée vivace et quasiment jubilatoire, dû à la forme du propos, à un art oratoire au sommet de sa grâce, et au fond : la certitude d’une société vraiment humaine à venir. Cette croyance en un dieu se retrouve dans La question religieuse et le socialisme édité en 1959 pour le 100e anniversaire de sa naissance aux éditions de minuit. À 32 ans et à l’aube de son entrée définitive dans l’action politique et le combat socialiste, le centre de sa pensée reste métaphysique et optimiste.

Religion et politique Il y a dans ces pages qui reprennent ses articles de La dépêche de Toulouse dès l’été 1891 une remarquable articulation entre la question sociale et la question religieuse. Et plus encore de véritables moments de bravoure philosophique quant à la nature religieuse de l’homme ; cette religiosité porte en elle le socialisme, avec ses idées de solidarité et de foi en un monde qui serait dépassement du présent ; sans cette foi, pour Jaurès, il ne peut y avoir de lutte de la classe opprimée pour un monde meilleur : «s’il se produit dans l’humanité sous le nom encore vague de socialisme, un immense mouvement de justice qui (…) exalte dans toutes les consciences le sentiment du droit et le sentiment de la solidarité humaine, cette grande manifestation de justice sera pour les âmes humaines une révélation infinie…» Pour lui les religions révélées sont des usurpations de cette idée de solidarité.

Que signifie sérieusement un dieu qui se fait homme : «Veuton dire qu’à force de sainteté de tendresse et de sacrifice, l’âme de Jésus s’est dépouillée de toutes particularités étroites, de toute individualité exclusive et égoïste, et qu’elle s’est ainsi substantiellement unie à l’infinie bonté…» ; non, ce n’est pas sérieux ! La pensée religieuse et originale de Jaurès perce dans cet extrait : «l’humanité comprendra et aimera d’autant plus le christ qu’elle pourrait à la rigueur se passer de lui. Elle s’appuiera d’autant mieux sur ce qu’il y a de divin en lui qu’elle aura développé ce qu’il y a de divin en elle.» C’est alors par sa phrase la plus fameuse que l’original Jaurès concède aux socialistes leur athéisme, et qu’il les suivra dans cette voie : «même si les socialistes éteignent un moment toutes les étoiles du ciel, je veux marcher avec eux dans le chemin sombre qui mène à la justice, étincelle divine, qui suffira à rallumer tous les


67 soleils dans toutes les hauteurs de l’espace.» Car, pour lui, le matérialisme est un spiritualisme : «si l’esprit agit et vit c’est dans ce qu’on appelle ma matière et les lois». Question sociale et question religieuse se rejoignent : «devant les travailleurs la pensée est enfermée jusqu’ici entre les quatre murs de l’usine, nous voulons rouvrir les grands horizons où les peuples primitifs respiraient le souffle de dieu». Cette pensée profondément empreinte du salut illuminera pour longtemps les bancs de l’Assemblée Nationale, dans cette forme de républicanisme révolutionnaire qu’il ne lâchera pas ; c’est par la République que la Révolution adviendra, mais cette république, ici celle de l’instruction obligatoire arrachée à l’église, il n’a de cesse de la haranguer, de la narguer : «vous avez interrompu la vieille chanson qui berçait la misère humaine et la misère humaine s’est réveillée avec des cris, elle s’est dressée devant vous et elle réclame aujourd’hui sa place, sa large place au soleil du monde naturel, le seul que vois n’ayez point pâli» ; et il poursuit : «par le suffrage universel, par la souveraineté nationale, vous avez fait de tous les citoyens une assemblée de rois… mais au moment même où le salarié est souverain dans l’ordre politique, il est dans l’ordre économique réduit au servage».

Pensée et action politiques Grand orateur, Jaurès est aussi un des plus brillants intellectuels du XXe siècle, et certainement le plus brillant esprit qui se soit jamais mis au service d’un parti politique : qu’est-ce qu’un intellectuel brillant me direz-vous ? On pourrait la définir par une alliance de trois critères : la lucidité, la pertinence philosophique et la proximité charnelle à la question sociale ; concernant la lucidité on ne se lasserait pas de citer des textes qui auraient pu être écrits hier ; alors au moins un, de cette série d’articles pour la dépêche de Toulouse entre 1888 et 1890 : «à mesure que les entreprises industrielles et commerciales, mises en action, sont devenues des entreprises financières, le jeu de la spéculation s’est étendu non seulement à ces actions mêmes, mais aux produits aux marchandises… les gros capitalistes se sont dits : puisque tout n’est plus qu’un jeu il faut jouer à coup sûr… pourquoi y aura-t-il forcément contre la féodalité capitaliste une révolution analogue à 1789… la féodalité capitaliste qui a fait tant de mal à la nation n’est plus utile à beaucoup». Par ailleurs, des textes articulant la philosophie à la question sociale devraient trouver leur place dans les manuels : «Le travail devrait être une fonction et une joie ; il n’est bien souvent qu’une servitude et une souffrance. Il devrait être le combat de tous les hommes unis contre les choses, contre les fatalités de la nature et les misères de la vie ; il est le combat des hommes entre eux, se disputant les jouissances par la ruse, l’âpreté du gain, l’oppression des faibles et toutes le violences de la concurrence illimitée.» À ces qualités indéniables on pourrait en adjoindre une autre, belle leçon donnée à tous les intellectuels mondains : batailler au sein même d’une organisation politique, là où se réalise concrètement la liberté, d’une part dans l’épreuve de la pensée au contact des militants, et d’autre part dans la bataille des motions, des plateformes, qui constitue la base de l’action politique.

On sait l’influence et la position originale de Jaurès au sein des socialistes : son réformisme contre le radicalisme de Jules Guesde, sa conception de la révolution, qui passe par les urnes plutôt que par le combat du seul prolétariat. On connaît aussi leur confrontation lors du fameux débat du 26 novembre 1900 à Lille, censé mettre fin au pugilat entre les tendances socialistes. Jaurès admettra toujours le principe de la lutte des classes : «un conflit qui a pour principe la division de la société en possédants et en non possédants n’est pas superficiel, il va jusqu’aux racines mêmes de la vie.» Mais le choc est violent dès que Jaurès critique l’internationalisme abstrait des radicaux du parti ainsi que leur refus d’alliance avec la bourgeoisie: «L’heure est passée où les uto-pistes considéraient le communisme comme une plante artificielle qu’on pouvait faire fleurir à volonté, sous un climat choisi par un chef de secte. Il n’y a plus d’Icaries. Le socialisme ne se sépare plus de la vie, il ne se sépare plus de la nation ; il ne déserte pas la patrie; il se sert de la patrie elle-même pour la transformer et l’agrandir. L’internationalisme abstrait et anarchisant qui ferait fi des conditions de lutte, d’action d’évolution de chaque groupement historique ne serait qu’une Icarie…»

Défendre le droit Et ce serait aller à Rome sans voir le pape que de parler de Jaurès sans parler de L’affaire Dreyfus, qui souligne son originalité chez les socialistes : il comprend que soutenir la cause de Dreyfus était d’un intérêt vital pour le socialisme, puisque laisser l’État républicain bafouer ainsi le droit épuise la démocratie et hypothèque son avenir socialiste. Jaurès mène ce combat bien isolé parmi les socialistes peu disposés à entrer dans cette querelle bourgeoise. À ceux de ses camarades enfermés dans leur haine de classe et leur anticapitalisme aux relents antisémites, il écrit ceci : «Quel que soit l’être de chair et de sang qui vient à la vie, s’il a figure d’homme, il porte en lui le droit humain… Dreyfus n’est plus ni un officier ni un bourgeois ; il est dépouillé, par l’excès même de malheur de tout caractère de classe ; il n’est plus que l’humanité elle-même, au plus haut degré de misère et de désespoir qui se puisse imaginer.» Mais voilà, Jaurès est mort à l’aube de la grande guerre ; ses idées dérangeaient et notamment son pacifisme tout ancré dans la lutte des classes ; car quelle est la cause de la guerre, celles du temps de

Jaurès et du nôtre, même de ces guerres qu’on ne nomme pas après 1960, des centaines de milliers de Sud Américains et d’Africains morts du fait des intérêts étasuniens ou français ? «Tant que dans chaque nation, une classe restreinte d’hommes possédera les grands moyens de production et d’échange, tant qu’elle possédera ainsi et gouvernera les autres hommes, tant que cette classe pourra imposer aux sociétés qu’elle domine sa propre loi, qui est la concurrence illimitée, la lutte incessante pour la vie, le combat quotidien pour la fortune et le pouvoir ; tant que cette classe privilégiée, pour se préserver contre tous les sursauts possibles de la masse, s’appuiera ou sur les grandes dynasties militaires ou sur certaines armées de métier des républiques oligarchiques (…), tant que cela sera, toujours, cette guerre politique, économique et sociale des classes entres elles, des individus entre eux, suscitera dans chaque nation les guerres armées entre les peuples. C’est de la division profonde des classes et des intérêts dans chaque pays que sortent les conflits entre les nations (…) Toujours cette société violente et chaotique, même quand elle veut la paix, même quand elle est à l’état d’apparent repos, porte en elle la guerre comme la nuée porte l’orage.» Ce qui a tué Jaurès le réformiste, en toute fin, c’est son internationalisme ouvrier qui dépassait dans ce cadre son patriotisme : il refusait de voir les travailleurs de chaque pays se massacrer : «l’Internationale vous dit que le droit, que le devoir des prolétaires, c’est de ne pas gaspiller leur énergie au service d’un gouvernement de crime, c’est de retenir les fusils dont les gouvernements d’aventure auront armé le peuple et de s’en servir, non pas pour aller fusiller de l’autre coté de la frontière des ouvriers, des prolétaires, mais pour abattre révolutionnairement les gouvernements de crimes.» À nos contemporains assassins de la mémoire, on ne peut que conclure avec Brel: Et pourtant l’espoir fleurissait Dans les rêves qui montaient aux yeux Des quelques ceux qui refusaient De ramper jusqu’à la vieillesse Oui not’ bon Maître oui not’ Monsieur Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? REGIS VLACHOS

Toutes les citations sont extraites de Jaurès, Rallumer tous les soleils, textes choisis et présentés par Jean-Pierre Rioux, édition omnibus, 28 euros


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SCIENCES ET TECHNIQUES

Peser le pour et le contre, séparer le vrai du faux, opposer thèse et antithèse, distinguer mythe et réalité… Nos représentations duales se munissent d’opérations (de prédicats) qui les rapprochent, les comparent ou les séparent. Ces dialectiques éclairent-elles les pratiques scientifiques ?

LA LUMIÈRE | AGENDA

Dialectique naturelle ou séparation des savoirs ? visible (c’est celui qui éclaire), d’infrarouge (c’est celui qui chauffe), ultraviolet (il y en a peu heureusement car il est un puissant activateur chimique et brûle les yeux et la peau). Alors, cette lumière, qu’est-elle ? Un grain quantique photon, ou une radiation électromagnétique ondulatoire ? Au fond, la lumière est ce qu’elle est. Mais pour la voir, pour l’aimer, j’ai besoin de ces deux mots qui forment sa pratique sociale.

Un exemple lumineux Ô Zibelecteur, en ce début de solstice d’hiver, à la lueur scialytique de ton ampoule à tube «basse consommation», du halo bleuté de ta lampe de bureau «multi-LED», ou de la chaude lumière de ta vieille ampoule «à incandescence», tu tentes d’éclairer ta lanterne afin de lire ce texte nébuleux de ton Zerviteur technoscient. Autant d’éclairages imaginaires de cet écrit qu’il y a de principes physiques qui y gouvernent. L’ampoule à tube éclaire ta lecture de sa lumière intense et économique sur le principe de l’ionisation électrique d’un gaz qui restitue l’énergie sous forme lumineuse par fluorescence; transformation physico-chimique de l’énergie électrique en énergie lumineuse. L’explication «savante» du phénomène se situe dans la représentation quantique de la lumière et son petit grain de folie : le photon. Il en est de même de l’éclairage par LED (Diode Electro-Luminescente dans son acronyme miroir anglophone) auquel on fournit un courant électrique continu pour créer une transition électronique dans le semiconducteur (de silicium dopé) qui la

À moi, conte deux mots

© Tonkin Prod.

compose. Deux modes d’éclairage économiques car de rendement quantique optimum, à faible émission de chaleur: une transition électronique émet un photon. Imagine, Zibelpoète, que tu jettes des électrons de neige sur un lutin de Noël semi-conducteur. Chaque fois qu’il en reçoit un, il saute à 10 mètres de hauteur et chaque fois

qu’il redescend il se met à briller de mille feux. La lampe à incandescence, pour sa part, explique sa chaude lumière par le brûlant passage des électrons dans un filament résistant. Cet échauffement irradie de son énergie un spectre complexe d’ondes électromagnétiques, rayonnement de lumière

Particule ou radiation ? Les deux, Madame la très générale mécanique quantique ! Entre vos deux natures s’écrit soudainement l’équation réconciliation d’une forme unique de la pratique scientifique expérimentale : E = h . Ici l’énergie E du photon s’identifie à un «hasch nu». Qu’en est-il donc de ce h ? La constante dite de Planck qui est justement la caractéristique du domaine des pratiques de la mécanique quantique, constante universelle de la théorie des quanta [h ≈ 6,626 068 96×1034 Joule x Seconde]. La nu(e) lettre grecque [ ] évoque ici la fréquence du rayonnement. La fréquence d’une onde, c’est tout simplement le nombre de fois qu’elle s’inverse en une seconde de temps. Elle s’exprime en Hertz. Ainsi le photon, grain de folie des années folles, renaît en 1900 de ses cendres antiques dans l’imaginaire de Max Planck, qui porte l’énergie particulaire à la lumière de la connaissance. Il établit la théorie des quantas et engendre la constante qui définit le champ de ses pratiques


expérimentales. Le photon doit avoir une masse nulle puisque par définition il va à la vitesse absolue celle de sa Lumière mère, vitesse de la masse infinie. Einstein démontrera que la masse d’un corps tend vers l’infini quand sa vitesse tend vers celle de la lumière [C ≈ 300.000 Kilomètres/Seconde]. Planck met au monde l’enfant idéal de la pensée savante, le fils gracile, infiniment intelligent et insaisissable de la Lumière et du Savoir humain. Car ce photon est, par essence, la limite de nos représentations de l’univers. Il arrive des galaxies alors qu’elles sont mortes depuis des mil-lions d’années tel un Hermès de l’éternité. Il est la découverte perpé-tuellement vivante, critique, subversive et trompeuse.

Entre Un et Autre, l’égalité parfaite Un coin de l’œil sur l’un, un coin de rêve sur l’autre. L’un et l’autre sont opérateurs humains de toutes nos représentations. L’expérience scientifique se situe entre le pour et le contre justement pesés. À la lumière de nos pratiques expérimentales s’écrit l’identité même des équations. À la lumière de l’expérience immédiate, l’énergie de l’un s’identifie à la fréquence de l’autre, en rendant acte à Max Planck d’avoir inauguré ce champ en établissant sa constante. Dans notre activité scientifique se réécrit une nouvelle application de son équation E = h . L’un et l’autre, le mythe et la réalité, la forme et la définition, la thèse et l’antithèse sont intimement liés aux constantes des pratiques scientifiques collectives. Tout humain s’identifie inconsciemment à l’historicité de la pratique qu’il met en œuvre. Par exemple, quel enfant maintenant ne sait «ouvrir la lumière» avec n’importe quel type d’interrupteur ? Variateur, détecteur infrarouge, sensitif ou simple poussoir, l’enfant, sans aucune connaissance théorique d’électricité, en manipulant la technologie est dans une identification de lui-même, de ses actes à cette technologie et à son historicité. Il est savant électricien par le geste social. L’opérateur égalité est notre pratique immédiate de la totalité historique des pratiques collectives. Dans cette égalité, le praticien identifie son activité immédiate dans la prolongation de la chaîne des pratiques de ses pairs. En cela, être humain c’est se battre pour l’égalité absolue des savoirs, se battre pour l’éducation vers une suite et la suite de l’Éducation. YVES BERCHADSKY

Au programme

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Quoi de neuf, en ce neuf neuf, au culturel du réel ? Les mardis scientifiques d’Aubagne continuent leur belle activité avec la conférence de Jacques BLONDEL le 3 février «2009 - année DARWIN» dans un moment où le darwinisme redevient un enjeu idéologique fort contre la triste réaction créationniste qui émerge dans l’Amérique bushienne et par voie de conséquence en France. Le 10 mars, Olivier GROUSSIN nous invite À la rencontre des comètes, conférence qui ne risque pas d’être sans queue ni tête. Théâtre Comœdia à Aubagne à 18h30 les mardis, entrée libre. http://culture.scientifique.free.fr/ rubrique.php3?id_rubrique=179

N’hésitez pas non plus après l’avoir testé dans tous ses états pendant les fêtes de fin d’année et vous en être rempli la panse à nourrir une pensée pour le cacao. Au musée de Sciences Naturelles d’Aix allez donc vous emplir la caboche avec l’exposition Chocolat: cabosse, fève et gourmandise jusqu’ au 8 mars 2009. C’est incroyable qu’un truc aussi bon puisse être aussi… bon! Muséum d’Histoire Naturelle d’Aix en Provence – Hôtel Boyer d’Eguilles 6, rue Espariat, 13100 Aix-en-Provence 04.42.27.91.27 Ouvert tous les jours de 10h à 12h et de 13h à 17h.les samedis, dimanches et jours fériés. http://www.museum-aix-enprovence.org/une.htm

Enfin, si vous voulez avoir une source d’information en continu sur les animations de culture scientifique et technique en PACA, vous pouvez aller régulièrement vous balader sur le site Internet de la DRRT PACA (Délégation Régionale à la Recherche et à la Technologie Provence Alpes Côte d’Azur). Vous verrez c’est sobre mais vous y trouverez tous les liens nécessaires. C’est un site officiel du ministère, donc ne vous attendez pas à y trouver de la culture… sous terre (pour ne pas dire de underground) ! http://www.drrt-paca.com


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HISTOIRE

L’IMMIGRATION

L’immigration, une Les débats de la dernière campagne présidentielle sur l’immigration résonnent encore dans l’espace public, à l’heure de la promotion ministérielle de Brice Hortefeux, qui se targue d’avoir renvoyé chez eux près de 30 000 immigrés clandestins… Les problématiques et les discours sur le sujet semblent insensibles à l’érosion du temps. Depuis le XIXe siècle, l’immigration est devenue un discours dont les ressorts tiennent surtout de la politique intérieure : dire qui est étranger, c’est déterminer qui est Français. Pourtant, notre France n’existerait pas sans l’immigration. Il n’est que de tourner les pages du roman national pour s’en convaincre. Sans remonter au berceau africain qui fait des hommes, hors de ce continent, des immigrés… on peut affirmer que ce qui un jour allait devenir la France a cumulé les arrivées et les apports civilisationnels. Après l’invasion celtique (les Gaulois du IIe millénaire avant J.-C.), l’arrivée des Grecs féconde les rives de la Méditerranée. Les Romains, eux, créèrent un monde de villes et imposèrent une incontestable unité : la civilisation gallo-romaine. La suite fut plus mouvementée : Germains des royaumes barbares, Vikings installés en Normandie, Magyars en Alsace se succédèrent au Moyen-Age. Sans parler des Suisses et des Allemands installés dans l’Est avec la Guerre de 30 ans. Le fait majeur de cette phase migratoire est la fusion progressive de ces populations et leur enracinement sous le joug de l’État monarchique chrétien : nos grandes régions s’y sont indivi-

dualisées. Mais l’unité française reste, au XIXe, une vision des élites. Le peuple, largement paysan, accède peu à l’écrit et à la langue française : ni Michelet, ni Gambetta ne considèrent les Français comme un tout ! Le siècle de l’industrie fait de la ville un nouveau creuset pour les populations venues des campagnes. À cette migration intérieure s’en adjoint une autre, extérieure, indispensable pour compenser la faiblesse démographique. De 1872 à 1927, les immigrés ont fourni la moitié de l’accroissement de la population, et cet apport se maintiendra par la suite. Plus, l’immigration équilibre le refus des communautés paysannes de rejoindre massivement les usines. Les étrangers deviennent donc indispensables pour une production industrielle qui explose à partir du Second Empire. Pendant longtemps, ces migrants ne furent que des voisins (Belges, Italiens) désireux de s’employer près de chez eux. 1880 marque un tournant lorsque l’État devient acteur Il s’attache d’abord à définir des travailleurs nationaux et à les protéger de la concurrence des étrangers. Il ferme les frontières. Il légifère sur les conditions de travail (en fait, il maintient les immigrants dans des conditions d’emploi très précaires,

Bruno Boudjelal, Gurbet, Turcs d'ici, 1994 c Musee national et des cultures de l'immigration, CNHI

ce qui permet au patronat de trouver une main d’œuvre à bas prix). Puis, par la loi de 1889, il fixe les règles de la naturalisation pour empêcher que les étrangers échappent au service militaire -un avantage déterminant aux yeux d’un employeur. On peut désormais définir l’étranger et l’immigré tout en définissant ce qu’est l’identité française. Dans ces années, le recrutement s’élargit et les effectifs s’accroissent. L’État, après 1920, passe des contrats de recrutement avec les populations d’Europe centrale (les Polonais notamment), de l’Europe du Sud ou encore du Moyen-Orient. En 1931, il y a 3 millions d’étrangers soit près de 7 % de la

population. La politique de l’immigration vient de naître ! Ces immigrés se sont peu à peu fondus, par naturalisation, dans la population française. Mais l’histoire postérieure n’est pas différente, même si les ingrédients ont changé : entre exploitation et souffrance, l’immigration a permis la réussite économique, culturelle ou technique. L’idée d’une «population souche», originelle, est à remiser définitivement ! Car nous sommes tous des juifs allemands.

L’immigration à Marseille Marseille est un cas particulier dans l’histoire de l’immigration française La cité phocéenne est un port, un lieu de passage, une frontière tournée vers la Méditerranée. Les vagues migratoires s’y sont succédé et le terme n’est pas échu : comment pourrait-il en être autrement ? À la fin du XVIIIe siècle la ville rassemble 100 000 habitants. C’est peu, mais il faut tenir compte de l’épidémie

de peste qui la ravagea en 1720 (50 000 morts). La cité attire, pour l’heure, les populations alentours : Provence, Piémont et Ligurie italiens. Avec la croissance des années 1840, avec le développement de la ville vers le Nord et l’extension du port, les migrants participent à l’essor économique : Suisses, Allemands, Britanniques, Grecs, SyroLibanais, Maltais répondent à l’appel. Si certains sont entrepreneurs, la plupart travaillent comme ouvriers à bon marché et, lorsqu’ils s’organisent pour se défendre, on fait appel à d’autres


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histoire de France contingents pour maintenir la renta-bilité la pression sur les salaires ! En 1851 la ville compte 200 000 habitants dont 10 % d’étrangers. La minorité la plus importe provient d’Italie : 16 000 à cette date. En 1911, la progression a été forte : ils atteignent les 100 000 et regroupent 20 % de la population (compte non tenu des naturalisés). Marseille est donc une ville italienne ! Venus de toute la péninsule, et notamment du sud napolitain, ils logent dans le quartier du port, au Panier, ou vers l’Estaque et Saint-Antoine. Pourtant, avec la déclaration de guerre de 1915, beaucoup sont repartis. Dans le même temps arrivent des réfugiés de l’Est, des prisonniers, utilisés pour la main-d’œuvre, et des travailleurs coloniaux (Indochine ou Algérie). La ruche bourdonne toujours.

Images de l’immigré Dans sa dernière livraison, la revue Agone nous propose un tour d’horizon sur la question de l’immigration. Le numéro, dense, porte son attention sur des moments particuliers de l’histoire migratoire

La fin des hostilités provoque une nouvelle vague migratoire. En 1926, ils sont 132 000 étrangers pour 635 000 habitants, et les chiffres ne feront qu’augmenter. Si la part des Italiens décroît, ils restent largement les plus nombreux (89 000). Il faut dire que d’autres communautés ont emboîté le pas. Les Espagnols sont 20 000 en 1921 mais leur nombre fluctue beaucoup. Car Marseille accentue ses fonctions de refuge et de place de transit. Les Arméniens, victimes du génocide perpétré par les Turcs, débarquent. Ils ne sont pas les seules victimes de persécutions : Russes blancs, Grecs, Syro-Chaldéens arrivent à leur tour. Beaucoup ne feront que passer, mais un bon nombre s’installe. Il faut compter aussi avec les Corses dont l’arrivée vers la France métropolitaine est massive. Et de nouveau, la guerre. Les populations repartent (8,4 % du total en 1946). Après le conflit, l’économie qui redémarre ne tarde pas à renouer les liens de la migration. Espagnols et Portugais, Kabyle, Italiens de Tunisie débarquent. Mais le drame colonial s’est noué: avec la guerre d’Algérie, c’est une population française qui migre. Et Marseille explose ! La population atteint les 890 000 habitants (1968) et la ville se recouvre de logements pour accueillir cette marée humaine. Au regard de la population française renforcée des naturalisations et des rapatriés, la population étrangère oscille de 7 à 10 % en 1990, ce qui est très en deçà de la situation du début XXe siècle. La modification essentielle tient dans le changement de dominante : Marseille devient plus maghrébine qu’Italienne! Avec le développement de la mondialisation, les tendances se modifient encore : l’Asie fournit désormais ces effectifs. Mais dans tous les cas, depuis toujours, c’est sa capacité d’accueil et d’intégration qui fait de Marseille un cas à part dans le panorama migratoire français.

Dans leur éditorial, Choukri Haed et Sylvain Laurens veillent à fixer les bornes du discours sur l’immigration : le sujet est polémique et les chercheurs qui travaillent sur ces champs ne sont pas toujours suffisamment vigilants pour s’en extirper. Ils insistent sur le rôle des acteurs migrants -ces mêmes personnes qui ne doivent pas disparaître derrière des débats ou des comptagesautant que sur les ressorts de cette histoire. Gérard Noiriel ausculte la naissance du «problème» migratoire. Rompant avec les traditions antérieures, la IIIe République crée peu à peu le sujet. Il montre comment le ralliement des notables au nouveau régime, par le biais du nationalisme, place l’immigré au centre du jeu national. L’étranger, exploité, maltraité, devient le concurrent, le profiteur, le rebut qui déferle sur le sol de la patrie. Il permet la construction d’un nouveau consensus social et la nationalisation de la société tout entière. Benoît Labriou démonte une autre pièce : la politique migratoire française. Tracer, mesurer sont des préalables indispensables pour l’État contrôleur. C’est l’heure du contrat qui canalise la venue des migrants et qui fixe les conditions de leur présence. Avec Victor Pereira on entrevoit les intérêts «de classe» derrière la migration portugaise. Choukri Hmed nous raconte la grande grève des foyers Sonacotra. Temps fort et décisif pour une immigration qui se prend en charge et s’introduit dans le débat politique tout en façonnant sa propre identité. Avec les Maliens à l’Elysée, on distingue clairement, dans la représentation de l’étranger installé en France, ce qui apparaît convenable, possible, de ce qui ne l’est pas. La construction de l’image passe bien par les médias comme le montre Jérôme Berthaud. Elle rêve une finalité d’intégration au travers de la naturalisation méritée (Sarah Mazouz).

R.D.

RENE DIAZ

Terre d’asile

L’invention de l’immigration Revue Agone, n° 40, 2008, 20 euros


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PATRIMOINE

MANUFACTURES DE TABAC DE LA BELLE DE MAI

La Belle et Hérodote Edmonde Franchi a créé un spectacle sur les manufactures de tabac de la Belle de mai, intitulé Carmenseita et créé au Toursky (voir Zib 13). Elle raconte son enquête La sonnerie résonne longuement, à l’autre bout de la ligne une voix de femme répond, oui, il s’agit bien de Madame…. -Je fais une enquête sur la manufacture de tabac… -Qu’est-ce que vous voulez ??? -…j’aimerais en parler avec vous, si vous vouliez me faire part de votre expérience, on m’a dit que vous y avez travaillé pendant des années… -Pourquoi ça vous intéresserait ??? Ça n’intéresse personne ! J’en ai assez d’être emm... par tous ces gens !!! -Eh bien, j’ai vécu toute mon enfance dans le quartier de la Seita, je suis née à la maternité de la Belle de Mai… -Qu’est-ce ce que ça me fait ? Vous croyez qu’il n’y a que vous ? Moi aussi ! Tout le monde est né à la maternité de la Belle de Mai !!! Edmonde Franchi part d’un grand éclat de rire… Tout le monde est né à la Belle de Mai !!! C’est sans doute comme ça qu’un exemple devient universel !

En Quête Elle raconte, et c’est un bonheur que de l’entendre, les recherches auprès des services officiels, universitaires, et enfin des gens, ces femmes dont l’histoire a été gommée, oubliée des discours d’inauguration de lieux consacrés à d’autres activités, passage de l’usine au pôle artistique en «friche»… Chacun se congratule, rien n’évoque le passé ouvrier de la «Jachère» ! La première réponse donnée «elles sont mortes», annule l’histoire. Une histoire qui n’est pas si vieille, la manufacture n’a

définitivement fermé ses portes qu’en 1990 ! Le siècle dernier direz-vous ! Avec humour, l’actrice évoque les gens qui l’ont aidée, ce professeur d’histoire contemporaine de la faculté d’Aix, le personnel des archives, les CIQ et les journaux de la région, la Marseillaise, le Provençal, j’en oublie, le travail fastidieux, compulser les documents, inventorier les informations dispersées, et ces rencontres avec ces femmes… Non ! Elles ne sont pas mortes! Edmonde Franchi renoue, par ce travail de fourmi, têtue, tenace, avec la signification première du terme «histoire» : à la manière d’Hérodote, elle se livre ainsi pendant plus de deux ans à une patiente et fructueuse enquête.

Marseille ouvrière La Belle de Mai, c’est historiquement le berceau ouvrier de Marseille. Mais ce n’est pas seulement pour cela que le remarquable travail de l’artiste nous touche. Elle est allée à la rencontre, non pas de théories, d’abstractions creuses, mais des gens, qui, même s’ils se retrouvent dans Carmenseita des personnages de théâtre, n’en restent pas moins des personnes. De belles figures de femmes… Mais pourquoi s’attacher particulièrement aux femmes ? «Parce que j’en suis une !», mais aussi parce que ce sont les grandes oubliées de l’histoire. On parle des ouvriers, de la condition ouvrière… tout ceci reste profondément masculin, même les revendications de syndicats comme la CGT ne plaçaient pas comme priorité l’émancipation de la femme. Traditionnellement, on n’évoque pas la fierté de la femme qui travaille, alors que les textes, certains auteurs mettent en avant celle des mineurs par exemple… La «grandeur de la classe ouvrière» s’est toujours chantée sans la femme, si ce n’est la mère courage, à la Gorki, à la Brecht : mais là, il ne s’agit pas de son travail, mais de son sacrifice… La femme ne connaît pas la fierté du travail, elle ne fait pas partie du mythe ouvrier ! Aliénation libératrice ? Cependant, par son travail, la femme s’est émancipée, elle gagne sa vie, sort de la maison dans laquelle elle Carmenseita © Agnes Mellon

était confinée. C’est sans doute paradoxal, mais ce qui, pour les hommes, représentait une aliénation, s’est avéré facteur d’émancipation pour les femmes. De même l’immigration n’a pas été vécue de manière identique : arrachement certes, mais aussi moyen d’échapper au carcan des traditions et de la famille… «Toutes les femmes que j’ai rencontrées ont beaucoup regretté d’avoir achevé ce travail. Il y avait les réunions au cabanon, les bouffes, les rires, l’entraide, les discussions…»

Théâtre militant ? «C’est un peu comme Monsieur Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir… Je ne fais pas du théâtre militant. Le théâtre que je pratique se veut détaché du discours militant. Le militantisme s’y infiltre dans la vie quotidienne : ce ne sont pas les grands évènements qui importent ici, mais ce qui est vécu au jour le jour. Je cherche à montrer la disparition d’un monde ouvrier. Les relations entre les gens étaient différentes, les rapports étaient plus solidaires.» L’historique des lois constitue l’ossature du spectacle, qui montre comment les conditions du travail influent sur le quotidien, comment le découpage du temps industriel a changé la vie dans ses rythmes, dans les relations avec les autres. L’instauration de la journée continue dans les années 1970/72, par exemple. «Ce que j’ai voulu montrer ce sont les petites personnes, celles qui ne sont pas l’objet de l’Histoire. L’histoire des luttes n’existe pas de façon détaillée, aucun document n’évoque l’évolution de la mécanisation, il n’y a pas d’évènement marquant, pas de 1515 !» Il y a peu de photos, on ne se photographie pas au travail ! Il y a cependant de grandes figures comme celle de Marie Deleuil fondatrice du premier syndicat des cigarières, avec Victorine Aubert, Marie Bourgeuil, Marie Jay et Lautier Iram. «Les gens ne savent pas qu’ils vivent l’histoire quand ils la vivent, ou du moins très peu de personnes en ont conscience.»

Le théâtre n’est pas qu’un spectacle «Ce qui est très important, c’est que j’ai toujours des relations avec ces femmes, on se téléphone, on s’écrit pour les vœux. La relation perdure au-delà du théâtre. Elles ne sont pas un sujet d’étude, mais des personnes, de vraies personnes. Le «prêt à parler», le «prêt à penser» de certains qui viennent demander des renseignements pour leur master et qui pensent «rebondir» à la manière des marsupilamis sur des «problématiques» s’enferrent dans des mots tout fait, c’est le contraire absolu de ce que j’ai voulu dans ma démarche comme dans la pièce Carmenseitas !» Car Edmonde Franchi en réveillant la Belle endormie, fait revivre toutes les femmes… MARYVONNE COLOMBANI

Carmenseita sera joué au Pennes-Mirabeau le 14 fév (Salle Tino Rossi), le 28 mars au comoedia à Aubagne et le 5 mai au Sémaphore à Port-de-Bouc


MARAIS DU VIGUEIRAT

Chut ! visite !

Calèche © Marais du Vigueirat-B.Dumas

Sauvegarde C’est pourquoi le Conservatoire du Littoral est devenu propriétaire du Marais du Vigueirat, le gardant de toute velléité constructive des promoteurs, et ce ad vitam aeternam. Mais «conserver», étymologiquement, signifie aussi protéger, préserver, sauver la vie à, observer, et respecter. Ainsi, environ 1000 hectares sont sauvegardés, entre le canal d’Arles à Fos et le canal du Vigueirat, à l’est du grand Rhône et au bord de la plaine de la Crau, jonction de deux écosystèmes très particuliers, celui du delta du Rhône et celui de la plaine steppique de la Crau. 286 espèces d’oiseaux, 771 espèces végétales, sont ici dénombrées ! Sans compter les quelques 1265 espèces d’invertébrés, 1161 espèces d’insectes… pour les chiffres les plus spectaculaires. Cette mosaïque de milieux naturels, marais, étangs, roselières (quel joli nom pour évoquer les champs de roseaux !), sansouires, scirpaies, ripisylves, bois de tamaris, est dotée de labels et de mesures de protection spécifiques, avec le classement en ZICO (Zone importante pour la conservation des oiseaux (UE)), ZPS (Zone de protection spéciale pour les oiseaux (UE)), Natura 2000 en cours, réserve naturelle en cours, site naturel protégé du Conservatoire du littoral, et la prestigieuse reconnaissance de l’EMAS . Sentier des cabanes © X-D.R

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émissions de gaz à effet de serre, isolation…), des transports ( réduction de la pollution des véhicules, utilisation des chevaux de trait). Le public est aussi attiré par des manifestations artistiques, lors de festivals d’été tels que les Envies Rhônements.

Une Zibeline aux marais

Des marais ? Se promener dans des marais ? Marais, comme une terre plus ou moins inondée en proie aux moustiques et autres bestioles piquantes, ou mordantes, style serpents ? Marais, comme zone à paludisme et semblables réjouissances ? Marais, l’endroit insalubre dont on ne ressort qu’avec la malaria, la fièvre quarte, même quinte et des tonnes de boutons ??? Comment une zibeline, animal délicat, pourrait concevoir une idée aussi folle ? Ce qui l’a touchée c’est que, comme elle, le marais fait partie des espèces, pardon, des espaces en danger. Lui aussi, comme la zibeline, est menacé d’extinction.

PATRIMOINE

Développement rural durable La protection du site ne signifie pas cependant technique d’embaumement destinant les lieux à une autre mort ! Le site s’inscrit dans un contexte social, les activités agricoles antérieures aux projets ont été maintenues, élevage extensif (chevaux, taureaux de race Camargue, moutons), apiculture… 40 emplois ont été crées sur le site. Des partenariats se sont mis en place, (agriculteurs, association d’insertion, CPIE, entreprise touristique, chasseurs). Tout ceci est relayé par un programme d’éducation à l’environnement, avec des formations, BTS, IUT, en relation avec les universités et les écoles d’ingénieurs. 3000 scolaires locaux par an, sont reçus. La création d’un pôle d’activité touristique vient parachever cette politique d’emploi et d’éducation, avec ses 15 Kms de sentiers de découverte, ses visites guidées à pied ou en calèche. (100 000 visiteurs annuels sont attendus !).

Une éducation par l’exemple Le site a bénéficié sur la période 2003-2007 de la structure européenne de coordination Life Promesse qui a financé à hauteur de 2 millions d’euros le projet d’écotourisme en mettant en place des actions pour réduire l’impact des activités touristiques sur l’environnement, dans les domaines de l’eau (récupération, assainissement naturel), des déchets (tri sélectif, compost, recyclage), de l’énergie (production d’énergie renouvelable, réduction des

Si l’objectif initial et prioritaire est la préservation du patrimoine naturel, la sensibilisation à l’écoresponsabilité et à ses implications pratiques ne peut que contribuer à le renforcer. C’est à cela aussi que s’attache la dynamique équipe des «Amis des marais du Vigueirat» qui gèrent le site. Une zone «sanctuaire» qui couvre 9/10e du territoire ne peut accepter plus de 10000 visiteurs par an, et bien sûr, dûment guidés. Mais toute une partie est aménagée pour une découverte passionnante du site de sa faune et de sa flore : le sentier des cabanes qui abrite des jeux interactifs, des explications simples, des énigmes, des histoires de moustiques des villes et de moustiques des champs (eh oui, le rat n’est pas unique en ce domaine !) ; des promenades en calèche, larges chars à ban, permettent de découvrir, avec de riches commentaires, sur 8 kms, une faune variée : petits chevaux blancs de Camargue, qui, à l’instar de Crin Blanc, vivent libres toute l’année quelque soit le temps ; taureaux camarguais avec leurs boucles d’oreilles, (si vous voulez savoir pourquoi, rendez-vous sur le site du Vigueirat !) ; cigognes et leurs nids impressionnants ; vols de flamants roses, oiseaux aux noms délicieux, le pinson des arbres, la rousserolle, la bouscarle de Cetti… et peut-être même pourrez-vous apercevoir un ragondin ou un sanglier. Les animaux sont moins craintifs, l’odeur des chevaux de trait, hue cocotte !, masquant celle, terrible, des hommes ! Les sentiers de l’Etourneau sont accessibles aux familles. Si vous avez oublié vos jumelles, on vous en loue dans le sympathique point d’accueil où l’on trouve des produits régionaux bio et quelques bons bouquins sur la nature, les animaux, l’écologie, les différentes réserves de la Camargue. Du lever au coucher du soleil, la nature s’offre à vous, mais, chuuuut !!! Apprenez le silence, le vôtre, pour écouter celui des plantes et des animaux ! MARYVONNE COLOMBANI

Les Marais du Vigueirat Ouvert du 1er février au 30 novembre Les sentiers de l’Étourneau Visites libres tous les jours du lever au coucher du soleil Visite guidée Palunette Avec un guide naturaliste Sortie en calèche au cœur du marais Sur réservation Visites sanctuaire à pied au cœur du marais Sur réservation Sorties crépusculaires 04 90 98 70 91 www.marais-vigueirat.reserves-naturelles.org/


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ÉDUCATION

PRÉAU DES ACCOULES | PICASSO

Portraits sous le Préau Avez-vous déjà poussé la porte du n°29 de la Montée des Accoules? Si vous avez des enfants de 5 à 12 ans, et même tout seul, allez tenter l’aventure ! Dix portraits des Collections des Musées de Marseille vous attendent au Préau des Accoules. Vous pénétrez dans une vaste salle à la voûte plate et aux colonnes de pierre jaune doré, construite par l’architecte Joseph-Esprit Brun en 1783 pour abriter l’Académie de Marseille. Restauré dans les années 80 elle abrite depuis 1991 un espace muséal destiné aux enfants.

Un musée pas comme les autres Deux expositions gratuites par an veulent familiariser les enfants avec les différentes formes de l’Art dans un musée pas comme les autres. D’abord parce que les tableaux ou les objets exposés sont à la hauteur des yeux des enfants-spectateurs. Puis, parce que des activités ludiques variées sont proposées autour du thème de l’exposition. Une animatrice explique le thème choisi, pose des questions qui permettent d’avancer sur le chemin de la découverte et des apprentissages. Laurence Rossellini et Soria Makti s’occupent du montage des expo et proposent des œuvres qui sont dans les réserves des musées marseillais. Elles ont le souci de s’adresser à des spécialistes (historiens, scientifiques, conservateurs...) pour tenir un discours le plus rigoureux possible.

À l’École des Peintres C’est le thème de l’exposition en cours. À travers leurs peintures les artistes présents semblent retracer l’histoire de l’Europe. Que nous apprennent-ils sur leur époque ? Y a-t-il une différence entre les techniques des peintres du XVIe, du XVIIe ou du XVIIIe, ceux du nord ou du sud ? Ce lundi 12 janvier une classe de CM1 de l’école primaire du quartier Menpenti s’installe sur des poufs rouges. Dix portraits les dévisagent. D’abord les enfants découvrent le portrait de l’Archiduc Albert d’Autriche, son riche pourpoint et sa fraise de délicate dentelle ; l’auteur, Frans II Pourbus (1569-1622), peintre belge, a travaillé avec finesse la matière de la peau. Puis c’est le portrait du Cardinal Alderano Cybo dans sa tenue rouge; la composition de l’italien Carlo Maratta (16251713) est en accord avec le sérieux du personnage et de sa fonction ; au passage on remarque sa bague qui lui sert de sceau, la cloche pour appeler les serviteurs et la peinture qui orne la pièce. Ce qui permet d’apprendre qu’à cette époque il n’y avait pas de musées et que seuls nobles et aristocrates possédaient des peintures ! On passe ensuite à une œuvre bien différente. Il s’agit d’un autoportrait de Martin Faber (1577-1648) : l’homme est torse nu sous la lumière qui souligne sa musculature et se (nous) regarde avec une certaine ironie. Il tient un outil dans sa main gauche, exagérément développée au premier plan, cela permet de parler de perspective. Un autre autoportrait, de Jean-Baptiste

Le Preau des Accoules © Agnes Mellon

Greuze cette fois (1725-1805), nous laisse deviner la lassitude d’un artiste français passé de mode à cause de la Révolution de 1789. Comme ses prédécesseurs et successeurs, Greuze a effectué de longs séjours en Italie et notamment à Rome, lieu de passage obligé pour les artistes qui y étudiaient les maîtres anciens. Ces 2 portraits permettent ensuite de jouer avec les expressions du visage : colère, étonnement, joie... Beaucoup de succès ! Le magnifique portrait de Madame Favrega exécuté par un élève de David, Antoine-Jean Gros (1771-1835), met en lumière le néo-classicisme de la mode Empire avec ses drapés blancs, les ors et les rouges des tissus, et permet d’approcher la notion de clair-obscur. L’ambiance est orientaliste et les enfants apprennent le goût de l’épo-que pour les voyages et l’exotisme. Goût que l’on re-trouve dans le portrait anonyme du XVIIIe d’une très jeune femme vêtue à l’orientale, portant turban à aigrette, perles et riches soieries, qui tourne nonchalamment une petite cuillère dans une tasse en porcelaine de Chine ! Mise en scène probablement voulue par la jeune femme, produits rares qui évoquent le voyage. Plus loin le portrait en pied d’une fillette de 5 ou 6 ans accroche le regard. Grandeur nature et vêtue comme une dame de la Cour, elle a posé de longues heures dans un décor fleuri et drapé ; le peintre est milanais et se nomme Pier-Francesco Cittadini (1616-1681). Durant les jeux qui suivent la visite les enfants pourront habiller dans un autre costume le mannequin de la petite et changer le décor, les couleurs. Enfin, le portrait d’une femme âgée dans un subtil camaïeu de blancs bleutés et roses, une femme usée par le travail. Oeuvre exécutée par une certaine Françoise Duparc (1726-1778), artiste marseillaise, née d’une mère espagnole et d’un père sculpteur, qui a légué 4 tableaux à la ville de Marseille, désormais au Musée des BeauxArts. Élève de Van Loo à Aix-en-Provence, elle a travaillé

à Paris et à Londres. Les portraits de gens du peuple étaient rares à cette époque ! Les enfants ont comparé ses mains et son visage à ceux de la belle Favrega : ils ont tout compris !

Et si on jouait ? Une vingtaine de minutes sont consa-crées aux jeux. Les enfants disposent de 10 postes proposant des spots pour varier l’intensité de la lumière, des maquettes de décor pour reconstituer des atmosphères, mettre en relief la mise en scène, les accessoires. Des mallettes contiennent des renseignements sur les peintres. Des cartes de l’Europe permettent de situer les pays évoqués.et des supports visuels évoquent les héritages antique et chrétien. Chaque enfant repart avec un livret de 30 pages abondamment illustré. Ils reviendront ! CHRIS BOURGUE Jusqu’au 30 mai au Préau des Accoules 04 91 91 52 06

La vieille, tableau de Francoise Duparc


Interactivités Aux avant-postes de l’exposition évènement Picasso-Cézanne de cet été au musée Granet, Picasso.Métamorphoses propose un parcours didactique multimédia pour tous

Maquette Dodeskaden © Succession Picasso 2009

Forts du succès de l’évènement Cézanne en 2006, le musée Granet et la Communauté du Pays d’Aix ont conçu le projet 2009 autour de Picasso, «plus élaboré et sophistiqué» selon Bruno Ely, conservateur du musée. En cette période de peau de chagrin, l’apport de l’état (Drac), des collectivités territoriales et le partenariat avec l’Éducation Nationale ne pouvaient que renforcer la dynamique enclenchée depuis plusieurs années : plus de 300 projets conçus par les enseignants ont été validés par les instances. C’est dire l’incidence pédagogique d’un tel projet danslesdomaineséducatifetculturel. Ce volet didactique se tourne également vers le grand public avec un parcours multimédia effectivement sophistiqué et réussi. Conçu pour faire appréhender le processus créatif du maître, Picasso.Métamorphoses utilise les technologies interactives sans ostentation. Le parcours est scandé en trois étapes thématiques. Une vie passée à se réinventer fait pénétrer le visiteur dans la profusion artistique de Picasso, J’habite chez Cézanne pointe la dette envers le vieux maître, Je commence dans une idée et ça devient autre chose évoque sa démarche, son rapport au réel et aux œuvres de ces prédécesseurs.

Un des écueils pour un projet didactique serait de perdre le visiteur dans la surenchère technologique et manipulatoire. Le travail de fond effectué par le responsable des publics du musée Jean Ibora, avec les sociétés Dodeskaden (scénographie) et Ganesh Production (médiation), a su éviter le parcours du combattant. Le cheminement est séduisant et fluide. On peut vraiment se poser pour comparer sur écrans la version picassienne des Femmes d’Alger avec l’original de Delacroix, comprendre ailleurs comment Picasso amplifie le principe cézannien de la multiplication des points de vue, à partir d’une nature morte en plâtre dans un ingénieux dispositif lumineux, participer via un mur-écran numérique à la modification de sa propre image jusqu’à l’épure graphique, mettant ainsi en scène le visiteur au cœur de la thématique du parcours : la métamorphose. De courts extraits des films de Paul Haesaerts, Visite à Picasso (1949) et Henri-Georges Clouzot Le Mystère Picasso (1956) montrent le peintre à l’œuvre. Ce qui ne dispense pas de la présence des médiateurs pour les nécessaires informations complémentaires ! CLAUDE LORIN

Picasso.Metamorphoses © presse CPA

Picasso. Métamorphoses Parcours multimédia jusqu’au 15 décembre Musée Granet, Aix 04 42 52 88 32 www.museegranetaixenprovence.fr www.picassoaix2009.fr


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EDUCATION

BNM À BRUXELLES

Bellevue en a plein les mirettes ! Un projet audacieux a permis aux enfants du quartier Félix Pyat, et notamment de la Cité Bellevue, de passer deux jours à Bruxelles et d’assister au spectacle Métamorphoses, production de Frédéric Flamand, créée en mai 2008 à Marseille Depuis 1999 l’opération Entre(z) dans la danse a permis à plus de 1400 élèves du primaire et du secondaire de s’initier au langage du corps, à la chorégraphie, d’assister à des répétitions et des représentations, grâce à un partenariat intelligent entre le Ballet National de Marseille, le Rectorat, l’Inspection Académique, le Crédit Mutuel et sa fondation pour la lecture et, dernière arrivée, la Fondation Logirem.

Au cœur des quartiers Depuis 10 ans la Fondation Logirem œuvre dans les quartiers les plus défavorisés pour offrir aux habitants des cités gérées par l’organisme HLM Logirem des actions susceptibles d’améliorer la qualité de vie, et aux enfants des activités sportives et culturelles. L’an dernier c’est le Centre Social de la Busserine qui était concerné, cette année c’est le tour de l‘École du Parc Bellevue (13003). L’action a démarré en octobre avec la visite du site et des studios du BNM, la rencontre de Christophe Mély qui coordonne les actions, d’Agnès Lacombes, danseuse du Ballet qui animera 6 ateliers au cours de l’année. Après un pique-nique dans le parc, les enfants ont assisté à une répétition de Sextet sous la direction du chorégraphe Thierry Malandain. Le 25 octobre, confortablement installés dans les fauteuils de l’Opéra de Marseille, ils ont pu apprécier les 3 chorégraphies du programme (voir Zib n°13).

Les plaisirs de Bruxelles Le 19 décembre, les 39 gamins de CE2 et CM1, essentiellement d’origine comorrienne, grimpaient dans le TGV avec leurs 7 accompagnatrices, Christophe Mély et deux représentantes de la fondation Logirem, pour 5 heures de trajet et 2 jours de balade. Dès l’arrivée Gare du Midi direction Théâtre Wolubilis ouvert en mars 2006. Accueil chaleureux et ému de Frédéric Flamand. Répétition du spectacle Métamorphoses, puis photos sur le plateau avec les danseurs. Un peu plus tard les gamins s’installent à l’auberge de jeunesse Van Gogh.

Le lendemain, visite de l’Atomium : 9 boules d’acier et d’aluminium, inscrites dans un cube, dominent la plaine. Conçues par l’ingénieur André Waterkeyn et réalisées par les frères Polak, elles représentent un cristal de fer agrandi 165 millions de fois. Les gamins sont impressionnés par les proportions et envient la sphère des enfants, de grandes boules qui peuvent les accueillir pour une nuit inoubliable dans les étoiles ! La pausedéjeuner se fait sur la Grand Place au cœur de la vieille ville animée de sons et lumières magiques, sous les flasches des touristes intrigués par cette ribambelle d’enfants mordant dans leurs sandwiches. Puis Isabelle, guide du Musée du Roi, explique l’histoire de cette place, vieille de 1000 ans. Très pédagogue, elle sollicite les enfants pour qu’ils observent les monuments et trouvent eux-même les réponses aux questions posées. Remarques : les maisons portent toutes la date de 1698, car après avoir été détruites par les armées de Louis XIV elles ont été reconstruites en même temps par les commerçants de la ville : Maison des Bateliers, des Brasseurs, des Boulangers... Clou de la visite : le Manneken Piss et sa garde-robe très appréciée… Plus d’une centaine de costumes les plus fous offerts à ce petit bonhomme de pierre, symbole de l’esprit d’indépendance des bruxellois ! Vite on court le voir version bronze et fontaine, et on le trouve bien petit !

© Agnès Mellon

© Agnès Mellon

Du travail et du rêve ! Les 2 représentations des Métamorphoses se feront à guichet fermé; les Bruxellois se sont rués sur les places: n’oublions pas que Frédéric Flamand est un enfant du pays ! Les petits de la Belle de Mai se sont bien tenus et ont fait l’admiration de tous. Le dimanche dans le train on parle du spectacle, on s’expose à l’objectif d’Agnès Mellon, on évoque la création à faire pour le mois de juin. Du travail, des souvenirs et du rêve… Chris Bourgue

Paroles au vol ! Salma a été sensible au dispositif des frères Campana : «On voyait une feuille de très près dans le cercle, puis après, l’image et le bruit de la mer. Et les mains dansaient comme des vagues.» Les 2 Fatima ont aimé l’interlude des cygnes où les danseuses sont perchées sur des chaussures à talons blancs pendant que dans un cercle on voit l’image animée d’une ballerine en grand tutu sur une musique nostalgique. Alex est la professeure qui doit s’occuper de la chorégraphie : «Le thème de l’année pour Entre(z) dans la danse est Moi et mon image. Je vais partir des verbes d’action et travailler sur les parties du corps de chaque danseur. On va peut-être utiliser des radios. Et on verra comment ça évolue avec la danseuse.» L’autre classe s’occupera des décors et des costumes avec Geneviève. Vera Tur est la directrice de l’école. Depuis 10 ans, elle s’est fait connaître pour les voyages qu’elle fait faire à ses élèves, qu’elle finance en vendant les livres des récits de voyage, en exposant des photos. Une énergie et un enthousiasme qui réconfortent !


LES ZIBULONS

ÉDUCATION

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Voilà que des collégiens aussi veulent devenir nos Zibulons ! Bienvenue à eux ! Et n’hésitez pas à faire travailler vos élèves sur la culture qu’ils découvrent… ou à suggérer à vos profs notre rubrique… en écrivant à journal.zibeline@gmail.com pour soumettre vos propositions !

Le Pavillon dansant

Que ma joie demeure © X-D.R

Le 18 décembre, les élèves de troisième de l’option «Découverte Professionnelle 3e » du collège Thiers se sont rendus au Pavillon Noir, à Aix, afin de le visiter et de rencontrer les personnes qui y travaillent. Cette sortie a été organisée dans le cadre de Passeport 13 pour leur faire découvrir les métiers du spectacle qui leur étaient inconnus. Un des deux régisseurs généraux, Julien Guérut, a expliqué en quoi consiste son métier : gérer l’éclairage et le son, mettre en place les décors...

Ce qui a le plus marqué les élèves est la rencontre avec la choréologue, Dany Lévêque, qui fait partie du Ballet Preljocaj, troupe permanente du Pavillon Noir. Son métier consiste à inscrire avecprécisionchaquemomentdelachorégraphie. Il faut beaucoup de patience pour ce métier. «Je mets environ huit heures pour transcrire une minute de danse sur ma partition, qui comporte une portée pour chaque danseur.» Pour en arriver là, Dany Lévêque a passé deux ans en Angleterre où se trouvait alors la seule école de choréologie. Aujourd’hui; il existe des cours au conservatoire de Paris.

Galantes crée par Brigitte Massin. Les élèves ont apprécié le décor simple, un tapis rouge, et la mise en scène du ballet ainsi que les couleurs lumineuses des costumes dans les tons rouges, jaunes, orange... Ils ont préféré la sobriété des costumes de la fin du ballet, à ceux du début qu’ils ont trouvés trop sophistiqués. La musique de Bach était en harmonie avec la chorégraphie que certains ont trouvé trop répétitive. D’autres ont aimé les passages où la seule musique était le son des pas des danseurs… Mais le ballet baroque n’a pas été le moment le plus apprécié de la journée!!!

Un tourbillon de couleurs

en 3e au Collège Thiers, Marseille

SHIRIHÂNE KABLY, YAZID KISMA, JIMMY MAMMERI, IRIS MARCH, MANON SIMÉONE, Dany Leveque © J.-C. Carbonne

Le soir, ils ont assisté a une représentation du ballet baroque, Que Ma Joie Demeure de la compagnie Fêtes

Une élégante satire Voilà la preuve que la Comédie humaine de Balzac est indémodable. Car la croustillante pièce que nous a proposée la cie Capharnaüm, d’après l’œuvre de Rodrigo Garcia, est une critique qui s’adresse à nous. Dans le miroir qu’est la scène, le spectateur ne peut que voir le reflet de sa vanité, et porter un regard amusé sur la société dans laquelle il vit. En fin de compte, Jardinage humain est aussi une sorte de reprise moderne des comédies de Molière, jouant sur la dualité des registres: derrière les masques comiques de personnages simples se dissimule la dimension tragique de l’Homme. On retient les excellentes interprétations des quatre comédiens, qui parviennent à nous tenir en haleine dans

Mensuel gratuit paraissant le deuxième jeudi du mois Edité à 25 000 exemplaires Edité par Zibeline SARL 76 avenue de la Panouse | n°11 13009 Marseille Dépôt légal : janvier 2008 Directrice de publication Agnès Freschel Imprimé par Rotimpress 17181 Aiguaviva (Esp.) photo couverture © Agnès Mellon Conception maquette Max Minniti

leur enchaînement de monologues, aussi drôles que terrifiants, à propos d’avion, de football ou de téléphones portables. La remarquable mise en scène, et le jeu intelligent des comédiens, apportent au texte le rythme qui pourrait lui manquer. Les acteurs se déplacent sur des plaques d’égouts disposées à même le sol, traduisant la condition misérable des hommes, semblables à des pions égarés dans la société. Leur destin tragique est illustré par l’hystérie qui gagne à la fin de la pièce une comédienne ; celle-ci, adoptant un rythme affolant de paroles, démembre des poupées qu’elle disperse sur scène, tandis que deux autres personnages sont déjà inanimés.

Rédactrice en chef Agnès Freschel agnes.freschel@wanadoo.fr 06 09 08 30 34

Musique et disques Jacques Freschel jacques.freschel@wanadoo.fr 06 20 42 40 57

Secrétaire de rédaction Dominique Marçon journal.zibeline@gmail.com 06 23 00 65 42

Musiques et disques Frédéric Isoletta f_izo@yahoo.fr 06 03 99 40 07

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Livres Fred Robert fred.robert.zibeline@free.fr 06 82 84 88 94

Sciences et techniques Yves Berchadsky berch@free.fr

Face à une si bonne mise en scène au service du texte, on n’a plus qu’une seule envie : se ruer dans la première librairie pour acheter la pièce ! BAPTISTE DUCLOUX, TERMINALE. LYCÉE VAUVENARGUES Jardinage humain a été présenté les 9, 13 et 14 décembre 2008 aux théâtres Antoine Vitez dans le cadre du Festival de théâtre amateur, et Ainsi de suite à Aix-en-Provence, dans une mise en scène de Mathieu Lisart.

Histoire et patrimoine René Diaz renediaz@free.fr Économie Stéphane Menia s.menia@free.fr

Ont également participé à ce numéro : Susan Bel, Marie-Jo Dhô, Sylvia Gourion, Dan Warzy, Pierre-Alain Hoyet, Christine Rey, X-Ray, Aude Fanlo, Sonia Isoletta, Delphine Michelangeli, Julie Surugue Photographes : Agnès Mellon

Polyvolantes Maryvonne Colombani mycolombani@yahoo.fr Marie Godfrin-Guidicelli m-g-g@wanadoo.fr Maquettiste Philippe Perotti philippe.zibeline@gmail.com 06 19 62 03 61 Responsable commerciale Véronique Linais vlinais@yahoo.fr 06 63 70 64 18


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FORMULAIRES D’ADHÉSION ANNUELLE

ADHÉ REZ ! à l’amicale et recevez votre carte de membre Cochez le type d’adhésion souhaité Adhésion individuelle (11N°) 1 exemplaire mensuel, 1 carte de membre nominative : 40€ Adhésion familiale (11N°) 1 exemplaire mensuel, …cartes de membre nominatives : 60€

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LA RUBRIQUE DES ADHÉRENTS

Nouveau ! Si vous trouvez Zibeline près de chez vous.... devenez membre sans recevoir le journal... et bénéficiez des avantages accordés par nos partenaires sur présentation de votre carte ! Adhésion individuelle : 25€ Adhésion familiale (même adresse) : 40€ Nos partenaires vous offrent invitations, réductions et avantages… Pour les places gratuites, téléphonez-leur rapidement pour réserver, puis présentez votre carte de membre (1 place par carte nominative). Pour les réductions, présentez simplement votre carte (réduction valable seulement pour l’adhérent) Théâtre du Gymnase 10 invitations par soir pour Otto Witte par la cie du Centaure mes de Michel Didym le 13 fév à 20h30 le 14 fév à 20h30 le 16 fév à 20h30 le 17 fév à 20h30 le 18 fév à 19h le 20 fév à 20h30 le 21 fév à 20h30 résa par mail à journal.zibeline@gmail.com La Criée 6 invitations le 7 fév à 20h 10 invitations le 8 fév à 20h pour Faces (à la Friche, salle de la Cartonnerie) d’après John Cassavetes 6 invitations par soir pour le cabaret 36, rue Ballu Nadia Boulanger : un portrait (à la Criée) De Catherine Rétoré le 12 fév à 20h le 13 fév à 20h le 14 fév à 20h 04 96 17 80 31 (Bernadette Brisson) Théâtre de Lenche Tarif réduit sur toutes les représentations 04 91 91 52 22 Montévidéo tarif réduit à toutes les représentations 04 91 37 97 35 Les Bancs Publics 1 place offerte pour 1 place achetée pour tous les spectacles 04 91 64 60 00 Le Gyptis 6 invitations par représentations pour Notre Dallas mes de Charles-Éric Petit le 22 jan à 19h15 le 23 jan à 20h30 le 24 jan à 20h30 et pour tous les spectacles de la saison tarif réduit à toutes les représentations 04 91 11 00 91 L’Ensemble Télémaque 6 invitations pour le conte musical La Mort marraine le 30 jan à 19h à la Cité de la Musique 04 91 39 29 13

Théâtre Vitez (Aix) 2 invitations par soir pour La surprise de l’amour mes Renaud Marie Leblanc le 27 jan à 20h30 le 28 jan à 19h le 29 jan à 19h le 30 jan à 20h30 le 31 jan à 20h30 2 invitations pour La Commission centrale de l’enfance de David Lescot le 11 fév à 20h30 2 invitations par soir pour Si ce n’est toi d’Edward Bond le 17 fév à 14h30 et 20h30 le 18 fév à 20h30 au-delà de ce quota d’invitations, tarif à 8 € pour tous ces spectacles 04 42 59 94 37

Philippe (Port-St-Louis) Réservations au théâtre de l’Olivier, 04 42 56 48 48

Théâtre du Jeu de Paume (Aix) 10 invitations par soir pour Couteau de nuit de Nadia Xerri-L le 29 jan à 20h30 le 30 jan à 20h30 le 31 jan à 20h30 4 invitations par soir pour Blackbird de David Harrower le 10 fév à 20h30 le 11 fév à 19h le 12 fév à 20h30 le 13 fév à 20h30 le 14 fév à 20h30 résa par mail à journal.zibeline@gmail.com

Le Balthazar entrée gratuite pour tous les concerts du jeudi 04 91 42 59 57

Pavillon Noir (Aix) 2 invitations par soir pour Aléa, Viiiiite, Tatoo de Michel Kelemenis le 29 jan à 20h30 le 30 jan à 20h30 le 31 jan à 19h30 04 42 93 48 00 Les Salins (Martigues) 10 invitations par représentations pour le concert du Quatuor Ebène le 1er fév à 16h 04 42 49 02 00 Festival Les Élancées (Ouest Provence) 4 invitations pour L’Homme Cirque le 14 fév à 18h30 au Stade Bardin (Istres) 4 invitations pour L’Amoureuse de M. Muscle de Michel Kelemenis le 14 fév à 17h au théâtre La Colonne (Miramas) 4 invitations pour Correspondances par la cie Georges Momboye le 21 fév à 18h30 à l’Espace G.

OMC Simiane 4 invitations pour Les Monologues du vagin mes de Magalie Zucco le 14 fév à 20h30 4 invitations pour la soirée Quand l’objet prend vie avec les spectacles Fil de faire (cie A suivre) et Krafff (Théâtre de Romette) le 21 fév dès 19h 04 42 22 81 51 GRIM tarif réduit pour tous les concerts (10€ au lieu de 12€) O4 91 04 69 59

L’institut culturel italien vous offre 3 adhésions annuelles d’une valeur de 32 €, cette «carte adhérent» vous donnera accès à tous les services de l’Institut, médiathèque et programme culturel. Demande par mail : iicmarsiglia@esteri.it ou au 04 91 48 51 94 Librairie Maupetit (Marseille 1er) La Canebière 5% de réduction sur tous les livres Librairie L’écailler (Marseille 1er) 2 rue Barbaroux 5% de réduction sur tous les livres Le Greffier de Saint-Yves (Marseille 1er) librairie générale et juridique 10 rue Venture 5% de réduction sur tous les livres Librairie Regards (Marseille 2e) Centre de la Vieille Charité 5% de réduction sur tous les livres L’histoire de l’œil (Marseille 6e) 25 rue Fontange 5% de réduction sur tous les livres Librairie Imbernon (Marseille 8e) spécialisée en architecture

La Cité Radieuse 280 bd Michelet, 3ème étage 5% de réduction sur tous les livres Librairie Arcadia (Marseille 12e) Centre commercial Saint Barnabé Village 30 rue des électriciens 5% de réduction sur tous les livres Librairie de Provence (Aix) 31 cours Mirabeau 5% de réduction sur tous les livres Librairie Au poivre d’Ane (La Ciotat) 12 rue des frères Blanchard 5% de réduction sur tous les livres La Pensée de Midi vous offre 3 exemplaires de la revue Le Mépris 5 exemplaires de la revue Tanger, ville frontière 1 exemplaire de la revue Beyrouth, XXIe siècle par mail : chris.bourgue@wanadoo.fr

Si vous souhaitez devenir partenaire et publier vos avantages, écrivez : journal.zibeline@gmail.com




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