zibeline n°19

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du 14/05/09 au 18/06/09 | un gratuit qui se lit

Derniers spectacles Premiers Festivals



Politique culturelle CNDC Châteauvallon Théâtre le Sémaphore, Pôle Média Librairie Païdos, Le Ring CAUE 13

4 5 6 7

Festivals Nuits des Musées Musée Gassendi, CRT Danse : MontpellierDanse, Vaison Danses Uzès danse, Festival de Marseille Musique : Les Féeries nocturnes, B-Side, Prog’Sud Jazz des cinq continents, Festival de l’Estaque, Festival des agglos Aix en musique, Festival Estival Festival d’Aix-en-Provence, Autour des Claviers

8 9 10 11 12 13 14 15

Théâtre Le Gymnase, Théâtre Nono Bancs Publics, le Merlan, Atelier de Mars Montévidéo, le Massalia Komm’n’act, la Minoterie Zita la Nuit, Port-de-Bouc, Pays d’Aix Aubagne, Châteauvallon, Aix Cavaillon, Martigues, Arles Nîmes, Ouest Provence

16 17 18 19 20, 21 22 24 25

Danse Ballet d’Europe, Draguignan, Barjols MOD, BNM, Martigues, Gap

26 27

Cirque/Rue Le Massalia, Sirènes et midi net, Cirk’en mai, Jeu de Paume, Draguignan

28, 29

Musique Concerts Lyrique Concerts Saison du GTP Concerts Disques Concerts, agenda

30, 31 32 34 35 36 à 39 40, 41 42 à 45

Cinéma Les 16 de Basse-Pointe, la Quinzaine des réalisateurs Les rendez-vous d’Annie

46 47

Arts visuels Au programme 48, 49 Le [mac] 50 Le Passage de l’art, Festival d’Art Ephémère 51 Galerieofmarseille, Galerie des grands Bains Douches 52 Sur la place, Groupe Dunes 53 Maison de la photo (Toulon), Maison de l’architecture et de la ville 54 Les flâneries d’art, Sextant et plus 56

Livres Des calanques et des Bulles, Rencontres méditerranéennes de l’édition, l’Espagne des trois cultures Au programme Jacques Fusina, Jeudis du comptoir Livres : littérature, arts

58 59 60 61 à 65

Histoire/Philosophie Le petit Bourgeois gentilhomme La Commune de Paris Entretien avec Alain Krivine

66 67, 68 69

Histoire et Patrimoine La Pensée de Midi, Emile Temime Le Pont du Gard, Euroméditerranée

70 71

Vox populi C‘est historique ! Nicolas Sarkozy a écouté la voix de la rue ! Relayée cette fois par ses conseillers ! Il a cédé ! Et est allé remettre la Coupe en Bretagne, contrairement à ses intentions premières : il est des vox populi pressantes, celle des supporters en est. Celle des fans de Johnny aussi, micro-trottoirisés après LE concert : iiil assuuure, c’est un événement, personne ne peut dire le contraire… Ah bon ? Dire le contraire. Qu’un match n’a pas forcément à être honoré par le chef de l’État. Que Johnny n’est qu’un phénomène médiatique. Que ce ne sont pas les bloqueurs qui empêchent les examens, mais le mépris des gouvernants et l’indifférence des journalistes, sourds trop longtemps à leur grève historique par son ampleur, sa durée, sa désespérance. Que la Vox populi est fabriquée par un matraquage constant qui installe le foot et les chanteurs comme des valeurs culturelles, et décrivent les endroits où l’on pense comme les derniers refuges d’extrémistes qui empêchent d’étudier en rond… Dire l’impopulaire. Que la Vox populi a tort de consommer musique et cinéma comme l’air, virtualisés qu’ils sont par le numérique : ils coûtent à produire, et si l’on veut échapper à un avenir de musiques synthétiques et de films à deux balles, il faut défendre les droits des auteurs et des interprètes, et des producteurs même, qui investissent°. Dire ce qu’on nous cache. Que la grippe A est une vaste blague, ça commence à se savoir, la ficelle était grossière. Mais que, pour sauver le tourisme antillais, on dissimule les inondations du 6 mai qui ont fait deux morts en Martinique, privé 20000 foyers d’électricité, défoncé les routes et les maisons ? Cet événement-là n’a fait aucune Une, pas plus que les étudiants désemparés, les artistes en fin de droit, les Afghans bombardés. La grippe était là pour occuper les titres, et les esprits. Puis les frasques de Berlusconi, le glamour de Bruni, la Victoire du village Breton. La Vox populi se fabrique, se détourne, se manipule, et finit par s’accrocher à des chimères… Surtout quand on n’écoute plus les souffrances qu’elle exprime quand elle sort de l’aliénation médiatique. Reste la voix des urnes ? AGNÈS FRESCHEL

Histoire/Sciences L’Âge d’or des sciences arabes

72, 73

Sciences et Techniques La Grippe A, agenda

74, 75

Éducation ENSDM, FNCTA Vitez (Aix), Istres La chanson au bac, le Printemps des lycéens et des Apprentis

76 77 78

°

Sans approuver n’importe quoi : la loi Hadopi adoptée par le parlement protège essentiellement les industriels de la culture, et les auteurs et interprètes vivants ne ramassent que les miettes que leur laissent les majors. D’ailleurs les droits d’auteur reversés sont des biens mobiliers et non des salaires : ils profitent aux artistes très diffusés, aux ayants droits héritiers, et peu aux créateurs vivants ou aux labels indépendants…


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POLITIQUE CULTURELLE

CHÂTEAUVALLON

Châteauvallon consolide ses fondations Si la fin 2008 fut rude pour le CNCDC Châteauvallon, l’année 2009 démarre sous de meilleurs auspices : «le CNCDC tient le cap» explique son directeur Christian Tamet qui, la confiance retrouvée, annonce une belle programmation estivale Après trois départs volontaires fin 2008 et cinq suppressions de poste au total ces dernières années, le CNCDC a échappé à un plan social douloureux pour se stabiliser à 26 salariés permanents. L’autre bonne nouvelle est venue des partenaires qui ont confirmé leurs subventions : le CNCDC peut donc poursuivre ses missions de création, de diffusion et

de programmation. Pas de recul donc du Conseil régional, du Conseil général ni de la Communauté d’agglomération Toulon Provence Méditerranée qui «jouent le jeu» et valident le budget 2009 de 3,5 M €, malgré l’État qui se fait attendre… La directrice adjointe Nathalie Anton comme l’administrateur Yannouch Volamin sont aujourd’hui confiants : la feuille

de route est maintenue et «les choses vont continuer en 2009». Pas de modification non plus du cœur de ses missions, mais quelques réorientations néanmoins avec une optimisation maximale de ses équipements et une politique tarifaire différente. Le CNCDC, qui dispose de 18 chambres pour les artistes, de deux studios -l’un de 100 m2, l’autre de 150 m2- et d’un plateau de répétition, devra élargir leur occupation au-delà des résidences liées à la programmation. Quant à la nouvelle grille tarifaire, elle sera mise en application à la rentrée prochaine : la

Le bel été ! Christian Tamet peut avoir le sourire : sur quinze spectacles programmés en juin et juillet, trois affichent déjà complet! Le concert de «la diva du classique» Barbara Hendricks, Fellag (voir p16) et Le Quatuor, «une proposition populaire dans le bon sens du terme». Il reste à découvrir tout de même quelques perles parmi toutes les propositions artistiques, la coloration de l’été 2009 étant la présence de la musique classique ou jazz sur les plateaux de danse. Car la danse fait un retour fracassant avec des nouveaux venus, des habitués et des retours très attendus… Place à Alain Platel qui réunira 10 danseurs des Ballets C. de la B, 8 musiciens et 3 chanteurs dans Pitié !, à la troupe Aterballetto qui interprètera deux chorégraphies de Mauro Bigonzetti, et à Sidi Larbi Cherkaoui qui viendra en compagnie de la formation corse A Filetta pour Apocrifu. Place au Ballet de Marseille avec trois pièces de Kelemenis, Forsythe et Malandain, à Josef Nadj (Entracte) et Nasser Martin-Gousset (Comedy) qui, sauf le BNM, intègreront des musiciens à la construction scénographique. Même combinaison avec Kubilaï Khan Investigations qui mêlera dans Geografia une équipe cosmopolite de trois musiciens du groupe Kafka et cinq danseurs venus de

Corée, du Mozambique, de Slovaquie et de Suède… Côté musiques, l’Orchestre national de Barbès invitera le public à participer à une grande fête-concert, Groundation fêtera son 10e anniversaire quand le jazzman Richard Bona offrira «une musique qui rassemble». Le clap de fin reviendra à Juan Carmona, directeur artistique des Nuits Flamencas… Et avant cela, le 16 juin, Chéreau dira Coma (voir p 22)…

carte Châteauvallon passera de 17 à 12 euros tandis que le prix de la place à l’unité augmentera de 1 euro, sans compter les nombreuses offres aux moins de 26 ans, aux collectivités et aux groupes. Bref, tout sera mis en œuvre pour continuer à soutenir les compagnies d’un côté, l’accès à la création de l’autre. Question d’équité…, et de bon sens. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Programme d’été de Chateauvallon 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

M.G-G

Geografia, Kubilai Khan investigations © Laurent Thurin-Nal


THÉÂTRE LE SÉMAPHORE | PÔLE MÉDIA

POLITIQUE CULTURELLE

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Parenthèse enchantée Ils étaient tous là, tous les représentants des collectivités territoriales, pour fêter les 20 ans d’un théâtre particulier…

Les 20 ans du Semaphore © X-D.R

Le cas du Sémaphore aujourd’hui est si rare et précieux qu’il faut le souligner, le préserver, le monter en épingle même. Edifiés conjointement il y a 20 ans dans une ville en grande difficulté économique, le théâtre et la médiathèque ont fait la preuve que l’éducation populaire n’est pas un vain mot, et que parier sur la culture a du sens. Dans un quartier appauvri, au sein d’une population confrontée au chômage de masse, dans une ville où habitent beaucoup d’immigrés (le Sémaphore est un des rares théâtres où l’on voit s’asseoir des femmes enfoulardées), le théâtre propose depuis 20 ans une programmation exigeante, qu’elle assortit d’ateliers de pratique, de résidences… et d’une convivialité qui lui garantit un taux de fréquentation de 85%, dont plus de la moitié réside à Port-de-Bouc même. Est-ce parce qu’«elle a fait de la culture un axe de

son développement», comme le soulignait Alain Hayot,(Conseil Régional) que la ville a toujours «résisté aux tentations xénophobes» ? Sans doute la réussite du théâtre est-elle dûe aussi à la personnalité de son directeur, Pierre Graphéo, «connu pour sa pugnacité» soulignait Bernard Millet (Conseil Général). Quant à Katell Pouëssel, (Direction Régionale des Affaires Culturelles), elle notait l’exclusivité du label de cette scène, «conventionnée pour les publics», qui produit un «étonnant travail éducatif fait de rencontres et de partage», grâce à une salle toujours ouverte qui programme des spectacles «joyeux et intelligents». La recette du succès ? Patricia Fernandez, la Maire, émue, rappela que petite fille elle avait connu à cette place les ateliers mécaniques de Saint Gobain, et qu’associer ainsi patrimoine ouvrier et culture résume toute une politique culturelle : une

mission de service public auprès des publics qui permet aussi l’existence, essentielle, de la création. Des discours agrémentés des facéties de la Cie du voyage imaginaire, très irrespectueuse du protocole, qui brossait les vêtements, cirait les chaussures, peignait énergiquement les chevelures et époussetait non moins vigoureusement les cols des représentants et élus hilares, et finalement peu décontenancés ! Après cela un petit coup de fanfare Wonderbrass, un banquet arrosé, chauffé au brasero, et l’on repartait pour un moment avec Jean-Louis Hourdin, qui a inauguré le théâtre en 1989, puis fêté ses dix ans, et revenait ce soir là avec un montage de (beaux) textes politiques, poèmes et chansons de jongleur, Hugo et Dario Fo dits à trois (avec Pierre Henri et Éloïse Brunet) sur le fil de l’emphase pour montrer la force des peuples. Ça s’appelait Ça respire toujours. Pourvu que ça dure! Et que ça rayonne ailleurs, partout où le service public de la culture est foulé aux pieds… AGNÈS FRESCHEL

Les 20 ans du Sémaphore se sont fêtés le 17 avril à Port de Bouc

Le cinéma a une Antenne ! Au Pôle Media de la Belle de mai il n’y a pas que Plus Belle la Vie. Non seulement on y tourne autre chose, mais encore on y chouchoute le cinéma et l’audiovisuel La création de l’antenne Media Grand Sud devrait permettre de faciliter la vie aux créateurs d’un secteur culturel particulièrement sensible. Car, comme le rappelait Alain Hayot, vice-président du Conseil Régional délégué à la Culture, il faut «une véritable politique publique en matière de cinéma et d’audiovisuel», qui «respecte la création cinématographique, dans un secteur où les lois de rentabilité de l’industrie culturelle sont plus présentes qu’ailleurs.» Media 2007-2013 est un programme de l’Union Européenne qui vise à «encourager le développement de l’industrie audiovisuelle.» La fameuse exception culturelle semble présider à ses destinées puisque le programme, qui concerne 32 pays comme le rappelait Blandine Pellistrandi, représentante de la Commission européenne, s’attache à développer la formation (7% du budget), la production indépendante (20%), les festivals (9%, plus de 100 festivals européens aidés), la distribution des films européens (55%) tout en veillant à la diversité culturelle : le programme Media, soit 755 millions d’euros sur sept ans, soutient actuellement plus de la moitié des films européens… La création d’une Antenne à Marseille est donc un événement important, unique même, puisque la France sera le seul pays à posséder trois relais (Paris,

Strasbourg, Marseille) quand les autres se contentent d’un, parfois de deux ; cette installation définitive devrait donc permettre aux créateurs de la région, et aux festivals, une aide au montage de dossiers. Et par ailleurs la région devrait voir s’accroître le nombre de tournages, déjà très important. En effet, grâce au climat, à la lumière, aux sites variés et exceptionnels, le «Grand Sud» de la France est d’ores et déjà un des premiers territoires de tournage en Europe. L’antenne vise à les augmenter encore en facilitant leur gestion humaine et technique, mais aussi en mettant en réseau l’espace euroméditerranéen. La Région PACA, fortement impliquée dans la création de cette antenne puisqu’elle en est à l’origine (elle la demande depuis 2003, et l’a hébergée durant un an le temps que les locaux soient prêts), ajoute donc ce dispositif à la politique qu’elle mène pour le cinéma et l’audiovisuel, aidant la création (2,5 millions par an) mais aussi l’accès au cinéma, des jeunes en particulier. A.F.

L’inaguration de l’Antenne Media Grand Sud a eu lieu le 27 avril Pôle media de la Belle de Mai 04 91 57 50 57 www.mediafrance.eu


Du son pour tous Dans le cadre d’un programme d’accès aux loisirs culturels pour les personnes malentendantes, Joël Canapa, du Conseil Régional PACA, a inauguré au théâtre du Ring l’installation d’une Boucle Magnétique. La compagnie Saliéri-Pagès, qui a déjà mis en œuvre l’accès à son théâtre aux personnes à mobilité réduite, a ainsi été sélectionnée par la Région pour équiper sa salle de ce dispositif de sonorisation. Cette mesure prévoit le financement sur 3 ans de 45 salles, et devrait créer un effet d’entraînement chez les autres. D’un coût dérisoire par rapport à l’aménagement d’un lieu de spectacle (en moyenne 4000 euros), il suffirait souvent d’y penser : un fil électrique autour de la pièce, un amplificateur de boucle, un micro permettent aux personnes équipées d’appareils auditifs en position T, ou d’un implant cochléaire, de capter le champ magnétique obtenu grâce aux bobines à

induction de leurs appareils. La Région réaffirme ainsi, dans le prolongement de l’adhésion en 2003 à la charte de Madrid, la nécessité de donner aux personnes handicapées l’accès à tous les droits fondamentaux et notamment à la culture. Au Ring, Marie Pagès et son équipe sont heureux de «faire entendre leur bruit artistique», eux qui désirent inscrire le spectateur au cœur de leur démarche de création, en réduisant les freins qui empêchent d’aller au théâtre. Dans la ville de Jean Vilar, cette installation visant à favoriser l’accès à la culture pour tous, revêt une résonance particulière... DELPHINE MICHELANGELI

L’inauguration de la Boucle Magnétique a eu lieu le 23 avril

Païdos est vivant ! Touchés par les appels à solidarité répétés de la librairie Païdos, nous avons dit un peu vite (et théâtralement !) dans notre édito précédent que la librairie était à l’agonie… Depuis, les libraires reçoivent des appels affolés demandant quand ils ferment… Or si la librairie du Cours Julien est en crise, en situation financière difficile, il n’est aucunement question qu’elle ferme ses portes. Que tous les Marseillais amateurs de cette librairie militante si particulière se rassurent : ses nombreuses activités, rencontres, expositions… et son fonds choisi restent à la disposition de leur curiosité, de leurs passions, et de leur implication citoyenne ! AGNÈS FRESCHEL

À venir à la librairie La librairie sera fermée au public (avec possibilité dans la journée de venir chercher les livres commandés) du 15 au 23 mai et du 29 mai au 5 juin pour cause de tournage d’un film, mais les rencontres-débats auront lieu comme prévu : - rencontre autour de l’ouvrage Poubelle égarée au bord d’une autoroute, que dit aujourd’hui la psychanalyse de la précarité ? (collectif, éd. Pleins Feux),

avec les auteurs Hervé Castanet, Dominique Pasco, Sylvette Perazzi, Elisabeth Pontier et un invité, le docteur René Arnaud-Castiglioni, psychiatre et chef du service de gérontopsychiatrie au C.H.S. Valvert. Le 14 mai à 19h ; - table ronde à l’invitation d’Alternative Libertaire avec des syndicalistes pour parler Des luttes isolées vers un mouvement de grève générale : Comment construire le changement ?. Le 15 mai à 18h ; - rencontre autour de la revue Z, le 26 mai à 19h ; - rencontre avec Pierre Micheletti, président de Médecins du Monde, autour de son livre Humanitaire s’adapter ou renoncer (Hachette, coll Marabout) le 27 mai à 19h ; - rencontre avec Benito Pellegrin autour de son livre Marseille quart Nord, chronique marseillaise (éd. Sulliver) le 28 mai à 19h ; - rencontre avec Emmanuelle Cosse autour de son livre Cette France-là (Assoc. Cette France-là) le 29 mai à 19h. Librairie Païdos 54, cours Julien 13006 Marseille 04 91 48 31 00


CAUE 13 À la tête d’une équipe de 13 personnes, Sandrine Dujardin mène les projets du CAUE 13 tambour battant, pour sortir d’une visibilité en demi-teinte… À l’heure où le CAUE 13 consacre une exposition à l’architecte Fernand Pouillon et inaugure sa collection Guide du promeneur architectural, l’occasion est donnée de décrypter ce que cache ce sigle. Le CAUE, c’est le Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement. Son statut est particulier puisqu’il s’agit d’une association d’intérêt public percevant une taxe prélevée sur les permis de construire, et assignée par le Conseil général. Créé en 1980 dans le cadre de la loi sur l’architecture de 1977, le CAUE 13 compte parmi les 89 autres associations sur le territoire national. Informer, sensibiliser, conseiller et former sont les quatre missions fondamentales communes à tous, même s’il existe une grande variété d’interprétations possibles. Le CAUE 13, notamment, se particularise par un maillage important du territoire avec 59 architectes conseils et 4 correspondants territoriaux qui apportent leur expertise aux élus des 79 communes adhérentes, coordonnent un réseau de professionnels et réalisent des études (plus de 150 par an). Si leurs avis, «neutres et consultatifs», sont indispensables aux spécialistes, peu de particuliers y ont recours. Il lui reste donc beaucoup à faire pour que leur talent de médiateurs soit sollicité plus systématiquement dans le cadre du développement des communes et l’instruction des permis de construire…

Promouvoir l’architecture contemporaine «L’architecte conseil a un rôle pédagogique important, rappelle Sandrine Dujardin. Ce n’est pas un gendarme mais un expert. Et c’est un vrai geste militant pour éviter l’effet coup d’épée dans l’eau.» Pour toutes ces raisons, le CAUE13 travaille de concert avec les communes, les associations, les professionnels et les différents services

POLITIQUE CULTURELLE

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De la ville, de l’architecture, du paysage…

© X-D.R

de l’État dont il forme même les agents (élus, ingénieurs et directeurs de services techniques). De pédagogie, il est aussi question avec les scolaires grâce au Conseil général (Passeport 13 ou la découverte du cadre de vie, du patrimoine architectural et paysager du département) et au Rectorat. Mais, admet Sandrine Dujardin, «sensibiliser et former le public à l’architecture demande un gros effort de vulgarisation.» Du coup, pour toucher le plus grand nombre, elle multiplie les partena-

riats : avec les CAUE du Gard et de l’Hérault (programme «La rentrée en images»), la Fondation Le Corbusier et Cité de l’architecture et du patrimoine (outils pédagogiques autour de l’œuvre du Corbu et de la Cité Radieuse de Marseille). Avec l’association Loubatas (élaboration d’une mallette pédagogique sur l’éco-construction), l’ADAPP (conférences sur l’art contemporain), le ministère de la Culture et de la communication (Journées du Patrimoine)…

Encore faut-il que ces «actions communicantes» s’appuient sur des outils d’information et de documentation performants. C’est le cas de l’Observatoire de l’architecture, de l’urbanisme et des paysages dont le fonds regroupe près d’un millier d’images, mais pas de la bibliothèque qui, faute de place, est inaccessible… Enfin, pour promouvoir la créativité architecturale dans le département, le CAUE 13 co-organise avec le Syndicat des architectes le Prix du meilleur diplôme et, pour valoriser les communes qui ont de l’audace, décerne le Grand Prix départemental de l’architecture ! Il ne lui reste plus qu’à intégrer un bâtiment à la hauteur de ses ambitions, qui serait un signe fort architectural et permettrait l’ouverture à tous d’un lieu d’information sur ses activités. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

(ADAPP – Association intercommunale pour le Développement des Arts plastiques et du Patrimoine)

L’un chez l’autre Le CAUE 13 fait coup double autour de Fernand Pouillon en accueillant l’exposition Pouillon s’invite chez Castel et en lançant son premier Guide du promeneur architectural. L’exposition est produite par le Pavillon de l’Arsenal de Paris et inédite en région : 46 panneaux et 4 maquettes témoignent de ses réalisations en région parisienne (Pantin, Montrouge, Boulogne-Billancourt, Meudon la Forêt). La scénographie a été confiée au cabinet marseillais CCD (Régis Daniel) qui a réhabilité l’an dernier l’ancienne aérogare Marseille Saint-Charles conçue par Gaston Castel en 1950, et actuel hall de la cité administrative DDE/DREAL où l’exposition est présentée. La première carte guide, réalisée en partenariat avec l’association Les Pierres sauvages de Belcastel, est

«consacrée à l’intégralité de l’œuvre de Fernand Pouillon dans les Bouches-du-Rhône, département où il a engagé sa carrière de bâtisseur et forgé son écriture architecturale.» L’une et l’autre permettant de mieux comprendre qui était ce «personnage singulier au parcours atypique, fort, ancré dans l’imaginaire collectif» tout à la fois architecte, écrivain prolixe et éditeur… M.G.-G.

Pouillon s’invite chez Castel jusqu’au 30 juin 16 rue Antoine Zattara, 3e 04 96 11 01 20


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FESTIVALS

NUITS DES MUSÉES

Muséales nocturnes Comme chaque année les musées ouvrent leurs portes la nuit… du 16 mai ! AIX-EN-PROVENCE Fondation Vasarely - 04 42 20 01 09 Picasso sous un regard cinétique : tableaux du peintre reproduits et travaillés par des artistes aixois pour des effets d’optique inspirés par l’œuvre de Vasarely. Quatuor de saxophones : musique espagnole du XXe siècle. De 19h à minuit. Musée de l’Atelier de Paul Cézanne 04 42 21 06 53 Le cirque au musée : le cirque Indogo mêle performances et création artistique. Découverte de l’Atelier : avec Roberto Clerico, redécouverte du lieu à travers les liens qui unissent Les Grandes Baigneuses (1906) que Cézanne réalisa en ce lieu, et Les demoiselles d’Avignon peint par l’année suivante par Picasso. De 20h à 1h . Musée des Tapisseries - 04 42 23 09 91 Exposition Jean Le Gac. Le conservatoire Darius Milhaud. De 20h à 1h. Musée Granet - 04 42 52 88 32 Toiles et toiles (voir page 46) De 19h à 1h. Pavillon Vendôme - 04 42 91 88 74 Evocation de l’exposition des œuvres de Picasso en 1958 au Pavillon. Bernard Pagès : installation de sculptures dans les jardins dans le cadre du parcours dans la ville pour la saison Picasso. De 20h à 1h.

ARLES Fondation Van Gogh - 04 90 49 94 04 Visite du musée. De 19h à minuit. Musée Départemental de l’Arles Antique - 04 90 18 88 88 Création lumière par Christophe Guibert. De 19h à 1h. Maudite Vénus avec l’atelier de danse Saugrenu. 21h30, 22h30 et 23h30. Théâtre d’ombres : Les 4 saisons du musée bleu avec la cie LunaSol. 23h et minuit. Muséon Arlaten - 04 90 93 58 11 La cie Madame Olivier investit les lieux pour la dernière Nuit des Musées avant la fermeture pour travaux. De 19h à 1h.

AVIGNON Maison Jean Vilar – 04 90 86 59 64 Exposition Craig : accès libre aux salles du 1er étage, thématique autour de la marionnette. De 19h30 à 22h15. Musée Calvet – 04 90 86 33 84 Le comédien Michel Le Royer donnera deux lectures de 30 minutes dans la grande

galerie du musée, autour de la thématique de la nuit ou de la beauté. De 20h30 à 21h et de 22h30 à 23h.

Muséum d’histoire naturelle – 04 91 14 59 55 Voir p 74. De 18h à minuit.

Musée Estrine – 04 90 92 34 72 Visite du musée à la torche et en musique. De 21h à 23h.

L’orchestre de jazz de Alain Martial Quintet de 18h à minuit.

Musée d’art contemporain [MAC] – 04 91 25 01 07 La Danse dans tous ses états. (voir p 26)

SALON-DE-PROVENCE

Collection Lambert – 04 90 16 56 20 Projection vidéo des collections dans la cour. De 20h à minuit.

DIGNE Musée Gassendi – 04 92 36 62 62 Le musée célèbre le langage dans toutes ses formes : écrit, parlé, dansé, chanté, joué, mimé, habillé, filmé, dessiné, peint, photographié, créé... Animations par les professeurs et les élèves du Conservatoire départemental de musique, de danse et d’art dramatique (20h à 1h) ; contes avec Bi-hop, spectacle bilingue (Français/langue des Aignes) avec Anne Lopez et Sophie Mazin (22h à 23h) ; Ateliers à partir d’œuvres du FRAC, Démonstrations du chapeau-vie à Jérusalem de Marie-Ange Guilleminot et Les rébus d’après les statements de Weiner de Gérard Collin Thiébaut (de 20h à 1h).

ISTRES Musée archéologique - 04 42 11 27 72 Animations festives entre le Centre d’art contemporain et le musée archéologique sur le thème du bestiaire : échange d’œuvres, animations musicales, lecture de contes, performances d’artistes, diffusions documentaires, projections de films. Exposition «bestiaire» au Centre d’art contemporain de Jean-Michel Pradel Fraysse; et dans le musée archéologique, œuvres de Jean-Michel Pradel Fraysse. De 18h à minuit.

MANE Musée départemental ethnologique 04 92 75 70 50 (Voir p 74). De 21h à minuit.

MARSEILLE Musée de la mode – 04 96 17 06 00 Après un parcours découverte de l’exposition, les enfants réaliseront dans l’atelier un habillage à plat de croquis de mode à l’aide de chutes de tissus, de paillettes, plumes. De 21h à 22h. MUCEM - 04 96 13 80 90 Conférence sur la fortune artistique du roi René par Barbara Morel, Université d’Aixen-Provence, à l’Espace Georges Henri Rivière (de 18h30 à 20h). Polyphonies en Méditerranée : Chorale Les Vallonés, sous la dir. de Brigitte Fabre. Tour du Roi René (20h).

MARTIGUES Musée Ziem – 04 42 41 39 60 Visite théâtralisée à mi-chemin entre spectacle musical, commentaires détournés et parcours déambulatoire autour de Félix Ziem avec les artistes Laurent Sellier, Benjamin Dupé, Benjamin de la Fuentes et Alain Cesco-Resia. A 17h, 18h, 19h, 20h et 21h.

QUINSON Musée départemental de préhistoire des Gorges-du-Verdon – 04 92 74 09 59 Inauguration de l’exposition Early Man on a modern Road : vision contemporaine de l’évolution de l’historienne d’art à l’Université de San José aux États-Unis, Dore Bowen, et de Isabelle Massu, artiste et enseignante au San Francisco Art Institute, école d’art aux Etats-Unis. Exposition visible jusqu’au 15 décembre 2009. De 19h à 22h.

SAINT REMY-DE-PROVENCE Musée des Alpilles – 04 90 92 68 24 Découverte insolite du musée à la lampe torche. De 20h à 23h. Démonstration de gravure par Dominique Heyraud, graveur. De 21h à 23h.

Musée de l’Emperi - 04 90 44 72 80 Visites théâtralisées de la collection de l’Emperi sur le thème du Second Empire avec la compagnie Jubilo Label Bleu. A 20h et 22h. Déambulation nocturne sur le thème Analyser une œuvre d’art : le tableau, salle des Gardes. De 20h30 à 22h30. Musée de Nostradamus - 04 90 56 64 31 Projection en boucle sur la façade du musée, d’un diaporama des lieux où vécut, étudia et soigna Galilée (Padoue, Venise...). De 19h à 23h.

TOULON Maison de la photographie - 04 94 93 07 59 Concert de la cie Les Bijoux Indiscrets. De 20h30 à 23h. Musée des arts asiatiques – 04 94 36 83 10 Concert avec l’ensemble Le concert des plaisirs. De 20h30 à 23h30. La plupart des musées seront ouverts pour une visite nocturne. Programme consultable sur http://nuitdesmusees.culture.fr

Festival ? Depuis quelque temps la paupérisation des compagnies et des structures professionnelles, doublée de la professionnalisation obligatoire des étudiants en master, aboutit à d’inquiétantes collusions. Des étudiants de toute sorte, y compris d’Euromed (mais d’autres aussi d’Aix Arles ou Avignon), établissement voué a priori au commerce et non à la communication culturelle, montent des événements, organisent, promeuvent voire programment des «festivals». On ne peut leur en vouloir, ils en ont besoin pour finaliser leurs études… Mais cela donne des manifestations vides, où la pratique amateur se confond et prend la place de celle des pros. Et quelques subsides… Etang d’Arts, qui pour sa 12e édition se localise à la Friche, est marché artisanal, une réunion de commerçants, agrémentée de «manifestations

festives» : un concours de cinéma amateur récompensé par des «lots», des associations (ou cours !) de danse, théâtre, cirque, un concert «festif»… et aucune démarche esthétique, sinon cette volonté écolo-naïve de développement durable : concocter un événement «100% propre» n’est pas une finalité culturelle en soi… Surtout quand il s’agit simplement de prévoir une consigne pour les verres de bière et des toilettes sèches. Réfléchir le capitalisme au lieu de promouvoir bénévolat et commerce équitable (bijoux, encens, percing, dread locks et bières ?) serait sans doute plus «culturel»…

Festival Etang d’Arts Les 30 et 31 mai La Friche la Belle de mai http://festivaletangdarts.blogspot.com


DEHORS ! FESTIVALS 09

Le marcher vers l’art Dans les Alpes de Haute Provence, près de Digne, les Refuges d’Art d’Andy Goldsworthy invitent à la marche et à la rencontre avec l’art contemporain hors musée. Une expérience de l’œuvre d’art unique et singulière En mai 1995, au musée Gassendi de Digne, une exposition consacrée au travail du chef de file du Land Art célébrait les dix ans d’existence de la Réserve Géologique de Haute Provence… L’artiste avait profité de cette invitation pour réaliser plusieurs œuvres éphémères dans la vallée du Bès. Dès lors une collaboration ininterrompue, sollicitant intervenants publics et privés, français et étrangers, s’en est suivie qui l’a amené à concevoir avec la conservatrice du musée et directrice du Cairn, Nadine Passamar-Gomez, le parcours des Refuges d’Art. Un volumineux catalogue en retrace toute l’histoire. Il existe de nombreux parcours de sculptures en plein air, éphémères ou pérennes, comme à Vassivières (Limousin), le Parcours d’Art en Paysage (Ardèche) ou encore le parc du Musée-promenade à Digne même. Alors que ceux-ci rassemblent le plus souvent des œuvres d’artistes différents, les Refuges d’Art sont l’œuvre éclatée d’une seule personne, et se découvrent par la marche. Un itinéraire de 150 km pour dix jours de marche relie les trois vallées du pays dignois dont l’entrée est signalée par une Sentinelle, sculpture de pierre sèche de forme ovoïde emblématique de l’artiste.

Œuvres-abri Partant du monumental mur d’argile installé au quatrième étage du musée Gassendi, The River of Earth, le visiteur-marcheur s’immerge progressivement dans le paysage empruntant d’anciens chemins ruraux rouverts pour l’occasion, sinuant dans les sculpturaux reliefs géologiques de la réserve. Dans son intention artistique inspirée d’un travail en partie réalisé dans son propre pays (le Sheepfolds Project), il ne s’agissait pas pour Andy Goldsworthy de produire simplement une sculpture déposée en un lieu remarquable mais d’intégrer l’œuvre dans un processus global tenant compte de l’histoire humaine enfouie, des perspectives minérales et de ses conditions d’accès. «À cause des distances qui séparent chacune des Sentinelles, à cause du chemin à parcourir à pied, j’ai suggéré de restaurer A. Goldsworthy, Refuge du Vieil Esclangon, 2005. La forme sinueuse en argile rouge rappelle a la verticale The River of Earth du musee Gassendi © C-D. Lorin

d’anciens bâtiments afin que les gens puissent y passer la nuit, tout en intégrant une sculpture à la rénovation.» Il a fallu relire d’anciennes cartographies comme celles de Cassini -ainsi que le précisait notre guide Jean-Pierre Brovelli, complice de la première heure du projet-, interroger les mémoires locales pour réapprendre les usages, solliciter les savoir-faire pour relever des murs. Au Vieil Esclangon, il a fallu penser la lumière naturelle et celle provenant de l’âtre, ou encore jouer l’obscurité à la Ferme Belon. Si certaines œuvres sont accessibles en peu de temps d’une aire de stationnement, les Refuges d’Art ne s’estiment totalement que par l’acte de la marche. Grâce à cette approche en immersion au plus proche du terrain et de lui-même, le visiteur réactive des réseaux physiques et imaginaires, une énergie particulière, amené à modifier intimement ses habitudes d’appréciation de l’œuvre d’art située hors de l’institution muséale. Ainsi faut-il éprouver le flux de la rivière inscrit dans les linéaments du mur de pierres noires au Col de l’Escuichière ou bien se lover dans l’alcôve/matrice de la Chapelle Sainte Madeleine. «Pour moi, il existe une différence fondamentale entre l’œuvre d’art que l’on regarde en quelques minutes dans un musée et l’œuvre avec laquelle on vit pendant un peu de temps, avec laquelle on dort. Dormir avec une sculpture, c’est une idée merveilleuse.» D’autres refuges d’art sont en projet aux lieux-dits de Feissal ou La Forest.

Andy Goldsworthy, Refuge d'Art, Chapelle Sainte Madeleine, pierres seches, Thoard, 2002 © C.-D. Lorin

Patrimoine naturel et plus

CLAUDE LORIN

Andy Goldsworthy, Refuges d’art Musée Gassendi /Cairn 04 92 31 45 29 www.refugesdart.fr www.musee-gassendi.org Catalogue Fage éditions, 2006

À découvrir aussi Le sanctuaire de la nature, travail très discret d’un autre artiste inspirés par la nature, herman de vries, avec une nouvelle exposition ambulo ergo sum au musée Gassendi, jusqu’au 21 juin; le catalogue édité aux éditions Fage. La Route de l’Art Contemporain (Viapac), de Digne à Cuneo (Italie), un jalonnement d’œuvres in situ conçues par A. Goldsworthy, herman de vries, J. Foncuberta, M. Dion, T. Gould entre autres… en cours de réalisation. À deux pas de Digne, le Musée-Promenade, un autre parcours de sculptures, avec des œuvres de S. Bussières et A. Larpent notamment. Musée Gassendi : collections patrimoniales, art et science, œuvres contemporaines Le Cairn (Centre d’art informel de recherche sur la nature) assure le volet art contemporain en liaison avec le musée et la réserve géologique : résidences d’artistes, production d’œuvres, publication, accueil de chercheurs… 04 92 31 45 29 www.musee-gassendi.org Réserve Géologique de Haute Provence www.resgeol04.org

Les étendues naturelles constituent 75% du territoire de PACA, ce qui contribue à en faire une des plus grandes régions touristiques du monde. La randonnée, sportive ou non, se double souvent d’une motivation culturelle : on visite le territoire, ses monuments, ses sites, ses musées, à vélo, à cheval, et à pied. On parcourt les paysages et les musées en quête de Cézanne ou de Picasso. Des itinéraires sont prévus par les professionnels du tourisme, en particulier dans les trois départements alpins qui, après une saison d’hiver exceptionnelle, espèrent que les Français resteront chez eux cet été, et pousseront jusque dans les montagnes… Car si l’impact économique des investissements culturels est difficilement mesurable (les variables sont très nombreuses), chacun s’accorde à dire que l’investissement culturel est un élément essentiel du développement touristique, sans cesse évalué. Ainsi l’Agence Régionale du Patrimoine a mené une étude en 2007 évaluant l’impact économique et social des Refuges d’Art… A.F.

Itinéraires de randonnée Comité Régional de Tourisme www.decouverte-paca.fr Agence Régional du Patrimoine www.patrimoine-paca.fr


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FESTIVALS

DANSE

Toute la danse est là

Tragic - Love de Stephen Petronio © Laurent Philippe

Depuis 29 années chacun le sait : Montpellierdanse est LE festival ; celui qui, en deux semaines, présente toute la danse de création d’aujourd’hui : celle qui aime se donner en spectacles ou la plus expérimentale, celle qui se créée ici ou aux autres bouts du monde (sans traditionalisme !), celle qui raconte ou la plus abstraite, musicale, plastique, thématique… Imaginez un peu : 25 spectacles différents dont 17 créations la plupart coproduites… soit 62 représentations, en deux semaines, où toutes les salles

sont pleines, depuis l’immense Corum jusqu’au modeste Studio Bagouet. Bref, Montpellierdanse fait vivre la danse française et internationale, en la produisant, en la soutenant, en lui offrant des écrins de rêve et un public d’une fidélité admirable… Les réjouissances de cette année : au Corum les grands spectacles de Blanca Li, Israel Galvan, Stephen Petronio qui fait danser le CCN de Lorraine sur des amours tragiques, Emanuel Gat qui créera ses Variations d’hiver, et Mark Morris, le

chorégraphe américain aux trois Bessie Award, dont la cie viendra danser, accompagnée par deux pianistes, un programme tout mozartien… Dans l’écrin italien de l’Opéra comédie des spectacles un peu plus intimes : Preljocaj viendra créer (mais oui !) le premier solo de sa carrière, Funambule, sur le texte de Genêt ; mais la Compania Flamenca de Mercedes Ruiz, le CCN de Lorraine dans un programme Bagouet, Andres Marin prendront leurs aises… C’est dans les autres théâtres qu’une danse plus expérimentale prend ses élans : au Studio Bagouet des Ursulines la danse subtile de Fattoumi et Lamoureux, ou absconse de David Wampach ; au Théâtre de Grammont trois chorégraphes remarquables : Emmanuelle Huynh qui travaille sur la musique de Xenakis, Bruno Beltrao et sa sidérante danse qui nous fait voir un Brésil contemporain, âpre et urbain et François Verret, chorégraphe, circassien, musicien aux mille mots. Et puis d’autres fidèles s’installent dans les salles de l’agglomération : Hermann Diephus, Rita Cioffi, Vera Mantero, l’émouvant Raimund Hoghe, et bien sûr Mathilde Monnier… Quand on vous disait qu’il y en a pour tous les (bons) goûts ! AGNES FRESCHEL

MontpellierDanse.09 Du 19 juin au 4 juillet Réservations ouvertes depuis le 19 avril 0 800 600 740 www.montpellierdanse.com

Grands spectacles ! Comme chaque année Vaison Danses met les grands plats dans son grand amphithéâtre et propose aux bienheureux des villégiatures provençales un programme de rêve à la portée de tous. Blanche Neige d’abord, en ouverture (les 10 et 11 juillet) : la dernière création de Preljocaj, magnifique livre d’images mouvantes contenant quelques moments d’anthologie, saura faire vibrer la nuit d’émerveillements enfantins, d’émotions mahlériennes et de fugitifs questionnements sur le désir. On se demande d’ailleurs comment ils recréeront l’époustouflante chorégraphie verticale sur le mur du lointain, dont le (sublime) théâtre antique est dépourvu ? Puis ce sera au tour de Carolyn Carlson qui revisite son solo, Blue lady, en l’offrant à… Jacky Berger. Comment un homme interprètera-t-il cette incarnation mythique de la femme créatrice (le 15 juillet)? On sait en tous les cas comment

Georges Momboye s’est emparé des rythmes telluriques du Sacre du printemps, transformant le rituel sauvage de Stravinsky en un hymne désespéré à la terre africaine. Il dansera également, en solo, un Faune tout neuf, et

sa Cie présentera sa dernière création sur le quatuor n°4 de Bartók : une musique occidentale, pour une danse africaine contemporaine affranchie du binaire (le 18 juillet). De la musique «live» pour les deux Blanche Neige © Agnes Mellon

autres spectacles, plus traditionnels : Antonio Najarro, chorégraphe et danseur au Ballet National d’Espagne, expérimente avec sa Cie des croisements entre la tradition flamenca la plus pure et la danse classique, mais aussi le tango ou, dans le jazz. (Jazzing Flamenco le 21 juillet). Quant à Stomp, c’est un spectacle explosif, où son et danse naissent ensemble des corps qui bougent et frappent, des tuyaux, des poubelles, en un déchaînement rare d’énergie libératoire (du 24 au 26 juillet). AGNÈS FRESCHEL

Vaison Danses Du 10 au 26 juillet Réservations ouvertes depuis le 4 mai 04 90 28 74 74 www.vaison-danses.com


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Chimie explosive La conférence de presse du Festival de Marseille fut troublée et troublante. Explosive comme ce festival chic qui choque depuis 14 ans par l’impertinence de choix, qui ont réussi à imposer la danse contemporaine internationale jusque dans les milieux huppés de Marseille Cette fois-ci ce ne sont pas les dockers ni les intermittents qui menacent de faire annuler le Festival : ce sont les ouvriers des réparations navales, désespérés par la perte annoncée de leurs emplois, qui ont pris la parole, réclamant du maire qu’il vienne s’asseoir à la table des négociations. Est-il décent qu’une fête se déroule dans un cimetière, demandent-ils ? Apolline Quintrand leur répond remarquablement, en expliquant que son festival n’est pas une fête mais un moment intense de réflexion, de création. Un moment militant aussi, d’une autre façon, qui donne à toucher la réalité du monde, qui s’intéresse à l’homme, aux habitants des quartiers nord associés cette année à la programmation. Qui fait voir aussi la beauté du Port, ce morceau de Marseille que les Marseillais ne connaissent pas. Elle répond aussi qu’il ne doit pas y avoir de combat entre les ouvriers et les professionnels du spectacle. Que tous vivent la même difficulté sociale, économique. Que les considérer comme des adversaires n’est pas juste; que mettre en péril le fruit de leur travail, est se tromper non de lutte, mais de moyen. Convaincante, la Directrice du Festival l’est sans nul doute. Reste que si les négociations n’avancent pas le festival risque d’avoir l’air triste, s’il a bien lieu sur le Port.

Au programme Le nouveau festival, sous le signe de l’alchimie des arts et des pratiques, se baptise dorénavant FDAmM -Festival de Danse et des Arts multiples de Marseille- et s’amuse à des analogies graphiques avec le tableau de Mendeleïev. La chimie se révèlera-t-elle créative ? Dès le 17 juin elle jettera des premiers feux musicaux et corses, face à la mer, avec A Filetta, la «Fougère», 7 voix polyphoniques a capella, qui chantent la liturgie mais aussi Primo

Le bel équilibre

La chambre blanche © Ginette Laurin

Levi. Puis L’Événement ; Vandekeybus vient présenter à Marseille sa création, pour deux soirs ; c’est la cinquième fois que le festival l’invite, et chaque fois une œuvre forte est advenue (les 18 et 19 juin). Ce sera ensuite au tour de Ginette Laurin, chorégraphe créatrice d’O Vertigo, cie historique québécoise qui tourne assez peu en France mais dont on a vu quelques pièces à la biennale de Lyon : une danse sensuelle ponctuée de soupirs, toute en équilibres et en subtilité, virtuose aussi, à découvrir (La chambre blanche les 21 et 22 juin). Nous reviendrons sur la suite du programme, jusqu’au 11 juillet, dans notre prochain numéro. Mais sachez dès à présent qu’il y aura beaucoup de danse, de nombreuses créations de compagnies régionales, des collaborations avec les Bernardines, Marseille Objectif Danse, Marsatac… Et que dès le début du festival vous aurez accès aux formes gratuites : l’exposition Danses noires/ blanche amérique proposée à l’Alcazar du 11 au 27 juin puis au Hangar 15 jusqu’au 11 juillet, l’installation de Christian Rizzo qui fait danser deux robes vides au Hangar

durant tout le Festival, le travail à vue de Christophe Haleb avant les spectacles, le bal manoamano du 21 juin pour fêter la musique en apprenant le tango, les projections du moyen métrage d’Emmanuel Vigne et Julien Chesnel, film d’archives portuaires sur 80 ans de la vie du port (19h du 17 juin au 11 juillet)… Avec obligation de montrer patte blanche pour pénétrer sur les docks, mais possibilité cette année de réservations de dernière minute à la porte 3, où l’on pourra se garer et accéder par navette aux Docks. Mais on vous conseille de réserver, et d’y aller en bateau, pour un voyage magique où l’on découvre une rade interdite aux regards, embarqués du Vieux Port vers le Port neuf, dont on espère plus que tout qu’il restera vivant. AGNÈS FRESCHEL

Festival de Marseille Du 17 juin au 11 juillet www.festivaldemarseille.com

Uzès danse en est à sa 14e édition aussi, et comme chaque année lance la saison des festivals avec une programmation concentrée. Durant une semaine, dans un cadre enchanteur, la danse transforme la ville médiévale en une véritable ruche. Ça parle, ça observe, ça déambule du matin au soir, ça projette et ça bouge, et les queues aux spectacles sont vibrantes de conversations… Il faut dire que la programmation concoctée par Liliane Schaus est une fois de plus remarquable : un équilibre de petites et grandes formes, conceptuelles ou très dansées, plastiques souvent, ou théâtrales : il y aura les Métamorphoses de Frédéric Flamand, mais aussi Christophe Haleb, Alain Buffard, Kelemenis, Karine Pontiès, Nelisiwe Xaba, Tania Carvalho, une installation de Pascale Houbin… Le SEUL festival de l’été où l’on croisera autant d’artistes femmes que d’hommes. Comme il est triste de devoir souligner cette égalité, et s’en réjouir ! A.F.

Uzès danse Du 13 au 18 juin 04 66 03 15 39 www.uzesdanse.fr They look at me... de Nelisiwe Xaba © Photolosa


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FESTIVALS

MUSIQUES

Les fées alpines Il y a, dans les Hautes-Alpes, un LABo des Fées… ... Un lieu qui met à disposition des artistes un matériel informatique (station, vidéo projecteur, capteurs, caméras…) et les compétences techniques pour coproduire des installations numériques interactives sonores et/ou visuelles, des chorégraphies, des performances musicales ou des spectacles vivants. Les créations issues de ce labo sont visibles lors de la Biennale d’arts numériques, les Féeries nocturnes, dont la 3e édition a lieu à Embrun et à l’Abbaye de Boscodon du 20 au 31 mai. Un festival vraiment original qui donne une vision de l’implication des installations multimédias dans le spectacle vivant, parle biais des travaux du LABo et des créations des artistes invités par ailleurs. Invité d’honneur, le percussionniste Cyril Hernandez présentera son projet ImaginaSon-ImaginaSomb et présentera 3 performances, Eau Là, Le MobilaSon© et La Charrette Musicale dans divers lieux de la Ville. À noter d’autres installations, comme les Cocons de Cis, Erik Lorré et Yorga qui illumineront le Parc de l’Archevêché avant de partir à la Friche la Belle de Mai pour le festival Seconde Nature, Leurre du Thé de Gérard Boisard pour

Cyril Hernandez © Sebastien Dessertaine

une (re)découverte du graphisme des premières modélisations 3D, les Paroles Recluses de Claudine Meyer, le Grapholine de Blue Yeti ou encore les Mains virtuelles de Michaël Cros… Puis viennent les spectacles vivants, programmés sur 3 jours (29 au 31 mai) : un banquet Slam & Graffs, le Kalligra-

phism de Marko 93, le concert d’Asian Attack et Etienne Schwarcz, le Piano Mekanik Kantatik de Nicolas Cante et Gilles Toutevoix et le concert jazz électro de Laurent de Wilde retraité par Otisto 23…

Les Féeries nocturnes Biennale d’arts numériques du 20 au 31 mai Embrun 04 92 43 72 72 www.feesdhiver.fr/feeries.htm

DOMINIQUE MARÇON

Rock in Progress

IndéSide! Troisième du nom pour le Festival B-Side qui se tient jusqu’au 31 mai à Marseille et Aix Stilts, et le punk garage marseillais Ich Bin Dead. À Aix, un des nombreux lieux qui accueille le Festival prépare aussi le sien, Seconde nature, le 5 et 6 Juin. Encore une autre face d’un essaim de cultures qu’il faudra bien suivre… sans se piquer ! F.I. ET X-RAY

www.inthegarage.org

NLF3 © Lanternier

Si vous avez été assez curieux pour retourner la face du dernier MP3 téléchargé, vous serez forcément tombé sur la voie expérimentale que nombre de musiciens esseulés proposent dans de rares festivals osant programmer de telles bizarreries. En creusant un peu, leur attitude Punk notoire et l’absence de «stéréo-types» ne peut qu’animer votre sens aigu de la découverte. On a suivi le sillage de Yacht, le pedigree de Fred Berthet (Copyshop et Troublemakers) pour un set bien rodé. La musique indé déambule encore, et vous donne rendez-vous le 17 mai à la Machine à Coudre pour découvrir le garage post punk de The Intelligence, de passage en tournée pour présenter son album. Direction la Bergerie (27/5) pour décrypter le tropical industrial minimalist de Mahjjong et vibrer sur le son électronique tribal de Rainbow Arabia. Passage obligé à l’Embobineuse (29/5) et préparation au décollage de l’odyssée psychédélique NLF3 avec pour passagers les électro pop Andromakers, la micro house de Lu&nl et l’électro subversive de Hypo & EDH. Retour à la Machine à coudre (31/5) pour la clôture du festival avec le punk psychédélique et minimaliste des Crystal

Prog’Sud, 10e édition du festival international de rock progressif se tiendra au Jas’Rod des Pennes Mirabeau du 20 au 23 mai. Unique dans le sud de la France, ce festival où la fusion fait office de crédo est devenu au fil des ans un rendez-vous incontournable dans le circuit progressif mondial. Hélène Brunet (France), Saw (France) et Stick Men-Tony Levin (USA) feront chauffer les guitares pour la première soirée (20/5) avant que Sylbat (France), D Project (Canada) et Eclat (France) prennent la relève (21/5). Suivront les Requins Marteaux (France), Sylvan (Allemagne) et Odessa (Italie) pour une soirée éclectique (22/5) avant de clôturer par un grand écart au Japon au son des Rough&Ready, un détour en Espagne avec Psicotropia et un retour aux sources avec Lazuli (23/5). F.I.

www.progsudfestival.fr


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Des cinq coins du monde Pour ses dix ans le Jazz des cinq continents retrouve toutes ses couleurs. Avec un programme alléchant

Jamie Cullum © X-D.R.

L’an dernier le festival s’était réduit à quatre soirées pour des raisons budgétaires. Aujourd’hui mieux portant, il ne se contente pas de revenir à cinq : il s’étend sur six jours, dont un gratuit ! Ce qui n’est pas rien, chacune des soirées du festival étant un marathon qui voit défiler les artistes et propose plusieurs concerts. La nouveauté donc : la scène gratuite sur le Cours d’Estienne d’Orves ouvrira les réjouissances le 20 juillet avec une soirée où les gens d’ici invitent le jazz d’ailleurs. Le LeoTrio+ s’adjoindra le batteur John Betsch et le pianiste Kirk Lightsey autour des compositions de Monk ; le groupe Saiko Nata, produit une musique étonnante, qui semble retrouver les racines du jazz grâce aux doigts rapides de la pianiste classique Hélène Niddam, et à la Kora chaleureuse de Cheikh Yancouba Diebate : ensemble ils font naître des standards puisés, sans en dénaturer les carrures, dans Ravel ou Chopin ! La première soirée se conclura par le Christophe Leloil Sextet.

Voyage assis Après cela le festival s’installe à Longchamp, dans le même esprit : un public qui circule sur les pelouses, deux parties par soir et une véritable rencontre entre les continents. Souvent les nuits se terminent par des bœufs réunissant les artistes d’origines diverses. Cette année plus que jamais, ils joueront ensemble dès le début : le Saiyuki Trio réunit la musique électrique de

Nguyen Lê, avec le Koto (cithare japonaise) de Mieki Miyazaki et les tablas de Prabhu Edouard… Ensemble ils relisent des mélodies traditionnelles indiennes, japonaises, vietnamiennes ; le Spok Frevo orchestra reprend la tradition du big band à la Duke Ellington, mais le plonge dans le son brésilien, faisant tinter à toute allure la formation classique, comme pour emmener au carnaval de Recife ; quant aux Ethiopiques emmenées par Mahmoud

Ahmed, elles seront accompagnées par le Badume’s Band, une formation… bretonne ! Une fois encore le Festival ne manquera pas de stars : RH factor (jazz funk), invitant… MC Solaar, Monty Alexander venant jouer en trio, les Frères Belmondo en sextet et… Jamie Cullum offrant à Marseille une de ses trois dates françaises (oui oui, celui qui joue le thème de Gran Torino). La dernière soirée sera latino, et pas des moindres : Eliane Elias pour un récital soft très bossa (piano, basse, guitare et drums) et le Chuco Valdes Big Band lui-même, pour emmener à La Havane… Et pour ceux qui veulent compléter les plaisirs, des expositions à l’Alcazar et à Bargemon (des portraits de visages et de mains des musiciens par Stephan Muntaner) des dessins à l’Espace Culture, des rencontres l’après midi pour parler jazz à l’Alcazar… à partir du 2 juillet, et jusqu’au bout du festival. AGNÈS FRESCHEL

Jazz des 5 continents du 20 au 25 juillet Réservations en ligne ouvertes depuis le 1er mai www.festival-jazz-cinq-continents.com

Bouc’n’Stars Après le Festival Couleurs urbaines de la Seyne-sur-Mer, un autre petit port au passé évocateur fait parler de lui, en s’impliquant culturellement sous nos latitudes Bien calés dans le gros son et la bonne humeur, l’équipe des Agglos à Port-deBouc ne change pas de cap depuis 2002. Si on ne se prend pas la tête ici, c’est que l’on forme une grande famille, qui s’agrandit depuis huit éditions, de feu Jamasound à Kanja Rock (20 ans déjà !), des cousins du Massilia à JB’s, jeune promu de la scène locale de cette année… Entre la démerde électroPoum Tchack © William Off

nique du Kit de Dub Room (aussi générateur de son du Oiaï allstars...) et les costars impeccables des défenseurs du Funk, on croisera sur la carte le M.A.P, et on rythmera sa croisière avec Poum Tchack. Programmé le deuxième soir, Amazigh du groupe Gnawa Diffusion est «en totale indépendance» pour son projet hip hop électros, dont Bush est mort est un premier bon exemple. N’est-ce pas la meilleure raison pour jeter l’ancre à ce festival bonne franquette, pour toutes les bourses, et aux antipodes des festivals machines qui s’installent ça et là ? Et attention : départ à 18h, apéro oblige… X-RAY

www.festivaldesagglos.com

Melting notes Malgré les difficultés financières que rencontre le Festival de l’Estaque, la 5e édition aura lieu, mais se délocalise dans le 15e arr, au Théâtre de la Sucrière. Nouvelle visibilité pour un festival en plein essor !

Estaque 2008 - Yazmen © X-D.R.

Éclectisme : ce pourrait être le maître mot de ce Festival qui mêle les styles musicaux, mais conjugue aussi les bonnes volontés pour rassembler les différentes cultures des quartiers nord de Marseille. L’édition 2009 ne déroge pas à la règle et propose des soirées de qualité, mélangeant artistes «locaux» et têtes d’affiches, tous styles confondus. Après Liane Foly qui ouvre sa Folle parenthèse le 1er jour (3 juin), fusion, hip hop et rock seront au programme de la soirée Découverte avec les groupes Solat et Karlit et Kabok (4 juin). Puis les groupes Moussu T e Lei Jovents et Oai Star prendront la relève pour une soirée «pagaille» aux accents chantants (5 juin) avant que Yuri Buenaventura, qui débute là sa tournée européenne, ne vienne présenter son nouvel opus, Cita con la luz, ainsi que quelques standards bien dansants (6 juin). Pour la suite, malheureusement, il vous faudra attendre le mois de septembre… En effet, les concerts et spectacles annoncés -Histoire du tango d’Astor Piazzolla (10 juin), le quatuor Bernard Lubat, Marc Perrone, André Minvielle et Jacques Di Donato (11 juin) et Michel Portal et le trio Yaron Herman (12 juin)- n’auront pas lieu cet été… Mais nous vous tiendrons bien sûr au courant ! DOMINIQUE MARÇON

Festival de l’Estaque du 3 au 6 juin 04 96 10 08 46 www.festivaldelestaque.com


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FESTIVALS

MUSIQUE

«New world» by Aix Tour ! Aux frimas, la tournée hivernale de l’Orchestre Philharmonique du Pays d’Aix a accueilli près de 5600 spectateurs pour une douzaine de concerts dans les villes et villages du pays de Cézanne. On a déjà perçu combien la nouvelle direction musicale de Jacques Chalmeau avait porte ses fruits : sur le plan qualitatif en particulier. À la tête de la phalange instrumentale composée d’une cinquantaine de musiciens, il a livré, entre autres, une belle version de la 7e symphonie de Beethoven. Pour sa tournée estivale, le maestro choisit un brillant classique des concerts symphoniques. La Symphonie n°9 du «Nouveau Monde» de Dvorák invite, dans les va-et-vient du mouvement lent, à un voyage imaginaire entre l’Amérique au tournant du XXe siècle et la Bohème natale du compositeur. Son final demeure une page plébiscitée pour sa force dynamique… En complément l’Orchestre joue des opus de Bellini et Rimski-Korsakov. Du 22 juin au 5 juillet on l’entend donc, gratuitement, dans les parcs et les cours des châteaux des communes du Pays d’Aix : Aix (22/6), La Roque d’Anthéron (23/6 à 18h), Mimet (24/6 à 21h30), Jouques (25/6 à 20h30), Trets (27/6 à 20h), Bouc-Bel-Air (30/6 à 21h), Le Tholonet (3/7 à 21h), Meyrargues (4/7 à 18h) et Coudoux (5//7 à 21h30). On retrouve ensuite l’Orchestre Philharmonique du Pays d’Aix au Festival de Lacoste (Lubéron) les 14 et 16 juillet, dans les carrières du château du Marquis de Sade, sous la férule de Pierre Cardin. Dame Eve Ruggieri y propose une vision personnelle du Barbier de Séville de Rossini : «dans l’esprit de Beaumarchais.» Forcément !

Orchestre philharmonique du Pays d'Aix © X-D.R.

Orchestre du Pays d’Aix Entrée libre pour la tournée estivale Aix en Musique 04 42 21 69 69 www.aixenmusique.fr

La cité sonore

J.F

Eté toulonnais La première partie de la saison estivale du Festival de musique de Toulon et sa région se décline en quatre manifestations sur plusieurs lieux et fait appel à des artistes de haut-vol. La lumineuse 9e symphonie de Beethoven met à contribution les Orchestres et Chœurs des Opéra de Toulon et Avignon. Avec le Chœur régional PACA en sus, gageons que l’Ode à la Joie finale, sous la baguette de Jonathan Nemanja Radulovic © Eric Manas

Schiffman, fera vibrer les murs du théâtre ! (le 12 juin à 20h30 à l’Opéra de Toulon). Le duo flamboyant Nemanja Radulovic (violon) et Laure Favre-Kahn (piano) dresse un programme bâti autour du thème des «Danses» et sur des opus virtuoses de Falla, Bach, Piazzola, Wieniawsky… (le 16 juin à 21h30 à la Tour Royale). Le pianiste Roger Muraro donne un «Récital aux étoiles» comprenant les Scènes de la forêt de Schumann, la Sonate n°6 en fa majeur de Beethoven et la Symphonie fantastique de Berlioz transcrite par Liszt.(le 19 juin à 21 h à la Tour Royale). Le clownesque Quatuor apporte une touche humoristique, poétique, mais essentiellement musicale, avec sa dernière création Corps à cordes mise en scène par Alain Sachs (à Ollioules, le 26 juin à 22h - Amphithéâtre de Châteauvallon).

Pour la 33e édition de Musique dans la Rue, l’association Aix en Musique transforme le Cours Mirabeau, la place d’Albertas ou les Jardins du Pavillon Vendôme en théâtres de plein air. Près de 30 concerts sont prévus durant une semaine, accueillant plus de 200 musiciens classique, jazz, world, électro… et près de 17000 spectateurs ! Des manifestations festives (et gratuites) qui voient Didier Lockwood avec sa formation The Jazz Angels distiller arpèges et impros sur son violon jazz, Gérard Abiton les trémolos de sa guitare classique, Yom les arabesques Klezmer de sa clarinette, le chasseur de sons du Lubéron «encyclopédiste du vivant» Knud Viktor ses «peintures» acoustiques... On y entend aussi du Flamenco, des opéras de rue, le premier concert de la tournée estivale de l’Orchestre Philharmonique du Pays d’Aix dirigé par Jacques Chalmeau (voir ci-contre) et, pour clore la manifestation, le Big-Band d’Aix-en-Provence. J.F

J.F.

Festival estival de musique de Toulon et sa région 04 94 18 53 07 http://musiquetoulon.pagespro-orange.fr

Musique dans la Rue, Aix du 20 au 27 juin 04 42 21 69 69 www.aixenmusique.fr


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Ring : dernier round ! Au bout de quatre années passées à Aix, L’Anneau des Nibelungen (Der Ring) touche à son terme et les Dieux connaissent leur Crépuscule… La Tétralogie wagnérienne constitue peut-être le sommet mondial de l’art lyrique depuis la naissance de l’Opéra au début du XVIIe siècle. Et quand l’Orchestre Philharmonique de Berlin est dans la fosse du Grand Théâtre de Provence, dirigé par Simon Rattle, on se dit qu’on ne reverra pas ça de sitôt (pour peu qu’on trouve des places.. et qu’on ait les moyens de les louer !). Ajoutons que Stéphane Braunschweig signe toujours à la mise en scène et que Ben Heppner poursuit sa puissante incarnation de Siegfried. Immanquable ! Deux Mozart (tradition oblige !) sont également à l’affiche ! Une Flûte, créée à Bruxelles en 2005 sous la baguette de René Jacobs, enchante les inconditionnels du Singspiel maçonnique en forme de conte naïf, quand Idoménée, souvent considéré à raison comme le

premier chef-d’œuvre lyrique de «Wolfi», est à découvrir dans une mise en scène d’Olivier Py, sous la battue de Marc Minkowsky et une distribution alléchante (Richard Croft, Yann Beuron, Mireille Delunsch…). C’est assez rare pour le souligner : le Théâtre de l’Archevêché accueille une opérette ! Ou plus exactement le délirant opéra bouffe de Jacques Offenbach Orphée aux Enfers qui, dans la mise en scène du belge Yves Beaunesne (voir p 25), permet aux chanteurs de l’Académie Européenne de Musique de mettre le pied à l’étrier…

Concerts À côté des spectacles lyriques, Bernard Foccroulle propose toujours des concerts prestigieux. On attend, pour les anniversaires Haydn et Haendel, les venues des mezzo-sopranos Magdalena

Magdalena Kozena © X-D.R.

Kozena avec Louis Langrée et la Camerata Salzbourg, puis Joyce DiDonato avec Christophe Rousset et Les Talents Lyriques. Mais le clou des récitals demeure un triptyque de l’Orchestre Philharmonique de Berlin, qui sous la baguette de son chef attitré joue Le Sacre du printemps de Stravinsky ou le Concerto en sol de Ravel (Lang-Lang au piano) et, conduite par Pierre Boulez et ses

85 printemps, son Concerto pour la main gauche (Pierre-Laurent Aymard au piano)… au cœur de bien d’autres manifestations !

qui méritent leur place dans son panthéon métaphorique (le 24 mai). Le pianiste Pierre Réach fait un Clin d’œil à Haydn en proposant, le jour même du bicentenaire de la mort du musicien, un récital commenté autour de variations, des Goldberg de Bach (dont il est un éminent interprète) à Haydn (le 31 mai). Avec De Toute Eternité, on retrouve également le duo Hubert Woringer et Clara Kastler qui accompagne Gilles Schneider (baryton) dans une pièce récente de Tristan Patrice Challulau (le 7 juin).

La pianiste Evelina Pitti clôt la manifestation avec Jeux d’eau et de paroles et des opus de circonstance signés Bach, Beethoven, Scarlatti, Debussy, Liszt… (le 14 juin).

JACQUES FRESCHEL

Festival d’Aix-en-Provence Du 3 au 31 juillet 0820 922 923 réservations ouvertes depuis janvier www.festival-aix.com

Les pianos de St Pons En trois années d’existence, le festival Autour des claviers s’est déjà fait une place au soleil de Gémenos ! Tristan Patrice Challulau © X-D.R.

La belle acoustique de l’Abbaye de St Pons (entièrement rénovée et entretenue par le Conseil Général 13), située au cœur de la forêt domaniale, accueille derechef la voix du comédien Alain Carré. Après avoir enflammé la prose d’Hector Berlioz, l’homme de théâtre revient pour un nouveau spectacle avec la Compagnie Fin’Amour, musiciens experts dans l’art médiéval. La Cité des Dames, d’après le récit allégorique de Christine de Pizan (reconnu parfois comme le premier ouvrage féministe… au début du XVe siècle !), évoque celles dont la noblesse provient de l’esprit et

J.F

Autour des Claviers Abbaye de Saint Pons, Gémenos du 24 mai au 14 juin Concerts à 18h30 Accès à pied par le sentier des fontaines. 04 42 669 666 www.autourdesclaviers.com


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THÉÂTRE

LE GYMNASE | THÉÂTRE NONO

Mécanique du rire Depuis plus de 20 ans, Fellag, comédien, humoriste et écrivain algérien d’origine kabyle, régale des salles pleines à craquer de ses spectacles hauts en couleurs, dont le grinçant est huilé par le rire. «Pour obtenir un rire qui porte un sens et une conscience, il faut une dose de désespoir suffisante mais pas mortelle, une bonne cuillerée d’amour de la vie, doublée d’une pincée de pessimisme, une mesure de lucidité qu’il faut séparer du bouillon émotionnel. Faire mijoter, laisser refroidir et servir chaud.» Voici la recette du chef, mise en œuvre une fois encore dans son nouveau spectacle, Tous les Algériens sont des mécaniciens, en tournée depuis l’automne 2008 et à Marseille début mai. Cette heure et demie de sketches et d’anecdotes est directement inspirée du dernier roman de l’humoriste, L’Allumeur de rêves berbères, paru en 2007 (voir p 62). Comme d’habitude, Fellag moque la société algérienne contemporaine, évoque les vicissitudes d’une population contrainte à la débrouille et au système D, les rêves de visas et d’ailleurs, les harragas, les coupures d’eau, la promiscuité… Comme d’habitude, il le fait avec une science de la langue et des effets comiques qui comblent l’assistance. Clins d’œil socio-politico-religieux, calembours et jeux de mots, langage hybride, sens de la chute, les saynètes sont ciselées avec un art réjouissant. On en oublie presque, du coup, la

Tous les Algériens sont des mécaniciens a été représenté au Gymnase du 5 au 9 mai, et le sera au Théâtre de la Colonne, à Miramas, le 23 mai Texte de Fellag, mes de Marianne Epin, avec Fellag et Marianne Epin

À venir au Gymnase Les derniers spectacles au Gymnase devraient continuer à ravir les amateurs de comédies : Christian Schiaretti et la jeune troupe du Théâtre National Populaire de Villeurbanne montent en deux soirées 5 comédies de Molière. Celles de sa jeunesse, justement, quand Poquelin s’amusait à la mécanique du rire, à la bourgeoisie de province, et vantait le bon sens populaire… avant de devenir le protégé du Roi. Ces comédies là gardent leur vitalité intacte, leur sens tapageur de la caricature, la force pétaradante de la farce qui lui venait d’Italie et que seul le cinéma burlesque américain a su retrouver… Les Précieuses Ridicules en sont l’exemple le plus connu. Mais Le Médecin Volant et Le Cocu imaginaire sont d’un drôle ! © Kader Kada

platitude de la mise en scène et le décor «cliché». Dans ce spectacle dont le fil rouge est la voiture, «Je pense que j’ai une voiture donc je suis» proclame Fellag, ce qui compte, c’est le texte. De

ce texte, on se régale, dans de grands éclats de rire. D’un rire qui fait la nique aux difficultés mortifères et à toutes les censures.

5 Comédies de Molière Du 26 mai au 6 juin 0820 000 422 www.lestheatres.net

FRED ROBERT

Saveurs et mots

Entremets Entremots © Emmanuel Valette

Depuis que Serge Noyelle et Marion Coutris se sont installés à Marseille le public a peu profité de leur talent, et de leur lieu. Après le Festival de Marseille l’été dernier ils viennent d’accueillir la Criée décentralisée pour quelques représentations, mais

c’est à Amiens qu’ils «font leur cirque» en mai. Pourtant ils ouvriront leurs portes à la reprise d’Entremets/Entremots. On s’en réjouit : leur Labyrinthes proposé en octobre 2008, superbement plastique et énigmatique, dispensait des mystères ésotériques mais laissait le visiteur sur sa faim : le parcours se terminait trop vite en eau de boudin ! Entremets/entremots, qui a déjà été joué à Marseille peu avant leur définitive installation en leur lieu, est d’une autre saveur. Plus subtile encore que le Cabaret NoNo qui fit la réputation de la Cie. On y déguste 9 plats, qui seront concoctés ici par l’Institut Paul Bocuse, autour d’une table carrée, sur des nappes très blanches, amidonnées. Les spectateurs y jouxtent les acteurs, l’espace central devient lieu de représentation entre les plats, puis votre voisin enchaîne sur un monologue étrange, philosophique et quotidien, qui donne une saveur nouvelle aux mets

que vous servent d’autres comédiens, aux vins délicieux qu’on vous propose dès que votre verre est vide. Si bien que l’ivresse vient, de mots, d’alcool, de satiété, et d’images étranges entrevues au cœur des vapeurs et des saveurs. Une expérience à vivre, assurément… A.F.

Entremets/Entremots Du 8 au 20 juin Tarif 60 euros, repas et vins compris Théâtre NoNo, Campagne Pastré 04 91 75 64 59 www.theatre-nono.com


LE MERLAN | ATELIER DE MARS | BANCS PUBLICS

THÉÂTRE 17

L’amour face à la mer Pour son dernier voyage thématique de la saison, le Merlan a choisi de vagabonder au Fort Saint Jean, d’y poser ses valises amoureuses pour des spectacles le soir mais aussi des films et des activités en journée. Un moyen de familiariser chacun avec ces lieux en devenir, le projet du MuCEM qui enfin semble prendre corps… Ce troisième volet du cycle annuel autour de la femme, du sexe puis de l’amour, s’adresse à un public plus large, du moins si on exclut les soirées. Car malgré le vagabondage, la mer et la poétique amoureuse, les trois artistes invités ne sont pas à mettre entre les mains potelées de l’enfance. Pour eux dans la journée il y aura les projections prévues par Fotokino, et une installation interactive de Ramona Badescu, qui leur fera dire des mots d’amour. Mais le soir nous resterons donc entre adultes -et c’est tant mieux parfois, on aime à avoir un propos plus épais que celui qu’on leur destine. Des soirées pour goûter aux pièces de Massimo Furlan, Gildas Milin et du duo Delgado/Fuchs. Trois figures de la scène contemporaine internationale, à ne pas manquer. Gildas Milin dans Machine sans cible interroge les relations entre l’amour et la raison. Propos philosophique s’il en est, par un metteur en scène qui sait

mettre en actes et en sons la pensée, justement (du 27 au 31 mai). Le couple Nadine Fuchs et Marco Delgado danse les représentations de l’amour, du disco au porno, de l’eau de rose au feu de soufre : un duo drôle en rose et bleu, qui précèdera chaque soir, avec Manteau long… (du 4 au 6 juin), la pièce de Massimo Furlan : Make noise, be a girl. Invité déjà par le Merlan pour visiter la mémoire des supporters de foot (Numéro 10, au Vélodrome), c’est cette fois le corps mystique des Saintes qui sera l’objet de ses interrogations. L’extase, phénomène aussi physique que spirituel, la parole sacrée, le cri, la transe et la béatitude… Bref l’hystérie féminine, mise en question par 9 corps, dont quelques hommes. Lors de ce cycle il y aura aussi des concerts. Slam par Clara Le Picard et Delphine Dieu, et chanson/rock par la bande à Milin. Le tout le 29 mai, successivement, à 19 et 21h. AGNÈS FRESCHEL

Parlez moi d’amour Le Merlan en vagabondage au Fort Saint Jean Du 27 mai au 6 juin 04 91 11 19 30 www.merlan.org 04 96 13 80 90 www.mucem.eu

Les Bancs aussi finissent Oui ou non avons-nous traversé la mer se joue le 30 mai à Meyrargues, un spectacle sur les relations entre Marseille et l’Algérie, de Julie Kretzschmar et Guillaume Quiquerez, fait d’extraits vidéos, de témoignages, mais aussi de textes littéraires forts (Kateb Yacine) et de musique. Une mosaïque qui à distance, dessine un paysage subtil et morcelé, mais très près d’une sorte de réel… Pendant ce temps (ils partent aussi en Italie) leur lieu continue d’accueillir des «expérimentations», comme ils aiment à dire : une lecture/installation intitulée Lorsque Tiresias devint Tiresias, dans laquelle Laurence Garel interroge le mythe de l’homme qui devint femme et qui, perdant la vue, gagna le pouvoir de pré-voir (le 28 mai) ; une étape de travail de Christophe Grégoire,

Oui ou non avons-nous traverse la mer © Didier Nadeau

présentée le 13 juin, autour des Sept sermons aux morts de Carl Jung, un texte étonnant qu’il a publié en 1916, avant ses écrits théoriques, et où il parle de son expérience concrète de médecin et d’homme. A.F.

Les Bancs Publics 04 91 64 60 00 http://bancspublics.free.fr

Manteau long © Sophie Ballmer

En pratique Vous connaissez sans doute sa signature, régulière, là-bas, tout au bout de Zibeline, dans la rubrique philosophie. Régis Vlachos est depuis toujours un fou de théâtre, qu’il ne dissocie pas d’ailleurs de sa pratique philosophique ou politique. Pour lui le geste est le même : il s’agit, en écrivant, en enseignant, en jouant, en militant, de désaliéner. Un rôle que le théâtre institutionnel perd souvent de vue, consciemment ou non, étant par système à la merci des princes. Pas étonnant donc de trouver la force subversive du théâtre sur les petites scènes, les projets parallèles, presque individuels… Pas étonnant non plus de retrouver Régis sur scène, accompagné par Joris Barcaroli, guitariste, et par le regard d’Ariel Cypel. Dans un monologue sur le communisme intitulé tout simplement Révolutions. Mais sous-titré Antonio du Limousin, ce qui en dit l’ironie. Car cet Antonio qui prône la révolution, n’est pas un personnage sympathique. Et s’il fait le bilan du communisme de ses parents, avec estime et sans complaisance, mais surtout avec humour, ses motivations pour l’insurrection sont plutôt ambiguës… En pratique, c’est essentiellement pour séduire Rachel qu’il veut devenir un martyr ! A.F.

Révolutions Antonio du Limousin ou théorie et pratique ` de la lutte révolutionnaire gagnante de William Mathieu du 27 au 30 mai Atelier de Mars, rue du refuge 04 91 91 26 00 www.antoniorevolution.fr

© X-D.R


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THÉÂTRE

MONTÉVIDÉO | MASSALIA

Ecouter/voir l’âme des mots Pelléas et… Proposant une/sa lecture du chefd’œuvre de Maeterlinck, Thierry Raynaud offre d’abord des points de suspension comme une promesse à tenir, un appel à l’intelligence et à la sensibilité. La légère scénographie, par sa précision et sa simplicité, va au cœur du poème à cinq voix ; la discipline du pupitre contient, canalise et exacerbe à la fois l’étrange lyrisme du texte et le renvoie à ses propres profondeurs ; les dégringolades de chevelure du haut de la tour ou les pluies d’étoiles sont puisées à la source du mot et y restent libres, momentanément, de toute représentation. Entre conte, mythe et tragédie c’est surtout une histoire de seuils et de bordures que semble nous raconter cette mise en lecture tapissée sourdement d’un flux et reflux sonore, découpée de faisceaux lumineux pour dire l’ombre et le silence. Jusqu’où s’aventurer? Que (donner à) voir ou (faire) entendre ? Mireille Herbstmeyer porte superbement, comme dans la tragédie, les voix périphériques (roi, reine, servante et...) qui ouvrent et ferment l’essentiel ; l’enfant Yniold (saisissante Anne Claude Goustiaux), les yeux ronds, articule comme on laboure un champ de mine, donnant à chaque mot sa charge de mort ; Pelléas et Mélisande sont jeunes, parlent bas, traversés malgré eux par des forces obscures ; les deux acteurs sont un peu en retrait, comme en timidité du texte, faiblesse mais charme lorsque la main droite de Pelléas, aimantée, oscille sans jamais la toucher vers la gauche de Mélisande; la silhouette de Golaud sort de l’ombre et son visage se fixe exactement entre les épaules des jeunes

Pelleas et... © Agnes Mellon

gens, lourd d’une douloureuse stupéfaction ; là où Thierry Raynaud coupe le texte de Maeterlinck, la mort reste en suspens ; il suffit de fermer les yeux, le drame est venu sur ses pattes de colombe «rendre l’âme».

Pelléas et... d’après Maeterlinck a été mis en lecture à Montevidéo le 14 avril

MARIE-JO DHÔ

Les voix du muet

Le Bonheur © Marc Barthelemy

Le Cartoun Sardines a conclu son festival de cinémathéâtre au Massalia par sa dernière création : le Bonheur, d’après le film de Medvedkine (1934). Ce troisième volet, beaucoup plus drôle que les précédents (Faust est comique par instant, mais effrayant aussi, métaphysique) joue sur un coté dérisoire, music hall, avec chansons, couleurs, bruitages loufoques, chouette musique en direct et inversion des sexes -Dominique Sicilia doublant le paysan Khmyr. Comme dans les deux autres volets la séance de cinethéâtre joue par instants la symbiose, lorsque le son inventé illustre le film muet, invente des dialogues vraisemblables et des sons mimétiques. Et par instants décale complètement, inventant un langage anachronique, superposant des scènes jouées entre les doubleurs, ou pratiquant le commentaire ironique («Tiens Staline», entend-t-on à l’apparition d’un moustachu…). C’est un peu trop bavard, parfois simpliste dans les dialogues imaginés… mais ce travail redonne une visibilité à ce chef-d’œuvre surréaliste, à son délirant cheval à pois qui «débraye», refusant de labourer, à cette scène de bagarre délirante entre un pope et son compère, à la mort du grand père… Car ce qui demeure remarquable, dans ces tentatives de ciné-théâtre, c’est le respect et l’amour que le

Cartoun porte au cinéma muet, auquel il donne comme une voix intérieure. AGNÈS FRESCHEL

À venir au Massalia I saputoni, de la délicate Cie Delle Briciole, un spectacle tout public à partir de 4 ans, jusqu’au 16 mai. Cirque en mai (voir p 28) les 23 et 24 mai. Le petit chaperon uf, un très beau spectacle d’acteurs

et de marionnettes, par la Cie pUnChiSnOtdeAd. Le texte de Grumberg, adapté pour la scène par Cyril Bourgois, revisite le sens premier du conte, rappelant que les loups existent, que la liberté n’est pas acquise, que les enfants ne sont pas à l’abri de la cruauté des hommes qui déportent… transforment les grands-mères en êtres inquiétants… Wolf y est un sous officier terrible qui apprend au Chaperon qu’il ne fait pas bon être Uf. On y lit la guerre de Grunberg, l’enfant juif, mais aussi toutes les histoires des intolérances que peuvent subir les enfants. C’est beau et fort, à partir de 7 ans. du 26 au 29 mai. Le plus beau village du monde, un spectacle du Théâtre de Galafronie (Bruxelles), conclura la saison. Il y sera question des souvenirs et des lieux de l’enfance. du 9 au 11 juin. Théâtre Massalia 04 95 04 95 70 http://massalia.lafriche.org


KOMM’N’ACT | MINOTERIE

THÉÂTRE

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Acter rien Les rencontres de Komm’n’act, plateforme européenne de jeunes artistes du spectacle vivant, ont rassemblé un public nombreux, attentif et ouvert. Pourtant les spectacles que nous avons vus (3 sur la dizaine de propositions) nous ont parfois parus effarants de vacuité. Four Deaths est le plus intéressant. Une cie slovène, Via negativa, y fantasme la mort imaginaire de quatre performers incontournables. Devant leur image projetée ils rendent un hommage aux artistes, parvenant finement à en dire ou en montrer l’essentiel, puis inventent une agonie. Languide pour Pina Bausch, sanglante et crue pour La Ribot, un peu décevante pour la carrure de Marina Abramovic, et carrément insupportable pour Tim Etchells. Car malgré cette manière si respectueuse et pourtant iconoclaste de leur rendre un hommage intime, les performers n’échappent pas aux défauts du genre : en plasticiens ils gèrent le temps théâtral n’importe comment, croient que chanter mal dans des micros se pardonne, et accordent à leur propre corps nu un pouvoir de transgression qu’il n’a plus. Transmutation in souffre de défauts plus graves, mais se sauve par l’humour. Les performers de Benjamin Bodi décomposent le mouvement en séquences (code MU) et tels des expérimentateurs testant sur eux ce vocabulaire, ils enchaînent seuls, successivement ou ensemble des mouvements dont ils hurlent le chiffrage. C’est amusant, mais franchement vain. N’ont-ils rien à dire sur le monde ? Le pire est à venir. Far far far away est la création de trois artistes présents l’an dernier. Bénéficiant de plusieurs résidences ils ont réussi à fabriquer ensemble un objet théâtral insupportable de clichés. Ils

Far Far Far Away © Pierre Gondard

passent leur temps à s’habiller de vêtements forcément noirs ou violets suspendus à des portants, à chanter très très mal des tubes ressassés, à très peu utiliser un écran vidéo omniprésent, et surtout à ne dire rien, rien, rien ni sur le monde, ni sur eux-mêmes, ni même sur la représentation. Far far far away du sens. Certains se demandaient, à la sortie, pourquoi cette génération d’artistes accordait si peu de valeur à la technique (du texte, du corps, du jeu, du geste, du

son) et pensaient que la présentation de ce qu’ils sont pouvait constituer un acte artistique. Péché de jeunesse ? AGNÈS FRESCHEL

Les rencontres Komm’n’act se sont déroulées du 13 au 21 avril dans divers théâtres de Marseille

Sans dévoration Early morning est une des premières pièces d’Edward Bond. Le dramaturge, encore potache, y fustige le pouvoir royal un peu comme Jarry, en plus cruel et noir bien sûr. Le pouvoir royal ne s’y trompa pas, qui interdit la pièce en 1968. Ce qui en fait un œuvre historique, mais hélas pas un chef-d’œuvre. Early morning souffre des défauts habituels des pièces de Bond : c’est long comme ses Pièces de guerre, et

moins intéressant. Car trois heures de pastiche, sans émotion véritable, sans personnage un peu incarné, mais sans non plus virevolte ou éclats de rire, c’est long. Les comédiens rassemblés par Thomas Fourneau pour créer la pièce ont beau se démener avec talent -Agnès Regolo est sidérante- l’ensemble manque de rythme ; par défaut d’huile dans les rouages, certainement, le jour de l’avant-première, mais aussi à Early Morning © X-D.R.

cause de certains choix. Celui de ne pas couper dans un texte indigeste qui tourne en rond autour de ses répétitions, et d’y rajouter des chansons in extenso pour séparer des scènes répétitives, et d’y installer des silences aussi, et de ne pas jouer sur le burlesque des situations, et d’y procéder à des changements de décors incessants, souvent inutiles et longs. Et pour couronner le tout, de proposer pour la dernière partie de la pièce, le Paradis, un film doublé en direct, long comme une éternité sans pain. Reste que certains aspects d’Early morning demeurent passionnants : l’appétence pour le mal de ces pervers shakespeariens, ce paradis cannibale, la crudité du langage populaire, ce prince coupé en deux… tout cela donne envie d’une version plus légère. D’autant que l’occupation de plateau, la vidéo, la musique même par moments ne manquent pas d’intérêt, et recèlent des talents évidents. Sans doute ont-ils voulu trop en faire, en dire, en montrer durant ces trois heures, sans rien resserrer ni couper, en rajoutant au contraire des épaisseurs d’univers. Un défaut de jeunesse qui veut trop en montrer d’un coup ? AGNES FRESCHEL

Early Morning se joue jusqu’au 16 mai à la Minoterie. 04 91 90 07 94, www.minoterue.org.


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THÉÂTRE

ZITA LA NUIT | PORT-DE-BOUC | PAYS D’AIX

Cosmologie enfantine Après-midi de vacances à la médiathèque Boris Vian de Port-de-Bouc (voir p 5). Un premier soleil qui invite à la promenade… et pourtant, engloutis dans une petite salle éclairée de spots, toute une marmaille étrangement sage, assise en demi-cercle, écoute. Non, pas un groupe tonitruant, ni un bateleur aux jeux de mots faciles, mais une conteuse accompagnée d’une guitare. Pas d’effet supersonique, pas de traitement trois D, pas d’effets spéciaux… Impossible direz-vous de captiver un public enfantin sans ces ingrédients-là ! Et pourtant… Tous se laissent emporter dans les aventures de Louise Tête de Lune, ses rencontres avec la sorcière qui pète, le meunier géant débonnaire, la tisseuse du monde qui tricote les fils de vie… Chacun lui fera un cadeau, un présent de vie qui lui permettra de se construire, de comprendre le monde. Poésie imprégnée de l’humus des mythes antiques, sans lourdeur, approche simple et profonde à la fois. Un premier abord philosophique des grands problèmes, la vie, la mort, qui touchent même les tout-petits, traité avec une profonde humanité… Ainsi la maîtresse pose des questions incroyables : qu’est-ce que l’infini, par exemple… Pour le savoir allez voir ce délicieux spectacle de Stéfanie James et Samuel

Tête de lune © maxime@lamoscope.com

Barroo, dans lequel les comptines de votre enfance prennent une saveur toute particulière… MARYVONNE COLOMBANI

Tête de lune a été joué par la Cie les racines du vent le 29 avril à Port-de-Bouc. Entre deux rives, autre conte de Stéfanie James (voir Zib 17), sera joué en clôture de Lire ensemble (voir p 59) www.stefanie-james.com

Écrire en mer D’ici ou là-bas Chantal Tur, danseuse et chorégraphe, oeuvre depuis une vingtaine d’années auprès d’enfants et d’adolescents, et crée des spectacles pour les toutpetits au sein de son association Zita la nuit. En octobre elle a proposé un travail de création à 14 adolescents qu’elle suit depuis leur enfance. Elle explique la genèse de ce spectacle: «Le groupe semblait prêt à travailler ensemble; il a suffi de les laisser libres. Très vite les thèmes de l’intime et du collectif sont apparus et les mots se sont invités. Puis ont surgi les thématiques de la cabane, de territoires à explorer. Ensuite il a fallu organiser l’espace commun.» Cette aventure artistique est donc fondée sur des improvisations et un échange fructueux d’expériences. La maîtrise du souffle donne rythme et énergie au groupe ; effectivement les mots surgissent, avec encore un peu de timidité lors de l’étape de travail qu’ils nous ont présentés. Mais de cette recherche sourd tout ce qu’ils ont mis d’euxmêmes autour de l’idée de la rencontre et du partage. Des réalisations plastiques intéressantes ont été fabriquées avec la complicité de la plasticienne Tooza Théïs, cabanes fragiles et éphé-

mères, nids ou niches de branchages flexibles déplacés dans l’espace ou encorbellements de certaines parties du corps. Les costumes composés par les danseurs sur une tonalité commune de couleur orangée et de raphia favorisent l’unité de l’ensemble. Un spectacle de qualité, mais surtout de ferveur. CHRIS BOURGUE

Le monde d’ici est peut-être là-bas a été présenté au Comptoir de la Victorine le 22 avril et au Daki Ling les 8 et 9 mai © Jean-Baptiste Dorvaux

Ils sont partis ensemble sur un voilier. Un mois, en septembre dernier, pour écrire. Gilles le Moher, le metteur en scène à l’initiative du projet, Alexandre Koutchevsky l’auteur qu’il a sollicité pour cette résidence d’écriture particulière, et Bastien Boni, compositeur armé de sa lourde contrebasse, qui n’est pas exactement un instrument des mers ! Tous ont écrit, ensemble, séparément, jusqu’à l’arrivée à Naples, dans les ruines de Pompéi, les squelettes engloutis sous la poussière d’Herculanum. Ils disent tous les trois que la mer change l’écriture. Le temps aussi, lent, sans sollicitation. C’est à partager cette expérience qu’ils convient les spectateurs aventureux. D’abord en mer, pour un Passage en journée, où ils liront des extraits de la longue route de Bernard Moitessier (3 et 4 juin). Puis le soir à 20h, toujours sur leur voilier et dans le cadre du festival Les airs libresorganisé par la Minoterie, ils liront leurs journaux de bord entremêlés. Quelques jours plus tard trois comédiens créeront La traversée, le texte écrit par Alexandre Koutchevsky à La Friche, les trois auteurs apportant la mer jusqu’au théâtre (du 5 au 12 juin). Puis en septembre ils repartiront vers de nouveaux voyages de théâtre, avec un autre écrivain. Jusqu’en 2013 : le rendez-vous est pris entre tous les participants des

odyssées ! AGNÈS FRESCHEL

Passage Cie le Silence des Bateleurs les 3 et 4 juin La Traversée Cie le Silence des Bateleurs du 5 au 12 juin 06 15 473 910

Également, dans le cadre des Airs libres Le Bamboo orchestra reprend son spectacle Un jour ils ont rencontré le bambou. Emmené par Makoto Yabuki, le quintette de percussion fait étrangement chanter les bois ancestraux le 5 juin, tandis que le lendemain ce sont les jeunes Pousses (le Bamboo Orchestra est aussi une école !) qui joueront au collège Izzo, voisin actif des Minotiers. Puis le théâtre accueillera le 6 juin la musique de La Tromba, emmenée par David Rueff. Une fin d’année musicale et ouverte, pour un théâtre qui ne l’est pas moins. Les airs libres La Minoterie et ailleurs Du 3 au 6 juin 04 91 90 17 74 www.minoterie.org


Carpe diem pauv’con ! Et que je t’endosque et que je t’emparouille et vlan et greuh… frappe au ventre c’est là qu’est l’grand secret… Les clowns, c’est bien connu, sont méchants, ont lu Henri Michaux et connaissent tout du Grand Combat de la vie. Et même si nos quatre acteurs de l’Auguste théâtre ont jeté leur nez rouge aux orties, ils savent rouler des yeux : c’est bien sur cette piste aux trente-six chandelles qu’ils nous entraînent vivement. Voilà un spectacle à la va-comme-j’te pince, avec ses moments d’improvisations maîtrisées, un peu systématiques, souvent férocement jubilatoires, et ça ne ménage pas son poil à gratter !! Sur le plateau, des cubes que l’un empile sous les quolibets des autres (brimade ordinaire), que la troupe prend d’assaut régulièrement comme des podiums bien instables (quand y en a pour trois y’en a pas pour quatre – poum !), sur lesquels on se pose un instant pour débiter avec naturel son lot d’abjections familières (chacun reconnaîtra la sienne… ah le glaviot de l’employée de Mc Do au cœur du hamburger !). Eliminer son prochain par tous les moyens les plus subtilement ignobles apparaît alors de toute évidence comme le rêve au monde le mieux partagé ; «sadique» lance timidement (on ne sait jamais !) une spectatrice tandis que les gloussements de mon voisin qui se gondole font monter en moi une haine irrépressible ; la tragédie

n’est pas loin : «pas le Cid ! pas le Cid !» supplient sur scène nos hurluberlus qui se tru-cident en détaillant méthodiquement, sur une cadence de menuet Grand Siècle, le lexique raffiné des mots qui tuent… De qui sont les textes? Marguerite Duras, Louis Calaferte, vous, moi, vous surtout ! MARIE-JO DHÔ

Petites Cruautés mis en scène par Claire Massabo a été donné au Lenche du 5 au 9 mai

À venir au Lenche La vie à tout cœur, un spectacle à trois voix de femmes et un violoncelle, écrit à partir de La vie sauve, le roman touchant de Marie Desplechin et Lydie Violet. L’une, atteinte d’une tumeur incurable, est l’attachée de presse de l’autre, l’écrivaine. Ensemble elles ont raconté la difficulté d’être malade, «pré morte» parmi les vivants. La Cie Après la pluie fait entendre les deux voix complices, jusqu’au 16 mai. La saison du Lenche se clôture avec une création, Le canapé, un texte de Ronald Bonan mis en scène par JeanMichel Bayard. Quatre comédiens qui incarnent deux couples essayant de jouer un vaudeville contemporain dans un décor invisible… du 19 au 30 mai. Théâtre de Lenche 04 91 91 52 22 www.theatredelenche.info Petites cruautes © X-D.R.


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THÉÂTRE

AUBAGNE | CHÂTEAUVALLON | AIX

Une autre Solitude Jeanne Poitevin avec Dans la solitude des champs de coton s’est attaquée à un monument. Du genre qui vous plante ou vous sublime, tant les précédents sont intimidants –Chéreau!- et tant le texte de Koltès, celui-ci particulièrement, doit emporter dans son souffle, qui ne souffre pas de faute de rythme, d’intonation. Alors monter cela avec un comédien tunisien tout petit dans le rôle du Dealer était franchement risqué: un des intérêts de la pièce est son absence de dénotation claire, le fait qu’on ne sache pas ce qui se vend, si l’objet du marché proposé est sexuel, amoureux, métaphysique, ou matériel. Le fait que le Dealer soit Arabe connote hélas, dans les représentations habituelles, une vulgaire vente de drogue, et son physique, sa petite taille qui contredit le texte, rend la peur ou le désir du Client nettement moins envisageable. Pourtant les deux acteurs passent admirablement tous ces obstacles. Justement parce que, malgré l’accent tunisien qui accroche les mots, malgré le corps du Client qui s’affiche plus triomphant et offert que quémandant et à l’affût, le rythme du texte est là. Le flux, la musique. Qui ne cherche aucun naturel, aucun réalisme, et se laisse glisser, sortir, sans appuis inutiles, sans ronron non plus, ménageant ses respirations, ses crescendos, ses ruptures. La scénographie abstraite permet aux corps de se dissimuler et d’apparaître, comme les mots font ou cachent l’objet du deal. Seule l’esquisse de quelques pas de danse est superflue, déplacée même tant le reste est juste. Preuve qu’on peut monter, après Chéreau, cette magnifique Solitude. AGNÈS FRESCHEL

Dans la solitude des champs de coton a été créé par la cie Alzhar le 17 avril

À venir au Comœdia Pour finir la saison un Avar(e) particulier, version théâtre d’objet, où les personnages de Molière sont incarnés par des robinets, non en quête de cassette mais d’eau, bien nettement plus précieux que la monnaie trébuchante… Une fable écologique tout public par la Cie Tabola Rassa, de Barcelone, le 29 mai. Théâtre Comœdia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.com

Chéreau justement Il lit Guyotat. Coma, son texte autobiographique, chroniques personnelles de la maturité (2006), sur le monde, sur la douleur de l’écriture, et surtout sur une longue période de dépression qu’il a traversée après être revenu d’un coma. Nettement plus supportable que le Tombeau pour 500000 soldats, moins cru et maniériste qu’Eden Eden Eden, Coma se révèle également un document passionnant. Guyotat est le dernier écrivain français à avoir subi la censure d’État (Eden, écrit en 70, est paru en 81), et cette image-là a sans doute occulté la réalité intime de l’écrivain, qu’il s’attache à faire apparaître depuis 2006. Au-delà de cet autoportrait en homme souffrant se dessine une génération d’artistes engagés -celle de Chéreau- forcément revenue des années militantes, plongée dans un Coma idéologique dont elle sort avec douleur, en replongeant dans l’enfance, en élaguant l’écriture, en conservant le souffle et la douleur mais pas les bombes qui éclatent sous les mots, et en réinterrogeant leur façon sensuelle d’être au monde, dans ce monde-là du corps vieillissant et malade, où la mort guette et frappe à côté, dans ce monde-là des années Mitterrand, où être révolutionnaire semble n’avoir plus de sens. Un trajet et un propos qui entrent en vibration, visiblement, avec les préoccupations de Chéreau, qui s’est mis à la lecture (dirigée par Thierry Niang à l’Odéon, Paris). À l’entendre retransmis sur France Culture le 29 avril la phase entre l’écrivain et le lecteur semblait parfaite. Fusionnelle et rare. À Châteauvallon nous le verrons. A.F.

Patrice Chereau © Florin Biolan

Coma Le 16 juin Châteauvallon (83) 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

S’entraîner sur Rambert Le Théâtre de l’Atelier aixois a pour particularité vraiment exceptionnelle de relier pratique et création en un même geste. Sa Cie d’entraînement, destinée à former gratuitement et

insérer dans le milieu professionnel de jeunes comédiens, se confronte chaque année à un auteur en résidence. Et pas des moindres. Après Durif, Rodrigo Garcia, François Cervantes, Daniel © Alain Simon

Danis, Noëlle Renaude, Hubert Colas… c’est Pascal Rambert qui cette année a guidé les jeunes pas. Un auteur metteur en scène rigoureux et minimaliste, structuraliste plutôt au sens propre du terme, qui a suscité une polémique assez injuste à son égard lors d’un remuant Festival d’Avignon, où on lui a reproché l’ensemble d’une programmation dont il n’était pas responsable, mais simplement goutte d’eau… La Cie d’entraînement montera des textes choisis en avril lors de sa résidence. A.F.

Textes de Pascal Rambert Cie d’entraînement du 3 au 12 juin Théâtre des ateliers, Aix 04 42 38 10 45 www.theatre-des-ateliers-aix.com



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THÉÂTRE

CAVAILLON | MARTIGUES | ARLES

Babel enfantin

Uccellini © Christophe Loiseau

En créant la cie Skappa !, Isabelle Hervouët et Paolo Cardona ont fait le choix de créer des spectacles Jeune Public, en mélangeant tous les publics. Pour ce premier volet d’une collaboration avec la Scène Nationale de Cavaillon, ils y ont inventé, pendant les vacances, un lieu de rencontre ouvert et éphémère : Le Lieu dit. Accompagnés d’un collectif d’artistes, ils ont ainsi proposé un vaste chantier de création, mélangeant ateliers et spectacles, et offert aux familles une appropriation originale d’un théâtre. Avant de suivre le magnifique et poétique spectacle pictural Uccellini, les spectateurs ont déambulé à l’envi parmi des tulles aux portes secrètes, des lumières tamisées mystérieuses, et mis les mains dans des nuages virtuels, en se baladant au milieu d’images géantes. Certains galipettent ici et là, d’autres appellent régulièrement leur rassurant papa

ou osent toucher une gigantesque contrebasse. Au Lieu dit, ils ont le droit ! Un atelier dédié à l’espace et l’image les laisse construire et démolir à leur guise une ville imaginaire, un autre permet aux petits pieds nus de sauter sur des tapis sonores et fabriquer leur univers électroacoustique. Bien sûr, la participation des parents est nécessaire pour que les petits osent s’affranchir : les artistes aussi généreux qu’inventifs n’oublient jamais de les associer. «Elle fait n’importe quoi la dame» dira une fillette amusée à sa mère. «Mais non, elle s’amuse bien.» Les rapports s’inversent, tout est création. En invitant les familles à créer ensemble, Skappa ! (qui vient de recevoir le Molière Jeune Public 2009 avec In 1 et 2), leur offre un lieu de vie et de partage, aux pouvoirs magiques. À la fin, personne ne se presse pour repasser la porte imaginaire… DELPHINE MICHELANGELI

Le lieu dit s’est offert au jeune public à Cavaillon du 25 au 29 avril

Quelque part en Afrique C’est un projet intéressant, et très préparé, une création programmée par le Théâtre d’Arles, que la cie Les Inachevés a présenté dans trois collèges. Qui pour l’occasion -la représentation de Tabataba de Bernard-Marie Koltès-, étaient ouverts au public. Un travail pédagogique a réuni dès janvier les enseignants et leurs élèves, ainsi que François Koltès (le frère de l’auteur), Jacques Prunair (dramaturge) et Moïse Touré (le metteur en scène). Aussi la représentation dans l’enceinte du collège Van Gogh avait-elle un goût particulier : en plein air, entourés d’adolescents… conditions finalement peu habituelles, confortées par un décor simple mais immédiatement identifiable. Des cordes tendues sur Tabataba © Fany Carenco

Pagaille royale

lesquelles sèche du linge délimitent une scène ; une jeune femme (Bintou Sombié) lave à la main dans une bassine, un jeune homme (Paul Zoungrana) astique sa mobylette, tandis qu’un troisième personnage (le musicien Lassina Diabaté) est attablé devant une partie d’échecs. Les deux jeunes sont frère et sœur, vivent ensemble mais se comprennent mal. S’ensuit un dialogue au cours duquel chacun justifiera le fait de ne pas quitter l’autre (en sortant pour aller voir les filles pour l’un, en se mariant et devenant mère pour l’autre), justifiant surtout cette difficulté à sortir de l’enfance et passer à autre chose… Formidablement servie par les deux comédiens Burkinabè et la musique égrenée par Lassina Diabaté, la pièce est complétée par la lecture de lettres de Koltès à sa mère, et se termine par un document audio, très émouvant, dans lequel il explique les relations complexes entre sa vie et l’écriture… Une intention louable qui laisse cependant insatisfait, comme si le spectacle devait s’enrichir encore… DO.M.

Tabataba a été joué à Arles aux collèges Van Gogh le 4 mai et Ampère le 5 mai, et au collège Glanum à Saint-Rémy le 7 mai

Le Roi, la reine, le clown et l'enfant © J.-M. Lobbe

Il ne s’agit pas de discuter : le tout puissant roi va annoncer, sans concertation aucune avec son épouse la reine, ni avec l’intéressée d’ailleurs…, le mariage de Léa, sa princesse de fille, avec un jeune prince qu’il s’apprête à recevoir pour l’occasion. Et lorsque le roi décide… on obéit ! Oui mais voilà, la princesse est quelque peu rebelle dirait-on, et n’a qu’une idée en tête, faire le tour du monde… La tradition est en péril, la légende effrayante (si la princesse n’est pas mariée à 18 ans elle se transformera en sorcière), le royaume vacille. Mais c’était sans compter sur l’amour filial de Léa, l’imagination de la reine et la complicité et les pitreries du clown qui apporteront une soudaine modernité dans les règles étriquées du royaume. Mensonges, tromperies, retournement de situations, tout ici œuvre efficacement pour mener tambour battant ce conte détourné. Très visuelle, la mise en scène d’Éric Louis permet à l’histoire de se construire à vue, et aux enfants de prendre directement part à l’histoire en jouant le rôle du peuple pas si adorateur que ça. Les plus grands, eux, auraient sans doute aimé un peu plus de folie et moins de morale… DO.M.

Le roi, la reine, le clown et l’enfant a été joué le 6 mai aux Salins, Martigues

À venir aux Salins Juste après Cirk en mai (voir page 28) et avant d’accueillir Käfig (voir p 27), pour finir sa saison, la Scène Nationale accueille le monologue d’André Asseo adapté et interpété par Christophe Malavoy. Gary/Ajar, qui met en scène la plus célèbre des impostures littéraires… le 26 mai. Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr


OUEST PROVENCE | NÎMES

THÉÂTRE

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Fameux idéal Peut-on faire le bonheur des autres malgré eux ? La vérité estelle aussi limpide et accessible qu’on doive l’assener quitte à détruire des vies ? Écrite en 1884, la pièce d’Ibsen, Le Canard sauvage, nous plonge dans une ambiance crépusculaire de fin de siècle. Les prémices de la modernité s’y dessinent, on le devine subtilement par le biais du destin terrible d’une famille modeste engluée dans les mensonges, les non-dits… Ekdal, photographe, vit dans une soupente avec sa femme et sa fille, où trône aussi une verrière transparente (superbe travail du scénographe Damien Caille-Perret), vaguement inquiétante, remplie de vagues objets abandonnés, et dans laquelle évoluent lapins et volatiles. Dont un canard, objet de toutes les attentions de la jeune Hedvig. Le retour de son ami d’enfance -Gregers Werle, fils du riche négociant dont on apprend qu’il a été l’amant de la femme d’Ekdal- va déclencher une série d’événements tragiques, la vérité libératrice se révélant dévastatrice. Car Gregers, idéaliste convaincu, renverse les valeurs et fait voler en éclat les «mensonges vitaux» qui ont composé les (sur)vies des uns et des autres.

Question essentielle finalement que celle que pose le dramaturge norvégien, à savoir ce qui, de la vérité ou du mensonge, fonde une vie. Ce qui fera dire à l’un des personnages «si vous retirez le mensonge de la vie de personnes ordinaires, vous leur retirez en même temps le bonheur.» La mise en scène de Yves Beaunesne met en lumière toute la complexité du propos, que les comédiens restituent avec une justesse de ton remarquable et beaucoup de finesse. Le Canard Sauvage © Guy Delahaye

DOMINIQUE MARÇON

Le Canard sauvage a été joué les 21 et 22 avril au Théâtre de Nîmes

talent, et leur volonté de défendre un théâtre contemporain politique, à la fois attaché au texte et inventif dans la re-présentation (9 et 10 juin).

À venir au Théâtre de Nîmes Tg STAN adapte les Dramuscules de Thomas Bernhard, des minis drames dans lesquels il dissèque le passé nazi des Autrichiens, et l’idéologie fasciste latente dans notre société. Deuxième volet d’une trilogie consacrée par le collectif belge au dramaturge autrichien, Sauve qui peut, pas mal comme titre confirme leur immense

Le piano ronfle Le Théâtre de Romette n’en finit pas de ravir le public de Ouest Provence. Après L’Opéra de Quat’sous et Krafff il revient au Théâtre de l’Olivier avec Les Pieds dans les nuages, un spectacle poétique et musical pour lequel Johanny Bert s’est inspiré de l’œuvre

Les pieds dans les nuages © Remi Boissau

du photographe plasticien américain Robert ParkeHarrisson. Histoire sans paroles ou presque, qui commence comme un simple récital de piano (Didier Klein joue en direct) jusqu’à ce que, gênés par des ronflements persistants qui sortent de l’instrument, le musicien et son assistant y découvrent un petit peuple de dormeurs. Et puis l’un d’eux va se réveiller et découvrir le monde qui l’entoure. Il n’aura alors de cesse de trouver un moyen pour s’envoler… Johanny Bert insuffle vie à sa marionnette avec beaucoup de tendresse et de poésie jusqu’à s’effacer pour laisser le petit bonhomme prendre son envol… DO.M.

Les Pieds dans les nuages Le 19 mai Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr

Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

Enfer éternel Ils sont trois, sont en enfer et chacun sera le bourreau des deux autres. Telle est la matière de la pièce de Sartre, Huis Clos, dont s’empare la cie Uppercuthéâtre dans une mise en scène de Laurent Ziveri. La dépendance du jugement d’autrui, la conscience de soi par rapport aux autres, la «mort vivante» que représente «le souci perpétuel de jugements et d’actions que l’on ne veut pas changer» comme l’expliquait Sartre, tels sont les ingrédients du huis clos qui lie Garcin, le journalistepubliciste, Inès, l’employée des postes et Estelle, la mondaine. Pour l’éternité. DO.M.

Huis Clos Le 19 mai Théâtre La Colonne, Miramas 04 90 58 37 86 www.scenesetcines.fr

Huis Clos © X-D.R.


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DANSE

BALLET D’EUROPE | DRAGUIGNAN | BARJOLS

Juste avant l’été Comme tous les ans l’activité du Ballet d’Europe s’accentue à l’arrivée de l’été. En avant goût Jean-Charles Gil, chorégraphe prolixe, présentera sa nouvelle pièce au Merlan en juin… L’été sera chargé, et la saison prochaine… Le Ballet d’Europe fait partie de ces compagnies qui diffusent beaucoup dans la Région, mais aussi dans le pays et à l’international. Le public aime la danse que ces jeunes gens rigoureux et talentueux leur offrent… En avant-goût des soirées de plein air qui les attendent, le directeur du ballet présente deux de ses pièces sur le plateau du Merlan. Sweet Gershwin, inspiré par la modern dance américaine mais aussi par Balanchine, est un voyage dans l’imagerie de la comédie musicale américaine ; deux pas de danse de salon, et l’on glisse dans une belle virtuosité, sur pointes mais légères ; des duos amoureux mutins, comme naturels, souriants, une succession de chansons dansées jusqu’à la délicieuse exultation des corps, sur la Rhapsody in blue… que du bonheur ! Puis le ballet créera Comme un souffle de femme, une pièce où se confrontent deux quatuors mixtes (deux hommes, deux femmes) sur la musique de Theodorakis, des chansons interprétées par la voix

Sweet Gershwin © Jean-Charles Verchere

chaude de Maria Farantouri. Une pièce que JeanCharles Gil veut inscrire dans une symétrie formelle et ancrer le sol, pour y trouver de nouveaux appuis pour l’envol… AGNÈS FRESCHEL

Ballet d’Europe Scène Nationale du Merlan les 11 et 12 juin 04 96 13 01 12 www.balletdeurope.org

Le cerf et l’icône Deux cies de danse sont en résidence de (re)création dans le Var, à Barjols et à Draguignan. It’s only a rehearsal est un duo autour de la métamorphose d’Actéon, changé en cerf par diane chasseresse, qu’il avait surprise se baignant nue sous une cascade. Line Tørmoen et Dimitri Jourde interprètent la déesse et le chasseur puni, en un duo sensuel fait de temps de danse et de paroles, narratives, sur la transformation qui s’opère. Une pièce d’Ina Christel Johannessen, déjà créée en 2007 lors des Hivernales avignonnaises. L’icône qui se produira ensuite n’est pas de la trempe des mythes : la pièce proposée par Jasone Munoz joue sur des représentations plus récentes et colorées. Elle se met en scène avec humour comme ces femmes déjantées et piquantes des films d’Almodovar, à fleur de peau, et si fortes malgré l’émotivité qu’elles affichent.. La pièce, répétée à Barjols, sera montrée à la Tannerie à l’issue de la résidence, puis créée sur (superbe) plateau de Draguignan. A.F.

It’s only a rehearsal Ina Christel Johannessen Théâtre de Draguignan (83) Le 19 mai Au jour le jour Jasone Munoz La Tannerie, Barjols (83) Le 22 mai 04 94 59 74 60 www.latannerie.fr

It's only a rehearsal © Erik Berg

Théâtre de Draguignan (83) Le 29 mai 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com


MOD | BNM | MARTIGUES | GAP

Travaux de fondation Barbara Sarreau est en résidence à Bamako depuis novembre, et pour trois ans. Elle collabore ici et là-bas avec les chorégraphes Patrick Acogny et Heddy Maalem, mais aussi des écrivains, photographe, philosophe, comédien, plasticiens autour d’un projet dont Marseille Objectif Danse veut se faire le relais régulier : il s’agit de faire travailler les élèves du conservatoire de Bamako autour des arts contemporains. Cela s’appelle Tchakéla (celui qui creuse), et une première étape de travail sera montrée à la Friche le

DANSE

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Chapeau ?

9 juin (de 14h à 18h). Une volonté réaffirmée de faire se croiser les peuples, les pratiques et les arts, pour faire surgir de ce creux(set) des formes nouvelles, et transmettre réciproquement les cultures. Tchakéla-celui qui creuse Barbara Sarreau Studio de la Friche 04 95 04 96 42 www.marseille-objectif-danse.org

Créations ensemble La deuxième édition de La danse dans tous ses états va mettre tout Marseille (et Aix !) en Connivences… On vous en a déjà parlé (voir Zib 18) : le grand vagabondage de printemps commence durant la Nuit des musées (voir p 8) par la création de Klaus T le 16 mai, se poursuit à la Bourse par la reprise de Success story, une pièce que Flamand a créée pour les apprentis de DANCE et dont il faut voir les effets de haut, d’une coursive, comme si vous étiez Howard Hughes en l’air (les 22 et 23 mai, 2 représentations par soir à 20h 30 et 22h30). Puis les élèves de l’ENSDM danseront à Aix (voir p. 76)… En deuxième et troisième semaine La danse dans tous ses états se recentre au Grand studio, pour trois créations ! Un tout nouveau programme conçu entièrement pour les danseurs du Ballet, qui ajoute au répertoire trois œuvres d’univers différents : Luncinda Childs, Annabelle Ochoa, Frédéric Flamand (du 27 mai au 5 juin). Le directeur du Ballet National a plus que jamais travaillé à sa nouvelle pièce en collaboration avec ses danseurs. Est-ce parce que cela le garde du narcissisme ? Le Trouble de Narcisse dont il sera question n’est pas exactement celui qu’éprouve l’éphèbe grec en découvrant son image dans l’eau, mais celui que notre société de l’image, de la reproduction, induit et favorise. Une des «Métamorphoses» qui traverse

toute l’œuvre de Flamand, dans ses symétries, ses dédoublements, ses diagonales, ses mélancolies glacées et aquatiques qui se peuplent d’Echos solitaires… Isabelle Ochoa aussi travaille sur les doubles, mais plutôt opposés que gémellaires : Inverses veut confronter un homme à ses souvenirs, un individu à un monde, et plusieurs musiques, plusieurs danses, classiques ou contemporaines. Quant à Lucinda Childs elle a travaillé comme souvent à partir de la musique répétitive américaine : John Adams inspire ici les trois temps de Tempo Vicino, pièce abstraite où les corps habitent les structures musicales, évoluant comme huit instruments en un trajet de trois mouvements… AGNÈS FRESCHEL

Sombreros © Laurent Philippe

La scène Nationale de Gap accueille pour deux soirs Sombreros de Decouflé. C’est du grand spectacle, toujours épatant visuellement, avec des effets magiques dont on ne peut qu’admirer la virtuosité… C’est amusant, plein d’aphorismes mutins, de références BD, des héros enfantins, de paradoxes et de bustes qui se tournent le dos et les talons… Mais c’est un peu répétitif et pas mal long, décevant en fait quand on a (trop ?) adoré Decouflé et ses codex aux bestiaires autrement fantastiques, et surtout autrement dansés. Car ici les corps sont magiques mais très immobiles, et solitaires, comme si la danse ne l’intéressait plus, seulement les effets visuels… qui demeurent épatants ! A.F.

À noter : le BNM après ces Connivences dansera à Uzès (voir p 11) et à Châteauvallon (voir p 4). Un calendrier de tournées qui ne cesse de s’étoffer, avec un répertoire qui s’enrichit chaque année de plusieurs pièces. Connivences La danse dans tous ses états Du 16 mai au 5 juin 04 91 327 327 www.ballet-de-marseille.com Success Story © Agnes Mellon

Sombreros Philippe Decouflé Les 26 et 27 mai Scène nationale de Gap (05) 04 92 52 52 52 www.ville-gap.fr

Tisser trois fils La cie Käfig revient à Martigues le 3 juin pour un spectacle qui, comme toujours, va plaire aux jeunes et aux enfants. Mais qui cette fois leur est spécifiquement destiné : les danseurs ne «racontent» pas une fable, ne font non plus pas de démonstration de virtuosité, encore moins de battle. Ils tissent les trois fils d’un spectacle à tricoter : la conception, la répétition, et la représentation. Ces virtuoses du hip hop montreront ainsi aux plus jeunes que le travail n’est pas uniquement physique (même si c’est celui-ci qui impressionne !) mais qu’il passe par la pensée, le tâtonnement, et la sueur… pour atteindre la jubilation à laquelle Käfig les a habitués ! A.F.

Tricôté Cie Käfig Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr


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CIRQUES/ARTS DE LA RUE

En piste C’est reparti pour deux semaines de cirque ! Comme chaque année le multiplexe théâtral Gymnase/Jeu de Paume termine sa saison par un spectacle de cirque grand public sous chapiteau. Le cirque contemporain parvient en effet à allier une véritable qualité créative, une recherche esthétique, avec une popularité qui ravit programmateurs et spectateurs. Ces dernières années le Cirque Plume ou les Arts Sauts ont emporté l’enthousiasme des Marseillais durant tout un mois. James Thiérrée, en salle, a quant à lui suscité l’admiration… Cette année, ce sont les Aixois qui profiteront de l’aubaine de ce nouveau cirque intelligent et beau, avec le dernier spectacle du Cirque Désaccordé. Plus nettement jeune public que les spectacles programmés les années précédentes, mais pouvant faire rêver chacun, Petites Mythologies Populaires se compose d’une succession de

tableaux autour des lieux communs d’aujourd’hui, du loto à la retransmission sportive. Avec musiques, chants, vidéos et beaucoup d’acrobatie virtuose… un peu d’humour aussi, tendre et burlesque. Dans Après la pluie, leur dernier spectacle, qui a tourné un peu partout, leur comique ne faisait pas toujours mouche. En choisissant d’ironiser gentiment sur nos mécanismes sociaux et aliénations télévisuelles, ils semblent, d’après l’enthousiasme soulevé par leur début de tournée, toucher au but plus finement… AGNÈS FRESCHEL © Marie Clain

Petites mythologies populaires Le Cirque Désaccordé Du 5 au 21 juin Bastide du Jas de Bouffan, Aix 0 820 000 422 www.lestheatres.net

Clowns politiques C’est du cirque côté clown que propose depuis quelques années le Daki Ling, théâtre marseillais où il fait bon rire, et partager. Du 15 au 30 mai toutes sortes de clowns se relaieront dans un marathon très divers, de Vulcano au Styx Théâtre (les NoNos), du plus politique au poétique, à l’acrobatique aussi, un peu. Dans une convivialité rare qui se déplacera aussi sur le Cours Julien pour interpeller le passant, et au Chapiteau Gardens

aux Abattoirs, pour finir Tendance Clown en accueillant un public plus nombreux. Une quatrième édition qui prend de l’ampleur et s’inscrit dans la Cité… A.F.

Plein ciel En Dracénie aussi, dans les villages et dans la ville, des petites formes de cirque animeront les rues durant les journées du 11, 12 et 13 juin. Les trois spectacles Calao, L’œil du voisin et Bal Caustique seront joués tous les jours respectivement à 18h30, 20h et 20h30. Les œuvres de trois cies accro à la voltige et au cirque en l’air : Rouge elea, la Petite Compagnie et Le cirque hirsute divagueront dans les airs, accrochés à leurs agrès suspendus… A.F.

Tendance clown Daki Ling Du 15 au 30 mai 04 91 33 45 14 www.dakiling.com

Les etoiles, cie Les Colporteurs © Alain Chambaretaud

Cirk en mai se poursuit aux Salins et au Sémaphore. Ce temps annuel de cirque théâtral résolument contemporain, tourné vers le texte plus que vers l’acrobatie, prend sa place parmi les festivals de cirque de la région. Après la création de Catherine Germain et Thierry Niang reste à voir, (entre autres !), Mathurin Bolze qui met en scène les jongleries de Jérôme Thomas, les dernières représentations de Volchok, le théâtre loufoque des Cousins, le cabaret bric à brac de Gilles Defacque… A.F.

Petites formes de cirque Draguignan et Dracénie (83) 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com

Talons et vélos Dans le cadre de la Belle Fête de mai le théâtre Massalia aussi fait son cirque, en accueillant trois petites formes, tout public, en extérieur. Sur la Place Bargemon le 23 mai à 16h, puis à la Friche le 24 mai à 17h. Les deux cies invitées

Cirque d’auteurs

sont jeunes et talentueuses : Chéri d’amour, qui sait être virtuose dans ses acrobaties cyclopédiques, propose un spectacle de 20 minutes intitulé le Russe Blanc. Quant aux Colporteurs, ils ont inventé une étrange installation : une sorte de carcasse de tiges et de fil sur laquelle ils évoluent comme des funambules involontaires. Ils sont drôles et inattendus, et proposent deux formes courtes de 20 minutes: un duo amoureux, et une poursuite en talons aiguilles. Oui oui, sur le fil… A.F.

Cirque en mai Les 23 et 24 mai Attention : les horaires sont susceptibles de changements 04 95 04 95 70 http://massalia.lafriche.org

À Martigues Volchok Cie Trottola jusqu’au 16 mai à 19h parking de la Halle Mignon Palace Gilles Defacque et la Cie Tire-Laine Le 16 mai à 21h Deux hommes jonglaient dans leur tête avec Roland Auzet et Jérôme Thomas mes Mathurin Bolze Le 20 mai à Les Salins 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr Au Sémaphore, Port de Bouc Ça va pas se faire tout seul Les Cousins Le 15 mai Loin d’être fini Gilles Defacque Le 19 mai Le Sémaphore 04 42 06 39 09 www.theatre-semaphore-portdebouc.com


SIRÈNES ET MIDI NET

ARTS DE LA RUE

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Concert de rue Bizarrement les arts de la rue et le jazz (mais aussi la classique et la contemporaine) ne font pas toujours bon ménage. Alors qu’historiquement cette musique s’est longtemps jouée dans les jardins et les kiosques, voire sur les trottoirs, les formes musicales proposées au public par les artistes de rue s’avèrent souvent assez pauvres, théâtralisantes, conceptualisantes, fanfarisantes, mais rarement intéressantes au strict sens musical (c’est-à-dire par la richesse et l’épaisseur des sons, et du discours musical). Et lorsque les musiciens classiques risquent leurs instruments fragiles au plein air, l’été, c’est sous la forme de concerts, non d’interventions de rue… Deux obstacles qui empêchent sans doute ces mondes de se rencontrer vraiment, même sur un parvis d’opéra. Pour fabriquer sa sirèneRaphaël Imbert s’est gardé de toute simplification du discours, et a proposé un véritable concert. Sur plateau, sans spatialisation, sans verbalisation, sans costumes et sans histoire. Et la foule d’applaudir, preuve que la musique quand elle est

plainte déchirante du saxophone. Cela s’appelle Oraison, comme le village où il vit. Mais c’est bien autre chose qu’une prière aux morts entre deux sirènes, tant cela donne envie d’entendre encore, tout un concert, ces mélanges-là… AGNÈS FRESCHEL

Oraison, par la cie Nine spirit, a été créé sur le Parvis de l’Opéra le 6 mai, dans le cadre de Sirène et midi net

À venir à Lieux publics

© Agnès Mellon

belle suffit, même lorsqu’elle est jouée par un bonhomme rond sans pseudo charisme. Le principe ? Partir du son de la sirène, glisser dedans son propre son, hurlant comme elle mais rond, puis apaisé rejoindre le Quatuor Manfred qui lui répond superbement, et entamer un dialogue, auquel s’adjoindra bientôt l’orgue

d’André Rossi, et la voix et la basse de Michel Peres. S’écouter, passer du cri à la plainte, à la supplication, sans ces chorus artificiels où les jazzmen se rejoignent encore parfois, mais allant de parties écrites à des improvisations communes travaillées, où l’on entend comme des styles divers, de la fugue à l’orgue, quelques tsiganeries, et la

Opéra Flux, par le Théâtre du Centaure. Sur un texte de Fabrice Melquiot les Centaures de Camille et Manolo vont descendre les marches, rejoindre le parvis, et faire naître trente poulains qui se répandront dans la ville. Le 3 juin, à midi net ! Sirènes et midi net Place de l’Opéra de Marseille 04 91 03 81 28 www.lieuxpublics.fr


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MUSIQUE

CONCERTS

Fantastique Berlioz ! Nelson Goerner © X-D.R.

On sent dès l’attaque de l’Ouverture «Les Hébrides» toute la finesse du travail réalisé en coulisse par Emmanuel Krivine avec l’Orchestres des Lauréats du Conservatoire (CNSM de Paris et Lyon). Leur Mendelssohn est empreint d’un vrai lyrisme, doublé d’élégance et de féerie, signature d’un musicien qui, en cette année de bicentenaire, trouve (enfin ?) la place qu’il mérite au panthéon des Romantiques. Nelson Goerner livre ensuite au piano un 1er concerto de Chopin d’une virtuosité qui semble (à tort !) facile, plein de grâce et de clarté. Son Nocturne op.48 n°1 en ut mineur, joué en bis, comble la salle bondée du Grand Théâtre de Provence d’une émotion profonde et d’un pathétique à pleurer.

Mais le 5 mai, le mets de choix en appelle au sommet du romantisme orchestral ! La Symphonie fantastique de Berlioz fait exploser les formes classiques, invite l’auditeur à suivre, dans une narration délirante, les affres d’un héros aux amours malheureuses, aux passions destructrices et aux vains espoirs, de la solitude profonde aux cauchemars funèbres d‘un voyage outre-tombe… Sous la baguette experte du maestro, la jeune phalange a mis en œuvre talent et cœur pour rendre à l’opus ses couleurs contrastées, son souffle enflammé, jusqu’aux impressionnants tutti conclusifs à décoiffer l’auditoire… Brillant ! JACQUES FRESCHEL

Parisien et inspiré Le 25 avril, Les Siècles, sous la houlette de François-Xavier Roth, donnaient le concert de clôture de la saison Mozart, avec des œuvres composées lors du deuxième séjour parisien du musicien, la Symphonie concertante pour vents et le Concert pour flûte et harpe. Complétaient la Symphonie en 17 parties de Gossec et une œuvre contemporaine, Streets, de Bruno Mantovani. On a déjà tout dit sur la maestria, l’humour, les explications érudites glissées avec légèreté, par ce chef passionné. Ainsi, il amène le public à rire, le divertit avec des anecdotes, comme l’histoire de la partition perdue de la symphonie concertante... Le quatuor des solistes, cor, hautbois, clarinette et basson bavarde avec l’orchestre avec enthousiasme, qui nous transporte dans une scène de théâtre enlevée. Les musiciens offrent toute leur verve, au point de faire exploser une corde de violon dans le Gossec, qui, par une utilisation variée de tous les pupitres, offre une palette où l’humour, l’ironie cèdent parfois la place à de larges envolées lyriques. Ce concert permettait aussi de découvrir une œuvre

contemporaine qui laissait entendre les rues de New York, une musique descriptive qui formait un contrepoint intéressant aux œuvres de la soirée. Marie-Pierre Langlamet et Juliette Hurel ont interprété avec une superbe technique le concerto pour flûte et harpe, avant de faire la grâce à un public enchanté de la délicate sicilienne de Bach. Une saison exceptionnelle que les Siècles nous ont fait vivre ! MARYVONNE COLOMBANI Ensemble Les Siecles © X-D.R.

Sacrément mieux ! Samuel Coquard, à l’origine de projets ambitieux et originaux menés avec la Maîtrise des Bouches-du-Rhône, dont les Lieder sur le thème du voyage (voir Zib 18), dirige également plusieurs concerts impliquant la Jeune Maîtrise. Dont ce remarquable programme proposé dans le cadre du Festival de musiques sacrées le 6 mai. Certes ce n’était pas parfait -on se rappellera du fa dièse grinçant au Continuomais la musicalité était bien là : la Messe pour le Port Royal de Charpentier, les Motets de Clérambault furent rendus à merveille par un Chœur dont la qualité évidente des solistes mais aussi la cohésion, le plaisir communicatif n’ont rien à envier à des professionnels. Bien sûr, si l’on se laissait aller à juger ces adolescents talentueux comme des adultes, on regretterait quelques approximations durant les Cantates de Bach, plus difficiles que le reste du programme et réalisées sans le soutien des choristes plus jeunes. Mais ce serait injuste ! Le concert fut une leçon, et on aura plaisir à revoir cette jeune maîtrise à l’œuvre. Si possible avec du meilleur matériel (Magali Frandon offrait une très bonne prestation munie d’un piano correct), toujours sous la direction bienveillante, subtile et efficace de Samuel Coquard ! SUSAN BEL


Morts et mère Le Festival de musique sacrée de Marseille a commencé à l’église Saint Michel, avec le Requiem de Mozart puis le Stabat Mater de Pergolèse Le public nombreux fut cependant emporté par la force de l’œuvre. De meilleures conditions d’écoute l’auraient sans doute enthousiasmé !

Stabat à l’ancienne

Elena Gabouri © X-D.R.

Le Festival aurait mérité une meilleure ouverture que cette interprétation brouillonne du Requiem de Mozart, même si l’exécution de son Exultate Jubilate fut plus habile. Plusieurs erreurs : l’acoustique de l’église Saint Michel et l’exiguïté de sa scène laissent à désirer, d’autant que visiblement l’Orchestre, le Chœur et les solistes y ont peu répété ensemble ; leur manque de coordination fut assez étonnant. Tout se décalait, en particulier en ce triste instant où la soprano Nicole Fournié, tentant, en plein Requiem Aeternam, d’alléger un peu ses fins de phrases, lança quelques regards de détresse à un José Miguel Esandi dont la direction déconcertait l’Orchestre. Il était difficile de ne pas plaindre le percussionniste, installé dans un des recoins de la scène, contraint de marquer les temps importants au beau milieu de ralentissements qu’il n’arrivait visiblement pas à prévoir. Autre erreur, le tempo, trop rapide, saccadé. Parti pris qui se défendrait dans une acoustique moins réverbérante, et si les chœurs parvenaient à suivre. Dans tous leurs passages difficiles, notamment sur le Kyrie, les sopranos furent criardes ; les altos et les barytons, plus justes mais peu nombreux, ont peiné à se faire entendre, si bien que seuls les ténors tenaient la route. Du côté des solistes, on salue Nicolas Testé, basse plus que solide, et le courage de Nicole Fournié, qui a permis aux spectateurs d’apprécier quelques moments de bravoure sur l’Exultate Jubilate.

On a eu un peu l’impression, le 30 avril à l’église Saint Michel, de remonter trente ans en arrière lorsque (toutes proportions gardées) Ricciarelli et Valentini-Terrani chantaient le Stabat mater de Pergolèse. L’Orchestre de l’Opéra affichait un continuo comprenant pas moins de quatre violoncelles et, comme un peu perdu au milieu d’une vingtaine de cordes, Jean-Marc Aymes assurait la partie de clavier. Dans de telles conditions, on comprend que la direction artistique du Festival de Musique Sacrée ait fait appel à des «voix» capables de s’extirper de la masse instrumentale et toucher le public jusqu’au fond de la nef ! Du coup, la direction de Jacques Chalmeau s’est avérée pertinente : privilégiant des tempi ménageant aux chanteurs un espace rythmique vital, le geste sobre, il a soutenu les intentions du texte sans caricature, laissant peutêtre à l’orchestre le soin d’un peu trop gérer par lui-même les nuances… Cette vision lyrique n’est pas sans charme : elle s’éloigne des interprétations baroques en vogue actuellement, où il arrive que le geste musical s’accompagne de tics stéréotypés dans une recherche de l’authenticité parfois illusoire. Dans le chef-d’œuvre de Pergolèse et les airs sacrés de Haendel, Sandrine Eyglier s’est montrée souveraine par la largeur de son souffle, une technique sûre, des aigus superbes et une émotion qui a connu son apogée lors du dramatique «Vidit suum», expression intense de la douleur de la Vierge face à la crucifixion de son fils. Elena Gabouri, certes moins altière que la soprano, mais dont la voix sombre s’avère heureusement égale et compacte, a contribué au succès du concert. JACQUES FRESCHEL ET SUSAN BEL

Pour la suite du festival, voir p 38


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MUSIQUE

LYRIQUE

Verdissimo ! On n’avait pas entendu une aussi belle interprétation du Requiem de Verdi depuis bien longtemps! Le 17 avril, sur le plateau de l’Opéra de Marseille, face à une salle comble, l’orchestre, les chœurs et les solistes ont rendu à la fameuse messe des morts romantique toute sa puissance dramatique et procuré à l’auditeur une vraie émotion. Dès l’Introït, exposé hyper-pianissimo, à fleur de silence, on a senti l’empreinte d’un grand chef. De fait, Pinchas Steinberg a installé un climat propice à l’expression passionnée, contrôlé nuances et couleurs sonores, jusqu’à l’explosion des voix du chœur a cappella, préambule d’un fracassant Dies Irae à faire se hérisser les poils et vibrer la colonne vertébrale. On se dit décidément que rien d’autre que le concert vivant ne peut générer de tels élans chez l’auditeur ! Le quatuor de solistes a été emmené par l’une des plus éminentes «Aïda» du moment. La belle et puissante soprano Adina Aaron posa ses aigus, sans les pousser, avant de lancer par dessus l’orchestre

un ultime contre-ut, véritable appel désespéré d’un Libera me en forme d’air d’opéra. A sa gauche, Dolora Zajick a compensé un physique moins avantageux par une chant à cœur ouvert : une mezzo somptueuse, puissante comme on les aime, sachant «poitriner» à bon escient ! Côté hommes, si la basse vibrante et profonde Carlo Colombara a séduit par son timbre compact et une interprétation soignée, on reste réservé quant au ténor (certes de substitution) Ricardo Bernal : ses aigus lumineux à pleine voix n’ont pas occulté des failles dans la demi-teinte et le bas médium le poussant à «détimbrer»… Dans les conditions idéales d’une direction malicieusement en avance sur le tempo, de contrôle autoritaire des plans sonores, l’impressionnante machine des musiciens de l’Orchestre et des Chœurs de l’Opéra a fonctionné à plein régime et séduit le public, qui, longtemps, a acclamé les artistes… JACQUES FRESCHEL Adina Aaron © X-D.R.

Vive le bel canto ! À Toulon se donnait le dernier chef-d’œuvre lyrique du maître du bel canto italien, Vincenzo Bellini, surnommé après sa mort «l’ange de Catane»… L’orchestre et les chœurs de l’Opéra de Toulon Provence Méditerranée, ainsi qu’une distribution vocale de premier plan placée sous la direction du chef italien Giuliano Carella, ont fait entendre Les puritains, opera seria sur un livret de Carlo Pepoli créé à Paris le 24 janvier 1835. L’œuvre assez longue met en scène un amour contrarié entre deux personnages, Elvira et Arturo, sur fond de combat politico-religieux dans l’Angleterre du XVIIe siècle. D’une histoire finalement assez banale, Bellini parvint en 3 actes à produire ce joyau, un des sommets de l’art lyrique, où se côtoient en un parfait équilibre pureté et extrême virtuosité des mélodies vocales, servies dans un écrin orchestral finement ciselé. Le choix de cette production était clair : il s’agissait de faire entendre la musique… Jessica Pratt (Elvira),

Shalva Mukeria (Arturo) et stes (Wojtek Smilek, Rodion Pogossov) ont su émouvoir l’auditoire grâce à leurs magnifiques timbres de voix, et les chœurs ont fait preuve d’une présence et d’une musicalité remarquables. Car il est difficile, voire périlleux, d’oser une mise en scène plus enjouée, exigeante dans le jeu, sur une œuvre aussi techniquement éprouvante pour les chanteurs. Mais la sobriété des décors et des costumes magnifiquement mis en lumière offrait un contrepoint idéal à ce feu d’artifice vocal, laissant les amateurs conquis. EMILIEN MOREAU

Les Puritains ont été joués à l’Opéra de Toulon les 24, 26 et 28 avril Les Puritains © ACM Delestrade

Mozart à l’École Quand il écrivit la musique de La Finta Semplice Mozart avait 12 ans ! Est-ce à dire que cet opéra bouffe, composé sur un livret de Goldoni, est une œuvre mineure ? La version adaptée et mise en scène par Claude Méloni pour les musiciens et chanteurs du Conservatoire de Marseille montre le contraire: il y a déjà du génie dans cet opus, celui de Cosi fan tutte, entre autres chefs-d’œuvre à venir… Pour son adieu à l’institution phocéenne, qu’il servit avec constance et talent durant près de trente ans, le professeur de chant Claude Méloni prouve qu’on peut, avec de la volonté et de la persévérance, proposer des spectacles formateurs, enrichissants pour les futurs musiciens… et attrayants pour le public ! L’ensemble dirigé dans la fosse par Philip Bride a fait preuve de goût dans l’articulation des phrasés mozartiens, tandis qu’au clavecin Julie Degiovanni a accompagné des chanteurs bien préparés en coulisse pour surmonter les difficultés de la partition, les situations cocasses du livret et simplement… affronter les feux (parfois stressants) de la rampe ! Le plateau, constitué de Fabienne Hua, Marjorie Mulet, Amandine Ancelin-Besset, Michaël Piccone, Xiang Wang, Guilhem Bernard et Sébastien Delgado, a fait preuve d’une belle maîtrise musicale et scénique. J.F.



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MUSIQUE

CONCERTS

Haut le chœur!

Le Conte est bon !

Bradier se fond dans l’univers sonore du compositeur Tôn-Thât Tiêt : un délicat mariage Orient-Occident. Il y a dans le va-et-vient des chanteurs, du chœur à l’antique côté cour au ponton central dressé devant un rideau de scène, tout à la fois de la distanciation moderne, des postures traditionnelles orientales comme de l’opéra classique européen… et quelques images poussent l’amateur à penser à Butterfly. Le musicien quant à lui parvient à

Comme la chanson du monde…

L'Ensemble Telemaque avec Brigitte Peyré et Alain Aubin © Agnes Mellon

L’Ensemble Télémaque a clôturé la saison du Théâtre le Cadran à Briançon le 5 mai avec la création de ses Folk songs, avant de partir pour des Excentrés dans les Hautes-Alpes avec un programme en partie différent (voir p 38). L’ensemble marseillais y est en résidence régulière depuis plusieurs années, et a noué des relations particulières avec le public… Ainsi, accompagnés des choristes du Briançonnais, Télémaque a offert une

véritable palette de chants et de musiques du monde entier (France, USA, Espagne, Allemagne, Italie, Arménie, Azerbaïdjan) à partir des Folk Songs de Luciano Berio, mais aussi des partitions de Kurt Weill, Astor Piazzolla et Manuel de Falla. Sous la direction musicale de Raoul Lay, grâce à ses orchestrations qui surprennent par l’utilisation de percussions diverses, de l’accordéon et de la harpe, ces Folksongs ont conduit

créer, à l’aide d’un dispositif instrumental minimaliste (une flûte, une harpe, un violon et des percussions) une «couleur locale» séduisante au moyen d’un langage moderne accessible. Autour de notes polaires soutenant les voix, se tisse une texture d’arpèges et de trémolos, de mouvements obstinés qui laissent planer sur le drame une énigme. Estce le secret de l’arbalète ? Une noirceur inquiétante, même dans les tableaux festifs du mariage ou dialogue amoureux, laisse présager l’issue funèbre. Roland Hayrabedian dirige des chanteurs qui rendent crédibles les personnages du Roi trahi, de la Princesse naïve et du Prince félon, arpentant avec talent les vocalises récurrentes, les dessins mélodiques chaotiques ou les sinueux passages du «parlando» au «cantabile»… Un succès mérité ! JACQUES FRESCHEL

au cœur d’un voyage «folklorique» qui ne cherchait pas à être authentique mais à convoquer toutes sortes de mémoires pour un concert commun : un mélange de voix et d’instruments, parfois surprenant et souvent magique. Les deux protagonistes, la merveilleuse soprano Brigitte Peyré et le subtil contre-ténor Alain Aubin, transmettent avec poésie, humour et vivacité l’âme passionnée de ces chants d’origine variée. Ponctuellement le chœur entrelace sa voix pour accompagner les rythmes très contemporains de la percussion et des mélodies de flûte, clarinette, harpe, accordéon, violon et violoncelle. La présence du chœur renforce l’aspect populaire de ces chants, dans un décalage avec le chant lyrique des solistes . Le concert transporte dans des coins d’un monde souvent inconnu, et constitue un bel hommage créatif à la chanson populaire. SARA MINARD

J.F.

Edith Canat de Chizy © Christophe Daguet

l'Arbalete magique © X-D.R

On est loin des premières mises en scène maladroites des Contes de Musicatreize ! L’Arbalète magique, représenté au Gyptis le 16 avril, est une réussite. D’abord parce que l’histoire, inspirée d’une légende fondatrice de Vietnam, touche tous les publics, capte l’attention des plus jeunes, que le livret de Tam Quy génère, au fil du drame, un intérêt croissant débouchant à l’épilogue sur une réelle émotion… Aussi parce que la scénographie aux lignes épurées d’Henry

Le concert organisé par le centre culturel Ani, dans le cadre de la Quinzaine Culturelle Arménienne, en partenariat avec la Mairie des 11e et 12e arrondissements de Marseille, a rencontré un beau succès auprès du public qui s’était déplacé, le soir de Pâques, à l’église de Beaumont. On y a entendu une formation vocale qui, depuis sa création par Roland Hayrabedian en 1978, fait la part belle aux musiques d’aujourd’hui. Le Chœur contemporain, fort de près de 32 chanteurs, s’est trouvé à son aise dans Suite de la nuit de la compositrice Edith Canat de Chizy, particulièrement dans les reliefs donnés aux plans sonores, la richesse des résonances, bouches fermés, attaques percutées, sons hachés, textes précipités… tout ce qui fait le sel des opus contemporaines ! Dans le chant romantique, comme les Motets de Mendelssohn, malgré des qualités d’homogénéité et de mise en place, l’ensemble a pâti en revanche d’un déficit de nuances et d‘émotion liée aux textes. L’entame de l’étrange Messe de Brahms (passant illico du Kyrie au Sanctus !) manqua d’un poil de retenue et les sopranos y ont lancé quelques sons raides dans l’aigu ! À contrario, on a goûté sans réserve aux séduisants Chants religieux du Grec Komitas, ses polyphonies colorées d’origine orthodoxe, ses mélodies modales et bourdons typiques du subtil mélange des répertoires populaire et savant.


SAISON GTP

MUSIQUE

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Après Mozart… Beethoven ! Avec des têtes d’affiches comme Barbara Hendricks, Aldo Ciccolini, Anne-Sofie von Otter et Philippe Jaroussky, le Grand Théâtre de Provence devrait à nouveau attirer les mélomanes en 2009-2010! D’autant que ce carré royal représente seulement la partie émergée d’un iceberg riche en genres musicaux, personnalités et répertoires… Avec pour fil rouge une statue : Beethoven !

tent… Un vaste chantier pris à bras le corps par l’équipe aixoise, et qui est en passe d’être réussi !

Guest star ! Dès la reprise automnale, au fil des mois, on attend une flopée de vedettes. La grande mezzo Anne Sofie von Otter rendra un émouvant hommage à des œuvres composées, présentées dans l’univers concentrationnaire du camp de Terezin, le contre ténor Philippe Jaroussky chantera des musiques italiennes du XVIIe siècle. L’accordéoniste Richard Galliano, accompagné d’un quintette princier de cordes, jouera Piazzolla et le violoniste Nemanja Radulovic ses Trilles du Diable. Les pianistes David Kadouch et Bertrand Chamayou interprèteront respectivement les célèbres Tableaux d’une exposition (Moussorgski) et Années de Pèlerinage (Liszt). Anna Caterina Antonacci chantera un oratorio imaginaire Altre Stelle mis en scène par Juliette Deschamps, l’ensemble Accentus Schubert et Rachmaninov… Sans oublier les concerts jazz Manu Katché, Lionel et Stéphane Belmondo, Stacey Kent… Et c’est pour trois concerts que la diva Barbara Hendricks se présentera sur le plateau aixois. Elle y chantera Noël, avec l’Orchestre de Cannes et la Maîtrise des Bouchesdu-Rhöne et du «Blues» avec un quartette de jazz et le monumental et sublime cycle de Schubert : Le Voyage d’Hiver.

Anne Sofie von Otter © Mats Backer

Mozart l’année dernière, Beethoven cette année ! Tel est l’axe défini par Dominique Bluzet pour la prochaine saison du GTP… afin de jeter les bases d’un avenir où il sera donné à entendre «des œuvres de plus en plus exigeantes»… Depuis deux ans, un premier pari est gagné : celui de remplir régulièrement la salle du Grand Théâtre (1400 places !) avec des spectacles du niveau des grandes affiches parisiennes, durant les mois où le Festival d’Aix n’investit pas l’espace prévu à l’origine par Stéphane Lissner pour accueillir le Ring wagnérien… Mais il reste encore à fidéliser le public, en former de nouveaux (comme les jeunes générations) en proposant des tarifs accessibles, à défendre le patrimoine tout en étant ouvert sur la création, à continuer de proposer des «affiches» en faisant de la place aux talents locaux qui le méri-

Spectacles De nombreuses représentations sont destinées à la jeunesse comme le poétique Cirque invisible de Jean Baptiste Thiérrée et Victoria Chaplin, la la la Opéra en chanson mis en scène par Benjamin Lazar, la création de Boulevard du swing par les jeunes du Créa, Chante-moi une histoire par la soprano Agnès Mellon, l’Opéra de Sichuan. On note également la présence de la compagnie marseillaise Télémaque Aldo Ciccolini © Luc Jennepin

Barbara Hendricks © Mats Backer

pour la reprise d’un étonnant spectacle tout-public : Le Cabaret des Valises, composé par Raoul Lay et conçu avec les artistes du Cirque Plume. De la danse aussi, et de la meilleure, créée dans la région, et abordable pour le jeune public : la reprise de Blanche Neige par le Ballet Preljocaj, qui ravira tous ceux qui n’avaient pu accéder aux premières représentations ; la création attendue d’Olivier Twist par le Groupe Grenade (Josette Baïz) ; la reprise de Folavi et de Schubert in love, pièces très musicales justement par le Ballet d’Europe (Jean-Charles Gil). Quant à la venue de la Merce Cunnigham Company, dans un programme pour 13 danseurs contenant un pièce aléatoire (Split Side, 2003) et le ludique Squaregame (1976), elle promet d’être un événement…

Beethoven pléthorique Et pour honorer Ludwig, à côté d’un concert pédago Beethov’on the rocks par Jean-François Zygel, on enten-

dra ses Symphonies par l’Orchestre Français des Jeunes, Anima Eterna, l’Orchestre National de Montpellier, le Sinfonia Varsovia, ses Concertos par l’Orchestre National de Lille (Augustin Dumay au violon), le pianiste Barry Douglas et la Camerata Ireland (L’Empereur), le Trio Wanderer et Les Siècles (Triple concerto), sa musique de chambre par les Quatuors Ebène et Ysaÿe, ses sonates (Isabelle Faust et Alexander Melnikov)… avec en point d’orgue, un récital exceptionnel donné par le vieux maître Aldo Ciccolini dans le «Clair de lune» et l’«Appassionata»… JACQUES FRESCHEL

Saison 2009/2010 Ouverture des abonnements le 26 mai 04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net


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MUSIQUE

CONCERTS

Enthousiasme et pertinence Les Festes d’Orphée ont proposé, le 12 avril à Aix et le 14 à Marseille, un programme de motets festifs, rassemblant pour cette occasion les solistes, le Grand-chœur et l’Orchestre Baroque. Pour commencer, l’Exaudiat te Dominus de Francois Estienne, œuvre étonnante que l’Ensemble avait déjà donné l’occasion de découvrir en 2003 : encore une perle oubliée du patrimoine baroque provençal ! qui, comme le lyrisme des programmes vendus à chaque manifestation oublie rarement de le rappeler, vaut bien les meilleures productions versaillaises ! Œuvre digne d’intérêt donc, interprétée avec justesse et enthousiasme, notamment par Guy Laurent qui, d’un geste enflammé, en fit même tomber sa partition ! L’Ensemble s’est ensuite attaqué au Concerto pour Violon BWV 1042. Quelques petites défaillances de justesse notamment du coté du violon solo : les aléas, sans doute, du diapason baroque quand l’accord s’applique à un orchestre conséquent. Des Festes finalement conclues sur les Vesperæ Solemnes de Confessore de… Mozart ! Pourtant peu habitué à ce répertoire, l’Ensemble a fourni une performance remarquée sur une œuvre dont l’écriture contrapuntique et le dynamisme étrange méritaient effectivement d’être soulignés. Mission accomplie une fois de plus : de bonnes surprises, des découvertes et une prestation de qualité. Grand choeur des Festes d'Orphee © X-D.R

SUSAN BEL

Vous aimez Brahms ! Deux immenses artistes, Michel Dalberto au piano et Henri Demarquette au violoncelle ont offert au public du Jeu de Paume, le 16 avril, un spectacle brillant et virtuose La musicologue Christine Prost présenta le concert dans une introduction évitant tout jargon pour introduire des œuvres au demeurant complexes : les œuvres du «plus classique des romantique», Brahms, dont deux sonates ouvraient et refermaient le programme, qui comprenait la Sonate en La majeur de Beethoven et un florilège de pièces de Schubert, trois lieder dans leur

transcription par Michel Dalberto, (Nacht und traüme, et deux extraits de La Belle Meunière, Danksagung an den Bach et Der Müller und der Bach). Tout au long du récital les phrases musicales respirent, se modulent, usent de toutes les capacités du violoncelle qui se fait voix expressive, subtile, ironique ou emportée. Le piano accorde corps et profondeur au propos, avec un jeu d’une fluidité et

d’une élégance exceptionnelles. Aucun effet facile, aucune note trop jouée, les deux musiciens fondent leur art au service de la partition, unis par une intelligente complicité que la magie de leur interprétation rend sensible. Les rappels fusent, qui nous offrent le plaisir d’entendre deux pièces de Brahms, un lied transcrit pour leurs instruments, Que la mélodie coule, et une Danse Hongroise endiablée ! MARYVONNE COLOMBANI

Michel Dalberto © Yannyck Coupannec

Révolte du chœur Charmant programme que celui qui était donné en matinée ce 9 mai. L’orchestre et chœur des classes musicales du lycée Vauvenargues d’Aix-en-Provence s’était mêlé aux chœurs du lycée Arthur Rimbaud d’Istres (Dir. Jacques Losse) et du lycée Jean Lurçat de Martigues (Dir. Françoise Espitalier), pour présenter leur travail de l’année : une pièce drôle dans laquelle un compositeur cherche à faire jouer son opéra à un orchestre dissipé qui n’en fait qu’à sa tête et ne joue et ne chante que ce qui lui plaît… Prétexte ingénieux pour introduire un répertoire qui va de Purcell à Gershwin en musardant par Rameau, Haendel, Gluck, Mozart, Verdi, Bizet, Puccini, sans compter quelques intermèdes aux percussions balais, boîtes de conserve et danse dynamique. La fraîcheur de cette jeune troupe compensait largement les problèmes

de justesse, de puissance ou de placement des voix. La mise en scène ne manquait pas d’humour, les jeux de mots se succèdent, «ça bosse fort !», les artistes se révoltent dans ce pastiche enlevé de La compagnie Interlude © X-D.R.

Prova d’orchestra qui a réjoui un public complice et bienveillant. Une mention spéciale au «sopraniste syndicaliste» Tom Mebraki, dont la voix de falsetto était très convaincante, et surtout à la «prima donna» Eléonore Deveza de la Pena dont la présence, la voix, tenaient déjà de la prestation professionnelle. Un spectacle d’une jolie tenue. MARYVONNE COLOMBANI

Interludes sera repris à l’Olivier (Istres) le 23 mai 04 42 55 24 77 www.scenesetcines.fr



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MUSIQUE

AU PROGRAMME

Opéras O Miréio ! Mireille est un formidable opéra ! Ce chef-d’œuvre romantique mêle, sous la lumière aiguë du soleil de Provence où vivent légendes et superstitions, l’insouciance d’amours juvéniles à de sombres destinées. Mireille, c’est l’éclat des chœurs «Cueillez, cueillez magnanarelles», de la «farandole joyeuse et folle», mais aussi la noirceur maléfique du Val d’enfer, l’aride désert de la Crau et l’ombre fantastique des bords du Rhône, de son passeur funèbre… Avec Faust et Roméo et Juliette, l’opus constitue le sommet d’un prodigieux triangle dont Gounod reste un maître inégalé. Dans le sud, cette adaptation du poème de Mistral est plus populaire que dans les sphères septentrionales. L’ouvrage fut assez négligé ces derniers temps, mais constate un regain d’intérêt puisqu’en plus de revenir sur la Canebière dans la mise en scène de Robert Fortune (qui

Toutes les mêmes ! œuvrait déjà en compagnie du chef d’orchestre Cyril Diederich lors du centenaire de la mort de Gounod en 1993), il est annoncé cette année à Tours, à l’Opéra de Paris (mise en scène de Nicolas Joël)… et aux Chorégies d’Orange en 2010. À Marseille on attend, dans le couple Mireille/Vincent, deux jeunes chanteurs pleins d’avenir : la soprano coréenne Hye Myung Kang et le ténor français Sébastien Guèze qui affronteront respectivement le redoutable Air de la Crau et l’inaltérable «Anges du paradis», succès patent d’Alain Vanzo. Ils seront soutenus par des valeurs sûres : le baryton Lionel Lhote incarnera le bouvier rival Ourrias quand la mezzo Marie-Ange Todorovitch rayonnera sans nul doute dans la sorcière Taven.

Hye Myung Kang © X-D.R.

MARSEILLE. Les 20, 22, 27 et 29 mai à 20h et le 24 mai à 14h30. Opéra 04 91 55 11 10 www.marseille.fr

JACQUES FRESCHEL

Cosi Fan Tutte (ou L’Ecole des Amants) de Mozart serait inspiré d’une histoire vraie dont on parlait à Vienne en 1790. Deux frères, Ferrando (Avi Klemberg) et Guglielmo (Andréas Wolf) sûrs de l’inclination de leur fiancée Fiordiligi (Evelina Dobracheva) et Dorabella (Carine Séchaye), font un pari avec un vieil ami célibataire Don Alfonso (Nicolas Rivenq) qui doute de la fidélité féminine. Déguisé, chacun courtise la promise de l’autre. Les deux jeunes femmes résistent... et cèdent ! Cette comédie galante qui reflète la fragilité de la nature humain est un bijou musical. Il est dirigé par Thomas Rösner et mis en scène par Philippe Sireuil). TOULON. Les 29 mai, 2 et 4 juin à 20h et le 31 mai à 14h30 à l’Opéra. 04 94 92 58 59 - www.operadetoulon.fr

Folle Lucie

Idéale

Féminines

On avait aimé, y a deux ans à Marseille, le bel canto de Patrizia Ciofi dans Lucia di Lammermoor de Donizetti mis en scène par Frédéric Bélier-Garcia. On retrouve cette production au bord du Rhône, cette fois avec la soprano Désirée Rancatore dans le rôle titre (direction musicale : Alain Guingal). Un drame romantique inspiré de Walter Scott, situé dans l’Ecosse du XVIe siècle, narrant les amours contrariées de Lucia et Elgardo (Vittorio Grigolo)… et qui se finit dans «La Folie» et le sang… of course !

La donna ideale tourne dans le cadre des excentrés de la Passerelle (Gap). Avec Brigitte Peyré dans les Folk Songs et Alain Aubin dans Haendel, Pergolèse, Porpora ou Vivaldi orchestrés par Raoul Lay (voir p 34).

Le Chœur de Dames des Festes d’Orphée chante les Miserere et De profundis de Nicolas Clérambault (le 4 juin à la Chapelle de La Baume-les-Aix à 20H30 et le 5 juin à 20h30 à Marseille Chapelle Ste Catherine), avant que le Grand Chœur affiche le Requiem d’Audiffren (le 9 juin Eglise du St-Esprit à 20h30).

Les Excentrés – Jusqu’au 22 mai - 04 92 52 52 52 www.ensemble-telemaque.com

AVIGNON. Le 31 mai à 14h30 et le 2 juin à 20h30 Opéra-Théâtre 04 90 82 81 40 - www.mairie-avignon.fr

À deux On a plaisir à retrouver en nos contrées la formidable mezzo-soprano Magali Damonte à l’affiche des concerts ! Cette superbe Carmen se produit, en duo complice et complémentaire (voire équivoque ?) avec l’un des plus grands contre-ténors de sa génération : Alain Aubin. Le concert lyrique programme un double répertoire baroque (Cavalli, Monteverdi, Purcell, Haendel ) et romantique (Berlioz, Fauré et SaintSaëns). Les chanteurs sont accompagnés au piano par Jacques Chalmeau, chef d’orchestre omniprésent sur la scène locale en cette saison (Tournée de l’Orchestre Philharmonique du Pays d’Aix, Solomon de Haendel au Festival de Musique Sacrée, en compagnie des mêmes solistes, avec l’Orchestre & le Chœur de l’Opéra de Marseille, le 12 juin à l’Eglise St Michel 04 91 55 11 10). MARSEILLE. Le 29 mai à 20h30 au Théâtre Gyptis 04 91 11 00 91 www.theatregyptis.com

AIX. 04 42 99 37 11 www.orphee.org

Spectacles Broadway de Marseille

À cordes

L’événement de cette fin d’année pour la Cité de la Musique est une affiche festive autour d’airs de comédies musicales de Broadway (Magicien d’Oz, Singing in the rain, West Side Story, Sound of Music...). Bernard Amrani a arrangé ces standards qu’il dirige à la tête de l’Orchestre des élèves de la Cité et des Chanteurs de l’atelier «Chansons en scène» dirigé par Anne et Philippe Gastine. Un concert hors-les murs au Toursky, avec accueil musical par l’Orchestre au collège (dir. Jean-Marc Pongy) et l’ensemble de clarinettes (dir. Christian Ricard). Première partie assurée par l’ensemble de guitares, Jazz band (dir. Joseph Crimi).

Le Quatuor poursuit son spectacle désopilant Corps à cordes mis en scène par Alain Sachs

MARSEILLE. Le 27 mai à 20h au Théâtre Toursky 04 91 39 28 28 - www.citemusiquemarseille.com

Et flûte !

Fin de siècle

Percussions

«L’Age d’or de la musique française de 1875 à 1930» à travers le journal de Marguerite de Saint-Marceaux. Evocation littéraire et musicale par Edouard Exerjean.

Playblick, dernière création tout public de l’ensemble Symblêma composée par Alain Huteau. Trois marionnettes/percussionnistes voyagent à travers les continents et font découvrir, avec humour et poésie, les musiques du monde.

MARSEILLE. Les 16, 18, 23 et 25 juin à 20h30 à la Villa Magalone. 04 91 39 28 28 www.citemusiquemarseille.com

AIX.Jusqu’au 19 mai à 20h30 (relâche le 17 mai) Au Théâtre du Jeu de Paume 0 820 000 422 www.lestheatres.net

MARSEILLE. Le 29 mai à 15h et 20h30 à l’auditorium de la Cité de la Musique 04 91 39 28 28 www.citemusiquemarseille.com

Fin du cycle consacré à Mozart, avec La Flûte enchantée par la troupe Comédiens et Cie: un remake «mêlant danse et masques, cascades et chants, burlesque et fantastique.» MARSEILLE. Le 14 juin à 15h Station Alexandre. À 11h30 Maximilian Fröschl conduit un débat sur les relations de Mozart avec la franc-maçonnerie. 04 91 00 90 00 www.station-alexandre.org


Contemporaine Lonesome cow-boys Le prochain concert commenté par Raoul Lay, du cycle «Ouvertures solistes» de l’Ensemble Télémaque, s’intitule Les Subjectifs. Le programme est conçu autour du très original Quintette op. 39 de Prokofiev pour hautbois (Blandine Bacqué), clarinette (Linda Amrani), violon (Jean-Christophe Selmi), alto (Pascale Guérin) et contrebasse (Jean-Bernard Rière), auquel s’agrègent des pièces solistes de Denisov, Ohana, Hindemith, Murail, Hersant et Penderecki… autant de personnalités singulières (et souvent solitaires) dans la fourmillante mosaïque du XXe siècle musical.

Esprit d’ouverture

Acousmatique Lucie Prod’homme et ses «Acousmonautes» invitent, pour leurs Foliephonies, le compositeur Alain Savouret. MARSEILLE. Le 18 mai à 20h30 – Cité de la musique – Entrée libre 04 91 39 28 28 – www.citemusique-marseille.com

De nombreuses manifestations sont accueillies par Jean-Marc Montera dans l’enceinte du Grim (Groupe de Recherche et d’Improvisation Musicale) à Montévidéo. S’y enchaînent un festival universitaire de productions musicales (Architectures contemporaines le 16 mai à 18h), du Noïse Rock expérimental (Lightning Bolt + Duracell le 27 mai à 20h30), un de ces concerts/performances volontairement dé-concertant, mêlant sons et arts plastiques (Lucky dragons le 9 juin à 21h) et, à même le cours Estienne d’Orves, le guitariste «protéiforme» Jean-François Pauvros (Même pas peur, le 11 juin à 21h). De quoi satisfaire la curiosité !

MARSEILLE. Le 9 juin à 20h30 au Théâtre des Bernardines 04 91 39 29 13 - www.ensemble-telemaque.com

MARSEILLE. 04 91 04 69 59 www.grim-marseille.com

Voix inouïes

D’hier et demain…

Musicatreize et le Chœur contemporain se produisent, sous la direction de Roland Hayrabedian, dans un programme riche, virtuose et impressionnant de couleurs vocales dissonantes et modernes. De Johann Hermann Schein des extraits de Fontaines d’Israël, de François Paris Éléments de vocabulaire pour dire peut-être quelque chose de simple et de doux (d’après l’œuvre plastique au néon de Martial Raysse conservée au Musée d’Art Contemporain de Bonneveine), d’Annette Mengel Masal, d’Edith Canat de Chizy Suite de la nuit, de Maurice Ohana Tombeau de Louize Labé et de Félix Ibarrondo Oroïpen.

Comme on s’approche de la Place Bargemon au pied de l’HôtelDieu et derrière celui de la Ville, on perçoit un tintinnabuli de percussions métalliques. Parvenu sur l’esplanade, l’orchestre est là, noyé au centre d’une foule de curieux qui, nimbée de sonorités lumineuses se trouve un peu transportée en Asie du Sud-Est sur l’île de Bali. Le Festival Les musiques revendique son pluriel en s’ouvrant sur de nombreux phénomènes sonores, cultures et techniques… Il débute au printemps par un concert de gamelan, ce fameux instrument intégré au social et à la spiritualité balinaise qui fascina Debussy. Son ordre hiérarchique pyramidal (comme le volcan même de l’île), du gong grave aux métallophones stridents, sa rythmique immuablement binaire, génèrent de multiples couleurs qui enluminent le plein-air et ravissent le public captivé par la pantomime experte d’une danseuse locale… Quelques lieues plus loin on découvre, sur le toit de la Friche de la Belle de mai, des bacs contenant des plantes récoltées in situ : géraniums, plantes grasses, chardons… Un jardin urbain, agencé en carrés doucement irrigués autour desquels on s’arrête pour écouter une nébuleuse acoustique de sons de synthèse signée Olivier Renouf ! Ce laboratoire végétal D’icilà un point zéro est à découvrir jusqu’au 24 mai (coucher du soleil en prime avant 21h, voir page 53).

MARSEILLE. Le 12 juin à 20h au Temple Grignan Atelier d’écoute préparatoire animé par Jean-Christophe Marti le 2 juin à 17h à L’Alcazar (entrée libre) 04 91 00 91 31 - www.musicatreize.org

Ni Made Pujawati, danseuse balinaise © X-D.R.

J.F

Le Festival les Musiques se poursuit jusqu’au 26 mai www.gmem.org

Concerts L’Ensemble Vocal d’Aix-en-Provence OPUS 13 et Lucie Roche (Alto), l’Orchestre de Chambre de Toulon et du Var, interprètent le Dixit Dominus de Vivaldi et le Requiem de Hasse. AIX. Les 15 mai à 21h et 17 juin à 17h30 à l’église du ST-Esprit 04 42 28 62 95

Septuor de Beethoven (le 23 mai à 17h au Foyer). Création d’un Hommage à Claude Nougaro par Didier Lockwood et le Big band de l’Orchestre de l’Opéra (le 5 juin à 20h). MARSEILLE. Opéra 04 91 55 11 10 http://marseille.fr

L’Orchestre du Conservatoire joue Bach et Vivaldi (24 mai), l’Orchestre Baroque de Nice accompagne une mise en scène reconstituée de La Giuditta de Scarlatti (28 mai) et l’Orchestre des Jeunes et de la Méditerranée reprend L’Evangile selon Jean d’Abed Azrie (le 7 juin). MARSEILLE. Concert à 20h30 Eglise St Michel 04 91 55 11 10 – http://marseille.fr

L‘ensemble Baroques-Graffiti confronte les claviers avec Pianoforte o Fortepiano ? MARSEILLE. Le 28 mai à 21h à Urban Gallery (3 rue Mazenod) 04 91 64 03 46

Bach, Schein et Schutz par Les Offrandes Musicales (dir.Jérôme Cottenceau) et l’ensemble vocal Hymnis (dir. Bénédicte Pereira). AIX. Le 13 Juin à 21h à l’ Eglise du Sacré cœur. MARSEILLE le 14 juin à 18h à l’ Eglise Saint-Laurent

Les Solistes de l'Orchestre PoitouCharentes dirigés par Jean-François Heisser, Marie-Josèphe Jude (piano) et François-Marie Drieux (violon) jouent Dvorak et Berg. ARLES. Le 5 juin à 20h30 - Méjan 04 90 49 56 78 - www.lemejan.com

Concert avancé du Festival d'Aix : le Quatuor de Ravel et Le Carnaval des animaux avec le Quatuor Modigliani et Julie Depardieu.

AIX. Le 15 mai à 20h au GTP www.festival-aix.com 08 20 922 923 ou www.legrandtheatre.net 04 42 91 69 69

9e symphonie de Beethoven. AVIGNON. Le 11 juin à 20h30 04 90 82 81 40 www.operatheatred’avignon.fr


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MUSIQUE

DISQUES

Haendel est mort en 1759, Haydn en 1809, année même de la naissance de Mendelssohn… En 2009 on célèbre ces trois monuments de l’histoire de la musique. Voici donc, parmi les nombreuses sorties discographiques qui leur sont consacrées, une triade d’enregistrements originaux.

Mendelssohn au pianoforte

Haydn : Trios avec piano

Cyril Huvé est un spécialiste du pianoforte du XIXe siècle auquel il consacre de nombreux enregistrements. C’est sur un Broadwood de 1840 qu’il livre des compositions de Félix Mendelssohn écrites entre 1827 et 1841. Si l’on connaît l’œuvre pianistique de ses contemporains Chopin, Liszt et Schumann, celle de Mendelssohn s’avère moins «populaire», peut-être parce que moins brillante, moins immédiatement «accessible»… et surtout moins jouée (on a tendance à aimer ce que l’on entend souvent). Il faut écouter les Barcarolle, Sonate, Prélude et Fugue, Variations et Etudes de celui qui était considéré par Schumann comme «le premier musicien de notre époque». On entend également, dans ce bel enregistrement, Erinerrrung 4 XI de Schumann justement, composé à la mémoire de son ami mort en 1847.

On dit que Joseph Haydn est l’inventeur Trio avec piano. Si le Viennois est réputé pour ses nombreux Quatuors à cordes, on n’oublie pas le reste de sa musique de chambre : en particulier justement ses quelques 45 Trios avec piano, fondateurs certes, mais d’une grande variété. C’est sans doute pour affirmer leur penchant pour Haydn, qu’en 2003 Renaud Déjardin (violoncelle), Saskia Lethiec (violon) et Jérôme Granjon (piano) ont choisi pour nom Hoboken en référence au musicologue qui a classé l’œuvre du compositeur. Après un disque consacré à Dvorak et Smetana ou des complicités exogames avec Richard Galliano, les trois jeunes musiciens gravent donc Haydn et quatre opus de la période londonienne : leur élégance naturelle, leur goût de la belle phrase chantée et leur entente perceptible réjouissent l’auditeur.

J.F.

J.F.

CD LYRINX LYR 263 DISTR. COADEX

CD PARATY 208.106 DISTR. INTÉGRAL

La Bartoli dans Haendel Semele est à l’origine un oratorio, c’est-à-dire une œuvre non représentée, détail dont on fait fi aujourd’hui, arguant que ce type d’ouvrage n’a souvent ni plus ni moins d’intérêt dramatique que les opéras pur jus. L’argument est tiré d’Ovide : Jupiter prend forme humaine et séduit Sémélé (à moins que ce ne soit l’inverse ?) avant ses noces, provoquant la colère de Junon. L’ambitieuse aspire à l’immortalité, exige de Jupiter qu’il se montre sous sa forme divine… et périt foudroyée ! En 2007 en Suisse, William Christie dirigeait l’orchestre baroque La Scintilla, tandis que les chœurs de l’Opernhaus et les solistes se mouvaient dans un décor épuré (Patrick Kinmonth), paré d’un grand lit ou de chaises rangées, au gré de la mise en scène sensuelle et soft, sorte de farce olympienne déplacée à la cour d’Angleterre, signée Robert Carsen (arrangée d’Aix 1996). L’atout principal de ce DVD, attendu depuis deux ans, réside dans l’interprétation de la diva romaine. Cecilia Bartoli apporte de fait une profondeur, une hardiesse flamboyante, une sensibilité naïve, fascinante, aux mille couleurs. Son jeu d’actrice la fait

passer de l’appréhension à l’étonnement, de l’enthousiasme au courroux et son chant magnétique transcende ses partenaires. Il pétille dans Myself I shall adore, éclate en typhon dans No, no ! I’ll take no less, tout en espièglerie dans Endless pleasure… Et que les pianissimi de O sleep s’avèrent lascifs et inquiétants ! Les trilles crépitent dans With fond desiring : l’imagination fait force de loi dans chaque trait… Si bien que les superlatifs manquent pour qualifier son incarnation ! JACQUES FRESCHEL

2DVD DECCA 074 3323

Musiciens Académies «Comment donner à comprendre par le seul travail ?… Afin de mieux encore entendre la musique et ses musiciens…» voici comment Marie-Claude Treilhou définit la problématique mise en œuvre dans ses trois films documentaires. On s’y trouve bien loin de l’idée suggérant qu’on peut, à coup de baguette magique (d’un stage au «château» ?), réussir à toucher à l’art… Lorsqu’on assiste à un récital de piano, un concert choral ou symphonique, on n’envisage pas toujours le travail entrepris, souvent depuis l’enfance. «Répétition» est bien le terme qui convient au travail du musicien, amateur ou professionnel : car tout y est question de persévérance et de soin apporté au détail. Peu à peu, à force de contrôle et d’acquisitions techniques, l’émotion aura une chance de surgir… Certains se reconnaîtront peut-être dans les cours enthousiastes donnés par Edouard Exerjean (pianiste bien connu à Marseille où il joue régulièrement) dans la petite salle du conservatoire du 13e arrondissement de Paris. D’autres, dans le long travail de justesse, de soins apportés aux dynamiques, aux sonorités de la chorale amateur de cette même école, qui sous la direction de Claire Marchand est conduite des premières auditions au concert final. Conçu comme une forme en excroissance, en crescendo, du b-a-ba ânonné sur un piano d’étude aux formations larges, chœurs d’enfants et d’adultes, le triptyque s’achève avec les «pros» de l’Orchestre de Paris. Là, les difficultés et les enjeux se déplacent de la «technique» vers une vision plus «artistique», mais demeurent au centre des préoccupations du musicien : un métier décidément difficile… mais admirable ! JACQUES FRESCHEL

Coffret 3 DVD En cours de musique, Les Métamorphoses du chœur et Couleurs d’orchestre Les Films du Paradoxe


41 Main de maître

Deuxième coup de semonce Aux Djembés d’or de Conakry, Takana Zion a vu récemment ses efforts récompensés chez lui, et ce à juste titre : l’album «Reggae de l’année» est le deuxième essai de cette jeune pousse de 23 ans, qui a su s’entourer d’artistes «Makasound» comme Victor Demé ou Winston Mc Anuff, sous les ordres de Manjul. Ce sorcier du son a laissé de coté sa griffe dub pour peaufiner ici un reggae plus terre à terre (Reggae Donkili ou «Anawafe») fait de substances charnelles moins aériennes, qui supporte la diversité étonnante de cet artiste. En élève brillant, il sait transfigurer les styles, du Blues le plus touchant au Ragga Dancehall le plus enlevé, se

démarquant des produits estampillés «reggae africain» qui se ressemblent un peu tous… Avec 5000 exemplaires de Zion Prophet vendus, il a conquis un large public et dévoilé ses multiples visages, sans pour autant se camoufler derrière eux. Quand il soutient son équipe de foot (la Guinée est en phase éliminatoire de la coupe du Monde), ce Sizzla africain devient sauvage (Mama Africa), mais sait aussi se fondre dans le moule FM pour toucher une autre génération (dans Jeune fille). Cernant tous les sujets, du parcours politique de Sékou Touré à sa volonté de Liberté, il vise juste. S’il a des artifices en réserve, on

attend un concert explosif à Marseille pour sa première venue ici (voir p 44), et un long parcours pour le soldat de cette armée, rassemblant de nouvelles recrues un peu partout en Afrique. X -RAY

Takana Zion - Rappel à l’ordre (Makasound)

Doigt devant ! Les infatigables voyageurs des Doigts de l’Homme sont de retour avec leur troisième album intitulé sobrement Les doigts dans la prise, et du monde ils en déplacent dans leurs shows virevoltés et électriques. Le trio manouche est devenu quartet et s’enrichit d’une palette aux influences larges et bienvenues : tzigane bien sur, humour toujours, rock swing et un brin de nostalgie des fameux regrettés VRP. Rythmique et pompe à la Django relèvent ce condensé de folie qui réunit quatorze titres à découvrir. Doigts agiles

sur les frettes des guitares et banjos, doigts de velours à la contrebasse et tissu métissé d’un oud forcement orientalisant annoncent la couleur, ou plutôt une mosaïque chromatique pleine de vie. Du rock manouche avec des improvisations débridées à vivre et à danser, du jazz insolite loin d’être monochrome où l’agilité des instrumentistes se fait virtuose. Pas d’artifices réducteurs dans cette nouvelle galette, mais une authenticité inventive.

Les Doigts dans la prise Les Doigts de l’Homme Cristal Records

FRÉDÉRIC ISOLETTA

Divan amoureux Le Marseillais Richard Lesage est un romantique comme on n’en croise plus beaucoup dans notre paysage musical, type chanteur de charme dont l’invitation posée délicatement Sur un Divan ne peut se refuser. Nostalgique du musichall sans pour autant tomber dans les clichés sempiternels, le crooner poète nous emmène dans une balade poétique, sensuelle et sensible. Aux confins du jazz, du tango ou de la bossa-nova, ce nouvel album plein de douceur s’ins-

talle confortablement dans les contrées d’un music-hall nourri de textes amoureux. L’auteur compositeur interprète allie un sentimentalisme raffiné à un swing orchestral bien charpenté. Rythmique veloutée au balancement feutré, un nouvel opus soyeux à savourer bien installé sur un divan. Rouge le divan, comme l’amour que chante l’esthète passionné.

Sur un divan Richard Lesage

F.I.

Le cas Canté Qu’est donc cet objet sonore non identifié ? Une installation vivante autour d’un piano. Un piano pas comme les autres, préparé électroniquement et soumis à l’inspiration de l’Human Robot Nicolas Cante. À l’heure où la composition s’est enrichie de «bruits», travaillés ou pas, et où l’électronique fait partie du matériau compositionnel, Mekanik Kantatik illustre la symbiose entre un instrument utilisé comme matière (cordes, bois, fers) et une technologie partenaire de la création. Jazz, pop,

Consolons-nous de l’annulation des Last Poets avec ce joyau signé Larry McDonald. Pour suivre son sillage musical, il faut le resituer comme LE percussionniste de Gil Scott-Heron (jamaïcain d’origine lui aussi), mais également de Peter Tosh (Bush Doctor), de Taj Mahal (le bluesman caribéen échoué en Californie) et même de Soulfly! À New York, sa deuxième patrie, il a participé au Ska Revival de Dave Hilliard (ancien Slackers) ou à la mouture roots-instrumentale de Dave Hahn (guitariste d’Antibalas) Dub is a weapon. Pour célébrer ces cinquante ans de carrière, il sort enfin cette année… son premier album ! Le concept original de Drumsquestra a été de réunir les meilleurs batteurs, percussionnistes et chanteurs et de naviguer en parfaite fusion sur des rythmes entraînants et des paroles avisées. Les rythmes menés tambours battants partent de Jamaïque (Head over Heels) pour visiter le Brésil, la Côte d’Ivoire (Backyard Business), l’Inde ou les USA, au gré des courants qui ont inspiré le musicien, invitant à chacun de ces voyages l’accompagnateur idéal. Le chant froissé de Stranger Cole ou le Gospel de Toots sur de la Go-Go House peuvent dérouter, mais la Dub Poetry ou le rap de Bobby Davis alias Shaza (dans No More) tiennent la barre, tant le courant hip hop et le coté Rebel du Reggae vont dans le même sens que le mouvement noir contestataire senti à l’époque chez Abbey Lincoln ou… Gil Scott-Héron. La richesse du fond efface la simplicité instrumentale, uniquement percussive. Un océan de bien-être (Peace of Mind) prend place pour ralentir le rythme, on y entendra même Mento Larry frapper sur des rochers, au fond de la grotte de Runaway Bay. Il conclura ce Jubilé en «slamant» tous les pionniers du Jazz dans son île natale, une façon de les inviter à cette croisière peu banale agitée uniquement de peaux et de claves… X -RAY

techno et musique expérimentale alimentent sonorités mécaniques et organiques de ce projet au doux nom de Sounds… from my piano. Reich est passé par là mais l’aixois fondu l’a simplement intégré dans son processus fantasque et n’en fait pas une maladie. Le résultat sonore est surprenant. Seul à son clavier trafiqué, le cas Canté mérite une audience à la hauteur de son talent lors du prochain festival Mimi en juillet prochain. F.I.

Mekanik Kantatik Sounds… from my piano Nicolas Canté DFragment Music, La Baleine Distribution

Larry McDonald – Drumquestra (MCPR music/I welcom)


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MUSIQUE

CONCERTS

Aubaine aubagnaise Remontons le cours de l’Ubelka, (nom ancien de l’Huveaune et un des titres du prochain album de Jo Corbeau) pour cueillir les moissons musicales que toute l’équipe de l’Escale défriche sans relâche… Au printemps à Aubagne, les consciences rebelles de tout bord se sont exprimées sur des genres peu habituels. Les concerts de Luciole et Ziggi ont été un franc succès, et la soirée du RAMA (Rassemblement d’Artistes) a proposé de s’interroger sur l’avenir de la création avant de présenter Boa Fé (avec le chanteur des Sons of Gaïa, qui sortent leur cd ce mois-ci) ou l’ancien lead de Supa kémia rebaptisé Tony Tonda. Orchestrée depuis 2001 par Nomades Kultur, toute une pépinière d’artistes est irriguée ici, de Kabbaroots à Kabbalah (découverte Printemps de Bourges 2009), avec Leute cette saison. On retrouve ces trois lauréats dans la programmation du mois de mai, pour les deux derniers ensemble (soirée gratuite du 15 mai) et pour le Kabbaroots, toute la nuit du lendemain, pour une confrontation amicale avec 4 soundsystems de la région, sélections musicales jugées à l’applaudimètre… Ce lieu passe aussi volontiers les « clefs » de sa salle aux musicos, comme Juan Carmona qui mettra les petits plats dans les grands le 20 mai : flamenco, danse (Manuel Guttierez) et Tapas seront au menu de cette veille de férié ! L’Escale organise aussi des anniversaires : le Fair fêtera ses vingt ans (28 artistes en tournée jusqu’au 21 juin à Paris) avec Watchaclan le 29

Watcha Clan © X-D.R.

mai, seul groupe de la Région à vendre des cds… à l’étranger. Aujourd’hui de vrais pros, ils ont consigné leur dernier album à la table des plus fins mixeurs pour un faux blind-test, et la couleur de leur prestation live sera très attendue. Ils seront entourés des réunionnais de Zong et du DJ Danton Eeprom, tous empreints de senteurs nomades récoltées aux quatre coins du monde. Comme quoi, contrairement à la specificité retenue par MPCEC13 pour caractériser le patrimoine aubagnais, il n’y a pas que les santons d’argile qui s’exportent ! Aubagne se tourne vers le monde en musique !… X - RAY

Aix électrique

Bruantesque ! 5 minutes chez Bruant est à coup sur un évènement à ne pas manquer! Le cabaret corrosif sera en direct du théâtre Marie-Jeanne du 15 au 17 mai. Le cabaretier chansonnier Aristide Bruant est dépeint façon tragi-comique par les deux commères Nini Dogskin et Lorraine Bert, avec aux manettes musicales Thomas Giry. Le portrait fracassant du père de la chanson dite réaliste, roi de l’invective, est sur les planches par deux spécialistes du genre. F.I.

Le festival Seconde Nature s’installe à la Cité du Livre pour sa 3e édition. Toujours tourné vers les musiques électros et les arts numériques, le Festival inclut aussi dans sa programmation des performances multimédia, notamment avec le Théâtre du Centaure, le Sho(u)t version 02 de Vincent Elka et les promenades insolites de Mathias Poisson et Manolie Soysouvanh, ou celles d’Adelin Schweitzer et redSugar. Du

cinéma documentaire aussi, avec The Den (La Tannière) d’Alain Della Negra et Kaori Kinoshita et Feiern (Don’t Forget To Go Home) de Maja Classen. Mais l’essentiel de la programmation s’appuie sur l’électro et les arts visuels, avec des live promis qui devraient régaler les passionnés : Moderat qui allie le beat de Modeselektor et Apparat aux visuels des collagistes Pfadfindereï, Danton Eeprom en compagnie de C. Real, le Cosmic Disco de The Emperor Machine, The Chap, le retour de Chloé aux platines, le dandy Andrew Weatherall entre autres… DO.M. The chap © Lisa Blanning

Seconde Nature Les 5 et 6 juin Cité du Livre 04 42 64 61 00 www.secondenature.org

www.ninicabarets.org

5 minutes chez Bruant © X-D.R


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Gravitons et vibrions

Seyne ouverte

Organisés pour la sortie du premier album de Fred Nevchehirlian, ces trois jours ont permis de plonger dans l’univers éclectique d’un artiste qui navigue entre slam lyrique et rock obsessionnel

Détendu et heureux, on a pu voir des couleurs urbaines en lieu et place des anciens chantiers navals de la Seyne sur mer pour un week-end du 1er mai festif, et optimiste

Tout a commencé dans l’intimité de la Meson, avec le blues teinté d’Afrique de Christophe Isselée, compagnon de route de Vibrion. Puis un moment rare en compagnie de Marcel Kanche: musique intimiste, paroles désespérées, voix sombre, cet artiste sans concession a offert un concert littéralement habité. La deuxième soirée, au Cabaret Aléatoire, fut plus légère, entre le «free blues» de No Bleu, projet d’un autre membre de Vibrion, Eric Cartier, la soul fiévreuse de Sandra Nkaké, qui a enflammé le public, et les Nevchehirlian en quintet, soit leur formation la plus rock.

Le festival s’est achevé dans l’écrin du Gymnase, avec Nevchehirlian en trio, pour un set tout en violence contenue et tension permanente. Ce cadre collait parfaitement à l’univers de bric et de broc des Cocorosie : une ambiance entre comptine enfantine et folk hippie, où s’immisce insidieusement l’angoisse. Au final, Gravitations a tenu ses promesses. MYSTIC PUNK PINGUIN

www.myspace.com/nevchehirlian

Fred Nevchehirlian © Pirlouiiiit - Liveinmarseille.com

On aurait pu être frustré, après la manif’ du matin, et rentrer chez soi ruminer ses problèmes.. Mais le premier mai est un fête populaire et la Chourmo a repoussé la morosité avec sa comédia provençale... Et si le repas familial ne fait plus l’unanimité pour que les générations se retrouvent, Idir a joué le lendemain avec les jeunes fans de R&B pour contenter tout le monde… Et quoi de mieux que du Reggae, pour installer un esprit cool dans un festival sain… et sauf ? Cette programmation familiale se prolongeait avec d’autres concerts mais le week-end passé sur l’Esplanade Marine s’est révélé un franc succès : chapeau bas pour le son et l’organisation infaillible… Les toulonnais de No More Babylon étaient à l’honneur pour ouvrir le bal avec le groupe de Seyni (« sur scène à la Seyne » a-t-il relevé !) pour la touche plus traditionnelle ; puis c’est le père fondateur du style DJ, U-Roy, qui passe en revue les styles, du Rock steady de ses débuts au son anglais actuel, oubliant toutefois l’apogée de sa carrière, ses cris stridents dans l’écho du roots ! Tout comme Pablo Moses, cet artiste n’avait pas d’actualité et ne répétait qu’un répertoire qu’il connaît par cœur. Dommage ? Pour leur premier grand rendez-vous sans Lux B., les Massilia Sound System ont donné un bon coup de lifting à leur son, avec notamment la présence

Idir © X-D.R.

de scratcheurs, un peu envahissants néanmoins. Ils ont aussi mis leurs projets solos en évidence : le son inédit de Rit sur les textes de Jali a fait son petit effet, d’autant que les galéjades bruyantes du Oaï star ou les comptines naïves des Jovents avaient un petit goût de déjà entendu. Plutôt que le sempiternel pastaga servi au premier rang, on s’attendait certes à un autre partage ! mais la liesse nous fera oublier les imperfections. Mais comment ne pas capter l’écart de panier moyen entre le spectateur et ceux bien tranquilles, assis sur le pont de leur bunker-yacht, garé sur le coté de la scène ? La municipalité de la Seyne a comblé le temps d’une fête cet écart, qu’un tel festival se doit de pérenniser les prochaines années, avec encore plus d’audace. X-RAY

Exceptionnelle noirceur Ce 16 avril au Poste à Galène s’est tenu un concert d’une rare intensité, celui du projet l’Angle Mort. Il s’agit de la rencontre entre le rap rageur de Casey, qui allie une intelligence des textes avec une véritable puissance physique et surtout une rage exceptionnelle ; de Hamé, membre de La Rumeur, ce qui se fait de mieux en hip-hop intelligent et revendicatif depuis plus de 10 ans ; et le trio bruitiste Zone Libre à savoir Serge TeyssotGay (Noir Désir), Cyril Bilbeaud (Sloy) et Marc Sens, qui délivre un rock tendu, sombre et incandescent. Le résultat? Une musique oppressante, violente, viscérale et obsessionnelle, entre anéantissement et rage. La noirceur et

la colère des paroles sont soutenues par une bande-son à l’unisson. Dès le premier riff de guitare de l’Angle Mort et jusqu’au bout, à aucun moment l’intensité, la tension ne sont redescendues. Depuis l’étouffant et très littéraire Le Mur, en passant par l’héritage de la « colère créatrice » de Césaire, Fanon et Angela Davis revendiqué dans Les Mains noires, et le manifeste Ici, Maintenant ! qui en appelle «à l’insoumission, à sa beauté, à sa flagrance.». Seul regret de la soirée, se dire que ce concert exceptionnel a déjà eu lieu... MYSTIC PUNK PINGUIN

http://langlemort.la-rumeur.com

Casey © Pirlouiiiit - Liveinmarseille.com


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MUSIQUE

CONCERTS

Le grand Sault La seconde édition du festival Sons Dessus de Sault se déroulera les 30 et 31 mai dans le joli village vauclusien de Sault. Sous la houlette de l’association Le phare à Lucioles et de son généreux et actif mentor Loïc Guénin, ce festival pas comme les autres s’invite dans les rues, places et chapiteaux du bourg où une quarantaine d’artistes professionnels et une centaine d’artistes amateurs côtoient une bonne partie des collégiens et lycéens préparés avec soin à ce grand projet culturel. Au programme de cette entreprise

fédératrice et inventive, des fanfares, de la vidéo, de la photo, des installations, de la musique improvisée, des rencontres, des créations. De la Grande Fanfare au Minimal Orchestra en passant par The Pop en Stock et l’ensemble vocal Dunumba du collège, la belle affaire occupera les rues de 10h30 à 1h30 du matin pendant deux jours, avec un programme varié et festif. F.I.

Minimal Orchestra© pixbynot.com

À vos marques ! Un guide pour toutes vos sorties sera précieux tant les rendez-vous musicaux noircissent notre agenda ! volontiers notre César à Moktar Samba annoncé live in Marseille le 3 juin (Espace Julien), mais les plus tafeurs sauront que c’est à Chateauneuf-deGadagne qu’il faut être (!) pour voir Anti-pop Consortium (7/6), combo hip hop des plus novateurs, dans une commune qui n’a pas froid à la prog’… Rien que le 29 mai, la nouvelle vague sera présente avec David El Malek (Cri du Port), Seun Kuti (SixFours), les fanzyos hip-hop de la Méthode

(l’Affranchi) et le reggae tactique de l’Africain Takana Zion (Poste à Galène), après Krystle Warren en solo et in Situ dans ce même lieu (le 16 mai). Un scoop pour finir, à confirmer : le Théâtre de l’œuvre accueillerait le sang neuf du Brésil, Marcos Sacramento (le 13/6)... X-RAY

… Partez !

Sara Lazarus © X-D.R

Soyons ravis de tant de festivals : après Tighten up (14 et 16 mai – Cabaret Aléatoire) où les talents locaux (Muhammad Ali ou le Donz) côtoient le groove confirmé des têtes d’affiche (Beat Assaillant ou Herbalizer), les sympas Métis ta Zik invitent les Freestylers et Sebastian Sturm, sur la même longueur d’ondes (23 Mai – Docks des Suds). Un plateau tous azimuts pour la Fête du Soleil (Brésil, Maroc, 6 et 7 juin – Noailles) et concerts and co jusqu’au show d’AC/DC au Stade et à guichets fermés (9/6). Vous pourrez sortir pour passer un bon moment avec Al Benson (père et fils) dans le nouveau Théâtre de Sainte-Marguerite (22/5), prendre l’air du Lubéron Jazz Festival (du 20 au 24 mai) avec Sara Lazarus le 22 ou danser avec l’Orchestre national de Barbès (13/06 Chateauvallon), toujours sur la fréquence Sud. L’Usine d’Istres délivre des senteurs folks en fin de saison, avec la belle Grace et le vieil arbre Calvin Russell (les 15 et 23 mai). On remettra

20 ans ça se fête ! Charlie Free se met en quatre au Domaine de Fontblanche (Vitrolles) pendant deux jours (5 et 6 juin) pour célébrer comme il se doit les bons et loyaux services rendus au jazz. Stage d’improvisation de Louis Sclavis, concert des élèves, déambulation de la fanfare Samenakoa, duo intimiste Delaunay/ Van den Heuvel et pour clôturer en beauté quelques sets du nouveau quintet Lost on the way de Sclavis. Et du côté de la Plaine marseillaise rien à fêter ? Of course (avec l’accent australien) grâce au concours du Lollipop Music Store, The New Christs fera ses premiers riffs dans la région au Poste à Galène après 25 ans de carrière (18/5). Toujours rue Ferrari, Psychic TV (22/5) et le dandy Sliimy (30/5) sont à ne pas manquer. Le Garage est par ailleurs un lieu à découvrir à Marseille et ce sera l’occasion d’écouter les vétérans du rock alternatif Parabellum (21/5) accompagnés de Banane Metalik et Tagada Jones. Un peu de douceur dans ce monde de brute ? Direction l’Espace Julien où Les Doigts de L’Homme et le Rosenberg Trio vous feront swinguer manouche (22/5). Le rock incisif vous manque déjà ? Une seule direction : l’Intermédiaire pour re(découvrir) Elektrolux (23/5). Et pourquoi ne pas pousser jusqu’au Grim à Montevideo? Le noïse rock expérimental de Lightning Bolt et Duracell nous annonce une météo douce et clémente (27/5), sans doute moins psyché et conceptuel que Lucky Dragons (9/6), en

attendant la délocalisation sur le cours d’Etienne d’Orves pour «vivre» la guitare atypique de JeanFrançois Pauvros (11/6). Si vraiment vous n’en pouvez plus du rock, prenez la route de Coustellet qui accueille à La Gare la chanson festive toulousaine animée de L’Herbe Folle (30/5) ! FRED ISOLETTA Louis Sclavis © Nicolas Perrier


AU PROGRAMME MARSEILLE Baby : Jours, Slow Flow (14/5), Yann Lamballée, Lala Power Madchester Fever (15/5), Holden (20/5), Alexandre Varlet, Greg Fontaine (22/5), Alexandre Varlet, Francis Moderne, Orso Jesenka (23/5), Sista Chance, Bambi Bellecombes (27/5), Expressamba (30/5), K Blues Band (5/6), N.H.A.O. (6/6), Romain Buddy band, Edwin Denninger Group (11/6) 04 91 48 85 67

Cabaret Aléatoire : Cut Chemist, Dj Creestal, Master Shortie, Da Jobu (20/5), Festival French Connection : Flaming Stars, Micra Girls, Ich Bin dead, The A-Phones, Kiss the world for me, Dj Girls in the garage (22/5) + Tokyo Sex Destruction, Cowboys outer Space, Les arrondes, Les jolis, Dj Philippe Petit (23/5), Funk is not dead, Madlib, Egon (24/5), Antipop Consortium, Interlope (6/6), Enjoy Drum and bass (12/6) 04 95 04 95 09 www.cabaret-aleatoire.com

Embobineuse : Opéra Mort, Tg, Raxinaski (14/5), Si l’amour ne suffit pas (15 au 17/5), Talibam !, Alberto Rovesciato (19/5), Antonio Negro (23/5), Interface #4 (24/5), Rectus, Xhohx (27/5), Sirop à Oiseau Jaune (31/5) 04 91 50 66 09 www.lembobineuse.biz

Espace Julien : Festival Les Massiliades : Oxmo Puccino & The Jazzbastards (14/5), Kenza Farah (15/5), La Celestina entre palos : La Rueca Theatro, La Rubia (17/5), Chant profond d’Andalousie (19/5), Miss Kittin & The Hacker live (22/5), Fouad Didi & l’Orcheste Tarab (24/5), Benjamin Siksou (25/5), La Fouine (25/5), All you need is live ! (29/5), Emerganza : la finale régionale (30/5), Chico and the Gypsises (9/6), Gregoire (10/6) 04 91 24 34 10 www.espace-julien.com

Grim : Festival Architectures contemporaines opus 2 : jeunes productions musicales, tables rondes, concerts (16/5), concert One Shot : Lightning Bolt, Duracell (27/5), concert One shot : Lucky Dragons (9/6), Même pas peur #1 : Jean-François Pauvros (11/6) 04 91 04 69 59, www.grim-marseille.com

Intermédiaire: Samba Reggae (14/5), Rumborrachera (15/5), Departement H (19/5), Drunk Souls (20/5), Far Oued (21/5), Kompadres Muertos (22/5), Moth club (7/5), Trio Inopportun

(28/5), Hyperclean (29/5), Noconcession, Dj Bino (30/5) 04 91 47 01 25 www.myspace.com/intermediaire

L’Affranchi : Bol de funk : Orelsan, Daffysam (22/5), La Méthode (29/5), Seth Gueko (12/6) www.l-affranchi.com

La Machine à Coudre : The Intelligence, The A-Phones (17/5), Kill the thrill, Poutre (21/5), Antonio Negro (22/5), Citizen Go, Ask your mum (23/5), Life as war, Unfit (29/5), Tex Napalm (30/5), Cristal Stilts (31/5), At Half-mast, Evenworse, Adifferent day (10/6), The Hatepinks, Les Jolis (13/6) 04 91 55 62 65 www.lamachineacoudre.com

La Meson : El Ultimo Grito (15/5), Tablao Flamenco : Ana Cortes (16/5) 04 91 50 11 61 www.lameson.com

Le Poste à Galène : Peter Von Poehl et Sophia Delila (15/5), The new christs, The holy curse (18/5), Psychic TV/PTV3, CTR (22/5), Takana Zion, Selecta Rude Boy sound (29/5), Slimy (30/5), Polar, Florian Mona (9/6) 04 91 47 57 99 www.leposteagalene.com

Tankono : Katell Boisneau (15/5), Gnawa avec Yazmen (22/5), Trio Malik Ziad (23/5), Aït-Ali (29/5), Maï & Mel (19/6) 06 43 21 54 29 http://tankoko.online.fr

AIX Le Korigan, Luynes: Festival rock : Leads, Chug a lug, Drunk Souls, Kaiser Sushis, La Tante à Denis (15/5) 06 50 77 51 77 www.myspace.com/lekorigan

Théâtre et Chansons : Malvina chante avec les loups (15 au 17/5), Bruno Ruiz (6 et 7/6) 04 42 27 37 39 www.theatre-et-chansons.com

Le Pasino : Glenn Miller (5/6) 04 42 59 69 00

AUBAGNE L’Escale : Kabbalah, Leute (15/5), Who take da trophy ? (16/5), Tablao Flamenco (20/5), Watcha Clan, Zong, Danton Eeprom (29/5) 06 29 75 09 71 www.mjcaubagne.fr

ARLES Cargo de Nuit : James Hunter (15/5), Soirée Aeroclub (16/5), Battle me I’m

Finalist (20/5), Piers Faccini, Sammy Decoster (21/5), The Starliners, Panik Angelik (23/5), Sophie Unger (4/6) 04 90 49 55 99 www.cargodenuit.com

AVIGNON Théâtre des Doms : Daniel Helin et Didier Super (4 et 5/6) 04 90 14 07 99, www.lesdoms.be/fr

COUSTELLET La Gare : Nibs van der Spuy, Namogodine (23/5) 04 90 76 84 38 www.aveclagare.org

ISTRES Théâtre de l’Olivier : Souad Massi (5/6) 04 42 56 48 48 www.scenesetcine.fr

SALON Portail coucou : The Wits, Groove Konnexion (23/5), Mauresca Fraca dub (29/5), Monalisa (6/6) 04 90 56 27 99 http://portail.coocoo.free.fr

MUSIQUE

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VENELLES MJC : Amélie Les Crayons (13/6) 04 42 54 71 70

VITROLLES Charlie Free : Francesco Bearzatti, Tinissima quartet (23/5), 04 42 79 63 60 www.charliefree.com

GAP/BRIANÇON Théâtre de la Passerelle/Théâtre Le Cadran (en excentrés): La Donna Idéale (14/5 à Serres, 16/5 à La Saulce, 18/5 à L’Argentière, 20/5 à Guillestre, 22/5 à Veynes) 04 92 25 52 52

TOULON Oméga Live : Peter Von Poehl, John Merrick experiment (16/5), N&SK (20/5), Piers Faccini (22/5), Soirée local heroes #11 (23/5), Anthony Joseph & The Spam Band, Soul Syndrome, Megaphone Mix (30/5) 04 98 070 070 www.tandem83.com


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CINÉMA

LES 16 DE BASSE-POINTE | LA QUINZAINE

Caraïbe oubliée En 1992, trois cartons de documents font découvrir à Camille Mauduech, «petite bourgeoise mulâtre», une histoire vieille d’un demi-siècle que tout le monde tait en Martinique, Les 16 de Basse-Pointe

Camille Mauduech en entretien avec Jenny Gratiant et Lucien Crétinoir © Kamal Ouazene

Le 6 septembre 1948, à Basse Pointe, le béké (blanc créole) Guy de Fabrique, qui gère la plantation sucrière Leyritz sur le modèle colonial, est assassiné: 36 coups de couteau. Seize coupeurs de canne à sucre, syndicalistes, sont arrêtés et, après trois

années de détention préventive, ils sont jugés à Bordeaux et acquittés. Toutes les pièces de ce dossier ont été conservées par Georges Gratiant, un des avocats, dirigeant de la Fédération communiste de Martinique. Il avait décrit les conditions de vie terribles des ouvriers agricoles : «Les jurés ont découvert que sur une terre française, des hommes vivent encore comme des esclaves et que, quand ils réclament du pain, ils récoltent des balles.» Camille Mauduech conserve ces témoignages pendant sept ans, le temps que mûrisse l’idée d’un film. Puis mène un travail minutieux durant six années, jusqu’à la réalisation de ce documentaire : une enquête sur ce qui fut un procès du colonialisme, qui retrace également le parcours personnel de la cinéaste. «Ma présence à l’écran s’est imposée, de même que la voix off à la première personne. J’ai eu besoin de m’investir à l’image, car j’ai tellement fait parler les gens que je ne pouvais pas me cacher derrière une voix off neutre. J’ai rencontré des gens qui avaient un vrai besoin de parole, et m’ont permis de faire mon propre chemin.» C’est l’historien Édouard de Lépine qui lui a permis de rencontrer les témoins, dont les deux survivants

des 16, René Polomat et Patern. «Dès ces premières rencontres, le scénario s’est écrit avec une vraie dramaturgie et des personnages sont nés.» La réalisatrice a beaucoup appris à travers ce filmenquête, tout comme le spectateur français qui va le découvrir juste après les événements de ces dernières semaines en Martinique. «Plus que les faits eux-mêmes, dans ce sujet, c’est le contexte économique, social et politique dans lequel ils se sont déroulés qui m’intéressent» explique-t-elle. Par exemple quelques mois plus tôt, trois ouvriers en grève ont été abattus par des gendarmes et aucune enquête n’avait été menée… La réalisatrice, née à Marseille, va donc continuer à explorer l’histoire de son île d’origine. En décembre 1959, suite à un accident de circulation entre un scootériste noir et un automobiliste blanc, les CRS interviennent et trois jours d’émeute à Fort-de-France se soldent par la mort de trois manifestants. C’est le prochain film de Camille Mauduech, en préparation… ANNIE GAVA

La réalisatrice a présenté son film au cinéma Variétés le 16 avril

Cannes à Marseille ! Depuis 1968, l’esprit de la Quinzaine des Réalisateurs n’a pas changé : découvrir de nouveaux cinéastes, montrer des films originaux, créatifs et audacieux, tels sont les objectifs que rappelle Olivier Père, le Délégué Général. En 2009 se confirme la tendance de ces dernières années, l’ancrage dans le réel des films de fiction et l’effacement progressif de la frontière fiction/ documentaire. Si les thèmes abordés tournent toujours autour des sentiments, des relations au monde et à la société, le ton de certains films de cette année est plus léger et les films drôles plus nombreux que pour la

sombre sélection cannoise de 2008. Comme chaque année, pour la sixième fois, l’Alhambra Ciné Marseille, en partenariat avec la Région PACA propose douze des films de la Quinzaine des réalisateurs. Un voyage en cinéma dans neuf pays. Parmi la sélection cannoise William Benedetto a choisi des films légers ou drôles comme La Merditude des choses du Belge Felix Van Groeningen ou Les Beaux gosses du dessinateur de BD Riad Sattouf. Et des films plus graves comme Daniel et Ana du Mexicain Michel Franco ou Polytechnique du Québécois, Denis Villeneuve.

La merditude des choses de Felix Van Groeningen

En ouverture, mardi 26 mai, deux films qui ont été aidés par la Région : Nice et La Terre de la Folie. La soirée permettra de réunir une jeune réalisatrice, Maud Alpi, à qui l’on doit déjà le beau court métrage Lucas sur terre, et Luc Moullet, «l’Alfred Jarry du cinéma» comme le nomme Olivier Père, dont La terre de la folie est le trente huitième film et auquel Le Centre Pompidou consacre une rétrospective jusqu’au 30 mai. De belles soirées en perspective au cinéma du côté de l’Estaque…

Post scriptum : Bon. Il faut avouer que la Quinzaine des réalisateurs est présente aussi à Cannes, du 13 au 24 mai, juste avant l’Alhambra. Et qu’il y a aussi la Compétition officielle, des tas de projections auxquelles vous ne pourrez pas assister, et d’autres manifestations réjouissantes dont les médias plus médiatiques que la Zibeline se font l’écho réverbérant. Vous en trouverez le programme sur le site officiel. Et quelques critiques dans le prochain Zibeline, avant la sortie des films en salle…

ANNIE GAVA

A.F.

www.festival-cannes.fr Alhambra Cinémarseille 04 91 03 84 66 www.alhambracine.com


CINÉMA

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Les rendez-vous d’Annie Le 26 mai à 14h 30, au Théâtre de la Minoterie, présentation du film d’animation inspiré du jeu des surréalistes -Cadavres exquis-, réalisé par des enfants de deux écoles, des parents, des adolescents de St Mauront, à partir d’un conte écrit collectivement, encadrés par l’équipe de Champ contre Champ. Théâtre de la Minoterie 04 91 90 07 94 www.minoterie.org

Rappel : samedi 16 mai, les Rencontres Cinématographiques d’Aix-enProvence proposent, dans le cadre de la Saison Picasso Aix 2009, une programmation de cinq courts métrages autour de la peinture, Toiles et Toiles. Ainsi, sur la place Saint-Jean de Malte du Musée Granet, vous pourrez voir: Minotauromaquia de Juan Pablo Etcheverry autour de Picasso, Extracorpus

Vendredi 29 mai à 18h, le Théâtre des Doms et le Cinéma Utopia proposent une nuit du court métrage pour «chanter sous la crise !». Au programme, comédies musicales, courts métrages belges et des courts «sociaux»… Les spectateurs apporteront à grignoter entre les trois séries de films et se verront offrir des boissons.

grammes tirés de plus de 300 films, imprimés sur papier, puis pliés pour prendre la forme d’objets, retraçant l’histoire de cinéma !, et Toiles et Toiles, l’enfance de l’art d’Agnès Maury. Minotauromaquia de Juan Pablo Etcheverry

d’Augustin Gimel,Oïo,une ciné peinture de Simon Goulet, Fast Film de Virgil Widrich, composé de 65 000 photoLundi 18 mai à 20h 30, le cinéma Renoir à Aix-en-Provence accueille une étape des Nuits en Or du Court

Cinéma Utopia, Avignon 04 90 14 07 99

6e Cour(t)s-y-vite Les enfants du Club Cinétilt ont programmé une sélection de dizaine de courts métrages qu’ils présenteront au public, mercredi 27 mai à 17h au Théâtre de la Minoterie. TILT 04 91 91 07 99 www.cinetilt.org

Mardi 26 mai, au Polygone Etoilé à partir de 19h, Lectures du Monde rend hommage à Aimé Césaire et propose la projection des épisodes 2 et 3 de la trilogie de la cinéaste antillaise Euzhan Palcy, Une voix pour l’Histoire. Lectures du monde 04 91 08 18 30 Polygone Etoilé 04 91 91 58 23

La ville d’Arles et La compagnie de l’ambre proposent De ses battements d’elles, temps de rencontres autour des les femmes en France et dans le monde Le 25 mai, à 14h et 20h, projection de Fatma du Tunisien Khaled Gorbal au cinéma le Méjan. Fatma, jeune fille de 17 ans est violée par son cousin. Bien que traumatisée, elle décide de n’en rien dire et de continuer à vivre comme avant. Autorisée à partir à Tunis, sa vie change quand elle découvre une liberté nouvelle et se prend à rêver d’une belle vie. Le 2 juin, à 14h et 20h, Les bureaux de dieu de Claire Simon au Méjan, et

le 4 juin, projection d’Up to you, de Justine Pluvinage dans le jardin de l’Espace Van Gogh, suivie du spectacle théâtre de Claudine Pellé. «J’élabore depuis deux ans des portraits en image et en son où je m’attache à redonner du temps et de la parole à l’autre. Je tente de faire un portrait juste, au plus proche de la personne…» Cinéma Le Méjan, Arles 04 90 98 43 54 Fatma de Khaled Gorbal © Trigon-film

Rencontres Cinématographiques d’Aix-en-Provence 04 42 27 08 64 www.aix-film-festival.com

Métrage qui, dans la continuité des «César», permettent aux amateurs de courts de 20 villes, en France et à l’étranger, de découvrir les «meilleurs courts métrages mondiaux de l’année.» Parmi les neuf films présentés, Jerrycan de l’Australien Julius Avery et Les Miettes de Pierre Pinaud. Une Nuit en Or ! Le Renoir, Aix www.lescinemasaixois.com

Uova d'Alessandro Celli

Mardi 26 mai à 20h au cinéma Le Prado à Marseille, dans le cadre de sa manifestation l’Espagne des trois cultures, Horizontes del Sur propose Retour à Hansala, le dernier film de Chus Gutiérrez que présentera Bernard Bessière,

spécialiste de l’histoire contemporaine de l’Espagne. Cette fiction a été réalisée à partir d’un accident tragique, le naufrage en 2003 d’une embarcation venant du Maroc sur les côtes sud de l’Espagne. Parmi les 37 marocains qui ont péri, sept jeunes gens de la même localité, Hansala, village de montagnards berbères du Moyen-Atlas. Horizontes del Sur 04 91 08 53 78

Retorno à Hansala de Chus Guttierez

Mercredi 3 juin, le cinéma Le Cinématographe à Château-Arnoux et l’association Le Point Rencontre proposent une soirée autour du Maroc : seront projetés Les greniers d’Aoujgal en présence des réalisateurs Jean Paul Ceylan et Liliane Dumont et en avant-première, Number one de Zakia Tahiri en présence de la réalisatrice... Sans oublier thé à la menthe et pâtisseries. Le Cinématographe, Château-Arnoux (04) 04 92 64 41 24

Du 3 au 16 juin, à l’occasion de l’exposition, l’Institut de l’Image à la Cité du Livre d’Aix propose Picasso, l’art, le corps et leurs métamorphoses, une programmation de films autour de thèmes chers à Picasso, un parcours dans l’histoire du cinéma traversée par l’influence de la peinture, des arts premiers et la représentation du corps et ses métamorphoses. La programmation s’articulera autour de trois grandes thématiques : Picasso, le surréalisme, l’Espagne / archaïsme, sexualité, mort, corps restructuré-déstructuré, la métamorphose… permettant de (re) voir des films de Buñuel, Le

Mystère Picasso d’Henri-Georges Clouzot, Freaks de Tod Browning, Driller Killer d’Abel Ferrara et bien d’autres. Institut de l’Image, Aix www.institut-image.org ANNIE GAVA Le mystere Picasso de Henri-Georges Clouzot


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ARTS VISUELS

AU PROGRAMME

Avec la bénédiction de neuf corners de design de la rue Paradis, cinq jeunes artistes montent au ciel ! France Cadet, Corinne Marchetti, Olivier Millagou, Patrick Moya et Lionel Scoccimaro inaugurent ce parcours baptisé L’Art au Paradis en investissant l’espace des enseignes avec humour, discrétion ou démesure, c’est selon. Ils ont même la permission de dissiper l’ambiance, et pourquoi pas de la chahuter… M.G.-G. L’Art au Paradis Rue Paradis, Marseille du 4 au 20 juin 04 91 74 30 79

Caitriona Platts-Manoury, coupes

Patrick Moya, masques et avatars

Transformer la ville de Sanary en Jardin de sculptures est un nouveau concept lancé par la mairie avec la complicité de l’association L’Art prend l’Air. Dispersées aux quatre vents de la cité balnéaire, 35 œuvres réalisées par 10 artistes mettent en scène l’espace public, faisant souffler sur lui un grain de folie : Milthon, Platts Manoury, Nucera, Beppo, Trouvé, Barrier, Discepolo, Cébé, De Souza et Marang. Souhaitons longue vie à cette manifestation qui fait suite à l’éphémère Vent des arts… M.G.-G. Jardin de sculptures En plein air et à l’Espace Saint-Nazaire Jusqu’au 24 mai 04 94 74 01 04

Avis de tempête sur le Palais Carli ! La fondation Regards de Provence rassemble 112 œuvres de sa collection, toutes au goût salé : peintures de marines, scènes de naufrage, activités des ports marchands et des ports de pêche, paysages du littoral, balades et villégiatures, sans oublier les toiles des peintres voyageurs. Une exposition à lire comme une leçon d’histoire illustrée sur la transformation du pourtour méditerranéen et l’évolution des coutumes entre le XVIIe et le XXe siècle. M.G.-G. Marines et ports méditerranéens du 21 mai au 20 septembre Palais des arts, place Carli 04 91 42 51 50 A. Pellet. Dechargement de la peche sur le pont, huile sur toile © Jean Bernard

Au cœur de la Saison Picasso 2009 qui voit fleurir nombre de projets, celui du musée Edgar Mélik vaut le détour. Les destins croisés est une ode à Picasso (le Père), Max Jacob (le Fils) et Guillaume Apollinaire (le SaintEsprit), une «trinité» fraternelle et artistique jusque-là rarement mise en lumière. L’exposition rassemble des œuvres graphiques de Max Jacob et Picasso, des calligrammes d’Apollinaire et des bois Africains qui évoquent les influences primitivistes que partagèrent les trois amis. M.G.-G. Les Destins croisés Du 6 juin au 30 septembre Musée Edgar Mélik-Château de Cabriès 04 42 22 42 81

Max Jacob/Saules au bord de la Loire


49 L’année Cézanne fut un succès, Picasso démarre très fort ! Si le musée Granet en reste le pivot, l’exposition Picasso-Cézanne s’enrichit d’un grand nombre de manifestations qui outrepassent les limites de la ville et les genres artistiques. L’ouverture exceptionnelle du château de Vauvenargues et une avalanche d’expositions et de projets labellisés comme l’itinéraire Art Matters. Certains commencent avant l’ouverture officielle du 25 mai : Jean Le Gac au Musée des Tapisseries, Bernard Pagès au Jas de Bouffan en particulier. Réservation obligatoire pour les uns, accès libre pour tous les autres ! C.L. Année Picasso www.picasso-aix2009.fr www.gudgi.org www.aixenprovencetourism.com J. Rose, Flesh & Plastic

Le fumeur (1971) © Succession Picasso 2009. Collection particuliere, photo Claude Germain - imageArt

Ça repart en Sm’art ! Pour sa 4e édition, le Sm’art -Salon méditerranéen d’art contemporain- semble ne pas connaître la crise. La formule initiale serait payante puisque reconduite par son organisatrice Christiane Michel avec expo-stands d’artistes côté jardin dans les 12 ha du domaine, et conférences du côté des 13 salles : propriété intellectuelle et artistique, l’art contemporain en Colombie et Amérique Latine, l’organisation de l’art en France. Sm’art se renforce cette année d’une nouveauté : une vente aux enchères par maître Leclere. Il a réuni l’an dernier 150 stands d’artistes, et plus de 11000 visiteurs… C.L. Sm’art du 29 mai au 1er juin Domaine de la Baume, les Milles 06 82 19 21 54 www.salonsmart-aix.com © Claudia Vialaret

Art et entreprise. 100 PME se sont engagées, à l’initiative de l’Union Patronale du Var et avec l’appui plusieurs partenaires publics et privés, auprès de 100 artistes sous forme d’une collaboration de mécénat culturel. Après Proposer… puis Séduire… le dernier acte de Base’Art, Créer…, s’appuie sur une exposition d’œuvres d’artistes contemporains et un ensemble de tables rondes plutôt destinées aux artistes, professionnels de la culture et de l’entreprise autour des questions de mécénat. Mais c’est ouvert à tous et c’est gratuit ! Base’Art Festival du Mécénat et de l’Art contemporain Acte3 5, 6, 7 juin Espace Caquot, Fréjus www.base’art.fr

L’étang de pose. Il n’est pas toujours nécessaire de partir loin pour faire un voyage singulier. Travaillant sur les cadrages, les temps de pose, la netteté et les flous, la matière des noirs et des blancs, donc des gris, Alain Sauvan raconte ses poétiques dérives photographiques vues des rives de l’Etang de Berre. Il était temps d’y ajouter sa propre poésie. L’artiste présentera son travail d’auteur le 28 mai à 17h30 ; à la même heure, le 11 juin, Remy Kerténian (Maison de la photographie de Toulon) exposera les nouvelles tendances de la photographie aujourd’hui. C.L. Temps d’étang Photographies d’Alain Sauvan jusqu’au 20 septembre Musée Ziem 04 42 41 39 60

Alain Sauvan, Martigues 2008


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ARTS VISUELS

[MAC]

Son corps s’est rebiffé. Mais Blaine continue à donner de la voix, une des voies toujours possibles dans la création poétique contemporaine. Le [mac] lui sert de mégaphone à Marseille Nous le savions, c’était décidé, c’en était fini. De ses soubresauts et incartades il n’en pouvait plus. Son corps a parlé et dit non. Lui a crié stop ! En 2004, Bye, bye la perf était son baroud d’honneur international. «Mon corps n’est plus à la mesure de mes ambitions» avait-il déclaré. Exit la performance et ses promesses parfois extrêmes. Désormais nous en serons quittes pour seulement la partie visuelle de son engagement sous forme d’install@tions et de déclar©tions. C’est ce que nous donne à voir l’exposition du [mac] qui ne constitue pas une véritable rétrospective mais un choix cohérent opéré par Géranonymo avec le soutien de Thierry Ollat, directeur du [mac].

D’examiner ces relations entre les différentes formes artistiques, sous le boisseau de l’art total étendu à la musique, la danse, le théâtre, les arts électroniques ? Cette exposition aurait pu être le vecteur idéal pour faire comprendre que l’art ne vit pas que dans les musées, les œuvres et les objets, mais aussi dans la tête, dans l’engagement, l’implication dans le corps social ; pour nous demander si, comme les derniers des Mohicans, nous ne vivons pas dans ces temps actuels la fin de quelque chose qui se réfugie sous le terme d’utopie ; s’il est véritablement constaté la progression d’une normalisation de l’art, même le plus rebelle ; si nous pouvons considérer que l’art possède toujours une dimension critique et quelles en sont les formes actuelles, les nouvelles écritures ; si nous pouvons espérer que la diffusion de la culture pourra s’éloigner de cette conception inquisitoire de l’industrie de la culture que l’on sent à l’œuvre aujourd’hui.

Tri, traces L’expo rêvée Sans bouder notre plaisir, on peut trouver dommage la relative modestie de la proposition lorsqu’on mesure la durée (seconde moitié du XXe siècle au début du XXIe selon la formule consacrée) et l’ampleur (la dimension d’art total) de cette posture poétique particulière. N’y avait-il pas là une opportunité de construire un évènement international autour de la poésie contemporaine ? Avec projections de tous les films, vidéos, documents sonores de ses folies performatives auxquelles bon nombre d’entre nous n’ont jamais pu participer ou assister ? N’était-ce pas le moment de questionner la poésie et toutes ses variantes actives, avec rencontres et colloques (on ne manque pas de compétences à Marseille et alentours) ? La possibilité de convier les artistes de l’art en actes sur la scène internationale ? Il est encore temps de rebrousser ...nimehc © Claude Lorin, Blaine au [mac]un tri, Marseille, 2009

Cela étant dit, l’exposition du [mac] a le mérite d’exister, dans une dimension modeste mais cohérente et riche de portes ouvertes. Fort heureusement, ses galeries nous permettent de voir un bel ensemble de ses résidus de performances ainsi que Blaine les nomme, mais aussi plusieurs pièces appartenant pour la plupart à des collections privées, principalement italiennes, heureusement visibles pour la première fois du grand public. Nous bénéficions d’une sorte de parcours en zigzag sur près de cinquante ans de travail tous azimuts. Certaines pièces sont des témoignages de gestes et d’actions, d’autres des installations comme souvent reconfigurées pour le lieu (Simulacre de rituel-Massacre), ou des assemblages historiques comme Target Poëm datant de 1967, et toujours le travail sur l’alphabet et les mots en certains points provocateurs (Quelques Pets glorieux, 2004). On appréhende par bribes la subversion des codes de la poésie entamée dès les années cinquante et nourrie des audaces du Dadaïsme et du Futurisme. Julien Blaine s’était posé cette question très tôt : «Pourquoi considérer l’écriture comme

El Giro del mondo (detail) © Claude Lorin, Blaine au [mac] un tri, Marseille, 2009

Cri sélectif

immuable, avec ses codifications imprescriptibles, sa calligraphie figée ? Pourquoi ne la travailleraiton pas comme l’artiste travaille la matière ?» Il a consacré sa vie à mettre ses réponses en actions. Ce sera au visiteur d’en rassembler les morceaux pour refaire sa propre performance ! CLAUDE LORIN

Blaine au [mac] : un Tri jusqu’au 20 septembre [mac] musée d’art contemporain de Marseille 04 91 25 01 07 www.marseille.fr/culture/musees

Rencontres Rassurons-nous. Julien Blaine est toujours vivant. Vous pourrez aussi le rencontrer puisque l’incorrigible a juré d’être présent tous les après-midi du [mac] pour réactiver avec le visiteur ses objets inanimés, grâce à sa poésie élémentaire. L’homme n’étant pas mesquin, il partagera la scène avec plusieurs invités et partenaires, poètes, performeurs lors de la programmation Le dit des Dix : Ma Desheng y est passé le 10 mai, Hortense Gauthier et Philippe Boisnard seront là le 10 juin, Jean-Jacques Lebel le 20 août, Joachim Montessuis le 10 septembre. Pour en savoir plus et presque tout sur la carrière

de Christian Poitevin AKA Blaine, vous consulterez avec profit le catalogue édité pour l’occasion chez Al Dante, grandement documenté et illustré, préfacé par Achille Bonito Oliva. C.L

catalogue préface Achille Bonito Oliva et divers auteurs français, anglais, italien 272 pages, éditions Al Dante, 39 euros


PASSAGE DE L’ART | ART ÉPHÉMÈRE

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Le Passage de l’art sort le grand bleu

Depuis sa création en 1993 par un professeur d’anglais, Lyse Madar, Le Passage de l’Art est devenu un acteur qui compte dans le réseau de l’art contemporain marseillais. Sa spécificité, à l’instar de l’artothèque Antonin Artaud, est d’appartenir à un établissement d’enseignement public, le Lycée du Rempart, tout en fonctionnant comme une galerie associative,: elle a pour mission la diffusion et la sensibilisation auprès des publics scolaires, tout en restant ouverte aux visiteurs extérieurs. La priorité y est donnée, par principe, à la présentation des jeunes artistes. Tout en s’acquittant de sa tâche sur la durée d’une année scolaire, avec une constance exemplaire malgré bien des aléas, le Passage de l’Art est à l’initiative d’un évènement annuel : L’Art renouvelle le lycée, le collège et la ville. Il s’étend cette année à l’université et à plusieurs nouveaux établissements, mais aussi à l’École des beaux-arts. Et s’acoquine avec un premier festival d’art éphémère ! (voir ci-dessous).

Blue is the color of… Après avoir mis la femme à l’honneur en 2008, l’année 2009 passe au bleu soumis à toutes les formes

esthétiques possibles et improbables, plusieurs artistes proposant des œuvres spécifiques pour l’évènement. La liste des établissements concernés dépassant la bonne vingtaine, il vaut mieux consulter le site du lycée du Rempart ci-dessous ! Au gré et au hasard du parcours : au lycée Leonard de Vinci, la photographe Mélanie Terrier présente ses Silence(s) où la couleur se lave dans d’évanescentes blancheurs, tandis que les œuvres de Marion Delecroix (lycée Ampère), Laura Laguillaumie (lycée Saint Exupéry) ou encore l’emblématique marseillais Jean-Jacques Surian (La Ciotat) jouent des chromatismes picturaux dans leurs narrations singulières. Wohlfart posera ses sculptures aussi bien au Parc Scientifique de Luminy (INMED) qu’à la Maison Blanche pendant le festival d’art éphémère. Sont en préparation les actes du colloque qui s’est tenu en avril ainsi qu’un catalogue qui regroupera les évènements de l’année précédente et actuels. Un mètre carré de bleu, c’est plus beau qu’un centimètre affirmait Henri Matisse ! Sans aucun doute, morbleu!

Melanie Terrier, Blanche, mpression numerique sur papier Arche, 70x90 cm, 2008

Du bleu, encore du bleu, toujours du bleu ! Avec de nouveaux projets et collaborations, l’évènement L’Art renouvelle le Lycée, le Collège, la ville… et maintenant l’Université, s’étoffe et s’étend sans coup de blues, palsambleu !

Le bleu et tous les autres bleus L’art renouvelle le lycée, le collège, la ville et l’université jusqu’au 20 juin Le Passage de l’Art Lycée du Rempart et divers établissements 04 91 31 04 08 www.lyc-rempart.ac-aixmarseille.fr

CLAUDE LORIN

Effet maire Maison Blanche crée son Festival d’art éphémère en s’associant à l’évènement organisé par le Passage de l’Art sur la thématique du bleu. Une première à suivre Le Parc de Maison Blanche n’est pas aussi vaste que celui de Washington, mais il est accueillant. AnneMarie d’Estienne d’Orves, conseillère à la Culture, veut ouvrir les jardins et la bastide de la mairie de secteur à l’Art. Pour que les cérémonies de mariage s’égarent dans les expos, les sculptures… et que les habitants s’y donnent rendez vous… Pour son premier Festival d’Art Ephémère, qu’elle espère pérenniser et développer, la Maison Blanche ouvrira ses espaces à quatre artistes plasticiens dans le cadre de l’évènement marseillais organisé par le Passage de l’Art. La programmation de cette année s’intéressant

Carrié qui explore le recouvrement des corps par des robes de papier ; Deux rives, une mer, des lithographies de Rachid Koraïchi qui tente le rapprochement des deux horizons méditerranéens ; Les amants bleus qui s’incarnent dans les sculptures de Michel Wohlfahrt ; et enfin Anne-Marie Pêcheur qui conçoit Violette, une installation pour la salle des mariages ainsi qu’une mise en lumière noire (plutôt bleu-violet) du bâtiment le soir du vernissage le 15 mai à 18h30. Quant aux Ateliers publics de l’ESBAM, ils présenteront une quarantaine de pièces. Anne-Marie Pecheur, Violettes, projet pour mise en muliere noire, mairie des 9e et 10e, 2009

particulièrement au Bleu et tous les autres bleus. L’ESBAM (Ecole Supérieure des beaux-arts de Marseille) et ses ateliers publics se sont joints à l’opération. Quatre artistes proposent leur vision du bleu : La vengeance de Phryné pour Dominique

C.L. ET A.F.

Festival d’Art Ephémère : Effets-mer jusqu’au 2 juin / Mairie du 9e et 10e 150 Bd Paul Claudel 04 91 14 63 50 www.esbam.fr


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GALERIE OFMARSEILLE | GRANDS BAINS DOUCHES

L’aveu de Mathieu Briand À la galerieofmarseille, impossible de quitter la scène du crime en détournant les yeux, l’accrochage de Mathieu Briand nous l’interdit Une corde pour se pendre, une batterie de pinces rouillées, un porte-bouteilles aux pointes acérées, une dynamo dynamitée, un chalumeau encore chaud, un grille-pain usagé… L’inventaire de Prévert version trash ! Ce vocabulaire appartient au dernier Bad Trip de Mathieu Briand qui, après la galerie Roger Pailhas et les Ateliers d’artistes de la Ville de Marseille écume à présent la Tate Modern de Londres ou le Palais de Tokyo à Paris… Bad Trip, un titre sans espoir comme un aller sans retour. Et une expérience troublante, l’exposition ayant été pensée «comme un environnement plutôt que comme un accrochage.» Une rude épreuve encore car Mathieu Briand a pris les armes, au propre comme au figuré, pour dire le revers du rêve : le cauchemar. De ceux qui hantèrent Primo Levi jusqu’au suicide… Dans la salle tendue de bâche vert-de-gris et dans la cave exiguë, toutes sortes d’outils disent un interro-

Bad Trip, oeuvre de Mathieu Briand

gatoire musclé, des séances de torture à venir ; il flotte comme une odeur nauséabonde, celle des sombres heures de la Gestapo, du centre de Guantanamo ou des geôles du Rwanda. Peu importe l’hémisphère, la barbarie est la même partout. Le constat de l’artiste est simplement terrifiant, autant que son installation : «Nous sommes deux, écrit-il, victime et bourreau, bourreau et victime et nous jouons toujours la même scène.» Entre les

murs de la galerieofmarseille, il y a des objets anodins que l’artiste (le fossoyeur de nos imaginaires ?) accumule qui ravivent de terribles mémoires. À moins que le détournement des objets participe du dialogue de Mathieu Briand avec Marcel Duchamp, figure tutélaire et omniprésente. À moins que la posture de Mathieu Briand consistant à témoigner («Le témoignage n’est plus basé sur l’image mais sur l’expérience de ce qui a été vu et imaginé») s’apparente à celle de Joseph Beuys qui défendit une «conception de l’art qui participe à toutes les situations de la vie.» Le cauchemar, cette porte ouverte sur la réalité, serait alors l’une des situations paroxystiques de la vie. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Mathieu Briand, Bad Trip Galerieofmarseille, Marseille (2e) jusqu’au 13 juin 04 91 90 07 98

Sweet and White Palace… Damien Berthier et Lionel Scoccimaro se connaissent bien, le premier a été l’assistant du second pour son exposition à l’École d’art d’Aix en 2004, et tous deux disposent d’un atelier à la Friche. Alors, quand Jean-Baptiste Audat a proposé à Damien Berthier d’exposer aux Grands bains douches de la Plaine, il n’a pas hésité à inviter Lionel Scoccimaro ! Pourtant le postulat de départ était contraignant: investir les espaces de la galerie en bousculant sa circulation et accepter d’inscrire leurs propositions dans le projet de balades architecturales, poétiques et historiques à travers la ville baptisé Pour mener… Aujourd’hui, avec Sweet Palace, ils ont relevé haut la main le défi, offrant une prestation subtile, intelligente et sans fioritures. Sweet Palace est la combinaison de deux univers plastiques habituellement différenciés qui, étrangement, ont ici une gémellité formelle, visuelle : ils ont conçu une exposition «blanc sur blanc», choisi des modèles sans valeur transcendés par l’idée de construction et d’accumulation, comme ces objets liés à l’alimentation : 400 kg de sucre en poudre répandu au sol et des centaines de sucre en morceaux pour Lionel Scoccimaro, 7650 gobelets de plastique blanc nacré pour Damien Berthier. Tous deux ayant à cœur de rompre avec la linéarité du lieu, de ne pas exposer d’images mais de surprendre avec des sculptures -pas des installations- et de prendre le contre-pied de l’autre ! L’un, Damien Berthier, a jeté son dévolu sur «le gobelet le plus beau et le plus harmonieux dans

ses proportions» pour élever sa citadelle, obstruer l’espace et sa pénétration, jouer avec les puits de lumière. La forme elliptique de ses contreforts optimisant les effets de vagues «les courbes sont la clef de voûte de l’échafaudage») car, selon l’angle de vue, il semblerait qu’elle bouge… L’autre, Lionel Scoccimaro, a fermé le petit «Salon» à clef pour accroître l’effet de surprise : à ras du sol et fondu dans le décor, Snow Landscape est d’un minimalisme monacal. «C’est à la fois peu et finalement très présent» constate l’artiste qui joue a contrario de la présence monumentale de Damien Berthier. Virginales dans leur accouplement, leurs œuvres convoquent le silence, la

contemplation, à mille lieux de la ville furibarde : entre l’infini de la banquise et le vertige des cimes, il fait bon vivre dans ce «palace» blanc. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Sweet Palace Galerie des grands Bains douches de la Plaine, Marseille (1er) jusqu’au 30 mai 04 91 47 87 92

Lionel Scoccimaro, Snow landscape 2009. Detail, serie Architecture of happiness

Damien Berthier, Sweet landscape 2009. Polystyrène expansé


SUR LA PLACE | GROUPE DUNES

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Au pied de la lettre L’illustration ne se résume pas à la seule littérature jeunesse : la preuve par l’image avec les troisièmes Rencontres de l’illustration et leur chapelet d’expositions Il y a quelques années, hors de la littérature jeunesse, les pratiques rattachées au dessin, à la création visuelle et à l’édition restaient confidentielles. Mais depuis trois ans, l’association Sur la Place œuvre à la reconnaissance de cet «espace d’expression où les artistes s’aventurent à la frontière de l’art et de l’illustration» à travers des rencontres, des expositions et le Concours jeune illustrateur en région Paca. Une manière d’éclairer le lecteur sur les métiers qui se cachent derrière la création d’un livre, entre art, image fixe, film, écriture. Alors, que réservent l’Alcazar et La Baleine qui dit «vagues» après les rencontres ? Des ouvrages, des planches, des dessins, des pop-up exposés sous l’appellation Images de lettre, miroir de l’extrême vitalité de la création nationale et internationale, de l’évolution des pratiques, du croisement des genres et des regards entre générations. Le meilleur exemple étant celui de Roger Excoffon, typographe marseillais dont la police de caractère le Banco a été étudiée par Alice Walter qui dévoile ici sa collection d’objets et de photographies. Au-delà de nos frontières, l’auteur et illustratrice Kveta Pacovska a quitté Prague pour participer aux

rencontres et inaugurer l’exposition Un livre pour toi du nom de son album paru aux éditions Seuil jeunesse. Véritable prouesse éditoriale, ce livre en forme d’accordéon de 12 mètres déplié s’accompagne d’affiches, de séri-graphies, de CD-Roms et courts métrages qui en disent long sur cette œuvre «où lettres et graphismes entrent en résonance avec une architecture de papier.» L’intérêt de l’association pour l’audace éditoriale se confirme avec deux vitrines de l’édition actuelle, en écho à deux «événements éditoriaux» : Abécédaires et pop-up, livres animés provenant du fonds de conservation de l’Ile aux livres de l’Alcazar, dont le spectaculaire Alphabet de Kveta Pacovska et le best-seller Op-up de Marion Bataille. Et Abécédaire de l’Édune, collection de vingt imagiers réalisés par vingt et un dessinateurs sous la houlette de Régis Lejonc. Et ces quelques rendez-vous ne sont que l’écume des pages, Images de lettre réservant d’autres temps forts à découvrir entre les lignes…

C, Kveta Pacovska, 2008 B, Marion Bataille, 2008

Rencontres les 15 et 16 mai à l’Alcazar Expositions du 13 mai au 6 juin à l’Alcazar Dédicaces, stand et film le 15 mai à la baleine qui dit «vagues» http://surlaplace.free.fr

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Traversée sonore et aquatique Cela sonne comme des retrouvailles! La nouvelle installation du Groupe Dunes (voir Zib 14), D’ici là un point zéro, investit le toit terrasse de la Friche dix ans après Vous êtes ici ! Mais l’eau a coulé sur les toits, les technologies ont évolué et leurs préoccupations aussi : la création de Bernard Misrachi et Madeleine Chiche, conçue avec le réalisateur sonore Olivier Renouf et le paysagiste Rémi Duthoit, pose la question du temps, de l’espace et de l’environnement à partir d’une réflexion «musicale» sur l’eau et le végétal. Sur cette page blanche de 8000 m2 à ciel ouvert, Dunes a tordu le cou aux difficultés -notamment le problème de la spatialisation du son- pour faire entendre au mieux son travail. Un travail qu’ils abordent toujours comme «un processus en

marche» et dont D’ici là un point zéro n’est qu’une étape de monstration avant 2013… Sur les hauteurs

de la Friche donc, des bacs de récupération d’eau de pluie, des espaces circonscrits de déambulation, vingt Le toit de la Friche la Belle de Mai © Madeleine Chiche

haut-parleurs, un système d’irrigation solaire, des plantes glanées sur le site et peut-être sauvées d’un futur incertain ? Le tout dans une scénographie végétale et aquatique. Le promeneur prend toute la mesure de l’étirement du temps, l’oreille tendue vers des séquences sonores diffuses, aléatoires ou syncopées, «des phénomènes non figés» nés d’un mélange de sons naturels et électroniques. Une traversée inédite à vivre tout au long du festival Les Musiques (voir p 39). MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

D’ici là un point zéro Jusqu’au 26 mai, ouverture le 24 mai pendant la Fête de la Friche 04 91 50 00 19


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MAISON DE LA PHOTO | MAISON DE L’ARCHITECTURE

Paysages photographiques Toulon fait les yeux doux à Marie Bovo qui déploie son talent à la Maison de la Photographie et dans le quartier de Sainte-Musse Les grands formats argentiques de Marie Bovo, photographe plasticienne et vidéaste installée à Marseille, envahissent doublement l’espace toulonnais. À la Maison de la Photographie, la série Chimères, réalisée durant le printemps 2005 à Tokyo, et la série Feux exposée en 2007 aux Ateliers d’artistes de la Ville de Marseille, offrent un bel aperçu de ses préoccupations plastiques. Comme une mise en abyme du paysage urbain, ses visions nocturnes de la mégalopole japonaise depuis la fenêtre vitrée d’un building vibrent de lacets lumineux et de vitesse vertigineuse : dans cette immensité obscure percée de fenêtres, des milliers de loupiotes font entendre le battement des cœurs humains. Mais les cadrages par strates successives -comme si la photographie en explorait le tréfonds- ne sauraient effacer la dureté de l’architecture, toujours à angles vifs. D’ailleurs, Marie Bovo elle-même s’interroge : «Sommes-nous derrière ou devant la vitre ? La transparence et les reflets construisent cette incertitude et il n’y a pas de nomination d’espace.» Cette incertitude, doublée d’un trouble, n’échappe pas non plus à la série Feux, combustion de journaux dont l’embrasement violent laisse entrevoir des trous noirs béants, des coulées de matière, des brûlures à vif. Des photographies incandescentes qui font danser la lumière, et où le feu luimême est simultanément sujet de représentation et matière… Marie Bovo peut se réjouir d’être à Toulon puisque la Ville, qui lui a passé commande dans le cadre du 1% artistique de la Maison des services publics de SainteMusse, y exposera six tirages. Baptisée Plages Mare-Nostrum, cette série de paysages diurnes prendra place dans les espaces de circulation du bâtiment inauguré prochainement (grand hall et patio), ouvrant ainsi le regard des utilisateurs sur «les plages emblématiques de la Méditerranée où la trace de l’homme, pourtant omniprésent, reste passagère.» Heureux «habitants» de la crèche, de la mairie annexe ou de la médiathèque qui pourront ainsi s’échapper de la grisaille bitumineuse… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Feux et chimères jusqu’au 30 mai Maison de la Photographie, Toulon (83) 04 94 93 07 59

Maison de la Photo © Marie Bovo, courtesy galerie Kamel Mennour

Les signatures de demain Sous la verrière de la Maison de l’Architecture et de la Ville à Marseille, de longues barrettes blanches, lumineuses et transparentes composent un jeu de Mikado géant. Étrange assemblage où l’on découvre les portraits des vingt lauréats du Prix des Nouveaux Albums des jeunes architectes et paysagistes (NAJAP) décerné tous les deux ans à de jeunes professionnels européens. Une initiative de soutien à l’innovation architecturale menée par la Direction de l’architecture et du patrimoine (ministère de la Culture et de la communication) avec le concours de la Cité de l’architecture et du patrimoine. Et une scénographie habile de l’agence Projectiles (lauréat 2006) qui transforme l’austérité des plans, maquettes, dessins et biographies en parcours ludique et pédagogique sonorisé ! L’exposition Najap 2007/2008 sert de véritable coup de pouce, mais constitue aussi une vitrine

des tendances futures : on sait que la relève est assurée car tous sont plus audacieux les uns que les autres, tant dans leur préoccupation environnementale que dans leur adéquation aux problèmes de l’aménagement du territoire. Lieux de vie privés, bâtiments communautaires, bureaux, parcs, industries, équipements collectifs : les projets sont éclectiques, certains utopiques, d’autres éphémères ou réalistes. La preuve avec les trois premiers lauréats : Drop Architectes, 1er prix pour l’Hôtel Belvédère au Pérou (projet), qui a déjà réalisé en 2006 la Bibliothèque nationale de Stockholm ; Yves Moreau, cofondateur du Studio Muoto Architectes, 2e prix pour un projet d’Éco-center à Busan en Corée, développé en sous-sol comme un organisme vivant ; et l’Atelier du Serpentaire qui réunit deux femmes paysagistes, 3e prix pour un habitat HQE pour

jeunes dans l’Orne visant à les sensibiliser à la qualité environnementale (réalisation en cours). S’il n’est pas dans le trio de tête, Pierre Audat figure dans cette sélection pour la réhabilitation d’un atelier d’artistes, seul projet qui verra le jour ce printemps à Marseille. Et pour cause : il fut sensibilisé très jeune à l’art par Jean-Baptiste Audat, fondateur de la galerie des Grands bains douches… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Les NAJAP 2007/2008 Maison de l’architecture et de la ville jusqu’au 23 mai 04 96 12 24 10



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FLÂNERIES D’ART | SEXTANT ET PLUS

Glamour, et tellement Andréa ! Les Flâneries d’art «allient la découverte du patrimoine, de l’art, de la musique et des jardins» selon Andréa Ferréol, qui s’est lancée dans un nouveau combat «Je milite pour ma ville, pour qu’elle soit belle et qu’elle irradie. C’est là où je suis née, où j’habite et où je serai enterrée, explique l’actrice, présidente de l’association Aix-en-Œuvres. Aix m’a appris la beauté et les Flâneries d’art sont un vrai engagement». Un marathon même, car André Ferréol parcourt expositions, galeries et ateliers toute l’année pour peaufiner la programmation de ce qui est désormais un vrai parcours d’art. Le temps d’un week-end, plus de 7000 visiteurs poussent la porte de «galeries» aussi privées qu’éphémères, même s’il est encore difficile de franchir le cours Mirabeau à la recherche de jardins méconnus, ou tellement discrets… En attendant des hôtes moins frileux, les Flâneries d’art s’installent dans le quartier Mazarin les 13 et 14 juin, donnant l’occasion à 25 artistes d’exposer leurs œuvres en plein air. Aucun fil rouge thématique ou parti pris conceptuel ne sous-tend la programmation, mais des coups de cœur, des rencontres et des amitiés qui lui donnent sa couleur si composite. Et pour la première fois, les Flâneries d’art s’ouvrent à la haute couture et font un joli «coup» en présentant

les modèles de Franck Sorbier à l’heure où le Musée des Tissus de Lyon organise une rétrospective… Le concept s’affine et se peaufine, s’autorisant même un détour vers des «artistes plus intellectuels, mais toujours accessibles, afin que le goût du public puisse s’aiguiser et s’ouvrir à d’autres modes d’expression que la sculpture et la peinture.» La palette est ainsi faite par une artiste qui œuvre en chef d’orchestre, mêlant les meubles de Mattia Bonetti qu’elle apprécie, les photographies d’Hélène Guetary qu’elle a rencontrée sur un tournage ou les tags de Miss Tic, «la plus grande taggeuse de France, très en vogue actuellement»… Son amour pour la musique, l’opéra et la danse l’entraîne à tisser des croisements inédits entre des plasticiens, chorégraphes, musiciens, et des photographes du célèbre Studio Harcourt qui proposeront au public de poser pour la postérité. Aix mérite bien une touche de glamour…

© MissTic

Flâneries d’art dans les jardins aixois Les 13 et 14 juin www.aix-en-œuvres.com

M.G.-G.

Précaires Pour fêter dix ans de collaboration avec le Frac Paca, Sextant et plus a choisi d’exposer des œuvres aux intempéries, et innove en podcastant les audio guides de ses expositions Le parvis de la Cartonnerie et l’esplanade de la Friche de la Belle de Mai sont envahis depuis quelques temps par des zones enherbées poussant

au pied des algecos ou en plaques circulaires, à côté de grosses tentes de toiles de couleur sable sale retenues par de gros sacs posés au sol. Impossible de les éviter, si ce n’est en zigzagant. Sur les tentes sont sérigraphiées en noir de larges inscriptions extraites de déclarations onusiennes, «attaques inadmissibles / exhortent les factions / une décision serait prise…». Chaque tente est si fermement close qu’il est

Resolutions de S. Ristelhueber et Spirale de M. Blazy, Friche Belle de Mai, 2009 © C. Lorin

impossible d’y pénétrer. L’abri est muselé, impraticable. Le gazon (en fait des lentilles germées dans du coton) attend qu’on le foule. Ou au contraire d’être évité ? Tentes et végétal se répondent, l’un et l’autre ayant par nature une présence temporaire, plus ou moins fragile ou résistant. Cette impression est renforcée par le contexte architectural un tant soit peu chaotique et hétérogène de cette friche en construction permanente, voire à l’esthétique de non fini cultivé : ici les œuvres de Blazy et Ristelhueber prennent tout leur sens pour dire leur charge de précarité, comme les meilleures résolutions. Le visiteur peut désormais podcaster l’audio guide correspondant afin de suivre les explications de la visite en direct. Mais pour cette première expérience, on en apprend peu sur les œuvres et les démarches. C.L.

Résolutions de Sophie Ristelhueber, Plinthes et Spirales de Michel Blazy appartiennent à la collection du Frac Provence Alpes Côte d’Azur. Echap#1 Michel Blazy, Sophie Riestelhueber jusqu’au 13 juin Parvis et esplanade de la Friche de la Belle de Mai Sextant et plus 04 95 04 95 94 www.sextantetplus.org



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MANIFESTATIONS

LIVRES

Bulles d’avril Comme chaque année depuis 10 ans, l’école de management Euromed de Luminy a ouvert ses portes au public pour un week-end consacré à la BD, onzième édition Des Calanques et des Bulles sous le parrainage du dessinateur Carrère, créateur de Léo Loden, le privé marseillais cher aux enfants. Organisé par les étudiants de l’école, l’événement draine un public d’amateurs nombreux, de tous styles et de tous âges. La balade est plaisante et il y en a pour tous les goût : les collectionneurs se pressent autour des bacs des bouquinistes en quête du numéro manquant de leur série fétiche ; certains, accroupis, feuillettent d’anciens «illustrés» exhumés d’on ne sait quel grenier, leur madeleine à eux. D’ailleurs à propos de madeleine, la série complète de l’adaptation BD d’À la recherche du temps perdu, plutôt réussie dans le genre, était en vente dans ce secteur. Si l’on préfère du neuf, on se rend à l’espace «librairie» où les libraires de La réserve à bulles orientent, conseillent et vendent les exemplaires qu’on peut ensuite aller faire dédicacer dans le grand espace consacré à cette activité rituelle. Car c’est là le grand plaisir des rencontres du 9e art. La dédicace d’un dessinateur de BD, c’est un moment de création suspendue, qui mérite bien quelques minutes d’attente ; l’un vous croque en trois coups de feutre l’un de ses personnages, l’autre vous offre une aquarelle inédite. Et tous, entre deux signatures, dessinent, notent, dans des cahiers d’écoliers, sur leurs ordinateurs, un flux créatif continu qui laisse pantois (et admiratifs !) les nuls en dessin. Durant ces 2 jours, on a pu aussi lire et voir des mangas, admirer des planches

originales, des fresques en cours… et jeter un œil sur la campagne environnante, toute de bourgeons et de verdure. À l’image de ce festival printanier où éclosent les talents graphiques… FRED ROBERT

Rencontrés au festival et à lire : Clément Baloup, formé à l’école d’Angoulême, auteur, entre autres, de Quitter Saïgon et de Un automne à Hanoi édités par La boîte à bulles, coll. Champ libre.

Lisa Mandel, auteure marseillaise bien connue pour sa série Nini Patalo, dont le tome 5 paraîtra prochainement aux éditions Glénat.

Livres, circulation Les 11, 12 et 13 juin se tiendront à Manosque les Rencontres Méditerranéennes de l’Édition organisées par Editeurs sans frontières Cette association, qui œuvre pour la promotion des partenariats avec l’étranger, vise depuis 2 ans à tisser des liens de plus en plus solides entre les professionnels de l’édition du pourtour méditerranéen. En 2007, ces rencontres avaient permis des échanges entre des pays tels que le Liban, le Maroc, la Tunisie et l’Algérie et plusieurs coéditions avaient vu le jour grâce à elles. En 2009, elles accueillent un nouvel arrivant, l’Italie, avec notamment les Edizioni e/o, déjà remarquées lors d’un débat au Centre Culturel Italien de Marseille l’an dernier. Ces rencontres s’adressent avant tout aux professionnels. Cependant, tous les acteurs de la chaîne du livre, ainsi que le public intéressé par la diffusion des savoirs, sont invités à participer à la table ronde qu’animera, le 12 juin à 16h00 à la fondation Carzou, AnneLaure Walter de Livres Hebdo. Seront présents pour débattre de la circulation du livre en Méditerranée : Yaël Lerer, éditrice de Andalus (Israël), Sofiane Hadjadj, éditeur de Barzakh (Algérie), Molly Fournel, membre de l’Association Internationale des Libraires Francophones, Richard Jacquemont, traducteur et fin connaisseur du monde et de la littérature arabes, Fares Sassine, conseiller littéraire à Dar An Nahar (Liban) et Barbara Ferri pour les éditions italiennes e/o. L’échange promet d’être passionnant.

Yann Apperry © X-D.R.

Il sera suivi dans la soirée d’une lecture musicale à l’hôtel Voland, en coproduction avec les Correspondances de Manosque. C’est Yann Apperry, artiste en résidence à Manosque cette année qui proposera, avec la complicité de Claude Barthélémy à la guitare et à l’oud, cette création littéraire et sonore bilingue français-italien. Une plaisante façon de saluer l’Italie nouvellement invitée à ces Rencontres Méditerranéennes de l’Edition, et de clore cette journée d’échanges et de partage. FRED ROBERT

Les Rencontres Méditerranéennes de l’Édition auront lieu à Manosque les 11, 12 et 13 juin

Tout un mois à l’heure espagnole Où trouver, en des temps d’intégrisme et de repli communautaire, de plus bel exemple de dialogue et de coexistence pacifique que celui de l’Andalousie médiévale ? C’est cet esprit d’échange et de métissage entre les cultures issues des 3 grandes religions monothéistes qu’entend faire revivre le festival initié il y a 7 ans par l’association Horizontes Del Sur et qui se déroulera à Marseille du 17 mai au 11 juin. La septième édition d’Espagne des trois cultures se placera résolument sous le signe de la diversité. Diversité des manifestations puisqu’on pourra aller d’une conférence savante à un spectacle de poésie ou de musique, d’une exposition à un atelier de recettes anciennes ou de mosaïque, d’un film à un tablao flamenco… Diversité des lieux également : le centre Fleg, la BMVR Alcazar, l’Espace Julien et le

cinéma Le Prado seront de la partie. Le festival accueillera cette année quelques stars des cultures juive et arabo andalouse d’aujourd’hui. Parmi les temps forts, notons le spectacle d’ouverture (le 17 mai), théâtre flamenco autour de l’œuvre majeure de F. de Rojas, La Celestina, proposé par la troupe La Recua avec la célèbre Rubia. Deux concerts mettront la musique à l’honneur : un Chant profond d’Andalousie réunira les voix d’Yves Bergé et de Maria de Los Angeles autour des textes de Lorca et des musiques de De Falla (le 19 mai), tandis que Fouad Didi et l’orchestre Tarab recevront le chanteur séfarade Alain Chekroun pour un grand Concert de la paix (le 24 mai). Une belle place sera faite au 7e art grâce à la projection de Retour à Hansala de la jeune réalisatrice espagnole Chus Gutierrez, qui

évoque avec acuité et sans pathos le drame des harragas marocains(voir p 47). Quant aux nombreuses conférences, qui porteront sur des thématiques très variées, elles seront sans aucun doute passionnantes ; signalons notamment celle du fameux philosophe Marc-Alain Ouaknin, sur Kabbale et Soufisme (le 11 juin). Une programmation riche, éclectique et très attrayante pour un grand festival du dialogue et de la paix. FRED ROBERT

Festival L’Espagne des trois cultures, organisé par Horizontes del Sur, en partenariat avec le Centre Fleg, le Comité de Coopération MPM, Mémoire pour la Paix (Sud) et l’Espace Julien. Du 17 mai au 11 juin à Marseille. 04 91 08 53 78


AU PROGRAMME AGGLOPOLE PROVENCE Lire Ensemble – 04 90 44 85 85 Sur le thème Femmes et Méditerranée, la manifestation réunit public et auteurs dans les 17 communes d’Agglopole Provence. Moments forts avec la pièce Olympe de Gouges par Caroline Grimm le 15 mai au Théâtre Armand à Salon, rencontre avec Magyd Cherfi le 20 mai au Portail Coucou à Salon, ateliers, conférences, contes… Du 15 au 30 mai.

AIX-EN-PROVENCE Maison Méditerranéenne des sciences de l’homme – 04 42 95 30 30 La méditerranée ou la circulation des savoirs : rencontre avec Ali Benmakhlouf autour de La circulation de la pensée, traduire les «intraduisibles» ? Le 16 juin à 18h30.

APT Bibliothèque municipale d’Apt – 04 90 74 78 48 Le Gout de lire fait Salon : organisé par l’association Le goût de lire en Pays d’Apt, le 1er salon du livre du Pays d’Apt propose des rencontres, des lectures, des échanges et des tables rondes animées par le journaliste littéraire PhilippeJean Catinchi. Jusqu’au 16 mai, à la salle des fêtes.

AVIGNON, MANOSQUE, MARTIGUES, LA CIOTAT, MARSEILLE Libraires du Sud - 04 96 12 43 42 Yannick Lahens présentera son ouvrage La couleur de l’aube (éd. Sabine Wespieser, 2008) le 14 mai à la librairie La Mémoire du Monde à Avignon et le 15 mai à la librairie Au Poivre d’Âne à Manosque ; Gary Victor présentera Banal oubli (éd. Vents d’ailleurs, 2008) le 16 mai à la librairie Au Poivre d’Âne à Manosque; Christophe Fournel et Abdelkader présenteront Il me sera difficile de venir te voir, Correspondances littéraires sur les conséquences de la politique française d’immigration (éd. Vents d’ailleurs, 2008) le 26 mai à la librairie L’Alinéa à Martigues, le 27 mai à la librairie Au Poivre d’Âne à Manosque et le 28 mai à la librairie Au Poivre d’Âne à La Ciotat ; Hafid Aggoune présentera Rêve 78 (éd. Joëlle Losfeld, 2008) le 4 juin à la librairie Au Poivre d’Âne à La Ciotat et le 5 juin à la librairie Regards à Marseille.

MANOSQUE Association Eclat de lire – 04 92 71 01 79 Fête du livre jeunesse : rencontres avec des auteurs et des illustrateurs jeunesse, ateliers, spectacles, goûters littéraires… Jusqu’au 19 mai.

MARSEILLE Espaceculture – 04 96 11 04 60 Conférences : Constant Vautravers sur la Découverte de la Méditerranée, le 14 mai à 15h; Maurice Chevaly pour Montmartre : ateliers du monde, le 18 mai à 16h15 ; Jeannine Caviglia-Sardou pour L’Impératrice Eugénie et le Pharo : un cadeau pour Marseille, le 28 mai à 17h. Ecrivains en dialogue : Pascal Jourdana reçoit, le 6 juin, Magali Brénon (J’attends Mehdi, 2009) et Béatrice Rilos (Is this love, 2009), deux jeunes romancières publiées chez Le Mot et le Reste, dans le cadre des Rencontres de l’édition indépendante qui se tiennent les 5 et 6 juin à la BDP. Il y sera question d’écritures contemporaines et de correspondances avec d’autres formes d’expressions artistiques, mais aussi du rapport privilégié et de l’échange particulier qu’entretient un auteur avec un «petit» éditeur.

Opéra – 04 91 55 11 10 L’Opéra ouvre son grenier à AIDES et propose plus de 640 pièces à la vente (accès libre de 9h30 à 17h), dont trente tenues d’une grande valeur qui feront l’objet d’une vente aux enchères (de 20h à 23h30). Manifestation organisée par la ville et l’opéra de Marseille, en partenariat avec Euromed Management, DVRP&Com et Marim Impression. Le 30 mai. Institut culturel italien – 04 91 48 51 94 Présentation de Torino Poesia et de l’anthologie : Poèmes chuchotés sur la berge du Pô (éd bilingue). Le volume offre pour la première fois au public de langue française la possibilité de parcourir le panorama poétique de la ville de Guido Gozzano, Cesare Pavese, Italo Calvino et Primo Levi. Les poèmes de Valentina Diana, Tiziano Fratus, Eliana Deborah, Gianni Marchetti, Luca Ragagnin, Francesca Tini Brunozzi sont présentés par Tiziano Fratus et Gianni Marchetti. Le 25 mai à 18h. Espace Leclere - 04 91 50 00 00 Conférence de Daniel Drocourt, directeur de l’Atelier du Patrimoine de la ville de Marseille, sur l’Architecture à Marseille, de l’antiquité tardive au Moyen-Âge. Le 25 mai à 18h.

RENCONTRES

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Approches, Culture(s) et Territoires – 04 91 63 59 88 Ecole et discrimination : une frontière intérieure : conférence de Fabrice Dhume, le 26 mai. BMVR L’Alcazar – 04 91 55 56 34 Les Cahiers de l’écailler reçoivent Maud Tabachnik et Sylvie Cohen pour une conférence-débat le 22 mai à 17h dans la salle de conférence. CIPM – 04 91 91 26 45 Rencontre avec Jacques Roubaud autour de son dernier ouvrage, La Dissolution (Nous éditions, 2008), avec JeanJacques Wagneur. Le 15 mai à 19h. Soirée de lancement de la nouvelle parution de La Pensée de Midi, Les chants d’Orphée. Musique & poésie, avec Catherine Peillon, Renaud Ego et Thierry Fabre CRDP – 04 91 14 13 12 Ouverture de la nouvelle librairie du CRDP, la Librairie d’Athènes, que vous pouvez découvrir au 31 bd d’Athènes avec, pour son lancement, des promos, une tombola… Jusqu’au 27 mai.

MARTIGUES Musée d’histoire – 04 91 90 42 22 Conférence de A.-M. d’Ovidi, attachée de conservation en archéologie, atelier du Patrimoine de la ville de Marseille et P.Bromlet, ingénieur en recherche, Centre de recherche et de Conservation du Patrimone : La mise en place des peintures murales dans Marseille antique, premiers résultats d’analyse. Le 18 mai. Conférence de L.-F. Gantes, archéologue municipal, atelier du Patrimoine de la ville de Marseille : Du neuf sur le plus ancien quartier de Marseille, les fouilles de la place de l’îlot Madeleine au Panier. Le 25 mai. Conférence de M. Aubert, Conservateur des Musées de Marseille : Les enfants cachés de la Seconde Guerre Mondiale. Le 8 juin. Dans l’auditorium du Musée d’histoire de Marseille, de 18h à 20h. Association Sur la place – 04 91 54 48 76 3e édition des rencontres de l’illustration (voir p 56) : en collaboration avec l’Alcazar BMVR, la manifestation, sur le thème Images de lettres, propose des tables rondes, des débats, des animations et des projections, avec, entre autres, Kveta Pacovska, Marion Bataille, Régis Lejonc, Ingrid Monchy, Stanislas Barthélémy, Sarah Blum… Les 15 et 16 mai. Librairie Histoire de l’œil – 04 91 48 29 92 Exposition de Laurent Sfar : Magnétiser les repères. Jusqu’au 23 mai. Projection du film Supermâché, aire de pique-nique, de Laurent Sfar et Jean Guillaud, le 15 mai, à l’occasion du Printemps de l’Art Contemporain. Rencontre autour du dernier livre de K. M. Ammi, Les Vertus immorales (Gallimard, 2009), manifestation proposée par Peuple et Culture Marseille et animée par Marion De Dominicis. Le 13 juin à 15h30 écriture dans un jardin (atelier d’écriture an présence de l’auteur et autour de son œuvre) et lecture-rencontre à 19h. Librairie L’Odeur du Temps – 04 91 54 81 56 Lecture avec Jean-Clair Bonnel et Denis de Lapparent, le 15 mai à 19h. Lecture de Dominique Meens. Dernier ouvrage paru, L’Hirondelle (ACT MEM), ouvrage à paraître (Aujourd’hui ou jamais, P.O.L.). Le 28 mai à 18h.

Musée Ziem – 04 42 41 39 60 Dans le cadre de l’exposition Temps d’Etang de Alain Sauvan (v p. 49) : rencontre avec l’artiste le 28 mai à 17h30 ; conférence sur Les nouvelles tendances de la photographies d’aujourd’hui par Rémy Kerténian, responsable de la Maison de la Photographie à Toulon et historien de l’art le 11 juin à 17h30.

MARSEILLE, LOURMARIN Mai l’art en balade - 04 91 33 09 59 Marchés de Créateurs par l’association Marquage, de 10 h à 19h : le 17 mai, Place Barthélémy à Lourmarin ; les 23 et 24 mai Cours Julien à Marseille. SAINT-VINCENT-SUR-JABRON Association Terres d’encres – 04 92 62 08 07 9e rencontres d’écriture-s, Les Petits Toits du Monde : durant 3 jours, poètes, écrivains, artistes et éditeurs - Julia Billet, Michel Chaupin, Patrick Dubost, Antoine Emaz, Stéphanie Ferrat, Fred Garnier, Camille Loivier, Béatrice Machet, Valérie Rouzeau, Erwan Sito, Jean-Pierre Sintive, Paul Trajman, Marine Vassort et la compagnie du Piano Voyageur- partagent leurs œuvres lors de lectures, d’expos et de conférences-débats. Du 30 mai au 1er juin.

TARASCON Château royal de Provence – 04 90 91 51 29 Dans le cadre du projet Pièces supplémentaires / résidence, expositions, performance, rencontre-conférence avec l’artiste Dominique Angel. Le 15 mai à 10h au Lycée Alphonse Daudet.

TOULON Association pour les Musées de Toulon – 04 94 36 81 00 Conférence de Rémy Kerténian : Mode et Art, de l’entre deux guerres à nos jours. Le 19 mai.


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LIVRES

Cahiers d’un retour à l’île natale On croise sa silhouette élancée au détour de salons du livre corse, avec un vrai sourire, une tendresse sensible pour l’autre, qu’il soit le lecteur désinvolte, l’habitué des salons, l’invité pour la cérémonie des beignets au brocchiu, ou le véritable passionné. C’est avec la même simplicité que le poète répond à tous. Jacques Fusina évoque sa longue carrière, d’abord à Paris, sa collaboration à la revue Le puits de l’ermite, pendant une douzaine d’années, ses rencontres avec les poètes du moment, ses amitiés riches et complices, Mandiargues, Soupault, Maurice Carême, Guillevic… Dans ce véritable laboratoire, il se nourrit des différentes influences tout en gardant sa propre musique. «Une lyre -j’y ai songé- a courbé le ciel.» (Retour sur images). Il écrit alors en langue française, publie un recueil poétique, Soleils revus (1969) et poursuit une brillante carrière d’universitaire. C’est par elle qu’il retourne en Corse en 1981. Chargé de mission ministérielle pour la mise en place de l’enseignement du Corse (et ce jusqu’en 1987), il sera, entre autres fonctions, le Président du Conseil de la Culture, de l’Éducation et du Cadre de Vie de 1989 à 1991 auprès de l’Assemblée de Corse. Ces distinctions ne sont pas liées au hasard : docteur ès Lettres et sciences de l’éducation, il fonde le département des sciences de l’éducation dans l’université de Corte, et les enseigne ainsi que la littérature.

traduction. L’âme poétique navigue entre les deux langues, se coule entre les mots, épouse les sonorités et les particularités linguistiques, «[Apprivoise] nos mots comme les hirondelles ont domestiqué les fils électriques.» Le poète nous donne sa recette : «Pour ne pas se perdre, faire comme les sentiers du maquis : apprendre par cœur le langage de sa terre.» Écoutez la version corse : «Per ùn perdesi, fà cum’è i viottuli di e machje : amparà à la mente a lingua di a so terra.» La notoriété de Fusina souffre sans doute aujourd’hui de son choix insulaire. Pourtant cette poésie souvent métaphysique ne se perd pas dans le sérieux d’envolées lyriques : le pastiche prend part à la danse des mots, «Voici venir les temps où vibrant de vertige»… sans oublier les clausules vengeresses «il a poété»… MARYVONNE COLOMBANI

Soleils Revus Recueil de poèmes, 1969 PJ. Oswald, coll. Voix Nouvelles Cantilena Veranile Poésie enfantine, 1983 Scola Corsa Bastia Contrapuntu Poèmes ill, par le calligraphe Peter Berger, 1989 La Marge

Retour et renaissance Pourquoi ce retour ? Une sorte d’urgence se dessinait dans l’enthousiasme que créait la nouvelle donne politique, une nécessité de rendre à la culture corse ses lettres de noblesse, de produire en Corse les nouveaux jalons d’un art contemporain, et surtout de ne pas laisser s’enfermer le renouveau culturel dans un ressassement infini du passé. Déjà à Paris, il avait affirmé sa préoccupation pour la culture de son île, en s’inscrivant dans la vibrante génération de 70, du Riacquistu, écrivains qui se retrouvaient dans la revue Rigiru. Pourquoi écrire en Corse ? Parce que la littérature en langue française est florissante, alors qu’en langue corse, il s’avérait nécessaire de créer, d’alimenter, de redonner une impulsion, nourrir un flux qui semblait alors devoir se tarir. Les publications en corse se multiplient alors, recueils de poèmes, aux éditions Albiana et La Marge, essais critiques et universitaires, articles de journaux, ouvrage consacré à une pédagogie de la poésie. Il retrouve le poète occitan Max Rouquette dans le souci de défendre et d’enseigner les langues régionales ou minoritaires. Talentueux polygraphe, Jacques Fusina s’attache à la défense et illustration d’une langue qu’il chérit par tous les moyens d’expression qui lui sont donnés. Il prête ainsi sa plume aux groupes corses, célèbres ou non ; Patrick Fiori lui demande des textes, Pavarotti avait un projet avec lui… Si Ghjacumu (Jacques) Thiers affirme qu’«écrire dans la diglossie c’est toujours mourir un peu», Fusina démontre le contraire par son œuvre vivante, vibrante, multiple. Son dernier recueil, Retour sur images, livre un ensemble de poèmes en français, en corse, avec leur

Prose Elzevire Ecrits journalistiques, 1989 La Marge Corse, Défense d’une île Essai critique, 1992 Autres Temps Ed.

E Sette Chjappelle Poèmes et proses, 1987 Albiana Canta u Populu Corsu Présentation critique du groupe, 1993 Albiana L’enseignement du corse, histoire, développements, perspectives étude historique, 1994 Squadra Finusellu Ed. Versu Cantarecciu Chant et poésie, 1996 Albiana Ed. Tous les Matins de Corse Editions Autres Temps - Marseille 1998 Parlons Corse Editions de l’Harmattan 1999

L’urgence à écrire… Il me sera difficile de venir te voir, un titre étonnant pour ce livre de correspondances littéraires sur les conséquences de la politique française d’immigration : dans le cadre des Jeudis du comptoir, deux initiateurs de cet échange épistolaire, Eric Pessan et Nicole Caligaris étaient à la Caravelle, le 7 mai, pour en expliquer la genèse. Au départ, pour Eric Pessan, une «bouteille à la mer» sur un site littéraire pour écrire son indignation face à cette situation odieuse. Une première réponse, celle de Nicole Caligaris : l’envie de réagir, en tant qu’écrivain, par des textes littéraires et la décision de proposer une correspondance à une quarantaine d’écrivains francophones. Vingt-six au total ont écrit, dans l’urgence, puisque chaque binôme, constitué le plus souvent au hasard, disposait de deux mois. «L’entreprise a été très difficile, explique Nicole Caligaris : même quand on a l’ambition de penser certaines questions, certaines sont difficiles à penser.» Comment s’adresser à l’Autre qui (nous) est étranger ? Comment se débarrasser des stéréotypes et

de l’influence insidieuse du discours xénophobe ? Mourad Djebel, «Algérien d’Angoulême» qui a correspondu avec Nathalie Quintrane a évoqué ses doutes : que peut la littérature face aux centres de rétention et aux «déportations» ? «Nous n’avons pas la naïveté de croire que des textes changeront le monde, nous tenons simplement à l’existence de ce «nolo», je ne veux pas». Car comme le pensait Maurice Blanchot, «face aux événements publics, nous savons que nous devons REFUSER.» Ce sont toutes ces questions fondamentales aujourd’hui qui ont été abordées et qui donne envie de découvrir toutes ces correspondances, échangées sous des formes aussi variées que récits d’enfance, poèmes, et abécédaire... «Un livre pour apporter un peu d’air» comme a conclu Jutta Hepke des éditions Vents d’ailleurs. ANNIE GAVA


LITTÉRATURE

LIVRES

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Marie lumière Le colloque international qui lui a été consacré début avril, ainsi que la réédition simultanée de certaines de ses œuvres par Actes Sud devrait permettre de redécouvrir la discrète Madeleine Bourdouxhe (1906-1996). De cette romancière belge née en Wallonie, on connaît surtout La femme de Gilles, publié en 1936, réédité en 2004 et récemment adapté pour le cinéma par Frédéric Fonteyne, avec un Clovis Cornillac très convaincant dans le rôle de Gilles. La femme de Gilles, au titre révélateur, est un drame de la jalousie ; c’est aussi une histoire qui parle de l’oubli de soi, de la perte d’identité dans l’amour. Dans À la recherche de Marie, paru en 1943, on retrouve le couple, l’usure du désir et les rapports de domination. Mais, dans ce deuxième roman, c’est désormais la femme qui est au centre, bien décidée à ne pas sombrer dans la routine du mariage. À l’écoute de ses désirs, de passion, d’aventure, de solitude aussi, Marie est déterminée à les sentir et à les vivre, sans

culpabilité. Ce qu’elle fait, sans tambours ni trompettes, avec une liberté déconcertante. Dans une prose simple et fluide, avec d’émouvants arrêts sur images au présent de narration et beaucoup de sensualité, Madeleine Bourdouxhe trace le portrait d’une jeune femme émancipée, qui sait habilement s’évader des sombres prisons de la tradition, des bons sentiments ou de l’habitude, pour exister en pleine lumière. Elisa, la femme de Gilles, perdait son être dans sa passion pour son mari ; Marie fait un pas de côté, sort du rang, et se retrouve. Une belle force qui va, comme sa créatrice qui fut résistante, féministe, amie de Sartre et de Beauvoir… et sans doute bien d’autres choses !

A lire également, chez Actes Sud : La femme de Gilles et Les jours de la femme, Louise et autres nouvelles (Babel n° 950).

FRED ROBERT

A la recherche de Marie Madeleine Bourdouxhe éd. Actes Sud, 15 euros

Nul n’est parfait Autant le savoir : les personnages de ce recueil n’ont rien de sublime, rien d’exceptionnel. Ils n’ont aucune aisance à vivre, aucun talent particulier, aucune certitude. Anti-héros tourmentés, ils nous saisissent par leur humanité crue, par leurs comportements incongrus, déviants, obsessionnels… C’est précisément dans leur étrangeté et leur monstruosité que réside leur beauté : miroirs amers, ils reflètent nos pensées les plus obscures, nos angoisses dissimulées, notre simulacre quotidien… Le style, sobre et amer, installe un malaise à la fois diffus et cristallin. Pétales est composé de six nouvelles, chacune révélatrice d’une vérité crue. On y découvre les disgrâces de la chirurgie esthétique, un étrange regard sur l’onanisme, un cactus révélateur… ou encore une bien funeste pince à épiler. Franchissant les limites noires du possible, dans la

Une rue

Quand vous aurez lu le dernier ouvrage de Sara Vidal, écrivaine marseillaise, vous ne regarderez jamais plus la Rue du Théâtre français, ce court passage qui, partant de la Canebière, aboutit sur la place du Lycée Thiers, avec les mêmes yeux. Vous chercherez l’hôtel Les Cytises, tout blanc et aux volets vert sombre qui abrite des exilés du monde entier. Vous vous demanderez qui a remplacé la famille de la fragile Marta dans la chambre 15. Vous essaierez de croiser le regard de Roméo qui guette de sa fenêtre sa Juliette, prof de lettres au collège Thiers… Vient-elle toujours le retrouver dans sa chambre meublée où les livres sont le seul luxe ? Et le «Scribe», ce SDF à qui la jeune femme blonde d’Hypercopie a offert un bloc sténo carré et un crayon pour qu’«il y enferme ses pensées», continue-t-il à y inscrire minutieusement l’histoire des oiseaux migrateurs, assis sur les marches du Théâtre ? Ces marches que hantent les fantômes d’Armand Hammer, le mécène, et de ses

droite ligne du «réalisme fantastique» cher aux écrivains mexicains, Guadalupe Nettel installe une atmosphère sordide comme dans son précédent roman : dans L’hôte la narratrice, adolescente hantée par une créature intérieure, rejoignait ses semblables dans les ténèbres de Mexico, après avoir perdu progressivement la vue. Autres histoires embarrassantes : le sous-titre est un euphémisme, pour ce recueil qui démange et irrite l’épiderme. Récompensé au Mexique par les prix Gilberto Owen et Antonin Artaud, il est troublant, et fascinant…

A lire également, chez Actes Sud : L’hôte, 2006, 19 euros

MARION CORDIER

Pétales et autres histoires embarrassantes Guadalupe Nettel éd Actes Sud, 15 euros

parents Julius et Sara, arrivés d’Odessa sur le paquebot Plutarque ? Il est certain que vous croiserez encore des «femmes assises sur les plots», quelques enfants «qui jouent vaguement à leurs pieds à de maigres jeux de cailloux, de papiers froissés», Aïda, Nacéra, les jumeaux arpenteurs et tous les autres. Quant à Kitty, la Noire, qui a essayé d’exorciser ses démons, «racontant par la force du corps ce qui ne peut se dire» en une chorégraphie sublime sur la place redevenue agora, vous ne la reconnaîtrez pas : elle danse ailleurs, plus loin… Sara Vidal a su, à partir d’une longue observation, transfigurer le réel, le rendre magique grâce à la qualité de son écriture poétique. La construction originale, en forme de script théâtral, et les changements de narrateur ajoutent encore à l’intérêt de ce roman attachant. ANNIE GAVA

Rue Du Théâtre Français Sara Vidal Editions Riveneuve, 12 euros

Sara Vidal signera son roman le 15 mai à 18h 30 à la Librairie Regards, Centre de la Vieille Charité


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LIVRES

LITTÉRATURE

Cuba sombre Vieilles rues de La Havane, plages paradisiaques de Varadero, sone, mojitos et langoustes… Stop ! Arrêtez de rêver ! Lorenzo Lunar emporte bien loin d’un Cuba de carte postale avec eaux turquoise et cocotiers. Et si l’on chante à El Condado, quartier de la peu touristique Santa Clara, ce n’est certainement pas un air de salsa. Ce serait plutôt le requiem des lendemains qui déchantent… «Vivre dans ce quartier, ça te fout les boules. (…) Le quartier, il te réduit en purée, il te brinqueballe, t’éduque, te pousse, te traîne, te relève, te jette à terre et te piétine. Il fait de toi un homme ou un débris.» Ainsi débute le récit de Leo, natif du barrio devenu flic au grand dam de tout son entourage ; ainsi se terminera-t-il quelque vingt-quatre heures plus tard, quand l’énigme du crime initial aura été élucidée. Comme dans les «hard boiled» américains, auxquels les titres des chapitres font explicitement référence, l’important n’est pas que le coupable soit confondu (le vrai «méchant» reste d’ailleurs en liberté). L’essentiel est ailleurs. Dans la

narration par le biais d’une subjectivité à la fois partie captivante et décalée. Dans l’évocation d’un quartier en ruines, où il y a plus de débris que d’humains, où l’on croise à toute heure drogués, alcooliques et prostituées, où la plupart des gens sont sans travail, vivent de combines et deviennent délinquants sans presque en avoir conscience. Dans la galerie de portraits aux difformités goyesques, comme autant de métaphores d’une île et d’un système en déshérence. Dans la langue aussi, vive et brutale, ourlée d’injures, d’argot et de paroles de chansons, qui plonge le lecteur en apnée dans le creuset sordide et chaleureux de ce barrio démuni. Ce bref roman se lit d’une traite, on en sort un peu essoufflé, comme si on remontait de l’enfer… Mais, comme le chante le titre espagnol de ce boléro très noir et très humain, Que en vez del infierno encuentres gloria.

Boléro noir à Santa Clara Lorenzo Lunar traduit du cubain par Morgane Le Roy, revu par Jacques Aubergy éd. L’Atinoir, 12 euros

À noter que la présente édition est agrémentée d’une préface de Rebeca Murga et d’une postface de Sébastien Rutès, toutes deux fort intéressantes.

FRED ROBERT

Alger, (t)rêve nocturne Alger, début des années quatre-vingt-dix. Entre un gouvernement captieux et des fondamentalistes aux aguets, le peuple en sursis vit au rythme des restrictions et du couvre-feu. Zakaria a cinquante ans. Il est journaliste et écrivain, proscrit et menacé. Dans la cité de Zakaria, l’eau est distribuée deux fois par semaine, entre trois et six heures du matin. Durant cette parenthèse nocturne, le retour de l’eau est accueilli comme la pluie après une période de sécheresse et pendant quelques instants volés, la vie bat son plein et les cœurs sont sereins. Les habitants s’affairent, se lavent, font des réserves, se retrouvent autour d’un thé… Et loin des troubles politiques et du rigorisme diurne, un groupe éclectique et improbable se forme, au plus grand plaisir de Zakaria qui les observe d’un œil amusé ; un ancien combattant, un stalinien convaincu, une femme juive, un inventeur farfelu, un imam orthodoxe, une prostituée, un inspecteur de

police discutent, échangent, profitent. L’Allumeur de rêves berbères de Mohand Fellag est un roman sensible, grave et léger : la faconde de Zakaria évoque avec élégance un peuple habile à se jouer des lois pernicieuses qui l’accablent et plonge le lecteur dans une atmosphère fantasque et poétique où s’égrène une joie désespérée. Cette tragi-comédie des habitants d’une capitale chaotique, Mohand Fellag nous l’avait déjà fait découvrir dans son recueil de nouvelles C’est à Alger. Les Marseillais et les Toulonnais ont eu la chance de retrouver son talent d’humoriste au Gymnase et à Châteauvallon dans Tous les Algériens sont des mécaniciens (voir p 16), spectacle aux accents du roman, subversif et drôle, où la débrouillardise permet au commun des mortels de tirer son épingle du jeu, dans un système aux confins de l’absurde.

L’Allumeur de rêves berbères Fellag Ed. JC Lattès, 302 p., 14 euros

MARION CORDIER

Littérature buissonnière Une insolite famille d’écrivains accompagne Linda Lê. L’auteur consacre à ces «alliés substantiels» -comme les nomme René Char- des pages érudites, fascinantes plongées dans la tourmente de l’écriture. Elle nous la décrit en fouillant son âme autant que ses textes, cette communauté d’êtres qui a choisi de subir les affres de la liberté, de l’insubordination plutôt que de mettre genou à terre devant la médiocrité. Au fond de l’inconnu pour trouver du nouveau est une succession de textes destinés à remercier ces écrivains qui ont fondé sa pensée, nourri sa réflexion. On y croise Roger Walser «à l’âme effilochée» qui voua sa vie «à élever la vétille au rang de grandeur». Un peu plus loin l’auteur d’Ostinato, Louis-René des Forêts, dont la posture de secret et de silence s’opposait au déballage de mise dans les milieux littéraires… Juan Rodolfo Wilcock

surgit avec son humour en bandoulière et sa prédilection pour les gambits, comme un certain Roger Walser ! Tiens donc… L’anthologie se poursuit avec Felisberto Hernandez «le schismatique» qui démarra une carrière de pianiste avant de devenir écrivain, Ghérasim Luca qui refusait «toutes les formes, toutes les catégories, toutes les idées…», Louis Calaferte encore qui, «avant de satisfaire sa «faim de verbe» en descendant à son tour dans l’arène, l’avait apaisée au moyen de milliers de volumes avalés.» Puis Sándor Márai, Bohumail Hrabal et tous les autres briseurs de conventions… Dix-sept chapitres en forme de révérence à des guides, rebelles incorrigibles, auxquels Linda Lê paye sa dette à travers de courts textes brillants. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Au fond de l’inconnu pour trouver du nouveau Linda Lê Christian Bourgois éditions, 17 euros


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Tu auras des droits, mon enfant Les éditions de L’Initiale s’enrichissent d’un nouvel album de «philosophie à l’usage des tout petits». Après la jalousie, les douleurs du deuil et les pièges de la surconsommation, voici un rappel ludique et coloré des droits inaliénables de l’enfant, présenté comme à l’accoutumée sous la forme d’un petit livre carré facile à transporter et à feuilleter. Orange et bleu, comme la Terre vue par les yeux du poète, et tout en sphères, comme le ventre arrondi d’une femme enceinte, Petits grands droits pour mon enfant récapitule joliment tout ce qu’une mère peut souhaiter pour son petit à naître : nom, amour,

nourriture, eau, accès aux soins et à l’éducation, mais aussi liberté, paix, justice et solidarité. Toutes les couleurs de l’arc-en-ciel éclatent sur les illustrations très graphiques de Fathy Bourayou, entre lesquelles serpente la parole poétique et engagée de Giovanna Zecchinato-Inal. Et l’on se prend à rêver avec eux d’un monde meilleur, où tous les enfants pourraient grandir dans l’harmonie… Un très joli album, à faire découvrir à nos minots des pays riches, pour qu’ils apprennent leurs droits mais aussi leurs devoirs. FRED ROBERT

Petits grands droits pour mon enfant Giovanna Zecchinato-Inal, Fathy Bourayou éd. L’Initiale, 11 euros

La danseuse et le dragon «Ça ressemble à un conte, ça pourrait être une histoire», ainsi s’ouvre et se clôt l’album de Daphné Collignon consacré à Anne Nivat, correspondante de guerre. Un album magnifique qui retrace les étapes du projet, de sa naissance dans les sables marocains aux rencontres régulières entre l’auteure de BD et la reporter, puis à sa mise en forme et en images. Il n’était pas facile de rendre fidèlement la vie d’une correspondante de guerre. Daphné Collignon le fait, superbement. Sans doute parce qu’avant même de rencontrer Anne Nivat, elle a admiré son «apparente facilité à se fondre dans des mondes qui n’étaient pas les siens -à ne pas juger, juste être là, regarder, observer, raconter-», la «transparence d’une parole vivante qui (…) prenait le temps de comprendre et digérer des réalités multiples sans chercher à leur donner de sens». Elle a alors eu envie de tracer le portrait de cette femme entre deux mondes, «entre ceux qui habitent ces contrées

lointaines, détruites et les chanceux qui vivent dans la bulle occidentale», comme l’écrit Anne Nivat ellemême en préface. D’évoquer sans glamour ce métier difficile. À l’arrivée, le lecteur se délecte de ce portrait croisé de deux femmes d’aujourd’hui, généreuses et sensibles, et des qualités esthétiques de l’ouvrage. Camaïeux de bruns, alternance heureuse de la couleur et du noir et blanc, du dessin et de la photo, variété de la composition des pages et des lettrages, Daphné Collignon jongle habilement avec les techniques et offre la vaste palette de ses talents graphiques. Un album-puzzle, à l’image de l’existence fragmentée et bouleversante de celle qui danse tout près du dragon. FRED ROBERT

À bon livre bon rat Des rats de bibliothèques on en connaît tous, parfois même on croise leur regard dans nos miroirs… Mais un rat, un vrai, fou de lecture, éclectique et passionné, quelle rencontre ! Firmin, puisque tel est son nom, treizième malingre d’une portée affamée, se livre à un long monologue autobiographique, ironique et désespéré. Qui pourrait discuter avec un rat ? même doté d’une qualité rare ? Car s’il dévore les livres, c’est au figuré comme au sens propre. Né par hasard dans les sous-sols d’une librairie de Boston, au creux d’un volume déchiré, il a commencé par apprécier les différents types de papier avant d’en savourer le sens. Miracle ! Firmin sait lire, décline ses goûts, ses coups de cœur, ses espoirs, ses détresses, nous entraîne dans un jeu subtil dont il est maître, avec la verve d’un Tristram Shandy : démystification des procédés d’écriture, des appels au lecteur, des incipit ravageurs, et introspection sans concessions de ce lecteur au physique ingrat qui s’identifie aux héros de romans. Puis notre infatigable lecteur, amateur de films porno

à ses heures, se prend d’amitié pour un libraire et pour un écrivain plus ou moins raté… La trinité du livre est en place, sur un arrière plan de fin du monde (fin du quartier en tout cas), et les ingrédients de ce petit récit jouissif et somptueux sont posés. À vous de grignoter, de savourer ce mets de choix assaisonné par les illustrations expressives de Krahn. Premier roman de Sam Savage, Firmin est un ouvrage à dévorer sans modération ! MARYVONNE COLOMBANI

Firmin Autobiographie d’un grignoteur de livres Sam Savage Actes Sud, 18 euros

Anne Nivat, correspondante de guerre Daphné Collignon éditions Soleil, 14,90 euros Cet album a été réalisé en collaboration avec Reporters sans frontières


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LIVRES

ARTS

Désenchantements De Marseille à l’Afrique, quelques longues encablures. Mais l’actualité éditoriale nous offre de croiser deux regards jumeaux. Pascal Grimaud a parcouru les anciennes colonies françaises d’Afrique (AOF), cherchant «à appréhender les cicatrices d’une liaison hasardeuse et ses résonances contemporaines», pendant que Frank Pourcel poursuit son exploration des marges marseillaises : «C’est drôle qu’une ville comme Marseille possède tant de frontières.» Les deux photographes ne constituent pas un inventaire cynique mais la captation empathique de bribes de vies et d’espaces. Les lumières sont sourdes souvent chez Pascal Grimaud et les plans le plus souvent serrés comme pour être au plus proche. Lorsque l’espace s’ouvre il ne mène guère loin (rideau de fer, barrière, terrain vague, cliché flou…) ou semble inaccessible (coin de ciel, lointain maritime, poster de forêt derrière une vitre…). Quelques façades suintent une même déchéance qu’à La Havane, mais Marseille n’est pas si loin. Cependant, aux Antilles, en Afrique, comme dans la cité phocéenne, bien des regards s’épuisent dans des reflets, des interstices ou le vide.

Bzz et l’Eden

Un livre passionnant propose de soigner nos phobies en partant à la découverte d’un univers méconnu mais fascinant : celui des animaux minuscules, parfois invisibles, qui peuplent jardins et balcons : les insectes! Plus de 300 pages à parcourir pour admirer les photos de Carll Goodpasture, se rappeler que les araignées et les scorpions ne sont pas des insectes mais des arachnides, apprendre que la classe des insectes se divise en 30 ordres, divisés eux-mêmes en centaines de familles, milliers de genres et millions d’espèces ! Car les insectes représentent 80% des espèces animales de l’univers... L’auteur américain, Eric Grissell, entomologiste, chercheur et jardinier de longue date, s’intéresse aux lois de la nature et à l’équilibre écologique du jardin,

Ce que suggère l’approche poétique et erratique de l’écrivain malgache, Jean-Luc Raharimanana, qui clôt Maiden Africa. Le crépuscule est ce moment déclinant de lumière incertaine au coucher du soleil. Parfois c’est l’espoir de l’aube suggérée pour Frank Pourcel. Cette photographie-là sait être subjective, c’est-à-dire qu’elle peut voir sous le sujet. CLAUDE LORIN

Au crépuscule texte et photos Frank Pourcel Le bec en l’air éditions, 18 euros

favorisé par la diversité des plantes et des insectes qu’il abrite : diversifier les végétaux permet l’installation de mangeurs de plantes comme les pucerons, mais favorise en même temps le développement de leurs prédateurs. Plus le jardin sera complexe, plus les insectes y viendront, et plus il sera facile de s’en occuper ! Et si l’on veut de beaux papillons il faut en accepter les chenilles, donc quelques dégâts sur les plantations, et limiter l’utilisation des insecticides. L’évocation de la présence des insectes dans les mythes de la création, les arts picturaux, la musique, la littérature achèvent de convaincre : les jardiniers mythiques, respectueux, s’accommodent d’un équilibre naturel…

Maiden Africa photos Pascal Grimaud textes Jean-Luc Raharimanana éditions Trans Photographic Press, 31 euros

Les insectes au jardin Eric Grissell, ill. Carll Goodpasture traduit de l’américain par Jean-Denis Rastugue éd. du Rouergue, 30 euros

CHRIS BOURGUE

Paysages d’esprit «Que savons-vous du paysage nous qui, plein de nousmêmes, aveuglés par nos propres représentations, marchons sans le voir ?» Ainsi s’achève le chant douze de Le Chant du hors champ. Plus qu’un catalogue, l’ouvrage est le fruit d’une longue aventure à trois : Brigitte Palaggi, photographe, Olivier Domerg, écrivain et Frédérique Verlinden, conservateur en chef du Musée Muséum départemental de Gap. À son invitation, Brigitte Palaggi et Olivier Domerg ont bénéficié d’une «résidence perlée répartie sur une quinzaine de séjours» dans différents territoires du département. De cette longue marche commune sont nés une exposition* et un livre accompagné d’un CD, une Pièce audio 3 réalisée à Euphonia à Marseille. Une immersion fractionnée dans le paysage et une itinérance implicite qui les ont conduit «à saisir ce qui

est à l’œuvre dans ces paysages, leur force, leur tension, leurs contradictions, leur pérennité et leur mise à mal.» L’ouvrage en est la parfaite restitution qui, dans sa construction interne -succession de photographies saisissant l’essentiel du paysage (le ciel, les sens) puis compilation fragmentaire de textes, poèmes et proses -comme dans sa réflexion est une porte ouverte sur le monde. Bien au-delà des paysages des Hautes-Alpes. En empruntant le regard de l’un et la voix de l’autre, notre «manière de noir» comme l’écrit Olivier Domerg se trouve totalement chamboulée. Jusqu’à croire, à l’instar des auteurs, que le paysage est «avant toute chose, une construction de l’esprit.» MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Le Chant du hors champ Brigitte Palaggi, Olivier Domerg Fage éditions, 25 euros

(*) Exposition présentée du 21 novembre 2008 au 28 février 2009 au Musée Muséum départemental de Gap.


Lyriquement vôtre L’opéra français du XIXe siècle est trop souvent réduit à quelques grands ouvrages lyriques au succès certes mérité. Or ce pan du théâtre chanté français dit romantique possède une histoire riche et un vivier passionnant. Soulignant le néo-classicisme surprenant déjà présent dès le premier XIXe siècle, et analysant précisément et pertinemment des œuvres comme Hérodiade de Massenet et Carmen de Bizet, l’ouvrage publié chez Symétrie est un outil indispensable pour tout passionné d’opéra. Avec le concours du Centre de Musique Romantique Française, JeanChristophe Branger et Vincent Giroud coordonnent les actes d’un colloque opératique avec soin, associant à cette somme de recherches les services de spécialistes éclairés comme Gérard Condé ou Steven Huebner. Aspects de l’opéra français de Meyerbeer à Honegger ne se contente pas de dresser un historique précis mais axe son propos sur des thématiques originales et fort bien documentées : présentation de l’opus oublié La Carmélite de Hahn, étude de la réception de l’Africaine de

Meyerbeer, relation entre compositeurs et chanteuses (Bizet et Galli-Marié, le méconnu Bruneau et Marie Delna), recherches sur l’opéra perdu de Debussy La Chute de la maison Usher ou encore lecture socio-historique d’Antigone d’Honegger. Précieux et nécessaire ! FRÉDÉRIC ISOLETTA

Aspects de l’opéra Français de Meyerbeer à Honegger J.-C. Branger et V. Giroud Ed. Symétrie 32 euros

Au cœur de la Noire Après Les racines du Reggae, déjà chroniqué ici, l’Harmattan élargit son horizon sur l’origine africaine des musiques noires, «chez elle et à l’étranger», en se concentrant sur les pionniers du mouvement, artistes peu connus qui ont propagé dans leur pays et hors des frontières des styles aussi différents que le son afro-cubain, la samba ou le rythm’n blues. Le temps de l’esclavage a amené rythmes ancestraux et danses coutumières sur le continent américain : c’est l’objet du premier volet, bien fourni, de cette étude nécessaire pour tous ceux qui pensent tout (s)avoir et tout avoir dans leur discothèque, comme le nom du premier groupe d’Omara Portuondo ! Le continent africain est ensuite analysé par pays, tâche plus difficile, pour suivre les influences de chaque ethnie ! Bon : un manque de relecture, et de corrections attentives, font douter de certaines assertions, et sourire en voyant Marvin Gaye au rayon latin soul, Cuba découverte en 1432 et les noms de certains groupes comme les Abyssinians transformés en Abyssins ! Mais ces erreurs (comme d’avoir fait disparaître les Comores de la carte musicale !) seront

pardonnées : il était devenu indispensable de proposer un tel ouvrage, avant que les traditions orales ne se perdent dans les méandres de certaines pseudo musiques du monde. Une telle encyclopédie aurait dû être parfaite. Ainsi faite, elle restera très utile… X-RAY

Les racines des musiques noires Liliane Prévost et Isabelle de Courtilles Editions l’Harmattan, Collection Musique et Musicologie, 32 euros


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PHILOSOPHIE

LIVRE

Le petit-bourgeois gentilhomme porte mal son titre, on en propose un autre

Manuel d’insurrection Car ce livre répond en fait à l’interrogation du moment : le système capitaliste est à bout de souffle mais que faire ? Que proposer à la place ? Pourquoi résiste-t-il à tous les assauts, à toutes les critiques, à ses crises rédhibitoires ?

Ce combat contre le capitalisme est celui de tous ceux que l’information sur la misère du monde ne laisse pas de marbre, ceux pour qui il est intolérable que des puissances privées s’accaparent les richesses produites; mais aussi ceux qui ont conscience que des mesures qui pourraient paraître réformistes (rémunération des dirigeants, interdictions des licenciements…) sont en fait des mesures révolutionnaires, puisqu’elles sont inacceptables par les dirigeants. Si l’immense majorité de la population en est à ce niveau de conscience, pourquoi le système tient-il en place ? Pourquoi la critique de gauche ne porte-t-elle pas ses fruits ? Pourquoi ne se révoltent-ils pas ? Qu’est-ce qui résiste? L’analyse d’Alain Accardo entraîne dans les subtilités de la sociologie de l’inconscient social : la critique marxiste ne peut en rester à l’opposition classique du prolétariat et de la bourgeoisie, à cette idée que le peuple exploité, informé des effets de soumission au système, se rebellera. L’auteur répond franchement : «le système capitaliste ne fonctionne pas seulement par l’exploitation, la spoliation et l’oppression du plus grand nombre mais aussi par l’adhésion de la plupart au système qui les exploite, les spolie et les opprime. C’est-à-dire qu’il fonctionne à l’aliénation psychologique et morale, entretenue par des espérances de succès individuels et d’accomplissement personnel.»

Petit automate social Pour bien comprendre il faut redéfinir certaines choses. D’abord ce qu’est le social (voir ci-contre). Il se présente sous deux formes inséparables : l’histoire faite chose (institutions, ordre économique etc…) et l’histoire faite corps, c’est-à-dire l’incorporation par l’individu de pratiques et manières de sentir automatiques ; dans chaque individu s’installe donc un petit-bourgeois qui s’ignore (d’où le titre de l’ouvrage) et qui n’aspire qu’à s’intégrer le plus confortablement possible à l’ordre établi : «il y a en chaque individu un homo oeconomicus capitalisticus: les agents sociaux se retrouvent impliqués et compromis.» L’auteur avoue sa dette à Bourdieu, à Leibniz et Pascal, qui avaient bien vu cet automate en nous; et il serait bon que ces acquis puissent aider les philosophes à comprendre le monde des profondeurs de l’âme sociale et politique. Il y a bien une dimension inconsciente de la réalité sociale qui aujourd’hui montre toute sa force. Il ne suffit pas à la critique classique du capitalisme de dire vrai. Car elle ignore ou sous-estime la dimension subjective et interne qui fait pourtant partie de la réalité sociale. Comment, même de gauche, les prolétaires, salariés, enseignants, exploités, les

cadres reproduisent l’ordre capitaliste. Le système capitaliste ne nie pas la liberté des sujets, il n’a pas besoin de coercition pour fonctionner ; il laisse les agents agir d’eux-mêmes, l’incorporation de cette logique chez l’agent étant le fait du processus de socialisation. Ainsi dans les démocraties la contestation peut aller très loin à condition de laisser le principe même de l’existence du système en dehors des limites de la discussion légitime ; l’énergie combative et l’indignation s’orientent vers des mobilisations justes (féminisme, écologie, anti racisme..) mais qui ne remettent pas en cause le système. Cette intériorisation de l’ordre dominant est souvent à l’œuvre : on s’indigne des inégalités liées à l’ethnie, au sexe, etc, plus couramment que de l’inégalité des conditions sociales liés à l’appartenance de classe. Ainsi l’École, exemple parmi tant d’autres mais le plus frappant : les professeurs s’efforcent de faire au mieux leur métier d’éveilleurs d’esprit mais, inconsciemment, du fait des critères mis en place institutionnellement, valorisent plutôt les élèves déjà éveillés par la transmission d’un capital culturel. On favorise l’aisance et le brio, à savoir ce qui n’est pas enseigné, au détriment des élèves ayant un rapport purement scolaire au savoir, qui sont qualifiés de besogneux, laborieux. Et cela est d’autant plus vrai dans la notation de la philosophie où toute objectivation des qualités requises est proscrite : l’implicite profite aux classes favorisées, quatre fois plus représentées à l’ENA par exemple que leur place dans l’ensemble des actifs (huit fois moins pour les milieux populaires). En bref, il est vain de combattre le capitalisme objectivable sans combattre aussi les dispositions inconscientes chez chacun à le défendre, poussé qu’il est par la nécessité de s’intégrer à un ordre social. Même si la société capitaliste l’opprime, le «petit-bourgeois gentilhomme» en reproduit les inégalités, pensant en fait en bénéficier. RÉGIS VLACHOS

Le Petit-Bourgeois gentilhomme Alain Accardo Éditions Agone 13 euros

«Parmi les acquis fondamentaux de la science sociale, il y a cette idée -dont on peut trouver l’expression diversement formulée de Montesquieu et Marx jusqu’à Elias et Bourdieu- selon laquelle, pour qu’une organisation sociale, quelle qu’elle soit, fonctionne de façon durable, il faut nécessairement que les membres de sa population soient dotés, par l’effet d’une socialisation adéquate, de certaines propriétés personnelles qui leur permettent de répondre le plus spontanément possible aux exigences spécifiques du système considéré. Plus précisément, il faut que les individus aient intériorisé les structures objectives du système sous forme de structures subjectives de personnalité ; ou, en d’autres termes, que les structures objectives de l’organisation sociale (par exemple les rapports entre classes, les distributions des différents capitaux, les hiérarchies et les pouvoirs, etc.) aient façonné chez les individus des rapports au monde et aux autres qui s’accordent, au moins pour l’essentiel, avec la position objective qui leur est assignée dans l’espace social considéré.»


LA COMMUNE DE PARIS

HISTOIRE / PHILOSOPHIE

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«Je sais de mes camarades pleins d’entrain et d’enthousiasme à l’évocation de ce passé ! Grand soir, tourne-boule social, aristocrates à la lanterne… Que d’espoirs ! Que d’illusions ! J’entends déjà le philosophe (voir page suivante) penser la révolution des esprits, le bouleversement des aliénations ! Quelques parcimonieux rappels, avant qu’il n’étaye ses constructions !»

Ce que disent les faits Le mouvement communard s’inscrit dans une époque compliquée. Napoléon III, un petit homme aux dires d’Hugo, dirigeait alors la France. Mais voici le téméraire se jeter dans la gueule du teuton pour une sombre histoire de succession en Espagne. Il n’en peut plus, lui le rejeton d’une conquérante famille. Son régime, assis sur un triomphe référendaire en mai 1870, s’effiloche, s’éparpille et s’étiole : c’en est fait de l’Empire, voilà donc la République ! La gent républicaine se partage entre modérés et radicaux. Derrière Gambetta ou Ferry se range la bourgeoisie libérale, celle qui aspire à diriger le pays, la nation, la France. Plus loin, sur l’horizon du bonheur social, s’avancent les socialistes, divisés certes, mais concentrés sur le nouveau régime. Et tout revient pour eux : 1793, 1830, 1848 ! Aux armes citoyens ! L’occasion est bonne ! Depuis le désastre de Sedan, la République a été proclamée, le 4 septembre1870, à l’Hôtel de Ville par Ferry, Gambetta et Favre. Un gouvernement dirigé par le royaliste et catholique Trochu, général de son état, symbolise l’état d’esprit général de la bourgeoisie qui veut liquider la guerre au mieux de ses intérêts. Mais voici que les Prussiens assiègent Paris à partir du 19 septembre. Gambetta, échappé de la ville en ballon, n’abdique pas. Mais les défaites et les trahisons auront raison de son élan. Paris se défend : soldats, marins, gardes mobiles mais surtout gardes nationaux. Paris s’agite. Comités d’arrondissement ou de quartiers, clubs, Comité central de la garde nationale : c’est l’effusion. L’appel à la mise en place d’une Commune résonne. Ferry qui dirige la ville résiste à la tentative de prise de l’Hôtel de ville le 31 octobre. La rebelote a lieu en janvier : le général Vinoy fait tirer sur la foule mécontente. Les rigueurs du siège (on a mangé la girafe du jardin des plantes, mais plus

Aux Survivants de la semaine sanglante Comme faucheurs rasant un pré, Comme on abat des pommes, Les Versaillais ont massacré Pour le moins cent mille hommes. On croyait lui couper les bras Et lui vider l’aorte. Tout ça n’empêch’pas, Nicolas, Qu’la Commune n’est pas morte !

Cadavres de Communards, photo d'Eugene Disderi

souvent du rat), le couronnement impérial dans la Galerie des Glaces du roi germain, les sorties désastreuses, tout concourt au malaise quand on soupçonne les autorités de ne pas vouloir gagner la guerre ! Le 28 janvier, l’armistice est signé. Les élections exigées par les Prussiens consacrent la réaction et les royalistes. Adolphe Thiers triomphe. La nouvelle assemblée réunie à Bordeaux le désigne, en février, chef du pouvoir exécutif : le loup est dans la bergerie! Contre le maintien à la France de Belfort (défendu comme un lion par Denfert-Rochereau), les Allemands défileront dans la capitale ! L’assemblée qui ratifie les conditions générales, le 1er mars, s’installe à Versailles. Le 18 mars, Thiers veut saisir les canons de Paris. C’en est trop !

Le soulèvement Le peuple se soulève, les Fédérés refusent de fusiller les insurgés, trucident leurs généraux. Le Comité central de la garde nationale devient le maître de Paris. Le 26, les électeurs, peu nombreux, désignent un conseil général de la Commune de Paris. C’est le retour des sans-culottes, l’avènement du petit peuple. À partir d’avril, le combat contre la troupe Versaillaise occupe

l’essentiel des activités : Thiers a décidé d’éradiquer ces empêcheurs de capitaliser en rond. N’a-t-il pas décidé d’exiger les dettes contractées pendant le siège, de supprimer le moratoire des loyers et de supprimer la solde de la garde nationale, fer de lance de la sociale ? Les essais sociaux des Communards, bien qu’ils soient de courte durée, n’en représentent pas moins une incursion dans un domaine réservé : organisation du travail par l’intermédiaire des coopératives ouvrières, gestion des affaires économiques, y compris de la Banque de France, volonté de mettre en place un programme scolaire et culturel démocratique, mesures envers les plus pauvres comme la réorganisation du Mont-de-Piété. Quel avenir prédire à partir de ces expériences naissantes relève d’une vision qui n’est pas historique, et que je laisserai au camarade visé plus haut… Mais pour l’heure, Thiers a fourbi les armes de sa troupe paysanne. Le grand carnage revanchard peut commencer. La trahison permet l’entrée de la soldatesque, le 21 mai, porte de Saint-Cloud; le 23 la semaine sanglante commence. Les massacres prendront fin le 28, après 35 000 morts. RENÉ DIAZ

Ils ont fait acte de bandits, Comptant sur le silence, Ach’vés les blessés dans leurs lits, Dans leurs lits d’ambulance. Et le sang inondant les draps Ruisselait sous la porte. Tout ça n’empêch’pas, Nicolas, Qu’la Commune n’est pas morte ! Car tout ça prouve aux combattants Qu’Marianne a la peau brune, Du chien dans l’ventre et qu’il est temps D’crier : Vive la Commune ! Et ça prouve à tous les Judas Qu’si ça marche de la sorte, Ils sentiront dans peu, Nom de Dieu! Qu’la Commune n’est pas morte ! EUGÈNE POTTIER, CHANTS RÉVOLUTIONNAIRES

Paris, mai 1886.


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PHILOSOPHIE / HISTOIRE

C’est le mois de mai et, comme lors des 138 années précédentes, on ne célèbrera pas la Commune de Paris et on n’honorera pas son massacre ; on laissera plutôt des rues, des lycées porter le nom de son massacreur Cet événement porte en lui un lot surprenant d’interrogations. Comment des femmes et des hommes ont-ils pu, dans la plus grande misère, assiégés, porter de tels idéaux sur la scène du réel? Car les idéaux des Lumières se retrouvaient projetés sur le terrain pratique et social. Les droits sociaux donnaient enfin sens aux droits de l’homme : l’égalité homme-femme, l’instruction publique et gratuite, l’accueil des étrangers, le salaire d’un ouvrier pour les élus... On peut donc se demander pourquoi, lorsque des hommes portent ces idéaux sur le champ du réel, ils se font massacrer. Et pourquoi nos démocraties effacent ces événements de leur histoire…

Démocratie et oligarchie Il y a là une remise en cause de questions philosophiques essentielles comme celles de souveraineté, de l’essence de la démocratie, de la représentativité. Historiquement la démocratie, c’est-àdire le pouvoir du peuple, est vite apparue comme le pouvoir le moins injuste, quoique le plus bordélique pour Platon dans la République : pour le philosophe le démos est avant tout plethos, c’est à dire plèbe dégénérée. Cette conception prévaut aujourd’hui encore : si le peuple s’exprime véritablement, comme en 2005 où il a débattu alors qu’on lui demandait simplement de dire oui, on dénonce la pagaille démocratique. Ce qui revient à assimiler démocratie et eudémonisme, où chacun fait ce qu’il veut et donne son avis sans la considération d’aucune autorité. C’est pourquoi la représentativité est apparue comme la seule forme possible de la démocratie. Cette représentativité permet depuis 150 ans à une oligarchie de régner au nom du peuple. Mais pourquoi le peuple vote contre son intérêt est une autre question (voir p 66).

LA COMMUNE DE PARIS

Penser l’histoire et la démocratie

En fait la démocratie est visée dès qu’elle sort du cadre de la représentativité oligarchique, dès qu’elle ne se contente pas d’être la vitrine des intérêts de la classe au pouvoir.

Représentation populaire «Quand la Commune de Paris prit la direction de la révolution entre ses propres mains ; quand de simples ouvriers, pour la première fois, osèrent toucher au privilège gouvernemental de leurs «supérieurs naturels», les possédants, et, dans des circonstances d’une difficulté sans exemple, accomplirent leur œuvre modestement, consciencieusement et efficacement… Le vieux monde se tordit dans des convulsions de rage à la vue du drapeau rouge, symbole de la République du travail, flottant sur l’Hôtel de Ville.» (Marx, La Guerre civile en France).

La Commune de Paris est un démenti historique aux conceptions classiques de la démocratie et de la représentativité. Le conseil communal était un nouveau type d’État, les conseillers étaient souvent des ouvriers ; il n’était pas un organisme parlementaire de bavardage, de privilèges et d’avalisation, mais un corps agissant, exécutif et législatif à la fois ; l’ensemble des charges publiques, conseillers, policiers, gardes nationaux, enseignants étaient révocables à tout moment ; aucune position privilégiée dans ce fonctionnariat, tout le monde percevait un salaire d’ouvrier. Exactement l’inverse de ce que nous connaissons comme représentativité dans nos démocraties. La Commune pose la question démocratique dans sa totalité, et en ce sens elle pose le problème des siècles à venir

et que Rancière nomme la haine de la démocratie, à savoir l’horreur inspirée par le fait que le peuple avec ses gueux puisse avoir une quelconque prise sur les affaires publiques : la démocratie engendre «de la haine, chez ceux qui sont habitués à exercer le magistère de la pensée. Mais chez ceux qui savent partager avec n’importe qui le pouvoir égal de l’intelligence, elle peut susciter à l’inverse du courage, donc de la joie.» En bref, parler de la Commune de Paris c’est remettre en cause l’idéologie de nos démocraties et la plupart des spéculations de philosophie politique.

Révolution et massacres Ainsi il vaut mieux ne pas en parler : une révolution est impossible, elle conduit au désordre, aux massacres diton. Avec la Commune on voit bien que ce fut possible, que les Communards, comme le disait Marx, étaient partis «à l’assaut du ciel». C’est par dizaine de milliers que les communards furent massacrés : mais il y a un terrorisme d’État co-substantiel à sa négation dans tous les pays : en France l’État put faire passer dans l’histoire les communards pour des massacreurs au point d’ériger en plein Paris, sur la fameuse butte, un sacré cœur odieux pour expier leurs crimes. C’est une autre question philosophique que pose la Commune : celle de la vérité en histoire. Elle rejoint la question démocratique : comment les démocraties ont elles pu perpétrer des massacres et les occulter de leur histoire? Nous sortons peut-être là du champ de la philosophie, à ce moment où le concept embraye avec le réel au point de s’y brûler… Mais la réponse est simple, sans doute : occulter la Commune, c’est nier que les hommes sont capables d’action pour changer l’ordre d’un monde injuste et impitoyable. RÉGIS VLACHOS

Edouard Manet, Barricade, lithographie, 1871


ENTRETIEN AVEC ALAIN KRIVINE Parler de la Commune à un révolutionnaire nous a paru intéressant. Qui d’autre peut tenir des propos sur une société différente, quand la nôtre se morfond dans la crise, et dans laquelle chacun est victime et complice d’un système de consommation petit bourgeois ? Nous avons donc interrogé Alain Krivine sur ce que veulent les révolutionnaires… Zibeline : Nous voudrions, puisqu’on parle de la Commune de Paris dans ces pages, vous interroger sur l’enjeu démocratique des situations révolutionnaires : est-ce un projet de subversion financière, en terme de redistribution des richesses, ou est-ce aussi une subversion démocratique ? Alain Krivine : Je crois qu’on peut aller plus loin. Je ne crois pas que fondamentalement on veut faire la révolution parce que économiquement c’est mieux pour la population ; bien sûr que cette dimension sociale joue, mais je ne crois pas que ça doit être le but final. Je crois que la révolution tourne autour de deux formules, qui sont complémentaires. Une toute autre répartition de la richesse, démocratiquement décidée, contrôlée et appliquée par la population ; qui implique, même si le mot est galvaudé par des influences passées, tout un esprit autogestionnaire, plus que de participation : de direction par la population. À partir de ce moment là, il faut une mobilisation

vine ©

A. Kri

X-D.R

HISTOIRE / PHILOSOPHIE

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Enjeux des situations révolutionnaires permanente pour faire de la politique au sens grec du terme, c’est-à-dire pour s’occuper des affaires de la cité, et trouver les moyens pour que l’ensemble de la population dirige et contrôle ses activités, du berceau au cimetière. Et dans tous les domaines ! C’est-à-dire aussi bien le domaine du travail, le domaine économique, le domaine culturel, le domaine des loisirs… Donc, quand on parle de libération humaine ou d’émancipation, c’est ça que ça signifie concrètement. Et je dirais même, si on prend une expérience de révolution loupée, celle de 68, l’aspect qui n’a pas été loupé c’est cet aspect de libération des gens, où la désaliénation est apparue, et en même temps la richesse virtuelle de chaque individu. Richesse complètement cachée en période normale de métroboulot-dodo. Une richesse de quel ordre ? Quand il y a une mobilisation de la population d’une assez longue durée, il se passe quelque chose qu’on pourrait résumer en une formule : un ouvrier de la métallurgie devient un poète. On peut devenir un poète, un chanteur, un guitariste, un dessinateur, un peintre, c’est-à-dire toutes les facultés cachées qu’on a en nous, et qui ne peuvent jamais s’exprimer dans l’exploitation quotidienne et l’aliénation quotidienne. Dès qu’il y a mobilisation apparaissent ces facultés cachées chez les gens. Moi je l’ai connu dans les quelques expériences, cette explosion culturelle, individuelle, personnelle, artistique. Je l’ai connue en 68, mais je l’ai connue au Nicaragua en étant présent à un moment de la révolution sandiniste, je l’ai connue au Portugal au moment de la révolution des œillets ; nos aînés ont connu ça en 36 : quand on voit les scènes de 36 on se rend compte que ce ne sont pas seulement des manif économiques. Et puis, même partiellement, les gens le connaissent dès qu’ils occupent une usine un peu plus qu’une semaine. C’est une formule de Trotski ; il dit : «en période de mobilisation générale, les gens sont quotidien-nement méconnaissables» ; et c’est tout à fait vrai ! Du coup on découvre des tas de trucs : un type qui dans votre usine ne lisait jamais vos tracts depuis 10 ans, lorsque vous êtes mobilisés collectivement est souvent dix fois plus radical, dix fois plus sensible, dix fois plus militant que le vieux syndicaliste. Il faut rendre hommage à celui qui a

distribué les cartes pendant 10 ans, sorti ses tracts, essayé de monter sa section syndicale. Mais il est généralement complè-tement dépassé quand il y a une telle mobilisation. Pourquoi selon vous renvoie-t-on toujours, lorsqu’il est question de révolution, à l’URSS ? Parce que quand on nous demande un exemple, on n’en a pas d’achevé… Or ce qui s’est passé en Union Soviétique n’est pas simplement une déformation, c’est la négation de ce qu’on veut faire. Ce n’est pas parce qu’il y a eu planification qu’une partie du programme a été achevée. La bureaucratisation, la répression, l’absence de liberté, de débat, de liberté de presse, un parti communiste qui est le parti unique et qui ne se réunit pas pendant 10 à 15 ans, sans congrès, enfin, tout ça c’est la négation de tout ce pourquoi on se bat ! C’est absolument le contraire de ce qui pour nous est le socialisme tel que, de façon tout à fait embryonnaire, il était effectivement apparu à la Commune de Paris, avec ce côté de libération, de démocratie, d’internationalisme, de respect des cultures. Le problème de la révolution c’est que nous n’avons pas d’exemples à mettre en avant… Il y a tout à inventer. Mais on a des exemples embryonnaires de mobilisations, de démocraties permanentes pendants les grèves. Et comment on peut arriver à une mobilisation, à une tension, à un intérêt permanent… et que ça ne retombe pas, y compris après la prise du pouvoir… Ça, on n’a pas d’expérience. Pourquoi selon vous 68 a-t-il échoué ? Les manques, l’absence de programmes alternatifs, l’absence de mouvements capables de le porter. La plus grande faiblesse de 68 à mon avis, c’est l’absence d’auto-organisation, d’autogestion de la lutte si on veut parler vite. C’est une lutte qui a été contrôlée par la bureaucratie syndicale malgré l’existence formelle de comités ouvriers, qui étaient des comités bidon. Depuis il y a eu des progrès énormes en termes d’autoorganisation, de mise sur pied de coordination dans les grèves de 87-88 ou 95, mais en 68 il n’y a eu aucune auto organisation. Donc on a beaucoup appris… Mais je crois que c’est ça l’avantage des grandes faiblesses, c’est qu’on peut aujourd’hui corriger. C’est pas seulement être contre mais pour. C’est-à-dire, en plein capitalisme, être capable, même écouté par peu de gens, de montrer qu’une autre société est possible. ENTRETIEN RÉALISÉ PAR RÉGIS VLACHOS


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HISTOIRE ET PATRIMOINE

LA PENSÉE DE MIDI | E.TÉMIME

Hommage à l’historien Le 18 novembre dernier s’éteignait à Marseille Emile Témime. Historien de son état et dont la réputation n’avait guère franchi les frontières d’un public averti. Quel dommage !

Emile Temime © X-D.R

Les grands journaux nationaux ont pourtant rendu hommage à l’homme, au chercheur, et il y avait de quoi ! Débarqué à Marseille en 1964, il achevait une pérégrination depuis Bayonne, où il était né en 1926, en passant par Paris. Migrant, il l’était d’autant plus par ses origines qui le renvoyaient, par son père, de l’autre côté de la Méditerranée, en Kabylie. Sa thèse d’État sur les relations franco-espagnoles de 1848 à 1868, puis son livre sur la guerre d’Espagne, écrit avec Pierre Broué, en faisaient un spécialiste de la péninsule. Incontestablement, Emile Témime était un progressiste. L’inflexion de son champ de recherches le

porta sur l’immigration à une époque où des flux de réfugiés et de travailleurs grossissaient la population de la cité provençale. Véritable défricheur, il permit de sortir de l’idéologie pour regarder ces phénomènes avec plus de circonspection et d’humanité. Son intégration au paysage marseillais fut totale, illustrant à l’envi le chaudron que représente la ville portuaire, et ses ouvrages en témoignent : histoire des migrations, histoire de Marseille, histoire du Panier ou du camp du grand Arénas… Mais ces recherches sur la ville le portèrent également à diriger, avec l’historien Pierre Milza, la collection Français d’ailleurs, peuple d’ici (Editions Autrement) et à participer à la création en 2007, à Paris, de la Cité de l’histoire de l’immigration. C’est à cette vie très dense, trop difficile à retracer en quelques mots, que rendront hommage, après d’autres, la Pensée de Midi, dont il fut l’un des fondateurs. Quant à l’étudiant que je fus, il se rappelle combien sous sa tignasse rebelle bouillonnait un esprit sans cesse en mouvement. Homme sage il le fut, préférant le sérieux de l’étude aux ors de la célébrité. RENE DIAZ

Pour saluer Emile Temime Rencontres organisées par La pensée de Midi en partenariat avec l’INA méditerranée Le 13 juin de 15h à 19h ABD Gaston Defferre, Marseille 04 91 08 62 08 Parmi d’autres: voir le portrait très humain réalisé par rue89, www.rue89.com/marseille entendre l’histoire de Marseille sur Radio Grenouille, www.grenouille888.org

Bibliographie très sélective La Révolution et la guerre d’Espagne Emile Temime et Pierre Broué Ed de Minuit, 1961 Histoire de l’Espagne contemporaine Emile Temime, Albert Broder et Gérard Chastagneret Aubier, 1979 Migrance, histoire des migrations à Marseille Emile Temime, P. Echinard et Abdelmalek Sayad Edisud, 1989 Histoire de Marseille : de la Révolution à nos jours Ed Perrin, 1999 France terre d’immigration Gallimard, 1999 Un rêve méditerranéen Des saint-simoniens aux intellectuels des années trente Actes Sud, 2002 Histoire de Marseille Ed Jeanne Laffitte, 2007 Le camp du grand Arenas Emile Temime, Nathalie Deguigné Autrement, 2008 Marseille transit, les passagers de Belsunce Autrement, 2008

L’Iran et son double Une belle rencontre de plus aux ABD Gaston Defferre. Le 14 avril Thierry Fabre, rédacteur en chef de La Pensée de Midi, y réunissait autour de lui certains des artisans du nouveau numéro de la revue, consacré à ce pays fascinant et effrayant pour les Européens qu’est l’Iran d’aujourd’hui (voir l’article de R. Diaz dans Zibeline 18). Son but : démasquer les clichés et donner de l’Iran actuel une vision qui dépasse le miroir des apparences. Thierry Fabre l’avait écrit dans son éditorial, il l’a redit en introduction. Ce débat devait permettre de saisir la réalité iranienne par un autre biais que celui de l’actualité. Il s’agissait de donner à voir les Iraniens plutôt que l’Iran, à travers une série de portraits, pièces du complexe puzzle iranien. Une manière vivante et habile de déboulonner quelques idées reçues. On a suivi avec grand intérêt les interventions passionnantes et souvent drôles des quatre invités, tous fins connaisseurs de la société iranienne soit parce que, comme l’architecte urbaniste Mina Saïdi-

Sharouz et l’interprète Azita Hempartian, ils sont de ce pays, y vivent et y travaillent, soit parce que, comme l’anthropologue Christian Bromberger (coordonateur du dossier) et l’universitaire Agnès Devictor, ils y séjournent fréquemment, y ont des proches et en étudient certains aspects. Tous ont mis en évidence les paradoxes d’un pays que Bromberger qualifie d’«aryano-chiite occidentalisé» ; tous ont insisté sur les ambivalences d’une société religieuse qui conspue «le grand Satan» tout en lorgnant sur lui, impose des tenues strictes et une séparation drastique des sexes mais tolère la promiscuité trouble des taxis collectifs mixtes… De fait, dans ce pays subjugué par le fondamentalisme, où la guerre, plus que la révolution désormais, est un élément fondateur de l’État, l’espace public, la citoyenneté et la démocratie existent mais ne se trouvent pas là où on les attendrait. «Le vrai ne se voit pas» : ainsi Mina Saïdi a-t-elle expliqué comment les lieux de reproduction des valeurs religieuses, certaines cérémonies

commémoratives par exemple, sont pour les femmes des occasions de rencontres et de libre débat. Comme sous tous les régimes dictatoriaux, les gens semblent passés maîtres dans l’art de l’esquive. À Téhéran aujourd’hui, nombreuses sont les mèches qui s’échappent des voiles ! FRED ROBERT

L’Iran derrière le miroir n° 27 de La pensée de Midi Actes Sud, 17 euros


PONT DU GARD | EUROMÉDITÉRRANÉE

HISTOIRE ET PATRIMOINE

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Toujours là à 2000 ans

Pont et Gardon © S. Barbier

Comme chaque été le Pont du Gard s’apprête à recevoir amateurs de culture, de détente et de loisirs en tous genres, et propose une programmation riche et diversifiée. Et si, pour commencer, vous vous familiarisiez avec les lieux ? Les nombreuses visites offrent en effet la possibilité de découvrir le site sous différentes facettes : parcourir le Pont, la nuit, à la lampe de poche, permet de se pencher sur les marques des Compagnons du Devoir, peu visibles de jour, le long de 275 mètres de canalisation antique (les 11 et 25 juillet et 8 août) ; ou encore la visite guidée invite à traverser la canalisation au 3e niveau pour mieux comprendre son fonctionnement (les 13 et 27 juillet et 10 et 24 août) ; pourquoi pas la visite du Musée qui mêle remarquablement pièces originales, reproductions, images, sons et reconstitutions (les 1er et 22 juillet, les 5 et 19 août) ; ou plus originale, la visite théâtrale du Musée avec la cie Le Rouge et le Vert et sa guide Marcelinette (le 31 juillet, et les 7, 14 et 21 août). Paressez aussi aux Rendez-vous à la rivière sur les berges de la rive droite du Gardon (du 1er juillet au 15 août) avant les soirées musicales au Pont, en fin de semaine à l’heure de l’apéro (19h) avec les cuivres de Enchanté Madmoiselle (3 juillet et 14 août), les fanfares Wonderbrass (10 et 31

juillet) et Olé Maestro de la cie Les enjoliveurs (24 juillet et 7 août) et le jazz du Caroline Jazz Band (17 juillet et 21 août). Vous serez alors parfaitement en condition, à la nuit tombée, pour la toute nouvelle mise en lumière du Pont imaginée par l’équipe artistique du Groupement d’entreprise Texen, Sonoss et Thomas ingénieries et Sals. Technologies et poésie s’allient pour magnifier le monument et vous permettent de savourer l’habillage sous les étoiles… (du 15 juin au 31 août). Et enfin, renouant avec la tradition des bals du Pont du Gard, la 3e édition des Bals du Pont donne rendez-vous aux amateurs de balèti

le 15 août : l’orchestre de Chris Gonzalès et Raphaël Lemonnier ouvre les festivités, puis suivront les flonsflons, la salsa, et un dance-floor électro avec un dj surprise ! DO.M.

Site du Pont du Gard Vers-Pont-du-Gard 0 920 303 330 www.pontdugard.fr

Jeu de dés Soucieux de tenir les Marseillais au courant des transformations de Marseille, Euroméditerranée propose une exposition itinérante dans les parcs et jardins de la ville. Les faces de 6 cubes géants offriront plans, photos, explications sur les réalisations existantes et les projets de développement en cours de 6 quartiers en totale mutation : gare St Charles-Belle de Mai, RépubliqueJoliette, Porte d’Aix, J4-Major, Docks et Arenc. La première exposition a été inaugurée le 21 avril dans les jardins de Maison-Blanche, mairie de secteur. Guy Teissier a réaffirmé l’importance de ces aménagements dans le cadre de Marseille-capitale européenne, insistant sur sa

volonté de créer de nouveaux espaces de vie. On mesure la quantité de travail qui reste à accomplir, malgré les difficultés financières qui surgissent... CHRIS BOURGUE

Itinéraires/exposition dans les parcs et jardins du 21 avril au 29 juillet successivement : parc Maison-Blanche, parc Borély, parc du 26ème centenaire, parc Longchamp, parc François Billoux, cours d’Estienne d’Orves. www.marseille.fr


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HISTOIRE / SCIENCES

L’ÂGE D’OR DES SCIENCES ARABES

Les ABD ont choisi de nous entraîner dans un univers à la fois proche et lointain : L’âge d’or des Sciences Arabes. Le visiteur averti saura reconnaître bien des éléments fondamentaux de nos techniques et nos savoirs. Pour l’autre, plus profane, il s’agira de découvrir combien nous sommes redevables à une civilisation qui incarne trop facilement, aujourd’hui, l’obscurantisme.

Exposition didactique Un panneau d’entrée rappelle que la civilisation arabo-musulmane fut un monde éclairé et critique: «il est du devoir de celui qui étudie les ouvrages scientifiques, s’il aspire à connaître la vérité, de se faire l’adversaire de tout de qu’il étudie… mettant (le texte) en question sur tous les aspects imaginables. Il est aussi de son devoir de se mettre lui-même en question.» (ìbn al Haytham, Les doutes de Ptolémée). Partant de cette prémisse, les auteurs de l’exposition veulent mettre en en exergue les réalisations, les améliorations, les constructions scientifiques mais aussi les applications concrètes que le monde doit aux arabes. Il paraît, dès l’origine, que le musulman a aussi pour devoir de s’occuper de sciences. On rappellera, pour mémoire, que Mahomet était loin d’être un berger inculte sans savoir livresque ! L’exposition insiste aussi sur l’importance des savoirs empruntés : Grecs, Romains, Persans ou Indiens sont ainsi mis à contribution pour édifier la science arabe. Loin d’être de vils plagiaires, les arabo-musulmans firent fructifier l’héritage (la période VIIIe - Xe siècle est le moment de l’assimilation des savoirs) avant que d’en faire des développements souvent majeurs, comme en mathématiques. On notera combien toutes les parties de l’empire sont mises à contribution : Irak, Syrie, Egypte, Maroc, Ouzbékistan, Espagne… En fait, la domination impériale arabe a su intégrer et donner une place aux populations soumises.

Les objets La première partie de l’exposition, au rez-de-chaussée, se décompose en deux ensembles. Dans la galerie sont exposés de rares objets, souvent, malheureusement, très postérieurs à la période. On admire la maîtrise de la fabrication de la céramique avec ses pâtes, ses glaçages, ses vernis… Les découvertes scientifiques ont particulièrement aidé à la réalisation de ses objets grâce à la chimie (connaissance des minerais et réactions des substances entre elles) ou au savoir-faire en matière de cuisson. On trouvera aussi des représentions typiques de la décoration comme les formes géométriques infiniment répétées, sorte d’objets fractals, où l’importance de la nature et des lettres résultent d’un refus -pro-

gressif d’ailleurs- de la représentation anthropomorphique ou figurative des autorités religieuses. De belles écritoires feront rêver les plumitifs avec leurs qalams et leurs encriers. L’écriture, avec la présentation de corans ou de versets sculptés, rappellera l’importance de l’arabe comme facteur d’unification de l’empire. De nombreuses pièces illustrent un autre domaine d’excellence de la science arabe : la médecine. Aspersoirs, albarelles (sortes de jarres) chaudrons, fioles, flacons à parfums ou à onguents, mortiers et pilons, poids et balances montrent l’importance des recherches liées, là encore, à la chimie mais aussi à l’observation. De même, les procédures de chauffage parviennent à mettre au point la distillation qui permet, grâce aux nombreux produits de l’Empire, de fabriquer aussi bien des potions que des huiles essentielles. Cependant, il faudra se rendre à l’étage pour trouver les explications et l’appareil scientifique qui soustendent toutes ces créations. De nombreuses biographies parsèment, au fil des grandes rubriques, le portrait de savants dont à l’instar de l’antiquité occidentale, les savoirs s’étendent de la philosophie aux mathématiques comme du droit à la médecine.

Les sciences «exactes» Le hall central, deuxième ensemble du rez-dechaussée, leur est consacré. Importance des chiffres et de la numération, bien sûr, mais aussi de l’analyse, de l’algèbre et de la géométrie. L’astronomie, plus sérieuse mais moins populaire que l’astrologie -elle aussi présente- tient une place de choix. Le vieux système cosmique de Ptolémée, centré sur la terre, est remis en cause par les savants. L’astrolabe (dont de magnifiques exemplaires sont exposés tandis qu’une vidéo explique le fonctionnement) permet de se repérer dans le temps et l’espace. La religion a joué, ici, un rôle de stimulant puisqu’il s’agissait de déterminer, grâce à ce précieux guide stellaire, le mihrab de la mosquée, qui donne la direction de la Mecque (la Qibla) et les heures adéquates pour pouvoir prier. Des fragments de l’Almageste de Ptolémée rappellent la transmission de la science arabe aux chrétiens. L’exemplaire présenté est le résultat de

la volonté du roi Alphonse de Castille. Il fit venir auprès de lui astronomes arabes, juifs et chrétiens pour établir, grâces aux traductions, des tables de coordonnées de planètes.

Techniques La géométrie, mère des angles, fut mise à contribution pour dresser des cartes. On pourra d’ailleurs expérimenter, avec des lumières à l’intérieur d’une grosse boite, les systèmes de projections (gnomoniques, stéréographiques ou orthographiques) indispensables pour dresser des cartes ! On remarquera tout de même que les géographes musulmans, incomparables pour la connaissance de la Méditerranée et de ses alentours, n’avaient pas à leur disposition une mappemonde particulièrement fidèle de la réalité. Ce qui ne les empêcha pas de briller par leurs observations humaines ! À l’étage, l’ensemble est ordonné en grandes rubriques des sciences arabes : pharmacopée, médecine, chirurgie, anatomie, chimie, milieu naturel, géographie architecture, optique et mécanique. C’est l’occasion de voir les applications concrètes des trouvailles des savants comme, par Astrolabe planispherique, Inde, 1640-1641 _ laiton a decor grave et incise © Institut du monde arabe


73 Frise au nom du sultan Barquq, Egypte, vers 1930, bois sculpte © Institut du monde arabe

Ecrire les pratiques exemple, un ingénieux dispositif technique, illustré par une vidéo, expliquant comment pomper de l’eau pour alimenter des canalisations. L’hydraulique est d’ailleurs un apport essentiel du monde arabe aux différentes régions avec lesquelles ils sont en contact.

Explorer plus avant ? On regrettera cependant l’importance donnée au panneautage, laissant la portion congrue à la présentation d’objets ! Certes, le caractère très pédagogique est bienvenu dans le cadre d’une bibliothèque et d’un espace grand public. Cependant, on ne pourra oublier que l’exposition est labellisée Marseille 2013, capitale de la culture. Ne peut-on espérer des expositions moins didactiques et plus à même de susciter l’enthousiasme pour celui qui n’est pas désireux de passer l’après-midi plongé dans un dictionnaire ? Et, toujours dans le prolon-gement de cette grande fête à venir, ne peut-on pas espérer une production moins copier-coller qu’une production parisienne, pour éviter le «Marseille-Paris 2013» ? On regrettera aussi que les concepteurs n’aient pas exploré plus avant la relation entre la science et le codex religieux : si la religion a pu stimuler les découvertes, qu’en est-il de l’indépendance de la science face à la foi pour les savants musulmans ? D’autant que dans son repli sur ellemême, à partir du XVe siècle, la civilisation arabo-musulmane laisse l’initiative à l’occident auquel elle a transmis progrès et découvertes. Ainsi la renaissance européenne conduit à la révolution industrielle et à la marginalisation de l’espace et de la civilisation arabo-musulmane. RENÉ DIAZ

Entre mythe, religion et politique, les «sciences arabes» réécrivent leur histoire : cette magnifique exposition nous montre que la science naît de la faculté des humains d’écrire graphiquement leurs pratiques et ainsi de les partager, de les embellir Il ne peut pas y avoir de cloison dans une culture en développement. L’astronomie scientifique, à sa naissance, rencontre ainsi le rêve astrologique, et sert à la maîtrise politique de l’avenir. Ce que ces générations humaines réécrivent en actes de découverte, c’est une nouvelle codification de l’imaginaire du temps et de l’espace. La numération ordinale arabe intégrant le zéro, repris des indiens, repose sur l’ordre écrit. Elle inaugure l’abstraction numérique qui ouvre au développement des mathématiques abstraites. La calligraphie est la recherche permanente du code idéal, de la numération arithmétique jusqu’aux règles philosophiques du droit, en passant par le schéma géométrique. Ainsi ne s’étonne-t-on pas que les mots de chimie et d’alchimie soient nés de l’arabe «El Kimia» ou «Ælm el kimmiêt», c’est-à-dire la «science des quantités». Ce qu’aujourd’hui le chimiste appelle la stœchiométrie (la mesure des proportions des éléments d’une réaction) est étudié empiriquement dans les pratiques d’extraction d’essence pour la pharmacopée ou la parfumerie orientale. On pourra admirer les magnifiques têtes d’alambic en verre de silice et leur schématisation dans des «grimoires» enluminés d’une fine calligraphie. Car la science arabe est d’abord la science des proportions. L’univers islamique résulte de la culture de l’équilibre et de l’échange par des groupes savants qui se retrouvaient dans les grandes bibliothèques d’orient. La bibliothèque est alors à la science ce que la mosquée est à l’écrit coranique. Le scientifique arabe est tout à la fois mathématicien,

L’âge d’or des sciences arabes Jusqu’au 11 juillet ABD Gaston Defferre Du lundi au samedi de 10h à 18h Visites commentées Le samedi à 15h ou sur réservation (groupes, scolaires) 04 91 08 61 00 www.archives13.fr www.biblio13.fr

astronome, philosophe, théologien, physicien, chimiste et musicien. Le souci permanent de l’équilibre, de l’harmonie de l’esprit et du corps rassemble en une même arabesque les principes naissants de la trigonométrie et le tracé des rosaces au spirographe. C’est aussi la recherche de la mesure et des harmonies dans les proportions temporelles qui qualifie la musique arabe en discipline scientifique. La science arabe du IXe siècle de notre ère a su fédérer ce que le formatage culturel cherche aujourd’hui à toute force à séparer : l’art, la connaissance pratique, l’imaginaire mathématique, la poésie et l’amour en ce qu’il a de divin, de philosophique. Alors, si vous cherchez la réconciliation du savoir vôtre avec le savoir éternel ne manquez pas cette exposition. Un livre chez Actes Sud (1ère édition en 2005) qui porte le nom de l’exposition a été coédité par le CG13 : l’acheter est un investissement d’avenir sur notre passé commun. Car il n’est de civilisation qui ne soit héritière de telles merveilles d’intelligences et de passions. YVES BERCHADSKY

www.imarabe.org/temp/expo/sciences-arabes.html

Cycle de conférences dans le cadre de l’exposition L’Âge d’or des sciences arabes : - Les chemins des sciences arabes (8e – XVIe siècles), le 26 mai, par M. Ahmed Djebbar, Pr émérite d’histoire des mathématiques à l’Univ.Lille 1 ; - Les savants qui ont fait la science arabe (8e – XVe siècles), le 2 juin, par Mme Françoise Micheau, Professeure d’histoire médiévale à l’univ. Paris 1 ;

- La médecine arabe et sa postériorité européenne, le 11 juin, par Mme Danielle Jacquart, Directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes études (Paris). Entrée libre dans la limite des places disponibles. http://www.cg13.fr/cadre-devie/culture/les-expos-du-cg13.html


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SCIENCES ET TECHNIQUES

LA GRIPPE

Quand l’économique grippe le politique ou Fontaine, à choisir, je boirai du tonneau Un mal qui répand la terreur Mal que le porc, en sa fureur Inventa pour punir les crimes terre à terre La Grippe A (puisqu’il faut l’appeler de ce nom) Capable d’enrichir et La Roche et Boiron Faisait aux bons François la guerre. Personne ne mourait, mais tous étaient frappés. On n’en voyait plus d’occupés, À chercher le bonheur sous les pavés trop gris Ni flics ni télé n’épiaient Les manifestants endormis Les étudiantes se fuyaient Nulle manif n’excitait leur envie Plus de santé, partant plus de vie

© Tonkin Prod.

Sarcopte tint conseil, et dit «Mes chers amis, Je crois que le ciel a permis Pour nos profits cette infortune. Que les plus visés d’entre nous Se sacrifient aux traits du céleste courroux ; Peut-être ils obtiendront la guérison commune, L’histoire nous apprend qu’en de tels accidents On fait de pareils dévouements. Ne nous flattons donc point, et sans ostentation Avouons tous nos stock options. Pour moi satisfaisant mes appétits gloutons J’ai arrêté force productions. Même il m’est arrivé de mettre sur le pavé Des milliers de salariés. Je me dévouerai donc s’il le faut : mais je pense


75 Qu’il est bon que chacun s’accuse ainsi que moi : Car on doit souhaiter selon toute justice, Que les plus coupables périssent. Sarcopte, dit l’Affilié, vous êtes trop bon roi ; Vos scrupules font voir trop de délicatesse. Virer les salariés, canaille, sotte espèce, Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes seigneur, À les affamer trop d’honneur ; Quant aux immigrés, l’on peut dire Qu’ils étaient dignes de tous maux, Etant de ces gens là qui sur les gros travaux Se font un chimérique empire.» Ainsi dit l’Affilié ; et flatteurs d’applaudir. On n’osa trop approfondir Du Docteur Tamiflu, ni du H1N1 Les précédents inopportuns. Tous les spéculateurs, jusqu’au pire malin, Au dire du pouvoir étaient de petits saints. Chômeur vint à son tour et dit «J’ai souvenance Qu’expulsé de l’usine où j’ai bossé trente ans La faim, l’anxiété, la colère, et, je pense Quelque gauchiste aussi me poussant Je séquestrais deux nuits mes quatre dirigeants. Je n’en avais nul droit puisqu’il faut parler net.» À ces mots on cria haro sur l’ouvrier. Le Medef réuni jugea au tribunal Qu’il fallait dévouer ce maudit animal, Ce pelé, ce galeux d’où nous vient tout ce mal. Sa peccadille fut jugée un cas pendable. Défendre son travail ! Quel crime abominable ! La prison seule était capable D’expier son forfait : on le lui fit bien voir. Selon que vous serez puissant ou… YVES DE LA F…

Au programme Toutes grises d’un hiver rigoureux, vos petites cellules n’ont-elles pas envie de se réchauffer à la culture du Poirot… (poireau veux-je écrire). Allez donc, Zibelneuronaux, plonger vos axones et vos dendrites dans l’engrais naturel de culture ethnologique au Musée Salagon de Mane. Il émane de ses jardins ethnobotaniques et de son musée les agrestes fragrances des rapports entre l’histoire de la vie rurale des Alpes de HauteProvence et l’âpreté de son agriculture extensive. Musée départemental ethnologique de Haute Provence, MANE 04 92 75 70 50 http://musee-de-salagon.com/

Serait-ce trop insister que de vous inciter à vous insinuer dans les conférences qui s’insèrent dans le cadre de l’exposition L’âge d’or des sciences arabes (voir pages 72/73). Auditorium des Archives et Bibliothèque départementale http://www.cg13.fr/cadre-devie/culture/les-expos-du-cg13.html

Pour les Zibelfaninfos qui veulent absolument se numériser un peu plus le bulbe rachidien, ils peuvent toujours s’inscrire à la 1ère édition de Lift with Fing «marrainée» par Nathalie Kosciusko-Morizet, Secrétaire d’État chargée de la Prospective et du Développement de l’Economie Numé-

rique (je vous jure que je ne l’invente pas). Cette manifestation se tiendra à Marseille, Palais du Pharo du 18 au 20 juin. www.fing.org/?-Lift-with-Fing-

Enfin Zibeline se fait le relais de l’appel à candidatures lancé l’association Polly Maggoo pour la préparation de ses 4e Rencontres Internationales Sciences et Cinéma (RISC) que nous soutenons depuis les débuts. Tous genres de films (documentaires, fictions, films expérimentaux, art vidéo, animation…), dont le sujet est directement ou indirectement lié à des thématiques scientifiques (sciences fondamentales, sciences du vivant, environnement, sciences humaines et sociales…) sont éligibles. Il n’y a aucun critère de durée ni de format (vidéo ou pellicule). Les films doivent être en version originale, soit française si la production est francophone, soit sous-titrée en français si la production est non francophone. Les productions les plus récentes seront privilégiées (cependant, la date de réalisation n’est pas un critère exclusif). Cette manifestation est non compétitive. Date limite de réception des films : 1er juin 2009. Fiche d’inscription et règlement téléchargeables http://www.pollymaggoo.org/ doc_polly/risc-2009.html


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ÉDUCATION

ENSDM | FNCTA

Sous influence L’Art aujourd’hui Est-ce un signe ? les troupes de Théâtre amateur affirment de plus en plus leur goût pour les textes de notre temps

© Pascal Delsey

L’Ecole Nationale Supérieure de Danse de Marseille va se donner en spectacle au Pavillon noir, dans le cadre de La danse dans tous ses états proposée par le BNM (voir p. 26). Un programme que Jean-Christophe Paré, qui dirige l’ENSDM depuis deux ans a malicieusement intitulé Danses en dialogues. Entendre le chorégraphe pédagogue parler de l’enseignement de la danse, de sa vocation et de son histoire, est passionnant. Loin de transmettre l’idée que la danse classique est un idéal figé, il veut montrer qu’elle a toujours absorbé les influences diverses, celles de la danse moderne en particulier et que, travaillée de schèmes nouveaux, elle leur a trouvé des solutions corporelles inédites qui modifient sans cesse le vocabulaire classique, et sa transmission. Les élèves de l’ENSDM, ceux de la Classe d’Insertion Professionnelle plus spécifiquement, travailleront donc, à partir d’extraits du répertoire, sur des figures abstraites comme l’ellipse, la chute, l’étirement… Une façon de s’adapter à la réalité des danseurs

Mensuel gratuit paraissant le deuxième jeudi du mois Edité à 25 000 exemplaires Edité par Zibeline SARL 76 avenue de la Panouse | n°11 13009 Marseille Dépôt légal : janvier 2008 Directrice de publication Agnès Freschel Imprimé par Rotimpress 17181 Aiguaviva (Esp.) photo couverture © Agnès Mellon Conception maquette Max Minniti

professionnels qui, même dans les compagnies les plus classiques (il en reste peu), dansent régulièrement du contemporain, et sont confrontés à l’improvisation et à la création : s’ils doivent acquérir la technique, la rigueur et la virtuosité (néo)classiques, ils doivent aussi comprendre qu’elle n’est pas une fin en soi. Pour la dépasser, et savoir s’en affranchir… Danses en dialogues devrait en faire la démonstration, et se donne comme ambition de dépasser notablement les objectifs d’une fin d’année, pour être un véritable spectacle, fondé sur un programme cohérent, adapté aux 110 élèves de l’Ecole, et à chacun de leurs besoins pédagogiques spécifiques. A.F.

Danses en dialogues Ecole Nationale Supérieure de Danse de Marseille Les 23 et 24 mai Pavillon Noir, Aix 04 91 327 327 www.ballet-de-marseille.com www.ecole-danse-marseille.com

Anny Perrot, comédienne, assistante de Gildas Bourdet puis metteuse en scène, a l’habitude de travailler avec des professionnels, mais aime aussi les amateurs. Elle a proposé un montage thématique de textes lus et mis en espace, intitulé L’Art dans tous ses états. Successivement, le début de L’Inconvenant de Gildas Bourdet, un extrait qui ne permettait pas de prendre la mesure de ce texte, qui apparaissait là un peu verbeux ; ensuite Art de Yasmina Reza, qui mettait face à face trois excellents comédiens, visiblement prêts à monter toute la pièce, habités par les personnages et les situations. Enfin l’extrait de Musée haut, musée bas mettait en valeur tout le burlesque acide de la pièce de JeanMichel Ribes. Avec seulement trois répétitions les comédiens s’en sont plutôt bien sortis ! Trouver le juste équilibre entre lecture et jeu n’est pourtant pas évident. C’est une pièce de Coline Serreau, Salon d’été, qu’a choisi de monter le Théâtre de l’Éventail. Le texte en est facile, mais efficace, les situations conventionnelles : histoires d’amour qui se font et se défont autour des répétitions d’un quatuor vocal à trois époques différentes. Cependant le jeu des acteurs, la mise en scène d’Anne-

Rédactrice en chef Agnès Freschel agnes.freschel@wanadoo.fr 06 09 08 30 34

Musique et disques Jacques Freschel jacques.freschel@wanadoo.fr 06 20 42 40 57

Secrétaire de rédaction Dominique Marçon journal.zibeline@gmail.com 06 23 00 65 42

Frédéric Isoletta f_izo@yahoo.fr 06 03 99 40 07

Éducation Chris Bourgue chris.bourgue@wanadoo.fr 06 03 58 65 96 Arts Visuels Claude Lorin claudelorin@wanadoo.fr 06 25 54 42 22 Livres Fred Robert fred.robert.zibeline@free.fr 06 82 84 88 94

Sciences et techniques Yves Berchadsky berch@free.fr Histoire et patrimoine René Diaz renediaz@free.fr

X-Ray x-ray@neuf.fr 06 29 07 76 39

Polyvolantes Maryvonne Colombani mycolombani@yahoo.fr 06 62 10 15 75

Cinéma Annie Gava annie.gava@laposte.net 06 86 94 70 44

Marie Godfrin-Guidicelli m-g-g@wanadoo.fr 06 64 97 51 56

Philosophie Régis Vlachos regis.vlachos@free.fr

Marie-Jo Dhô dho.ramon@wanadoo.fr Maquettiste Philippe Perotti philippe.zibeline@gmail.com 06 19 62 03 61

Marie Vautrin ont séduit par leur qualité. Le travail vocal effectué pendant une année pour parvenir à chanter des airs d’un répertoire difficile s’est avéré efficace ! CHRIS BOURGUE

L’art dans tous ses états s’est joué à La Criée le 17 avril, et Salon d’été au Gymnase le 30 avril Le festival de théâtre amateur se poursuit du 26 mai au 6 juin FNCTA 04 91 61 15 37 www.espaceculture.net/ agendaculturel/théâtreamateur © X-D.R

Ont également participé à ce numéro : Pierre-Alain Hoyet, Delphine Michelangeli, Susan Bel, Sara Minard, Emmanuel Maureau, Marion Cordier, M.P.P Photographe : Agnès Mellon 095 095 61 70 Directrice commerciale Véronique Linais vlinais@yahoo.fr 06 63 70 64 18 LA REGIE Jean-Michel Florand 04 42 49 97 60 06 22 17 07 56


VITEZ | OUEST PROVENCE

ÉDUCATION

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Frissons de peur et de désir ont parcouru les spectateurs du Théâtre Vitez, face au spectacle proposé par les étudiants des Arts du Spectacle de l’Université de Provence. Frédéric Poinceau y proposait un montage à partir de trois textes de Joël Pommerat: Je Tremble 1 et 2, et Le petit chaperon rouge. Le metteur en scène invité a travaillé avec une équipe de 23 étudiants d’années différentes participant à la dramaturgie, la scénographie, les costumes, la régie, la musique, l’assistanat, la médiation culturelle. Le spectacle commence par la rencontre du Chaperon rouge et du loup (Noémie Dorchies et Élie Chapus impressionnants de naïveté ou de roublardise) que l’assistance reconnaît, sans qu’ils soient nommés, à leur dialogue à double-sens jubilatoire. On les retrouve plus tard pour un dénouement troublant dans la cabane de «Mémé» au milieu de la forêt... Changement radical d’atmosphère : un plateau de Music-Hall et deux animateurs de

charme (Nina Gazaniol et Sylvère Santin, excellents) qui ponctuent le spectacle avec humour et chansons glamour et sexy, proposant des rencontres de personnages issus tout aussi bien des contes de notre enfance que de la dure réalité du monde ouvrier. On nous promet d’assister à une mort en direct, celle du présentateur ! Le ton est donné... Des rideaux en fond de plateau se soulèvent, jouent sur les transparences, laissant entrevoir des scènes de séduction ou de violence, entre le roman-photos et le récit fantastique. Solitude, suicide, meurtres et abandons se succèdent sur fond de musiques qui vont d’une romance d’Elvis Presley à un succès des Queens: peu d’espérance dans ces situations mais de la frénésie, un humour décapant et de l’appétit ! Non, la vie n’est pas rose, le monde plutôt noir, l’avenir incertain, mais l’enthousiasme de la création emporte ces jeunes comédiens ! CHRIS BOURGUE

Je Tremble, mes Frédéric Poinceau, a été joué au Théâtre Vitez les 6 et 7 mai Noémie Dorchies et Élie Chapus © Amath Magnan-Diouf

À venir au théâtre Vitez Un autre travail universitaire, dans cette fac fermée dont personne ne parle, mais qui travaille à son avenir… L’Usage de la Parole, d’après Nathalie Sarraute, sera joué par les étudiants mis en espace par Sylvie Boutley les 19 et 20 mai. 04 42 59 94 37 http://theatre-vitez.com

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Nina Gazaniol et Sylvère Santin © Amath Magnan-Diouf

Entre rêves éveillés et reality-show

Logorrhées dansées Pour leur deuxième rendez-vous sur la scène de l’Olivier, les jeunes danseurs de la 8e promotion de la formation Coline se confrontaient à l’univers du chorégraphe marseillais Georges Appaix. Dodeca… ou presque fut un spectacle étonnant tant il semblait évident pour les 11 danseurs de suivre les pas du chorégraphe. Tanguant sur la bande son d’Olivier Renouf, les interprètes se croisent, se regroupent, corps cassés qui chutent brutalement et se relèvent, recommencent… Petit à petit un groupe se forme, deux puis trois d’entre eux se mettent à dire un texte, dans un bel ensemble, à le danser, à le tripatouiller, en donner plusieurs versions, bientôt relayés par d’autres… C’est irrésistible, joué par certains si naturellement que la comédie prend le relais, le corps et la voix ne font qu’un ; un exercice de style qui échappe à la technique pure et recrée, entre notes, mots et gestes, un langage unique, ironique, libérateur. Comme naturel. Puis la musique reprend le dessus et chacun vient affirmer son pas, sa cadence, avant que ne reprennent ces drôles de logorrhées dansées… Après cela, entouré de ses musiciens Georges Appaix entame son Récital, des chansons dont il a signé les paroles et la musique (exceptées deux reprises de Nougaro et Gainsbourg) et qu’il «danse» par moments, sans vraiment convaincre l’auditoire… DO.M.

Les danseurs de la formation Coline ont dansé le 5 mai au Théâtre de l’Olivier à Istres

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ÉDUCATION

LA CHANSON AU BAC | PRINTEMPS DES LYCÉENS

Bac à chansons Désormais la chanson est au programme de l’option musique du BAC et de l’Histoire des Arts Cette année sept chansons : trois de Léo Ferré, une de Camille et l’étude de la technique du bourdon du procédé du timbre, qui consiste à mettre de nouvelles paroles sur un air connu. Le lycéen découvre que la chanson était aux siècles précédents déjà un média de masse, véhiculant idées nouvelles, satires, convictions politiques, revendications sociales. Il s’initie également aux rapprochements entre histoire, poésie et société : mots, voix, musique se fondent dans un cocktail émouvant ou joyeux, et témoignent aussi d’une époque et d’une esthétique. La naissance de la chanson se perd dans la nuit des temps mais à travers les âges elle résume toujours ce qu’est la poésie pour un peuple. Pourtant son enseignement ne va pas sans soulever des polémiques au sein de l’Éducation Nationale : certains regrettent que la place prise par la chanson empiète, pour les options musique en particulier, sur un enseignement des «classiques». Cette année par exemple les sujets du bac des jeunes musiciens sont Mozart, Bernard Hermann (musique de film) et ces chansons. Est-ce un bon équilibre ? On peut aimer le polar et la BD mais ne pas désirer qu’ils remplacent Flaubert ou Picasso dans le

programme du bac : les envisager en cours de scolarité est une chose, les concevoir comme un sujet d’examen en est une autre. Car la chanson est un art transversal, et devrait sans doute apparaître à ce titre dans les programmes, en Histoire des Arts bien sûr, et en français, en musique, en histoire: au passage.

Programme à l’œuvre D’ailleurs Serge Hureau, directeur artistique du Hall de la Chanson, parle d’«alchimie particulière» à propos de la chanson. Depuis 1990 il anime ce Centre National du Patrimoine de la Chanson, des Variétés et des Musiques Actuelles, implanté à Paris et à Marseille. Cette association, et ses partenaires, le CNDP (Centre National de Documentation Pédagogique), des responsables des enseignements artistiques et de l’Inspection de l’Éducation Nationale ont conçu un ouvrage et un dossier en ligne présentant les 7 chansons du programme, enrichies d’informations musicales et littéraires. Pour la première fois en octobre 2008, une Université d’automne s’est tenue à Marseille, la ville de Vincent Scotto, réunissant des acteurs des Ministères de l’Éducation et de la Culture, du

© Bernard Brémond

CRDP, de l’Académie d’Aix-Marseille, la Cité de la Musique, avec le soutien de la ville et du Conseil Général : cinq jours de conférences chantées et plénières, histoire de la chanson du Moyen-Âge à nos jours, ateliers... Une conférence-concert a été spécialment créée à cette occasion ! Le vaudeville du Bac est le titre de ce «drôle de concert» présenté à des lycéens de plusieurs établissements de la région à la Cité de la Musique le 16 avril. Olivier Hussenet, chanteur et comédien, et Olivier Yvrard, au piano, endossent le rôle de deux lycéens qui préparent le programme chanson du Bac. Le spectacle conçu par Serge Hureau mélange judicieusement et avec humour l’histoire de plusieurs

chansons, de leur fonction sociale. L’ensemble est convaincant et les réactions du jeune public ne laissent pas de doute sur son efficacité. CHRIS BOURGUE

www.lehall.com 7 chansons (éditions du SÉRÉNCNDP ; 12,90 euros) www.chansons-baccalaureat.fr en projet un séminaire à la rentrée sur la chanson politique en collaboration avec l’Italie Les francofolies et le CNDP éditent un livret et un CD pour Les enfants de la zique (www.francofolies.fr)

Ronde printanière des lycéens Le Printemps des Lycéens et des Apprentis de la Région PACA verra sa 17e édition en mai à Fréjus. Le but : mettre en valeur les forces créatrices des adolescents et leur permettre de se rencontrer. Cette manifestation a vu le jour en 1992. Dès 1998, la participation des apprentis a été sollicitée, puis, en 2000, sous l’impulsion de Michel Vauzelle, celle des pays du pourtour méditerranéen afin d’œuvrer pour la paix en favorisant les rapprochements entre les adolescents de ces pays. En 2006, c’est aux autres Régions de France que la manifestation s’est ouverte. Ainsi le cercle s’est agrandi : 3000 lycéens et apprentis, 450 enseignants, 150 établissements publics et privés, 15 Centres d’Apprentissage, 3 régions, 18 pays comme l’Arménie, Chypre, le Liban, Israël, l’Égypte... dont les délégations viennent d’ établissements sélectionnés généralement dans les lycées des capitales par les attachés culturels des ambassades.

Une manifestation créatrice et citoyenne Chaque établissement peut proposer plusieurs projets pour des groupes de 6 à 10 élèves, chacun sous la responsabilité d’un enseignant. Dès janvier des responsables du Rectorat et de la Région sélectionnent les équipes à partir d’ébauches qui leur sont soumises. La première journée commence par un grand défilé de tous les groupes avec leur étendard ; puis les épreuves se déroulent durant 2 jours, par la présentation du travail de l’année en théâtre, arts de la rue, danse, musique, mode, vidéo, et des défis Sports de printemps. Mais aussi performances en direct en Arts Plastiques avec matériel fourni, identique pour tous. Radios et journaux ont aussi leur place : les lycéens exposent la maquette de leur projet et réalisent les reportages du Printemps avec interviews, photos sur 4 pages restituant la mémoire des instants forts avec projection sur un écran géant et impression ; pour la radio 10 minutes d’antenne après 50 mn de montage avec du matériel pro. Enfin, depuis 2004, Catherine Lecoq, conseillère

régionale, a encouragé l’introduction d’une culture de Paix dans les sujets proposés, notamment avec les projets citoyens à but humanitaire, civique ou environnemental. Les groupes sont totalement pris en charge par la Région (transport, hébergement, restauration) et du matériel de professionnels est mis à leur disposition. Deux jours d’effervescence à l’issue desquels 3 prix sont attribués pour chaque atelier. Chacun peut repartir des projets plein la tête et de nouveaux amis plein le cœur ! CHRIS BOURGUE

Le Printemps des lycéens et apprentis 2009 a lieu à Fréjus les 14 et 15 mai




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