Zibeline n°24

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du 19/11/09 au 17/12/09 | un gratuit qui se lit

Thierry Fabre : les rencontres d’Averroès

r e i cah

le b a ch a t é d se s e n u e j



Politique culturelle Les théâtres de Marseille

4à6

Événement Les Rencontres d’Averroès, L’Aïd dans la cité Rencontre avec Renaud-Marie Leblanc, Biennale de la mémoire populaire

8 à 11 11 12,13 13

Théâtre Entretien avec Catherine Marnas, Théâtre Nono Au programme La Cité, les Bancs publics, la Minoterie Le Gymnase, le Marie-Jeanne, le Lenche, le Daki-Ling Le Gyptis, le Toursky, Beaucaire, Cavaillon, Martigues Nîmes, Ouest Provence, Port-de-Bouc, Avignon

14 15 à 18 19 20 22 23, 24

Cirque/Arts de la rue Le Merlan Ouest Provence, le Merlan, Sirènes et midi net, Martigues

25 26

Danse Au programme Avignon, Dansem, le Pavillon Noir

27 à 29 30

Musique Concerts Au programme Disques

32 à 38 39 à 41 44

Arts visuels Colloques Au programme Galerie du CG 13, Fontaine Obscure, Espace Ecureuil, Villa Noailles Entretien avec Dominique Angel, Nîmes, Allauch Galerie de Visu, Regards de Provence, galerie Territoires Partagés

45 46, 47 48, 49 50,51 52

Cinéma Montpellier, Cinehorizontès, Rencontres à l’échelle Instants vidéos, Image de ville, Paul Carpita, Rachel Gardanne, Apt, Digne, Portrait de Bania Medjbar Sevrapek City, AFLAM, Festival Tous Courts Cinambul, Au programme

53 54, 55 56,57 58 59

Livres Rencontres littéraires, salon Ecrimed Écritures Croisées, Théâtre du Petit Matin, CRDP CIPM, Au programme, l’Europe des intellectuels Livres : littérature, arts

60, 61 62,63 64, 65 66 à 69

Philosophie Entretien avec Spyros Théodorou

70, 71

Histoire La fabrique scolaire de l’histoire, Bruno Etienne

72, 73

Sciences L’astronomie

Page des adhérents

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ZIBELINE JEUNESSE Événement La convention des droits de l’enfant Éducation

III

Laterna Magica, Des dessins pour la paix Orchestre régional de Cannes, Ballet d’Europe Sciences Fête de la science Rencontre Patrice Laisney

IV V VI VII

Spectacles Château-Arnoux, Sainte-Maxime, Mômaix Le Revest, Mômaix, le Gymnase, Le Massalia Au programme

VIII IX, X XI à XV

Regards CRDP, Entre tradition et modernité, Alcazar

XVI

Livres Livres, Collection Tothème, Lire Ensemble, Toulon

XVII, XVIII

Réserve et négoce Pourtant ils l’avaient dit, non ? aimez-la ou quittez-la ! Marie N’Diaye l’a quittée, mais sans savoir qu’elle devait se taire, et obéir à cette censure qu’on appelle désormais devoir de réserve. Quel devoir a-t-on envers un Gouvernement quand on reçoit le prix Goncourt, décerné par un jury tout à fait privé ? Quand on est secrétaire d’État, sans doute, il faut mesyrer ses propos. Aimez-le ou quittez-le, avait repris Nadine Morano à propos d’une autre femme noire, du Gouvernement. Un fonctionnaire territorial, un militaire, un policier, un enseignant a effectivement un devoir de réserve. Vraiment ? L’affaire Marie N’Diaye nous fait avaler des couleuvres. Admettre ce qui ne devrait jamais passer. Un enseignant, un secrétaire d’État, un académicien, un sénateur n’a pas à s’imposer de réserve, il a comme tout citoyen un devoir de résistance à ce qui lui semble injuste, faux, dangereux. Les fonctionnaires de Vichy devaient-ils se taire sur les lois raciales ? Ceux d’Afrique du Sud obéir à l’apartheid ? La France de Sarkozy est loin de ce type de régime. Il n’en demeure pas moins que ce bâillon appliqué aux fonctionnaires d’État (et non de l’UMP) peut mener à de graves aberrations. Ainsi le Gouvernement reproche-t-il à la presse de se prendre pour l’opposition. Les journalistes auront-ils bientôt un devoir de réserve ? Non, cela ne passerait pas… Mais ceux qui travaillent dans les chaînes et les radios publiques ? Avancer l’énorme pour faire accepter l’insidieux : cette technique de pseudo-négociation est d’une grande efficacité. On veut faire des économies sur l’Éducation ? On annonce une réforme drastique des lycées, puis on la retire tout en supprimant des postes, des heures et des options. On veut soumettre le monde de la culture ? On annonce une diminution sans précédent des subsides, et on obtient le soulagement de tous les artistes qui, les yeux humides de reconnaissance, parviennent à obtenir le rétablissement d’un budget constant. Les intellectuels, les enseignants, les journalistes et les artistes ont en commun ceci : le seul devoir qui les conduit est de lucidité et de transmission. Sans réserve. AGNÈS FRESCHEL


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POLITIQUE CULTURELLE

LES THÉÂTRES DE MARSEILLE

Les théâtres marseillais souffrent, se plaignent, nous alarment : de financements, ils ont de plus en plus de mal à assurer les

Sonner l’alarme

Nous avons hésité avant de publier ces tableaux : la lecture de chiffres, dans l’objectivité qu’elle semble induire, est en fait d’une grande traîtrise. Ces chiffres ne sont significatifs que si on les ramène à des réalités plus globales : ce qu’une société est capable de mettre dans le football, par exemple, et qui n’a aucune commune mesure avec ce qu’elle met dans la culture… Et puis, à l’intérieur même des budgets alloués à la culture, quelques réalités sont importantes à rappeler.

Les subventions dans leur contexte La Ville de Marseille aurait certainement plus d’argent à donner à ses théâtres, si elle n’était obligée de prendre en charge totalement, par exemple, son Opéra municipal (18 millions d’euros). Toutes les autres grandes villes (Paris bien sûr, mais aussi Lyon, Strasbourg, Bordeaux, Montpellier, Toulouse, Nancy, Rouen, Metz, Lille…) ont des opéras financés au moins en partie par l’État et aidés par les Départements et les Régions. Au niveau des équipements la Ville a accumulé tant de retards depuis trente ans qu’elle manque cruellement de plateaux capables d’accueillir de grandes productions : il faut bien

entendu qu’elle investisse dans la construction, la réhabilitation et la mise aux normes de ses bâtiments culturels qui tombent tous en ruine. Cela coûte extrêmement cher, et la ville est pauvre… Le Département l’est aussi : le Conseil Général 13 consacre une part énorme de son budget à assurer les minima sociaux. Quant à la Région, une part importante de son budget culture est alloué à l’emploi culturel (pour les mêmes raisons économiques) et aux festivals qui animent la vie (économique et culturelle) saisonnière : cela fait le charme estival de la région et la bonne santé économique des industries touristiques locales, mais appauvrit aussi les structures pérennes, et l’offre culturelle pour les habitants.

Le rôle de l’État Il faut savoir que sur 100 euros de dépenses publiques en faveur du spectacle vivant, l’État verse en moyenne, nationalement, hors Paris, un peu moins d’un tiers (32%) et les collectivités territoriales un peu plus des deux tiers (68%). Cet équilibre est à peu près respecté à Marseille. Or dans un contexte économique régional particulier, ce tiers s’avère insuffisant. Si la France veut que Marseille soit une

Capitale culturelle, il faudrait évidemment faire pour ce territoire un effort particulier. L’État, globalement, investit beaucoup plus à Paris qu’en «Province». Si notre région n’est pas plus lésée que d’autres, il reste anormal que tous les théâtres nationaux (hors Strasbourg) soient à Paris, et que Paris et l’Île de France reçoivent près de 65% des dépenses de l’État en ce qui concerne le spectacle vivant.

Théâtres vertueux Nous voulons donc rappeler en publiant ces chiffres la grande vertu des théâtres marseillais : chacun apporte à cette ville qui se veut Capitale une immense richesse. Le Merlan fait venir des spectacles qu’on ne voyait pas à Marseille avant, et qu’il coproduit largement, le Gyptis n’accueille que des créations qu’il aide à produire, le Toursky draine un public énorme, et tous ont le souci soit d’accompagner les artistes de la région, soit de faire venir le public vers des formes nouvelles tout en éduquant le goût et/ou en démocratisant le répertoire. De plus tous pratiquent des politiques tarifaires basses et militent pour un accès des jeunes et des populations défavorisées à la culture

Les cinq théâtres Cinq théâtres à Marseille reçoivent plus d’un million d’euros de subvention. Trois sont situés dans les quartiers Nord, deux en centre-ville. Ils réunissent à eux seuls plus de 200000 spectateurs sur les 280000 spectateurs environ qui fréquentent les théâtres marseillais au cours d’une année. Nous reviendrons dans la suite de notre enquête sur les lieux plus petits ou moins généralistes, ainsi que sur les autres théâtres de la région.

Les subventions prises en compte sont votées pour l’année civile 2009. Pour l’heure l’État a «gelé» 50000 euros sur la subvention allouée à la Criée, qu’il n’a pas restitués.

Attention : ces chiffres ne représentent pas la dépense globale des collectivités pour les théâtres marseillais. La ville regorge de théâtres plus petits ou moins généralistes et de compagnies dramatiques subventionnés par les collectivités.


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acculés par des baisses conséquentes et/ou successives missions qui sont les leurs, et ont peur de l’avenir. -il n’est qu’à regarder le prix des places dans les théâtres parisiens, ou à l’OM, ou au Dôme, pour s’en persuader. Bref, même s’ils n’ont pas le même cahier des charges chacun va au-delà de ses missions imposées : les théâtres marseillais programment beaucoup d’auteurs contemporains, beaucoup de créations, et plutôt plus de femmes qu’ailleurs. Le public populaire y est particulièrement soigné, les scolaires également, et les grosses productions «vues à la télé» sont bannies de toutes ces salles. Le nombre de propositions différentes et de toutes tailles est impressionnant, les places de théâtre vendues à Marseille éloquent (plus de 280000 places tout théâtre confondu), les petites salles font preuve d’un dynamisme fou, les grandes se penchent vers les créateurs à qui elles ont permis d’émerger...

Silence, concurrence, vieillissement Pourquoi le malaise et la sensation de délitement sont-ils donc aussi palpables ? Qu’est ce qui, au-delà de la crise économique générale, affecte à ce point la vie théâtrale ? Faut-il qu’un homme, Richard Martin, entre en grève de la faim ? Qu’un autre, Jean-Louis

Benoit, soit désemparé au point de parler d’agonie de son théâtre ? Qu’ensemble enfin les directeurs de théâtre écrivent une lettre commune pour dire leurs difficultés économiques ? Le système de subventionnement place constitutivement les directeurs de structures culturelles en situation de dépendance, et donc d’allégeance, vis-àvis des collectivités qui affectent l’argent public. Celles-ci peuvent augmenter ou diminuer, bloquer voire retirer les subventions avec une grande facilité, et une opacité certaine : les chiffres sont publics, mais mal surveillés dans un secteur difficile à appréhender dans sa complexité. Ce même système de subventionnement place les théâtres dans une situation de grave concurrence entre eux : ils connaissent la réalité des enveloppes affectées à leur domaine, et savent que l’augmentation de l’un, dans ce contexte rigide, équivaudra à une diminution de leur part. Le gel des subventions favorise aussi, du moins dans les établissements où les directeurs ne sont pas nommés, un net vieillissement des équipes, et une méfiance envers ceux qui arrivent du dehors : affecter des lignes budgétaires à de nouveaux venus ne pourrait se faire

qu’à leur détriment. Tous ces écueils rendent les directeurs méfiants quant à la prise de parole publique sur des sujets économiques. Zibeline tient donc à les remercier particulièrement, tous, d’avoir pris ce risque réel de parler de leurs difficultés économiques : les punitions directes (retrait de subventions) existent dans un secteur qui dépend si directement de la puissance publique. Aujourd’hui, à force de recul, une volonté d’agir ensemble pour construire l’avenir culturel de Marseille sur des bases solides semble à l’œuvre. Marseille 2013 fera un flop si elle n’est pas entendue : il y a urgence à augmenter de façon conséquente, et intelligemment, et en toute connaissance du terrain, et toutes collectivités confondues, et sans népotisme d’amitié ou de clan, les budgets alloués à la culture. AGNES FRESCHEL

Les directeurs parlent Le Toursky

*Le nombre de spectateurs et de productions sont ceux de la saison 2008/ 2009, sauf pour la Criée pour laquelle nous avons retenu les chiffres de la saison 2007/2008, la dernière saison, hors les murs, étant peu significative. Attention : Les chiffres des productions, coproductions, créations et coréalisations recouvrent des réalités diverses : produire La Nuit des rois à la Criée n’a forcément pas le même coût que produire Les Caprices de Marianne au Gyptis, et encore moins La Révolte des Fous au Toursky -ce qui ne préjuge pas de la qualité de l’un ou de l’autre. De même coproduire une petite partie d’un spectacle qui tourne partout n’a pas le même sens comptable qu’en être le producteur principal. Les autres modes d’accueil des spectacles programmés sont la coréalisation (participation à certains frais), l’achat d’un spectacle qui tourne déjà ou, rarement, l’accueil à la recette (pourcentage). Ces formules sont nettement moins coûteuses pour les théâtres, voire rentables lorsque les spectacles sont peu chers et «remplissent» bien.

Zibeline : Avez-vous subi, ces dernières années, des baisses de subvention ? Richard Martin : L’État a peu à peu retiré toutes ses billes. 60000 euros en tout, un peu moins chaque année, puis 15000 euros, puis plus rien. On vous a reproché d’employer un moyen disproportionné, et de partir à la lutte tout seul. Comment répondez-vous ? Croyez vous vraiment que je fasse une grève de la faim pour 15000 euros ? C’est pour le théâtre en général que je me bats, pour la place du théâtre dans notre vie. Y a-t-il un autre moyen ? Cela fait 40 ans que je me bats pour la culture, que je remplis mon théâtre au-delà de tout ce qu’on avait prédit, mais pour certaines personnes je suis «une épine dans le pied» ! C’est malveillant ! Que répondez-vous à ceux qui vous reprochent votre programmation ? On me taxe d’éclectisme… je suis un saltimbanque, mes mises en scène touchent à tout, je reçois les expressions artistiques les plus diverses. Mais j’ai aussi reçu ici Heiner Müller, Claude Régy, Tadeus Kantor, Roberto de Simone, la première chorégraphie de Bagouet, Martha Graham. Et oui, aussi Léo Ferré et Moustaki, ce qu’on me reproche. Mais je n’ai pas envie de céder à ces petits barons bonapartistes qui confisquent la culture et devant lesquels il faut ramper ou crever pour avoir une audience. Je vois toutes mes rêveries en grand. Ai-je tort ? Je veux que tout soit possible pour tout le monde. Je donne l’alarme, et c’est glorieux ! Et à ceux qui vous reprochent de ne pas faire de créations, de ne pas accueillir les bonnes compagnies ? Je crie mensonge ! J’ai toujours fait des créations en mon théâtre. Quant aux bonnes compagnies, qui en décide ? Me reproche-t-on d’accueillir Quartiers Nord ? Ils sont en ligne directe avec le théâtre populaire. Je crois vraiment qu’on ne comprend rien à l’art quand on prend la température chez Albanel. Écrivez-le en titre, en gros : LES SALTIMBANQUES N’ONT PAS À CULTIVER L’ALLÉGEANCE ENVERS CEUX QUI LES MÉPRISENT!


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POLITIQUE CULTURELLE

Le Gymnase

Zibeline : Avez-vous subi, ces dernières années, des baisses de subvention ? Dominique Bluzet : Avant de répondre à cela je tenais à dire qu’il ne faut surtout pas stigmatiser telle ou telle collectivité. Le moment n’est pas à cela, il faut absolument qu’elles fassent toutes un effort afin que nous sortions de cette régression. Ce n’est pas en les irritant qu’on parviendra à les mettre autour d’une table avec nous tous, pour prendre le problème au corps. Quant au Gymnase… l’État nous a retiré 55000 euros en deux ans, et maintenant c’est au tour de la Ville, qui nous enlève 30000 euros. Quant à la région, sa subvention n’a pas augmenté depuis 19 ans. Ce n’est pas une baisse mais une asphyxie, une mort lente… Que faut-il faire selon vous ? La seule réponse à apporter est une réponse globale, en vue de 2013, en vue de notre survie. Globalement, on a retiré à tous les théâtres. Il y a d’énormes problèmes à la Criée, nous nous en sentons très solidaires. La paupérisation globale des structures apparaît au grand jour… Que pensez-vous de l’attitude de la révolte de Richard Martin ? Ce ne doit pas être le paravent du problème général. Le Toursky marche très bien, il réunit un public incroyable, 24% des abonnés du Gymnase le sont aussi au Toursky, il fait un travail formidable dans un quartier difficile... Mais je pense vraiment qu’il ne faut pas stigmatiser l’État ou concentrer le problème sur un théâtre. Quels sont selon vous les critères qui doivent décider de l’attribution de subventions ? La question est de savoir ce qu’est un théâtre public. Un théâtre qui a à sa tête un directeur pendant 30 ou 40 ans sans que les collectivités qui le subventionnent soient décisionnaires dans son conseil d’administration, et sans que personne ne puisse vérifier si la dépense artistique est également répartie, s’il achète les représentations, s’il y a un vrai équilibre de gestion, n’est pas vraiment un théâtre public. Y a-t-il d’autres critères ? Le nombre de spectateurs ? La qualité des spectacles ? Le nombre de spectateurs bien sûr. Le contribuable doit avoir accès à la culture. Quant à la qualité de spectacles c’est si subjectif ! Les dés sont pipés à l’avance ; qui décide de ce qui est acceptable ? La notoriété ne doit pas être un indice de rejet, et le Toursky par exemple fait très bien d’inviter Michel Bouquet…

LES THÉÂTRES DE MARSEILLE

La Criée Zibeline : Avez-vous subi, ces dernières années, des baisses de subvention ? Jean-Louis Benoit : L’an dernier l’État a gelé, c’est-à-dire fait disparaître, 50 000 euros sur les subventions qu’il nous avait allouées. Et depuis des années les subventions ne sont pas indexées sur les prix : elles stagnent, c’est-à-dire qu’elles baissent. La Ville, elle, a augmenté ses subventions il y a trois ans. Mais les problèmes aujourd’hui à la Criée sont liés au bâtiment, pas au fonctionnement : il faut investir dans les murs, qui appartiennent à la Ville. Pouvez-vous expliquer la spécificité de votre statut et de vos missions ? Nous sommes un centre dramatique national, c’est-à-dire que nous avons, contrairement aux autres théâtres de Marseille, une mission de service public. Le Merlan aussi, qui est une scène nationale. Ces missions vont vers la création et la diffusion d’œuvres du répertoire, ainsi que d’auteurs contemporains francophones. Nous devons également aider la création des compagnies dramatiques régionales non seulement en les accueillant, mais aussi en les produisant et en les diffusant. Depuis mon arrivée il y a eu deux voire trois créations par saison. Quel est votre statut personnel ? À la tête des centres dramatiques nationaux ce sont des metteurs en scène qui sont désignés. Pour trois ans. Ils sont reconductibles mais révocables, et doivent rendre compte de leur activité. Contrairement aux scènes nationales, je dois aussi faire une création personnelle par an, la produire complètement ou presque, et la faire tourner. Et également accueillir les productions des autres centres dramatiques nationaux. Est-ce pour cela que vous avez plus d’argent que les autres ? Bien entendu. Les missions sont différentes, et plus onéreuses. Et vous programmez également dans deux salles. Oui. En temps normal ! Quels sont selon vous les critères qui doivent décider de l’attribution de subventions ? La qualité artistique doit primer, même si le nombre de spectateurs, et surtout la qualité de relation avec le public, a son importance. Comment cette qualité pourrait-elle être jugée ? Par quels critères objectifs ? C’est bien le problème ! Mais à force de dire qu’il n’y en a pas on peut aboutir à faire n’importe quoi. Les décisions devraient être prises par un collège de gens éclairés sans doute, d’artistes et de gens du métier. L’appréciation comptable pratiquée aujourd’hui par les collectivités n’est pas pertinente, les politiques ne vont pas au théâtre, et on manque terriblement d’interlocuteurs éclairés. C’est cela avant tout qui nous mine, même si nous savons que nos valeurs sont porteuses, et que nous avons ici un public touchant de fidélité…

Le Merlan Zibeline : Avez-vous subi, ces dernières années, des baisses de subvention ? Nathalie Marteau : Elles stagnent depuis deux ans, et nous avons subi une baisse importante du budget artistique prévu à la réouverture du théâtre, après notre période de vagabondage. Quels sont selon vous les critères qui doivent décider de l’attribution de subventions ? Elles doivent être attribuées par rapport aux missions confiées : il faut réactualiser la mission de service public, la légitimité du subventionnement est fondée là-dessus. Mais la nature du contrat entre l’État et les théâtres est devenue très floue. Quelle place doit-on accorder à la création ? Personne ne le sait, ou ne l’envisage de la même façon, chacun défend sa peau alors qu’il est question de bâtir une éthique commune. Nous sommes en grand manque de vision, de réflexion sur la politique culturelle, sur nos missions. Y a-t-il d’autres critères ? Le nombre de spectateurs ? Des critères esthétiques ? Au-delà du nombre de spectateurs c’est la qualité du lien mis en place qui importe. La politique tarifaire et d’ouverture, ce qu’on propose vraiment au public comme culture, au-delà du spectacle. De même ce n’est pas le nombre de spectacles qu’on accueille qui compte, mais la qualité de l’accueil, sa pertinence, comment on les accompagne financièrement mais aussi dans leur diffusion, leur communication. Quant aux critères esthétiques… je crois vraiment que c’est la diversité qui compte sur un territoire. Je n’ai rien à dire au fond si Richard Martin accueille Pietragalla, la pluralité doit être représentée, surtout lorsqu’elle a un public, et une qualité.

Le Gyptis Zibeline : Avez-vous subi, ces dernières années, des baisses de subvention ? Françoise Chatôt : Une suppression de toute subvention de l’État, et une stagnation des autres. Nous avons perdu 60000 euros en quelques années, dans un contexte où tout coûte plus cher, et où les intermittents en particulier se paupérisent terriblement… Quels sont selon vous les critères qui doivent décider de l’attribution de subventions ? La création avant tout ! Si un théâtre a une mission, c’est de veiller à sa propre éclosion. Comment une culture peut-elle exister si personne ne songe à réunir les conditions nécessaires à sa naissance puis à sa diffusion? Comment peut-on espérer qu’une région reste culturellement vivante si on n’accueille pas, un peu dignement, les compagnies régionales ? L’autre critère est de travailler pour que le public se renouvelle. Notre théâtre est rempli de scolaires qui y viennent souvent pour la première fois. D’habitants du quartier aussi, de gens qui ne viennent qu’ici, et à qui nous donnons de vrais textes à entendre. Pas du divertissement ! ENTRETIENS RÉALISÉS PAR AGNES FRESCHEL



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ÉVÉNEMENT

LES RENCONTRES D’AVERROÈS

Les Rencontres d’Averroès se placent cette année sous le signe de avec l’espace méditerranéen ? Retour sur son origine

Naissance du théâtre La Méditerranée est un espace de civilisation ancien où les conflits ont de la mémoire et les vieilles haines semblent indépassables, enferrées dans des répétitions sans issue. Est-ce la proximité, liée aux mouvements des peuples, dans un horizon aux ressources recherchées, qui rend les rancœurs si profondes, qui les poursuit sans relâche dans la vengeance, la «vendetta» ? La nécessité de resserrer le groupe en rejetant l’autre explique que la fusion des peuples est un processus long, hésitant entre soumission et égalité. Le bassin oriental de la Méditerranée est constitué d’Empires qui ne cessent de s’affronter. Mais insistons sur le drame fratricide que présente, dans le domaine de l’épopée et de l’imaginaire, l’Iliade.

Le partage de la parole

Théâtre de Dionysos sur l’acropole © Zsolt Zatrok Dr./stock.Xchng

Ce conflit fait le constat d’une rivalité haineuse, d’outrances qui hérissent le monde divin, et, finalement, d’un ensauvagement lié autant à la folie des hommes qu’à la fureur des dieux. Il permet d’entrer dans une autre dimension du tragique : sa représentation. Rapporter les exploits et les malheurs, voilà bien un moyen de prévenir des excès ! À travers les productions intellectuelles, les Grecs comme les autres peuples traçaient les contours de leur civilisation mais aussi de leur univers politique. Mais ils firent alors ce qu’aucun autre peuple n’avait fait : ils inventèrent le théâtre pour mettre en scène toutes ces productions. En cette fin de VIe siècle, la société grecque était parcourue de tensions sociales très fortes entre paysans et riches propriétaires. Après la Monarchie, l’Aristocratie incapable de s’autoréguler confia cette tâche à la tyrannie. L’essai ne fut pas concluant : la réforme du système politique déboucha alors sur un nouveau système, à Athènes :

la démocratie. Elle introduisit un changement fondamental : le partage de la parole entre toutes les classes sociales s’exprima au tribunal, à l’Assemblée et au théâtre. Aller au théâtre devint indispensable pour participer à la vie sociale et politique. Quant à la tragédie, elle replaça au premier plan les difficultés de l’homme grec à vivre les contradictions de son présent.

L’invention d’un genre Tragédie signifie «le chant du bouc» et renvoie à Dionysos. Ce nouveau genre se constitue progressivement à partir du dithyrambe, chant en l’honneur de ce dieu, étranger à la Grèce, sans doute venu d’Asie, symbole de l’excès, de la nature sauvage. Entouré de son cortège de Bacchantes, il entraine la troupe dans une fête marquée du sceau de l’ivresse, de la débauche et de la danse. Pour se soustraire aux excès de la transe destructrice on célébra un culte : le rite aboutissait à une régulation du sacré. Le dithyrambe honora le dieu par le chant choral et la danse. Il serait né à Corinthe au VIIe siècle. La forme évolua. Progressivement, le chef de chœur, le coryphée, se serait lancé dans des improvisations, devenant le premier acteur (le protagoniste). C’est Thespis qui aurait ainsi inventé la tragédie. Avec le temps la structure des pièces s’établit : une entrée du chœur en chantant (un récitatif) accompagné d’un aulète (joueur d’aulos, une sorte de hautbois) ; ensuite une alternance d’intervention des acteurs (trois au maximum) et du chœur qui, guidé par son chef, le coryphée, entame des chants lyriques. Des variantes interviennent : prologue d’ouverture, dialogues lyriques entre le chœur et les personnages. Les acteurs sont des hommes qui, progressivement, sont devenus des professionnels. Ils jouent derrière un masque, percé d’yeux et d’une bouche, qui indique la nature de leur personnage et sont coiffés d’une perruque. Ils

portent (depuis Eschyle ?) un costume -un manteau court ou une tunique- et des cothurnes, des sortes de bottines qui les rehaussent.

La représentation C’est aux fêtes dionysiaques qu’ont lieu les représentations. Celles-ci se tenaient sur la grande place publique d’Athènes, l’Agora. On dressait des échafaudages pour constituer le théâtre autour d’un espace dans lequel se tenait le chœur. Une estrade permettait à l’acteur de d’être mis en valeur. À la suite d’un effondrement des gradins, on aménagea les pentes de l’Acropole pour organiser un véritable théâtre. Le monument prend alors progressivement sa forme achevée : l’espace quadrangulaire s’arrondit pour former un cercle, l’orchestra. Le chœur entrait par des passages sur les côtés, les parodoï, tandis que la skènè, l’estrade d’origine pour l’acteur, était complétée d’un bâtiment en bois (une façade) et d’une avancée (le proskénion). Les gradins formèrent un demi-cercle parcouru d’allées.

Un théâtre civique La cité joue un rôle fondamental dans l’activité théâtrale. La fête des Grandes dionysies correspond au moment où les alliés d’Athènes viennent apporter leur tribut à la cité. Les auteurs, eux, se présentent à un magistrat et lui soumettent leur texte. Ce dernier en choisit trois, ce qui est bel et bien une censure indirecte. Ensuite on désigne un chorège (un citoyen riche) qui, affecté à un auteur, est chargé de financer la représentation : il paye le chœur, les acteurs, les costumes… Les représentations effectuées -en continuité !-, un jury impartial de citoyens tirés au sort désigne le vainqueur du concours tragique. Les récompenses sont honorifiques et financières.


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la Tragédie. Née en Grèce, a-t-elle toujours un lien spécifique

treuse prise de Milet par les Perses. Mieux valait traiter indirectement le présent.

Un théâtre politique Le théâtre a pu mettre l’accent sur les valeurs démocratiques, mais il souligne surtout au travers des intrigues que le héros ne peut trouver de solution convenable au drame qu’il vit : la solution appartient en fait à la collectivité, à la cité et à ses nouvelles valeurs. D’ailleurs le héros tragique est l’acteur face au chœur qui exprime les sentiments des citoyens. Il n’est pas un archétype imitable mais la manifestation d’un problème. Au plan juridique, il hésite entre la soumission à la cité et celle due aux dieux. La solution au problème n’existe pas pour le héros mais elle apparaît au spectateur : le citoyen peut sortir ainsi d’un vieux monde juridique traditionnel pour se soumettre à la loi de la cité. De ce fait la tragédie est pour le citoyen une école d’appren-

tissage civique. D’autre part, l’accent mis sur le monde religieux permet de souder la communauté : le héros apparaît comme une victime expiatoire, le pharmakos, dont l’expulsion permet de retrouver la pureté originelle. Dans l’ensemble, le théâtre est l’aboutissement d’une révolution politique, la démocratie. Dans Antigone de Sophocle deux conceptions de la loi s’affrontent: une transcendante, inflexible -celle du roi- et une privée -celle d’Antigone qui veut ensevelir son frère malgré l’interdit royal. Il y a là, une vraie réflexion sur la responsabilité humaine des actes dans un cadre politique nouveau. C’est parce qu’elles possèdent une dimension politique que la cité sollicite la production des œuvres littéraires. Elle paye même l’entrée pour les plus pauvres (caisse du théorique). Les citoyens, eux, sont profondément impliqués comme choreutes ou chorèges. Ainsi le théâtre

tragique pose les problèmes politiques dans un cadre nouveau. Toute tragédie, événement inexorable et paroxystique, impose d’esquisser une issue à la crise, une solution face à un problème apparemment inextricable. Et nécessite, pour s’en extirper, de changer de logique. RENÉ DIAZ

Buste de Dionysos, British Museum © Jean Savaton

Puis l’Assemblée se réunit dans le théâtre pour faire le bilan : elle sanctionne ou adoube les magistrats, les juges et les chorèges. Dans cet univers, les dieux ne sont jamais très loin. On n’entame pas une représentation sans un sacrifice pour Dionysos sur l’autel du théâtre. Sa statue, comme la couronne de lierre remise au vainqueur, manifestent sa présence. Les puissances divines sont aussi d’omniprésents sujets dans les représentations. Les auteurs sont nombreux mais trois figures seulement ressortent vraiment de la période classique : Eschyle (526456) ; Sophocle (496-406) ; Euripide (484-406). Leurs compositions reprennent les trois grands cycles mythiques: la guerre de Troie et le sort des Atrides (Iphigénie, Oreste, Electre…) ; Thèbes et les Labdacides (Œdipe, le Sphinx, Antigone…) ; Héraclès et sa descendance. Les auteurs évitent l’actualité: Phyrnicos dut payer une très lourde amende pour avoir évoqué la désas-

Au deuxième temps d’Averroès Le cœur des Rencontres approche !

Les trois tables rondes, qui réunissent chaque année près de 4000 personnes, auront lieu cette année pendant la fête de l’Aïd. Simple coïncidence : rarement les problématiques abordées auront été plus éloignées a priori des mondes musulmans. Moins sociologiques ou religieuses, elles ne sont pas pour autant plus littéraires : les Figures du tragique commenceront par s’interroger sur la Naissance de la Tragédie, à travers l’histoire littéraire, de Sophocle à Racine, et à la lumière de l’opposition nietzschéenne entre apollinien et dionysiaque (le 27 nov de 14h30 à 16h30, avec Barbara Cassin, philosophe et philologue, Vassilis Papavassiliou, metteur en scène, Takis Théodoropoulos, romancier). Plus philosophique encore, la deuxième table ronde s’interrogera sur Dieu et le tragique, et plus précisément comment les trois monothéismes pallient le tragique, réfutent son irrémédiable en y opposant la transcendance (le 28

nov de 10 h à 12h, avec Jean-Christophe Attias, spécialiste de la pensée juive médiévale, Michel Guérin, philosophe, et Mahmoud Hussein, deux philosophes spécialistes du Coran). La troisième table ronde sera historique, et contemporaine : elle s’interrogera sur Les guerres et le terrorisme, se demandant s’ils représentent en Méditerranée une résurgence, une forme nouvelle, une survivance de la tragédie ancienne (le 28 nov de 14h30 à 16h30, avec Stéphane Audoin-Rouzeau, historien de la Premier guerre mondiale, Giulano Da Empoli, sociologue et directeur de la revue italienne Zero, Farhad Khoskhkavar, sociologue spécialiste de l’Iran). Le soir du 28 nov à 20h30, un grand concert, au Dock des suds cette année: dans le cadre de la saison turque en France, Istanbul Sessions est en tournée, et les Rencontres en profitent pour proposer un concert-création avec le trompettiste Erik Truffaz. Son jazz cool mâtiné d’électronique rencontre donc ici la musique kurde et

turque du saxophoniste Ilhan Ersahin… Outre ces grands rendez-vous, les rencontres proposent également le 26 nov de 17h à 20h un rendez-vous autour de Bruno Etienne à l’Hôtel de Région (voir p 73). L’exposition photographique de Pierre Bourdieu se poursuit au Mucem jusqu’au 6 déc (voir p 11). Une programmation très intéressante de 42 documentaires est proposée à l’Espaceculture (entrée libre) jusqu’au 28 nov : plusieurs cycles sur les guerres,

les générations d’immigrés, les femmes, la Mémoire, la Terre. Proposés conjointement par l’INA et le Centre Méditerranéen de la Communication Audiovisuelle, il donne l’occasion de «penser la méditerranée en images». Un autre rapport à l’histoire, qui joue avec les archives, des films plus anciens et des créations projetées en exclusivité. A.F.

Ilhan Ersahin et Erik Truffaz © X-D.R.


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ÉVÉNEMENT

LES RENCONTRES D’AVERROÈS | L’AÏD DANS LA CITÉ

La Méditerranée vit-elle encore à un âge tragique ? Quelles sont les conditions de l’éclosion du conflit tragique ?

Tragidéicide ! «Les dieux sont morts. Oui, mais ils sont morts de rire en entendant l’un d’eux dire qu’il était le seul.» C’est par un immense éclat de rire que Nietzsche annonce dans Ainsi parlait Zarathoustra la fin de la tragédie. Car la condition de la situation tragique est bien son amoralité. C’est-à-dire qu’elle doit pour exister être déroulée à l’aune d’un regard qui ne porte aucun jugement, qui n’est défenseur d’aucune valeur. S’il y a un dieu assez prétentieux pour se croire le seul, il ne peut supporter le tragique, la vie comme seule puissance créatrice sans rien audessus d’elle pour la doubler. En effet le héros tragique supporte la surabondance existentielle sans se référer ou se délester sur le ciel. Pour que la situation tragique soit possible, les dieux ne doivent pas résoudre les conflits, mais y assister : «Dieu doit quitter la scène, mais rester néanmoins spectateur… le drame tragique est un jeu, un jeu de l’homme et du destin, un jeu dont dieu est le spectateur» (Lukacs, l’âme et les formes). Les dieux doivent voir mais ils ne peuvent ni résoudre le conflit tragique, ni être de force à balayer les arguments, les désirs, les passions et les raisons des humains.

La liberté humaine La représentation est donc une des conditions du tragique : une situation aussi terrifiante soit-elle ne peut être tragique qu’à la condition que ceux qui la souffrent la vivent comme une comparution devant un tribunal divin. Mais cette comparution-représentation n’est pas l’unique ingrédient : il faut pouvoir introduire la liberté humaine dans l’ordre du cosmos pour que la tragédie ait lieu. Pour les Grecs l’humain et le divin se côtoient dans un équilibre précaire : il n’y a pas de dieu jaloux qui requiert un amour exclusif. Dans Iphigénie à Aulis le sacrifice est fait pour Artémis ; ce n’est pas une subordination d’amour mais un commerce équitable entre le profane et le sacré qu’Euripide met en scène. Et il suffit d’une simple poignée de terre d’Antigone sur son frère mort pour que soit établi le même commerce avec Hadès frustré qu’on ne lui ait pas livré Polynice. De la même façon, Shakespeare met en scène la longue tragédie des rois d’Angleterre alors que prend fin la crise de la Réforme qui a affirmé l’autorité de la personne morale et la toute-puissance de sa volonté autonome ; c’est de cet équilibre entre la liberté de l’homme et l’autorité religieuse que

La Mort de Socrate, Jacques-Louis David, 1787, Metropolitan Museum of Art

serait née la tragédie shakespearienne. C’est ce qu’affirmait Camus dans une conférence sur la tragédie. Quant à la tragédie racinienne elle repose sur une réflexion janséniste sur la liberté et la Grâce qui aboutira d’ailleurs, une fois Racine définitivement converti, à son silence littéraire.

Le triomphe de Dieu En fait il n’y a eu que deux périodes très resserrées qui ont permis la tragédie : la période EschyleEuripide et Shakespeare-Racine pendant lesquelles s’est établie l’alchimie particulière entre le divin et l’humain : «entre les deux 2000 ans de mystère chrétien». Et c’est ce mystère chrétien qui est en germe dans les solutions socratiques et dialectiques qui mettent un terme au conflit tragique. Pour Nietzsche, dans l’œuvre d’art comme dans la morale bourgeoise et chrétienne, le dionysiaque s’est endormi, au profit d’un apollinisme brillant pour des idées et chimères qui détachent l’homme de la vie. Car avec Socrate entre le mortel et l’immortel la relation n’est plus d’hostilité ni de conflit : le mortel est ce que l’on perçoit, c’est-à-dire la face visible d’une réalité plus vaste, l’intelligible. Plus de relation tragique, insoluble, mais des correspondances : le visible désigne et signifie une autre réalité, il est l’image et comme le mythe de l’intelligible ; à la terreur sacrée de la vérité est substitué l’exercice toujours inachevé de la recherche dialectique.

Conclusion rapide Socrate est alors, comme le sera Kant, «le plus grand difforme des estropiés de l’intellect qu’il y ait jamais eu !» (Si si, il l’a dit : Le crépuscule des idoles, «le problème de Socrate», 8,9 ; «ce qui manque aux Allemands», 7). Et compte tenu des débordements factuels de mon camarade historien dans les pages précédentes je n’ai pas la place suffisante pour m’expliquer de cette évidente conclusion sur Socrate, Kant, Dieu et la liberté humaine, et ses implications actuelles dans le monde méditerranéen. Remarquez, les Rencontres d’Averroès sont là pour ça. Ce qui ne m’empêchera pas de clamer : À bas dieu et le

marché, et vive la tragédie ! RÉGIS VLACHOS


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Retour sur ses enjeux

Le tragique à l’œuvre Comme chaque année les tables rondes sont précédées de manifestations littéraires et artistiques autour de la problématique annuelle Sous le signe d’Averroès a commencé le 31 oct au Centre international de Poésie de Marseille par l’absence du poète palestinien Ghassan Zaqtan, qui s’est vu refuser son visa… Ses Suppléments au passé, recueil traduit de l’arabe édité par Le refuge (éditions du CiPM), furent lus en intégralité par son traducteur Jean-Charles Dépaule et l’on put, grâce à un film projeté, entendre la magnifique langue du poète, si balancée et riche en phonèmes inouïs dans nos langues européennes… La traduction française permet néanmoins d’appréhender cette poésie très imagée, évoquant une enfance, des gestes simples et des êtres disparus : «Seul le jasmin a poursuivi sa montée lucide vers la terrasse du toit». Et tout le poids d’une emprise qu’on sent là, quand «Un ennemi descend des collines» et que «Du fait qu’il n’est pas «nous» et pas «ici» commence la mort».

Inextricable Invité par le Théâtre des Salins, Robin Renucci est venu lire des fragments de textes sur le tragique, choisis par Thierry Fabre, Michel Guérin, philosophe, et Didier Pralon, philologue, amenés à en débattre par la suite. Au menu, Antigone de Sophocle, Le monde comme volonté et comme représentation de Schopenhauer, Ainsi parlait Zarathoustra et Le gai savoir de Nietzsche, l’Etranger de Camus, Un roi sans divertissement de Giono, Roberto Zucco de Koltès et Le soleil ni la mort ne peuvent se regarder en face de Mouawad. Des choix judicieux pour essayer de comprendre le tragique, et appréhender sa réalité aujourd’hui. De son origine liée au culte dionysiaque, jusqu’à l’expression du «réel, selon Michel Guérin, qui ne peut s’exprimer par la raison» ou d’un état «du désordre du monde et de l’expression de la contemplation de ce désordre» pour Didier Pralon, le tragique intervient, aujourd’hui encore, sous des formes différentes, «tramé, pour Guérin, dans la texture de la conscience moderne». S’appuyant sur Hegel pour dire que la situation tragique est insoluble, le philosophe parle du conflit du Proche Orient comme «du tragique par excellence, inextricable». Pour terminer, Robin Renucci

expliqua son rapport au tragique dans le théâtre : pour lui, «du Ve siècle à maintenant, il est toujours question du vivre ensemble et de vivre le monde». Mais quel monde ?

Historique D’autres images d’oppression et de fin d’un monde, au MuCEM. Intéressantes à double titre : parce qu’on y découvre le visage de l’Algérie durant la guerre -de 1958 à 1961, juste avant, juste après ; et parce qu’on y apprend beaucoup des motivations de Pierre Bourdieu, jeune professeur de philosophie envoyé en poste à Alger, et qui s’y transforma en sociologue, jetant là les fondements de son œuvre et de sa vie. La photographie fut pour lui «une façon d’essayer d’affronter le choc d’une réalité écrasante». De faire œuvre politique sans se laisser aller à l’humanitarisme de ses collègues bienveillants, sans «fausse sollicitude primitiviste». Si «la sociologie est un sport de combat», titre du portrait de Blida, photo Pierre Bourdieu - Fondation Pierre Bourdieu, Saint Gall, Suisse

Pierre Carles, c’est en photographiant l’Algérie que Bourdieu fit ses armes. Les 150 clichés exposés sont d’une force rare. En «photographe de circonstance» et non en esthète, il s’arrête sur du signifiant. Les déplacés de Kabylie parqués dans des baraques parallèles où la cour intérieure, si importante dans ces familles, n’existe plus ; les toits crevés des maisons; les rues d’Alger où se côtoient femmes voilées et européennes en mini jupes ; les panneaux publicitaires qui incitent à fumer français ; une Madone voilée ; les symboles de l’OAS, ou du GPRA, dessinés sur les murs ; les jeunes éperdus devant les kiosques vendant des comics américains ; partout, les pauvres, la misère, dans les villes, au fond de la casbah ronde et blanche, le long des avenues napoléoniennes, au cœur des villages ; et partout aussi ce regard qui se refuse au face à face, les hommes tournant le dos, les femmes se cachant sous le voile. DOMINIQUE MARÇON ET AGNÈS FRESCHEL

Images d’Algérie Pierre Bourdieu, un photographe de circonstance jusqu’au 6 déc MuCEM 04 96 13 80 90 www.rencontresaverroes.net

Venez fêter l’Aïd Depuis six éditions la manifestation L’Aïd dans la Cité, organisée par l’Union des Familles Musulmanes, fait un travail remarquable pour ouvrir les cultures musulmanes présentes à Marseille aux autres, dans un contexte non religieux. Sans cérémonie, sans prosélytisme, dans un vrai esprit de fête et de partage, l’UFM invite à venir découvrir les Derviches tourneurs turcs au Gymnase, du cinéma algérien au CRDP ou aux Variétés, de la danse traditionnelle algérienne à L’Espace Julien, ouvre des ateliers de calligraphie… et organise la grande Fête de la Famille et du Partage au Dôme. Ouverte à tous, L’Aïd dans la Cité est une occasion d’affirmer qu’il existe une culture musulmane française : la

directrice, Nassera Benmarnia, rêve d’en finir avec l’image du mouton égorgé, pour faire connaître les arts vernaculaires du bassin méditerranéen à tous. Aux 200000 musulmans marseillais Comoriens, Maghébins ou Africains, et aux non musulmans, qui sont les bienvenus ! A.F.

L’Aid dans la Cité du 20 au 26 nov 1430/2009 04 91 91 99 35 WWW.UFM13.ORG


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ÉVÉNEMENT

RENCONTRE AVEC RENAUD MARIE LEBLANC

Les élèves d’Etudes Théâtrales de la classe d’Hypokhâgne du lycée Thiers ont rencontré Renaud Marie Leblanc en septembre, avant qu’il ne commence ses répétitions de Phèdre. Il leur a ouvert son monde avec un dynamisme entraînant

La tragédie classique aujourd’hui Les étudiants : Jean-Louis Barrault a écrit : Phèdre c’est «une véritable bibliothèque composée de témoignages, de dissertations, de critiques, de louanges, de jugements, d’opinions…» Renaud Marie Leblanc : La masse de ce qui a été écrit sur Racine est une chose à laquelle on se confronte forcément. Cela rajoute une réelle difficulté, il faut éviter de se laisser paralyser. Phèdre reste une pièce, et nous faisons du théâtre. Il faut passer de la théorie à la pratique : la réflexion peut être aussi l’ennemi du «faire». Cependant on ne part pas monter Racine la fleur au fusil ! J’ai beaucoup lu, des vies de Racine, des livres sur la tragédie, Barthes, bien sûr, Francesco Orlando, philosophe italien qui fait une lecture freudienne de Phèdre, mais aussi des éditions scolaires ou un blog sur la querelle entre critique psychanalytique et critique structuraliste… Toute cette masse donne l’impression d’un texte mythique, au-delà du théâtre. Mais après, on entre dans les énigmes et on les résout avec des moyens techniques. L’acteur est là, il interroge, demande ce qu’il fait à tel endroit, et me ramène à des choses concrètes. On ne peut pas faire du théâtre sans un peu d’inconscience, sans oublier ce qui nous paralyserait. Vous commencez à répéter la semaine prochaine. Comment travaillez-vous avec les acteurs ? Je n’ai qu’un texte annoté, je n’écris plus mot à mot la mise en scène. En revanche, j’ai travaillé avec le scénographe et le créateur lumières. Les acteurs ont besoin d’un espace déterminé pour travailler. Ce n’est pas pareil s’il y a un mur ou pas de mur, une chaise ou pas de chaise. L’espace dessine la contrainte de l’acteur. Pour le reste, je me sens libre de ce qui va advenir en répétition. Les acteurs vont faire vivre l’espace autant que je l’ai imaginé de l’intérieur. Parfois, l’acteur me fait entendre quelque chose du texte auquel je n’avais pas pensé ; j’entends précisément ce que la lecture ne m’avait pas permis de percevoir. En somme, pendant les répétitions, il faut laisser advenir. Avez-vous fait des coupes dans le texte ? Non, on joue l’intégralité du texte. Je ne coupe jamais au préalable, cela n’a pas de sens, ce n’est que lors des répétitions que je m’aperçois des difficultés que peuvent présenter certains endroits résistants, opaques. Quel est votre parti pris de traitement du vers ? Quelle importance donnez-vous à sa musicalité particulière ? On parle beaucoup de la musicalité de l’alexandrin, mais pour moi toute parole proférée est musicale, la prose tout autant que les vers. Il faut se demander

comment est ressentie la versification aujourd’hui. Est-ce que Racine en vers, ça marche toujours ? Si le théâtre n’est beau que littérairement, laissons-le dormir dans les bibliothèques théâtrales. Mettre en scène c’est entrer dans un processus de traduction. On dit que Racine faisait d’abord le plan de ses tragédies, qu’il les rédigeait en prose puis en vers. En somme les vers de Racine seraient déjà une traduction de sa prose. Lorsqu’il faut choisir entre le son et le sens, entre l’alexandrin et son contenu sémantique… … je choisis le sens, évidemment. Le vers c’est du musée. L’important c’est raconter l’histoire et traverser ce qui habite les personnages. Le moule du vers est un moule imposé. Je suis contre la pause systématique à l’hémistiche, pour l’enjambement… mais intransigeant sur la prononciation de toutes les syllabes et sur la question du e muet. Pas de couac ! On s’empare de l’alexandrin racinien pour le faire sonner non pour le détruire. Mais ce qu’on joue ce sont les affects. Alors pourquoi Racine ? Il y a bien d’autres Phèdre plus contemporaines… Racine m’intéresse parce qu’il résiste, qu’il présente des problèmes formels de réalisation. L’Amour de Phèdre de Sarah Kane serait d’un accès plus facile, l’aspect contemporain, «trash» de la pièce est intéressant, mais je veux savoir pourquoi la pièce de Racine résiste.

Comment envisagez-vous de traiter les personnages plus secondaires, autres que Phèdre et Hippolyte ? Je ne crois pas que Phèdre-Hippolyte soit le couple essentiel. S’il fallait trancher, je dirais que Thésée est plus important qu’Hippolyte, mais tous les personnages n’existent que par rapport aux autres. Même Panope a un rôle qui compte, celui d’être la messagère du destin. Quant à Oenone, son rôle est énorme. Pour moi elle n’est pas noire. Oenone fait le mal en voulant le bien -c’est fréquent ! Chaque personnage atteint un paroxysme mental et physique, aux prises avec une pulsion première et immédiate. Racine y avoue son goût pour la violence, le sentiment d’une perdition mentale et physique née du besoin de posséder l’autre, et soi-même au travers. Ainsi, mettre en scène Racine après Lars Nøren s’inscrit dans une continuité. C’est vrai que je retrouve dans Phèdre la soudaineté et la violence des rapports humains chez Nøren. C’est cette modernité qui me touche. ENTRETIEN RÉALISÉ PAR LES ÉLÈVES D’ÉTUDES THÉÂTRALES D’HYPOKHÂGNE DU LYCÉE THIERS, ENCADRÉ PAR LEUR PROFESSEUR ANNE-MARIE BONNABEL

Phèdre de Racine Le Sémaphore, Port-de-Bouc Le 27 nov 04 42 06 39 09 www.theatre-semaphore-portdebouc.com La Criée du 9 au 19 déc 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

Œuvre incontournable dans l’histoire du théâtre français, Phèdre de Racine dépeint son amour démesurément passionné et incestueux pour Hippolyte, fils de son époux Thésée. La pièce connaît ces dernières années un certain essoufflement : peu de Phèdre depuis la mise en scène de Patrice Chéreau en 2003. Le metteur en scène Renaud Marie Leblanc, dont la compagnie Didascalies and Co est installée à Marseille, a relevé le défi de faire aujourd’hui du théâtre avec une pièce trop souvent perçue comme un monument littéraire du passé. À nous d’apprécier cette tragédie à la confluence d’un classicisme rigide et d’une modernité pétillante. À l’image de son metteur en scène! MELINA Phèdre résonne comme une œuvre imposante, un classique, un intouchable, un mythe. Cela pourrait en effrayer plus d’un ; pourtant, Renaud Marie Leblanc s’y attelle avec audace : après avoir réalisé sa première mise en scène avec Mélite de Corneille et monté beaucoup de théâtre contemporain, il a choisi ce grand classique. Contradiction ? Certainement pas. Rapprocher les textes du spectateur du XXIe siècle est un défi au cœur de son expérience, qui l’a conduit à mettre en scène Corneille comme Noëlle Renaude. Le XVIIe siècle n’est pas si loin nous rappelle Renaud Marie Leblanc, et si Phèdre semblait délaissée ces dernières années par les metteurs en scène, la voilà ressuscitée. MARIE «Ce qui m’y a fait venir, c’est que plus personne ne s’y colle» : voici comment il explique son désir de monter Phèdre. C’est faire preuve de courage que de s’atteler à ce chef-d’œuvre que Jacques Morel qualifiait de «monument tragique exemplaire», tant de fois expliqué, commenté, analysé, interprété, décrypté. Renaud Marie Leblanc parviendra-t-il à poser sur cette tragédie un regard neuf et à nous guider dans des tréfonds encore insondés de l’amour furieux de Phèdre ? JULIE


BIENNALE DE LA MÉMOIRE POPULAIRE

ÉVÉNEMENT

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Humaine, trop humaine ! Renaud Marie Leblanc revient au répertoire classique en mesurant son talent à la dernière pièce antique de Racine, et à un mythe théâtral : Phèdre, reine solaire et monstre amoureux du fils de son époux, Thésée Enfermée dans le cadre blanc d’un décor rendu aux dimensions d’une chambre d’asile plutôt que d’une cité antique, et incarnée avec énergie par Roxanne Borgna, Phèdre décline les signes de sa folie amoureuse (éblouissements, remords, haine avec une grande hache, jalousie…), autour de laquelle tous gravitent, tantôt pour surenchérir, tantôt pour la mettre à distance. La mise en scène écarte ainsi les options politiques, morales ou métaphysiques de la pièce pour se concentrer sur la vitalité de ce désir cru, d’une humanité presque dure. Si cette approche élude l’impersonnalité écrasante des dieux, qui fait la démesure et la contradiction interne des personnages tragiques, elle évite également le pathétique sentimental ou hystérique des approches psychologisantes.

En effet l’interprétation déjoue les attentes en explorant tous les registres, y compris celui de l’humour. La frénésie d’une Phèdre rajeunie par ses transgressions, la colère aveugle d’un Thésée au soir de sa vie comme de son mythe, l’innocence orgueilleuse du jeune Hippolyte, s’incorporent dans la langue à la fois familière et étrangère de l’alexandrin, et l’expression brutale de la passion est comme contenue par une esthétique télégénique, aux couleurs électriques, à la fois aseptisée et outrancière. Ainsi la tension propre au théâtre classique, qui enfermait les excès de la passion dans une forme policée et conventionnelle, se renouvelle-t-elle de façon tout à fait surprenante et paradoxale : dans les couleurs chromo de notre propre modernité ! AUDE FANLO

© Marc Ginot

Au théâtre des Treize Vents, Montpellier, jusqu’au 21 novembre (04 67 99 25 00), puis à la Criée et au Sémaphore, à Port-de-Bouc

Mémoire en partage

Naufrage © Clorinde Durand

La Seyne-sur-Mer, figure emblématique de l’histoire industrielle de la région comme La Ciotat, Port-deBouc et d’autres, s’est imposée d’elle-même comme lieu d’accueil de la 1re Biennale régionale de la mémoire populaire, Rien n’est jamais pareil. Contrairement à la tonalité nostalgique de l’affiche, cette manifestation initiée par la Région Paca s’est tournée vers l’avenir à travers la présence d’une jeune génération de plasticiens, photographes et vidéastes. Paradoxal ? Justement non, car La Seynesur-Mer doit aujourd’hui relever de nouveaux défis liés aux mutations industrielles et socio-écono-

miques, et porte de nombreux projets culturels : Maison du patrimoine, Maison de l’image, Musée d’histoire des chantiers… Pour écrire La Seyne autrement, entre mémoire et à venir, la biennale a proposé un concentré d’arts visuels disséminé dans des bâtiments ancien et contemporain que les Seynois ont (re)découvert à l’occasion : Bourse du travail, ancienne Criée aux légumes, Dojo théâtre, centre Nelson Mandela à Berthe, théâtre Apollinaire, médiathèque du Clos Saint-Louis, école des Beaux-arts, Parc de la Navale… Un parcours de quinze jours (beaucoup trop court !) qui «restituait une société en

acte et une mémoire collective». La mémoire des associations de quartiers qui ont installé leur patrimoine sonore et visuel dans des boutiques restaurées par la Ville et des habitants qui ont prêté photographies personnelles et textes. Celle du photographe Seynois Jean Reverdito et du journaliste Jacques Windenberger, dont le travail à La Seyne-sur-Mer, Toulon, La Ciotat s’est affiché sur les grilles du Parc de la Navale. Celle encore des documentaristes qui ont témoigné de la fermeture des chantiers, en pleine rénovation urbaine, et exploité parfois les rushs des magazines télé : il fut un temps où Thalassa et Sagacités se préoccupaient des activités du port… Tous ont fait de ce patrimoine collectif, la mémoire, matière à réflexion contemporaine -sociologique, plastique ou politique- avec pour socle commun le travail et ses corollaires: la fracture sociale, la reconversion, les liens entre sphère familiale et sphère professionnelle, le bureau et son lot d’objets symboliques. Des thèmes récurrents dans les travaux de Suzanne Hetzel et Ian Simms, David Mozziconacci, Serge Le Squer, Alain Bernardini, France Dubois, Clorinde Durand, Serge Lhermitte… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

La 1re Biennale régionale de la mémoire populaire, Rien n’est jamais pareil, s’est déroulée du 10 au 25 oct


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THÉÂTRE

ENTRETIEN AVEC C. MARNAS | THÉÂTRE NONO

La table aux récits Catherine Marnas reprend à Briançon et à la Friche son Banquet fabulateur. Une pièce festive et conviviale où les histoires circulent à foison, de bouche en bouche, comme les seuls véritables mets de choix… Tout cela porté par sa bande de comédiens, comme toujours exceptionnels. Zibeline : Comment est née cette idée d’un banquet où l’on se nourrit de textes ? Catherine Marnas : D’une carte blanche offerte par Annette Breuil (Directrice des Salins ndlr). C’est une forme qui laisse place aux coups de cœur, à l’idée de création collective : j’ai demandé aux acteurs d’amener ce qu’ils avaient dans leurs «malles d’imaginaire». Autour du texte de Nancy Huston, L’espèce fabulatrice, nous avons bâti un hommage à la fable, avec ce que chacun a apporté : Feydeau, Hamlet, une comédie belge, Nougaro… et Platonov. Pourquoi, puisque l’on n’y mange pas même si l’on y boit, se retrouve-t-on à table ? La convivialité aujourd’hui passe presque exclusivement par la gastronomie ! On voulait provoquer le partage autour d’autre chose, d’intelligence, de fables, tout en gardant ce dispositif amical, qui rapproche des comédiens. Ils sont assis à table, on les voit prendre leur rôle après vous avoir servi à boire. D’ailleurs, quand Franck Manzoni endosse Platonov, cela a quelque chose à voir avec la possession, avec le repas de Festen…

Le Banquet fabulateur © Pierre Grosbois

Mais pourquoi vouliez-vous rendre cet hommage à la fable ? Parce que cela permet d’aborder différemment le problème de la culture. De savoir que ce qui nous constitue n’est pas notre fric, notre Rollex, mais notre imaginaire. Notre faculté d’inventer. C’est quelque chose que nous perdons très vite en ce moment, l’admiration envers ceux qui inventent des histoires. Aujourd’hui Koltès, qui a presque toujours vécu comme un marginal, serait considéré comme un looser. Mais cette faculté d’inventer des histoires est aussi utilisée comme moyen d’oppression. Oui. Nancy Huston aborde longuement le problème du Story Telling, de ces fictions utilisées quotidiennement pour conditionner les soldats ou convaincre les électeurs, influencer les consommateurs. Nous avons choisi de laisser de côté cette partie-là de son essai : cela aurait été trop long, trop complexe, et nous voulions une forme festive… ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNES FRESCHEL

Le Banquet Fabulateur Du 19 au 21 nov La Cadran, Briançon (05) 04 92 25 52 52 Du 8 au 18 déc Salle Seïta, La Friche 04 91 64 41 90 www.parnas.fr

Fraternels Fratellini On est heureux de retrouver enfin les NoNo à Marseille, pour une création en collaboration avec l’Académie Fratellini, mise en scène par Serge Noyelle du 12 au 14 nov à Marseille, puis du 19 nov au 12 déc à Paris. Un baiser, GoGo est composé de numéros successifs de cirque parfaitement exécutés par de jeunes artistes virtuoses, aux caractères bien trempés : un duo de portés lents particulièrement

beau, exécuté par un couple amoureux et violent, qui s’offre et se refuse, se cherche et se fuit ; un numéro de jonglage général dans tous les sens avec assiettes et verres, impressionnant de précision ; du mât chinois, du cerceau, un mur, du tissu aérien (monté sur élastique, le numéro le moins réussi sans doute); du hip hop, des claquettes, des acrobaties… Mais le plus étonnant dans ce Petit cabaret cirque est

le liant constant de l’ensemble, qui permet d’installer une ambiance générale. Autour d’une mélodie à l’accordéon, qui s’élève jusqu’au tango et redescend en ritournelle. Autour de la thématique simple de la table qu’on installe, chaises, verres, assiettes. Autour du motif, plus inquiétant, de l’envahissement. Autour, surtout, d’une communauté visible entre des artistes qui forment troupe et chœur, et font ensemble un spectacle fraternel.

Un baiser, Gogo © Cordula Treml

AGNES FRESCHEL

Les Nono nous offrent un autre spectacle dans la foulée : Serge Noyelle met en scène cinq de ses comédiens pour des Contes érotiques de Noël, écrits par sept écrivains autour de thématiques communes: la ville, le temps présent, l’érotisme et Noël. Il y en aura en revanche pour toutes les humeurs, caressantes, sauvages, amusées, cruelles ou tragiques. Mais rien pour les enfants ! Les Contes érotiques de Noël interdits aux enfants Théâtre NoNo, campagne Pastré Du 10 au 18 déc 04 91 75 64 59 www.theatre-nono.com


CRIÉE | MASSALIA | BERNARDINES | GYPTIS | GYMNASE | TOURSKY

THÉÂTRE 15

Sine die ? En l’état actuel de l’avancement des expertises amiante, la Criée espère pouvoir continuer à jouer en ses murs. Mais la programmation du Grand Théâtre reste pour l’heure aléatoire, et la Nuit des Rois est de toute façon repoussé… Seules quelques dates seront maintenues dans la petite salle. On se réjouit vraiment que Phèdre (Petit Théâtre, voir p 12 et 13) vienne voir le soleil pour la dernière fois tous les soirs du 9 au 19 déc. Et que le Macbeth d’Heiner Muller mis en scène par Angela Konrad, prévu lui aussi dans le Petit Théâtre de la Criée, y voit surgir ses sorcières et ses spectres du 2 au 6 déc : une des missions majeures des Centres Dramatiques Nationaux est de (co)produire des compagnies de la région, conventionnées ou non. C’est pour cela, entre autres, qu’ils bénéficient de subventions importantes de l’État, pour aider à la naissance de spectacles artistiquement ambitieux, comme sont ces trois productions. Espérons que ces trois metteurs en scène résidant dans la région (Jean-Louis Benoit, Angela Konrad, Renaud Marie

Leblanc) pourront donner à voir leur travail cette année à Marseille… Et après eux Xavier Marchand, Frédéric Flamand, Hubert Colas… Quant au Hamlet Cabaret de Mathias Laghoff les spectateurs en sont d’ores et déjà privés, et le Palais des glaces prévu également en novembre est reporté sine die… D’autres spectacles auront lieu, espérons-le, ces prochains jours. Ils viennent d’ailleurs pour s’installer dans la Grande Salle, si elle est praticable : Nathan le Sage, du 3 au 5 déc (voir page 18), et Médée mis en scène par Laurent Fréchuret du 8 au 11 déc… Jean-Louis Martinelli devrait venir ensuite, puis Pippo Delbono. Les pouvoirs publics mesurent-ils bien l’impact qu’aurait sur la vie culturelle de la région une deuxième saison annulée peu ou prou à la Criée ? Les 65 000 spectateurs

Étrange

Quintuplé

Massalia accueille le Théâtre de la Mezzanine pour une performance particulière : enfermés dans une installation dans le hall de la Cartonnerie les acteurs nous donnent une vision du désastre à travers des meurtrières. On pourra y apercevoir leur univers, une station service déglinguée et maculée d’huile de vidange, de machines, d’une radio, d’un tank. Univers crépusculaire où les humains se comportent étrangement…

Alain Béhar revient lui aussi aux Bernardines, avec une pièce pour cinq hommes, écrite après une recherche dans un laboratoire marseillais de neurosciences. Une pièce sur la conscience, masculine peut être, intime sûrement. Dans la langue travaillée et poétique qui fait la spécificité de son écriture scénique, il représente ici un cerveau déployé et traversé d’influx divers, désirs, pensées, fantasmes, sollicitations.

Côte d’Azur Du 19 au 28 nov La Friche 04 95 04 95 70 www.theatremassalia.com

Mô Du 16 au 19 déc Les Bernardines 04 91 24 30 40 www.theatre-bernardines.org Mô © Mathieu Lorry-Dupuy

Cagien Le collectif IRMAR (Institut des Recherches Menant À Rien) présente une création intitulée Du caractère relatif de la présence des choses. Tout un programme! Ils se placent dans la lignée de la musique expérimentale, de l’installation, du happening et de la performance. C’est aussi sous-titré : un événement qui doit beaucoup à John Cage. Qui peut être un fort bon parrain. Ou pas !

Obsédé Les Trois Sœurs de Youri Pogrebnitchko sont en tournée en France et en Suisse, et passent bien sûr par les Bernardines. La collaboration entre Alain Fourneau et le metteur en scène russe n’est pas nouvelle. Tchékhov, cette pièce surtout, est une obsession pour Pogrebnitchko qui n’arrête pas de l’explorer, sondant le sentiment amoureux, rendant la relation toujours plus actuelle et percutante, loin de la langueur. En russe surtitré, par une troupe de jeunes comédiens, avec deux musiciens, et de la chair.

Classiques

Comique Un solo de Paul Dewandre qui fait du bruit et polémique, Romantique Françoise Chatôt recommence ses Caprices ! Après le après la sortie d’un hyper best seller de John Gray (40

Les Caprices de Marianne Du 1er au 5 déc Le Gyptis 04 91 11 00 91 www.theatregyptis.com

AGNES FRESCHEL

Les Trois Sœurs Du 10 au 13 déc Les Bernardines 04 91 24 30 40 www.theatre-bernardines.org

Du caractère relatif de la présence des choses Les 19 et 20 nov Montévidéo 04 91 37 97 35 www.montevideo-marseille.com

succès de la création de son Musset, dans les murs du Gyptis et en tournée, il revient pour quelques jours dans les murs du théâtre marseillais. Écouter Musset est toujours un plaisir extrême, le découvrir un privilège, surtout pour les adolescents à la découverte des premiers émois amoureux. Ne les en privez pas, d’autant qu’Octave (Guillaume Clausse) brûle ici la scène…

Macbeth © Christiane Robin

annuels de ce théâtre valent-ils moins que les 50 000 du stade vélodrome frustrés de leur PSG-OM, ou a-t-on moins peur de leurs exactions ? Sans parler des deux techniciens malades, qui ont déposé plainte contre X pour mise en danger de la santé d’autrui…

millions d’exemplaires vendus), que d’aucuns ont qualifié de sexiste. Il épingle en fait les comportements caricaturalement opposés des hommes et des femmes dans le jeu social de la séduction et la vie de couple. En tant que constat d’un état de fait, le spectacle peut être drôle, si on ne le prend pas pour la description d’un état naturel, mais pour la caricature de comportement trop souvent répandus… Les hommes viennent de Mars, les femmes de Vénus du 24 au 28 nov Le Gymnase www.sudconcerts.net

Michel Bouquet est l’hypocondriaque Argan dans la mise en scène de Georges Werler du Malade imaginaire. Entouré d’une troupe de comédiens qui tous excellent dans le registre de la comédie, dont la formidable Juliette Carré qui joue une Toinette insoumise à souhait, Michel Bouquet donne à voir et à entendre une interprétation impressionnante. Antoine Bourseiller met en scène Lorenzaccio dans une forme épurée, une adaptation rigoureuse et énergique du chef-d’œuvre de Musset, avec Alexandre Ruby dans le rôle-titre. Le Malade imaginaire Du 19 au 21 nov Lorenzaccio Les 11 et 12 déc Théâtre Toursky 04 91 02 58 35 www.toursky.org


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THÉÂTRE

AVIGNON | MARTIGUES

D’île en île Le Conte d’hiver de Shakespeare est une œuvre composite et étonnante, qui fait passer successivement d’un ton de tragédie digne du Roi Lear, à une pastorale aux tons pastel, puis à une grande comédie type La nuit des rois avec reconnaissances successives, et dénouement totalement merveilleux grâce à une statue qui s’anime. Classifiée en «Romance tardive» par les spécialistes de Shakespeare qui ne savaient comment les nommer, ces pièces disparates ont un charme fou, juvénile, et surprennent par leur liberté de ton. Le Conte d’hiver est l’histoire d’un mari jaloux, du désir inexprimé, d’une amitié fraternelle qui se brise, d’une enfant cachée… péripéties qui s’étalent sur 17 ans, trois îles, le monde. Shakespearien en diable, créé par Lilo Baur à Lausanne, et abordable dès l’âge où l’on tient durant 2h30 de théâtre magique. Rouge Décanté est, en revanche, expressément réservé aux adultes. Par

Le conte d'hiver © Mario Del Curto

Rouge decanté © Pan Sok

le thème qu’il aborde, sa plongée progressive dans un inconscient compulsif qui se révèle. Il s’agit d’un spectacle réellement bouleversant. Parce que le texte de Jeroen Browers, autobiographique -il raconte cinquante ans après son enfance dans un camp japonais en Indonésie durant la seconde guerre mondiale- est magnifiquement construit, par étapes, vers une révélation intime. Parce que Guy Cassiers, un des plus grands metteurs en scène

actuel, a su ici souligner cette force avec des effets discrets, une composition de l’espace par lignes, transparences et projections qui restitue quelque chose de la lecture et de son morcellement. Parce que Dirk Roofthooft, seul en scène, incarne avec une émotion sans pudeur, mais sans hystérie, cet homme brisé qui se livre pour mieux se délivrer. Rien n’y manque, que votre regard.

Rouge Décanté Le 27 nov Le Conte d’hiver Les 1er et 2 déc Scène Nationale des Salins, Martigues 04 42 49 00 00 www.theatre-des-salins.fr

AGNES FRESCHEL

personnalité singulière du Che, d’où il ressort qu’il n’est «ni une icône, ni un monstre assoiffé de sang» note Gélas. Des dialogues rapides et concis, loin de tout prosélytisme, qui s’ancrent dans l’imaginaire pour mieux fouiller l’Histoire, et qui reposent sur des préoccupations chères à l’auteur Argentin, celles qui lient violence et pouvoir, sur le plan politique mais aussi privé. Le Che est joué par Olivier Sitruk, «une évidence» pour Gérard Gélas, tandis que le personnage de Cabreira est tenu par Jacques Frantz ; et pour compléter la distribution, Laure Vallès, Guillaume Lanson et Aloïs Bebachir.

Désaliénation

Ernesto Che Guevara, la derniere nuit © Manuel Pascual

Parce qu’il s’irritait depuis longtemps de «voir Che réduit à une image pour tee-shit», Gérard Gélas a décidé de le faire parler. Il met en scène le texte de José Pablo Feinmann, Cuestiones con Ernesto Che Guevara dont Marion Loran assure la traduction et l’adaptation. Retour donc en octobre 1967, quelques heures avant l’exécution de Che Guevara, dans la petite école de la Higuera en Bolivie. Là vont se rencontrer le révolutionnaire et Andrès Cabreira, un journaliste dont le projet est de raconter l’arrestation et l’exécution du Che. Une rencontre imaginaire bien sûr, mais qui va petit à petit dévoiler la

DOMINIQUE MARÇON

Ernesto Che Guevara, la dernière nuit mes Gérard Gélas Du 20 au 29 nov Théâtre du Chêne Noir 04 90 86 58 11 www.chenenoir.fr À noter : une représentation exceptionnelle de Guantanamour clôt sept ans de tournée, le 10 déc.


AU PROGRAMME

THÉÂTRE

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Stand up Curiosité Réalité Nouara Naghouche est une pure AA, entendez par- La compagnie La Sentinelle s’empare de l’univers Guillaume Gallienne a écrit son histoire. Celle d’un là Alsacienne Algérienne. Le one woman show de cette comédienne énergique, intitulé Sacrifices, est co-écrit et mis en scène par Pierre Guillois, directeur du Théâtre du Peuple à Bussanq. Avec humour et humanité elle dresse un portrait sans concession du monde qu’elle côtoie, avec une tendresse particulière pour les femmes, ses «sœurs» aux existences de martyres, entre voile et mariages forcés. Et puis les autres, dont elle campe des portraits bigarrés, absurdes et drôles qui «dévoilent les mécanismes du quotidien» qu’elle met en lumière.

Fondement Serge Sarkissian adapte le Livre de Job, poème en prose qui pose la question de la souffrance, sans la justifier mais en la situant dans le rapport avec Dieu. Richard Martin incarne Job, homme juste et travailleur, tandis que Michael Lonsdale est Dieu ! Un face à face savoureux soutenu par les sons du doudoug (flûte arménienne en bois d’abricotier) de Lévon Minassian et du violoncelle de Fabienne Bafchieri. Job ou l’errance du juste Le 17 nov Théâtre Toursky Le 21 nov Le Comœdia (Aubagne) 04 42 18 19 88 www.aubagne.com

Colloque La pièce de Frédéric Lenoir et Louis-Michel Colla, Bonté Divine, aborde le thème du dialogue interreligieux. Un prêtre, un rabbin, un imam et un moine bouddhiste, enfermés après une conférence commune dans une pièce d’où ils ne peuvent communiquer avec l’extérieur, vont rivaliser de considérations théologiques, jusqu’à sonder leur foi et leurs doutes. Bonté Divine Le 2 déc Le Comœdia (Aubagne) 04 42 18 19 88 www.aubagne.com Le 1er déc Pasino (Aix) 04 91 80 10 89 www.sudconcerts.com Le 26 nov Théâtre Armand (Salon) 04 90 56 00 82 www.salon-de-provence.org

Le Bar sous la mer Le 8 déc Le Méjan, Arles 04 90 49 56 78 www.lemejan.com

Les garçons et Guillaume, à table du 1er au 5 déc Jeu de Paume, Aix 0 820 000 422 www.lestheatres.net le 8 déc Scène Nationale des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

Futuriste L’acteur-metteur en scène Marcial di Fonzo Bo poursuit son exploration de l’œuvre théâtrale de l’Argentin Rafael Spregelburd et met en scène, avec la comédienne et auteure Elise Vigier La Paranoïa, inspirée du tableau de Hieronymus Bosch, Les Sept péchés capitaux. Naviguant entre théâtre et vidéo (l’artiste associé au Théâtre, Bruno Geslin, crée les images), la pièce s’attache à démonter les mécanismes de la fiction. Or la survie de l’espèce humaine dépend de la création d’une fiction qu’une équipe bigarrée et déjantée de mathématicien, astronaute, écrivain… est chargée de créer en 24h… La fiction comme dernière richesse, quelle science-fiction ! La Paranoïa Les 26 et 27 nov Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

Déluge Jean-Pierre Darroussin en riche céréalier bougon de la Brie ? Pourquoi pas, il peut tout jouer, cet acteur-là. Y compris ce texte d’Alain Gautré, mis en scène par l’auteur, qui le prend au piège de sa propriété familiale durant 40 jours de pluie, et le confronte à des personnages pas toujours bienveillants. Une comédie qui vire au grinçant et s’échappe vers le biblique pour mieux causer d’universel… La Chapelle en Brie du 15 au 19 déc Jeu de Paume, Aix 0 820 000 422 www.lestheatres.net

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Bonté Divine © Lot

garçon dans une fratrie où il avait un drôle de rôle. Et bien sûr cette histoire il la joue, seul en scène, endossant tous les personnages, mettant à l’œuvre son talent d’acteur surdoué et survolté de rire. Sous la direction de Claude Mathieu, sa marraine de théâtre.

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Sacrifices Le 27 nov Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51

burlesque et satirique de l’écrivain, poète et journaliste italien Stefano Benni en adaptant Le Bar sous la mer. Mise en scène par Karine Poitevin et Ludovic Laroche, la pièce rend compte de toutes les histoires contées par les curieux clients qui peuplent ce bar sous la mer, et dans lequel atterrit une jeune femme qui essayait simplement de sauver de la noyade un homme qui s’enfonçait dans l’eau… Entre pastiche et parodie, les personnages prennent vie au cours de récits extravagants, désopilants, surréalistes!

Huis clos Selon le principe des Veilles théâtrales conçues par l’Atelier, Alain Simon et Alain Reynaud liront dans son intégralité un texte de ce dernier. Sur son enfance, son père projectionniste qui raccourcissait les films pour retrouver plus vite les siens le soir… Voyage sur place le 4 déc, 19h Théâtre des Ateliers, Aix 04 42 38 10 45 www.theatre-des-ateliers-aix.com

© Pacôme Poirier

Rabelaisien Ce texte de Valère Novarina est éclatant, jouissif, orgiaque. De verve, d’invention verbale, de liberté poétique concrète, qui se mange. Huit personnages métaphoriques définis par leur manière de dévorer le monde se trouvent autour d’une table et parlent, parlent, cette langue dont l’air est connu et suffit à faire entendre les paroles… Le Repas Le 1er dec Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com Le 2 déc Théâtre Vitez, Aix 04 42 59 94 37 http://theatre-vitez.com

Bel amateur Le théâtre Vitez accueille la 7 édition du festival de e

théâtre amateur en Pays d’Aix. Les compagnies, sélectionnées, préparées, ménagent chaque année de très belles surprises. Cette année, des textes très divers : Pasolini, Grumberg, Shakespeare, Benno Besson, Labiche, et de créations collectives… Parce que le théâtre se pratique ! Festival de théâtre amateur du 11 au 16 déc à 19h et 21h15 Théâtre Vitez, Aix 04 42 59 94 37 http://theatre-vitez.com


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THÉÂTRE

AU PROGRAMME

Enfer

Libération

Après des résidences de travail à la Distillerie à Aubagne, à la Friche et au 3bisf, la cie aubagnaise Lesgensdenface présente sa création des Quatre jumelles de Copi. La mise en scène de Christophe Chave s’attachant à rendre réelle l’écriture de Copi, rythme le jeu des comédiennes en se basant sur l’énergie et les tensions perpétuelles de leurs corps. Entre folie et farce macabre, les quatre jumelles se croisent, se droguent, s’entretuent, meurent et ressuscitent inlassablement…

Xavier Gallais adapte et met en scène Les Nuits blanches de Dostoïevski. Une relecture moderne, dans laquelle Tamara Krcunović et Xavier Gallais offrent une interprétation troublante de cet amour romantique. Tout en légèreté et subtilité ils font leurs les mots de l’auteur russe, au cœur d’un décor presque naturel entre bois et herbes hautes.

Les quatre jumelles Le 4 déc Le Comœdia (Aubagne) 04 42 18 19 88 www.aubagne.com

Les Nuits blanches Le 14 déc Théâtre Armand, Salon 04 90 56 00 82 www.salon-de-provence.org

Les nuits blanches © BM Palazon

Revenir Dans La Douleur, mis en scène par Patrice Chéreau et Thierry Thieû Niang, Dominique Blanc est Marguerite Duras. Récit autobiographique, le texte cru de Duras raconte sa vie de résistante, la libération, et l’horreur de l’attente, celle du retour de son mari, Robert Antelme, résistant déporté à Dachau. Seule en scène, la comédienne fait sienne l’écriture durassienne, entre douleur et espoir. La Douleur Le 21 nov Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr

Aimer

Confession

Cendre Chassanne, qui dirige la compagnie Barbès 35, met en scène Le Triomphe de l’amour de Marivaux, une guerre d’amour «qui est aussi une guerre politique, […] une aventure hédoniste.» Au centre de la mise en scène un jardin dans lequel rien ne pousse, jusqu’à ce que «Léonide, par la puissance de son projet, ne parvienne à faire bouger tout cela, à réveiller les forces de la nature.» Le pouvoir de l’amour triomphant en tant que nouvel ordre politique ?

Au début du XXe siècle, à Monte Carlo, un scandale secoue les résidents d’un grand hôtel : abandonnant son mari, une femme respectable s’enfuit avec un jeune homme qu’elle connaît à peine. À cette occasion, une vieille aristocrate anglaise revient sur son passé et sur histoire fort similaire… Marion Bierry adapte la nouvelle de Stefan Zweig, 24 heures de la vie d’une femme, avec Catherine Rich et Robert Bouvier. Dans une mise en scène sobre, les comédiens prennent la parole à tour de rôle ; un double récit qui permet la lente libération de la parole…

Le Triomphe de l’amour Le 15 déc Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr

Résister Espérer On ne payera pas l’oxygène d’Aristide Tarnagda, dans une Au temps des croisades, en 1187 à Jérusalem, sont réunis les Afrique crépusculaire projetée dans un avenir encore plus destins séparés d’un marchand juif, d’un jeune Templier et du sultan Saladin. Parabole de la tolérance et de la fraternité, Nathan le sage de Gotthold Ephraïm Lessing est mis en scène par Laurent Hatat avec un parti pris actuel, dans une démarche qui place le théâtre au centre de la question du vivre ensemble. Transposée dans une ville d’aujourd’hui, «où les mots permettent encore d’exprimer les conflits, parfois pour les régler, parfois pour les masquer», la pièce fait entendre d’étonnants échos…

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Nathan le sage Le 28 nov Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr

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sombre, raconte l’agonie d’un couple refusant de payer l’air qu’il respire ; Grand écart de Dieudonné Niangouna met en scène l’histoire d’un autre couple, plus universel, violent, détruit par la dureté du monde et sa propre violence. Deux très beaux textes, proposés par Eva Doumbia, par une metteure en scène qui connaît l’Afrique et nous la donne à voir sans concession. On ne payera pas l’oxygène/Le grand écart Le 1er déc Théâtre de La Colonne, Miramas 04 90 58 37 86 www.scenesetcines.fr

Nathan le sage © Eric Legrand

24 heures de la vie d’une femme Le 26 nov Théâtre de La Colonne, Miramas 04 90 58 37 86 www.scenesetcines.fr Le 12 déc Carré Léon Gaumont, Sainte Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com

Soliloques Jean-Yves Picq s’installe au Théâtre des Halles pour trois soirées qui se déclineront en rencontre (le 17 déc, avec lectures choisies de ses textes) et spectacle. Le Théâtre de l’Ephémère met en scène Donc, délirant tourbillon verbal à trois voix. Les mots comme rempart contre le silence et la nervosité… Donc Les 18 et 19 déc Théâtre des Halles, Avignon 04 90 85 52 57 www.theatredeshalles.com

Résistance Germaine Tillion aura traversé le XXe siècle de façon exemplaire, toujours à la recherche du juste et du vrai, à travers ses écrits et ses engagements humanistes. Xavier Marchand met en scène trois de ses textes -Il était une fois l’ethnographie, Ravensbrück et Les Ennemis complémentaires- avec des chants et des images d’archives, dans un théâtre documentaire dont il a le secret subtil, qui donne une belle leçon d’humanité. Il était une fois Germaine Tillion Le 17 déc Théâtre de la Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.com


LA CITÉ | BANCS PUBLICS | MINOTERIE

THÉÂTRE

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Sortir de l’isolement La Cité, Maison de théâtre poursuit ses expériences d’écritures du réel ; au programme de novembre, la prison, sujet difficile à traiter sans tomber dans le voyeurisme, le pathos ou la morale à deux sous. Pourtant le metteur en scène Jean-Michel Van den Eeyden et Jean-Marc Mahy, ex-taulard devenu éducateur, et acteur pour l’occasion, ont voulu faire du vécu de Mahy un véritable «acte théâtral», et permettre à cet homme qui a passé 18 ans de sa vie en prison, dont 3 en quartier d’isolement, de «porter sa parole différemment» sur le plateau et, par la confrontation au jeu, de prendre la distance nécessaire pour rester un homme debout. Accueillis en résidence de création durant l’été, les deux Belges ont présenté le travail en cours durant 3 soirées suivies de projections et de débats. La force du propos et de sa validité dramatique sont frappantes. Mahy possède un vrai tempérament d’acteur, qu’une mise en scène dépouillée et pudique transcende. Durant une heure, on est avec le détenu dans sa minuscule cellule, qu’il arpente presque non stop, tout en disant un texte encore improvisé mais qui sonne déjà écrit. On suit son parcours de jeune délinquant, puis de prisonnier, les humiliations répétées, les coups et les fouilles au corps, les étapes d’un procès bâclé, la tentation du suicide jusqu’à sa métamorphose finale. On est ému, on rit aussi… et on attend la version définitive d’un projet prometteur.

Créations diverses La Minoterie comme à son habitude invite et soutient la création en programmant, en novembre, Grand Magasin, puis le Théâtre de l’Ajmer. Pour des bonheurs divers, à petits prix. Avec presque rien, une table de camping et une quinzaine d’objets cheap, mais beaucoup d’humour et d’ingéniosité Grand Magasin parvient, entre un chantier à ciel ouvert et un restau en cours d’édification, à broder un numéro burlesco-surréaliste, à base de logique à deux termes aristotélicienne : un objet, là ou pas là, déclenche ou non sur un pseudo tableau numérique un voyant qui s’éteint ou s’allume. Jumel © X-D.R. Une volonté dérisoire de circonscrire le monde à du binaire, fort drôle, à la base néanmoins de notre monde numérique… Le Théâtre de l’Ajmer n’a pas cette ingénuité-là. Franck Dimech, comme quand il monte Sarah Kane ou Maeterlinck, sadise ses acteurs, les met dans des positions humiliantes, cherche notre dégoût (laper son assiette, recracher, remanger, cracher dans un verre puis boire, enfiler une robe trempée de lait, se nourrir de graines cachées dans sa culotte…). Procédés acceptables quand ils visent à une prise de conscience. Mais entre ces jumelles chinoises, sur ce texte insipide qui répète à l’envi des situations sans intérêt, quel est l’enjeu ? A.F.

Panorama commenté, de Grand Magasin, a été joué du 19 au 24 nov. Jumel est joué jusqu’au 19 nov. www.minoterie.org

CLARISSE GUICHARD ET FRED ROBERT

Un homme debout a été présenté du 5 au 7 nov à La Cité à Marseille Un homme debout © Olivier Donnet

Terra (in)cognita ? Une première semaine bien remplie pour l’arpenteur des territoires ouverts cette année encore par le théâtre des Bancs publics qui propose pour la 4e édition des Rencontres à l’Echelle un véritable festival de propositions en mouvement, de trajectoires croisées ou de face-à-face fertiles entre Marseille et Alger. Grâce à une collaboration élargie avec Aflam (voir p 58), ou les Rencontres d’Averroès et une déambulation heureuse entre Joliette et Belle de Mai, la cohérence du projet se dessine fermement, quoi qu’il en soit de la fragilité de certaines formes d’exploration. Le déploiement de désir vers l’autre semble être le mot d’ordre général, plus ou moins explicite selon l’artiste. La chorégraphe Balkis Moutashar le fait savoir sans ambiguïté dans Lautrétranger pièce qui invite trois soirs de manière différente Sliman Habès à investir et à subvertir de son énergie hip hop les gestes d’une danse contemporaine si codifiée ; à trouver sur un plateau où tout a déjà été joué, la place qui est due à celui qui vient d’ailleurs. Émouvant y compris dans la maladresse et l’inachevé. Plus audacieuse, la création de Julie Kretzschmar et Guillaume Quiquerrez, première exploration publique de l’hétéroclite et malicieux Arrêt) (Terra, pose le spectateur face à une quête en miroir qui mêle le burlesque au tragique : sous l’autorité bienveillante de l’acteur Samir El Hakim, trois «Français» à une table de conférence égrainent avec des bonheurs divers la

semoule fondatrice et identitaire ; subtile, pince-sansrire, la scène dure sans s’user / le rock du colonisé, décalé et hilarant couvre le crépitement des identités flambées / un dernier tableau énigmatique (d’un seau rouge de pompier, chaque acteur tire un gobelet d’eau qu’il jette dans les pieds de son comparse qui traverse la scène en courant, accompagnant son geste d’un «pschitt» sonore et quelque peu menaçant) se dilate dans le temps et ouvre un espace imaginaire singulier, bien plus intéressant que les portraits-vidéo qui scandent le reste de la pièce. Le même trio d’acteurs (Eric Houzelot, Sharmila Naudou et Julie Kretzschmar) a lu le lendemain aux Archives Départementales la non moins nerveuse et polyphonique Archéologie du chaos (amoureux) du pop-littérateur (sic) Mustapha Benfodil dont la présence stimulante et modeste n’a sûrement pas entravé la circulation des idées dans la salle ! La rencontre sidérante avec le film de Tariq Teguia Inland (voir p 53) ou les photos «algériennes» de Pierre Bourdieu au MuCEM (voir p 11) élève encore la qualité de l’attention portée à ceux d’en face. À suivre... MARIE JO DHO

Les Rencontres à l’Echelle ont lieu dans divers lieux de Marseille jusqu’au 6 déc


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THÉÂTRE

GYMNASE | MARIE-JEANNE | LENCHE | DAKI LING

Drôle d’Histoire

© Pascal Gély CDDS Bernand

Bon. C’est du théâtre à la papa. Regorgeant de personnages inauthentiques, d’intrigues sentimentales à la Cour dignes, par instants, de Barbara Cartland… Mais enfin, ce Diable Rouge fait plaisir. D’abord, avant tout, par-dessus tout, parce que Claude Rich est là. Jubilant, coquin, mutin, Mazarin jusqu’au bout des ongles, il est la malice incarnée. Ses moindres répliques sonnent comme des mots d’esprit, ses mots d’esprit comme du Machiavel. Il a le don de tout sublimer, cet homme-là. Mais il serait injuste de lui attribuer tout le plaisir qu’on prend à ce spectacle : si Antoine Rault n’a visiblement pas de souci de la langue, ni de l’histoire du sentiment amoureux, il a un sens évident de la progression dramatique, du bon mot, et un vrai intérêt pour l’histoire du pouvoir. Quelque chose se passe là, dans les antichambres, entre Mazarin qui s’éteint, Anne

d’Autriche qui cède la place, Louis qui devient Soleil, Colbert qui pointe son nez et Fouquet qui se fait évincer. Quelque chose qui a posé les bases, semble-

t-il, de l’exercice du pouvoir en France. Et qui prête à sourire, par les correspondances éta-blies entre un système régalien et un autre, toutes ces promesses faites pour être trahies. Et cet impôt en train de naître qui protège les plus riches et ménage les plus pauvres, et ressemble tant au système fiscal actuel. Au-delà de cela, on ne peut que se réjouir du succès de ce théâtre intelligent et populaire, peu inventif dans la forme mais très accessible, et misant sur le plaisir: les scènes marseillaises sont trop avares de ce type de spectacles, qui font le succès des parisiennes. À des prix nettement moins abordables. AGNES FRESCHEL

Le diable Rouge a été joué au Gymnase du 13 au 24 oct

Le jeu cabaret

Malade à trois

Décidément, Tchekhov n’épuise pas le théâtre de Lenche, ni son esprit de troupe. Le cabaret qui a été proposé durant deux semaines a rempli la petite salle, les gradins et les tables disposées autour de la scène. Une chaleur indéniable se dégage de cette forme conviviale de théâtre de proximité qui transforme le comédien en voisin de siège, et permet ainsi d’entrer dans les nouvelles de Tchékhov un peu comme lors d’une rencontre littéraire. Le jeu n’y est pas théâtral, les comédiens n’interprètent jamais les personnages : ils s’amusent à dire les textes, ensemble, à contretemps, en chœur, en chantant, en s’interrompant même… bref en jouant beaucoup mais sans jamais jouer comme au théâtre. Cela donne une cohésion particulière à la troupe, sans qu’aucun ne soit poussé en avant : tout est judicieusement réglé, même les chansons, à plusieurs voix, pas faciles, qu’ils chantent juste… ce qui relève généralement de l’exploit chez les comédiens, et dénote un travail sans doute colossal ! Mais ce cabaret permet surtout d’entendre les récits amers de Tchekhov, la précision de ses personnages brossés en deux coups de pinceau, et ses désarrois qui surgissent dans cette sorte d’inopiné prévisible dont ses nouvelles ont le secret. On en ressent comme une impression contradictoire : l’amertume du constat est rehaussée par le bonheur de goûter cette intelligence. Décidément, Tchekhov est inépuisable.

La compagnie Le Souffle a six ans. Marseillaise, elle a à son actif sept créations, et une énergie qui la pousse à tourner dans de nombreuses salles conviviales, et dans les établissements scolaires. Son Malade Imaginaire était ainsi au Daki Ling pour une reprise, et on le retrouvera au Marie-Jeanne, autre théâtre marseillais à l’énergie rare, aux petits tarifs et à la programmation choisie, malgré la crise. Leur Malade ne manque pas de qualités non plus : le texte, reconcentré autour de quelques scènes phares, est monté dans un esprit de tréteaux (masques, interversions des rôles, changements à vue, musique en direct…) qui ne dénature jamais l’esprit de la pièce, même quand il en bouscule la lettre. Les caractères de la dernière pièce de Molière sont compris dans leur cruauté et leurs ambiguïtés, et appuyés par des partis pris piquants qui leur vont bien. Reste que les comédiens auraient besoin de travailler leur technique : malgré les qualités que possède chacun, en particulier Sylvain Mouly, l’articulation reste approximative, les accents inconstants, les déplacements mal maitrisés… Ils jouent de leurs instruments en amateurs plus ou moins éclairés et décrochent souvent dans le jeu, ce qui brise le rythme. Bien sûr le pari de jouer le Malade à trois, à toute allure qui plus est, n’est pas si simple à honorer. Exister dans le paysage théâtral actuel, sans être passé par des écoles nationales, des compa-

AGNES FRESCHEL

Il n’a été heureux qu’une fois, sous un parapluie a été créé au théâtre de Lenche du 13 au 25 oct Il n'a ete heureux qu'une fois... © Catherine Rocchi

Le Malade imaginaire © Le Souffle

gnies conventionnées, et sans être le fils de personne, est encore plus périlleux… Quant à gérer un lieu associatif et convivial qui accueille ce type de spectacle, cela relève du miracle ! Mais cela n’aurait pas de sens, ceci étant entendu, de camoufler les défauts d’un spectacle parce qu’on aimerait le soutenir : le Malade Imaginaire est méritant, intelligent, agréable, drôle, éminemment sympathique… mais un brin amateur. AGNES FRESCHEL

Le Malade Imaginaire a été joué au Daki Ling du 5 au 7 nov. Il sera repris au Marie-Jeanne du 5 au 7 déc. Théâtre Marie Jeanne 04 96 12 62 94 www.theatre-mariejeanne.com



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THÉÂTRE

GYPTIS | BEAUCAIRE | TOURSKY | MARTIGUES | CAVAILLON

Loin de la Huchette... Cadavres exquis... Jean–Luc Lagarce est mort, Ionesco aussi… Mais la Cantatrice est toujours chauve et Jean-Luc Lagarce bien vivant ! Par le miracle profane de la mémoire aimante de François Berreur et de ses témoins du théâtre de la Roulotte, la mise en scène pétulante de la pièce emblématique de Ionesco, montée il y a plus de 15 ans, crève de nouveau l’écran ! Tout y est : la façade plate du cottage calée entre haies et pelouse de chez Lego (UK) ; les couples d’acteurs-re-acteurs jouant de leur symétrique dissymétrie burlesque (la grande Mireille Herbstmeyer et le petit Mr Smith / pareil et inversé chez les Martin) ; la mécanique impeccable des répliques dupliquées est telle que le rire a même du mal à suivre tant le rythme ne fourche pas : le clin d’œil frontal aux années acidulées du théâtre à la télé, les tailleurs Chanel (Channel ?), les rires hors de saison

où parler ne veut pas dire, Mrs Martin montre sa culotte, pressée par l’excitation univoque de son mari ; les écarts par rapport à la mise en scène canonique et muséale de Nicolas Bataille sont signalés par Mary-La-Bonne jusqu’à l’effondrement du décor… et dans une des fins inédites (à faire) les spectateurs prompts à bondir sur scène à la moindre sollicitation brechtienne sont fusillés raides-morts sur ordre du directeur de salle ! Avez-vous remarqué qu’Hitchcock et Ionesco avaient la même calvitie ? MARIE-JO DHO © Brigitte Enguerand

enregistrés chez Benny Hill, les cuts au noir à peine perceptibles qui dérèglent le temps comme cette lune là-haut tantôt pleine tantôt vide... L’inquiétude pointe et peut-être la terreur, trace certaine du subtil Lagarce : un peu égarée dans un récit

La vérité est en bas Il est étrange de constater, alors que le théâtre de Camus, terriblement didactique, a mal vieilli, combien ses essais et récits passent bien à la scène… Le pari de Raymond Vinciguerra était osé : la confession de Clamence n’est pas un monologue, et La Chute, malgré les appels à un interlocuteur imaginaire, n’est pas adressée. Pas théâtrale donc. Il s’agissait de ne pas tomber dans le piège d’une dramatisation, et la mise en scène les évite : le seul personnage présent, possible, autour de Clamence est bien cette jeune femme qu’il a laissé se noyer dans la Seine, et dont la chute physique a provoqué sa dégringolade sociale, et sa prise de conscience morale ; les seuls éléments de décor possibles sont bien ces images mentales projetées sur les écrans et qui suivent le trajet du narrateur, de la débauche à l’introspection, comme le tabouret, le transat puis le lit suivent son affaissement. Raymond Vinciguerra représente ces images intérieures discrètement, dans une abstraction très juste. Son comédien ne l’est pas moins :

Philippe Sejourné, avec une diction qui retrouve les accents bourgeois du Paris des années soixante, ou s’empâte dans la bière des bars d’Amsterdam, incarne toutes les facettes de Clamence, l’épave avocat des truands, le don juan méprisant et dominateur, le filou philosophe, jusqu’au lâche qui ne se pardonnera jamais d’avoir eu peur du froid… Et la colère, terrible, contre lui-même. L’occasion de (re)découvrir un très grand texte. A.F.

La Chute jusqu’au 21 nov Théâtre Gyptis 04 91 11 00 91 www.theatregyptis.com le 27 nov Théâtre de Beaucaire 04 66 59 26 57 www.beaucaire.fr Les 11 et 12 déc Théâtre du Balcon, Avignon 04 90 85 00 80 www.theatredubalcon.org

© X-D.R

La Cantatrice Chauve, mise en scène de Lagarce remontée par François Berreur, a été montrée à Cavaillon le 19 oct et aux Salins les 22 et 23 oct

Le cœur est un chasseur solitaire Deux tables de bar, un juke-box lumineux dans un coin, des consommateurs attablés aux flancs de la scène… Elle arrive dans une inénarrable robe à fleurs: «Je suis bien ?». Complicité immédiate avec un public conquis d’avance : on est venu pour elle, sa faconde, ses bons mots, sa gouaille, son énergie, sa capacité extraordinaire à transmettre ses émotions, à les faire partager… Marguerite, enfant mal aimée par une mère qui ne s’est jamais remise de la mort de sa première fille, attend au juke-box café son rendez-vous (rencontré sur Internet, grâce à sa copine Georgette, une femme de 75 ans, seule elle aussi, avec laquelle elle bavarde et boit son whisky). Serat-il le compagnon souhaité ? Ne serait-ce que pour partager un verre, un spectacle… S’ensuit une galerie truculente de messieurs, du fou d’escalade et de rafting au chasseur «sans son chien» en passant par l’érudit d’égyptologie, le masochiste poilu, le radin, le beau Marcello (Marcel en fait, «mais en italien, c’est plus beau» !) si aimé mais marié, qui se réduit progressivement à dos fuyant… Évocations qui tordent de rire la salle… Ce sens du détail juste, de l’anecdote, est tout un art ! Rire, autodérision, émotion sensible aussi, lorsque son cœur devient «une écharpe de soie qui se déchire» ou que Patouf, le bon chien fidèle aux yeux profonds comme de grands lacs, meurt. Les animaux valent

© Max Minniti

mieux que les êtres dits «humains» dans cette histoire, où la solitude se vit, se combat. Les chansons de Cocciante à Marc Lavoine tissent une trame sur laquelle le spectacle se brode, s’achève et s’emballe. Un cocktail «coup de foudre» réclame Marguerite ! Il n’arrive pas, pas plus que le prince charmant. Mais l’espoir est une source intarissable d’énergie. Est-ce là qu’Edmonde Franchi puise sa verve ? MARYVONNE COLOMBANI

Coeur @ prendre, d’Edmonde Franchi, a été joué au Toursky les 13 et 14 nov


NÎMES | OUEST PCE | PORT-DE-BOUC

THÉÂTRE

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Politique spectacle De l’empire napoléonien à l’empire politico médiatique il n’y a qu’un pas… que le collectif Superamas franchit allégrement dans Empire (Art & Politics). D’une super production sous forme de reconstitution historique de la bataille d’Essling/Aspern à une réception mondaine clinquante et ridicule chez l’ambassadeur de France, l’analogie illusoire est parfaite. Illusion d’une réalité qui défile sous nos yeux et dont la perception est constamment brouillée. Si les scènes de reconstitution historique paraissent bizarres et surjouées, c’est qu’elles sont en fait des bouts de film, lequel film, après projection, servira de support et de prétexte à la soirée caricaturale de l’ambassadeur qui rassemble politiques et artistes. Les discours se mélangent, on ne s’écoute pas parler, caricature et

réalité prennent le dessus à tour de rôle. Et puis c’est la projection d’un court documentaire -vrai ou faux ?, là encore la perception vacille- dans lequel les Superamas partent en Afghanistan à la recherche de la cinéaste Samira Makhmalbaf pour l’interviewer sur son rôle de conscience politique, jusqu’à l’attaque aussi subite que foutraque de Talibans qu’ils tuent aussi sec. Le mécanisme du spectacle fonctionne chaque fois, surprenant le spectateur par des insertions brutales de réalité noyées dans des artifices. Bien sûr que tout est faux, comme pour mieux démonter l’image. Pensez-vous que tout ce que vous voyez, ce que vous entendez est réel ?

Empire (Art & Politics © Giannina Urmeneta Ottiker

Empire (Art & Politics) a été joué au théâtre de Nîmes les 21 et 22 oct

DOMINIQUE MARÇON

Ados en crise Le cri de Murdoch (remarquable interprétation de Benoit Landry) résonne encore, longtemps après la fin de la pièce. Le cri du cœur d’un adolescent qui cherche un sens à sa vie, entre des «pourquoi» et des «je ne sais pas» répétés comme une litanie lancinante et un brin dérangeante, saupoudrant ses savoureux monologues. C’est qu’il s’adresse aux adultes, Murdoch, qui ont apparemment du mal à lui répondre, et préféreraient le faire taire. Il ne se taira que lorsqu’il disparaîtra, avec Norvège, son pendant silencieux, adolescente pétrifiée par la laideur qu’elle découvre au fond de son ventre, pieuvre envahissante, métaphore d’une société qu’ils refusent tous deux. Entre les deux, Boon, anthropologue judiciaire un rien ahuri, va remonter l’histoire des ces deux-là -leurs corps ont été retrouvés enlacés

au fond du fleuve Saint-Laurent, début de l’énigme-, entre fiction et réalité. Et raconter sa propre histoire, celle de la beauté, qu’il avait imaginée virtuelle et qui prend corps. La mise en scène de Benoît Vermeulen, codirecteur du Théâtre Québécois Le Clou, contribue à créer ce monde intriguant imaginé par Wajdi Mouawad, mais se perd de temps en temps dans une scénographie lourde d’allégories inutiles. Hormis le mur de vidéos, qui nous promène ingénieusement d’un monde à l’autre. DO.M.

Assoiffés a été joué au Théâtre de l’Olivier, Istres, le 10 nov © X-D.R.

Fabulateur à facettes 7e collaboration complice de Serge Valletti et Christian Mazzuchini, Mythomane se présente comme un florilège de textes brefs. Le comédien en fait son miel, au milieu d’une scène encombrée de lits de camp qui servent autant de paravents que de sièges, de cartons vides ou regorgeant de petits riens… avec pour décor sonore une radio facétieuse qui ponctue les saynètes avec de faux horoscopes délirants. Ça n’aurait pu être qu’une succession de situations, une galerie de personnages loufoques ; mais Mazzuchini a une telle facilité à les lier tous, il endosse si simplement ces habits bigarrés que son inventaire recrée une micro société des plus réjouissantes. Mythomanes ils ne le sont pas tous, et certains plus que d’autres : entre un réparateur de cerveaux lents, un tranquillisateur pour gens inquiets ou un paranoïaque (hilarant) lié au suicide de Bérégovoy, la voix de Balkany se glisse, expliquant que les pauvres vivent très bien en France… Mythomane ou menteur ? Peut-être que la meilleure place où s’installer c’est dans sa tête, bien au chaud, pour continuer à fabuler… DO.M.

Mythomane a été joué au Sémaphore (Port de Bouc) les 12 et 13 nov. Il est programmé au Comœdia, à Aubagne, le 16 janv, et à la Minoterie du 19 au 23 janv


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THÉÂTRE

AVIGNON

Une biennale d’énergie

Collectif 2 temps 3 mouvements © M. Desseigne

Temps fort du hip hop en Vaucluse depuis 2002, le festival Drôle(s) d’Hip Hop est une réussite. Pendant 15 jours d’automne il décline les mouvements de la création hip hop, dans une ville qui peut donner l’impression de n’exister culturellement qu’en été. Réussite humaine aussi, il rassemble un laboratoire d’expressions urbaines et des artistes généreux, visiblement comblés par cette tribune, dans un collectif partenarial à géométrie variable. Pédagogique enfin,

il crée du lien au travers d’ateliers et stages à la fréquentation galopante. Cette année, beatbox, step, danse et graff étaient à l’honneur. La cie des Daltoniens avec son spectacle Tag, en direction du jeune public, a emballé le théâtre des Doms. Autour des sentiments d’insécurité et d’intolérance, avec un zeste de cartoon, une touche de burlesque et du rythme en rafale, les trois «citadins de l’extrême urbain» manient la percussion vocale comme d’autres les

mots. Avec, en «guest», le beatboxer Ezra qui excelle dans la discipline. Aux Hivernales, la cie 2 Temps 3 Mouvements a réuni avec brio arts du cirque et danse hip hop, en donnant de surcroît un sens à leurs différences. La Stratégie de l’échec aborde la question de l’universel et de la liberté, hors du déterminisme social. Nabil Hémaïzia et Mathieu Desseigne se complètent admirablement, entre équilibre et prouesse physique. Dommage que la bande son parfois prévisible ne pousse pas plus loin le propos. En 2nde partie, l’étonnant court métrage Trompe l’œil du cinéaste Florent Sauze a sonné comme un coup de poing. Une démonstration intelligente de légende urbaine, ponctuée par les apparitions des deux danseurs de Onstap, qui n’en finissent pas de développer leurs talents. À l’Auditorium du Thor, le collectif Jeu de Jambes, réunissant zazous en jaquettes et guêtres, a affirmé son savoir-faire chorégraphique, mélangeant claquettes (sans bruit), swing, soul et jazz rock. 45 minutes de belles images, nerveuses et acrobatiques… un peu «à l’esbroufe», mais énergisantes. Rendez-vous dans deux ans, seulement ! DELPHINE MICHELANGELI

Drôle(s) d’Hip Hop a eu lieu en Vaucluse du 19 au 31 octobre 2009

Des visages, des figures

Initiée par la Scène Nationale de Cavaillon, le spectacle La Grande Dame s’est monté avec des amateurs issus du théâtre de la Marmite. Brigitte, Claude, Fanny, Hélène, Jacqueline, Jean-Jacques, Nicole et Patrick retranscrivent, sous la houlette de la poétesse Laurence Vielle, les paroles des salarié(e)s, ouvriers et cadres de l’usine de la SEPR au Pontet. Une «grande dame» qu’ils portent sur leurs épaules depuis 60 ans et qui ne se laisse pas déshabiller si facilement. Les comédiens-chanteurs à la diction certes perfectible, aux déplacements fragiles et au jeu parfois flottant, nous touchent par leur sincérité pleine de grâce. Une sensibilité qui, jouée par des pros, aurait sonné faux, ou trop. Ici, le réel et l’émotion transpirent à belles gouttes, avec un vrai travail de chansons polyphoniques, mené et accompagné par les musiciens Bertrand Binet et Vincent Granger. À l’heure où des salariés se tuent de désolation et d’incompréhension, ce spectacle résonne comme un coup de poing. Quel meilleur moyen que le théâtre pour exprimer cet attachement sincère, sa réalité paradoxale ? Une histoire de transmission générationnelle, de soli-darité, de lutte syndicale, d’un amour du travail bien fait et d’adaptation à son temps, dans une usine artisanale en pleine tourmente face à la mondialisation. «Au début on était 2000, on n’est plus que 700.» Une humanité qui éclate. Un temps qui se délite et une fin qu’on espère pas si prévisible.

Programmé dans le cadre des nuits d’Amnesty International, J’ai Soif est un dialogue, plus qu’un spectacle, entre deux paroles de suppliciés. Les 7 dernières paroles du Christ en croix de Haydn, jouées magistralement par le pianiste Roland Conil, entrent en résonance alternée avec le texte de Primo Levi, Si c’est un homme, interprété par l’imposant Serge Barbuscia qui évolue fragilement, pieds nus (mais pas anecdotiques), entre les toiles évanescentes de Sylvie Kajman, projetées sur des rectangles blancs. La disposition circulaire de ses figures humaines à l’encre de chine qui rappellent les sculptures filiformes de Giacometti, plonge le spectateur dès son entrée dans le «trou noir de l’humanité». Ces peintures servent de ciment universel entre les deux témoignages. «Quiconque oublie son passé est condamné à le revivre», les trois artistes sont engagés dans ce devoir de mémoire collectif. Une transmission de l’indicible, de la barbarie, de l’humiliation, des atrocités commises par l’homme, du passage de l’humanité à la pathologie. La salle est à l’écoute, figée et bien que l’œuvre musicale occupe beaucoup l’espace, les mots

La Grande Dame - Cie La Marmite © X-D.R.

Ouvriers

DELPHINE MICHELANGELI

La Grande Dame s’est joué au Théâtre des Doms les 22 et 23 oct

dépassionnés et pourtant terriblement profonds de Levi, au cœur des camps de concentration, trouvent leur force, terrible. L’instinct de survie, la soif d’amour et d’humanité rattrapent l’œuvre de mort engagée. «Des visages, des figures, dévisagent, défigurent, des figurants à effacer...». Un travail de mémoire qui évite le pathos et permet de réunir des témoignages magistraux. DE. M

J’ai soif s’est créé au Théâtre du Balcon du 23 au 25 octobre 2009 © Michel Benoit


LE MERLAN

CIRQUE

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À charcuter le gore ! En ce début de soirée, un projet, une mise à mort. Celle du cochon, cet animal biologiquement si proche de l’homme qu’il le tient expressément à distance. Mathilde Monfreux aime le cochon et choisit au contraire de l’approcher voire de l’incarner dans une schizophrénie où la femme et la truie luttent pour émerger de son corps. Dans un décor de bassines, de draps maculés, de substances rappelant les fluides organiques et de formes s’apparentant aux boyaux, elle plonge le spectateur dans une ambiance apocalyptique rappelant l’univers de Délicatessen. Entre fétichisation du corps et désir cannibale, l’artiste

tente de questionner notre propre animalité mais aussi de la célébrer, de questionner notre manière de manger, de nous nourrir, de consommer au-delà de la satiété. La performance de l’artiste est loin de laisser indifférente. Par la danse, la manipulation d’objet et discours -un peu court-, elle interpelle le public dans sa manière d’habiter cette nouvelle condition. Elle entre progressivement dans une sorte de transe, met à mort le cochon, et va jusqu’à provoquer des sensations dérangeantes voire éprouvantes, au point que l’on souhaite parfois qu’elle s’arrête ! Ce Projet Cochon est donc une excellente matière © Elizabeth Saint Jalmes et pose de vraies questions, mais gagnerait à aller plus loin, au-delà de ces boyaux magnifiques et charnels… dans la profondeur de nos entrailles bestiales!

Mélissa au pays des miroirs Entrer dans le miroir et voir derrière quel monde merveilleux s’y cache. Au-dessus du piano, sur les notes de Stéphan Oliva, le compositeur, la trapéziste Melissa Von Vepy s’introduit à l’intérieur du miroir dont elle a brisé une partie de la surface. Depuis le trou béant de ce miroir-trapèze, elle interroge son reflet. Tantôt dedans, tantôt dehors, elle évolue dans les airs au rythme d’une musique contemporaine grave et évocatrice, où les forces des ténèbres semblent livrer bataille puis laisser place à la lumière. De ses circonvolutions gracieuses et dramatiques, Melissa crée des figures protéiformes, des personnages kaléidoscopiques, morcelés, hybrides, d’une esthétique surprenante. Pourtant, au long de cette exploration dans les profondeurs de l’âme, à la frange du corps et du mirage, on s’attend à ce que surgisse un halo, une sorte de scintillement qui justement parachuterait le public hors du cadre. Mais peut-on passer de l’autre côté du miroir sans y perdre son âme ?

CLARISSE GUICHARD

Projet cochon a été créé au Merlan du 12 au 14 nov

C.G.

Miroir Miroir a joué au Merlan du 12 au 14 nov

Merveilleusement catastrophique ! du spectacle. En penchant le regard à 45°, et en imaginant l’immédiat à partir de là. CLARISSE GUICHARD

L’immédiat a été joué au Merlan du 13 au 23 oct © Agnès Mellon

Au commencement le noir, le calme. Viennent des lumières, un personnage, deux, puis d’autres, fragiles, instables qui s’affairent dans un quotidien de bric et de broc. Soudain, c’est la maladresse de trop. Le décor bascule et embarque avec lui le spectateur dans un tourbillon où s’enchaînent les catastrophes, savamment orchestrées, toutes plus impressionnantes les unes que les autres. Cartons, bidons, échelles, tables, armoires, projecteurs, lampe, portes, tout vole, dégringole. La salle éberluée savoure ces moments hilarants qui ne sont pas sans évoquer Tex Avery et Buster Keaton. Car Camille Boitel et ses brillants acolytes burlesques nous invitent à reconsidérer notre manière d’appréhender ce qui nous entoure. Nous proposant de nous balancer au gré du désordre, de l’anomalie et de la catastrophe plutôt qu’au gré de la perfection et de la certitude. Ainsi, le décor devenu décharge laisse la place à un espace scénique épuré où entre deux valses de rideaux de scène des corps se relaient, se substituent, se cachent, lévitent, s’agitent, se bousculent, tombent ou s’avachissent, échappant au pouvoir de celui qui l’habite comme à celui qui tend à le normaliser. Se crée alors une danse étrange et poétique où d’adroites contorsions s’associent à des mouvements malhabiles pour atteindre des objectifs finalement indéfinis. Enfants et adultes admirent et rient à chacun de ces mouvements faussement imprévisibles qu’ils voient se métamorphoser en gestes stylisés. Car Camille Boitel est en fait un artiste du geste. C’est ainsi qu’il fait vaciller, avec une infinie délicatesse et une infinie poésie, les cloisons des arts


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ARTS DE LA RUE/CIRQUE

OUEST PCE | MERLAN | SIRÈNES | SALINS

Vent d’Ouest, carrément

Cœur de cible

Avis de grand vent sur ce bout du monde en ce samedi après-midi. Port-Saint-Louis accueille Carrément à l’Ouest, manifestation co-organisée par Scènes et Cinés et le Centre national des arts de la rue le Citron Jaune. Quelques personnes emmitouflées attendent devant une buvette où le thé chaud est rapidement épuisé, le bus-expo de la Folle histoire des arts de la rue raconte son périple par les fenêtres ouvertes… Et voilà que deux étranges silhouettes, toutes de noir vêtues, font irruption : Arnaud Cabias et Nathalie Pernette nous invitent à suivre quatre miniatures dansées, visibles en quatre lieux différents de la ville ; Franck Gervais, en maître de cérémonie, précède le public en lisant une nouvelle de Poe. Le public, nombreux et attentif, s’installe pour suivre les étonnantes chorégraphies du duo : matière, couleurs et formes pour une Apparition subtile dansée par quatre mains virtuoses ; une danse d’offrande statique, énergique, presque robotique qui se termine par l’apparition d’une rose offerte en douceur à un spectateur ; contre un mur le partage d’une danse tactile avec une spectatrice qui, les yeux bandés pourra ressentir les mouvements, les touchers des deux danseurs-masseurs ; un effeuillage mutuel enfin, sur le parvis de l’église, comme une conversation silencieuse, gracieuse et sensuelle qui aboutit à la libération des deux corps… Après une «pause thé chaud» bienvenue, l’heure est venue de partir en Voyage en bordure du bord du bout du monde avec les frères Grimox de la cie les Trois Points de suspension. Leur «théâtre flottant» déjanté est des plus réjouissant : spectacle parodique, hommage aux films d’horreur des années 50, kitsch et assumé, bourré de trouvailles sonores et visuelles, il plonge les spectateurs dans l’improbable histoire de Sophoclès, philosophe sans corps dont la tête se balade au gré de cascades hilarantes, de chansons délirantes, de performances absurdes mais parfaitement réalisées. Le vent soufflait toujours, mais différemment au bord du bout du monde…

Ce qu’il y a d’embêtant avec certaines petites madeleines, c’est qu’elles ne parlent qu’au cœur de cible. En l’occurrence les hommes de trente cinq ans qui ont des souvenirs d’adolescence Béruriers noirs, doudounes et monaco, souvenirs de lycéens petits bourgeois, de masturbation, de père RPR et de baisers avec les filles. Cela vise à l’universel mais c’est sacrément restreint, et surreprésenté, surtout dans la littérature française : l’énumération des souvenirs communs fait vibrer ceux qui les ont vécus, et laissent sceptiques les autres, les femmes plus vieilles, plus jeunes, plus populaires, plus étrangères. Le texte de Ronan Chéneau, en ce sens, n’est pas ce qu’il a fait de mieux. À la lecture il passe assez bien (il sait travailler sa langue), mais dit à toute allure par Fred Nevchehirlian la confession a peu de saveur. Pourtant l’idée de lire un texte au micro, sans le jouer ni l’interpréter, en l’agrémentant de sons enregistrés/ diffusés en direct (les voix du cœur de cible qui s’exprime volontiers dans un champ de micros planté sur un carré de pelouse verte) et de quelques rares sons de guitare, avait le mérite de la simplicité, de la confiance dans les vertus du texte, justement. Confiance aveugle, qui parfois se prend un mur.

DOMINIQUE MARÇON

Fortissimo Pour fêter ses 15 ans, l’Ensemble Télémaque répond à l’appel de la sirène de midi sur le parvis de l’Opéra en proposant deux pièces d’Edgar Varèse, Density 21,5 pour flûte et Octandre pour flûte, hautbois, clarinette, cor, trompette, trombone et contrebasse. Sous la direction de Raoul Lay, les musiciens joueront ce clin d’œil au compositeur français naturalisé américain qui utilisait lui-même des sirènes dans certaines de ses compositions. Entre les deux appels rituels, les instruments feront entendre d’autres stridences et rivaliseront de leur acoustique volume sonore… Sirènes et midi net Ensemble Télémaque Le 2 déc Lieux publics 04 91 03 81 28 www.lieuxpublics.fr

Arnaud Cabias et Nathalie Pernette © D.M.

A.F.

Carrément à l’ouest a eu lieu le 17 octobre à Port-Saint-Louis-du-Rhône L’Appel de la Forêt, sur un texte de Ronan Cheneau intitulé Quinze ans, a eu lieu sur le parvis de l’opéra le 4 nov, dans le cadre de Sirènes et midi net

Humide Après le Toursky l’an dernier, le Cirque canadien Éloize s’installe aux Salins avec Rain, une création de Daniele Finzi Pasca. Joliment sous-titré Comme une pluie dans tes yeux, le spectacle fait référence aux souvenirs d’enfance de l’auteur et metteur en scène, «de la douce et belle tristesse que l’on ressent [alors] au coucher du soleil», et de la pluie d’été dont il s’imprégnait. Sur scène se distinguent des artistes acrobates, jongleurs, trapézistes qui sont aussi chanteurs, danseurs et acteurs, une joyeuse troupe qui fait se succéder les numéros entre rêveries et acrobaties d’une grande prouesse, jusqu’à la pluie libératrice qui laisse place aux jeux enfantins. Rain Cirque Éloize Les 21 et 22 nov Théâtre des Salins 04 42 49 02 00 Rain © Agnès Mellon

Vertigineux Le Merlan poursuit sa thématique Cirque (voir p25). Öper Öpis est un spectacle qui confond les corps et les objets, dans lequel les deux artistes suisses Martin Zimmermann et Dimitri de Perrot ont fait appel à une danseuse et à deux couples d’acrobates et contorsionnistes. La scénographie, constituée par une scène mouvante, tend à créer un monde en déséquilibre, parodie d’une vie quotidienne qui oscille entre absurde et onirisme… Rhizicon est un solo dans lequel Chloé Moglia, sa conceptrice et interprète, tente de saisir «le sens de la notion du risque et d’en rendre perceptibles les différentes approches». Trapéziste de formation, elle puise dans son expérience pour outrepasser la ligne de sécurité. Öper Öpis Zimmermann & de Perrot Du 19 au 24 nov Rhizicon Cie Moglice – Von Verx Du 23 nov au 2 déc Théâtre Le Merlan 04 91 11 19 20 www.merlan.org


AU PROGRAMME

Puissants Avec ou sans enfants (voir cahier jeunesse p XI) ne ratez pas les adolescents de Bruno Beltraõ, dont le hip hop brésilien est sidérant de maturité chorégraphique et de force pure. Dans un tout autre genre mais tout aussi radical, toujours au Merlan, la création de Maguy Marin. La chorégraphe n’a jamais appris à faire dans la demi-mesure et sa Description d’un combat a, comme toutes ses pièces, provoqué incompréhension et admiration à Avignon. Sous des étendards de sang et d’or, l’histoire tragique part en pelure comme un oignon à bout de larmes… Description d’un combat Du 16 au 19 déc Scène Nationale du Merlan 04 91 11 19 20 www.merlan.org

Contraints Les nombreux passionnés du Ballet d’Europe pourront retrouver la jeune formation dans ses œuvres après une tournée au Maroc saluée en termes dithyrambiques dans la presse. Le ballet produit ses Worshops désormais rituels, et toujours d’une très belle qualité, dans la petite salle de la Friche ! Des conditions de représentation qui imposent aux gestes des contraintes d’espace, voulues par Jean-Charles Gil, qui désire que ses danseurs se confrontent à la réalité matérielle de certaines représentations actuelles : sans coulisses, sans élan, toujours à vue, la danse se construit autrement… Workshops du Ballet d’Europe Du 15 au 19 déc Petit Théâtre, La Friche 04 96 13 01 12 www.balletdeurope.org

Cœurs croisés du 11 au 19 déc Théâtre du Gymnase 0820 000 422 www.lestheatres.net Cœurs Croisés © Agathe Poupeney

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Assises La programmation de Dansem se poursuit fin novem-

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bre au théâtre de Lenche qui accueille 3 spectacles : if you open the 40th room (les 23 et 24 nov à 19h) dans le cadre de la saison turque (voir Zib 23), puis un trio, 6 yeux un visage deux pieds, autour d’une proposition de Balkis Moutashar, suivie d’un solo de Chiara Frigo : 15 minutes sur une chaise.

Description d'un combat © Christophe Raynaud de Lage-Festival d'Avignon

6 yeux un visage deux pieds/Takeya les 24 et 25 nov Théâtre de Lenche 04 91 55 68 06 www.officina.fr

En Friche Féminins La Minoterie offre une carte blanche à la Cie Le rêve En décembre Dansem envahit la Friche, avec une de la Soie. Qui en profite, pour montrer quatre formes courtes singulières portées par Louisa Amouche, Patricia Guannel, Fleur Duverney et Marie Salemi -qui chante ; quant à Patrick Servius il explore leur féminité en construisant son spectacle autour de leurs dialogues croisés de femmes, qu’il observe, extérieur et fasciné… Une Cie dont se dégage, indéniablement, une grande chaleur, une écoute réciproque et un sens particulier du temps, posé. Carte blanche au Rêve de la Soie Du 3 au 5 déc La Minoterie 04 91 90 07 94 www.minoterie.org

programmation combinée avec le Massalia (voir cahier Jeunesse p XI), la création de Dokuman de Mustafa Kaplan à la Cartonnerie (le 5 dec), dans le cadre de la saison turque (voir Zib 23) et une création de Barbara Sarreau au Studio : Tchakéla est un travail au long cours que la chorégraphe a entrepris avec des élèves danseurs du conservatoire de Bamako. Il s’agit de «creuser» et, dans cette étape de travail qui se donne à voir déjà comme un spectacle, de savoir que Les mots aussi peuvent mourir. Tchakéla Du 8 au 12 déc 04 95 04 96 42 La Friche www.marseille-objectif-danse.org 04 91 55 68 06 www.officina.fr

Ouverts

Gourmand À la Minoterie aussi Dansem prend ses quartiers, en invitant le chorégraphe tunisien Radhouane El Meddeb pour son solo Quelqu’un va danser (voir p 28), et le lendemain pour une performance plus particulière intitulée Je danse et je vous en donne à bouffer : il s’agit de chorégraphier la préparation du couscous… mais aussi d’en faire sentir les épices, les odeurs et le goût !

Érotique Le Cabaret de Decouflé n’est pas seulement sexy : il est érotique. Si le chorégraphe a choisi de découvrir les corps et de produire un spectacle au croisement du cabaret, du strip-tease et de la danse, c’est parce qu’il aime les fesses. Rebondies, fermes, masculines, musclées, féminines, rondes, exhibées. Son festival visuel a donc cette fois des relents moins sages et colorés. Toujours dans le visuel et le mot, mais sans jeu d’illusions…

DANSE

Sextet © Agnès Mellon

Le Ballet National de Marseille de retour de tournée offre à son public, en son Studio, ses premières Ouvertures danse de la saison : ces soirées sont destinées à établir un lien de proximité entre les danseurs du Ballet et le public, mais aussi à ouvrir le studio à d’autres compagnies, d’autres esthétiques. Ce sera le cas en décembre, avec l’accueil de Miguel Nosibor (voir p 30) et Caroline Bo. Les danseurs du Ballet auront leur ouverture une semaine avant, avec une pièce très japonaise, version contemporain, plastique et tendu, de Yasuyuki Endo et le très beau Sextet de Malandain que le BNM avait dansés l’an dernier à l’Opéra. Avec également une création de la classe d’insertion professionnelle. Des moments toujours précieux. Sextet, TéToté, Justamant pas Du 10 au 12 déc Caroline Bô et Miguel Nosibor Les 17 et 18 déc 04 91 327 327 www.ballet-de-marseille.com

Radhouane El Meddeb Les 10 et 11 déc La Minoterie 04 91 90 07 94 www.minoterie.org 04 91 55 68 06 www.officina.fr

Attendu La création du duo entre Isabelle Cavoit et Thomas Fourneau a été retardée : en répétition, à quelques jours de la première, la danseuse s’était blessée. Please kill me sera donc créé en décembre : exploration autour du couple et de ses représentations, à partir de l’idée d’une Clytemnestre qui ne tuerait pas son époux infanticide, et s’accommoderait de son retour, dans une violence toujours croissante et irrésolue. Un meurtre inaccompli… Please kill me Du 3 au 5 déc Les Bernardines 04 91 24 30 40 www.theatre-bernardines.org


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DANSE

AU PROGRAMME

Bavardes À Aix, Dansem pointe sa programmation en collaborant avec le 3bisf pour la création de Geneviève Sorin et Lulla Chourlin, Sur Paroles. Le duo entre ces deux femmes a été élaboré durant une résidence de création dont elles ont présenté des étapes. Un spectacle où elles disent leurs corps de femmes, leur âge aussi, la relation, la déraison. Sur Paroles du 26 au 28 nov 3bisF, Aix 04 42 16 17 75 www.3bisf.org 04 91 55 68 06 www.officina.fr

Intimes À Arles Dansem retrouve ses quartiers habituels, le

Madame Plaza Le 20 nov Quelqu’un va danser Le 15 décembre Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com

a été accueillie en résidence et crée Daisy Cutter, du nom de la bombe utilisée au Vietnam, puis en Afghanistan, jusqu’à la fin des années 80. Explosive, violente, cette «faucheuse de pâquerettes» est une pièce pour cinq femmes plongées dans un dispositif sonore agressif, et une vidéo onirique représentant leurs états de conscience interrompus par les explosions extérieures. Une pièce à ne pas mettre entre les mains des plus jeunes, contrairement à la création de Nathalie Pernette quelques jours plus tôt (voir cahier jeunesse p XIV).

> Daisy Cutter © Christel Olislagers La Zampa

Argentin

Daisy Cutter Les 17 et 18 déc Théâtre de l’Odéon, Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

Tango Metropolis, un spectacle haut en bandonéon, talons qui claquent, moues dédaigneuses et nuques raidies, fait aussi escale à Sainte-Maxime. Malgré le talent des danseurs et des musiciens (Daniel Binelli), Tango Metropolis nous avait paru un peu froid l’an dernier aux Salins. Sur le plateau moins grandiose du Carré peut être sera-t-il plus sensuel, tout en restant aussi sublime ?

Décapée

Tango Metropolis le 5 déc Carré Léon Gaumont, Sainte Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com

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Théâtre étant toujours aussi accueillant à la danse contemporaine. Bouchra Ouizguen, chorégraphe contemporaine marocaine, fait un retour au gynécée en laissant parler la sensualité des femmes entre elles, en s’inspirant des gestes et chants des cérémonies de mariage. Côté femmes, bien sûr. Le théâtre accueillera ensuite Radhouane El Meddeb pour son solo Quelqu’un va danser. Le comédien tunisien a mis longtemps à venir à la danse, restreignant son corps à l’art plus consensuel du théâtre… C’est ce passage à l’acte qu’il met en scène dans ce solo drôle d’autodérision, et émouvant de sincérité.

Féminines Une création de la Zampa à Nîmes ! La compagnie

G (Giselle) © Chris Herzfeld

> Madame Plaza © Adil Rabih

Quand Garry Stewart s’attaque à Giselle, il ne reste plus grand-chose de son univers romantique convenu. Seule l’initiale, G, subsiste, et la violence du désir, la présence effrayante des Willis, les fiancées mortes, et une vidéo qui renforce encore l’impression d’une virtualité envahissante qui détruit le réel, l’amour vrai de la jeune paysanne. Ne le loupez pas : le Ballet Australien qui passe à Nîmes, après le théâtre de la Ville (Paris), et avant de repartir vers le nord sans autre date dans la région… G (Giselle) Les 9 et 10 déc Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com Tango metropolis © Tetsu Maeda

Chinois Autre relecture d’un grand ballet : le Casse-Noisette par le Cirque National de Chine ! Leur tradition du cirque est celle d’un art total, et les artistes sont à la fois des danseurs et des acrobates virtuoses. Leur version du Casse-Noisette suit l’argument initial qui est, il faut le dire, un des seuls arguments intéressants du ballet romantique (merci Hoffmann !). Tchaïkovski est dans toutes les oreilles (si, si, même si vous ne le savez plus), les circassiens chinois sont toujours éblouissants, et leur costumes et leurs décors inimitablement féériques. À voir en famille, ou sans, comme une fête!

Casse-Noisette les 14 et 15 déc Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com le 20 déc Carré Léon Gaumont, Sainte Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com


Jazzy

Viril

Raphaelle Delaunay, chorégraphe à l’univers contemporain mâtiné de technique classique, se penche sur le jazz et le swing, les danses afro-américaines, et invite quatre autres danseuses à se laisser prendre dans leurs rythmes. Avec Asha Thomas, garante des styles des années 30, mais aussi un côté plus funky et hip hop, antillais… apporté par les autres interprètes. Un parallèle entre les années folles et les nôtres ?

Treize hommes de la pampa martèlent le sol, jouent la virilité, le cuir, le duel. Che Malambô ! est une plongée dans la tradition argentine, toujours vivace, qui permet d’abord aux hommes de danser, c’est-à-dire à l’origine aux Gauchos de mesurer leur virtuosité en frappant la terre, et des tambours.

Bitter Sugar Le 24 nov Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

Che Malambô Le 5 déc Le Cube, Gap 04 92 52 52 52

Chuchoté

Parfait Les solistes du ballet de l’Opéra de Paris font partie, sans conteste possible, des meilleurs danseurs du monde. Onze d’entre eux se sont regroupés autour de Bruno Bouchez dans en une compagnie informelle, nommée Incidence chorégraphique, et proposent ça et là un spectacle fondé sur des extraits virtuoses des répertoires romantiques et classiques (Roméo et Juliette, Giselle…) des chorégraphies contemporaines et des créations. Pour le plaisir d’une interprétation de haut vol… Danseurs de l’Opéra de Paris Le 6 déc Théâtre de l’Olivier, Istres www.scenesetcines.fr

04 42 55 24 77

Naturel Bagouet par les danseurs du CCN de Lorraine, c’est la garantie d’un moment de bonheur. Les Petites Pièces de Berlin ont vingt ans, et les revoir nous replonge à l’époque d’or de la nouvelle danse française, légère, virtuose pourtant, relâchée, colorée, cherchant à inventer une gestuelle naturelle mais vraiment dansée, et composée. Une époque et une danse proches et lointaines déjà, dont le Ballet de Lorraine s’empare comme d’un répertoire, grâce à la transmission directe des danseurs d’origine… Petites pièces de Berlin Le 26 nov La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52

Le funambule © J.-C. Carbonne

Créé cet été à Montpellier Danse le premier solo d’Angelin Preljocaj est un autoportrait paradoxal, et un véritable exercice de funambule. Une voie ouverte entre un texte et un plateau, un corps admiré et une voix désirante, un écrivain et son étoile. Sur le fil Preljocaj joue parfois l’auteur qui créé, parfois le funambule aimé qui vole. Quelque chose de lui-même se dit, sur ce fil, entre deux êtres, entre deux âges aussi, le corps s’abîmant. Dans les mots et les pas des autres, son propre trajet. Le Funambule Du 23 au 28 nov Le Pavillon Noir 0811 020 111 www.preljocaj.org

Chinoise Une autre danse qui nous vient de Chine. Non de sa tradition mais de son histoire récente. Wen Hui danse son enfance, son pays, sa mère. Un retour sur la révolution culturelle et ses oppressions. Pionnière de la danse documentaire, elle dit dans son corps, et dans les projections des grands événements dans une petite chambre, le poids de l’histoire chinoise, lourdement collectiviste, sur les individus isolés. Memory Les 3 et 4 déc Le Pavillon Noir 0811 020 111 www.preljocaj.org


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DANSE

AVIGNON | DANSEM | PAVILLON NOIR

Prolongements Le solo de Ayse Orhon met au jour ce que savent tous les intrumentistes : faire de la musique est un exercice physique qui établit un rapport de plaisir et de souffrance, érotique et masochiste, avec un objet qui a une âme. La harpe, en plus, a presque un corps. La danseuse est en contact permanent avec le bois, les cordes, les courbes et les arêtes de l’instrument qui, tel un monolithe, s’offre et se refuse, impénétrable, presque muet. Bien sûr l’argument est un mince pour construire une pièce entière, qui souffre de longues langueurs. Mais la danseuse est magnifique, et offre quelques images inoubliables : ô quand elle entre dans la colonne et telle une sirène se traîne sur le sol avec son appendice ! ô quand elle soulève et tourne, tourne, jusqu’à ce que la résonnance en l’air se fasse et que la harpe parle, enfin ! La création de Manon et Fanny Avram est elle aussi inégale ; le propos, retrouver la mémoire d’aïeuls disparus à Auschwitz, que l’on devine intime et fondateur pour les deux sœurs, est magnifiquement relayé par un danseur

Ayse Orhon © Ekmel Ertan

manque de présence dit un texte un peu vide ; le témoignage du grand-père, touchant dans ce qu’il évoque, reste banal ; l’image dernière, reconstitution plastique dérisoire de la découverte des charniers, frise l’indécence. Faire du théâtre documentaire est délicat. Quand il touche à l’intime d’aussi près, mettre le réel à distance est risqué : au lieu d’atteindre à l’universel -cette histoire de l’horreur absolue nous

concerne tous-, Sans… ressemble pour l’instant à un ressassement inassumé.

scène ; la dernière, rapide, floue, à peine visible, nous dévoile des images d’enfance, comme volées. Le spectacle est là, dans ce dévoilement, accompagné d’une (bonne) musique de synthèse qui souligne toujours à point nommé les changements d’ambiance. Mais le plus remarquable est dans la danse même : Miguel Nosibor vient du hip hop, il en possède toutes les techniques, est impressionnant dans les tremblements, hyper précis dans ses placements et ses arrêts, puissant au sol. Mais il conçoit et interprète son solo comme un danseur contemporain : en construisant un propos dans l’espace et © Christian Varlet non en proposant une suite de numéros virtuoses. En allant jusqu’au fond de lui-même, et non en utilisant la force de son corps comme une armure impénétrable au regard. D’autres du hip hop l’ont fait avant lui, plutôt par la prise de parole que par le corps, qui reste souvent m’as-tu-vu. Décidément, cet art qui vient de la rue continue de bouleverser les scènes !

C’est sous le signe de la danse et de chorégraphies signées Eric Belaud, directeur du Ballet de l’Opéra d’Avignon, que le public a pu découvrir la trop méconnue Symphonie de Psaumes de Stravinsky : composée pour chœur mixte à quatre voix et orchestre (sans violons ni altos mais avec grosse caisse et deux pianos), cette œuvre datant de 1930 est une commande du Boston Symphony orchestra pour le cinquantenaire de sa naissance. Ce chef-d’œuvre, écrit sur des textes latins et composée «à la gloire de Dieu» (psaumes 38, 39 et 150), a su capter l’attention du public, et Eric Belaud et sa troupe avignonnaise ont fait naître un enthousiasme certain en faisant de cette symphonie intime et sombre une pièce chorégraphique nouvelle. En première partie fut dansé l’Oiseau de feu, dans une version proche de celle qui fut créé à Paris le 25 juin 1910 par les ballets russes sur la chorégraphie de Michel Fokine. Les danseurs du ballet de l’Opéra d’Avignon en ont donné une version épurée et intéressante, mais on ne peut que regretter que la musique de Stravinsky ait été diffusée par des haut-parleurs… Dans un opéra avec un orchestre à demeure, c’est un comble !

sublime qui rend la souffrance, l’horreur des camps, dans un solo d’un intensité rare, tout droit planté, rivé au sol, lançant son corps dans un mouvement perpétuel de balancier qui lentement accélère, sa tête dans des arrachements expressionnistes qui évoquent Bacon et Munch, ses bras dans des élans sporadiques qui voudraient l’arracher du sol. Pour le reste, des maladresses : une comédienne qui

Hip hop intime

Le solo de Miguel Nosibor tient toutes ses promesses. Programmé au Pavillon Noir, il sera bientôt au Ballet National de Marseille puis au Comœdia d’Aubagne -le chorégraphe y réside et est soutenu par la Ville. Chacun pourra ainsi aller à la rencontre d’un artiste singulier qui a su, avec Temps d’Arrêt, mettre à profit l’occasion qui lui était donnée par deux centres chorégraphiques de peaufiner ses recherches et présenter un travail abouti. Temps d’arrêt propose un trajet simple et limpide : trois vidéos ponctuent la pièce et nous emmènent vers l’intimité de l’artiste. Une, en ouverture, sert de repoussoir, montrant la ville en accéléré, la consommation hystérique ; l’autre, au cœur du solo, exhibe le corps du danseur dansant : de près, avec des effets de décrochage du regard, comme s’il s’agissait de dépasser la frontière de ce qu’il nous montre sur

A.F.

Temps d’arrêt a été créé au Pavillon Noir du 4 au 9 nov. Il sera repris au BNM les 17 et 18 déc (voir p 27)

AGNES FRESCHEL

Hars et Sans ont été proposés aux Bernardines dans le cadre de Dansem

Sans musiciens ?

CHRISTINE REY



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MUSIQUE

CONCERTS

Contemporain confessionnal Le solo de Benjamin Dupé est surprenant ! Le guitariste-compositeur propose un spectacleconcert plein d’autodérision, qui joue des préjugés liés à la musique contemporaine. Inaudible, agressive, insensée, c’est du bruit, disent les plus délicats, sans structure, sans émotion, sans discours. Quelque chose que jamais on n’écouterait chez soi. Benjamin, seul sur sa chaise avec sa guitare sèche, subit les assauts des haut-parleurs, leurs vibrations qu’il déclenche, les paroles qu’il a suscitées autour de sa musique. Il subit, joue, et dit : sa passion de jouer ça, cette musique, depuis toujours ; sa douleur, étonnée puis acceptée, presque amusée, d’être perçu au quotidien comme un zombie extraterrestre ; son envie de partage. Et puis il joue. Des pièces très différentes. Très structurée, obstinée même, virtuose aussi, pour répondre au n’importe quoi reproché par la bande. Lyrique, lente, crescendo pour réfuter l’accusation de froideur. Évocatrice, presque figuraliste, pour donner à voir. Alors les commentaires enregistrés semblent lui répondre, évoquent des trajets, des histoires, des

sensations. Un sens. Le guitariste s’empare alors de son instrument électrique, et fait entendre, enfin debout, une longue composition aux timbres inventifs, au trajet limpide, quelque chose entre le rock que l’instrument évoque sans y toucher, et une Sequenza pour guitare électrique que Berio aurait négligé d’écrire. Une porte est ouverte à tous pour entrer en son monde : par la musique, l’humour, la performance autobioscénique. Allez-y voir ! AGNES FRESCHEL

Comme je l’entends a été créé aux Salins le 20 oct. Le Merlan les 1er et 2 déc 04 91 11 19 20 www.merlan.org Le Cadran, Briançon les 8 et 9 déc 04 92 25 52 52

Transat Express Lors des Trans’Electroacoustique au GMEM du 11 au 13 nov, le voyage musical sur transat s’est déroulé loin du gros temps… … et dans un confort absolu! Pourquoi ne pas joindre l’utile à l’agréable en étant confortablement installé au fond d’un transat ? Vous l’avez rêvé, le GMEM l’a fait. Concept singulier pour une musique spatialisée, qui vous allonge les yeux fermés. Nul besoin de s’éloigner pour voyager. La musique électroacoustique est un endroit où l’on se plonge et rien de tel qu’un lieu approprié où, entouré d’enceintes, pour traverser l’œuvre de l’intérieur. Bruit blanc de Hugues Germain nous rapproche des marais salants, de la mer, et permet un décollage immédiat pour atteindre la création de Jean-Luc Gergonne. Commande du GMEM, Tribu est une zone

de turbulences à traverser en octophonie, avec au poste de pilotage le compositeur lui-même pour une interprétation vivante à la manière du live electronic. Vide et silencieux, l’espace devient dense, touffu et frénétique, nécessitant une bonne accroche à son transat ! Secousses et trous d’air continuent de ponctuer Six doors de Christophe Ruetsch, avant que la Transhumance concoctée par Stephan Dunkelman, également aux manettes, ne clôture ce voyage initiatique sur des images oppressantes et haletantes d’Effi & Amir. Un vol dégriffé pour une exploration du son ! FREDERIC ISOLETTA

Cru de 1946 ! Le Fine Arts quartet a acquis avec l’âge un bouquet et une rondeur inimitables. En cette soirée du 21 octobre au Jeu de Paume, quatre artistes étaient reliés par la grâce de leur archet et leur passion de la musique. Avec trois œuvres au cépage différencié : le quatuor n°7 de Chostakovitch, le quatuor n°1 de Saint-Saëns et le splendide quatuor n°1 op.41 de Schumann. L’œuvre du compositeur russe, douce âpreté, rêche à souhait, laissa en bouche une délicieuse amertume : les phrases ciselées, erratiques, s’éparpillèrent et laissèrent sur le sol les brisures de l’âme de Chostakovitch. L’ensemble, à la technique fascinante (le violoncelliste !), sut donner à la pièce tout son relief avec une émotion contenue et distanciée. Dix minutes d’une rare intensité qui laissèrent le public en émoi. Le quatuor de Saint-Saëns, qu’il qualifia lui-même de «besogne nécessaire», fit l’effet d’un verre d’eau après un grand cru ! Quatre mouvements insipides,

aux mélodies sans teintes, justifient l’accusation faite au compositeur d’être formaliste et conservateur! L’interprétation, toujours excellente, ne put sauver la sécheresse de l’œuvre. Heureusement, les premières notes de l’œuvre de Schumann se chargèrent de réveiller nos sens. Les trois quatuors du compositeur allemand enregistrés en 2007 par le Fine Arts avaient fait l’unanimité de la critique : on comprend pourquoi. Tout l’univers du compositeur fut sublimé par une interprétation sans failles : scherzo pétillant, mélodies sculpturales, harmonies subtiles, adagio tout en déséquilibre toujours à la limite de la rupture… superbe. En bis le quatuor L’alouette de Haydn, en hommage au premier maître du genre, termina cette soirée. Le Fine Arts 2009 est un grand millésime, à consommer sans modération ! CHRISTOPHE FLOQUET


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Un vent de fraîcheur Au regard de ses multiples expériences professionnelles, avec Itzhak Perlman, Pierre Boulez… difficile d’imaginer que le pianiste présent sur scène ce 10 nov a seulement 23 ans! Virtuose accompli, David Kadouch construisit, autour de l’œuvre de Moussorgski Les tableaux d’une exposition, un programme original, composé de pièces peu jouées, telles que les variations en fa mineur de Haydn et le Rondo en sol majeur Le sou perdu de Beethoven. Il offrit une interprétation digne des plus grands avec une grâce et une légèreté déconcertantes : les voix circulaient délicatement sous ses doigts, s’entremêlaient sans jamais se brouiller, pour tisser un univers

David Kadouch © X-D.R.

arachnéen transformant l’instrument soliste en véritable orchestre. L’interprétation qu’il fit du Rondo nous aide à mieux saisir pourquoi Barenboïm le sélectionna à 20 ans pour enregistrer Barenboïm on Beethoven : pétillant, enjoué, malicieux, autant d’épithètes

pour qualifier la fraîcheur de son jeu et de l’éclat de sa jeunesse. L’entracte qui marqua la fin de la première partie surprit tout le monde tant le concert semblait débuter ! Mis en appétit par cette prestation de premier ordre, chacun était curieux de voir comment ce jeune artiste allait gravir la montagne Moussorgski ! La réponse fut donnée quelques quarante minutes plus tard, avec un Kadouch radieux sous les éclats retentissants des applaudissements drus de l’auditoire : il avait réussi à faire oublier l’orchestration éclatante de Ravel, à jamais présente dans la mémoire collective, s’appropriant l’œuvre et la faisant briller de mille feux, somp-

tueuse diaprure, à l’image de l’univers fertile et fantasque du compositeur russe. La grande porte de Kiev, dernier mouvement de ces Tableaux d’une exposition, fut comme le signe d’une carrière qui s’annonce majestueuse ! Les trois bis proposés par David Kadouch n’excorièrent en rien l’unité du concert, et finirent de séduire le public exigeant du Grand Théâtre… CHRISTOPHE FLOQUET

Schubert, naturellement Concept original le 14 nov au GTP, imaginé par la chef Laurence Equilbey : des lieder de Schubert au parfum de Nature, cette alliée du XIXe siècle musical, étaient donnés par l’Orchestre Régional de Cannes dans leur version orchestrée. Exercices d’école mais véritable travail d’orfèvre, La Truite, Le Roi des Aulnes ou Du bist die Ruh sont passés entre les mains de Brahms, Reger, Liszt, Berlioz, Offenbach, Richard Strauss, inspirant même Webern et Britten pour des résultats étonnants ! Ils furent remarquablement servis par les voix solistes de la mezzo Renata Pokupic et du ténor Robert Getchell, même si l’accompagnement instrumental n’a pas été à la hauteur quant à la netteté des attaques. Les lieder

passés par l’orchestration du compositeur contemporain Franck Krawczyk distribuaient judicieusement notes et couleurs au chœur Accentus : le sombre Das Grab (la tombe) pour voix d’hommes soutenues seulement par les cordes graves en fut la démonstration. Le beau timbre et la grande présence de la soprano Pauline Courtin ont permis d’exhumer la cantate méconnue, avec chœur et orchestre, Mirjams Siegesgesang. Certes aux antipodes de l’intimité de l’accompagnement piano, ces versions revisitées n’en sont pas moins d’intéressantes découvertes, signées par de véritables compositeurs.

Laurence Equilbey © Agnes Mellon

FREDERIC ISOLETTA

Rester debout ! La garnison de Terezin, près de Prague, bâtie au temps des guerres napoléoniennes était prévue pour 6000 soldats. Elle fut utilisée par les nazis, comme camp concentrationnaire de transit. Près de 160 000 juifs y séjournèrent avant leur destination

finale à Auschwitz, 35 000 y disparurent corps et âme. Comble de l’horreur, le IIIe Reich, pour donner le change à la Croix-Rouge lors de visites en 1944-45, y créa l’illusion d’un camp «modèle» ! Teresienstadt devint une ville de propagande : lits, chambres repeintes à Anne Sofie Von Otter © Agnes Mellon neuf, balançoires pour les enfants, cafés, école fictive… rien ne fut oublié, ni même un orchestre réuni pour interpréter le Requiem de Verdi ! Il va sans dire qu’à la veille des visites, le camp était «vidé» des invalides, et qu’au lendemain, tous les acteurs du carnaval macabre rejoignaient les wagons plombés… Dans ce contexte, des musiciens trouvèrent néanmoins le moyen

de «rester debout», puisant dans leur art une once d’énergie qui sauve un temps de l’abîme. C’est cette expression qu’ont fait revire avec beaucoup d’émotion la mezzo-soprano Anne Sofie von Otter, le violoniste Daniel Hope, accompagnés par Bengt Forsberg au piano et le multi-instrumentiste Bebe Risenfors. Une berceuse tendre, un chant plaintif, une sérénade ou des airs de cabaret, paradoxalement gais, composés par de jeunes hommes et femmes exhumés avec justice et justesse, ont côtoyé des opus de véritables compositeurs assassinés dans la fleur de la quarantaine : Victor Ullmann et Erwin Schulhoff. JACQUES FRESCHEL

C’était au GTP le 15 oct.


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MUSIQUE

CONCERTS

Amants disparates

Français mineurs Le concert du mois d’octobre de musique de chambre, proposé par l’Opéra de Marseille, fut consacré à des compositeurs français du tout début du XXe siècle, assez méconnus

Manon Lescaut © Christian Dresse 2009

Yves Coudray, dans sa mise en scène de Manon Lescaut a voulu, comme le stipulait Puccini, se démarquer du Manon français de Massenet, de ses références au XVIIIe siècle, en situant l’action aux alentours de sa date de création en 1893. Les costumes de Katia Duflot y renvoient à l’évidence, quand les décors stylisés de Michel Hamon n’exploitent peut-être pas la piste ébauchée au premier acte d’une architecture géométrique aux couleurs à plat: les tableaux manquent d’unité et le deuxième d’éclat. Côté plateau, si Catherine Naglestad déçoit dans les deux premiers actes, dans sa volonté d’alléger l’émission des aigus, et de rendre à la jeune Manon sa verdeur naïve, la soprano l’emporte aux deux derniers grâce au pathos assumé d’un chant plein et généreux. Mais sans un grand Des Grieux, l’opus ne peut triompher ! Zwetan Michailov, certes arrivé à la dernière heure, n’a ni la puissance, ni l’expression, ni un timbre suffisamment engageant pour récolter autre chose que des applaudissements courtois. Marc Barrard barytone à la française avec une couverture vocale élégante et un vibrato facile : son Lescaut séduit, comme le riche barbon de Jacques Calatayud et les nombreux rôles annexes bien campés. Dans cette production aux réussites inégales, c’est l’Orchestre de l’Opéra qui empoche les véritables lauriers ! La direction de Luciano Acocella tisse finement les couleurs instrumentales et cultive le naturel d’un instinct mélodique dont Puccini avait le secret. Dans ce contexte, l’Intermezzo du 3e acte gagne les faveurs du public, et fait positivement basculer l’ouvrage.

C’est sur un quatuor de Lucien Niverd que s’est ouvert ce programme. Le Quatuor du Parvis, avec à sa «tête» (premier violon) Sylvie Niverd, a su l’interpréter avec une certaine musicalité, en fournissant de toute évidence un travail abouti sur le phrasé et les nuances, malgré un manque de cohésion et quelques pertes de justesse malheureusement audibles. L’Ensemble vocal Hymis a enchaîné sur le Madrigal aux Muses d’Albert Roussel. Œuvre difficile, de par ses nombreux glissements, ses intervalles peu naturels et son écriture très contrapuntique, exécutée cependant sans couacs ni décalages, grâce à la direction claire de Bénédicte Pereira.

On entendit pour finir trois œuvres d’André Caplet, à l’écriture assez dépouillée : des extraits de sa Messe aux accents grégoriens, son Septuor pour chœur de femmes et quatuor à cordes, ainsi que ses Inscriptions champêtres, bien interprétées dans leur globalité. On regrette d’autant plus qu’aucun programme, aucune biographie n’aient été distribués pour éclairer les auditeurs à propos des compositeurs, ou expliquer ce choix de programmation. Car on prit plaisir à découvrir dans ces partitions peu familières des accents ravéliens, debussiens… mais on n’y retrouva pas toujours l’invention impressionniste qui fait le génie de la musique française de cette époque, et la pertinence de ces procédés : ne restent qu’une recherche de simplicité et quelques accents exotiques, qui n’ont pas très bien vieilli. SUSAN BEL

Quatuor du parvis © X-D.R.

JACQUES FRESCHEL

Sturm und Drang Le cycle Musique et Poésie, initié par le Consulat général d’Allemagne et la Cité de la Musique, s’était attaché le mois dernier au couple Robert/Clara Schumann (voir Zib 23). C’est à Mozart qu’il a consacré son deuxième concert, ainsi qu’à des extraits des Souffrances du jeune Werther de Goethe. Pourquoi rapprocher ces deux auteurs ? On sait que Goethe vouait à Mozart une admiration sans bornes, qui le poussa notamment à écrire une suite de la Flûte enchantée ou à sadiser Eckermann (qui transforma son Faust en opéra), en lui demandant d’écrire dans le style de Don Giovanni et en lui reprochant, évidemment, de ne pas y arriver. Mais on constate également, au fil du concert, un traitement assez semblable de l’émotion ; le Classicisme de Weimar, initié par Goethe et son Werther mais aussi Schiller, Herder, Wieland, est empreint d’un lyrisme à

tout épreuve mais également pétri de références antiques, de quête d’idéal dans la lignée de la modernité des Lumières. Winckelmann le qualifiera d’«art de noble simplicité et calme

grandeur». Mozart, que l’on se figure, souvent à tort, plus mesuré, plus intellectuel que ses successeurs romantiques, savait lui aussi faire la part belle à une Christine Kattner © David Olivari

émotion épurée. On frissonne carrément, lorsque après avoir entendu Werther déclarer qu’il ne reverrait plus jamais sa Charlotte, on (re)découvre la Chanson de la séparation, petit bijou d’intensité et de retenue. Dix textes, très bien choisis, suffiront à faire le tour du roman. Michael Zugowski les récitera avec un plaisir évident et très communicatif. Côté musique, on est à nouveau très ému par les prouesses vocales de Christine Kattner. Un peu incertaine dans quelques attaques, son interprétation fut splendide dans la plupart des Lieder. On retient également la prestation de Ludovic Selmi, qui a su soutenir sa partenaire avec technique, clarté mais aussi discrétion. Et on attend avec impatience le concert du 4 décembre, consacré à Wagner… SUSAN BEL


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Regards croisés Pour le dernier concert de l’Automne Baroque à l’église Saint-Laurent le 25 octobre, le Concerto Soave a cultivé les correspondances artistiques entre Venise et l’Orient. Visitez la Sérénissime et jetez un œil sur l’architecture et l’ornementation : le miroir esthétique entre l’orient et la cité des Doges existe également sur le plan musical. Le programme proposé par Jean-Marc Aymes (orgue et clavecin) mettait en lumière ces regards croisés sur deux mondes plus proches que nous le croyons. Le Palestinien Moneim Adwan (chant et oud), sur ses propres textes ou sur ceux du poète Mahmoud Darwich, fut le symbole d’un aller retour pertinent offrant au public enthousiaste une cohérence d’opus d’une parfaite symbiose. Matthias Spaeter à l’archiluth, Christine Plubeau à la viole de gambe mais surtout Maria-Cristina Kiehr au chant surent donner un relief saisissant à ce miroir de mosaïques. Les mélismes ornementaux de Monteverdi prolongeaient naturellement le chromatisme au quart de tons de l’autre rive, donnant un éclat naturel à cette très belle initiative. FRÉDÉRIC ISOLETTA Maria-Cristina Kiehr © X-D.R.

Lyrisme sur le fil Bach, auxquels il prêta une virtuosité exceptionnelle, à la nostalgie faussement naïve de Schubert, en passant par un Saint Saens et un Dvorak que l’on a eu l’impression de redécouvrir. Certains ont pu tiquer à l’écoute des Danses Roumaines de Bartók, que le jeune soliste romantisait un peu par endroits ; il s’avéra cependant inattaquable dans son traitement des harmoniques, merveilles de tendresse et d’intensité. Marielle Nordmann a su interpréter avec une aisance évidente et beaucoup de clarté dans les rapports

Une fois de plus, la programmation du Festival de Saint Victor a su nous surprendre. Les occasions d’entendre un duo violon-harpe sont en effet assez rares, et c’est avec grand plaisir que l’on put apprécier le mariage inhabituel mais détonnant de ces deux instruments, maniés par deux solistes remarquables. La prestation de Nemanja Radulovic au violon, fut brillante de bout en bout. Son jeu, passionné mais élégant, sut rendre les subtilités de chaque œuvre : du phrasé ingénieux et des accents polyphoniques de

mélodie/harmonie les œuvres pour guitare moins connues d’Augustin Barrios, Franciscos Tarrega et les variations pour harpe d’Elias Parish Alvars. Un peu plus effacée dans les duos, elle sut cependant soutenir sans le moindre faux pli son partenaire. La complicité évidente des deux musiciens, qui se produisent régulièrement ensemble depuis 10 ans, se ressentait dans chaque dialogue, chaque enchaînement, chacune des nombreuses envolées lyriques … et faisait plaisir à voir ! SUSAN BEL

Nemanja Radulovic © Caroline Doutre

Entre rêve et réalité Grand succès et nef bondée pour la formule trompette et orgue au 43e Festival de Musique de Saint-Victor le 6 novembre Avec deux stars comme le tout jeune trompettiste David Guerrier et l’organiste confirmé Olivier Vernet, le public ne s’est pas fait prier, démontrant sa fidélité au festival. L’association des deux instruments est de plus un gage de réussite, et fait le bonheur de nombreux concerts estivaux. Et le programme dans tout ça ? Il fut hélas trop axé dans les clichés estampillés «tubes du classique». La Suite en ré de Haendel ou Jésus que ma joie demeure de Bach furent tout de même concurrencés par les Prières sans paroles de Damase et les Wesendonck lieders de Richard Wagner destinés à l’origine pour voix et piano. Enfin de magnifiques couleurs se sont échappées de l’orgue, créant une atmosphère propice à ces pages poétiques et passionnelles dont certaines se révèlent être des esquisses du futur Tristan

und Isolde. Le timbre suave et velouté de la trompette put alors corroborer le climat onirique installé par l’orgue, laissant de côté les sempiternelles pages virtuoses. FREDERIC ISOLETTA David Guerrier © Christophe Abra mowitz

Belles trames Saluons la programmation musicale de l’équipe du Méjan d’Arles : son directeur artistique Jean-François Heisser concocte régulièrement un programme qui n’hésite pas à s’engager dans le domaine contemporain : Actes Sud et sa ligne éditoriale ne sont pas loin. Témoin l’interprétation par l’Ensemble Les siècles des 3e et 5e Concertos Brandebourgeois encadrant les Trames II & VIII du compositeur Martin Matalon et sous la direction de François-Xavier Roth. Rappelons le principe de ces interprètes, capables de s’adapter à l’instrumentation originale d’une époque donnée. Dans ce contexte, on peut saisir tout l’intérêt de faire entendre le procédé contrapuntique, soit le développement conjoint de plusieurs trames musicales, à deux époques différentes. La sonorité baroque et ouatée des trois chœurs de cordes du 3e Brandebourgeois révélait chez Bach une richesse de timbre renvoyant aux trames de l’ancien pensionnaire de l’Ircam. Ce dernier faisait jongler ses interprètes avec une multitude de modes de jeux (bandonéon, steel drum, cuivres, clarinette basse...), pour le plaisir d’une écoute fraîche et renouvelée, sur laquelle pouvait se poser des passages concertants faisant écho à la cadence emblématique du 5e Brandebourgeois. P.A.H

Ce concert a été donné le 15 nov au Méjan (Arles)


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MUSIQUE

CONCERTS

Voyage parisien C’est à l’étage du musée des tapisseries que se donnait le concert le 5 oct. Salle aux plafonds moulurés, scènes champêtres et musicales représentées sur les tapisseries qui habillent la pièce, reste d’un décor d’opéra, porte ouverte sur l’imaginaire… Le public, trop peu nombreux mais enthousiasmé par le talent des artistes, a eu le bonheur d’entendre Sharman Plesner au violon et JeanPaul Serra au pianoforte pour un programme dédié à Mozart et son deuxième voyage à Paris. Deux sonates du compositeur autrichien : en mi mineur, K 304, dont les inflexions douloureuses (la mère de Mozart venait de mourir) se dissimulent sous les voltes de la bienséance ; et la sonate en ré majeur, K 306,

écrite pour la princesse Palatine, aux cadences toutes de brillante virtuosité. Enchâssées entre les deux des pièces ignorées, la sonate n° III en sol mineur du Chevalier Saint George : cet éminent violoniste, qui ne put obtenir la charge de Directeur de l’Académie Royale de Musique de Louis XVI par le simple fait qu’il était métis, a donné au violon une superbe partition ; et la sonate en ré mineur de Johann Schobert, qui par sa densité dramatique se situe en 1762 comme préromantique ! L’ensemble de ces œuvres fut interprété magistralement, un violon d’une puissance et d’un velouté admirables, un pianoforte qui savait lui répondre avec brio et ampleur… MARYVONNE COLOMBANI

Ensemble baroques graffiti © X-D.R.

Tapisseries jazz Cordes d’argent contre la polio Le 17 oct à la cathédrale Saint Sauveur, le club Rotary proposait un concert qui ménageait de jolies surprises, comme une charmante ouverture avec la jeune violoniste Esther Abrami qui fêtait ce jour-là ses 13 ans, avec l’interprétation de la sonatine n°1 de Schubert, une Mélodie de Glück et la Cavatine de Raff. Belles notes tenues, un son que multipliait la hauteur de la cathédrale, de jolis trilles… Mais l’essentiel du spectacle, un peu long, était tenu avec brio par Les Cordes d’Argent de Saint Petersbourg, sous la vivante direction d’Alexander Afanasyev. Etrange d’entendre des orchestrations pour balalaïkas de compositions que l’on a l’habitude

d’entendre par un orchestre symphonique, comme la Pie voleuse de Rossini… Les voix remarquablement placées de la maîtrise Gabriel Fauré se mêlaient à l’orchestre, mais l’acoustique desservait les cordes qui étaient alors couvertes par le chant. Ce beau plateau était rassemblé pour réunir des fonds destinés à éradiquer la polio. Pour cela, il sera beaucoup pardonné! M.C.

Ce concert a été donné dans le cadre d’une tournée à Gémenos, La Ciotat, Aix, et Marseille du 15 au 18 oct

Le 18 oct, dans la salle voûtée du musée des tapisseries, un jeune trio se livrait à un périlleux exercice. Sylvaine Hélary à la flûte, Hugues Mayot au saxophone, Antonin Rayon au piano et au clavier… Notes perlées, fluidité des traits de la flûte, virtuosité du saxophone, jeu riche et varié du piano : l’atmosphère est toute de tensions, de ressassements et de magnifiques élans, et les trames mélodiques se réconcilient. Mais il manquait sans doute un préambule qui aurait dévoilé au public leurs intentions : les auditeurs des nuits pianistiques semblaient manquer de clés pour comprendre leur propos et partager ainsi leur remarquable travail de création. M.C.

Ce concert a été donné dans le cadre des Nuits pianistiques

La Méditerranée par le chant L’église Saint Michel de Fuveau accueillait le 22 oct, dans le cadre du 18e festival de Chants sacrés en Méditerranée, deux groupes issus des bords opposés de la méditerranée : voix par-dessus la mer, qui se répondent, trait d’union de la musique, langage accessible à tous. Un projet qui cette année unissait en particulier l’Albanie et la Corse. Le thème de cette année, jardins de Paradis, inspira aux musiciens des métaphores bibliques ou pétrarquisantes, Eden ou jardin de Hespérides, jusqu’au trivial jardin de légumes !… La grande chanteuse syrienne Waed Bouhassoun ouvrait le concert. La ligne monodique du oud, aux larges sonorités, joué avec une belle virtuosité, s’accorde à la voix passionnée de la chanteuse. A capella, celle-ci occupe l’espace, s’enfle, s’élève, comme d’un murmure intérieur pour atteindre

sa plénitude, joue, module, enchaînant les mélismes, éclate, s’atténue. Il n’est pas nécessaire de comprendre les paroles (traduites dans le programme) : le timbre chaleureux, l’expressivité de ce beau visage de tragédienne nous conduisent vers une aube «parée des couleurs du jasmin d’Arabie»… Les chanteuses du quatuor Balkanes, laissant le chant les précéder, entraînent dès leur entrée les spectateurs dans leur monde. Une mise en espace dynamique, inventive, elles sont autant comédiennes que chanteuses. Passages joyeux ou graves, enjoués ou sereins, endiablés en rondes populaires ou charmeurs et suaves… Les voix des quatre chanteuses s’entrelacent, dessinent de nouvelles harmoniques (la basse est exceptionnelle !). Un régal ! Les costumes à la fois contemporains et traditionnels sont aussi de la fête. Quelle

Quatuor Balkanes © Opus 31

émotion aussi lors du dernier rappel, lorsque se mêlent les voix des cinq chanteuses… L’union méditerranéenne se concrétise dans le creuset magique du chant… MARYVONNE COLOMBANI


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Lumineux Le génie de Charlie Chaplin est décidément incontestable. On garde souvent le souvenir imprécis mais ému de chacun de ses films. Et on redécouvre chaque fois ses talents de conteur sans paroles, d’acteur (quel regard !) et également de musicien ; ses mélodies, facilement retenues, évoquent toujours des moments précis, le comique ou le tragique de la situation : sa musique a toutes les qualités d’une musique de film réussie. L’Orchestre de Toulon nous a livré une prestation irréprochable sous la baguette de Timothy Brock. Chef d’orchestre mais aussi compositeur, familier des partitions de films muets, il n’a que peu modifié le texte original. Il ajoute quelques bruitages: sirènes de polices, sifflets, ronronnements du maire… toujours de manière très imagée. On retient le petit glissando vers l’aigu qui accompagnera le mouvement des spaghettis (puis des serpentins) vers la bouche de Chaplin ! Mais le but est ici, avant tout, de servir l’œuvre. De réentendre la musique, de la moderniser un peu, sans jamais s’écarter des souhaits du réalisateur. Pari tenu: les spectateurs peinent à retenir leurs larmes lorsqu’arrivent les retrouvailles, la scène finale, mythique. Le ciné-concert s’est conclu par la projection d’une

© Roy Export sas

photo de Charlie Chaplin, sans maquillage ou costume. La star de la soirée, c’était évidemment lui. SUSAN BEL

Feu d’artifice vocal

Baroque and drôle Heureuse surprise que la re-création de Psyché, collaboration entre Molière, Corneille et Lully adaptée par l’acteur et metteur en scène Julien Balajas et par la claveciniste et chef d’orchestre Claire Bodin, donnée le vendredi 23 octobre à l’opéra de Toulon. L’adaptation de l’œuvre nécessitait des choix musicaux et scéniques qui ont mis en lumière une profonde connaissance de l’histoire et de l’esthétique du baroque. Dans cette prestation à mi-chemin entre le théâtre, la danse et la tragédie lyrique, la représentation du mythe de Psyché transposée

au début du XXe siècle, et résolument tournée vers l’humour, ne pouvait laisser le spectateur de marbre tant tout y était fait pour que les zygomatiques soient mis à l’épreuve dans une sorte de «commedia dell’arte». En effet, le talent des comédiens dispensait une bonne humeur communicative, contrepoint idéal à l’aspect tragique et sérieux de la pièce originale, dans laquelle s’inscrivaient efficacement l’orchestre, les chanteurs et la danseuse.

En 1825, Rossini composa un opéra en 1 acte pour le sacre de Charles X peu avant de mettre fin à sa brillante carrière de musicien. Opéra de circonstance, Le voyage à Reims ressemble plus à un exercice de style qu’à un ouvrage traditionnel d’art lyrique. En effet, l’histoire n’est qu’un prétexte au service de la voix, mise en valeur par un bel canto sublime riche en fioritures et en volutes endiablées, techniquement éprouvant qui fait de cette œuvre un des sommets du genre. La production du 6 novembre à l’opéra de Toulon a tourné à la démonstration tant le plateau vocal frisait l’excellence : trouver des défauts aux 17 chanteurs présents sur scène ce soir-là semble impossible, et n’en citer qu’un serait faire injure aux autres ! L’orchestre et les chœurs, sous la direction légère et précise de R. Fores-Veses, étaient à l’avenant tout comme les lumières, les costumes et les décors au service d’une mise en scène dynamique et humoristique, dont l’anachronisme conférait à l’opéra une résonance étrangement contemporaine. E.M.

EMILIEN MOREAU Psyché © Khaldoun Belhatem

Razzia coréenne Ils étaient dix au bout des phases éliminatoires, sur 150 candidats au départ, à se trouver devant l’orchestre dirigé par Dominique Trottein pour la périlleuse finale du 11e Concours International d’Opéra de Marseille. Pour départager ces artistes, en 2009, Rolando Villazon a présidé le jury avec tant de bienveillance et passion que la direction du concours a annoncé la probable désignation de la biennale sous le fameux patronyme du Mexicain. Si deux chanteurs français n’ont pas démérité -un étonnant ténor de 20 ans, Kévin Amiel, au timbre large et peu ordinaire et une soprano lyrique expressive, Clémence Fritier, obtenant de belles récompenses- les palmes ont été raflées, une fois n’est pas coutume, par quatre rescapés parmi les

nombreux Coréens débarqués sur le Vieux-Port. Au sommet, la puissante soprano Jeehye Han a fait l’unanimité dans des airs de bravoure de Puccini et Verdi, quand le bel canto de la pétillante Yu Ree Jang a séduit. Côté ténors, Jaezig Lee a déployé un timbre brillant et de l’assurance dans les glorieux contreut de La Fille du Régiment, alors que Minseok Kim a fortement ému dans E la solita storia del pastore. Souhaitons que ce concours, formidable tribune lyrique pour Marseille, trouve toujours les soutiens financiers nécessaires à sa pérennité ! JACQUES FRESCHEL

La finale du concours a eu lieu le 16 oct. à l’Opéra de Marseille.


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MUSIQUE

CONCERTS

Fayence subtile Du 23 au 30 oct, le 21e Festival de Quatuors à cordes en Pays de Fayence rendait un hommage à Mendelssohn, né il y a deux siècles, avec l’intégrale des ses quatuors. Hommage en miroir avec les prédécesseurs, Haydn, le père fondateur, Beethoven, Schubert, et les héritiers, Grieg, Ravel, Bartók, Ligeti, Glass. Programme riche et très éclectique avec les quatuors Fine Art, Párkányi, Talich, London Haydn Quartet, Ludwig et Ardeo, si féminin et si ardant, qui fit revivre avec fougue la sœur admirée de Félix, Fanny Hensel-Mendelssohn, à travers son quatuor en mib majeur. Tous les concerts furent d’un très haut niveau, même si le choix du London Haydn Quartet d’utiliser des cordes en boyaux, par souci d’authenticité pour Haydn, peut être discuté. Le nombre de festivaliers dans ces petits villages pittoresques de Fayence va croissant, comme à Callian, dominé par un beau château, qui accueillait le Quatuor Talich le jeudi 29 oct dans une église bondée de 350 personnes, soit plus d’un habitant sur six ! Quel régal ! Les deux quatuors mi b majeur de Mendelssohn sont au programme. L’opus 12, écrit

Quatuor Talich © X-D.R.

à 20 ans, alterne une plainte mélancolique (Adagio ma non troppo) et une fougue sautillante (Finale). Quelle musicalité, quelle expressivité des quatre praguois ! Une harmonie des corps et des cœurs, un legato et des pianissimi à couper le souffle (Andante espressivo) suivis de guirlandes triomphales de doubles croches (Molto Allegro). L’op 44 démarre par un Allegro vivace brillant puis un Scherzo,

flot incessant de notes se baladant sur tous les registres. L’Adagio, thème tragique, est d’une grande beauté : quelle complicité entre les artistes dans le tuilage contrapunctique ! Après ces deux monuments, quatre pièces indépendantes, retrouvées après la mort de Mendelssohn, ébauches certainement de prochains quatuors : un Andante suivi de superbes variations où se détache le velouté aérien du premier violon, Jan Talich. Un Scherzo bondissant où les sextolets de doubles croches jaillissent comme des fusées. Enfin, un Capriccio et Fugue d’une audace rythmique et mélodique incroyable où tous s’en donnent à cœur joie : attaques sforzando puis relâchées dans un jeu diabolique et très physique, un souffle musical qui transpire d’un instrument à l’autre. L’accueil est triomphal. En bis, la Cavatine pour cordes de Beethoven, le maître des premiers quatuors romantiques ; des cordes, à peine effleurées, une mélodie lyrique et planante : une superbe révérence. YVES BERGÉ

Chambre royale En 90 ans, des générations d’adhérents à la Société de Musique de Chambre de Marseille ont vu régulièrement passer les meilleurs artistes de leur temps. Il y a des fidèles qui se plaisent à revenir jouer dans l’auditorium à l’acoustique fine de la Faculté de médecine. Parmi les meilleures formations instrumentales au monde, le Quatuor Prazák se montre particulièrement assidu, pour le bonheur d’un public expert et nombreux qui le lui rend bien. Les quatre cordes tchèques n’ont pas failli à leur réputation notamment dans le Quatuor «Américain» de Dvorak livré dans sa nécessaire ampleur et son souffle vibrant. Le travail fin, parfaitement synchrone et équilibré réalisé sur la matière sonore, n’a heureusement chez eux rien de machinal ! Vaclav Remes, premier violon de rêve, pris un peu à froid dans l’Allegro du Quatuor op.50 n°3 de Haydn, a redoublé d’expressivité dans les fameuses variations du 2e mouvement du Quatuor «La jeune fille et la mort» de Schubert. Avec ses trois brillants compères, ils ont rendu au chef-d’œuvre tout son tragique, sa poésie plaintive et sa résignation, son ironie et ses interrogations... On n’a pas perdu une seule note du poignant ballet macabre et de sa course à l’abîme. JACQUES FRESCHEL Quatuor Prazak © Guy Vivien

Jeter la musique par la fenêtre Jean-Francois Heisser © Simone Poltronieri

A priori, l’idée du compositeur et chef d’orchestre Espagnol Gorka Sierra paraît séduisante : la chanteuse Antonia Contreras, accompagnée par Chaparro de Malaga à la guitare, devait révéler les accents populaires du flamenco au sein des douze pièces en quatre cahiers d’Iberia d’Albeniz interprétées par J.-F. Heisser. Éternelle chimère consistant à concilier le brut et le raffiné, le dionysiaque et l’apollinien, le populaire et le savant, l’écrit et le transmis... Seul «...ce besoin généreux de jeter la musique par les fenêtres...» ainsi que l’a si justement souligné en son temps Monsieur Croche, alias Debussy, pouvait aboutir à cette profusion d’effets de jeu, de nuances et d’harmonies, que contient la musique d’Albéniz. Car elle évoque une mélodie ressassante puisant son inspiration

dans l’Andalousie profonde, mais s’en affranchit pour construire un discours sans lasser. Les jeux de vibratos parfois excessifs et les intonations gutturales, certes variées, de la chanteuse, sur un accompagnement souvent répétitif, peinaient à contrepointer ce miracle évocateur concrétisé par le pianiste. Un solo de Chaparro en prélude au troisième cahier atténuait ce sentiment. Décidément, Albéniz occupait toute la fenêtre ! P.-A. HOYET

Iberia a été joué au Méjan (Arles) le 13 nov


AU PROGRAMME

MUSIQUE

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L’âge mûr ? Télémaque a 15 ans ! Certes, il faut de la patience pour éclore… surtout en son pays ! Néanmoins le temps semble venu pour l’ensemble de Raoul Lay de crever la scène ! Après de formidables créations métissant la musique moderne et les domaines du cirque, du théâtre, de la danse, le dernier spectacle de la compagnie Télémaque est allé chercher ses lauriers aux Bouffes du Nord lors du Festival d’Île de France. Desperate Singers : Requiem pour Klaus Nomi, sorte d’«oratorio burlesque et tragique» à la mémoire de l’icône New Wave, contre-ténor pop-rock et baroque des années 80, a fait une telle unanimité que la rumeur a vite couru… Si bien qu’à Marseille, le Théâtre de la Minoterie a promptement affiché complet pour le 21 nov. à 20h (04 91 90 07 94 - www.minoterie.org)! Il ne reste plus qu’à réserver aux Salins à Martigues le 20 mars 2010, pour découvrir cette étrange mise en scène associant Purcell (The Cold Song, Mort de Didon) à Berio et des musiques inouïes… L’anniversaire se poursuit à Marseille par un concertcommenté de Créations franco-hollandaises autour du Pierrot Lunaire de Schoenberg, le 26 nov. à 20h30 – Bastide de la Magalone (04 91 39 29 13 - www.citemusique-marseille.com). L’incontournable chef-d’œuvre de 1912, interprété par Brigitte Peyré, est repris, le lendemain, sur la scène nationale de Martigues le 27 nov. à 19h30 (04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr). Et ce sont des opus avant-gardistes de Varèse, Octan-

Cité

Desperate singers © Agnes Mellon

dre (1923) et Density 21,5 (1936) qu’on entend lors du traditionnel Appel des sirènes phocéen du premier mercredi du mois sur le parvis de l’Opéra, le 2 déc. à 12h (Gratuit - 04 91 03 81 28 - www.lieuxpublics.fr). JACQUES FRESCHEL

Jusqu’à fin novembre Aux Salins, une exposition de la photographe de l’ensemble Agnès Mellon célèbre par l’image 15 ans de productions et d’instants d’émotion. Installation multimédia (concerts, spectacles, diaporama) à l’Arcade PACA. 04 91 39 29 13 www.ensemble-telemaque.com

Pluie d’étoiles

En raison de travaux de mise aux normes, les concerts programmés à l’auditorium sont présentés à la Villa Magalone à 20h30

Avec les venues de Nicholas Angelich, du Quatuor Ebène, d’Aldo Ciccolini et Barbara Hendricks, le Grand Théâtre de Provence a mis le paquet en cette fin d’année 2009. De quoi combler les mélomanes autour du Pays d’Aix !

Le pianiste Philippe Gueit donne un récital d’opus romantiques de Mendelssohn, Chopin, Schumann et Liszt, compositeurs majeurs de la Génération 1810 (le 20 nov.). Clara David (flûte traversière), Mark Drobinsky (violoncelle) et Gisèle Mouret (piano), jouent des pièces de Schumann, Falla, Beethoven, Martinu et Prokofiev (Trio Chiarina, le 27 nov.). Christine Kattner (mezzo colorature), Nina Huari (piano) et Mickaël Zugowski (comédien et mise en scène) poursuivent le cycle Musique & poésie avec les Wesendonk-Lieder de Richard Wagner (le 4 déc.). Benoît Salmon (violon) et Élisabeth Guironnet (piano) jouent les sonates K 304 de Mozart et op.96 de Beethoven (le 11 déc.). L’ensemble Des Équilibres créé par la violoniste Agnès Pyka se présente dans sa formation piano/ clarinette/violon pour trois opus du XXe siècle de Bartok, Khatchatourian et Berg (le 17 déc.). Musique acousmatique (entrée libre): Le M.I.M. le 11 déc. à la Cave de la Cité.

Dans la continuité du Cycle Beethoven entamé à la rentrée 2009, Dominique Bluzet et Françoise Jan proposent trois concerts prestigieux. L’Orchestre National de Montpellier (dir. Cristian Mandeal) joue sa fameuse Symphonie Pastorale et s’unit au pianiste Nicholas Angelich, en complément de

J.F

MARSEILLE. 04 91 39 28 28 www.citemusique-marseille.com

Quatuor Ebene © J. Mignot

choix, pour le Concerto n°1 de Brahms (le 21 nov.). Le jeune et formidable Quatuor Ebène interprète les Quatuors n°1 «Razoumovski» op.59 et n°14 op.131 du «grand sourd» (le 3 déc.), en attendant que le vieux maître octogénaire Aldo Ciccolini vienne distiller les superbes Sonates n°14 «Au clair de lune» op.27, n°22 op.54, n°31 op.110 et n° 23 «Appassionata» op.57 (le 8 déc.). L’éminente soprano Barbara Hendricks viendra à trois reprises cette saison au Grand Théâtre de Provence. Elle Chante Noël en cette fin d’année avec l’Orchestre Régional de Cannes PACA dirigé par Jan Söderblom et la Maîtrise des Bouches-duRhône. Au programme : des extraits de l’Oratorio de Noël de Bach, l’Ave Maria de Schubert et des chants traditionnels. À voir en famille ! (le 11 déc.). JACQUES FRESCHEL

AIX. GTP. Concerts à 20h30 04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net


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MUSIQUE

AU PROGRAMME

Souffles

Le Violoncelle dans tous ses Etats : Patrice Laré (piano), Velitcha Yotcheva (violoncelle) jouent Boccherini, Schubert, Franck et Chopin (le 21 nov. à 20h à Aix- Musée des Tapisseries). Musique de Chambre Germanique : quatuor et quintettes avec piano (Michel Bourdoncle) de Mahler, Schumann et Brahms (le 28 nov. à 20h à Trets – Casino – entrée libre). Des Bougies pour Haydn et Mendelssohn par Robert Lehrbaumer (orgue) et Paisit Bon-Dansac au piano (le 4 déc. à 20h à Aix - Eglise Saint Jean de Malte). Soirée Marseillaise : Cyril Huvé (piano), Cyril Rovery (baryton), l’Ensemble Orchestral Contemporain dirigé par Daniel Kawka interprètent Liszt, Challulau et Mahler (le 8 déc. à 21h à Marseille – Théâtre Toursky). Le Romantisme d’Est en Ouest : les Jeunes Talents du Conservatoire Darius Milhaud jouent des compositeurs extrême-orientaux et Chopin, Liszt, Schumann, Mendelssohn…(le 11 déc. à 20h à Aix – Bibliothèque Méjanes).

La 8e biennale de Quintettes à vent se poursuit avec un concert associant les Quintette Moraguès et celui de Marseille (le 19 nov. à 20h30 à Aix au GTP). C’est ensuite la Société de Musique de Chambre de Marseille qui accueille la manifestation avec le Quintette Aquilon et le pianiste Romain Descharmes (le 24 nov. à 20h30 à la Faculté de Médecine). Le festival s’achève avec les filles d’Aquilon (le 25 nov. à 17h30 à Grans – Espace R. Hossein – entrée libre), le Quintette à vent de Marseille et le duo de pianistes Clara Kastler & Hubert Woringer (le 26 nov. à 19h à Meyreuil – Salle J.Monnet – entrée libre).

J.F

Après Le Parlement de Musique (dir. Martin Gester) et la soprano Mariana Flores dans des Gloria, Motets et Concertos de Haendel (le 19 nov.), le 43e Festival s’achève par un Concert anniversaire. La Symphonie n°104 «London» et Les Sept Dernières Paroles du Christ sur la Croix célèbrent Haydn avec l’orchestre symphonique Friuli Venezia Giulia, le Chœur Régional Vocal Provence, un excellent quatuor de chanteurs dirigés par André Bernard.

> Quintette Moraguès © X-D.R.

J.F

Institut Français des Instruments à Vent 04 91 39 29 02 http://biennaleinternationale quintettevent.blogspot.com

Golgotha

Percussions L’ensemble de percussions Symblêma (dir.Frédéric Daumas) poursuit sa reprise de Playblick, spectacle tout public et burlesque à la gloire des musiques du monde. MEYREUIL. Le 21 nov. à 20h30 Salle J.MonnetEntrée libre. 04 86 31 62 73 www.symblema.com

>

04 42 16 11 70 www.lesnuitspianistiques.com

>

Pianistiques

MARSEILLE. Le 3 déc. à 20h30 Abbaye de St Victor 04 91 05 84 48 www.chez.com/saintvictor Symblema Percussions © X-D.R.

Jazz Les Concerts d'Aix accueillent les remarquables sœurs brésiliennes du Trio Esperança. Eva, Regina et Mariza Correa, repérées par Bernard Lavilliers après leur arrivée en France, ont été ses choristes, puis celles de Patrick Bruel, avant d’enregistrer leurs propres disques à succès dans les années 1992 à 2001. Après une pause de cinq ans, elles reviennent à la scène. À (re)découvrir ! AIX. Le 25 nov. à 20h30 au Théâtre du Jeu de Paume 04 42 63 11 78 - www.concertsdaix.com Velitcha Yotcheva © X-D.R.

Clavecinet Dans le cadre des Petites histoires de claviers de Baroques-Graffiti, Pulsabunt instrumentia dulcia est un programme concocté par Julien Ferrando qui joue sur un clavicythérium (petit clavecin au coffre vertical) et fait découvrir des musiques des XIVe et XVe siècles. MARSEILLE. Le 12 déc. à 18h Bastide Ranque 09 51 16 69 59 www.baroquesgraffiti.com

Racine Après une version pour grand chœur avec l’Orchestre de l’Opéra de Marseille au Théâtre Toursky, puis au Château de Mirabeau en collaboration avec la Compagnie Interlude, l’ensemble vocal Ad Fontes (dir. Jan Heiting) reprend Athalie de Mendelssohn dans sa première mouture composée en français, d’après Racine, pour chœur de femmes, solistes, récitante (Marie Ange Jannuccillo) et piano. AIX. Le 24 nov. à 20h30 Théâtre du Jeu de Paume 04 42 99 12 12

Schubertiade Récital Franz Schubert par les pianistes Michèle Scharapan et Emanuela Piemonti avec Thomas Gautier au violon. MARSEILLE. Le 20 nov. à 21h30 Station Alexandre 04 91 00 90 00 www.station-alexandre.org

SMCM 90 Après l’accueil traditionnel de la Biennale de Quintettes à vent (le 24 nov. à 20h30), la Société de Musique de Chambre de Marseille affiche, à l’occasion de ses 90 ans d’existence, deux soirées «festives» de pure musique de chambre. Des quatuors, quintettes et sextuors de Mendelssohn, Schubert, Haydn, Tchaïkovski par le Quatuor Modigliani, Lise Berthaud à l’alto et François Salque au violoncelle. MARSEILLE. Les 15 et 16 déc. à 20h30 à la Faculté de Médecine. Espace culture 04 96 11 04 60


41 Symphonique

Sa voie

Cocteau

À trois

En attendant Cendrillon pour la fin de l’année, l’Opéra de Marseille affiche deux concerts symphoniques : JeanClaude Casadesus dirige L’Arlésienne de Bizet et la Symphonie fantastique de Berlioz (le 29 nov. à 17h à l’Opéra). Claudio Scimone vient conduire l’Orchestre Philharmonique dans un programme baroque et classique : des Symphonies de Boccherini, Haydn et un Concerto pour mandoline de Vivaldi avec Ugo Orlandi (le 11 déc. à 20h au Pharo). Côté Foyer : Musiques latines pour voix et quatuor à cordes propose des opus de Turina, Piazzolla, Granados avec la soprano Garance Castanié, le ténor Marc Terrazzoni et le Quatuor du Parvis (le 21 nov. à 17h) ; un hommage à la soprano Françoise Garner (le 5 déc. à 15h) et à L’heure du thé les récitals du CNIPAL (les 16,17 et 18 déc. à 17h15).

La violoncelliste Ophélie Gaillard, joue et dirige l’Orchestre des Pays de Savoie et accompagne le contreténor Christophe Dumaux dans des airs d’opéras de Haendel. GAP. Le 11 déc. à 20h30 au Théâtre de la Passerelle. 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu

Récital poétique et pianistique par Edouard Exerjean dans le cadre de l’exposition Jean Cocteau et la Méditerranée.

Haendel par l’ensemble instrumental des Festes d’Orphée : Jean-Michel Hey & Guy Laurent (flûtes), Annick Lassalle (viole de gambe) et Corinne Bétirac (clavecin).

MARSEILLE. Opéra. 04 91 55 11 10 www.marseille.fr

Fatal ! On ne présente plus Carmen de Bizet, sans doute l’opéra le plus populaire au monde. Gageons que le théâtre fera salle comble pour «L’amour est enfant de Bohème» par Giuseppina Piunti, l’air du Toréador par Franco Pomponi ou la «Fleur» fatale de Roman Shulackoff ! (le 27 nov. à 20h et le 29 nov. à 15h – reprise fin déc.). L’inusable et immense chef Serge Baudo vient diriger la 1re symphonie de Beethoven et le Concerto en la mineur de Schumann avec MarieJosèphe Jude au piano (le 3 déc. 20h30 au Palais Neptune). «Salon baroque» (le 16 déc. à 19h). TOULON. Opéra. 04 94 92 70 78 www.operadetoulon.fr

Méjan Récital du pianiste

Jean Louis Steuerman : 1re Ballade de Chopin, Fantasiestücke de Schumann, Sonate n°12 «Marche funèbre» de Beethoven… (le 29 nov. à 11h) et «Week-end tchèque» : le Quatuor Kocian et le pianiste Ivan Klansky joignent leur talent pour des quatuors et quintettes de Dvorak, Smetana, Martinu et Janacek (les 11 déc. à 20h30 & 13 déc. à 11h). ARLES. Chapelle du Méjan. 04 90 49 56 78 www.lemejan.com

MARSEILLE. Le 2 déc. à 18h30 au Palais des Arts (Cours Julien) 04 91 04 68 32

De pointe Avishai Cohen (contrebasse et voix) joue et chante en quintette de jazz (le 5 déc.). L’inclassable guitariste improvisateur Benjamin Dupé (les 8 et 9 déc.) passe par, là ainsi que de la Musique orientalo-balkanique revisitée par Mango Gadzi (le 18 déc.). BRIANÇON. Concerts à 20h30 au Théâtre du Cadran 04 92 25 52 52 www.theatre-le-cadran.eu

Papal Sommet du bel canto, I Capuletti e i Montecchi de Bellini est interprété par un duo royal de chanteuses : Ermonela Jaho joue Juliette et Karine Deshayes un Roméo mezzo et travesti (le 22 nov. à 14h30 & le 24 nov. à 20h30). Autres festivité papales : Nemanja Radulovic (violon) et Susan Manoff (piano) jouent des Sonates de Beethoven (le 21 nov. à 20h30), quand le Trio Chausson vient pour la première fois en Avignon pour un programme Haydn, Mendelssohn et Beethoven (le 1 déc. à 20h30). Une opérette d’Aznavour, Je m’voyais déjà, sur un livret de Laurent Ruquier, est mise en scène par Alain Sachs (le 5 déc. à 20h30 et le 6 déc. à 14h30), avant un concert symphonique, hors les murs (dir. Jonathan Schiffman), où l’on entend Pavel Sporcl dans le Concerto pour violon de Dvorak (le 11 déc. à 20h30 à l’église des Carmes). Et l’Apér’Opéra du CNIPAL le 12 déc. à 20h30 ! AVIGNON. Opéra-Théâtre 04 90 82 81 40 www.mairie-avignon.fr Pavel Sporcl © X-D.R.

MARSEILLE. Le 25 nov. à 20h30 à l’église Ste Catherine AIX. Le 27 nov. à 20h30 à la Chapelle des Oblats 04 42 99 37 11

Légion L’Orchestre de la Légion Etrangère d’Aubagne donne un concert avec la participation de la Classe Orchestre du collège Versailles à Marseille. Edouard Exerjean © X-D.R.

MARSEILLE. Le 10 déc. à 15h30 Gymnase du collège Versailles (3e)

Hivernal Sept ans que le Groupe de Recherche Cistres Henri Agnel et Doc Rossi s’associent et d’Improvisation Musicale (GRIM) accueille son festival à l’heure où les nuits sont les plus longues… et les plus froides ! Mais pas question de s’ankyloser à Montévidéo tant les programmes de musiques improvisées, électros ou acoustiques, DJ, performances, film-documentaires, expos et conférences s’égrainent au quotidien ! Une manifestation qui cette année essaime aussi à Martigues, Miramas ou au Point de Bascule à Marseille : avec Jean-Marc Montéra, les percus de Symblêma, Yves Robert à la coulisse ou maître sax Louis Sclavis en trio… et une pléiade d’éclectiques figures planchant sur La musique, le mot, la voix.

pour des répertoires européens du Moyen Âge au XIIIe siècle joués sur des instruments ancêtres de la guitare. LES BAUX-DE-PROVENCE. Le 26 nov. à 18h30 04 91 52 90 45 www.ciehenriagnel.com

Fou !

GRIM. Du 4 au 21 déc. 04 91 04 69 59 www.grim-marseille.com

Jeunes Un après-midi de récital par trois jeunes talents, (ex)élèves de Bernard d’Ascoli : l’aînée Violaine Debever (24 ans) joue Rachmaninov, le cadet Paisit Bon-Dansac Chopin et Liszt (17 ans) et la «caganis» Sarah Zajtmann (12 ans !) Ravel et Chabrier. AUBAGNE. Le 22 nov. à 17h Théâtre Comœdia 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr

Féminin L’ensemble vocal féminin L’Oiseau Luth fête ses 20 ans avec Purcell, Schubert, Verdi, Britten… MARSEILLE. Le 22 nov. à 16h30 à l’église Notre Dame du Mont 06 62 35 09 56 www.oiseau-luth.org

Shani Diluka © Vincent Garnier

Puisque René Martin, créateur de la Folle nuit Nantaise, est le programmateur musique du théâtre de Nîmes, il y exporte son concept, fort populaire, qui permet d’entendre de grandes œuvres du répertoire par des interprètes d’exception. En cinq concerts qui s’enchaînent le 5 déc de 15h à 23h30 autour de la «génération 1810» (Chopin, Schumann, Mendelssohn et Liszt), on pourra entendre les deux pianistes Shani Diluka et Brigitte Engerer, et le Quatuor Voce… NÎMES. La Folle nuit Théâtre de Nîmes. 04 66 36 65 00 www.theatredenimes.com


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MUSIQUE

CONCERTS

Session de clôture de Jazz sur la Ville La Journée du Séminaire d’Apprentissage Artistique de la Compagnie NINE SPIRIT animée par divers acteurs du jazz a permis de poser quelques défis esthétiques dans le vivier local de musiciens. Elle a souligné entre autres points l’urgence du collectage de l’histoire du jazz dans notre région. Fruit d’une résidence hors les murs de la Villa Médicis, Raphaël Imbert nous a présenté un programme musical époustouflant, issu de son dernier CD réalisé à New York (voir Zib 23) avec Joe Martin (contrebasse) et Gerald Cleaver (batterie), remplacé par Mourad Benhammou pour ce concert exceptionnel. New York Project est une création qui explore de nouveaux territoires. Struggle for Manhattan’s life en est un exemple des plus criants : Raphaël Imbert utilise simultanément deux saxophones pour nous surprendre et nous maintenir en tension. Bonne surprise, Christophe Leloil (trompette/bugle) et Marion Rampal sont les guests-musicians dans la 2nde partie du concert avec Ahmad Campaoré (batterie) dans un set très énergique, aérien, avec mélodies empreintes d’Orient. Stéphane Mondésir (claviers), Hervé Samb (guitare), Philippe Le Rabo (basse) et Raphaël Imbert forment le 5tet Musique Rebelle. Les compositions de l’ensemble semblent progresser vers une quête de spiritualité comme une tendance récurrente, qu’Ahmad Campaoré s’empresse de briser régulièrement par des ruptures de rythme qui apportent ainsi un nouveau souffle. Du grand jazz, constamment inventif. DAN WARZY

Ces événements ont eu lieu à La Cité de la Musique les 14 et 19 oct

Raphael Imbert © Jean-Paul Rony

Spleen et idéal Captivante, la prestation acoustique de And also the trees a ravi les fans sur la scène du Poste à Galène le 3 novembre Avec leur dernier album en poche When the rains come, les austères britanniques ont livré un concert qui restera certainement dans les annales. Exercice périlleux et délicat, le relooking acoustique d’un medley qui porte sur vingt-cinq ans de carrière était déjà une réussite en disque (voir Zib 23), il s’avère être sur scène un moment intimiste génial. Dans une atmosphère mélancolique et sombre qui a porté Simon Huw Jones et ses acolytes au sein du giron coldwave sans le côté théâtral du gothique, les adeptes de la première heure comme les néophytes ont répondu présent. Sans batterie mais

avec contrebasse, dulcimer, mélodica et bien sûr guitare acoustique, l’ambiance feutrée déroulée sans artifice s’est immédiatement installée. Glissant dans cette bulle désenchantée, les fidèles ont savouré ce moment hors du temps, à l’image du sacro saint Virus meadow magnifiquement interprété. Un concert loin d’être glauque et maussade, image qui colle sempiternellement à ce type de projet acoustique ! FREDERIC ISOLETTA

Little Giant au féminin C’est la proximité dans l’espace parisien qui a tout d’abord permis au Time Out Trio de se rencontrer autour de Géraldine Laurent en 2006. Le trio a présenté, durant un concert du Cri du Port, une série de reprises de compositions entièrement revisitées de Sonny Rollins, Wayne Shorter, Charles Mingus... La saxophoniste possède une grande culture musicale et technique. Son esprit est vif, l’idée est riche : toujours en avance sur le geste, elle fait corps à parts égales avec son instrument. Le son produit, les joues gonflées, est dense et puissant. De longs phrasés se déroulent ou s’emportent, se calment dans une parfaite maîtrise de l’improvisation. Elle est parfois toute vibrante d’une émotion qu’elle réussit parfaitement à communiquer, très bien soutenue par la contrebasse de Yoni Zelnik et la batterie de Laurent Bataille. La formule du trio qui permet une très grande liberté est particulièrement appréciée par Géraldine Laurent. Et tous trois nous scotchent littéralement par des ruptures de tempo très en place, témoignant d’une longue complicité. DAN WARZY

And also the trees © X-D.R

Ce concert a eu lieu le 5 nov au Cri du Port à Marseille Time Out Trio Géraldine Laurent CD Dreyfus Jazz Records

Géraldine Laurent © Armel Bour


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Rock alternatif au Grim Dans une salle comble et festive, le Grim avait invité le groupe Do Make Say Think, formation originale de neuf musiciens : guitares, basse, saxs, trompettes, batteries, clavier, violon. Une soirée qui démarrait par les Marseillais Deschamp : de longues plages sonores, où des motifs répétés se noient dans un fortissimo étourdissant. En partie centrale, deux projets solo de deux Do Make, Charles Spearin et Ohad Benchetrit qui doublent les voix enregistrées en un jeu de collage en direct : voix grave/saxo, voix aiguë/trompette. C’est ludique et confirme l’appartenance de ces musiciens venus de Toronto à la Broken Social Scene. Arrive la partie Do Make, rock alternatif mêlant des influences diverses : sons planants, cuivres, jazz fusion, rock progressif. L’écriture est simple, harmoniquement et mélodiquement : motifs de 4 à

5 notes répétés (guitare ou violon) sur lesquels les autres instruments se greffent en tuilage. Pas de grandes envolées mais de courtes formules comme des comptines enfantines répétées à l’infini. Dans ce groupe à géométrie variable, tous jouent de plusieurs instruments : riche interchangeabilité, mais lorsque les traits sont un peu plus complexes une inégalité se fait sentir, aux trompettes surtout. Les fins de phrase en crescendo avec pédale de distorsion sont cependant impressionnantes : dans le volume et la durée les sons sonnent sans limite. Le public est enfin debout pour un final étourdissant, avec quelques dissonances bienvenues. Pas de day off : une tournée mondiale sans un seul jour de libre, tel est le parti de ces trentenaires qui ont déjà six albums à leur actif !

Do Make Say Think © Pierre Gondard

YVES BERGÉ

Beau plateau Le festival Les Inovendables se poursuit jusqu’au 5 décembre, dans les locaux de Léda Atomica Musique. Le 20 nov, une des grandes figures de la musique électronique sera sur scène : Hans Joachim Roedelius, cofondateur du groupe Kluster, entre autres ; le même soir se produira le Chill Out Consortium. Le lendemain 2 couples aux commandes : Naomi &

Barth avec des percussions corporelles et vocales auxquelles se rajoutent des flûtes kamal ngoni (harpe luth du Mali), et les Agnel père et fils, Henri et Idriss, dans des répertoires afghans, arabes, et du Moyen Âge européen. Les 26, 27 et 28 nov, la création LAM 2009 : Sauvages Organismes Sonores, basée sur l’utilisation d’instruments issus de la scène électronique et d’ins-

truments rares (théremin, structures sonores Baschet), sur fond de bruits des villes du Caire, d’Alexandrie et de Marseille. Enfin, le dernier soir (5 déc), place aux voix de Jérôme Chartier et de son chant diphonique, et d’Alain Aubin et Marie Démon, rencontre des tessitures de contre-ténor et contralto. À noter, le 4 déc, une soirée de restitution du travail mené par

Anna Prucnal autour de Brecht et de ses compositeurs. DO.M.

Les Inovendables Jusqu’au 5 déc Léda Atomica Musique 04 96 12 09 80 http://ledatomica.mus.free.fr

Menu complet de fin d’année Le programme s’annonce serré devant la scène et lourd pour vos finances ! Massive, l’attaque commence au Dôme le 18/11 avec le groupe de Bristol très attendu, un hors d’œuvre de 35 euros quand même pour faire attendre leur nouveau cd en mars 2010. Pour digérer, profitez le lendemain de la rencontre à la Villa Massalia entre Al Benson Family (père et fils) et le slameur Ysae, c’est gratuit et à l’heure de l’apéritif ! Tout comme devant des Tapas, le choix sera difficile le 20/11 entre Ulas Özdemir, Sam Karpienia & Bijan Chemirani à la Cité de la Musique, Richard Bona à l’Usine d’Istres, le maloya de Christine Salem dans la chaude ambiance du Tonkono ou les effets de Sandra Nkaké à l’Affranchi. Takana Zion annulé au Poste à Galène sera remplacé au pied levé par Jo Corbeau, Super Kémia, Gang Jah Mind, le tout préparé par les Sons of Gaïa. Dans le même genre, le Easy Star All-Stars reprendra du Beatles à la sauce reggae au Cargo de Nuit le 21/11 (avant les Dub Pistols le 27/11). Pendant ce temps, le set soul funk bien astiqué de Tony S. s’écoutera au Bicok (sur le cours Julien, entrée libre), un nouveau lieu qui fête bientôt… sa première année! Et qui accueillera à nouveau Jo Corbeau dans une autre dimension, ce même 27/11... Avant cela, le 25/11, les Aixois de Chinese Man sont enfin à Marseille

avant… Ysaé en Décembre. Si vous avez raté le couvert à la fiesta, de savoureux restes de Avishai Cohen ou Staff Benda Bilili seront servis dans le Var, l’un à l’Espace Malraux de Six-fours (le 3/12), les autres à Châteauvallon (le 5). Dès le 1er/12 avec Sergent Garcia au Planet Mundo Kfé, les affiches annonceront clairement la tendance de fin d’année : le 2/12 Emilie Simon à l’Espace Julien, Superbus au Dôme le 4, Deep Purple le lendemain et au même moment Jack de Marseille au Cabaret Aléatoire et Easy Star All-Stars © Olly Hearsey Kéry James au Dock des Suds (un export l’Affranchi), ou encore les épices de Malavoi et les senteurs de Rose à l’Espace Julien (10/12 et 13/12) : de bons petits plats pour oublier une année tendue et indigeste pour beaucoup… Si Pascale Picard, Rinocerose, la battle Hip Hop des soirées Don’t Sleep ou la soirée caritative au Dôme avec IAM (le 27) sont annulés, Wax Taylor et Mathieu «M» Chedid (tous les deux programmés le 24) afficheront eux complet, tout comme la première date de l’ensemble Télémaque (le 21) qui fête ses quinze ans un peu partout, et sur le Parvis de l’Opéra avec les sirènes (à défaut de cloches), le 2 décembre prochain…

au Planet Mundo Kfé, Tryo retrouve le Dôme (le 26) et Eiffel le Poste à Galène (avec un nouvel album). Le festival Rythm’n funk, avec Monsieur Brun et le trio de Sylvain Beuf, se consommera le 29/11 à l’Espace culturel de l’Huveaune, et un peu plus loin, à Aubagne, l’Escale Saint Michel concocte un mix Ysaé avec S.P.O.T, originaire de Brooklyn et dépotant un rap incisif dans la lignée de KRSOne. On le retrouvera à la Méson le lendemain (le 29),

X-RAY


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MUSIQUE

DISQUES

Sirènes et sorcières Quel chemin déjà parcouru par cette jeune chanteuse ! Marion Rampal propose un CD débordant de textes surprenants et de musiques singulières, coproduit avec la Compagnie Nine Spirit. Elle s’inspire des grandes héroïnes mythiques telles que Perséphone, Didon, Salomé, mais aussi de Wattana et Lucie, deux femelles orangoutang. Elle chante en anglais et, dès l’écoute des deux premières pistes, on se laisse accrocher par sa voix vraiment émouvante. Wattana par exemple contient tous les ingrédients pour s’incruster dans notre mémoire, surtout par son motif au piano. Avec ses connotations bluesy, pop-rock, jazz, cette musique est portée par des instrumentistes qui se découvrent progressivement, se mettent au diapason d’un projet commun et posent tout leur talent

Ode to Freedom

On se souvient de l’effigie apyre de Mstislav Rostropovitch interprétant une Suite de Bach, au pied du Mur de Berlin aux premières heures de sa chute. En invoquant le Kantor de Leipzig, le musicien dissident, profondément humaniste, engageait ses pairs à appréhender, comme lui des années auparavant, le sens des mots Liberté, Unité et Universalité. C’est à Leipzig, à l’«Est», que Bach a fait carrière, produit une œuvre démesurée qui fonde la «Musique Allemande». Mais Bach évoque davantage que la «germanité». Il s’adresse au Créateur comme aux profondeurs de l’être. On peut l’invoquer, sans risquer le mauvais goût, à toutes les sauces musicales, du jazz au rap ou au jingle d’un portable… Avec Bach, en novembre 1989, l’archet de Rostropovitch a fait bourdonner un souffle capital sur la culture européenne (Ses Suites de Bach sont disponibles en DVD EMI).

Direct d’usine !

Véritable orchestre urbain composé de 17 percussionnistes, Les Tambours du Bronx ont tout d’une formation atypique. C’est près de Nevers, dans un quartier surnommé le «Bronx» pour son quadrillage de rues sombres habitées par les ouvriers des ateliers SNCF, que l’orchestre a trouvé ses premiers bidons. Le parcours qui devait durer le temps d’un concert a depuis sillonné le monde et rythmé des endroits insolites comme la Tour Eiffel, des usines, des toits, des forteresses, le Sahara, la neige… et même votre salon si vous avez en tête le générique de la semaine des Guignols sur Canal +. Véritable entreprise de démolition, les TDB détruisent deux paires de mailloches par concert pour faire sonner les bidons bruts peints par leurs soins et offerts au

dans les pas de la chanteuse: guitare et effets par Aurélien Arnoux, Michel Perès à la contrebasse, Cédrick Bec à la batterie et Fabien Ottones aux claviers laissent surgir les viragos et les fées que Marion Rampal convoque. Le groupe est en tournée et sera au Cri du Port à Marseille le 19 novembre. Souhaitons à Marion Rampal tout le succès qu’elle mérite !

DAN WARZY

Own Virago Marion Rampal Rèf CD : NIN 001 http://www.myspace.com/marionrampal http://www.ninespirit.org

Mais on a peut-être oublié un concert mémorable donné le 25 décembre 1989 au Konzerthaus de Berlin. Bernstein y faisait rimer Freiheit (Liberté) et Freude (Joie). Pour des raisons symboliques, il avait rebaptisé la 9e symphonie de Beethoven : Ode to Freedom. Des milliers d’Allemands assistèrent au concert, pour la plupart à l’extérieur de l’ancien Spielhaus, mais aussi des millions de téléspectateurs dans une vingtaine de pays. Leonard Bernstein, à 71 ans était au sommet de son art. En compagnie de June Anderson (soprano), Sarah Walker (mezzosoprano), Klaus König (ténor) et Jan-Hendrik Rootering (basse), il nous livrait un événement d’une grande émotion, magnifié par une conjoncture extraordinaire : un Hymne qui semble avoir été écrit pour la circonstance. JACQUES FRESCHEL

DVD Medici Arts 2072039

public après usage ! Après dix ans d’absence, le nouvel album MMIX déboule en force sur la scène industrielle mêlant afrobeat, rock et électro, tout en déployant la verve et la puissance qui font la réputation de leurs prestations scéniques. Energie et sève sont même deux qualificatifs gentillets tant les 17 titres déferlent avec un son nouveau teinté d’électronique, tournant amorcé par nos guerriers du son au milieu des années 90. FREDERIC ISOLETTA

MMIX Les Tambours du Bronx At(h)ome –Wagram


COLLOQUES

ARTS VISUELS

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L’art s’expose et se pense. Entre Aix et Marseille deux récents colloques ont attesté de l’excellence des acteurs de la recherche en histoire de l’art. On en redemande !

Fais joyeusement de l’histoire de l’art

*

Avant Xénocrate de Sicyone (IIIè siècle avant JC), penser l’art était imposé par des canons abstraits et d’origine divine excluant la possibilité d’évolution, ou d’appréhension historique. Mais depuis ces lustres combien ont cédé aux spéculations sur l’art ? Aristote et Platon, Léonard, Ghiberti, Roger de Piles, Diderot, Hegel, Kant, Baudelaire, Freud, Levi Strauss, Daniel Arasse, Bernard Stiegler, ainsi que tous les disparus et les vivants qui jusqu’à aujourd’hui se sont emparés du domaine avec ferveur… Que serait donc l’art sans le retour réflexif apporté par les artistes eux-mêmes mais aussi, grâce aux mises en perspectives élaborées souvent à l’ombre des évènements, par les spécialistes naturels de l’art, critiques et historiens, les philosophes, sociologues, économistes… Sans compter les scientifiques qui ne sont pas en reste! Deux colloques en ont témoigné récemment avec brio.

Valeurs et évolution Trois jours co-organisés avec le MIM proposaient de passer au crible le fait artistique dans ses rapports avec la théorie darwinienne de l’évolution, et une semaine plus tard l’Aephae, association récemment crée par Jean-Noël Bret, tentait de faire le point sur les enjeux de la mondialisation, de l’art et de l’argent. Deux initiatives de très haute tenue, tant par les questionnements retenus que par la présence de spécialistes de notoriété internationale. Porteuses d’éclairages particuliers, souvent hors limite du strict champ historique, ces rencontres privilégiées autorisent le renouvellement de nos compréhensions et représentations d’un champ réputé flou. Ainsi la voix de Nathalie Heinich sut resituer avec clairvoyance la question de la valeur en art ; Jean-Pierre Changeux, inventeur de la neuroesthétique, présenta cette discipline récente issue de la recherche en neurobiologie. De formation littéraire et responsable du programme de recherche Art et mondialisation à l’INHA, Zahia Rahmani alerta son auditoire sur le problème des modèles post-colonialistes inconsciemment en œuvre dans le regard porté, dans les pays non occidentaux, sur l’art et les artistes contemporains. Il s’agissait également de rendre accessible et publique l’information et la recherche en art, dans le fructueux croisement des domaines. Ces rencontres et colloques, comme moments privilégiés d’échange et de confrontation, sont essentiels. Tout en rappelant l’importance de la presse et de l’édition traditionnels, les nouveaux média de l’espace numérique furent évoqués. Sur l’Internet nombre d’institutions, blogs, journaux et revues offrent une autre accessibilité à l’histoire de l’art: ainsi La Tribune de l’art créée par Didier Rykner il y a deux ans.

Colloque Les arts dans le cadre actuel de la theorie darwinienne de l'evolution, rencontre Complexite du geste artistique. De g. a d. E. Verges, J.-F. Peyret, J.-P. Changeux, P.-M. Menger, C. Tron © C.Lorin

est refondé l’enseignement supérieur dans lequel manque toujours une agrégation d’histoire de l’art. En région PACA, la discipline est notamment représentée au niveau universitaire avec différentes structures comme le LESA (Laboratoire d’Etudes en Sciences des Arts, dirigé par Michel Guérin) ou le CEMERRA (Centre Méditerranéen de Recherche sur les Relations entre les Arts) au sein de l’Université de Provence. Une association fédère aussi les étudiants en histoire des arts : Courant d’Art. Comment ne pas approuver le regretté Daniel Arasse qui nous enjoignait à «redonner à l’histoire de l’art la force majeure de la joie créatrice, érotique et intempestive des œuvres…» ?! Alors merci à tous les Xénocrate ! CLAUDE LORIN

On a écouté attentivement Les arts dans le cadre actuel de la théorie darwinienne de l’évolution les 22, 23, 24 octobre 2009 à Marseille et Aix en Provence co-organisé par le MIM, IMèRa, Leonardo/Olats, Alphabetville, Zinc

L’art, l’argent et la mondialisation les 29 et 30 octobre 2009, à l’Alcazar-Bmvr, Marseille proposé par l’Aephae On lira allègrement Art et esthétique (voir p 69) Éditions L’Harmattan

* selon le mot de Daniel Arasse

Colloque Art, argent et mondialisation. De g. a d D. Rykner, C. Bret, A. Quemin, H. Bellet, J.-N. Bret, R. Marek, N. Moureau, D. Sagot-Duvauroux, G. Monsaingeon, C. Talon-Hugon © X-D.R

Daniel Arasse ou la pensée jubilatoire des œuvres d’art Figures de l’art N°16, publications de l’université de Pau (numéro issu du colloque Autour de Daniel Arasse, organisé par Jean-Noël Bret et Art Culture et Connaissance, à Marseille en septembre 2008)

Enseignement et recherche

On suivra bientôt d’un œil pénétrant Le photographiable colloque les 26, 27 et 28 novembre

Croisements disciplinaires, éclairages singuliers, questionnements féconds rappellent toute la place nécessaire de la réflexion sur et par l’art. Sa connaissance, sa pratique et son enseignement constituent des enjeux d’avenir au moment où l’histoire de l’art rejoint les autres disciplines obligatoires à l’école primaire comme dans le secondaire. Et au moment où

Aux limites du photographiable exposition du 26 novembre au 31 décembre proposition Michel Guérin, Jean Arrouye et l’Université de Provence à Alcazar-Bmvr, Marseille www.bmvr.marseille.fr


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ARTS VISUELS

AU PROGRAMME Hôtel des arts. Connaissez-vous des entrepreneurs capables de suspendre leur lucratif labeur pendant trois jours et inviter en lieu et place 35 artistes à investir les lieux pour des créations originales ? Laurence et Jean-Baptiste Gurly réitèrent la chose pour la troisième année dans leur hôtel de Vaison-la-Romaine pour une foire d’art contemporain en format de chambre. C.L. Supervues 11, 12, 13 décembre Hôtel Burrhus 04 90 36 00 11 www.supervues.com

Vue de la chambre d'Emilie Perotto © X-D.R.

Photographie Pierre-Jean Amar

Chère maman. Comment la photographie permet-elle d’exorciser une douloureuse partie de sa vie en fixant les objets qui vous entourent, désignant l’enfermement affectif comme le besoin d’en sortir ? Pierre-Jean Amar sera présent aux vernissages les 3, 12 et 19 décembre et pour la signature de son livre paru aux éditions Le temps qu’il fait en juin 2009. C.L. Le coffre-fort de ma mère Pierre-Jean Amar photographies, 1989 tirages argentiques du 03 au 24 décembre galerie Vincent Bercker 04 42 21 46 84

Noirs dessins. À la fin des années soixante, Jean-Marie Sorgue abandonne la peinture pour se consacrer exclusivement qu’au dessin. En 2000, il fait une donation au musée Granet de quatre-vingt œuvres et la Villa Tamaris lui a organisé une grande exposition en 2008 à la Seyne-sur-Mer. C.L. Les mondes crépusculaires Jean-Marie Sorgue jusqu’au 10 janvier Abbaye de Silvacane 04 42 50 72 37 Jean-Marie Sorgue, Falaises et emergences 1981 – encre sur papier – 110 x 75 cm

Delights. Pour finir l’année en beauté, vous pourrez vous passer des illuminations publiques de la rue. Neuf designers et artistes marseillais offrent (à votre vue) le fruit de leur illumination intérieure. Des créations uniques pour certaines, conçues pour l’évènement ou montrées pour la première fois. C.L. Design&Lights du 19 novembre au 10 janvier On stage gallery 04 91 58 30 04 http://onstagegallery.blospot.com

LN BOUL, Lampe Barbouille, composition en fil electrique, piece unique, 2009 © LN Boul


47 Mis à distance. L’œuvre de Sarkis se fonde notamment à partir du célèbre et emblématique Cri d’Edvard Munch (1893). Le projet conçu pour Marseille comprend l’installation De la terrasse de l’homme qui regarde le paysage sous sa forme originelle issue d’une aquarelle de 1992 (une version mise scène est actuellement à la Biennale de Lyon), Munch (quatre aquarelles au format poster) et Le cri du paysage (le néon/lumière pour sa picturalité). Un travail de mis en abîme dans tout l’espace de la galerie. C.L.

Sarkis, Le cri du paysage

Sarkis Le cri du paysage du 21 novembre au 30 janvier 2010 Galerie of Marseille 04 91 90 07 98 www.galerieofmarseille.com

La lumière selon Sieff. «Mes photos sont autant de petits cailloux noirs et blancs que j’aurais semés pour retrouver le chemin qui me ramènerait à l’adolescence» écrivait le photographe Jeanloup Sieff disparu en 2000 à l’âge de 77 ans. Photoreporter à ses débuts, célèbre pendant la Nouvelle Vague, Jeanloup Sieff laisse une œuvre tentaculaire (portraits, paysages, mode, nus, publicités…), reconnaissable par la profondeur de ses noirs et le sens du contraste. Par sa lumière harmonieuse aussi, qui donne à ses clichés une aura cinématographique, unique. M.G.-G.

Hommage à Jeanloup Sieff jusqu’au 3 janvier Maison de la photographie, Toulon (83) 04 94 93 07 59 Jean-Marie Sorgue, Falaises et emergences 1981 – encre sur papier – 110 x 75 cm

Coup double. Depuis la fermeture de sa galerie, Jean-Pierre Alis poursuit son travail en faveur des artistes contemporains grâce à ses partenariats Athanor hors les murs. La collaboration avec la galerie Polysémie offre à Jean-Jacques Ceccarelli d’exposer une série d’aquarelles récentes alors qu’une monographie vient de lui être consacrée aux éditions André Dimanche. Un bonheur ne vient jamais seul. C.L. Jean-Jacques Ceccarelli jusqu’au 12 décembre Galerie Polysémie 04 91 42 87 51 www.polysemie.com

Jean-Jacques Ceccarelli, Sans titre, aquarelle, 2009

Que d’os ! Ici on réinvente la vanité la plus crue, la plus sèche, la structure profonde des choses, le vide entre les os, la vie la plus vidée de ses oripeaux, horribles os, sans peau ni chair, sans corps-matière, ce qui reste après, que d’autres réassemblent en trophées ou squelettes exemplaires pour des histoires pas très naturelles. Rubinstein marche sur les os. C.L. Sauvé des eaux Nicolas Rubinstein jusqu’au 19 décembre Centre d’art contemporain intercommunal 04 42 55 17 10 www.ouestprovence.fr

Nicolas Rubinstein, Boucherie boucherie, installation, 2009 (détail) © X-D.R


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ARTS VISUELS

GALERIE D’ART DU CG13 | FONTAINE OBSCURE

De la mère à l’enfant Un musée n’y suffirait pas pour évoquer la maternité, depuis les déesses préhistoriques de la fécondité jusqu’aux représentations contemporaines. Ce sujet est à la croisée de nombreuses disciplines : art, ethnologie, médecine, littérature, sociologie, biologie… Grâce à Jean-Roch Bouiller, commissaire de l’exposition Quelques figures de maternités, on entrevoit la récurrence de la question de la maternité comme cristallisation de «tous les enjeux liés à la reproduction humaine à l’échelle individuelle, familiale, de la société, de la civilisation voire de l’espèce». Certes de manière parcellaire, mais néan-moins efficace : l’œil est invité à dépasser l’illustration pour comprendre le sujet, en effleurer sa dimension anthropologique, et inversement, à admirer tel bas-relief du XVIe siècle ou telle encre sur papier de Frédérique Lucien du XXIe siècle... Pour circonscrire le sujet, l’exposition favorise quatre approches : la première consacrée à l’amont de la gestation avec ses témoignages matériels de vœux formulés aux divinités de la fécondité et de la fertilité, et le thème chrétien de l’Annonciation

à la Vierge Marie. Le second à la gestation, quand la mère et l’enfant font corps, particulièrement présente dans l’iconographie contemporaine : douce et secrète Boîte close d’Agathe Larpent, terre cuite engobée aux formes généreuses de Loul Combes, Vanitas foetales disgracieuses de Saverio Lucariello qui représente le ventre de la femme comme un coquillage béant… La naissance, bien sûr, qui suscite la recrudescence de nombreux ex-voto «pour s’assurer des bons auspices du destin». Et enfin le thème de la mère à l’enfant avec ses scènes d’allaitement (sereine Maternité blanche de Maurice Denis), et les relations mère-fille vues sous un angle plus psychologique aujourd’hui. En cela la vidéo de Maria Marshall, Pinocchio, fait l’effet d’une bombe à retardement. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Quelques figures de maternités jusqu’au 3 janvier Galerie d’art du Conseil général, Aix 04 42 93 03 67 www.cg13.fr © Katharina Bosse, Berge et Katharina 2 Children, serie A portrait of the Artist as a Young Mother, Paris, Galerie Anne Barrault

Aux temps anciens Pour la célébration du jumelage Grenade/Aix-en-Provence, Regards Croisés remonte le passé au Musée des Tapisseries et à la galerie de la Fontaine Obscure Les Regards Croisés nous avaient habitués à travers de nombreux échanges avec des pays étrangers à la découverte d’artistes contemporains. Cette édition 2009 propose de se tourner vers une vision nettement plus patrimoniale pour célébrer le 30e anniversaire du jumelage entre Aix et Grenade. L’intention est de rendre «hommage à des artistes qui ont photographié leur ville respective en des temps où cette pratique était affaires d’initiés». On ressent dans ces deux expositions une certaine nostalgie comme lorsqu’on feuillette un album d’Eugène Atget enregistrant les dernières apparences de Paris. Au début du XXe siècle, Arturo Cerdá y Rico semble faire de même avec Grenade et ses environs, posant son imposant appareillage dans les rues, les boutiques ou la campagne andalouse pour fixer les gestes de ses contemporains. Ancrée à deux pas du cours Mirabeau, la famille Ely a pu constituer en quatre générations un important fonds documentant les évènements du pays aixois initié dès les années 1900 par Henry Ely. Un peu par hasard au milieu du siècle, Tommy Olof Elder, un Suédois en villégiature près de Grenade, capte les scènes de la vie quotidienne des habitants, principalement des gitans, dans le petit village d’Almuñecar. Mais autant les clichés modernes sur pellicule d’Elder et les autochromes de Cerdá, avec un traitement proche du pictorialisme, fixent ce qui va disparaître, autant Henry Ely enregistre et accompagne sur plaques de

verre les avancées de la modernité en son siècle. Moins concernés par une approche artistique que par une démarche de reportage et de témoignage, ces photographes ont produit des images à valeur

documentaire historique, ethnographique et sociale qui possèdent cependant un charme plastique certain, plus d’un siècle après leur réalisation pour les plus anciennes. Pour les besoins de l’exposition, elles ont fait l’objet d’un c Henri Ely retirage digital. En une période où la dématérialisation numérique enfle et fait polémique, la dimension mémorielle de l’information -sa valeur d’archive visuelle notamment comme pour cette exposition avec certains de ses aspects artistiques- interroge les choix qui fondent la transmission patrimoniale. Quels seront alors les partis pris de la Fontaine Obscure pour le projet dans le cadre du jumelage avec Tübingen en 2010 ? CLAUDE LORIN

Regards croisés Grenade/Aix-en-Provence jusqu’au 30 décembre Musée des Tapisseries Espagne années 60 Tommy Olof Elder jusqu’au 16 décembre Galerie Fontaine Obscure 04 42 27 82 41 www.fontaine-obscure.com


ESPACE ÉCUREUIL | VILLA NOAILLES

ARTS VISUELS

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Entre ciel et mer Dans les photographies de Cyrille Weiner, le littoral Hyèrois n’est pas «la Côte». Pas de racolage bling-bling, ses photographies révèlent avec simplicité une autre manière d’habiter la presqu’île de Giens, les Îles d’Or. De s’approprier la mer. Pas de gros plans sur des hordes estivales ni de débordements criards : juste quelques rochers émergeant du ressac, deux ou trois parasols ouverts, quelques cabanons de bric et de broc, un joli chemin sans fin. Et toujours un cadrage plein ciel, une ligne d’horizon profonde qui structure la composition : une ligne de fuite idéale pour le regard à perte de mer… Guetteur contemplatif et solitaire, Cyrille Weiner a arpenté durant deux ans la presqu’île et ses terres voisines pour répondre à une commande photographique de la Villa Noailles à Hyères. Il s’est familiarisé avec le paysage jusqu’à s’y fondre, jusqu’à offrir «une déambulation poétique et une réinterprétation de l’île et du rivage». Le fruit de son abandon à la nature fait l’objet d’une exposition et d’une publication produites par la Villa Noailles, qui a déjà offert quatre cartes blanches à Joël Tettamanti, Olivier Amsellem, Erwan Frotin et Charles Fréger, heureux bénéficiaires de conditions de travail professionnelles (50000 euros de budget moyen par résidence). «C’est le résultat d’une envie partagée, souligne Jean-Pierre Blanc, son directeur, d’une volonté de faire prendre conscience aux gens de leur environnement et de leur patrimoine». Selon leurs projets, et en résonance avec les champs d’investigations de la Villa Noailles, les résidences comptent parfois de longues périodes de gestation. «A priori, remarque Jean-Pierre Blanc, les artistes viennent avant tout pour l’architecture mais ils découvrent l’environnement, se l’approprient plus largement et réagissent au lieu et à ses projets dans les domaines de la mode, de l’architecture et du design». Souvent le travail évolue en cours de route, comme pour Erwan Frotin qui réalisa ici ses premiers portraits botaniques.

Hyeres, L'Almanarre, de la serie Presque ile, 2009. C-print 60 x 70 cm

La commande photographique est liée à l’histoire de la Villa Noailles : si le plus célèbre des artistes en villégiature fut Man Ray, les années 1995/96 accueillirent Bernard Plossu, Jacqueline Salmon, Karl Lagerfeld et Stéphane Couturier. Pour autant, la Villa n’a pas vocation à constituer une collection, faute de moyens financiers et de conditions de conservation requises. En qualité de centre d’art, elle possède de nombreuses archives sur son histoire contemporaine, notamment sur le Festival international de design et le Festival international de mode et de photographie. Mais elle reste résolument tournée vers les talents prometteurs et vient de confier à Grégoire Alexandre, fraîche-

ment lauréat du Prix de la Fondation HSBC pour la photographie, un nouveau projet in situ qui verra le jour en 2011. Les impatients pourront toujours se consoler en découvrant son travail en novembre au Musée d’art contemporain de Marseille. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Presque île Cyrille Weiner Exposition prolongée jusqu’au 3 janvier 04 98 08 01 98 www.villanoailles-hyeres.com

Le rongeur qui promeut La saison 2009 se terminera à l’Espace Ecureuil en deux expositions triturant le portrait en peinture, puis de la photographie. Et toujours des conférences Malgré un horizon qui se voit tourmenté par la crise financière, la Fondation de la Caisse d’Epargne poursuit son œuvre de mécénat en faveur de la culture et de la création artistique en particulier, sans oublier, en parallèle à la présentation de créateurs de renom, la promotion des jeunes talents émergents. Ainsi l’Espace Ecureuil vient d’offrir

Linjiao Li - Sans titre (serie Au bord) - 2007 tirage argentique - 58 x 40 cm

sa première exposition à JeanPhilippe Gibergues, formé à l’école supérieure des Beaux-arts de Marseille. Ses peintures de bon format, qui s’intéressent particulièrement à la figuration humaine, évoquent James Ensor ou Egon Schiele pour la dramatique irrévérence, Botero pour les rondeurs et Lucian Freud

pour la facture. Dans une esthétique proche, questionnant aussi le portrait, suivra l’exposition d’Alix Paj qui utilise de manière peu conventionnelle l’encre de chine sur support d’acétate et p.v.c. Pour conclure l’année, Linjiao Li suspendra ses photographies aux cimaises de la rue Montgrand. Ne pas se priver aussi des conférences en histoire de l’art concoctées toute l’année par Jean-Noël Bret, qui invite cette fois-ci Bernard Lafargue, rédacteur en chef de la revue Figures de l’art pour l’édition des actes du colloque consacré en 2008 à Daniel Arasse, le 30 novembre à 18 heures. CLAUDE LORIN

De Chair et d’encre Alix Paj, peintures jusqu’au 4 décembre Le poids de la lumière Linjiao Li, photographies jusqu’au 29 décembre Espace Ecureuil 04 91 57 26 49 www.fondation-ecureuil.fr


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ARTS VISUELS

ENTRETIEN AVEC DOMINIQUE ANGEL

1 pour 4 Développé en quatre expositions plus des interventions scolaires, le projet de Dominique Angel, Pièces supplémentaires, a la côte sur les bords du Rhône. Depuis plusieurs années, Dominique Angel développe une œuvre protéiforme selon le principe du réemploi : des pièces antérieures sont réinjectées dans les propositions nouvelles, le plus souvent des installations conçues en fonction des espaces d’accueil. Sous le terme de Pièce supplémentaire, il constitue au fil des projets un work in progress aux apparences variables et éphémères. Cette année, à l’initiative du Frac Paca qui possède deux sculptures de l’artiste, Pièce Supplémentaire s’est développé au pluriel en plusieurs lieux patrimoniaux bordant le Rhône. Au point de départ, une résidence de création littéraire à Villeneuve-lez-Avignon qui a réussi à contaminer Tarascon et Avignon, impliquant dans son mouvement plusieurs établissements scolaires. Un livret d’accompagnement des visites ainsi qu’une publication (qu’on aurait appréciée plus copieuse quant à sa démarche et ses choix) éditée par l’Agence Alternative aux éditions Analogues documentent le projet. Zibeline : Comment est venu ce projet avec le Frac ? Dominique Angel : D’une discussion avec Pascal Neveux qui voulait faire quelque chose avec les artistes qui écrivent. Je lui ai proposé de travailler à partir de mes récits où il y a des descriptions d’œuvres qui n’existent pas : des photos, des installations, des sculptures. Je voulais réaliser ces pièces qui n’existent pas, et il m’a proposé des lieux. Confrontés à leur présence, leur histoire, la réalisation des pièces a évolué. En fonction de l’architecture, de leur adaptation. L’idée était aussi de présenter la totalité de mon dispositif de travail : de la sculpture, de l’écriture, la vidéo, la performance... Il fallait des espaces qui permettent de développer cette pluralité de formes d’expression qui participent de l’idée d’une œuvre unique. D’où le nom de Pièce supplémentaire. Le plus souvent on ne voit que des morceaux ; quand j’ai l’occasion d’en présenter la totalité ça me permet aussi de faire le point. Ainsi lorsqu’on voit une de vos pièces, une sculpture par exemple, ce n’est qu’un élément du grand œuvre ? Oui, mais en même temps qui a son autonomie et que je peux rejouer dans une installation avec d’autres œuvres plus anciennes, des récentes, que je peux modifier jusqu’à ce que je trouve l’installation juste. J’avance par tâtonnements. Par

exemple, une des pièces au château de Tarascon, la table avec les têtes dessus, je l’ai présentée sous des formes différentes et là je pense que j’ai trouvé la forme juste. Je pense que maintenant je vais la présenter sous cette forme-là. Qu’est-ce que c’est ce «juste» pour un artiste ? Juste c’est un terme qu’utilisent beaucoup les artistes et on ne sait pas trop ce qu’il veut dire ! Quelqu’un qui écrit sait aussi à un moment que sa phrase est juste. À un moment du travail on a un sentiment de justesse, dans un rapport entre

à la question du patrimoine. Je dois faire avec. Ça relève du tour de force. Tout s’est fait sur place ? Non, j’ai fabriqué des pièces dans mon atelier. J’ai travaillé aussi sur le lieu comme un atelier en confrontant les questions de proportion, de composition, d’échelle tout particulièrement… et en modifiant les choses au fur et à mesure.

Quelle a été la part des scolaires dans ce projet ? J’ai proposé de prendre les étudiants de l’option art en lycée comme assistants, Dominique Angel, Pièces supplémentaires, 2009, Chartreuse, Villeneuve-lez-Avignon, © X-D.R certains se destinent aux beaux arts. J’ai préparé en amont des conférences pour les différentes écoles et lycées comme pour une école d’art. Je leur ai expliqué mon travail, j’ai exposé le projet à Tarascon et à Villeneuve, c’est-àdire pour deux groupes d’environ une vingtaine d’élèves. Et puis il y avait les options histoire de l’art, plus intéressés par l’accrochage, qui sont venues en cours de montage ; là ça s’est passé par entretiens. Et à d’autres classes j’ai donné du travail à faire à partir des lettres -un peu loufoquesenvoyées à mes élèves lorsque j’enseignais à la Villa Arson. J’ai été aussi invité dans des écoles pour des ateliers d’écriture, et à Tarascon avec le prof d’arts plastiques on a travaillé la vidéo. Ce qui a lancé plein de trucs et l’envie pour eux de faire des choses. Je dois aussi faire une conférence pour l’école d’instituteurs… Avez-vous déjà travaillé sur un projet aussi important ? Non, c’est la première fois. Ça serait bien de présenter tout cela à la Chartreuse et à Tarascon ! ENTRETIEN RÉALISÉ PAR CLAUDE LORIN

le contenu de la pièce et la manière dont elle est faite, le sentiment qu’elle est terminée. Un achèvement ? Oui, le moment où la pièce dit ce qu’on veut dire, y compris avec les éléments qui vous échappent. Donc ces quatre expositions je les ai conçues comme une seule, même si elles sont dispersées. Dans une exposition, on passe d’une œuvre à une autre rapidement, mais là l’espace entre est plus grand, le spectateur peut imaginer autre chose, ça demande un effort pour faire ces relations avec ce patrimoine très fort. Je me suis rendu compte que l’art contemporain était constamment confronté

Pièces supplémentaires Dominique Angel jusqu’au 20 novembre Cloître des Cordeliers, Tarascon 04 90 91 38 71 jusqu’au 30 novembre Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon 04 90 15 24 24 Tour Philippe le Bel, Villeneuve-lez-Avignon 04 90 27 49 28 jusqu’au 30 décembre Château Royal de Provence, Tarascon 04 90 91 01 93 www.fracpaca.org


NÎMES | ALLAUCH

ARTS VISUELS

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Troublantes images Au Carré d’Art, Projections donne à voir des œuvres hétérogènes et perturbantes où temps et images mentales se télescopent dans une déambulation austère. Au visiteur de trouver les liens Le titre programmatique laisse à imaginer un ensemble de films ou vidéos. C’est le cas pour un bon nombre d’œuvres mais nous avons à faire aussi avec de la peinture, du dessin, de la gravure, de la sculpture. Quel que soit le médium utilisé, celui-ci cependant ne se présente pas dans toute son évidence. Des dessins au crayon sanguine sont projetés sur grand écran (Jean-Pascal Flavien) ; le pastel gras évoque les images positif/négatif photographiques et filmiques (Michael Landy) ; technique traditionnelle, la gravure compose des images hybrides constituées d’immeubles de style moderne dans des paysages de genre XVIIIe siècle (Cyprien Gaillard) ; la peinture réemploie des images glanées sur Internet (Gordon Cheung) ; la sculpture matérialise des structures empruntées aux sciences (Tobias Putrih) ou des données numériques météorologiques (Iñigo Manglano-Ovalle). La salle consacrée au travail de Laurent Grasso est emblématique de ces emprunts et brouillages des territoires qui présente en un même temps/même espace deux imposantes projections vidéo, des sérigraphies argent (de grand format mais uniquement visibles de près), deux petites huiles sur bois éclairées dans l’obscurité comme des photos. L’ambivalence est à son comble lorsque Daniel Arsham utilise la gouache sur papier calque imitant à première vue la photographie, pour peindre des scènes improbables incluant poutres, escaliers et obélisques de béton (?) au sein de forêts tropicales. D’autres sont générées par ordinateur à partir de données

notamment scientifiques : la sculpture en titane Cloud Prototype 2 d’Iñigo Manglano-Ovalle, ou jeux virtuels : la vidéo en 3D Arena 2 de Chris Cornish. L’installation Viewer Hard Drive de Jean-Pascal Flavien laisse voir son dispositif complet : images numériques projetées sur images sur supports papier, l’appareillage technologique, son espace, son temps de perception. Ces enjeux entre réalité et virtualité, sur l’ambiguïté de la perception, utilisant des principes séquentiels et/ou répétitifs appliqués au déroulement temporel, jettent le trouble sur l’évidence des choses. L’exposition provoque une certaine confusion au risque de l’incompréhension du spectateur, à moins que ce dernier ne prenne le temps de la recevoir. C’est là l’effort nécessaire pour entrer dans ces formes énigmatiques que tente d’expliciter la commissaire du projet, Françoise Cohen, dans le catalogue bien documenté et le petit livret d’accompagnement à la visite. Il faut peut-être aborder ces Projec-

Tobias Putrih, Argos cinema, 2007, structure en contre-plaque et carton avec projection du film La Jetee de Chris Marker © C. Lorin

tions par l’envers : celles, mentales, que ces œuvres sont susceptibles de provoquer en nous-mêmes. Mais de quelles projections sommes-nous capables ? CLADE LORIN

Projections jusqu’au 3 janvier Carré d’Art Musée d’art contemporain de Nîmes 04 66 76 35 70 http://carreartmusee.nimes.fr catalogue bilingue français/anglais, 104 pages co-édition Carré d’art/Archibook, 23 euros

Sur la colline Alors que son premier volet Nord/sud se termine, la 3e biennale d’Art Contemporain d’Allauch rend hommage à André Gence, mais l’exposition Alechinsky est repoussée à 2010

de l’art grâce à plusieurs initiatives entendues entre responsables publics et acteurs de l’art contemporain. En témoignent les activités des Ateliers du Logis Neuf, le festival de la photo Phocal, la Biennale d’Art Contemporain portée par le peintre Olivier Bernex et progressivement la programmation du musée. Malgré les efforts consentis au Vieux Bassin comme au musée, un lieu dédié à la création contemporaine apparaît nécessaire. C’est le projet envisagé dans les 2000m2 de l’Usine électrique où est déjà accueilli le Ballet d’Europe, dont la réhabilitation impose le report de l’exposition Alechinsky en juin 2010. On se jette à l’eau ?

Homme mage Disparu peu de temps avant son inauguration, André Gence n’aura pas pu voir l’exposition que lui consacre le musée d’Allauch. Il avait préparé de longue date cet évènement avec l’enthousiaste conservateur Nicolas Bousquet. Son œuvre empreinte d’une profonde spiritualité ne pouvait trouver meilleur accueil dans cet établissement destiné à la compréhension des symboles et du sacré. Sans être une rétrospective, les espaces du musée ne le permettant pas, cette Anthologie offre un parcours commençant avec des œuvres réalisées dans les années soixante-dix jusqu’à nos jours, dont un très beau Sans Titre de 1974 fait de variations rouge carmin, vermillon et d’un point lumineux jaune, qui inaugure le style qu’on lui connaît aujourd’hui transposé dans des modulations de gris. Au premier étage, on peut le voir dans deux rares vidéos de France 3 méditerranée, parler de son travail lors d’une de ses expositions à la galerie Sordini en 1989.

CLAUDE LORIN

André Gence, Sans titre, huile sur toile © X-D.R.

Projet électrique Perché sur les hauteurs du Massif de l’Étoile, le village d’Allauch regarde la métropole en contrebas sans trop de complexe. Visité pour son site naturel et son ancrage dans les cultures traditionnelles, il s’est ouvert depuis plusieurs années aux formes récentes

3e Biennale d’Art Contemporain d’Allauch André Gence, Anthologie jusqu’au 14 février Musée d’Allauch 04 91 10 49 00 www.musee.allauch.com


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ARTS VISUELS

DE VISU | REGARDS DE PROVENCE | TERRITOIRES PARTAGÉS

Photographie orgasmique Cela fait cinq ans qu’Antoine d’Agata est sans domicile fixe. Éxilé volontaire autour du monde, loin du marché de l’art, des galeries et du monde de l’édition il retourne aux sources, absorbé par son travail photographique et l’écriture. Sauf que des grains de sable viennent parfois enrayer les rouages les mieux huilés. La rencontre avec le jeune écrivain espagnol Rafael Garido, épris de Bacon, bouleverse sa «retraite». Une longue correspondance par mail, des belles évocations littéraires (Burroughs, Blanchot, Artaud), et Antoine d’Agata franchit la ligne, fouille son passé pour écrire un récit photographique autobiographique et commence une nouvelle aventure éditoriale ! Une partition en binôme fertile avec une exposition produite par les Rencontres internationales de la photographie d’Arles, et un ouvrage coédité par Actes Sud et l’Atelier de visu. Rien de moins ! Complice depuis 10 ans de la galerie, Antoine d’Agata offre à l’Atelier de visu la primeur de ce roman autobiographique. Des images scénarisées à l’extrême, entre sexe et drogue dure, totalement égocentriques : leur cruauté paraît violente, mais Antoine d’Agata la récuse en se l’appropriant : «la violence de la défonce, c’est contre moi» argumente-t-il face à cette mise en image frontale de son intimité. Overdose, douleur, jouissance, corps mou, corps dur : l’intensité des photo-

graphies est à son comble. Et les mots de Rafael Garido résonnent, évoquant «les corps incorporants et incorporés, le désir incarné, désossé.» La correspondance va plus loin encore quand le flux de ses mots, écrits ou lus par lui-même, file au rythme de l’accrochage des photographies, cadre contre cadre, en un long ruban sans fin. Entre le portrait d’Antoine d’Agata à 25 ans et son autoportrait au corps saupoudré d’un nuage de blanc, une vie de désirs et d’orgasmes fait irruption dans la lumière. Tout autour, le noir l’enveloppe. La part d’ombre. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Agonie jusqu’au 4 décembre Atelier de visu 04 91 47 60 07 © Antoine d'Agata - Magnum Photos

Souvenir, souvenir… Cocteau méditerranéen Conçue comme un parcours autour de la Méditerranée, l’exposition de la Fondation Regards de Provence, Jean Cocteau et la Méditerranée, se concentre de fait sur la Côte d’Azur, la Grèce, l’Italie et l’Espagne. Autant de haltes dans la vie d’un artiste qui se définissait comme «un poète qui emprunte beaucoup de véhicules.» Déclaration à prendre aux sens propre et figuré puisqu’il fut un infatigable voyageur, et un touche-à-tout de génie : peinture, dessin, céramique, tapisserie, bijoux, toujours à l’affût de collaborations inattendues, musicale avec le Groupe des Cinq, chorégraphique avec Nijinsky… Pour célébrer cette figure marquante du XXe siècle, la fondation s’est entourée d’amis, de membres de sa famille et de spécialistes Malheureusement, malgré ces multiples éclairages, l’exposition manque de relief : pas de manuscrits ni de poèmes, pas de correspondances ni de maquettes d’opéra… Circonscrite à un territoire géographique, elle ne parvient pas à refléter l’ampleur de l’œuvre ni son avant-gardisme, gommant son influence sur la littérature et la création actuelles. Dommage de ne donner à voir qu’une facette de ce personnage multiforme ! MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Fondation Regards de Provence, Marseille jusqu’au 24 janvier 04 91 04 68 32

Faute d’exposer des pièces récentes de MarieAnge Guilleminot, la galerie Territoires partagés replonge dans leur passé commun. En 2001, le Frac l’invitait à l’occasion d’un vaste projet, Les Origamis, mêlant pliages de guirlandes de couleur, manipulations et performances. Au mur, les photographies de Stéphane Guglielmet en témoignent. En 2003, MarieAnge Guilleminot, la galerie et le Frac s’associaient encore autour de l’une de ses œuvres-phare, le Chapeau-vie, «multiforme et multifonction, indémodable, unisexe et en taille unique». À plusieurs reprises, et dans des conditions parfois insolites comme à Venise, l’artiste mettait en scène son propre corps, asexué, dans des performances énigma-

tiques. Parfois même, revêtue du Chapeau-vie en jersey cloqué, elle s’imposait d’étranges postures au milieu de sculptures inanimées. La vidéo, tel un mode d’emploi, livre ses secrets. Et les photographies, là encore, racontent leurs souvenirs : plus d’un an de voyages dans le Queyras à la rencontre des habitants. Car Territoires partagés a toujours développé son action selon trois principes : la rencontre avec un artiste, le prêt d’une œuvre par une institution, la sensibilisation des publics. Un projet qui a séduit le Frac durant huit ans, avant de convaincre la Villa Arson à Nice, son nouveau partenaire. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Installations de Marie-Ange Guilleminot, Galerie Territoires Partages

Marie-Ange Guilleminot jusqu’au 19 décembre galerie Territoires partagés, Marseille 09 51 21 61 85


MONTPELLIER | CINEHORIZONTES | RENCONTRES À L’ÉCHELLE

CINÉMA

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Mouret de Marseille à Montpellier Pourquoi le Festival du cinéma méditerranéen de Montpellier dans Zibeline, qui s’arrête en principe à Nîmes dans ses incursions hors PACA? Pour vous donner envie d’y faire un tour un jour : plus de cent-trente longs métrages, fictions et documentaires, une centaine de courts dont une trentaine de cinéma expérimental, des focus sur le cinéma italien et politique d’Elio Petri, sur le cinéma fantastique espagnol, sur le nouveau cinéma turc, des tables rondes, des rencontres, des expositions, des cinéastes invités dont Angelopoulos, Amenabar, Rappeneau, Allouache et accompagnant Emmanuel Mouret, ses actrices, Frédérique Bel et Julie Gayet. Bref ! Un programme alléchant pour tous ceux qui aiment le cinéma dans sa diversité. D’autant qu’en proposant un hommage et une carte blanche à Emmanuel Mouret, Cinemed a offert à Marseille

une place de choix. «Pourquoi Mouret au Cinemed ? Parce qu’il est de Marseille !» déclare Jean-François Bourgeot, le directeur du festival qui a tenu du 23 octobre au 1er novembre sa 31e édition. Car c’est sa ville natale que le cinéaste filme dans ses tous premiers films qu’on a pu découvrir ici. C’est la Baie des Singes, la Grotte Rolland, La Madrague de Montredon, Callelongue que Clément, gentil jeune homme charmeur, indécis, fait découvrir à son amie, Constance dans Promène-toi donc tout nu, son film de fin d’études. Ce sont les plages sur lesquelles Lucie vend ses maillots de bain dans son premier long, Laissons Lucie faire, un «divertissement sentimental». Dès ses premiers films le style est trouvé, son personnage à la diction hésitante, maladroit à la Tati, aérien et décalé, clownesque et ingénu aussi. Avec des dialogues qui font parfois penser à Rohmer, parfois à Woody

Un baiser s'il vous plait d'Emmanuel Mouret © Pascal Chantier

Allen, des gags qui font songer aux burlesques américains, des clins d’œil à Truffaut, Mouret, qui explore les innombrables facettes de l’amour et du désir, a su mettre en place un univers qui lui est propre, sa Carte du Tendre.

Cinemed a donné l’occasion de revoir toute son œuvre et de revisiter Marseille. ANNIE GAVA

À la carte et fi des frontières ! Homme au bord de la crise de nerfs pour l’ouverture de Cinehorizontes avec l’énergique comédie de Nacho Garcia Velilla, Fuera de carta. Maxi, interprété par un extravagant Javier Cámara, chef cuisinier gay en quête d’une étoile Michelin, se retrouve subitement en charge de deux enfants nés d’un mariage de convenance, tombe amoureux d’un ex-footballeur argentin, devient le rival de son explosive maître d’hôtel (Lola Dueñas)... Situations vaudevillesques, jeu sur les clichés homophobes, langage cru, si le film n’évite pas toujours le stéréotype, il annonce avec optimisme une des thématiques de l’édition 2009 en partenariat avec le festival Reflets : «Aimer autrement», à la carte donc plutôt qu’au menu. Dans la continuité des mutations sociales de l’Espagne à la fin du XXe siècle, il s’agit de s’accepter et trouver sa place pour les protagonistes d’Ander de Roberto Castón, un des sept films en compétition, présenté en avant-première. Et de jouer de ses fantasmes pour Jess Franco, réalisateur prolifique de séries B, auquel il est rendu hommage. À l’œuvre également, une volonté d’échapper aux représentations nationales : les films sélectionnés font voyager. Barcelone et Madrid, bien sûr, mais aussi le Pérou (Fausta), l’Argentine (El niño Pez), le Mexique (Una vida mejor), le Maroc (Metropolis Ferry), Tokyo (Maneki neko), Marseille (Amateurs). La soirée de clôture, consacrée en première partie aux courts métrages des jeunes cinéastes de l’école madrilène ECAM, nous transportant à Cuba grâce à la musique du groupe Pupy y los que son son. Un cinéma entre deux mondes, comme l’invité d’honneur Sergi López. Les fantômes du franquisme hantent deux films, Barcelona (un mapa) et Los Giralos ciegos, adaptation du livre éponyme d’Alberto Méndez, tout en

teintes grises, brunes, sombres par José Luis Cuerda dont on avait apprécié La lengua de las mariposas. Mais le cinéma espagnol aborde aussi notre commune actualité. Un fait d’hiver dramatique en 2003, les corps de 35 marocains retrouvés sur une plage de Cadix, a inspiré à la réalisatrice, Chus Guttiérez. Dans Retorno a Hansala, présenté en collaboration avec FFM, Leila, sœur d’un défunt, retourne dans un petit village de l’Atlas, accompagnée de Martin, l’entrepreneur en pompes funèbres pour qui ce voyage sera une véritable prise de conscience. Violence d’un monde qui ne cesse de dresser des barrières… Le jury, présidé par Laura del Sol a attribué : le grand prix Cinehorizontes à Ander de Roberto Castón ; il a également accordé une mention spéciale à Retorno a Hansala de Chus Guttiérez. Le public marseillais s’est pressé chaque soir au cinéma Le Prado à Marseille qui a accueilli la manifestation du 6 au 14 novembre et les échanges avec les invités ont été très riches. Bravo à Horizontes del Sur ! ELISE PADOVANI ET ANNIE GAVA

Ander de Roberto Castón

Inland in Gyptis Session de rattrapage le 8 novembre au Gyptis dans le cadre des Rencontres à l’échelle, pour ceux qui avaient raté Inland du franco-algérien Tariq Teguia projeté en mars dernier (voir Zib 17). D’Oran qu’il quitte pour déterminer le tracé d’une ligne électrique dans un arrière-pays traumatisé par le terrorisme, au désert saharien où il rencontre une immigrée clandestine traquée, le topographe Malek passe d’une observation distancée et désabusée de la réalité algérienne à une adhésion au monde plus essentielle. Film de trajectoires géographiques et mentales, collectives et personnelles, d’affranchissement des frontières de toutes sortes, de ruptures et de liens, de traces à effacer, à suivre ou à perdre, Inland crée avec une grande liberté formelle un parcours plastique sensible et captivant, une chorégraphie jalonnée de musique électronique, de rock, de raï, de poèmes, de discours et de silences d’une évidence propre aux grands films. ELISE PADOVANI


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CINÉMA

INSTANTS VIDÉOS | IMAGE DE VILLE | CARPITA | RACHEL

Vos Instants durent toujours L’horizon des 22e Instants Vidéo ne sera atteint qu’en fin décembre. Une bonne raison de zigzaguer dans la programmation et de poursuivre avec deux festivals alentour La présentation exceptionnelle de La Peau de Thierry Kuntzel à la Compagnie donnait le ton de la qualité de cette programmation. Comme les précédentes, celle-ci reste profuse, multiple, éclatée, questionnante. Entre cycles de projections, dispositifs vidéo, installations, rencontres et débats rendus possibles grâce à de nombreux partenariats (Zinc-La Friche, Rencontres d’Averroès…), pièces historiques (Jaffrennou, Deleuze, Kuntzel, Pasolini) et créations, convocation croisée des disciplines (danse, expérimentations plastiques, cinéma, littérature, son, poésie, fiction, performance…), le moment des Rencontres Poétroniques… au bout du compte l’iconophage postpost-moderne est bien en mal de choisir ! Rançon du travail de Marc Mercier et son équipe, cette opulence des propositions et la dispersion des lieux rend parfois douloureux de tourner le dos le bon vent qui mène à l’horizon de la Pologne, Palestine, Syrie ou l’Egypte… Mais les rives de l’étang de Berre, plus proches, offrent aussi de belles rencontres à Martigues. À

partir du 24 nov, la Maison des Jeunes et de la Culture qui développe depuis plusieurs années un travail vidéo et numérique dans son Laboratoire d’images, programme un panorama éclectique de la création vidéo pour se clore sur soirée poétique en partenariat avec Autres et Pareils le 28. Dans la même période, le plaisir vibrant des nouvelles technologies de l’image est aussi en œuvre avec deux festivals : à Arles avec ArtCourtVidéo (films d’artistes, installations, documentaires, films d’animations, et trois prix pour finir en beauté) et la 5e édition de Gamerz (détournements artistiques des jeux vidéo) à Aix-en-Provence. CLAUDE LORIN

22e édition Instants Vidéo Avez-vous vu l’horizon récemment ? jusqu’au 19 décembre www.instantsvideo.com

House - plenitudo vacui de Luna Amato (Italie, 2008). Le film est projete a La Compagnie les 22 et 23 nov.

ArtCourtVidéo jusqu’au 22 novembre www.artcourtvideo.com Gamerz#05 jusqu’au 04 décembre www.festival-gamerz.com

Nuits blanches Flash sur la nuit urbaine à Aix : Image de ville a réuni du 13 au 17 nov, architectes, plasticiens, cinéastes, musiciens pour saisir tout l’éclat de la nuit Falafel de Michel Kammoun

Vendredi 13, au Pavillon noir, en ouverture, se sont succédé la nuit portuaire de Paul Carpita dans Jésus est mort, les enseignes de New York filmées jusqu’à l’abstraction par William Klein dans Broadway by light, et une création son et lumière née de la collaboration entre le compositeur Nicolas Errera et le plasticien Yann Kersalé. Ce dernier a raconté son

travail avec un des plus grands chefs opérateurs français, Henri Alekan, auquel Image de ville rend hommage cette année, pour le centenaire de sa naissance. Les villes éteignent les étoiles, leur jour artificiel défie les dieux, creuse les ombres où se cachent les crimes, se libèrent les pulsions, s’élaborent les rêves ou les cauchemars ; après le temps diurne social du travail, elles sont au cinéma les lieux privilégiés des rencontres et des dérives (Les nuits blanches de Visconti), des descentes aux enfers (La rue de Karl Grüne) des vertiges vampiriques (30 jours de Nuit de David Slade), de toutes les violences (King of New York d’Abel Ferrara), écrins des solitudes et des transgressions fatales (The yards de James Gray, Frozen days de Danny Denner). Le géographe Luc Gwiazdzinski a parlé de la nuit comme ultime frontière d’un domaine méconnu, l’urbaniste Claude Eveno regretté sa dissipation dans des villes trop éclairées, la disparition des lucioles comme symboles d’une pensée nourrie par l’ombre. Unité de temps, unité de lieu, la ville est un théâtre, les personnages s’y révèlent. Un marchand de falafels de Beyrouth devient oracle et un chauffeur de taxi napolitain nocher philosophe. Michel Kammoun et Toni d’Angelo traduisent les pulsions de leur ville respective dans Falafel et Una notte. En 66 films, fictions ou documentaires en partenariat avec le fidmarseille, en parcours vidéographiques, littéaires, rencontres (Willy Kurant et Richard Coppans entre autres), Image de ville a fait le tour de la nuit. ELISE PADOVANI


Rachel, l’émotion !

Simone Bitton et Jean-Michel Perez, le monteur © A.G

Le 23 octobre, le cinéma Variétés a accueilli Simone Bitton qui présentait son dernier film, Rachel. Rachel, c’est Rachel Corrie, une jeune pacifiste américaine tuée par un bulldozer israélien qui s’apprêtait à détruire une maison palestinienne. Le film enquête sur les circonstances de cette mort à partir de documents divers, photos, vidéos, de témoignages et happe le spectateur jusqu’à la fin. Tenace, Simone Bitton ne lâche jamais ses interlocuteurs pour tenter de faire émerger la vérité. Le superbe travail de montage de Catherine Poitevin et Jean-Michel Perez contribue à la force du film. Le débat, animé par Films-FemmesMéditerranée qui avait présenté le film en avant-première lors des 4e Rencontres, a abordé aussi bien la genèse du

documentaire que les problèmes politiques en Israël et Palestine. Le jour de la mort de Rachel Corrie, en mars 2003, Simone Bitton était en repérages à Ramallah pour son film précédent, Mur. Apprenant la mort de deux autres pacifistes, elle annule le tournage prévu à Gaza. Puis consciente qu’il faut que les cinéastes fassent leur travail, partout, elle décide de faire un film entier sur Gaza. Lisant les carnets de notes de Rachel, elle centre le documentaire sur la jeune pacifiste. Les questions ont été très nombreuses aussi bien sur la responsabilité des USA que sur l’état de la gauche israélienne, sur les rapports entre l’armée et le gouvernement. Simone Bitton, qui a la double nationalité, a aussi évoqué les difficultés pour tout citoyen israélien de se rendre en Palestine -«Pour notre sécurité !»- et l’impossibilité d’aller dans la bande de Gaza ; les scènes sur place ont été «télécommandées» et tournées par son équipe. Cela fait prés de quinze ans que Simone Bitton filme dans cette région et on ne peut que saluer sa ténacité, sa conviction, son intégrité. Et la remercier. ANNIE GAVA

Au revoir, Paul Le 24 octobre disparaissait Paul Carpita. C’est à l’Espace Julien que je l’ai croisé pour la dernière fois. Il était venu, en compagnie de Maguy, sa compagne, voir Ken Loach qui présentait son documentaire, Wich side are you on ? Le 29 octobre, tous ses amis se sont retrouvés à L’Alhambra Cinémarseille pour lui rendre hommage. La salle était comble et, avant la projection du film Le Rendez-vous des quais, tous, anciens dockers, compagnons de route, ont témoigné de sa modestie, de son humilité, de son extrême bonté, de sa grande humanité, de ses précieuses qualités de pédagogue, aussi. Des lettres d’enseignants et de lycéens ont été lues : près Paul Carpita © X-D.R.

de 7000 «lycéens au cinéma» de la région ont vu, l’an dernier, Le Rendezvous des quais ! Né en 1922, instituteur jusqu’en 1968, il fonde le groupe Cinepax qui va filmer des reportages sur Marseille, sur les manifestations contre la guerre d’Indochine, sur la grève des dockers de 1950. Tourné en partie clandestinement, avec des acteurs non professionnels, le Rendez-vous des quais est saisi dès sa deuxième diffusion dans un cinéma de la Belle de Mai pour être détruit. Le film restera enfermé pendant 35 ans sur les étagères des Archives du cinéma à Bois d’Arcy jusqu’à la levée de l’interdiction par le Ministre de la Culture en 1981. Paul gardera longtemps les traces de cette blessure… La première projection de la copie neuve, restaurée par la Cinémathèque Française dans le cadre des Écrans de la liberté, a eu lieu à l’Alhambra en 1990. En 1995, Paul Carpita se met à tourner un nouveau long métrage, Les Sables mouvants. En 2002, Marche ou rêve ! Les Homards de l’Utopie. Il était en train de préparer un nouveau film avec Claude Martino… Il nous manquera, il manque déjà. ANNIE GAVA


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CINÉMA

GARDANNE | APT

«Parenthèse enchantée» C’est par cette formule que Régine Juin (qui succède à Bernard Lafon) a ouvert le 21e Festival Cinématographique d’Automne de Gardanne au cinéma les Trois Casinos. Parenthèse enchantée en effet : dans le contexte difficile des cinémas d’art et d’essai, il est essentiel de conserver des lieux d’expression et d’ouverture sur le monde. Et c’est à cela que s’attache le festival : 70 pays représentés, des œuvres diffusées en avant-première, aux côtés de productions reconnues, un hommage à la comédie italienne avec Risi, Scola, Germi, un gros plan sur le cinéma anglais, la découverte du monde d’Isabelle Balducci (qui passe avec aisance du documentaire à la fiction, procédant par touches), rencontres avec Abya Yala et le cinéma amérindien, ciné junior, une soirée Bollywood et une compétition de courts métrages ! Un avant goût du festival est donné par une présentation d’extraits de quelques œuvres, puis le film de Michael Haneke, Le Ruban Blanc, palme d’or du festival de Cannes 2009. Une photographie su-

perbe, plans fixes, passions contenues, un jeu tout de tension des acteurs, un thème qui nous pousse à aiguiser notre regard sur nous-mêmes, les enjeux de l’éducation. Les spectateurs sortent visiblement bouleversés. La soirée de clôture, très conviviale, a commencé par la proclamation des palmarès. Deux prix du public ont été attribués : pour les courts métrages, Juste un pitch d’Eric Raynaud, l’histoire d’un scénariste indien qui arrive à Orly pour signer son premier contrat de production. Mais le chef de l’immigration, remarque que son passeport n’est pas en règle… Coté longs, c’est le film de Xavier de Lausanne, D’une seule voix, qui a eu les faveurs du public : un documentaire qui suit la tournée d’une centaine de musiciens palestiniens et israéliens, mise en place par Jean-Yves Labat de Rossi, côté scène et côté coulisses. Et c’est par le très beau film de Kamen Kalev, Eastern plays, présenté en avant-première hors compétition, que s’est terminée la manifestation. Nuits

Eastern plays de Kamen Kalev

sombres à Sofia, agressions racistes, deux frères qui ne se connaissent pas vraiment, histoires d’amour qui s’effilochent ou naissent, Eastern Plays est avant tout l’évocation d’une jeunesse bulgare désillusionnée ; mais aussi le portrait d’un jeune homme, artiste, alcoolique, qui erre dans un monde

malade et qui va, peut-être, réapprendre à vivre. La fin, en suspens, permet au spectateur d’espérer ou de… désespérer. Un film superbe pour clôturer un festival de qualité. MARYVONNE COLOMBANI ET ANNIE GAVA

Apt, une saison africaine Pour cette septième édition, le Festival des cinémas d’Afrique du pays d’Apt a réservé de bons moments à un public encore plus nombreux : malgré deux projections en parallèle pour chaque séance, les salles du cinéma César à Apt ont refusé du monde !

Hommages… rencontres Deux hommages ont été rendus : à Youssef Chahine, dont on a pu voir Gare Centrale ; et à Samba Félix Ndiaye (voir ci-dessous) lors d’une table ronde sur les ambitions du documentaire en Afrique. Les réalisateurs présents ont parlé tour à tour de la place qu’ils accordent au spectateur quand ils «pensent» leurs documentaires, Jean-marie Teno insistant sur la nécessaire subjectivité et Nadia El Fani pointant la question du «formatage» par les télés. «Faire un film documentaire en Afrique est un geste politique» a-t-on conclu.

L’Absence de Mama Keita

tachée de sang, qui vous hanteront sans doute longtemps. Autres images persistantes, celles de l’adaptation du roman de Marlene van Niekerk, Triomf, par Michael

Raeburn : une chronique caustique d’une famille de petits blancs pauvres, à Triomf, banlieue de Johannesburg. Le réalisateur, qui est aussi documentariste, a su rendre l’atmosphère de suffocation qui aboutit à une vraie implosion de cette famille, métaphore de l’explosion sociale et politique de l’Afrique du sud à la veille de l’élection de Mandela. Les comédiens sont excellents, le film est un choc… Le Jury «Lycéens» a récompensé Teza de l’Ethiopien Haile Guerima et a accordé une mention à Shirley Adams d’Oliver Hermanus. Côté courts, la Femme seule de Brahim Fritah et La jeune femme et l’instit de Mohamed Nadif, deux films marocains, ont été récompensés. ANNIE GAVA

…et films En ouverture et en avant-première, L’Absence de Mama Keita, l’histoire d’un jeune Sénégalais qui, ayant une brillante situation en France, revient après quinze ans d’absence à Dakar. Tout en tension, le film relate la descente aux enfers de sa sœur, muette, véritable allégorie de l’Afrique. Le nouveau film de Raja Amari (Satin Rouge) est un troublant huit clos dans une ancienne demeure coloniale, où vivent trois femmes, dont la plus jeune est jouée par Hafsia Herzi (La Graine et le mulet). La maison avec son haut et son bas, métaphore de la société, est superbement filmée par Renato Berta. Il vaut mieux ne pas dévoiler Secrets, intitulé Berceuse pour sa version arabe. Sachez que vous y verrez une vieille photo de famille, de somptueuses chaussures rouges, une mouette naturalisée, une robe blanche

Un cinéaste de la résistance Samba Félix Ndiaye, disparu le 6 novembre. Né à Dakar en 1945, réalise son 1er film à trente ans, portant un regard lucide et humaniste sur le quotidien. En 1989, c’est Le Trésor des poubelles, sur l’habileté des artisans de la «récupération». En 1992, Amadou Diallo, un peintre sous verre, ainsi qu’un documentaire, consacré à la voie de chemin de fer Dakar-Bamako. En 1994, Ngor, l’esprit des lieux, sur un village menacé par l’urbanisation. En 1998, une évocation lyrique du poète et homme d’état sénégalais, Lettre à Senghor ; en 2003, Rwanda pour mémoire et, en 2006, Questions à la terre natale où il s’interrogeait sur l’avenir de l’Afrique.

En 2007, à Apt, on avait pu l’entendre dire: «Je témoigne de ce monde avec une attitude proche de quelqu’un d’éveillé : tu ne peux avoir reçu une éducation sans vouloir bonifier ce que tu as reçu. Nous ne pouvons qu’amener des sons discordants avec le libéralisme qui domine le monde. On ne peut pas faire des films différents de ce que nous sommes.» On ne pourra plus le croiser à Apt mais on peut toujours voir ses films ou lire l’ouvrage que lui a consacré, en 2007, un autre cinéaste, Henri-François Imbert : Samba Félix Ndiaye cinéaste documentariste africain aux éditions L’Harmattan. A.G.


DIGNE | PORTRAIT DE BANIA MEDJBAR

CINÉMA

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Histoire(s) du cinéma à Digne Chaque année, en automne, le public dignois est invité à (re)voir des œuvres qui ont marqué l’histoire du cinéma tout en découvrant des films d’aujourd’hui ; cette année, au programme, cinéma et philosophie ! «Le cinéma n’est-il pas l’expression du monde et du réel, et sa rencontre avec la philosophie n’est-elle pas le moyen de réfléchir et répondre à la question Qu’est-ce que le cinéma ?» demande J.-P. Castagna, Président des Rencontres. C’est ainsi que du 23 au 27 novembre, au centre culturel René Char, seront proposés une douzaine de films : Morgan de Karel Reisz, Vivre sa vie de Jean-Luc Godard, Toute la mémoire du monde d’Alain Resnais, La jetée de Chris Marker, Ma Nuit chez Maud d’Eric Rohmer, 2001 l’Odyssée de l’espace de Kubrick, Le Désert rouge d’Antonioni, Elephant de Gus Van Sant… Quant aux avant-premières, dès l’ouverture on pourra voir Yuki et Nina d’Hyppolite Girardot et Nobuhiro

Suwa, une histoire d’amitié entre deux fillettes que la vie veut séparer et leur fugue dans la forêt… Et le lendemain, Hadewijch de Bruno Dumont, un film sur la foi aveugle d’une jeune Parisienne. Juliette Cerf, auteur de Cinéma et philosophie interviendra après la projection de History of violence de Cronenberg, film qui effectivement remue des interrogations troublantes sur le bon usage, et la jouissance, de la violence. Puis pour prendre de la hauteur le 26, Robert Pansard-Besson présentera Tours du monde, tours du ciel : où sommes-nous dans l’univers ? Tout un programme ! ANNIE GAVA

Rencontres Cinématographiques Digne-les-Bains et Alpes de HauteProvence du 23 au 27 nov 04 92 32 29 33 www.unautrecinema.com

Vivre sa vie de Jean-Luc Godard

NOM: Bania MEDJBAR Profession: Réalisatrice Signes particuliers: esprit libre et «grande gueule», précise-t-elle. Ce qu’on remarque immédiatement, c’est la grande simplicité et la cordialité de cette réalisatrice marseillaise qui revendique l’idée d’un cinéma populaire, au sens noble du terme, c’est-à-dire qui filme les gens du peuple. Marseillaise car même si c’est plus difficile de travailler ici, «là-haut, (à Paris), je serais malheureuse. Marseille est mon terreau de création.» D’où lui vient cet amour du cinéma ? De la télé qu’elle regardait la nuit, à huit ans, pour soigner ses insomnies : le Cinéma de minuit, les films italiens en noir et blanc ; puis les magazines télé qu’elle ramassait dans le quartier de son enfance, la Busserine, dans lesquels elle découpait photos et articles qu’elle collait dans ses cahiers. Elle inventait des histoires aussi, et mettait en scène ses amis. «Le cinéma était de l’ordre du rêve pour moi». Après ses études elle devient éducatrice, métier qu’elle exercera jusqu’en 1987. Et c’est lors de l’intervention d’un réalisateur que le déclic se fait : elle entreprend des études de cinéma et fait un stage sur le film de Jean-Pierre Thorn, Je t’ai dans la peau (1989). «C’est là que j’ai vraiment appris le métier ; Jean-Pierre est un des mes maîtres, avec les autres, Rossellini, Scola, Capra, Ken Loach, Scorsese, Renoir, Truffaut... En voyant les 400 Coups, je me suis dit que je pourrais peut-être, un jour,

m’exprimer avec le cinéma.» Son premier court métrage, tourné en VHS pour un concours d’urbanisme, lui vaut le 1er prix, «remis par Paul Carpita, j’étais très fière !». Après il y aura Mères amères, Impression de voyage... Aujourd’hui Bania dit avoir une vraie équipe de travail, quatre personnes avec lesquelles elle fait ses films. «Mais, plaisante-t-elle, je n’ai pas encore trouvé le producteur de ma vie !» Et plus sérieuse, elle ajoute,

«je suis exigeante et peut-être difficile dans le travail.» Son meilleur souvenir de tournage est la semaine passée à Cassis avec Abbas Kiarostami qui l’a vraiment impressionnée. Le plus marquant ? La mission qu’on lui a confiée, sur le tournage du film d’Alex Metayer, Mohamed Bertrand Duval (1990) : faire éteindre les lumières des usines de Fos qui gênaient pour un tournage de nuit ! «On n’est pas au cinéma, ai-je protesté. Justement on fait du cinéma ! Et j’ai réussi ! Cela semblait naturel à tous ! Bania Medjbar © A. G Dans le cinéma, on doit se surpasser !» Son dernier court métrage, Des Enfants dans les arbres ( voir Zib 23), va sans doute suivre le même chemin que le précédent, Quand le vent tisse les fleurs, sélectionné dans de nombreux festivals dont la Quinzaine des réalisateurs en 2003 et plusieurs fois primé. Elle prépare actuellement un long métrage dont elle a peaufiné le scénario pendant quatre ans, au titre poétique : Le Crime des anges. Et de citer Fernando Pessoa, «Créer, c’est ne pas être satisfait du monde. Le désir de création est un phénomène imaginatif, le crime des anges, qui ont cru pouvoir avoir un meilleur ciel.» ANNIE GAVA


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CINÉMA

SEVRAPEK CITY | AFLAM | FESTIVAL TOUS COURTS

L’Algérie en cinéma La manifestation organisée chaque année par AFLAM a pris cette année une ampleur très importante en présentant Cinéma(s) d’Algérie et en développant des partenariats divers avec des structures locales. Elle aura son temps fort au cinéma Variétés à Marseille, du 1er au 6 décembre. Elle se déclinera aussi dans d’autres lieux et villes, d’Arles à Briançon, de Port-de- Bouc à Apt en passant par Aix, Gardanne et Salon. Le projet est ambitieux ! Présenter cinquante années de cinéma algérien dans sa diversité, ses courants, ses thématiques : le choix a été fait de présenter les films qui ont marqué cette histoire, les films-phares, mêlant les films des pionniers à ceux de la nouvelle génération. En ouverture le 1er décembre, à 18h, Merzak Allouache présentera Harragas, en avant-première, sur un sujet grave, l’immigration clandestine ; et un de ses premiers films, Omar Gatlato (1975) qui évoque, à la manière des comédies italiennes, les difficultés de la vie quotidienne. Le lendemain, Touchia, le cantique des femmes d’Alger de Rachid Benhadj permet de revisiter l’histoire du pays et d’aborder la condition des femmes. Un autre

Un hommage sera rendu à Ahmed Lallem, disparu récemment, avec Algériennes 30 ans après, où il retrouve quatre des «lycéennes» qu’il avait filmées en 1966 dans son documentaire Elles. Les cinéastes de la nouvelle génération ne sont pas oubliés avec Rabah Ameur-Zaïmeche dont on pourra voir deux films, Bled Number One à Marseille et Gardanne et Dernier maquis au CRDP et à Apt. De Malek Bensmail on pourra découvrir, le 6 à 18h, La Chine est encore loin, un documentaire sur le village où a éclaté la révolution algérienne, ainsi Harragas de Merzak Allouache que Le Grand jeu qui suit la campagne de ses films, La Rose des sables sera projeté le 6 à électorale du rival de Bouteflika, en 2004, à l’Institut 20h, sans doute en sa présence. de l’Image à Aix, le 27 novembre. Autre cinéaste invité, Farouk Beloufa qui présen- Il y aura aussi des films de Nadir Moknéche, Karim tera, le 4 à 21h, Nahla, tourné à Beyrouth, qui raconte Moussaoui, Brahim Tsaki, Lyes Salem… Toute la l’histoire d’un jeune journaliste algérien dans la région vibrera au rythme de l’Algérie : une programtourmente qui précède la guerre de 1975. De Moha- mation à suivre de près ! med Lakhdar Hamina on connaît Chronique des ANNIE GAVA années de braise, Palme d’Or à Cannes en 1975 : ce sera un film moins connu qu’on pourra découvrir, Hassan AFLAM Terro, réalisé en 1968, sorte de variation comique de 04 91 47 73 94 la Bataille d’Alger. www.aflam.fr

L’archipel après la mission

Au cœur des Courts

Ils sont venus, ont pris, sont repartis, laissant derrière eux des restes de baraquements, quelques bidons en plastique, et dans la mémoire des populations locales, des souvenirs étonnants, des chansons, de l’amertume. Eux, ce sont les membres de la mission Santo 2006 chargés d’inventorier la biodiversité dans ce coin isolé du Vanuatu. L’ethnologue Fabienne Tzérikiantz, sollicitée pour mesurer l’impact de l’événement sur les autochtones, poursuit, deux mois après le départ des scientifiques, ce travail en coréalisant avec Emmanuel Broto Sevrapek City (Prix Spécial du jury au Festival du Film Documentaire Océanien /FIFO 2009), présenté en avril dernier au quai Branly à Paris, et le 20 octobre au Gyptis à Marseille. Les villageois de Penaoru, qui ont travaillé sur le site, montrent les traces du camp déserté de Sevrapek, le peuplant de leurs témoignages. Une approche juste et intelligente de la rencontre difficile des logiques de chacun, des marchés de dupes et de la frustration qu’elle engendre. ELISE PADOVANI

de musique avec le programme Court par Excellence, cinq films venus d’Espagne, d’Irlande, des Pays Bas et de France, suivi d’un ciné-concert, Farenji de la Cie Nuestra Cosa. Quant à la clôture ce sera le 5 décembre à 19h30 avec le palmarès et la projection des films primés. ANNIE GAVA

Festival Tous Courts 04 42 27 08 64 www.festivaltouscourts.com

Shake Off de Hans Beenhakker © Nico van Gog

Sevrapek city d'Emmanuel Broto et Fabienne Tzerikiantz © Fabienne Tzerikiantz

Rendez-vous incontournable pour les amateurs de courts métrages, le festival Tous Courts dont la 27e édition se déroulera du 30 novembre au 5 décembre à Aix, précédé de quelques projections dans des villes proches du 23 au 27 : près de 180 films venus des cinq continents, des concerts, des rencontres avec des réalisateurs. La compétition internationale propose 64 courts métrages dont 11 venus des pays de l’Est, répartis en dix programmes. La deuxième édition des Carnets de Voyage permet de découvrir des films choisis par les Journées Cinématographiques de Carthage, le Festival International de Locarno, le Service Court de Canal Plus et le Festival IndieLisboa. Vous aurez rendez-vous avec les «Super Héros» toute la nuit du 4 décembre au Ciné Mazarin et si vous préférez la danse, Aixpérimental vous offrira quatre variations de la «Danse des Corps». Si vous souhaitez rencontrer certains festivals de cinéma qui vous proposent des films tout au long de l’année, vous avez la soirée Elle Court, Elle court... la Région PACA le 3 décembre à la Salle Armand Lunel de la Cité du livre. Chacun, parmi ceux qui sont invités, vous offrira un court métrage. Ceux qui aiment bien l’envers du décor du 7e art et ses petits secrets de fabrication pourront assister à un casting avec une directrice de casting et des comédiens. Pour les fous d’Internet, un programme de 7 films mis en ligne sur la toile en partenariat avec Dailymotion sans oublier un long métrage, proposé par l’Institut de l’Image, Grease de Randal Kleiser. Cette manifestation débutera le 30 novembre à 20h au Centre des Congrès, une soirée de cinéma et


CINAMBULE | LES RENDEZ-VOUS D’ANNIE

CINÉMA

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Courts toujours ! Du 26 au 29 nov, à Cabrières d’Avignon, se tiendront les 16e Rencontres Court, c’est Court ! organisées par l’association Cinambule. En ouverture, le 26 novembre à 20h 30, La Terre de la Folie en présence de Luc Moullet, qui aura aussi une Carte Blanche le dimanche 29 à 10 heures. En tout, plus d’une soixantaine de courts métrages seront présentés : films courts en Méditerranée, dont Racines d’Eileen Hofer ; documentaires, parmi lesquels Le dernier voyage de Maryse Lucas d’Artus De La Villéon et David Ledoux ; films d’animation comme Le thé de l’oubli de Sandra Desmazières ; premiers film et panoramas avec l’excellent Séance

familiale de Cheng-Chui Kuo et Next floor de Denis Villeneuve. Une quinzaine de pays sont représentés et un est à l’honneur, le Maroc, avec six films dont Sellam et Demetan de Mohamed Amin Benamraoui ou H’rash d’Ismaël El Mouala El Iraki. De nombreux réalisateurs invités pourront échanger avec le public. Des séances pour les scolaires, une exposition, des films expérimentaux projetés sur les murs du village, nul doute !, Cabrières d’Avignon sera le village des cinéphiles… A.G.

Cinambule 04 90 74 08 84 http://cinambule.free.fr Séance familiale de Cheng-Chui Kuo © Cheng-Chang Kuo

Les Rendez-vous d’Annie Le 28 novembre à 19h au Polygone Étoilé, 360 et même plus propose, dans le cadre du Mois du documentaire, HORS CASES #8 : Zalea TV dans le retro, un condensé de sept années d’expérimentation télévisuelle débridée

et Je déboule à Kaboul, un carnet vidéo d’Olivier Azam produit par la coopérative audiovisuelle, Les mutins de Pangée.

Le 28 novembre à partir de 14h30, à l’Alhambra CinéMarseille, reprise de l’intégrale des films de Denis Gheerbrant, La République Marseille. «Marseille

ville monde ? Sans doute, mais Marseille est d’abord un monde, ancienne ville ouvrière porteuse de mémoire (...)» Le 9 décembre à 20h le dernier film de Bania Medjbar, Des enfants dans les arbres, en sa présence. Deux enfants qui vivent difficilement l’absence de leur père, emprisonné aux Baumettes, décident d’aller le voir, seuls. La ville est vaste et le chemin… long.

Des enfants dans les arbres de Bania Medjbar

0491915823 www.360etmemeplus.org www.polygone-etoile.com

Alhambra Cinémarseille 04 91 03 84 66 www.alhambracine.com

Du 18 au 28 novembre, à Marseille, à l’occasion du 50e anniversaire de la Nouvelle Vague, Extérieur Nuit présente Pour en finir avec la Nouvelle Vague ?, une autre écriture de l’histoire de la Nouvelle Vague, une rétrospective croisant les films de Jean-Luc Godard et de Jacques Rozier : Adieu Philippine, À bout de souffle, Le Mépris, Paparazzi… ; les courts métrages fondateurs de la N.V. : Le coup du berger,

Rentrée des classes, Blue Jeans… ; des archives et des documentaires en partenariat avec l’INA, des commentaires et des discussions avec le public de Rozier et Labarthe, auteur et producteur de l’émission Cinéastes de notre temps. Les projections auront lieu au Cipm, au cinéma Variétés et au Polygone étoilé

Du 20 au 25 novembre, l’Institut Culturel Italien de Marseille présente un panorama de la production cinématographique récente en présence de réalisateurs et d’acteurs. En ouverture, Sbirri de Roberto Burchielli, et en clôture, mercredi 25 à 18h00, La Bella Gente d’Ivano de Matteo. Entre ces deux films primés au festival du cinéma italien d’Annecy,

on pourra voir aussi La Fisicca dell’acqua de Felice Farina, La Giusta distanza de Carlo Mazzacurati et Tutta colpa di giudia de Davide Ferrario, présentés par Jean Claude Mirabella, auteur du livre Le cinéma italien d’aujourd’hui.

Extérieur Nuit Tel : 04 91 33 50 88

Institut Culturel Italien de Marseille www.iicmarsiglia.esteri.it/ IIC_Marsiglia

Sous le signe d’Averroès (voir p 10) continue de faire son cinéma Le 19 novembre à 20h à Carry-leRouet, Vengo de Tony Gatlif, suivi d’une rencontre avec Jacques Maigne qui a collaboré à l’adaptation. le 20 novembre à 18h30 à la Médiathèque et au Meliès, à Port-de-Bouc, Oedipe roi de Pasolini avec HervéJoubert Laurencin auteur de Pasolini, portrait du poète en cinéaste qui a édité les Écrits sur le cinéma et les Écrits sur la peinture.

le 21 novembre à 17h30 à l’Alhambra CinéMarseille, Vengo de Tony Gatlif, précédé d’un concert de Flamenco Joven. le 22 novembre à 18h au Cinéma Lumière à La Ciotat Le Cantique des pierres de Michel Khleifi et Paradise now de Hany Abu-Ass, en présence du chef opérateur, Antoine Héberlé.

Le 25 novembre à 18h30, à la Bibliothèque Départementale de Prêt, projection du documentaire Kawase San de Cristián Leighton et intervention du FID Marseille. À la recherche de Naomi Kawase, un voyage aux multiples détours…

Le 28 novembre à 20h30 au cinéma Renoir à Martigues, dans le cadre du Mois du Documentaire, «La Ruralité dans tous ses états», projection du film, prix du GNCR au FID 2009, Le Plein Pays d’Antoine Boutet en sa présence, suivie d’un débat animé par Nicolas Féodoroff. Un homme, reclus depuis trente ans dans une forêt en France, creuse en solitaire de profondes galeries souterraines qu’il orne de gravures archaïques…

Bibliothèque départementale Gaston Defferre 04 91 08 61 00 www.biblio13.fr

www.rencontresaverroes.net

http://cinemajeanrenoir.blogspot.com

Le 20 novembre à 20h30 au cinéma Les Variétés, séance spéciale de Strella en présence de son réalisateur Panos H. Koutras : Yiorgos, qui a passé quinze ans en prison, veut retrouver son fils dont il n’a aucune nouvelle. Il

rencontre alors Strella, jeune transsexuelle avec qui il noue une relation… La soirée sera animée par Michèle Philibert, Festival Reflets

Le 20 novembre à 18h, à la Maison de la Vie Associative, Attac Pays d’Arles et le Collectif Arlésien pour un Service Public de la Poste vous propose une projection-débat autour du documentaire de Marie-Pierre Jaury, La Poste, un drôle de pli.

Le 26 novembre à 20h, l’association Cinépage propose au Cinéma Prado, à Marseille, Mémoires de nos pères de Clint Eastwood, suivi d’un débat.

www.local.attac.org/13/arles/

www.festival-reflets.org Tél. 04 91 64 75 87

Cinépage 04.91.85.07.17


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LIVRES

RENCONTRES LITTÉRAIRES | SALON ECRIMED

Écrivains en chair et en mots La rentrée littéraire se poursuit toute l’année ! Des rencontres régulières, dans des cadres souvent intimistes, donnent à voir et à entendre les auteurs et leurs ouvrages. Elles offrent aux lecteurs l’opportunité d’entrer en contact direct avec les écrivains qu’ils aiment, d’appréhender plus finement ce qui fait leur travail et, parfois, d’aborder les rivages mystérieux de la création

Dialogues…

…Itinérances…

Le cycle d’Ecrivains en dialogue, organisé par l’ADAAL en partenariat avec la BDP Gaston Defferre a repris en octobre, selon un principe désormais familier : un auteur en invite un autre de son choix, tous deux échangent durant une heure trente environ, dans un «dialogue» ponctué de lectures d’extraits de leurs textes et conclu par les interventions du public. Le 13 octobre, Claudie Gallay avait donc invité Philippe Grimbert ; il y avait du monde pour écouter ces deux romanciers lus et récompensés (voir p 66). Tous deux se sont connus en 2001, lors de la publication de leur premier roman. Entre l’ex-prof des écoles, aujourd’hui en disponibilité, et le psychanalyste, toujours en activité même si l’écriture de fiction occupe beaucoup de son temps, le courant passe, l’admiration est réciproque. Claudie Gallay se déclare «fascinée par La petite robe de Paul» (le1er roman de Grimbert) et «impressionnée» par son auteur, qui, à partir de presque rien, déroule ses histoires. Philippe Grimbert évoque le «souffle romanesque» de sa consœur, qu’il envie. En fait, bien que leurs univers soient très différents -la lecture des incipits de leurs derniers ouvrages en a rapidement apporté la preuve-, tous deux ont la même volonté d’écrire pour «creuser au même endroit» dit-elle, pour «creuser du côté où ça interroge», reprend-il. Tous deux veulent aller à l’essentiel, au fond de la douleur, des blessures et des secrets de famille, mais sobrement, sans pathos. Les deux écrivains ont parlé ce soir-là de leur travail, de leur rapport avec le livre en train de se faire, mais aussi avec le texte fini. Ils ont évoqué le plaisir d’écrire : une façon de se sentir «en paix» pour elle ; pour lui, un moyen d’avoir «prise sur la douleur». Ils ont dit leur difficulté à finir un roman, avec, pour elle, le soulagement d’être allée au mieux de ce qu’elle pouvait faire, tandis que pour lui la fin d’un texte signe le début d’une sorte de «dépression post partum». Après les lectures de leurs textes par Raphaël FranceKullmann, ils ont exprimé leur trouble d’entendre leurs phrases dites par un autre ; mais tandis que lui parlait de «dépossession», elle s’est dite agréablement surprise de ces «retrouvailles avec les mots». Mots et rythmes qu’elle peaufine à la Flaubert, relisant tout à haute voix, pour la musique de la langue. Avec naturel. Claudie Gallay a osé avouer la souffrance qu’elle ressent à parler de ses livres en public, l’effort que lui demandent de telles rencontres. Elle se sent bien plus à l’aise dans la création que dans la promotion. Ce qui, pour un auteur, n’est pas un mauvais signe !

Le 23 oct la petite salle de la librairie Maupetit a rassemblé une vingtaine de lecteurs autour de Michèle Lesbre dans une intimité qui convenait bien à son univers littéraire. Elle a livré quelques aspects de la genèse de son onzième roman Sur le sable, sorti en mai (voir p 67), que Maya Michalon a présenté avec sensibilité. Après avoir été directrice d’école, fait un peu de théâtre, Michèle Lesbre est arrivée à l’écriture par 4 romans noirs dans la tradition américaine, et quelques nouvelles. Depuis 2003, elle est publiée par Sabine Wespieser qui lui a demandé de la suivre quand elle a créé sa propre maison pour aller jusqu’au bout de sa passion du livre. Michèle Lesbre a alors commencé à écrire des romans courts et denses qu’elle dit lui être indispensables : «Je n’écris que les romans que je dois écrire, ils se succèdent comme les maillons d’un seul et même livre. Quand je suis en train d’en écrire un, le suivant se met souvent en place, les personnages se dessinent ; mais je ne sais pas encore ce qu’il va se passer.» En fait les personnages de Michèle Lesbre sont peu nombreux et tout se joue souvent sur une rencontre, alors qu’ils vivent «des moments de faille, de rupture». Il s’agit ensuite de voir comment l’intime se conjugue avec l’histoire, ses conflits et ses guerres. Michèle Lesbre a également parlé de sa passion pour la littérature et des auteurs avec lesquels elle dit entretenir «un rapport sentimental». Quand elle écrit, elle choisit des textes qu’elle relit et qui la guident, comme une petite musique intérieure. Musique que le lecteur se plaît aussi à retrouver en sa compagnie.

Claudie Gallay © Caroline Chevalier

Michele Lesbre © Jacques Leenhardt

...et Escales

La librairie l’Odeur du temps, pourtant spacieuse, a paru fort exiguë quand il a fallu accueillir l’invité des 1res Escales en librairies. Il faut dire que Georges Didi-Huberman n’est pas n’importe qui. Auteur d’une trentaine d’ouvrages sur l’histoire et la théorie des images, cet enseignant à l’EHESS de Paris est une référence dans le domaine de l’histoire de l’art et de la philosophie. La foule a donc envahi la librairie et c’est devant une assistance très variée que s’est tenue la conférence-débat animée par Roland Alberto. La présentation était axée sur le dernier ouvrage de Didi-Huberman, Survivance des Lucioles, dont le titre est repris d’écrits de Pasolini : les lucioles comme image de la vie, de la liberté, du peuple aussi. Didi-Huberman reprend cette métaphore à son compte pour y associer la notion de «survivance» (et non de «survie»), qui correspondrait à ce qu’on nomme en anglais «after


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life». Pour le philosophe, qui s’inscrit en faux contre le discours de la destruction, il s’agit aujourd’hui de gratter pour mettre au jour les vestiges, qui existent là où on ne les attend pas, juste en dessous, de les faire «apparaître». Pas toujours facile de suivre le dialogue de l’historien d’art avec son interviewer, d’autant que celui-ci pose des questions pointues, qui nécessiteraient une connaissance très intime de l’œuvre. La disposition du lieu renforce le sentiment que les lucioles volent très haut ce soir : l’invité, installé sur la mezzanine de la librairie, semble, micro en main, délivrer la bonne parole du haut d’une chaire. Visiblement gêné de cette posture, il tente d’y remédier en se tournant souvent vers l’auditoire et en illustrant un discours ardu d’exemples parlants. Des réflexes bienvenus de pédagogue, qui permettent de suivre tant bien que mal un débat où sont convoqués Benjamin, Adorno, Freud, Deleuze, Foucault, mais également Baudelaire, Char… Didi-Huberman épate par la familiarité qu’il entretient avec nombre de grands auteurs de disciplines variées. Un véritable puits de science, humble pourtant, qui se déclare «très mal à l’aise avec l’idée d’une expertise» et dit modestement fonctionner dans ses recherches par «rencontres qui (l)e surprennent et (l)e font bifurquer.» Enthousiaste aussi, il revendique le désir, l’admiration et la nécessité de trouver des ressources malgré la marchandisation des images. Une figure captivante, dont la brillante simplicité séduit et donne envie d’en savoir plus, sur lui et aussi sur les auteurs qu’il fréquente. Et un beau succès pour cette 1ère d’Escales en librairies, initiée par Libraires à Marseille et soutenue par le Conseil Général. CHRIS BOURGUE ET FRED ROBERT

Escales en librairies en décembre, avec Jacques Barsac, mercredi 9 à Marseille, jeudi 10 à Aubagne. La recontre qui était prévue autour de l’anthropologue Françoise Héritier les 19 et 20 novembre est reportée aux 21 et 22 janvier. www.librairie-paca.com Ecrivains en dialogue, Le boxeur et la fée, avec Véronique Ovaldé et son invité Olivier Adam, mardi 8 décembre à 18h30 à la BDP Gaston Defferre.

La conférence des bourdes Le premier Salon des Écritures méditerranéennes s’annonce comme un événement qui veut placer l’écriture au cœur du projet euroméditerranéen. Qu’en est-il ? Depuis le début de cette affaire on est un peu gênés aux entournures : on ne peut que se réjouir de cette idée d’un grand Salon littéraire à Marseille, placé aux Docks, c’est-à-dire au cœur vibrant d’Euroméditerranée, désiré par l’ensemble des collectivités, soutenu conjointement par Marseille 2013, la Ville, la Région, le Département… On ne peut qu’applaudir même à cette ambition généreuse de promouvoir les auteurs méditerranéens, la traduction, le roman… et on est ravis que l’idée de dialogue, d’échanges, de tables rondes ouvertes au plus grand nombre et médiatisées sur le web, à la télé et sur les radios. Mais enfin plusieurs points restent étonnants, même si l’on considère qu’une première édition peut chercher ses marques. D’abord la conférence de presse, organisée au Sofitel, ne donnait la parole à aucun écrivain ; aucun livre non plus sur les tables, dans les dossiers de presse aucun résumé, aucune bio, aucun titre de livre même : simplement le nom des auteurs, et leur nationalité. Le thème même des tables rondes semble peu littéraire : les Cafés autour de Tahar Ben Jelloun et de son œuvre L’Islam expliqué aux enfants, les Tables Rondes qui s’interrogent sur «européens ou méditerranéens», ou sur la «communauté des valeurs», ne parlent pas d’écriture, d’élaboration d’une fiction, de narration, des vertus de la fable… ou même de textes. Elles sont sociologiques et tournées vers des problématiques de sciences humaines. Ce qui est étrange pour un salon sur l’écriture. Les partenaires ensuite : recourir à des média grand public pour une manifestation littéraire a du bon, et va dans le sens d’une démocratisation des écritures. Encore faut-il rester dans le domaine de la littérature, justement : or culturebox, de France 3 méditerranée, a pour slogan : le premier guide culturel tout en vidéo ; la Provence n’a pas vraiment de rubriques livres, et ils y sont rarement littéraires ; radio Nostalgie brosse rarement des portraits d’écrivains ; quant à Cultura, enseigne qui place ambitieusement le livre au cœur des centres commerciaux et le démocratise certainement en le reliant aux loisirs, on reste étonné qu’il soit le seul libraire qu’Ecrimed ait associé à son Salon : on connaît le dynamisme, le professionnalisme, le dévouement et la pertinence des libraires indépendants de la région (voir ci contre), et on ne peut que s’étonner qu’aucun ne soit relié à l’aventure. Et c’est surtout cela qui étonne : une méconnaissance semble-t-il du terrain, et des problématiques. Tout à son enthousiasme Elsa Charbit, lorsqu’elle présente le Salon dont elle est la Commissaire, semble le considérer comme la première et seule manifestation littéraire de la région, et il faudra qu’Alain Hayot souligne que PACA est, après l’Île de France bien sûr, la

première Région en matière de manifestations littéraires. Bernard Millet renchérit, rappelant les Écritures de Manosque, les Écritures Croisées d’Aix, la traduction à Arles, le nombre de grandes et petites maisons d’édition du département, Toulon, Aubagne… en oubliant modestement les Escales en Librairies et l’activité de la BDP Gaston Defferre, organisée par le Conseil Général. Mais tous deux citent les Rencontres d’Averroès, ces grandes tables rondes qui pensent la Méditerranée depuis quinze ans, rassemblent des foules, sont diffusées sur France Culture : elles ne se disent pas essentiellement littéraires, mais invitent des écrivains autour de thématiques tellement proches qu’on s’étonne de la concomitance de deux manifestations, soulignée par la proximité de la date choisie par Ecrimed. La problématique méditerranéenne même semble peu familière à Pierre Assouline, directeur littéraire du Salon. Il l’avoue d’ailleurs : c’est sollicité pour présider la manifestation qu’il a pris conscience de son identité de Méditerranéen. Et par ailleurs il lui parait nécessaire de justifier la présence d’un écrivain Portugais, le Portugal n’étant pas selon lui un pays méditerranéen… Des historiens, des philosophes ont passé leur vie à penser Mare Nostrum, que Braudel définissait, Alain Hayot ne put s’empêcher de le rappeler, non comme un espace géographique mais comme une mer intérieure. On souhaite de tout cœur que cette entreprise de popularisation de la littérature réussisse. Mais il faudrait sans doute, avant, songer à repenser les liens avec le monde littéraire marseillais, et avec la pensée qui s’élabore autour et à propos de notre mer. AGNES FRESCHEL

Ecritures méditerranéennes Les 21 et 22 novembre Les Docks www.salonecrimed.fr Gamal Ghitany, ecrivain Egyptien © X-D.R.


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LIVRES

ÉCRITURES CROISÉES

L’Asie n’existe pas Elle voulait donner envie de les lire : Annie Terrier a réuni à Aix, pour ses Écritures Croisées, 10 écrivains parlant 5 langues différentes, qui ont brossé le portrait kaléidoscopique d’un continent qui serait un vrai roman… Ce roman limpide se raconta pendant quatre journées : on a pu écouter ces écrivains Chinois, Coréens, Vietnamiens, Japonais et Thaïlandais avec l’impression de n’en perdre jamais une miette. Une brochette d’interprètes rapportait tous les propos, mais traduisait également les écrivains asiatiques entre eux, afin qu’ils puissent se répondre en s’écoutant par oreillette. La fluidité était parfaite, et laissait simplement entrevoir que l’Asie littéraire est une construction… même si les propos, une fois le problème de la langue résolu, se révélaient étonnamment proches.

Diversité L’expo photo témoigne de la variété des regards. Parfaitement éclairée, sans aucun reflet sur les vitres (quel bonheur !), elle se visite en commençant par le Coréen Gap-Chul Lee qui dans un noir et blanc incroyablement nuancé semble tout occupé à photographier la trace des âmes… Au milieu Luo Dan le Chinois, aux intentions de documentariste, portraitise pourtant des êtres isolés et énigmatiques. À l’autre bout de la Galerie Zola, le Thaïlandais Manit Sriwanichpoom et sa photographie théâtrale : son Pink Man, vêtu d’un costume rose saturé, s’installe avec son caddie rose dans des situations consuméristes d’une ironie mordante –à Bali, au pied des temples, au milieu de gratte-ciel sous proportionnés- ou, par des photos montages, au cœur de la répression d’émeutes étudiantes (1970) dont il souligne la violence et l’horreur. Des photographies aux moyens plastiques et aux registres opposés, mais qui construisent des discours proches, et luttent contre la globalisation en allant respirer des atmosphères moins inauthentiques.

Modernité Les mêmes problématiques se retrouvaient lors des débats et rencontres : l’Asie existe-t-elle ? Rien n’est moins sûr affirme Minaé Mizumura. Cette idée de continent est née en Europe… et au Japon elle réveille de vieilles connotations nationalistes. Il n’y a d’ailleurs qu’en Occident qu’on peut trouver des restaurants asiatiques alliant tant de cuisines différentes ! Pourtant, dès que le sujet d’une Asie s’éloigne, des préoccupations communes apparaissent. La plus évidente étant le lien à la littérature occidentale. Xu Xingle reconnaît : «l’Occident a créé

une littérature riche, cohérent, forte, originale durant trois siècles.» Il sait que l’eurocentralisme en littérature est regrettable, mais affirme que le danger vient de la mondialisation, qui est «une tendance meurtrière». Mizumura renchérit: tout écrivain non occidental lutte contre la globalisation, tout en acceptant l’influence de la littérature européenne. Mais les œuvres doivent évoquer le réel, donc les traditions particulières. Or le Japon a oublié son histoire, sa langue classique. «Les Japonais considèrent comme naturel d’écrire en langue moderne, ils pensent que c’est l’expression de leur âme.» Alors que leur histoire est trimillénaire ils n’en connaissent rien, et croient que l’occident leur a permis d’entrer dans la modernité. Le rapport à la traduction s’affirme aussi comme commun : tous sourient à l’allégorie de Kim Young Ha le Coréen, qui explique qu’un livre traduit est comme un enfant né d’un amour de passage : on sait qu’il est le sien mais on ne le connaît pas… Sauf qu’un enfant naturel coûte, alors qu’un livre traduit rapporte! Puis il en revient à la globalisation, inversant le propos : plus que d’avoir peur d’occidentaliser l’Asie, les Européens devraient se méfier de cette Asianisation en marche, celle qui rend les Chinois, les Coréens, les Japonais, complètement dépendants d’écrans portables et de liens virtuels…

La force des femmes Quant aux femmes en littérature… Li Ang (Taïwan) l’affirma d’entrée : s’il y a bien une valeur commune en Extrême-Orient, c’est la séparation des sexes, et la

dévalorisation des femmes. L’écrivaine s’inscrit dans la filiation des féministes et refuse l’idée d’une écriture féminine qui s’épancherait, se tournerait vers l’intime… Elle constate cependant que les femmes ont tendance actuellement à privilégier une écriture spontanée, concrète, et laissent encore le champ du politique aux hommes. Thûan (Vietnam), plus jeune, précise que sa génération profite pleinement du combat féministe, mais qu’aujourd’hui il n’est plus au cœur de son écriture, et qu’à son sens la souffrance féminine n’a pas plus de besoin d’expression que la masculine. Pourtant Li Ang répond encore à la remarque d’un spectateur, qui avance que l’écriture féminine est animée d’une énergie lente : «Le Yin n’est pas la féminité. Nous voulons avoir accès à la violence, ne pas être seulement des forces sous-jacentes, exercer cette force au grand jour. Et pour cela, on se demande s’il faudra tuer nos maris !» Le solo de Carlotta Ikeda la Japonaise témoigna de la même volonté libératrice. En quelques tableaux empruntant au Butô leur lenteur et leur posture, mais non leurs rites, elle traça un autoportrait magistral. Celui d’une femme qui assume sa double influence culturelle, exhibe sa recherche de plaisir solitaire, la perte, l’absence, la violence subie, la nostalgie d’une robe en dentelle, la tentation d’endosser un costume d’homme. Et L’Attente, vide, que la douleur obstinée s’estompe. Portrait universel : décidément l’Asie n’existe pas. AGNES FRESCHEL

L’Asie , un vrai roman s’est déroulée à la Cité du Livre (Aix) du 15 au 18 oct. Regards Croisés, l’exposition photographique, se teint à la Galerie Zola jusqu’au 28 nov.

Manit Sriwanichpoom © AgenceVu


THÉÂTRE DU PETIT MATIN

| CRDP LIVRES

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Sombre Japon Le Théâtre du Petit matin a proposé un voyage littéraire au Japon à travers l’écriture de trois auteurs. Banquettes, tables basses, orchidées et sushis contribuaient à créer l’ambiance. Nicole Yanni accueille son public comme elle le fait avec acharnement depuis 25 ans et ouvre la soirée sur un constat amer : seul un français sur deux lit plus d’un livre par an ! D’où la nécessité de poursuivre les tournées dans les petites bibliothèques du département… Puis Maude Buinoud, Céline Greleau et Geoffrey Coppini commencent à lire plusieurs extraits de trois romans de Haruki Murakami, soulignant la précision incisive de cette écriture qui mélange le quotidien le plus banal à un imaginaire fantastique. Les mots s’animent et prennent corps… Vient la lecture des extraits de Y ko Ogawa, écrivaine née en 62, des textes simples et étranges comme Amour en marge, où la narratrice souffre d’une

perte auditive et se confronte à un monde qu’elle n’entend et ne comprend plus. Enfin place à l’horreur glacée du très sombre Ry Murakami l’histoire des jumeaux Hashi et Kiku, Les bébés de la consigne automatique, qui finiront parricide et prostitué... Une vision plus gaie de Tokyo, celle de Jacques Roubaud, termina le voyage, rappelant la soirée d’avril passée avec lui en ce lieu… CHRIS BOURGUE

Le Kfé littéraire japonais a eu lieu le 16 oct. Le prochain Kfé sur les écritures chinoises aura lieu en janvier. Le Dire des Femmes Famille et Violence du 20 au 22 novembre Ateliers d’écritures à partir de novembre 04 91 48 98 59 www.theatredupetitmatin.free.fr/

lecture au Theatre du Petit Matin © X-D.R.

Joël Jouanneau, une voix rythmée Les Rencontres culturelles du CRDP ont commencé avec une lecture de Joël Jouanneau en partenariat avec l’OCCE (Coopération à l’École), et le Théâtre Massalia. Des enseignants étaient venus de toute la France pour participer à un stage dans le cadre de THÉÂ, action nationale de l’OCCE pour le développement de l’éducation artistique du théâtre et de la danse, qui s’intéresse à la problématique de l’écriture théâtrale pour le jeune public. Donnée essentielle de ce projet : le partenariat enseignant/ artiste. Joël Jouanneau est l’artiste associé de cette année scolaire. Il entre d’emblée dans sa lecture et trouve le rythme de sa voix ample et chaude. Les mots sont accompagnés de gestes sobres de la main gauche, index et majeur tendus comme un V. Très vite il nous entraîne dans les évocations d’une enfance paysanne, à la fois la sienne et pas la sienne, mélangeant le moment de l’écriture et le bruit du clavier, au moment de l’enfance dans la cour de la ferme. Ce texte inédit, Le clavier à l’oreille coupée, appartient à la série des «Tus», textes adressés à la deuxième personne, et tus pendant longtemps. L‘adulte s’y adresse à l’enfant qu’il a été. Autre texte inédit, Pages tournées d’un univers sans livres, sauf ceux de l’école, la revue de cinéma de sa mère, puis Quatre-vingt treize de Victor Hugo donné par son grand-père facteur. Ce

n’est que sorti de l’enfance qu’il a pu se régénérer par la lecture et s’y plonger totalement, «arrêt du temps. Blanc» comme il le dit. Joël Jouanneau parle ensuite du livret d’Opéra qu’il a écrit pour la musique de Jacques Rebotier, L’indien des neiges. Il rythme avec les doigts et psalmodie le prologue, et l’on se dit que ces deux-là étaient faits pour se rencontrer. Dernier texte, Mère et fils présente les retrouvailles d’un fils et sa mère après 7 ans de séparation et l’évocation d’un passé trouble, et le souvenir du «mulot noir», le petit juif caché avec les cochons par des paysans sans scrupules, et qui fut livré à l’occupant. Les noms de

personnages reprennent les noms des lieux de l’enfance de l’auteur, à l’endroit de la poignée de mains entre Pétain et Hitler. La mère et le fils, eux, sont sans nom ; ils finiront par évoquer le père qu’elle croit mort mais qu’il a retrouvé en Patagonie, nom exotique d’un centre d’aliénés... Langue rude, rapeuse, émouvante. Joël Jouanneau évoque pour finir une pièce qu’il a «décidé de ne jamais terminer...» : À l’ouest. CHRIS BOURGUE

Joël Jouanneau © Mario del Curto

La lecture a eu lieu au CRDP le 26 octobre Mère et fils et L’enfant cachée dans l’encrier Joël Jouanneau Actes-sud Papiers www.crdp-aix-marseille.fr Prochaines rencontres du CRDP : Le 20 novembre, dans le cadre des Rencontres d’Averroès, deux documentaires sur les 1ers essais nucléaires en Algérie en 1960 (voir p 9) ; Le 9 décembre Les représentations du corps dans l’art contemporain par Christian Gattinoni, enseignant à l’école nationale de photographie d’Arles (entrée gratuite et ouverte à tous.).


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LIVRES

CIPM | EUROPE INTELLECTUELLE

Quelques bonnes raisons d’aller au cipM Dans le cadre toujours enchanteur de La Vieille Charité, le Centre International de Poésie Marseille poursuit son œuvre de diffusion des pratiques poétiques contemporaines. Expositions, rencontres, lectures, résidences d’auteurs, de multiples façons d’arpenter les territoires très divers de la poésie d’aujourd’hui. Le cipM, c’est un lieu d’expositions. Jusqu’à la fin du mois, le visiteur pourra ainsi déchiffrer les typogrammes, affiches, couvertures de livres ou de revues et autres «gouttes de poèmes» de Pierre Albert-Birot, «grand solitaire qui fait imploser tous les critères de l’avant-garde ou de la tradition», selon les mots du concepteur de l’exposition, Frédéric Acquaviva. Poète et typographe, auteur du monumental Grabinoulor (une fiction délirante rédigée avec humour et sans ponctuation), créateur de la revue SIC (Son-Idée-Couleurs-Forme), à laquelle ont collaboré, entre autres, Apollinaire, Tzara, Reverdy et Soupault, PAB reste bien à tort méconnu. À la croisée du futurisme, du dadaïsme et du surréalisme, cet artiste venu des arts plastiques a toujours gardé son indépendance… et une fantaisie pleine de fraîcheur qu’il

est fort plaisant de découvrir. Le cipM, c’est aussi un lieu de rencontres (voir p 11). Le vendredi à 19h, place aux lectures. Mention spéciale pour le mois d’octobre au célèbre traducteur -200 traductions en 30 ans- Brice Matthieussent, venu lire des extraits de son roman très oulipien, et qu’il espère «assez drôle», Vengeance du traducteur. La rencontre, animée par Eric Giraud, a permis d’aborder les paradoxes et les difficultés de la traduction ; impossible translation, «saut de Tarzan au-dessus d’une jungle touf-

fue», qui pourtant doit être menée à bien. L’histoire de ce traducteur qui décide de ne pas rester à sa place et se met à «fictionnaliser» la traduction, faisant enfler l’espace dédié aux habituelles notes en bas de page jusqu’à usurper le haut du feuillet, les mises en abymes et les enchâssements, les péripéties de la fiction, tout illustre les complexités de cet étrange métier, qui procure toutefois, aux dires du spécialiste, une jouissance absolue, au même titre, toujours selon lui, que l’éternuement ou l’orgasme ! Amours, délices et traduction…

© Jean-Marc de Samie

FRED ROBERT

Prochaines rencontres : vendredi 20 novembre, dans le cadre des Belles Etrangères (USA), Béatrice Trotignon recevra pour la 1re fois au cipM Eleni Sikelianos. Vendredi 27, Brian Mura viendra présenter le n°5 de la revue GPU. Prochaine exposition, à partir du 4 décembre : les livres d’artistes des Editions URDLA. À lire : Brice Matthieussent, Vengeance du traducteur ; éd. POL.

Au Programme AIX

MARSEILLE

Cité du Livre – 04 42 91 65 20 Colloque organisé par l’Agence Régionale du Livre : Les métamorphoses numériques du livre sous la direction d’Alain Giffard. Les 30 nov et 1er déc.

Librairies du sud – 04 96 12 43 42 Librairie Maupetit : rencontre-dédicace avec Jean Contrucci, le 5 déc à 14h ; rencontre-dédicace avec Amélie Jackowsi et Arno, auteurs-illustrateurs pour la jeunesse, le 5 déc à 15h ; rencontre avec Raphaële Frier et Nadira Aouadi, auteurs-illustrateurs pour la jeunesse, le 12 déc à 15h ; rencontre avec Florence Langlois et Vincent Bourgeau, auteursillustrateurs pour la jeunesse, le 19 déc à 15h.

Ecritures Croisées – 04 42 26 16 85 Rencontre avec l’écrivaine américaine Hannah Tinti à l’occasion des Belles Etrangères. Présentation et lecture de Pierre-Yves Pétillon. Le 19 nov à 18h30, amphithéâtre de la verrière. Centre des écrivains du sud – 04 42 21 70 90 Rencontre avec Lydie Salvayre autour de son livre BW (éd. Le Seuil, 2009). Entretien conduit par Paule Constant, lectures par Laurent Kiefer. Le 19 nov à 18h, amphithéâtre Zyromski de l’IEFEE.

AVIGNON CDC Les Hivernales – 04 90 82 33 12 Les lundis au soleil : nouveau rendez-vous bimensuel autour de la danse, rencontres informelles, échanges, hommages… Prochain rendez-vous avec Denise Luccioni qui évoque Merce Cunningham, le 23 nov à 19h.

CARPENTRAS Librairies du sud – 04 96 12 43 42 Librairie de l’Horloge à Carpentras : dans le cadre de la semaine des droits de l’enfant, rencontre avec Caroline Palayer pour son dernier livre La petite tresseuse kanak (Vents d’ailleurs, 2009), le 21 nov à 16h ; rencontre avec les éditions Le Bec en l’air pour évoquer le métier d’éditeur et découvrir leur production, le 4 déc à 19h ; rencontre-dédicace avec Pascale Breysse, auteure et illustratrice jeunesse, le 5 déc à 15h30 ; rencontre avec Jean-Michel Guenassia pour Le Club des incorrigibles optimistes (Albin Michel), le 18 déc à 19h.

Librairie Histoire de l’œil : rencontre-dédicace avec Raphaël Frier à l’occasion de la sortie de Nour a perdu son sourire (éd.Max Milo jeunesse), Un baiser à la figue (éd. Mango jeunesse), et Dur dur, les mots doux ! (éd.Rouge Safran), le 21 nov à 15h. Rencontre avec Jean-Philippe Toussaint pour son roman La vérité sur Marie (éd. de Minuit), animée par Pascal Jourdana. Le 10 déc à 19h. Mairie de Maison Blanche – 04 94 14 63 50 Dans le cadre de la semaine israélienne, Maison Blanche, en partenariat avec le Consulat Général d’Israël et la Galerie Denise Roman présente une exposition de photographies de Zvika Zelikovitch, sculptures de Ruth Lev-Ari et Osnat Belkind Scheps et design d’Einav, du studio Mud, Les 100 ans de Tel-Aviv. Jusqu’au 27 nov, salons de Maison Blanche ; récital de piano d’Einav Yarden le 19 nov à 20h30.

Exposition Visions portuaires : photographies de François Delaage et installations de Claire Saltet. Jusqu’au 16 janvier. Ecrivains en dialogues : rencontre entre Olivier Adam & Véronique Ovaldé. Le 8 déc à 18h30, Auditorium de la Bibliothèque départementale. Débat autour du livre de Michel Vovel, Les Sans-culottes marseillais. Le mouvement sectionnaire du jacobisme au fédéralisme. 1791-1793, en présence de l’auteur, de Bernard Cousin et de Françoise Brunel, historiens. Le 19 nov à 18h30. Librairie Le Lièvre de Mars – 04 91 81 12 95 Exposition Carnets & Abandons de Patrick Sainton organisée par l’association Autres et Pareils. Jusqu’au 30 nov. Librairie Les Arcenaulx – 04 91 59 80 37 Rencontre avec Jean-Pierre Guéno et Olivier D’Agay pour la parution du livre La mémoire du Petit Prince aux éditions Jacob-Duvernet. Le 4 déc à 18h. Espace Ecureuil – 04 91 57 26 49 Conférences d’initiation : Art et paysage III : De l’Arcadie aux PaysBas (XVIe, XVIIe siècles). Le 15 déc à 12h30, le 18 déc à 12h30 et le 18 déc à 18h. Galerie Mourlot Jeu de Paume – 04 91 90 68 90 Claire Colin-Collin, peintures. Exposition jusqu’au 5 déc.

BMVR Alcazar – 04 91 55 56 34 Rencontre lecture sur le thème Solitude et solidarité : de Hrant Dink aux anonymes avec Dominique Eddé, Betul Tanbay et Gérard Khoury, en partenariat avec les Ecritures Croisées. Le 26 nov à 18h, salle de conférence.

Espace Leclere – 04 91 50 00 00 Conférences : Approche de l’art sacré par Emmanuel Laugier, historien de l’art, le 24 nov à 18h ; La reconstruction à Marseille 1940-1960 / Architecture et projets urbains par Jean-Julien Bonillo, historien de l’architecture, le 15 déc à 18h.

ABD Gaston Defferre – 04 91 08 61 08 Exposition Gaston Castel, les territoires de l’architecte. Jusqu’au 19 déc.

TOULON Librairie Charlemagne – 04 94 62 22 88 Rencontre avec Véronique Ovaldé pour évoquer l’ensemble de son œuvre. Le 9 déc à 19h.


Marseille, terre d’exils Le théâtre de Lenche et la BMVR Alcazar ont accueilli, du 3 au 17 nov, l’esquisse d’un grand projet qui sera réalisé en 2013 autour de l’Europe intellectuelle en fuite. On sait que Marseille, mais aussi Sanary et Cassis, ont abrité, dans les années 1940-41, un grand nombre de réfugiés venus de toute l’Europe centrale puis de la France occupée. Fuyant l’Allemagne nazie, ils ont échoué là, sur le rivage méditerranéen. Ils pensaient y trouver une fenêtre sur le monde libre, ils sont souvent restés pris dans la nasse marseillaise, à attendre un hypothétique «transit», un passage par les Pyrénées, une place à bord d’un navire en partance… Ce sont ces tristes voyages, cette fuite éperdue et cette halte forcée dans le Midi que le projet entend retracer.

La fin d’un monde Présentée par la troupe du Golem Théâtre (fondée en 1997 à Prague et installée depuis 2003 en Isère), la courte pièce de Michal Laznovsky (son directeur et metteur en scène) Alma et Franz ou l’excursion en montagne, malgré ce titre léger, n’a rien d’un vaudeville. Elle se déroule sur une journée, le lendemain du jour où les deux protagonistes ont pu quitter Marseille grâce à Varian Fry. Alma (Mahler) et Franz (Werfel), deux figures emblématiques de l’intelligentsia cosmopolite viennoise, sont en train de passer en Espagne. Dans un décor symboliste, sous le regard (et les commentaires) d’un ange, ils vont, et parlent, et se souviennent, dans des scènes alertes où l’humour a sa place, la méditation aussi. Méditation sur l’apocalypse en cours, mais également sur la «sainteté humaine», et l’espoir malgré

tout. Un drame lumineux, qui relate la genèse d’une œuvre car même exténué et en fuite Werfel reste romancier…

Tu parlais de partir… Le refrain entêtant de Christiane Mouron et la musique de Georges Bœuf rythment Transit, téléfilm de René Allio inspiré du roman éponyme d’Anna Seghers. Au travers des tribulations de Gerhardt, on prend la mesure des situations kafkaïennes (un comble!) qu’ont vécues à Marseille tous les candidats à l’exil durant cette période troublée. Files d’attente dans les consulats et les ambassades, formalités innombrables et souvent inutiles, et l’attente ! Le film souffre de quelques longueurs mais reste le reflet fidèle de cette attente désespérée. Quant au passionnant documentaire consacré à Varian Fry, il rend hommage à celui qui est entré dans l’histoire «à hauteur d’homme». Un portrait émouvant de cet éditeur américain longtemps oublié, fondateur à Marseille du CAS (Centre Américain de Secours), qui a sauvé au moins 1500 personnes avant son expulsion en 1941, et a permis que Marseille soit dès 1940 la «capitale de la Résistance en train de se faire». Ces propositions, intéressantes, n’étaient que des esquisses. Pour le colloque, les concerts et autres expositions, rendezvous en 2013 ! FRED ROBERT

L’Europe intellectuelle en fuite (prélude) a été présenté à Marseille du 3 au 17 nov

Alma et Franz © Natacha Boutkevitch


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LIVRES

LITTÉRATURE

Mémoires d’un traître Dédié à «mes fantômes», le 3e roman de Philippe Grimbert apparaît comme une confession à laquelle se livre le narrateur Loup, qu’on ne peut manquer d’assimiler à l’auteur lui-même, tant son parcours ressemble à celui qu’a dû suivre Grimbert pour devenir le psychanalyste que l’on sait. Autobiographie déguisée ? Autofiction ? Peu importe au fond. Ce qui compte en revanche, c’est que ce récit d’apprentissage, bien qu’il se lise d’une traite (et peutêtre à cause de cette facilité de lecture) n’accroche ni ne touche vraiment. Ce retour sur une amitié d’enfance qu’on croyait «à la vie à la mort» et qui finira par la chute de l’autre aurait pu être émouvant ; sauf qu’ici les passages obligés du genre, bagarres avec la bande adverse, jeux, émotions intellectuelles partagées… ressemblent à de pieux exercices de style ; comme le

Blessures secrètes

En épigraphe Laurent Mauvignier cite Jean Genet : «Tout homme sait la rejoindre, au point de devenir cette blessure elle-même, une sorte de cœur secret et douloureux.» Ces secrètes blessures le romancier s’emploie à les atteindre, sondant par cercles concentriques de plus en plus serrés la mémoire de quelques-uns des hommes qui ont été appelés en Algérie, en sont revenus avec «la nostalgie de quelque chose perdu là-bas» et n’ont jamais pu parler de ce qui hante encore leurs nuits 40 ans plus tard. L’intrigue se déroule sur moins de 24h, en 4 parties, Après midi, Soir, Nuit et Matin. Et comme dans une tragédie racinienne, il y a une crise, puis des récits qui disent la mort sans la montrer. Car ce que ce roman relate, c’est le retour brutal d’un refoulé tragique. Il aura suffi de presque rien, d’un geste mal interprété lors d’une fête de famille, pour que Bernard, devenu la loque que tout le bourg surnomme Feu-de-Bois, «pète les plombs». Alors, pour Rabut, son cousin, narrateur intermittent du récit, commence une longue nuit au cours de laquelle surtout il revivra «leurs

sont également les pages consacrées à Nine, la «seconde maman» du narrateur, que celui-ci traite, fort peu originalement, avec désinvolture et ingratitude. Seule échappe à la mièvrerie Gaby, la vieille amie flambeuse et noctambule, mais c’est sans doute en raison de sa personnalité irréductible. La posture du narrateur en félon multirécidiviste, puisqu’il aura failli à sa parole avec les trois fantômes qu’il fait revivre ici, ressemble à de la complaisance ; on sent comme un plaisir à se flageller. Mais n’est pas Jean-Jacques qui veut. Quant aux théories lacaniennes, en particulier celle de «la mauvaise rencontre», on peut comprendre que l’auteur y ait recours. Mais l’usage de la grande psychanalyse n’aboutit pas forcément à de la bonne littérature.

La mauvaise rencontre Philippe Grimbert Grasset, 16 euros

FRED ROBERT

événements» d’Algérie. Les «images tellement atroces qu’on ne sait pas se les dire à soi-même», en cette nuit décisive, il les affronte, les met en mots, enfin. Mauvignier pousse ses personnages dans leurs retranchements, traque la parole qu’il arrache aux forceps, pour hoqueter l’indicible : «parce que, c’est, de faire ce qu’ils ont fait, je crois pas qu’on peut le dire, qu’on puisse imaginer le dire, c’est tellement loin de tout, faire ça, et pourtant ils ont fait ça, des hommes ont fait ça, sans pitié, sans rien d’humain…» Le récit est âpre, à l’image des appelés qui se demandent «ce que ce serait pour ceux de chez (eux) de vivre le même affront, pour un paysan être privé de ce qui fait sa raison de vivre.» Et la fiction restitue magistralement le désarroi de ces soldats qui ont «renoncé à croire aussi que l’Algérie, c’était la guerre, parce que la guerre se fait avec des gars en face alors que nous, et puis parce que la guerre c’est fait pour être gagné alors que là, et puis parce que la guerre c’est toujours des salauds qui la font à des types bien et que les types bien là il n’y en avait pas, c’était des hommes, c’est tout».

Des hommes Laurent Mauvignier Minuit, 17,50 euros

FRED ROBERT

Les Éditions Baudelaire de Lyon sont des éditions mixtes à compte d’auteur: celuici paie la maquette aux alentours de 3000 euros, et les éditions se chargent des corrections, de l’impression, la distribution et la promotion du livre. Ce qui souvent leur coûte moins que les 3000 euros investis par l’auteur.

Mais les éditions Baudelaire nous envoient régulièrement leurs productions, ce qui prouve qu’ils font leur boulot de promotion contrairement à d’autres maisons de ce type. Cependant, étant donnée la pauvreté globale de la production reçue, c’est le premier livre que nous avons décidé de chroniquer. A.F.

Parcours insipide Tout amoureux de l’Ecosse ne peut que commencer avec un plaisir anticipé la lecture de Parcours fantomatique dans les châteaux écossais. De Ludovic Ardoise, d’après la couverture. À moins que ce ne soit de Louis Richepin, selon le service de presse ? Ce n’est que la première imprécision d’une longue série. Même les indications de l’index sont fausses. Plus grave, ce livre contient des impropriétés lexicales et des erreurs historiques. La plus énorme p.14 : l’auteur prétend que Cromwell a tenté d’assassiner Bothwell, l’époux de Marie Stuart. Assez surprenant quand on sait que Cromwell est né 12 ans après la mort de Marie Stuart et 21 ans après celle de Bothwell!

Licence poétique ? Mais ni poésie, ni mystère dans ce livre. Pas même un petit frisson de peur. Ce n’est qu’un plat catalogue d’apparitions spectrales, château par château. Pas même une photo ou une carte qui viendraient rompre la monotonie de l’ensemble. Finalement ce livre ne présente aucun intérêt : ni littéraire, ni historique, ni «spirite», ni même touristique. Il est fort improbable que quelqu’un puisse le refermer avec le désir d’aller découvrir l’Ecosse… Et pourtant c’est un si beau pays ! MADELEINE IMBERT

Parcours fantomatiques dans les châteaux écossais Ludovic Ardoise Éd. Baudelaire, 13,50 euros


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En devenir «Tu deviendras», telle est la devise de l’institut Alderson, petit château dédié à l’éducation d’enfants de familles fortunées, à 10 km de Lausanne. Rentrée 1959, le petit paradis connaît de lourdes difficultés financières, il faut sans doute vendre, un groupe américain se propose, mais sous réserve de «restructuration»… Le petit monde des professeurs s’émeut. Chacun détient un secret, qui, son homosexualité, qui, ses accointances avec le fascisme (la guerre est encore bien présente), qui, sa lâcheté, qui, une passion destructrice pour le jeu, qui, une douleur trop forte, perte d’un fils, d’un mari… Pensées inavouées, inavouables (?), gestes inachevés, silences, tabous, personnages prisonniers de leurs propres contradictions, de leur histoire… Les êtres, acculés à eux-mêmes, se voient contraints de se projeter, d’imaginer leur avenir, et pour cela ils devront aussi assumer ce qu’ils sont.

Le style d’une grande rigueur classique accorde une palette toute d’épure à ce beau roman polyphonique. Le récit qui suit une chronologie serrée, à peine quatre mois, juxtapose les vies, par la reprise des mêmes journées, vécues par les différents personnages, en chapitres courts, qui par leur brièveté même ajoutent à l’intensité dramatique de ce roman dense, troublant et sensible. Un beau sujet de réflexion sur l’être qui ne cesse, marqué par les nécessités du temps, de devenir. MARYVONNE COLOMBANI

Loin des bras Metin Arditi Éd. Actes Sud, 21,90 euros

Mémoires Le titre en forme de parabole trouve ses clés dans l’exorde et la péroraison du roman… énigme qui ne cherche pas à perdre le lecteur, mais l’ouvre aux mythes premiers qui rétablissent l’unité de l’espèce humaine, humus commun dans lequel plongent les racines du monde. Dans cet ouvrage, c’est une voix profondément humaine qui se fait entendre, ton du conteur, anecdotes, grande Histoire, familiarité avec les intellectuels majeurs du siècle, écrivains, philosophes, effervescence d’une vie, de la vie… La mémoire individuelle tisse ses fils, les mêle à la trame des grands remuements du XXe siècle. Sans adulation de soi, suivant en cela les règles du pacte autobiographique, la narration s’appuie sur la sincérité, dévoilement d’une âme, des faits, des motivations, même si les actes ne sont pas toujours à la gloire du protagoniste… Le récit nous emporte avec passion, par son style puissant, dépouillé de toute fioriture, dans une superbe

fresque. Le fil du temps se déroule à «sauts et gambades», épousant les digressions, les retours en arrière, les anticipations, que Claude Lanzmann baptise «digressions herniaires». Relation avec l’Histoire, mais surtout avec l’écriture, qu’elle soit celle du journaliste, de l’écrivain, du cinéaste, avec l’évocation bouleversante de la lente maturation puis de la quête (qui vaut à elle seule un roman) qui ont permis l’éclosion du film magistral qu’est Shoah. Construction de soi malgré tout ce qui aurait pu détruire, lutte, appétit de la vie, de la connaissance… Ce superbe livre fait partie de ceux qui réconcilient avec l’humanité. M.C.

Le lièvre de Patagonie : mémoires Claude Lanzmann Éd. Gallimard (NRF), 25 euros

Nostalgie de flammes et de sable... Elle : en transit, après une rupture. Lui : surveille l’incendie qu’il a allumé. Lieu : une plage au bord de l’océan. C’est la nuit. D’immenses flammes sélèvent au-dessus de la dune. Elle descend de sa voiture, se précipite. Une maison brûle. Un homme est là, tranquille, assis, il regarde : «C’est ma petite guerre, c’est fini.» Quelques heures vont s’écouler jusqu’à la fin de la nuit. Le temps de la rencontre. C’est surtout lui qui parle, elle pose quelques rares questions. Tout est venu de cet accident quand il avait 10 ans, en 1955 : une jeune fille, Brigitte, s’est noyée sur cette plage, elle lui a parlé juste avant. Jamais il n’a pu oublier. Maintenant sa mère vient de mourir et il efface son passé. Son récit déclenche chaque fois les souvenirs de la narratrice comme si elle mettait ses pas dans les traces des siens. Leurs deux histoires se confondent, s’enlacent : la mort de la mère,

la ville de Nantes, Bologne et l’attentat de l’extrême droite en 1980, Sandra pour lui, Giorgio pour elle. Pas de guillemets, mais un dialogue, long flux musical avec des images en noir et blanc qui surgissent de la nuit. Parfois la fiction se mêle à la réalité : habitée par ses lectures de Patrick Modiano, la narratrice s’amusait à donner les noms des personnages de ses romans aux clients de l’hôtel où elle travaillait. Cela s’était révélé comme une évidence pour l’auteure, la narratrice de Sur le sable relisait les romans de Modiano, la nuit, au fond de l’hôtel... Et le lecteur admire l’alchimie de cette écriture. CHRIS BOURGUE

Sur le sable Michèle Lesbre éd. Sabine Wespieser, 17 euros


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LIVRES

LITTÉRATURE

Un seul être vous manque… Un souffle épique habite le roman de Stéphane Héaume, La nuit de Fort-Haggar. De la Seine au grand désert de l’Aïr, l’auteur entraîne Julia Schlick dans un tourbillon d’aventures à la recherche de l’être aimé, Clifton Cliff, grand reporter engagé dans la cause des enfants, et disparu subitement. Le lecteur marche sur ses traces, l’estomac en vrille face à l’angoisse qui l’étreint : de longues nuits s’ouvrent devant elle, béantes. Peur de l’inconnu, de la vérité, de la solitude. Julia Schlick traverse les épreuves avec courage et fierté, baignée par la lumière du désert que la plume de Stéphane Héaume magnifie à chaque page. Si le personnage central est une ombre, alors, comment dire l’absence, comment l’écrire ? Comme une mélopée profonde qui sourd des entrailles de la terre (odeurs et couleurs enivrantes) ; comme un chœur antique (les amazones guerrières africaines font entendre leurs conques) ; comme une longue plainte amoureuse (Julia Schlick désespère de ne pas être mère). Par l’ampleur de la trame romanesque,

la sensualité des paysages, par la complexité des sentiments, les incroyables rebondissements, les scènes irréelles, les êtres imaginaires, La nuit de Fort-Haggar aurait pu être un tableau orientaliste de Delacroix, de pourpre et d’or. Ou un opéra, bien sûr, car Stéphane Héaume est également l’auteur de textes pour le théâtre lyrique. Songe éveillé, La nuit de Fort-Haggar est peuplé de références biblique (Salomé), divine (Janus) et mythologique (Hérode), chaque séquence introduite par une citation de Mahler (quelques notes), Pierre Loti, Daphné du Maurier, Jean Anouilh ou Verdi. Heureux compagnons d’une nuit douloureuse. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

La nuit de Fort-Haggar Stéphane Héaume Seuil, 19 euros Livre sélectionné pour le Prix des lecteurs du Var à la Fête du livre de Toulon 2009

L’Inferno di Manaccora Un événement, 2 jours, 281 pages : Philippe Jaenada réussit l’exploit de tenir le lecteur en haleine -en alerte serait plus approprié vu les circonstances- et en émoi, inquiet d’un éventuel dénouement tragique : les derniers instants sur terre du narrateur et de sa famille, plage de Manaccora, un jour d’été, 16h30. Rassurons-nous, la mort leur sera finalement épargnée, mais à quel prix ! Tout avait pourtant bien commencé pour Voltaire (le père de famille), sa femme Oum (en hommage à la chanteuse égyptienne Oum Kalsoum) et leur fils Géo (du style Trouvetout) en vacances dans une zone préservée des Pouilles, en Italie. L’image même du bonheur idyllique pour un clan sans nuages, mais avec des prénoms qui campent bien les personnages et le côté «illuminé» du roman qui, dès les premières flammes, va s’emballer. Car l’événement en question, déclencheur du récit, des souvenirs, des anecdotes et des petites remarques assassines sur le genre humain en déperdition (envieux, moqueur, fourbe, veule, fanfa-

ron…), n’est autre qu’un gigantesque incendie détruisant tout sur son passage. Y compris l’équilibre familial… D’un ton vif et léger, dans un style alerte, Philippe Jaenada décrit les situations les plus périlleuses sans jamais se départir de son humour, parfois féroce (la scène de la beuverie «dans un bar à matelots de Toulon» est désopilante), brosse de beaux portraits de femmes (celui de l’ex-mondaine Ana Upla, pleine d’humanité). Et, usant de nombreuses circonvolutions digressives par un jeu de parenthèses en cascades, revient à l’essentiel : la rédemption après l’épreuve tragique, et l’envie d’être vivant. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Plage de Manaccora, 16h30 Philippe Jaenada Grasset, 17,90 euros Livre sélectionné pour le Prix des lecteurs du Var à la Fête du livre de Toulon 2009

L’homme au panama «Ceux qui partent s’imaginent que la force est chez les autres, ceux qui restent la portent en eux.» Cette phrase du roman Le grand exil de Franck Pavloff résume la complexité des personnages qui s’affrontent. Leurs destins croisés, leurs convictions, d’un côté ou l’autre du camp qui les sépare : partir ou rester ? Encore faut-il pouvoir choisir… Échoués à Banos de Agua Santa, au centre de l’Équateur, tout semble les opposer : le silencieux Tchaka, «vieux gringo aux cheveux noirs» au passé effacé ; Lucie la Mexicaine, rebelle «en exil d’ellemême» ; don Rodriguo le patriarche ; l’Afro-équatorien Selmo, «observateur des baleines à bosse» coiffé de dreadlocks. La zone est peuplée de passeurs anonymes, coyotes et chulqueros aux poches bourrées de dollars à force de trafics d’hommes, candidats au départ. Et le volcan Tungurahua cristallise tous les sentiments de peur, de fatalisme, d’ignorance. Pièce maîtresse du roman, Franck Pavloff le décrit abondamment comme le paysage équatorien, le climat, la flore, le ciel, le vent,

les embruns. De cette nature luxuriante naît un roman luxuriant, chambre d’écho aux bruits de la ville, aux odeurs de l’hacienda, aux souffles des chevaux et à la beauté des orchidées. Chacun emprunte des chemins parallèles à l’ombre menaçante du Tungurahua que seul l’homme au panama décrypte : l’étrange Tchaka, conscient d’être le «maillon d’une chaîne de vie» prête à rompre. Au feu des questions existentielles -échapper au feu volcanique ? à la misère ? à soi-même ?-, Franck Pavolff répond par un roman humaniste et réconciliateur. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Le grand exil Franck Pavloff Albin Michel, 16 euros Livre sélectionné pour le Prix des lecteurs du Var à la Fête du livre de Toulon 2009


ARTS

LIVRES

Le peu que l’on sait d’Elles Qu’a vu Célina, l’arrière-grand-mère, que Laure Maternati ne saura jamais ? Quelle a été sa vie intérieure ? Un siècle les sépare. Il reste à Laure Maternati un cliché d’identité, et son regard absent. De ce passé englouti, l’arrière-petite-fille a écrit un poème dédié à sa mémoire. Puis elle est partie à la rencontre d’autres femmes disparues, éternellement silencieuses, et, avec Bat Sheva Papillon, documentariste son, a recueilli la parole de leurs filles et petites-filles, faisant affleurer les souvenirs, des éléments de vie, un peu de leur histoire. Quatre-vingt-dix photos plus tard, Marie-Louise dite Augusta, Zulina dite Blanche, Margherita et toutes les autres ont un visage, de la famille, des moments d’insouciance, des amis. Quelques mots plus tard, chapelet de noms, de dates et de lieux égrenés, le «je suis née» de Célina remplace le «je» poétique de Laure et tous les «je» des mères et grands-mères resurgies du passé. Un livre-disque sensible, où l’on apprend leur âge (souvent approximatif), leur lieu de naissance (commune de Bruxelles, Saint-Loup à Marseille, région d’Olomouc

en Tchécoslovaquie…), leurs derniers lieux de vie : des villages du centre et du haut du Var. Des soupçons de vie où l’on remonte le fil du temps et des généalogies incertaines. À l’insue, avec sa couverture dessinée par Claire Colin-Collin, est un objet éditorial unique, créé par des femmes pour des femmes. Un «objet de paroles, d’écrits et d’images» bouleversant, réalisé par des auteures parties à la recherche de mémoires de femmes immigrantes, entre désirs et exil. Leurs visages sont les nôtres, leurs paroles aussi. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

A l’insue Laure Maternati, Bat Sheva Papillon, Claire Colin-Collin Edité par l’association Précipité, dans le cadre du programme «Identités, Parcours & Mémoire» (Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, Drac Paca, Conseil régional) et le soutien du Conseil général du Var.

A l'insue, couverture, peinture de Claire Colin-Collin

Cerveaux disponibles et non formatés C’est l’ambitieux questionnement du cycle de conférences Esthétique et société proposé par Alphabetville et Colette Tron en 2006-2007 à Marseille qui est condensé dans cet ouvrage. L’objet était non pas de commettre une «théorie esthétique générale» mais «d’observer les conditions actuelles de l’expérience sensible, leur effet sur l’esthétique, et sur la vie culturelle en général». On ajoutera : en regard de notre société de consommation industrielle libérale. Les auteurs démontrent en effet, selon des angles d’approche personnels, comment notre société a su piéger l’expérience sensible -individuelle et collective- selon diverses stratégies consuméristes. Après avoir déconstruit les fondements romantiques de l’art, de l’artiste et de l’œuvre d’art, et certaines avant-gardes, Elie During propose une alternative à travers la notion empruntée à l’industrie, le prototype, comme forme d’expérimentation accomplie et primitive contenant tous les possibles. Se déduisent alors quatre statuts au moins pour l’artiste : l’entrepreneur (F. Hyber), l’ingénieur (Panaramenko), l’opérateur (Sol LeWitt), le chercheur (M. Duchamp).

De son côté, Bernard Stiegler rappelle utilement l’origine du marketing chez le neveu de Freud, Edward Bernays, jusqu’à la prise de contrôle industrielle du désir par le capitalisme, financiarisé et globalisé d’aujourd’hui. La société de consommation apparaît comme un véritable péril pour l’expérience esthétique, qu’il s’agisse de l’image et du regard pour Marie-José Mondzain, ou productrice de brouillage des frontières entre les arts par l’avènement de l’appareillage numérique selon Jean-Louis Déotte. Un étrange détour par un récit du IIe siècle (l’Hercule gaulois de Lucien) ramène Alain Giffard à l’analyse du neuromarketing et des technologies R, des stratégies de TF1 et Google, pour constater l’abandon par le politique de la culture à l’économie. Voici donc plusieurs invites à repenser la présence de l’art au moment d’une crise présentée comme grave et globale mais qui n’est pas qu’économique. Une bio-bibliographie en fin d’ouvrage situe chacun des auteurs. CLAUDE LORIN

D’Alessandro révélé Musicien natif des Grisons, Raffaele d’Alessandro (1911-1959) est, il faut bien l’avouer, très peu connu au-delà des montagnes suisses. On sait gré aux éditions helvétiques Papillon d’exhumer ce pianiste, organiste et compositeur d’ascendance italienne qui a suscité l’admiration bienveillante de Nadia Boulanger lors de sa formation parisienne avant-guerre. La formidable pédagogue lui déclarait : «Vous portez en vous une œuvre». On apprend également que l’étoile filante Dinu Lipati, immense pianiste roumain disparu prématurément à l’âge de 33 ans en 1950, avait préfacé ses Etudes. Il les plaçait sur sa table de chevet et estimait : «Je tiens d’Alessandro pour un des musiciens les plus puissants de sa génération». Dans cette biographie illustrée de photos et d’extraits

de partitions, Antonin Scherrer dresse le portrait d’un musicien à la personnalité contrariée par des souffrances à la fois intérieures et pécuniaires. Mort à 38 ans, Raffaele d’Alessandro est l’auteur d’une centaine d’opus essentiellement instrumentaux. Du coup, l’ouvrage donne envie de découvrir ses 24 Préludes, sa Sonate pour flûte et piano, ses Concertos dont une partie est gravée chez Pan Classics. JACQUES FRESCHEL

Raffaele d’Alessandro ou l’urgence intérieure Antonin Scherrer éditions Papillon www.editionspapillon.ch

Esthétique & Société Éd. L’Harmattan, 15,50 euros

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PHILOSOPHIE

ENTRETIEN AVEC SPYROS THÉODOROU

Le cycle organisé par Échange et diffusion des savoirs reprend à l’Hôtel du département. Avec cette année pour thématique les crises, et neuf conférences de philosophes, historiens, juristes physiciens, économistes et sociologues… Rencontre avec Spyros Théodorou, organisateur de ces cycles depuis 2001, qui nous explique son projet et les raisons particulières du choix de ce thème cette année Zibeline : Quelle est la fonction d’échange et diffusion des savoirs ? Spyros Théodorou : C’est de proposer des conférences de haut niveau, justement parce qu’on s’adresse au grand public ; comme il n’y a pas de pré-acquis supposé chez nos auditeurs, on n’a pas le droit de faire trop d’erreurs, ce qui ne veut pas dire que l’on n’en fasse pas, évidemment. Je constate, avec mon expérience maintenant, que cette idée de mettre en situation d’apprendre et de savoir touche des populations que l’on arrive mal à concerner avec le théâtre, ou les autres pratiques culturelles, quand elles visent à atteindre des publics très larges. Il y a un seuil «sociologique» de 5 à 10 % d’une population que l’on a beaucoup de mal à dépasser en général avec l’art en en France ; seuil dont on s’affranchit très largement, je crois, dans l’activité d’Échange et diffusion des savoirs. Mais, bon, quand à l’origine en 2001, j’ai eu cette idée et que je l’ai proposée aux institutions, je dois dire que j’ai trouvé le Conseil général très courageux d’accepter ce projet puisqu’il n’y avait pas de critère de comparaison ; on

aurait pu se retrouver avec une salle de 4 personnes comme de 60. En plus je n’avais pas caché mon ambition : c’était d’une grande prétention parce que cela reposait finalement simplement sur quelques volontés, l’accord des institutions… et puis il y avait les invités : j’étais en relation avec deux ou trois personnes, mais à l’origine Théodorou à Marseille personne ne connaissait ! Les enjeux étaient donc aussi généraux que ça : mettre à la disposition du grand public un savoir de bonne qualité ? On vit de plus en plus dans un monde politique, culturel, esthétique qui, en particulier par les média et la publicité, abrutit les gens de manière efficace, techniquement valide. C’est-à-dire que cela produit des résultats ! Donc je me suis dit qu’il fallait des espaces, ici ou ailleurs, où on prend a priori les gens qui viennent non pas pour des imbéciles mais pour des gens intelligents ; c’est un pari à la fois philosophique et politique, et je crois que ça marche. À partir du moment où l’on se sent accueilli et traité comme un titulaire d’intelligence, on le devient. Mais comment définir scientifiquement et philosophiquement cette expression «prendre pour des imbéciles»? Non pas pour châtier le langage, mais pour la préciser. Moi j’emploie souvent le terme d’aliénation, sans doute parce je manque de vocabulaire… Si vous empruntez ce terme à Castoriadis je pense qu’il emploie plus souvent le terme d’hétéronomie qui est pour moi un terme beaucoup plus riche. Et puis

il s’oppose plus précisément à l’autonomie. Dans ma technologie ce que je peux apporter comme autonomie, et là je suis avec prétention dans la philosophie politique, c’est l’autonomie intellectuelle. Par rapport aux concepts d’aliénation

et d’hétéronomie il y a une notion qui me travaille beaucoup c’est la notion d’emprise, dont j’avais fait le titre de la saison dernière. Je ne sais pas où ça va me mener, mais il y effectivement une emprise de la puissance économico-technique, qui au départ s’est Spyros Theodorou © X-D.R.

Dans les interstices, hors de l’emprise


appuyée sur nos vies de producteurs ; c’est-à-dire que vous allez bosser tous les matins et puis vous avez l’emprise qui vous tombe dessus parce que pendant huit ou dix heures vous êtes soumis au chef d’atelier, au patron ; et puis ensuite il y a le formatage des mass médias et en particulier du media télévisuel ; et là c’est le deuxième pas d’une emprise qui n’est plus sur le temps aliéné, sur le temps de soumission ; c’est une emprise sur le temps dit libre ; c’est-à-dire que les zones de liberté se rétrécissent. Cette emprise s’est étendue dans l’intérieur privé, dans la vie, la pensée et le désir ; et puis s’est propagée ensuite dans l’espace public. Par exemple on peut penser que ça peut être un pur plaisir d’accompagner sa petite fille à l’école le matin, et bien ça devient un lieu de confrontation et d’évitation des affiches pour chaussures, et du kiosque à journaux avec ses affiches de porno soft. L’espace public comme l’espace privé subissent une emprise. Et cette notion d’emprise est ce contre quoi j’ai voulu lutter. Évidemment il ne s’agit pas de défendre la société d’avant et son abrutissement au travail… Bien sûr qu’on ne défend pas ça ; j’ai connu ces gens qui s’abrutissaient au travail ; les parents de mon meilleur ami gardaient des vaches dans le Berry à 13 ans ; je les ai connus physiquement ; c’est mon père pauvre et autodidacte qui m’a fait ; mais on défend la possibilité que ces gens-là ont eu, et qu’ils ont pu donner et transmettre à leurs enfants, la possibilité d’interstices. Avant on avait la possibilité d’interstice, de respiration. La puissance du média n’était pas installée ; il y avait celle du capitalisme sur le travail mais elle ne savait pas –encore- manier les interstices. Maintenant la puissance est devenue beaucoup moins cruelle, mais elle est devenue permanente. Et je prétends que des lieux et des chantiers comme on en fait ici sont des lieux d’interstices. Et la plus belle des métaphores que m’adressent les gens en sortant c’est : «vous nous faites respirer», «vous nous donnez de l’air», «de l’oxygène» ; métaphore de la respiration très étonnante ! C’est une prétention de la philosophie qui, comme le dit Castoriadis, «est une incarnation de notre liberté» ; mais aussi à la fois une modestie. Car on ne va pas faire la révolution, là tout de suite, mais on va ouvrir des espaces pour que des milliers de personnes aient

des interstices de pensée, de liberté où ils pourront développer une pensée critique. Entre le monde d’avant et le nôtre quelle différence ? Et bien moi qui ai connu les deux je peux dire qu’on est passé d’un capitalisme de besoin, c’est-à-dire on va beaucoup travailler et on va satisfaire nos besoins, de maisons, de chaussures, à un capitalisme de désir. Vous voyez toute la perversité de l’emprise puisque le besoin est satisfaisable, et le désir ne l’est pas. Venons-en à la programmation de cette année. Vous avez choisi le concept de crise. Pourquoi ? Parce qu’on nous prend, là encore, pour des imbéciles. Les mêmes qui ont adoré, qui nous ont imposé le Veau d’or, tout à coup ont découvert qu’il était en crise. Leurs idoles ont fait flop avec des conséquences économiques et sociales terribles. Et toute la presse internationale s’est mise à nous expliquer ce que c’était la crise, quand elle est arrivée, comment, etc., et cela de la part des mêmes qui ont glorifié pendant une vingtaine d’années toutes les causes de la crise. C’est-à-dire qu’à nouveau on nous a fabriqué un concept de crise «ad hoc», pour continuer à penser «comme il faut», malgré l’évidence. Et on nous a pris pour des imbéciles en nous proposant un concept explicatif total, c’est-à-dire quelque chose qui se rapproche d’un totalitarisme : un concept qui prétend gouverner la totalité de ce qu’on peut comprendre de la crise actuelle… Alors je me suis dit on va le dépiauter ce concept, il a d’autres explications, d’autres objets, il y a d’autres moyens de l’utiliser. J’ai donc voulu dire qu’il est plurivoque, qu’il ne se décline pas de la même façon dans les domaines de pensée divers. Vous dites que c’est un concept plurivoque ; mais quand même c’est une crise du capitalisme qu’on cherche à nous masquer ? C’est simple, non ? Évidemment que c’est une crise du capitalisme. Mais ce qu’on essaye de masquer c’est que le capitalisme, je préfère dire la domination, n’est pas qu’un phénomène économique. C’est là où je dis que c’est totalitaire. Mais une crise du capitalisme n’est pas qu’une crise économique, c’est une crise de la représentation du monde, une crise de l’être au monde, des relations internationales, de la domination Nord-Sud. On nous dit que c’est un problème économique et «t’inquiète pas coco, on va l’arranger et dans deux ans ça ira mieux». Non ce n’est pas un problème économique,

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c’est un problème de conception du monde, de la société, du pouvoir. Mais en quoi donc vous démarquez-vous de Marx ? Parce que je pense, à tort ou à raison, que l’interprétation de Marx reste profondément économiste. Je respecte énormément Marx mais je reste profondément opposé à Marx dans le sens où je pense que la superstructure c’est l’économie et l’infrastructure c’est l’idéologie. Et là je pense qu’on a une crise de l’infrastructure, c’est-à-dire de l’idéologie, et qu’on essaie de nous la faire passer pour une crise de la superstructure donc de l’économie. Dans mon langage. Et qu’attendez-vous des intervenants ? Personne n’a dit au peuple ce que c’est qu’une crise. Et bien là nous voulons dire simplement au peuple, d’après un physicien, un géographe, un juriste etc., que la crise ça ressemble à ça, et qu’il paraît qu’ils sont dedans. Ces conférences doivent donc leur donner des outils pour qu’ils se pensent de façon critique dans ce qu’on leur dit qu’ils sont, sans nécessairement l’accepter pour vrai. De façon à déshabiller ce concept totalitaire, pour en faire un concept parcellaire. En bref, ce cycle veut lutter contre cette idée qu’avec le totalitarisme du concept de crise il n’y a plus qu’un tout : circulez, y’a rien à voir ! Nous voulons donner à voir, en détail. ENTRETIEN RÉALISÉ PAR RÉGIS VLACHOS

Et justement on va voir ! Rendez-vous le 10 décembre à 18h45 dans le bateau bleu du Conseil Général 13 pour la première conférence, qui sera historique : Crise du temps, crise dans le temps par François Hartog, professeur à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), auteur de Régime d’historicité, Présentisme et expériences dans le temps (éd. Seuil).

Sciences et techniques Yves Berchadsky berch@free.fr Histoire et patrimoine René Diaz renediaz@free.fr

Ont également participé à ce numéro : Emilien Moreau, Dan Warzy, Yves Bergé, Susan Bel, Aude Fanlo, Clarisse Guichard, Christine Rey, Pierre-Alain Hoyet, Christophe Floquet

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HISTOIRE

FABRIQUE SCOLAIRE DE L’HISTOIRE | B. ÉTIENNE

Roman National ? L’histoire a une histoire, bien sûr ! Mais la particularité de cet ouvrage est de s’attacher à l’histoire scolaire. Dépendante de sa grande sœur universitaire, celle-ci est de deuxième main. Pourtant, dans un pays où tous les citoyens passent par les bancs de l’école, elle a une diffusion et un impact bien plus importants que son aînée !

Eugene Delacroix, 1830. La Liberte guidant le peuple, huile sur toile, 260 x 325 cm, Musee du Louvre, Paris

Or, et c’est l’objet de ce livre, elle possède une logique bien à elle, inscrite directement dans les volontés du politique. Elle est l’histoire formatrice du peuple, celle du «roman national». Sous la direction de Laurence de Cock et d’Emmanuelle Picard, un ensemble d’auteurs se sont attelés à l’étude de sa «fabrication». Le livre s’ouvre par une préface de Suzanne Citron, parrainage significatif car il s’agit d’une des personnalités les plus dynamiques de l’étude de l’institution scolaire. Elle montre que les sujets et la façon d’enseigner ont permis de construire un véritable «mythe national». Utilisant la chronologie comme un appui pour convaincre les élèves du destin inéluctable de la France, les tenants de l’institution ont écarté tous les contenus nuisibles à la croyance en l’homogénéité de la nation, en particulier dans l’enseignement du fait colonial. Quant à l’enseignement magistral, il faisait infuser ces vérités à l’intérieur de son public. Elle rappelle aussi les prises de positions de Nicolas Sarkozy et de son maître à écrire, Henri Guaino, contre la «pensée 68» et les repentances du discours. Tous deux se rangent du côté d’une histoire conservatrice, faussement identitaire, où la célébration du patrimoine permet d’insister, à l’intérieur de l’espace public, sur les continuités et non sur les conflits.

Construction d’un creuset national Dans l’avant-propos, les deux directrices de l’ouvrage explicitent leurs intentions. Parce que les lois mémorielles (voir ci-dessous) ont bouleversé les pratiques historien-

nes, il fallait faire le point sur les ressorts de l’histoire à l’école. Celle-ci doit-elle, et peut-elle, avoir pour finalité la réalisation du creuset français, destiné à intégrer le citoyen anonyme au destin de la nation ? Par ses choix et sa mise en forme des événements, elle est une écriture mémorielle : elle crée l’image qu’une société veut laisser d’elle-même. Elle est le résultat d’une construction, d’une fabrique où différents acteurs interviennent, de l’éditeur de manuel à l’Inspecteur général, du ministre à l’enseignant. Cette édification d’une histoire nationalo-patriotique s’affirme avec la IIIe République qui magnifie les grands hommes et les grands événements et qui élabore une vision romancée du passé, un «roman national» ! Mais, constatent-elles, l’irruption des mémoires piétinées des catégories de population définies comme mineures, la demande de reconnaissance de communautés issues de l’aventure coloniale ont mis à mal une vision progressiste et lénifiante du passé : la nation ne marche pas de pair avec l’effet de civilisation qu’elle revendique. La belle fable enseignée à l’école ne peut plus faire illusion et l’histoire consensuelle construite autour de la patrimonialisation ne peut plus satisfaire les exigences de ceux qui attendent une version plus juste et plus précise de leur propre histoire.

privilégier le débat et la conflictualité des interprétations. Gageure difficile à réaliser sans une re-visitation des programmes, sans une volonté d’insister sur le doute et le débat. Gageure dans une institution qui non seulement fait descendre la science universitaire vers les élèves, mais qui veille à ce que l’autorité administrative soit bien assise sur les enseignants, alors même qu’une grande partie de leurs directions critiques s’appuient sur un savoir académique ! RENÉ DIAZ

Réintroduire le doute Pour parvenir à comprendre la «fabrique scolaire» quatre grands thèmes sont choisis. Le premier s’attarde sur le cadre réglementaire : la fixation des programmes est évidemment un enjeu primordial et l’on voit Georges Pompidou, président, les infléchir dans un sens conservateur. La prééminence du temps présent est dangereuse car elle contrevient à l’étude du passé comme moyen de distanciation du vécu des élèves. Le deuxième thème s’intéresse aux acteurs oubliés et maltraités de l’histoire, qu’ils s’agissent des poilus de 14, dont l’histoire, écrite par d’autres, témoigne mal de leurs sentiments, ou celle des colonisés qui disparaissent derrière les représentations françaises du monde colonial. Le troisième thème s’occupe des enjeux mémoriels et des difficultés à construire, par une histoire partagée, un bien commun à toutes les composantes de la société. Le dernier thème passe au crible la construction du «roman national» au travers de l’étude de la Révolution Française et de celui d’une autre histoire nationale, celle de la Suisse. Au fond, pour parvenir à un compromis satisfaisant dans l’enseignement de ces histoires plurielles, il faudrait

Le concept de lois mémorielles désigne les lois Gayssot (1990, interdisant le négationnisme) et Taubira (2001 :«Les programmes scolaires et les programmes de recherche en histoire et en sciences humaines accorderont à la traite négrière et à l’esclavage la place conséquente qu’ils méritent»), ainsi que la loi sur la reconnaissance du génocide arménien (2001) et celle sur l’existence des «aspects positifs» de la colonisation.

La Fabrique scolaire de l’histoire Laurence de Cock, Emmanuelle Picard éd Agone 2009, 16 euros

Celle-ci prescrivait en 2005 : «Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord». Cet alinéa a été abrogé par le Conseil constitutionnel en 2006, mais l’article 1 subsiste : «La Nation exprime sa reconnaissance aux femmes et aux hommes qui ont participé à l’œuvre accomplie par la France dans les anciens départements français d’Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Indochine ainsi que dans les territoires placés antérieurement sous la souveraineté française.»


Bruno Étienne,

un lien entre orient et occident Le 4 mars, à Aix-en-Provence, disparaissait Bruno Étienne. Pour qui fréquente les rivages méditerranéens voilà une grande perte ! Figure emblématique du dialogue entre les deux rives, il a tissé, autour de sa personnalité et de ses travaux, des liens porteurs d’un avenir meilleur. Surtout, il a été le défenseur des minorités et avant tout de celles de la religion, un combat mené avec engagement et discernement. Il permit ainsi un autre regard sur les déclassés des périphéries urbaines, montrant que leur présence n’était pas un corps étranger, mais bien une composante de la nation française. Né en 1937 en Isère, il atterrit, à la suite des obligations de son père militaire, au lycée Thiers où il fait ses études avant de rejoindre la faculté d’Aix-en-Provence. Le reste de sa formation éclaire -ou réfléchit, c’est selon- ses engagements futurs. Il fréquente l’institut des langues à Tunis, y apprend l’arabe avant de revenir à Aix, à l’Institut d’Etudes Politiques. À Alger, au Caire, à Casablanca, Bruno Etienne trouve de quoi nourrir sa réflexion sur l’islam et la religion. Son analyse de L’Islam radical permet une meilleure compréhension du monde musulman et de ses aspects politico-

sociaux. De même, ses Abd El-Kader révèlent les dimensions de cette personnalité exceptionnelle, à la fois guerrier, homme d’État, mystique, Franc-maçon… La religion l’intéressait, en tant que promesse d’une bonification de l’être. Agrégé de Sciences Politiques, chercheur au CNRS puis professeur à l’IEP d’Aix, il a fondé en 1985 l’Observatoire du Religieux dont il assumait la direction. Enseignant internationalement reconnu, écrivain prolixe -25 ouvrages-, il participe à l’aventure de La Pensée de Midi, dont il est cofondateur. Homme de débat, homme engagé, il était aussi Franc-maçon. On l’aura deviné, c’est la spiritualité, le goût de l’échange qui l’animaient et non l’aspect «plus fraternel entre soi qu’avec les autres» dans lequel elle tombe parfois, et qu’il a abondamment critiqué. Un homme qui ne laissait pas indifférent, et contribua à la compréhension entre les peuples. RENÉ DIAZ

Hommage à Bruno Etienne le 26 nov à 17h à l’Hôtel de Région. Rencontres organisées avec l’association des Amis de Bruno Etienne, l’INA, les Rencontres d’Averroès et la Région PACA.

Quelques clés efficientes La revue a décidé de republier, dans un hors-série, les écrits que lui avait confiés son co-fondateur Bruno Etienne. L’initiative est d’abord un hommage, mérité, à une grande figure intellectuelle. Bien sûr les aficionados possèdent déjà ces écrits, mais on aurait tort d’en négliger la lecture : ici leur cohérence, leur logique saute aux yeux. Ce personnage aux multiples facettes, aux hétérogènes préoccupations, apparaît dans son trajet et permet de mesurer le cheminement des idées. On y retrouve ses engagements, ses convictions mais surtout on effectue un bon en arrière salutaire. Prolixe, Bruno Etienne est à l’origine de pensées qui sont devenues des évidences. On redécouvrira avec plaisir leur source et elles pourront nourrir, de nouveau, des réflexions essentielles sur l’islam, sur les questions mémorielles, sur la politique. La revue a, avec raison, choisi de commencer par les racines du personnage. Les propos semblent anciens, édulcorés par la diffusion. Mais à y bien réfléchir, la spécificité de la culture locale reste certainement une clé d’analyse indispensable, un peu oubliée, pour notre société : vue d’en bas, du Sud. R.D.

Bruno Etienne, sur les chemins de la pensée de midi… La Pensée de midi, Actes Sud


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SCIENCES

ASTRONOMIE

Eh oui ! Ça devait être écrit ! Nostradamus l’avait-il prédit ? 2009 devait être l’année mondiale de l’astro… nomie. Sans doute conjonction de deux zéros tout neufs… numérologie oblige !

2009 odyssée de l’espace L’astronomie, une science vieille comme… la science. Les étoiles nous questionnent de mille feux depuis des milliards d’ères. Elles sont là, immuables et mouvantes, et depuis l’aube des temps rythment les activités humaines, les guident fidèlement. Depuis toujours nous cherchons à comprendre cette fidélité qui nous fait les retrouver périodiquement à la même place alors qu’autour de nous et en nous tout change tellement. Ces piqûres célestes envoûtent l’humanité car elles sont des images d’éternité dans l’infini mouvement du monde. Les astroNOMES rêvent de comprendre les étoiles. Écrire et décrire le plus rigoureusement possible les positions et mouvements relatifs des astres est la plus belle façon de déclarer sa flamme à cette éternelle et lumineuse fidélité. Le rêve du scientifique est de découvrir dans l’infinité de l’univers un nouveau

Où va se loger l’astre © Tonkin prod.

corps stellaire, s’amouracher de sa danse, la situer pour mieux la retrouver, en posséder la virginale primeur. Connaître le spectre du rayonnement de l’astre choisi pour estimer son intime nature, s’appesantir sur son espace gravitationnel, tel est le fantasme, la quête du Graal de l’astronome. Le désir d’immortalité, parfois d’exclusivité, le pousse jusqu’à donner son nom à l’objet de ses célestes vœux… Parmi ces milliards de milliards d’objets, le scientifique tisse un lien privilégié avec un ou quelques objets spécifiques, et la connaissance qu’il en donne à la société lui est témoin de cette alliance. Audelà de sa dimension poétique, l’astronomie interroge essentiellement la situation de l’humanité, et plus largement du vivant dans l’univers, en son sens philosophique et cognitif. La découverte et l’étude des exoplanètes éclaire d’un jour nouveau notre conscience de ce qu’est la planète Terre.

Des astres au logis ciel Le premier acte astronomique fut de déterminer certaines «figures» stables de la voûte céleste sous forme de constellations reconnaissables (cum stelle : ensemble d’étoiles). Un système bien commode pour la navigation ou pour rythmer la vie agraire. Il est évident que le nombre des astres que les humains ont associés arbitrairement en constellations est totalement négligeable au regard de la multitude des corps astraux. L’astroLOGIE consiste à associer à ce premier arbitraire un deuxième arbitraire, sous forme d’une causalité sociale ou psychologique quelconque. Prenons un exemple trivial. Rien ne m’interdit d’associer des objets familiers. Un balai, la pelle et une multitude de grains de poussière. Il existe un lien pratique de causalité entre eux. Maintenant, que dira-t-on si j’affirme que la conjonction de ces trois objets opère une forte répulsion sur ma psyché ? On dira que je n’aime pas balayer et que je cherche tous les prétextes pour ne pas le faire. Mais si je préconise, en tant que gourou, que cette conjonction, ascendant plumeau, est totalement néfaste à la secte des mâles dominants, un certain nombre de machos fainéants adhéreront à cette croyance et tenteront à toute force de la renforcer en la servant. Car l’humanité est ainsi faite que le désir de puissance et de pouvoir l’emporte sur l’amour du libre savoir.

Désastre L’astronomie découvre la réalité pour émanciper l’Autre en sa pratique ; tandis que l’astrologie imagine un réel pour en posséder le pouvoir occulte, et l’exercer sur la pratique de l’Autre. YVES BERCHADSKY

2009, année de l’astronomie www.astronomy2009.fr Exposition Provence-Alpes-Côte d'Azur, un balcon sous les étoiles organisée par la Région Paca du 13 nov au 3 déc Hôtel de Région 04 91 57 50 57 www.regionpaca.fr


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le 18 nov à 20h30 Théâtre Vitez (Aix) Librairie Imbernon «carte adhérent» le 3 mars à 20h30 le 21 mars à 20h30 d’un Ciné concert Centre commercial Saint le 19 nov à 20h30 le 30 nov à 20h 2 invitations par soir 2 invitations 8e)Village vous donnera accès à tous les (Marseille le 4 mars à 19h Le Toursky 04 42 22 81 51 Barnabé (1 place par carte nominative). 04 91 04 68 41 04 42 27 08 64 pour Les Caprices de Marianne de 4 invitations par soir pour La farce de Maître Patelin spécialisée en architecture services de l’Institut, le 5 mars à 19h 30 rue des électriciens Pour les réductions, médiathèque et programme La Cité le 6 mars à 20h30 pour le cycle cinéma du XIVe 5%Radieuse de réduction de Musset mes Agnès Régolo Le Festival Provence Terre de présentez simplement votre Compagnie Parnas L’institut culturel italien culturel. le 7 mars à 20h30 sur Michelet, tous les livres Festival Russe mes Françoise Chatôt le 18 nov à 20h30 Cinéma 280 bd 3e étage er Tarif réduit 4€ Tchoukhraï pour les adhérents vous offre Demande par mail : 2 invitations le par19 soir vous offre Le Jeu russe de Pavel le 1carte déc (réduction à 20h30 valable nov à 19h 5% de réduction Librairie de Provence (Aix) le 10pour mars les à 20h30 représentations pour Main dans 3 adhésions iicmarsiglia@esteri.it annuelles le 2seulement déc à 19h15 le la 20main nov à 20h30 10 invitations sur tous les livres pour l’adhérent) 48 51«carte 94 de Sofia Fredén pour la soirée d’ouverture 31 cours Mirabeau Le Mariage de Vitali Melnikov du Banquet fabulateur d’une valeur ou deau 3204€,91cette le 3 déc à 19h15 2 invitations le 17 mars à 20h30 mars 5% de réduction le 11du mars à 20h30 du Gymnase 8 au 18 déc à 20h adhérent» Librairie Arcadia (Marseille 12e) le 4Théâtre déc à 20h30 pour Des PaPis dans lela26 tête 5 invitations sur tous les livres Les Oiseaux du paradis de de Mai le 18 mars à 20h30 invitations à la Friche la Belle vous donneraLibrairie accès àMaupetit tous les Centre commercial Saint Barnabé le 510déc à 20h30par soir mes Danielle Bré dans le cadre er (Marseille 1 ) au-delà de ce quota pour l’hommage à Abdelatif Roman Balayan OttoBWitte cie du 91 64 41 90 services de l’Institut, Village tarifpour réduit (15€paraulalieu de 24) le 1204 d’invitations, du Momaix Kechiche Librairie Au poivre d’Âne mars à 20h30 LaetCanebière Centaure médiathèque programme culturel. 30 rue électriciens à toutes les représentations le 24 nov tarif à 8 € pour tous cesà 19h le 27 mars à partir de 14h (Lades Ciotat) Un nid de gentilshommes de de réduction mes de Michel Didym La Minoterie Demande par5% mail : 5% de 04 le 912011fév 00à91 spectacles 2 invitations 5 invitations 12réduction rue des frères Blanchard Andreï Kontchalovski sur tous les livres 20h30 tarif réduit pour toutes les iicmarsiglia@esteri.it sur tous lesréduction livres pour Le Repas de Valère 04 42 59 94 37 pourNovarina la soirée compétition de 5% de le 13 mars à 20h30 le 21 fév à 20h30 représentations ou au 04 91 Librairie 48 51 94L’écailler L’Ensemble mes Thomas Quillardet courts métrages sur tous les livres VIY de Konstantin Erchov résa par mail àTélémaque er 8€ au lieu de 12€ 4 invitations Librairie de Provence (Aix) 2 déc à 20h30 le 28 mars Pavillon Noirle(Aix) Le 14 mars à 20h30 (Marseille 1 ) journal.zibeline@gmail.com Librairie Maupetit (Marseille 1er) 31 cours 4 invitations 2 invitations 5 invitations pour Créations franco-hollandaises 4 invitations Mirabeau La Pensée de Midi 2 rue Barbaroux Théâtre de Lenche La Canebière pour Ulysse pour À demain ou lapour journée vous offre pour Le Journal d’un fou 5% de réduction le 26 nov à 20h30 5% de réduction routela des six Provence Terre Tarif réduit 5% de réduction de Josette Baïz Romaine 3 exemplaires de Gogol sur tous les livres Gyptis de la Magalone à laLeBastide sur tous les livres de la revue ciels le 1er mars à 17h 11htous les livres L’Iran derrière le miroir le 22pour mars toutes à 15h les représentations 04 14 91 invitations 39 29 13 de Jean Cagnard le 29 mars à partir de sur Salle Emilien Ventre (Rousset) par mail : poivre d’Âne 0 820 300 033 Le Greffier de Saint-Yves 04 42 93 48 00 04 91 91 52 22 pour Gloria d’après Sunset Librairie Au mes Sylvie Osman dans le cadre 04 42 53 36 39 chris.bourgue@wanadoo.fr (Marseille 1er)(Marseille 1er) (La Ciotat) Boulevard Librairie L’écailler Espaceculture de Momaix Le Ballet librairie générale et juridique 12 rue des frères Blanchard de Jacques Hansen Les National Bancs de Publics 3bisf (Aix) le 8 déc à 19h 2 rue Barbaroux 20 mes invitations GRIM Le Comité régional 10 rue Venture le le 10concert mars à 20h30 e gratuites sur 1 place offerte pour 1 placeEntrées achetéeet visites 5% de réduction pour d’Istanbul Sessions Marseille Festival de théâtre amateur 5% de réduction 7 tarif réduit de Tourisme 8 invitations parles soirspectacles 5% de réduction réservations 6 invitations pour toutes les pour tous sur tous les livres & Erik Truffaz du Pays d’Aix : sur tous livres pour tous les concerts vousles offre pour Ouvertures #12 sur tous les livres 04 42 16 17 75 représentations suivantes 04 91 64 60 00 le 28 novmars à 20h30 2 invitations par représentations (10€ au lieu de 12€) 2 marinières «Picasso en Cartes blanches aux stagiaires le 11 à 19h15 Le Greffier de Saint-Yves e au Dock des Suds du 11 au 16 déc 04 91 04 69 59 de d’azur» Midi Provence côte de DANCE Librairie Regards (Marseille 2La Les Salins (Martigues) ) Pensée le 14 mars à 20h30 Atomica Musique (Marseille 1erCentre ) 04 le 961711mars 04 84 offre mail : le 27Léda fév à 20h30 10 invitationsau-delà de ce quota d’invitations, de la Vieille Charité Vouspar à 20h30 4 invitations par soir de concert librairie générale et juridique (Aurélie Pampana) tarif spectacles 3 exemplaires de Istanbul, ville Leles Balthazar chris.bourgue@wanadoo.fr le 28 fév à 20h30 pour le concert de réduit Yom pour tous 5% de réduction le 18 mars à 19h15 le 20 nov 10 rue Venture monde entrée gratuite mail à à 20h30 le 17 mars à 20h30 sur tous les livres et pour tous les spectacles de la résa par le 21 nov à 20h30 5% de réduction tous les concerts du jeudi c.mely@ballet-de-marseille.com réservation indispensable avant Grim Le Pavillon Noirpour (Aix) 3 exemplaires du hors-série Bruno saison le 26 nov à 20h30 sur tous les livres 04 91 42 59 57 le 6 mars L’histoire de l’œil 4 invitations 4 invitations Etienne, tarif réduit e Théâtre de Lenche le 27 nov à 20h30 04 42 49 02 00 (Marseille 6 ) à toutes lesSonic représentations pour Meeting pour Memory sur les chemins de la pensée de midi e Le cargo de Nuit (Arles) Tarif réduit 25 rue Fontange le 28 nov à 20h30 Librairie Regards (Marseille 2 ) 04 nov 91 11 00 91 le 27 à 20h chorégraphie Wen Hui par mail : 2 invitations pour toutes les représentations Festival Les Élancées 5% de réduction 04 96 12 09 80 Centre de la Vieille Charité au-delà de ce quota d’invitations, le 3 déc à 20h30 chris.bourgue@wanadoo.fr pour le concert de Peter Von 04 91 91 52 22 (Ouest Provence) sur tous les livres Montévidéo 5% de réduction tarif réduit pour les adhérents 04 42 93 48 00 Poehl + Marie Modianosur tous les livres 4 invitations 3 invitations par soir 3bisf (Aix) 04 91 04 69 59 le 14 mars à 21h30 Les Bancs Publics pour Correspondances Librairie Imbernon pour Vice-Versa de Will Self Entrées et visites gratuites sur Festival Tous Courts e résa par(Aix) mail à 1 place offerte pour 1 place par la cie Georges Momboye le 17 fév à 20h30 réservations L’histoire(Marseille de l’œil8 )(Marseille 6e) Montévidéo 2 invitations journal.zibeline@gmail.com achetée le 21 fév à 18h30 à l’Espace G. spécialisée en architecture le 18 fév à 20h30 04 42 16 17 75 25 rue Fontange 5 invitations pour la soirée d’ouverture par avant leCourts 12 mars pour tous les spectacles Philippe (Port-St-Louis) La Cité Radieuse le 23 fév à 20h30 5% de réduction pour caractère relatif de la excellence, 04 91 64 60 00 Réservations au théâtre de 280 bd Michelet, 3ème étage le Du 24 fév à 20h30 sur tous les livres présence desà choses l’Olivier, 04 42programme 56 48 48 de courts métrages suivi 5% de réduction le 25 fév 20h30

Levotre Gyptis carte de membre



du 19/11/09 au 17/12/09 | un gratuit qui se lit

1 ° N

20 ans de droits de l’enfant

[N ° UN]



LA CONVENTION DES DROITS DE L’ENFANT

ÉVÉNEMENT

III

La convention des Droits de l’enfant : 20 ans après où en est-on ? Mortalité infantile en hausse, malnutrition, épidémies, travail des enfants, exploitation sexuelle, enrôlement dans les conflits armés… En France où en est-on ? En 1989, 30 ans après la 1re Déclaration de leurs Droits, était signée la Convention Internationale des droits de l’enfant, la CIDE qui revendique les droits à la santé, l’éducation, l’identité, la protection contre l’exploitation sexuelle et armée. Le tout sans discrimination de race, de couleur, de sexe, de langue ou de religion. Où en est-on aujourd’hui ? 9 millions d’enfants meurent encore chaque année avant l’âge de 5 ans. De faim, de maladies, de violences. La mortalité maternelle est de 210 décès pour 100000 naissances dans certains pays, le taux global est de 84 en Asie du sud-est et en Afrique subsaharienne, alors qu’il est de 9 en Europe. Sans leur mère les enfants sont encore plus en danger, et la réduction de ce taux est l’un des objectifs primordiaux de l’Unicef. En France les enfants sont nettement mieux protégés, mais la situation ne va pas en s’améliorant. On déplore plus de 2 millions d’enfants pauvres, chiffre

en hausse… Les conséquences sur la scolarité et la santé sont dramatiques et l’Unicef souligne la discrimination dont souffrent toujours les jeunes des banlieues, la situation alarmante des mineurs étrangers et le recours excessif aux mesures de répression ! Pourtant une loi sur la protection de l’enfance a été signée en mars 2007 et un poste de Défenseure du Droit des enfants, créé en 2000, est actuellement occupé par Dominique Versini. Or le 15 septembre, on apprenait qu’un projet de loi avait été déposé pour supprimer ce poste et le remplacer par un poste plus général sur les Droits tout court. Cette décision va à l’encontre du projet initial. En effet, il a été constaté que 10% des saisines étaient adressées directement par les adolescents en difficulté parce qu’ils se sentent concernés par l’appelation «Droit des enfants». Espérons que l’État révisera sa copie d’ici 2012, date à laquelle la France repassera devant le Comité spécial qui juge des progrès des États dans le respect des Droits des enfants.

Fête et culture Pour fêter néanmoins les 20 ans de la CIDE l’Unicef, associé à la fondation Hermès, a lancé une vaste opération destinée à promouvoir les droits de l’enfant chez les 2 millions d’écoliers français : les élèves de primaire sont invités à travailler autour de thèmes à l’aide de mallettes pédagogiques, puis à fabriquer des figurines de couleur, et

Couleurs Cactus-Muriel Giambino

à récolter des fonds le 20 novembre lors de la Fête de la Couleur. Les fonds recueillis seront cette année destinés à la scolarisation au Bangladesh. À Marseille l’association Couleurs Cactus a lancé la 3e édition de 1, 2, 3... soleil ! qui se déroule jusqu’au 22 décembre : photos et films, peintures, expositions réparties dans le centreville, pour les enfants, leurs parents, leurs éducateurs. Avec en particulier les expositions de Pierre Gondard et André Parra au restaurant Un Tout Petit Monde, des films sur la condition des enfants du 18 au 20 novembre à la Cité des associations, et un lâcher de ballons le 21 novembre au Parc Borély. CHRIS BOURGUE

www.unicef.fr

Cécile Silvestri a créé Couleurs Cactus avec quelques bénévoles aussi soucieux qu’elle de l’accès des enfants défavorisés à la culture. Elle travaille avec L’Unicef et le collectif d’artistes Les Têtes de l’Art. Zibeline : Comment est venue l’idée de cette association ? Cécile Silvestri : J’étais dans le domaine de l’éducation populaire, je pratiquais la photo et j’étais amoureuse de l’Afrique. Je me suis dit que je devais réunir ces pôles d’intérêt et je me suis lancée ! Mon but : accompagner tous les publics vers la culture avec l’aide d’autres

femmes, et de quelques hommes... Pourquoi le nom de Couleurs Cactus ? Parce que le cactus, ça pique, ça résiste dans un désert, et couleurs, au pluriel, pour mélanger les genres, les cultures. Vos actions durant l’année ? Nous sommes prestataires de service pour des projets autour du cinéma africain, des réalisations de clips avec

des publics en très grande difficulté. Nous travaillons avec les centres de loisirs autour du livre, de la lecture, de la vidéo. C.B.

1,2,3...soleil ! jusqu’au 22 décembre 06 60 39 65 54 Couleurs Cactus

Fête tes droits Déambulations, ateliers, spectacles, jeux et animations au menu de la 8e Fête tes droits marquée cette année par le 20e anniversaire de la Convention Internationale des droits de l’enfant. Mercredi 25 novembre de 9h à 17h à l’Hôtel du Département à Marseille. www.cg13.fr/solidarites/petiteenfance/actualites

Afrique, le droit à l’enfance Malgré l’existence de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, la situation de nombreux jeunes africains est préoccupante. À l’occasion de la parution aux éditions Le Sablier du livre-disque documentaire Afrique, le droit de l’enfance, la Fondation Blachère propose à Apt, vendredi 20 novembre à 18h, une rencontre avec les auteurs Jessica Nliba et Didier Reuss, l’illustratrice Emily Nudd-Mitchell et la comédienne Catherine Alias. 1 euro sera reversé à l’Unicef sur chaque vente. www.lesablier-editions.com


IV

ÉDUCATION

LATERNA MAGICA | DESSIN POUR LA PAIX

Magie du bricolage Du 2 au 24 décembre se déroulera la 6e édition de Laterna Magica imaginée par Fotokino. L’invité d’honneur, Isidro Ferrer, dont le travail rend hommage aux mouvements Surréaliste, Dada et Bauhaus, donnera le ton d’une édition vantant les vertus du bricolage. Dans de nombreux ateliers disséminés dans la ville, les enfants pourront découper, coller, assembler, et faire naître des images par transparence… redécouvrant ainsi le principe du cinéma, qui reste l’essentiel de la programmation de Fotokino, entre expos et rencontres professionnelles. Plus de 40 films, courts et longs, dans cinq salles : des historiques comme La Lanterne magique de Georges Méliès (1903) et Le Dirigeable volé du Méliès Tchèque, Karel Zeman ; d’un autre Tchèque, Jiri Barta, une avant-première : Drôle de grenier où des objets oubliés dans un grenier se réinventent une nouvelle vie. Autre avant-première, Kerity la maison des contes de Rebecca Dautremer, un film autour de la magie de la lecture. De la musique également avec un ciné concert, et Pulcinella qui propose l’intégrale des adaptations en papiers découpés d’Emmanuele Luzzati et Giano Gianini, consacrées aux opéras de Rossini ; magie du papier que l’on retrouvera avec Folklore restaurant,

Bardine. Et en avant- première Kérity, la maison des contes de Rebecca Dautremer. Dans le cadre de Cinéma(s) d’Algérie en partenariat avec Aflam, Brahim Tsaki présentera deux de ses films : Les Enfants du vent, trois volets sur l’enfance algérienne contemporaine et Histoire d’une rencontre, celle d’une fille et d’un garçon, sourdsmuets, que tout séparait… Enfin un hommage sera rendu à Paul Carpita, avec la projection de trois de ses courts-métrages, Des Lapins dans la tête, La Grenouille et Graines au vent. Une programmation qui ne sent pas le bricolé ! ANNIE GAVA Drôle de grenier de Jiri Barta

un film inédit en France réalisé en papier japonais de Tomoko Ogushi, où un bûcheron curieux fait de drôles de rencontres dans les bois. Le 13 décembre, de 10h à 19h, petits et grands pourront passer une journée entière à l’Alhambra CinéMarseille entre jeux, ateliers, lectures et projections, plongés dans une magie de chiffon : trois films d’animation où boutons, fil à coudre prennent vie, Le Nœud au mouchoir et Deux pelotes de laine de Hermina Tyrlova suivi de La Nounou de Garri

Laterna Magica Fotokino 09 50 38 41 68 http://fotokino.org

Images de Paix en liberté Dans le cadre des actions en direction des jeunes, la Région a invité plus de 300 lycéens et apprentis de PACA à découvrir l’exposition Dessine-moi la paix en Méditerranée (voir Zib’23) et à participer à une rencontre-débat sur la liberté d’expression réunissant plusieurs dessinateurs méditerranéens : Jean Plantu (France), Dilem (Algérie), Boukhari (Palestine), Kichka (Israël), Ramize Erer (Turquie), Stavro (Liban), Bahgory (Egypte), Caro, une femme!, (Suisse) et Red (France). Rappelant qu’il y a «une manière de contourner les interdits», Plantu insiste sur l’importance du media Prix de la Tolérance-Cheze Philémon du Lycée Golf Hotel à Hyéres comme porteur du message, et du lectorat, en fonction duquel on le module. Kichka affirme que «la liberté d’expression n’est pas acquise» et que «ce qui nous menace c’est autant l’intolérance que le politiquement correct» ; ainsi faut-il lire la presse internationale et ne pas se contenter de certains sites qui «digèrent» l’information en amont. Le concours de dessins s’est déroulé après le déjeuner offert par la Région. Chaque élève a disposé de feuilles de papier machine format A4, d’un crayon, de marqueurs pointes fines et pointes épaisses dans 4 couleurs (noir, bleu, vert et rouge). Réalisation du dessin en 1h30 ! Lise et Quentin, élèves de terminale littéraire option arts plastiques du Lycée Alexandra-David Niel de Digne ont obtenu le Prix du message et de la créativité. Le Lycée professionnel Golf Hôtel de Hyères a vu 4 de ses élèves en graphisme récompensés, Leslie, Philémon et Arthur (graphisme, tolérance et humour) ; et le Grand Prix a été décerné à Luc Jorda qui nous a confié : «Je ne m’y attendais absolument pas. Je m’y suis mis 10 mn avant la fin et je n’ai pas fait un dessin sur la Paix. C’est vrai que je dessine depuis que je suis tout petit. Je voudrais rentrer à l’école d’Angoulème.» Gageons qu’il a toutes ses chances ! CHRIS BOURGUE

Conférence, débat et concours se sont déroulés le 15 octobre à l’Hôtel de Région. www.cartooningforpeace.org

Prix de la créativité-Quentin Desideri du lycée Alexandra David-Neel à Digne

Le Grand PrixLuc Jorda du Lycée Golf Hotel à Hyères


ORCHESTRE RÉGIONAL DE CANNES | BALLET D’EUROPE

ÉDUCATION

V

Sensibles à la musique L’Orchestre régional de Cannes, en résidence à Marseille, a proposé des répétitions publiques suivies de concerts dans des quartiers et des établissements scolaires dits sensibles…

Diderot ORC répétition avec Robin Marzouk à la batterie © Yves Bergé

À l’initiative de la Région ProvenceAlpes-Côte d’Azur et du Rectorat de l’Académie d’Aix Marseille, ce projet ambitieux permet aux élèves, depuis plusieurs années, de découvrir la musique symphonique au travers de l’expérience irremplaçable de l’écoute d’un orchestre. Ils sont préparés aux concerts par leurs professeurs d’éducation musicale lors de séances pédagogiques, d’écoutes, d’analyse de partitions, et cette année un dvd sur Mozart et Copland : des clés pour une perception active, qui pose pour chacun des jalons de reconnaissance. Les élèves se sont ensuite retrouvés à Cannes, pour une visite du Palais des Festivals, une rencontre avec l’Orchestre régional et Peter Madan, chef invité : des répétitions émouvantes, qui permettent elles aussi de comprendre comment la musique se fait, avant les concerts dans les établissements. Car au cinéma L’Alhambra à SaintHenri, des enfants de centres aérés ont assisté à un très beau concert Mozart et Rossini par les élèves du CNIPAL (Centre National d’Insertion Professionnelle des Artistes Lyriques). Puis au Lycée Diderot, à la Rose, et Saint -Exupéry, à Saint Louis, deux concerts symphoniques remarquables ont été offerts aux élèves.

Le plaisir est là Dans des gymnases transformés en salles de concert grâce au soutien de la Régie culturelle régionale, des jeunes ont écouté de la musique classique avec émerveillement, entre des parents étonnés par la qualité du spectacle, des élus enchantés, des proviseurs et enseignants fiers de leur établissement. Entre le final fugué, magnifique, de la 41e symphonie de Mozart, dirigé avec fougue par Peter Madan, et le lyrisme d’Appalachian Spring de Copland, un élève batteur s’est mêlé avec joie au swing du concerto brandebourgeois n°3 de Bach alors que d’autres, engagés dans un projet d’écriture slam, étaient très émus de pouvoir déclamer leurs textes, accompagnés par la mélancolique Sérénade d’Elgar et l’Aria de Bach, si planante : des lectures posées et très touchantes. Tous ces jeunes, encadrés par leurs professeurs, ont montré beaucoup de talent et de sensibilité, loin des caricatures de groupes qu’ils proposent souvent au regard des adultes ou des étrangers à ces quartiers sensibles… Chacun, partenaire, élève, enseignant sort grandi d’une telle aventure de démocratisation, qui prône une culture sans frontières, mais sans démagogie, exigeant un réel travail d’appropriation des élèves. YVES BERGÉ

Le corps et la langue En 2003 Jean-Charles Gil a fondé le Ballet d’Europe, compagnie permanente de 12 danseurs, installée à Marseille puis à Allauch, dans une ancienne usine EDF. Depuis il a créé une dizaine de chorégraphies : il recherche une esthétique sensible mêlant expression classique et contemporaine. Parallèlement il s’intéresse à l’insertion des jeunes danseurs et à leur reconversion professionnelle à l’intérieur d’un projet européen qu’il a initié. Mais son souci permanent de communiquer aux autres sa passion va plus loin. Il ouvre les répétitions au public et tisse des liens avec les scolaires. Le projet Les mots dansés s’est mis en place suite à la demande de Cécile Vona, enseignante en classe ENAF (Enfants Nouvellement Arrivés en France) du collège Jules Ferry à Marseille (13005). Avec Bénédicte Raffin, chorégraphe et enseignante, elles ont cherché comment la danse pouvait permettre l’intégration des enfants étrangers et leur apprentissage de la langue. Bâti sur deux ans le projet doit déboucher sur une création présentant des fragments d’histoires, un univers sonore dû à Philippe Deschepper et à la collaboration des parents porteurs de leurs cultures, tout cela avec 20 heures d’ateliers hors-temps scolaire. Autres projets : Danse avec moi s’adresse aux jeunes déficients intellectuels de l’IME La Parade pour développer le sens du partage et apprivoiser les regards ; les sections arts danse du Lycée Saint-Charles de Marseille profitent de l’intervention du danseur-tuteur, Christophe Roméro, qui se dit «confiant et optimiste». Transformer la danse à technique classique, art élitiste venu de la Cour et de la contrainte, en vecteur de parole et de partage n’est pas le dernier paradoxe d’un Ballet extrêmement populaire ! CHRIS BOURGUE

Points de jonction Jean-Charles Gil a dansé sur les plus grandes scènes internationales les grands rôles du répertoire, avant de créer son ballet et sa danse Zibeline : Quel est le projet qui vous tient le plus à coeur ? Jean-Charles Gil : La rencontre de tous les publics, faire que la danse ne soit pas réservée aux seuls initiés, que les garçons dans les collèges ne disent plus : «La danse c’est pas pour nous !». Choisir le bon geste pour être compris de tous et rester modeste. Vous revenez d’une tournée au Maroc. Quels souvenirs en ramenez-vous ? Les jeunes marocains sont très demandeurs et nous avons proposé des répétitions publiques, des ateliers à des danseurs de hip hop. Il y a eu de vraies rencontres dans 4 villes : Meknes, Agadir, Marrakech et Tanger. Un élan pour 2013 ? Je voudrais apporter encore plus à ce public que j’aime, joindre les rives, de Marseille au Maroc et au Liban, et explorer plus avant les thèmes de la femme, l’eau, la Méditerranée. C’est Éric Orsenna qui écrira l’argument du ballet : il a travaillé sur l’eau, et la ponctuation fait déjà danser son discours… C.B. Jean-Charles Gil © X-D.R


VI

SCIENCES

FÊTE DE LA SCIENCE

Tournicompti, fulmicoton ! Zdoiiing ! Votre Zibulon techno-scient fait un saut dans le cahier jeunesse pour vous enchanter du grand manège festif 2009 de la science

Hep ! hep ! hep ! La jeunesse ! À la tête de l’ensemble The Evolution Orchestra, l’incomparable Charly Darwin mènera grand bal aux étoiles. Le brillant Galileo Galilei du groupe Astronomic’s Years portera aux nues les plus riches rythmes spatiotemporels de la fête. Ça va donner dans la rock’n’roll evolution au Galaxy club dans la semaine du 16 au 22 novembre ! Impossible de rendre compte de toutes les manifestations qui graviteront au ciel de cette fête. Vous trouverez le programme exhaustif sur : www.drrtpaca.com et www.fetedelascience.fr Moi, au carrousel des étoiles, je vous invite à cueillir quelques jolis flirts.

Physiciennes Du 17 au 19 novembre au CRDP (31 bd d’Athènes Marseille 13001), de 10h à 18h. Exposition Physique de femmes, dans laquelle 15 physiciennes témoignent de leurs travaux de recherche et de leurs parcours professionnels. Laurence, Valérie, Vanina et Louisa, entre autres, évoquent leurs métiers, leurs choix en matière d’orientation scolaire et, parfois, les stratégies de conciliations entre impératifs professionnels et personnels. On y découvre des métiers scientifiques accessibles après des filières d’études courtes, la place des savoir-faire techniques et de leurs transmissions, «des travaux de paillasse» ou de terrain.

Astronomes L’exposition sur l’astronomie Provence-Alpes-Côte d’Azur, un balcon sur les étoiles, organisée par la Région PACA en collaboration avec l’Observatoire Astronomique de Marseille-Provence (OAMP), ouvre les portes du ciel de Provence en même temps que celles de l’Hôtel de Région. Dans ce cadre, la conférence Les premières galaxies, présentée le 20 novembre à 18h30 par Olivier Le Fèvre, directeur du Laboratoire d’astrophysique de Marseille, apportera ses lumières sur la manière dont les galaxies de plusieurs milliards d’étoiles comme la nôtre, la Voie Lactée, se sont formées. Grande question de l’astrophysique moderne, liée à la question de nos origines ! Les simulations numériques sur ordinateur donnent des indices sur des scénarii possibles, mais la compréhension de cette phase critique dans la vie de l’univers passe nécessairement par des observations concrètes. Des moyens considérables sont déployés pour voir directement l’assemblage de ces premières galaxies et de nouveaux télescopes vont bientôt être mis en service.

cinéscience Papillons (& autres petites bêtes…) en partenariat avec le cinéma Les Lumières. Le 21 novembre à 16h et 17h30 à la médiathèque de l’Alcazar/BMVR Marseille, un cinéscience Astrociné dans le cadre de l’année mondiale de l’astronomie 2009.

Explorateurs

Et pour les aventuriers et les conquérants de l’inutile: avis à tous les chasseurs de trésor ! Partez à la recherche du parchemin disparu et découvrez le mystère de la Spirale ! Il s’agit de la première grande chasse au trésor organisée par les Observatoires de Provence et de Côte d’Azur. Elle est destinée à tous les habitants de PACA. C’est une aventure inédite, offrant la possibilité de découvrir ou re-découvrir la ville et le patrimoine naturel sous un nouveau jour. Un carnet de route à la main, en famille ou entre amis, les participants passeront deux heures inoubliables à explorer les espaces lointains et les temps reculés par des animations originales mêlant patrimoine, astuces et étonnement. Ils récolteront des indices leur perCinéphiles Dans les cadres conjugués de la Fête de la Science mettant de résoudre l’énigme finale et accéder au et du Mois du Film Documentaire, l’association Polly trésor. Dans l’hyper centre de Marseille, tout autour Maggoo programme diverses séances de films en de La Canebière, du Palais Longchamp jusqu’au région PACA, en présence des cinéastes et de cher- Vieux Port, à pied ou en métro, les joueurs partiront cheurs. Le 19 novembre à 20h à Vitrolles, un en quête d’indices sur les traces de Galilée et Darwin. Les rencontres en cours de route seront nombreuses, parfois insolites, et dans chaque lieu d’étape, les joueurs pourront suivre le La tempete © Cie Karnavires fil de leur imagination, tester leur sens de l’observation, déclencher des voix étranges, et décrypter des messages cachés. En suivant leur carnet de route, ils récolteront ainsi des indices leur permettant de résoudre l’énigme et d’accéder au trésor. Le 21 novembre. Départs de 13h30 à 15h30 au rez-de-chaussée du Centre Bourse Inscription gratuite, au préalable, sur le site www.tresorpaca.fr, ou sur place le jour même. Remise des prix à 17h30 Espace Bargemont – Mairie centrale. Spectacle Nuit de Lumière à 18h30 par la compagnie Karnavires place Bargemont. Alors Zibeljeun’S, sois sympa et amène tes parents faire la bringue scientifique! Faut un peu les sortir et tu verras au rock des savoirs, ils peuvent sûrement t’apprendre des passes encore assez acrobatiques. YVES BERCHADSKY


PATRICE LAISNEY

RENCONTRE

VII

Vent debout pour le PôleJeunePublic Début 2010, le PôleJeunePublic du Revest, dans le Var, soufflera ses cinq bougies : l’âge de lever la grand-voile vers Marseille Provence 2013. Rencontre avec son directeur Patrice Laisney à l’aube de cet anniversaire Depuis sa création en 2005, la météo est favorable au PôleJeunePublic qui a accueilli 112 compagnies, programmé 177 spectacles, reçu 100000 spectateurs dont 30900 l’an passé. Un succès qui n’est pas monté à la tête de Patrice Laisney, directeur adjoint de l’association Massalia à qui Toulon Provence Méditerranée a confié la gestion du Pôle : «Je peaufine simplement une programmation à voir en famille et ouverte à toutes les disciplines : théâtre, marionnettes, arts visuels, multimédia, danse, concerts, ciné-concerts avec l’Opéra et Filmharmonia. Et je porte une attention particulière aux écritures spécifiques pour les crèches et les maternelles». Si les spectacles sont pour la plupart accessibles à tous, Patrice Laisney demande à toutes les compagnies de faire le pari d’une séance scolaire minimum car, ainsi accompagnés, «les jeunes sont étonnés par les formes artistiques et la parole qui les interroge». Des jeunes et leurs familles qui viennent des douze communes que compte le vaste territoire de TPM. D’où la nécessité d’être sur le terrain et de partir à la rencontre du public, la clef de la réussite étant dans «les petites pierres apportées chaque saison et la multiplication des projets». Ainsi, en partenariat avec le Forum des musiques actuelles organisé par Tandem, il propose au jeune public de se familiariser aux nouvelles technologies appliquées à la musique. Il participe également aux 1res Rencontres de la jeunesse de Toulon et aux Rencontres artistiques méditerranéennes du Var en qualité de programmateur. Pour la première fois, il sera présent à la Fête du livre de Toulon autour d’un vaste projet couleur slam (spectacles, showcases, contes, scènes ouvertes slam amateurs et professionnels, ateliers d’écriture sur place), temps fort de la saison 2009-2010 et préfiguration de la Biennale 2011 baptisée «Qui sont les enfants du 21e siècle ?». Manifestation qui alimentera à son tour l’édition 2013… En attendant, l’équipe vient de mettre la touche finale à son site Internet, «véritable vitrine du Pôle», conçu comme un lien permanent avec le public, les artistes, les compagnies et les professionnels.

Compagnons et nouveau chantier La compagnie Skappa ! est associée au Pôle depuis ses premiers pas. «Une vraie fidélité» dont se réjouit Patrice Laisney, «heureux et fier» de son Molière 2009

Pinocchio © X-D.R.

du meilleur spectacle jeune public pour sa création IN 1et 2. «Un spectacle pour la toute petite enfance qui s’est construit ici, explique-t-il, qui a été écrit au Pôle et a tourné dans les crèches de la communauté d’agglomération Toulon Provence Méditerranée en 2008». Mais cette résidence est plus vaste encore car Skappa ! s’est vu confier l’aménagement du hall du théâtre, et a initié une rencontre professionnelle avec le célèbre paysagiste Gilles Clément. Quant à sa création 2010, 10 millions de Km2, elle se prépare actuellement sur les hauteurs de Toulon… Autres complicités avec Jean-Pierre Lescot, «l’un des pionniers du théâtre d’ombres», et la compagnie Clandestine qui bénéficie d’une mise en réseau pour tourner à La Valette, La Garde et au Revest. Ou

encore la compagnie italienne Rodisio qui présentera en janvier Storia di una famiglia en V.O. Au-delà de la programmation in situ et hors les murs, le Pôle a entamé une réflexion sur l’accompagnement des jeunes qui, après les spectacles, leur donnerait envie de poursuivre. La constitution de classes Label 2013 à l’occasion de la future biennale, en partenariat avec l’Éducation nationale, est à l’étude : les élèves pourraient intégrer à leur cursus scolaire, pendant trois ans, leurs parcours artistiques et leurs pratiques culturelles… Un nouveau pari pour le Pôle qui a réussi un parcours sans fautes. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Le Petit chaperon rouge © X-D.R

À venir au PôleJeunePublic Chocobelou Abel (concert) 17, 18 et 21 novembre Le Petit chaperon rouge (La Troupe de M. Tchoum) 25 novembre Mon Pinocchio (Cie Phosphène / Jean-Pierre Lescot) 1er, 2, 5 et 6 décembre Père U à la plage (Cie Loreleï) 15 et 16 décembre C’est pas pareil ! (Cie Clandestine) 19 au 22 décembre 04 94 98 12 10 www.polejeunepublic.com


VIII

SPECTACLES CHÂTEAU-ARNOUX | STE-MAXIME | MÔMAIX

Trop t’aimes et t’abuses NOs LIMITes. Spectacle chorégraphique entre danse contemporaine, hip hop et capoeira. Une heure d’alchimie composant, au creuset des souffrances, sensualité et poésie. Aux limites des possibilités humaines, les gestes extrêmes cherchent à discipliner le mouvement d’un monde que l’injustice et la discrimination envahissent. Une danse de résistance de l’amour contre toutes les violences. Un décor planté comme stalag, QHS, banlieue ou psychose. Deux grilles parallèles barrent la scène comme séparation des consciences. Une rampe aux lumières scialytiques. Un tissu sonore croisé de lignes mélodiques contemporaines, de pulsations sérielles… un long cri. Des corps qui s’écorchent au pilori d’une humanité malmenée, maltraitée, méprisée. Au détour de l’écartèlement, de l’affrontement des peurs réciproques, refleurissent les instants d’une infinie tendresse. Renaissance de solidarités. La chorégraphie de Martine Jaussen et Abdenamour Belalit met au service du sens de nos limites les capacités extraordinaires des danseurs de la compagnie Alexandra N’Possee. Il ne s’agit à aucun moment d’une exhibition triviale de perfor-mances. Les exploits physiques époustouflants s’ordonnent comme des notes sur cette grille, qui fait portée gestuelle à la symphonie des corps. Il n’y a pas de limite non plus à l’enthousiasme du

Nos limites © Y. B.

public du Théâtre Durance de Château-Arnoux le 23 octobre. Soulignons d’ailleurs la qualité de l’accueil et des conditions de représentation de ce théâtre. NOs LIMITes non plus le lendemain au Carré Sainte Maxime, avec le même compliment. YVES BERCHADSKY

Livre d’images

L’essentiel est invisible

Bien sûr que le spectacle d’Alwin Nikolais réjouit les enfants : c’est coloré, vif, bien dansé, bourré d’animaux et de formes étranges, de couleurs primaires, d’instants magiques. Sans narration, avec une simple alternance de tableaux thématiques les danseurs, ou plutôt les effets visuels, parviennent à captiver l’attention de tous et à tirer des cris de plaisir et d’admiration. Ce qui est toujours bon à prendre pour la danse, surtout lorsque cela concerne neuf salles pleines au Pavillon Noir ! Même si l’on regrette un peu, au bout du compte sans conte, que rien ne soit raconté. Non qu’on ait forcément besoin d’histoire, mais parce qu’il n’y a pas non plus beaucoup de danse, et encore moins de propos…. The Crystal and the sphere est un peu comme des bulles de savon colorées qui passent : jolies, très jolies même, mais il n’en reste rien lorsqu’elles ont éclaté. Dans les yeux des enfants peut-être ?

Victoria Chaplin nous entraîne dans un monde qui semble ne connaître que les limites infinies des songes. Animaux marins aux mouvements souples, comme agités par la houle, formes étranges, surgies de nulle part, objets qui se transforment en chevaux extraordinaires… poésie, lenteur, ombres qui s’animent… le corps de l’artiste se contorsionne, se coule dans les formes les plus improbables. Un coquillage se déploie en éventail, devient autre. Finesse, légèreté, puissance aérienne du rêve… bestiaire onirique, chatoiement des formes et des couleurs… En contrepoint, d’un regard plus ironique, mutin, Jean-Baptiste Thierrée se joue des codes, détourne les numéros convenus (la séquence jonglage est inénarrable!), les effets attendus (bruitages inconLe Cirque invisible © Brigitte Enguerand grus ou décalés à l’extrême pour évoquer la chute d’objets farfelus), s’attache au pastiche de tableaux célèbres, brise les perspectives en des retournements cocasses. Sa crinière blanche échevelée s’anime. Étonné de ses propres farces, il multiplie lapins et canards sur scène. Et hop ! Les voici tous qui viennent saluer… lesquels sont vrais ? Bonheur de l’illusion… déjà la fin? Le temps s’était suspendu, pour notre émerveillement.

AGNES FRESCHEL

The Crystal and the Sphere a été joué du 15 au 17 oct dans le cadre de Mômaix © Fred Hayes

MARYVONNE COLOMBANI

Le Cirque invisible s’est produit au Grand théâtre de Provence du 22 au 25 oct dans le cadre de Mômaix


LE REVEST | MÔMAIX | LE GYMNASE

SPECTACLES

IX

Les tribulations des Têtes en l’air Le Palais Nibo n’est pas un palais tout à fait comme les autres, et ses pensionnaires non plus. Faut dire qu’à défaut d’or et de vermeil, on y trouve de drôles de zèbres ! Il y a bien sûr Monsieur Loyal qui tente de contenir l’exubérance de sa troupe d’énergumènes et la classique alternance de numéros de cirque et de saynètes ubuesques. Tout cela mené sur un train d’enfer car au Palais Nibo, parole de Monsieur Loyal, «les numéros s’enchaînent comme des bêtes !». On démarre avec un clin d’œil dans le rétroviseur de La Piste aux Étoiles (que les moins 20 ans ne peuvent pas connaître…) et l’on termine par un défilé de mode bestial, toutes griffes dehors. Entre les deux, les artistes jonglent de jeux de mots en jeux de malin, de prouesses techniques en figures décalées. Il y a même un acrobate qui fait le coup du striptease devant un public médusé, mi-figue mi-raisin pour cause de chères têtes blondes ! Heureusement, Blanche-neige est là qui vient le rassurer, sauf qu’elle se transforme en cracheuse de pomme déjantée sur fond de riff rock’n roll. Le public n’est pas au bout de ses surprises avec un mécanicien en salopette jaune qui fait le tour de la terre sur son pneu, un escargot goguenard qui n’a pas froid aux antennes malgré le balancement de sa planche en bois. Deux Pierrots lunaires qui défient les articulations de leurs corps avec une souplesse toute féline tandis qu’une «libellule» danse sur sa corde volante, aussi légère et

© Klair&Sebastien

gracieuse qu’une plume… Pas étonnant quand on s’appelle Les Têtes en l’air et que la folie douce vous donne des ailes dans le dos…

Le Palais Nibo et ses pensionnaires a été joué sous chapiteau à Toulon du 20 oct au 3 nov

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Peau d’Âne désenchantée La nouvelle mise en scène de Caroline Ruiz, fondatrice de l’école de théâtre Un Pied en coulisses, n’a malheureusement pas tenu toutes ses promesses. Créée au Jeu de Paume à Aix, Peau d’âne avait pourtant tous les atouts pour séduire : le conte Peau d'Ane © X-D.R

de Charles Perrault, la musique de Michel Legrand, l’ajout de scènes chorégraphiées, d’effets vidéo et de tours de magie. Mais à trop prendre de liberté avec l’histoire originelle et le texte, le spectacle traîne en longueur (1h20 pour le jeune public, c’est long) et vacille : faiblesse des voix chantées, comique de situation outrancier, rythme en accordéon. Si l’idée d’actualiser ce texte publié en 1694 pouvait faire mouche, les ajouts de Basile Giambattista, Caroline Ruiz et Julien Asselin n’évitent pas la familiarité : pas besoin de s’exclamer «Mamzelle l’ânesse qui pue des fesses!» pour s’attirer la sympathie des enfants… Quant au deuxième acte qui entraîne Peau d’Âne devenue souillon- dans «un cabaret haut en couleur, où les tours de magie sont fameux» plutôt que dans une ferme, le résultat frise le ridicule, et la scène du music-hall est interminable. On retiendra néanmoins la justesse avec laquelle Caroline Ruiz évoque l’hyménée incestueux, subtilement écrit par Perrault, et les images poétiques projetées sur la longue robe blanche de cette jeune vierge déchue sauvée par l’amour d’un prince. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Peau d’Âne a été créé les 6 et 7 nov au Jeu de Paume à Aix dans le cadre de Mômaix À voir au théâtre de l’Eden à Sénas les 26 et 27 nov (04 90 57 79 36) et au théâtre Armand à Salon-de-Provence du 1er au 11 déc (04 90 56 00 82).

Un Cardinal Rich Le Diable Rouge, c’est le Cardinal Mazarin, magistralement interprété par le généreux Claude Rich. La pièce évoque, souvent avec humour, les affaires publiques et privées de Mazarin durant les dernières années de la Régence, renvoyant aussi à l’actualité : «Es-tu naïf, Colbert ? Crois-tu vraiment qu’on pourrait gouverner avec des honnêtes gens ? Hélas ! Pour tenir un pays, il faut aussi des fripons !». Même si certains jeux de mots nous échappent, le texte d’Antoine Rault nous aide à comprendre les enjeux du pouvoir… Pour mettre fin à la guerre contre l’Espagne, Louis XIV (Adrien Melin) doit épouser l’Infante Marie-Thérèse, mais il est fou amoureux de la nièce de son parrain, Marie Mancini (la pétillante Alexandra Ansidei). On aurait préféré un jeu moins appuyé pour montrer leur amour. En revanche Anne d’Autriche, tantôt cruelle, tantôt émouvante, est élégamment interprétée par Béatrice Agenin. On peut regretter que les spectateurs du balcon n’aient pu pleinement profiter de la mise en scène superbe de Christophe Lidon, et surtout des jeux de miroir… Après cette soirée réussie au théâtre du Gymnase, la rencontre improvisée avec les comédiens fut un moment fort pour tous. LEA CHATEL-DESHAYES, MARIEM DIANE, CELIA GBEKAN ET REBECCA MARTIN élèves en 3e option découverte professionnelle des métiers du spectacle au Collège Thiers


X

SPECTACLES MASSALIA

Effroi boréal

Arty Show

En apprenant que le Buchinger’s Boot Marionettes fomentait un spectacle pour le jeune public, on aurait dû se méfier. Un peu comme quand on vous dit que Tim Burton fait un film sur Noël… Leur travail pour les enfants ressemble trait pour trait à ce qu’ils proposent aux adultes : un univers onirique, plutôt côté cauchemars, dans un décor d’où surgissent sans cesse, des endroits les plus inattendus, dessus, dessous, des murs et des trap© Mafalda da Camara pes, toutes sortes de créatures jamais totalement bénéfiques ; de très belles marionnettes fantastiques, articulées ou non, de bois, de chiffon et de fer, de toutes tailles, manipulées à vue par des êtres dissimulés de blanc… Il faut dire que La Puce de neige est un conte du pôle, tout y est neigeux, même l’effroi. Peu importe qu’on comprenne mal l’histoire ; que le montage sonore habile soit parfois relayé par un pauvre synthé ; ou que la manipulation, extrêmement complexe, ne soit pas parfaitement au point : le spectacle, vu à la création, a de quoi se bonifier comme un grand cru. Car lorsque le décor se transforme en costume, la paroi neigeuse en corps vivant qui s’en-fonce dans la glace, les gorges se serrent, l’effroi est là. Comme face à cet homme morse qui se fabrique des glaces aux insectes, des cornets à pattes. Les enfants n’en reviennent pas, et nourrissent leur imaginaire. Jusqu’au bal final des moustiques, joyeux…

Avant l’ingénieux Wouaf ! art, personne n’aurait pu imaginer que la gent canine pouvait conduire à la peinture ! Exceptée Jeannette (irrésistible Guandaline Sagliocco), grande amatrice d’art et amie des bêtes, scotchée à sa petite Fiona comme un fil à la patte. D’ailleurs, ça tombe bien, cette douce folle dingue érudite s’est lancée dans une conférence sur l’histoire de l’art à travers… la place du chien ! Une idée délirante venue du grand nord (le Sagliocco Ensemble est installé en Norvège) qui permet d’initier le jeune public à quelques chefs-d’œuvre avec légèreté. Et drôlerie. On pouvait craindre le pire : monologue rasant, diaporamas poussiéreux, jargon universitaire… Bien au contraire, Wouaf ! art est rythmé, inventif et poétique, servi par une comédienne généreuse, un langage imagé, un fil sonore et musical qui tombe à pic. De Vélasquez à Picasso, en passant par Renoir, Seurat, Warhol ou Jeff Koons, la conférence va très vite déborder du cadre et dériver

vers d’étranges rivages parsemés de gags, d’inventions visuelles et de bruitages, d’effets illusoires. Le tempo est enlevé, millimétré même, pour que les images, les objets et les mouvements composent un «beau» tableau. Surréaliste quand les figures des Ménines disparaissent l’une après l’autre de l’écran, fauviste quand les félins sortent leurs crocs. Pas sûr que les musées se l’arrachent car Wouaf ! art est difficile à classer dans les réserves, sans projecteur et loin de sa niche (euh, de la scène), au risque de japper indéfiniment. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Wouaf ! art a été joué du 10 au 13 novembre au Massalia

Wouaf ! Art © Jorn Steen

AGNES FRESCHEL

La Puce de neige a été créé au Massalia du 3 au 6 novembre

Machine à tambour Pour Camille et Lucie, la figlia et la madre, c’est dans la salle de bains que ça palpite, le matin entre 7 et 8 ou le soir à la même heure. En sortir ou s’en sortir, c’est le même problème à 15 ans ou à 40 en Italie ou ailleurs ! La baignoire est si accueillante, protectrice pour l’une ; inaccessible pour l’autre et justement objet du désir légitime de s’y plonger un peu, pour oublier peut-être que la vie est dure pour une femme à mi-parcours. Lieu clos où l’on se met à nu, où le miroir est un interlocuteur implacable, où le linge sale peut se laver en famille. Bien trouvé, bravo Laura (Forti / auteur), bravo Antonella (Amirante / metteur en scène) ; transparent comme cette baignoireutérus et malin comme ce tuyau de douche avec lequel on communique avec les disparus «pronto mamma» ; pas innocente non plus la béance de la

machine à laver, entrée du labyrinthe où dort le monstre, bocca de la verità. Parfaits, le décor aux couleurs apaisées des années passées, les murs seconde peau tatoués de visages aux grands yeux Mère fille © X-D.R

sortis tout droit des dessins animés japonais... ou s’effeuillent comme un carnet de croquis. Plus convenus, les dialogues, comme si l’universel ne pouvait être atteint que par ce que chacun dit, fait et sait déjà… Rôde le spectre de la «mauvaise mère» qui percute le démon familier de la préadolescente ! Trop fade, trop «en creux» le jeu des actrices au tempo hésitant qui s’attire néanmoins toute la sympathie du spectateur, juste un peu déçu de s’être vu si pâle en ce miroir. MARIE-JO DHO

La compagnie Anteprima a présenté Mère fille au Massalia du 20 au 24 octobre


MASSALIA | LE MERLAN | THÉÂTRE DU TÉTARD

Les riches heures de Massalia

Mon Pinocchio © Pascal Deboffle

En connivence avec l’Officina-atelier de production qui organise le festival Dansem, le Théâtre Massalia invite le jeune public à la découverte de deux univers chorégraphiques. Celui des italiens Federico Tardito et Aldo Rendina qui ont en commun d’avoir travaillé avec Anna Sagna et Raffaella Giordano -artistes régulièrement invités à Dansem- avant de fonder leur propre compagnie Tardito Rendina, et de créer le spectacle Cercle éclaté en 2004. Empruntant au cinéma muet son voca-bulaire humoristique, Cercle

éclaté est une chorégraphie «où s’entrechoquent cirque, théâtre et danse pour dire sim-plement avec beaucoup de poésie toutes nos difficultés à être et à vivre ensemble.» Et celui du duo dansé OHM 1.2 de la compagnie 2b2b, invitation ludique, exploration étrange et sonore signée Laurence Giner, metteur en scène et en espace de corps, de textes et de musiques. Le tout dans un mobilier scénographique qui déclenche les samples… Puis le Théâtre Massalia tire le rideau sur la danse pour accueillir l’un des maîtres du théâtre

d’ombres, Jean-Pierre Lescot (également à l’affiche du PôleJeunePulic au Revest, voir page VII) dans une interprétation toute personnelle de l’œuvre de Carlo Collodi, Pinocchio. Grand classique de la littérature, personnage incontournable pour un marionnettiste, monter Pinocchio a été pour Jean-Pierre Lescot l’occasion de raconter l’histoire d’un enfant pas comme les autres, un enfant «sauvage» qui doit découvrir le monde. Et de passer de l’ombre à la lumière…

SPECTACLES

XI

Le Cercle éclaté Compagnie Tardito Rendina à partir de 12 ans mardi 1er et mercredi 2 décembre 20h OHM 1.2 Compagnie 2b2b à partir de 10 ans mardi 8 décembre et mercredi 9 décembre 20h Mon Pinocchio Compagnie Les Phosphènes à partir de 5 ans samedi 12 décembre 15h et 20h, dimanche 13 et mercredi 16 décembre 15h Spectacles présentés à la Friche Belle de Mai www.theatremassalia.com

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Hip-hop, la rage au corps Avec sa compagnie Grupo de Rua, Bruno Beltrão séduit par sa curiosité chorégraphique pour des zones non répertoriées, entre hip-hop et danse contemporaine, et par la rage des corps à l’énergie électrique. Dans H3, il multiplie les zones de contact, de frottement et de crissement entre duos et trios, et compose un spectacle sans cesse recomposé, en mouvement perpétuel. Si Le Merlan a succombé à cette force venue du Brésil, amplifiée

par ses neuf interprètes, parions que le public aussi, tout âge confondu. M.G.-G.

H3 Bruno Beltrão à partir de 12 ans vendredi 4 décembre 20h30 Le Merlan 04 91 11 19 20 www.merlan.org H3 Bruno Beltrao © Lucie Vangerven

Dans la roulotte de Liouba… P'tites formes pour p'tits bouts © X-D.R

De sa roulotte sort un p’tit bout de femme venue d’ailleurs, Liouba, pétillante et colorée, grande voyageuse et rêveuse. De ses découvertes, elle garde quelques traces : poussière d’étoile, bout d’arc-en-ciel ou grains de sable... Quand la roulotte tourne et retourne en tout sens, des univers poétiques jaillissent où se bousculent danse, objets, tissus, musique. Des p’tites cartes postales en mouvement créées par la comédienne-danseuse Charlotte Smither, des p’tites aventures partagées, des p’tites comptines racontées. Et les bouts d’hommes en raffolent. M.G.-G.

P’tites formes pour P’tits bouts Compagnie Bout d’Ôm de 18 mois à 5 ans mercredi 2, samedi 5 et dimanche 6 décembre 15h Théâtre du Tétard 04 91 47 39 93


XII

SPECTACLES

LE LENCHE | MÔMAIX

Menu de Noël Les minots et marmaille du Panier, et d’ailleurs, seront les bienvenus au théâtre car Le Lenche leur a mitonné un menu de Noël pour cette fin d’année : spectacles de théâtre, danse, musique et séances de cinéma. C’est la fête donc, grâce au Théâtre du Maquis qui présente Une Opérette de salle de bain, petit voyage initiatique dans une baignoire d’un canard en plastique prénommé Archimède. Le hic, c’est qu’il déteste l’eau : alors, comment fera-t-il pour échapper à son destin ? Avec la complicité de Fotokino, le jeune public et leurs familles pourront prendre part à la manifestation Laterna Magica (voir page VI) qui, cette année, évoque le bricolage, le détournement d’objets, le recyclage et autres bidouillages de créateurs… Pour les tout petits, dès 11 mois, la plasticienne et auteur Caroline Tricard raconte comment J’ai marché sur le ciel à partir d’un jeu d’ombres et de transparences : un spectacle sans paroles à découvrir allongé pour mieux perdre pied dans des mondes inversés. Les petits comme les grands retirent leurs chaussures, se lovent par terre, un oreiller au creux de la nuque… Entre ciel et terre, c’est parti ! MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Minots, marmaille & compagnie du 9 décembre au 23 janvier Une Opérette de salle de bain, Théâtre du Maquis à partir de 6 ans mercredi 9 et samedi 12 décembre 15h au Lenche Laterna Magica projection mardi 15 décembre 18h30 au Lacydon

Une Operette de salle de bain © X-D.R.

J’ai marché sur le ciel, Cie Anamorphose à partir de 11 mois samedi 19 décembre 14h30 et 16h30 au Lenche Théâtre Le Lenche 04 91 91 52 22 www.theatredelenche.info

Zut pour de vrai Quel affreux Jojo !

En quatre albums seulement (Chansons pour faire la fête, Zut Zut Zut, Mon œil ! et Blablabus le tout dernier), Zut a su conquérir le jeune public friand de «vrais concerts sur scène». Et de vraies chansons, tendres, drôles ou poétiques qui parlent d’eux et de leur quotidien sur des musiques d’aujourd’hui. Les Concerts d’Aix, variant le tempo de leurs samedis musicaux, invitent donc les cinq musiciens complices à parta-

ger leur credo dans la bonne humeur. Énergie sur vitaminée garantie!

L’auteur et metteur en scène Joël Jouanneau (voir page 63) n’a pas son pareil pour se mettre dans la peau de ses jeunes héros ! Du coup, il n’a eu aucun mal à se reconnaître dans Jojo, tête à claques imaginée par Joseph Danan qui donne du fil à retordre à sa mère au point de devenir une machine à distribuer torgnoles et gifles. Tantôt démonteur d’aspira© Julien Piffaut teur, tantôt fossoyeur d’ours en peluche, Jojo n’en est pas à son premier galop d’essai côté sottises… D’un ton intrépide et burlesque, entre bande dessinée, film muet et cascade de gags, ses petites mésaventures sonnent vrai aux oreilles des petits et des grands. M.G.-G.

M.G.-G.

Zut en concert à partir de 5 ans samedi 28 novembre 17h Théâtre du Jeu de Paume à l’occasion de Mômaix 04 42 99 12 00 www.lestheatres.net

Jojo le récidiviste Joël Jouanneau à partir de 7 ans mardi 8 décembre 19h Théâtre du Jeu de Paume à l’occasion de Mômaix 04 42 99 12 00 www.lestheatres.net


TOULON | BEAUCAIRE | GYPTIS | MARTIGUES

SPECTACLES

XIII

Week-end festif dans le Var On ne le sait peut-être pas assez, mais les 3e Rencontres artistiques méditerranéennes du Var accueilleront à bras ouverts le jeune public dimanche 29 novembre. En effet, s’appuyant sur le PôleJeunePublic du Revest (voir page VII), le Conseil général du Var lui offre l’occasion de se familiariser avec les nouvelles écritures du spectacle vivant. À l’Hôtel du Département, la compagnie Skappa ! s’adresse aux tout jeunes dès 9 mois avec sa pièce de théâtre Uccelini qui, en 30 minutes chrono, raconte comment l’art est «force vitale et mode de vie». Place ensuite à La Petite Compagnie et son spectacle de cirque contemporain, L’œil du voisin, créé et interprété par Michaël Vessereau : l’histoire de Pelo, perdu dans la ville, qui rêve d’un monde où il serait dresseur d’un caniche mégalomane ou danseur de claquettes génial… Changement de tempo avec Les voilà voilà, duo swinguant formé par Cédric Levaire et Marc Brébion qui «sont à la chanson pour enfants ce que les bougies sont au gâteau». Et changement de décor au Crep des Lices pour terminer la journée en compagnie du jongleur à la pointe de la balle, Jérôme Thomas, et du percussionniste Roland Auzet. Une rencontre virtuose en perspective, et d’autres surprises encore dans les rues de Toulon, la veille, animées par une farandole d’artistes. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Uccelini © Cie Skappa ! e

3 Rencontres artistiques méditerranéennes du Var du 26 novembre au 2 décembre à Toulon www.var.fr

Molière époustouflant

L’amour impossible Bête pour la Belle, le conte traite de la différence, des apparences, de l’amour impossible et des préjugés. Une histoire où s’affrontent la richesse malheureuse de la Bête et la pauvreté vertueuse de la Belle. Un conte de fées sans fée, surnaturel. M.G.-G.

La Belle et la Bête William Mesguich et Charlotte Escamez à partir de 6 ans Théâtre Gyptis, Marseille mardi 8 décembre 20h30, mercredi 9 décembre 14h et 14h15 04 91 11 00 91 La Belle et la bete © Theatre de l'Etreinte

Pour William Mesguich et Charlotte Escamez, adapter La Belle et la Bête était comme un rêve à réaliser. À la lumière du film de Jean Cocteau et de la voix de Jean Marais… Ce rêve, le voici, qui met à l’honneur la magie et la beauté du conte, et sa cruauté aussi. Car derrière l’amour vertigineux de la

Théâtre du Casino, Beaucaire vendredi 11 décembre 20h30 04 66 59 26 57

Moliere © Carla Kogelman

Dans chacun de ses spectacles, Neville Tranter manipule des poupées à taille humaine avec un réel talent d’illusionniste, offrant un théâtre très visuel. Molière ne pouvait que l’inspirer et provoquer chez lui l’envie d’inventer son destin, faisant de la mort de l’acteur le début de son histoire : par la magie de ses extravagantes poupées, il le rappelle à la vie, évoque le travail de Jean-Baptiste Poquelin, sa course vers l’amour… Pas d’inquiétude, nul besoin de maîtriser la langue de Shakespeare pour se laisser porter par le Stuffed Puppet Theatre. M.G.-G

Molière Stuffed Puppet Theatre spectacle en anglais surtitré en français jeudi 10 décembre 19h30 Les Salins, Martigues 04 42 49 02 000 www.theatre-des-salins.fr


XIV

SPECTACLES

OUEST PROVENCE | NÎMES | ARLES

Pas de répit dans l’Ouest-Provence Comment Wang-Fô fut sauvé Compagnie Mungo à partir de 8 ans vendredi 20 novembre 18h30 Espace 233 NN, Istres

Il n’y a pas une minute à perdre pour faire son choix quand on habite dans l’Ouest-Provence. Le coup de cœur de l’Espace 233 NN à Istres est un duo pour une comédienne et un dessinateur inspiré d’une nouvelle de Marguerite Duras, Comment Wang-Fô fut sauvé. Sur le plateau, le texte se mêle habilement aux dessins réalisés en direct par Benoît Souverbie et aux marionnettes manipulées avec tendresse et légèreté par Isabelle Bach. À Istres toujours, le Théâtre de l’Olivier réunit deux musiciens et deux comédiens-bruiteurs pour accompagner la projection du célèbre film muet Ali Baba et les quarante voleurs. Une séance de ciné-concert qui fait revivre la magie du cinéma comme au «bon vieux temps» ! Au Théâtre de la Colonne, à Miramas, le Théâtre des 4 mains & Théâtre Froe revisitent l’Avare de Molière avec des marionnettes hideuses et difformes, des musiciens et des acteurs manipulateurs. Déluge de gags et énergie assurés… Mise en scène par Sylviane Fortuny, Abeilles, habillez-moi de vous ! est la nouvelle création de la compagnie Pour ainsi dire. Un texte écrit par Philippe Dorin à la manière d’un vieux conte pour parler de pudeur aux enfants, où les fleurs sont cultivées par les fées et où chaque fleur représente la future robe de bal d’une fée. Une création théâtrale à découvrir au Centre culturel Marcel Pagnol à Fos qui accueillera ensuite le dernier spectacle de la compagnie Clandestine, C’est pas pareil !, dans lequel Ester Bichucher et Denis Fayollat retrouvent leur matériau de prédilection : le papier découpé.

Avaar (l’Avare) Théâtre des 4 mains & Théâtre Froe mardi 24 novembre 20h30 Théâtre de la Colonne, Miramas Abeilles, habillez-moi de vous ! Compagnie Pour Ainsi dire à partir de 7 ans mardi 24 novembre 18h30 C’est pas pareil ! Compagnie Clandestine mercredi 9 décembre 10h et 15h Centre culturel Marcel Pagnol, Fos-surMer Ali Baba et les quarante voleurs Ciné-concert à partir de 6 ans Théâtre de l’Olivier, Istres www.scenesetcines.fr Avaar © Francois De Myttenaere

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

La maison de Pernette Mélimélodrame

La Maison © Laurent Abecassis

Deux danseurs et un poste de radio habitent la maison de Pernette (voir page 26). Jusque là, rien d’étrange. Sauf que les grésillements de la radio et ses multiples changements de fréquence se répercutent immédiatement sur les gestes des interprètes, et réciproquement ! Même leurs gestes les plus élémentaires prennent une dimension surréaliste. Burlesque et rêveur, le ballet chorégraphié par Nathalie Pernette joue de la maladresse des corps et de l’incongruité

des situations pour construire un «intérieur» étonnant.

Le potager d’Agnès Limbos n’a pas une seule fleur fanée depuis qu’elle l’a bêché en 1987 ! C’est vrai qu’elle en prend soin : sous les traits d’une magicienne farfelue, la comédienne, acrobate, Petit pois © Luc d'Haegeleer mime et clown aime ouvrir aux enfants les grilles de son monde miniature, habité par un petit pois égaré dans les volutes d’un chou-fleur. Petit pois, conçu comme un mélimélodrame en cinq tableaux plus inventifs les uns que les autres, déborde d’imagination et de féerie. Il suffit de se laisser envelopper par la rosée du matin pour y croire. M.G.-G.

M.G.-G.

La Maison Compagnie Pernette à partir de 5 ans mercredi 2 décembre 18h30 Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

Petit pois Agnès Limbos, compagnie Gare centrale à partir de 5 ans mercredi 9 décembre 19h Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com


MÔMAIX | FOTOKINO | GAP | BRIANÇON | AVIGNON

SPECTACLES

XV

Les bleus à l’âme d’Oliver Twist Sensible au thème de l’enfance maltraitée récurrent dans ses pièces, Josette Baïz a eu envie de recréer avec dix-sept danseurs du Groupe Grenade, âgés de 8 à 13 ans, le parcours d’Oliver Twist. Ce jeune héros du célèbre roman naturaliste de Charles Dickens dont la vie fut jalonnée de petits bonheurs, de drames et de grandes souffrances… Un parcours initiatique qui, pour Josette Baïz, «révèle de manière grandiose tous les bleus de l’âme qui subsistent en chacun de nous»… Cette fable du XIXe siècle, universelle et toujours actuelle, devrait toucher le cœur des jeunes d’aujourd’hui grâce au regard de la chorégraphe et à l’enthousiasme de ses jeunes interprètes. La première de cette création de Josette Baïz et du Groupe Grenade sera donnée sur la scène du Grand Théâtre de Provence particulièrement propice au décor épuré d’Oliver Twist et à sa tension dramatique. Un événement. M.G.-G.

Oliver Twist Groupe Grenade à partir de 7 ans vendredi 27 novembre 20h30 Grand Théâtre de Provence à l’occasion de Mômaix 04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net

Oliver Twist © Dominique Drillot

Promenons-nous ! La balade du Petit Chaperon rouge s’avérant plus dangereuse que prévue, sa rencontre avec le loup a traumatisé plus d’un jeune lecteur. Heureusement, sa candeur et sa fraîcheur l’ont protégé de tous les dangers, et son amour pour sa grand-mère a attendri toutes les Le Petit Chaperon rouge © X-D.R.

âmes sensibles. Y compris celle de Joël Pommerat qui a décidé d’écrire sa propre version du conte rendant aux personnages leur simplicité et leur vérité. Celle du conte, qui parle bien du danger et du plaisir qu’il y a, pour les filles, à croiser le désir des loups. M.G.-G.

Et patati et papotage Papotages est une leçon d’anatomie dansée, une invitation à découvrir son corps à travers le mouvement et la musique. Tiens, des gazouillis d’oiseaux, un roucoulement nocturne, le bruit des vagues ! Étrange ? Non, pas plus que cet air de tango ou cette chanson de Bob Marley qui font danser Frédérike Unger et Jérôme Ferron. L’un l’autre papotent ensemble naturellement, une jambe par-ci un buste par-là. Pas de quoi s’agiter, leurs corps bavards dévoilent toutes les folles histoires du monde. Même que parfois ils s’amusent et gigotent en tout sens et qu’ils sont amoureux… M.G.-G.

Le Petit Chaperon rouge Joël Pommerat, mes Tiphaine Anne Piffault à partir de 8 ans mercredi 16 décembre 14h30 Théâtre du Chêne noir, Avignon 04 90 82 40 57 www.chenenoir.fr

Chine animée Proposé par Fotokino, le Petit cinéma est le rendez-vous des cinéphiles en herbe chaque premier mercredi du mois à 10h au cinéma les Variétés. Le 2 décembre, trois courts métrages venus de Chine, Attendons demain de Hu Xiaonghua, Les Singes vont à la pêche de Shen Zuwei et Le Petit singe turbulent de Hu Jingqing. Trois histoires issues des studios de Shanghai, imaginées dans la tradition de la peinture chinoise et du théâtre d’ombres.

Cette séance, proposée dans le cadre de Laterna Magica, sera précédée d’un atelier «Singes de papier» et suivie d’un apéro-sirop chinois. Le film sera rediffusé l’après-midi du 5 décembre et le dimanche 6 en matinée. A. G.

Le Petit cinéma à partir de 3 ans 09 50 38 41 68 http://fotokino.org

Papotages Compagnie Étant donné à partir de 7 ans mercredi 9 décembre 19h La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 samedi 12 décembre 19h Le Cadran, Briançon 04 92 25 52 52 Papotages © Cie Etant donne


XVI

REGARDS

CRDP | ENTRE TRADITION ET MODERNITÉ | ALCAZAR

Un festival en partage

© M-Line

Échanger, questionner, comprendre et s’ouvrir à l’autre, tel est l’objectif du festival Entre tradition et modernité que l’Alternative Positive organise à Marseille durant la Semaine de la solidarité internationale. Un temps de pause -comme une respirationà vivre en famille car les jeunes citoyens ont leur programme spécifique. D’un côté «Le coin des enfants», mercredi 18 novembre, avec «Quatre

ateliers pour cinq continents» encadrés par les enseignants et assistants de l’école primaire Parc Bellevue (contes des cinq continents, maquillage Maori, coiffe indienne et coloriage Sioux Lakotas), suivis d’une visite guidée de l’exposition photographique Enfants des cinq continents de Véra Tür. Chaque série se concluant par la projection du court métrage Si le monde était un village de 100 personnes réalisé par Justine Simon avec les enfants du centre social Val Plan Bégudes. Samedi 21 novembre, les enfants découvriront la création théâtrale collective de la compagnie Pachamama, Paroles de jeunes ou le rêve des anciens, puis écouteront Irénée Karfazo Domboue et ses Contes du pays des hommes intègres. Les adolescents ne sont pas en reste avec le documentaire Nikiéma, d’une Rive à l’Autre, projeté en présence des enseignants et des élèves du lycée René Gosse qui retracent leur voyage au cœur de l’Afrique et de la vieillesse… Autant de rencontres fertiles en perspective.

Collodi, Rodari, Calvino…, mais encore ? Pour mieux connaître le paysage de la littérature jeunesse en Italie, rendez-vous jeudi 3 décembre à l’Alcazar-BMVR de Marseille pour une journée de rencontre, d’information et d’échange. Avec Anselmo Roveda, rédacteur de la revue Andersen, qui dressera un panorama de la littérature de jeunesse en Italie, Marcia Corraini et Paolo Cesari qui donneront leurs points de vue d’éditeurs, l’auteur Silvana Gandolfi et l’illustrateur Roberto Innocenti qui témoigneront de leur art.

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

M.G.-G.

La littérature al dente

04 91 55 91 17 Festival Entre tradition et modernité Association Alternative Positive Collège Izzo et Théâtre la Baleine Qui Dit «Vagues» jusqu’au 22 novembre www.alternative-positive.org

Ressourcez-les ! Le Centre Régional de Documentation Pédagogique de Marseille est bien connu des enseignants. Mais ses ressources, ouvertes à tous, devraient également intéresser les lycéens, et les parents ! La Librairie d’Athènes contient des ouvrages pédagogiques, mais aussi des livres disques, des livres d’art, d’archi, des documentaires, des pièces sonores, des dvd de théâtre, des cd historiques… un trésor pour qui veut offrir, à tous les enfants et ados de son entourage, un peu d’intelligence et de culture. À Digne, Gap et Avignon, les librairies des CRDP accueillent également le public, et tous les ouvrages édités par le réseau des centres pédagogiques (Scérén) y sont disponibles directement ou sur commande. Précieux également, pour ceux qui veulent préparer leurs ados au théâtre : les dossiers pédagogiques, téléchargeables en totalité ou par parties, aérés, illustrés, précis, donnent les informations culturelles nécessaires pour comprendre les spectacles, et bien audelà : tout ce qui peut être appris d’une œuvre, de son auteur, de ses personnages, de l’histoire et de l’Histoire qui l’a vu naître est exposé en un dossier épais, érudit, pas toujours franchement attrayant mais à tous les coups abordable. Le CRDP de l’Académie d’Aix Marseille

éditant 26 de ces 91 publications nationales, nombre des pièces que l’on peut voir dans la région font l’objet de dossiers pédagogiques : La Nuit des rois, Médée, Philoctète, Yaacoubi et Leidental, Questo Buio feroce qui passent cette saison à La Criée, mais aussi Un tramway nommé désir, ou les Brèves de comptoir qui seront au Gymnase, Casimir et Caroline aux Salins et pour les plus jeunes le Peter Pan d’Alexis Moati (Gymnase et Istres), Le Bourgeois gentilhomme de Philippe Car (Le Revest, Port-deBouc, Aubagne), Abeilles habillez-moi de vous de Dorin (Fos, Le Revest, le Massalia), les Contes de Grimm d’Olivier Py (le Gymnase, Les Salins). Pour leur donner des clefs, quand vous aurez ouvert la porte… A.F.

Pièce (dé)montée Dossiers pédagogiques www.crdp-aix-marseille.fr


LIVRES

XVII

Adolescence entravée Le rapport Stein est un étrange livre qui nous plonge dans l’Espagne franquiste des années 60. Le narrateur, un adolescent d’une quinzaine d’années, fréquente un collège jésuite à la discipline de fer. Il vit depuis 3 ans avec ses grands-parents et reçoit régulièrement des cartes postales de ses parents, perpétuellement en voyage. Pas de sorties, peu de distractions, à part les visites hebdomadaires de quelques relations et du frère de sa grand-mère. La vie est aussi triste que la couleur «plumes de perdrix» des vêtements tricotés main dans les familles, l’enseignement des jésuites est insipide et le cours de philosophie consiste surtout à mettre les élèves en garde contre les idées de Hegel, le diable ! Et voilà que survient sur sa belle bicyclette armoiriée le blond Guillermo Stein aux vêtements colorés. Déchaînement de convoitise, de jalousie ! Notre narrateur ébloui va devenir son ami, rencontrer sa soeur... Mais

le mystère règne et les autres élèves enquêtent. On découvrira les dessous sombres de la guerre civile d’Espagne et les raisons des voyages du père. Espionnage, trahison, turpitudes fascistes. Les phrases très longues, les répétitions et une abondance de coordinations font parfois entendre le texte comme une sorte de litanie : malgré l’âge du narrateur, de jeunes lecteurs peuvent avoir des difficultés pour comprendre les rouages, mais l’atmosphère de ces années de plomb nous étreint. CHRIS BOURGUE

Le rapport Stein Jose Carlo Llop Ed. Jacqueline Chambon, 13,80 euros sélectionné pour le Prix littéraire des lycéens et des apprentis de PACA

La vie est un roman La série fantastique de Le Tendre et Biancarelli, Le livre des destins, illustre cette formule dans un récit haut en couleurs et en péripéties. Le scénariste Le Tendre à qui on doit, entre autres, La Quête de l’Oiseau du Temps, dessinée par Loisel, est coutumier de ces histoires à rebondissements multiples et à sauts stupéfiants dans un espace-temps distordu. Quant à Franck Biancarelli, le dessinateur, qui vit à Marseille, il s’est aisément coulé dans son univers pour ce Livre des destins, dont le 3e épisode est paru il y a quelques semaines. La BD met en scène un jeune homme au prénom prédestiné, fou de récits d’aventures et de personnages fictifs. Roman Guénodon préfère largement passer sa vie dans les romans d’action que dans une réalité qui a de quoi effrayer : l’action débute dans les années 30 ; l’élection d’Hitler à la chancellerie du Reich est imminente. Dans ce contexte troublé, Roman se voit proposer un livre magique, qui révèle son futur à celui qui le lit. Cet ouvrage extraordinaire attise les convoitises et c’est le premier pas, point de départ d’une série de courses-poursuites et d’aventures haletantes qui vont propulser le doux

rêveur dans une réalité encore plus rocambolesque que celle que vivent ses héros de papier. Le 3e tome, Silverman, complique encore la donne avec la mise en abyme du scénario : 2 histoires menées en parallèle et qui se font écho. De Berlin, où Roman, désormais doté de super pouvoirs grâce à sa métamorphose mais cerné d’affreux nazis, cherche à récupérer le livre, à New York où 2 jeunes auteurs de BD courent après le succès en dessinant ses aventures… L’épisode se conclut sur la réplique sagace de 2 comparses : «la vie de notre petit Français est en train de devenir un véritable feuilleton.» C’est sans doute ce qui peut arriver de mieux au jeune homme, se muer en héros de fiction. Et pas n’importe lequel… mais, chut ! À suivre… La bande dessinée, artistement mise en scène et colorisée, est une ode à la littérature d’évasion, aux super héros américains et aux délices de la lecture. À conseiller toutefois à de bons lecteurs adolescents, la complexité de l’intrigue risquant de rebuter les plus jeunes. FRED ROBERT

L’apprentissage Il a 45 ans, pour 110 kilos de muscles, et il fait partie de ceux qui sont passés à côté de l’école. Il a, dit-il avec lucidité, «la tête en friche». Germain Chazes se raconte à la première personne. Pourquoi a-t-il décidé «d’adopter Marguerite» ? Qui est-elle d’ailleurs ? Comment a-t-il découvert ce «truc nouveau», les «obligations familiales» ? C’est ce qu’il explique peu à peu. Car le personnage dont chacun se moque recèle des trésors de sensibilité. En jachère, son esprit s’éveille progressivement, et ce n’est pas si simple : la volonté ne sert pas à grand-chose si les clés ne sont pas données ! La découverte du dictionnaire est magnifique. À quoi sert un dictionnaire, par exemple, si l’on ne connaît pas l’orthographe des mots que l’on cherche ? Qu’est-ce qui va pousser notre illettré à découvrir le

plaisir de la lecture, changeant radicalement son appréhension du monde ? Humour et poésie se mêlent dans un récit vivant et attachant qui s’ancre totalement dans le quotidien. Un ton d’une remarquable justesse, et une quatrième de couverture qui dénonce avec humour les «mots à coucher dehors» de la critique littéraire. Cette histoire d’une rencontre avec les mots est si belle qu’elle deviendra un film en 2010, réalisé par Jean Becker ! MARYVONNE COLOMBANI

La tête en friche Marie-Sabine Roger Ed. du Rouergue (collection La Brune) 16,50 euros

Le Livre des Destins scénario Le Tendre, dessin Biancarelli t.1 : Le premier pas, t.2 : La métamorphose, t.3 : Silverman. Ed. Soleil


XVIII

LIVRES

COLLECTION TOTHÈME | LIRE ENSEMBLE | TOULON

De Shrek à Hugues Capet Gallimard Jeunesse lance une nouvelle collection de livres documentaires pour jeunes adolescents : les 9/12 ans sont le cœur de cible, mais étant donnée la facture des ouvrages, ils pourront être feuilletés jusqu’à 15 ans… Les quatre premiers volumes (L’Environnement, Le Moyen-âge, L’Automobile, Les Religions) choisissent des thèmes qui parlent aux ados, pour les séduire, puis les amener à changer leur approche de ces domaines familiers. Cela s’appelle donc Tothème, jeu de mots qui dit bien l’esprit de la collection, ludique et transversale : il s’agit de partir des représentations des jeunes, glanées ça et là sur les écrans et dans les fictions, pour les amener vers une connaissance réelle, qui fasse le lien entre leur culture, le livre et l’école. Attractifs sans être racoleurs, les livres sont rectangulaires mais arrondis aux angles, ajourés, aérés, équipés de rabats pratiques, et illustrés d’une iconographie parfois savante et documentaire, parfois fantaisiste et créative : de Shrek aux enluminures médiévales, avec juste ce qu’il faut pour faire comprendre le Moyen Âge à des enfants curieux. Le livre sur l’automobile, par exemple, décline en 60 parties le nom des champions, des marques et des circuits, mais s’attache surtout à aborder l’histoire

industrielle, le Taylorisme, la Ford T, les conséquences dans nos vies de ce véhicule somme toute récent. Il démonte aussi le marketing, la publicité liés à cette activité devenue essentielle, donne quelques leçons de mécanique théorique et appliquée… Et il pourra intéresser les filles comme les garçons, à l’âge de leur cloisonnement selon des centres d’intérêt qui sont censés définir leur identité sexuelle. Le volume sur les religions, même s’il s’en tient aux monothéismes (dommage pour les 800 000 bouddhistes français) donnera également à tous les ados une vision globale de ce qui les lie et les différencie dans leurs pratiques et leurs croyances. En s’attachant à des personnages clefs, des événements historiques, mais aussi des rites, des traditions et interdits alimentaires, des lieux de culte, ce volume permet à tous les ados, y compris les athées, d’entrer dans la culture de l’autre, et de mieux connaître la leur, en empruntant la voie qu’ils ont choisie : les renvois d’une rubrique à l’autre sont constants, et chacun peut y construire un parcours de lecture actif… Cette collection vient donc à point nommé permettre d’offrir à tous les enfants qui n’aiment lire que sur Internet le moyen d’entrer dans des livres… sans

L’environnement Jean-Baptiste de Panafieu 13,90 euros Gallimard Jeunesse

Les religions Sandrine Mirza 13,90 euros Gallimard Jeunesse

tomber dans les caricatures rose et bleue sur les poneys, les tutus, le maquillage, les super héros ou le sport. Même si le prochain volume sera consacré au football, il y a peu de chances que l’approche en soit simplificatrice ! AGNES FRESCHEL

Collection Tothème Gallimard Jeunesse

Lire gourmand À la Fête du Livre de Toulon, les jeunes eux aussi ont «soif de lire !». Pour preu-ves les nombreux rendez-vous qui ponctuent le week-end, entre dédicaces-rencontres, contes, marionnettes et animations ludiques. Démarrage en fanfare vendredi 20 novembre à 14h30 avec la remise du Prix des collégiens attribué à l’un des romans de littérature jeunesse sélectionnés : Le chagrin du roi mort de Jean-Claude Mourlevat

(Gallimard jeunesse), Chasseur d’orages d’Elise Fontenaille (Le Rouergue jeunesse) et À la poursuite de l’Olgoî-Khorkhoï d’Alexandre Moix (Plon jeunesse). Samedi 21 et dimanche 22 novembre, le jeune public pourra assister aux concerts de Robinson et Abel, aux spectacles Les secrets de la B.D. par Alain Ayme, écouter le conte Taptap le loup par Leila Derwiche et les Contes dits du bout des doigts. À quelques pas,

l’Hôtel des arts organise des «ateliers enfants et familles» autour des arts de la table (le potager idéal, le repas de familial…) tandis que les associations Équinoxe et Écrit Plume proposent des ateliers d’écriture sur le thème «La sensibilité culinaire au service d’autres nourritures».

«Soif de lire», 13e Fête du Livre de Toulon 20, 21 et 22 novembre www.var.fr

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Le masque et les plumes ! Une bouteille à la mer est le thème du nouveau concours de nouvelles Lire Ensemble 2010 organisé pour les jeunes par Agglopole Provence et les bibliothécaires des dix-sept communes concernées. Cette cinquième édition se déroulera du 16 au 30 avril 2010, mais les écrivains en herbe peuvent d’ores et déjà plancher sur leurs manuscrits, peaufiner leur prose avant la dernière ligne droite. Ou plutôt la dernière vague car les collégiens et les lycéens sont invités à envoyer leur texte dans une bouteille en plastique «customisée» à leur goût ! Une manière de faire d’une pierre trois ricochets : plaisir de la lecture, découverte des «affres» de l’écriture et éducation citoyenne. En effet, Agglopole Provence lance simultanément une grande campagne de sensibilisation sur le recyclage des déchets et, notamment, des bouteilles et flacons en plastique… Lire Ensemble ayant pour objectif «d’encourager la pratique de la lecture et de l’écriture et la fréquentation des bibliothèques, librairies, lieux culturels divers», les

adultes sont aussi concernés par cet espace d’expression libre à condition qu’ils laissent courir leur imagination autour du thème Voyageurs en Méditerranée. Enfin, pour la première fois, Lire Ensemble propose aux enseignants des écoles primaires et des grandes sections de maternelles qui le souhaitent d’écrire avec leurs élèves un texte court sur des cartes postales réalisées à partir de matériau de récupération. Cartes postales, bouteilles à la mer, Grande Bleue : quoi de plus romanesque ? MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Lire Ensemble 2010 Date limite d’envoi des textes : 15 mars 2010 www.agglopole-provence.fr




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