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du 16/04/09 au 14/05/09 | un gratuit qui se lit

La Culture PigeonnĂŠe...



Politique culturelle L’âge d’or des sciences arabes MPCEC13, Festival Reflets INA, BNM Festival d’Avignon

4 5 7 8

Théâtre La Criée Le Gyptis, le Toursky, Arles Le Lenche, la Minoterie, les Bernardines Le Gymnase, le Merlan Jeu de Paume (Aix), Vitez (Aix), Arles Le Lenche, Château-Arnoux, Aubagne Martigues, Nîmes, Port-de-Bouc Avignon, Cavaillon, Draguignan

9 10 11 12 13 14 15 16,17

Danse Aubagne, Ballet d’Europe Pavillon Noir, Château-Arnoux, Grasse Busserine, Bancs publics, 3bisf Cavaillon, Istres

18 19 20 21

Cirque Martigues, Port-de-Bouc, Istres

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Théâtre/Arts de la rue Massalia, Sirènes et midi net, Radio Grenouille

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Musique Lyrique Concerts Contemporaine Au programme Disques Agenda Concerts

24,25 26, 27, 28 30 31, 32, 33 34,35 36 37 à 41

Cinéma Rendez-vous d’Annie AFLAM, ASPAS

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Arts Visuels Galerie Mourlot, Triangle Saint-Quentin-la-Poterie, Galerie Saffir Entretien avec Gilles Altieri, Saint-Cyr Galerie du CG (aix), BJCEM, Printemps de l’art Au programme

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Livres Festival CoLibriS, Lire et Grandir, Jeudis du comptoir Rencontres du 9e art, Des calanques et des bulles Cassis, Aubagne, Agglopole Salon Livres : littérature, arts, histoire

50 51 52 53 à 56

Sciences et Techniques Enseigner les sciences, au programme

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Philosophie La parole

58,59

Patrimoine Route des arts, Artesens, Rousset

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Rencontres Au programme

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Éducation Formation réussite, FNCTA, école du paysage

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Le massacre a commencé On le craignait, et on y est : les tabous ont sauté, le point de rupture est atteint, les usines, les hôpitaux, les lycées ferment leurs grilles, leurs services, leurs options. Les lieux culturels aussi, petits et grands, indépendants ou étatiques, dans un bel élan commun. Les portes du Balthazar, scène de musiques actuelles, risquent de rester closes, la Galerie Athanor, la librairie Païdos agonisent, Reflets n’aura pas lieu cette année, la scène jeune public des Pennes-Mirabeau ferme, et la Scène Nationale de Cavaillon annonce une programmation tronquée… Partout les artistes renoncent à monter des productions ambitieuses, proposent des solos, des monologues, des lectures, des cabarets, prétendant pour les vendre qu’il s’agit de choix esthétiques, y croyant même parfois. Les spectacles que l’on programmait autrefois dans les petites salles s’installent dorénavant dans les grandes… tandis que les petites multiplient les ouvertures au public, les étapes de travail, formes inachevées qui ne sont souvent que des cache-misère. La profession se paupérise à toute allure. La fin programmée du régime des intermittents, ses aménagements qui interdisent à des professionnels d’y prétendre, l’absence consensuelle de rémunération des plasticiens, des compositeurs, des auteurs, des photographes, achève de détruire un secteur essentiel à la vie économique de notre pays, et à sa santé morale et intellectuelle. Le but est-il l’abrutissement des masses ? La logique qui préside au massacre est-elle économique ou idéologique ? Quand la destruction systématique du secteur culturel se double de celle de l’éducation et de la recherche, et de la reprise en mains des médias publics et privés, le spectre du totalitarisme se profile. La solidarité dans la lutte est le seul moyen de résistance. Solidarité du public, de la presse, des collectivités territoriales avec le monde de la culture, mais aussi solidarité des artistes entre eux : ils devraient mettre de côté leurs divergences esthétiques pour adopter, quel que soit leur grade dans la hiérarchie de l’«excellence» décidée par le ministère, une riposte politique commune. AGNÈS FRESCHEL


Première expo labellisée ! Frise au nom du sultan Barquq, Egypte, vers 1930, bois sculpte © Institut du monde arabe

C’est un événement, pour tous ceux qui attendaient les premiers signes. L’exposition L’âge d’or des sciences arabes entre dans le cadre des actions de préfiguration de MPCEC13 et en caractérise l’esprit Cette exposition est une adaptation, par l’Institut du Monde Arabe, de l’événement éponyme qui s’est tenu dans ses locaux en 2005, et a connu un retentissement très important. Il y a de quoi : les objets rassemblés sont rares et magnifiques, divers dans leurs esthétiques mais également par leurs provenances et leurs fonctions. Mais, surtout, l’exposition est remarquablement pédagogique : organisée en trois sections progressant vers une connaissance plus approfondie et intime de la culture et du savoir arabes entre le VIIIe et le XVe siècles, elle n’est pas chronologique ni géographique -même si elle abonde de repères spatio-temporels-, mais thématique1. Les panneaux permettent de situer les objets et leur intérêt, les vidéos d’approfondir les connaissances, et quelques automates les principes scientifiques et techniques qui ont été découvert ou transmis par les civilisations musulmanes. Une expo à la fois belle (les ABD sont décidément un bâtiment magnifique…) et intelligente, qui réconcilie de plus l’histoire et les sciences, affirmant en particulier l’importance si souvent négligée en France de la culture scientifique. Pourtant ce n’est pas en cela que l’exposition est emblématique : défendre cet «âge d’or» de la culture arabe,

aujourd’hui et ici, relève d’un autre enjeu. Les historiens ont longtemps négligé de souligner les apports des savants musulmans à l’élaboration de la culture européenne moderne, et l’exposition démontre sans conteste que le savoir antique est passé par l’autre rive de la Méditerranée, qui l’a mis en oeuvre et développé à une époque où le monde chrétien l’ignorait. Les discours officiels, lors de l’inauguration, allaient tous en ce sens : Jean-Noël Guérini confirma son soutien sans équivoque à «l’équipe de Monsieur Latarjet» qui conçoit Marseille Provence comme «l’interface naturelle entre l’Europe et la Méditerranée» et veut «donner à chacun de nouveaux outils pour mieux faire face à la complexité du monde» ; Jacques Pfister, président de la Chambre de Commerce et de MPCEC, souligna ce «coup d’envoi très opportun» qui met en œuvre le «Partage des midis» axe essentiel du projet ; et Dominique Baudis, président de l’Institut du Monde arabe, se félicita malgré son attachement pour Toulouse du choix de Marseille, «seule véritable alternative au choc des civilisations, c’est-à-dire des ignorances». Un beau projet de partage, réaffirmé malgré les mises à mal (voir cicontre). AGNÈS FRESCHEL 1

. Le Ciel et le Monde, Le monde du vivant et l’homme dans son environnement, Sciences et Arts sont les thèmes des trois sections. Nous y reviendrons plus longuement dans notre prochain numéro. L’âge d’or des sciences arabes Jusqu’au 11 juillet ABD Gaston Defferre du lundi au samedi de 10h à 18h Visites commentées le samedi à 15h ou sur réservation (groupes, scolaires) 04 91 08 61 00 www.archives13.fr www.biblio13.fr


MPCEC13 | FESTIVAL REFLETS POLITIQUE CULTURELLE 05

Deux fois unique ! Bernard Latarjet continuera à diriger Marseille Provence Capitale Européenne de la Culture 2013 !

Renaud Muselier © Andre Chan

On connaissait le deux en un, la Sainte Trinité, la prolifération du nombre de lames nécessaire au rasage, la multiplication des pains, l’ubiquité de l’Un et l’omniprésence de l’autre… Mais la double unicité est un concept nouveau : Marseille est la seule ville au monde à pouvoir se targuer d’avoir ouvert, officiellement, deux « guichets uniques ». Faut-il dorénavant user du pluriel pour parler du singulier ? Singulière, l’entreprise l’était en un autre sens : il s’agissait pour la Ville de Marseille de reprendre la Bernard Latarjet © Agnes Mellon

main sur Marseille Provence Capitale Européenne de la Culture 2013. Renaud Muselier avait donc en charge de recueillir, avec ce deuxième guichet unique, les propositions des artistes et compagnies… rôle dévolu, en principe et par élection de la Commission, à l’association dirigée par Bernard Latarjet. Si bien que personne ne savait plus sur quel pied danser ! Cette volonté de reprise en main s’appuyait sur un mécontentement préexistant : depuis le début de l’aventure beaucoup se plaignent, parfois à juste titre, des opacités du projet, de la lenteur de sa mise en œuvre, du poids des salaires en ces temps de pénurie, de certains choix qui ont exclu les acteurs culturels les plus marquants, et s’orientent trop nettement vers les arts de la rue et du territoire, vers des projets au but plus social qu’artistique, trop petits, trop gros, voire plus Parisiens que Marseillais… Or les options de l’équipe de Bernard Latarjet ne seraient pas remises en cause si les projets de MPCEC 13 venaient, comme il en était convenu, s’ajouter à la politique culturelle des collectivités, et non s’y substituer. Le budget alloué par les collectivités à MPCEC 13 ne devait pas empiéter sur les enveloppes habituelles de la culture. Or les divers comités d’experts qui attribuent les aides à la création au spectacle vivant, les festivals de cinéma, les galeries indépendantes… tous protestent contre la baisse actuelle des enveloppes de la Ville de Marseille, qui ne tient pas ses engagements. Elle n’est pas la seule, et l’argent alloué à MPCEC13 par les diverses collectivités impliquées l’auraient été à d’autres, qui périclitent actuellement faute de financement… Le Conseil d’Administration a été confirmé dans sa mission et l’unique guichet a cessé son surréaliste dédoublement. On s’en réjouit, car rater MPCEC 13 serait une catastrophe pour le territoire, qui a besoin d’une politique culturelle ambitieuse, digne de la capitale euroméditerranéenne qu’elle est, de fait. Les agitations récentes rappellent malheureusement le pire visage de Marseille : ses pagnolades, ses trafics et intrigues de couloir, son isolationnisme face aux réalités multiples de la Provence, sa confusion entre populaire et populiste, son mépris des intellectuels, la gadgetisation de sa réalité cosmopolite et de l’immigration. Les élus de gauche ont protesté officiellement contre la tentative de reprise en main de la Mairie. Celle-ci s’est excusée, mais demeure mécontente de ne pas être associée davantage au processus de labellisation. Or MPCEC 13 ne se fera pas sans la région, le département, les communes et communautés de gauche, mais ne peut se faire sans Marseille. Il faut donc que la crise se résolve durablement, ou tout sera détruit : aujourd’hui parce que les compagnies et les lieux ferment l’un après l’autre à Marseille (voir ci-contre), demain parce que les flon-flons de la fête peuvent sonner petit… ou se taire. AGNÈS FRESCHEL

Dernière séance ? Une des réductions les plus préjudiciables des subventions est sans doute celle que les Villes et l’État opèrent actuellement dans le budget des festivals de cinéma. À l’heure où les Français consomment plus que jamais des films, et se détournent semble-t-il un peu des multiplexes, il est paradoxal que les petits festivals de cinéma périclitent par suppression pure et simple des aides publiques ! Comme si les recettes pouvaient suffire, dans ce secteur justement où la création et l’indépendance pèsent peu lourd face à l’industrie… C’est tout un pan du cinéma qui est aujourd’hui mis en danger par cette politique. Celui de la création indépendante, celui qui permet aux spectateurs de voir des films qui ne passent pas autrement en salles, de parler cinéma avec ceux qui le font, de voir des documentaires, du répertoire, des films particuliers, venus de pays où on en fait sans moyens, ou abordant des thématiques hors des sentiers battus par les majors… Bref d’aller au cinéma comme on va au spectacle, et non comme on regarde «sa» télé.

La vie sans reflets ? L’annulation de Reflets, dont l’édition précédente fut pourtant couronnée de succès public, artistique et critique, est préoccupante (et déplorable) à plusieurs titres : parce que c’était un lieu de débat citoyen remarquable, rare, mené sans ostentation et avec clairvoyance sur les thématiques liées à l’homosexualité. Sans communautarisme (les homos ne sont pas une communauté...) et surtout sans cette incroyable prévalence de l’homosexualité masculine sur la féminine, qui souffre d’un manque hallucinant de représentation et de visibilité. Le désengagement de l’État et de la Ville de Marseille relève-t-il d’un ostracisme envers les homosexuels ? Sans doute pas, et Reflets souffre des mêmes maux que les autres festivals de cinéma… Il n’empêche qu’étant donné la pertinence et la rareté des thématiques abordées, on espère fermement que ces «thématiques lesbiennes, gays, bi et trans» reviendront parmi nous en 2010 ! AGNÈS FRESCHEL


Mensuel gratuit paraissant le deuxième jeudi du mois Edité à 25 000 exemplaires Edité par Zibeline SARL 76 avenue de la Panouse | n°11 13009 Marseille Dépôt légal : janvier 2008 Directrice de publication Agnès Freschel Imprimé par Rotimpress 17181 Aiguaviva (Esp.) photo couverture © Agnès Mellon Conception maquette Max Minniti Rédactrice en chef Agnès Freschel agnes.freschel@wanadoo.fr 06 09 08 30 34 Secrétaire de rédaction Dominique Marçon journal.zibeline@gmail.com 06 23 00 65 42

Arts Visuels Claude Lorin claudelorin@wanadoo.fr 06 25 54 42 22 Cinéma Annie Gava annie.gava@laposte.net 06 86 94 70 44 Philosophie Régis Vlachos regis.vlachos@free.fr Sciences et techniques Yves Berchadsky berch@free.fr Histoire et patrimoine René Diaz renediaz@free.fr Polyvolantes Maryvonne Colombani mycolombani@yahoo.fr 06 62 10 15 75 Marie Godfrin-Guidicelli m-g-g@wanadoo.fr 06 64 97 51 56

Éducation Chris Bourgue chris.bourgue@wanadoo.fr 06 03 58 65 96

Maquettiste Philippe Perotti philippe.zibeline@gmail.com 06 19 62 03 61

Livres Fred Robert fred.robert.zibeline@free.fr 06 82 84 88 94

Ont également participé à ce numéro : Susan Bel, Emilien Moreau, Marie-Jo Dhô, Aude Fanlo, Pierre-Alain Hoyet, Delphine Michelangeli

Musique et disques Jacques Freschel jacques.freschel@wanadoo.fr 06 20 42 40 57

Photographe : Agnès Mellon 095 095 61 70

Frédéric Isoletta f_izo@yahoo.fr 06 03 99 40 07 X-Ray x-ray@neuf.fr 06 29 07 76 39

Directrice commerciale Véronique Linais vlinais@yahoo.fr 06 63 70 64 18 LA REGIE Jean-Michel Florand 04 42 49 97 60 06 22 17 07 56


INA | BNM

POLITIQUE CULTURELLE

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Affinités électives Le Ballet National de Marseille lance la deuxième édition de La Danse dans tous ses états. Non sous la forme de simples collaborations, mais sous le signe de connivences artistiques contemporaines

Un site pour ici Depuis le 25 mars, un nouveau site est en ligne, Repères Méditerranéens : un de plus, direz-vous. Oui ! mais un outil précieux pour notre région Fruit d’un partenariat entre l’INA (Institut National de l’Audiovisuel) et la Région PACA, Repères Méditerranéens est un outil efficace qui permettra à tous de retrouver cinquante ans de notre histoire régionale. Livre d’histoire en images et en sons, véritable «site archéologique», fresque interactive, banque de documents de l’histoire et de l’aménagement de l’espace, il propose 365 vidéos une pour chaque jour de l’année-, sélectionnées avec patience et passion, parmi les archives audiovisuelles de l’INA par les historiens et les géographes de la Maison Méditerranéenne des Sciences de l’homme, qui ont travaillé en plus de leurs recherches habituelles… Eh oui, les enseignants chercheurs travaillent et servent à quelque chose ! Comme l’a précisé Jean-Marie Guillon directeur du centre de recherches TELEMME qui a piloté le travail. Ce site, facile d’accès, peut être consulté par tous, citoyens curieux de l’histoire de leur région, enseignants, chercheurs, lycéens et étudiants qui peuvent le parcourir de manière chronologique ou thématique selon qu’ils sont intéressés par les arts et la culture, l’économie, les paysages, la vie politique, les relations internationales, les sciences et techniques ou le sport. Une initiative dont chacun peut se réjouir puisque l’accès à ces documents audiovisuels est libre et gratuit. Bref un vrai service public est né, fait rarissime par les temps qui courent ! ANNIE GAVA

Repères Méditerranéens http://www.ina.fr/edu/repmed

Dans la perspective de 2013, mais pas seulement, il y a une vie avant, Frédéric Flamand rassemble autour de son événement les talents qui l’entourent. En accueillant en son sein le festival Les Musiques du GMEM (les 16 et 17 mai, voir page 31), en allant s’installer au Musée d’Art Contemporain, dans le hall de la Chambre de Commerce, au Pavillon Noir de Preljocaj le corsaire… Le BNM affirme ainsi dans la ville et le territoire, l’importance de la danse et de l’art contemporains, y compris à la Bourse ! Mais surtout, Frédéric Flamand souligne ses affinités avec d’autres artistes, d’horizons variés. Des jeunes d’abord : Katharina Christl, sa danseuse, soliste magnifique et chorégraphe rude, dirigera cinq danseurs pour une performance claustrophobique de trois heures au [MAC], dans une mise en espace très noire de la designer Marine Peyre, un mix et de la vidéo live (Klaus T. le 16 mai) ; la dernière promotion des apprentis de DANCE, reprendra une pièce qu’il a conçue pour eux, troublant voyage dans les fantasmes aviateurs d’Howard Hugues, à la chambre de commerce bien sûr (Success Story les 22 et 23 mai) ; quant aux élèves de l’École Nationale Supérieure de Danse de Marseille, ils auront pour lourde mission de sortir de leurs ornières classiques, non pas en lui tournant le dos (ils sont là pour s’y former) mais pour montrer comment depuis un siècle la technique classique est Sous influence (les 23 et 24 mai)… De la fluidité de la danse libre, de l’émergence du sujet masculin, de la mise en scène de la chute, de l’émergence de l’abstraction… Une ENSDM qui, sous la direction de Jean-Claude Paré, s’attache à former des danseurs classiques qui puissent répondre à l’hybridation actuelle des répertoires, qui touche jusqu’aux ballets d’opéra. Le programme se poursuivra ensuite au Grand Studio, pour dix jours de danse presque sans relâche (du 27 mai au 5 juin, nous y reviendrons) et trois créations ! Une que Flamand cosigne avec ses danseurs, une d’Anna Lopez Ochoa et… une

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Success Story © Pino Pipitone

création mondiale de Lucinda Childs, Tempo Vicino, sur une musique de John Adams. Car le BNM tient aussi à faire venir le public en ses murs, dans la «casbah futuriste» construite par Roland Simounet : depuis 4 ans qu’il la dirige, Frédéric Flamand a su rouvrir le bâtiment au public, aux élèves de tout niveau et à la danse contemporaine. Fallait-il qu’un Belge nous apporte un peu de chaleur ! AGNÈS FRESCHEL

Connivences La danse dans tous ses états du 16 mai au 5 juin Ballet National de Marseille 04 91 327 327 www.ballet-de-marseille.com

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POLITIQUE CULTURELLE

FESTIVAL D’AVIGNON

De l’humain au barbare Rachid Ouramdane © EM

Rachid Ouramdane travaille sur sa prochaine création, Des témoins ordinaires, qui sera présentée à la Chartreuse dans le cadre du Festival. Rencontre avec ce chorégraphe français d’origine algérienne Zibeline : Comment vont s’articuler la danse et la vidéographie dans votre création ? L’un dépend-il de l’autre ? Rachid Ouramdane : Je n’ai pas de méthode, ça se précise en fonction des

projets. Je me suis souvent appuyé sur l’image vidéo, qui est une façon de démultiplier la présence du danseur, de l’acteur. Mes pièces partent souvent de la rencontre avec quelqu’un mais plus je faisais des portraits, plus j’avais envie d’y intégrer une dimension autobiographique, en m’appuyant aussi sur des choses de leur vie. C’est comme ça que j’ai commencé à m’entourer de documentaristes, et c’est pour ça que, souvent, les pièces débutent par des entretiens. Mon rapport à l’image va de plus en plus vers le témoignage, vers une dimension documentaire et autobiographique. C’est ce qui oriente et nourrit le travail de mise en forme. Comment s’est construit Des témoins ordinaires ? Lors de mon travail sur Loin*, j’ai été confronté à des témoignages sur les atrocités de la guerre qui ont fait surgir beaucoup de violence ; au début du spectacle ma mère raconte qu’à son retour d’Indochine mon père, qui avait décidé de déserter pour ne pas combattre en Algérie, a été torturé par l’armée française. À l’époque je

travaillais sur la mémoire, sur la construction de soi quand on est fait d’un ailleurs… J’avais donc mis de côté l’idée de barbarie, et plus tard elle s’est imposée comme une nécessité. J’ai donc interviewé des personnes qui ont vécu la torture au Brésil, au Rwanda, en Tchétchénie, en Palestine, au Cambodge… Comment cela se traduit-il sur scène ? Il y aura les enregistrements des témoignages, des images projetées, mais pas les personnes qui témoignent, je n’ai pas souhaité leur faire revivre cette souffrance-là. Et puis cinq interprètes, qui viennent de la contorsion, et dont les corps, loin de la performance, sont capables de faire des choses impossibles pour d’autres. C’est la poétique des corps ou leur potentiel expressif qui m’intéresse, et ma capacité à la saisir, à la nuancer, à la mettre en scène. Les corps n’illustrent pas les entretiens, ils illustrent le glissement métaphorique de l’humain au barbare, pour faire ressentir aux spectateurs les limites de ce qu’ils peuvent accepter.

En laissant une part à l’imaginaire ? Il est certain que le traitement n’est pas réaliste. Comment représenter ce qui est indicible ? Le témoignage individuel réhabilite l’histoire par le cas particulier et pas uniquement par le biais d’une parole collective. On essaye de mesurer l’écart entre celui qui n’a que l’imaginaire, et celui qui a vécu l’expérience. Pour faire en sorte que cet imaginaire nous amène à la compréhension de ce phénomène de barbarie et de violence. C’est le rapport entre les corps qui seront sur scène et les témoignages qui vont suggérer des pistes aux spectateurs, pour qu’ils puissent aller dans cet irreprésentable. ENTRETIEN RÉALISÉ PAR DOMINIQUE MARÇON

* sa précédente pièce, un magnifique solo qu’il dansera Salle Benoît XII du 19 au 28 juillet

Contemporain et masculin L’avant-programme d’Avignon est tombé ! Le texte le plus ancien est un Hugo (Angelo, tyran de Padoue, mis en scène par Christophe Honoré), les autres étant du XXe (Odon von Horvath mis en scène par Johan Simons, Thomas Bernhart par Denis Marleau, Pessoa par Claude Régy). Tout en constatant l’absence (scandaleuse !) de femmes, hors Maguy Marin, et la représentation relativement faible des artistes français*, on peut se réjouir de ce choix délibéré pour les écritures contemporaines. Mais l’intérêt évident pour l’écriture de plateau fait que la plupart des metteurs en scène sont aussi adap-

tateurs (Warlikowski, Jouanneau, Amos Gitai…) ou auteurs de leur spectacle (Marthaler, Jan Fabre, Christian Lapointe, Pippo Delbono, Stefan Kaegi, Hubert Colas, Dieudonné Niangouna, Federico Leon, toute la trilogie de Jan Lauwers, et le quatuor de Wadji Mouawad). Or l’abolition des frontières entre danse et théâtre, entre auteurs et metteurs en scène, n’est pas sans inconvénient: si certains auteurs portent avec un immense talent plusieurs casquettes (Pommerat, Py, Jouanneau justement ou… Molière) cette dé-spécialisation aboutit souvent à un affadissement de chacune des écritures mises en œuvre.

On oppose généralement à ceux qui croient «encore» aux vertus de la parole (voir p58), des textes dramatiques, des personnages, voire à la distinction entre les arts et à la virtuosité des pratiques, que cette vision de la scène est dépassée, ringarde, bonne pour les générations précédentes. Pourtant on peut se demander sans être réac si l’avenir du théâtre (ou son présent) est forcément là, dans un retour aux récits mythiques, au corps, à l’Orgie, à l’Ode, au Bazar. Si l’on en croit ce bon vieux Brecht, seule la dialectique est politique sur les scènes : les superpositions, les

La Maison des cerfs de Jan Lauwers © Maarten Vanden Abeele

énumérations, les invectives mêmes ne sauraient l’être. Jan Fabre d’ailleurs le sait, lui qui déclara : «Il faut que l’art ne se préoccupe aucunement de politique, qu’il soit élitaire et beau, qu’il extrémise les gens.» Cette sorte de cérémonie théâtrale tend à réduire la confrontation des sens à la simple présence de «moi», de faits, de corps, et la «beauté» à l’apparition, à l’être là. Dans une société où le besoin de politique se fait plus que jamais sentir, croire que l’art réside dans l’artiste et non dans son discours n’est pas, paradoxalement, une posture contestataire. Mais on espère que les nombreux artistes libanais, égyptiens, africains ou malgaches présents nous donneront tort, et sauront faire entendre, à travers leur histoire, une contestation venant du Sud ! AGNÈS FRESCHEL

* Il n’est pas question d’être chauvin, mais les productions françaises sont suffisamment mises à mal économiquement pour que sa plus grande vitrine lui donne un peu de visibilité auprès des diffuseurs qui viennent là faire leur marché.


LA CRIÉE

Dieu et l’amour

Divino amore © Michele Laurent

La palme de l’insolence est attribuée à… Alfredo Arias ! Comme toujours avec le metteur en scène argentin et son complice René de Ceccatty, le dialogue du théâtre, de la danse et de la musique fait mouche pour faire passer la pilule de ses propos irrévérencieux. Le décor : Rome, août 1970, la troupe d’Origlia Palmi joue «des pièces d’inspiration reli-

gieuse faisant rire sans le vouloir.» Les personnages : sainte Catherine de chienne, sainte Rita Hayworth, sainte Bernadette soubirousse et ses moutons qui viennent péter dans la grotte, auxquels il faut ajouter King Kong, des esprits chantants Dieu, Salomé exécutant un streap-tease biblique… Bref, une galerie de portraits plus hallucinés les uns que les autres,

pour ne pas dire totalement déjantés, joués avec brio par quatre acteurs dont la fidèle Marilù Marini. Costumes, déhanchements, chorégraphies, illustrations sonores sont dignes d’un film de Tim Burton ou d’un show télé de Berlusconi… Le mélange explosif du «mélodrame religieux et du théâtre de Dieu», propice à toutes les outrances langagières, est un exercice casse gueule dont Alfredo Arias peut se vanter de déjouer les pièges. Sans vulgarité gratuite, la tragédie grecque de pacotille et la revue de music-hall font le grand écart avec maestria : on se souviendra longtemps du retour de la fille prodigue, une sainte nitouche blanche transformée en bimbo noire aux ÉtatsUnis ! Mais Alfredo Arias n’en ait pas à un blasphème près quand il s’agit d’évoquer les marginalités. Dieu merci ? M.G.-G.

Divino Amore a été joué du 24 au 28 mars au Gymnase, saison hors les murs de La Criée

Marre du canard... ! C’est le cri du cœur (on rit) de celui à qui l’on propose de faire Donald à Morne l’Avalée ; celui qui a les cheveux rouges et les pieds caoutchoutés dans la saynète n° 5 à droite du tableau, là où on sort très vite du cadre même sans y être invité ; le dispositif est géométrique, damier ou marelle, des carrés (12) et des ronds dans des carrés (6) ; on se croirait revenus au temps de l’ORTF, de Dim Dam Dom ou de JC Averty et le parquet est bien ciré comme toujours chez le metteur en scène Eric Vigner. Attention terrain glissant ! On y tombe comme des quilles, on n’y tient pas en place surtout si on tient à sa place, on tourne on vire, on est viré. Débrayage de Rémi de Vos fait tourner à plein régime la mécanique implacable d’une langue qui installe l’effroyable solitude (on ne rit plus) du

monde du travail au cœur de l’échange boulevardier «Ciel mon DRH !» ou «Mon avenir au placard...». Écrit à la fin de l’autre siècle, du temps où l’on pouvait mettre une tête sur son chef, où l’on pouvait répondre comme un enfant insolent, où le conflit était encore social, le texte ne gagne pas grand chose à être redoublé par une gestuelle tirée à quatre épingles ; la chorégraphie, justement impeccable, se contente finalement de paraphraser l’engrenage verbal qui articule ces 13 petites pièces de l’angoisse ordinaire. Au risque de rendre inoffensif l’élégant babil des classes laborieuses. MARIE-JO DHO

Débrayage a été présenté par La Criée à la Friche du 1er au 5 avril. Debrayage © A. Fonteray

À venir à La Criée Après Arias et Ziani-Cherif Ayad (voir page 14), Jean-Louis Benoit s’occupe luimême du prochain cabaret. Le 6 mai il présentera L’ange de l’Information, une pièce de Moravia qu’il mettra simplement en espace pour trois acteurs. L’auteur italien, surtout connu pour ses romans qui firent de grands films (Le Conformiste, Le Mépris…), s’y amuse avec un trio de vaudeville mari-femmeamant, mais qui se dirait tout, dans les moindres détails, jusqu’à l’insupportable. Après cela La Criée finira sa saison hors les murs dans les quartiers suds, au Cabaret Nono (Campagne Pastré). Le théâtre de Noyelle y accueillera deux tragédies historiques de Shakespeare mises en scène par Jean-Claude Fall. En parties séparées de 3h chacune (les 13 et 15 mai pour Le Roi Lear et les 14 et 17 pour Richard III) ou en intégrale le 16 mai à 16h et 20h, pour les amateurs de longs voyages et de magnifiques soirées blanches. Deux très grands textes, une troupe de comédiens magnifiques (Le Théâtre des Treize vents, Centre Dramatique National de Montpellier) un décor unique pour les deux tragédies familiales, où l’humanité enfante de monstres, mais franchit les caps… A.F.

Théâtre National de la Criée 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

THÉÂTRE

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Cabaret nocturne Quelques jours plus tôt les deux chanteuses de Divino Amore, servies avec tact et toucher par le pianiste Ezéquiel Spucches, ont offert dans le hall un cabaret noir à l’esprit inattendu : pas de paillettes ce coup-ci, et peu de joie, mais beaucoup d’émotion. De la vraie, musicale, populaire, nostalgique, et sacrément bien interprétée. Sandra Guida et Alejandra Radano, vêtues et maquillées de noir, ombres nocturnes, sans séduction mais non sans force, ont su passer, avec chaque fois le ton et le style justes, de Weill à Piazzolla, puis à la comédie musicale américaine, version Chicago : noire encore, comme les trottoirs de Buenos Aires qui semblaient juste avant reluire sous leurs chaussures… De la pénombre à l’aurore, elles ont fini façon revue à la Française, avec toujours la même justesse dans la voix, le ton, l’allure. Dansant juste ce qu’il fallait, alternant les solos et les duos à deux voix, rapprochant sans les confondre les répertoires des différents pays. Des chansons populaires dans l’esprit parce que sur toutes les lèvres, mais d’une richesse harmonique et mélodique jamais simpliste. Et toujours au service d’un propos commun, sur le peuple des rues et de la nuit. A.F.

Cabaret Tango Boadway a été joué à La Criée les 20 et 21 mars Ezequiel Spucches © Christophe Delliere


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THÉÂTRE

GYPTIS | TOURSKY | ARLES teur, le personnage ne tient pas. Le comédien qui l’assume s’en tire parfois, après avoir totalement loupé le premier acte, et la douleur… Ce théâtre psychologique manquant décidément de clairvoyance, reste le politique : ce portrait d’un tyran qui perd la boule et use de son pouvoir jusqu’au bout de sa logique reste intéressant, et les dialogues souvent satisfont l’esprit, parce qu’ils interrogent la lâcheté, la soumission, le pouvoir temporel, la mesquinerie et l’utilité d’un certain pragmatisme. Pourrait-on monter cela autrement, sans psychologie ? Sans doute est-ce impossible…

C’est du lourd

Le Fou et son maître

AGNÈS FRESCHEL

Caligula © X-D.R

Bon. On savait Camus pas léger léger, en tant qu’auteur dramatique. Et on savait que Caligula, avec son pseudo contexte antique, son théâtre dans le théâtre, son apologie du poète éthéré et son travestissement sexuel pour mimer la folie, n’était pas du meilleur goût. Camus savait penser le monde, mais pas sa représentation. On en a eu confirmation avec la mise en scène de la Cie Uppercut. Ils ont fait

le choix courageux de monter l’œuvre telle qu’elle est : en costumes pseudo antiques, dans une scénographie avec marches, trône et péristyle symboliques. Tant qu’à monter Camus autant en respecter la lettre et l’esprit. Le problème est que le rôle de Caligula est totalement illogique : neurasthénique au premier acte, puis tour à tour et tout ensemble hystérique, pervers, violent, sensuel et infantile et domina-

Caligula a été joué au Gyptis du 31 mars au 4 avril Anatoli Goriatchev © X-D.R

Classique moderne Travail singulier et très efficace que celui effectué sur Le Malade imaginaire par la compagnie Vol Plané. Pas d’esbroufe, pas d’artifice : une scène simplement délimitée par un trait au sol, huit chaises, deux fauteuils, une chaise roulante, quatre comédiens pour douze personnages, et un écran sur lequel s’affichent les débuts des scènes. Pas d’effets donc, et une mise en scène qui redonne au texte toute sa puissance, sa folie, servant au mieux toute la virtuosité de l’écriture de Molière. C’est ainsi qu’Alexis Moati et Pierre Laneyrie ont voulu mettre en scène la dernière pièce du dramaturge, dans une proximité particulièrement savoureuse avec le public, dans une volonté «de déjouer la convention». Le résultat est surprenant précisément parce que ces conventions n’existent plus : à chacun de se réapproprier le texte, de se régaler de tirades débitées à la mitraillette avant qu’un silence soudain n’arrête tout, de déplacements rapides et étudiés, de ces brusques glissements de rythmes, hésitations sur le texte -écrites par Molière ou feintes par les comédiens-, de changements à vue

des tee-shits que portent Carole Costantini, Sophie Delage, Pierre Laneyrie et Alexis Moati (ils sont simplement extraordinaires) avec les noms des personnages qu’ils incarnent… Leur jeu se déploie et tout est permis, ou presque, rythmé par les éclats de rire du public et les interrogations complices d’Argan, Toinette, Cléante, Béline… Courez-y, c’est un régal !

Le Malade imaginaire a été joué le 27 mars à l’Espace Gérard Philippe à Port-Saint-Louis, du 2 au 5 avril au Théâtre de la Calade à Arles Théâtre Gyptis du 5 au 16 mai 04 91 11 00 91 www.theatregyptis.com

DO.M. Le Malade imaginaire par la cie Vol Plane © X-D.R

On savait que Piotr Fomenko était un grand metteur en scène. Un de ceux qui savent rendre la subtilité des textes qu’ils affrontent. Car il s’agit bien là d’un affrontement : pour un acteur russe, monter Le journal d’un fou c’est un peu comme incarner Bovary, ou Julien Sorel. Tous connaissent ce texte, et la forme du journal, peu théâtrale, ne facilite pas l’affaire. Pourtant le résultat est époustouflant. Parce que l’acteur est un virtuose absolu. Anatoli Goriatchev réussit l’exploit insensé de rendre l’évolution psychologique, psychotique en fait, du personnage qui sombre dans un délire total mais passe par des stades hallucinatoires très divers, de l’apathie à l’excitation, de la grandiloquence à l’enfermement narcissique. Chacune de ces nuances est rendue simplement, comme de l’intérieur, incarnée. Il parvient aussi à faire sentir, seul en scène, tout le poids des voix extérieures, l’oppression d’un travail bureaucratique, d’une société de castes schizophrène, puis d’un asile carcéral. Les espaces différents ménagés dans le décor mouvant emboîtent son réel, sa chambre, la rue, son bureau, sa cellule, dans un univers fantasmé fait des chapeaux, d’ascension, de statues érigées qui l’écrasent et l’englobent. Chaque mot du texte russe semble prendre son juste poids, dans cette plongée bouleversante vers une irrémédiable folie. C’est magistral ! AGNÈS FRESCHEL

Le Journal d’un fou a été joué au Toursky du 20 au 22 mars dans le cadre du festival russe


LA MINOTERIE | LES BERNARDINES | LENCHE

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À venir aux Bernardines et à la Minoterie

Le monde selon Eva

Oxygene © Edith Merieau

Spectacle après spectacle, Eva Dumbia creuse son sillon, questionnant le monde d’aujourd’hui, le monde tel qu’il va (mal souvent), et livre une parole neuve qu’elle donne à voir dans une écriture scénique originale et affirmée. Elle a choisi cette fois-ci deux textes courts de deux auteurs africains qui l’inspirent et qu’elle a déjà montés. Ainsi, Le grand écart de Dieudonné Niangouna et On ne paiera pas l’oxygène d’Aristide Tarnagda sont rassemblés en un spectacle bref mais percutant, comme «les deux faces d’un miroir sans tain», dans une même ambiance sonore et musicale. Et si, comme l’annonce Jérôme Rigaut dans le prologue, on ne comprend rien à ces deux histoires, c’est qu’on ne comprend rien au monde ni à soi. Les textes restent assez énigmatiques : situations confuses, identités peu claires, personnages dédoublés. À l’image d’un monde qui a perdu ses repères ? Qui exclut une partie de ses membres ? Ce qui est net en revanche, c’est le ton

THÉÂTRE

de désespérance mêlé d’amour et de compassion, c’est le cri d’espoir malgré tout. Les textes le clament, le scandent, le psalmodient ; la mise en scène l’exalte. À ce «monde inondé d’enclos», qui «a fermé sa porte aux aboiements», la créatrice répond par le refus de l’exclusion. Tout le spectacle devient la preuve qu’on peut résister, faire autrement. En brassant les gens, les cultures, les genres et les registres. En mixant le contemporain et le traditionnel, qu’il s’agisse de musique ou de jeu. En faisant intervenir sur scène des acteurs et musiciens de Bamako, de Bucarest ou de Marseille. Cela donne l’image vibrante, explosive et généreuse de ce que pourrait être le monde. Une utopie bien vivante. FRED ROBERT

Le spectacle de La Part du Pauvre a été présenté au Théâtre des Bernardines du 31 mars au 11 avril

Les deux théâtres, une fois n’est pas coutume, associent leur programmation pour plusieurs événements: d’abord l’hébergement actif de Komm’n’act, deuxièmes rencontres de jeunes artistes européens. Après la chorégraphe Doris Uhlich qui expérimente la danse classique sur son corps peu normé, elles accueilleront en particulier le Monologue de Sue Ellen mis en scène par Charles Eric Petit, la création de Far Far Far away par Marion Abeille (plasticienne), Geoffrey Coppini (metteur en scène) et Paulo Guerreiro (danseur-performeur) … Des performances diverses et prometteuses du 14 au 21 avril (voir zib 17). www.komm-n-act.com. On pourra voir aussi, encore en collaboration entre les deux théâtres, la création de la cie La Paloma, emmenée par Thomas Fourneau. Depuis deux ans ils travaillent sur ce texte d’Edward Bond, Early morning, objet rocailleux, violent, iconoclaste comme jamais, mettant à bas les poncifs et leurs contraires, le pouvoir, la sexualité, mais surtout leurs représentations. Pour monter ce texte hallucinant comprenant plus d’une vingtaine de personnages, La Paloma s’appuie sur une vidéo muette et sept acteurs qui porteront le texte loin du naturalisme. Avec lequel il joue, pourtant, pour le mettre à bas… du 8 au 16 maià la Minoterie. A.F.

Les Bernardines 04 91 24 30 40 www.theatre-bernardines.org La Minoterie 04 91 90 07 94 www.minoterie.org

L’impossible unité Alors que Fellag se profile au Gymnase, qu’El Gosto venait jouer dans la région, que l’Institut du monde arabe expose aux Archives, Akel Akian reprend et complète ses Oranges, monologue bouleversant d’Aziz Chouaki, porté avec une conviction rare par Belkacem Tir. Face à ce texte et son incarnation, impossible de rester théorique, historique, extérieur. Dans la salle de Lenche, trop petite pour l’événement, le public se presse, s’assied sur les marches, les coussins, déborde. Un public qui réagit et chantonne, précise au passage les dates d’une histoire qu’il connaît bien, rit aux expressions arabes, à quelques traits de caricature qui échappent visiblement aux «français». Car c’est ainsi qu’il nous appelle, le personnage, ce qui induit parfois un malaise étrange que nous gagnerions tous à analyser. Car ce spectacle fait entendre une parole de l’autre rive, un résumé de l’histoire algérienne depuis 1832, les massacres des envahisseurs et la colonisation, puis toutes les humiliations, tous les déchirements jusqu’à l’Indépendance. La deuxième partie, située après 62, est encore plus douloureuse : victimes encore mais des leurs cette fois, de leurs propres égarements depuis le stalinisme musulman du FLN jusqu’aux folies meurtrières du FIS, puis des milices vengeresses qui souvent firent autant de victimes… Le rappel salutaire de cette histoire si intimement liée

d’investir les mots avec son corps de danseur pourraient transmettre ici et là-bas la force de ce message: il n’est rien d’unique, ni dieu, ni langue, ni peuple, ni histoire. AGNÈS FRESCHEL

À venir au Lenche

Les Oranges © Agnes Fuzibet

à l’histoire française devrait être prescrit à tous, sous cette forme spectaculaire qui passe par l’émotion commune d’une salle. Le texte de Chouaki veut sans doute en dire trop, il est redondant parfois, caricatural, sans nuance, emporté. Mais il dit toute la difficulté d’être Algérien aujourd’hui, sans culture, refusant l’européenne mais ignorant la musulmane, celle qui s’affiche actuellement sur les murs des ABD. Le talent de Belkacem Tir, sa performance (près de quatre heures de monologue en deux parties !), sa manière

Le collectif Manifeste rien, composé de jeunes gens au talent manifeste, justement, s’est embarqué dans un texte prétentieux, cosmogonie d’une humanité brutale. Les quatre comédiens (vus lors d’une étape de travail à la Distillerie d’Aubagne) ont beau jouer avec ferveur, dans une scénographie intelligente, Farce restera sans doute pour eux une mauvaise blague, qu’ils dépasseront on l’espère très vite ! Du 21 au 25 avril. L’Auguste Théâtre reprend de délicieuses Petites cruautés du 5 au 9 mai. Un montage de textes contemporains sur l’exercice de la cruauté dans la famille, au travail, dans le couple et sur soi-même, monté par un quatuor d’acteurs convaincants, dans une scénographie qui joue habilement de sa pauvreté pour la transformer en abstraction. Théâtre de Lenche 04 91 91 52 22 www.theatredelenche.info


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THÉÂTRE

MERLAN | GYMNASE | OLLIOULES | MIRAMAS

Chair gaie, chair triste Sexamor de Pierre Meunier procède, comme la plupart des spectacles proposés aujourd’hui, par un bout à bout de séquences autour d’un thème. Ici le sexe, dans son rapport à la relation amoureuse. Pierre Meunier a du talent, et la plupart des séquences sont belles, frappantes, émouvantes, drôles, d’une impudeur inattendue : pas pornographiques pour un brin, sentimentales, fleur bleue même. Ce qui n’est pas le cas de Pâquerette. François Chaignaud et Cecilia Bengolea mettent en scène la pénétration. Anale essentiellement. Pendant une trentaine de minutes ils se meuvent chacun avec un joli gode en verre planté dans l’anus en poussant

des fils sonores, le beau corps à corps à tête de cerf, l’aveu de la difficulté à devenir, sexuellement, un homme, du plaisir, du désir… et de l’humour, subtil. Des objets poétiques peuplent l’espace, rouages détournés d’un univers industriel dépassé, et transformés en agrès de cirque onirique. Et surtout, on sent entre les deux êtres présents sur scène, personnages et acteurs, narrateurs intimes, une relation amoureuse qui préside, ou coexiste, avec le sexe. Condition absolue pour que la chair ne soit pas triste…

des soupirs d’aise ou de douleur, on ne sait. Ils sont beaux, nus, mais ce n’est ni pornographique (trop esthétisant), ni érotique (trop distancié, ou trop cru ?), ni scandaleux (pas pervers pour un brin), ni drôle (franchement ennuyeux, 30 minutes de pénétrations anales, même avec les quelques portés aux points d’appui inédits à la fin : le périnée semble un étai solide). L’inverse exactement de ce qu’on ressent lors de Sexamor : le bout à bout, même s’il demeure un peu dérythmé parfois, desserré en raison de sa structuration linéaire, impose quelques moments éblouissants. Le texte du marin attendant sa sirène entre

AGNÈS FRESCHEL

Paquerette © Alain Monot

Sexamor, cycle thématique sur le sexe et la création contemporaine, s’est déroulé au Merlan du 30 mars au 4 avril

Nous nous reposerons Tels sont les mots que prononce Sonia à la fin de la pièce, litanie de la désespérance ordinaire, qui voit la mort comme seule issue à la difficulté de vivre. Une fois repartis ceux qui ont semé la «dévastation», le cuistre Sérébriakov, Eléna sa femme à la beauté troublante, et Astrov le médecin alcoolique et désabusé, le rideau retombe sur Sonia la jeune fille

pure et laide et sur l’oncle Vania, qui restent seuls dans leur campagne perdue, seuls avec leur amour dédaigné, leur intelligence inutile, leur lucidité accablante. Chez Tchekhov on se débat avec le désir, désir d’amour, désir d’ailleurs, désir de partage intellectuel, de connivence; et puis on s’en va ou on reste, sans avoir pu réaliser ce qu’on voulait vraiOncle Vania © C. Ganet

ment. Joug de l’habitude, force engluante de l’ennui, d’une société insensée ? Tous ont des velléités, tous renoncent. C’est sans doute une des raisons de la modernité du dramaturge russe. Le huis clos étouffant du domaine campagnard et des relations familiales, les contraintes de la routine, les soifs d’idéal jamais assouvies, tout parle au spectateur d’aujourd’hui, comme l’interpellent les envolées écologistes avant la lettre du médecin. Et quelle langue ! Délice de la mélopée tchekhovienne qui tisse adroitement les échos de tous ces moi souffrants et mêle le comique et le drame dans un chassé croisé implacable et tellement humain. Si la scénographie retenue par Claudia Stavisky, inutilement machinée, oscille maladroitement entre représentation et abstraction, sa mise en jeu fait la part belle aux contorsions de la conscience souffrante, mains crispées, corps recroquevillés sous des tables ou faussement imperturbables, puis tout à coup comme désarticulés. De fait, elle a laissé libre cours au talent des acteurs : Marie Bunel promène élégamment la beauté d’Eléna, Agnès Sourdillon campe une Sonia gauche, charnelle et émouvante. Quant à Philippe Torreton (Astrov) et à Didier Bénureau (Vania), ce sont à deux titres divers des bêtes de scène : ils auraient gagné quelquefois à être plus contraints, parfois surjouent, parfois ratent, parlent avec les mains ; mais parfois aussi atteignent une émotion rarissime, précieuse et fascinante. Cette sorte de miracle fugitif que produisent les grands acteurs, qui servent simplement de grands textes. FRED ROBERT ET AGNÈS FRESCHEL

Oncle Vania Théâtre du Gymnase jusqu’au 16 avril 0 820 000 422

À venir au Gymnase Les algériens sont tous des mécaniciens. Il fut un temps où Fellag créait ses spectacles à Marseille. Marianne Epin lui reste fidèle et l’a mis en scène dans ce one man show spécial, monologue qui tient de la tradition du conteur, mais aussi de la performance à la Caubère. À cheval entre deux mondes, l’Algérie et la France, l’oral et l’écrit, le comique et l’ironie, Fellag a créé un genre de spectacles très particulier… qui pourrait réconcilier bien des mondes ! Tous les Algériens sont des mécaniciens De et par Fellag Théâtre du Gymnase du 5 au 9 mai 0820 000 422 www.lestheatres.net La Colonne, Miramas Le 23 mai 04 90 58 37 86 www.scenesetcine.fr Châteauvallon, Ollioules (83) Les 12 et 13 juin 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com


LE MERLAN | VITEZ | JEU DE PAUME

L’ Autre Scène Relancer la parole, sinon l’Histoire ! Merci, Théâtre!

t-il un destin collectif? Le prince obtient-il sa grâce en intériorisant sa faute ou est-il poussé à admettre sa responsabilité sans renier son acte ? Mener une réflexion commune suppose déjà un espace à partager : le public est assis dans une Maison du Peuple, une salle défaite aux fanions en berne sous la lumière du plateau, dans le regard des acteurs et le rythme des respirations ; le silence est fait de l’attente de la parole de l’autre comme un petit événement mezza voce et filé de musique lointaine (scansion d’un quatuor de Beethoven comme pour rappeler que nous entendons des vers libres). Victor Ponomarev, loin de Gérard Philipe, avance triomphalement en prince des failles entre vitalité maladroite et évanouissement ; le sublime semble ici la chose au monde la plus naturellement partagée et quel bonheur de voir dans les bras levés de Nathalie debout sur une chaise de classe, ultime trace des idéaux immortalisés par le peintre David et déjà bien trahis en 1808... Esthétique émotionnelle, esthétique rationnelle : ce beau travail de mise en scène est une invitation à être un acteur du réel à travers le rêve. Le réveil à la mitraillette des dernières secondes, interprétation radicale du Ve acte par Alain Badiou (voir page 58) a tout de la pirouette ironique qui fait causer à la sortie… MARIE-JO DHO

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Génération sacrifiée Le 18 mars, le théâtre Vitez accueillait avec une salle comble, la jeune et dynamique Cie Le cabinet vétérinaire, pour la représentation d’une pièce de la dramaturge suédoise Sofia Fredén, Main dans la main. La mise en scène originale d’Edouard Signolet, avec ses présentatrices porteuses de didascalies et le jeu particulièrement varié des acteurs, accordait un relief sympathique à cette pièce qui présente une jeunesse en quête d’appartement, de lieu où vivre, survivre, acceptant toutes les compromissions pour obtenir un toit. Passage hilarant de cette jeune femme qui mutile son compagnon pour obtenir un logement… en vain ! Satire d’un monde utilitaire dans lequel les sentiments, l’amour, la compassion ne sont qu’un vernis fragile, qui craquelle bien vite sous les contraintes de la nécessité, primordiale : se loger ! Face à cela, aucune morale ne tient : on vole, on se vend, on brûle, on ment… Un propos intéressant donc, mais un texte qui aurait gagné à être plus dense, plus resserré, pour donner plus d’appui à l’inventivité de la mise en scène. Le recours intéressant aux formes de la BD, le jeu muet, les voix off, les arrêts sur image, les costumes aux couleurs acidulées accrochent l’œil et l’attention, et rendent visibles les limites des individus confrontés aux contingences d’un univers qui sacrifie les êtres au profit. MARYVONNE COLOMBANI

Le Prince de Hombourg © X-D.R.

La pièce d’ Heinrich von Kleist est faite d’ellipses, de lapsus et de glissements, d’hésitations et de revirements ; le Prince somnambule, dès les premières scènes, manifeste son trouble par l’oubli du nom de l’aimée dont il tient un gant dans la main droite ; de Hombourg vit à l’insu de lui-même, dans un monde flottant au cœur du royaume de la guerre et de la Loi, à la cour de Brandebourg. La victoire qu’il obtient sur les Suédois, fruit du désir spontané et de la liberté créatrice (foin du signal et de la fanfare !) n’est que «désordre» pour l’Electeur, son presque père, qui le condamne à mort. Marie José Malis, metteur en scène éclairée, sait tout sur le théâtre de l’inconscient et œuvre pour la prise de conscience ; oui la scène est bien le lieu où peuvent se déployer les questions : qu’est-ce qu’une loi, un principe? Y a

THÉÂTRE

Le Prince de Hombourg a été donné au Théâtre Antoine Vitez les 2 et 3 avril, et au Théâtre d’Arles les 7 et 8 avril

À venir au Théâtre d’Arles Pour finir sa saison le théâtre fait tourner Tabataba, un texte de Koltès, dans les collèges d’Arles et SaintRémy, pour des représentations destinées aux ados mais ouvertes au public. Un texte sur l’amour et ses tabous qui met en scène une jeune fille, Maïmouna, qui ne comprend plus son petit frère.

La main dans la main © Jean-Julien Kraemer

Du 4 au 7mai. 04 90 52 51 51, www.theatre-arles.com.

Les fourberies de Carmen De Carmen, on sait tout : sa soif de liberté, ses boucles brunes, sa voracité pour l’amour et l’argent, ses déhanchements dévastateurs, son sale caractère… La jeune metteur en scène Juliette Deschamps le confirme avec sa pièce, Rouge Carmen, qui n’apporte rien de plus. Pas d’introspection ni de tension dramatique qui permettraient de voir différemment Carmen et Don José: malgré son obsession «pour le tourment amoureux, et ses ravages», Juliette Deschamps n’offre pas de lecture approfondie de la nouvelle de Mérimée. Sa pièce enfonce le clou sur la sensualité exacerbée de la bohémienne : décolleté insensé, habillage et déshabillage récurrents. La mise en scène alourdit le jeu des acteurs par une série de gestes appuyés et illustratifs. Bruno Blairet, alias Don José, tire son épingle du jeu en jouant le benêt de service prisonnier de

la toile d’araignée tissée par Carmen, qui tue et meurt pour sa belle insoumise, mais la vision en surface du drame ne permet pas de saisir les tourments de cette © loll Willems 2008

âme qui réclame vengeance. Juliette Deschamps tente bien quelques figures scénographiques avec piste de scène ensablée (décor cosigné avec Miquel Barcelo), virgules musicales et pas de danse flamenca au parfum de Séville, la seule audace étant d’oser la métaphore de la tauromachie à coups d’épée, d’esquisses de combats amoureux et de cocarde rouge piquée dans les cheveux. Mais là encore, le piment n’est pas assez relevé! M.G.-G.

Rouge Carmen a été présenté au Théâtre du Jeu de Paume à Aix du 24 au 28 mars


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THÉÂTRE

LENCHE | CHÂTEAU-ARNOUX | AUBAGNE

Pas frères mais cousins...

L'Etoile et la comete © Yves Jeanmougin, Casbah, Alger 2003

On aurait tellement aimé l’aimer ce «spectacle de théâtre», comme l’annonce le programme, proposé par la compagnie El Gosto dirigée par Ziani Chérif Ayad dans le cadre de la coopération culturelle Marseille-Alger ! Un texte d’Arezki Mellal autour de la figure du grand Kateb Yacine, quel plaisir en perspective ! On en savoure à l’avance les piqûres salutaires et... enfer et glaciation ! On se retrouve assis sur les bancs d’une MJC des années qui vont avec, face à une œuvre quasi muséographique... Faut dire que mettre en scène «un dialogue sur le sens de la vie et du combat qui a animé KY» ne s’envisage pas avec une légèreté printanière. Mais de là à convoquer toutes les figures fondatrices de la culture et de l’histoire à travers le personnage de Nedjma... Une actrice enchaînée tire sur sa longe en assénant sur le mode tragique des vérités questionnantes tandis qu’un chœur quatuor tout de noir vêtu, visages violemment éclairés, joue son rôle, commente, s’insurge, complote et file la métaphore. La musique –ouf !- offre une respiration et on suit volontiers le oud ; on lui sait gré d’avoir malicieusement contourné l’Internationale ! Émotion il y a tout de même dans les mots arrachés à la langue française (que le poète considérait comme «butin de guerre» pour les Algériens) remodelés par les accents, les souffles de gorge et mêlés à l’Arabe. «Ouvrir sa gueule» / «La fermer» scandent dialectiquement d’abord en arabe (ouverture) puis en français (fermeture) les

quatre acteurs non réconciliés. C’était un échange... on a applaudi. MARIE-JO DHÔ

Sur un registre plus léger le Café du bonheur, cabaret écrit et mis en scène par Ziani Chérif Ayad pour les deux comédiens et le musicien d’El Gosto, parvenait en revanche à faire nous rapprocher des rives et des rues de l’Algérie. Son histoire était évoquée au présent, à travers le rapport générationnel du jeune qui ne pense qu’à partir, joyeux, hâbleur, et du patron qui rappelle l’engluement économique progressif, et parle avec un grand humour des enterrements chrétiens. Là encore le musicien est magnifique, virtuose, apportant à tout moment une dimension poétique à cet échange de comptoirs où souvenirs et anecdotes s’entremêlent. La sauce prend, on boit le thé servi, on accompagne la musique en tapant des mains : la légèreté qui manquait à L’Étoile et la Comète surgit ici et installe une chaleur conviviale qui donne à voir un visage intime de nos cousins d’Algérie… A.F.

Dans le cadre de Mare Nostrum L’Etoile et la Comète a été présenté les 27 et 28 mars à Port-de-Bouc (Le Sémaphore) et le Café du bonheur les 24 et 25 mars à Port-de-Bouc et Martigues (Les Salins). Puis L’ Etoile et la Comète a été présenté à La Friche les 10 et 11 avril, et le Café du bonheur à La Criée du 7 au 9 avril.

Les monstres de Lorca C’est une histoire peu commune que celle de cette mise en scène : la troupe de l’Epée de Bois reprend actuellement à la Cartoucherie La Maison de Bernarda Alba, mis en scène par Antonio Diaz Florian, tandis que la troupe italienne Piccola Compagnia della magnolia crée, également en français, la même version de La Casa au Théâtre Durance, après l’avoir joué partout en italien… Il faut dire que la mise en scène d’Antonio Diaz Florian, transmise ici par Giorgia Cerrutti, est magistrale. Cette histoire de monstres de frustration, de femmes diminuées, aigres, noires, enfermées dans leur maison et leurs préjugés, mais aussi dans leurs corps qui hurlent de désir et de jalousie, est rendue par une mise en scène hyper contraignante, et fulgurante d’irréalisme noir : les comédiennes restent à genoux, Ménines vivantes, Goya Negras surmaquillées de blanc, éclairées aux bougies, hurlant, rauques ou stridentes, de toute la force de leurs gorges désirantes, leur haine et la douleur de leur ennui, leur vacuité, et le poids de la religion quand elle n’est que des gestes, petits, mesquins, le fil que l’on tire sur l’ouvrage, seule fleur de couleur dans un monde fané, éclairé par des chandeliers à l’avant scène, sans que jamais la lumière du jour paraisse derrière les fenêtres fermées par pudeur, par orgueil,

par bêtise, méchanceté, jusqu’à ce que la plus jeune, le corps pas encore éteint, se donne au seul homme qui passe, et en meure, enfermant toutes les autres pour toujours dans le deuil dont elle avait cru sortir triomphante. C’est magnifique de bout en bout, incroyablement artificiel, profond et plastique. A.F.

La Casa de Bernarda Alba a été créé en français au Théâtre Durance (04) le 27 mars

La Casa de Bernarda Alba © X-D.R.

Talents d’ici Après Danse en Avril, le Comœdiarenoue avec sa programmation théâtrale avec deux compagnies régionales très attendues : Jeanne Poitevin (Cie Alzhar) met en scène le texte monument de Koltès, Dans la solitude des champs de coton, dialogue entre le Client et le Dealer incarnés ici par une distribution francotunisienne (le 17 avril). Akel Akian et Frédérique Fuzibet (Théâtre de la

Mer, voir p 11) reprennent Médée vertiges, montage de textes antiques, classiques ou contemporains autour de la figure de l’amante délaissée, devenue Mère infanticide (le 13 mai). A.F.

Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.com Medee Vertiges © A.Fuzibet


MARTIGUES | NÎMES | PORT-DE-BOUC THÉÂTRE 15

Le théâtre s’invite au banquet «En ces temps de «glaciation», faire l’éloge de l’imagination, c’est plus que jamais rendre hommage au théâtre» écrit Catherine Marnas, qui sait ce que théâtre veut dire : on se souvient de Sainte Jeanne des Abattoirs ou de La Jeune fille aux mains d’argent… Une fois encore avec Le Banquet fabulateur, elle écrit une partition sur mesure pour les acteurs qui endossent avec une aisance spectaculaire les habits de la tragédie comme ceux de la farce, du vaudeville et de la pantomime. Le public se délecte qui, invité à la table du banquet, accepte de participer à cette «beuverie en commun»… Hommage donc au théâtre avec une mise en espace très contraignante dont les acteurs se jouent, et hommage aux textes à travers une succession de saynètes entrecoupées de toasts enjoués. Catherine Marnas invoque tour à tour Platon (incontournable ici), Shakespeare, Molière, Romain Gary, Feydeau, Tchekhov…, fait virevolter les tirades

d’un bout à l’autre de la table, entremêle les destins, bouscule les codes de la représentation laissant à vue cour et jardin. La metteur en scène aime les acteurs et ils le lui rendent bien : Le Banquet fabulateur est une leçon de théâtre, un concours d’éloquence, un festin de plaisanteries et de bons mots, un feu d’artifice de tirades où l’absurde côtoie le tragique, l’animalité l’humain, la comédie le mouvement, le rire et le cri. Tout le théâtre est là, au plus près du public, avec ses artifices et ses déguisements, ses illusions, sa vérité. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Le Banquet fabulateur a été créé du 18 au 21 mars au Théâtre des Salins, scène nationale de Martigues Le banquet fabulateur © Serge Boudin

Conte défait

Grands textes Dans une soupente qui fait office d’appartement et d’ateliers, vivent Hjalmar Ekdal, sa femme Gina et leur fille Hedvig. Ils seront confrontés à un jeune idéaliste revenu dans sa ville natale après un long exil, et qui n’aura de cesse de dévoiler le passé trouble des uns et des autres pour qu’ils puissent bâtir leur vie dans la lumière. Yves Beaunesne met en scène Le canard sauvage, drame d’Ibsen, entouré des comédiens de la Cie de la Chose Incertaine. En mai, ne ratez pas le regard que Joël Pommerat pose sur Le Petit Chaperon rouge, avec beaucoup de simplicité et de sensibilité. Respectant le texte, il retravaille cependant le cheminement de chacun des personnages, la traversée initiatique de la forêt pour cette petite fille qui affronte tout à la fois la peur du danger et le désir de la découverte. Confusion des rôles, décalage du récit, justesse de ton pour ce conte qui s’adresse à tous. Fabrice Melquiot sera à l’honneur avec deux pièces programmées à deux jours d’écart : La Rose et le crocus est une adaptation libre de sa pièce KIDS que met en scène Thierry Lopez ; dans la désolation de la guerre, à Sarajevo, un couple d’adolescents orphelins fait route ensemble pour conjurer et Le Canard Sauvage © Guy Delahaye

sublimer l’horreur. Tout aussi terrible, Je rien Te deum est un texte percutant ancré dans l’histoire immédiate puisqu’il prend appui sur les attentats du 11 septembre 2001 et la chute des tours du World Trade Center. Lorsque le 1er avion frappe la 1re tour, Bone se lave les mains. Il ne cherchera pas à se sauver par l’escalier ou l’ascenseur, mais pour sortir de là «autrement» il va suivre un fil d’argent qui relie les deux tours et sautera dans le vide. Durant sa chute il monologue, sorte de voyage initiatique qui s’apparente à une «renaissance» ou «à une vraie naissance à la conscience de la vie» comme le note le metteur en scène Jean-Pierre Garnier. À noter que la cie Louis Brouillard propose un atelier en famille autour du monde imaginaire du Petit chaperon rouge (le 6 mai à la Fnac), et Fabrice Melquiot animera un atelier d’écriture (le 11 mai au Théâtre) sur le travail de cut-up, l’écriture d’un monologue ou d’une scène dialoguée, sur la mise en voix de textes produits… DO.M

Le Canard sauvage Mes Yves Beaunesne Les 21 et 22 avril (théâtre) Le Petit chaperon rouge Mes Joël Pommerat Le 6 mai (Odéon) La Rose et le crocus Mes Thierry Lopez Le 12 mai (Odéon) Je rien Te deum Mes Jean-Pierre Garnier Le 14 mai (Odéon) Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10

Il était une fois… une jeune princesse qui n’avait pas envie d’épouser le prince parce qu’elle voulait voyager. La tradition du royaume est mise à mal, le Roi se voit jeter un sort par une fausse sorcière dont seule la princesse pourra le sauver… en trouvant un mari. Donc, «il était une fois le jeune prince et la belle princesse se préparent à vivre une vie longue, heureuse, remplie de rires et de cris d’enfants». Mais décidément rien ne fonctionne dans ce conte, car les années passant le jeune couple n’arrive pas à avoir un enfant. Une fée va s’en mêler, mais comme chacun sait, les fées ne font pas forcément ce qu’on attend d’elles… Bref, il y aura bien une famille, que Pascal Collin, l’auteur, et Eric Louis, le metteur en scène, construisent à vue, dans un état de «joyeuse désobéissance au monde…» DO.M.

Le Roi, la reine, le clown et l’enfant Mes Eric Louis Le 6 mai Théâtre des Salins (Martigues) 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

Magie du papier La cie Clandestine s’adresse aux 3-5 ans avec sa dernière création, C’est pas pareil. Avec son matériau de prédilection, le papier, elle aborde les thèmes de «l’identité et de la différence, de l’individu et de la société, de la norme, de la marge et de la distinction parfois très subtile entre éducation et formatage» et utilise pour ce faire les techniques du Kirigami (art du coupage de papier) et du pop up. C’est pas pareil Les 28 et 29 avril Théâtre le Sémaphore (Port-de-Bouc) 04 42 06 39 09 www.theatre-semaphore-portdebouc.com


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THÉÂTRE

AVIGNON | CAVAILLON | DRAGUIGNAN

Mesguich tout puissant

Daniel Mesguich © BM Palazon 2008

Daniel Mesguich est un homme de scène complet : acteur au théâtre, au cinéma, à la télévision, metteur en scène, fondateur de la compagnie Miroir et Métaphores, écrivain et traducteur, professeur et directeur, depuis 2007, du Conservatoire national supérieur d’Art dramatique de Paris. Il n’a donc plus vraiment à prouver qu’il est capable d’endosser les

plus grands rôles ! En montant Phasmes, seul sur scène, il a voulu témoigner de l’acte théâtral, à travers un florilège de textes autour desquels il ne cesse de tourner. Extraits hétéroclites tirés de Borges, Kafka, Dubillard, Baudelaire, Ribes, qu’il interroge tour à tour et met en regard. En ce sens, le titre de son récital, Phasmes, venant de l’insecte mimétique prenant l’apparence des brindilles qui l’entourent au point qu’on ne le voit plus, est une métaphore idéale de l’acteur et du théâtre. «Je suis un homme comme tout le monde», répond-il au téléphone à un certain Jean-Michel (Ribes sans nul doute, qui l’incita à monter ce récital pour le Rond Point), démontrant qu’il n’est pas là où on l’attend. Il aurait été évident en effet de le voir déclamer des tirades de Don Juan, ou le découvrir agonisant sous la souffrance amoureuse. Comédien curieux, à l’humilité généreuse, il prouve que son expérience considérable a préservé intact son goût de la littérature, des auteurs, de la découverte. Il se révèle ainsi drôle et léger. Spirituel. Sa maîtrise d’élocution et la justesse de sa voix sont redoutables. Lorsqu’au micro, il entame un extrait des Rendez-vous d’Aragon : «Tu m’as quitté présente immobile… Tu m’as quitté comme une phrase inachevée», la salle reste suspendue. Un véritable numéro d’acteur aux mille facettes, qui s’émeut, se fâche, s’effraie, s’amuse, s’interroge, vacille, s’attriste… en se raccrochant parfois aux textes qu’il égrène feuille à feuille, laissant le décor, pensé comme une bibliothèque, habité des diverses transformations opérées devant nous DELPHINE MICHELANGELI

Phasmes a été joué du 18 au 20 mars au Chêne Noir (Avignon) 1748, Portrait de Johann Sebastian Bach a 63 ans, peint par E. G. Haussmann

Vertige de l’amour «J’ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j’ai aimé.» Voici ce qu’aurait pu rajouter Gérard Gélas à l’hommage ému qu’il a rendu à ses acteurs, avant que ne débute On ne badine pas avec l’amour, créé en 2005. La mécanique de la mise en scène offre une lecture claire à tous. Car ce drame romantique de l’orgueil et de la vanité, sous des airs distrayants et une écriture légère, reste une tragédie. Perdican, joué par un vif et sensible Damien Rémy, souhaite se marier à sa cousine Camille. Mais celle-ci, «à la vertu inattaquable», par peur de souffrir se refuse à goûter à l’amour. Au terme d’un jeu cruel où ils s’avouent maladroitement leur passion, ils rendront leur union impossible. Car cette Camille est aussi calculatrice et jalouse que Perdican est naïf et revanchard ! L’innocente Rosette sera l’appât et l’enjeu du drame. Alice Belaïdi, qui fut révélée par ce rôle à la

Bach au théâtre

création, incarne cette paysanne sensuelle et manipulée, la seule vraiment faite pour l’amour. Irrésistible, Dame Pluche en rajoute en bigote hystérique et le couple farceur Blazius/Bridaine illustre l’anticléricalisme de l’auteur. Quête spirituelle, jeu des apparences et jeunesse en mal de repères, cette pièce, écrite il y a 150 ans, est incontestablement actuelle ! DELPHINE MICHELANGELI

On ne badine pas avec l'amour © Manuel Pascual

On ne badine pas avec l’amour a été reprise du 31 mars au 7 avril au Chêne Noir

À venir au Chêne Noir Romain Gary ou Emile Ajar ? Les deux bien sûr ! Les deux facettes de ce personnage caméléon sont au centre de Gary/Ajar, la pièce que Christophe Malavoy met en scène après l’avoir adaptée du texte d’André Asséo. Pilote, diplomate, cinéaste, écrivain… Christophe Malavoy les incarne tous, laissant libres les mots et paroles de cet esprit hors norme. Les 16 et 17 avril. Egalement au Théâtre des Salins, à Martigues, le 26 mai (04 42 49 02 00).

Théâtre du Chêne Noir 04 90 82 40 57 www.chenenoir.fr

Le Théâtre du Balcon finit sa saison en beauté avec une nouvelle création du directeur du lieu, Serge Barbuscia, les 15, 16 et 17 mai. Le texte de Sophie Deschamps et Jean-François Robin, La disgrâce de Jean-Sébastien Bach, s’appuie sur un fait divers, l’incarcération pendant près d’un mois de JeanSébastien Bach par le prince de Weimar. De là va naître un huis clos qui traitera des rapports entre un artiste qui déclare que son «œuvre est faite pour le bonheur de tous les hommes, pas pour le plaisir d’un seul, fût-il prince», le pouvoir, et Lucas, le jeune geôlier subjugué, garde du prince, qui deviendra l’élève du maître. Bach, transformé en personnage de théâtre sous les traits de Serge Barbuscia, «sacralise dans l’intrigue les préoccupations de l’ensemble des artistes et des créateurs». DO.M.

Théâtre du Balcon, Avignon, 84 04 90 85 00 80 www.theadubalcon.org


17 dévoile l’intention posthume de l’auteur. S’adresser aux citoyens du monde en leur rappelant le droit à la vie, laisser une trace pour le futur monde en paix, en attestant de la disparition d’un peuple. Un témoignage qui est bien loin d’être un «détail»…

Ô! Citoyen du monde

DELPHINE MICHELANGELI

Une voix sous la cendre a été joué aux Halles du 26 au 29 mars

À venir au Théâtre des Halles

Une voix sous la cendre © Valerie Suau

La dernière création du Théâtre des Halles, Une voix sous la cendre, laisse une empreinte poignante, violente. Amère. François Clavier interprète de toute sa densité et toute sa grandeur un émouvant texte-testament, retrouvé caché dans une gourde, sous les cendres des juifs gazés et brûlés à Auschwitz. L’auteur juif polonais Zalmen Gradowski, membre des Sonderkommandos, contraint d’assister les SS, fut plongé au cœur du génocide, avant d’être assassiné en 1945. Il témoigne de la déportation, de l’intérieur du camp, de la barbarie. Son parchemin se révèle néanmoins brûlant de vie, d’une dignité absolue, alors même que la mort, odieuse, s’approche. Le spectateur assiste au terrible «voyage vers la mort» vécu par plus d’un million d’innocents. Au cœur de

l’enfer, l’auteur s’attache à la désarticulation de la famille, aux êtres qu’il ne reverra plus. Il transcrit la déréliction dans laquelle il est plongé, la terreur, l’infamie et le désastre inhumain qu’il voit défiler devant ses yeux. Le metteur en scène Alain Timar traite le sujet frontalement, sans artifice. Les yeux grands ouverts. Sa scénographie colle parfaitement à la stupéfaction provoquée par le texte. Plateau nu, sombre, lumière fixe avec en fond de scène un écran géant éclairé. Aucune image ne défile sur cet écran, pourtant, le jeu vibrant du comédien laisse imaginer les scènes les plus «parlantes». L’oppression gagne progressivement le spectateur, grâce à un effet d’une efficacité redoutable, jusqu’au point ultime où François Clavier

Trois jours dédiés au théâtre et à la musique, c’est ce que propose la cie Les Planches du salut au Théâtre des Halles du 14 au 16 mai. Chaque soir l’ensemble des musiciens improvisateurs en résidence (EMIR), fondé et dirigé par Barre Philips, donnera le ton avec un concert (à 18h), suivi le premier soir des Marmonnements d’Alberto de Michel Butor, une promenade musicale (contrebasse, flûtes et guitare électrique) autour des mots de Giacometti ; le lendemain, lecture-concert-mise en espace de Il Ritorno in patria, extrait du roman Vertiges de W. G. Sebald ; le dernier jour après une conférence-spectacle (De la méthode) de Stefano Fogher assisté de Mathias Dou (à 11h), honneur à Blaise Cendrars avec La Prose du Transsibérien et de la Petite Jehanne de France suivi de Les Grands fétiches. Et avant tout ça, un concert exceptionnel réunira L. Sclavis (saxo et clarinette), B. Philips (contrebasse) et C. Jauniaux (voix) le 12 mai à 20h30 !

Théâtre des Halles, Avignon, 84 04 90 85 52 57 www.theatredeshalles.com

Mélanges artistiques La cie Skappa ! (associée à La Scène Nationale de Cavaillon) profite des vacances de Pâques pour investir le Théâtre de Cavaillon avec une idée originale et tentante : inventer un événement artistique, Le lieu dit, qui s’adresse aux parents et aux enfants, en mêlant le théâtre, les arts plastiques et la musique. Point de garderie cependant, là n’est pas le but ! Mais bien des ateliers collectifs, du cinéma, de l’improUccellini © X-D.R.

visation, de la musique, de la peinture… le tout partagé avec des artistes invités tels Philippe Dorin (écrivain), Francesca Sorgato (comédienne et chanteuse), Carol Vanni (chorégraphe et danseuse), Noémie Privat (plasticienne et graveur), Gyulà Molnar (comédien et metteur en scène)… Et deux spectacles, l’un de la cie Skappa !, Uccellini, l’autre des italiens Gyulà Molnar et Francesca Bettini, Cendre. Un conseil, inscrivez-vous vite ! Le collectif l’Opéra Pagaï poursuit son investigation de l’espace public avec Safari intime, une «balade individuelle et poétique par les ruelles, les escaliers et les jardins», ou comment partir à la rencontre de spécimens humains dans leur milieu naturel, à savoir chez eux… Le lieu dit Cie Skappa ! Du 25 au 29 avril

Précieux ! Le théâtre de Draguignan accueille en deux parties les comédies de Molière mises en scène par Christian Schiarretti et jouée par la troupe (il en subsiste quelques-unes !) du Théâtre National Populaire (Villeurbanne). Un répertoire de tréteaux dont la forme la plus achevée est les Précieuses ridicules (joué les deux soirs) mais qui sont toutes échevelées, colorées, rapides, violentes comme les farces… Un théâtre de troupe reposant sur 10 comédiens et 2 techniciens en jeu, ce qui, étant donné la réalité économique de la culture, devient rare, et… précieux ! A.F.

Safari intime Opéra Pagaï Les 15 et 16 mai (Le Thor) Théâtre de Cavaillon (84) 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com

Quatre comédies de Molière Théâtre de Draguignan (83) les 5 et 6 mai 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com


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DANSE

AUBAGNE | BALLET D’EUROPE

Deux petites histoires de vie Jean-Claude Gallotta et le Groupe Émile Dubois se font rares dans notre région, et c’est regrettable. Au Comœdia à Aubagne, leur programme était exigeant, composé du duo Sunset Fratell inspiré d’un événement vécu, et du solo L’incessante créé pour sa compagne Mathilde Altaraz. Tous deux donnent à voir la quintessence de sa danse. Sur la route nationale de Rome à Fiumicino, la vie de Jean-Claude Gallotta se fracture quand il aperçoit les corps inanimés de deux jeunes garçons accidentés… Pour se défaire de cette vision terrible, il crée Sunset Fratell, contre-pied à la noirceur de la réalité, hymne joyeux à l’insouciance perdue cristallisée par Théophile Alexandre et Massimo Fusco, qui se lancent avec fougue dans une danse élastique, bondissante, éclatante d’une jeunesse suspendue. Leurs silhouettes embrasent l’espace tout entier d’un frôlement, d’un battement, d’un tendre corps à corps, entre mimétisme et rupture. La pièce est lumineuse, habitée. Tout comme L’incessante est transcendée par HeeJin Kim. Une seule femme mais jamais «la même», si changeante, évoquée une voix d’homme… Pour dire ce regard épris d’amour, le chorégraphe a dessiné une danse en ellipse sur un corps tendu comme l’archet d’un violon, soumis aux mêmes intensités et variations de rythme que l’instrument. Sensuelle,

Sunset Fratell © Guy Delahaye

violente, énigmatique, caressante : Hee-Jin Kim trouve l’accord parfait entre l’intériorité de la danse et l’intimité de la déclaration d’amour. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Ces pièces ont été présentées le 8 avril dans le cadre de Danse en avril à Aubagne

Aimer les danseurs Autour d’eux est un programme singulier que le Ballet d’Europe propose en tournée. Un programme fondé justement sur la singularité de cette troupe, où les danseurs, salariés, travaillent tous les jours, créent, se croisent, progressent. Grandissent, à partir des techniques classiques qui les ont formés, et qui ont permis que Jean-Charles Gil, très exigeant à cet égard, les recrute. Ce programme est donc fondé sur l’exploration de leurs individualités, mais surtout sur la singularité de leur groupe. George Appaix y adapte des séquences de ses pièces Pour Eux, ou plus exactement leur donne à explorer son vocabulaire : sa danse en détente qui part du mouvement naturel et cherche un envol léger, musical comme les mots qu’il profère entre une fugue et du jazz… Les danseurs, comme étonnés de ce registre, apportent à sa danse une ampleur et une rigueur qui la transcende. Mais Appaix n’est pas le seul chorégraphe invité à entrer dans la danse : Florencia Gonzalez, JeanPhilippe Bayle, Fabrice Gallarague et Pierre Henrion y reprennent des pièces qu’ils avaient créées lors de Workshops particulièrement réussis à la Friche (voir Zib 15). Sur des musiques très diverses, dans des styles, des dispositifs et des intentions variés, chacune de leurs compositions révèle un univers profond et mature, fondé sur une véritable connaissance et pratique de la danse, mais aussi sur un désir de construire, dramatiquement, plastique-

ment ou thématiquement, une séquence qui a un sens. C’est-à-dire une direction. Jean-Charles Gil unifie le tout, proposant une mise en © Jean-Charles Verchere

espace commune de tous ces univers, chacun regardant l’autre comme s’il y puisait sa propre matière à danser. Avant, au centre et pour finir, il écrit lui-même quelques très beaux moments pour ses danseurs. Les corps y sont plus tendus, les mouvements plus amples, entiers, ouverts, extrêmes. On y déboule et l’on monte sur pointes, on fait des batteries, virtuoses, cherchant par là une émotion. Ses interprètes, épatants, vont jusqu’au bout des difficultés qu’il leur impose, et y trouvent encore, chacun, une image d’eux-mêmes. Parce que c’est à travers les corps de sa troupe que Jean-Charles Gil construit sa danse. Le public, debout, a applaudi pendant plus de dix minutes un programme d’une grande lisibilité, mais jamais facile. Un succès mérité. AGNÈS FRESCHEL

Autour d’eux a été créé le 31 mars à La Penne-sur-Huveaune dans le cadre de Danse en Avril Il sera joué à Rognac le 17 avril. 04 42 87 01 45


PAVILLON NOIR | CHÂTEAU-ARNOUX | GRASSE

Les saisons du baroque

Costumes transparents étranges, assemblée énigmatique de «bonzes» drapés de couvertures grises, accents des Quatre Saisons de Vivaldi… un double cordage conduit en un lent voyage des mobiles disparates, sacs, plante, vêtement, symboles du soleil, des nuages, flèches tendues… parfois un élément tombe, crée la surprise, donne le signal d’un nouvel enchaînement… Spectacle construit autour d’une esthétique de la surprise, les Quatre Saisons d’Angelin Preljocaj explorent les possibles, nous livrent une lecture personnelle et expressive de la partition qui semblait si usée à force de l’entendre… Moments de grâce des tableaux de groupe dans lesquels les corps exultent, humour, décalage ironique par rapport aux poncifs liés aux saisons, poésie aussi des costumes, tout cela contribue à captiver une salle comble. Et même si certains passages souffrent de quelques approximations de la nouvelle distribution, et si du coup certaines scènes ne sont plus totalement abouties, la relecture réinvente toutefois les figures du baroque : les jeux de masques, de doubles, de cycles trouvent les chemins de l’enfance, mais aussi de la souffrance, de la domination et du désir. Sous couvert de couleurs ! MARYVONNE COLOMBANI

Les Quatre Saisons ont été dansées au Pavillon Noir du 6 au 10 avril dans le cadre des rencontres du 9e Art

chambre. Annonciation, duo d’un mysticisme terre à terre, avènement céleste annonçant le christ en une rencontre charnelle, est peut être son chef-d’œuvre. À moins que ce ne soit Centaures, duo masculin d’hommes hybrides atteints de contamination équestre sur le premier quatuor de Ligeti. Quant à Empty moves (part 1), c’est une tentative assez unique de danse totalement abstraite, une grammaire de formes où l’émotion du corps subsiste, tandis que John Cage murmure d’étranges paroles… Le programme proposé au Théâtre de Grasse les 6 et 7 mai n’est pas moins attrayant : comprenant Empty moves également, il est complété par Noces, ballet à thème sur la musique de Stravinsky. Preljocaj y a retranscrit l’esprit des noces balkaniques de son enfance, à une époque où sa danse était rapide, sèche, angulaire, violente. Avec quelques bancs et des poupées de chiffon c’est tout un rituel du rapt qui prend corps, dans une virtuosité inouïe. A.F.

Théâtre Durance Château-Arnoux 04 92 64 27 34 www.theatredurance.com Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com

À venir pour le Ballet Preljocaj Annonciation © Agnes Mellon

Les prochains mois donneront l’occasion aux nombreux amateurs d’Angelin Preljocaj de découvrir son répertoire dans leurs salles. Avant de retrouver Blanche Neige au festival de Vaison ou à Montpellier cet été (où le chorégraphe créera, à 52 ans, son premier solo…) et les tournées du ballet qui passeront par Château-Arnoux et par Grasse. Au Théâtre Durance, le 24 avril, un programme de petites formes, la scène très agréable ne permettant cependant pas d’aller au-delà. Mais c’est justement dans les petites formes que Preljocaj a toujours inventé sa danse, comme un compositeur de musique de

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À venir au Pavillon Noir Michel Kéléménis, son fidèle Anatom, Monsieur Muscle et son amoureuse font escale au Pavillon les 4 et 5 mai. Le trio pour enfants est ludique, pédagogique mais pas trop, avec de très beaux moments de danse pure, d’effets visuels, toujours reliés à l’étonnement du mouvement, et à la séduction qui en découle. Une belle occasion de découvrir L’amoureuse de Monsieur Muscle, si ce n’est déjà fait. Les danseurs du Ballet, entre deux tournées, laissent libre cours à leur verve créative et proposent des compositions personnelles, devant ainsi des Affluents du courant commun. Hervé Chaussard proposera aux enfants d’entrer avec lui dans une maison aux meubles invisibles (Goûter des affluents du 14 au 16 mai à 10h et 14h30) tandis que Caroline Finn, Emma Gustafsson, Ayo Jackson occuperont les soirées avec un solo en autoportrait, un duo féminin et un quatuor mixte. A.F.

Les quatre saisons © Jean-Claude Carbonne

DANSE

Pavillon Noir 0811 020 111 www.preljocaj.org


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DANSE

BUSSERINE | BANCS PUBLICS | 3BISF | CAVAILLON | ISTRES

Hirondelles hip hop Comme chaque année, juste en face du Merlan, l’espace culturel de la Busserine propose un Printemps de la danse fait de rencontres, d’expériences diverses et d’enthousiasmes Fédéré autour du hip hop, il fait aussi la part belle à la danse africaine le 7 mai, et ménage quelques très belles surprises. La plus émouvante sera sans doute la création de la nouvelle pièce de Mémoires Vives. Leur spectacle précédent, À nos morts, dansé à La Busserine avant de tourner à Miramas, Aubagne ou la Minoterie, a provoqué des réactions émues auprès d’un public peu habitué au spectacle, et qui y retrouvait son histoire, comme dans le film Indigènes. Folles colonies, reposant toujours sur la danse hip hop, les images d’archives et des textes forts, s’habillera également de cirque et d’une esthétique foraine pour parler non plus des «indigènes» dans la guerre européenne, mais de la colonisation de leurs terres. Avec trois danseurs, deux musiciens, un comédien, une musique et un texte originaux : une création qui n’est pas seulement chorégraphique, et qui sera jouée deux fois seulement, en après-midi et en soirée le 14 mai. D’autres créations auront lieu lors d’un mercredi au long cours : la Busserine offre de la place à de jeunes compagnies qui voisinent dans un bel esprit avec des amateurs enthousiastes. Ainsi, juste avant l’atelier de danse du collège Prévert, quatre garçons passionnés de Battle, et qui se sont montés en compagnie, feront une démonstration de New Style, ce style libre de hip hop qui emprunte à toutes les techniques au sol ou debout. Précédé d’un quart d’heure d’expression libre du centre des pratiques urbaines en résidence à La Busserine. Puis des danseurs que l’on connaît bien dans un autre genre, et qui travaillent depuis quelques années à acquérir les techniques hip hop : emmenés par Nathanaël Marie, danseur du Ballet d’Europe et du BNM, chorégraphe remarqué lors des workshops de ces deux structures, (et ailleurs), neuf interprètes rompus aux plus difficiles des techniques classiques ploieront leurs corps à ce nouveau genre: la Cie s’appelle Deuxième vague, et présentera deux pièces le 20 mai. Et pour commencer le Printemps, la Cie Sun of Shade emmenée par David Llari. Ce chorégraphe singulier est un adepte de jazz et de beat box, qu’il utilise pour donner un nouvel élan à la danse hip hop. Le programme du 5 mai comprend trois courtes pièces : Artzoyd particules intriquées, qui raconte l’histoire d’un jeune garçon, Katiuszka, une création jazz moins théâtrale, et un solo de Beat box (percussions buccales) par Waxybox. AGNÈS FRESCHEL

Le Printemps de la danse La Busserine, Marseille 04 91 58 09 27

Folies Colonies © Michel Frison

Liste de mouvements Les Bancs publics accueillent la cie de Christine Fricker : Itinerrances présente sa nouvelle création, un Inventaire des corps mouvementé qui représente le terme d’un travail débuté en ateliers en 2008 au Merlan. Les huit danseurs y produisent, dans un parcours muséographique, des états de corps particuliers : en mots, cachés, empêchés, contraints, exhibés, observés. Une occasion d’enrichir le vocabulaire corporel commun à partir de l’expérience collectée de danseurs et de non danseurs. A.F.

Inventaire des corps mouvementé Le 14 mai Départs à 18h30, 19h30 et 20h30 Les Bancs publics 04 91 64 6000 http://bancspublics.free.fr Sun of Shade © X-D.R.

Créer, questionner, transmettre Il vous reste quelques jours en avril pour aller découvrir l’exposition de Nayoungim et Gregory Maass (voir p 49). Car dans le pavillon du 3bisf la création plastique a droit de cité. La chorégraphique aussi : juste avant que Lina Jabbour commence son atelier plastique autour des notions d’intérieur/extérieur (tous les mardis de mai, exposition à partir du 4 juin), Geneviève Sorin et Lulla Chourlin adoptent une démarche inverse : en montrant d’abord leur travail les 2 avril puis 14 mai, puis en proposant des ateliers de trois jours (du 12 au 15) en mai puis en juin (du 2 au 5), elles allient leur propre démarche créatrice, qui

aboutira sur la création d’un duo en novembre, avec une passation qui se nourrit aussi des propositions des autres. Autour des questions du comment mettre en corps les mots, les actes simples, les silences et les vides. Questions auxquelles chacun apporte des réponses singulières. A.F.

Sur Paroles Ouverture au public le 14 mai 3bisf, Aix 04 42 16 17 75 www.3bisf.org


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À corps déployés Poursuivant son thème Afrique(s), la Scène de Cavaillon a accueilli la saisissante pièce chorégraphique, Poussières de sang. Créée en 2008 par la cie burkinabée Salia ni Seydou, elle interpelle les consciences sur les souffrances humaines. Sortant des stéréotypes exotiques, Salia Sanou et Seydou Boro, talentueux directeurs du CDC-La Termitière de Ouagadougou, se sont inspirés des violences survenues lors de l’inauguration du CDC en 2006. Ils s’interrogent sur les moments de l’existence où tout peut basculer, entraînant une spirale de brutalités. Les sept danseurs déploient leurs corps dans la poussière, de sang. Les musiciens, en interaction parfaite, les transportent dans une incantation torrentielle, tous fabuleux d’énergie maîtrisée. Le rythme nous entraînerait presque, à notre tour. Mais l’on sent, on sait qu’il ne s’agit pas ici de plaisir, ni de jubilation. Les danseurs tombent violemment, dansent frénétiquement au sol. Se battent. Se défendent. Chutent pour se redresser et lutter toujours. La lumière, incisive, tourne autour de la scène comme un soleil étouffant. L’étreinte gracieuse de deux hommes, qui se jaugent tels des coqs en plein combat, rappelle les sculptures d’Ousmane Sow. Muscles et visages ressemblent magnifiquement à ses Lutteurs. En chorégraphiant les souffrances engendrées par l’intolérance et la cruauté humaine, Salia Sanou et Seydou Boro relient l’énergie de la danse africaine et l’inventivité de la danse contemporaine. En phase avec la réalité de leur quotidien et les enjeux d’aujourd’hui. DELPHINE MICHELANGELI

Coline et récital Poussieres de sang © Antoine Tempé

Poussières de sang s’est joué le 31 mars sur la Scène nationale de Cavaillon

A venir à Cavaillon La Scène Nationale se débat dans des difficultés financières dues à une baisse conséquente de ses subventions municipales, non compensée par les autres collectivités territoriales, ni par l’État. Parmi les Scènes Nationales, Cavaillon fait partie des parents pauvres, avec trop peu de moyens pour remplir les missions attenantes pourtant à son cahier des charges national.

Missions qu’elle remplit cependant de façon exemplaire, favorisant la création, coproduisant des cies régionales, remplissant sa salle de publics nombreux et variés, et nomadisant fréquemment dans le département de Vaucluse, avec des spectacles d’une grande qualité… Il faut donc plus que jamais soutenir la Scène Nationale, et s’y rendre. Plus de danse en cette fin de saison, mais deux propositions où le corps est en jeu : la Cie de rue Opera Pagaï, en Nomades au Thor, propose de faire un safari pour observer l’intimité reconstituée des habitants des villes (les 14 et 15 mai). Et avant cela, le théâtre restera ouvert pendant les vacances (du 25 au 26 avril), pour des expériences artistiques auxquelles la Cie Skappa invite parents et tout petits, pour l’élaboration d’une expérience sensorielle commune. Scène Nationale de Cavaillon (84) 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com

Les apprentis de la cie Coline danseront au théâtre d’Istres (en espérant que cette promotion ne soit pas la dernière, et que la formation Coline ne fasse pas partie de tout ce qui en ce moment passe à la trappe !) une pièce que Georges Appaix a créée pour eux. Le chorégraphe sait remarquablement se mettre à l’écoute des spécificités des corps des jeunes danseurs, et en dépit de (ou grâce à ?) cette écoute leur insuffler sa danse légère qui se pose comme sur un sol délicat (voir p 18). Il transmettra donc son esprit échappé à l’Olivier le 5 mai, en une première partie suivie d’un Récital où il s’improvise chanteur accompagné par Pascal Gobin (guitare), Marcel Atienzar (bandonéon) et Eric Petit (contrebasse). Un récital qui à la création, malgré des paroles malines et mutines, n’atteignait pas la même grâce… A.F.

Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr


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CIRQUE

MARTIGUES | PORT-DE-BOUC | ISTRES

Cirque et plus

Deux hommes jonglaient dans leur tete © J. Piffaut

À nouveau réunis pour la seconde édition de Cirk’en mai, le théâtre des Salins à Martigues et le théâtre le Sémaphore à Port-de-Bouc proposent une programmation alléchante, en invitant des artistes connus et reconnus, tels les magnifiques clowns Catherine Germain/Arletti et Gilles Defacque, le cirque Trottola, les Cousins ou encore Jérôme Thomas. Avec des croisements artistiques qui promettent de belles découvertes, Catherine Germain s’associant au chorégraphe Thierry Thieû Niang dans un duo amoureux qui fait se rencontrer à rebours un clown et un danseur (Un amour, les 12

Virevoltes et 13 mai aux Salins) et Jérôme Thomas s’alliant au compositeur et percussionniste Roland Auzet, dans une mise en scène de Mathurin Bolze : dans Deux hommes jonglaient dans leur tête, deux artistes se lancent dans une joyeuse bataille chorégraphique et musicale avec les objets (le 20 mai aux Salins). Gilles Defacque, lui, est Loin d’être fini : dans son «cabaret-maboul» où il officie en solo défile une série d’autoportraits entre comédie et mélancolie (le 19 mai au Sémaphore) ; avec Mignon Palace, bien entouré, il continue sa recherche du temps perdu, «à savoir des fragments d’autobiographie.» Un cinémabal-catch-théâtre qui recouvre toute sa famille de joyeux saltimbanques (le 16 mai aux Salins). Les Cousins surprendront avec leur nouveau spectacle, créé avec Jean-Claude Cotillard. Du burlesque toujours, mais intime dans un premier temps, recentré sur la personnalité de chacun ; puis, dans un second temps, hommage tonitruant aux Fratellinis et Barios… (le 15 mai au Sémaphore). Le cirque Trottola, enfin, baladera ses ballots et balais lors de tableaux drôles et poétiques, toujours en équilibre fragile, et virtuose : avec Titoune, Bonaventure Gacon et Mads Rosenbeck (Volchok, les 12, 13, 15 et 16 mai à Martigues, sous chapiteau). Un «grand» spectacle de cirque !

Nicole et Martin Gubler-Schranz, de la cie Nicole et Martin, posent leur roulotte et leur drôle de chapiteau en forme d’igloo non loin du Théâtre de l’Olivier (Istres) pour deux spectacles : Les musiciens de Brême et Le pêcheur et sa femme. Les frères Grimm revisités façon spectacle saltimbanques avec jongleries, danse, acrobaties, musique, chant… Un monde dans lequel les animaux-musiciens et le poisson magique qui exauce les vœux naviguent dans le merveilleux… DO.M.

Les musiciens de Brême Le 13 mai à 15h Le pêcheur et sa femme Le 15 mai à 19h Sous chapiteau Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr

DO.M.

Cirk’en mai Du 12 au 20 mai Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr Théâtre Le Sémaphore, Port de Bouc 04 42 06 39 09 www.theatre-semaphore-portdebouc.com

Les musiciens de Breme © X-D.R.

Saine monstruosité Obludarium © Christian Berthelot

Entrez, entrez mesdames et messieurs! Bienvenue dans la baraque des Frères Forman, installez-vous et laissez-vous embarquer… Vos yeux s’habituent à la pénombre, des éclairs de lumière faiblarde se posent sur quelques détails étranges, des sons montent qui alimentent la curiosité. L’orchestre tzigane se dévoile, joue en direct tandis que surgissent les premiers «monstres» de ce drôle de spectacle : Obludarium est un néologisme tchèque pour désigner le «monde des monstres»… Femme à barbe soprano, bête humaine, sirène échouée, forgeron haltérophile au cœur d’artichaut, personnages à têtes hypertrophiées… Ces «monstres» là se révèlent plus humains qu’effrayants, et contribuent à l’hommage que Matej et Petr Forman, rendent aux forains, saltimbanques de tous ordres capables de

nous faire croire, grâce à un son et une lumière, que l’extraordinaire pourrait s’installer durablement. Un univers sonore et visuel qui tient autant du cinéma que du cirque (Matej et Petr sont fils de Milos), un cabinet des curiosités fait de naïveté, d’humour, de poésie, de tendresse, de cruauté, de génie. En y entrant vous perdez toute notion du temps ; où que soit posé le chapiteau, la réalité aura du mal, après, à se matérialiser à nouveau autour de vous... DOMINIQUE MARCON

Le chapiteau Obludarium reste posé sur la place des Aires, à Martigues, jusqu’au 18 avril Les Salins 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr


SIRÈNES | MASSALIA | RADIO GRENOUILLE

Du monde aux balcons Les apprentis de la FAIAR ont proposé le 1er avril une sirène singulière, protégée par la clémence des cieux et des farceurs. Entre deux averses tout autant qu’entre deux sirènes ! Mais l’intérêt n’était pas là : ils ont renversé le point de vue habituel de la belle bande de spectateurs qui se donnent rendezvous chaque mois sur la place, quel que soit le temps ; le spectacle cette fois était autour d’eux ! Des saynètes captées au micro s’accrochaient aux fenêtres, aux balcons : scènes familiales, conversations de voisins, appels téléphoniques, invectives d’un ancien combattant… Pourtant si l’idée était belle d’inverser les voyeurs, et d’inscrire la représentation dans le temps réel compris entre les deux sirènes, les saynètes manquaient singulièrement d’épaisseur et d’écriture. L’idée était là, mais à l’état d’ébauche, et l’on se prenait à rêver d’une ville tout entière scénarisée…

Le festival de Cinema-théâtre de Cartoun Sardines repose sur une démarche singulière. Revisitant les chefsd’œuvre du cinéma muet, Patrick Ponce ne leur donne pas seulement une voix et une musique, un son, mais aussi une présence, un relief et une glose. Un commentaire qui en fait un objet historique, une leçon de cinéma. Dans le Faust de Murnau, la mise en voix par un seul acteur de Mephisto comme de Faust, et aussi de la pensée du créateur, Murnau, établit une troublante similitude, un jeu étonnant de miroir, d’identification/décalage entre les corps noir et blanc et la voix espiègle puis tremblée, entre le bien et le mal, le désir de sciences, de puissance, et l’artisanat. Dans Lulu de Pabst le ciné-théâtre joue sur un autre décalage : on y revient au théâtre, à la pièce initiale de Wedekind, à la danse aussi, au cabaret ; Louise Brooks continue de crever l’écran, immortelle, tandis que tout autour d’elle semble vieilli, ironique : la représentation est-elle où elle semble être, dans

la présence réelle des acteurs, ou sur l’écran ? Spectacle duel, histoire d’amours plurielles, de couples et de désir, la Lulu de Dominique Sicilia et Patrick Ponce reste le rêve d’une femme qui n’en finit pas d’être un fantasme…

culté de n’être jamais tout à fait complètement chez soi ; la souffrance de leurs ancêtres et parents rejetés, tués, humiliés ; mais le bonheur aussi de transporter deux mondes, d’être accueillies quand elles arrivent, d’accrocher au retour des rideaux colorés, de faire chanter les cartes du monde, de retrouver dans leurs corps, leur vêtements, l’autre univers qui les habite. Et d’être sœurs d’ici : pas de la même origine, mais avec en commun d’avoir un pied là-bas, un pied ici, et une histoire riche de douleurs et de douceurs.

Sirène à venir

Raphael Imbert © Solene Person

Lulu © X-D.R

Sœurs d’ici

Vue sur rue, sirène des apprentis de la FAI AR et de Cyril Jaubert (Opéra Pagaï) a été créée le 1er avril à midi net

Oraison Cie Nine Spirit Le 6 mai à midi net Parvis de l’Opéra de Marseille 04 91 03 81 28 www.lieuxpublics.com

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Diffracter les photogrammes

A.F.

Une sirène jazz, improvisée, pour rendre hommage aux victimes de la grande guerre : c’est Raphaël Imbert aux saxophones, accompagné, et pas qu’un peu, par Di Fraya, André Rossi et Michel Péres, mais aussi par le plus classique Quatuor Manfred, qui fera sonner la fiction d’une ville toute entière érigée dans l’hommage aux Poilus. Prise entre deux avertissements, appels à mémoire, sirènes ? En tous les cas ils feront sans doute la preuve que la musique aussi peut être un art de la rue, lorsque Lieux Publics lui offre des conditions correctes de diffusion !

THÉÂTRE/ARTS DE LA RUE

A.F.

C'est encore loin © Agnes Mellon

Un pied ici, un pied là-bas… c’est le refrain des deux personnages mis en scène par Katy Deville. C’est encore loin confronte, sur le mode du jeu, des objets enchantés et des corps qui dansent, deux marseillaises, qui viennent l’une de Martinique, l’autre de Kabylie. Elles disent gentiment, avec une légère douleur installée, la diffi-

C’est encore loin a été créé au Massalia du 20 au 28 mars

encore. La première moitié du film dénonce les inégalités de la Russie tsariste… puis le régime tombe, et le film ridiculise les idéaux du kolkhoze (discrètement, Staline veillait) et instille l’idée que le bonheur individuel, le bonheur du couple, peut s’opposer au bonheur collectif. Les Cartoun sont quatre sur scène cette fois, pour des interventions plus sonores, burlesques… du 14 au 19 avril. Après les vacances c’est le teatro Delle Briciole qui reviendra au Massalia, avec un spectacle destiné aux petits. I Saputoni met en scène l’apprentissage et la connaissance. Comment deux individus appréhendent le monde par un apprentissage sensoriel, jusqu’à ce qu’une présence négative vienne imposer un autre mode d’apprentissage. Du 12 au 15 mai.

À venir au Massalia Le Festival de cinema-théâtre se poursuit avec la création du troisième volet : le Bonheur d’Alexandre Medvedkine est un chef-d’œuvre surréaliste, d’un burlesque politique inédit en 1934, et sans doute unique aujourd’hui

Théâtre Massalia 04 95 04 95 70 http://massalia.lafriche.org

Grenouille fait son bœuf Parfois la grenouille sort de sa flaque et se met à faire la créative hors du courant de son onde pure. Elle va poser ses micros et ses questions dans tous les lieux de la ville et, ô miracle, nous fait redécouvrir cette réalité oubliée (sauf par les auditeurs d’Arte Radio…) : le son peut se fabriquer hors des studios, et le documentaire radiophonique existe, loin des sempiternelles émissions de plateaux. En s’associant avec L’Outil commun (groupe de travail réunissant les diffuseurs culturelles des Quartiers Nord : Cosmos Kolej, le Merlan, Lieux Publics, la Gare Franche, la cité des arts de la rue…) elle a proposé quatre étapes publiques, balades menées par des ados de la Busserine,

échanges de comptoir, un concert de doléances, de récits intimes… Une initiative qui fait la part belle à la parole privée, dont l’histoire publique est tissée… AGNÈS FRESCHEL

888° Marseille Son Nord a eu lieu du 25 mars au 16 avril. Ces rendez vous publics seront diffusés, en intégralité, sur les ondes du 14 au 19 avril, sur 888, puis podcastables sur le site www.grenouille888.org


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MUSIQUE

LYRIQUE

Baroque avec corps C’est un spectacle rare, éblouissant de virtuosité, qui fut donné le 21 mars au GTP par l’ensemble des Arts Florissants, sous la direction subtile et enthousiaste de Paul Agnew. Le programme exigeant et éclectique passait de Purcell à Monteverdi, Rossi, Caccini, Carissimi, Campra et Rameau. Si l’orchestre est brillant et irréprochable, à son habitude, les jeunes solistes sélectionnés et formés par William Christie et Paul Agnew le sont également. Quel brio, quelle verve, quelle expressivité! On ne peut évoquer leur prestation

que par l’hyperbole. À une technique vocale parfaite se lie une interprétation vive et spirituelle : tout prend sens, le chant se plie à l’intention, devient parole, s’arque boute jusqu’aux limites des voix pour nous toucher, nous faire rire, nous emporter dans les différents univers des auteurs baroques servis avec la maestria des opéras romantiques. Pas de voix dénuée de corps comme cela arrive trop souvent dans l’interprétation des œuvres baroques où la musique se fait abstraction et simple exercice de

virtuose. À la maîtrise de la partition s’attachent ici les âmes. Ces jeunes artistes, qui seront assurément les grands noms de demain, ont reçu un triomphe mérité ! Les voici d’ailleurs, leurs noms : Emmanuelle de Negri, soprano, Tehila Nini Goldstein, soprano, Katherine Watson, soprano, Maarten Engeltjes, contre-ténor, Sean Clayton, tenor, Andreas Wolf, baryton-basse. À retenir, et à répandre !

Orchestre des Arts florissants © Philippe Matsas

MARYVONNE COLOMBANI

Janacek magnifié Rares sont les compositeurs qui écrivent leur propre livret comme Wagner ou… Janacek ! Celui de Jenufa est d’une rare intensité, à la fois par la justesse des caractères, et par l’acuité de l’observation : les mœurs de la Moravie rurale de la fin du XIXe siècle sonnent juste ! C’est pourquoi l’œuvre s’affirme comme l’un des fleurons des théâtres lyriques : on y écoute le texte autant que la partition musicale. La production de l’Opéra d’Angers Nantes a été servie par une mise en scène intelligente, efficace (Patrice Caurier et Moshe Leiser) et une distribution exemplaire. Au centre d’un huis-clos matriarcal étouffant règne Kostelnicka. Nadine Secunde habite son personnage de mère toute-puissante que l’amour aveugle. Elle rayonne de force expressive et le public bascule avec elle dans la folie, lorsqu’au bord du cri, elle noie l’enfant de sa fille adoptive. Dans le rôle-titre, Olga Guryakova donne du corps à l’émouvante fille-mère: son timbre est chaleureux, sa présence sensible. Mais la révélation vient de la composition du vigoureux ténor

Le Chœur de l’Opéra, remarquable, et la direction de Mark Shanahan transcendant l’Orchestre de Marseille, ont distillé une musique aux frontières de la dissonance, lyrique et noire, dont les appoggiatures n’en finissent pas de chercher leur résolution. Une unité harmonique collant au texte, magnifiée par une scénographie glaciale et suffocante (décors Christian Fenouillat). Superbe! JACQUES FRESCHEL Jenufa © Christian Dresse

Hugh Smith dans Laca. Son personnage balourd et méchant du début évolue au final vers un équilibre psychologique qui justifie pleinement l’étonnant «happy end». Si l’on aime le ténor Jesus Garcia dans Rossini, il fut ici mal distribué car le bellâtre Steva exige davantage de puissance.

Jenufa a été donné à l’Opéra de Marseille du 31 mars au 7 avril

La voix et l’espace… Aujourd’hui la voix de falsetto est à la mode. Pour preuve : le Grand Théâtre est bondé pour accueillir Andreas Scholl le 31 mars. Cet engouement est en partie dû au fait que cette voix d’homme privilégiant les résonances de «tête», mais somme toute assez peu puissante, est flattée par des enregistrements aux micros experts qui captent les moindres respirations, les couleurs nuancées qui font le sel des répertoires des XVIIe et XVIIIe siècles. © Agnès Mellon

Disons-le illico, Andreas Scholl est un formidable contre-ténor. Son timbre est chaleureux, son expression et sa technique admirables… et l’Orchestre Bâle est une formation baroque de premier plan. On a connu des instants de grâce d’une intense émotion à l’écoute des merveilleux Nisi Dominus et Stabat Mater de Vivaldi… Cependant, dans le vaste espace de la salle aixoise, la voix du chanteur a eu du mal a passer la rampe dès que plus de trois instruments l’accompagnaient. Dans les tutti instrumentaux on a été frustré ! Heureusement que dans les passages à découvert, avec le continuo pour seul complice (voire un violon délicat concertant), les tenues, les respirations et les affects baroques ont fait mouche ! JACQUES FRESCHEL

Nuit de Stabat On représente peu le Stabat mater d’Alessandro Scarlatti par rapport à celui de Pergolèse auquel il a succédé en 1736 dans le cœur de vénitiens toujours en quête de renouveau musical. À l’écoute de l’interprétation soignée donnée par l’ensemble Baroques-Graffiti en formation intime (2 violons, violone et orgue), au soutien du joli mariage vocal de Madeleine Webb (mezzo) et Bénédicte Pereira (soprano), on se rend à l’évidence : cette déchirante expression de la douleur maternelle au pied de la Croix est tout aussi somptueuse que celle, plus célèbre, de son successeur mort à 26 ans, qui s’en est d’ailleurs indéniablement inspiré. Elle est même davantage «baroque» dans son expression, ses soupirs, ses ruptures… Du coup, l’opus éponyme de Vivaldi, «tube» des contre-ténors chanté en première partie, a semblé un peu pâle : peut-être aussi que la jeune mezzo devrait davantage s’affranchir d’une certaine distance au texte et soigner l’expression pathétique ? J.F.

L’ensemble de Jean-Paul Serra s’est produit le 3 avril à l’église Notre-Dame du Mont


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Garanti sans OGM Invité par la Ville d’Arles, l’Opéra Eclaté a mitonné un Roi Carotte aux petits oignons, les 4 et 5 avril au Théâtre Décor minimal, quelques estrades en escalier abritant l’orchestre, et lumières de Patrice Gouron : un éclairage au petit poil, à l’exemple de la scène de Pompéi couleur rouge poivron pour faire mijoter nos comédiens chanteurs dans la marmite du Vésuve ! Voilà une des multiples idées de cette mise en scène, Opéra féérique et parodique de Jacques Offenbach au bouillonnement permanent. Les références sont multiples et nous font allègrement passer des calembours de la BD style «zeus queen» aux figures consacrées de Tex Avery. Chaplin et Jarry ne sont jamais loin, et la coiffure vert-fluo du bouffon Robin Luron détonne à peine dans cette effervescence continue et indescriptible contant l’exil forcé d’un roi (d’opérette...) et sa reconquête du pouvoir à travers des mondes enchantés et délirants. L’argument est évidemment prétexte à développer les travers du deuxième Empire agonisant suggérés par le livret de Victorien Sardou et que pimente allègrement Olivier Desbordes, dans son adaptation surréaliste et anachronique. Car le propos est bien de

critiquer le pouvoir actuel. Fridolin XXIV en altesse sulfureuse à l’image de son costume mafiosi, adepte de jogging présidentiel, pardon royal pour ses conseillers de pacotille, une Carla infirmière aux petits soins pour un couturier allemand... Les références sont multiples, people, parfois ésotérique (Mitterrandium, Chiracium, blingbling...) j’en passe et des meilleures et chacun reconnaîtra les turpitudes d’un monde passé, inconcevables à notre époque, «parce-que nous le valons bien» (sic)... L’astucieuse réduction orchestrale de Stéphane Pélégri (avec darabukka obligée pour la scène de Jérusalem) et l’interprétation musicale apportent un liant bienvenu au mélange parfois chaotique de tous ces ingrédients. Les musiciens ne peuvent néanmoins s’empêcher de glisser ponctuellement vers la couleur gospel pour participer au coup de feu permanent qui règne dans cette opérette. Coup de feu ? À bas le tyran ! Rideau et Vive le Roi Carotte !

Le Roi Carotte © X-D.R

Le Roi Carotte sera le 16 mai au Théâtre de l’Olivier, Istres. 04 42 56 48 48, www.scenesetcines.fr

PIERRE-ALAIN HOYET

Passion d’opéra ! Voyages divers C’est en 2005, soit un an après sa fondation, que le chœur de chambre Asmarã a mis au point un programme romantique allemand. Le concert se présente comme un «voyage initiatique» autour de Lieder pour chœur. L’occasion de redéfinir la différence entre le voyage rêvé, l’errance et la fuite, très présents chez Schubert, et le voyage comme nouvelle vision et amour inconditionnel du monde, très caractéristique de l’œuvre de Brahms. On passe donc de la mélancolie à l’espoir en quelques chants, heureux de constater le plaisir pris par Samuel Coquard, dont la direction expressive s’avère plus qu’efficace : contagieuse! Ainsi les chœurs et la pianiste, Magali Frandon, sont très à l’aise. On regrettera cependant une certaine fragilité des parties solistes lors de l’exécution pourtant enthousiaste du Gebet de Schubert. La représentation

de la veille (Théâtre du Jeu de Paume à Aix) avait sans doute fatigué certains des chanteurs, et la voix n’est pas un instrument sans faille ! L’interprétation finale a cappella des quatre chœurs opus 92 de Brahms, admirable, a plus que rattrapé le tout. SUSAN BEL Le choeur Asmara © X-D.R

Le chœur Asmarã s’est produit au Jeu de Paume (Aix) le 30 mars et au temple Grignan (Marseille) le 1er avril

Par contrat exclusif avec la Thomaskirche, dont il fut Kappellmeister (maître de Chapelle) pendant 27 ans, JeanSébastien Bach ne put jamais écrire d’opéra ! Sa Passion selon Saint-Jean, très théâtrale, et ses enchaînements d’airs, de récits et de chorals évoquent pourtant volontiers cet art interdit. La parole biblique reste cependant présentée, et non représentée scéniquement. D’ailleurs la Passion selon Saint-Jean, bien plus sobre que la Passion selon Saint-Matthieu écrite quelques années plus tard, déplore plus qu’elle ne déclame et conserve un caractère intime. Les sept arias et deux ariosos furent interprétés par les solistes avec la sobriété nécessaire, accompagnés par l’ensemble Musical Méditerranéen. Si les récits, omniprésents, font de l’Evangéliste le fil conducteur de l’œuvre (José Pizarro, remarquable), la Passion fait avant tout la part belle aux chœurs, tantôt célestes, tantôt turba, foule agressive et haineuse. Des contrastes qui, eux aussi, animent

la partition, la rendant presque dramatique ! La Chorale du Roy d’Espagne a fourni une prestation brillante sur cette partition difficile, dirigée avec énergie et précision par Serge Paloyan. SUSAN BEL

La Passion selon Sant-Jean a été chantée le 3 avril à l’Eglise Saint Cannat, Marseille, et le 5 avril à Saint Sauveur, Aix Serge Paloyan © X-D.R


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MUSIQUE

CONCERTS | FESTIVALS

English pearls Cette année Mars en baroque ! a passé la manche pour installer Opera Enfin le 24 mars à l’église Sainte Catherine, la l’auditeur en pays anglois… soprano Monique Zanetti, le contre ténor Pascal Bertin et l’ensemble Euterpes, dirigé des claviers par Jean-Marc Aymes, nous ont invité à une somptueuse Night at the Opera. Le programme proposait un pertinent pastiche d’airs issus de musiques de scène de Purcell et d’opéras de Haendel, pour hommage aux deux figures de l’art lyrique baroque en Angleterre et dont le monde de la musique célèbre en 2009 l’anniversaire ! Dans des sommets sensibles haendéliens tels qu’Ombra mai fù (Serses) et Credete al mio dolore (Alcina), la suavité du falsetto et l’éclat de la chanteuse ont ravi. Le public également a goûté à des pièces plus rares de Purcell comme la délicieuse Soft music de Diocletian ou la Chaconne obstinée de The Guardian Knot, pour lesquelles le luth de Matthias Spaeter, la viole d’Isabelle Saint-Yves et le violon flamboyant d’Hélène Schmitt ont servi la parfaite expression des affects baroques. Dominique Visse © X-D.R.

J.F ET F.I.

Violons Le festival affichait, le 18 mars, Hélène Schmitt, violoniste d’une grande sensibilité artistique, dans un programme mettant à l’honneur des compositeurs étrangers exilés à Londres. On connaît bien le Saxon Haendel : on sait aussi qu’il fut, sur le plan instrumental, influencé par le père de l’école européenne de violon, Arcangelo Corelli. Grâce au trio entourant la virtuose (luth, violoncelle et clavecin) on a également découvert l’un de ses disciples Giovanni Stefano Carbonelli arrivé sur la Tamise vers 1720. Mais le clou de la soirée fut la révélation de l’œuvre de Nicola Matteis, jeune violoniste parvenu à pied outre-Manche aux alentours de 1660 et considéré comme le promoteur de cet instrument (au détriment de la viole). À côté de superbes Suites d’une grande liberté d’écriture, on a touché un instant de grâce, lorsqu’Hélène Schmitt, en solo, a interprété une triade Passacaille, Fuga et Aria de toute beauté, laissant le public dans un silence chargé d’émotion (CD Alpha 141 - Matteis par H.Schmitt).

Love Song Puis Mars en baroque le 20 mars évoqua l’amour à l’anglaise : If music be the food of love..., le sentiment amoureux s’est nourri des Songs de Dowland et de Purcell, auteur de cette chanson. Subtil et poétique, le concert donné à la chapelle SainteCatherine restera gravé dans les mémoires des auditeurs présents. La présence de Dominique Visse, haute-contre au talent toujours immense, fut la pierre angulaire de ce grand moment d’émotion. Le timbre expressif et éthéré du chanteur fut soutenu avec soin et légèreté par Elisabeth Geiger au clavecin ou à l’orgue, Malcolm Bothwell à la viole de gambe et Eric Bellocq au luth. Comme si le temps suspendait son vol lors de cette soirée so british !

Victoire en deux sets L’Orchestre de l’Opéra de Toulon Provence Méditerranée et la soliste Anne Queffélec, placés sous la direction du chef Giuliano Carella, interprétaient le 9 avril un programme consacré à des œuvres d’Antonio Salieri et Wolfgang Amadeus Mozart Mis à part quelques légers problèmes d’équilibre tonal en début de représentation, le chef et l’orchestre ont interprété avec beaucoup de finesse la courte symphonie Veneziana de Salieri, mettant ainsi en valeur un subtil jeu de nuances entre les différents pupitres de cordes. Par la suite, l’orchestre et la pianiste Anne Queffélec, au touché impressionnant (voir p. 34), ont donné une très belle version du dernier concerto pour piano de Mozart, devant une salle comble et un public conquis d’avance. La soliste a clôturé seule cette première partie par un bis «en signe d’amitié francoitalienne» en jouant tout en délicatesse une superbe sonate de Domenico Scarlatti. Mais la partie tourna après l’entracte (la mitemps?) à l’avantage du jeune génie ! Nul doute : la 41e symphonie de Mozart a véritablement des proportions plus affirmées et une écriture plus complexe ; il sort vainqueur de ce combat fictif entre les deux compositeurs, souvent alimenté par la rumeur et par le film de Milos Forman. La majesté de son premier mouvement et l’écriture fuguée du dernier mouvement parfaitement mis en valeur par l’orchestre et son chef ont achevé de satisfaire les spectateurs, et c’est la musique qui est sortie triomphante des égarements mythifiés de l’histoire. ÉMILIEN MOREAU

Le concert Mozart et Salieri a eu lieu le 9 avril au Palais Neptune, dans le cadre du Festival de musique de Toulon

Giuliano Carella © X-D.R


Une alliance étonnante : Sandro De Palma, seul non-russe programmé au festival du Théâtre Toursky, interprète avec la clarté et la retenue que l’on qualifie volontiers d’«élégance italienne» Scriabine, Rachmaninov, Moussorgski (entre autres) et leurs pages les plus saisissantes. Sans aucune fioriture, à l’instar de la timide Tabatière à musique de Liadov, qu’il exécutera à la perfection, ou de cette pièce de Chopin, surprenante de justesse, qu’il jouera en bis. Pourtant solide techniquement, Sandro De Palma étonne en début de concert : il souligne assez peu la mélodie, ne mise que sur quelques ralentissements et ne fait pas la part belle aux nuances. Pour finalement parvenir à émouvoir. Car il ne s’agit pas ici de diminuer le frisson mais de le mesurer, de le laisser s’étendre tout au long de l’œuvre puis du concert. Aussi les pièces de Rachmaninov, souvent trop appuyées par les interprètes qui plongent dans leur hyper romantisme, semblent ici renaître, retrouver une certaine sincérité.

Sandro De Palma © X-D.R.

Slavophilie soluble

On assiste ensuite, désarçonnés, à la succession des Tableaux de Moussorgski, dont l’écriture pourtant dense et complexe apparaît limpide : aucun des nombreux figuralismes, aucun relief ou enchaînement n’a échappé à De Palma, qui passe de Promenades en Tuileries sans laisser son auditoire reprendre son souffle. Pas une note de travers, pas un seul accent de trop: le style russe, subtil mélange de tragique et de pudeur, a été rendu à merveille. SUSAN BEL

Le récital de Sandro De palma a eu lieu au Toursky le 24 mars dans le cadre du Festival Russe

Le Goût du «Paradis» Grâce à l’association Aix en Musique, le public du Musée des Tapisseries a vécu un moment d’exception La pianiste Arminé Sogomonyan avait composé un programme riche dans lequel se révélaient les différentes facettes de son talent. Touche sensible et émouvante, sa propre sœur, la grande pianiste Anaït Serekian, présentait les œuvres interprétées. L’enchaînement des morceaux choisis suivait une incroyable progression, dans laquelle les difficultés techniques de la Partita en si bémol majeur de Bach et les brillantes sonates de Scarlatti faisaient figure de gammes, d’exercices préparatoires où le jeu délié et précis de la pianiste s’aiguisait ; les Six pièces pour piano opus 118 de Brahms exerçaient l’ampleur du jeu, le piano devient alors orchestre, les arpèges s’entrelacent et redessinent les «paysages d’automne» qui avaient séduit Edmond Rostand. Enfin la pièce maîtresse, conjonction de l’ensemble, les 22 morceaux du Carnaval opus 9 de Schumann, moment d’attente émue pour l’auditoire, et de tension extrême pour atteindre cette virtuosité brillante et si variée dans laquelle s’invitent Chopin, Liszt, Clara et Ernestine. À l’ovation qui salue l’immense talent d’Armine Sogomonyan,

répond l’étude d’un tableau de Rachmaninov, puis, toujours dans la plus pure virtuosité, le concert s’achève par l’acmé d’une toccata de Khatchatourian. Le couvercle du piano se referme. Les œnologues confirmés vont goûter au vin du Château Paradis. Nous y étions déjà ! MARYVONNE COLOMBANI

Le récital d’Arminé Sogomonyan a eu lieu le 9 avril au Musée des tapisseries, Aix Armine Sogomonyan © X-D.R


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MUSIQUE

CONCERTS

Le dernier silence Fidèle à la tradition et pour la vingtquatrième année consécutive, La Chapelle Saint-Martin du Méjan nous proposait sa version musicale de la Semaine sainte en Arles du 7 au 9 avril. Au programme cette année, tout simplement, Bach Suivie par une soirée dédiée à la Sonate pour violon (Stéphane-Marie Degand), viole de gambe (Marianne Müller) et clavecin (Violaine Cochard) en solo, duo et trio, conclue par une soirée Cantates interprétée par l’Ensemble Barcarole d’Agnès Mellon1, la semaine sainte s’ouvrait sur un monument musical : L’art de la fugue interprété en partie par l’Ensemble de viole de gambe Sit Fast. En l’absence d’indication d’instrumentation du compositeur (il aurait pressenti deux clavecins ?), le choix d’un quatuor de viole n’est ni plus ni moins illégitime qu’un autre. À ce titre, l’ensemble Sit Fast privilégia l’intimité et la confidentialité inhérente à cette formation. La conduite des voix se fit en douceur et les instruments emmenèrent dans les méandres du contrepoint avec délicatesse, finissant par créer une trame uniquement rompue par un silence étrange et prématuré. Car les fugues de ce cycle et la complexité grandissante de leur composition successive nous laissent sans voix, à l’image du silence qui clôt prématurément la dernière pièce, inachevée, sur une ultime phrase à la voix de ténor.

L'ensemble Sit Fast © DDM 1

Notre photographe n’est pas soprano, mais a une homonyme exacte, célèbre et talentueuse !

P.-A. HOYET

Retrouver et découvrir

Caviar slave Pour la dernière soirée de la saison de la Société de Musique de Chambre de Marseille, le 7 avril, l’auditorium de la Faculté de Médecine plein comme un œuf accueillait un jeune quatuor russe, vainqueur du prestigieux Concours Quatuor Atrium © Vincent Catala

de Bordeaux en 2007. Depuis ce succès, le Quatuor Atrium a enchaîné les concerts et engrangé une solide expérience. Il n’a pas déçu le public expert de le la vieille association phocéenne, qui fêtera son 90e anniversaire la saison prochaine. C’est dans un programme russe que ces quatre cordes se sont illustrées. Deux opus romantiques, le 1er quatuor de Borodine au Scherzo féerique et le bouleversant 3e quatuor de Tchaïkovski, ont encadré un chefd’œuvre, certes encore tonal, mais nettement plus moderne de Chostakovitch. Dans son 7e quatuor en fa dièse mineur les Atrium ont exalté l’implacable énergie rythmique qui traverse l’œuvre, ainsi que son obsédante douleur : ici une fugue frénétique tranchante comme une lame, là une marche funèbre au chant souverain... Du béluga… Spassiba ! JACQUES FRESCHEL

Toujours soucieux de faire découvrir, entre quelques morceaux de bravoure, des compositeurs trop peu entendus, l’Ensemble Pythéas a élaboré un programme original, entre classicisme et romantisme, où l’on découvre une œuvre de jeunesse de Boccherini et une pièce extraite du répertoire plutôt conséquent (plus de huit cent compositions !) de Michael Haydn, frère du célèbre Joseph. Un duo pour deux violons de Luigi Boccherini manquait parfois un peu d’âme mais était interprété sans le moindre faux pli, avec énergie, nuance et une grande musicalité par Yann Leroux et Cécile Gouiran, jeune violoniste remarquable. On est ensuite surpris, comme souvent, à l’écoute du duo pour violon et alto de Michael Haydn, dont l’écriture, intelligente et fluide, n’a rien à envier à Joseph Haydn, ou à certaines pièces de Mozart, dont on entend peu après le Divertimento K 136, toujours aussi efficace. Mozart qui, selon certains, doit à Michael Haydn et à son Requiem, écrit en 1771, certaines

Ensemble Pytheas © X-D.R

idées harmoniques et orchestrales. Après un court entracte, et dans un autre esprit, on a pu entendre le fameux Quintette pour Clarinette de Brahms, merveilleusement interprété par les quatre cordes, et magnifié par le son chaleureux et rond de Linda Amrani (clarinette). Un concert qui nous rappelle que les grands classiques restent indétrônables, et que l’on aimerait partager et partager encore ce plaisir de les entendre… SUSAN BEL

Pytheas s’est produit en quintette à la Villa Magalone le 27 mars



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MUSIQUE

CONTEMPORAINE

L’invitation au voyage L’ensemble vocal Musicatreize avait donné rendez-vous le 26 mars pour un concert éclectique au temple de la rue Grignan

© Guy Vivien

Spécialisé dans la prospection et la diffusion de la musique dite contemporaine, l’ensemble Musicatreize et son chef Roland Hayrabedian ne délaissent pas pour autant le répertoire vocal des siècles précédents. Le programme offrait ainsi un panel allant du début du XVIIe siècle à notre temps, parcourant l’Allemagne, la France, la Hongrie et dans une moindre mesure, l’Italie. C’est justement l’expression transalpine qui inspire le fervent Schein dans ses madrigaux spirituels dont des extraits des Fontaines d’Israël dans leur version sans basse continue furent donné. La mise en regard avec son contemporain Gesualdo et la composition originale de Philippe Gouttenoire inspirée de quatre de ses madrigaux n’en fut que plus pertinente et réussie. O Strana morte, miroir de l’œuvre du

sulfureux napolitain, en reprend librement les textes pour un résultat étonnant. Tout aussi confondante est la résultante sonore de l’architecture polyphonique à seize voix édifiée par le postromantique Richard Strauss ! L’évocation du coucher de soleil, si subjective qu’elle soit dans Der Abend, symbolise à merveille les vers de Schiller dans un temps apparaissant suspendu. L’interprétation délicate fut parfaitement maitrisée. Les Trois Fantaisies de Ligeti sur des poèmes de Hölderlin, habiles alliages d’une tradition chorale hongroise et paraphe de l’expérimentation vocale propre au compositeur clôturèrent cette belle soirée servie par des interprètes dont le talent est égal à la singularité et l’audace de leur programmation. FRÉDÉRIC ISOLETTA

Le temps retrouvé La proposition musicale intitulée Schubertmannia, concoctée par Raoul Lay et ses compères de l’Ensemble Télémaque, a connu un vif succès au théâtre des Salins à Martigues le 21 mars. On y a découvert un talentueux ténor Fabrice Mantegna, et de somptueux arrangements instrumentaux réalisés sur des Lieder de Schubert et Schumann pour une authentique ré-écoute de chefs-d’œuvre. C’est dans les fameux Dichterliebe (Amours du Poète), monument de la littérature romantique, que s’est pleinement exprimé une forme de distorsion temporelle, sublimée par la réécriture de Raoul Lay, donnant à entendre tout à la fois l’essence originelle du cycle schumannien, ainsi que le poids

bienveillant de l’histoire sur la partition. De fait, la coloration romantico-expressionniste des cordes, les cuivres semblant issus d’un orchestre de Kurt Weil, les bois pastoraux mozartiens, la harpe impressionniste, les percussions étrangères et complices, l’accordéon «populaire», ont tissé sous la voix ronde et claire du chanteur une texture inouïe. En prélude, Fabrice Mantegna avait interprété dans la pure tradition du Lied avec piano La Truite ou Le Roi de Thulé de Schubert, avant que la soprano Brigitte Peyré initie cette parallaxe temporelle en chantant, avec tout le talent artistique qu’on lui connaît, les fameux Marguerite au Rouet ou Le Roi

des Aulnes accompagnée par un étrange trio (violon, violoncelle et accordéon) tout doit sorti de l’imaginaire du compositeur Bernard Cavanna. Quelque cocasse interlude sur le Trio op.100 ou la Jeune fille et la Mort ont également ponctué un spectacle dont la clé de voûte s’est trouvé être une belle œuvre de Raoul Lay, lyrique et émouvante, Wanderlied, façonnée autours de thèmes chers à Schumann, comme l’intraduisible «Sehnsucht». Pour une texture moderne s’enracinant dans l’Histoire, son expression et sa substance… Chapeau ! JACQUES FRESCHEL

L’ombre du nombre L’Association du Méjan à Arles persiste dans sa politique de diffusion de la musique contemporaine et c’est tant mieux : Claire Désert et Emmanuel Strosser s’y associaient à nouveau le 3 avril dans la musique pour deux pianos, après leur récente prestation autour de Ligeti et consorts. Mieux encore, ce concert gratuit avait pour cadre le vernissage de l’exposition-rétrospective Maurice Matieu, Animal à deux pattes sans plumes... de Diogène à Samuel Beckett. Dans sa problématique de la représentation de l’être humain, Matieu a créé une série de toiles abstraites, intitulée Animal à deux pattes sans plumes. Celles-ci présentent un fond faisant référence aux mosaïques marocaines, les zelliges, et déclinant des motifs géométriques répétés et finement peints en bleu, noir, rouge. Des formes humaines incolores et douces, mains, membres,

corps apparentés à des ombres, contrastent avec le fond, l’ensemble créant une sensation kaléidoscopique de mosaïque ou de vitrail. Répondant aux aspirations du peintre fasciné par la relation entre le nombre et la création artistique, Claire Désert et Emmanuel Strosser ont interprété Archipel I d’André Boucourechliev. Dans cette œuvre qui a marqué l’esthétique musicale des années 60 le choix aléatoire des interprètes parmi différentes propositions (réservoir de notes, choix de nuances, empilement de sons...) crée une combinatoire (d’où la relation nombre/musique). L’enthousiasme du public nombreux dénota la compréhension de ce langage : les deux pianistes ont mis toute leur conviction pour révéler la cohérence des modes et des motifs, la progression du morceau étant ponctuée par des explosions sonores puissantes et libératrices. Claire Désert

récidiva dans le Klavierstuck IX de Stockhausen et La Mer pour conclure, chanta le génie de Debussy, pressentant de futurs archipels sonores... PIERRE-ALAIN HOYET

Emmanuel Strosser © X-D.R.


AU PROGRAMME

MUSIQUE

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Convergences artistiques Depuis 1997, le Gmem et Raphaël de Vivo, à l’initiative du Festival Les Musiques, confrontent les formes d’art, «élargissent les champs du possible» à partir des musiques écrites et des outils technologiques. Cette saison, les convergences cherchent un équilibre entre constance et renouvellement, de l’installation sonore au concert traditionnel, s’articulent autour de la percussion ou des récitals solistes, de la danse et de la musique «pure», du théâtre… Plus de vingt événements, dont onze créations, sont affichés dans divers lieux marseillais avec pour concert-phare celui de l’Orchestre de Nice et Roger Muraro dans Bartok (Concerto pour piano n°2) et Dutilleux (Métaboles). Mais on badinera aussi à l’écoute du Gamelan balinais, on découvrira les créations de Tristan Murail ou Eryck Abecassis, des concerts, des propositions d’Aperghis, Jean-Luc Therminarias, des Percussions de Strasbourg, du pianiste Gregorio Nardi, du Nouvel ensemble de Montréal, du Quatuor Diotima, des opus de Stockhausen, Elliott Carter, Luigi Nono, des chorégraphies de Carolyn Carlson ou Michel Kelemenis… Du beau monde donc… et 5 € comme tarif unique !

À voir lors des Musiques

JACQUES FRESCHEL

Les musiques aiment aussi la danse. Il faut dire que Kelemenis le leur rend bien : son Electroacoucycle conçu avec Christian Zanesi s’enrichira lors du festival d’un quatrième volet (le 18 mai). Disgrâce est un quintet masculin composé d’éléments solistes : cinq parties hermétiques aux autres qui,

Choeur Festes d'Orphee © X-D.R

Disgrâce © Agnès Mellon

ensemble, combineront leurs éléments sans se rencontrer, poussant plus loin le processus d’Alea qui tressait les mouvements solistes en une partition plusieurs voix. A.F.

Synergie locale de talents

Fantastique clôture La saison du Grand Théâtre de Provence s’achève avec un opus majeur du romantisme musical. La Symphonie fantastique de Berlioz est interprétée par l’Orchestre des Lauréats du Conservatoire dirigé par Emmanuel Krivine. En complément de programme, le pianiste Nelson Goerner se joint aux jeunes instrumentistes pour le Concerto n°1 de Chopin. J.F. Emmanuel Krivine © X-D.R.

Grand Théâtre de Provence, Aix Le 5 mai à 20h30 04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net

Le Festival de Musique Sacrée, initié par Jeanine Imbert et Maurice Xiberras, met à contribution les talents locaux. Dès le 24 avril, les Marseillais entendent les Chœurs et l’Orchestre de l’Opéra municipal dans le fameux Requiem de Mozart avec un quatuor de soliste de premier plan. Le chef Jacques Chalmeau (nouveau directeur musical de l’Orchestre des Pays d’Aix) dirige ensuite la phalange phocéenne dans un autre «tube» sacré: le Stabat mater de Pergolèse (30 avril). Puis les enfants de la remarquable Maîtrise des Bouches-du-Rhône (dir. Samuel Coquard) chan-tent de somptueuses pièces de Charpentier, Clérambault et Bach (6 mai) avant des Spirituals classiques (Gospel Legend Singer, le 12 mai). La manifestation se poursuit jusqu’à la mi-juin avec de grandes fresques baroques signées Scarlatti (La Giuditta, le 28 mai), Haendel (Solomon, en clôture le 12 juin) et de belles contributions des orchestres du Conservatoire de Marseille (dir.

Philip Bride, le 24 mai) et des Jeunes de la Méditerranée PACA dans l’Evangile selon Jean d’Abed Azrié (7 juin). J.F.

Festival de musique sacrée du 24 avril au 12 juin. Eglise St Michel, Marseille Tarif unique 11€ Réservation 04 91 55 11 10 www.marseille.fr Jacques Chalmeau © X-D.R

Festival Les Musiques du 6 au 26 mai Marseille (divers lieux) 04 96 20 60 10 www.gmem.org


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MUSIQUE

AU PROGRAMME

LYRIQUE Double Requiem et la Crau Bel canto Les Puritains, ultime chef-d’œuvre du roi du bel canto Vincenzo Bellini tourne avec succès dans la mise en scène par Charles Roubaud. Le drame, inspiré de Walter Scott, met en scène au XVIe siècle les rivalités politico-religieuses des partisans protestants de Cromwell et des Stuart catholiques. Les amours d’Elvira (Jessica Pratt) et d’Arturo (Shalva Mukeria) en souffrent… of course ! Du chant limpide, des duos sublimes et un incontournable Air de la folie à couper le souffle !

(les 24 et 28 avril à 20h00 et le 26 avril à 14h30). Auparavant, Claire Bodin dirige du clavecin un programme de Musique baroque avec La Compagnie Les Bijoux Indiscrets (le 23 avril à 19h au Foyer). J.F

Opéra de Toulon (83) 04 94 92 70 78 www.operadetoulon.fr

Pinchas Steinberg © X-D.R

D’abord la fracassante Messe des morts de Verdi, les 17 et 19 avril dans l’enceinte de l’Opéra de Marseille, dirigée par Pinchas Steinberg (avec Adina Aron, soprano, Dolora Zajiick, mezzo, Giuseppe Gipali, ténor et Carlo Colombar, basse)… ; puis c’est à l’Eglise St Michel que les fidèles des concerts symphoniques se déplacent pour le Requiem, non moins populaire, de Mozart (voir ci-contre : ouverture du Festival de Musique Sacrée le 24 avril) avec Nicole Fournié (soprano), Qiu Lin Zhan (mezzo), Olivier Dumait (ténor) et Nicolas Testé (basse), en attendant une prometteuse Mireille de Gounod toujours populaire au pays de Mistral (du 20 au 29 mai). Il y aura aussi «L’heure du thé» par les artistes du CNIPAL les 23 et 24 avril à 17h15 (réservation 04 91 18 43 18). Et l’hommage au ténor Michel Sénéchal (en présence de l’artiste) le 9 mai à 15h (réservation prioritaire aux abonnés au 04 91 55 11 10). J.F.

Opéra de Marseille 04 91 55 11 10 http://opera.marseille.fr

SPECTACLES Histoire d’humour Quelques années après Sur la corde rêve, Le Quatuor tourne avec le même succès son opus iconoclaste Corps à cordes mis en scène par Alain Sachs. Ils sont quatre, comme dans un quatuor classique, habillés en pingouins, noir sur blanc, nœud «pap»… deux violons, un alto et un violoncelle ! Jean-Claude Camors, Pierre Ganem, Jean-Yves Lacombe et Laurent Vercambre se sont frottés jadis aux gammes et arpèges enseignés dans les conservatoires. Et puis, un jour… l’idée de créer un spectacle autour de cette formation, véritable laboratoire de l’écriture musicale, avec comme alpha et oméga, inlassablement, Mozart, Beethoven ou Brahms… Au final ? Ils en sont à une Victoire de la Musique et trois Molière ! AIX. Du 12 au 19 mai à 20h30, sauf 13 mai à 19h (relâche 17 mai). Théâtre du Jeu de Paume, 0 820 000 422, www.lestheatres.net © Didier Pallages

Tournées alpines «Cahin-caha…» «Poussons l’escarpolette» en Avignon avec l’exquise opérette Véronique de Messager, fleuron du genre léger à l’écriture fine, dans une nouvelle coproduction des Théâtres de Metz et Limoges. «De-ci, de-là», on entend Caroline Mutel (Hélène) et Gérard Théruel (Florestan) sous la direction de Dominique Trottein dans une mise en scène de Vincent Vittoz (le 25 avril à 20h30 et le 26 avril à 14h30). On écoute ensuite la pianiste Laure Favre-Kahn dans le Concerto n°1 de Brahms en compagnie de l’OLRAP dirigé par Christophe Mangou (le 7 mai à 20h30), pour finir par l’inaltérable duo des sœurs Katia et Marielle Labèque dans Debussy, Schubert et Ravel (le 12 mai à 20h30). Un programme complété encore par la projection du film La vie aventureuse de Giuseppe Verdi le 9 mai à 20h30. Opéra-théâtre d’Avignon (84) 04 90 82 81 40 www.operatheatredavignon.fr www.mairie-avignon.fr

Dans les Alpes Hautes, où l’Ensemble Télémaque est comme chaque année en résidence, la formation propose dans deux créations originales. Un premier concert Folk songs clôt la saison du Théâtre le Cadran à Briançon : c’est un florilège de chants, une sorte d’Oratorio imaginaire, hommage d’un compositeur du XXe siècle à la chanson populaire, rude ou raffinée, tendre ou désespéré… À côté des Folk songs de Luciano Berio, le programme comprend des airs de Piazzolla, Manuel de Falla (L’amour sorcier), Kurt Weill (L’Opéra de quat’sous), Raoul Lay, interprétés par la soprano Brigitte Peyré, le contre ténor Alain Aubin et le chœur du Briançonnais (le 5 mai à 20h30). Le second programme La donna ideale fait l’objet © Agnès Mellon

d’une tournée dans le cadre des excentrés du Théâtre la Passerelle de Gap (à Embrun, Tallard, Chabottes, L’Argentière, Guillestre, Serres, Veynes). On retrouve Brigitte Peyré dans les Folk Songs et, en seconde partie, on l’entend avec Alain Aubin dans des airs italiens du XVIIIe siècle signés Haendel, Pergolèse, Porpora ou Vivaldi, accompagnés par de nouvelles et surprenantes orchestrations concoctées par Raoul Lay (du 10 au 22 mai). J.F

Théâtre le Cadran à Briançon, 04 92 25 52 52 Les Excentrés - Théâtre la Passerelle à Gap, 04 92 52 52 52 www.ensemble-telemaque.com

Hyperactif Le Roi Carotte d’Offenbach, d’après Hoffmann, réadapté par Olivier Debordes pour l’Opéra éclaté (voir p 25), poursuit sa tournée nationale après son succès éclatant au Carré Montfort. Il faut dire que la mise en scène est drôle, et que le petit Roi Carotte nous rappelle quelqu’un… Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr


33 «Opéra d’opérette» La Compagnie Interlude crée un spectacle avec les classes musicales du lycée Vauvenargues dirigées par Jean-François Levraux. Sous la forme d’un opéra-comique, d’après Les soirées de l’Orchestre d’Hector Berlioz, sur un argument de Jean-François Héron dans une mise en scène de Julien di Tommaso, on entend des extraits de Purcell à Gershwin…

D’AILLEURS Sombre et nostalgique

AIX. Le 9 mai à 17h au Théâtre du Jeu de Paume. 04 42 99 12 12 ISTRES. Le 23 mai à 20h30 au Théâtre de l’Olivier. 04 42 55 24 77

Marionnettes enchantées Le théâtre de Grasse accueille le 15 mai les marionnettes opératiques de la Cie Thalias Kompagnons : une version condensée pour huit instruments et un contreténor à la voix transformiste, pour donner corps à travers des marionnettes à l’univers enchanté de la Flûte. Pour enfants, mais sans exclusive : une autre matière de découvrir ou retrouver l’opéra de Mozart, fidèlement réorchestré et mis en images. GRASSE. La Flûte enchantée, un examen. 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com

VOCALE Cris urbains ! L’ensemble Musicatreize reprend son programme de concert sur le thème des «Cris»(voir zib 14). A côtés des incontournables Cris de Paris de Janequin, Roland Hayrabedian dirige Cries of London de Berio, Les Cris de Marseille de Régis Campo et Cris de Ohana. De surcroît, on découvre les derniers Cris de Nancy de Jean-Christophe Marti et Jean Poinsignon. TOULON. Le 12 mai à 21h à l’église Saint-Louis. Festival de Toulon et sa Région 04 94 61 20 58 04 91 00 91 31, www.musicatreize.org

Requiem de Fauré L‘Ensemble Vocal Philharmonia accompagné de Rondo di Cello (dir. Jean-Claude Latil) interprètent le chef-d’œuvre de Fauré avec Perrine Cabassud (soprano) et Florent Leroux Roche (baryton). MARSEILLE. Le 8 mai à 16h à l’église Notre-Dame du Mont 06 21 78 93 57, http://e.v.philharmonia.free.fr

INSTRUMENTALE L’orgue à l’heure ! Les heures d’orgues de la paroisse SainteMarguerite se poursuivent avec la soprano Annabelle Sodi accompagnée par Benoit Dumon (19 avril) dans un programme Verdi, Rossini et Bach. Pour le premier concert du moi de mai, Maxime Heintz interprètera en récital des œuvres de Muffat, Bach et Mendelssohn (10 mai). MARSEILLE. Entrée libre à 17h, place A.Boyer (9e)

Trio Clara David (flûte), Mark Drobinsky (violoncelle) et Giselle Mouret (piano) clôturent la saison des Moments musicaux de Carry avec Beethoven, Weber et Poulenc. CARRY-LE-ROUET. Le 12 mai à 20h45, 04 42 45 09 85

Lévon Minassian © X-D.R.

Récital Zhu Xiao-Mei , la pianiste chinoise à l’émouvante histoire, vient à Draguignan le 16 mai jouer les Variations Golberg de Bach, dont elle est une spécialiste incontestée. DRAGUIGNAN. Théâtre. 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com Zhu Xiao-Mei © X-D.R.

Atelier des Arts de Sainte-Marguerite: dans le cadre de la Semaine arménienne de la Mémoire et de la Culture, concert Le Murmure des vents avec Serge Arribas (Clavier), Jean-Pierre Nergararian (Kamantcha), Pédro Alédo (Guitare), Roselyne Minassian (Chant), Lévon Minassian (Doudouk et Chant) (26/4) 04 91 26 09 06

Tango et fado Le Duo Intermezzo fait chanter le Tango nuevo d’Astor Piazzolla avec son instrument emblématique le bandonéon (Sébastien Authemayou) accompagné de la pianiste Marielle Gars (le 5 mai à 18h30 au Musée des Tapisseries) avant le fado de la Lisboète Ana Moura (le 13 mai à 20h à la Cité du Livre - rencontre avec les artistes à 18h). AIX. 0 892 68 36 22, www.aixenmusique.fr

Parcours historiques L’Ensemble Sillages dirigé par Yolande Oeschner de Coninck dresse un panorama de Musique vocale sacrée du XVIe siècle à nos jours avec des opus de Mendelssohn, Saint-Saëns, Rachmaninov & Busto (le 12 mai à 19h au Temple, rue de la Masse) et le petit chœur a cappella de Ensemble Lucien Bass chante des chansons et motets a cappella De Guillaume de Machaut à Francis Poulenc, en passant par Janequin, Debussy, Victoria, Bach (le 15 mai à 20h30 - Chapelle des Oblats). J.F.

AIX. 04 42 99 37 11, www.orphee.org

Jazz et ciné-concert Après la création du pianiste Stéphane Kochoyan et Les enfants du Jazz qui fait découvrir quatre chanteuses dans du jazz cubain (les 24 et 25 avril à 20h à l’Odéon), on emmène les bambins pour un ciné-concert : un film muet de Buster Keaton de 1923 est illustré musicalement en direct par les élèves du conservatoire municipal sur des compositions de Roberto Tricarri (le 29 avril à 18h30 – Théâtre). NÎMES. 04 66 36 65 10, www.theatredenimes.com


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MUSIQUE

DISQUES

Apologie de la lenteur Dans la notice de son disque intitulé «Contemplation» consacré à Bach, Anne Queffélec justifie son choix d’enchaîner une vingtaine de ses pièces au tempo lent en affirmant qu’elles obéissent «à une nécessité intérieure de la célébration de la lenteur en ces temps de renoncement à la durée». Même si l’on ne sait pas trop à quel «renoncement» la pianiste fait allusion, où pourquoi elle en appelle à Bach afin de combler cette «néces-

sité», on aime l’atmosphère méditative qui se dégage de ces Préludes, Aria ou Sarabande, Adagio et Chorals (transcriptions) qui dessinent un portrait «monocéphale» du Kantor. C’est un peu comme un clair-obscur baroque auquel il manquerait le clair, mais peu importe: on se laisse porter par le jeu délicat et expert de la grande pianiste française. J.F.

CD Mirare MIR 082 Anne Queffélec a joué 27e concerto de Mozart au Festival de Toulon le 9 avril

Toute la clarinette de Brahms Dans les années 1991-92, le clarinettiste français Michel Lethiec s’était joint au Quatuor Lindsay (aujourd’hui dissout) pour graver une interprétation mémorable du Quintette pour clarinette et cordes op.115 de Brahms. Sur le même enregistrement on découvrait son Trio op.114 avec une toute jeune pianiste qui a fait son chemin depuis (Katia Skanavi), et le déjà grand violoncelliste Truls Mork. En

Mondialisation joyeuse

1995, c’est avec le non moins éminent pianiste Jean-Claude Pennetier qu’il se présentait sous les micros des Gambini pour les deux Sonates de l’opus 120… Du coup, on possède avec cette réédition une superbe anthologie de l’œuvre pour clarinette du compositeur avec, en sus, les Trois Phantasiestücke de Schumann ! J.F.

Lucia, Aida…(Piccolo et flûte à l’Opéra DSK 4085).

Ranger sa discothèque par pays d’origine n’est plus une mince affaire avec cette tendance de «musiques nomades»!, mais ce disque se fera une place parmi les meilleurs. Un appât comme Une américaine à Paris devrait même inonder le marché et vous harponner pour toujours. Installée en tant que médecin à San Francisco, mais originaire du Punjab, la chanteuse porte en elle les graines d’une mondialisation joyeuse, et a remonté les rivières du Mexique et du Canada pour s’installer un temps dans le Sud de la France. Plus que moi a quelque chose de Catherine Ringer, et La pêcheuse ou Mal de mer pourraient rejoindre les méandres d’Emilie Simon, mais on brasse bien d’autres courants. À l’aise sur une milonga autant qu’au comptoir de sa guinguette ou sur un ska-rock festif (vu à Babel Med), cette sirène rodomone cache un désespoir et un mal à fleur d’écailles que le violoncelle ou l’accordéon soulignent de façon troublante. Même si les traditions se perdent, celle-ci restera collée derrière nos oreilles…

JACQUES FRESCHEL

X-RAY

2CD Lyrinx LYR 265 distr. Abeillemusique

Piano… Forte ! Depuis trois décennies les Gambini ont révélé au public une pléiade de talents… et le jeune et formidable pianiste italien Vittorio Forte méritait que les micros de la maison marseillaise Lyrinx se penchent sur son jeu sûr, alerte et sensible. Outre cette découverte, ce bel enregistrement présente deux Sonates et un Capriccio d’un compositeur injustement négligé : Muzio Clementi. Son histoire mérite d’être rappelée : ce

père du «pianoforte», né à Rome peu avant Mozart (opposé à lui dans un fameux duel viennois), a passé la majeure partie de sa vie en Angleterre. Fantastique virtuose (ayant également exercé en une activité plus «noble» de facteur d’instruments), il laisse un corpus important qui fonde le piano moderne et influence Beethoven.

CD Lyrinx LYR 2264

J.F.

Piccolissimo ! C’est au Conservatoire de Marseille que le flûtiste Jean-Louis Beaumadier débute ses études dans la classe de Joseph Rampal, père de Jean-Pierre avec qui il poursuit l’aventure à Paris. Ce dernier disait de lui : «C’est le Paganini du Piccolo ! ». De fait, depuis plusieurs années, le virtuose consacre beaucoup d’énergie à faire découvrir la petite flûte qu’on entend d’ordinaire percer au dessus du tutti orchestral. Il publie régulièrement des disques pour promouvoir son instrument (à tête en ébène essentiellement) dont il est l’une des références mondiales. Pour le label Skarbo il grave un flori-

lège de virtuoses romantiques, absolument inconnus du grand public (Piccolo Passion DSK 4052). Avec quelques complices du Conservatoire de Marseille, comme Christine Lecoin (clavecin) ou Alexandre Régis (percussion), Hervé Issartel (bassoniste à l’Opéra de Marseille) et Coen Engelhard (viole & violoncelle), il fait découvrir des Sonates de Nicholas Chédeville publiée en 1737 sous la plume de… Vivaldi (Il Pastor Fido DSK 4064). Son dernier disque ravit les amateurs d’opéras italiens : en compagnie de Shigenori Kudo (flûte) et Anne Guidi (piano) on entend des arrangements chatoyants de Rigoletto,

Label Skarbo www.skarbo.fr (distr. Intégral)

Extraordinary rendition Rupa & The April Fishes Cumbancha


35 Punk is not dead

Dub organique

On ne peut que se réjouir de l’association de Mick Jones et Tony James au cœur du projet rock’n roll Carbon/ Silcon. Et même si vous êtes plus familier des riffs saturés du membre fondateur et guitariste des mythiques Clash, vous connaissez aussi forcément la voix de Mick Jones, chanteur tout de même du tube interplanétaire Should I stay or Should I go. Son double Tony James a également fait du chemin, mais il n’a pas emprunté la route 66, préférant la voie chaotique et cabossée de l’univers punk anglo-saxon. Bassiste des sulfureux

Bricolé au départ dans des studios de fortune, le Reggae a dispersé et a subi le savoir-faire des occidentaux. Entendre résonner le dub du fin fond de la Mongolie ou danser un rythme caribéen sous le froid austral n’étonne plus personne aujourd’hui ! Ce bric-à-brac sonore tend à se diluer en devenant universel, mais ce Renegade Rockers déboulonnera les oreilles des plus réticents, martelant un son profond dans nos enceintes. Dans le grand froid canadien de son atelier, Dubmatix s’est résolu seul à faire sonner quarante années du genre à l’aide d’outils rustiques ou high-tech, aidés de fidèles apprentis dont les photos tapissent les murs de son usine à dub (Dub Factory) comme Linval Thompson, Willie Williams ou Mikael Rose. On l’imagine dans son enfance, enfermé dans le studio de son papa, assurant alors le destin musical d’artistes comme les Pointer Sisters ou même Janis Joplin, à bidouiller ses machines et fouiller dans ses cassettes. Ayant fait le tour du sujet, l’artisan ne s’est pas fait dévorer par la technique, une touche organique se détache de cette maîtrise du sujet, le travail ardu d’un renégat passionné...

Generation X et des romanesques London SS (en compagnie de son exfutur associé), celui qui préfère désormais la guitare a bourlingué parmi les Lords of the new church, les Systers of mercy tout en créant les glam-punks Sigue Sigue Spoutnik. Typiquement anglais, l’album The last post devrait s’intégrer parfaitement à votre projet de renouvellement de discothèque. Energique, structuré et loin d’être agressif, le punk des Carbon/ Silicon se découvre avec plaisir même s’il n’a rien de révolutionnaire.

The last post Carbon/Silicon Archambault musique

F.I.

Rock and folk La jeune suissesse Sophie Hunger s’expose pour la première fois en studio pour y mettre en boîte ses premiers bourgeons devenus chansons. L’ensemble de ces compositions originales sont regroupées sur Monday’s ghost, premier album riche et coloré en devenir. Étonnant de maturité, le timbre suave de Sophie Hunger s’impose et se coule merveilleusement à l’intérieur de la palette stylistique qui nous est proposée : Ballade à la mélopée soul et folk, rock plein d’énergie, instrumentation vivante et variée (flûte, cuivres jazzy, harmonica, piano,

batterie, basse, guitare, xylophone). Ce qui frappe avant tout dans cette découverte fructueuse est la variété et les différentes atmosphères qui coexistent avec bonheur à l’intérieur même de la plupart des titres. Chacun possède sa propre histoire et livre avec sincérité un magma d’émotions à travers une structure édifiée sans convention. Certains penseront à Jeff Buckley, d’autres à Neil Young… mais ils seront de plus en plus nombreux à évoquer Sophie Hunger !

Monday’s ghost Sophie Hunger Two Gentlemen – Universal Music

FRÉDÉRIC ISOLETTA

X-RAY

Gaspard l’inouï ! Qui est donc ce Gaspard LaNuit ? Mystérieux et sensible, son troisième album intitulé Comme un chien résonne à qui veut l’entendre comme un écho lointain au recueil de poèmes d’Aloysius Bertrand, et à l’imaginaire fantastique des pièces pour piano de Ravel s’inspirant des textes de l’inventeur du poème en prose. Avec Fred Pallem, sa complicité et son talent, Gaspard LaNuit trouve le compagnon de route idoine à l’expression de sa verve artistique. Tour à tour chanson française héritée du grand Serge, de Vian et de Bashung, ce dernier opus

exhale l’atmosphère d’un Nick Cave et d’un Neil Young. Alternant entre ballades sensuelles et lyriques aux textes corrosifs (Le puits) et rocks frénétiques déjantés à la rythmique virile (Johnny Depp, Comme un chien), cette nouvelle galette trouvera à coup sûr sa place dans le printemps musical qui s’installe. Le passionné Gaspard inocule un nouveau souffle qui agite et secoue la chanson française en plein renouveau : de quoi raviver ses désirs de dénicher la perle rare au fond de bacs qui débordent de fraîcheur.F.I.

Comme un chien Gaspard LaNuit Anticraft distribution / 3H Moins Le Quart

Renegade Rockers Dubmatix Echo Beach / I-welcom

Minimal optimal À tous ceux qui croient qu’une acoustic session rime avec frilosité et refrain démantelé, il est fortement conseillé de se pencher sur le dernier né des helvètes, The Young Gods. Ce nouvel opus qui complète le corpus garni de nos trois suisses préférés est né d’une série de concerts où titres anciens et récents étaient mêlés à des reprises historiques allant de Jimmy Hendrix à Radiohead, le tout en session acous-

tique. Knock on Wood est bien un album à part pour un groupe à part. Les inventifs Young Gods magnifient et donnent ses lettres de noblesse à un format qui sonne creux chez tant d’artistes ! Touche-à-tout toujours rock mais féru de digital, le trio devenu quatuor pour l’occasion émerveille par le rendu de ces titres revisités. Effet électro minimaliste, blues folk psychédélique, rythmique

transcendantale hypnotique… Des anciens Gasoline man au récent Everythere en passant par des covers bien pensés comme Freedom de Richie Havens, sitar, guitares et sons organiques deviennent les instruments d’une créativité sans borne. Ce qui ne surprend pas le moins du monde quand on connaît les Young Gods ! F.I.

Knock on the Wood The Young Gods The acoustic sessions / At(h)ome


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MUSIQUE

MARSEILLE

AU PROGRAMME

Baby : La Méthode, Dj Faze, Connexion Streetn PHM (30/4) 04 91 48 85 67

Hang’art : Malocchio de Jacques Carrier (16 et 17/4) 04 96 11 04 61

Cabaret Aléatoire : Damien Lazarus, Jack de Marseille (17/4), Alice Russell, Ysae (22/4), Frédéric Nevchehirlian, Sandra N’Kaké, Peter Digital Orchestra, No bleu, Soulist (24/4), Missill live Gang, Teenage Bad girl, Arbaud Rebotini (25/4), Java (29/4), General elektriks, Selecter the punisher (2/5), The bishops, Dondolo (5/5), Ben Kweller, Exsonvaldes (6/5), Mstrkrft, Benga, La Riots, Markovo, Souleance (8/5), Soul Jazz Orchestra (14/5) 04 95 04 95 09 www.cabaret-aleatoire.com

Intermédiaire: Holden (17/4), Gold Soundz Djs (18/4), Dj C.Kel & Mc (20/4), Ashan T. & Jaggy D. (22/4), The Snoc, Dj Double T (23/4), Reza, Lauter (24/4), Royal Spleen, Appletop (25/4) 04 91 47 01 25 www.myspace.com/intermediaire

Dock des Suds : Thomas Dutronc, Mareva Galanter (16/4), Bol de funk : Herbaliser, Dj Tony S, Freddy Jay, Dj Oil (17/4), Anthony Joseph & The Spasm Band, Chinese Man, Prof Babacar & Ed Noda, Manu Boubli, dj. C (18/4) 04 91 99 00 00 www.dock-des-suds.org Dôme : Dani Lary (15/4), Lenny Kravitz, Nneka (26/4), Laura Pausini (2/5), Mylène Farmer (9 au 12/5) 04 91 12 21 21 El ache de Cuba : Full Jazz Attitude quintet (17/4), Aïe Aïe (18/4), Barrio Jabour (23/4), Maudit Comptoir (24/4), Dj Sky & Ed Nodda (25/4), Barrio Jabour (30/4) 04 91 42 99 79 www.elachedecuba.com

Espace Julien : Festival Les Massiliades : Les hurlements d’Léo, Big Mama, Solat, Milska, Rom Buddy Band, Marabout Fonk System (17/4), Festival Hip Hop (18/4), Mekanik Kantatik, Loan (6/5), Nadiya (7/5), The Last Poets (8/5), Le Red’One show (9/5), Oxmo Puccino & The Jazzbastards (14/5), Kenza Farah (15/5) 04 91 24 34 10 www.espace-julien.com

La Machine à Coudre : Binaire, 25, Lee Zeirjick (17/4), Goerge In Fire, The Last Rapes of Mr Teach (18/4), The Flatliners, The Anonymous Pregnant, The Snackybouliste (21/4), Ich bin dead, The A-Phones (24/4), Sabot (25/4), Antonio Negro et ses invités (30/4), Laure Chaminas, Vertigo (1er/5), The Intelligence, The A-Phones (17/5) 04 91 55 62 65 www.lamachineacoudre.com La Meson : Millenium Gospel Voices (10/5), El Ultimo Grito (15/5), Tablao Flamenco : Ana Cortes (16/5) 04 91 50 11 61 www.lameson.com Leda Atomica Musique : Cabaret Zazou, chansons de Charles Trenet, Nini Dogskin et Martial Paoli (17/4), Nosferatu, ciné-concert (23 au 25/4) 04 96 12 09 80

La Gare : Bonjour, Chantal Morte (18/4) 04 90 76 84 38 www.aveclagare.org

Théâtre Marie-Jeanne : 5 minutes chez Bruant de Nini cabarets (15 au 17/5) 04 96 12 62 91 www.theatre-mariejeanne.com

Portail coucou : Ba cissoko (18/4) 04 90 56 27 99 http://portail.coocoo.free.fr

VITROLLES

AIX

Charlie Free : Duo Ben Aronov/Paul Pioli (9/5) 04 42 79 63 60 www.charliefree.com

Cité du livre : Scène slam avec Frédéric Nevchehirlian, Christophe Rodomisto, Julien Lefevre et Ahamada Smis, PierreLau et Sibonguilé Mbambo (18/4) 04 42 91 98 88 www.citedulivre-aix.com

BRIANÇON Théâtre Le Cadran : Ali Baba et les 40 voleurs, ciné-concert par la cie La Cordonnerie (15/4), Ilene Barnes (17/4) 04 92 25 52 52

Grand Théâtre de Provence : Scène slam animée par Clara Le Picard avec Nicolas Debade, piano et BernardPhilippe Vallino, contrebasse (18/4) 04 42 91 69 70 www.legrandtheatre.net

GAP Ali Baba et les 40 voleurs, ciné-concert par la cie La Cordonnerie (5/5) 04 92 25 52 52

Le Korigan, Luynes: Haircut vs Warriors Kids (18/4), Big Red (25/4) 06 50 77 51 77 www.myspace.com/lekorigan

HYÈRES Théâtre Denis : Festival faveurs de printemps : Clare & The Reasons, Tamara Williamson (16/4), Sammy Decoster, SvenSson (17/4), Sebastien Schuller, Jim Yamouridis (18/4), John & Jehn, Anything Maria (24/4), Zoo électro, Danger, Spitzer, Das Glow (7/5) 04 94 35 48 77 www.tandem83.com

Théâtre et Chansons : Voyage en Aragon (17 au 19/4), Malvina chante avec les loups (15 au 17/5) 04 42 27 37 39 www.theatre-et-chansons.com

AUBAGNE L’Escale : Ziggi, Messengers (17/4), mARThelene (24/4), Poum Tchack (30/4)

Le Lounge : Benjamin Fincher, Selar, Hannah, Gonogo (17/4), Fatty Chaos, Sheeva, Topinambours surgelés (18/4), Block Buster (22/4), Ruffle Crew, Le son du gobi, Nekswan, Palpas Selekta (23/4), The needs, CaVe CaNeM, Happy Family, Devil Crockett (24/4), Kaem Blues Band, Swim, Gust (25/4), Al and the Black Cats, Pilou Face (26/4) www.myspace.com/lelounge13 Le Poste à Galène : Zone libre vs Casey & Hame (16/4), Guem (17/4), Felipecha, Nuit rock & groove (18/4), Legendary Tiger man (21/4), Kaponz & Spinoza (23/4), Cranes, No wave party (24/4), Dig up Elvis (25/4), Bonny Prince Billy (26/4), From Kinston to London (1er/5), Nuit rock & Groove (2/5), The boxer Rebellion, Curtiss (7/4), Made in Britain (7/5), Bloody dead ans sexy, Ceremony (8/5), The Eldenberries (9/5), Victor Deme (13/5), Peter Von Poehl, Sophia Delila (15/5), Krystle Warren (16/5) 04 91 47 57 99 www.leposteagalene.com

SALON

TOULON

Poum Tchack © William Off

Embobineuse : Sodomie aux Gros Graviers, Alien Deviant Circus, Martin L, Gokkun, Vomir (17/4), The Dreams, 1400 Points de suture, Unas Rakraganh (18/4), Kid Congo & The Pink Monkey Birds (21/4), Electronicat, Monsieur Hiii, Handjoys, Mnm’s The Gateboys (24/4), Icy Demons, Experimental Dental Schooln Oh Tiger Mountain (30/4) 04 91 50 66 09 www.lembobineuse.biz

L’Affranchi : Bol de funk : Gimenez-E, Betty Pearl (16/4) www.l-affranchi.com

COUSTELLET

Tankono : Guy do Cavaco (17/4), Little Big (18/4) 06 43 21 54 29 http://tankoko.online.fr

06 29 75 09 71 www.mjcaubagne.fr

ARLES Cargo de Nuit : Minino Garay & Gerardo Di Giusto (17/4), Meï Teï Shô, Dj Oil (18/4), Missill Live Gang (24/4), La soirée des filles n°2 (25/4), Brighter days, Mister T Explosive Jazz Trio (30/4), Spleen (2/5), Poum Tchack (9/5), James Hunter (15/5) 04 90 49 55 99 www.cargodenuit.com

Oméga Live : Hip hop convict support, part 2 (20/3), The Dynamics, Shaolin Temple Defenders (21/3), Grace, Sandra Nkake (27/3), Soirée Local Heroes (28/3), festival Les Fantaisies toulonnaises : Thomas VDB, La Chanson du dimanche (3/4), Sebastian Sturm, Danakil (4/4), Dub Invaders, High Tone Crew sound system (10/4) 04 98 070 070 www.tandem83.com


CONCERTS

MUSIQUE

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Le rap du Port apporte des couleurs ! Avec un lieu comme les anciens chantiers navals de la Seyne et une équipe jeune comme celle de Culture +, ce premier Festival laisse augurer d’une ouverture dans le Var! Sept soirées sur un nouveau site, avec des tarifs accessibles et une programmation lourde en hip hop, et une place laissée aux genres approchants (beatbox, R&B, reggae, électro). Le festival s’engage aussi dans l’écocitoyenneté et soutient la création dans le département, rend la pareille à ses partenaires voisins, en proposant ainsi des jauges de 200 à 2500 spectateurs. Son président, Bellig, se bat pour la jeunesse et veut rassembler des valeurs souvent ignorées. «Une soirée comme celle du 2 mai est symbolique, 200 foyers de centres sociaux seront invités pour applaudir trois générations d’artistes, qui s’étaient déjà rencontrés sur album et vont partager une vraie opportunité sur scène ; et la reformation du Massilia, un 1er Mai sur des chantiers navals, n’est pas un hasard !» Gérant un budget restreint pour tant de concerts (180000 € pour 6 soirées), il met à profit son expérience, veut éviter les écueils, et donne un coup de projecteur sur la culture de cette Région : «On a la chance d’avoir des groupes comme No More Babylon (présents lors de la soirée Reggae, et sûrement les meilleurs reggae men nationaux !) ou les rappeurs seynois de L’infanterie qui auraient dû percer plus vite. Les institutions ne prennent pas en compte l’évolution des musiques, et mettent leurs moyens sur de simples vitrines... Avec un peu d’audace, et moins de conservatisme, on peut proposer une diversité et s’engager, même avec zero subvention.» Espérons que leurs efforts seront soutenus ! X-RAY

Alliages

Massilia Sound System © Agnes Mellon

Couleurs Urbaines Festival international des cultures urbaines et musiques du monde du 29 avril au 9 mai La Seyne sur Mer, Toulon, Châteauvallon (83) www.festival-couleursurbaines.com

L’ivresse des pas ! Le Toursky s’apprête à vivre aux rythmes de sons flamencos, puisque le Festival International s’y installe pour la 5e année. Avec une programmation qui mêle flamenco traditionnel et moderne, et des artistes internationaux Côté danse, les aficionados de flamenco pur seront conquis avec le nouveau spectacle de Manuel Guttierrez, étoile montante parmi les danseurs de la nouvelle génération. El Emigrante est un vibrant hommage à son père émigré espagnol aujourd’hui disparu, un spectacle où la danse se fait théâtre pour mieux redevenir émotion. Accompagné de la danseuse Mara Martinez, de la guitare de Daniel Manzanas et des percussions d’Isaac el Rubio, il sera sur scène les 12 et 13 mai. Il faudra aussi compter sur la danseuse Marie José Franco dans un spectacle de baile flamenco traditionnel, De Grana y Oro, les 15 et 16 mai. Et puis, comme chaque année, le Festival marseillais accueille une nouvelle création ; celle ci sera musicale, avec une Encuentro (rencontre)

d’artistes incontournables, proposée par José Luis Gomez, directeur artistique du Festival : il y aura le guitariste De Grana y Oro © X-D.R

Chicuelo, Manuel Guttierez à nouveau mais dans un autre registre, les percussionnistes El Piraña et El Rubio, la pianiste marseillais Juan Vicente et le chanteur El Salao (le 14 mai). Bien sûr, le tout sera agrémenté de rencontres autour de verres de sangria, et de tapas, sur les terrasses du Toursky pour les premières douceurs du printemps. De quoi y trouver l’ivresse ! DO.M.

Festival Flamenco du 12 au 16 mai Théâtre Toursky 0 820 300 033 www.toursky.com

Avec quelques jeunes issus du Festival Les Enfants du jazz -manifestation qui regroupe chaque année une centaine de jeunes musiciens passionnés de jazz qu’il encadre à Barcelonette-, Stéphane Kochoyan annonce une nouvelle création nîmoise. L’enfant du pays a aussi invité pour l’occasion le quatuor Sexto Sentido, quatre femmes surprenantes jouant leur vie sur des rythmes cubains. Une création qui prendra la forme d’un hommage au festival Jazz Plaza de la Havane. Après le Cartoons Circus de novembre dernier, Roberto Tricarri revient sur la scène nîmoise pour une création qui unit ses compositions musicales avec Les trois âges, film de et avec Buster Keaton (1923). Un long métrage dans lequel deux hommes, amoureux d’une même jeune fille vont vivre leur rivalité à l’époque préhistorique, au cours de la civilisation antique et au moment de la prohibition, en 1923. Trois âges que Tricarri revisite de polyphonies simples jusqu’au grand Big band de jazz. DO.M.

Stéphane Kochoyan et Les enfants du jazz Les 24 et 25 avril Les Trois âges Roberto Tricarri Le 29 avril Théâtre de Nîmes (34) 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com Sexto Sentido © X-D.R.


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MUSIQUE

CONCERTS

Pas K.O mais O.K Sous les saluts, la démarche hésitante, Abd Al Malik ne ressent pas la pression : une verve positive qui sert d’exutoire Un verre à moitié plein, le verbe serein, l’auteur, en démystifiant le rêve imagé des simagrées du hip-hop, pousse la porte du slam pour s’imposer français avant tout. À l’aide d’instruments variés et d’une acoustique très loin de la variété, il envahit l’espace, ses gestes rapides envoient ses chansons comme des smashes. Parvenir si haut quand on vient de si bas, manier la langue sans éviter les volontaires faux pas («C’est pas moi c’est les autres»), le verre fini, le verbe est encore là. Être consacré même si cela était évident, cela lui fait du bien, on le sent. Il salue son public, fait un tour, resalue et donne du lourd. Espace comble et artiste comblé, il pourrait

sous ces traits faire tout péter. Mais sans s’asseoir sur un réel groove, il pourrait vite lasser, se fourvoyer et payer sa tournée. Déjà il ne fait plus l’unanimité dans les quartiers, il affiche encore complet mais en complet décalé. Car il apporte la bonne conscience à ceux qui prennent ses paroles à leur compte1, et qui du coup se consolent, comme d’un sou posé dans le chapeau d’un clodo... Mais qu’il devienne rappeur ou parleur, il restera soldat du rythme, chauffard des rimes, drôle de fou, poète saoul, bousculant les préjugés, pas rap pour un sou… X-RAY

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À y regarder de près, les paroles d’Abd Al Malik fleurent parfois le consensus limite réac. C’est du lourd fait l’apologie de la génération des immigrés soumis qui se levaient tôt et travaillaient dur sans se plaindre; Gibraltar présente comme un rêve d’avenir le retour au Maroc… Tout n’y est pas si net, mais il est peu étonnant qu’il plaise dorénavant aux «bourgeois», et moins aux banlieues… A.F.

Abd Al Malik © BFC

Abd Al Malik s’est produit le 24 mars à l’Espace Julien dans le cadre du festival Avec le temps

Printemps argentin L’Amérique latine était à l’honneur à Marseille : Journées du livre latino américain d’abord (voir p50), Rencontres cinématographiques ensuite (voir p43). Entre ces deux manifestations d’importance, et dans le cadre de Mars en Musique, un émouvant Cabaret tango. Un portemanteau, un bar surmonté d’un poste de radio, un podium circulaire, entre ces trois pointes s’inscrit le spectacle, auquel le public, assis à de petites tables rondes, est intégré dans la tradition des cabarets des faubourgs de Buenos-Aires. Un triangle pour un trio : deux comédiennes-chanteuses, Isabelle Desmero et Josette Lanlois, une accordéoniste, Aurélie Lombard. Des chaussures à talons, un costume noir piqué d’une fleur rouge, et nous voilà embarqués pour une balade en VF et en VO, entre tango et milonga, poésie et témoignages. Aux échos agressifs des fusillades et des discours martiaux répondent les volutes sauvagement suaves de l’accordéon, avec lequel la musicienne fait corps et qui emporte loin. Dans le temps,

celui de la junte militaire et des femmes de la Plaza de Mayo. Dans l’espace géographique de la capitale argentine et de ses suburbios. Dans l’âpre poésie des textes. Pas besoin de connaître l’espagnol pour succomber aux accents nostalgiques de ces chansons qui pleurent le pays subjugué, les amours perdues, l’exil et la mort. Ana Bruce avait conçu cette évocation en paroles et en musique des heures sombres de la dictature argentine. En présentant son spectacle, les trois artistes rendent hommage à leur amie prématurément disparue au printemps 2008. Avec beaucoup de talent, de générosité. Grâce à elles, «ces morts vivent dans le tango.» FRED ROBERT

Un après-midi d’avril, Cie Tableau de Service, mes Yvan Romeuf, a été présenté au Lenche du 24 au 28 mars

Classiqu’impro

Jean-Francois Zygel © Denis Rouvre - Naive

Éclairage sobre, presque nocturne, une silhouette s’avance, s’assied devant un piano. Négligemment des notes se murmurent, hésitent au seuil de la

mélodie, reviennent, s’étirent, puis se rétractent, envol rêveur, irisé d’improbables appels… La magie opère. Et pourtant, dans ce concert «déconcertant» s’il en fut, les morceaux se succèdent sans présentation. Un effet de surprise cueille les spectateurs à chaque instant, oiseaux siffleurs aux balcons (Jean Boucault et Johnny Rasse), étranges ondes Martenot ou incongru cristal Baschet (Thomas Bloch), et la voix presque humaine des clarinettes (Philippe Berrod). Les univers s’enchaînent, bucoliques ou fantastiques, fantasques aussi, mêlant poésie et les jeux de scène comiques: le spectacle s’adresse aussi au jeune public !

Jean-François Zygel a fait le pari d’une improvisation classique, à partir de thèmes de la musique du XXe, la faisant sortir des chemins convenus, lui redonnant une liberté qui semblait l’apanage du jazz. Si l’on mesure la qualité d’un spectacle à celle du silence de l’auditoire, l’on peut affirmer que le pari du médiatique musicien est réussi. Même si l’on aurait pu souhaiter, justement parce qu’il était destiné aux enfants, une once d’explications ? MARYVONNE COLOMBANI

Fame tout fardé La célèbre comédie musicale a investi pour une petite semaine les planches du Grand Théâtre de Provence À l’heure où tout se monte et se remonte sur scène et sur écran, la reprise de la comédie musicale Fame inspirée du film d’Alan Parker augurait une perspective intéres-sante. Est-ce ce pur concept années 80 qui a mal vieilli ? Ou la mise en scène de Ned Grujic a-t-elle aplati ce qui avait du relief justement sur l’écran plat ? Le choix de parler, mais surtout de chanter en français (sauf la chanson phare), prête sincèrement à discuter, tout autant que les costumes flashy et les personnages caricaturaux plus kitchs que jamais, sans chair. On se laisse toutefois prendre au jeu de ces apprentis artistes par la chorégraphie efficace de R. Kaney Duverger et la direction musicale sans chichi de Samuel Sené, même si celle-ci reste trop proche du produit Star Academy et des comédies musicales en vogue à gros budget. Il semblerait, sans nostalgie, que Fame avait une autre saveur… FRÉDÉRIC ISOLETTA

Le concert a eu lieu le 21 mars au Jeu de Paume dans le cadre des concerts d’Aix

Fame a été joué au GTP du 25 au 29 mars


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L’âme du fado Au premier abord, la scène semble trop large, la salle trop grande pour le concert, la voix est juste, fragile, les morceaux très beaux, les accompagnements impeccables, certes… et puis… Les instrumentistes se retrouvent seuls, moment de virtuosité qui laisse le spectateur pantois, Bernardo Couto semble disposer de dix mains sur sa guitare portugaise, chants et contre chants s’enchaînent aux guitares (basse) de Fernado Maia et (acoustique) de Alexandre Silva, arrangements superbes d’un Ricardo Dias inspiré au piano… Cristina Branco revient sur scène, Eternel retour, et c’est une grande dame qui se révèle à nous,

l’espace est empli d’une présence généreuse, souveraine, la voix s’est élargie, garde la belle ampleur des graves jusque dans les aigus, sensible, jonglant entre les univers du fado, lyrique, désespéré, vindicatif, satirique, ironisant sur luimême, comme ce Fado à peine cuit. Complicité avec le public qui chante aussi et pas seulement les Portugais de la salle… Combien auraient souhaité être le marin auquel une jeune fille écrit une lettre d’amour… Cristina Branco a illuminé ce soir-là le GTP. Chacun repart avec un amour nouveau au cœur, une très belle femme, Lisboa. M.C. Cristina Branco © Elke Hesser

Chants franciscains à Saint-Sauveur

Jean-Paul Poletti et le choeur d'hommes de Sartene © X-D.R

Le 3 avril, le Chœur d’hommes de Sartène dirigé par Jean-Paul Poletti donnait un concert dans la cathédrale d’Aix-en-Provence. L’intérêt du

spectateur est soutenu par les commentaires riches et précis apportés à chaque morceau. Ainsi, le public est invité à voyager entre les premières polyphonies à deux voix du IXe siècle, avec un travail à la quinte, et la reprise de partitions codifiées par les moines franciscains. L’approche de la semaine sainte est longuement évoquée, ainsi que le rite sartenais du Catenacciu. Les basses sont superbes et le chant de seconde s’élève, porté par une nappe vocale large et vibrante. Il est dommage que l’acoustique n’ait pas servi les voix : a merula, chanson à tiroirs, est complètement gâchée, par un défaut de sonorisation. De même les aigus de la tierce s’essoufflent, avec une approche un peu trop baroquisante pour du chant corse. À noter cependant les très beaux moments, le bouleversant Anniversariu di Minetta, ou cette polyphonie primitive, Lode al Sepolcro, chantée à trois voix, superbe.

Nuits croisées Plusieurs soirées sont programmées dans des «Espaces Amis» en partenariat avec le festival de jazz marseillais de l’été, Jazz des 5 Continents, qui va fêter son 10e anniversaire cette année. Le public a été accueilli à la Cité de la Musique par les élèves des classes Jazz et a pu déambuler autour de photographies de Laurence Fillon et Serge Mercier. Le trio formé de Jean Luc Di Fraya (chantpercussion), Louis Winsberg (guitare-saz) et Jean Christophe Maillard (saz) a joué une musique explorant des rythmes d’origines afro-carïbéennes, mais aussi flamenco-blues, ornementée de beaucoup d’effets électroniques. De longues séquences utilisaient un instrument traditionnel d’Anatolie : le saz, un luth turc à manche long servait ici à nourrir le son dans ses dimensions rythmique et harmonique. En 2e partie de la soirée, Julien Lourau (saxs), DJ Oil (programmation) et Nasser Soltani (percussion) ont produit du «son» : puisé du hip hop, du break,

de l’électro, en passant par le funk actuel. De la musique aléatoire souvent, improvisée parfois, des samples visant la transe. Au 2e morceau déjà la salle se disperse... Les musiciens n’auront pas trouvé leur public, venu ce soir-là écouter du jazz…

Où le souffle passe… Voyagez avec le groupe A Vuciata qui invite à pénétrer le cœur de l’âme Corse. Un voyage musical qui mêle monodies, paghjilla, lamentu, berceuses, chant sacré, chant profane… L’histoire d’un berger, que raconte un récitant, est illustrée par les chants qui mettent l’accent sur cette vie faite de chasse, de danse, d’amour. Jusqu’à l’exil, la nostalgie, que soulignent la voix de seconda de Jean-Pierre Georgetti, la voix de terza de Catherine Pacheu, la voix de bassu profonde de Jean-Mathieu Colombani et la voix de bassu haute de Patrick Noé. Ils sont accompagnés à l’alto par Catherine Pacheu, à la guitare par Patrik Noé et à la flûte par Mathieu Georgetti.

DAN WARZY

A Vuciata Ce double concert s’est joué le 2 Avril à l’Auditorium de la Cité de la Musique à Marseille, dans le cadre de Jazz de Nuit Louis Winsberg © X-D.R

Le 17 avril Eglise Saint-Denis Ventabren 04 42 28 92 86 Le 24 avril Théâtre municipal de Pertuis 04 90 79 56 37 Le 16 mai Le Familial Cadolive 04 42 04 63 18


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MUSIQUE

CONCERTS

La route au tournant Un festival Rom, qui célèbre sa reconnaissance lors de sa seconde édition, voilà un pari fou tenu jusqu’au bout ! À l’occasion et autour de la journée internationale instaurée il y a plus de trente ans, la programmation de «Latcho divano» s’est voulue innovante et sans frontières, sous forme d’un bien «bel échange». Avec des incursions flamencas, un regard sur le Cinéma, une approche jazz et un climat festif, et même un cirque pour enfants !, l’ensemble donne une représentation contemporaine du mouvement, par nature jamais sédentaire, à l’image du groupe présenté au Cabaret aléatoire, Erika & Emigrante. L’axe Tzigane-Mars qu’ils projettent sur leur album n’est pas tout à fait un vol direct ! Plutôt actuel et assez cosmopolite, cette formation de musiciens d’origines diverses met toute son énergie sur scène, et les reprises de Johnny, Johnny ou Kashmir, un solide Rock prog’ côtoyant les tablas indiennes, font oublier quelques ratés. Au-dessus de subtiles guitares, la voix soutenue de la chanteuse hongroise (qui sera d’ailleurs actrice pour le

prochain long métrage de Tony Gatlif) surprend quand elle survole avec aisance les territoires voisins du folklore grec ou espagnol. Elle est cependant davantage mise en valeur lorsqu’elle se pose sur de longs phrasés que lorsqu’elle s’étire sur une seule note. Plus universel encore sera le spectacle servi sous chapiteau par de jeunes recrues, Késaj Tchavé. «Imaginez la difficulté de faire venir jusqu’à Marseille des enfants des bidonvilles de Roumanie», glissera un musicien.

Leurs danses illustrent la joie de vivre, et sans geindre, ils montrent un plaisir certain à la revanche, une énergie turbulente et incontrôlable, qui pourtant folâtre. Quand de jeunes romanos se disputent une belle danseuse, ou qu’une très jeune fille est prise de jalousie, l’exercice de style ne semble pas répété, simplement joué dix fois dans la journée, dans la vie ! Car les Tziganes ne dorment pas, ils dansent, chantent et n’ont que cela pour avancer. Entre amateurisme structurel et reconnaissance, leur parcours les mènera jusqu’au Zénith de Paris, invités par les Ogres de Barback : ils feront la fête en allant chercher des homolo-

gues anonymes, traînant dans les parkings de supermarchés la journée et dormant sous des tôles ondulées en banlieue, pour ne pas perdre le sourire et la liberté. L’invitation à les suivre persiste dans leurs regards profonds, et fait naître l’envie de chercher avec eux la roue de fortune sur cette route perdue, en n’emportant que ce drapeau tendu et bariolé qui flotte dans le ciel des gitans. X-RAY

Kesaj tchave © X-D.R

Perte de repères La deuxième édition de l’expérience japonaise a une fois de plus ouvert les horizons des spectateurs, curieux et connaisseurs, venus nombreux à Nîmes. L’occasion de constater la grande richesse des projets proposés, ainsi que la nécessité de cette programmation rare et précieuse. Assez inclassable, c’est le jeune danseur Kentaro !! qui a débuté les festivités. Ce petit personnage à l’allure nonchalante, seul sur la scène nue du Théâtre, nous raconte son histoire, son corps devenant un langage complexe, porteur de toutes les cultures hip hop qu’il mêle, recrée, à la faveur de sons électros et rock qui l’habitent. Avec une dimension supplémentaire, un univers très personnel qui le lie à sa culture, un japon mâtiné de street dance américaine. Lors de la même soirée, le phénomène musical YMCK, quasi-inconnu en France, installa son univers particulier. Midori au chant, Yokemura et Nakamura, respectivement à la programmation musicale et visuelle, soit le trio de choc de ce groupe au concept

original : la création de morceaux de musique basés sur le rythme monophonique 8-bits issu des consoles de jeux vidéo du début des années 80. Une plongée sonore animée par les vidéos pixellisées projetées en arrière plan, le tout souligné par la voix sucrée de cette drôle d’hôtesse… Le surlendemain grand moment avec le retour de la cie Baby-Q (déjà pré-

sente lors de précédente édition), et la dernière chorégraphie en date de Yoko Higashino, Watashi wa sosoraneru/ I am aroused (je suis excitée). Une exploration hallucinatoire de visions effrayantes, de tableaux magnifiques, mêlant la danse et les nouvelles technologies, explorant les relations hommes/femmes, instrumentalisation des corps, la violence des rapports,

réels ou rêvés. Des costumes aux lumières, des images projetées à l’occupation de l’espace (toute la scène jusqu’aux galeries est explorée, occupée, visitée), tout concourt à ce que chacun retienne son souffle, conscient de la rareté du moment. DOMINIQUE MARÇON

YMCK © X-D.R.

L’expérience japonaise s’est posée sur Nîmes du 24 au 28 mars


BABEL MED

MUSIQUE

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Voyages en Classe Affaires Débarrassées de leur étiquette anglo-saxonne de «world music», les musiques du monde étaient à l’honneur du Babel Med, chacun des 60 pays représentés ouvrant ses frontières aux sons de ses voisins Un vol réussi pour ce cinquième éductour musical, qui a accueilli plus de 30 groupes évoluant entre tradition (Houria Aïchi, les Bantous de la capitale) et modernité (Nidi d’Arac, Istambul Calling). Certains ont été récompensés avec neuf remises de prix, méritées quand on a écouté la pureté des chœurs mahorais de Déba ou la richesse musicale de Kristin Asbjornsen. Car Babel Med c’est à la fois une rencontre de sons et d’artistes, comme le soulignait déjà la compagnie Rassegna à la conférence de presse : leur dernier projet, Zaman Fabriq, né dans les couloirs du Babel Med lors de sa précédente édition, s’est révélé être un des moments les plus intéressants de cette édition. Sayon Bamba © Agnes Mellon

Technique ethnique ! Le Rock insulaire de Baster a moins emballé que le flow étonnant de Kumar, ce rappeur cubain émigré en Espagne. Mais les applaudissements pour Sayon Bamba sur scène ont égalé ceux qui ponctuaient la programmation des DJ, les beats cosmopolites de nos locaux Goldenberg et Shmuylle ou l’électro-dance roumaine de DJ Clik qui a offert un mix bien plus réussi que celui du kuduro de Galliano. Il ne fallait pas non plus rater l’ovni Aronas, un William Sheller qui aurait laissé ses doigts dans la prise, les Noir Désirs méditerranéens de Sam Karpiéna ou le phénomène occitan de la Ciotat, Moussu T, dans un chapiteau à chaque fois comblé (17 000 spectateurs en trois jours). On est donc débarrassé de cette image lascive et inerte de sons trad’ étrangers, et on adhère Kristin Asbjornsen © Agnes Mellon

à une musique plus balancée, «entre ethnique et technique» !

Défendre le concert Mais Bab El Med est aussi un lieu d’affaires privilégié pour plus de 700 professionnels, glissant actuellement sur le marché en péril du disque. Les petits labels ne subissant pas trop (pour l’instant) le téléchargement, ils se regroupent (comme Equation Musique), échangent leurs points de vue (comme chez nous Phono Paca), et surtout vendent leurs dates dans les salles et festivals européens (les plus gros comme l’EFWMF étaient présents, pour préparer 2010). Car Babel Med fait le pari que l’avenir est dans les salles, et pas dans les bacs. La meilleure des politiques est souvent d’afficher un optimisme débordant pour ses artistes. La confrontation de stratégies communes s’affiche dans un climat de crise, de tracts éparpillés et de gobelets de café renversés, sans compter la difficulté du clivage du langage et la cacophonie des concerts dans la grande salle, seul hic de ce festival ad hoc, qui n’a pas aidé certains groupes, comme Novalima en particulier.

Constats Pas de représentant de la Culture Antillaise et de son pendant jamaïcain. Le reggae reste pourtant une des influences que l’on a vu jaillir du set de groupes comme Kumar, Rupa, Dj Click, ou Wasis Diop qui enregistrera son prochain album en Jamaïque. Une autre aspiration commune : un jazz accessible à tous, jusque dans la douce folie de Rupa et ses April Fishes. Les frontières s’abolissent et l’appartenance se fait mondiale, les sauces se mixent dans une recette globale. Une leçon d’ouverture qui évite les clichés ou un renoncement à l’originalité ? Une météo mitigée a couvert ce marché mondial : il y a eu du mistral pour faire courir le «buzz» des découvertes de demain et quelques chauds moments (une danseuse de claquettes qui vient impromptu se consacrer face au Kora Jazz Trio, le meilleur groupe du

festival, bravo !). Mais aussi une bonne averse pour rester les pieds sur terre, lors de conférences de presse intéressantes au sujet de la mort du cd, du soutien d’artistes, ou de l’avenir des radios qui passera par le web notamment. Le constat se veut optimiste quant aux innovations proposées et au développement des techniques dans les pays les plus pauvres. Et si l’opposition Nord-Sud disparaît, le Festival Babel Med aura réussi un de ses engagements, et pourra alors se targuer de devenir LE Festival de LA Musique du Monde… X-RAY

Babel Med s’est déroulé au Dock des Suds du 26 au 28 mars

Boulègue, collègue ! Babel Med n’invente rien ! Dans les années 1920 déjà, Banjo, le héros musicien déjanté de Claude McKay, vagabondait sur le port en quête de fusions inédites. Chansons populaires de l’époque, rythmes arabes ou africains, stridences du jazz new orleans ou mélopées bluesy, tout était alors prétexte à «secouer ça». Le concert littéraire produit par Cocotte musique a mis en lumière ce brassage musical et culturel. Zou, Shake that thing ! ou la rencontre très réussie d’un groupe de joyeux Provençaux, Moussu T e lei jovents, et d’une grande voix du blues, la New Yorkaise Arlee Leonard. Ambiance, chaleur, balletti et jelly roll, nul doute que le romancier américain tombé amoureux de Marseille aurait apprécié. FRED ROBERT

Zou, Shake that thing ! création originale en hommage à Claude McKay a été présenté le 26 mars à la Cité de la Musique.


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CINÉMA

AU PROGRAMME

Les Rendez-vous d’Annie L’Atelier de programmation de Peuple & Culture propose, de mars à octobre, une série de films autour de la représentation du corps au cinéma, Comme si le corps… Les 15, 16 et 17 avril, à 20h 30 au Polygone Etoilé, trois films de FrederickWiseman, High School, Basic Training et Titicut Follies, film qui évoque le quotidien des détenus du pénitencier psychiatrique de Bridgewater dans le Massachusetts, et qui a été censuré aux USA de 1967 à 1991. Le 18 avril, à 20h au CRDP, San Clemente de Raymond Depardon et Sophie Ristelhueber sera précédé à 18h d’une conférence de Jean-Jacques Courtine, professeur d’anthropologie culturelle à l’Université Sorbonne Nouvelle et co-auteur, entre autres, des trois volumes d’Histoire du Corps. Le 6 mai, à 19h 30 au Polygone Etoilé, Bon Pied, Bon Oeil et toute sa tête, un pamphlet cinématographique de Gérard Leblanc qui animera le débat

Lola Montes

Du 6 au 19 mai, l’Institut de l’Image à Aix présente le cinéma d’Ophuls à l’occasion de la réédition en copie neuve restaurée de son dernier film, Lola Montès. À la sortie, en décembre 1955, de ce film qui a fait scandale, Ophuls disait : «J’ai vu les coupures, c’est incroyable; à croire que les gens qui font ça, non seulement manquent de respect envers ce que vous avez fait, mais ne savent même pas lire.» Certains critiques, Truffaut en tête, se battirent pour lui : «Faudra-t-il combattre, nous combattrons. Faudrat-il polémiquer, nous polémiquerons !», écrivit-il dans Arts, rejoint par Rossellini, Cocteau, Jacques Becker, Jacques Tati et quelques autres qui signèrent un Mardi 12 mai à 19h, la Cinémathèque de Marseille reçoit le cinéaste Jacques Baratier, auteur d’une vingtaine de films dont Goha le simple, où Claudia Cardinale joue son premier rôle. Seront projetés un court métrage, Paris la nuit, Ours d’or au festival de Berlin en 1956, une promenade dans la capitale, entre rêve et réalité et La Poupée, dont Jacques Audiberti a écrit le scénario : dans une république imaginaire d’Amérique du sud, un professeur crée une poupée vivante à l’image d’un dictateur… La Cinémathèque de Marseille CRDP 31, boulevard d’Athènes 04 91 50 64 48

après la projection. Le 14 mai, à 19h 30, Y’a qu’à pas baiser de Carole Roussopoulos et Regarde, elle a les yeux grands ouverts de Yann Le Masson, l’occasion de se pencher sur les luttes du Mlac et du rapport au corps et à la maternité dans les années 70/80. Peuple & Culture Marseille 04 91 24 89 71 Titicut Follies © 1967 Bridgewater Film Company Morceaux de conversation avec Godard © Rue des Archives-SPPS

Le 28 avril à 20 heures, Vidéodrome propose au Daki Ling (le Jardin des Muses) Morceaux de conversation avec Godard, un film que son réalisateur, Alain Fleischer, directeur du Fresnoy, école de création artistique audiovisuelle, présentera.. Après la projection de ces échanges que Godard a eus avec avec Dominique Païni, Jean Narboni, André S. Labarthe, Jean-Marie Straub, Danielle Huillet ou Christophe Kantcheff, Alain Fleischer nous parlera du tournage de ce film et du cinéma de Godard en général. manifeste en faveur du film. Une soirée à ne pas manquer pour les «godardoLe public peut enfin découvrir le film restauré, tel que philes», et les autres ! Max Ophuls l’avait conçu, rêvé, imaginé, réalisé. Seront aussi projetés, Liebelei, d’après Arthur Daki Ling, le Jardin des Muses Schnitzler, premier grand film d’Ophuls et dernier 04 91 33 45 14 réalisé en Allemagne, avant qu’il ne s’exile, La tendre www.dakiling.com ennemie, l’adaptation de la nouvelle de Stefan Zweig. Lettre d’une inconnue, Caught, La Ronde, Le plaisir d’après Maupassant et Madame de… d’après Du 13 mai au 10 juin, dans le cadre de l’Année du Louise de Vilmorin. L’occasion de voir et revoir l’œuvre de ce virtuose de Piémont en Provence, est proposé à l’Institut Culturel Italien un hommage à la Cinémathèque de la mise en scène et du mouvement. Turin et au cinéma piémontais À la Soirée d’ouverture, le 13 mai à 18h00, Domenico Institut de l’Image Gargale de La Città del Cinema de Turin présentera 04 42 26 81 82 une exposition d‘affiches et de photos sur le Musée www.institut-image.org du Cinéma, et à 20h00 sera projeté Il vento fa il suo giro en présence des réalisateurs Giorgio Diritti et Le 16 mai, les Rencontres Fredo Valla, puis le 19 mai à 18h30 Dopo mezzaCinématographiques d’Aix-en-Provence notte de Davide Ferrario.

proposent, dans le cadre de la Saison Picasso Aix 2009, une programmation de cinq courts métrages autour de la peinture, Toiles et Toiles Ainsi, sur la place Saint-Jean de Malte-Musée Granet, vous pourrez voir : Minotauromaquia de Juan Pablo Etcheverry autour de Picasso, Extracorpus d’Augustin Gimel, Oïo, une ciné peinture de Simon Goulet, Fast Film de Virgil Widrich, composé de 65 000 photogrammes tirés de plus de 300 films, imprimés sur papier, puis pliés pour prendre la forme d’objets, retraçant l’histoire de cinéma ! et Toiles et Toiles, l’enfance de l’art d’Agnès Maury. Rencontres Cinématographiques d’Aix-en-Provence 04 42 27 08 64 www.aix-film-festival.com ANNIE GAVA

Institut Culturel Italien de Marseille 04 91 48 51 94 www.iicmarsiglia.esteri.it Il vento fa il suo giro © Arancia films-imago orbis/2007


AFLAM | ASPAS

CINÉMA

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Souvenirs, souvenirs… Du 20 mars au 5 avril, Migrations et exils,manifestation proposée par AFLAM, a permis au public de Marseille, Portde-Bouc et Gardanne de voir des films, fictions et documentaires autour de cette thématique. Les réalisateurs présents ont parlé de la genèse de leur film et répondu aux questions des spectateurs. Deux d’entre eux ont fait un voyage à travers le passé et l’histoire de la génération de leurs parents, l’un à partir d’un tableau qu’il a toujours vu dans la maison familiale, l’autre à partir d’un livre, coup de cœur, qu’il a décidé d’adapter. Brahim Fritah, à qui l’on doit Chroniques d’un balayeur, La Femme seule et Le train évoque dans son dernier film Le Tableau, la vie de son oncle, ouvrier en France pendant plus de trente ans, à partir de la seule toile qu’il ait peinte, représentant la Cité Portugaise, à El Jadida, un fort dans l’enceinte duquel

il a vécu toute sa jeunesse, avec sa famille. Bourlem Guerdjou, lui, a décidé d’adapter le livre de Brahim Benaïcha, Vivre Au Paradis, ce qui lui permet d’évoquer d’une part les conditions de vie désastreuses de plus de 10 000 travailleurs, essentiellement d’origine algérienne, dans ce bidonville de Nanterre, qui logent dans des logis de tôle, de bois ou de parpaing ; et, d’autre part, de rappeler le massacre du 17 octobre 1961 ordonné par Papon et nié par la police et les médias jusqu’à son arrestation en 1999. La police a violemment réprimé une manifestation appelée par le FLN : plus de 200 tués, des centaines de gens blessés, jetés à la Seine, des milliers d’arrestations. C’est à travers l’histoire de Lakhdar (Roshdy Zem) qui n’a rien d’un héros aux mains propres puisqu’il n’hésite pas à exploiter ses camarades pour essayer de s’en sortir, et de Nora,

Le Tableau de Brahim Fritah

(Fadila Belkabla), sa femme, tout juste arrivée de son oasis natale qui s’émancipe par la solidarité et l’amitié avec une militante, Aïcha (Hiam Abbass), que le réalisateur retrace une période qui n’est pas souvent enseignée dans les livres d’histoire. Deux soirées parmi d’autres qui ont donné aux spectateurs l’occasion de voir un cinéma qui permet de penser le monde… A.G.

Destins, émotion et grâce Les 11e Rencontres du Cinéma Sud Américain ont attribué deux «Colibri d’or» L’un au dernier film du Chilien Andrès Wood, La Buena Vida, qui évoque quatre destins croisés : celui d’un coiffeur «holistique» et de sa mère, celui d’une psychologue et de sa fille de quinze ans enceinte, celui d’un clarinettiste soldat et celui enfin d’une jeune mère à la dérive, dans la grisaille hivernale de Santiago. L’autre film récompensé est Chega de Saudade qui décrit une soirée dans un dancing au Brésil. Sa réalisatrice, Laìs Bodansky, met en scène, avec un regard plein de tendresse et d’humour parfois des cinquantenaires, touchants ou irritants, pleins d’amour ou désespérés, dont les comédiens, hommes et femmes, ont obtenu le prix d’interprétation. Un film rempli d’émotion et de sensualité. Mais le point fort de cette édition a été, sans conteste, la présence de l’Argentin Carlos Sorin, président de ces Rencontres, dont le dernier film, La Ventana, (La Fenêtre), a été présenté en avant-première. Le réalisateur de La Pelicula del Rey, de Bombon el perro, de Historias Minimas a parlé avec beaucoup d’humilité et d’humour de la genèse des ses films, de ses choix cinématographiques, racontant aussi de savoureuses anecdotes de tournage. Son dernier film parle de la vie, de la mort, du cinéma. «J’ai tourné beaucoup de plans ouverts pour que les spectateurs complètent… J’ai voulu que ça se rapproche de la poésie ; plus la narration est ténue, plus le cinéma grandit.» Filmé en six semaines en Patagonie, La Ventana

Chega de saudade de Lais Bodansky

raconte les derniers jours d’Antonio, maître d’une grande hacienda, qui attend le retour de son fils, célèbre musicien. La séquence où le vieil homme s’«évade» de sa chambre de malade pour une escapade dans la prairie remplie de fleurs où il va s’effondrer est superbe, et l’ensemble du film baigne dans une atmosphère de grâce et de poésie. Comme chaque année la programmation d’Atahualpa et Diana Lichy est d’une grande qualité et l’ambiance très conviviale. Seul bémol : les conditions de

projection ne sont pas des meilleures… Souhaitons donc à l’ASPAS, qui organise cette manifestation, de trouver des lieux de projection plus adaptés pour la douzième édition de ces belles Rencontres. ANNIE GAVA


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ARTS VISUELS

GALERIE MOURLOT | TRIANGLE

Un prix qui tombe à pic ! Lauréate du Prix Mourlot 2009, Amélie Bertrand optimise les opportunités offertes par cette récente distinction

Amelie Bertrand, lareate du Prix Mourlot 2009

Fraîchement sortie de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Marseille avec les félicitations du jury, voilà qu’elle reçoit le Prix de peinture Mourlot ! Soit une récompense de 3000 euros

assortie d’une exposition personnelle en 2010 à la galerie Mourlot Jeu de Paume. Amélie Bertrand, vingt-quatre ans, s’avoue «surprise et contente» de cette distinction qu’elle vit comme «un point de départ pour une visibilité plus grande encore» de son travail. Une piste d’envol vers d’autres projets, qui n’ont pas tardé. De retour au Cannet où elle vit, les propositions affluent : participation au prochain Salon d’art contemporain de Montrouge où seuls quatre-vingts artistes ont été sélectionnés, accueil à «Shamalot, résidence d’artiste» pendant un mois. Elle envisage même le départ vers une capitale culturelle étrangère pour poursuivre un post-diplôme… Pour l’heure, elle défend la sélection qui formait un ensemble très cohérent : «J’aimais bien les travaux qui étaient exposés avec moi, ceux de Samuel Aligand, Jérémie Delhome, Balthazar Leys et Alexandra Roussopoulos… Je ne sais pas ce qui a déterminé le choix du jury. J’aimerais bien le savoir…» Sans doute son talent prometteur et sa détermination car, le Bac en poche, Amélie

Bertrand a préféré tenter Luminy plutôt que la Villa Arson toute proche. Après avoir abordé tous les médiums au cours de la première année, elle a choisi l’atelier de peinture par affinité avec les professeurs, le regretté Jean-Louis Delbès et Piotr Klemensiewicz : «Je voulais me concentrer sur une seule pratique, aller à fond dans la peinture car c’est un apprentissage très long.» Sa manière de penser ses peintures comme des installations virtuelles intrigue : «Ce sont surtout des histoires visuelles et formelles entre les éléments. Au départ, je travaille sur Photoshop car je n’aime pas le dessin, les effets de crayon ou de fusain. Puis j’essaye de rendre des surfaces multiples par le jeu des graphismes, des matières, des formes dynamiques et morphologiques.» Mais à y regarder de près, ses paysages et ses intérieurs sont exactement comme elle les voit : des sculptures et des architectures qui créent l’illusion. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Sculpteuses Seize artistes présentent leurs productions sculpturales à la Friche. Les Formes Féminines interrogent la sculpture contemporaine au-delà de son objet. Et c’est troublant Le titre est-il spécieux ? S’il n’est pas question d’évoquer la sculpturalité de la femme ici, il ne s’agit pas non plus de marteler une hypothétique spécificité de la sculpture pratiquée par des femmes qui se différencieraient de leurs homologues masculins. D’ailleurs, et à première vue, il n’y en pas. Cependant à y regarder plus longuement naît un frémissement dubitatif. Prenons cette vidéo de Monica Bonvicini montrant en plan rapproché un avant-bras armé d’une masse frappant un mur. C’est un boulot de maçon (la forme féminine maçonne n’existe pas) et c’est pas folichon à faire (ni à regarder). La vidéo du mur en cours de démolition/sculpture est projetée sur un vrai mur, mais qui bien sûr ne se casse pas. L’écart mur réel/mur figuré, dégradation/intégrité, maçonnerie/sculpture, réel/art, réalité/artifice est évident. Ce qui l’est moins, à y examiner encore patiemment, c’est le décalage entre l’outil assez massif et le membre plutôt frêle qui le tient. On perçoit la fatigue du geste qui s’épuise. Rien d’esthétique n’advient. On comprend aisément qu’il ne s’agit pas d’un clip sur les risques du travail, ni d’une pub pour les matériaux de construction ou bien d’un cours de sculpture, ni d’un documentaire sur une artiste fantasque. Juste la démonstration à minima d’une évidence que la femme est moins forte que l’homme. Cqfd ? Subtilement provocateur et interrogateur, le propos de Dorothée Dupuis se présente bien dans toute son évidence aussi : exposer ce que font des femmes sculpteurs -telles Jenny Holzer ou Jessica Stockholder pour les plus connues. Mais est-ce encore de la sculpture ? Traitant du rapport hommes/femmes, la program-

mation vidéo a été confiée à Damien Airault le seul homme du projet. L’éternel féminin nous attire vers le haut, mercredi 6 mai, 20h30 à Montévidéo. C.L.

Les Formes féminines jusqu’au 16 mai Triangle France Galerie de la Friche de la Belle de Mai 04 95 04 96 11 www.trianglefrance.org

Delphine Coindet, Bluetooth, 2008, piece unique, bois, plexiglas, polystyrene-12 panneaux peints montes sur charnieres, Courtesy Galerie Laurent Godin, Paris Lili Reynaud-Dewar, Les garcons sauvages, 2008, 3 colonnes en bois, tirages photographiques, materiaux mixtes


ST-QUENTIN-LA-POTERIE | GALERIE SAFFIR

ARTS VISUELS

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Poétiques de la céramique Au Musée de la poterie méditerranéenne, vingt artistes dévoilent la diversité de la création céramique actuelle internationale. De multiples propositions singulières à découvrir jusqu’en septembre, en plus des collections permanentes

Une heureuse matinale/Modelage à la main à l’aide des petites plaques de faïence, les engobes, 2008; 18 x 26 x 15 cm; Pièce unique faite à Paris

Il y a belle lurette que les artisans de la terre ont été dégagés, par l’industrialisation du quotidien, de la production d’objets utilitaires. Certains ont su affirmer leur part artistique, et des artistes ont pu intégrer ce matériau traditionnel dans leur démarche. Et chacun l’a définitivement poétisé. Comme dans cette sélection d’une soixantaine de pièces représentant, à l’image des multiples techniques employées, des sources d’inspiration et des propositions esthétiques variées. Kim Myung Joo et Daphné Pauwels se réjouissent de portraits dans un genre de figuration libre, tandis qu’à l’opposé Barangaï, Breyer, Pelletrat, Gonthier s’intéressent aux jeux plus formels et plastiques de l’abstraction. Toutefois leurs œuvres pourraient s’apparenter aux évocations plus organiques de David, De Vissher, Domingo, Martin, Murakami. L’objet flirte avec le design chez Schpilberg, Rivière, Duchamp, Frydman, devient un brin déraisonnable dans les séries de moulages de Fioramonti, ou se structure en délicates archi-

tectures chez Gobat-Bouchat. Tandis qu’une veine surréaliste ou symboliste imprègne les objets poétiques de Brillet, Maeder, Pachon. Les formats restent cependant assez modestes et une majorité des pièces sont présentées dans des vitrines-tours peu commodes qui réduisent l’appréciation esthétique. Pour intéressante qu’elle est cette sélection ne s’aventure pas (encore?) dans un univers plus sculptural, voire dans l’installation (B. Dejonghe, D. Marcel, A. Hoshina…), champs moins soumis à la dimension de l’objet d’art. Une ouverture, en germe dans la démarche de certains créateurs, qui pourrait être l’axe de la troisième édition ? CLAUDE LORIN

La Jeune céramique européenne jusqu’au 27 septembre Musée de la poterie méditerranéenne 04 66 03 65 86 www.musee-poteriemediterranee.com

Sans galerie fixe

Maciek Stepinski, sans titre, 80x80 cm, 2007

Maciek Stepinski, sans titre, 80x80 cm, 2007

Après quelques années d’itinérance, Lydie Marchi a choisi de poser (temporairement) sa galerie nomade à Marseille dans un appartement rue de Lodi. Cet agent d’art a la bougeotte et des idées bien arrêtées ! Importé des États-Unis, le concept de galerie nomade consiste en une structure légère (une adresse administrative, un portefeuille d’artistes dûment sélectionnés, un bon réseau de contacts) fonctionnant principalement sur des projets spécifiques. Donc, à la question «pourquoi Marseille ?» Lydie Marchi répond «j’y suis née, il s’agit d’une partie de mes racines», mais «enfermer une galerie dans une zone territoriale est réducteur et une erreur.» Dans cet esprit, la ligne curatoriale de la Galerie Saffir s’appuie sur la problématique présentation/représentation, plus spécifiquement l’urbanité, et la promotion d’artistes émergents. Au rythme d’«une expo tous les deux mois rue de Lodi et des projets en extérieur, plus des foires (Fountain

Fair à Miami, Bâle) sauf si la crise ne le permet plus !» Après l’expo de Joachim Lapotre à La Bergerie (la Blancarde), Urban Mix rassemble six propositions mettant en jeu la ville. Damien Valero rapproche corps, texture et murs par transparences. Macieck Stepinski condense ses paysages urbains en tirages numériques abstraits, Pascal Martinez note des instants vidéo, Pierre Boderiou rehausse à l’aquarelle les icônes urbaines sur des transferts photo, Ingrid Sinibaldi a créé des sculptures rappelant la signalétique en noir et blanc. Un choix éclectique qui tente l’insertion dans le quotidien d’un appartement partagé loin du white cube. C.L.

Urban Mix Jusqu’au 15 mai Galerie Saffir 06 03 40 76 92 www.saffirgalerie.com


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ARTS VISUELS

ENTRETIEN AVEC GILLES ALTIERI | ST-CYR

Petite collection deviendra grande Inauguré en 1999, l’Hôtel des arts à Toulon fête son 10e anniversaire en exposant une partie de son fonds constitué de 170 œuvres. L’occasion pour son directeur, Gilles Altieri, d’en révéler le sens et l’objectif Zibeline : La constitution de la collection est-elle concomitante avec l’ouverture de l’Hôtel des Arts ? Gilles Altieri : Au départ, Sophie Biass-Fabiani passait des commandes aux artistes, comme à Jacqueline Salmon, Sophie Ristelhueber qui a laissé ses tirages sur affiches. De Claudio Parmiggiani, il reste une œuvre murale… En 2002, j’ai demandé un budget pour les acquisitions qui s’élève en 2009 à 56000 euros. L’intérêt est son caractère départemental, il est important de rayonner sur notre territoire et, pour les artistes, que cela débouche sur l’achat d’une ou plusieurs œuvres. Sur quelle ligne artistique se construit la collection ? Si je dirigeais un Frac, je choisirais des thèmes ou des médiums qui couvriraient un champ assez large avec des typologies particulières. Ici, ce sont ma logique et mes goûts qui président. Mais pas seulement, j’achète en fonction de l’artiste exposé : Cournellis, Viallat, Barré, Silvester… L’idée est partie d’un constat : dans les années 90, il y avait très peu de lieux où les varois avaient accès aux œuvres de grands artistes. À côté des Bouches-duRhône et des Alpes-Maritimes, le Var était le parent pauvre. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas avec Le Moulin à La Valette, la Villa Tamaris à La Seyne ou la Villa Noailles à Hyères. Il y a peu d’artistes de la région… Je ne voudrais pas montrer des artistes de la région pour dire de le faire. Il y a eu Demozay, Plagnol, Éric Bouret, Thupinier, Bernar Venet même s’il vit aussi à New York… Mais je n’ai pas d’ostracisme. Pour les expositions hors les murs, quels types de partenariats mettez-vous en place ? Jusqu’à présent, ce sont des expositions clefs en main car les communes ou les structures ne savent pas qu’on peut leur prêter des œuvres. On les détermine en fonction du Vue des salles © X-D.R

Vue des salles © X-D.R

lieu, de sa configuration, de la sécurité et du prix des œuvres. On essaye d’irriguer le Var en allant de Fréjus à St Cyr sur Mer, en passant par Draguignan. Sa visibilité ne dépasse le Var. Pour quelle raison ? Sa visibilité est réduite parce que l’institution est jeune. Mais je serais content de la faire tourner à l’extérieur. J’envisage de réaliser un catalogue raisonné pour lui donner un plus grand retentissement. On a créé un site Internet sur lequel, justement, figurent toutes les œuvres…

1999/2009, Regard sur la collection du Conseil général du var Hôtel des Arts, Toulon (83) jusqu’au 23 mai www.hdatoulon.fr

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Sotta, une collection buissonnière Sotheby’s et Christie’s n’ont pas encore repéré la collection d’Anne et Henri Sotta, dommage, elle aurait été du plus bel effet sous la coupole du Grand Palais ! C’est que loin des projecteurs médiatiques et des spéculations financières, leur collection s’est progressivement constituée depuis les années 80 au gré des coups de cœur et des rencontres. Leur engouement pour l’art et leur empathie pour les artistes les ont conduits, presque malgré eux, à transformer leur maison d’Allauch en musée vivant, avec plus d’un millier de peintures, œuvres sur papier et sculptures. C’est cela : l’art est une matière vivante qui, du grenier au garage, s’est infiltrée partout, les acquisitions les entraînant successivement de découvertes en nouveaux rivages sans changer de cap : collectionner non pour spéculer, mais par amour de l’art. Si leur compagnonnage (artistique, et bien au-delà…) est longtemps resté dans la sphère privée, ce n’est que récemment, en 2007, qu’Anne et Henri Sotta se sont mués en commissaires d’exposition de leur propre collection. Au Centre d’art Sébastien à Saint-Cyr sur Mer, ils en dévoilent une facette «singulière» avec 66 œuvres de 65 artistes de notoriété internationale et d’autres plus secrets : Combas, Ceccarelli, Alessandri, Crocq, Abate, Pons, Plagnol, Ferrara, Werlé, Verbena, Fermigier… Un ensemble cohérent et des choix artistiques audacieux qui dressent un peu «le portrait» des mécènes, et un engagement authentique car, faisant fi des aléas du marché, des

courants alternatifs et des modes éphémères, leur curiosité ne s’est jamais tarie. Tout autant que leur table est restée ouverte. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Sotta - De la collection aux expositions Centre d’art Saint Sébastien, St Cyr-sur-Mer (83) jusqu’au 26 avril 04 94 26 19 20

Moss, Les Donquichotements votre vol. 1


GALERIE DU CG | BJCEM | PRINTEMPS DE L’ART

ARTS VISUELS

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Elles La photographie est un lieu privilégié de mises en scènes dans l’art contemporain. Si les auteurs masculins sont nombreux (La Chapelle, Wall, Saudeck, Pierre et Gilles…), les femmes ne sont pas en reste (Sherman, Export, Beecroft, Rheims…). Mais aussi Florence Chevallier, qui conçoit depuis ses débuts des autoportraits fictionnels dont certains évoquent des œuvres de l’histoire de l’art présentant des personnages féminins. Et Aurore Valade (voir cidessous) qui réalise des scènes d’intérieur en s’invitant chez d’autres femmes pour remettre en jeu nos projections sociales. Deux approches et deux mises en formes qui interrogent nos représentations et la représentation du féminin. Comme, à Marseille, Les Formes Féminines (voir p 44).

Telle l’hirondelle… l’art contemporain à Marseille fait son printemps !

Aurore Valade, La Beaute, un etat d'esprit, 2007, serie Interieurs avec figures

C.L.

Identités de femmes Florence Chevallier et Aurore Valade jusqu’au 28 juin

Galerie d’art du Conseil général 04 42 93 03 67 www.cg13.fr

En route pour Skopje La nouvelle Biennale des Jeunes Createurs d’Europe et de Méditerranée est sur les rails. Les 27 productions de la sélection française ont été sélectionnés, et seront présentés à Montpellier avant de partir à Skopje en septembre rejoindre les centaines d’œuvres des 34 pays participants… et revenir à Marseille en mars. À Montpellier, pas de spectacle vivant, seuls les arts visuels seront présents : avec 22 productions, ils restent très majoritaires, pour des raisons pratiques. Au niveau des arts visuels donc, on note une très grande variété de matériaux, de techniques, d’esthétiques : si les installations restent très présentes, la vidéo l’emporte sur les technologies numériques, et la photo laisse une belle part à la peinture et au dessin. Cela signe-t-il un retour aux fondamentaux, que défendent CharlesÉric Petit (théâtre) et Christophe

natures mortes avec corps ne renvoient-t-elles pas à une composition picturale certes réexplorée, mais tout à fait historicisée ? La profondeur des questionnements soulevés par les œuvres de ces jeunes artistes est de fait confondante, et détachée des modes. Diverse aussi: Alice Gadrey (Marseille) la trouve dans une installation d’arbre rouge segmenté, Marjorie Brunet (Aix) dans un autoportrait aquatique, Julien Raynaud (Toulon) dans des disparitions photographiques à Dakar… Des œuvres qui interrogent, et laissent augurer d’un bel avenir.

Marseille compte un bon nombre de lieux d’art contemporain, qui contribuent à la réputation de la ville, mais souvent en ordres dispersés. En 2007, une vingtaine ont décidé de se regrouper en une structure commune afin de mutualiser les moyens tout en préservant leur indispensable indépendance. Marseilleexpos édite, entre autres, l’indispensable agenda dépliant bimensuel du même nom, avec calendrier des expositions, dates des vernissages et se trouve à l’initiative d’évènements comme ce Printemps premier du genre. Escomptant le succès des Nuits Blanches parisiennes, Un Printemps en septembre toulousain ou plus proche de nous le Parcours de l’art en Avignon, l’édition 2009 préfigure un projet à plus long terme dans le cadre et au-delà du symbolique 2013. Pour l’heure le public est convié sur trois jours consécutifs les 14, 15 et 16 mai à visiter les 21 espaces en suivant les quartiers de la ville : Panier/Vieux Port, La Plaine, Longchamp/Friche de la Belle de Mai, ce qui imposerait des facilités de transports urbains comme un pass couplé au billet de tram, mais ce n’est pas encore prévu. Et n’oubliez pas d’enchaîner le samedi soir avec la Nuit des musées. L’évènement printanier annonce-til un renouveau ? C.L.

AGNÈS FRESCHEL Alice Gadrey, Montee Celeste

Garcia (danse) ? Aurore Valade, photographe sélectionnée, présente également à Aix (voir ci-dessus), s’en défend, parlant de mises en scène, d’espace intime… Mais ses

Sélection française de la BJCEM du 17 avril au 31 mai Carré Sainte Anne, Montpellier 04 67 60 82 42 www.montpellier.fr

Printemps de l’art contemporain à Marseille 14, 15, 16 mai www.marseilleexpos.com

Julien Raynaud, Dakar


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ARTS VISUELS

AU PROGRAMME Plastic Julien : la revue Dock(s), la Chute/Chut des escaliers de la gare Saint-Charles, V.A.C. à Ventabren, Poésure et Pintrie, l’ancien adjoint à la culture sous Vigouroux… Julien Blaine himself ! En vue d’une attendue forme rétrospective en perspective pour l’agité/agitateur assagi. Il s’agira surtout de la part plastique de son œuvre mais l’homme à la tête d’âne sera là en chaire et on ose tous les après-midi pour réactivations. C.L. Blaine au [mac] : un Tri du 07 mai au 20 septembre [mac] musée d’art contemporain de Marseille 04 91 25 01 07 www.mairie-marseille.fr

Hommage a Giordano Bruno, 2005, photographie Fabrizio Garghetti

Miam-miam-art : Qu’on se rappelle la cuisine futuriste ou le Eat-art, nombre d’artistes se sont selon diverses recettes emparés du domaine gourmand. Claude Cabri déroulera Tutti Frutti ou revêtement pour un sol de cuisine alors que Les Pratiquants, installation d’Éric Bouchet, incitera le visiteur à passer de la table à l’alcôve, en sus des dessins et peintures. C.L.

Opéra Bouffe II du 25 avril au 23 mai Artmandat, Barjols 04 94 77 12 03 www.artmandat.com

Eric Bouchet, Les pratiquants, serie de 6 dessins a la gouache et encre sur papier, 30cm x 30cm, 2007

Ni illustration, ni narration, le travail photographique de Pascal Grimaud est «un état des lieux émotionnel» : quand il voyage, ici dans les îles et les terres africaines, il apprend «à voir et à vivre». Au même moment, il publie aux éditions Trans Photographic Press un ouvrage photographique accompagné d’un texte de Jean-Luc Raharimanana, avec lequel il avait déjà signé chez Images en manœuvres Le Bateau ivre. M.G.-G. Maiden Africa (2005/2008) Photographies de Pascal Grimaud Jusqu’au 31 mai Galerie Annie Lagier, L’Isle-sur-la-Sorgue 04 90 20 76 52 Photographies de Pascal Grimaud

Ils sont là ! «Johannes De Eyck fuit hic.1434» : l’inscription signe la présence du peintre dans son tableau célèbre des époux Arnolfini. Quelques siècles plus tard, il s’agit de dessins signés des plasticiens Yifat Gat et Didier Petit. De plus, vous pourrez les rencontrer hic et nunc le mardi 19 mai 2009 à 18 heures, in situ. C.L. Fuit Hic Traces du dessin Médiathèque intercommunale, Miramas jusqu’au 23 mai www.ouestprovence.fr

Yifat Gat, Edifice publique, graphite imprime inverse, 40x40cm (miramas)


49 Anna Mouglalis, actrice, 2003. Photographie de Gerard Rondeau

Comment la photographie peut-elle figurer ce paradoxe de rendre si proche la représentation d’un autre, d’inconnus, ou au contraire de personnalités reconnues (en l’occurrence de l’art et de la culture) ? Comptons près de vingt ans depuis que Gérard Rondeau tire des portraits, en noir et blanc, élémentaires, essentiels. Une forme pour concrétiser la figure de l’autre. Rien de plus. Rien de trop. C.L.

Frank Lestard, Sans titre, 180x148 cm, 2009 (aquarelle et encre de chine surpapier)

Chroniques d’un portraitiste Gérard Rondeau jusqu’au 27 juin Théâtre de la Passerelle, Gap 04 92 52 52 58

Dessins sans réserve ! Loin de surfer sur la vague en vogue du dessin contemporain, Michel Barjol aime depuis toujours ce médium qu’il pratique lui-même. Dans sa galerie au pied du Ventoux, il expose régulièrement et avec rigueur les différentes tendances du graphisme actuel. Si les techniques restent pour une part traditionnelles, les propositions sont le plus souvent très singulières pour en renouveler le genre. C.L. Frank Lestard Vanité, dessins et sculptures Yves Robuschi La Réserve, dessins jusqu’au 23 mai Galerie Martagon, Malaucène 04 90 65 28 05 www.galeriemartagon.com

Réartssort ! Comme avec le printemps la nature refleurit, l’accrochage de sa collection le Carré d’Art renouvelle. Œuvres rarement montrées, nouveaux dépôts, achats récents sont agencés suivant deux questionnements : le retentissement social de l’œuvre et le récit personnel, avec Monory, Polke, Walid Raad, Messager, Penone, Calle, Moulène, Combas, Serrano, Boltanski et… bien d’autres amis. Comme dans un musée d’art contemporain quoi ! C.L. Accrochage 2009 Carré d’Art, Nîmes 04 66 76 35 70 http://carreartmusee.nimes.fr The Gana Art Center, Seoul 2008

Robert Combas, Tokyo Joe, 1981, acrylique sur toile, 200 x 180 cm, acquis en 1985 © ADAGP, Paris 2009. (nimes)

Plus que quelques petits jours pour découvrir les installations, objets et dessins de Gregory Maass & Nayoungim dont on avait pu voir quelques oeuvres à la Friche Belle de Mai en 2007 (The Mad Doctor). Leur credo ? Mélanger design, dessin et matériaux de récupération pour prendre «le contre-pied de la formule La loi du plus fort». Politiquement incorrects, leurs travaux revisitent Snoopy, le minimal art ou l’art conceptuel… M.G.-G. Survival of the Shitest Gregory Maass & Nayoungim Jusqu’au 22 avril, 3bisf, Aix 04 42 16 17 75 www.3bisf.org


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LIVRES

MANIFESTATIONS

Y’a d’la fiction dans l’air

la misère et l’horreur, les écrivains doivent lutter et… continuer à écrire. «Il faut garder un œil sur l’Amérique latine !» et jeter l’autre sur sa littérature… Ce qu’on a fait en écoutant David Toscana parler d’El ultimo lector. Ce roman, qui met en scène un bibliothécaire très spécial, est un livre sur les livres, une enquête policière doublée d’une quête littéraire, dans la lignée de Cervantes, Borges et Cortazar. Ceux-ci ont d’ailleurs souvent été cités par les invités, qui se réclament volontiers de leur façon de jouer avec le lecteur, ce qu’on a pu vérifier pendant la passionnante rencontre Contes et microcontes de Cortazar à Valenzuela. Une filiation qui ne saurait faire oublier que, loin du seul réalisme magique, la littérature latino américaine est d’une variété inouïe. Les nombreuses lectures (bravo à Raphaël France-Kullmann) ont donné aux spectateurs nombreux l’envie de mieux la connaître.

Christian Bruel est un homme passionnant. Invité par l’association Ville lecture dans le cadre de la manifestation Lire et Grandir, l’éditeur, directeur des éditions Être, évoquait, le 27 mars, Les albums importants du demi-siècle écoulé. Passionnant quand il entreprit l’historique rapide des dates marquantes où l’on vit le statut de l’enfant lentement évoluer : un avant et un après 1848, avec une emprise religieuse moins prégnante sur les contenus ; 1968, qui ne fut pas un déclencheur idéologique dans ce domaine (la part des albums passant même de 14% dans les 60’ à 7% début 70’), seuls les progrès techniques (reliure et photogravure) permettant aux livres de devenir des œuvres ; les années 74/75 et la nuée de petites maisons qui voulurent donner du sens ; les années 80 et 90 durant lesquelles les catalogues se mélangèrent, avec des auteurs qui, depuis, circulent de maisons en maisons… Passionnant toujours lorsqu’il se mit à détailler les albums, mêlant les mots aux images, manipulant les uns pour en expliquer les multiples facettes, décortiquant les autres en faisant apparaître des sens sous-jacents, délivrant des niveaux de lecture insoupçonnés… Passionnant enfin parce que prenant toujours le parti de la découverte et de du culot (le catalogue des éditions Être en atteste !), n’hésitant à dire qu’un enfant se forme aussi par la lecture de «mauvais» albums si l’adulte prend le temps de lui expliquer pourquoi, sans oublier «de les renseigner aussi sur les projets que certains ont pour eux», dénonçant tiédeur et affadissement de certaines publications. La liste est longue, mais voici quelques titres «incontournables» : Max et les maximonstres de Maurice Sendak, Ecole des Loisirs ; Remue-ménage chez madame K de Wolf Erlbruch, Milan jeunesse ; Petit bleu et petit jaune de Léo Lionni, Ecole des Loisirs ; L’île du droit à la caresse de Daniel Mermet et ill. de Henri Galeron, éditions du Panama…

ANNIE GAVA ET FRED ROBERT

DO.M

David Toscana © R. Gaillarde

Malgré la défection de Sepulveda, les Journées du livre latino-américain à Marseille se sont déroulées «sous le double signe du plaisir et de la réflexion». Le festival CoLibriS a débuté sous les auspices militants et festifs de la grande journée d’action du 19 mars. Banderoles, fanfares et slogans ont accueilli les écrivains sud américains à leur descente du train. Et il régnait encore, lors des premières rencontres, une ambiance d’après manif ! Un cadre parfait pour certains échanges, tels ces regards d’écrivains sur la situation en Amérique latine. Luisa Valenzuela a évoqué la situation politique et économique en Argentine, son pays, mais aussi au Mexique et en Colombie. Alberto Ruy-Sanchez a insisté sur la nécessité d’un positionnement critique des écrivains. Pour Sergio Gonzalez-Rodriguez, Mario Bellatin et Paco Ignacio Taibo II, «l’optimiste pathologique qui souffre moins que le pessimiste», l’idée même d’Amérique latine peut créer une réalité. Il faut croire à la puissance de la parole écrite et, face à la faillite de l’information médiatique, des sciences sociales, de l’économie, «science aussi inexacte que la loterie», la littérature resterait le seul espace de la pensée utopique. Face à l’oppression,

Le festival CoLibriS s’est déroulé du 19 au 21 mars à Marseille.

Lire et Grandir s’est déroulée du 24 au 28 mars sur le territoire de Ouest Provence Christian Bruel © X-D.R

Littérature de la crise 2 avril. Le théâtre de La Criée s’est associé avec Libraires à Marseille pour ce Jeudi du Comptoir intitulé Tension du monde et mécanique du langage. Sont invités deux écrivains qui ont connu la réalité de l’intérim et des petits boulots douteux. Rémi De Vos est venu voir la représentation de la première de ses 15 pièces, Débrayage (1995). Yves Pagès, essayiste et romancier, parlera, lui, de ses Petites natures mortes au travail, paru en 2000 (voir p 53). Les deux invités se révèlent très différents, Pagès disert, à l’aise, De Vos plus réservé. Pourtant, l’analogie entre les textes ne fait aucun doute. Préoccupés du monde du travail les auteurs ont la volonté de dire sa discontinuité, de mettre en évidence la notion d’«intermittence» du travail aujourd’hui. D’où le choix de tableaux courts ou brefs récits, sortes d’instantanés souvent absurdes, souvent drôles aussi, quoiqu’assez terrifiants, de la vie professionnelle. Pour le dramaturge, il s’agit d’«avancer

Albumissimes

caché» grâce à la diversité des points de vue. Quant au romancier, les formes brèves lui offrent l’occasion de «se disperser dans une multitude de je éphémères». De faire, par la lecture en séries, émerger un nous. Dans les deux cas, c’est le monde d’aujourd’hui qui est mis en question. Et l’on ne peut, en 2009, que saluer l’acuité de la pièce de De Vos, qui a précédé une actualité devenue brûlante, ce qui explique sans doute son succès (voir p 9). FRED ROBERT

Débrayage, suivi de Beyrouth Hôtel Rémi De Vos éd. Actes Sud Papiers ; 15 euros. Petites natures mortes au travail éd Folio Le Soi-Disant ; éd. Verticales 18,90 euros Yves Pagès


Bulles en Bouches (du Rhône)

Le printemps est propice au 9e art dans ce département ! Plusieurs manifestations tendent des passerelles entre ce genre dit mineur et des formes plus reconnues. Enfin la BD dans la cour des grands ? Aix la lyrique, la distinguée, semble le penser puisqu’elle accueille pour tout un mois la sixième édition des Rencontres du 9e art. Ce Festival de la Bande dessinée et autres arts associés n’organise pas moins de 13 expositions, ainsi que des concerts, événements et rencontres, afin de montrer la vitalité de ce genre aujourd’hui au centre d’un processus de création original et éclectique. Un grand festival qui reçoit les plus illustres «auteurs» de BD, mais aussi les nouveaux venus qui commencent à se faire une plume, les gens d’Angoulême également, puisque Benoît Mouchard, directeur artistique de ce grand Salon, en est un des animateurs. Pendant le temps fort des 4 et 5 avril, la Cité du Livre s’est transformée en véritable ruche ! Malgré la douceur printanière, le public, styles et générations confondus, se pressait dès le matin pour faire dédicacer les albums. Certains musardaient dans les expositions, admiraient le cabinet de curiosités imaginé par Guillaume Bianco, le créateur déjanté de Billy Brouillard ou scrutaient les planches futuristes de Mézières. D’autres l’écoutaient évoquer avec Pierre Christin la création en 1967 de leur mythique série des Valérian. Plus tard, c’est dans un auditorium plein que le «trio balkanique», Enki Bilal, Angelin Preljocaj et Goran Vejvoda, est venu parler du ballet qui l’a réuni en 1990, Roméo et Juliette. Et le soir au Pavillon Noir une autre création de Preljocaj, ses Quatre saisons très BD, scénographiées par Fabrice Hyber, portait ailleurs encore le mélange (voir page 19)… Ce va-et-vient fécond entre les disciplines s’épanche dans toute la ville. Partout, le 9e art est à l’honneur ; ici dans une brasserie, là dans une galerie. Même le Muséum

d’Histoire Naturelle offre une salle à la dernière œuvre du créateur de Rank Xerox, Tanino Liberatore : Lucy, l’espoir, à voir absolument. Car les expositions durent jusqu’au 25 avril au moins : il serait dommage de ne pas aller prendre un bulle d’air du côté d’Aix ce mois-ci.

Buller sur la colline À Marseille aussi vous pourrez goûter aux joies des bulles pendant un week-end, les 18 et 19 avril. Le parrain de cette édition est le dessinateur toulousain Serge Carrère, créateur avec Arleston de la série des Léo Loden, très prisée du jeune public ; ce «privé à Marseille» a déjà 18 aventures à son actif. Pourquoi ne pas faire un tour en famille à Luminy où se tiendra la 11e édition Des Calanques et des Bulles ? Le festival marseillais, organisé comme chaque année par les étudiants du Bureau des Arts d’Euromed Management, reste gratuit, afin de permettre à tous de venir rencontrer leurs auteurs favoris. Une quarantaine seront présents et de nombreuses animations seront proposées durant tout le week-end. FRED ROBERT

Rencontres du 9e art Expositions jusqu’au 25 avril Aix (divers lieux) www.bd-aix.com Des calanques et des bulles Les 18 et 19 avril Euromed, Luminy 04 91 82 77 39 www.descalanquesetdesbulles.com

Lucy, l'espoir de Tanino Liberatore


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LIVRES

AUBAGNE | CASSIS | AGGLOPOLE SALON

Lisons et écrivons ensemble ! Cette année à nouveau il sera question de partir à la rencontre de la Méditerranée : après Femmes en Méditerranée l’année dernière, l’Agglopole Provence, organisatrice de la manifestation Lire Ensemble, propose Femmes et Méditerranée, une thématique qui élargit le territoire d’investigation de ces propositions multiples, basées, comme il se doit, sur l’écrit. Car c’est bien là l’intérêt majeur de cette manifestation qui fédère les énergies autour du livre, et des multiples lectures possibles, y compris lorsque cela passe par des pièces de théâtre, des lectures de contes, des ateliers d’écriture ou des conférences… Ce sont donc 17 communes, en partenariat avec les bibliothèques du territoire, qui vont accueillir une cinquantaine d’évènements, l’inauguration ayant lieu à Salon avec la pièce et avec de Caroline Grimm, Moi, Olympe de Gouges, sur cette formidable figure de la Révolution Française, qui oublia vite les Citoyennes (le 15 mai au Théâtre Armand). Puis s’égayeront sur tout le territoire les auteurs et comédiens que l’on retrouvera lors des lectures de contes, des ateliers (écriture avec Dominique Sigaud, calligraphie arabe avec les associations Nejma et Baraka), des rencontres-dédicaces (avec Christine Détrez, Behja Traversac et Dominique Sigaud)… Le programme prévoit aussi des conférences : Femmes de

méditerranée et la ville autour du livre Alger ou l’impossible portrait de Catherine Rossi et de ses aquarelles (le 16 mai à Salon) ; De l’ogresse dans la littérature enfantine avec la conteuse Praline Gay-Para (le 29 mai à Salon). Enfin, la manifestation s’ouvre à l’écriture active par le biais de deux concours de nouvelles, dont la date finale d’envoi est le 1er mai : l’un est ouvert aux collégiens et lycéens sur le thème Ma mère, femme de Méditerranée, dont le parrain est le chanteur Magyd Cherfi (une journée de rencontre est prévue le 20 mai à Salon au Portail Coucou), l’autre aux femmes n’ayant jamais publié, organisé par le Forum Femmes Méditerranée, sur le thème de La rue. Le 26 mai, à Salon, aura lieu la présentation des lauréates ainsi que des meilleures nouvelles (qui seront publiées dans un recueil), suivie d’une conférence sur le thème Femmes, écritures et engagements avec Esther Fouchier, Fadéla M’rabet, Jacqueline Aid et Michèle Juan Cortada. DOMINIQUE MARÇON

Lire Ensemble Du 15 au 30 mai 04 90 44 85 85 www.agglopole-provence.org

Sans condescendance

Rose ou noire, la littérature populaire a-t-elle «mauvais genre» ?

Quelle place accorder à la littérature populaire dans les bibliothèques ? Une journée d’échanges organisée par la Médiathèque d’Aubagne a réuni spécialistes universitaires, éditeurs, professionnels et l’écrivaine Régine Desforges pour en débattre. Robert Bonaccorsi a évoqué les débuts des genres populaires tels qu’on les connaît aujourd’hui, nés dès 1836 avec les romans-feuilletons de Balzac, Eugène Sue et Dumas. Genres qui ont évolué avec une société de plus en plus urbaine et moralisante, et ont produit des héros transgressifs, comme Rocambole, Fantomas et Arsène Lupin. Puis on sort de Paris... Ana Rossi, brésilienne, présente les «cordels», petits feuillets décorés artisanalement et vendus sur les marchés du Nordeste, dont les textes en vers racontent de grands mythes traditionnels et moralistes. Hadj Miliani, algérien, évoque le goût du peuple pour les histoires des Mille et une nuits, puis l’émergence d’une littérature arabisante, soulignant l’importance de la production littéraire de Yasmina Khadra. Boniface Mongo, congolais, parle avec humour de la littérature rose en Afrique noire avec les éditions Adoras (!), créées en 1990 pour répondre au besoin des populations d’accéder à une littérature sentimentale non-européenne.

Pour conclure, Loïc Artiaga, de l’Université de Limoges, propose de s’interroger sur la qualité des productions étiquetées «populaires». Doivent-elles être conservées, transmises par les bibliothécaires ? Lire relève avant tout du plaisir. N’estce pas à cette expérience-là que tout professionnel du livre doit faire accéder les non-lecteurs, fût-ce à travers la conservation et la promotion des «mauvais genres» ? CHRIS BOURGUE

Le roman populaire (1836-1960) Loïc Artiaga-éd. Autrement Saga de La bicyclette bleue (10 volumes parus de 1981 à 2007) Régine Déforges

Auteurs en famille Le 21e Printemps du livre de Cassis s’apprête à investir à nouveau le superbe site de la Fondation Camargo, ouvert sur le Cap Canaille en face, avec une thématique explorant Les romans de famille. Toujours élaborée par Antoine Spire et Serge Koster, qui sont aussi les animateurs des rencontres, la programmation alterne les rendez-vous avec les auteurs invités, les temps musicaux –jazz avec Le Trio Tenderly et le duo Jazz Bossa, concert BachVivaldi à l’Eglise Saint-Michel de Cassis avec l’Orchestre de l’Opéra Toulon Méditerranée (le 25 avril à 21h)-, un hommage à Bertrand Tavernier (projections de Dans la brume électrique, Holy Lola et Un dimanche à la campagne au cinéma de Cassis) et le fameux dîner littéraire à l’Hôtel des Roches Blanches (le 2 mai) durant lequel Marie-Christine Barrault lira des textes des écrivains invités. Ces derniers se partageront les après-midi durant les deux week-ends, lors de rencontres liées au thème général: seront notamment présents

Darina al-Joundi (Le jour où Nina Simone a cessé de chanter, Actes Sud) et Serge Filippini (Les Deux testaments, Phébus) pour Famille et religions, Alain Gerber (Balades en jazz, Folio) pour Familles musicales, Dominique Fernandez (Une histoire de famille, Grasset), Christian Baudelot (Une promenade de santé, Stock) pour Quand un sociologue se penche sur sa famille, Catherine Cusset (Un brillant avenir, Gallimard) pour Les compromis de famille ou encore Virginie Linhart (Le jour où mon père s’est tu, Seuil) et Philippe Val (Reviens, Voltaire, ils sont devenus fous, Grasset) pour Familles politiques. Enfin, lors de l’inauguration (le 25 avril à 11h30) sera remis le Prix du Printemps du Livre sous la présidence de Patrick Poivre d’Arvor. DO.M.

Le Printemps du Livre de Cassis Du 25 avril au 3 mai Centre culturel 04 42 01 77 73


LITTÉRATURE

LIVRES

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Itinéraire d’un fessologue Le dernier opus d’Alain Mabanckou aurait pu s’intituler journal d’un cocu, comme le suggère aimablement un de ses copains de bar au narrateur. Car c’est l’histoire d’un «sapeur» -à noter que dans le milieu des Africains de Paris, SAPE signifie Société des Ambianceurs et des Personnes Elégantes- que sa femme vient juste de quitter et qui, dans sa déprime post-rupture, se met à écrire «comme [il] vi[t]», passant «du coq à l’âne et de l’âne au coq». Dans le bazar de son existence, entre les hasards de ses rencontres, de ses conversations au zinc et le fatras des souvenirs qui remontent en vrac, se tisse un récit plein d’échos, à la langue bien pendue, comme celle des nombreux personnages aux surnoms savoureux. Ainsi le narrateur est appelé «fessologue» en raison de sa grande compétence en analyse des postérieurs féminins (les faces B, comme il les nomme) ; sa

compagne, c’est Couleur d’origine, le type avec qui elle est partie, l’Hybride, ainsi appelé car «on dirait un primate qui aurait raté de justesse sa mutation vers l’espèce humaine» ; on croise aussi au fil des pages Paul du Grand Congo, notre Arabe du coin, Monsieur Hippocrate… Tous discourent, s’engueulent comme en direct sous les yeux du lecteur. D’où sans doute le titre de Black Bazar, qui va comme un gant aux aléas du personnage jusqu’à sa renaissance en écrivain. Car cette histoire, c’est tout sauf le récit banal d’une rupture ; c’est la démonstration des pouvoirs de sublimation de l’écriture et de l’importance cruciale de la langue. Celle de Mabanckou est à l’image de ses personnages : vivante, orale, elle charrie dans ses périodes le vécu des Blacks de Paname, avec une verdeur réjouissante. FRED ROBERT

Black Bazar Alain Mabanckou Seuil, 18 euros

A lire également: Mémoires de Porc-épic (Prix Renaudot 2006) Alain Mabanckou était l’un des 2 invités d’Ecrivains en dialogue en mars aux ABD

Il était une fois l’aliénation C’est le titre d’un des 23 récits qui composent les Petites natures mortes au travail d’Yves Pagès. Tout un programme ! Paru en 2000, ce recueil de textes brefs, excédant rarement les deux pages, prend avec la crise une dimension toute particulière. Il se lit ou se relit avec un regard nouveau, comme une série d’instantanés de la précarité et de l’intermittence, signes des temps sous lesquels se place aujourd’hui, pour beaucoup, la relation au monde professionnel. En guise de prologue, Pagès offre, sous le titre emblématique de Pseudo, la liste non exhaustive de tout un tas de petits boulots, «petits rats d’opérette en retraite anticipée», «effaceurs d’encre murale», «pions d’échec scolaire» «épouvantails pour oiseaux de nuit» et autres «licenciés en sociologie du licenciement» ; petits jobs alimentaires humoristiquement dénommés, qui existent vraiment et dont certains des textes suivants sont l’écho.

Les titres des chapitres, drôles aussi, «Harcèlement textuel», «La débauchée», «Police de caractères», révèlent une réalité qui l’est moins et que les textes mettent en évidence avec une acuité remarquable. On croise ainsi au fil des pages des vigiles de banque ou de grande surface, un Pluto de parc d’attraction, une sondeuse qui trafique ses panels… tous décrits avec un humour qui, loin d’être cynique, marque plutôt la compassion de l’auteur pour ceux que la vie contraint à ces boulots minables, faute d’un véritable emploi, dans lequel ils pourraient trouver dignité et épanouissement. Car, comme De Vos ou Putain d’Usine, ce que montre ici Pagès, c’est la déréliction d’un monde où «les camelots du moi», qui mendient dans le métro en racontant leur vie, rappellent aux usagers «un rite qu’ils ont eux-mêmes pratiqué. […] (celui) des entretiens d’embauche». On vit une époque formidable ! FRED ROBERT

Petites natures mortes au travail Yves Pagès éd. Verticales, 12,96 euros (réédité en Folio)

Mexique en courts Si l’on veut se faire une petite idée de la richesse de la littérature mexicaine, on peut avec profit lire le recueil de 32 nouvelles que Métailié édite dans sa collection désormais fameuse, Suites. Après le Brésil, Cuba et l’Algérie, entre autres, voici donc Des nouvelles du Mexique. On y retrouvera les auteurs consacrés rencontrés lors des Journées du livre latino américain, David Toscana, Paco Ignacio TaiboII, Alberto Ruy Sanchez, et d’autres moins connus, dont certains non traduits jusque-là en français. Ces récits, sélectionnés et présentés par François Gaudry, se veulent «le kaléidoscope d’un gai savoir romanesque», «une fenêtre ouverte» sur une littérature qui, de Lawrence à Breton en passant par Artaud, a toujours fasciné les Européens. La création des 30 dernières années est ici mise à l’honneur, selon un ordre chronologique : du plus âgé des auteurs, né en 1928, aux plus jeunes, nés en 1972.

C’est donc le Mexique contemporain qui s’offre au lecteur, un Mexique en proie au doute, aux espoirs déçus et à la violence urbaine, peuplé de personnages souvent désemparés, que les auteurs saisissent avec une crudité non dénuée d’humour. La misère et la mort sont omniprésentes, les «amours chiennes» et l’ivrognerie y ont souvent leur place, mais aussi la nostalgie et les souvenirs d’enfance, et le fantastique, dans la lignée du réalisme magique. Il serait vain de vouloir résumer le volume. Toutefois les récits de la fin, ceux des écrivains du mouvement dit du crack, frappent par une violence et une poésie très maîtrisées, en particulier Outrage d’Alvaro Enrigue, ironique épopée d’un camion à ordures qui prend la mer. À lire aussi l’émouvant Le colosse et la lune de Socorro Venegas, jeune nouvelliste souvent récompensée dans son pays. FRED ROBERT

Des nouvelles du Mexique éd. Métailié, Suites, 13 euros


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LIVRES

ARTS

Impossible lyrisme Le nouveau livre de François Bégaudeau, Vers la douceur, se désarticule en un kaléidoscope de courts chapitres dans lesquels errent Jules, journaliste sportif, et les personnages, presque tous trentenaires, qui croisent plus ou moins longtemps sa vie ; «sentimentale» serait excessif, il s’agit plutôt d’arrangements, d’expériences, d’appariements vagues qui se délitent. Les protagonistes se heurtent à l’impossibilité de se définir, en tant que personnes, se trouvent réduits à une quête de soi dans une errance qui passerait par l’autre, mais où les fiascos s’accumulent ; les répétitions de gags, les malentendus, tissent une toile multiple et drôle, qui se construit comme un puzzle où le temps s’émiette. Le bonheur s’avère impossible, il faut en fait se trouver hors du monde pour l’atteindre et porter

l’incroyable surnom de Flup ! La démarche du médiatique écrivain est originale, prend même parfois des accents à la Duras ! Mais on se situe peut-être aux limites des possibilités du roman: rechercher absolument la déstructuration du temps, la dislocation de la vie des personnages, pour démontrer les limites de la vie contemporaine, ses vanités, nuit sans doute à l’analyse. La simplicité voulue, crue parfois, du langage, reste ainsi dans cette superficialité inhérente à un monde qui s’interdit lyrisme et profondeur. Ce roman nous laisse sur notre faim. Le beau thème des tribulations d’une génération désabusée aurait mérité un dépassement des clichés formels.

Vers la Douceur François Begaudeau Ed. Gallimard, Verticales, 16,90 euros

MARYVONNE COLOMBANI

À l’intérieur des lacs «Quelque chose d’inconnu saisit Wanglin, une sensation d’immensité qu’il n’avait jamais éprouvée auparavant, dont il lui sembla qu’elle ne concernait pas uniquement l’étendue horizontale du lac, mais avait aussi à voir avec la profondeur, et le temps. Un vertige le saisit.» Le Baïkal, le plus limpide des lacs, mais dont la profondeur ouvre sur des abîmes insondables, est un miroir du dernier roman de Christian Garcin. Le français Rosario Traunberg est sur la piste d’Eugenio Tramonti, lui-même en quête d’un ami russe, l’un et l’autre mystérieusement disparus. À partir de cette trame apparemment simple et linéaire, la construction narrative, polyphonique et virtuose, fait proliférer intrigues et personnages au gré de bifurcations et de coïncidences concertées, redistribuant les rôles d’un chapitre à l’autre, démultipliant joyeusement les virtualités de la fiction romanesque. Si l’itinéraire géographique suivi par les héros parcourt des étendues de plus en plus vastes, de la France à Pékin, du lac Baïkal à la Mongolie septentrionale, le récit progresse en fait par cercles concentriques, en se resserrant vers un épicentre, la yourte d’une famille

nomade où vivent une mère radieuse, une chamane loufoque et obèse, un morveux facétieux qui en est le disciple, et où se cache le mystère d’un enfant à naître. Commence alors un voyage immobile d’une tout autre nature : dons d’ubiquité de cette saugrenue, interférences oniriques et communications télépathiques entre deux adolescents, cycles des morts et des naissances où se devinent des configurations généalogiques variables, échos de la mémoire orale des récits légendaires... Autant de voyages intérieurs, d’expériences singulières du temps et de l’espace: le rêve, l’écriture ou le transport mystique estompent la ligne de partage entre ce qui est et ce qui n’est pas, le récit propose des incursions dans l’«autre monde» -non pas le domaine éculé du surnaturel, plutôt celui des possibles et des équivoques, à la fragile, la féconde, la fascinante inconsistance. C’est sans doute pour cette raison que Shamlayan, l’apprenti chaman et Wanglin, l’apprenti écrivain, découvrent en même temps, et l’un par l’autre, leurs vocations respectives : chacun à leur manière, ils s’exercent aux pouvoirs troublants et ironiques des vérités sans fondement et des nécessités

arbitraires de la fiction. À chacun de s’abandonner à cette expérience de lecture, à la fois grave et drolatique, en plongeant à son tour dans ce très beau livre, vertigineux, clair et sans fond comme le Baïkal. AUDE FANLO

La Piste Mongole Christian Garcin Verdier, 2008, 18 euros

Chronique marseillaise 1950 : Marseille n’a pas encore cicatrisé les dégâts de la guerre. Benito Pelegrín, sa mère et ses deux sœurs s’installent à Saint-Louis aux côtés d’autres immigrés: Italiens, Russes blancs, Arméniens, Espagnols. Il laisse à Barcelone le souvenir de son père anarchiste décédé à 31 ans. C’est à Marseille, «porte de l’Orient», qu’il «est devenu quelqu’un.» Et pas n’importe qui ! Professeur émérite des universités, écrivain, traducteur, dramaturge, poète et musicologue, il est occasionnellement journaliste pour Le Ravi. De ses chroniques, il a fait «une modeste fresque, émue et amusée» d’un Marseille oublié, où l’humour le dispute à la tendresse. Son Marseille quart Nord regorge de détails topographiques, de souvenirs d’une incroyable précision (les marques publicitaires, le prix des choses), de personnages fictifs, réels et historiques pas piqués des vers !

Pour se repérer dans ce témoignage au verbe haut et aux formules fleuries, il suffit de se laisser couler dans le flot de l’action, les dialogues vifs et imaginer le reste: les odeurs, les couleurs, les bruits… Tout y est : les familles, les engagements politiques (car le recueil est aussi un témoignage historique de premier plan sur l’Europe d’après-guerre), les langues malaxées, les petits métiers. Benito Pelegrín donne à son récit de vies croisées une chaleur humaine qui semble endémique. Chaque tableau est cruel et drôle, comme la scène des noces sanglantes qui vaut son pesant d’or… Structuré autour des lieux, des noms, des gens et des idées, Marseille quart Nord aurait fait un merveilleux scénario pour Fellini, et le Catalan espagnol devenu marseillais d’adoption, un héros magnifique. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Marseille quart Nord Benito Pelegrín éd.Sulliver, 19 euros


ESSAIS

LIVRES

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Écorces abstraites Amoureux des arbres et de la peinture, unissez-vous et vibrez ensemble au fil des pages du livre de Cédric Pollet. Vous serez éblouis par les formes et les couleurs que prennent les écorces au fil des saisons et des années, étonnés de découvrir des espèces rares répandues sur les cinq continents. 15 000 clichés en 10 ans, plus de 450 espèces d’arbres photographiés pour la plupart dans leur élément naturel avec leur frondaison. Chaque fois l’objectif s’est approché, révélant le détail des écorces avec leur épaisseur, leur rugosité ou leur patine. Et leurs couleurs ! Ingénieur en agriculture, orienté vers l’horticulture et le paysage, Cédric Pollet s’est intéressé aux arbres, et plus particulièrement aux écorces, par hasard. C’est le

Le De Staël ?

Jean-Claude Marcadé offre un panorama extrêmement complet de l’œuvre peint et dessiné, finement documenté et accompagné d’une copieuse iconographie -près de 300 illustrations de belle qualité, dont des doubles pages à volet restituant les grands formats horizontaux. La reproduction est exemplaire. Les dimensions originales sont (à peu de chose près) bien respectées, les couleurs contrastées (ces rouges !), comme les nuances (ces gris colorés en particulier !), le travail de la touche picturale, les matières (papiers découpés) restitués dans leur intégrité. L’autre mérite est de nous amener progressivement en empathie avec l’univers du peintre selon un déroulement biographique d’appa-

tronc d’un chêne séculaire qui a décidé de son orientation : du jour où il a photographié son écorce, Cédric Pollet n’a plus cessé de parcourir le monde, appareil photo en bandoulière, scrutant les détails des troncs. Tout ce qu’il nous montre est visible à l’œil nu, mais son regard précis, ses cadrages serrés dévoilent des aspects insoupçonnés, révélant semble-t-il jusqu’à l’âme de l’arbre. Véritables tableaux abstraits, ses photos, accompagnées de courts textes permettant la classification des arbres, composent comme une galerie d’art contemporain et suggèrent d’approcher l’œil du cœur des arbres…

Écorces Cédric Pollet Éd. Ulmer, 24,5 x 33 cm, 36 euros

CHRIS BOURGUE

rence classique (les origines russes, les années d’apprentissage jusqu’à l’automne final) ponctué par une date référence et les pensées du peintre en tête de chapitre. La vie et l’œuvre font corps grâce à des analyses méticuleuses et sensibles. Quatre problématiques -figuration/ non-figuration/abstraction ; l’art russe, le monde byzantin et l’icône ; l’espace-lumière ; la musique- précisent et concluent cette analyse. Une synthèse indispensable à la compréhension et l’approfondissement de l’esthétique staëlienne, à un prix raisonnable pour ce type d’ouvrage.

Nicolas de Staël, Peintures et dessins Jean-Claude Marcadé Editions Hazan, 2008, 35 euros

CLAUDE LORIN

Delicious ? Refreshing ? Dire que Coca-Cola est partout est une litote tant la marque américaine passée à la postérité avec le succès qu’on lui connaît est un compagnon de vie assidu depuis plus d’un siècle ! Depuis 1886, l’invention mythifiée de la formule par un pharmacien d’Atlanta et la création six ans plus tard de la Coca-Cola Company, la communication sans faille du mastodonte commercial au logo prégnant a su trouver dans l’art un véritable allié commercial. L’imagerie publicitaire de la bouteille icône fait partie du paysage : peintures murales ou photographies d’artistes sont parvenus à lui associer une connotation poétique, à travers les

Félix le Grand

Félix Mendelssohn a été célébré en son temps pour son génie, son immense culture, ses qualités de chef d’orchestre… Né en 1809 (on célèbre cette année le bicentenaire de sa naissance), il précède d’un poil la «génération» romantique : Chopin, Liszt, Schumann, Wagner, Verdi… La postérité ne lui accorde pas la reconnaissance que son œuvre mérite, même si elle commence à être réévaluée. Schumann le considérait comme «le maître du temps, le Mozart du XIXe siècle», Berlioz le couvrait de superlatifs : «énorme, extraordinaire, superbe, prodigieux»… Enfant prodige, juif converti au protestantisme, héritier de l’Aufklärung (petit-fils du philosophe Moses Mendelssohn) mort à

travaux des hyperréalistes Richard Estes et Tom Blackwell, des toiles de Francastel sans oublier le pop art d’Andy Warhol et de Robert Rauschenberg. Car la marque fascine les artistes qui l’adoptent et l’intègrent à leur matière comme les nouveaux réalistes Arman et César ou encore le trublion Ben. Le critique d’art Jean-Luc Chalumeau compose, avec le concours des éditions du Chêne, un ouvrage singulier sur l’omniprésence de Coca-Cola dans l’art à travers une centaine de documents iconographiques de grande qualité largement commentés.

Coca Cola dans l’art Jean-Luc Chalumeau Ed. du Chêne, 224 p., 39,90 euros

FRÉDÉRIC ISOLETTA

38 ans… Il laisse une œuvre admirable dont le grand public retient la Marche nuptiale (tirée de la musique de scène du Songe d’une Nuit d’été) qui rythme les pas sous la nef des églises… Dans sa biographie intitulée La lumière de son temps, Brigitte François Sappey livre un outil indispensable, érudit, fort bien conçu et illustré, taillé à la plume fine qui aide à comprendre l’homme dans ses multiples dualités (esthétique, spirituelle, affective)… et son œuvre : des oratorio aux concertos, des symphonies à sa musique de chambre, lien véritable entre Beethoven et Brahms. JACQUES FRESCHEL

Éditions Fayard, 300 p., 1 8 euros


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LIVRES

HISTOIRE

L’Iran et ses images Depuis l’arrivée de Barak Obama aux affaires, l’Iran n’est plus l’irréductible ennemi, le destructeur de la stabilité au Moyen Orient. À l’heure de ce changement de statut, et bientôt des élections présidentielles iraniennes, la Pensée de Midi nous offre un dossier sur la Perse actuelle. Heureuse initiative qui permet de mieux comprendre le pays de la révolution islamique de 1979. Heureuse initiative qui permet de percevoir un peu mieux, derrière le rideau épais des clichés, la texture et les ingrédients qui donnent forme et vie à ce pays forgé par une histoire vénérable Dans son éditorial Thierry Fabre rend hommage à l’historien Emile Témime1 en rappelant combien il a œuvré pour une meilleure connaissance de la Méditerranée. Hommage bien venu car, et c’est bien là une constante de la revue, c’est une Méditerranée pacifique et féconde qu’ils appellent ensemble de leurs vœux. Mieux comprendre l’Iran devient un préalable indispensable pour qui veut examiner et réfléchir sur le destin des rivages de la «mare en nostrum». Par une série de portraits qui touchent à tous les aspects de la vie iranienne, les auteurs de ce numéro mettent à bas les clichés qui encombrent notre vision du pays. Tout d’abord, les femmes : de Mme Gohari, qui s’attache à l’action sociale dans son quartier, au groupe de femmes peintres de Téhéran, on peut voir que le voile de la religion n’a pas cloîtré la gent féminine dans l’univers domestique, ni ne lui a ôté toute autonomie. De même les artistes comme Avini, cinéaste et propagandiste du régime, ont poursuivi leur œuvre créatrice à l’intérieur du nouveau régime jusqu’à en dépasser les horizons idéologiques. Des subversions délicates se mettent ainsi en place. Plus, la religion ellemême connaît des soubresauts. Dans les régions périphériques se déploie un sunnisme en rupture avec le chiisme officiel. Bien qu’encadré et contrôlé, il est un revers au centralisme nationaliste, à la fois arien et perse, qui occupe toute la place dans le discours officiel. Loin du centre du pays, toute une vie tribale se déploie avec ses logiques et ses impératifs, avec ses souvenirs et ses combats. Là encore, le pouvoir central veille à ce que ne surgisse pas d’autres logiques de domination antinomiques avec la sienne. C’est bien un large tour d’horizon que nous livre la revue. Pas de défaitisme, pas de déterminisme suranné, mais une

société en plein mouvement, en pleine transformation, et dont les permanences l’ancrent dans le passé mais produisent autant de contradictions porteuses d’avenir. RENÉ DIAZ

À noter 1

Après la rencontre du 14 avril autour de cette parution, la Pensée de Midi continue d’investir les Archives départementales, le 13 juin de 15h à 19h, avec une rencontre conçue par Thierry Fabre, en partenariat avec l’INA Méditerranée : Pour saluer Emile Temime, membre fondateur de la revue.

L’Iran derrière le Miroir Dossier coordonné par Christian Bromberger Portfolio de 15 photographies de Abbas La Pensée de Midi, Actes Sud

ABD Gaston Defferre, Marseille 04 91 08 62 08

«Je suis une légende» L’ouvrage de Paco Ignacio Taibo II est un roman et plus encore, c’est un travail énorme d’historien, documenté, riche en références multiples, même photographiques, avec des notes fouillées en fin de chapitre, (71 !). Comment démêler le mythe de l’histoire ? Pour un personnage aussi complexe, aussi incroyable que Pancho Villa… Taibo cite les auteurs, rappelle les témoignages, évoque les propres mots du héros mexicain qui enjolive, transforme. Les historiens font de même, les romanciers s’emparent de cette manne, le cinéma bien sûr n’est pas en reste… Vraisemblance et réalité s’affrontent dans cette vie rocambolesque ; évasions impossibles, condamnations à mort, fusillade ajournée devant le peloton d’exécution (c’est du Dostoïevski !), polygamie institutionnelle (Pancho Villa se marie à l’église parfois plusieurs fois dans l’année !), chevauchées fantastiques, passages du Rio Grande, vols de bétail, métier de maquignon boucher, projet de banque, batailles… les scènes d’anthologie se succèdent, «dans pas longtemps, il y aura des chapeaux en trop» ! Celui qui ne quittait jamais le sien ne dormait jamais où il s’était couché, et se réservait toujours une sortie de secours. Il se cultiva en prison, participa et devint un symbole de la révolution

mexicaine, engendra de son vivant les légendes les plus romanesques qui soient. On se délecte à la lecture d’un tel livre, foisonnant d’informations et qui ne s’y noie jamais ! Car c’est avec raison que l’auteur, citant Jose Emilio Pacheco, rappelle : «Au Mexique, Pancho Villa a perdu la guerre, mais il a gagné la littérature.» M.C.

Pancho Villa, Roman d’une vie Paco Ignacio Taibo II Traduit de l’Espagnol (Mexique) par Claude Breton Editions Payot & Rivages, 30 euros


UNIVERSITÉ

SCIENCES ET TECHNIQUES

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Le pas sage des savoirs Depuis bientôt trois mois l’université française est en ébullition. Crise conjoncturelle due à la politique de terre brûlée en matière de culture et d’éducation, ou éruption des contradictions accumulées depuis des décennies dans les cratères de la connaissance ? Voici longtemps que les lapilli de l’explosion d’un volcanique mois de mai sont retombés en scories froides et dures ! L’imagination, d’abord mise au pouvoir, s’est laissée déposséder de la subversion des savoirs. L’université s’est renfoncée dans ses formes institutionnelles et pédagogiques les plus archaïques. Le savoir s’est refermé sur les frontières strictes du connu, du modèle épistémologique de l’incontestable. Expliquons-nous : notre propos n’est pas de dire que la connaissance doit être coupée de la précédence du savoir, de la tradition des pratiques cognitives. Pour remettre en cause les thèses précédentes, encore faut-il les maîtriser aussi bien théoriquement que dans leur mise en œuvre. Le savoir ne naît pas de ne savoir rien. C’est même la contradiction entre didactique et pratique renouvelée qui est sans doute un des moteurs essentiels de la découverte : les savoirs anciens servent de fondations à l’édifice complexe des pratiques humaines.

Savoir et sélection L’université française a toujours bien joué le rôle patriarcal d’autorité tutélaire sur les générations montantes, qui consiste à surveiller et punir. Mais sans doute lui manque-t-il cette bienveillance indispensable à l’épanouissement de ses émules. L’université française est disciplinaire jusqu’au bout des sens de ce mot. Elle n’a jamais fait siens les principes éducatifs du «maître ignorant bienveillant» de Joseph Jacotot1. Elle est restée l’appareil d’État du tri de classe sélectif par la connaissance. Car l’épanouissement de la connaissance ne peut se contenter d’un simple appareil de transmission des savoirs. Surtout si cet appareil a pour fonction principale la sélection sociale. L’université libérale payante à x vitesses qu’instaure la LRU ne peut qu’enfoncer l’enseignement supérieur français dans ses contradictions les plus pernicieuses. Seule une inversion totale de stratégie permettrait de remettre une tête pleine sur ses larges épaules.

© Tonkin Prod.

de conscience sans méthode critique, sans subversion des pratiques sociales. La science donne beaucoup de pouvoir à l’humanité, y compris celui de se détruire. Elle lui donne aussi la liberté de tuer la liberté. L’université, au-delà de la transmission des pouvoirs humains sur la matière, doit impérativement instruire sur les limites éthiques de ces pouvoirs, et transmettre le savoir critique de ce pouvoir.

Jacques Rancières, Le maître ignorant, 10-18 Paris, coll. Fait et cause, 2004.

YVES BERCHADSKY

Au Programme Voici le mois de mai où les fleurs volent au vent, si jolies mignonnes… un peu de verte nature nous fera le plus grand bien après un hiver climatidéologiquement dur. La troisième édition du Printemps des Chercheurs éclot à Marseille, du 21 au 30 avril, sous forme d’ateliers pratiques, démonstrations et conférences. Les découvertes scientifiques seront à portées des deux mains à l’Alcazar de Marseille dans ce festival de culture scientifique organisé par l’association «Tous Chercheurs à Marseille et à Gap». www.printempsdeschercheurs.fr Tous Chercheurs, INMED, Parc de Luminy, 04 91 82 81 45

Imagination et critique L’université est malade de ses pouvoirs, de ses autorités autoritaires, souffre de castration de l’imaginaire. Elle a besoin d’air, de savoirs critiques et donc de savoir critiquer. Elle étouffe sous la contrainte de l’innovation consumériste, elle qui aujourd’hui met des disciplines aussi fondamentales que la biologie et la chimie au service exclusif de l’industrie pharmaceutique ou cosmétique. Il n’est pas d’intellectuel qui produise sans rêver, qui imagine sans produire. Remettre l’imagination au pouvoir n’est plus une utopie, c’est devenu une exigence pour l’avenir. Il faut donner à la jeunesse le pouvoir critique sur l’ordre de ses prédécesseurs. Au-delà de la transmission aux générations montantes des pouvoirs acquis sur l’univers, pouvoirs technologiques et idéologiques, l’université ne peut se dédouaner de l’éducation éthique de sa jeunesse. Il n’est de science sans conscience et il n’est pas

1

La 6e édition du Festival de la Camargue et du delta du Rhône s’envole du 1er au 6 mai, nous permettant enfin de «suivre l’oiseau». L’association réussit le pari de rassembler tous les acteurs du territoire pour une semaine de découverte exceptionnelle. Ballades commentées, festivals de films animaliers, débats et, bien sûr, succès de plume avec Actes Sud partenaire pour la bibliographie. En mai donc, attention, les petits oiseaux vont sortir! www.festival-camargue.fr. 04 42 55 70 68

Toujours aussi fleuris, les Mardis scientifiques du Comœdia nous annoncent, le 26 mai à 18h30, une conférence de Vasile Christea (Professeur à

l’Université de Cluj-Napoca, Roumanie, Département de taxomanie et d’Ecologie, Directeur du jardin botanique de Cluj-Napoca) qui pose une bien vaste question : «Pourquoi et comment faut il protéger la nature ?». Théâtre Comœdia Aubagne 04 42 18 19 89

Puisque le bol est dans l’air du temps, donnez à vos zibulons le temps d’une gorgée d’eau pure dans le Verdon. Le Musée de Préhistoire des gorges du Verdon propose des animations pendant les vacances scolaires de Pâques. Au programme : visite de la grotte de la Baume Bonne, animations au village préhistorique, découverte des animaux préhistoriques et de quelques curiosités de la nature dans le cadre de l’exposition autour de Darwin. Un peu plus loin sur la route des Alpes le Musée de Salagon, musée «ethnologique et de jardins» propose maints ateliers pour les vertes et tendres mains zibulheureuses. Et pour s’en cultiver plus : Musée de Préhistoire des gorges du Verdon, Quinson (04) 04 92 74 09 59 www.museeprehistoire.com Musée départemental ethnologique de Haute-Provence, Mane (04) 04 92 75 70 50 http://musee-de-salagon.com


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PHILOSOPHIE

LA PAROLE

Le printemps de Ce titre à cause de la rencontre de trois petits évènements : un rendez-vous poésie et politique, une petite pièce de théâtre et un livre (voir ci-contre). L’air du temps aussi, impose ce titre. Air du temps au sens propre qui invite à sortir, à se déshabiller, c’est à dire aussi à parler. Mais surtout air du temps des paroles médiatiques et politiques, des mots assujettis à leurs connotations douteuses. Et si on se demandait ce que parler veut dire et ce qu’est devenue la parole politique ? «Parle et je te baptise». Cette fameuse réplique de Bordeu à Mademoiselle de l’Espinasse dans un Rêve de D’Alembert de Diderot montre le fragile et immense espace à la fois qui sépare l’homme de l’animal : le mot. Mais le mot sensé. Car qu’aurait-il fait l’audacieux cardinal s’il s’était adressé à un perroquet?

Que dit l’ours ? «Sensé» ne veut pas forcément dire grand-chose. Car la force du langage humain, ce qui le distingue des différentes formes de communication animale, est sa capacité à parler pour ne rien dire ; si je dis «le ciel est

bleu», j’ai dit quelque chose, un état de fait. Mais si je dis «je ne sais pas ce que je ferai demain», j’ai parlé pour ne rien dire en fait, je n’ai rien dit du monde. Toute la force des mots est d’être des signes et non des signaux. Le signal a un rapport de nécessité avec ce qu’il signalise ; si tel animal très intelligent fait un signal pour tel phénomène qu’il aperçoit, nécessité signifie qu’il ne peut pas ne pas le faire. Aussi élaborées que soient les différentes formes de communication animale, elles n’en sont pas des langages pour cet aspect de nécessité. Ainsi la danse des abeilles qui par leur huit indiquent aux autres la direction et la distance du pollen qu’elles viennent de butiner. Nécessité du signal signifie qu’on ne verra jamais une abeille ne pas danser ou dire aux autres je vous emmerde, je ne vous dirai rien… ! Bon, cette banalité philosophique est démentie par les derniers travaux des éthologues sur la communication animale; les recherches à ce sujet ne cessent de remettre en cause les postulats sur la différence homme animal. Le mot ou signe humain est arbitraire comme le signal animal puisque l’arbre pourrait s’appeler chaussure, et s’appelle tree ailleurs par exemple ; et l’abeille pourrait péter un coup ou deux au lieu de danser ; il n’y a aucun rapport de nécessité entre le mot (ou le signal animal) et la chose qu’il signifie (pour le mot) ou signalise (pour les animaux). En fait la différence entre le mot humain et la communication animale résiderait dans la contingence : pouvoir parler pour ne rien dire et surtout pouvoir se taire ; je peux voir le ciel bleu et ne rien dire. Grave question : l’animal signalise-t-il forcément tout ce qu’il est en mesure de signaliser ?

Arbitraire et engagement En tout cas cet arbitraire des mots est très intéressant: peut-on s’engager dans des mots qui seront en adéquation totale avec la chose ainsi qu’avec notre pensée? Quand je dis «je t’aime», est-ce vraiment cela que mon état d’esprit ressent ? Mais bon je n’ai pas d’autre mot, alors allons-y ! Cet arbitraire et cette approximation est pour Hegel ce qui fait la force de la liberté humaine : s’engager, se déterminer dans ce qui n’est pas soi, que ce soit dans l’action ou la parole. Aucun parti ou association ne correspond à mes idées, aucun mot n’est assez précis pour ma pensée donc je ne fais rien et je me tais ; c’est la définition de la belle âme qui refuse de se souiller dans l’action et les mots. Il faut le dire vite tout de même ! Cet arbitraire des mots pour Nietzsche nous montre bien que rien n’est plus éloigné chez l’homme que le souci de vérité ; les mots sont des monnaies d’échange dont on a oublié la valeur : l’homme parle pour duper, tromper, survivre, s’imposer.

Mots politiques Demandons-nous par exemple ce que le mot «monde» veut dire : les mots principaux de nos discussions modernes, assujettis à leur connotation douteuse, ont abdiqué leur substance. Plusieurs choses pèsent sur notre manière de parler, et donc de penser : la complexification croissante du monde scientifique, économique, humain en fait, associé à une idéologie dominante qui fait passer la loi du profit économique et spéculatif comme la seule manière de vivre ; dès lors, cette complexité est recréée dans des reconstructions du réel : la story telling (voir Zib’ 7). Le rôle du politique dans ses mots est moins de communiquer face à son impuissance devant la complexité des défis de la mondialisation que de recréer une réalité pour les besoins de l’idéologie dominante. «Le monde qu’on déclare exister, et devoir s’imposer à tous, le monde de la mondialisation, est uniquement un monde des objets et des signes monétaires, un monde de la libre circulation des produits et des flux financiers. (…) Dans ce monde, il n’y a que des choses -les objets vendables- et des signes les instruments abstraits de la vente et de l’achat, les différentes formes de la monnaie et du crédit. Mais il n’est pas vrai que, dans ce monde existent librement des sujets humains.» Alain Badiou. Terminons par exemple par l’usage par la novlangue du mot «démocratie» : est ainsi qualifié tout pays disposant de médias et d’élections libres à la seule condition de respecter la primauté du capital sur la question sociale (et donc sur les médias et donc sur les élections…). Un printemps de la parole est l’époque où les mots trouvent la force de dire le réel et non de le (dis)simuler. Lutte des classes ? Vous avez dit lutte des classes ? Profit ? Plus-value ? Mais enfin cela n’existe plus ! RÉGIS VLACHOS

De quoi Sarkozy est-il le nom ? Alain Badiou Circonstances, Nouvelles Éditions Lignes, 14 euros


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la parole Mots de réxistence

Le mot, l’autre et le théâtre Pourquoi parle-t-on ? Et si c’était au théâtre d’investir cette question ? Rencontre d’un certain type investit d’abord la difficulté de la rencontre de l’autre : pourquoi lui parler et que dire ? Que va-t-il(elle) en penser ? La retenue fait alors place au plaisir, celui de converser, de raconter. La parole comme un pur plaisir ; quelle autre prétention finalement ; et puis, en sous-main de ce plaisir, c’est un peu de soi qui nous échappe : suis-je ces mots ? Que disent-ils de moi? Du «qui est l’autre» au «qui suis-je» on pourrait croire que la boucle est bouclée. Parler à quelqu’un c’est parler à un système de valeurs prêt à accueillir ma parole, voire à la juger. Imaginons alors quelqu’un qui n’aurait aucun préjugé, aucune vie, aucun passé ; que fait-il (elle) d’une parole qui ne peut être rangée dans aucune catégorisation ? Sortons-nous du champ de l’humain suivant Nietzsche pour qui le propre de

l’homme est de ranger l’inconnu sous le connu ? Si parler est vain, on revient au pur plaisir de parler. Les mots sont insuffisants pour dire, pour expliquer ? Peut-être que nous parlons simplement pour raconter, suivant alors Montaigne, «je n’enseigne pas je raconte». Au-delà de toute volonté illusoire de se faire comprendre, reste la parole comme un leurre jouissif, lieu de la poésie et du théâtre. Ici un nouveau petit théâtre sur Marseille, le théâtre du Carré rond à la Plaine et une nouvelle petite pièce d’Yves Gerbal; à savourer sûrement. R.V.

Rencontre d’un certain type les vendredis 8, 15, 22 et 29 mai au Théâtre du Carré Rond à 20h45. Renseignements et réservations : 06 11 29 25 05 http://lecarrerond.fr

Paroles, musique et françafrique La poésie, le slam, la chanson gardent le goût des mots, souvent politiques

Duval mc © X-D.R.

Le rendez-vous des mots a eu lieu du 9 au 11 avril au Tankono et l’Ostau dau Pais Marselhes. Le programme était clair : «À l’heure où les mots perdent de leur sens, soumis à la rhétorique du pouvoir qui œuvre à la domestication de nos consciences, il appartient au poète de réhabiliter le verbe. De tremper la plume dans la plaie pour décrire le réel, la domina-

tion. Convoquer l’histoire pour éclairer le présent, les indépendances confisquées, les réseaux de la «Françafrique», les crimes de l’armée française aussi inavouables qu’impunis.» Contrairement à ce qui se passe souvent dans la création contemporaine, l’importance de la parole est affirmée dans une démarche artistique qui s’offre aux regards et aux oreilles, dans le but clair de «peser sur les consciences et dessiner un horizon nouveau des relations entre les peuples.» R.V.

avec : Apkass (hip hop, jazz, soul, slam) Duval mc (hip hop électro) Chant d’Encre (slam) Milk Coffee & Sugar (hip hop, jazz, slam)

Ce qu’écrire veut dire ? Eloge de la réxistence est fondé sur un journal intime tenu dans un camp de travail nazi par un prisonnier, de 1940 à 1945. Vladimir Biaggi décide de publier ce témoignage de son père pensant à Sartre, pour qui, dans les pires situations, chacun de nos gestes a le poids d’un engagement. Affamé dans un camp, chaque pensée juste est une conquête «Si vous avez ce carnet, les pages que je vous envoie ne seront pas trop belles à lire mais lisez les tranquillement et surtout sans émoi, car tout cela est passé. Si j’ai écrit c’est uniquement pour pouvoir me confier à quelqu’un… 19 octobre 1940 : quelle triste vie ; personne ne pourrait croire à la résistance morale qu’il faut avoir ici pour rester en vie et croire que la vie est possible. 2 décembre : la terre est glacée à 20 centimètres ; c’est comme du fer et le soir on a les poignets qui font mal à force de taper sur ce métal. Le froid est plus vif et Noël approche ; j’ai l’espoir d’être parmi les miens mais hélas. Les journées et les nuits sont hantées par cette idée. J’en ai plus que marre quand finira cette galère. 23 janvier 1945 : un étroit sentier dans la neige va du camp à l’usine ; celui a été tracé par les premiers prisonniers du matin. En cours de route nous croissons les équipes de nuit qui rentrent après leur douze heures d’esclavage.

lundi 5 février : les Italiens de Dachau très malades sont épuisés et certains d’entre eux atteints de typhus meurent à raison de deux ou trois par semaine. 31 mars : c’est la course au morceau de pain. Parfois des soldats allemands prennent un cruel plaisir à lancer au beau milieu des affamés des contenus de poubelle…des hommes se battent, se mettent à terre et s’insultent pour pouvoir obtenir des os et des épluchures.» Eloge de la réxistence Vladimir Biaggi Aléas, 15 euros


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PATRIMOINE

ROUTE DES ARTS | ARTESENS

Rome en Provence !

Visiter les Métiers La Chambre de Métiers et de l’Artisanat, en collaboration avec le Comité Départemental du Tourisme et le Conseil Général 13, propose pour la 1ère année un parcours touristique de villes en villages, à la rencontre de l’art de vivre en Provence. Habitant ou touriste, chacun pourra découvrir des savoirfaire oubliés ou rares qui appartiennent au patrimoine : travail du cuir, du bois, de la terre, du verre ou du fer, bijoux et vêtements, instruments de musique. Les visites de ces artisans permettront de parcourir des villages pleins de charme comme Miramas-le-vieux, des quartiers chargés d’histoire comme le Panier à Marseille, les sites imposants de la cathédrale d’images de la carrière des Baux de Provence ou de sa voisine Glanum... Vous pourrez vous promener de la Côte Bleue à la Sainte Victoire, du Garlaban au Miroir des Oiseaux de Martigues, dans la Petite Camargue, sur les bords de l’Étang de Berre… Poussez la porte des échoppes, traversez les jardins ! Les artisans vous

attendent pour la durée de la saison touristique. Un dépliant est à votre disposition dans les Offices du Tourisme avec leurs coordonnées. Vous partagerez leur passion en attendant 2013, l’année où leurs forces vives s’allieront, pour qu’artisanat et tourisme se déclinent aussi avec culture. CHRIS BOURGUE

La Route des Métiers d’Art du 1er avril au 31 octobre 04 91 32 24 33 www.cma13.fr La route des metiers d'art © cma13

L’essence des arbres L’exposition L’arbre aux essences, depuis 9 ans, présente douze arbres méditerranéens, à travers des œuvres d’artistes locaux et un arbre à histoires. Les sculptures ne sont pas appréhendées uniquement par le regard et la sempiternelle recommandation «Ne touche pas !» est vivement déconseillée ! On peut même jouer avec les sculptures composées de bois d’essences diverses, et l’on est invité à reconnaître, par le toucher, l’odorat, l’olivier, le cyprès, le cade… On écoute le vent dans les peupliers, on se laisse séduire par la douceur de soie du tronc poli du cade ; yeux bandés, on hume les fragrances, on cherche à déchiffrer les textes en Braille. Les constructions s’effondrent, d’étranges jardins de bois se modulent selon l’inspiration du moment, on joue avec les étranges pommes des cades, on revient caresser une écorce. Découverte inventive d’un monde que nous côtoyons sans jamais vraiment y prêter attention ! L’arbre aux essences poursuivra son périple à Vitrolles (du 15 au 18 mai, 04 42 77 93 77) tandis qu’Artesens propose un atelier à destination des

scolaires dans tout le pays d’Aix. La Révélation du Cubisme leur permettra manipulations et jeux sensoriels autour des Grandes Baigneuses et les Demoiselles d’Avignon… MARYVONNE COLOMBANI

Expositions d’Artesens Pays d’Aix www.artesens.org

L'Arbre aux essences © Francoise Reynette

Buste de Cesar grandeur nature. Buste en marbre du fondateur de la cite romaine d'Arles qui constitue la plus ancienne representation aujourd'hui connue de Cesar © C. CharyDRASSM

À Rousset, le septième festival Provence Terre de Cinéma, organisé par les films du Delta et leur dynamique présidente, Françoise Durand, s’achevait sur le passionnant point d’orgue d’une journée intitulée «Provence Terre Romaine» Poursuivant l’esthétique cinématographique, la journée permettait à un public passionné de voir des courts métrages évoquant les monuments et l’archéologie, d’Arles à Fréjus, de Vaison la Romaine à Marseille. Tous les genres se retrouvaient condensés dans ces films, du lyrisme ampoulé des documentaires des années soixante à la clarté didactique et sobre du reportage consacré au théâtre de l’Arles antique, avec ses remarquables reconstitutions en trois D. Des débats clôturaient ces projections, et répondaient aux questions d’un public souvent érudit. On avait ainsi le privilège de côtoyer Luc Long, Conservateur en chef du Patrimoine au DRASSM et surtout, pour le grand public, découvreur du buste de Jules César dans le Rhône en 2007, Nuria Nin, Conservateur en chef du Patrimoine et directeur de la mission archéologique d’Aix-en-Provence, Brigitte Sabattini, maître de conférence de l’Université de Provence, Martine Sciallano, Conservateur du Musée de Hyères, Claude Sintès, Conservateur du Musée départemental de l’Arles antique. Vulgarisant avec talent, ils surent mettre à la portée de tous les étapes de la reconfiguration du territoire dans son ensemble, un paysage modelé par l’influence romaine, de même que l’établissement de nouvelles relations entre la ville et la campagne. Insistant sur le rôle primordial du théâtre comme outil de transmission de la pensée politique romaine, ils se sont attachés à montrer l’évolution de la perception de la Narbonnaise dans le monde antique, d’abord bande de terre reliant l’Italie et l’Espagne, puis région à part entière, mise en valeur à partir d’Auguste. Après un film sur César assez hollywoodien, le débat s’oriente sur l’analyse du phénomène d’inculturation. Soulignant le danger d’aplatir les siècles, ils expliquent comment s’est opérée la colonisation romaine. La discussion s’oriente ensuite sur les choix d’exposition des musées, comment au fil des siècles ils ont évolué dans leur manière d’envisager l’histoire, son approche, son traitement. Ainsi, le XIXe mettait au rebut les objets de la vie quotidienne, n’estimant que les œuvres d’art, alors qu’aujourd’hui la signification historique et économique prime. Rome a modelé notre langue, nos paysages, nos droits, nos mentalités, notre imagination, notre pouvoir de restitution du passé. Rome ne cesse de nourrir notre imaginaire. C’est ainsi que se clôt cette brève et riche évocation. L’association Legio VI Ferrata présente alors les techniques de combat antique, avec ses légionnaires vêtus d’équipements entièrement travaillés selon les modèles antiques ! Ordres clamés en latin ? Zibeline vous dit : «Vale !» MARYVONNE COLOMBANI


AU PROGRAMME AIX-EN-PROVENCE Fondation Saint-John Perse – 04 42 91 98 85 Dans le cadre du cycle de rencontres poétiques la Fondation invite JeanMarie Gleize, avec lecture de quelques passages de son ouvrage Film à venir (éd. du Seuil, 2007) et de Sorties (éd. Questions Théoriques, 2009). Le 24 avril à 18h, auditorium de la Cité du Livre. Centre aixois des Archives départementales – 04 42 52 81 90 Conférence d’Aurore Valade (voir p 47): Rejouer le réel / La photographie mise en place et le geste documentaire. Le 14 mai à 18h30.

ARLES, FORCALQUIER, BANON Libraires du Sud - 04 96 12 43 42 Carole Martinez présentera son ouvrage Le Cœur cousu (Gallimard, 2007) le 16 avril à la librairie Harmonia Mundi à Arles, le 17 avril à la librairie La Carline à Forcalquier et le 18 avril à Banon.

BARJOLS La Tannerie – 04 94 59 74 60 Liki, danse, photographie, son : étape de création de Elsa Decaudin - cie Pulx (création à Uzès Danse en juin). Le 7 mai au Centre Elias.

ISTRES ADAPP – 04 42 34 20 65 Conférence sur l’architecture du XXe siècle. Le 5 mai à 18h30 au cinéma Le Coluche.

MARSEILLE Ateliers des Arts de Sainte-Marguerite – 04 91 26 09 06 Dans le cadre de la semaine arménienne de la Mémoire et de la Culture : Maison-Blanche offre ses murs aux photographies de Robert Terzian. La foi contre l’oubli invite à la rencontre des 12 Eglises arméniennes de Marseille et des portraits faits lors de la Veillée au Flambeau du 23 Avril

2008. Portraits en noir et blanc ou clichés d’église en couleur, toutes ces photo-graphies racontent et disent, sans un mot, les maux d’Arménie, le pays perdu. Du 17 au 30 avril dans les salons de Maison-Blanche ; Conférence de Madame Sophie Roux, Regards sur l’Arménie antique et médiévale. Le 23 avril à 18h. BMVR Alcazar – 04 91 55 56 34 Exposition Blackscazar : dans le cadre du festival Bol de Funk, exposition de pochettes de disques vinyles de musiques de films de la Blaxploitation, cinéma afro-américain des années 70. Jusqu’au 25 avril, allée centrale. Exposition Au doigt et à Louis, dans le cadre du bicentenaire de la naissance de Louis Braille. Du 28 avril au 9 mai, salle d’exposition. Dans le cadre du Printemps des poètes : performance slam ouverte aux participants des ateliers adultes et scolaires avec, pour conclure, le poète occitan Roland Pécout accompagné du musicien mauricien Jagdish Kinnoo (le 17 avril à 19h) ; rencontre avec Frédéric Nevchehirlian qui évoquera l’évolution du slam et son retentissement dans la société d’aujourd’hui (le 18 avril à 17h). Conférence sur l’Histoire de la Corse et des Corses de Jean-Marie Arrighi et Olivier Jehasse. Le 17 avril à 17h, à l’auditorium. Conférence sur La tolérance par le philosophe Renaud Garcia. Le 25 avril à 14h30 à l’auditorium. CIPM – 04 91 91 26 45 Présentation des éditions Cadex par Hélène Boinard, suivie de lectures avec Pierre Cendors, Dabiel Biga et Marcel Moreau. Le 17 avril à 19h. Exposition Le sens du toucher : coordonnée par Christian Prigent, elle porte le titre de son dernier essai paru aux éditions Cadex, et regroupe les œuvres de sept artistes : Philippe Boutibonnes, Jean-Marc Chevallier, Joël Desbouigues, Serge Lunal, Mathias Perez, Olivier Roller, Pierre Tual.

Jusqu’au 23 mai. Rencontre-lecture : présentation de la collection Laureli des éditions Léo Scheer par Laurence Limongi, suivie d’une lecture de Raymond Federman à l’occasion de la parution de son second titre dans cette collection. Le 24 avril à 19h. Jeudis du comptoir – 04 96 12 43 42 Une correspondance de l’urgence avec Eric Pessan, Nicole Caligaris et Mourad Djebel. Rencontre autour du livre Il me sera difficile de venir te voir (Vents d’ailleurs, 2008), correspondances littéraires sur les conséquences de la politique française d’immigration. Le 7 mai à La Caravelle. ABD Gaston Defferre – 04 91 08 61 00 Conférence de Valérie Gontero-Lauze, maître de conférence de Langue et Littérature du Moyen-Age à l’Université de Provence, sur La licorne, feuilletoir d’enluminures médiévales. Le 14 mai à 18h30. Ecrivains en dialogue : Pascal Jourdana reçoit Lidia Jorge (Nous combattrons l’ombre, Métailié, 2008 ; Le vent qui siffle dans les grues, Métailié, 2004) et Adriana Lisboa (Des roses rouge vif, Métailié, 2009), Femmes littéraires remarquables. Le 12 mai à 18h30 à l’auditorium. Institut culturel italien – 04 91 48 51 94 Dans le cadre de Face à Face, Paroles d’Italie pour les scènes de France 2009, lecture théâtrale de Très belle Marie de Roberto Cavosi avec Valérie Lang. Le 5 mai à 19h. La citoyenneté européenne : colloque sous l’égide du Consulat général d’Italie avec Isabelle Coustet, Chef du Bureau du Parlement Européen pour le Sud Est, Laszlo Püspök, Consul Général de Hongrie, Monique Beltrame, Présidente du Comité Européen Marseille. En présence du Corps Consulaire. Le 11 mai à 18h.

RENCONTRES

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Espace Leclere - 04 91 50 00 00 Conférence de Ingrid Senepart, archéologue, sur Les premiers marseillais: le site préhistorique de la colline Saint-Charles. Le 27 avril à 18h. Conférence de Charles Villeneuve de Janti, commissaire de l’exposition William Blake au musée du Petit Palais à Paris sur William Blake, le génie visionnaire du romantisme anglais. Le 11 mai à 18h.

MARSEILLE, NÎMES, LOURMARIN Mai l’art en balade - 04 91 33 09 59 Marchés de Créateurs par l’association Marquage, de 10 h à 19h : les 2 et 3 mai, haut de la Canebière ; le 9 mai, Parvis de la Maison Carrée à Nîmes ; le 17 mai, Place Barthélémy à Lourmarin; les 23 et 24 mai Cours Julien à Marseille.

QUINSON Musée de Préhistoire des gorges du Verdon – 04 92 74 09 59 À l’occasion de l’année Darwin, le Musée propose un cycle de conférences consacré à l’évolution : L’Atlantide retrouvée ? Enquête scientifique autour d’un mythe de Jacques CollinaGirard. Le 29 avril à 18h dans l’auditorium du Musée.

TARASCON Château royal de Provence – 04 90 91 51 29 Dans le cadre du projet Pièces supplémentaires / résidence, expositions, performance, rencontre-conférence avec l’artiste Dominique Angel. Le 15 mai à 10h au Lycée Alphonse Daudet.

TOULON Association pour les Musées de Toulon – 04 94 36 81 00 Conférence de Gilbert Croué sur Zao Wou-Ki, le survol du paysage. Le 21 avril à 17h30 salle Mozart.


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ÉDUCATION

ÉCOLE DU PAYSAGE | FORMATION RÉUSSITE | FNCTA

Le Paysage au cœur Connaissez-vous l’existence à Marseille d’une École du Paysage ? Pourtant, depuis 2007 au-dessus du CRDP on prépare au diplôme d’Architecte du paysage DPLG comme à l’École de Versailles, sa partenaire. Une quinzaine d’étudiants par promotion, après un Bac, 2 années d’études et un concours d’entrée. Le diplôme de l’École Nationale Supérieure du Paysage (ENSP) forme des concepteurs en paysages, parcs et jardins, grands territoires et espaces publics capables d’assurer la Maîtrise d’Œuvre complète d’un projet d’aménagement du territoire, depuis la concertation avec les partenaires jusqu’à sa réalisation, prenant en compte besoins, contraintes…. et désirs ! Durant les 4 années de leur formation les étudiants étudient des sites variés, complexes, allant du jardin aux ensembles immobiliers ou aux axes autoroutiers. Des séminaires leur permettent de rencontrer des concepteurs, des artistes, des experts dont ils reçoivent un enseignement pluridisciplinaire : écologie, sciences humaines, arts plastiques, techniques de construction. Pour obtenir leur diplôme, les étudiants élaborent un Travail Personnel de Fin d’Études (TPFE) et à partir de leur 3e année peuvent rejoindre l’enseignement d’un Master Paysage et Environnement, mis en place avec l’Université de Provence. Outre la formation d’architecte, l’ENSP permet de préparer le diplôme de concepteur de jardin dans le paysage, délivré en formation continue.

Habiter la terre en poète C’est le souhait de Raphaël Caillens et de ses 2 acolytes de l’association Da-zein installée en Zone Franche. Cet architecte-paysager DPLG a voulu cultiver la légèreté en pratiquant des interventions plastiques pour réveiller le regard des passants. Sa route a croisé celle des Apprentis de la FAI AR : «La formation m’a fait découvrir la fiction et le jeu, alors que je ne travaillais que sur le réel. J’ai mis au point des rituels de paysage : j’installe des petits pots bleus un peu partout dans le monde et je fais des photos, c’est une façon de marquer ma présence dans un rapport au monde.» Ces expériences l’ont conduit à proposer des ateliers de jardinage dans le cadre de l’ENSP. Une parcelle abandonnée lui a été cédée par la Mairie du 15e ; le terrain, désormais appelé la Coulcoure, a été nettoyé, les arbres taillés. Les étudiants de 1re année, responsables chacun d’une petite «parcelle du monde», sont totalement impliqués dans cette expérience qui s’inscrit dans un quartier, fonctionne en auto-production avec une économie de moyens. Les gens se connaissent, des réseaux se tissent. La rue voisine est devenue «Rue des pots bleus» et c’est le boulanger qui garde la clé du portail ! CHRIS BOURGUE

École du Paysage 04 91 91 81 83

Ceux qui aiment jouent ! e

La 11 édition du Festival de Théâtre amateur a commencé au Gyptis sous le parrainage de Lisette Narducci, maire du secteur qui se félicite de son caractère unique en France. La Cie Tiramisù a donné un spectacle réjouissant commencé par Arlequin (Guy Vassallucci) qui fait chanter le public. Création maison, Un vénitien en Turquie s’inspire des canevas de la Commedia dell’Arte : enlèvements, retrouvailles... actualisés par des clins d’œil contemporains. Coralie Landin en soubrette est très convaincante, et les autres acteurs ont tous un plaisir évident à jouer. Coup d’envoi réussi ! Suivront, à La Criée, la conférence de Jean Caune et les lectures mises en espace par Annie Perrot, les 16

La Coulcoure-Gwenaelle et Etienne a la brouette © Caroline Pialat

Apprenti-e-s

et 17 avril. Au Gymnase : le 29, L’entrée des artistes avec L’art de la chute de Guy Foissy, le 30, le Théâtre de l’Éventail avec Salon d’été de Coline Serreau, histoires d’amour en chansons. En mai, le 15, Le collège Izzo accueillera Jardinage humain de Rodrigo Garcia par la Compagnie Capharnaüm, le 16, le Théâtre Off présentera un atelier de répétitions publiques. Lors de la conférence de presse, Maurice Vinçon, directeur du Théâtre de Lenche, s’est réjoui d’un projet de grand Festival de Théâtre Amateur dans le cadre de Marseille-Provence 2013. Avec la réserve que ne soit pas oublié qu’un Festival de ce type existe déjà, porté à bout de bras par des passionnés bénévoles ! CHRIS BOURGUE

CieTiramisu-Un Venitien EnTurquie © X-D.R

Festival du FNCTA 04 91 61 15 37

L’Hôtel de Région a réuni le 16 mars les jeunes médaillés de l’Olympiade des Métiers récompensés lors des finales nationales à Lille en février. Deux médaillés d’Or de notre région participeront à un concours en septembre, avec les représentants de 40 pays et de 45 métiers, à la finale de Calgary qui a pour but de mettre les compétences de jeunes de 18 à 23 ans. Parallèlement, 24 jeunes femmes étaient distinguées pour l’obtention d’un diplôme dans une filière habituellement choisie par des garçons. Enfin était inaugurée l’exposition de 40 portraits ayant réussi leur insertion professionnelle grâce aux formations et aux aides proposées par la Région : 40 interviews, 40 panneaux bien documentés. Avec un budget total de 355 millions d’euros, soit un tiers du budget de son fonctionnement, la Région investit à fond pour la formation professionnelle, et l’harmonisation des offres de formation avec les besoins économiques. C’est ainsi qu’en 2006 a été créé le Service Public Régional, gérant 70 centres de formation, Contrats d’accès à la Qualification (CAQ), aides pour les petites entreprises, plans de développement économique local… Une exposition informative sur l’évolution des métiers et de formations souvent méprisées ! CHRIS BOURGUE

Formation Réussite jusqu’au 29 mai Hôtel de Région www.regionpaca.fr




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