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du 17/12/09 au 21/01/10 | un gratuit qui se lit
Marion Rampal : Own Virago
e s s ne e u l e j b r ha e i c h a t a c dĂŠ
Politique culturelle Rencontres culturelles du Var Musée Borély, Musée de la faïence
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Théâtre La Friche, Le Massalia, Théâtre Nono La Criée Les Bernardines, le Toursky, les Salins Avignon, Aix, Martigues, Arles, Nîmes Les Bernardines, le Gyptis, le Merlan, la Criée Le Lenche, la Criée, la Minoterie, le Massalia Cavaillon, Rousset, Simiane, Salon, Martigues Au programme
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Danse La Minoterie, MOD, Dansem, les Bernardines Istres, Pavillon noir, Gymnase, BNM, Toulon Au programme
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Cirque/Arts de la rue Sirènes et midi net, Toursky, Istres, Grasse, GTP
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Arts visuels Musée d’art contemporain, Passage de l’art Paradigme, la Fabrique sensible, Où sont les enfants ? Galerie Vincent Bercker, la Non-Maison Saint-Cyr-sur-Mer, Apt Au programme
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Cinéma AFLAM, Festival Tous Courts Les Rendez-vous d’Annie Stella, ICI, Portrait de Laurent Lafran
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Musique Concerts Disques
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Livres Arts, Littérature Toulon, la Destrousse Cité du Livre, au programme Ecrimed, Héropolis, Rencontres littéraires
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Philosophie Les Rencontres d’Averroès Entretien avec Raphaël Granvaud Entretien avec Alain Guyard
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Histoire Echange et diffusion des savoirs, ABD, les Hébreux
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Sciences Forum régional de culture scientifique et technique
ZIBELINE JEUNESSE Événements Amarelles, Drôles de noëls Activités Le Merlan, la Cité du Livre Le musée des Alpilles, Laterna Magica Spectacles Au programme Mômaix, le Merlan, Fos-sur-Mer Le Lenche, le Gyptis, GTP Le Massalia, le Merlan, Ste-Maxime, Le Revest Aix-en-Provence, Cavaillon
Livres
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III IV V VI VII VIII IX X XI XII à XV
Emballages et correspondances Emballant ! Cette fin d’année culturelle s’est révélée, après une rentrée sacrément triste, pleine de très bonnes surprises ! Des créations passionnantes, des spectacles et des concerts bouleversants, des rencontres émoustillantes pour tous les esprits curieux, et rêveurs… Certains sont encore sur nos scènes, et les auteurs, artistes et musiciens croisés nous ont laissé leurs livres, leurs œuvres, leur voix, enregistrés. Et si vous offriez pour Noël à vos proches de partager avec vous ces plaisirs ? Car la fête se profile toujours identique, avec ses emballages étalés. Dans les boutiques enluminées de guirlandes on vend des vêtements pour empaqueter les corps, des bijoux pour les orner, des appareils pour communiquer des mess@ges, et d’autres pour lire les ℮-textes, les images et les sons™ numé®iques. Dans une ténébreuse et profonde unité, les parfums, les ©ouleurs et les sons se répondent, dirait l’autre. Et s’enclosent sous des papiers pré-pliés pour emballer plus vite, et des étiquettes préencollées, des vœux pré-écrits, pour ajouter encore autour en une couche ultime. Les ©adeaux que l’on déballe comme des oignons se réduisent souvent à leur pelure. Une fois effeuillés il n’en reste que le souvenir, et cette effervescence un peu écœurante d’ouvrir, de consommer l’inutile. Ce qui ne définit pas le luxe, mais le vain. Pour sortir de la vacuité ambiante offrez des livres. De la musique, des instruments, des tableaux. Des plaisirs immédiats même, des chocolats. Des places de spectacles, des moments de cinéma que vous partagerez avec vos proches, des classiques que vous aimez et qu’ils ne savent pas. Des voyages qui raviront leur esprit vers des horizons nouveaux. Des objets inattendus qu’ils devront apprivoiser. Du temps avec eux, pour les y aider. Peut-être certains feront-ils la moue ? Qu’importe, vous leur aurez offert un peu de vous-mêmes, et non la satisfaction immédiate d’un ℮-désir commun. Pas des emballages mais la solidité d’un lien. AGNÈS FRESCHEL
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RENCONTRES MÉDITERRANÉENNES DU VAR
POLITIQUE CULTURELLE
Déferlante varoise La Fête du livre, les Rencontres artistiques méditerranéenne du Var, Constellations : du 20 novembre au 12 décembre, le Conseil général du Var a mené un train d’enfer aux associations varoises et à ses partenaires. De quoi faire mentir ceux qui pensaient qu’il ne se passait jamais rien dans le 83 ! Et le public, dans tout ça ? On le sait, la palme d’or revient à la Fête du livre avec 52 000 visiteurs le temps d’un week-end quand le public des Rencontres, du fait de leur thématique (Les nouvelles écritures du spectacle vivant, de l’identité à la modernité) et de leur durée (7 jours), est moins quantifiable, de nombreux spectacles se déroulant dans l’espace public. Pour la petite dernière, Constellations, la communication ayant du retard à l’allumage, Kubilai Khan Investigations a dû compter sur ses seules forces d’attraction. De cette grande déferlante, on retiendra des images fortes, des sensations de plaisir et des échanges nourriciers. D’abord et par deux fois, l’incomparable Transports exceptionnels offert par le chorégraphe Dominique Boivin aux passants du quai du Port, saisis de vertige par la performance d’un danseur (P. Priasso) et d’un conducteur d’engin (E. Lamy) en prise avec les forces animales d’une pelleteuse. Dans un registre plus intime, l’Ensemble des Équilibres (Agnès Pyka, Maire Laurence Rocca) a fait entendre à une foule intergénérationnelle des œuvres de Luciano Berio : un pari audacieux -et réussi- sous le regard des
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chronies ; d’autre part le langage universel de Léonard Bernstein chanté avec bonheur par le Chœur de l’Opéra. Il y eut aussi la journée «jeune public» du mercredi et les spectacles de rue en familles le dimanche… Entre ces rendez-vous festifs, les Rencontres ont été émaillées de débats entre les nombreux acteurs culturels associés, du Var et des Bouches-duRhône, qui ont mis en partage leurs expériences, croisé leurs projets et pointé leurs interrogations. Pour la seule journée consacrée aux «Aspects du théâtre contemporain», les participants ont pu expérimenter la méthode dite de «l’exercice des vagues» de la metteur en scène Catherine Marnas en l’intégrant dans leurs pratiques personnelles ; se nourrir à la source de l’histoire du théâtre contemporain en écoutant Michel Corvin «tutoyer» Beckett, Handke, Régy, Adamov dont il connaît la moindre tirade. Et encore Joseph Danan, dramaturge et auteur, qui s’interrogeait à voix haute : «Peutêtre que le théâtre peut nous redonner foi en ce monde», paraphrasant Gilles Deleuze à propos du cinéma… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Les Rencontres artistiques méditerranéennes du Var se sont déroulées du 26 novembre au 2 décembre dans 6 lieux de Toulon
Transports exceptionnels © Jean-Louis Fernandez
photographies de Jeanloup Sieff accrochées à la Maison de la photographie. Musical toujours, le programme proposé au foyer Campra à l’Opéra de TPM a permis non seulement de (re)découvrir l’une des plus belles salles d’opéra de la région, mais de se frotter
à deux univers mélodiques diamétralement opposés. D’une part la musique de tables de Thierry de Mey (que les amateurs d’Anne Teresa de Keersmaeker connaissent bien) et la trichromie de Yoshihisa Taïra servis admirablement par l’Ensemble Poly-
La chambre des Aïta Madame Plaza est une salle de cabaret, le plus vieux de Marrakech. Une chambre sans âge à laquelle la chorégraphe Bouchra Ouizguen ne donne formes ni couleurs. Une réalité nue, sans fard ni voiles, sans parures ni parfum. Seulement trois sofas sur lesquels se reposent quatre femmes échouées là, presque par hasard. On ne connaîtra rien de plus de leur histoire, on sait seulement que la compagnie Anania rend ici hommage aux Aïta, «ces chanteuses de cabaret, dépositaires à la fois d’un art venu du fond des temps et de l’histoire récente du Maroc». Dans un silence pesant, les corps se meuvent à la vitesse d’une infusion de menthe, poses alanguies, têtes renversées, pieds en l’air, ondulations imperceptibles… Quand soudain l’une d’entre elles danse à la vitesse d’un éclair : les corps cabossés lâchent leur énergie contenue, dos-à-dos, en équilibre, au sol. Les chants s’élèvent, rauques, les rires se déploient. Une vague profonde les soulève dans un cri collectif, une secousse tellurique ; d’un corps à l’autre la danse, le chant se répandent. Le quartet parfois se disjoint
tantôt fait bloc, chacune cherchant à s’échapper de ce cabaret clos que seule l’intrusion d’un homme (subterfuge du déguisement) pourrait entrouvrir : désirs, domination masculine, sensualité à fleur de peau… Il suffit qu’un complet veston blanc pointe le bout de sa braguette pour semer le chaos, la discorde, bousculer l’ordre établi. Jusqu’à ce que les tensions s’apaisent à nouveau et que les corps, adoucis, se rencontrent une fois encore. Depuis sa création au festival Montpellier Danse 2009 et son passage au théâtre d’Arles, Madame Plaza divise le public entre inconditionnels heureux et détracteurs interloqués qui se demandent après-coup ce qu’ils sont venus faire dans ce cabaret… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Madame Plaza a été présenté par le CNCDC Châteauvallon aux Rencontres artistiques méditerranéennes du Var le 1er décembre
Correction Lors notre enquête du mois dernier, les chiffres communiqués par la Criée quant à leur subvention de la Ville dépassaient de 200 000 euros ceux que nous avions relevés dans les délibérations (1 million d’euros au lieu des 800 000). En fait, la Criée, fort honnête, y ajoutait la mise à disposition des lieux par la Ville (c’est-àdire une somme estimée qu’elle ne touche pas), ce que les autres théâtres ne faisaient pas (honnêtement aussi d’ailleurs). Elle ne reçoit donc pas 4 millions de subventions, mais 3,8 millions. A.F.
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POLITIQUE CULTURELLE
MUSÉE BORÉLY | MUSÉE DE LA FAÏENCE
Le projet Borély
Château Borély © Ville de Marseille
Le constat est fait depuis des années : les musées de Marseille, qui possèdent des fonds riches, divers et étonnants, manquent cruellement de grands lieux d’exposition susceptibles de les mettre en valeur pour le public… Cela est particulièrement vrai pour les collections muséales relevant des arts décoratifs : depuis la fermeture il y a plus de 20 ans du musée Borély, elles végètent dans des caisses ou sont disséminées qui au Musée de la faïence, qui au Musée de la mode… Restaurer enfin le magnifique Château Borély, écrin XVIIIe au cœur du plus beau parc de Marseille, tourné vers la mer, pas trop excentré, paraît donc une évidente bonne idée ! D’autant que le projet est cohérent : s’appuyant sur le potentiel naturel du Parc, son légendaire Pavillon du Lac qui devra rouvrir, son musée botanique avec lequel des passerelles seront établies, l’ensemble muséal de Borély obéira aux impératifs des grands projets. Les collections des musées de la faïence, de la mode et des arts décoratifs y seront réunies en un parcours historique éclairant sur la culture provençale, l’histoire artisanale et industrielle de Marseille, et l’histoire du goût et de l’art de vivre. Du XVIIe au XXe siècle les objets, meubles, tissus, vaisselle, vêtements Château Borély © Ville de Marseille
trouveront un cadre qui leur répond, puisque les salles du rez-de-chaussée et du premier étage sont en cours de restauration, et que celles du dernier étage, très abimées par la pluie, accueilleront dans un décor plus neutre les collections contemporaines. La Ville de Marseille veut concrétiser ce grand projet en 2012, et répondre par ces collections essentiellement provençales à celles du MuCEM, à vocation
plus universelle. Le château est d’ores en déjà en restauration, et les vêtements et tissus du musée de la mode prêts à se déplier enfin -les expositions temporaires sur la Canebière ne donnent qu’une toute petite idée de la richesse de ce fonds. Le musée sera animé par des ateliers pour enfants et pour adultes, autour des savoir-faire et des techniques artisanales, mais aussi d’un apprentissage du regard. Et les collections s’enrichiront de commandes à des artistes, confirmant ainsi que la culture provençale n’est pas figée sur un glorieux passé et un folklorisme. Un projet essentiel pour Marseille qui a toujours peiné à affirmer son statut de capitale provençale dans une région qui, depuis l’antiquité, lui a toujours préféré des villes plus bourgeoises. Mais il est impératif que ce musée de civilisation, essentiel, soit complété par un grand projet de musée artistique : s’il est bon que la culture provençale soit assumée par les Marseillais ils ne sauraient s’y réduire. Marseille est aujourd’hui à la mode et redevient une destination touristique : elle mérite enfin un musée d’art qui présente dignement les collections contemporaines, modernes, romantiques et classiques qui dorment actuellement dans les réserves ! AGNES FRESCHEL
Ce que nous dit la vaisselle ! Faites-vous partie de ces visiteurs de musées qui, lorsqu’ils arrivent dans les salles aux vitrines pleines d’ustensiles d’usage courant, passent rapidement pour aller s’attarder devant les statues et tableaux de maîtres ? La conception moderne et occidentale de l’art nous a appris à admirer les œuvres signées qui nous ouvrent à un sentiment esthétique… mais ne sont pas la seule voie pour appréhender une culture. Le musée de la faïence est relativement peu fréquenté des Marseillais. Situé au cœur d’un parc davantage connu pour ses écureuils et ses poneys que pour ses collections, il recèle pourtant des trésors que 15000 visiteurs annuels découvrent chaque année sur les trois niveaux du château Pastré : 1500 pièces, remarquables pour certaines, nous racontent une histoire. Celle des faïenciers marseillais qui, dès la fin du XVIIe siècle, ont parfait une technique spécifique: le petit feu, qui permet en cuisant l’émail à diverses basses températures de varier les couleurs obtenues, et de sortir des décors bleu cobalt qui ornent la plupart des faïences grand feu. La faïence marseillaise, puis celle de Moustier et d’Apt, est donc particulière : on y trouve de grandes pièces, des décors historiés, de véritables tableaux, et des motifs extrêmement variés, depuis les décors floraux, les poissons et guirlandes, jusqu’à des scènes de genre, champêtres ou mythologiques…
Musée de la faïence © Ville de Marseille
Mais le musée ne se réduit pas à ces objets emblématiques de la richesse d’un art de vivre bourgeois : des pièces de Théodore Deck réunies en une magnifique vitrine témoignent de l’art de la couleur et du motif du plus grand des céramistes ; au dernier étage des pièces art nouveau côtoient des créations contemporaines en verre, en grès, des animaux fantastiques, grotesques, des bibelots d’inanité lumineuse… Une collection d’arts du feu à visiter, avant ou après le pique-nique, et en attendant son emménagement à Borély ! A.F.
Musée de la Faïence 04 91 72 43 47 Ouvert du mardi au dimanche de 10 h à 17h
LA FRICHE | LE MASSALIA | THÉÂTRE NONO THÉÂTRE 07 Les étudiants du BTS Design de Communication du Lycée Marie Curie (Marseille) rendent compte de leur soirée avec la Compagnie Parnas…
Quand l’imagination s’invite à table
© Agnès Mellon
Accueil aussi chaleureux que surprenant, lustres de cristal, accessoires à vue, hop, nous voici embarqués pour la traversée (trop courte, hélas, on en aurait bien goûté un peu plus encore !) de quelques délires de notre Espèce fabulatrice. C’est le texte éponyme de Nancy Huston qui a donné à la Cie Parnas l’idée de ce banquet fabulateur auquel cinq comédiens nous convient avec élégance et fantaisie. Un florilège de grands noms du théâtre (Shakespeare, Tchekhov, Sophocle, Rostand, Racine…) se tisse avec fluidité et en musique. On se réjouit d’écouter se répondre tragédies et comédies dans un festival de répliques célèbres. Le tout servi par une mise en scène atypique qui met en contact le spectateur et l’acteur. Pour ce voyage inspiré du banquet platonicien, nous sommes installés à la même table que les comédiens et partageons avec eux vin, fruits et discours. Ils sont tous fabuleux aux deux sens du terme ! Leurs mots, leurs gestes et leur jeu, excellent, nous ouvrent les portes d’une fantastique épopée à travers l’imagination car comme
Entre adultes consentis
le disait Romain Gary, et c’est une phrase qu’ils répètent, «rien n’est humain qui n’aspire à l’imaginaire.» Puisque l’homme passe sa vie à la jouer, puisqu’il est un animal fabulateur, autant lui laisser la parole. C’est ce qu’ils ont fait l’autre soir à La Friche, avec talent, et nous les remercions du beau moment de théâtre qu’ils nous ont offert. MANDY COLLURAT, MARION BERTHIER ET D’AUTRES ÉTUDIANTES
Le Banquet fabulateur, création collective de la Cie Parnas, mes Catherine Marnas, est représenté à la Friche Belle de Mai jusqu’au 18 décembre 04 91 64 41 90 www.parnas.fr
Tableaux de genre
L’idée est excellente : le cabaret des NoNos réunit des spectateurs dans une ambiance conviviale autour de chants de Noël dévoyés, entrecoupés de textes érotiques contemporains. Il repose sur des commandes à des auteurs, et sur une théâtralisation minimale : voix, micros, chaises, sapins… et talent. On peut regretter que les comédiens chantent si faux -les trois musiciens n’en peuvent mais, et Gregori Miege au milieu cherche à rattraper sans cesse Marion Coutris qui démarre à n’importe quelle hauteur, Serge Noyelle qui se bat contre le rythme, et tous qui détonnent… Cela gâche vraiment les passages musicaux, par ailleurs remarquablement choisis, et arrangés. Mais les textes sont un régal : L’ascenseur de Marion Coutris, narré par un homme (Patrice Pujol) mais visiblement écrit par une femme observatrice, et séductrice, est un régal de drôlerie, coquin à souhait. Le récit d’Eugène Durif sonne dur, pas érotique pour un brin même si débordant de sexe, scandé par une voix intérieure animée d’un élan morbide, remarquablement écrit, et dit comme on se noie, sans autre effet qu’un halètement, par un Gregori Miege impressionnant. Le roman d’un travesti écrit et dit par Serge Noyelle est plus banal, mais son invitée québécoise, France Arbour, offre un moment de théâtre exceptionnel : le texte de Yann Bienvenue, qui exhibe avec fracas la sexualité d’une vieille femme dans sa maison de retraite, est un monument de drôlerie féroce et la comédienne, la seule qui joue vraiment, sans texte et debout, soulève un tonnerre fracassant d’applaudissements. Ne serait-ce que pour ce moment ce cabaret érotique vaut le voyage jusqu’au Nono théâtre ! AGNES FRESCHEL
Les contes érotiques de Noël ont lieu tous les soirs jusqu’au 18 déc. 04 91 75 64 59 www.theatre-nono.com © Cordula Treml
© Christophe Raynaud de Lage
Côte d’Azur est un spectacle à la scénographie étonnante : enfermés dehors, les spectateurs tournent autour pour apercevoir, par des meurtrières que les comédiens ouvrent ou ferment, les actions qui se passent sur l’îlot peuplé d’une humanité marginale, comme figée dans des années 70 qui auraient été ravagées par la guerre. Humiliations, violences et exactions se succèdent, saupoudrés d’un certain burlesque, d’un rire saugrenu et de beaucoup de désespoir. C’est très beau par moments, par tableaux, même si cela manque un peu de rythme, surtout quand les (mauvaises) plages musicales s’éternisent. Quant à la fin les murs s’ouvrent laissant passer les affreux habitants de l’îlot vers la lumière, l’extérieur, notre espace, on comprend la raison du malaise: le dispositif, qui fait penser à Disneyland, nous a placés en position de voyeurs avides, et de consommateurs de violence ordinaire. Cette ouverture crève l’écran. A.F.
Côte d’Azur, du Théâtre de la Mezzanine, a été créé au Massalia du 19 au 28 nov
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THÉÂTRE
LA CRIÉE
Usurpateur, faux-semblants et aliénés
Macbeth © Christiane Robin
La Nuit des rois © Agnès Mellon
La saison de la Criée a (enfin !) commencé, dans la petite salle, par une énorme frustration : sur les 6000 spectateurs qui avaient réservé leurs places seuls 800 ont pu voir la création de Jean-Louis Benoit ! Report d’autant plus regrettable que cette Nuit des Rois, conçue comme un grand spectacle, allait mal à cette salle exigüe qui nous plongeait le nez dans un décor fait pour être vu à distance. Les comédiens, en revanche, avaient remarquablement adapté leur jeu à une intimité fort peu naturelle à cette grande comédie Shakespearienne : les jeux de doubles, de faux-semblants, de dévoilement et de travestissements s’étaient adaptés à l’échelle… En revanche lorsqu’ils faisaient semblant de jouer du piano les spectateurs, le nez sur le clavier, trouvaient la simulation assez ridicule… et le parlé chanté des comédiens n’était pas très juste: on a vu Jean-Louis Benoit avoir l’oreille plus musicale. Mais il avait la tête ailleurs sans doute, ce que l’on comprend ; de ce naufrage en ses murs il a réussi à sauver, avec les personnages revenus de leur tempête, quelques beaux moments de théâtre : les nobles sont subtils, habités, gracieux, et les valets et ivrognes sont extraordinaires. Jean-Pol Dubois en bas jaune est d’une merveilleuse grandiloquence tremblotante. Quant à Dominique Valadié elle invente un fou patenté, philosophe sophiste du renversement et du syllogisme, absolument inédit… lent et sans malice… étonnant ! Il ne reste plus qu’à exiger TRÈS HAUT que cette Nuit revienne dans la grande salle pour laquelle elle a été conçue… On ne peut envisager sérieusement une vie culturelle régionale sans notre Centre Dramatique National !
fait la preuve, une fois de plus, que nos (relativement) jeunes metteurs en scène ont du talent, même s’ils n’ont ni lieu ni conventionnement. Macbeth n’échappe pas à l’académisme contemporain des metteurs en scène branchés (la définition serait longue, mais en gros cet académisme repose sur quatre piliers cardinaux dont tous les metteurs en scène de moins de quarante ans usent avec l’illusion d’être ainsi d’avant-garde : du rock très fort en guise de rythme, des micros sur pied, une mise à poil partielle vers les deux tiers du spectacle et de la vidéo, sur écrans multiples). Mais si Angela Konrad use de tous ces moyens ils sont loin de faire l’essentiel de son discours : celui-ci repose sur une vision fine et approfondie des personnages, une très belle approche de la langue de Shakespeare, une compréhension très intime de la dramaturgie de Müller (son Macbeth a du Himmler en lui et son roi Duncan, sanguinaire, est plus proche de la vérité historique). Elle pose, sans appuyer ses effets, son Macbeth dans un contexte de monde dévoyé, qui extermine le
peuple, aime la chair et le meurtre. Elle souligne la difficulté d’incarner ces monstres en inventant une belle rupture, drôle, saine, douloureuse, empruntée à Vilar. Elle dynamite le lyrisme de la langue shakespearienne -fondé dans Macbeth sur une fascination du meurtre- non en s’en débarrassant à contretemps, mais en le doublant d’une scansion rythmique à la batterie. Frédéric Poinceau, en Macbeth/Hamlet dépassé par les gestes qu’il commet mais n’assume pas, est très convaincant. Fabrice Michel, en Duncan, puis en Macduff et en psychanalyste, est épatant. Un vrai grand plaisir de théâtre donc, malgré les tics !
Hystérique Le roi de Racine est tout aussi inquiétant, même si la mise en scène de Renaud Marie Leblanc désigne l’hystérique fille de Minos comme mère de tous les maux. On a déjà dit dans Zib’ 24 tout le bien qu’on pense de cette Phèdre, intelligente, épurée comme son classicisme, reposant sur une vraie lecture du texte, et des comédiens inspirés. Enfermant ses personnages dans un univers blanc, capitonné, psychiatrique, il laisse le spectateur goûter à la sublime rigidité de la langue racinienne, et à la profondeur de la psyché tragique. Des forces obscures, mauvaises comme l’inconscient, rigides comme son surmoi, s’attachent à détruire la femme hystérique possédée par son désir, jouet de sa jouissance, nue et comme violée par son propre meurtre. Le Roi quant à lui revient des enfers, maudit, détruit, s’acharne, refuse de croire son fils éploré, tandis que le jeune Prince s’enorgueillit d’être sans affect, et avoue son amour comme on confesse un crime (tiens un alexandrin). Tous sont pervers, jusqu’à Aricie amoureuse du fils de son tortionnaire, jusqu’aux serviteurs qui les poussent au parjure. Car les humains n’y sont que les jouets de dieux injustes, que Renaud Marie Leblanc traduit en forces intérieures agissantes, manipulateurs furi-ieux de leurs psychés malades. Décidément les metteurs en scène de la région ont du talent ! AGNES FRESCHEL
La Nuit des Rois a été créé à la Criée du 20 au 29 nov., Macbeth a été joué du 2 au 6 déc., Phèdre est jouée jusqu’au 19 déc. 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com
Tyrans Une autre manière de Shakespeare, dans la petite salle toujours… mais conçu pour cela! Le Macbeth de Heiner Müller mis en scène par Angela Konrad
Phèdre © Marc Ginot
TOURSKY | BERNARDINES | MARTIGUES
Contre la Tyrannie La version de Lorenzaccio d’Antoine Bourseiller, réduite à 1h40, garde toute la puissance de la pièce : l’intrigue, certes resserrée, s’articule essentiellement sur l’idéal républicain de Lorenzo de Médicis, et la vanité de son crime, puisque le nouveau Duc ne vaudra pas mieux qu’Alexandre. Manque sans doute à ce choix la dimension du caractère sourdement passionné et désespéré à la fois, romantique de fait, du personnage principal. La comédie qu’il joue est en revanche bien orchestrée : dans ce décor minimal toute la mise en scène repose sur le pari de l’illusion théâtrale, ombre et lumière permettent entrées et sorties, danse dynamique où chaque nouvelle scène prend son élan aux sources de ce qui précède. La troupe rassemblée ici est jeune et talentueuse. Invention, rapidité, sens des ressorts comiques aussi, le texte est joué avec intelligence, jusque dans les nuances. Ces jeunes comédiens savent faire partager leur fraîcheur et leur plaisir du texte au public venu nombreux (la salle est toujours comble). Quelques moments mimés, la mort de Lorenzaccio et le rire diabolique de Côme de Médicis qui sous un discours
THÉÂTRE
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Compassion
lénifiant cache un caractère aussi fourbe que son prédécesseur, permettent de rendre sensible le pessimisme de la pièce. Les choix musicaux sont judicieux, ainsi l’Ave Verum sur le meurtre de Lorenzo, victime expiatoire. Les 11 et 12 déc étaient données au Toursky les 43 et 44e représentations de cette mise en scène : le Toursky, en accueillant dans une salle pleine ce spectacle qui a tourné sur les plus grandes scènes belges, et récemment au Théâtre National de Nice, fait une fois de plus la démonstration que sa programmation n’a rien de piteux… MARYVONNE COLOMBANI
Lorenzaccio a été joué les 11 et 12 déc au Toursky
© Pan Sok
Tant que ce texte tourne sur les scènes il faut aller le voir, et le programmer encore. On sait que Guy Cassiers a du talent : ses mises en scènes programmées aux Salins ou à Avignon opèrent une synthèse remarquable entre un théâtre visuel et technologique très contemporain, et un amour du texte et du jeu qui se perd souvent chez les adeptes de la vidéo et des voix amplifiées. Chez Cassiers pas de déperdition, l’adoption des processus d’enregistrements n’entraîne pas l’abandon du verbe.
© Nancy Touranche
Si six sœurs Il y a (oui, c’est comme ça) Olga, Macha et Irina ; tous les autres aussi, oui ils y sont tous et c’est très beau, osons le mot. On pourrait s’arrêter là sans trahir l’esprit ou la manière de Iouri Pogrebnitchko maître de jeu du théâtre Okolo de Moscou, fermement posé dans la chapelle des Bernardines : parois métalliques, table et chaises nues, mais rideaux de dentelles et piano droit obligé, poutre de bois que l’on déplace avec respect (survivante d’autres spectacles, pilier d’un temple shinto ou simple Vanité qui nous rappelle à l’ordre de la mort ?) ; un filin tendu sur le devant de la scène scinde le regard en haut et bas, quelques galets blancs limitent l’espace et là-dedans, loin dedans et loin de Moscou, tout est théâtre. Nous sommes dans la remise à calèches © Viktor Pouchkin de Stanislavsky (humilité du sanctuaire) et des fantômes bien vifs jouent les Trois sœurs en connaisseurs! D’ailleurs des sœurs il y en a six pour cause de retour (voir la poutre), mais cela ne trouble en rien la sérénité du déroulement : acteurs lumineux, rayonnants de jeunesse ou d’intériorité, gestes élégants, d’une précision saisissante, les pieds, les mains, les yeux on ne sait plus où regarder, pourtant ils bougent à peine, juste ce qu’il faut pour que tout soit dit ; sous la raideur des redingotes militaires frémit la blancheur des robes ou la fluidité d’un costume qui se prêtera volontiers à la danse ; musicalité de la langue (on ne s’en lasse pas) et musiques éternelles (on pourrait s’en lasser mais la vie est si courte..) accompagnent des surtitres qu’on lâche assez vite ; on connaît la fin... mais non, au milieu des saluts éclate l’âme russe de Charles Aznavour qui met définitivement tout ça en haut -très haut- de l’affiche ! MARIE-JO DHO
Les Trois Sœurs a été donné aux Bernardines du 10 au 13 déc
Il y a cependant dans Rouge Décanté quelque chose de plus grand encore que dans ses autres mises en scène : le texte de Jeroen Brouwers remue en nous les sentiments les plus profonds d’empathie, de douleur pour la plaie de l’autre, de réelle compassion. Sentiment rare, et qui vient peu à peu : Dirk Roof-thooft, acteur prodigieux, le maintient longtemps à distance en effaçant sa voix, et en se blottissant derrière des écrans, des dégoûts, des pilules. Sans qu’il devienne sympathique donc, la douleur de l’enfant qu’il fut, confronté à l’inhumanité des ennemis, puis à la déshumanisation de sa mère, devient palpable. Dans la salle, chez le spectateur assis juste à côté de vous et qui comme vous retient ses larmes parce qu’il a mal pour cet enfant, et pour toutes les victimes des génocides du monde. A.F.
Rouge Décanté a été joué aux Salins le 27 nov
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THÉÂTRE
AVIGNON | AIX | MARTIGUES | ARLES
Che Guevara, icône romantique et canon «On va déballer les incertitudes et imprécisions sur le Che», entend-on en ouverture de la dernière création de Gérard Gélas. Pousser l’icône de tee-shirt dans ses contradictions à partir du texte de José Pablo Feinmann, qui met en perspective le monde actuel et l’œuvre du révolutionnaire marxiste. Humaniste ou monstre sanguinaire ? Icône de papier ou mythe historique ? On se retrouve lors de cette dernière nuit du 9 octobre 1967, dans une école perdue en Bolivie où fut exécuté le symbole de l’anticapitalisme, pour écouter ce face à face entre le guérillero interprété par Olivier Sitruk, impeccable (et canon, avouons-le), et un journaliste, Andrès Cabreira, admirablement densifié par Jacques Frantz. S’entame un huis clos historique, en accéléré, opposant la violence des armes et celle des idées. «Il n’y a pas de juste milieu dans la vie d’un révolutionnaire», se défend l’Argentin, ventoline au poing, qui s’humanise petit à petit devant le constat d’échec annoncé. Le spectacle soulève la question de la violence politique, et malgré le postulat de déboulonner la starification du Che, les clichés demeurent : cigare, béret, mitraillettes, croix de lumière… Les seconds rôles restent anecdotiques face au duo d’acteurs qui s’affronte. Le Che apparaît comme un humain entêté qui a perdu son idéal, une figure christique pétrie de philosophie et sacrifiée pour construire une société d’hommes libres. Son statut d’icône perdure, absolument. Évidemment. DELPHINE MICHELANGELI
Ernesto Che Guevara, la dernière nuit s’est joué au Théâtre du Chêne Noir (Avignon) du 20 au 29 nov © Manuel Pascual
Le regard de l’autre Tout enfant cherche à être aimé, aimé par ses parents d’abord. Pour cela il peut se transformer en singe savant, guetter l’approbation qui signifie qu’on l’aime… Pour plaire à sa mère le petit Guillaume s’efforce de ressembler à une fille, celle que sa mère n’a pas eue mais souhaite si fort, du moins le croit-il… L’enfant se fait acteur, à tel point que sa famille se persuade de son homosexualité, l’enferme dans ce rôle sans se soucier de sa réalité. Guillaume et les garçons à table ! est une phrase-titre programmatique... Le spectacle rend compte d’une quête de soi, d’une essence profonde qui permette de se démarquer du regard d’autrui, pour devenir adulte et susciter un nouveau regard… Guillaume Gallienne nous livre cette tranche de vie dans un spectacle où il évoque sur scène tous ses personnages intérieurs, avec un remarquable art du détail. Une attitude, une intonation particulière, suffisent à marquer un caractère : un roulement de r et voici la grand-mère russe ; épaules dédaigneuses, dos un peu raide, c’est la mère qui apparaît ; la moue ironique, le psychiatre militaire qui réforme, résigné, le jeune bègue ; quelques pas de Sévillane et Paqui, l’hôtesse
© Pacôme Poirier
espagnole si drôle, apparaît... Car si le sujet abordé est délicat, le traitement théâtral en est magistralement enlevé. Pas un seul temps mort dans ce spectacle réjouissant. Même le Misanthrope de Molière s’y slame, en une confession à la fois intime et comique. Très réussie. MARYVONNE COLOMBANI
Guillaume et les garçons, à table ! a été joué au Jeu de Paume (Aix) du 1er au 5 déc et aux Salins (Martigues) le 8 déc.
Oui à la vie-chair ! Des ogres et des lutins, probablement une princesse, vous et moi, tous à la table du banquet volubile où le coup de langue fait mouche et métaphysique à la fois... C’est de La Chair de L’Homme que Valère Novarina a tiré son Repas, adaptation pour la scène des premières pages de cette œuvre gigantesque, épique et diaboliquement lyrique. Le jeune metteur en scène Thomas Quillardet s’y attaque par la voie du burlesque et d’une gentille tradition de l’action partagée : deux rangées de spectateurs sur scène amenés à se démener, les autres en face assis bien sages mais tous adoubés dès l’entrée, nommés, intronisés convives du grand festin, vous et moi donc, Jean Gobe Tout ou Mastiqueuse d’Ombre. Autour de la grande de table de verre (art de la cène, ne pas oublier le poisson rouge au centre inlassablement muet), les tableaux, vignettes, chansons et folies douces se succèdent ou s’entrecroisent dans un désordre maîtrisé, au gré de la profération jubilatoire des
acteurs au travail. Si le rythme est impeccable jusqu’à la trop étirée et fragmentée scène de bal qui suspend inutilement le temps, si la gestuelle frénétise ou poétise à bon escient, la diction (terme bien raide dans cet univers de totale liberté), moins généreuse, rogne un peu sur l’audible. Pas bien grave sans doute car on entend fort bien par les yeux le Défécateur en majesté qui traverse la scène sur son trône à roulettes ou les Gesticulateurs dégommés comme dans un jeu vidéo dès la sortie de l’abri ; la rime en -eur agit comme un ressort dramaturgique et fait bondir dans l’au-delà du portique tout détenteur du suffixe ! Bravo à vous qui avez compris, avec Montaigne et Rabelais, que banqueter c’est apprendre à mourir! MARIE-JO DHO
Le Repas a été donné (pris ?) au Théâtre Vitez (Aix) le 2 déc et au Théâtre d’Arles le 10 déc
Richard II, un non roi mortel ! Le Festival d’Avignon reprend le fil de ses rencontres publiques pour dévoiler, goutte à goutte, la programmation de la 64e édition, dont Christoph Marthaler et Olivier Cadiot sont les artistes associés. Le metteur en scène Jean-Baptiste Sastre se frottera pour la 1re fois à Shakespeare avec la Tragédie du roi Richard II, créée 63 ans plus tôt par Vilar. L’écrivain Frédéric Boyer signe une nouvelle traduction. «Je veux faire entendre cette œuvre de langage moderne de façon plus rapide, directe, brutale en interprétant différemment la traduction habituelle, trop académique et romantique». La scénographie est confiée au plasticien Sarkis, «un chaman» pour Sastre, qui s’imprègne totalement des 1001 œuvres de son atelier/cerveau. Nourrie de toute cette matière, de poésie, de peinture, la distribution réunira des corps hauts en voix et en talents. Denis Podalydès, dans le rôle du souverain déchu pour actes
de tyrannie, incarnera ce non roi devenu mortel, à l’instar du roi Lear, entraîné dans la folie. Pascal Bongard (Bullingbrook), Nathalie Richard (la reine) et l’écrivain Pierre Michon (Jean de Gaunt) complèteront le tableau. Sastre, émancipé de Claude Régy, éprouve une vraie nécessité de mettre en scène cette pièce à la Cour d’Honneur. «Sans faire le malin, je veux rendre hommage au théâtre, avec un angle différent sur ce poème. Nous n’en ferons pas un roi faible qui abdique. Le roi comédien du Christ, c’est fini avec Richard II». Un poème revisité par une famille «d’affinités électives» pour sortir des clichés sur l’incarnation du pouvoir. DE.M
La rencontre publique du Festival In a eu lieu le 25 novembre à la salle Benoit XII
ARLES | NÎMES
THÉÂTRE
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Gros mots
La Menace © X-D.R
La menace est partout présente dans notre société, distillée quotidiennement dans les média, dans les émissions de télé… Partant de cette constatation, la chorégraphe montpelliéraine Anne Lopez et sa compagnie Les Gens du quai créent une joyeuse et extravagante parodie de journal télévisé et d’émission trash dans lesquels les danseurs sont tour à tour journalistes d’investigations, invitée vedette, techniciens et citoyens victimes potentielles des dérives de l’information. Dansés et joués, les tableaux alternent avec une rapidité folle, montent et démontent les mécanismes de la manipulation médiatique quitte à installer une confusion qui brouille légèrement le propos. Heureusement le rire salvateur n’est pas loin qui éloigne les peurs et permet l’oxygénation des esprits prisonniers d’images et propos anxiogènes… Après la menace, la Paranoïa, autre délire dû cette fois au texte du dramaturge Argentin Rafael Spregelburd mis en scène par Marcial Di Fonzo Bo et Elise Vigier. Dans un futur indéterminé qui reprend les codes et les images d’une science fiction clichée (vêtements
blancs, immaculés), un groupe de terriens hétéroclite «invité» à Piriapolis, en Uruguay, est sommé de créer une fiction originale que les Intelligences -entité extraterrestre invisible mais très présente qui régit l’univers- n’aurait pas déjà ingéré. Pour sauver le monde. Autant dire que l’écrivaine à succès Julia Gay Morrison, Claus, astronaute, Hagen, mathématicien, et Béatrice, robot ancienne génération à la mémoire corrompue (Pierre Maillet est simplement désopilant) ont fort à faire. Tout se joue alors entre création et fantasme, tout s’entrecroise entre une vraie-fausse réalité qui se déroule sur scène, et la fiction projetée sur écran, délire hystérique de nos créateurs improbables. L’image n’est pas ici décorative, loin s’en faut, ni simplement illustrative : les deux langages se complètent et créent une forme hybride, à l’image du personnage principal de la fiction, Brenda, mi-miss Venezuela, mi-monstre. La déconstruction des mécanismes de fiction fonctionne, mais prend le risque de perdre en route les spectateurs immergés dans une machinerie qui laisse finalement peu de place à l’imaginaire et au délire tant attendu. Dommage… DOMINIQUE MARÇON
La Menace était programmé à l’Odéon les 19 et 20 nov La Paranoïa a été joué les 26 et 27 nov au Théâtre de Nîmes
La Paranoïa © X-D.R
Humour cinglant
Sacrifices © Herve Kielwasser
Dès les premiers mots, prononcés dos au public, la verve de Nouara Naghouche fait mouche. Le ton est cinglant : un frère invective sa sœur qui a voulu échapper à son mari lors de la nuit de noce, suite à un mariage forcé. Autant dire que le rire ne vient pas tout de suite, et il ne sera pas systématique, loin s’en faut. C’est que le propos n’est pas humoristique, et c’est là tout le sel de ce spectacle surprenant: la révolte qui habite Nouara Naghouche, Alsacienne d’origine Algérienne, a pour nom injustice, de celle qui touche les femmes et les enfants et qu’elle met en scène, forçant si peu le trait lors de situations pourtant violentes. Sa force est son humour, mordant, noir, désespéré parfois, qui sauve in extremis le récit. Et puis parfois la parole se fait intime, confidente, désarçonnante, lors de récits courts et percutants qui enfoncent encore un peu plus le clou. Par petites touches Nouara Naghouche distille ses (propres ?) histoires avec beaucoup d’amour et de tendresse, avec pudeur aussi. DO.M.
Sacrifices a été joué au Théâtre d’Arles le 27 nov
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THÉÂTRE
BERNARDINES | GYPTIS | MERLAN | CRIÉE
Pippo est là
Mo © Mathieu Lorry-Dupuy
Après un automne de festivals, voici venue la 2e saison des Bernardines, Un hiver de fidélités. Jolie formule pour englober les 5 spectacles que le théâtre propose de décembre à mars. Dans ou hors les murs, produits ou coproduits, ils ont en commun de laisser l’espace et la parole à des créateurs et à des compagnies que l’équipe des Bernardines aime et soutient depuis longtemps. Après Youri Pogrebnitchko et sa troupe moscovite du théâtre Okolo, place à Alain Béhar et à la Cie Quasi, pour Mô, un spectacle qui vient d’être créé à Sète et sera donné à Marseille du 16 au 19 décembre. Une fiction sur la pensée, une tentative de rendre perceptible «la vapeur dans la tête de cet homme», de ce Mô (Moi sans i ?) dans le cerveau duquel le spec-
tateur est convié à entrer, grâce à un dispositif sonore et visuel sophistiqué, afin de parvenir à ce que Béhar nomme «une sorte de lâcher prise», une «vibration entre sensible et intelligible», une «chose poétique». Un OTNI (Objet Théâtral Non Identifié) sans aucun doute… En janvier, place aux dames. Du 14 au 24, Marie Vayssière présentera son Tartarin raconté aux Pieds Nickelés ou la réunion d’un bavard et d’un trio de malfaiteurs. Au héros de Daudet, avec son Orient de pacotille, ses rêves de chasse au lion et son discours colonialiste, la metteuse en scène a eu envie de renvoyer le trio cocasse et dérangeant, dans une création-bricolage qu’elle espère aussi extravagante que cette rencontre improbable. Puis, on pourra aller au Merlan voir France do Brazil d’Eva Doumbia avant d’assister au «spectacle de foire gastronomique» de la Cie L’Art de Vivre, mis en scène par Yves Favrega. La grande comestible, une revue loufoque pour partager l’idée de l’excès et faire l’éloge de la liberté de penser. On le voit, aux Bernardines, même en hiver, il y a de quoi faire. FRED ROBERT
Un hiver de fidélités, aux Bernardines, de décembre à mars 04 91 24 30 40 www.theatre-bernardines.org Tartarin raconté aux Pieds Nickelés sera aussi joué au Théâtre Vitez le 27 janv.
Tragédie vraiment grecque Trois Grecs s’allient pour créer à Marseille une nouvelle tragédie… sur un sujet antique bien sûr, mais d’une actualité évidente. Hypatie d’Alexandrie est un magnifique personnage historique. Mathématicienne, érudite et philosophe, elle était surtout une femme libre qui enseignait à ses disciples (masculins) et fut massacrée, véritablement lacérée, par les chrétiens au IVe siècle, pour s’être opposée à la destruction des livres païens. Figure volontairement rejetée de l’histoire occidentale (Nicée parle de ses «dons sataniques» qui «ensorcèlent»), elle réapparaît pourtant récemment chez Umberto Eco ou Hugo Pratt… Pan Vouyoucas, auteur grec québécois, a écrit une tra-
gédie qu’Andonis Vouyoucas a voulu mettre en scène. Il a demandé au compositeur contemporain Alexandros Markeas d’en faire la musique. Une grande production, avec danseurs, musiciens et comédiens, pour une approche contemporaine héritée de la tragédie antique. A.F.
Hypatie ou la Mémoire des hommes Théâtre Gyptis Du 19 janv au 6 fev 04 91 11 00 91 www.theatregyptis.com
La Menzogna © Jean-Louis-Fernandez
1 temps, 3 mouvements
Vous l’attendez ? il sera là. L’histoire de Pippo Delbono à Marseille est fondée sur une frustration. Pendant des années personne ne l’a programmé, puis le Merlan en vagabondages (trop peu de places !) et dans ses murs (un seul spectacle !). Il fallait pour les Marseillais aller le voir aux Salins, à Istres, ou à Avignon lors du festival. Aussi chacun se réjouissait de l’accueil conjoint de la Criée et du Merlan, qui allait permettre grâce à un véritable cycle de quatre spectacles de connaître vraiment l’œuvre de ce metteur en scène dont chacun parle avec émotion… Bon, nouvel aléa : la grande salle de la Criée reste close en janvier. Heureusement les portes du Gymnase s’ouvrent pour accueillir les représentations des trois spectacles qui devaient avoir lieu dans la grande salle, tandis que Enrico V sera joué comme prévu au Merlan (du 9 au 11 janvier). Ce cycle programmé conjointement permettra de connaître réellement l’œuvre variée et atypique de Pippo Delbono, qui sera présent pour plusieurs rencontres, projections et conférences autour de son travail. En effet, si Enrico V est sa seule œuvre écrite à partir d’une pièce (Henri V de Shakespeare), La Menzogna, sa dernière création (du 14 au 16 janv), pourrait s’apparenter à du théâtre documentaire, quoique très émotionnel (le mensonge est celui des industriels de Thyssen Krupp après l’incendie de l’usine de Turin). Son solo Récits de juin (le 5 janv) montre avec éclat ses talents de tribun, et son art de la diatribe, tandis que Questo Buio Feroce, où il met en scène ses comédiens particuliers, est un immense chant lyrique de douleur et de confiance dans l’humanité (6 et 7 janv). Quatre dramaturgies particulières, pour un théâtre singulier, fondé sur une féroce volonté d’atteindre les affects du public en d’immenses catharsis larmoyantes communes… AGNES FRESCHEL
Salle de répétition : à la table : Andonis Vouyoucas, metteur en scène, et Marine Chastenet, son assistante sur la scène : Philippe Séjourné (rôle de Cyrille) et Martin Kamoun (rôle de Jean) © A. Grisoni
Pippo Delbono Du 5 au 16 janvier 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com 04 91 11 19 20 www.merlan.org Attention : les représentations prévues à la Criée se dérouleront aux mêmes dates et aux mêmes horaires au Théâtre du Gymnase
Fabuler À la Minoterie on continue d’accueillir des spectacles en création des compagnies de notre région : c’est l’inénarrable Mazzuchini qui revient galéjer du Valletti, et cette fois ci il parait que c’est drôlement drôle, ses mensonges qu’il fait semblant de prendre pour du vrai. Même si vous avez été déçu par le précédent, allez-y voir, le bonhomme a du talent : cela s’appelle Mythomane, et c’est du 19 au 23 janv… Avant cela il y aura Massimo Schuster et ses marionnettes africaines en bois peint, pour une adaptation de Shakespeare, Othello et Iago (du 7 au 10 janv). La Minoterie 04 91 90 07 94 www.minoterie.org
Raconter À la Criée aussi, du Valletti. Dans la petite salle forcément, l’autre restant close pour l’heure. Gilbert Rouvière y monte un texte génial qu’on y a vu déjà il y a quelques années, avec Marc Betton. Là c’est Lionnel Astier qui s’y colle, à cette parole de Valletti qui, © X-D.R
peut-être parce qu’il s’agit d’un récit et non de théâtre, n’a jamais été aussi labile. Les anecdotes s’enchaînent, s’enchaînent, nous perdent, se retrouvent. Et l’on comprend physiologiquement, avant de ressortir sur ses quais, pourquoi cet homme a jeté (les cendres de) sa grand-mère dans le Vieux Port. Je vous en dis trop ? Ne vous inquiétez pas, le texte ne manque pas de surprises…
Pourquoi j’ai jeté ma grand-mère dans le Vieux Port La Criée Du 13 janv au 20 fév 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com
Illustrer Dans la petite salle de la Friche du Panier Edouard Exerjean reprend son récital dédié à Cocteau : un montage de textes et de musiques, qu’il interprète au piano. De la musique française bien sûr, du groupe des Six et de quelques autres (Satie, Sauguet, Wiener), contemporains du poète. Une façon de compléter l’exposition monographique au Palais des Arts (voir Zib 23). Du visible à l’invisible du 12 au 30 janv Théâtre de Lenche 04 91 91 52 22 www.theatredelenche.info
Réinventer Enfin le troisième volet des Suppliantes arrive au Massalia ! La cie Du zieu dans les Bleus y a proposé l’an dernier, et l’année d’avant, deux spectacles bouleversants : Ismène travaillait sur la sœur délaissée d’Antigone, à partir des Sept contre Thèbes, et de la tragédie antique; Ursule, tragédie d’Howard Baker, s’attachait à une communauté de religieuses Victoria, photo de repetition © X-D.R.
chrétiennes ; Victoria, troisième volet féminin lui, aussi, se déroule dans un pays des contes très contemporain, où les fées possèdent l’arme nucléaire… L’écriture en a été confiée à Félix Jousserand, un jeune auteur qui s’attache avec la cie à sortir la tragédie de ses ornières contemporaines, en allant chercher ses racines historiques, pour mieux la réinventer. Une trilogie féminine dont on a hâte, et peur, de voir le terme. Victoria Théâtre Massalia du 19 au 30 janv 04 95 04 95 70 www.theatremassalia.com
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THÉÂTRE
ROUSSET | SIMIANE | SALON | CAVAILLON | MARTIGUES
Collèges et forêts La saison de la Scène Nationale de Cavaillon reprend en 2010 sur un rythme plus soutenu, et on s’en réjouit tant la programmation de ce théâtre nous a habitués à une (quasi) perfection. En Nomades tout d’abord, en tournée dans les collèges cette fois (mais pas uniquement pour des séances scolaires !), l’excellent diptyque de François Cervantes : La Table du fond et Silence sont deux pièces qui s’installent naturellement dans les salles de classe, parce qu’elles y prennent leur source. L’histoire est celle d’un écolier disparu, de sa mère qui le connaît mal, de ses maîtres et du personnel. Tout se noue entre eux avec subtilité, et les spectateurs plongent dans la vie de cet absent qui aime lire, une histoire dont les collégiens devinent vite qu’elle ne singe pas la leur, mais raconte celle de l’auteur en une sorte de confession rêvée. Un retour aux sources qui les concerne bien mieux, dans son intimité, que toutes les images d’Epinal dans lesquelles les adolescents d’aujourd’hui s’enferrent.
Après cette tournée le Théâtre de Cavaillon retrouvera ses murs pour une création très attendue : Jean Lambert Wild et Michel Onfray ont travaillé ensemble sur la figure du proscrit (ou du rebelle) qui part vivre dans les bois… Le philosophe a écrit un texte, qui sera dit à quatre voix, tandis que Juha-Pekka Marsalo dirigé par Carolyn Carlson évoluera sur la musique électroacoustique de Jean-Luc Therminarias, dans les images, les couleurs et les brumes (forcément, la forêt) de François Royet. Une création interdisciplinaire et rebelle donc, très masculine aussi : le Recours aux forêts comme acte antisocial ultime relèverait-il aussi d’une fuite des femmes ? AGNES FRESCHEL
La Table du fond. Silence du 9 au 20 janv Le recours aux forêts les 20 et 21 janv 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com
Koltès ou Molière ? Les Salins accueillent les 7 et 8 janv Le Retour au désert, pièce de Koltès mise en scène par Catherine Marnas, qui fait preuve une fois de plus de sa remarquable direction d’acteurs, et de sa compréhension profonde d’un auteur sur lequel elle travaille depuis 15 ans. Créée au Brésil en portugais puis à Gap et au Théâtre de la Ville en français, cette mise en scène pousse à son paroxysme le dédoublement souvent à l’œuvre chez Catherine Marnas: chaque personnage est représenté par deux corps et en deux langues, ce qui donne une impression permanente de Retour au desert © Pierre Grosbois flouté, de strabisme, et renvoie comme en écho à l’étrange matière de la pièce, réaliste comme du boulevard puis décrochant vers la lune, extrêmement bavarde sans que rien ne soit dit, et toujours entre deux mondes colonisés et bourgeois… Le décor est lui aussi mouvant et comme ému, support des mots qui s’inscrivent sur lui comme des sous-titres qui se prendraient pour des tags, ou des graffitis. Et étrangement toutes ces superpositions de signifiants rendent le texte limpide… La Scène nationale accueille également le Médecin malgré lui (du 20 au 22 janv) mis en scène par Jean-Claude Berutti. Un changement de distribution : Bruno Putzulu n’y jouera pas Sganarelle, mais la mise en scène du directeur de la comédie de Saint Etienne ne reposait pas que sur son seul talent… A.F.
La Table du fond © Christophe Raynaud de Lage
Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr
Mémorable
Modernes Adaptée du livre de Roy Lewis, et mise en scène par Patrick Laval, Pourquoi j’ai mangé mon père est une fable réjouissante qui plonge au cœur de la préhistoire et conte les péripéties d’Ernest Grassentroope, vaillant pithécanthrope qui évolue au sein d’une famille «moderne» dont une partie est consciente de sa condition et veut évoluer, et l’autre qui pense que «c’était mieux avant»… C’est un texte savoureux et plein d’anachronismes dont s’empare Damien Ricour, seul sur scène, avec une belle énergie, se glissant dans la peau de tous les personnages, du mammouth à la jeune fille! Pourquoi j’ai mangé mon père le 14 janv à 20h30 Salle Emilien Ventre, Rousset 04 42 29 82 53 www.rousset-fr.com
Issu d’un travail de recherche de deux ans sur les ouvrières des manufactures de tabac de la Belle de Mai, Carmenseitas, d’Edmonde Franchi, donne à voir et à entendre la vie quotidienne de ces femmes au gré d’une fresque qui traverse les époques ; c’est aussi un formidable témoignage sur la mémoire ouvrière féminine, une enquête qui entend bien réhabiliter cette histoire oubliée. Le jeu des quatre comédiennes (Edmonde Franchi, Hélène Force, Catherine Lecoq et Tania Sourseva) dirigées par Agnès Régolo est ponctué par le chœur de l’Académie de Chant Populaire dirigé
par Alain Aubin qui complète le spectacle avec des airs populaires et révolutionnaires. Carmenseitas le 17 janv à 17h Salle Emilien Ventre, Rousset 04 42 29 82 53 www.rousset-fr.com le 23 janv à 20h30 OMC Simiane 04 42 22 62 34 www.simiane-collongue.fr le 29 janv à 20h45 Théâtre Armand (Salon) 04 90 56 00 82 www.salondeprovence.fr
Oriental Seul en scène, Kader Taibaoui interprète une quinzaine de personnages issus de quatre contes, parmi les moins connus, des Mille et une nuits. Co-écrit et mis en scène par Anne Roumanoff, le spectacle convie le petit Yoseni, le brave Ali Cogia, Shéhérazade, mais aussi le juif, le chrétien et le musulman, sans un décor somptueux, sur des musiques d’Abdeli Abderamen et Sœur Marie Kheirouz. Les contes des Mille et une nuit le 20 janv à 15h Salle Emilien Ventre à Rousset 04 42 29 82 53 www.rousset-fr.com
AU PROGRAMME THÉÂTRE 15
Iconoclaste
Temporalités
Introspectif
Prêts à plonger dans l’univers de l’Oulipo ? C’est en compagnie de comédiens-chanteurs-jongleurs de mots que s’effectuera le voyage : Nicolas Dangoisse, Pierre Ollier et Olivier Salon (lui-même oulipien) jouent, jonglent, swinguent, bégayent des textes connus (clins d’œil à Queneau et Perec) ou un peu moins, piochés chez Roubaud, Bénabou, Monk ou Fournel par le metteur en scène Michel Abecassis, voire spécifiquement commandés pour l’occasion. Des pièces détachées à savourer…
Le théâtre du Kronope s’empare de La Tempête de Shakespeare, et magnifie son caractère baroque en prenant le parti pris d’un jeu masqué, du travail corporel des acteurs oscillant entre cirque et danse, dans un décor «fait de courbes fluides et intemporelles.» L’Atelier de Jean-Claude Grumberg, mis en scène par Gilbert Barba, est l’évocation d’un atelier de confection entre 1945 et 1952, entre récit historique et autobiographique. Dans une France qui se relève de la guerre, on s’attache aux ouvrières et leur patron, portrait sensible d’une génération marquée par l’espérance, l’insouciance, et la Shoah.
La femme criminelle (Ludmila Mikaël), le mari (Ariel Garcia-Valdès), l’interrogateur (André Wilms), la victime. Dans L’Amante anglaise Marguerite Duras s’inspire d’un fait divers réel pour sonder les raisons d’un meurtre. Des morceaux épars d’un même corps sont retrouvés dans plusieurs train, la tête jamais. Claire Lannes a tué sa cousine, avoue son crime, mais n’explique pas son geste. S’ensuit l’interrogatoire, qui libère les tempêtes intérieures mais n’éclaircit pas forcément le mystère de cet acte. Mis en scène par Marie-Louise Bischofberger, les trois comédiens livrent une partition lumineuse.
Pièces détachées / Oulipo le 19 janv à 20h30 Théâtre La Colonne (Miramas) 04 90 58 37 86 www.scenesetcines.fr Pièces détachées © A. Chaudron
La Tempête le 12 janv à 19h L’Atelier le 22 janv à 20h45 Théâtre Armand (Salon) 04 90 56 00 82 www.salondeprovence.com
Vivant
L’Amante anglaise le 12 janv à 20h30 Théâtre La Passerelle (Gap) 04 92 52 52 52 www.ville-gap.fr le 31 janv à 15h Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com L'Amante anglaise © Pascal Gély
Écrit, mis en scène et interprété par Jean-Vincent Brisa, Molière, une passion prend le parti de retracer l’œuvre du dramaturge «à travers sa passion, ses convictions, son engagement, son militantisme.» Sur scène Molière et l’acteur dialoguent, Brisa se faisant le passeur de cette parole vivifiante.
Savoureux Reçu l’année dernière avec le chef-d’œuvre de Brecht, Maître Puntila et son valet Matti, le Teatro Malandro revient cette année à l’Olivier avec Les Fourberies de Scapin de Molière, à nouveau mis en scène par Omar Porras. Le génial metteur en scène Colombien s’empare de tous les ressorts de la comédie pour en faire une farce version dessin animé, tendance cartoon déjanté. Décor, masques et costumes rivalisent d’ingéniosité et de fantaisie pour révéler toute la perfidie du valet… Les Fourberies de Scapin les 15 et 16 janv à 20h30 Théâtre de l’Olivier (Istres) 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr Les Fourberies de Scapin © Marc Vanappelghem
Molière, une passion les 14 et 15 janv à 20h30 Théâtre des Halles (Avignon) 04 90 85 52 57 www.theatredeshalles.com
Fabulateur Christian Mazzuchini incarne les personnages imaginés par Serge Valletti avec une troublante facilité ; Mythomane dresse une galerie de personnages parfois mythomanes, souvent fabulateurs, loufoques, toujours réjouissants, à l’image d’une société bigarrée dans laquelle on aimerait se reconnaître plus souvent. Puis l’Atelier de Mécanique Générale Contemporaine offre une tentative d’éclaircissement du monde en fabriquant, en direct, des spectacles possibles en se basant sur quelques-uns des travers qui caractérisent les humains que nous sommes : solitude, bêtise, stupidité… Mythomane le 16 janv à 21h Qu’est-ce que tu fabriques ? le 21 janv à 21h Théâtre Comœdia (Aubagne) 04 42 18 19 88 www.aubagne.com
En fuite Écrit et mis en scène par Frédéric Sonntag, Nous étions jeunes alors est une fable initiatique, un récit d’anticipation au cours duquel trois jeunes gens vont être confrontés à eux-mêmes, à leur passé, à leurs peurs… et qui, fuyant une réalité effroyable, vont trouver refuge dans une maison au cœur de la forêt. Les dialogues se mêlent à la musique, jouée sur scène par trois musiciens, et la vidéo, pour faire exister l’espace mental dans lequel les personnages prennent peu à peu conscience d’un retour possible. Nous étions jeunes alors le 19 janv à 20h30 et le 20 janv à 19h Théâtre Antoine Vitez, Aix 04 42 59 94 37 http://theatre-vitez.com
Altruisme Le théâtre d’Arles débute l’année par un week-end de performances, avec une question alléchante : «le multiculturalisme peut-il aller au-delà du culinaire ?» Pour l’illustrer, Hooman Sharifi présente We failed to hold this reality in mind, solo dansé dans lequel il se raconte à travers des anecdotes liées à sa double appartenance iranienne et norvégienne, loin des clichés ethniques (le 15 janv au Théâtre d’Arles). Avec Made in Paradise, Yan Duyvendak, performeur suisse, et Omar Ghayatt, metteur en scène égyptien se penchent sur les rapports qu’entretiennent aujourd’hui l’occident et le monde musulman, et créent un lieu qui permet de sortir du discours dominant basé sur la peur et le rejet (les 15 et 16 janv à l’auditorium de Fourques). Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com
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DANSE
LA MINOTERIE | MOD | LES BERNARDINES
Mi-figue Michard
Inégal tribut
Cinq garçons s’amusent à faire des passages surréalistes devant un public qu’ils ignorent, jouant comme Buster Keaton à ne pas s’étonner d’un fil qui se déroule infiniment, d’objets qui se dérobent, de chaises qui se prennent pour des fauves… L’univers burlesque qu’ils mettent en place ne semble pourtant pas les dépasser : ce ne sont pas les objets qui se dérèglent mais eux-mêmes, qui peuplent absurdement l’espace d’objets mal agencés, qui se juchent au haut d’équilibres instables ou qui croient qu’une planchette de bois va suffire à les catapulter dans les cintres… Un burlesque drôle souvent, surprenant, pour un spectacle qui gagnerait à être fondé sur un crescendo plutôt que sur ce rythme tranquille…. qui fait aussi son charme, mais raréfie le rire au cours du temps. Le solo de dix minutes qui suit est exécuté par Alain Michard seul et quelques processionnaires qui troublent sa performance en déposant des objets sonores automatisés hautement artisanaux qui peu à peu envahissent le champ de la scène et l’espace sonore. Le procédé pourrait être drôle mais le texte dit est violent -quelque chose sur l’arrivée de corps Albanais au cœur d’une procession italienne. Michard, danseur, y balbutie sa colère. Cela manque de lisibilité, mais pas de force.
Le Rêve de la soie est une compagnie d’ici, qu’il fait bon retrouver en création. Parce que Patrick Servius qui préside à ses destinées est un créateur subtil, qui aime travailler en empathie avec ses interprètes, et avec son public. On le sent dans la salle : ceux qui entrent là sont des spectateurs de longue date… D’ailleurs la soirée est placée sous le signe de l’intimité : le récit émouvant de sa mère, sa traversée de la mer pour quitter la misère et rejoindre Dakar, est lu en bas dans la bibliothèque par la voix amie de Carole Vanni qui dialogue avec le flamenco d’Ana Perez, une très belle et jeune danseuse qui maîtrise avec sensualité et juste l’orgueil qu’il faut la solea. Puis on monte dans la salle et là quatre danseuses nous attendent. Habillées de robes souples, toutes jouent de leurs identités métissées, kabyle, italienne, martiniquaise… et s’essaient à des partages de mouvement, de mots, d’espace. Mais les personnalités attachantes (Louisa Amouche, Patricia Guannel, Fleur Duverney-Prêt, Marie Salemi) n’empêchent pas qu’assez rapidement tout cela tourne en rond : le vocabulaire chorégraphique est pauvre, les moyens techniques des danseuses/comédiennes sont inégaux et limités, les bribes de confession très banales, la musique d’une indigence affligeante. Le mouvement occupe le temps en tableaux qui se ressemblent, sans ennui, mais sans rencontre véritable des corps, ni acmé, ni trajet, ni propos. Sans doute par manque général d’écriture. Dommage !
© Anne Rehbinder
AGNES FRESCHEL
Couac et Parkinson ont été programmés les 27 et 28 nov par Marseille Objectif Danse à la friche
Inventaire avant destruction Performance : art éphémère qui laisse peu de traces là même où il s’accomplit
Please... kill me est bien un titre qui livre brutalement la marchandise et la dérobe dans l’instant. Dès le début, que reste-t-il ? Des cintres saturés de projecteurs bien alignés sur leur portée comme des hirondelles en automne ; des portants où flottent quelques cintres et les habits de couleur de madame ; des pupitres en tas au fond de la scène, couchés pour déchanter peut-être ; et encore une table de mixage à fricasser les sons de monsieur (tire un peu la gueule, pourtant la musique est bonne). Mais que font-ils donc tant sur ce plateau ? Isabelle-elle-Cavoit lève les bras, agite les doigts, s’en-
roule sur elle-même, court précisément là où ça fait mal, se pavane, capte l’attention et diffuse l’énergie subtile du féminin musclé; tente-t-elle de lui faire partager son bonheur à brasser l’air (nager ? voler?) ? C’est le bide ! Thomas-lui-Fourneau bricole, bat son tambour, dégage l’espace, arpente et s’indiffère ostensiblement, le pas de deux c’est pas son fort à cet homme... pourtant il esquisse, il esquisse. L’évidence est © Agnès Mellon là : l’une danse et Johnny lui fait mal ! Les deux s’embrouillent et se débrouillent assez bien, parfois trop lents à créer l’image, trop lourds à la détruire (ces ballons qui voltigent de la salle à la scène, cette légèreté envahissante, qu’en faire au bout d’un moment ?) et incapables d’en finir: avancer et reculer, sûr, c’est toujours du travail et c’est pas tuant, belle image du couple éternel. Une performance donc, plaisante et en devenir s’il vous plaît! MARIE-JO DHO
Please... Kill me a été créé dans le cadre de Dansem aux Bernardines du 3 au 5 déc
AGNES FRESCHEL
Tribut a été créé à la Minoterie du 4 au 6 déc © X-D.R.
DANSEM
Battement d’Elles
D’emblée on les croit sur paroles. Geneviève Sorin et Lulla Chourlin, sur le tapis blanc ceint de murs noirs du 3bisf, dansent à voix hautes les trépidations intimes de la vie. Elles en disent long et elles ne sont pas seules, accompagnées en off par Françoise Dupuy, Elsa Wolliaston, Simone Forti et Susan Buirge, leurs «mères inventrices et nourricières». Ce chœur de femmes chante en mouvements polyphoniques leurs expériences, la féminité, la chair, l’incertitude, la gourmandise, le temps qui dessine des ridules souriantes au coin des yeux. L’une inspire profondément, l’autre expire lourdement. L’une
roucoule, l’autre aussi. Elles s’évitent nonchalamment, des étincelles d’humour dans le regard, elles s’interpellent, s’ignorent, se cognent, mutuellement, se s’effraient combattent en riant. C’est une ronde enfantine. L’une savoure ses jeux de mots, l’autre n’entend pas. Lulla Chourlin s’effondre et roule au sol à peine Geneviève Sorin esquisse un geste, ébauche une rotation. Lulla tout en force, les pieds au sol ; Geneviève hésitante, le corps suspendu. L’une court éperdue, l’autre s’immobilise. L’une minaude, l’autre rêve. Et quand elles se rejoignent, leurs corps s’étreignent violemment, avec effusion. Difficile de tenir parole et de s’ignorer plus longtemps ! De longues diagonales frénétiques en mouvements circulaires, Sur paroles © X-D.R d’immobilisation au mur en soliloques chuchotés ou vociférés, Geneviève Sorin et Lulla Choullin ont la danse en partage, la maturité et la capacité d’en sourire. Sur paroles est une «pièce fantaisiste» où tout est dit : la danse, c’est la vie. Leur vie. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Sur paroles a été créé le 26 novembre au 3bisf à Aix dans le cadre de Dansem
Éclats Deux femmes proposaient des solos au théâtre de Lenche, dans le cadre de Dansem. Balkis Moultashar, une très belle danseuse marseillaise aux yeux graciles et au cou de biche, proposait un travail fragile sur la maternité. Qui s’effilochait pourtant, sans rien laisser d’autre qu’un goût de trop peu, d’inachevé, de minimalisme qui s’encombrait pourtant d’objets inutiles, et ne savait pas trouver son épure. Juste après une très courte pièce de Chiara Frigo, danseuse assise, robuste,
minérale, qui dessinait sans se lever de sa chaise des arabesques énergiques de ses mains, de ses bras, de son buste ployé et pivotant. La danse d’un corps tronqué, en rupture. Fascinante. A.F.
6 yeux 1 visage 2 pieds et Takeya ont été présentés dans le cadre de Dansem les 24 et 25 nov
Le corps, d’ici et d’ailleurs Terre des ancêtres, terre nourricière, terre où l’on se meurt. Pieds nus sur ce sol malien, l’homme ne fait qu’un avec le ciel. Cette sensation unique d’appartenance au monde, la chorégraphe Barbara Sarreau l’a ressentie comme un choc tellurique. D’où cette exploration chorégraphique avec des danseurs du Conservatoire des arts et métiers et multimédia de Bamako : Tchakèla, en Bambara «creuser la terre». Initié en 2009, ce projet connaîtra jusqu’en 2011 plusieurs étapes, au Mali comme en France, plusieurs résidences où Barbara Sarreau s’emploiera «à confronter la spécificité de sa langue à celle de l’autre», à dessiner l’espace des corps. Les mots aussi peuvent mourir, premier aperçu de cette longue marche, a été présenté selon un dispositif scénique qui décuplait les points de vue : vidéoprojecteur pour miroir astigmate, caméra
fixe pour capter le hors-cadre, musique live. Comme une boucle, sortis des entrailles de la terre, les chuchotements et les rires des danseurs maliens introduisent et ferment cette partition intime. Aux gestes imperceptibles des corps rampants scotchés au sol, succède une joute sensuelle baignée d’ombre avant qu’ils ne se lancent dans une course folle, se heurtent aux parois, puis s’éva-
nouissent à nouveau. Faces contre terre. Éloge de la lenteur, Les mots aussi peuvent mourir emprunte au Mali son temps élastique, ses mouvements distendus et la sculpturalité des corps. Il faut du temps pour comprendre l’Afrique et Barbara Sarreau le sait bien, qui évite les pièges de «l’africanisation» de la danse pour s’approcher au plus près de celle des danseurs. © Lionel Briot
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Tchakèla, un projet BamakoMarseille a été présenté par Marseille objectif DansE du 8 au 12 décembre à la Friche dans le cadre de Dansem
DANSE
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La Turquie est l’Europe
Dokuman © Alex Davies
Un parterre fourni d’amateurs éclairés et de professionnels était réuni à la Friche pour voir LA compagnie turque de référence : Taldans Company. Avec les présupposés communs à ceux qui attendent beaucoup de la création extra européenne… Le public resta perplexe, pour partie convaincu, pour partie dans l’attente de quelque chose qui ne venait pas, face aux six danseurs standardisés, habillés d’un jean délavé et d’un T-shirt et chaussés de baskets. Pas de quoi faire tourner les derviches ! Sauf qu’il fallait chercher ailleurs la singularité de Dokuman de Mustafa Kaplan et Filiz Sizanli, dans la prégnance de la technologie et de l’industrialisation sur la structure de la pièce, elle-même influencée par la formation d’architecte et les études d’électronique et de télécommunication des deux concepteurs. Sauf encore que des dérapages successifs parasitaient ce ballet bien huilé entre les corps et les machines, invisibles mais omniprésentes: perturbations inopinées des mouvements métronomiques et des rythmes pendulaires des danseurs, solos subitement désordonnés, onomatopées et chuchotements affolés en cris intempestifs, improvisation d’un solo de guitare électrisé ! Dans ce paysage modulaire habité par «des esprits aliénés et des pantins électroniques», quand les cloisons grisâtres s’abattent l’une après l’autre comme un jeu de cartes, laissant voir leurs faces cachées rose fluo, on se dit que Dokuman est un spectacle disjoncté, au propre comme au figuré. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Dokuman a été présenté par Marseille objectif DansE le 5 déc à la Friche dans le cadre de Dansem
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DANSE
ISTRES | PAVILLON NOIR | GYMNASE | BNM | TOULON
Istres ainsi danse Salle archi comble au Théâtre de l’Olivier à Istres en ce dimanche 6 décembre. Guichet fermé pour cette Incidence Chorégraphique, expression libre «hors des murs» des danseurs du Ballet de l’Opéra de Paris. Objectif évident, être les ambassadeurs de la culture chorégraphique. Et sur tous les plans de scène, mission accomplie ! L’enthousiasme du public de tous âges, de tous horizons et toutes motivations en est le témoin impartial. De la grand maman (ma voisine) venue admirer les exploits sur scène de son petit fils, aux petits rats des écoles de danse de la région, en passant par les amateurs éclairés ou non, tous y ont agrafé leur cœur. Il faut dire que le nuancier présenté au public permettait à chacun d’y retrouver ses couleurs. Choix éclectique et varié allant du néoclassique à un solo
Delibes suite, le danseur étoile José Martinez, ici seulement chorégraphe, montrait tout ce que la danse classique compte de difficultés techniques. Et l’infini talent des danseurs effaçait la performance pure par la sensibilité expressive. Merci donc à l’Olivier de servir, en programmant un spectacle de ce niveau dans d’excellentes conditions d’accueil, la cause de la diffusion de la culture chorégraphique en région… YVES BERCHADSKY Aurélien Houette & Alice Renavand © Patrick Herrera
contemporain assez minimaliste sur une sonate pour clavecin de Scarlatti, via une fantaisie entre flamenco, danse classique et moderne. Un camaïeu gestuel servi par une technique absolument parfaite des danseuses et danseurs. Dans son pas de deux
Feuille à feuille et belles dentelles Talons hauts, strass, filet, vinyle, … entre sexy et sado, les danseurs et danseuses dirigés par Philippe Decouflé s’essaient avec sensualité, humour et engagement, à la pratique de l’effeuillage. Dans une ambiance joviale de cabaret, les scènes de striptease intégral s’intercalent à des scènes de music-hall, de danse, de cirque et même d’interpellation du public. Amusés, les spectateurs participent volontiers aux sollicitations de Micheline, la dame «à tout faire» du spectacle et à son acolyte, véritable chauffeur de salle ! Certaines figures de danses sont particulièrement esthétiques, comme celle «des mains», et provoquent un ravissement salutaire. Car, bien que sur le ton de la légèreté, le spectacle est éprouvant tant il questionne. Philippe Decouflé exhibe la nudité dans des corps en mouvement ni vulgaires ni pornographiques ; mais
cette exhibition place le spectateur dans une position de voyeur malgré lui, et chaque fois il doit se redéfinir par rapport à l’intimité de l’autre, et donc à ce qui lui est généralement interdit. Ménageant des échappatoires le chorégraphe crée des diversions, superpose plusieurs scènes, permettant ainsi au regard des spectateurs de fuir et lui laissant alors un libre choix. Celui notamment d’admirer un corps pour ce qu’ il est, pour ses formes, sa force d’expression ? Car le mystère est là, non pas dans ce qui est donné en pâture à la voracité de notre œil mais plutôt dans ce qu’il transmet, laissant le désir faire son œuvre. Vivre nu, pourquoi pas ? Paradoxalement ici ce sont les costumes, repères scéniques et dramaturgiques qui, par leurs présences colorées, donnent du sens et un certain peps au spectacle. CLARISSE GUICHARD © Agathe Poupeney
Cœurs croisés Théâtre du Gymnase Jusqu’au 19 déc 0 820 000 422 www.lestheatres.net
Kubilai Khan Konstellations Déjà à l’Arsenal de Metz et à la Comédie de Clermont-Ferrand, Kubilai Khan investigations avait essaimé ses Constellations 1, 2, 3. À Toulon, point d’ancrage du collectif depuis 1996, c’était une première ! Sans cesse sur les routes caravanières, il leur a fallu relever le défi de déployer à leur façon un chapelet d’installations, performances, vidéo, danse, concerts, déambulations, le tout accessible gratuitement grâce au Conseil Général du Var, commanditaire de la manifestation. Éclectiques et trépidantes, ces Constellations 4 étaient à l’image de la compagnie : un «comptoir d’échange artistique» ouvert à la scène émergente afro-caribéenne, à la musique de l’archipel japonais et à la nouvelle vague des jeunes chorégraphes européens. Beaucoup de découvertes, de croisements audacieux, des esquisses sonores et des ondes de choc, des rebonds chorégraphiques… Et les retrouvailles avec KKI dont on suit les pérégrinations de loin en loin, à Châteauvallon parfois, faute d’une vraie salle de danse à Toulon. Dans des conditions techniques déplorables côté danseurs (plateau exigu) et côté spectateurs (insonorisation inexistante), Dimitri Jourde a offert le solo Xebeche, performance physique qui met son corps en danger, noueux, tortueux. Replié sur luimême dans une élasticité féline, enchaîne bonds et roulements dans un
© Laurent Garbit
décor de champ de ruines de papier. Dans Espaço contratempo, Frank Micheletti et Idio Chichava vont et viennent autour du guitariste Rémi Aurine-Belloc avec une fluidité exceptionnelle : leurs mouvements en léger différé multiplient les points de contact, entre eux et avec l’instrument, jouant d’un équilibre tendu. Tard le soir, quand les trois lascars du groupe clermontois Kafka entament les premières notes de Geografia, version concert du spectacle de KKI, la nuit s’annonce planante et vaporeuse… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Constellations a irrigué 11 lieux toulonnais du 10 au 12 déc www.kubilai-khan-investigations.com
Vive les reprises !
Sextet © Agnès Mellon
Pour sa 13e ouverture le BNM a programmé deux pièces de son répertoire, et une création de la Classe d’Insertion Professionnelle. Si on se réjouit du niveau classique d’ensemble de ces jeunes filles, et du talent du pianiste dans cette œuvre de John Cage, la pièce, mal écrite, ne brilla ni par son inventivité, ni par sa capacité à mettre en relief les interprètes. Longue et répétitive, sans sel, elle ouvrait mal cette soirée, et contrastait fort heureusement avec le Sextet qui suivait : la pièce de Thierry Malandain, dont les danseurs du Ballet possèdent désormais toute la subtilité, a fait la preuve de la grande forme des ces solistes qu’on a vu beaucoup plus éteints : tout était en place, vif, haut, ensemble, joyeux, mutin, les dynamiques se croisaient, les corps, et le public, jubilaient. TéToTé qui suivit confirma, en particulier dans les passages à trois et les portés violents, le niveau d’un Ballet qu’on prend toujours plaisir à voir. A.F.
Les Ouvertures 13 ont eu lieu du 10 au 12 déc dans le grand studio du BNM
Maladresses Que la pièce de la Chinoise déçoive, on le comprend. Son minimalisme en matière de danse, et le maximalisme de son discours documentaire qui envahit le décor et l’espace sonore du spectacle est décevant. Wen Hui se raconte tout le temps, mêle son histoire propre à celle de la révolution culturelle, la fait dire à son interprète, l’écrit sur les murs, projette des photos, vidéos, dessins qui l’explicitent… et par ailleurs, en guise de danse, exécute un simple geste, en avançant lentement vers le public, linéairement, dans la pénombre, durant toute la petite heure du spectacle. Cela peut être agaçant, si l’on n’entre pas dans la douleur, si l’on trouve la démonstration simpliste -le corps se ploie et souffre et symbolise toutes les tortures lentes et toutes les soumissions. Quoi qu’il en soit, huer les interprètes à la fin comme cela fut fait est choquant. Non parce que le public n’a pas le droit d’exprimer son avis, mais parce qu’il y avait là une souffrance, une intimité, un poids de l’histoire maladroitement exprimé, mais jamais indigne. Le spectacle, qui normalement dure huit heures, prend sans doute plus de sens dans la durée… et le public a fait preuve de bien peu d’empathie. Est-ce parce que l’histoire chinoise est si lointaine ? A.F.
Memory a été dansé au Pavillon Noir les 3 et 4 déc © Ricky Wong
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DANSE
AU PROGRAMME
¡Suerte! Nîmes fête les 20 ans de son festival flamenco, que d’aucuns appellent la 3e feria, celle de l’hiver… Plus simplement, il est ce festival qui a su s’imposer au fil du temps pour devenir, qualitativement et quantativement, un des plus grands, hors l’Espagne bien sûr, et qui continue aussi à interroger la nécessaire alliance de la tradition et de la modernité. Pour preuve la pléiade d’artistes invités, de grands noms du flamenco que viennent côtoyer les nouveaux talents. Dès l’ouverture Silvia Marín invite les enfants, mais pas seulement, à la découverte du flamenco avec sa création Con Pasaporte Flamenco dont la 1re a lieu à Nîmes. Suivront María José Franco dans Bailando para mi, dont le final se dansera avec José Ogalla ; Javier Barón, danseur au style classique et créateur infatigable dont le Dos voces para un baile rend compte, et sur lequel l’accompagnent les deux cantaores José Valencia et Miguel Ortega ; Andrés Marín avec El Cielo de tu boca, dans une démarche moderne, contemporaine, avec le compositeur Llorenç Barber ; Israel Galván et son très attendu El final de este estado de cosas, redux créé lors du dernier Festival d’Avignon ; Pastora Galván, sa sœur, dont le spectacle Pastora affirme une grande danseuse ; deux soirées, enfin, Tierra flamenca 1 et 2 sont entièrement dévolues à des artistes «de chez nous» : Melinda Sala, Luis de la Carrasca, Natalia del Palacio… DOMINIQUE MARÇON
Bô et l’eau Pour sa 14e ouverture le Ballet National ouvre ses portes à Miguel Nosibor (voir zib 24) et Caroline Bô, pour un solo sur son rapport à l’eau… Ouverture 14 Ballet National de Marseille Les 17 et 18 déc 04 91 327 327 www.ballet-de-marseille.com
Le retour Comme tous les ans en janvier le Toursky accueille à nouveau la création de Pietragalla : son public attend sa danse émotionnelle, emphatique, féminine, et l’accueille toujours avec enthousiasme. La tentation d’Eve leur permettra de retrouver la grande danseuse en solo dans ses œuvres, incarnat la condition féminine au long des siècles.
Pastora Galvan © Luis Castilla
20 ans de flamenco du 9 au 23 janv Théâtre de Nîmes, Odéon, Cour d’Appel 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com
Historique Il a inventé la danse contemporaine ; affranchissant les corps des techniques classiques tout en explorant inlassablement le mouvement et l’occupation de l’espace, l’abstraction et la combinatoire, la musique et la dynamique, Merce Cunningham a ouvert tant de portes que le monde de la danse n’a cessé, depuis, d’y puiser comme à la source suprême ses bouleversements successifs. Merce Cunningham, il y a quelques années, à peine, exhibait encore son corps toujours souple sur la scène. Ses apparitions étaient magiques. Il a disparu dans un certain silence, juste après Pina Bausch, durant le festival d’Avignon. Sa Company est au Grand théâtre pour deux de ses pièces majeures : 30 ans de danse, par 13 interprètes fantastiques. Split Sides et Squaregame Merce Cunningham Company Du 17 au 19 dec Grand Théâtre de Provence (Aix) 04 42 91 69 69 www.grandtheatre.fr Split Sides © Tony Dougherty
Harmonie
La Tentation d’Eve Théâtre Toursky Les 15 et 16 janvier 0 820 300 033 www.toursky.org
Europe en créations Les désormais traditionnels workshops du Ballet d’Europe (les 17 et 18 déc à la Friche), mettent toujours en évidence les grandes qualités d’interprètes de ces danseurs qui savent aussi proposer des œuvres attachantes. Mais l’on pourra également retrouver le Ballet d’Europe sur une scène plus à sa mesure : les Salins programment Sweet Gerschwin, une pièce jubilatoire d’une grande technicité, et un duo que l’on attend avec impatience : on y retrouvera Jean-Charles Gil danseur qui avec Monique Loudières (Opéra de Paris) créera un duo intitulé Trace avec moi… l’occasion de revoir danser celui qui fut un très grand soliste ! Ballet d’Europe Les Salins (Martigues) Le 16 janv 04 42 79 02 00 www.theatre-des-salins.fr www.balletdeurope.org Trace avec moi © J.-C. Verchere
Emanuel Gat - My favorite things © Gadi Dagon
Le Pavillon Noir accueille le chorégraphe israélien Emanuel Gat en programmant trois de ses pièces : My favorite thing, solo sur lequel il magnifie le saxophone soprano de John Coltrane ; Voyage d’hiver, duo hypnotique et fascinant qu’il danse avec Roy Assaf sur les lieder de Schubert ; et Le Sacre du printemps qui mêle aux rythmes martelés de la partition de Stravinsky une danse salsa endiablée sur laquelle deux hommes et trois femmes forment deux couples à tour de rôle, dans un mouvement continu étourdissant. Voyage d’hiver, My favorite thing et Le Sacre du printemps Du 13 au 16 janvier Pavillon Noir (Aix) 0811 020 111 www.preljocaj.org
Percussions Après une résidence de création en septembre pour leur prochaine création, la compagnie avignonnaise Onstap est de retour à Arles avec Parce qu’on va pas lâcher, duo dansé par Mourad Bouhlali et Hassan Razak. Step aux États-Unis, percussion corporelle en France, la discipline qui fonde le spectacle transforme le corps en instruments de percussion. Pieds, mains, poitrines, cuisses, tout le corps participe pour illustrer le parcours de ces deux artistes qui se racontent aussi avec des mots. Au-delà de la perfor© Saïd Zaïour mance, ils donnent du sens à cet art en y mêlant danse, théâtre et slam. Parce qu’on va pas lâcher le 8 janv à 19h Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatrearles.com
Combat
Revival
Après Urban Ballet programmé l’année dernière, la compagnie Rêvolution revient à l’Olivier avec Clash, leur dernière création, toujours sous la direction artistique et chorégraphique d’Anthony Égéa et sur une création musicale de Franck II Louise. Face à face, côte à côte, les danseurs Jérôme Luca et François Lamargot, formés à la danse classique et au hip hop, vont devoir s’approprier, se partager le sol, territoire vierge qui devient lieu de pouvoir.
Périple musical et dansé, conçu et chorégraphié par Herman Diephuis, Paul est mort ? fait revivre l’époque mythique des sixties, par le biais d’un trio pop-rock de danseurs à la fois groupe et groupies. Représentation de ces années où rêves et idéaux avaient droit de citer, où les Beatles, entre autres, représentaient toute une jeunesse assoiffée de liberté. Un témoignage opéré par le biais d’une danse mordante et humoristique, et d’une musique forcément très présente.
Clash le 12 janv à 20h30 Théâtre de l’Olivier (Istres) 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr
Paul est mort ? le 19 janv à 20h30 Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com
Audacieux Les chambres de Jacques et Jack in the box sont deux pièces d’Aszure Barton, chorégraphe new-yorkaise en résidence au sein des Ballets Jazz de Montréal. Dans Les chambres de Jacques, à partir de petits tics personnels relevés entre les mouvements des danseurs, Aszure Berton rend un hommage intimiste à la beauté comme à la fragilité de l’être, à travers une trame sonore étonnante qui passe habilement de Gilles Vigneault à Vivaldi sans oublier les musiques tziga-
nes et klezmer. À l’inverse, Jack in the box aborde les limites extérieures du corps, interrogeant «la croissance, l’étiquette et le pouvoir du groupe en tant qu’ensemble collectif.» Les Ballets Jazz de Montréal le 17 janv à 15h Théâtre La Colonne (Miramas) 04 90 58 37 86 www.scenesetcines.fr © Jean Tremblay
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CIRQUE/ARTS DE LA RUE
SIRÈNES | TOURSKY | ISTRES | GRASSE | GTP
Double sirène à huit Magnifique dialogue entre les sirènes de la sécurité publique et la musique d’Edgard Varèse proposé par l’ensemble Télémaque interprètes de haut niveau arpentent sans peur des territoires peu familiers aux musiciens contemporains… et ce depuis 15 ans. Et il semblerait qu’enfin leur travail soit reconnu chez eux, pour le plus grand plaisir des fans marseillais trop souvent obligés d’aller à Gap, Paris ou Martigues pour applaudir cet ensemble dont ils sont fiers ! CHRIS BOURGUE
L’appel des sirènes de l’ensemble Télémaque a retenti le mercredi 2 décembre à midi net
Prochain rendez-vous mercredi 6 janvier. Un projet amusant du Ministère des Affaires inutiles qui présentera son Palmares des recalés. Il s’agira de désigner le meilleur des spectacles non-retenus par le comité de sélection des Sirènes et midi net. C’est un vacataire du Ministère qui décernera le Prix des Recalés 2009 et la prestation sera traduite intantanément en espéranto gestuel. Gageons que ce sera caustique !
© Agnès Mellon
Comme tous les mois depuis 6 ans la foule de curieux et d’afficionados se pressait sur le parvis de l’Opéra. Heureusement le mistral de la veille s’était calmé car, lors de la répétition, les pupitres, bien que lestés, s’étaient envolés ! Au premier son de la sirène les notes d’une flûte s’élèvent doucement : Charlotte Campana interprète Density 21,5 (1936) sous la protection d’un grand parapluie qui permet de suivre son parcours jusque sur le parvis. C’est le moment où les sept autres musiciens et le chef la rejoignent. Grande sobriété du dispositif : estrades et pupitres, costumes noirs. Au service de la musique, exclusivement, dont Raoul Lay cisèle la direction avec précision. Dans Octandre, pièce rigoureuse de 1923, les instruments se répondent en trois groupes, et chacun a sa place : trio flûte, hautbois, clarinette, puis basson et contrebasse, enfin trompette, cor et trombone. Sept instruments à vent et un seul à cordes, pour un timbre qui sonne fort, et fin pourtant. La démonstration est superbe et rigoureuse : on peut faire de la musique «savante» dans la rue ! Décidément ces
Turbulences Le très attendu spectacle Sorry ! est le fruit de la collaboration du Footsbarn Théâtre, cie de théâtre internationale et pluridisciplinaire, de la cie Les Fusains et son fondateur Pierre Byland (qui signe la mise en scène), figure tutélaire du clown moderne, et du Cirque Werdyn, cirque tzigane et familial principalement équestre. Au centre du spectacle le personnage du clown dans tous ses états, entouré de chevaux, de poules, de chanteurs lyriques, de musiciens… sur une
piste qui, on le comprend peu à peu, a été louée à la fois pour l’enterrement d’un compositeur de musique classique et pour une fête tzigane… Sorry ! les 8 et 9 janv à 21h Théâtre Toursky 0 820 300 033 www.toursky.org
Jeux de Mémoire L’ensemble Télémaque et le Cirque Plume reprennent leur étonnante fantaisie poétique et musicale Le cabaret des valises au Grand Théâtre de Provence Sur un fond bleuté défilent des ombres portant des valises… Un contrebassiste et une clarinettiste s’agrègent à l’harmonie finement angoissante d’un accordéon dissonant… Le décor sonore planté, le chef dirige cette foule baroque vers un hall de gare parsemé de chariots/pupitres et de valises/sièges… On est prêt pour un voyage singulier : un violoncelliste narre un souvenir d’enfance, le dégingandé John John, le clown Pedro et «Monsieur» (le collecteur de cris) jouent des scènes burlesques, alors que dans les airs une jeune acrobate
dessine des arabesques au son d’une contrebasse pachyderme… Comment dire le foisonnement des tableaux, tels ces pupitres/cintres se dressant chargés de manteaux sans maître ? Comment décrire cette polyphonie de cris émanant de valises ouvrant leur gueule béante… parler des enfants qui ne savent plus s’il faut rire ou s’effrayer… et du fil discontinu de cette mémoire que Bernard Kudlak et Raoul Lay tentent de ranger dans leur valise de saltimbanque ? À voir absolument ! JACQUES FRESCHEL
© Agnès Mellon
Il ne parle pas Julien Cottereau, mais il lui arrive de faire des bruits; et puis il bouge, danse, dans sa drôle de dégaine, chapeau mou vissé sur le crane. Mime, clown et bruiteur, poète aussi, Julien Cottereau secoue notre imaginaire avec des sons et des gestes qui font apparaître princesse en détresse, chien errant, mouches vibrionnantes, le tout avec la complicité d’un public réceptif et actif. Fils spirituel du mime Marceau et de Buster Keaton, l’atypique enchante, et pas seulement les plus jeunes !
Imagine-toi le 20 déc à 16h Théâtre de l’Olivier 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr les 5 et 6 janv à 19h30 Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com
ir -Volo Roux ronic © Ve reau Cotte Julien
Le Cabaret des valises Le 15 janv à 20h30 04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net
Sans mots
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ARTS VISUELS
MUSÉE D’ART CONTEMPORAIN | PASSAGE DE L’ART
Les mondes parallèles Lauréats 2009 du Prix HSBC pour la photographie, Grégoire Alexandre et Matthieu Gafsou sont accueillis dans quelques-unes des travées du Musée d’art contemporain de Marseille, bord à bord avec ses collections. Une incursion muséale qui les flatte tout autant qu’elle les effraye : la valeur symbolique du lieu diffère de celle des galeries qui les exposent. D’autant que l’objectif du Prix HSBC pour la photographie, comme le souligne Chantal Nedjib, Déléguée générale, est «de faire connaître de jeunes talents par le biais de quatre expositions, de l’édition de monographies et de la vente de leur travail». Dans l’espace du [MAC] donc, Grégoire Alexandre et Matthieu Gafsou ont accepté de croiser leurs regards. «J’aime beaucoup la réflexion de Grégoire Alexandre sur le dispositif photographique lui-même, commente Matthieu Gafsou, car le contexte de la commande ne le favorise pas habituellement. On voit beaucoup de belles images de mode mais peu qui soient intelligentes». Et Grégoire Alexandre ? «Ce qui m’intéresse dans les photographies de Matthieu Gafsou, c’est sa façon de se dégager
du style documentaire dans lequel il s’inscrit à la base pour chercher des images autonomes. C’est un travail discret, surtout pas spectaculaire, probant et même déstabilisant par rapport au réel». Deux jeunes talents prometteurs dont l’analyse éclaire leurs photographies accrochées «de façon à ce qu’il n’y ait pas une trop forte contamination entre elles». Le résultat est à la hauteur de l’exigence du Prix HSBC qui a confié à Olivier Saillard la direction artistique. L’exdirecteur du musée de la Mode de Marseille -qu’il quitta en 2000- s’est laissé «toutes latitudes pour regarder avec [son] œil de mode des travaux qui ne traitent pas forcément de la mode». Il a présélectionné 12 photographes français et internationaux sur 669 postulants : «Tous se sont imposés avec évidence. Ils se répondent avec naturel et composent, re-composent un monde à organiser sous leurs doigts». Quels sont donc ces mondes ? Un univers tronqué, décalé pour Grégoire Alexandre qui illustre des thèmes imposés par la commande (pour la mode, la publicité ou les magazines),
Surface#33, 2008, Lauréat du Prix HSBC pour la Photographie © Matthieu Gafsou
avec des points de vue plus ou moins distanciés. Des photographies dans lesquelles il met en scène des éléments perturbateurs grâce à des jeux d’échelle, des illusions d’optique. Un monde subjectif né de la réalité «qui va et vient entre le référent et sa poétique» pour Mathieu Gafsou : des paysages-architectures où les blancs poussés à l’extrême, révèlent les volumes et accentuent les reliefs. Deux mondes parallèles, étanches. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Jusqu’au 28 février Musée d’art contemporain de Marseille 04 91 25 01 07 Monographies co-éditées par le Prix HSBC pour la photographie et Actes Sud Surfaces, Matthieu Gafsou Grégoire Alexandre 25 euros chacun
Shopping N° 4, 2003, Lauréat du Prix HSBC pour la Photographie 2009 © Grégoire Alexandre
La petite musique de Milhaud D’Aix-en-Provence, Daniel Milhaud a gardé un lointain souvenir… celui de son enfance auprès de ses grandsparents au Logis du Bras d’Or, où grandit son père, le compositeur Darius Milhaud. «J’étais très intriguée par ce parcours de famille» révèle Lyse Madar, directrice du Passage de l’art, qui relève le paradoxe : «C’est la première fois que Daniel Milhaud expose à Marseille et plus généralement en Provence ! Il était important pour moi de présenter ce travail que je trouve remarquable et qui est aussi une belle référence à l’histoire de l’art». Daniel Milhaud s’est formé aux arts visuels et à la musique aux Etats-Unis sur les traces de son père, puis en Autriche auprès d’Oskar Kokoschka, avant de partager son temps entre Paris -où il dispose de trois ateliers répartis pour les moulages et la terre, les maquettes et dessins, les œuvres plus grandes-, et Carrare en Italie. Vêtu d’un pantalon rouge, d’une chemise fleurie et d’un chandail bordeaux, Daniel Milhaud a une allure hautement colorée mais parle peu, entend difficilement, et garde l’œil en alerte, malicieux. C’est qu’il semble beaucoup s’amuser de tout ce «tapage» autour de lui. Une verdeur, une fraîcheur l’enveloppent tout autant qu’elles
Autoportrait panoplie - 2005 - 85x100x14 cm Bois, peinture acrylique, fil de fer, cuivre, polystyrène et résine.
baignent son œuvre (dessin, sculpture, bas-relief) traversée de lignes dynamiques : ses deux pièces issues d’une série d’autoportraits, Panoplie dans laquelle on aperçoit son simple profil et La Balance où il coupe sa tête en deux par le milieu, sont symptomatiques d’un travail très libre. Liberté des modes d’expression, des formes, des matériaux, des volumes et des signes cabalistiques (vanités, dés, mauvais œil, serpent…). Comme dans ses
ombres portées sur le mur qui, grâce à un jeu de néons et de découpes, révèlent des lignes intemporelles et des mots tel «désir» transcrit dans toutes les langues… ou presque. Daniel Milhaud est un homme de désirs qui joue, avec humour, de la mort et de l’érotisme, particulièrement dans Calaveras inspirée des rites funéraires mexicains et dans les lignes infléchies de ses dessins qui «imbriquent les parts féminines et masculines des choses». Entre ombres et lumières… Si sa présence à Marseille est un événement, Lyse Madar annonce déjà son retour au printemps 2010 à l’occasion de L’Art renouvelle le lycée, le collège et la ville : son œuvre devrait trouver toute sa place dans la thématique annoncée «Les parts de l’ombre dans l’art contemporain. Matérialité et fiction». MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
L’exposition Trait pour trait, très portrait de Daniel Milhaud a été présentée du 17 novembre au 16 décembre au Passage de l’art à Marseille. 04 91 31 04 08
PARADIGME | LA FABRIQUE SENSIBLE | OÙ SONT LES ENFANTS?
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L’art à l’ouvrage Faisant suite aux 12e Rencontres de l’édition de création, l’atelier Vis-à-Vis expose une trentaine de livres d’artistes et éditeurs de Suisse romande Chaque année l’Atelier Vis-à-Vis invite un nouveau pays à l’occasion de ses Rencontres de l’édition de création. Pour cette douzième, la Suisse était l’invitée d’honneur. Cette sélection nous fait approcher des créations uniques ou multiples, pièces d’artistes ou d’éditeurs que le public a peu l’occasion de voir étant donné leur tirage restreint et leur diffusion confidentielle. On y trouve une majorité de petits formats mis en œuvre avec réserve et sobriété. Cette retenue plastique laisse place à une esthétique très tenue, un évident raffinement bien souvent. Ainsi les éditions genevoises Héros Limite évacuent toute image au seul profit du texte. Typographie et mise en espace, pleins et vides, rythmes et respirations visuelles tendent cependant l’objet vers un statut iconique épuré. À l’opposé, Ursula Jakob a conçu une histoire sans récit où les images et les jeux graphiques se développent dans une atmosphère monochrome dominée par le bleu cyan. Le papier de riz doublé à la chinoise apporte sa part de sensualité fragile et transparente. Pour ses carnets de dessins, Liliana Gassiot développe des graphismes réalisés avec une machine à coudre. Les variations autorisées par les différents points de broderie inventent des linéaments non figuratifs au fil des pages, et font de chacun des carnets
un exemplaire subtilement unique. Le trait commun au livre d’artiste dans cette région transalpine ? Un subtil mélange entre la permanence des techniques traditionnelles et des expérimentations plus audacieuses. Pour certains artistes et collectifs (art&fiction, Attitudes, 36 Editions…) le livre intègre les nouvelles technologies, le numérique, ou prend des formes singulières lors d’expositions ou de performances. Dans la dernière livraison du Project Book International, édité par l’Atelier Vis-à-Vis, Silvio Corsini, conservateur à Lausanne, brosse un alléchant état des lieux de la création et de l’édition engagée dans le livre d’artiste en Suisse romande. Dans les pages suivantes, Emès-Manuel de Matos, créateur avec Danièle Ubeda du Comptoir international du livre d’artiste/Paradigme, resitue plus généralement la place de ces œuvres singulières que sont les livres d’artistes dans le contexte de la création artistique. À l’occasion de l’exposition, il était possible d’acquérir un ouvrage issu des collections de l’atelier en participant à la loterie du 3e Jeu de Hasard-Livre d’artiste. Le quatrième est en cours : tout n’est pas encore perdu pour les futurs collectionneurs ! CLAUDE LORIN
Le Valais des signes, Editions Corinollon © C. Lorin
Cahier de dessins cousus de fil noir, Liliana Gassiot © C.Lorin
Livres d’artistes suisses Paradigme/Comptoir international du livre d’artiste contemporain jusqu’au 30 janvier 04 91 33 20 80 www.ateliervisavis.com
Mouche © Michele Sylvander
Home Sweet Home
Nouvellement installées à la Maison des éditeurs et des industries culturelles à Arles, les sociétés d’édition La Fabrique sensible (livres d’artistes) et Où sont les enfants ? (livres jeunesse) ont mis leur ardeur en commun pour ouvrir la Maison au public à l’occasion de la parution de trois
ouvrages. Dédalles de Ville, Avignon de Max Charvolen, chambre d’écho à sa résidence à Avignon comme invité d’honneur du 15e Parcours de l’art, trace de ses pérégrinations urbaines et de ses interventions plastiques. Le livre-miroir de Michèle Sylvander, Instant de doute, où la fiction brouille la réalité, le passé dépasse le présent, l’autoportrait féminin masque le masculin. Nocturnes ou les garçons perdus, premier opus jeunesse de Mireille Loup qui expose actuellement ses photographies à la Galerie du théâtre La Passerelle (voir page 28). Un conte initiatique pour un petit garçon perdu dans la nuit pour lequel elle «a convoqué tous les bleus de la terre, le ciel, l’eau et la lumière». Le temps d’une rencontre avec les artistes, les éditeurs et les entreprises implantées sur le site (Cie Events, association La Cuisine, Main, Oiseau
indigo diffusion, ICNPA…), la Maison dévoile ses mille et une envies : rendre le lieu vivant, créer des circulations entre ses habitants, partager ses projets, ses enthousiasmes et ses découvertes avec le public. La première page d’une longue série à écrire. M.G.-G.
Maison des éditeurs et des industries culturelles vendredi 18 décembre de 15h à 19h rencontre-expositions-vidéos La Fabrique sensible www.lafabriquesensible.com Où sont les enfants ? http://ousontlesenfants.hautetfort.com/
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GALERIE VINCENT BERCKER | LA NON-MAISON
Verrouillé à double tour Que faire de ce jeu de photographies réalisées en 1988 dans l’appartement qu’il partagea avec sa mère et qu’elle abandonna durant deux ans ? Que faire de ce lourd et douloureux passé qui l’encombre encore ? Un livre, oui, mais que le photographe Pierre-Jean Amar n’a pas écrit pour une catharsis, abréaction qu’il réfute tant sa détestation de la psychanalyse est grande. «Une fois les photos faites, le livre écrit et publié, c’est la même merde. Rien n’a changé !» : sa mère a subi la psychiatrie curative la plus violente… Il fallait donc un écrivain, un proche comme Georges Monti, directeur des éditions Le Temps qu’il fait, pour coucher sur le papier tant de souffrances étouffées, de ressentiments et d’amour mêlés. «Une histoire douloureuse qui le fonde», il le sait, qui a longtemps entravé sa vie : heureusement la lecture, puis la photographie, sont restées ses terres de liberté jusqu’à ce qu’il déploie son existence propre. Il avait 26 ans ! Un livre au titre terrible, Le coffre-fort de ma mère, des photos d’une extrême violence derrière le vernis de la banalité, où «l’on retrouve l’ambiance carcérale». Des photos prises en son absence, jamais montrées, pas même à sa mère qui est morte sans jamais savoir ce qu’il faisait dans la vie… Un regard effroyable sur l’enfermement, la solitude, la destruction des êtres : sa mère isolée
sans doute le catalogue Manufrance»)… Des interrupteurs et des cadenas en pagaille, une boîte à pharmacie surchargée, un téléphone blanc (« ma mère a inventé le téléphone portable, elle en avait trois !»)… Et ce fameux coffre-fort familial posé à même le sol d’une cour intérieure «exiguë et sale… dans lequel ma mère a longtemps serré ses bijoux ». Le livre, comme l’exposition, s’ouvre et se ferme sur deux portraits de l’absente : l’un les yeux vides, la main serrant son chandail contre sa poitrine, dans un tirage argentique noir et blanc précis et nuancé ; l’autre l’image tremblante d’une silhouette ratatinée dans son fauteuil roulant. «C’est un constat» répète Pierre-Jean Amar avec un détachement feint, un constat bouleversant, oppressant même : ces photographies magnifiques disent toute une vie de possession et son ultime libération dans la mort. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI Sans titre © Pierre-jean Amar
dans sa folie, Pierre-Jean Amar «claustré, prisonnier de la maison». Le fils a retenu de cet intérieur inhabité un piano Hansen («ma mère, d’éducation bourgeoise possédait un piano mais ne connaissait rien à la musique»), une armoire-bureau remplie de livres de peu d’intérêt («le plus passionnant est
Ouf ! Suite à l’expérience de [La Pile] à la Non-Maison, le projet de Bruno Peinado pourrait enfin se concrétiser. Mais il faudra patienter quelques temps encore! C’est l’histoire d’un projet dont la réalisation a été plusieurs fois repoussée faute des moyens nécessaires. Quel porteur de projet n’a pas vécu les affres d’une fin de non recevoir ? Michèle Cohen ne pouvait en rester au renoncement : l’exposition [La Pile] a été à la fois une forme de révolte et un temps d’appel à collaboration. «Trois mois pendant lesquels j’ai fait grève, où les murs sont restés vides mais on pouvait entrer et voir les piles de la revue Semaine consacrée au projet avec les textes de Bruno Peinado et Bernard Marcadé. Et nous avons ouvert un blog le jour de l’inauguration pour faciliter les échanges avec le public et peut-être trouver des personnes intéressées pour faire ce projet. Une deuxième pile a été présentée pendant le Slick à Paris en parallèle à la FIAC». Et les appels semblent avoir été entendus. Michèle Cohen ne mettra pas la clef sous la porte comme elle l’envisageait ! L’embellie est arrivée par l’étranger suite à l’appel d’un mécène privé dont l’identité ne peut être encore dévoilée. Grâce aussi «au très bon contact que j’ai eu avec Véronique Traquandi du Conseil général 13. J’ai beaucoup d’espoir que cela se réalise en 2010. L’œuvre devrait être installée dans un espace extérieur pour être offerte au public, de préférence sur Aix ou alentour». Mais quelques
Signature du livre Le coffre-fort de ma mère (Éd. Le temps qu’il fait) samedi 19 décembre 11h
Le coffre-fort de ma mère jusqu’au 24 décembre Galerie Vincent Bercker, Aix-en-Provence 04 42 21 46 84
Bruno Peinado, projet pour la Non-Maison, Aix-en-Provence
freins persisteraient encore à Aix, essentiellement pour des questions de forme administrative. «Nous sommes considérés là-bas comme galerie donc comme privé alors que la Non-Maison est une structure qui se veut mixte ; nous voulons au contraire réunir public et privé sur des projets, les services publics avec les jeunes collectionneurs qui nous suivent maintenant, en intervenant comme lieu intermédiaire entre l’atelier de l’artiste et les institutions plus importantes. Je travaille à la conception d’un statut reconnu proche des centres d’art, des cinémas d’art et essai ou certaines compagnies de théâtre ; des lieux d’expérimentation, de proposition et au plus proche du public. Autre bonne nouvelle pour 2010, le projet sera suivi dans un documentaire consacré au travail de Bruno Peinado réalisé par Arte». Le projet Une partition pour un accident ou les trois princes de Serendip est présenté par Bruno Peinado et Michèle Cohen dans la vidéo réalisée lors de l’inauguration de [La Pile] le 15 octobre 2009, à voir sur le site de la Non-Maison. Si tout va bien on espère qu’en fin 2010 on pourra souhaiter à cette non-exposition un joyeux nonanniversaire ! CLAUDE LORIN
[La Pile] jusqu’au 10 janvier La Non-Maison, Aix-en-Provence 06 24 03 39 31 http://lanonmaison.com http://lanonmaison.blogspot.com
ST-CYR-SUR-MER | APT
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Une passerelle pour l’art
Gh izl
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
en eC ha jaï
photo de Danka Hojcusova dont les binômes, mis bout à bout, parlent de solitude et de déplacement ; les lignes dessinées de Sandra Ferreri, qui, mises en boucle, emprisonnent d’obscures maisons. Les portraits de femmes aux visages voilés de Ghizlène Chajaï tels des «vanités contemporaines»; l’amoncellement de globes en terre cassés de Lisa-Dora Fardelli qui expulse de ses fragments une vidéo (Charnier intestinal) comme on ouvre la boîte de Pandore ; Les Olympiennes transfigurées par la peinture nerveuse de Catherine Duchêne. Et Delphine Poitevin qui excelle dans la dématérialisation des surfaces, des murs, des papiers peints par grattage, frottage, rainurage et effacement : les perspectives s’écrasent, les volumes s‘aplanissent, l’espace photographié bien réel (une pièce vide, une porte entrouverte, un motif mural) ouvrant sur une autre dimension spatiale. Même si ce 26e Rendez-vous des jeunes plasticiens ne représente «qu’une petite marche» vers la reconnaissance, il a déjà tout d’un tapis rouge. Sa ns tit re ©
Accueilli depuis 2002 au Centre d’art Sébastien à St-Cyr-sur-Mer, le 26e Rendez-vous des jeunes plasticiens tient ses promesses avec une belle moisson de nominés et de lauréats. Pour Valérie Duquesne, élue récemment présidente de l’association ELSTIR qui organise cet événement ainsi que Rendez-vous aux Jardins, «on sent un travail de grande qualité avec des œuvres plus dépouillées. Ce sont, bien sûr, des travaux en devenir car c’est l’objectif d’ELSTIR d’accompagner les jeunes artistes dans leur travail». Et de constater que le cru 2009 est d’une grande maturité : «Ils ne sont pas dans la facilité. Comme Guillaume Gattier (Marseille) qui a reçu le prix Louise Baron, Delphine Poitevin (Ivry) celui du Conseil général du Var ou Ghizlène Chajaï (Strasbourg) le prix Passerelle. Leur travail fait preuve de beaucoup de professionnalisme et il ouvre sur de nouveaux horizons». Sur 150 dossiers, 9 ont réussi l’épreuve du feu face au jury composé de professionnels, d’élus et d’artistes et au public qui lui décerne son Prix. Cette année, le travail ingénieux de Jérôme Ispanakçi (Nice) a eu sa préférence, ex-aequo avec la sculpture-installation de Lisa-Dora Fardelli (Toulon). Au-delà des récompenses, on retiendra la photo installation de Guillaume Gattier qui étire à l’extrême ses images panoramiques tronquées ; le roman-
26e Rendez-vous des jeunes plasticiens jusqu’au 19 décembre Centre d’art Sébastien, St-Cyr-sur-Mer 04 94 25 04 86
Aller-retour Dak’Art-Dak’Apt NGoor (Sénégal), Yoko Breeze (Afrique du Sud), Samba Fall (Sénégal), Tchalé Figueira (Cap-Vert) et Boubacar Touré Mandemory (Sénégal) ont en commun d’avoir été primés par la Fondation d‘entreprise Blachère lors de la Biennale des arts africains contemporains Dak’Art 2008. Une récompense décernée par un Collège critique qui, sous la direction de Pierre Jaccaud, a écumé les musées et galeries de la capitale sénégalaise. Dix-huit mois et une exposition plus tard, la Fondation Blachère les réunit à nouveau, loin de l’Institut culturel français de Dakar où eut lieu la remise des prix : dans la zone industrielle d’Apt, au centre d’art proche de l’entreprise de luminaires. Si la Biennale «permet aux artistes du continent africain de présenter leurs nouvelles productions», le Prix de la découverte leur offre une première visibilité en France à travers une résidence et une exposition collective. Tranchant avec la clarté extérieure, l’espace d’exposition plonge le spectateur dans l’obscurité et le murmure des voix, celles de la cérémonie des prix, avec diaporama à l’appui. Histoire de rappeler que tout cela est bien réel, qu’il y a un engagement et des rencontres déterminantes. Comme avec les peintures «dramaturgiques» de NGoor dont les visages hantés se masquent de grimaces goyesques, artiste émergeant découvert par hasard : «Il aura
fallu une promenade improvisée en quête de découverte dans les rues de Dakar pour rencontrer une toile suspendue au musée Boribana», toile qui «a mis le feu [aux] esprits» des membres du Collège critique tout autant qu’aux visiteurs d’Apt. Avec le plasticien Samba Fall, «figure prometteuse
d’animaux et d’êtres tombés du ciel. Avec Boubacar Touré Mandémory qui défie la banalité de la photographie de rue en inventant des couleurs «mouvementées» grâce à ses points de vue décalés, ses hors champs et ses perspectives infinies. Avec l’acteur, graphiste et designer Yko Breeze dont le travail fait écho à l’histoire de l’Afrique du sud, notamment sa vidéo sur l’activiste Steve Biko réalisée avec la même ampleur qu’un film. Mais le retour de Dakar à Apt n’est qu’une escale pour la Fondation qui entend poursuivre son «engagement pérenne sur le continent africain avec une détermination sans faille»: tout juste revenue des Rencontres de la photographie de Bamako où elle a remis son prix en présence du photographe Malick Sidibé, elle s’apprête à partir pour l’Afrique du Sud…
© Boubacar Toure Mandemory
de la scène internationnale», dont les œuvres protéiformes (vidéo-peinture-scultpure-objet) frappent à coup sûr les esprits, véritables manifestes humanistes. Avec le peintre, musicien et poète Tchalé Figueira -dont on dit qu’il a la tête dans les étoiles-, qui déroule ses dessins tels de longs papyrus noirs, histoires mélancoliques et douces peuplées de lignes et de masques,
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI (ENVOYÉE À DAKAR MAI 2008 APT NOVEMBRE 2009)
Centre d’art Fondation Blachère, Apt jusqu’au 17 janvier 04 32 52 06 15 www.fondationblachere.org
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AU PROGRAMME Avis ! Appels à projets à la pelle : artistes, sortez votre attirail et faites vibrer votre génie. En Camargue, il sera question de lumière lors de la 5e Rencontre Land Art In Situ 0.5, rendre sa copie avant le 30 janvier [http://culturesnomades.com] En Arles, on entend des Voies Off pour mettre 2000 euros de prix dans sa bourse, dernier délai le 31 janvier [www.voies-off.com] À Aix, toujours de la photo, la Fontaine Obscure propose de plancher sur le thème migrations, limite ultime juin 2010 [www.fontaine-obscure.com] On en parlera sûrement dans Zibeline. C.L.
Mirko Martin, prix Voies Off 2009 © Mirko Martin
Au Loup ! On ne dira que du bien de la programmation de la Galerie du théâtre La Passerelle à Gap. La saison 2010 le confirme en ouverture avec deux belles séries de Mireille Loup déjà célébrées sous d’autres enseignes. Des enfants solitaires sont au centre de narrations oniriques, parfois potentiellement hostiles. Des bribes d’un conte très étrange pas vraiment très enchanté. Rencontre avec l’artiste le 9 janvier à 10h. C.L.
Nocturnes-Sans titre#1 © Mireille Loup
Esquives et Nocturnes Mireille Loup du 9 janvier au 27 février Galerie du théâtre La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52
Plumes d’ange ANGES 51-1998, Daniel Gastaud © galerie Huit
Daniel Gastaud est peintre et photographe. Mais depuis 1997, il a troqué la peinture pour un matériau beaucoup plus volatile… Un fond de plumes blanches ou colorées collées sur Plexiglas dans lequel il incruste des projections photographiques, composant une œuvre sérielle sur la transparence, l’évanescence. Un hymne à la féminité, mystérieuse et sculpturale, à (re)découvrir à la galerie Huit à l’occasion de la manifestation Drôles de Noëls. M.G.-G.
Continuum… Daniel Gastaud jusqu’au 4 janvier Galerie Huit, Arles 06 82 04 39 60
Sur les pas de César © Musée archéologique Fréjus
Sur les pas de César Une exposition (César, le Rhône pour mémoire au Musée départemental Arles antique) + une publication (un livre d’art scientifique plus qu’un catalogue) + un itinéraire touristique et culturel (Sur les pas de César proposé par le Comité régional de tourisme)... Ces «fragments de mémoire» aiguisent la curiosité du public invité à faire étape dans 11 villes, 27 musées d’archéologie et d’histoire et 19 sites gallo-romains, du Rhône à la Méditerranée… Même les inconditionnels de l’art contemporain seront bluffés par l’exposition qui intègre le regard critique de l’artiste Mark Dion sur le musée, ses collections et le travail des archéologues. M.G.-G.
César, le Rhône pour mémoire Musée départemental Arles antique jusqu’au 19 septembre 2010 www.arles-antique.cg13.fr
29 Ligne de crête Mario Prassinos disait souvent à propos des Alpilles «ce pays me dissèque l’âme». Installé à Eygalières sur un coup de cœur qui dura de 1951 au 23 octobre 1985, date de sa mort, l’artiste a entretenu une liaison particulière avec le paysage jusqu’à annoter sur son électrocardiogramme «mon cœur dessine le profil des collines»… À Aubagne, la Chapelle des Pénitents noirs fait entendre battre son cœur à travers une série d’œuvres sur papier, Les Alpilles, où la colline et le ciel ne font qu’un. M.G.-G.
Ligne de crête Mario Prassinos jusqu’au 21 février Chapelle des Pénitents Noirs, Aubagne 04 42 18 19 15 Ligne de crete, Mario Prassinos © X-D.R
L’art du trader Cédric Mnich connaît bien le domaine de la finance et de ses marchés. Il y travaille. Et en dehors de ses heures de boulot, il tente une réflexion personnelle pour construire une esthétique inspirée des icônes d’un milieu dont il condamne les excès. Greed Brothers est une de ses allusives fictions. Il faut aussi savoir investir dans l’art. Dans la foulée l’expo suivante sera collective et sur le dessin, qui a de plus en plus la côte. C. L.
In greed we trust/ En la cupidité nous croyons Cédric Mnich jusqu’au 2 janvier Dessine-moi… jusqu’au 27 février Saffir, galerie nomade, Marseille 06 03 40 76 92 www.saffirgalerienomade.blogspot.com
Buy © Cedric Mnich
Faux semblants Les galeries Martagon (Malaucène) et Annie Lagier (L’Isle sur la Sorgue) proposent une sélection commune de photographes jouant avec les apparences de l’image et ses multiples mirages : P. Domergue, C. Fuillet, J-C Guillaumon, M-F. Lejeune, F. Nakache, B. Pras, G. Rousse, H. Ufren, W. Skonieczny, H. Silvester. La photo ne dévoile pas (toute) la vérité. Édition d’un portfolio de dix images format carte postale. C. L .
Illusions photographiques jusqu’au 3 janvier www.galeriemartagon.com www.galerieannielagier.com Batiment de surveillance des crues, Saleilles, 2009 © Philippe Domergue Santon diable
Santons sur l’appui Bernard Plasse plaiderait-il subitement pour un art odieusement non contemporain, de surcroît réputé bien ringard ? Est-ce un retour à la tradition de fin d’année, Noël, crèche et navettes ? Ou bien en période de crise, une possible reconversion ? Au vu des artistes invités, la démarche au pied d’argile échappe au traditionnel lourdaud : J.J. Ceccarelli, F. Clavère, A. Domagala, P. Klemensiewicz, Mijares, S. Reno, L. Septier… C’est comme vous le santon. C.L.
Santons jusqu’au 3 janvier Galerie du Tableau, Marseille 04 91 57 05 34 http://galeriedutableau.free.fr
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CINÉMA
AFLAM | FESTIVAL TOUS COURTS
Que reste-t-il de nos espoirs ? Femmes…
Cette interrogation hante la plupart des films sélectionnés par AFLAM pour la semaine du cinéma algérien qui s’est déroulée du 1er au 6 décembre, aux Variétés En ouverture, deux films de Merzak Allouache, Omar Gatlato (1976) et Harragas (2009). 1976 : une décennie après la libération de l’Algérie. Déjà, on n’écoute plus les récits de guerre enjolivés des anciens combattants comme l’oncle d’Omar ; le cinéma d’édification nationale né en 1958 dans les maquis laisse place à des œuvres plus critiques. Tendresse amusée du réalisateur pour son personnage, un petit fonctionnaire d’état à la vie aussi étriquée que ses chemises cintrées. Omar, le macho, n’osera pas approcher Selma, la femme dont il est tombé amoureux à travers ses confidences, enregistrées sur une cassette tombée par hasard entre ses mains. Elle restera fantasme, voix dématérialisée. Babel Oued est surpeuplé, les salaires sont maigres, mais Alger rit, la bière coule aux terrasses des bistrots et Omar cache ses chaussettes trouées sous des bottes pointues. 2009 : Harragas, qui signifie «brûleurs», film témoignage, -«message pour l’Algérie et l’Europe» a précisé le réalisateur- raconte une traversée d’Algériens qui fuient leur pays au péril de leur vie. Le propos est fort mais les images trop léchées et les personnages un peu stéréotypées. À l’inverse, le premier court métrage de Rachid Bouchareb, Peut-être la mer, en 1982, met en scène deux enfants de
Mascarades de Lyes Salem
Bobigny, d’origine algérienne, qui rêvent d’aller voir la mer «de là-bas qui est si chaude !».
Regard distancé… Entre les deux, les échecs d’un régime autocratique, la montée de l’intégrisme, une décennie de terreur, crise économique et politique… et exil de quelques cinéastes, attachés à leurs racines qui portent sur leur histoire et la société algérienne un regard distancé sans concession variant approches et registres. Les Sacrifiés d’Okacha Touita (1982) entre farce et tragédie, dérange en évoquant les luttes fratricides des Algériens à Paris de 1955 à 1962. La comédie satirique Mascarades de Lyes Salem (2007) théâtralise les mensonges d’un fanfaron du bled. Les baies d’Alger premier court métrage de Hassan Ferhani (2007) prend de la hauteur pour filmer toits et fenêtres de la capitale et capter avec malice des bribes de conversation.
Les figures féminines s’imposent. Les tisseuses de tapis du village sud-oranais de La citadelle de Mohamed Chouikh, victimes de rites archaïques et humiliants. La jeune Touchia du Cantique des femmes d’Alger de Rachid Benhadj qui, en pleine fièvre intégriste en 1991, malgré les pressions, veut témoigner d’un viol subi le jour de la libération du pays, vingt ans auparavant. Et bien sûr, Louisa dans Bled number one de Rabah Ameur Zaïmeche, bouleversante Meriem Serbah qui interprète un blues de Billie Holiday à l’asile de folles où l’ont menée le rejet de sa famille, l’impuissance de Kamel la France revenu au bled, et son obstination à vouloir chanter malgré l’interdiction de son mari.
En pleine ébullition Dans les matins désenchantés restent les rêves entêtés des hommes et des femmes, la volonté de réaliser des films, d’interroger présent et passé, la pluralité des voix et des regards, la vitalité du désir des artistes comme on a pu le constater lors de la rencontre au Polygone Etoilé qui a réuni Farouk Beloufa, le réalisateur de Nahla et de jeunes créateurs, producteurs, organisateurs de Rencontres et de Festivals en Algérie. Les échanges, passionnants, ont permis de dresser un état des lieux, d’évoquer les projets, écoles de cinéma, résidences d’artistes, les difficultés, les rapports des jeunes cinéastes avec leurs «anciens» et les institutions. ÉLISE PADOVANI ET ANNIE GAVA
Trop court les courts ! Le Festival Tous Courts qui s’est tenu à Aix du 30 novembre au 6 décembre a permis au public de découvrir les pépites de cette 27e édition parmi les dix programmes de la compétition. On y a retrouvé des «habitués» : Blandine Lenoir qui présente L’Honneur de Robert, tourné avec un téléphone portable, sans grand intérêt et Katell Quillévéré qui continue à filmer l’adolescence. Olivier Smolders poursuit sa réflexion sur les rapports entre les images et la mort ; son dernier opus, Petite anatomie de l’image, a suscité quelques réactions parmi le public de lycéens : on peut éprouver une véritable nausée en le voyant disséquer, écarteler, kaléidoscoper, reproduire à l’infini, telles des fractales, les images des écorchés de cire du musée de La Specola, à Florence. Les courts reflètent la violence du monde comme Cold grove de Mihàly Schwechtie qui met en scène deux ados marginaux, en Hongrie, vivant d’expédients ou La Virée du Croate Dalibor Matanic, qui a obtenu le Prix spécial du Jury. Métaphore de la violence morale faite aux femmes iraniennes, Rough Cut de Firouzeh Khosrovani a obtenu le prix Cinécourts. Violence de la condition humaine, de notre société de
profit et de consommation avec l’inquiétant Next Floor du Canadien, Denis Villeneuve, primé par le Jury Jeunes. Violence dans la famille avec Beast de Lars Arendt ou The Fireflies de la Russe Olga Shebunyaeva que nous raconte un jeune garçon de onze ans. Violence de la perte de l’innocence avec La Harde de Kathy Sebbah, une partie de chasse initiatique, superbement filmée, primé par Fujifilm. Violence de l’adolescence meurtrie et meurtrière dans Écho du La Virée © Zoran Mikinčič-Budin 2008
Polonais Magnus Von Horn, où on assiste à la reconstitution du crime commis par deux garçons sur une jeune fille et à la confrontation avec ses parents : terrible! Le jury auquel participait Laurent Lafran (voir ci contre) lui a attribué le Grand Prix. Le public, lui, a préféré un film plus léger au titre énigmatique, Bretelles, Pudding et Herbes Hautes de Simon Lahmani : dans un parc surréaliste, sur un banc vert, défilent des anonymes qui confient leurs amours ou… leur mort. Le prix de la meilleure musique originale a été décerné à Ils se sont tus de K. Benaissa et S. Messaoud. Quant aux nouveaux prix des télévisions, ce sont L’Âge adulte de Pierre Daignière, tourné à Aubagne, et Beast de Lars Arendt qui les ont obtenus. Et les enfants ? Ils ont choisi Le petit Dragon de Bruno Collet, une variation autour de Bruce Lee, et une réflexion sur le devenir du jouet. ANNIE GAVA
LES RENDEZ-VOUS D’ANNIE
CINÉMA
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Les Rendez-vous d’Annie Le 17 décembre à 20h00, le FIDMarseille et le cinéma Variétés proposent le documentaire d’Olivier Zuchuat, Au loin des villages. En avril 2006, 13 000 personnes de l’ethnie Dajo, survivants de la guerre du Darfour, se réfugient dans la plaine de Gouroukoun, à l’Est du Tchad, et y construisent un camp. Olivier Zuchuat y a passé quelques mois et a filmé cette survie, donnant la parole aux réfugiés. La rencontre avec le réalisateur sera animée par JeanPierre Rehm, délégué général du FID 04 95 04 44 90 www.fidmarseille.org
Le 17 décembre à 20h, l’association Cinépage propose au Cinéma Prado, à Marseille, Lettres d’Iwo Jima de Clint Eastwood, suivi d’un débat. Un film sur le débarquement des Américains au Japon, qui raconte les mêmes événements que La Mémoire de nos pères, en adoptant le point de vue de soldats et d’officiers japonais. Au loin des villages d'Olivier Zuchuat
Les mardis de la Cinémathèque proposent, le 12 janvier, Landru de Claude Chabrol dont le scénario et les dialogues sont de Françoise Sagan avec Charles Denner, Michèle Morgan, Danielle Darrieux, Stéphane Audran, Marie Marquet, Raymond Queneau et Jean-Pierre Melville. Le 19 janvier ce sera La Jeune fille de Buñuel.
Cinépage 04 91 85 07 17
Le 20 décembre à 18h30, au Daki Ling, projection de En Catalogne, Pascal Comelade de Jean François Comminges, en partenariat avec Videodrome et le GRIM. Daki Ling, le Jardin des Muses 04 91 33 45 14 www.dakiling.com
La Cinémathèque de Marseille 04 91 50 64 48 www.cinememoire.net
Revoir l’année
Entre Sirk et Moretti L’Institut de l’Image d’Aix finit l’année 2009 avec Douglas Sirk puisque la programmation se poursuit jusqu’au 22 décembre ; l’occasion de (re)voir Celui par qui le scandale arrive, Elle et lui, La Fille sur la balançoire, Le Temps d’aimer et le temps de mourir et Tout ce que le ciel permet. L’année 2010 démarre avec Nanni Moretti. De Je suis un autarcique, tourné en super 8 en 1975 à Le Caïman en 2006, on pourra voir une douzaine de films Palombella rossa de Nani Moretti de ce réalisateur pour qui «tout est politique, surtout ce qui est personnel». Chaque séance du samedi 16 janvier sera animée par Eugenio Renzi qui a été rédacteur aux Cahiers du cinéma et a publié Entretiens avec Nanni Moretti (Editions des Cahiers du cinéma, 2008). 04 42 26 81 82 www.institut-image.org
Du 20 au 26 janvier se tient le festival AFCAE - Télérama. Comme douze cinémas de la région, l’Alhambra Ciné Marseille vous donne l’occasion de voir les films que vous avez «loupés» ou que vous avez envie de revoir : Welcome de Philippe Lioret, Harvey Milk de Gus Welcome de Philippe Lioret © Film Distributions
Van Sant, Mary et Max d’Adam Elliot, Irène d’Alain Cavalier, Still walking de Hirokazu Koreeda, Les Herbes folles d’Alain Resnais, Vincere de Marco Bellocchio… Pour connaître le programme, contactez les salles de votre ville : à Aix, Le Renoir et Le Mazarin ; à Apt, le César ; à Briançon, l’Eden Studio ; à Forcalquier, Le Cinématographe ; à Gardanne, Le 3 Casino ; à Manosque, le Lido ; à Nîmes, Le Sémaphore ; à Pertuis, Le Lubéron ; à Toulon, Le Royal ; à Vaison-la-Romaine, le Palace. Alhambra Ciné Marseille 04 91 46 02 83 www.alhambracine.com
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CINÉMA
STELLA | ICI | PORTRAIT DE LAURENT LAFRAN
Un amour
E la nave va….
Si l’association MPPM n’a pu, en avril 2008, faute de subvention suffisante, mettre en place le festival Reflets, elle n’a pas pour autant cessé ses activités. Un des derniers films qu’elle a présenté en avant-première au cinéma Variétés le 20 nov, en présence de son réalisateur, a été fort apprécié du public. À juste titre. Strella est en effet un film fort dérangeant, une véritable tragédie grecque. Panos H. Koutras ayant demandé qu’on ne déflore pas le sujet du film pour que les spectateurs arrivent «vierges» à la projection, on n’en dira rien… Cette histoire d’amour entre Strella, une transsexuelle qui chante comme la Callas, et Yiorgos, qui vient juste de sortir de prison après quinze ans d’incarcération pour meurtre, renvoie aux mythes de la Grèce antique. Strella est interprétée magistralement par une jeune transsexuelle, Mina Orfanou, tout juste arrivée de Rhode : elle n’était allée que deux fois dans sa vie au cinéma et n’avait aucune idée de ce qu’était un tournage. Panos H. Koutras a eu du mal à trouver un acteur pour jouer le rôle de Yiorgos, les préjugés sur les transsexuels étant tenaces! C’est Yiannis Kokiasmenos, le mari de la monteuse des ses films précédents,
Du 20 au 27 nov, l’Institut Culturel Italien de Marseille a présenté comme chaque année un panorama de la production cinématographique italienne, en particulier les films primés au Festival d’Annecy. Présenté par J. C. Mirabella, le film de Giuseppe Piccioni, Giulia non esce la sera est un film ambitieux, formellement réussi tant au niveau de la photographie que du montage et de l’interprétation. Alors pourquoi n’éprouve-t-on que peu d’émotion ? Peut-être parce que Piccione, abordant beaucoup de sujets, se disperse un peu : le film parle de la difficulté à communiquer, de l’éclatement de la famille, de l’impasse de la création, des difficultés de la maternité, de la solitude de l’être humain. Resteront de magnifiques scènes dans et au bord de la piscine, et la superbe interprétation de Valeria Golino. En revanche La Bella Gente, le deuxième film d’Ivano de Matteo présent à l’Institut, a un propos qui interpelle et renvoie chacun à sa propre hypocrisie. L’idée lui est venue lors d’une soirée chez des amis, intellectuels de gauche, qui discutaient, entre la poire et le fromage, de jeunes immigrées qui se prostituaient tout près de leur maison de campagne. C’est ainsi que sont nés les
Strella de Panos H. Koutras © Orphee Emirzas
qui, adorant le scénario, a accepté ; tout comme les autres acteurs du film, en particulier les transsexuels qui jouent dans le film, il se donne corps et âme. La scène où Strella et Yiorgos s’acceptent physiquement est superbement éclairée, et d’une beauté troublante. Il est rare de voir des films grecs en France. Laissez- vous déranger par celui-là ! ANNIE GAVA
personnages de Susanna (Monica Guerritore) et Alfredo (Antonio Catania) : ils vont héberger Nadja, une jeune Ukrainienne (Victoria Larchkenko) qui se prostitue au bord de la route. Mais l’arrivée du fils et sa liaison avec la «pute» vont remettre Nadja sur la route… Le film n’a pas encore de distributeur en France. Souhaitons à Ivano de Matteo d’en trouver un pour donne une chance à ce film qui le mérite. ANNIE GAVA La bella gente © Franco Origlia
NOM : Laurent LAFRAN Ce qui saute aux oreilles dès qu’on aborde Laurent, c’est sa simplicité et son envie de transmettre sa passion, l’amour de son métier… Peut-être parce des gens l’ont un jour écouté, lui. Après des études un peu chaotiques, c’est l’amour de l’outil, du bricolage qui a sauvé Laurent Lafran. «J’étais incapable de me concentrer. Issu d’une famille de manuels, j’avais envie de capter, d’écouter et c’est très jeune, dès 11/12 ans que j’ai commencé à faire des enregistrements.» En terminale, il fait le mur pour aller voir un film et, renvoyé de l’internat, il décide qu’il ne peut que réussir son bac pour ne pas revivre une année au lycée. Puis c’est un IUT d’électronique. Plus tard, il fait un DESS «écriture et réalisation». «C’est le cinéma qui m’a sauvé» dit Laurent. Clin d’œil à François Truffaut ? De ces années-là, il ne garde pas de très bons souvenirs, mais c’est peut-être là qu’est née son envie de transmettre sa passion aux publics les plus larges possibles. Ce qu’il a fait à St-Louis du Sénégal, à Alger, à Lussas, à des adultes, à de jeunes enfants. «J’ai plaisir à transmettre le travail sonore pour essayer d’ouvrir les yeux des oreilles !» Deux rencontres ont marqué son parcours : celle de Lucien Bertolina, co-fondateur du Groupe de Musique Expérimentale de Marseille, qui l’a amené, adolescent à la parole : «Il m’écoutait et j’ai appris à écouter et à
Laurent Lafran © Eric Catarina-Cinemed
Profession : ingénieur du son Signes particuliers : passeur «politiquement concerné» faire de vraies phrases. Toi, tu as besoin du geste, m’at-il dit ! Il m’a tout appris en me laissant faire et en étant proche.» La deuxième rencontre charnière est celle de Malek Hamzaoui : il lui a permis de connaitre Robert Guédiguian et Humbert Balsan qui l’a fait travailler sur des films intéressants comme Les Equilibristes de Nikos Papatakis, Samia de Philippe Faucon, Intervention divine d’Elia Suleyman. «Avec Robert, c’est 20 ans de collaboration et 13 films !». Laurent est exigeant. C’est sa rencontre à Paris avec Pierre Schaeffer, Michel Chion et la musique concrète qui a transformé sa vision du son. «Il s’agit de mettre en scène des ambiances et pour qu’un ambiance soit montable, il faut qu’elle soit juste. Mais ce n’est pas une démarche naturaliste. Mon travail consiste à donner une retranscription du réel, à travers de la matière sonore.» Ses moments d’émotion ? Quand il a enregistré les grands acteurs comme Jean Marais, Michel Bouquet ou Michel Piccoli… Et son plaisir ? Réussir à accompagner le metteur en scène jusqu’au bout de son projet. «Le film est une traversée ; on connaît l’itinéraire, un peu l’équipage mais pour le reste on ne sait rien !» ANNIE GAVA
OPÉRA
Noël à la Perrault ! Pour les fêtes de fin d’année l’Opéra de Marseille affiche un délicieux conte de fée lyrique : Cendrillon de Massenet
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Pagnol à l’opéra
Le rôle titre est tenu par une mezzo franco-canadienne très prometteuse, Julie Boulianne, alors que le Prince est chanté par le jeune ténor mozartien Frédéric Antoun. On a plaisir à retrouver également Marie-Ange Todorovitch et François le Roux dirigés par Cyril Diederich. JACQUES FRESCHEL Marius et Fanny - La partie de cartes © X-D.R
Cendrillon Les 23, 29 et 31 déc. à 20h et les 27 déc. et 3 janv. à 14h30 Opéra de Marseille 04 91 55 11 10 www.marseille.fr
Julie Boulianne © Denis Kwan
Non ! Ce n’est pas la Cenerentola de Rossini que Maurice Xiberras programme pour le «bout d’an» au théâtre lyrique de la Place Reyer, mais un opéra en français, également tiré du conte de Perrault ! Cendrillon de Massenet a connu un succès considérable après sa création en 1899. Depuis son passage à Marseille (en 1901 !), il n’y a jamais été rejoué ! L’œuvre connaît cependant un vif succès de par le monde, non seulement à cause de sa facture musicale éminente (10 ans après Manon Massenet était au sommet de son art), mais aussi de par l’intérêt que les metteurs en scène actuels trouvent à revisiter le récit à la lumière de l’histoire contemporaine. C’est le cas du couple Renaud Doucet (mise en scène et chorégraphie) et André Barbe (décors et costumes) pour cette production de l’Opéra de Montréal. C’est que dans une société matérialiste mue par les apparences et le pouvoir de l’argent, la quête du Prince Charmant et du véritable amour demeurent ! Face à des idées progressistes d’émancipation féminine en particulier, la fascination pour les princes persiste, comme une posture ancrée dans les valeurs passées... On a hâte de découvrir notre héroïne entourée d’appareils ménagers, symboles d’une société de consommation avide de progrès dans les années 1950, ses deux sœurs en fashion victims, ou la fée cathodique…
MUSIQUE
On se souvient de la création marseillaise de Marius et Fanny de Vladimir Cosma avec Gheorghiu et Alagna. L’Opéra d’Avignon reprend l’opus avec la seconde distribution de 2007 Vladimir Cosma a composé des centaines de musiques pour le cinéma ou la télévision. On a en mémoire les thèmes du Grand blond, de Rabbi Jacob, Diva, La Boum, L’As des as, La Gloire de mon père, Le Château de ma mère… Son unique opéra est mu, dès le lever du rideau, par une veine populaire. Au rythme cadencé d’un cinq temps asymétrique, la foule se masse sur le Vieux-Port, aux pieds de grandes caisses de bois en partance pour des contrées exotiques… Le clocher des Accoules pointe entre les mâts des navires dans le décor «couleur locale» de Dominique Pichou. Honorine tient son stand de poisson, Panisse et Escartefigue jouent aux cartes, bientôt rejoints par Monsieur Brun. César (inénarrable Jean-Philippe Lafont) pique un «pénéqué», alors que Marius (Sébastien Guèze), qui sert au Bar de la Marine… en pince pour la jolie Fanny (Karen Vourc’h) !
Sommets belcantistes
Au Tyrol, la vivandière Marie, enfant abandonnée, est recueillie par un régiment français. Aimée du jeune paysan Tonio qui s’enrôle dans l’armée pour elle, La Fille du régiment s’avère être en réalité celle d’une marquise ! Mais © F. Parenzan
elle doit apprendre les «bonnes manières» et choisir un parti aristocratique… L’histoire, délicieusement naïve, n’a d’autre pertinence que celle du divertissement. Son intérêt réside dans les qualités théâtrale et vocale de la soprano et le fameux air aux neuf contre-ut qui scella autrefois les succès d’Alfredo Kraus ou Pavarotti… et celui aujourd’hui de Juan Diego Florez ! Les abonnés nîmois profitent de deux représentations de l’opéra le plus français de Donizetti, à Montpellier, dans une production du Teatro Verdi de Trieste, avec Monica Tarone et Manuel Nuñez Camelino. J.F
La Fille du Régiment Le 27 déc à 15h et le 29 déc à 20h Opéra Comédie de Montpellier (aussi les 3, 5 et 7 janv. dans le cadre de la saison montpelliéraine) Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 00 www.theatredenimes.com
La comédie sentimentale de Pagnol est adroitement soutenue par des effets symphoniques légers et tournoyants, obstinés et percutants : le rire et le pathos sont au rendez-vous! De surcroît, Marius et Fanny est un véritable opéra, avec une ouverture, du récitatif continu, des leitmotivs… et des ficelles de métier, comme des aigus judicieusement placés à l’issue des airs, quelque habile cadence a cappella et deux finals rondement conduits… De quoi susciter l’enthousiasme du public en Avignon ! J.F
Marius et Fanny Le 31 déc et 5 janv à 20h30 et le 3 janv. à 14h30 Opéra-Théâtre d’Avignon 04 90 82 81 40 www.mairie-avignon.fr
Bis repetita Reprise de la nouvelle production de Carmen pour la fin 2009, un mois après les représentations de novembre (voir p.37). Le chef-d’œuvre populaire de Georges Bizet retrouve les planches de l’Opéra de Toulon avec ses grands airs : L’amour est enfant de Bohème par la mezzo-soprano Giuseppina Piunti, Toréador en garde par le baryton Franco Pomponi et La fleur que tu m’avais jetée par le ténor Roman Shulackoff ! J.F
Carmen Les 29 & 31 déc. à 20h Opéra de Toulon 04 94 92 70 78 www.operadetoulon.fr
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MUSIQUE
CONCERTS
Grands rendez-vous L’année 2009 se termine à Aix par un concert clôturant la session d’hiver de L’Orchestre Français des Jeunes. La phalange dirigée par Kwamé Ryan, avec les fameuses Danses symphoniques de West Side Story et l’imposante 2e symphonie de Rachmaninov devrait une nouvelle fois faire la démonstration de son immense talent (le 22 déc). Au début 2010, Dominique Bluzet fixe trois rendez-vous musicaux : en sus de l’étrange spectacle musical et burlesque pour tout public Le Cabaret des Valises (le 15 janv, voir p 22), on attend l’Hymne au soleil, concert conçu par les frères Belmondo (sax et trompette) réunissant le jazz à l’univers
classique d’instrumentistes de l’Orchestre de Radio France et revisitant Ravel ou Fauré (le 12 janv). C’est enfin un immense violoniste que l’on entend dans le Concerto de Beethoven. Augustin Dumay est accompagné par l’Orchestre National de Lille (dir. Jean-Claude Casadesus) qui interprète également L’Oiseau de feu de Stravinsky et Ma mère L’Oye de Ravel (le 19 janv). J.F.
Grand Théâtre de Provence, Aix Concerts à 20h30 04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net Orchestre national de Lille © X-D.R.
Grèce Nativité Angélique Ionatos et Katerina Fotinaki mêlent La tournée traditionnelle des Chants de Noël 2009 se poursuit à travers le département des Bouchesdu-Rhône. Ce sont des chants sacrés de la Nativité au Liban, avec la soprano Ghada Ghanem accompagnée par Talal Haidar à l’oud ou au piano, l’atmosphère recréée des veillées italiennes par la Compagnie la Zebra ou un Noël Jazz par Accoules Sax & Cie. C’est peut-être près de chez vous, dans différents quartiers de Marseille, à Salon, Miramas, Port-Saint-Louis-du-Rhône, Velaux, Le Puy-Sainte-Réparade, Aix-enProvence, Fos-sur-Mer, Rousset, Martigues… et c’est gratuit ! Chants de Noël du CG13 Jusqu’au 23 déc. Entrée libre. Programme complet sur www.cg13.fr
leur voix et les cordes de leur guitare dans une musique imprégnée des racines grecques, moderne, sur une poésie en français nourrie par les mots des grands poètes hellènes. BRIANÇON. Le 8 janv. à 20h30 Théâtre Le Cadran. 04 92 25 52 52 - www.theatre-le-cadran.eu
Solstice Russie Baroque Le festival Nuits d’Hiver s’achève à Montévidéo par Les Festes d’Orphée interprètent la Pastorale sur la Jacques Chalmeau connaît bien la Russie pour y des concerts déclinant le thème «La musique, le mot, la voix». Au menu : des musiques improvisées, électro-rock, ou acoustique, percussions, DJ set, documentaires… (voir p 41). Déjà mûr, le GRIM achèvera donc sa trentième année dans la rencontre de toutes les musiques expérimentales, actuelles et improvisées… Ne manquez pas Louis Sclavis (le 16 déc), Raymond Boni (le 17), Symblêma (le 18) ou, pour conclure, le Bel Canto Orchestra qui joue avec Pascal Pomelade (le 21)…
Louis Sclavis © Christophe Alary
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MARSEILLE. Jusqu’au 21 déc. 04 91 04 69 59 - www.grim-marseille.com
naissance de N.S.J.C. du grand Marc-Antoine Charpentier et un Noël «pour l’année 1743» d’un maître provincial ayant œuvré à Toulouse et Rodez (à découvrir) : Bernard Aymable Dupuy. Les textes en français sont déclamés «à l’ancienne» et les instruments (copies d’époque) sont accordés au diapason baroque. AIX. Le 20 déc. à 15h à l’Eglise du Saint Esprit 04 42 99 12 12 - www.concertsdaix.com
Bulgares Polyphonies et chants sacrés de Bulgarie par le quatuor vocal féminin Balkanes. LES BAUX DE PROVENCE. Le 26 déc. à 16h30 – Entrée libre JADE/Cie : 04 91 52 90 45
avoir longtemps dirigé un orchestre. En janvier, à la tête de l’Orchestre du Pays d’Aix, il met à l’honneur Tchaïkovski, Borodine, Moussorgski et Stravinsky au Puy Sainte-Réparade (le 8 janv à 20h30), Fuveau (le 9 à 18h), Saint-Cannat (le 10 à 17h), Simiane (le 15 à 20h30), Aix (le 16 à 20h30 – GTP), Rognes (le 17 à 18h), Pertuis (le 22 à 20h30, Peyrolles (le 23 à 20h30, Les Pennes Mirabeau (le 24 à 17h30), Peynier (le 29 à17h). L’Orchestre des Pays d’Aix, placé dorénavant sous la férule du Grand Théâtre de Provence et non plus de l’association Aix en musique, continuera donc de rayonner en Pays d’Aix, pour y produire ces concerts gratuits, grand public, de qualité, qui démocratisent la musique symphonique auprès d’habitants désormais habitués à la visite… Et qui se déplaceront ensuite jusqu’au grand théâtre pour y voir d’autres formations ? PAYS D’AIX. www.agglo-paysdaix.fr
Couple Emmanuelle Bertrand (violoncelle) et Pascal Opérette Passionnément est une comédie musicale peu connue
Amoyel (piano) s’entendent à la scène comme à la ville. Ils s’étaient produits avec succès, il y a sept ans (déjà !), à la Société de Musique de Chambre de Marseille. Ils ont depuis acquis des titres de noblesse et reviennent dans un programme de belles Sonates peu jouées de Saint-Saëns, Brahms et celle, superbe, en sol mineur de Chopin… pour inaugurer le bicentenaire de sa naissance en 1810 ! MARSEILLE. Le 5 janv. à 20h30 à la Faculté de Médecine. Espace culture - 04 96 11 04 60
qui marque le retour, dans les Années Folles, d’André Messager au genre léger dont Véronique avait scellé le succès un quart de siècle plus tôt. La musique est toujours très soignée chez ce musicien qui possédait une science très fine de l’écriture. Le livret signé Maurice Hennequin et Albert Willemetz est basé sur une intrigue amoureuse franco-américaine sur fond de business et de yacht à Deauville… AUBAGNE. Le 10 janv. à 17h au Théâtre Comœdia 04 42 18 19 88 - www.aubagne.com
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Hommage à Barbizet On est heureux d’apprendre deux choses ! D’une part que l’association Marseille concerts, après des années de sommeil, se réveille grâce aux baisers princiers et conjoints de la direction du Théâtre du Gymnase et du Conseil Général des Bouches-du-Rhône. D’autre part qu’un hommage nécessaire et impérieux sera rendu au pianiste, pédagogue et ex-directeur du Conservatoire de Marseille Pierre Barbizet. À l’occasion du 20e anniversaire de sa disparition brutale le 19 janvier 1990, alors qu’un livre paraît à sa mémoire (voir p 46), qu’on attend un coffret anthologique de la maison de disques Lyrinx et un DVD produit par Les Films du Soleil, on ne manquera pas les deux concerts prévus sur la scène marseillaise. Des anciens élèves, proches, amis, musiciens, pianistes ou
compositeurs se succèdent : Pierre Pradier, Anne-Marie Ghirardelli, Marie-France Arakelian, Christiane Berlandini, Philippe Rombi, Nicolas Mazmanian, Edouard Exerjean (le 17 janv. à 15h), Evelina Pitti, Nathalie et Fabrice Lanoë, Frédéric Aguessy, Ludovic Amadeus Selmi, Bernard D’Ascoli, Philippe Giusiano, Laurent Korcia et Thuy Anh Vuong… on espère même retrouver Hélène Grimaud en pleine forme (le 19 janv. à 20h30). JACQUES FRESCHEL
MARSEILLE Théâtre du Gymnase 0820 000 422 www.lestheatres.net
Pierre Barbizet © X-D.R
1685 Clarinette Vingt ans ! Paul Meyer se joint à l’orchestre Philharmonique Bruno Carella dirige l’Orchestre de l’Opéra dans le Après une conférence «Nés la même année…1685» de Marseille pour le Concerto n°1 de Weber. Gabriel Chmura dirige également l’«ouverture fantaisie» Roméo et Juliette de Tchaïkovski et la Suite n°2 de L’Oiseau de feu de Stravinsky.
Paul Meyer © X-D.R.
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MARSEILLE. Le 10 janv. à 17h à l’Opéra 04 91 55 11 10 - www.marseille.fr
Prélude à l’après-midi d’un faune de Debussy et la 7e symphonie de Beethoven. La toute jeune violoniste russe Alexandra Soumm (20 ans !) se joint à la phalange varoise pour le fameux Concerto de Sibelius. TOULON. Le 14 janv. à 20h30 au Palais Neptune 04 94 92 70 78 - www.operadetoulon.fr
National A 23 ans, Jean-Frédéric Neuburger est déjà une valeur sûre du piano français. Virtuose émérite ayant enregistré dès 16 ans l’intégrale des Etudes de Chopin, a vu en quelques années sa carrière exploser. On le retrouve pour un «Week-end Musique française» au Méjan dans Ravel et Messiaen en solo (le 15 janv. à 20h30) et en formation de chambre pour Debussy et Chausson (le 17 janv. à 11h). ARLES. Chapelle du Méjan. 04 90 49 56 78 - www.lemejan.com
Vivaldi ? Les six Sonates op.13 d’«Il pastor fido» de Nicholas Chédeville, attribuées à tort à Vivaldi, sont jouées par Jean-Louis Beaumadier (piccolo) et le Concert Buffardin : Hervé Issartel (Basson), Christine Lecoin (clavecin), Catherine Villard (violoncelle) et Alexandre Regis (percussions) pour un de ces concerts intimes de Musique de chambre au Foyer. MARSEILLE. Le 16 janv. à 17h à l’Opéra 04 91 55 11 10 - www.marseille.fr
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«Patkop» Dernièrement, la presse allemande s’est emballée pour elle : «son jeu est une gifle pour les nouvelles violonistes sur papier glacé» a-t-on lu dans Die Welt. Le phénomène Patricia Kopatchinskaja (surnom «Patkop» !) touche désormais la France ! Avec le pianiste turc Fazil Say, autre électron libre du circuit musical, la violoniste noue des liens privilégiés. On les retrouve en duo dans la Sonate « A Kreuzer » de Beethoven, les Danses folkloriques roumaines de Bartok, la Sonate n°2 de Ravel et l’opus 7 de Say (himself !). AVIGNON. Le 12 janv. à 20h30 Opéra-Théâtre 04 90 82 81 40- www.mairie-avignon.fr
(le 13 janv. à 17h à la Bibliothèque l’Alcazar à Marseille) par les musiciens de l’ensemble Baroques Graffiti, un cycle sur Bach, Haendel et Scarlatti débutera par des Sonates du Kantor de Leipzig. Sharman Plesner (violon) et Jean-Paul Serra (pianoforte) se produiront à Marseille, Aix et Arles pour ce premier volet. AIX. Le 14 janv. à 18h & 20h30 au Musée des Tapisseries. MARSEILLE. Le 15 janv. à 20h30 à la Villa Magalone. ARLES. Le 22 janv. à 20h au Temple réformé. Jean-Louis Beaumadier © X-D.R.
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MUSIQUE
CONCERTS
Quand le sonore Le combat des chefs s’honore…
Une œuvre du répertoire telle que la Symphonie pastorale de Beethoven est tant de fois entendue qu’elle nécessite une interprétation exceptionnelle. Celle de l’orchestre de Montpellier, sans être terne, fut simplement agréable : le pupitre des cordes, démesuré par rapport aux bois, rompait un peu l’équilibre d’ensemble, malgré les belles couleurs d’orchestre trouvées par Cristian Mandeal dans le 3e mouvement, sonorités champêtres, à l’image de l’esprit de l’œuvre. Et Nicholas Angelich entra en scène ! Le pianiste, avant même d’attaquer les premières notes du premier concerto pour piano de Brahms, mit l’orchestre à son diapason. L’énergie du premier mouvement, toute en fragilité, se cristallisa sous ses mains et absorba en son centre le reste de l’ensemble ! L’adagio, avec ses mélodies acérées, à la limite de la rupture avec l’accompagnement, permit au pianiste d’étaler l’étendue de sa palette sonore. Le maître inventa de nouveaux timbres, indicibles. Le bis, «le poète parle» de Schumann subjugua l’auditoire ! L’espace d’un instant le temps se mua en éternité… CHRISTOPHE FLOQUET
Nicholas Angelich © Stephane de Bourgies
Le quatuor Ebène défiait Beethoven dans l’enceinte bondée du GTP. Chocs de matériaux ! Quand le bois noir et dur de l’ébène, du quatuor éponyme, se frotte à la minéralité des quatuors 7 et 14 de Beethoven, le résultat est sans appel : d’une brutalité cristalline et d’une tendresse abrupte. L’homme de Bonn semble avoir délaissé dans ces pièces aux arêtes saillantes sa plume au profit du poinçon pour marquer du sceau de la modernité l’histoire du genre. Les mélodies diatoniques, éparses, violentées par les assauts barbares des archets, courbèrent l’échine, plièrent sans rompre pour former un maillage d’une intensité rare. Le quatuor, vif, complice, impétueux, délicat, fit sourdre tout l’univers schizoïde du compositeur allemand. La texture contrapuntique complexe du quatuor en ut dièse défila sous leurs doigts, sculptant l’espace sonore dans un ballet d’archets. Les deux œuvres du maître, sublimées par cette
Quatuor Ebène © Julien Mignot
interprétation lumineuse, brillent encore dans l’enceinte cristalline du Théâtre de Provence. CHRISTOPHE FLOQUET
Vive l’opéra sans opéra (avec aussi, ceci dit) ! L’opéra de Marseille a proposé des programmes pour le moins intéressants, hors opéra ! Côté musique de chambre au foyer (le 21 nov), les Musiques Latines pour voix et quatuor à cordes ; et côté Philharmonique, deux concerts mémorables : les suites 1 et 2 adaptées de l’Arlésienne de Bizet et la Symphonie Fantastique de Berlioz le 29 nov, et un programme italien le 11 déc, respectivement sous la direction de Jean-Claude Casadesus et Claudio Scimone. L’irréprochable ténor Marc Terrazzoni l’avait annoncé : la soprano Garance Castanié, le Quatuor du Parvis et lui-même n’ont pas toujours l’occasion d’aborder un répertoire directement inspiré du folklore espagnol : les extraits de Zarzuelas de Torroba, Pablo Luna et Zorozábal furent cependant exécutés avec panache ! On retiendra l’interprétation passionnée d’un extrait des Goyescas de Granados. Garance Castanié balançant parfois quant au ton à adopter, particulièrement difficile à trouver pour une interprète féminine : tantôt imprégné de musique populaire, tantôt très proche de l’opéra. Les Concerts Philharmoniques n’ont pas non plus déçu: quel plaisir d’entendre l’Arlésienne aussi bien menée! Que de sourires à l’entracte, après la conclusion en canon de la Marche des rois ! On fut également terrassés par la force de la Symphonie Fantastique. Quelques décalages dans les ralentissements et un certain manque de netteté dans les aigus côté violons, notamment ? Mais les montées d’intensité furent rendues à merveille par la puissance de Casadesus. La direction de Claudio Scimone, plus fantaisiste, s’est avérée brillante, malgré une certaine prise de risques. On fut étonné, lors de l’exécution du Concerto pour mandoline de Vivaldi, de ne le voir accorder que quelques regards au soliste Ugo Orlandi. On ne constata cependant pas de décalages ! Sans doute grâce à la cohésion de l’Orchestre Philharmonique, moins étoffé que deux semaines auparavant, qui s’est admirablement prêté au jeu. Il s’est un peu per-
du, et on le comprend, dans certains passages du Concerto pour Clavecin de Galuppi. L’interprétation, au clavier cette fois, de Claudio Scimone, s’avérait très pertinente mais laissait peu de repères ! Admirable dans le baroque tout comme dans Boccherini et Cimarosa, le chef padouan a achevé le programme sur la Symphonie n°60 de Haydn, dite du Distrait, qu’il «interpréta», par endroits, en faisant mine de répondre au téléphone, de trop contempler sa violoniste… Ce plaisir évident et la complicité de l’Orchestre ont merveilleusement conclu le concert, et une année 2009 riche de bonnes surprises. SUSAN BEL
Garance Castanié © X-D.R.
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Une Carmen de plus... On ne présente plus l’opéra de Bizet tant il s’agit d’une œuvre lyrique parmi les plus jouées de par le monde. Sur le récit réaliste de Mérimée, drame passionnel se déroulant dans une Andalousie de carte postale, plus rêvée que réelle, le livret met en scène les contradictions de la passion et de la liberté, et le destin qui s’abat dans un final pathétique qui choqua le public lors de la première représentation en 1875. L’histoire peut paraître désuète, mais force est de constater que la musique n’a pas perdu sa saveur. Lors de la première de cette nouvelle production à l’opéra de Toulon, l’orchestre et les chœurs renforcés pour l’occasion, réunis sous la baguette experte et pleine d’énergie de Giuliano Carella ont livré une version relevée de cette partition qui contrastait
avec une mise en scène un peu statique, étriquée et manquant de théâtralité. Le constat est malheureusement identique concernant la distribution vocale des deux rôles principaux: Giuseppina Piunti s’est acquittée de Carmen avec grâce mais sans l’audace nécessaire pour émouvoir l’auditoire tandis que Roman Shulackoff souffrait d’une diction très approximative du français qui rendait les interventions de Don José inintelligibles et pénalisaient ainsi la crédibilité du personnage. Heureusement les mélomanes pouvaient se réjouir des seconds rôles dont la distribution était parfaite à l’image de la soprano Nathalie Manfrino éblouissante dans l’air de Micaëla au début du troisième acte. EMILIEN MOREAU
© Frédéric Stephan
Carmen a été jouée à l’opéra de Toulon les 27 et 29 nov et repris les 29 et 31 déc
Romeo et prodige L’histoire de Roméo et Juliette est connue depuis le XVIe siècle, et bien que magnifiée par Shakespeare il faut attendre le XIXe siècle pour que l’œuvre devienne opéra : le mythe des amants éternels prend tout son sens à l’époque Romantique où les sentiments sont exaltés, et les compositeurs y trouvent leur inspiration. Trois ouvrages se partagent la scène : le Roméo et Juliette de Berlioz (1839), celui de Gounod (1867) et enfin Les Montaigu et Capulets de Vincenzo Bellini sur un livret de Felice Romani d’après la pièce de Luigi Scevola. Cette tragédie lyrique en deux actes, représentée pour la première fois en 1830, s’inscrit dans la lignée du bel canto italien : les mélodies sont simples, ornées par endroits, profondes. C’est dans une mise en scène aux décors et costumes évolutifs que cette nouvelle production a été créée en Avignon les 22 et 24 nov : Nadine Duffaut (mise en scène), Katia Duflot (costumes) et Emmanuelle Favre (décor) ont voulu que «des couleurs plus chaudes symbolisant des ruines renaissance soient petit à petit recouvertes par l’univers du béton, jusqu’à ce que les toiles disparaissent totalement, remplacées par du béton ensanglanté…» Avec une distribution jeune et talentueuse, le jeu et la voix sublimes de Karine Deshayes interprétant Roméo, le drame a touché les cœurs jusqu’au bout, jusqu’à ce que «Le soleil se voile la face de douleur. Car jamais aventure ne fut plus douloureuse que celle de Juliette et de son Roméo» (Shakespeare).
Virtuose ! Quelques jours plus tard, le 11 déc, c’est sous un tonnerre d’applaudissements que s’est achevé le concert donné par l’Orchestre d’Avignon dans la grande salle du Tinel du Palais des Papes. Dans ce cadre somptueux furent jouées, en première partie, la Siegfried Idyll de Wagner, que le compositeur offrit à sa femme Cosima pour le Noël de l’année 1870, puis les Danses concertantes de Stravinski, créées en 1942 sous la direction du compositeur. De très belles œuvres, interprétées avec talent. Mais la seconde partie de soirée fut véritablement enthousiasmante : le Concerto pour violon de Dvorak (1879) fut interprété avec fougue et brio par un jeune musicien tchèque, Pavel Sporcl : dans la salle, de nom-
© Cedric Delestrade-ACM-Studio
breux lycéens n’ont pu réprimer leur enthousiasme… qui s’étendit rapidement à l’ensemble du public ! Le second bis qu’il donna confirma son talent et son son magnifique : les Caprices de Paganini ne pardonnent pas, et font partie de ces rares pièces qui nécessitent une grande virtuosité évidente, mais qui ne se perd pas dans ses démonstrations. Pavel
Sporcl a trouvé en Avignon comme partout son public, et débute décidemment une belle carrière ! CHRISTINE REY
Bouquet romantique On dit souvent que la musique conserve, que cette activité artistique entretient la jeunesse. À 82 ans, le chef d’orchestre Serge Baudo illustre l’adage. Certes, le geste n’a plus l’aisance d’antan, mais une direction pointilliste dans la 1re symphonie de Beethoven s’est avérée, au final, d’une belle efficacité. L’Orchestre de l’Opéra de Toulon a dessiné avec clarté un matériel thématique empreint des vertus viennoises, mais ouvrant des brèches dans l’esthétique classique. Pour ce travail estimable, les instrumentistes ont recueilli une belle ovation… tout comme la pianiste Marie-Josèphe Jude après que les derniers accords du magnifique Concerto de
Schumann ont fini de résonner ! Son interprétation romantique, débarrassée d’alanguissements parasites, a fait mouche, ainsi que dans l’émouvant Intermezzo op.118 n°2 de Brahms joué en bis. Quant au chambriste Siegfried Idyll wagnérien placé en ouverture, en dépit d’une intimité avouée, il a sonné un peu froidement du fait d’une acoustique un brin sèche faisant se perdre en fond de scène les pupitres des vents. JACQUES FRESCHEL
C’était au Palais Neptune le 3 déc. à Toulon
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MUSIQUE
CONCERTS
Haendel avait 20 ans L’Abbaye accueillait, en ce 43e Festival, Martin Gester et une formation issue du Parlement de Musique qu’il dirige depuis 1990 : formation exceptionnelle, discographie étonnante. Un programme consacré au jeune compositeur aiguisant ses armes en Italie. Un premier Motet : O qualis de coelis sonus chanté par la soprano argentine Mariana Florès, rompue aux joutes baroques dans les Festivals les plus réputés (le redoutable Motezuma de Vivaldi à Mexico). Une voix souple, une vraie aisance dans les vocalises et les ornements des passages Da Capo. Dans le Salve Regina, la soprano joue sur le mezza di voce avec beaucoup de sensualité : note piano qui se renforce progressivement pour revenir à la nuance initiale, sur un magnifique tuilage des deux violons. L’accompagnement est réalisé par Gilone Gaubert et Caroline Gerber, violons, ainsi que par le continuo Patrick Langot, vio-
sitif. Son jeu brillant (Corrente) puis plus retenu (Larghetto) fait entendre toutes les sonorités de cet instrument baroque. Une sonate à trois (deux violons, orgue positif et violoncelle) rappelle les Suites de danses : mouvement lent dans l’esprit français, allegro fugué plus germanique et un allegro final séduisant, typiquement italien. Les musiciens attaquent, piquent, phrasent. Puis le motet Gloria in excelsis deo exalte la foi en vocalises… Décidément la musique de Haendel, toujours vivifiante, est un jet incessant d’énergie positive. YVES BERGÉ Mariana Florès © Marie-Emmanuelle Bretel
loncelle, et Martin Gester lui-même à l’orgue positif. Les passages fugués ou plus homophones, les variations de nuances et de caractères, dans le concerto pour orgue qui suit, démontrent la grande
qualité de ces musiciens. La deuxième partie démarre par une Suite pour orgue solo d’après des Ouvertures, extraits d’opéras et oratorios, et pièces pour clavier. Martin Gester semble aussi à l’aise au grand orgue qu’à l’orgue po-
Le Parlement de Musique a joué Haendel en Italie dans le cadre du 43e Festival de Musique de Saint-Victor
Question de cadres ? Brillante matinée aux couleurs de l’Europe ! L’ensemble de chambre des Solistes du Pays d’Aix, sous la direction de Noël Cabrita dos Santos, a transporté le public de Simiane. Interprétation enlevée du double concerto pour flûtes en ré mineur de Doppler, avec Jean Marc Boissière et Stéphanie Alvado, le maître et l’ancienne élève, dans un même élan et une belle complicité : belles notes tenues, et mêmes respirations aussi dans le superbe duo avec la harpe de Sylvie Laforge. Les thèmes se croisent, se nouent avec finesse, élégance. Sur la nappe sonore soutenue par les cors et les violoncelles les flûtes papillonnent, un bébé répond dans la salle de ses gazouillis, harmonie… La jeune concertiste Mi Yong Lee dialogue avec l’orchestre, virtuosité spirituelle, espiègle, jeu délié, belles cadences, pour le concerto n° 9 en mi bémol majeur de Mozart. Enfin, le violon de Jeanne Christie et le piano d’Evelina Pitti servaient le concerto de Mendelssohn écrit pour leurs instruments avec la maîtrise d’artistes au sommet de leur art, cette pièce de jeunesse (composée à 14 ans !) à l’inspiration ardente et emportée.
Violoncellissime Boccherini, Schubert, Franck, Chopin, sonates, pour piano et violoncelle, introduction et polonaise en do majeur (opus 3)… Patrice Laré et Velitcha Yotcheva © X-D.R
Programme ambitieux s’il en est ! Le pianiste Patrice Laré et la violoncelliste Velitcha Yotcheva ont accompli une remarquable performance, dans la belle salle voûtée du musée des Tapisseries. Même si, à quelques rares moments, la fatigue se faisait sentir, avec un son qui parfois blanchissait, les talentueux instrumentistes ont captivé la salle : passages de haute virtuosité, doubles cordes du violoncelle, son délicat, fragile et sûr à la fois, dans un beau travail sur la chanterelle. Le courage d’un superbe rappel aux accents d’Offenbach… un élan puissant qui a déclenché une ovation plus que méritée. Le violoncelle dans tous ses états, annonçait le programme… nous en avons goûté les meilleurs…
Décevant Comment avec de bons instrumentistes et des partitions sublimes obtenir un concert décevant ? C’est pourtant ce qui ressort de la prestation donnée le 28 nov dans la salle du Casino de Trets. Bien sûr, la sourde inquiétude qui habite l’univers de Mahler était rendue sensible, (quatuor en la mineur), ainsi que l’alternance de passion et de résignation du quintette en mi bémol majeur (op. 44) de Schumann, de même que les envolées échevelées tempérées par des notes fragiles au bord de l’épure, le velouté pailleté du quintette en fa mineur (op. 34) de Brahms. Mais la balance des sons étouffait les uns, déséquilibrait l’harmonie de l’ensemble, faisait rendre un son détimbré aux violons, isolait ce qui devait composer une unité sonore. Si bien que malgré des interprètes d’exception (mais inégaux), Elena Nogaeva et Michel Bourdoncle au piano, Sophie Baduel et Michel Devert aux violons, François Baduel au violoncelle, Frédéric et Marie-Noëlle Sailly aux altos, le public est resté froid. Il serait sans doute judicieux d’aménager différemment les lieux pour de tels concerts : en musique le cadre acoustique n’est pas du décorum. MARYVONNE COLOMBANI
Ces concerts ont été donnés les 15, 21 et 28 nov à Simiane, Aix et Trets, dans le cadre des Nuits Pianistiques
La Croix et la Manière C’est avec Haydn que s’est clôturé le Festival de Saint-Victor le 3 déc. Sous la baguette agile et investie du chef André Bernard, le Chœur Régional Vocal Provence et l’Orchestre de Chambre de Toulouse ont donné les très attendues Sept Dernières Paroles du Christ sur la Croix dans la forme oratorio, dernière mouture du compositeur. Homogène et d’un bon niveau, le quatuor de solistes a délivré avec émotion et spiritualité cette œuvre expressive du temps pascal. Comme un temps étiré et douloureux, les sept parties aux tempi calmes précédées par la psalmodie du chœur a cappella ont débouché avec maîtrise sur l’époustouflant tremblement de terre massif et puissant qui suit le dernier souffle du Christ. En préambule, la 104e symphonie du père du genre avait ouvert ce beau concert par de jolies couleurs malgré un certain manque de corps dans cet opus qui annonce Beethoven. Plébiscité par un auditoire nombreux et conquis, le Festival de Saint-Victor s’est ainsi conclu de manière éclatante. FREDERIC ISOLETTA
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Voyage vers nous Le chœur de chambre les Eléments a fait voyager les 800 auditeurs des Salins au chœur de l’Europe Centrale
Les Elements © Michel Garnier
Question de programmes ! Poncifs… Avec la 8e biennale internationale de Quintette à vent, au GTP le 19 novembre, on attendait un souffle d’originalité, d’inventivité, de création… Deux formations, inégales, le quintette à vent de Marseille et le quintette Moragués se donnaient la réplique, ou unissaient leurs voix sur des arrangements de Mozart, Schubert, Mendelssohn, Bizet et Jean Français, seul compositeur moderne, dont les danses étaient écrites véritablement pour le quintette à vent. L’exécution irréprochable du quintette Moragués laissait le l’auditeur sur sa faim. Comment, avec tant de talent, peut-on se contenter de ressasser les mêmes partitions ? Quel intérêt que cette énième version de Carmen ? Ne serait-il pas plus intéressant et plus courageux de présenter et défendre des auteurs contemporains, de susciter des créations lorsqu’on bénéficie d’une renommée internationale ?...
Sublimissime Le concert de clôture du festival, atypique, était donné à Meyreuil le 26 nov. Clara Kastler au piano, (un Steinway, les deux pianistes les emmènent sur toutes les routes du monde) accompagnait le quintette à vent de Marseille. Cette formation qui avait tant déçu au GTP était transformée ! Un jeu précis, des sons veloutés, une interprétation enlevée… dans le quintette pour piano, hautbois, clarinette, basson et cor. Puis, vint la magie des deux pianos : Hubert Woringer rejoignait sa partenaire sur scène avec une simplicité, un amour de la musique tangible… La romance (extraite de l’opus 17) de Rachmaninov, brillante, virtuose, et les tableaux d’une exposition de Moussorgski furent une démonstration de musicalité. Pas de concours de virtuosité mais une entente subtile, un passage de relais, un dialogue. Au public clairsemé mais enthousiaste les artistes ont accordé un bis, le 3e mouvement de la 3e symphonie de Brahms. Un cadeau extatique. MARYVONNE COLOMBANI
L’Invitation au voyage était historique et partait de Schubert, Schuman et Brahms, pour aller vers Bartok, Dvorak, Stravinsky, et Ligeti. En commençant par des pièces romantiques profanes pour chœur, que l’on a peu l’habitude d’entendre, les chœurs étant souvent à cette époque associés à des répertoires religieux, tandis que les cycles de la musique profane vocale sont généralement pour solistes. Des pièces, donc, que les auditeurs n’avaient pas forcément dans l’oreille et dont ils découvrirent le lyrisme élégiaque, les couleurs sombres, les tourments… magnifiquement mis en relief par un ensemble à la prononciation allemande limpide, dirigé par un chef qui sait faire surgir des voix chorales des nuances infinies… La deuxième partie, moins monochrome fit entendre quelques merveilles à un auditoire emporté par
les accents les plus contemporains… ce qui devrait encourager les programmateurs à se montrer moins frileux ! Les Eléments savent avec une science indéniable manier les techniques contemporaines de la voix, ses souffles, timbres, frottements, percussions. Sublimes dans les Quatre chansons paysannes de Stravinsky, sorte de version concentrée et plus tendre de ses Noces ; époustouflants dans les Ligeti, qui posa sa Nuit comme un terme inouï à ce Voyage qui se conclut grâce à lui en Hongrie : sur des terres lointaines, mais qui sonnent comme un univers intérieur. A.F.
Wagner rêveur ! Dernière étape du cycle Musique et Poésie, initié par le Consul Général d’Allemagne : les Wesendonk Lieder de Wagner Il fallut une demi-heure au comédien Michael Zugowski pour remettre en contexte la genèse de l’œuvre, avec le romanesque dont il sait faire preuve: lors de son séjour en Suisse, Wagner s’était lié d’amitié avec les époux Wesendonk, et avait nourri malgré lui un «amour absolu», dit-il, pour Mathilde Wesendonk. Cette passion contrariée s’était conclue par la mise en musique par Wagner de poèmes de cette dernière. Deux de ces cinq Lieder furent réutilisés dans ce qu’il considéra comme son meilleur drame musical, Tristan et Iseult. Si l’on reconnait bien la (lourde ?) vigueur mélodique du compositeur dans ses passages les plus enflammés, si les enchaînements d’accords au piano par Nina Uhari (remarquable dans ce répertoire !) s’avèrent par endroits démonstratifs, on découvre une finesse dans le traitement de l’attente, de la rêverie ou même une sorte de douleur, peu com-
mune aux opéras wagnériens. Finesse très bien rendue par la mezzo colorature Christine Kattner, dont la voix particulière a su donner une âme à ces trois rencontres allemandes. SUSAN BEL
Nina Uhari © X-D.R.
Flûtes qui flottent Étrange concert que ce dernier programme des Festes d’Orphée autour d’Haendel. Petit effectif : Guy Laurent et Jean-Michel Hey à la flûte à bec, Annick Lassalle à la viole de gambe et Corinne Bétirac au clavecin. Le concert eut lieu dans la Chapelle de Sainte-Catherine, plus intimiste que l’Eglise Saint Laurent dans laquelle l’ensemble aura donné ses concerts flamboyants. Si l’on put apprécier l’interprétation brillante de la Chaconne en Sol Majeur ou de l’Harmonieux Forgeron au clavecin, et si la solidité de la basse continue fut évidente, on tiqua quelque peu à l’écoute des
sonates, trios ou de cette transcription du Concerto op 4 n°6 où les flûtes intervenaient davantage. De nombreuses flottements dans la justesse, notamment lorsque Jean-Michel Hey doublait Guy Laurent à la tierce, plusieurs aspérités dans les aigus gâchaient une musicalité visiblement au rendez-vous et un travail plus que sensible sur les subtilités de langage du compositeur. Quel dommage ! La science musicale manqua-t-elle ce soir-là d’un peu d’oreille ? S.B.
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MUSIQUE
CONCERTS
Nuit de ouf ! cune de ces séquences, le Quatuor Voce présentait une pâte inspirée dans l’op 80 de Mendelssohn à la fin très acrobatique. L’op 41 n°3 de Schumann nous a semblé moins convaincant dans l’alliage des tessitures. A 21h, préparé par La bénédiction de Dieu dans la solitude aux étranges harmonies Lisztiennes soulignées par Engerer, la communion musicale opérait dans le scherzo du quintette de Schumann avec Diluka. Dernière folie: c’est une Engerer héroïque qui a vaillamment mené Voce dans la transcription de l’accompagnement du Concerto en fa mineur de Chopin. Pas de bis ? Ouf !
Inspirée par la Folle journée de Nantes de René Martin, La Folle Nuit du théâtre de Nîmes présentait une succession de cinq concerts d’une heure, échelonnés de 15h à minuit. Cette solution privilégiait un public large à défaut de combler une petite frange d’inconditionnels qui désiraient une nuit complète, mais furent repus par deux quatuors, un quintette, des Nocturnes et autres pièces introspectives précédés d’une Ballade suivie de quelques Romances sans paroles le tout conclu par un concerto. Ouf ! Sombre fut également la destinée des compositeurs romantiques à qui ce concert rendait hommage sous le titre Génération 1810 : si la folie fit disparaître Schumann, c’est la maladie qui faucha deux génies précoces, Chopin et Mendelssohn, au seuil de la quarantaine. C’est Shani Diluka qui révélait les accents de révolte polonais et les échos de la poésie de Mickiewics dans un commentaire figuraliste de la 4e Ballade de Chopin, encadrée par deux interprétations passionnées. Brigitte Engerer y répondait avec des pièces
Quatuor Voce © X-D.R.
du recueil des Harmonies poétiques et religieuses de Liszt au sein desquelles Funérailles sonnait le glas de la révolution hongroise. La Sérénade de Schubert transcrite par le virtuose Hongrois et quelques Romances sans paroles de Mendelssohn apportaient un peu de légèreté à l’image de la Fileuse évoquée par les doigts agiles de Diluka faisant néanmoins sonner Chopin sans retenue dans les Nocturnes et Valses. Concluant cha-
P.-A. HOYET
La Folle Nuit a eu lieu au Théâtre de Nîmes le 5 déc
Tchèque Point Non, il ne s’agit pas de Rostropovitch qui jouait 20 ans plus tôt à Check Point Charly pour célébrer la réunification. Il s’agissait, au Méjan à Arles, de faire sonner une autre histoire, celle du peuple Tchèque à travers sa musique de chambre révélatrice d’une identité nationale sous les archets du Quatuor Kocian auquel se joignait ponctuellement le pianiste Praguois Ivan Klansky. Une soirée et une matinée suffirent à poser les limites de la forme sonate au XIXe siècle et les solutions alternatives créées au XXe siècle sans sortir du système tonal. Fidèle au concept romantique, l’ensemble à cordes transcrivit avec ferveur les épisodes du Quatuor n°1 «De ma vie» de Smetana, qui s’achève par trois accords de mi en pizzicato symbolisant la surdité tragique du compositeur. L’interprétation du 13e Quatuor à cordes de Dvorak confirma cette sensibilité aux accents de Bohème. Le pragmatisme du Quatuor à cordes n° 1 de Janacek intitulé «Sonate à Kreutzer» en référence à Tolstoï confirme un cheminement esthétique personnel mis en valeur par une gradation de l’inspiration des interprètes. Quant aux Quatuor et Quintette avec piano de Martinu, aux accents Prokofieviens, ils font parfaitement entendre qu’il existe au milieu du XXe siècle une alternative à l’atonalité. Elle se matérialise par un contrepoint mouvant aux cordes, une utilisation de l’ostinato et du mouvement perpétuel agrémenté de motifs pianistiques ascendants et descendants qui confèrent un timbre chatoyant à l’ensemble, conclu par des épisodes incisifs et tranchés ravissant le public. P-A HOYET
Quatuor Kocian © X-D.R.
Ces concerts ont eu lieu au Méjan à Arles les 11 et 13 déc
Vienne (deuxième manière) déclare forfait Les dieux de la tonalité l’ont tonné haut et fort : Schoenberg ne passera pas ce 29 nov au Méjan à Arles ! Les concessions accordées par Berg dans sa sonate op1 au sein de son irrésistible cheminement vers l’atonalité n’y feront rien. Plus prosaïquement, c’est une parution conjointe et retardée du Livre-disque Berg-Schönberg par JeanLouis Steuerman qui reporte le programme de ce concert au Printemps 2010. Les adeptes et les curieux se contenteront de Beethoven, un autre Viennois (d’adoption), non moins révolutionnaire en son temps qui sonne le glas de la Marche funèbre intégrée à sa Sonate n° 12 sous le toucher lourd et implacable de Jean-Louis Steuerman. Encadrant cette page «sulla morte d’un Eroe», le jeu enlevé de l’alerte rondo final conclut une oeuvre introduite par l’andante à variations et le Scherzo. Steuerman est honorable dans La Première Ballade de Chopin qui décidément inspirera toujours le respect. Commencé avec la récente et consensuelle sonate n°1 du Brésilien Ripper aux accents postmodernes, le récital
se clôt avec Scriabine. Sa sonate n°5 confirme l’inexorable (auto)destruction de la tonalité qui atteint son point de non retour dans le cumul des altérations et des chromatismes. Notre pianiste maîtrise les explosions sonores qui en résultent et conclut avec malice sur une fin ouverte pleine de non-dits. Et si les dieux avaient tort? P.-A. HOYET Jean Louis Steuerman © X-D.R.
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Le contemporain est vivant !
Lettres Electro-Persanes
© Agnès Mellon
Les 15 ans de l’ensemble Télémaque sont l’occasion d’une série de concerts exceptionnels. Entre le très beau succès de l’étonnant Desperate Singers et L’Appel des Sirènes (voir p 23), Raoul Lay et sa troupe se retrouvaient le 26 nov à La Magalone avant de jouer aux Salins le lendemain. Ce soir-là, créations franco-hollandaises dans le cadre de la création de l’ECO (European Contemporary Orchestra), orchestre international permanent destiné à la création musicale contemporaine, projet porté par Télémaque mais aussi l’Ensemble Musiques Nouvelles (Belgique) et l’Ensemble Ereprijs (Pays-Bas). Raoul Lay n’a pas d’égal pour présenter des œuvres complexes: sobriété, élégance, justesse de propos, clés essentielles qui rendent l’écoute plus aisée. En première partie, la création française du Capriccio pour violon solo de Marius Flothuis, compositeur hollandais (1914-2001) interprété par Yann Le Roux-Sèdes : couleurs impressionnistes, jeu sensuel de mystères et de contrastes, jet continu de gammes vibrantes et une révérence en pizzicato. Suivait la pièce Maintenant (création française), dernière pièce d’un triptyque : Voir, Ensemble, Maintenant de Thierry Machuel, en présence du compositeur, sur des textes du poète Guillevic ; cette évocation d’une fin de vie, entre sagesse et apaisement, repose sur un questionnement permanent, des sons suspendus en lignes lumineuses, remarquablement interprétés par la soprano Brigitte Peyré, élégiaque et grave, se jouant des états et des subtilités mélodiques avec beaucoup de grâce ; les musiciens font alterner passages graves et plages plus lyriques, avec de belles attaques, des finales soignées, d’une palette sans failles : une très belle œuvre. On retrouvait Yann Le RouxSèdes dans Un cuadro de Yucatan pour violon solo (création française) du jeune compositeur hollandais Joey Roukens : œuvre jubilatoire, brillante,
mélange de styles, entre pop, formules répétitives, variations très baroques, chants d’oiseaux… Pétillant ! La seconde partie était consacrée au chef-d’œuvre d’Arnold Schoenberg : le Pierrot Lunaire (1912). Le charme et l’interprétation de Brigitte Peyré rendent toute la sensualité de la langue allemande ainsi que l’ironie et la morbidité des textes, tandis que le quintette instrumental expressif et complice traduit toute la force des poèmes de Giraud traduits par Hartleben. Si la technique du Sprechgesang (mélodie parlée) révolutionna l’écriture du chant, Brigitte Peyré, colombine lunaire et sombre, alterne avec intelligence, voix parlée, chuchotée, déclamée, ou intonations plus appuyées, presque chantées. Le parti pris de faire dire les textes avant l’écoute musicale est intéressant. Mais par l’interprète elle-même ? Une autre voix aurait permis sans doute une vraie respiration pour la musicienne-diseuse. Le concert, émouvant et original, est accueilli très chaleureusement. De l’héritage (Schoenberg) au prolongement (Roukens) : un beau tremplin pour édifier cet European Contemporary Orchestra.
Fanfare marseillaise, La Banda du Dock déploie une très grande énergie avec son ensemble très cuivré. Composée de 18 musiciens (vents, percussions, basse) elle a ouvert la soirée musicale qui clôturait les Rencontres d’Averroès. Le répertoire est fait de ré-arrangements de tubes passés à la «moulinette infernale» de la Banda et aussi de compositions : musique Sud-américaine, AC/DC, Rage against the machine... Mickael Jackson est également re-joué avec son Thriller, porté par un mégaphone, et permet de chauffer de façon originale le grand hall du Dock des Suds. Vint ensuite le quartet Istanbul Session. Ihlan Er ahin le saxophoniste et leader du groupe a invité le trompettiste d’origine suisse Erik Truffaz pour l’occasion. Une section rythmique lourde et pêchue (guitare basse jouée par Alp Ersõnmez, Turgut Beko lu à la batterie et Izzet Kizil aux percussions) envoie du gros son. Le saxophoniste est assez décevant et persistera dans un manque certain d’inspiration et d’imagination. Ou tout simplement de métier ? Quoi qu’il en soit ce n’était pas Byzance ! On se demande pourquoi Erik Truffaz est venu ce soir là... Caution de qualité artistique ? Jazz ou électro-jazz, là n’est pas vraiment la question, et le genre n’était pas en cause, ni le croisement. Seulement la réussite : lorsqu’Erik Truffaz mixe son talent avec d’autres c’est souvent magique ! Ce soir là, aucune once d’émotion n’a transpiré. DAN WARZY
Ce concert a été joué le 28 novembre 2009 au Dock des Suds en clôture des Rencontres d’Averroès http://www.bandadudock.com Erik Truffaz © Jey Derathe
YVES BERGÉ
Passion au Grim Après la conférence de Dominique Salini Les voix de femmes dans le bassin méditerranéen, le Festival Nuit d’Hiver du Grim accueillait La Tromba. L’occasion de découvrir toute l’énergie de Marie Salemi dans des chants italiens, siciliens, séfarades, macédoniens, occitans : une palette de folie verbale (Tarentelle, chansons des brigands) et de mélancolie plaintive (Berceuse), quel engagement ! Les musiciens sont plus que des accompagnateurs. Ils soutiennent, improvisent, dialoguent, déroulent des phrases brillantes (David Rueff, saxo baryton et alto joués en même temps !) ou plus nostalgiques : le partage est permanent. Une musique qui puise dans les racines et les traditions locales, pour un groupe qui n’a que 4 mois d’existence ! On attendait ensuite Jacky Micaelli, la voix de la Corse pour une boucle féminine réjouissante. Malade, elle a été
remplacée par le maître des lieux, le directeur artistique du Grim, Jean Marc-Montera, spécialiste de l’improvisation et de l’expérimentation sonore qui, de ses guitares acoustiques (6 et 12 cordes), accompagna l’inoxydable et si talentueux André Jaume, 69 printemps, passant du saxo alto au ténor, puis à la flûte traversière avec une aisance étonnante. Entre virtuosité et musique concrète, les deux compères proposèrent un moment acoustique apaisant après la folie Tromba : compositions personnelles issues du be bop, du swing, du freejazz, improvisations, musiques plurielles sans frontières dont on retiendra le très beau Song for Che de Charlie Haden. Un souffle de liberté soufflait ce soir-là sur Montévidéo ! YVES BERGÉ
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MUSIQUE
ENTRETIEN AVEC MARION RAMPAL | CONCERTS
La voix est libre Dire que Marion Rampal vit de la musique est inexact : elle vit la musique. À tout juste 30 ans, son parcours est déjà foisonnant et encore prometteur. Il va falloir compter sur elle ! Chanteuse mais aussi auteur, Marion trace son sillon avec conviction. De ses premiers pas dans le rock au succès de l’album Own Virago, et juste avant de mettre la touche finale aux Vertigo Songs, elle s’ouvre et accueille le monde de la musique et des mots (voir p 54). Jazz, pop folk, théâtre, improvisation, et bientôt danse et quatuor à cordes, la prof de chant décloisonne les frontières et s’entoure de tous, au-delà de la fidèle bande de Raphaël Imbert au sein de la Cie Nine Spirit. Les notes et les mots mijotent dans sa tête méticuleuse et opiniâtre, dans de longues périodes de gestation : pour elle un projet se pense avant de se vivre. Alors entre un concert, deux répétitions et une chanson composée pour d’autres, Marion se livre. Zibeline : Si tu devais te présenter en quelques mots? Marion Rampal : Je chante et j’écris en mots et en musique ce que j’élabore dans mon petit laboratoire de magie intérieure. Je fais des expériences avec de l’ancien et du nouveau, du digéré et de l’instantané. Même si la formule peut sonner complexe, je raisonne en couleurs, en mouvements, en émotions crues plus qu’en réflexions intellectuelles. Je travaille beaucoup autour de mon inspiration première, mon intuition. Comme un enchanteur décalé, avec ses grimoires, ses humeurs, ses tours de magie... J’ai à cœur d’évoquer, de rappeler, de dégager des zones poétiques, en mettant en relief des interrogations spécifiques. Te définis-tu comme une artiste marseillaise ? Marseille, vaste territoire de no man’s lands rêveurs et salés, métissée d’influences... Marseille grande gueule, violente ou accueillante, fière et têtue, noire ou débonnaire, un brin fadade… C’est sûr, je suis née ici, et ça me ressemble ! Mais je précise que je n’ai ni accent ni abonnement au stade... Tes projets, actuels et futurs ? Prendre du temps pour travailler et rechercher, notamment auprès du Panthéâtre avec qui je suis une formation en performance vocale et théâtre chorégraphique. Un disque avec Perrine Mansuy
© Agnès Mellon
sur un répertoire qu’on a co-écrit et un duo pop/folk génial avec François Richez : We used to have a band ; les chouettes projets de la Cie Nine Spirit aux côtés de Raphaël Imbert et puis l’après Own Virago (son dernier disque, voir Zib 24) qui bourgeonne dans ma tête. J’adore cette étape, c’est la meilleure ! Te définis-tu comme une chanteuse ? Absolument, c’est très important... C’est un art fascinant, j’en entrevois à peine le début, tellement de choses entrent en compte : l’organique, le souffle, le timbre, l’image, le mot, l’esprit, le geste... Chanter juste c’est un sacré boulot, et un boulot sacré ! Cette envie de participer à des projets variés, avec des associations singulières, est-elle un besoin pour toi ? Au-delà du besoin de vivre différentes expériences je crois que j’aime une certaine dépendance à l’énergie d’autrui. D’où ce vrai désir de collaborer, de partager la création, d’aller partout... N’y a t il pas un risque de se perdre ? Le revers de la médaille, sans doute… Je néglige parfois mes projets par manque de disponibilité. Mais produire Own Virago m’a réconciliée avec ce devoir impérieux de faire entendre ma «voie».
Les accents du Brésil
Elles sont trois qui naissent de l’ombre, trois voix magnifiquement placées qui émergent d’un brouillard de scène… Gaîté, vivacité, humour, richesse des chants, des thèmes, voyage aux sonorités suaves et fluides… Un rythme qui donne envie de se lever et de danser, les fauteuils semblent alors bien trop rigides pour ces moments où l’on se laisserait si volontiers emporter dans un univers où tout est musique. Le Trio Esperança sait créer une complicité extraordinaire avec le public, s’adresse à lui comme à de vieux amis, confesse aussi bien un rhume que les
secrets d’une chorégraphie. Les trois sœurs jouent de leurs liens, consultent, complotent, rient, amènent les spectateurs à partager leurs chansons. Un
Si tu avais un vœu à formuler ? L’abolition des étiquettes et des chapelles! Les artistes et une grande partie du public des «musiques actuelles» ont sauté le pas. La presse, les programmateurs, les festivals, les institutions rechignent trop à suivre. Si tu devais citer... un compositeur classique Weber, que me faisait écouter ma maman un groupe REM, premières amours… une chanson White Rabbit de Jefferson Airplane une influence Leonard Cohen un film Mary Poppins ! un art L’eau forte un auteur Chuck Palahniuk, je découvre, j’adore ! une voix Nina Simone ENTRETIEN RÉALISÉ PAR FREDERIC ISOLETTA
disque doit sortir en janvier prochain. Quelle meilleure promo que leurs chants, adaptations de Bach, reprises des Beatles, de Piaf, entre autres petites merveilles… On a du mal à quitter la salle, et les rues d’Aix résonnent encore… Oba oba oba ooo !… Vive le jazz Brésil ! MARYVONNE COLOMBANI
Trio Esperança © X-D.R
Le trio Esperança s’est produit au Jeu de Paume dans le cadre des concerts d’Aix
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Flamenco for ever
On sort !
20 ans pour le Festival Flamenco de Nîmes ! Cela vaut bien un évènement sur mesure !
Pendant que le festival Nuits d’Hiver se poursuit au Grim Montévidéo (jusqu’au 21/12), il est temps de préparer une fin d’année de musiques, et d’embrayer sur des concerts pour la nouvelle année. Commençons par le Théâtre Comœdia de Miramas qui accueille le Louis Winsberg trio, guitariste mythique de Sixun passionné de flamenco (17/12 à 21h). Vu qu’on parle swing, autant faire une escale au sud de l’étang de Berre à Charlie Free (Vitrolles) pour écouter la 11e édition de Jazz en Scènes avec le Sébastien Paindestre trio et le duo Simonoviez/ Avenel (12/12 à 21h). A découvrir, le Jazz Club de Draguignan qui fait son festival (du 17 au 19/12) à Théâtre en Dracénie avec Walt Weiskopf, Kevin Mahogany et Eddy C Campbell. Un peu plus au nord et carrément dans les Alpes, les grenoblois de Mango Gadzi à la fusion orientalo-balkanique seront sur la scène du Théâtre du Cadran de Briançon (18/12 à 20h30), qui accueillera également le duo grec Angélique
En effet le festival s’annonce plus exceptionnel encore que les années précédentes. Comme le disait Garcia Lorca, «la guitare fait pleurer les rêves»… mais ici nul besoin de chimères, le Théâtre de Nîmes a pensé à tout avec une programmation complète: spectacles, conférences, rencontres, classe de danse et projections. Du 7 au 23 janvier, 20 ans de Flamenco s’installe et vous accueille tous les soirs avec parfois deux spectacles par jour. Mayte Martin, grande voix actuelle du genre (12/1 à 20h), El Cabrero pour Un dialogue sans artifice, figure exceptionnelle du Cante Jondo (13/1 à 20h), Tierra Flamenca 1 et 2, des artistes de chez nous qui ont ça dans le sang (15/1 à 22h30 et 16/1 à 20h à L’Odéon), la guitare acoustique du prodige Javier Conde qui rappelle Paco de Lucia (16/1 à
Javier Conde © X-D.R.
17h30 à la Cour d’Appel), la compagnie d’Israel Galván, le danseur des danseurs qui repousse les limites du baile flamenco dans une chorégraphie qui évoque la fin du monde selon St Jean (17/1 à 18h), ou encore Rocio Molina, la meilleure danseuse de la nouvelle génération (23/1 à 20h). De quoi satisfaire les amateurs et les passionnés ! FREDERIC ISOLETTA
www.theatredenimes.com
Ionatos/Katerina Fotinaki (08/01 à 20h30). Et à Marseille ? Rendez-vous à La Machine à Coudre pour fêter leurs 15 années d’existence et de programmation alternative (18 et 19/12) mais également à la Meson pour une Tablao Flamenco la Rubio avec Maitryee Mahatma (19/12 à 20h) et une carte blanche à Fantazio (voix et contrebasse les 8 et 9/01 à 20h). Concerts mais cette fois en photo pour le vernissage de l’exposition live in Marseille au Lollipop café disquaire par Pirlouiiit et d’autres artistes (13/1 à 19h) et pour finir ne manquez pas la découverte du Hangart, vous pourrez y écouter le fabuleux spectacle musical et westernien donné par The Coconut Family Band (19/12 à 20h30) ainsi que le Courant d’Air café qui présentera l’étonnant pianiste Grigoris Belevilas pour un concert au son Rebetiko dans le numéro Thalya m’a dit.. ! (18/12 à 20h30). FREDERIC ISOLETTA Mango Gadzi © Greg Randon
Formule complète Le Forum de Berre ne fait pas les choses à moitié. Cinéma, repas et concert sont proposés dans cet ordre sur le thème de la Finlande. Après le visionnage de L’homme sans passé d’Aki Kaurismäki, découverte assurée pour la réception du duo finnois Kantelinen/& Seppä, ensemble unique en Finlande spécialisé dans deux vieilles traditions musicales caréliennes : le chant joïk (aujourd’hui en Russie) et la pratique du jouhikko, sorte de lyre à archet. Le duo interprètera des chants traditionnels ainsi que leurs propres compositions, laissant également une grande part à l’improvisation. À ne pas manquer (le 21 janvier à 18h30 film, 21h30 concert). F.I. Forum de Berre 26 euros la soirée, 12 euros le concert www.forumdeberre.com
Au programme MARSEILLE Cabaret Aléatoire : ElectronicSeries 1 Meet opus VJ 4 (18 et 19/12), Enjoy Drum’n Bass 4 (15/1), Boxon Party Invasion (22/1) 04 95 04 95 09 www.cabaret-aleatoire.com Embobineuse : Ziné club 8 When we sleep, the UFOs works (17/12), Invita(r)tartion au voyage : Jean George Tartare, Jean Christophe Petit, Antoine Lunven (9/1), Interface 8: ancien et moderne (17/1), Carte blanche au label et collectif H.A.K. Lo-Fi record (22/1) 04 91 50 66 09 www.lembobineuse.biz Espace Julien : Pognon story (31/12), Gente de Zona (16/1), Messengers (21/1), Pakatak (22/1) 04 91 24 34 10 www.espace-julien.com
Intermédiaire: Elektro Shake (18/12), Sonarcotik (19/12), C Bass (21/12), Craint degun be tarpin hip hop (22 et 29/12), Ruffle christmas crew (26/12), Good vibes generalist (30/12) 04 91 47 01 25 www.myspace.com/intermediaire L’Affranchi : Scred Connexion (19/12) www.l-affranchi.com
Théâtre et Chansons : Opera Molotov (21 et 22/1) 04 42 27 37 39 www.theatre-et-chansons.com
ARLES Cargo de Nuit : Raoul Petite (18/12), Club Club (19/12) 04 90 49 55 99 www.cargodenuit.com
COUSTELLET La Machine à Coudre : Laurent Boudin, Antonio Negro, Dj pP, Renard jaune, Giani Gianone, Anthony, Benoît Dettori (19/12), La Tromba (9/1) 04 91 55 62 65 www.lamachineacoudre.com
La Gare : La Cumbia Chicharra (19/12), Rita, Ange B et Jairo (23/1) 04 90 76 84 38 www.aveclagare.org
ISTRES AIX Le Korigan, Luynes: Mechanical Dacay, Kamran, Scoria (19/12), Katalaï, Yves Tole (9/1) 06 50 77 51 77 www.myspace.com/lekorigan
L’Usine : Moussu T e Lei Jovents (18/12), DMC from run DMC (8/1), Izia (22/1) 04 42 56 02 21 www.scenesetcines.fr
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MUSIQUE
DISQUES
Doyen du piano Aldo Ciccolini a dû annuler son concert Beethoven le 8 décembre à Aix, mais le mélomane se consolera avec un coffret anthologique de ses enregistrements Aldo Ciccolini a 84 ans. C’est un des derniers mythes en activité. Il faut dire que le pianiste frise les 70 ans de carrière. Il a étudié avec Alfred Cortot, joué avec Furtwängler, Ernest Ansermet et remporté le concours Marguerite Long en… 1949 ! Malgré son grand âge, ses moyens techniques ne sont guère altérés : Ciccolini a triomphé cet été au festival de Radio France à Montpellier, à La Roque d’Anthéron, il y a peu à la salle Pleyel à Paris… Hélas, souffrant, il a dû déclarer forfait le 8 décembre au Grand Théâtre de Provence. Ce coffret n’en est que plus précieux. Né à Naples, ce musicien précoce et surdoué s’avère vite un ardent défenseur de la musique française de Satie, Ravel, Debussy et de toute la constellation d’artistes hexagonaux de leur
époque. Naturalisé français en 1971, Ciccolini exerce la fonction de professeur au Conservatoire National Supérieur de Paris jusqu’en 1988, et l’on compte parmi ses élèves des grands interprètes: Marie-Josèphe Jude, Jean-Yves Thibaudet, Nicholas Angelich… Que ce soit dans Mozart, Bach, Chopin, Schumann, Liszt, Albéniz ou Scarlatti, le jeu de Ciccolini reste lipide, toujours sobre et naturellement libre. Ces dernières années, le maître a enregistré pour Cascavelle ses derniers témoignages. Mais durant près de quarante ans, c’est chez EMI que le pianiste a livré ses plus belles interprétations. Impossible de dire les multiples pépites contenues dans ce coffret magistral de 56 disques : une mine !
Anthologie Beethoven Aldo Ciccolini Coffret 56 CD Enregistrements EMI 1950-1991
JACQUES FRESCHEL
Haydn selon Collard Ceux qui ne possèdent pas les enregistrements des Sonates de Haydn gravées chez Lyrinx par Catherine Collard commettent une faute de goût ! Grâce à cette réédition, l’occasion est donnée aux mélomanes de (re)connaître une artiste d’un immense talent disparue prématurément en 1993. La musicienne, fleuron de l’école française de piano, après des débuts claironnants, a connu une vingtaine d’année de traversée du désert… avant de rencontrer les Gambini ! Avec la clairvoyance qu’on leur connaît, Suzanne et René ont permis à la pianiste de remettre les pieds aux pédales et les mains au clavier. Dans une forme d’urgence, en cinq ans seulement, au tournant des années 90,
À mots couverts Depuis sa création en 99, Aqme marque la scène française d’un nouveau son «métal» entraînant et lourd, mettant en avant une identité propre ! En 2002 le groupe alternatif parisien signe avec le label énergique AT(h)OME. Six albums plus tard, le quatuor reformé (départ de Ben, guitariste et co-fondateur du groupe) revient avec En l’honneur de Jupiter, nouvelle galette sortie en octobre. Le groupe assure alors sa place de maître incontestable du métal Français ! Des titres très noirs pour ce recueil d’une extrême intensité : Tout le monde est malheureux, Guillotine ou encore Le chaos sont marqués par
Catherine Collard tente d’effacer le temps «perdu» : trois disques de Sonates de Haydn paraissent en 1988, 1990 et 1992 et suscitent l’enthousiasme de la critique… qui se réveille enfin ! Son travail d’une grande finesse enchante : l’air passe entre les phrasés, les dynamiques se déclinent sans lourdeur. Tout paraît simple et mesuré… Néanmoins au cœur d’un classicisme de façade, on perçoit des fragilités et une tendresse teintée de mélancolie. La gravité fuit le tragique avec ce qu’il faut d’«obscure clarté», de dépouillement douloureux et de sourire candide. J.F
la puissance de riffs au son métallique. La particularité de cet opus étant l’alternance entre morceaux dynamiques et moments mélodiques remarquablement mis en avant et interprétés par la voix de Thomas, qui donne à l’ensemble une couleur indéniablement mélancolique. Dix ans après la formation du groupe, Aqme est bien là... pour le plus grand plaisir de ses fans. F.I.
En l’honneur de Jupiter AQME abel At(h)ome
Coffret 3 CDs Lyrinx LYR270
Rock n’ roll Fan de Muse, la belle Ilis, alias Virginie Nourry, se jette à corps perdu sur la scène de rock française. Et ça marche. Premier album plein d’espoir et de promesses, le Sex, LOve & Rock n’ rOll oscille entre grunge, rock, et pop. 14 titres pour découvrir des chansons pleines de fraicheur et d’énergie : la nouvelle génération de la scène nationale rock est en route et déroule son envie de tout casser. Pas besoin d’artifices pour sentir la montée d’adrénaline suscitée de morceaux comme Le bonheur et Je marcherai. En y mélangeant subtilement émotion (Plus on s’aime) et douce pop, Ilis devient une machine à réussir, d’autant qu’elle a trouvé la force de monter sa propre boite de production et d’arpenter les scènes via son minibus. Cette dynamique litanique se retrouve en concert mais aussi sur ce premier disque qui transpire la
rythmique rock n’roll (Tu t’abandonnes). Signant des textes écorchés et sensibles, le quatuor au look soigné trouve sa place et ses fans déjà nombreux. Mieux que ça, Ilis a trouvé un son, un vrai. FRÉDÉRIC ISOLETTA
Sex, LOve & Rock n’rOll Ilis 25h43 Productions
Apogée mélancolique Nature et sans complexe, l’album Tout va très bien vient d’Angoulême où un certain groupe de chanson française énergique porte le drôle de nom L’Arrière-cuisine. Ne cherchons pas midi à quatorze heures : les onze titres qui composent ce recueil ont été conçus dans… l’arrière-cuisine de la maison, faut d’espace disponible. Pas de chichi ni de non dits pour le trio à l’écriture suggestive, le tapis sonore se déroule sous nos pieds au cœur d’un univers chancelant rempli d’images et de sonorités à faire pâlir les étoiles… à l’image du thérémin ou du tuba. Partageant parfois la scène avec Daniel Darc ou Dominique A, ce groupe aux multiples sensibilités présente ses chansons modestes où la mélancolie méditative côtoie un peu de folie et d’énergie («Maglia sur un texte de Victor Hugo»). Dans les bacs depuis novembre, Tout va très
bien saura vous parler à travers les textes et musiques de Philippe Veillon, dont les jeux de mots se découvrent et se savourent. FREDERIC ISOLETTA
Tout va très bien L’Arrière-cuisine La Cervelle – Mosaic Music Distribution
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DISQUES
MUSIQUE
Au commencement était… Cet enregistrement est issu de la session 2009 de l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée. On se souvient de L’évangile selon Jean d’Abed Azrié joué à Marseille et Nice. Un opus, chanté en arabe, fruit de collaborations syrienne, marocaine et française, repris à l’Opéra de Damas et au Festival de Fès des Musiques Sacrées du monde. Abed Azrié, compositeur et chanteur d’origine syrienne, a écrit une œuvre pour voix solistes, chœur et ensembles d’Orient et Occident, associant des musiciens classiques et traditionnels de l’Institut supérieur de musique de Damas, de la Garde Royale du Maroc et des conservatoires de la région PACA. Le récit du quatrième évangile se décompose en près de quarante-cinq scènes retraçant la vie, la mort et la résurrection de Jésus, homme-Dieu dont les souches plongent dans le terreau sumérobabylonien, cananéen ou phénicien et concerne tout le bassin méditerranéen. On y trouve, comme dans un oratorio classique, les personnages chantés qui l’accompagnent : Judas, Marie Madeleine ou la
Samaritaine, Pilate, Marthe, l’aveugle, les apôtres… L‘expression est voluptueuse, le climat convivial et Abed Azrié évite de calquer son langage sur le chant classique ou la mélodie traditionnelle, privilégiant une forme de sensualité dans les couleurs instrumentales, les dynamiques et l’ornement. J.F
L’évangile selon Jean Abed Azrié Coffret 2CD + DVD Bonus Doutak DOM001
Interférence Après le succès de Diaspora, voici venu le temps de découvrir le nouvel et double album d’Ibrahim Maalouf. Kaléidoscope sonore aux multiples rencontres et métissages, Diachronism a la particularité de se composer de deux parties distinctes, réinventant un jazz venu d’ailleurs. Disoriental (Cd 1) et ses mélismes colorés se situerait plutôt de l’autre côté de la Méditerranée, alors que Paradoxidental (Cd 2) franchirait aisément le Rubicon des sons urbains aux technologies éprouvées. L’homme à la trompette aux quarts de tons ne décevra pas ses adeptes, amoureux du timbre si particulier de cet instrument qui secoue l’univers du jazz. En invitant des musiciens si différents que Bijan Chemirani et son Saz, Adnan Jubran et son oud, Jacky Terrasson à son clavier et le trublion M (titre Bizarre, voix, guitare), Ibrahim Maalouf ne fait que confirmer ses
Mensuel gratuit paraissant le deuxième jeudi du mois Edité à 28 000 exemplaires imprimés sur papier recyclé Edité par Zibeline SARL 76 avenue de la Panouse | n°11 13009 Marseille Dépôt légal : janvier 2008 Directrice de publication Agnès Freschel Imprimé par Rotimpress 17181 Aiguaviva (Esp.) photo couverture MARION RAMPAL © Agnès Mellon Conception maquette Max Minniti Rédactrice en chef Agnès Freschel agnes.freschel@wanadoo.fr 06 09 08 30 34
Secrétaire de rédaction spectacles et magazine Dominique Marçon journal.zibeline@gmail.com 06 23 00 65 42 Secrétaire de rédaction Jeunesse et arts visuels Marie Godfrin-Guidicelli m-g-g@wanadoo.fr 06 64 97 51 56 Société Chris Bourgue chris.bourgue@wanadoo.fr 06 03 58 65 96
prédispositions à une musique colorée, creuset de réunions et d’associations parfois inattendues. Cocktail sonore relevé et savoureux qui donne un véritable coup de fouet à la planète jazz.
Vingt ans après la mort de Pierre Barbizet, paraît enfin un ouvrage à sa mémoire
«Enseigner c’est aimer !» Écrit à une voix, celle de Caline, sa femme, avec amour et admiration, et la main bienveillante de Jacques Bonnadier. Dès les premières pages, on est emporté par l’émotion, le roman d’une vie… On n’en quitte plus le fil : l’enfance chilienne, le Conservatoire à Marseille et le lycée Thiers, l’amour et les amitiés (Jean-Pierre Rampal, Samson François, Claude Helffer), les maîtres dans le Paris de la guerre (Marguerite Long, Georges Enesco). Sans oublier l’inégalable duo qu’il constitua avec le violoniste Christian Ferras… et 27 ans de direction généreuse au Conservatoire de Marseille auquel Pierre Barbizet a donné une dimension nationale, laissé son nom, et où il a marqué des générations de pianistes et de musiciens. Ceux-là même qui aujourd’hui font la vie musicale de notre région. Au fil des pages, des photos-souvenirs et des anecdotes, on se rend compte combien ce livre était indispensable, à sa mémoire et pour celle de toute une famille musicale orpheline depuis le 19 janvier 1990. JACQUES FRESCHEL
F.I.
Diachronism Ibrahim Maalouf Mister Production
Pierre Barbizet Caline Barbizet Éditions Jeanne Laffite, 24 euros
Musique et disques Jacques Freschel jacques.freschel@wanadoo.fr 06 20 42 40 57
Histoire et patrimoine René Diaz renediaz@free.fr
Frédéric Isoletta f_izo@yahoo.fr 06 03 99 40 07
Polyvolantes Maryvonne Colombani mycolombani@yahoo.fr 06 62 10 15 75
Cinéma Annie Gava annie.gava@laposte.net 06 86 94 70 44
Delphine Michelangeli d.michelangeli@free.fr 06 65 79 81 10
Élise Padovani elise.padovani@orange.fr
Marie-Jo Dhô dho.ramon@wanadoo.fr
Arts Visuels Claude Lorin claudelorin@wanadoo.fr 06 25 54 42 22
Philosophie Régis Vlachos regis.vlachos@free.fr
Maquettiste Philippe Perotti philippe.zibeline@gmail.com 06 19 62 03 61
Livres Fred Robert fred.robert.zibeline@free.fr 06 82 84 88 94
Sciences et techniques Yves Berchadsky berch@free.fr
Ont également participé à ce numéro : Emilien Moreau, Dan Warzy, Yves Bergé, Susan Bel, Clarisse Guichard, Christine Rey, Pierre-Alain Hoyet, Christophe Floquet, Edouard Barthélémy
Photographe : Agnès Mellon 095 095 61 70 photographeagnesmellon.blogspot.com Directrice commerciale Véronique Linais vlinais@yahoo.fr 06 63 70 64 18 Attachée commerciale Nathalie Simon nathalie.zibeline@free.fr 06 08 95 25 47
MUSIQUE
De la Musique ? Le pianiste-compositeur et philosophe Michel Sogny livre douze entretiens réalisés, tel un long dialogue platonicien, avec la philosophe Monique Philonenko. Outre les liens intimes et riches que la musique tisse avec la philosophie, le couple aborde des aspects variés de l’art des sons, de l’exécution instrumentale à l’écoute… L’essai interroge les rôles paradoxaux de l’interprète et de la virtuosité, souligne l’importance du silence, du concert et de la critique et fait une large place aux figures de Mozart, Beethoven et Liszt (dont Michel Sogny est un éminent spécialiste). De fait, le pédagogue livre des propos clairs sur la place de la musique dans la vie moderne et sur son enseignement. Le pianiste propose, en complément, un programme
Liszt de piano à quatre mains (Préludes, Marche de Rakoczy, La Bataille des Huns, Orphée et deux Rhapsodies hongroises) en premier enregistrement mondial avec Elisso Bolkvadze. Également joint à l’ouvrage, un CD présente un choix d’opus composés par Michel Sogny : une œuvre à découvrir ! JACQUES FRESCHEL
La Musique en questions Michel Sogny, entretiens avec Monique Philonenko éd TUM / Michel de la Maule, 25 euros
Gallia Deo En France, au XVIIe siècle, le motet connaît une éclosion manifeste à Versailles. Selon le degré de solennité de l’office, la richesse de l’instrumentation, le nombre de chanteurs varie : le «Grand motet» ou «Motet à grand chœur» est le plus majestueux. C’est un genre exclusivement français qui s’affirme face à la prééminence italienne. L’ouvrage de Thierry Favier examine la diversité des pratiques dans les institutions religieuses ou lors de concerts publics, de l’accession au pouvoir de Louis XIV en 1661 à la Révolution française. Il retrace son évolution stylistique et esthé-
tique à la Chapelle Royale, au Concert Spirituel, dans les Chapelles provinciales, et considère son implication dans la construction de l’image royale. J.F.
Le motet à grand chœur Thierry Favier Ed Fayard, 28 euros
Genre léger ? Le genre opérette a connu, au fil de son histoire, des périodes de grande vitalité, en France en particulier, depuis le milieu du XIXe siècle… et quelques décennies de déclin, voire de mépris depuis les années 1960. Cependant, on constate depuis peu, grâce à l’imagination de metteurs en scène comme Jérôme Savary ou Laurent Pelly, que l’opérette connaît une nouvelle vigueur. Benoît Duteurtre, animateur de l’émission Étonnez-moi Benoît sur France Musique, défenseur du raffinement musical de Reynaldo Hahn ou André
Bécédaire
Il y a tellement de choses à raconter sur notre Berlioz national qu’un guide clair et abondamment documenté sur la vie et l’œuvre du compositeur romantique s’avérait indispensable ! Publié aux éditions Van de Velde, le bécédaire Berlioz de B à Z foisonne d’anecdotes et d’informations essentielles à la compréhension de la production pléthorique de l’artiste passionné, mais également à l’appréhension de l’homme. Rassemblés et organisés par le journaliste musical Pierre-René Serna, les entrées alphabétiques sont pertinentes et précises, voire inédites, rendant la lecture de ce dictionnaire monographique ludique et passionnant. Et pour une telle entreprise l’auteur de la Symphonie Fantastique est un bon sujet, acerbe dans
Messager, de la fantaisie d’Offenbach et de ses disciples, propose une nouvelle édition de son ouvrage référence publié en 1997, qui prend justement en compte le retour en grâce récent d’un genre éminemment populaire. J.F.
L’opérette en France Benoît Duteurtre éd Fayard, 32 euros
ses écrits et polémiste à souhait ! L’inventeur du mot festival s’y révèle peu tendre avec la France musicale de son temps, «un pays de crétins et de gredins». Une personnalité attachante qui se dévoile et se délecte dans ce Vade Mecum sur mesure. F.I.
Berlioz de B à Z Pierre-René Serna Ed. Van de Velde, 20 euros
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LIVRES
ARTS
Composer avec Vichy ? Passionnant et riche en enseignements, l’ouvrage Composer sous Vichy du musicologue Yannick Simon dresse un panorama complet d’une période musicale tourmentée longtemps passée sous silence. L’Occupation et ses heures sombres ont modifié la donne d’une vie créatrice bouleversée qui, contrairement aux idées reçues, ne s’est pas éteinte pour autant pendant cette période noire. Du traitement infligé à Darius Milhaud, exilé et banni du paysage culturel, au Front National de la Musique, cette somme admirablement documentée publiée aux Editions Symétrie est une contribution indispensable pour les musiciens et les historiens, comme pour les amateurs désireux de s’imprégner comme dans un roman des destins croisés
des compositeurs français. Le régime de Vichy a vu certains adopter des positions collaborationnistes, d’autres se quereller sur la notation Obouhaw, d’autres rester prisonniers de guerre. Le rôle de la presse spécialisée et l’activité musicale sont analysés depuis la drôle de guerre jusqu’à la plume corrosive de Poulenc et Eluard élevant le mot Liberté au rang d’emblème… FREDERIC ISOLETTA
Composer sous Vichy Yannick Simon Ed. Symétrie 40 euros
Mémoire des lieux oubliés
Au départ une demande de Jean-Luc Mingallon, président du Consolat Mirabeau Services, et une envie d’écrire, celle de Lucienne Brun. Et une conscience sociale commune, autour d’un lieu atypique, sans nom pour l’administration, entre Saint-André et SaintLouis. Un an et demi de travaux, de recherches, ont permis la collation de témoignages, de photographies, de renseignements sur les industries, les activités, les mouvements de population liés à la grande Histoire : ceux des Italiens, Espagnols, Algériens, Arméniens, Gitans, Pieds-noirs, gens des campagnes environnant Marseille. Des plans enfantins représentent les maisons, avec les noms des habitants, que ce soit le long des rails, dans la cité Consolat, le saut de Marot, le chemin de RuisseauMirabeau, la campagne Lachèvre… Leurs appellations frappent l’imaginaire. Les photographies, souvent prêtées, sont merveilleusement touchantes : sourires généreux, images de communiantes, jeune homme fier sur sa moto, voisins réunis, scènes quotidiennes, et le bar
L’agonie d’Agata
Couverture noire, ombres noires, chambre noire : Agonie est un ouvrage radical. Âmes sensibles s’abstenir car les autoportraits photographiques d’Antoine d’Agata et les textes labyrinthiques de Rafael Garrido sont poussés à leur paroxysme. Né d’une correspondance sur Internet, Agonie est le fruit de rencontres entre un écrivain épris de Basquiat, de Bacon, auteur d’une thèse sur «Le corps et la violence dans l’art contemporain», et d’un photographe lecteur d’Artaud, Burroughs, Deleuze, Blanchot. Même fascination, mêmes ombres tutélaires qui ont naturellement guidé Antoine d’Agata à lui «passer commande». Rafael Garrido s’est emparé de l’occasion pour se couler littéralement dans l’œuvre photographique mais aussi littéraire («Je suis resté sur le cul, fasciné par sa façon d’écrire, tout particulièrement Les désirs du monde et Les blessures du monde»), crachant une logorrhée poéticosonore d’une grande liberté, mais respectueuse des thématiques souhaitées par le photographe : la drogue
Michel, magnifique temple de convivialité ! Le livre est également un bouquet de voix qui se racontent, témoignages particuliers qui rendent aussi compte de la vie de ce quartier foisonnant, avec ses cités, ses champs, ses terrains vagues, ses articulations désordonnées mais emplies d’énergie, de misères aussi, de courage, de bonheurs. Et pourtant, qui se souvient des Tuileries, du travail harassant des femmes, des chaînes de conditionnement de Bonux, des usines Panzani ? Étude ethnographique, témoignage de la conscience ouvrière, ce bel ouvrage peut aussi être présenté ainsi, chargé de mémoire, une somme extraordinaire à cultiver. À lire, à feuilleter, comme une promenade que l’on ferait tout simplement dans son quartier. MARYVONNE COLOMBANI
Sur les traces de nos pas Lucienne Brun Publication Consolat Mirabeau Services, 35 euros Avec le concours de la région PACA
(«son corps savait piquer»), la prostitution («la routine des bordels, d’un nouveau bordel, est simple et passe, inéluctablement, à travers l’aveuglement»), l’avènement des corps («corps incorporants et incorporés, désir incarné, désossé»), le dur et le mou… Aux côtés des images floues, ombrées, extraverties d’Antoine d’Agata, les mots de Rafael Garrido se chevauchent, se distordent pour créer un texte volcanique; auprès des corps extatiques, jubilatoires et morbides, les mots se débitent à la mitraillette. D‘une rare densité et d’une crudité sans fard, Agonie brûle d’intensité. Aveuglant. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Agonie Photographies d’Antoine d’Agata, texte de Rafael Garrido Co-édition Actes Sud/Atelier de Visu, 43 euros
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Au-delà du documentaire
Dès son apparition, la photographie a oscillé entre démarche artistique et approche documentaire. Les trois ouvrages que fait paraître Images en Manœuvre entrelacent ces deux pôles Pour le meilleur, il faudrait les feuilleter et les confronter l’un après l’autre. Chacun des photographes aborde un groupe social : ouvriers anglais en vacances pour Martin Parr, jet-set internationale chez Jessica Craig-Martin, le peuple vénézuélien pour Christopher Anderson. Mais les approches varient suffisamment pour nous rappeler que l’acte photographique peut se jouer dans l’empathie plus ou moins prononcée avec son sujet. Le plus proche (plans rapprochés et gros plans) et le plus distancié à la fois (couleurs crues, flash brutal) est le regard acidulé de Jessica Craig-Martin, focalisant sur l’artificielle ambivalence des mondanités (détails sur les sourires et embrassades de convenance alors que les visages sont le plus souvent coupés par le cadrage, décolletés encrémés, bijoux surexposés…). Mais ces gens à la richesse exhibée n’ont droit ici qu’à une qualité d’image destinée au rebut : tous les privilèges ne leur sont pas dus. Réédition du livre paru en 1986 en Angleterre, The last resort s’attache à rendre compte sans fioritures des attitudes d’une classe populaire en vacances dans une cité balnéaire. Le sujet bien vernaculaire et son traitement photographique lui avaient valu nombre critiques.
«C.»
Ce livre est l’aboutissement de la complicité entre trois comparses. Frédéric Valabrègue, l’accompagnateur de l’artiste depuis ses débuts, signe les textes à partir de plusieurs entrées thématiques hors chronologie : commençant par La Chambre jusqu’à Mouvement, en passant par Tatouages ou Méduses, il explore les multiples entrelacs du travail de «C.» comme pour laisser toute la place au sens des œuvres. Ce que vient confirmer la suite de l’ouvrage. André Dimanche, lors de la signature à la galerie Alain Paire, rappelait la genèse du projet, la complicité du graphiste, George René, le travail ténu de l’artiste avec l’éditeur. Mais il souligna également l’exigeante empathie qui se retrouve pour le lecteur jusque dans la reproduction irréprochable des œuvres en particulier,
Martin Parr est devenu entre temps une des références de la photo (d’art) documentaire. Dans sa préface Gerry Badger resitue l’évolution de sa réception publique, et examine la démarche de l’auteur. Sa bienveillance envers le vulgaire ? Dans le même format à l’italienne, mais couverture toilée très rouge, sans rédactionnel aucun, Capitolio sinue dans la société vénézuélienne sous Chavez, en noirs, blancs et gris uniquement. Matières, contrastes, flou, grain, variété des plans et des sujets constituent autant d’angles d’approche. En certains endroits les clichés s’assemblent bord à bord évoquant le récit filmique ou construisant d’autres images plus plasticiennes en pleine et double page. Le documentaire cède alors au poétique, le livre à l’objet. On regrette quand même l’absence de contextualisation et d’explicitation du travail de Christopher Anderson qui déclare ailleurs «Au Vénézuéla, l’appareil photo est une arme…» CLAUDE LORIN
© Martin Parr
Privilège Jessica Craig-Martin co-édition RVB, 45 euros The last resort Martin Parr 40 euros Capitolio Christopher Anderson 46 euros
ou encore dans le rythme du déroulement par séquences, les séries se déployant sur plusieurs volets. Précisons que seule l’œuvre graphique de Jean-Jacques Ceccarelli a été retenue au cours de ces trois cent pages et cent quarante reproductions. À quand pour les sculptures et installations ? CLAUDE LORIN
Ceccarelli texte de Frédéric Valabrègue André Dimanche Editeur, 50 euros En plus de l’édition courante, 30 tirés à part, numérotés, sont présentés sous coffret toilé rouge accompagnés d’un dessin original de l’artiste, 250 euros
Entre le bœuf et l’âne gris Voici un livre qui paraît à pic ! En cette période de Noël et dans notre région, Crèches du monde, un monde de crèches ne peut manquer d’attirer tous ceux que la Nativité et les santons inspirent. Effectivement, ce livre imposant, presque 300 pages format livre d’art, représente une somme, et pas seulement en euros. Tout ce que avez toujours voulu savoir sur la crèche s’y trouve ou presque, du texte biblique aux diverses techniques de fabrication des personnages, en passant par leur valeur symbolique et leur histoire. On peut y lire aussi des chants de Noël, y glaner des références d’artisans ou de rencontres importantes. Bref, un ouvrage très complet, agrémenté de multiples photographies prises pour la plupart en Pologne, en Italie et en France sur les marchés de santonniers les plus célèbres (Aubagne,
Arles) ou au musée des santons de Val (Var). Miniatures ou monumentales, sophistiquées ou brutes, toutes sortes de crèches sont présentées, reflets émouvants des cultures du monde. Car Crèches du monde est l’œuvre de deux passionnés, Maria Skrzeczkowska et Patrick Botella, dont de nombreuses légendes montrent qu’ils ont tous deux collecté depuis longtemps, elle dans sa Pologne natale, lui en Provence et auparavant en Algérie, des pièces rares ou originales. Leur passion est enthousiaste, fervente même avec, parfois, une tendance au prosélytisme. Qui reste discrète. FRED ROBERT
Crèches du monde, un monde de crèches Maria Skrzeczkowska et Patrick Botella éd l’àpart du beau, 45 euros
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LIVRES
LITTÉRATURE
Loin du paradis L’atmosphère du dernier roman d’Andrew Sean Greer, qu’il est venu présenter à Marseille dans le cadre des Belles Etrangères, rappelle celle du film de Todd Haynes. Réalisé en 2003, celui-ci relate le drame de Cathy (Julianne Moore), mère et femme au foyer exemplaire qui voit sa vie et son mariage exploser ; une mise en scène à la Douglas Sirk, sur fond d’homosexualité et de racisme. Dans le roman, c’est à la même Amérique des années 50 que la narratrice Pearlie fait remonter le début de cette histoire d’un mariage ; la même Amérique corsetée dans ses préjugés (ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Buzz, celui par qui le scandale pourrait arriver, dirige une entreprise de sous-vêtements, gaines et corsets à tous les étages) ; la même Amérique qui exécute les époux Rosenberg et envoie des gamins mourir en Corée. Donc, c’est l’histoire de Pearlie et de son bel époux Holland, de leur petit garçon handicapé et de leur existence paisible… Jusqu’au jour où elle découvre «quelqu’un qui avait emprunté par pure sorcellerie les traits de [mon] mari». Rassurez-vous, rien à voir avec
un quelconque ouvrage de fantasy… Mais c’est tout de même une histoire de revenant que Pearlie retrace. Car lorsque Buzz Drumer se présente à sa porte, le passé entre avec lui ; un passé tu, une histoire sombre et aussi la révélation de la liaison amoureuse des 2 hommes. Pearlie pourrait s’effacer, abandonner la partie. Mais Pearlie n’est pas Cathy. Cette jeune femme noire ne renonce jamais. De même qu’elle a su qu’elle le voulait au premier regard, et qu’elle l’a eu, de même elle va lutter pour comprendre son Holland, et le garder, avec ses faiblesses, ses parts d’ombre. Un beau roman, donc. D’amour. De guerre aussi : «non pas une histoire ordinaire de combattants mais de ceux qui ne partirent pas à la guerre. Les lâches et les planqués […] L’histoire de ces hommes-là, et d’une femme à la fenêtre, incapable de faire autre chose qu’observer. […] Ils sont éliminés de l’Histoire, car rien n’est plus corrosif que la honte. […] Mais je signe pour eux ce récit.» La chronique de Pearlie atteint à l’universel. Et au-delà des décors 50 et d’une «histoire
Écrire et faire l’amour
La vérité sur Marie clôt la trilogie inaugurée avec Faire l’amour (2002) et poursuivie dans Fuir (2005). JeanPhilippe Toussaint achève brillamment le cycle de sa passion pour Marie, avec descente aux enfers et résurrection. Faire l’amour donc, ou plutôt le refaire avec elle, et révéler «la vérité sur» cette femme fantasque, désordonnée et suprêmement attirante, que le narrateur n’a cessé d’aimer et sur laquelle il déclare tout savoir. Tel est le projet de l’homme amoureux ; tel est également celui de l’écrivain. La vérité sur Marie se présente comme un triptyque. Deux volets latéraux, l’un situé à Paris l’autre sur l’île d’Elbe, retracent, avec le mélange d’humour décalé et de recherche stylistique propres à Toussaint, l’événement tragique qui a permis aux deux protagonistes de se retrouver, à savoir la mort subite, dans l’appartement de Marie, de Jean-Christophe de G., un riche et élégant éleveur de chevaux de course rencontré à Tokyo. Au centre, enchâssée dans le récit des retrouvailles, l’aventure de Marie avec cet homme, et surtout une scène dans la zone de fret de l’aéroport
de Narita, puis dans l’avion. Toussaint déploie sur quelque 100 pages, c’est-à-dire à peu près la moitié du livre, une fiction rétrospective stupéfiante. Il imagine l’embarquement difficile d’un pur-sang et le retour épique en avion cargo de Marie, de son amant et du cheval. La scène prend des allures d’apocalypse artificielle, totalement reconstruite, entre drame et burlesque, film d’action de série B et tragédie contemporaine. On se souvient alors que Toussaint est aussi réalisateur de films. De fait, il s’en donne à cœur joie, avec jeux de lumières et effets spéciaux, sur un scénario délirant qu’il semble vomir, comme le feront le pur-sang dans l’avion, le narrateur dans la dernière partie. Logorrhée cathartique, souffrance expectorée une fois pour toutes. C’est violent, tellurique, érotique aussi, avec une dominante nocturne, de mort, de tempête, d’incendie. Pourtant, au bout des nuits de chaos renaissent l’amour et une langue à l’épreuve des flammes. Après le Médicis pour Fuir, Jean-Philippe Toussaint
Marseille et son double Il y a d’autres Marseille de par le monde… et si vous vous jetez éperdus dans la consultation d’un atlas, vous vérifierez, ô stupeur, que la cité phocéenne n’est pas unique (Petit détail orthographique, celle qui se situe en Illinois porte un s en finale) ! Bruno Leydet s’est emparé de cette ville américaine, en a fait un miroir, multipliant les échos, à la manière de ces écrits du XVIIIe qui s’amusaient à brouiller les codes pour avancer critiques et caricatures. Un régal de lecture, style rapide, serré qui tient de Lodge ou d’Alison Lurie, et un jeu permanent pour le lecteur qui reconnaît par transparence sa propre ville. En Illinois, c’est l’MO, le Marseille Olympus, équipe de foot féminine, qui passionne la population ; la série à la mode se nomme «Wonderful life» ; on va au Sun Market faire ses
courses ; et quand vous saurez que l’ancien maire s’appelait Gastone Pistone… La société marseillaise (de Marseille Illinois bien sûr, quoique l’auteur ait omis le «s» final) est passée au crible. Liaisons, ententes, manipulations, jeux électoraux… jubilatoire ! Il s’agit aussi d’un polar, avec fond de terrorisme intégriste, et police débordée qui s’acharne sur de fausses pistes. La quête de «l’olive nucléaire» est exceptionnelle ! À lire avec délectation ! M.C.
Marseille, Illinois Bruno Leydet Ed L’écailler du sud, 8,50 euros
de mariage» un peu kitsch, elle parle sans doute aux lecteurs de l’Amérique d’aujourd’hui, qui est loin d’en avoir terminé avec les guerres lointaines et les discriminations. FRED ROBERT
L’histoire d’un mariage Andrew Sean Greer éd. de l’Olivier, 21 euros
vient tout juste de recevoir le prix Décembre pour ce beau roman visuel et sensuel. Pas mal quand on sait que cette récompense, qui s’affiche depuis 1989 comme une sorte d’anti Goncourt, a été décernée avant lui à Pierre Michon, Régis Jauffret ou Yannick Haenel… On peut imaginer plus mauvaise compagnie. FRED ROBERT
La vérité sur Marie Jean-Philippe Toussaint éd. de Minuit, 14,50 euros
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Où l’archéologie du Panier sert l’enquête Le dernier roman de Jean Contrucci, Le vampire de la rue des Pistoles, entraîne une fois de plus ses lecteurs à la suite du sympathique journaliste du Petit Provençal, Raoul Signoret, dans une enquête rondement menée aux rebondissements multiples. Le vieux Marseille sert à la fois de cadre et de clé à cette rocambolesque aventure dominée par le pont transbordeur et hantée par les caves du Panier qui recèlent de bien curieux et antiques secrets. L’intrigue est servie avec une jolie verve ; les bons mots des personnages, leur enthousiasme juvénile, accordent un rythme vif au récit. Mais la légèreté primesautière du ton n’oblitère pas les sombres échos de la gestation de la 1re guerre mondiale, avec les poèmes distillés dans les mémoires enfantines par les hussards noirs de la
république. L’érudition, certes formulée sur le ton de la galéjade, est bien présente, et reconstruit le vieux Marseille, son architecture, ses coutumes, les différentes strates de sa population, d’une plume vivante et enjouée. Un vrai plaisir de lecture ! Sans compter qu’adjoint au volume, un petit traité, Le Marseille de Raoul Signoret, nous livre photographies renseignements et alléchantes recettes du début du XXe siècle… MARYVONNE COLOMBANI
Le vampire de la rue des Pistoles Les nouveaux mystères de Marseille Jean Contrucci Ed Jean Claude Lattès, 16,50 euros
Freaks and Chips Dans les limbes n’est pas tout à fait un thriller. Ni vraiment un roman fantastique. Pas plus une fable sociale à l’américaine, voire une fiction «gold metal» hallucinatoire écrite sous speed avec vieux fonds de rock n’roll. Mais Dans les limbes ou plutôt The Resurrectionist -son titre original- est un peu de tout cela. Roman étouffant et cauchemardesque, sa lecture nous projette dans un monde peuplé de bikers ultraviolents, de médecins pervers, d’étranges comateux reclus au cœur d’une terrifiante clinique gothique. À ce décor grisâtre s’ajoute l’écriture en pans alternés d’un récit double : sous nos yeux tremble Sweeney, père pétri de culpabilité au chevet de son fils en sommeil profond ; parallèlement s’égrènent les chapitres de Limbo, la bande dessinée qu’il lit et qui le relie à l’enfant. Les personnages de ce comic sont des monstres de foire que n’aurait pas reniés l’Amérique profonde des romans d’Harry Crews. Pour le reste, on plongerait plutôt au milieu d’une fantasmagorie façon «new worlds» britannique, écla-
tant les cadres des genres établis. Car c’est bien loin d’un polar traditionnel, entre rêve et réalité, que se pose ici la question suivante : ces deux-là, père et fils, peuvent-il encore communiquer dans le monde des vivants ? Faut-il charcuter le cerveau de l’un ou bien l’autre doit-il s’élancer, shooté à mort, dans le néant des rêves ? Jack O’Connell diffère la solution du dilemme. Et voici sans doute le point faible de cet ouvrage résolument baroque d’un point de vue onirique. Une fois les monstres, les «abominations», la clinique et Géhenna posés, détaillés, que reste-t-il à découvrir ? Que les monstres ne sont pas ceux que l’on croit ? Finalement on aurait préféré aller encore plus loin avec eux. Let’s take the road again... EDOUARD BARTHELEMY
Dans les limbes Jack O’Connell Ed Rivages/Thriller, 22 euros
No 25 descendre 2009
Les travaillants, un roman de science affliction de Grégoire Courtois aux éditions Presque Lune. 18.50 euros de désespérée errance ! Une époque incertaine dans un futur incertain. La terre ? Des tours dominant des rues improbables ou règnent des «chats» hypothétiques ; humains rejetés des entreprises ou survivants de la chute incessante des suicidés, volontaires ou non, qui ne cessent de tomber des étages, tels des Folon de fin du monde. Des «travaillants» nés d’une «nurserie» franchissent un triste jour la «porte des Hairaches» pour entrer dans le «monde du travail» selon le bon vouloir de l’entreprise toute puissante. Y survivront-ils ? Pourront-ils accéder à un box à l’étage du bureau ? Seront-ils protégés ou défénestrés par la «guilde» sur laquelle la béance libérale les aura déposés ? Nul ne sait. Au fond de toilettes obscures, filmés par leurs collègues de bureau,
les pervers s’adonnent à des scarifications sacrificielles. S’il est un lendemain, face à la «nano-cantine», l’objet de l’art déverse ses tripes et rend le dernier soupir tandis que Vera en vomit de jouissance. Les messages télématiques s’échangent, précédés pour en informer le lecteur d’un [chan#9926]. Périodiquement un chapitre, cassé en «Courier New» format [txt] nous fait accéder aux [informations personnalisées] de l’entreprise. Si vous voulez en subir plus, lisez ce roman ou fourrezvous un doigt au fond de la gorge, ou buvez un café salé. Et bonnes défaites de fin damnée. YVES BERCHADSKY
Les travaillants Grégoire Courtois Editions Presque Lune
Jack O’Connell était accueilli à Marseille les 10 et 12 nov (ABD et Prison des Baumettes) pour deux rencontres organisées dans le cadre des Belles étrangères
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TOULON | LA DESTROUSSE
Un bon millésime
La Fête du livre de Toulon a tiré le rideau. Avec 52000 visiteurs réunis en trois jours, la 13e édition «Soif de lire» a battu son record d’affluence : 2000 de plus que l’an dernier ! Il faut dire que le Conseil général du Var avait mis le paquet : 354 auteurs français et étrangers dont Paule Constant, prix Goncourt 1998, présidente du Prix des lecteurs ; 27 libraires du département ; organisation et communication confiées aux spécialistes du genre, MPO Agence à Nice et CBW Méditerranée Marseille: de quoi assurer une grande visibilité à l’opération, dont le coût global est de 700 K€, campagne de communication comprise. Un investissement à la hauteur des enjeux et à répercussion immédiate : de nombreux librairies font leur chiffre d’affaires annuel durant ces trois jours, ce qui leur permet de tenir le reste de l’année... Il y avait donc foule sous le chapiteau géant planté place d’Armes. Point de ralliement des Toulonnais et des Varois à l’affût d’une dédicace, curieux des auteurs tout juste primés par le Goncourt ou le Renaudot, ou impatients des nouveautés régionales. La venue de vedettes (Nelson Montfort, Claude Lanzmann, Jean-François Kahn…) n’est pas pour rien dans cet engouement, mais ce succès a aussi son revers: on se demande s’il ne faudrait pas envisager de doubler la surface d’exposition et d’installer des chapiteaux satellitaires, afin de fluidifier la circulation entre les stands (un véritable embouteillage le samedi après-midi !) et d’améliorer la répartition des espaces entre les ateliers (ceux de l’Hôtel des arts et de l’asso-
Polar à la Destrousse Cela ne s’invente pas, un festival consacré au roman policier dans la ville qui devrait peut être son nom aux activités peu louables des voleurs de grand chemin du Garlaban… Christiane Petetin, adjointe au maire et cheville ouvrière de cette manifestation l’évoque avec humour. En fait, c’est une histoire de passion. Passion pour ce genre que l’on considère encore comme
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ciation Équinoxe pour les jeunes lecteurs n’ont pas désempli une seconde), les rencontres et les signatures. Placée sous le double signe de la Littérature en Méditerranée et des Arts de la table, la Fête du livre a entrouvert la porte à une approche plus sociologique de certains thèmes (Tablées et modes de vie) et à des débats géopolitiques (Histoire de l’immigration dans le Var). On vient aussi pour échanger, et les occasions ne manquent pas : on se presse pour entendre les nominés du Prix des lecteurs du Var évoquer «La Méditerranée dans la littérature moderne», on débat au café philosophique animé par Philippe Granarolo, on découvre les métiers du livre auprès de L’Agence régionale du livre… Les animations non plus ne désemplissent pas avec, pour la première fois, des ateliers slam pour les collégiens, des scènes ouvertes publiques, des concerts et des performances. De la littérature à la poésie, de la poésie au slam, la Fête du livre reflète avec talent l’air du temps. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
La Fête du livre de Toulon s’est déroulée les 20, 21 et 22 novembre. Le livre d’Akli Tadjer (voir Zib 15), Il était une fois peut-être pas (Lattès) a obtenu le Prix des lecteurs du Var 2009
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mineur dans la famille de la grande littérature. Il s’agit donc à la Destrousse de montrer la diversité des styles du polar avec un large plateau d’invités, et de nombreux auteurs de la région, comme Jean Contrucci ou Bruno Leydet (voir p 50 et p 51). Le programme des activités est extrêmement riche : Cluedo géant pour les enfants, jazz swing, lectures d’extraits de polars, petite pièce en un acte mise en scène et composée pour l’occasion par Michel Jaquet, jouée par l’auteur et André de Rocca. De nombreuses interventions aussi de fous du polar, la 813 (les Amis des Littératures Policières), les Polarophiles Tranquilles qui présentent leurs revues, des atelier de calligraphie, des auteurs jeunesse comme
Prat du Joncourt. Aux murs de la grande salle de La Pléiade qui accueille le festival, de larges panneaux: chacun présente la photographie d’un écrivain en noir et blanc, comme une page qui s’écrit et en parallèle la vue en couleur d’un paysage cher à ce dernier. Ces clichés prêtés par la médiathèque de Miramas sont de Claude Almodovar… Un petit festival rappelle modestement l’organisatrice secondée par une équipe de bénévoles enthousiastes. Mais quelle qualité ! MARYVONNE COLOMBANI
CITÉ DU LIVRE | AU PROGRAMME
LIVRES
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La page et l’écran L’Agence Régionale du Livre organisait des rencontres publiques sur les métamorphoses numériques du livre. Un sujet essentiel, qui reste inquiétant
Tourner la page ? Cette position s’explique aisément : évidemment, un livre scientifique gagne en arborescences, en consultations, en
précisions, en réseaux qui l’affranchissent du linéaire, et permettent une actualisation constante des données et du savoir ; évidemment l’archivage numérique du patrimoine imprimé garantit a priori qu’il sera conservé sans danger de détérioration par le temps, le feu ou la consultation ; évidemment la pratique de l’écriture numérique, avec ses invisibles ratures, ses rajouts potentiellement illimités, et cette fenêtre ouverte de l’autre côté de l’écran qui permet à tout écriveur de consulter le monde, est une source de plaisir infini. Seuls quelques nostalgiques écrivent encore leurs œuvres sur papier. Mais ils sont nombreux encore ceux qui lisent des livres. Nos sociétés de consommation ont intérêt à nous pousser au numérique. C’est-à-dire à l’achat de l’appareil et non de l’œuvre. Question de plus-value immédiate, de rémunération des industries et non de l’intellect.
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Les bibliothécaires, chercheurs, libraires et professeurs réunis lors du colloque parlèrent parfaitement des aspects techniques de la numérisation des données. Brillamment, Françoise Benhamou séria les bouleversements économiques qui attendaient le monde du livre dans les prochaines années, depuis les droits d’auteurs jusqu’au rôle prescripteur des libraires et des bibliothécaires. Bernard Stiegler, pour conclure, souligna cette «grammatisation du lecteur» poussé à devenir écriveur de ce qu’il lit, acteur de palimpsestes nouveaux, sans falsification. Chacun semblait convaincu que, si l’ebook était loin de prendre, la galaxie de l’impression était à un tournant de son histoire, complétée, dépassée, voire remplacée par la lecture numérique.
le © Kind zon Ama
Lorsqu’il écrivit la Galaxie Gutenberg, Mac Luhan, malgré d’évidentes erreurs de prospective (on n’a jamais autant imprimé qu’après l’invention de la radio et la télé), posa au moins une chose essentielle : l’interdépendance étroite du média et du message. On ne peut après cela penser le livre numérique comme un livre, non parce qu’il ne peut en reproduire le contenu, mais parce qu’un contenu qui change de média transforme aussi son message. Qu’il l’amoindrisse, l’enrichisse, le commente ou le dénature. Qu’est-ce qu’un livre ? Affectivement avant tout un objet. Intimidant, rebutant, offert, prêté, donné, dormant à côté de vous, illustré parfois, consulté, compulsé, oublié puis repris comme on retrouve une photo d’enfance. Un objet que l’on touche, que l’on pratique et que l’on aime, que l’on vocalise parfois pour les autres, ses enfants, et qui laisse des marques dans votre esprit parce qu’il agit sur votre corps.
Aujourd’hui, contrairement au disque et à la presse, le livre résiste et se vend parce que son rapport au corps est fait de proximité et d’affects. Au moins quand il s’agit de littérature. AGNES FRESCHEL
Les Rencontres sur les Métamorphoses numériques du livre ont eu lieu à la Cité du Livre (Aix) les 30 nov et 1er déc.
Au Programme ARLES Chapelle du Méjan – 04 90 49 56 78 Lecture de textes de Fellag et d’Antonio Lobo Antunes par Fellag et Marianne Epin. Le 5 janv à 20h30.
AVIGNON Collection Lambert – 04 90 18 56 20 Dans le cadre du 10e anniversaire de la création du musée Éric Mézil, directeur de la collection lambert, propose une série de conférence publique consacrée à l’histoire de l’art. Le cycle s’ouvre le 22 déc à 17h30 par Intoduction à l’analyse de l’image ancienne et contemporaine, l’iconographie des maîtres du moyen âge à Andy Warhol.
CARPENTRAS Librairie de l’horloge – 04 90 63 18 32 Rencontre avec Jean-Michel Guenassia autour de son livre Le club des incorrigibles optimistes (Albin Michel), le 18 déc à 19h.
GAP Théâtre La Passerelle – 04 92 52 52 52 Exposition Esquives et Nocturnes de Mireille Loup, du 9 janv au 27 fév. Vernissage le 8 janv à 18h30, rencontre avec l’artiste le 9 janv à 10h
MARSEILLE CIPM – 04 91 91 26 45 Exposition Poësimage proposée par l’URDLA(centre international estampe et livre), jusqu’au 16 janv. CRDP – 04 91 14 13 87 Le corps dans l’art contemporain, conférence donnée dans le cadre des rencontres culturelles du CRDP : Le portrait dansé, par
Christian Gattinoni, enseigant à l’Ecole nationale supérieure de la photographie d’Arles. Le 21 janv à 18h30. BMVR Alcazar – 04 91 55 56 34 Voyages en encyclopédies : de Diderot et D’Alembert aux encyclopédies en ligne : conférence sur l’évocation des problématiques des encyclopédies en ligne et du travail des Encyclopédistes des Lumières, lecture d’un passage extrait du Rêve de D’Alembert de Diderot, le 18 déc à 17h en salle de conférence ; conférence d’Agnès Deluchi des Editions Britannica-Universalis sur l’Encyclopédie Universalis, le 7 janv à 18h en salle des conférences. L’Alcazar célèbre Jean Cocteau dans le cadre du 120e anniversaire de sa naissance : pour les 50 ans du tournage du film Le Testament d’Orphée, projection et table ronde, le 19 déc à 17h en salle des conférences. Exposition Aux limites du photographiable qui réunit les œuvres de Steven Bernas, Rolf General, Marc Heller, Bernard Plossu, Christine Buignet, Olivier Umhauer, Christian Galzin et Bernard Lantéri, jusqu’au 16 janv en salle d’exposition. Rencontre autour du livre Le Bateau-usine de Kobayashi Takiji à l’occasion de sa parution en français, avec sa traductrice Evelyne Lesigne-Audoly. Le 9 janv à 17h à l’auditorium. Conférence de la linguiste Véronique Rey Et si demain les enfants ne savaient plus parler ?, le 9 janv à 15h en salle de conférence ; conférence de l’hydrobiologiste Christian Lévêque, Biodiversité, je t’aime moi non plus!, le 16 janv à 17h en salle de conférence. Librairie Maupetit – 04 91 36 50 50 Rencontre avec Florence Langlois et Vincent Bourgeau, auteursillustrateurs pour la jeunesse. Le 19 déc à 15h.
Centre international de recherches sur l’anarchisme – 09 50 51 10 89 Rencontre/débat avec Ronald Creagh, auteur du livre Utopies américaines, expériences libertaires du XIXe siècle à nos jours (éd. agone), le 9 janv à 17h. ABD Gaston Defferre – 04 91 08 61 08 Exposition Visions portuaires : photographies de François Delaage et installations de Claire Saltet. Jusqu’au 16 janvier. Librairie Histoire de l’œil – 04 91 48 29 92 Exposition de Jean Julien, organisée par Fotokino dans le cadre du festival Laterna Magica. Jusqu’au 31 déc. Espace Ecureuil – 04 91 57 26 49 Conférence d’initiation : Art et paysage IV, Du pittoresque au sublime (XVIIIe siècle) par Jean-Noël Bret. Le 13 janv à 12h30, le 15 janv à 12h30 et 18h.
SAINT-MICHEL L’OBSERVATOIRE Editions C’est-à-dire – 09 53 07 52 14 La jeune maison d’édition C’est-à-dire (7 titres au catalogue à ce jour), propose 3 livres en souscription (à 15 euros au lieu de 20) aux lecteurs qui souhaitent soutenir leur démarche : Le pays de Forcalquier : son lac, sa mer de Gabriel Conte ; Et en cas de peste, ce qu’à Dieu ne plaise… Chronique d’une ville close, Sisteron (1719-1723) d’Irène Magnaudeix ; Bourgeois à la campagne, les domaines avec bastides de Saint-Etienne-les-Orgues de Gisèle Roche-Galopini. Vous pouvez télécharger le bon de souscription sur leur site http://cestadire.editions.free.fr avant le 20 décembre.
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LIVRES
ÉCRIMED | HÉROPOLIS
Chic ou bohème ?
Un week-end, deux événements. Tous deux axés sur l’écriture et sur la Méditerranée, suivant des voies très différentes
Heropolis © Territoire3
Bohème en Friche Le 20 novembre, début de soirée. Dans une salle prêtée par la Friche, où on s’installe tant bien que mal sur des divans défoncés ou des pliants, Jean-François Paillard et l’équipe de Territoire 3 présentent leur drôle de spectacle, Heropolis. 52 minutes de littérature, arts visuels et musique mêlés ; 52 minutes pour évoquer ce qui arrive lorsqu’un homme se transforme en chien. À partir d’un texte écrit et d’une vidéo tournée à Istanbul avec des moyens artisanaux, appareil photo numérique et caméra embarquée, J.-F. Paillard et ses complices proposent une performance originale, qu’ils n’ont eu que 10 jours (et quasiment aucun financement) pour mettre au point. Sur l’écran se déroule le film des avatars de l’homme mué en chien, de sa traversée des Enfers à sa renaissance. L’image «sale», volontairement tremblée ou saccadée ou répétée, joue sur un noir et blanc partiellement colorisé, sur des effets de solarisation. Rien à voir avec une vidéo de vacances à Istanbul, même si on retrouve au hasard des tribulations du personnage les vues touristiques traditionnelles de la cité. Paillard recrée le voyage en Orient et la ville turque se teinte de Grèce, et le Bosphore devient Styx… Cette traversée en images s’accompagne d’un périple sonore des plus excitants. Le texte, s’il n’échappe pas à quelques clichés, sort exalté de la performance des six allumés qui le portent. Trois musiciens rythment les chapitres, façon films muets tandis que deux lecteurs-bruiteurs, Jean-Marc Hérouin et Marion Rampal, susurrent, crient ou
psalmodient les mots, que la machine diabolique de l’électroacousticien Didier Simione distord et amplifie… Une extravagance très maîtrisée, pour une vision onirique de la Méditerranée, où les anciens mythes imprègnent toujours la réalité contemporaine. Un DVD viendra sous peu pérenniser cette expérience unique et permettre à cette équipe inventive de poursuivre ses incursions à la croisée des champs artistiques, pour une autre lecture de nos rivages méditerranéens.
Chic aux Docks
Autre lieu, et toute autre ambiance pour la 1re édition des Écritures Méditerranéennes, placées sous la direction littéraire de Pierre Assouline et Tahar Ben Jelloun et chapeautées par la sémillante Elsa Charbit. Si les livres et les écrivains avaient paru singulièrement absents lors de la conférence de presse (voir Zib’24), ils étaient bien là, aux Docks de la Joliette, samedi 21 et dimanche 22, venus de Tunisie, du Liban, d’Italie, du Portugal et d’ailleurs, pour tenir des cafés littéraires à la brasserie Agora, participer aux tables rondes dans le grand auditorium de l’école Euromed Management, dédicacer leurs ouvrages entre deux. Luxe, calme et lumières tamisées ; tout au long du large couloir parqueté qui menait du restaurant à l’auditorium, des tables avaient été installées, en règle générale une pour deux écrivains invités, chacune d’elles ornée d’une petite lampe de lecture de forme et de couleur différentes. Le genre de détail classe qui fait la différence ! Tout était à l’avenant, les hôtesses sou-
riantes et élégamment vêtues, les étudiants d’Euromed dévolus à l’accompagnement des auteurs. Beaucoup d’allure, et des tables rondes intéressantes, quoiqu’un peu convenues pour un public un tant soit peu averti. Car lorsqu’on est coutumier des rencontres littéraires de Manosque, de celles organisées à Toulon le même week-end, ou de celles que mettent en place nos libraires et éditeurs indépendants, les discours entendus à Ecrimed n’ont pas brillé par leur originalité, en dépit du talent oratoire de certains, comme le Libanais Najjar, l’Italien Bajani ou l’Algérien Djemaï. Sans doute n’était-ce pas la configuration idéale pour sortir des sentiers battus… Mais ce qui est formidable, c’est qu’on puisse le même week-end voir ces deux choses-là, tellement éloignées l’une de l’autre en dépit de leur thématique commune. Ambiance, budget, traitement et choix esthétiques, rien de comparable entre les deux. Mais il est bon que de telles manifestations coexistent, et puissent continuer à rassembler des publics différents autour des écritures et de la Méditerranée. FRED ROBERT
Heropolis a été donné à la Friche le 20 nov Le 1er salon des Ecritures Méditerranéennes s’est tenu aux Docks de la Joliette les 21 et 22 nov Écrimed © Olivier Monge - MYOP
RENCONTRES LITTÉRAIRES
LIVRES
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Pour que 2010 vous donne la joie de livres ! Bien sûr, l’hiver, c’est moins facile de sortir dans l’obscurité des jours qui raccourcissent. Cela vaut pourtant la peine : il est des rencontres qui sont de vraies fêtes. Et si vous les avez ratées, pas grave, il reste les livres de ces auteurs. À lire sans modération…
La rencontre attendue d’Écrivains en dialogue à la BDP le 8 déc, qui réunissait Olivier Adam et Véronique Ovaldé, tous deux publiés à l’Olivier, régulièrement primés, et auteurs d’ouvrages jeunesse à côté de leur production pour adultes. Tous deux également professionnels du livre, puisqu’Adam a longtemps été éditeur et qu’Ovaldé vient de le devenir après avoir travaillé 17 ans comme responsable de fabrication. Deux quadras plus que pros, et deux romanciers remarquables. On avait regretté la défection d’Ovaldé à Manosque (victime d’un frelon, asiatique aux dernières nouvelles, les pires il paraît) ; cette fois-ci, elle est là, en pleine forme. Son collègue de plume (et fidèle lecteur) a souhaité l’inviter afin de comprendre «où elle va chercher tout ça.» Les territoires que ces deux écrivains explorent sont très éloignés. L’une, qu’on rapproche souvent d’auteurs sud américains (qu’elle n’a pas toujours lus !) tendrait vers le merveilleux, l’univers des contes et le baroque, espace-temps improbable, toponymie symbolique ; tandis que l’autre se rapprocherait d’une esthétique néoréaliste, attention minutieuse aux détails quotidiens, lieux ancrés dans une réalité géographique, météorologique même. Il y a pourtant plus d’une passerelle à tendre entre ces deux univers, ne serait-ce que celle de l’unicité de la voix qu’ils font entendre. Une voix qui se tient sur «la corde raide des émotions», dans un mélange de brutalité et de douceur qui donne à leurs fictions cette tonalité si particulière, dans la lignée des littératures américaine et japonaise que tous les deux lisent et admirent. Pascal Jourdana avait joliment intitulé la rencontre Le boxeur et la fée. Qui est l’un ? Qui est l’autre ? Au final, on n’en sait rien. Car il y a de la boxeuse en Ovaldé et du magicien en Adam. Ne pas être là où on les attend, c’est sans doute cela qui les rapproche aussi, et qui procure tant de plaisir à leurs lecteurs.
construit en dur, confie à la jeune femme de 23 ans le mobilier et tout ce qui touche à l’architecture intérieure. Elle va devenir l’alliée idéale du Corbu dans la révolution de l’intérieur et du mobilier qui ne jure à l’époque que par l’art déco de Ruhlmann. Appliquer le modèle industriel du Taylorisme pour un fonctionnalisme humain devient alors la clef du modernisme. Fauteuil tournant, fauteuil tube, bureau en forme, la belle Charlotte fait «chanter l’espace» jusqu’à produire le fauteuil grand confort et la fameuse chaise longue qui aurait été inspiré par le pont transbordeur de Marseille pour ce qui est de l’ossature. Comme souvent, le maitre oubliera la p(m)aternité des œuvres… et le Japon accueillera l’inspiration de la créatrice qui fut injustement traitée en France, même si elle trouva un terrain à son talent avec la construction de la station des Arcs en 67. Charlotte Perriand, un art d’habiter mais aussi Charlotte Perriand et le Japon témoignent de ce formidable héritage qui nous a été transmis avec passion et exactitude.
Charlotte in love
Toussaint à Noël
Une Escale à la librairie Imbernon, rencontre passionnante sur l’architecte et designer Charlotte Perriand a eu lieu le 9 déc dans la 3e rue de la Cité Radieuse Le Corbusier, à l’occasion de la sortie d’un nouvel ouvrage aux éditions Norma. Reconnu et primé pour ses nombreux films et portraits d’architectes, Jacques Barsac, qui côtoya l’artiste quotidiennement pendant vingt ans, a donné une très belle conférence sur l’histoire de cette femme qui fut associée au Corbusier de 1927 à 37. Il manquait une pierre à l’édifice sans faille de l’architecte visionnaire qui, impressionné par le bar sous le toit
Encore une rencontre avec un auteur remarquable dans un lieu agréable : Jean-Philippe Toussaint à la librairie l’Histoire de l’œil le 10 déc. Il a fallu pousser les murs, mais on est arrivé à se caser, pour une conversation entre amis. L’auteur est largement revenu sur son dernier roman, La vérité sur Marie (voir p.50), en a lu des extraits, et a rappelé les liens qui unissent l’œuvre avec les précédentes. Chaque œuvre reste autonome, mais des résonances s’établissent entre elles. Si scènes, lieux et tonalités se répondent, c’est qu’il s’agit de «toujours écrire le même livre» et en même temps, de «toujours se
Rencontre a la librairie Histoire de l'oeil avec J.-P. Toussaint © Agnès Mellon
renouveler». Ambivalence jubilatoire, terrain même de la littérature. Ambivalence de la «vérité sur Marie», impossible à connaître et qu’il écrit pourtant. Ambivalence de l’énergie romanesque, qu’il retient d’abord pour mieux la lâcher dans des scènes paroxystiques. Ambivalence d’un récit à la 1re personne, d’où le narrateur disparaît pourtant. Ambiguïté enfin de l’accumulation d’«effets de réel» dans ce qui relève de la fiction pure. Toussaint joue de cela et pose mine de rien des questions littéraires cruciales. Il n’a pas parlé que de littérature, car il est également, photographe, cinéaste, plasticien. Son éclectisme s’accommode bien des nouvelles technologies : il se montre fier de son site, sur lequel on peut lire certains de ses brouillons, voir des scènes de ses films ou de ses installations. Il a également en tête un projet d’exposition virtuelle. Où s’arrêtera-t-il ? À la publication de ses romans sur le web. Car, a-t-il conclu, rien ne vaut le support papier pour jouir pleinement d’une fiction romanesque. FRED ROBERT ET FRED ISOLETTA
Beaucoup d’autres rencontres ce mois-ci ! Au Greffier de Saint-Yves, une séance de lecture- dédicace-dégustation délicieuse ! Trop tard pour en profiter mais il est toujours possible de faire un tour dans cette accueillante librairie de l’hyper centre de Marseille ; on y trouve, comme dans toutes les vraies librairies, des idées cadeaux à tous les prix…
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PHILOSOPHIE
LES RENCONTRES D’AVERROÈS
Notre monde est-il tragique ? Une fois encore les Tables Rondes d’Averroès ont fait salle comble et ont permis au public de se rassasier de connaissances et de questionnements. Autour des Figures du Tragique, thème de cette 16e édition… Naissance de la tragédie La première conférence rassemblait une philosophe, Barbara Cassin, un metteur en scène, Vassilis Papavassiliou et un romancier grec, Takis Théodoroupoulos. Inutile de préciser le rapport avec la Grèce des deux derniers ; pour Barbara Cassin c’est la plus grande spécialiste de la Grèce antique. Quelle est la spécificité de la tragédie, et sa différence avec le drame ? Après avoir précisé le contexte historique de son éclosion (voir Zib 24), la question de la nature de la tragédie se posa. Le drame se noue dans un univers à une dimension, la situation y est plus ou moins soluble, relève de la plomberie et des techniques de la condition humaine. La tragédie n’est possible que dans un triangle rappela Barbara Cassin : l’homme, les dieux et la cité. La tragédie c’est l’action du héros auquel s’identifie le citoyen, et sous le regard des dieux. Voilà pour la forme. Sur le fond la philosophe précisa que la tragédie est oxymore, puisque le héros est coupable et non coupable. Et de manière moderne c’est lorsqu’on est «responsable mais pas coupable» ou que quelque chose se déroule «à l’insu de notre plein gré» (rires dans la salle !). Voilà pour la distinction d’avec le drame. Reste alors à se demander pourquoi la tragédie antique est associée à la tristesse. Rectification ! Vassilis Papavassiliou rappelle que la tragédie grecque n’est pas bien sérieuse, qu’elle a un aspect parodique qui démystifie les héros. Ainsi, Agamemnon rentrant tranquillement après dix ans d’absence voir sa femme, avec sa maîtresse, alors qu’il a fait sacrifier leur fille, croit que tout va bien ? Ce n’est pas sérieux ! Il précisa aussi qu’il n’y a pas aujourd’hui de communauté prête pour la tragédie : le théâtre de Dionysos pouvait accueillir près de 25 000 personnes, grecs ou métèques, femmes ou hommes, citoyens ou esclaves, pour y exprimer ensemble les passions les plus violentes. En bref il ressortait de cette conférence que
la tragédie est une joie panique devant la liberté humaine comme le dira justement le metteur en scène. Le romancier Takis Théodoroupoulos précisant que l’ananké prend toujours le dessus, mais que la tragédie est perpétuelle négociation avec la fatalité. D’où la liberté comme négociation avec les déterminismes ?
Dieu et le tragique Il s’agissait là de mettre les monothéismes au défi de la tragédie ; exercice périlleux à double titre puisque le Dieu monothéiste met fin au tragique. Autre risque : quelle religion peut mieux s’accommoder du tragique, c’est-à-dire de la liberté humaine ? Là aussi l’Islam fut pris en défaut d’archaïsme, non pas tant quant à sa nature, que par les arguments de ses représentants. Comme le rappelle Mahmoud Hussein (pseudonyme commun de Bahgat El Nadi et Adel Rifaat), la tragédie n’existe pas dans l’Islam puisque Dieu est certitude. Force est de constater, précise-til, que la liberté individuelle ne se déploie qu’à moitié. Ce qui est tragique c’est que quelles que soient les actions humaines du pieux et du non pieux, c’est dieu qui décide à la fin qui ira au paradis. Jean-Christophe Attias souligne que la conscience juive est tragique. Cependant le livre de Job, la destruction du temple en 70,
et la fuite de 1492 sont pour Attias trois moments qui permettent de penser que la tragédie est exégétiquement évitée, puisque la réparation est à venir. En revanche le génocide et la création de l’état sont une tragédie : une fausse réparation qui plonge dans l’insoluble. Dans la conscience chrétienne, pour Michel Guérin, le tragique c’est l’homme, tissu de «contrariétés», «monstre incompréhensible» (Pascal). Tragique est en fait le nihilisme : dieu est mort, certes, mais qu’est-ce qu’on fait du cadavre ? Le tragique est ce krach boursier des valeurs qui porte le XIXe siècle vers le romantisme, l’ennui, la mélancolie. Comment dès lors fonder une espérance sans eschatologie religieuse ?
Guerre et terrorisme : un tragique contemporain ? L’historien Stéphane Audoin-Rouzeau souligne certaines mutations. La guerre s’étant démonétisée au XXe siècle, ce qui a changé c’est l’étonnante circulation entre l’espace pacifié et l’espace de guerre, et la proximité avec l’ennemi : au Rwanda on se massacrait à l’intérieur de la même famille ; alors qu’on croyait que la différence créait la violence c’est la ressemblance qui en était, là, à l’origine. Farhad Khoskokavar rappela quant à lui que le martyr, auparavant sacré, est aujourd’hui sécularisé : chacun peut devenir martyr. Par ailleurs il souligna que le terrorisme se nourrit dans nos sociétés virtuelles de la construction imaginaire de l’humiliation. Alors pourquoi la guerre ? Petite pierre de l’historien : les intellectuels qui, au début du XXe siècle ont tous été embarqués dans ce grand massacre, n’ont pas fait de leur guerre une pratique de leur analyse. On aurait pu apporter d’autres réponses : le terrorisme d’État, toujours occulté et pourtant cause des guerres et non effet. La réalité économique d’oppression et ses inégalités, qui entraînent des humiliations non virtuelles. Mais les Tables rondes d’Averroès laissent souvent en suspens les questions qu’elles soulèvent. Le but étant de les soulever ? RÉGIS VLACHOS
Les Tables rondes se sont déroulées les 27 et 28 nov au Palais des Congrès
© Agnès Mellon
ENTRETIEN AVEC RAPHAËL GRANVAUD
PHILOSOPHIE
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Vérité, histoire, démocratie Trois grandes notions entachées d’imposture
Le livre de Raphaël Granvaud, Que fait l’armée française en Afrique, est une somme considérable et passionnante qui fait le point sur les crimes et complicité de génocide du pays des droits de l’homme au continent des «sauvages». Les informations sur ces crimes existent mais nombre d’universitaires continuent de ne pas les divulguer, travestissant ainsi l’histoire, manipulant des clichés racistes et cela afin de ne pas blesser un certain orgueil patriotique. À la lecture de ce livre on peut penser aux pires heures du stalinisme sur la falsification historique au sommet de l’État. Le bloc soviétique désinformait grossièrement, contrairement aux technologies plus subtiles à l’Ouest qui, désinformation, manipule de l’opinion et pratique l’autocensure. S’intéresser aux rapports de la France à l’Afrique réinterroge les conditions de production de la vérité, l’écriture de l’histoire, la légitimité des interventions guerrières des pays démocratiques. Et fait douter de notre statut de démocratie et d’état de droit. Mais qui a le courage de s’apercevoir que la vérité relève du thumos et non de la sophia ? Zibeline : Vous portez dans votre livre des accusations très graves contre l’armée française, lui reprochant de s’être rendue coupable, jusqu’à récemment, de crimes ou de complicité de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité. Sur quoi ces accusations sont-elles fondées ? Raphaël Granvaud : Ces accusations correspondent à des définitions très précises en droit international et sont étayées par des rapports très sérieux de diverses ONG. Lorsque l’armée française tire sur des foules de manifestants ivoiriens désarmés en novembre 2004, quand elle cautionne le recrutement d’enfants soldats comme dans l’armée tchadienne qu’elle porte à bout de bras, lorsqu’elle encadre et supervise les opérations militaires d’une armée qui mène une politique de la terre brûlée contre une
fraction de sa population, comme en République centrafricaine et qu’en plus elle tente de dissimuler ces crimes à l’opinion publique internationale, il s’agit bien de crimes ou de complicité de crimes de guerre. Sans parler bien sûr du Rwanda en 1994 où il y a eu complicité active, au sens juridique du terme, dans l’accomplissement du génocide des Tutsi. Sur le Rwanda, justement, certains font valoir qu’on se massacrait dans la même famille et qu’il s’agissait d’une affaire purement rwandaise. Comment la France est-elle complice ? Ce sont des personnes précises qui se sont rendues coupable de complicité de génocide, mais elles occupaient à l’époque le sommet de la hiérarchie politique et militaire, et elles engageaient donc l’État français. Pour faire court, disons simplement que livrer des armes aux génocidaires, pendant le génocide, relève au plan juridique de la complicité de génocide, crime également imprescriptible. Cela n’enlève rien au fait que la genèse du génocide, l’instrumentalisation politique, par une dictature raciste, d’un ethnisme artificiel hérité de la colonisation, est bien une histoire rwandaise (néanmoins certains militaires belges et français partisans des théories de la «guerre révolutionnaire» s’y sont associés depuis longtemps). Cette histoire a effectivement déchiré des familles mais utiliser l’argument de la proximité entre les victimes et les exécutants du génocide pour le banaliser, et masquer sa planification au sommet de l’État, le faire passer pour une explosion de colère spontanée, ou occulter les complicités françaises, relève de la méconnaissance, ou de la falsification historique. Les faits que vous rapportez dans votre livre sont très largement ignorés de la population française. Comment est-ce possible à l’ère du «tout communication» ? Je me suis contenté de produire une synthèse des rapports d’ONG, des enquêtes journalistiques françaises ou étrangères, des travaux universitaires, des publications militaires… Mais il est impossible au lecteur de la presse nationale d’avoir une vision d’ensemble de ce que l’armée française fait réellement en Afrique. Les informations pertinentes sont
Raphaël Granvaud © R.V
rares et noyées en permanence dans un flot continu d’approximations, de clichés hérités de la période coloniale ou de tentatives délibérées de désinformation.
Sur les questions sensibles, qui touchent à la raison d’État et au «secret défense», dont on use abondamment en France, le terrain médiatique constitue officiellement un terrain de manœuvre comme un autre pour les militaires… Enfin, il faut aussi regretter une sorte de paresse intellectuelle ou d’aveuglement volontaire, qui fait qu’il est plus facile de laisser filer au second plan de sa conscience des informations qui viendraient trop radicalement bouleverser les idées communément admises sur «le pays des droits de l’homme»… ENTRETIEN RÉALISÉ PAR RÉGIS VLACHOS
Que fait l’armée française en Afrique Raphaël Granvaud Ed Agone, 20 euros La complicité de la France dans le génocide des Tutsi au Rwanda 15 ans après, 15 questions pour comprendre Ed. L’Harmattan, 13 euros
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PHILOSOPHIE
ENTRETIEN AVEC ALAIN GUYARD
C’est dans la maison du peuple du Cailar, village perdu de petite Camargue que l’équipe de Diogène Consultants et son philosophe Alain Guyard accueillent dans le vin et la joie un public nombreux pour un de ses stand up philosophiques mensuels. Dès qu’il prend la parole on ne peut que l’écouter : © R.V le ton est joueur et nerveux. Zibeline : Vous commencez par la phrase de Socrate : «nul n’est méchant volontairement». Pourquoi ce choix ? Alain Guyard : Parce qu’elle illustre bien cet optimisme qui repose sur un credo accordé à la raison. Dans la perspective socratique, si on sait, si on est plus avisé quant à l’usage des plaisirs et de la tempérance, si on est capable de jugement, on ne se fourvoie pas dans sa méchanceté. Mais suffit-il de savoir pour être vertueux ? Vous établissez une filiation avec Antisthène qui rajoute à ce credo la force d’âme. Il choisit pour enseigner le gymnase, lieu plus populaire, avec la «racaille». Mais quel rapport entre la philosophie et le corps ? En fait il s’agit de la stylisation de l’existence, et de la théâtralisation de la philosophie. Le style, c’est la réconciliation du fond et de la forme : la force d’âme, pour rendre raison d’elle-même, doit être corps. Alors seulement le fond et forme s’unissent et font le style. Ça implique que le philosophe n’est pas l’être de la production du
Mais surtout on assiste à une autre philosophie, de celle que l’on n’enseigne pas et qui dépasse l’intellectualisme socratique : le concept ne suffit pas, le philosophe doit l’incarner, résister aux désirs vains de la civilisation. Le philosophe matérialise ainsi dans ses actes le mépris du pouvoir et du luxe, et enseigne au peuple. C’est la leçon cynique. On est loin de notre histoire de la philosophie faite de penseurs qui n’ont jamais dérangé le pouvoir et ont inscrit la philosophie comme privilège d’une élite éduquée et instruite. Après ce show précis, joyeux, novateur et intelligent, Alain Guyard précise ses intentions
concept dans sa tour d’ivoire. Il est là d’abord comme celui qui, philosophant, va théâtraliser la philosophie, c’est-àdire la mettre en situation. Donc ce n’est pas innocent d’être dans le gymnase, ce n’est pas innocent s’il y a des scènes où Antisthène se fait boxer ! Quel rapport avec la boxe ? Le texte que j’ai distribué de Dion Chrysostome laisse entendre ce que la métaphore du boxeur signifie : il faut penser la philosophie comme une éthique et non comme une morale, une autonomie et non une prescription. C’est ce qu’écrit Diogène Laërce dans Vies et doctrines des philosophes illustres : il revient sur Diogène et dit que ce qui assoit un philosophe, ce sont des pratiques ascétiques corporelles. Il en donne quelques-unes. Donc la métaphore de la boxe que reprend Dion Chrysostome n’est pas si vaine : il y a un apprentissage de la souffrance, de l’endurance. Le philosophe doit rechercher les épreuves corporelles par lesquelles il endurcit sa volonté. Donc le premier élément de subversion dans la philo-
sophie serait la pratique du corps qui affermit la volonté; mais une autre subversion de cette contre-histoire de la philosophie, c’est l’enseignement de la philosophie à «la racaille», comme vous dites. Quand on demandait à Antisthène pourquoi il allait enseigner la philosophie à la plèbe, il répondait que le médecin va vers les malades. La parrhêsia, le franc parler des cyniques s’exerçait aux coins des rues. Aujourd’hui on a oublié cette pratique populaire de la philosophie. Pourtant Julien l’Apostat, 700 ans après Antisthène, prend la défense des cyniques qui, disait-il, avaient cette rigueur devant conduire au bonheur et qui consistait à se libérer des esclavages de la civilisation. Il se souvient de cette tradition cynique populaire. C’est vrai qu’on a orienté l’enseignement de la philosophie vers les élites, d’où notre embarras quand on veut l’enseigner au peuple. Je pense que tous les hommes méritent notre considération ou aucun ne la mérite. Si la philosophie est réservée
Filo Free Fight, une philosophie
au pied de biche
© R.V
59 à certains elle n’est pas très sérieuse, et elle est plutôt une danseuse qu’autre chose… Mais que serait une philosophie populaire orientée vers tous, et qui ne serait pas une vulgarisation simplificatrice? Ce que j’ai constaté c’est qu’il y a un très joyeux et très grand appétit de savoir et de culture partout. La semaine dernière une trentaine de bergers de l’Ardèche ont repris contact avec moi parce que je suis venu l’an dernier chez eux leur faire un exposé sur Lucrèce ; j’ai travaillé avec des foyers, je travaille aussi dans plusieurs établissements pénitentiaires, dans des maisons de la culture. Dans les campagnes aussi, où les pratiques culturelles ne sont pas aussi faciles que dans la ville. Il y a des gens qui, par les hasards de la vie, n’ont pas accès à la philosophie, et qui ont un appétit pour. J’essaye donc de faire l’interface, parce que de toute façon je ne suis pas un philosophe, je ne sais pas trouver des concepts, et je n’en ai pas le temps. Mais ce travail d’interface nécessite de l’exigence intellectuelle ; je ne veux pas tomber dans la facilité, je viens toujours avec des textes d’auteur ; et si j’ai pu leur apporter un outil conceptuel qui éclaire leur existence, et si tout ça on peut le faire en rigolant c’est très bien. Qu’avez-vous essayé de faire passer dans votre exposé «qu’est-ce que peut bien foutre un philosophe dans les vestiaires d’une salle de boxe» où vous avez insisté sur l’idée de corps et de dépassement de l’intellectualisme en morale ? Je voulais faire passer l’idée que la philosophie, si on est d’accord avec Antisthène et Diogène, ça peut être une question de force d’âme ; ce qui se joue dans la philosophie c’est quelque chose comme le courage. Alors certes on n’est pas dans le concept mais plutôt dans la boite à outil ; finalement ce que j’apporte ce sont plutôt des pieds de biche que des concepts. J’ai été très étonné par ce que vous dites de Diogène, qui parle de désirs qui nous sont étrangers, et avance quelque chose de très moderne sur l’aliénation. Le modèle grec c’est une humanité apollinienne dans l’harmonie, se connaître soi-même et rien de trop, un équilibre dans la tenue. Et tout à coup sur la scène surgit Diogène qui revendique le chien et qui le joue ! On connaît les anecdotes de ses réponses théâtralisées. On a chez Diogène cette idée que la sauvagerie est supérieure à la civilisation. Plutarque dit que le programme de Diogène c’est d’ensauvager la vie. Le moment inaugural de la conversion de Diogène à la philosophie c’est quand il va consulter la Pythie. Elle lui dit : ton travail ce sera de contrefaire la coutume ; comme si la civilisation était le lieu de la barbarie, et l’ensauvagement l’occasion par laquelle l’homme y échappe. Vous avez écrit des pièces de théâtre comme Sacco et Vanzetti ou Barricades. Est-ce que vous faites un lien entre le cynisme et l’anarchie ? Un peu. On y retrouve les mêmes typologies de personnages que je trouve très attachants. C’est très important cette espèce d’intransigeance, d’intégrité ; tout acte politique commence par là. L’anarchie ne se résume pas à cet individualisme petit bourgeois à quoi on veut le réduire depuis 30 ans ; il est d’abord une expérience collective très riche. Mais le problème de l’anarchie n’est-il pas ce que vous écrivez dans Barricades : «ce que craint le pouvoir ce n’est pas qu’on le prenne mais qu’on le méprise» ? J’envisage le pouvoir de manière foucaldienne, et Foucault n’est pas anarchiste. Je crois qu’il faut en finir avec l’idolâtrie de l’État. Il y a chez les anarchistes une haine de l’État comme s’il était le lieu centralisé de
dispositifs techniques d’aliénation sont beaucoup plus complexes. On ne peut plus envisager de solutions unilatérales… mais… je n’y ai pas assez réfléchi… Ça tombe bien parce que la rédac chef m’a demandé de ne pas toujours conclure par du politique ! Au fait, il faut qu’on trouve un titre à l’interview sinon c’est elle qui s’en occupe. Qu’est-ce que vous pensez de «la philosophie est un sport de combat» ou «une autre philosophie est possible» ? Ah non pitié ! J’ai monté dans mon bahut un club qui s’appelle filo free fight… FFF ? (Rires) Ok ! On en reste là ! ENTRETIEN REALISE PAR RÉGIS VLACHOS
Les sources de Guyard pour son show Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres, Diogène Laerce, GF, 1993 Les Cyniques Grecs, Paris, Le Livre de poche, 1992 L‘ascèse cynique, Marie-Odile Goulet-Cazé, Vrin, 1986 © R.V
l’autorité et l’incarnation de la détestation absolue. Mais dans les discours contestataires non anarchistes il y a cette idée que la prise du pouvoir d’État est la condition de résolution de tous les problèmes. Deux discours que j’exècre. Je pense avec Foucault qu’on est passé de sociétés de souveraineté à des sociétés de contrôle ; depuis la complexité est telle qu’il y a hors de l’État des zones de pouvoir très importantes. Je ne pense pas que s’emparer de l’État suffise pour en finir avec l’oppression, la domination. Le programme de l’ultralibéralisme depuis 20 ans c’est l’abus du programme libertaire ! C’est se débarrasser de l’État pour lui substituer les structures du capitalisme transnational, la destruction et l’externalisation de tous les services publics. Les anarchistes doivent dépasser leur diabolisation de l’État, et les marxistes léninistes doivent comprendre que s’emparer de l’État ne suffit pas. Mais comment en finir avec la guerre, mettre fin au pouvoir des multinationales, restaurer les services publics sans s’emparer de l’État ? Je ne crois pas à une stratégie politique de refus de l’État, ni à celle de la prise du pouvoir d’État. Parce que les jeux du pouvoir sont beaucoup plus complexes ; parce que les © R.V
Le cynisme ancien et ses prolongements. Actes du colloque international du C.N.R.S. Paris, PUF, 1993 Pour des infos étonnantes et les prochaines dates www.diogeneconsultants.com
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HISTOIRE
ÉCHANGE ET DIFFUSION DES SAVOIRS | ABD
Puzzle de sens et de mémoire Elle est paysagiste et plasticienne, il est photographe. Leurs travaux se tissent autour d’un même objet, le port de Marseille
Le premier étage des ABD accueille ainsi une double création, photographies, et objets hétéroclites mis en scène. Leur seul point commun est d’avoir été trouvés sur un môle, un quai. Ce sont des mobiles de pots de peinture, des cailloux éclaboussés de coulées rouges, vertes ou bleues, posés ça et là comme des fragments d’une mémoire qui vagabonde. Mannequins muets, aveugles, ombres vêtues de combinaisons de travail marquées par l’usage, boîtes à outils abandonnées, étranges fleurs de chiffons, perchées sur de longues tiges métalliques… tout est disposé là parmi des tableautins, ferrailles, tesselles de miroirs, vieilles caisses rafistolées où reposent des merveilles, des gants dépareillés maculés, pinceaux déplumés, poupées perdues, bric à brac de pots de plastique, d’objets insolites, cales de bois, plaques de fer blanc aux inscriptions parfois déroutantes, «Attention Conducteurs nus Sous tension Dans caniveau»… Les photographies elles aussi courent sur les murs, pendent des plafonds, vues partielles ou générales du port, éclairages de jour, de nuit. La multiplicité des objets réunis et des angles de prise forme un kaléidoscope unique. Vision impressionniste dans laquelle chaque fragment porte un élément infrangible de réalité. Ce sont des structures aérien-
nes, comme affranchies de toute attache terrestre, des filins et des poulies ; des jeux de cubes géants des containers, larges aplats de couleurs vives ; des processions étranges de grues, qui prennent des allures de girafes ou de dinosaures qui marchent dans la nuit bleue ; des escaliers de fer qui s’élancent vers le ciel comme si leur seule fin était d’atteindre l’azur ; et des graffitis énormes : «Pour la vie Moumou», «Cléopâtra, we are proud»… De curieuses barques de bois côtoient l’outillage des géants, les photos resserrent leurs plans sur des formes de métal écorché, abstractions brutes de ce qui fut… Si la nature apparaît sur quelques clichés, herbes folles, touffes roses de valériane, buissons de genêts, les hommes, matière participant à la matière, sont absents. Réflexion voulue sur un lieu de transit, de passage, que l’on n’habite pas… Subsistent nos fossiles, déchets de toutes sortes, témoins d’existences que l’on ne représente pas, car elles ne peuvent s’inscrire dans la permanence. Que laisse l’homme derrière lui ? Quel sens donne-t-il à ce qu’il produit, à ce qu’il jette ? Quel rapport entretient-il avec ces lieux sacrifiés ? Où donc enjeu utilitaire et esthétique se rejoignent-ils? À partir de quel degré d’abandon le Beau prend-il ses lettres de noblesse ? Le catalogue de l’exposition propose une
Photographie de Francois Delaage
série de textes qui participent de l’analyse, de la poésie, de la fantaisie… Un Abécédaire des objets trouvés sur le port clôt le livre en guise d’épilogue et de projet d’avenir. Une superbe exposition et un catalogue qui méritent un arrêt de votre temps !
Visions Portuaires aux ABD jusqu’au 16 janvier 2010 François Delaage, Claire Saltet
MARYVONNE COLOMBANI
La notion de crise dans l’Histoire
Pour sa dixième année d’existence, Échange et Diffusion des Savoirs consacre sa saison au thème de la crise. François Hartog parlait donc le 10 déc de Crise du temps, crise dans le temps. Son but : expliciter la notion de crise comme une rupture dans le temps ordinaire, une suspension du présent.
Parcours Dans la Grèce antique, Hippocrate donne au mot crise un sens médical. C’est un état critique où se décide la guérison ou la mort. Le médecin doit identifier les signes qui annoncent la crise, les ordonner pour établir un pronostic et administrer un remède. Plus généralement, la crise est le moment où les individus se demandent comment ils doivent agir. La solution dans une situation sans issue consiste à recourir à un temps particulier, le kairos, le temps de l’occasion opportune. Il faut alors en profiter pour lire les signes et trouver une solution. Dans la Bible, la crise marque la fin d’un temps corrompu grâce au repentir : le passé mauvais explique les difficultés du présent. Pour l’apocalypticien, en revanche, la crise est un constat d’aporie, de situation sans issue dans le présent. Il faut donc voir venir la fin et s’y préparer !
Ces deux modèles sont la marque de l’occident : l’une, la prophétie, permet, après la crise et l’exil, une résolution, une reprise du cours du temps normal. L’autre, l’apocalypse, est une rupture dans le temps, récapitule le présent et nécessite une transformation complète. Le christianisme envisage une crise du temps et dans le temps : Dieu fait irruption dans le temps des hommes, Jésus donne un sens au temps par l’incarnation. Chronos, le temps chronologique, devient un kairos, un temps opportun, puisque le Christ est à la fois la crise et sa solution. Mais si l’Eglise a repoussé l’apocalypse en instaurant le calendrier (elle crée un temps cyclique, un temps soustrait au temps), les mouvements millénaristes continuent de voir la crise comme un moment de transition.
Temps modernes La Révolution Industrielle, avec le progrès, amplifie la place du futur. Mais il reste des maladies, des crises dont il faut voir les symptômes. L’économiste Juglar,
en 1862, établit que les crises sont cycliques et qu’on ne peut les supprimer. Reste à les prévoir, c’est le ressort de l’analyse économique. Les historiens, eux, cherchent les structures qui expliquent les crises, qui sont alors perçues comme des aboutissements de problèmes. Mais dans les années 70 la crise n’est plus perçue comme un passage, elle devient durable : le temps de la crise est dans la crise. Comme la reprise est sans cesse annoncée, discernée, le présent remplace le futur. Notre temps est sans issue, une aporie, un temps d’après l’apocalypse : il n’a ni passé ni futur. Seul règne l’événement, en politique comme dans l’entreprise. L’immédiateté est devenue la pierre angulaire du fonctionnement de la société. L’histoire n’a plus de place, il n’y a plus que l’événement. Et comme il est par nature erratique, il est inutile de tenter de le prévoir. RENÉ DIAZ
La Terre, le Temple, la Loi Sujet complexe, polémique, l’étude des Hébreux requiert des précautions méthodologiques, et une certaine circonspection. L’auteur, docteur en histoire des religions et spécialiste du judaïsme, a su raconter l’histoire de ce peuple à travers son Livre mais surtout en recourant à l’archéologie et aux sources extrabibliques. Le champ chronologique débute avec l’identification des origines et les mouvements de ce groupe derrière les personnages d’Abraham ou de Moïse. L’auteur insiste sur le contexte géopolitique de la région : le milieu physique, l’affrontement des empires (Babylone, l’Egypte, l’Assyrie, le Hatti), les invasions des peuples de la mer (les Philistins, mot qui donne le nom Palestine, sont Sardes, Crétois….). Ces éléments permettent la compréhension de Les Hébreux l’arrivée et de l’installation en Canaan. La Stéphane Encel première partie se finit avec la fondation du Armand Colin, 30 euros royaume de David et le règne ambigu de Salomon. Déjà, bien des certitudes traditionnelles sont bousculées. Mais un élément apparaît dès lors essentiel pour les Hébreux : la terre. Le reste du livre s’évertue à expliciter cette relation si particulière, liée à un contexte tout aussi particulier. La deuxième partie traite de l’apparition des deux royaumes (du Sud et du Nord), de leurs fortunes diverses et de leur destruction. L’exil babylonien est alors, pour le peuple, l’occasion d’un changement de sa relation à Yahvé et, peut-être, d’un éveil national. La troisième partie s’attache à la période perse et à la restructuration du judaïsme. Une autre pierre essentielle se met en place dans l’édifice : la relation au temple et à la centralisation religieuse qu’il implique. Yahvé ne peut habiter qu’une demeure, et ce sera celle du temple de Jérusalem. Les communautés accepteront, de gré ou de force, cette prévalence centralisatrice. Avec la quatrième partie se dessine l’influence grecque et l’hellénisme. La fondation de villes, avec le droit de cité, est l’occasion de l’intégration des communautés juives. La diaspora apparaît dès lors en pleine lumière, et l’appartenance à ces deux mondes, grec et juif, devient problématique: la crise maccabéenne révèle ainsi la situation et signe le début de l’aventure hasmonéenne. La cinquième partie se noue autour de la destruction du Temple, moment dramatique et durable. Stéphane Encel raconte l’affrontement avec Rome, les guerres, la disparition du cadre politique, l’exil et le sort des communautés dispersées. Avec sa reconstruction le judaïsme devient la religion des synagogues et du talmud : la Loi devient centrale. Ce long parcours, bien documenté et bien illustré, permet de disposer de connaissances historiques solides mais aussi de mieux connaître le judaïsme, avec ses débats et ses enjeux. Le rôle central de la relation à la terre et celui de la torah, qui finalement remplace le Temple, apparaissent comme des éléments que l’on ne peut omettre dans l’histoire et l’imaginaire juifs. RENÉ DIAZ
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SCIENCES
FORUM RÉGIONAL DE CULTURE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE
Citoyenneté m’était comptée Un menu bien alléchant… Les 6 premières éditions du «Forum Sciences et Citoyenneté», organisées par le Conseil Régional, nous avaient habitués à la qualité des réflexions sur des questions de fond touchant aux rapports entre science, technique et leurs applications, et les questions éthiques que ceux-ci soulèvent. Le thème de cette année promettait une denrée riche et consistante, surtout dans le contexte de crise économique conjuguée à celle des filières scientifiques. Nul n’ignore en effet que notre pays souffre cruellement de la désaffection de sa jeunesse pour les carrières scientifiques et les métiers techniques. Cette dernière question fut d’ailleurs évoquée par Alain Hayot comme une des motivations premières du thème de ces rencontres. Les plats annoncés semblaient constituer des agapes de choix avec en entrée «la culture scientifique, un outil pour la démocratie». Malheureusement les amusebouche aux couleurs attrayantes «l’information, un préalable à la démocratie» et «comment préparer le public au débat scientifique» nageaient en fait dans une épaisse couche de sauce insipide voire étouffante.
… pour un brouet bien peu clair
La 7e édition du Forum régional de culture scientifique et technique «Sciences et citoyenneté» s’est tenue à l’Hôtel de Région PACA, jeudi 3 décembre, sur le thème «Savoir pour quelques-uns ou culture pour tous ?»
L’«expérience interactive» sur «l’exemple de la vaccination», qui dura jusqu’à 12h30, se révéla n’être qu’une nouvelle tribune de propagande pour la vaccination contre le fameux virus H1N1. L’interactivité apparaissait sous la forme d’un questionnaire aux participants par vote électronique, dont un «chercheur économiste» avait concocté les questions absconses, souvent ineptes ou mal formulées. Le but ultime du gavage étant le test périodique d’évolution, par l’interrogatoire, de la volonté des participants de se faire vacciner ou non. L’assistance passive passa près d’être privée de lunch si elle ne renonçait pas à sa résistance «atterrante» (sic) à la vaccination systématique ! Il semble que le débat contradictoire avec la salle n’ait pas fait partie des outils d’interactivité puisqu’on ne lui réserva, faute de temps perdu à remplir le formulaire, qu’une quinzaine de minutes. Mais Alban Mikoczy, le «dynamique animateur» rédacteur en chef adjoint du 20h00 de France 2 prési-
Débat de Nanoël
En 1995, la loi Barnier, relative au renforcement de la protection de l’environnement, a introduit en France le principe de consultation du public en ce qui concerne les grandes opérations d’aménagement d’intérêt national. Ainsi fut créée la «Commission Nationale du Débat Public» [CNDP] qui décide de la mise en débat d’un projet ayant des conséquences environnementales. La CNDP constitue des commissions ayant pour tâche d’animer le débat public. Dans ce cadre a été mis en place le «Débat public sur les options générales en matière de développement et de régulation des nanotechnologies.»
Les nanotechnologies sont les techniques permettant de créer des «nano objets», c’est-à-dire des objets dont l’une des dimensions est comprise entre 1 et 100 nanomètres (milliardièmes de mètre), c’est-à-dire 500 000 fois plus fin qu’un cheveu ! À cette échelle la matière présente des propriétés mécaniques, électriques, chimiques particulières. Le 19 janv la «concertation» se matérialisera, dans notre région, sous forme d’un débat sur Sécurité intérieure et défense nationale à 19h30 à l’Auditorium du Palais du Pharo. Deux thématiques seront abordées : les Sujets techniques en lien avec les activités locales (Optique / Photonique / SCS), puis la thématique
dait très spectaculairement aux destinées philoillogiques du «débat». Tout y était, l’aisance verbale, les mimiques, la gouaille… genre «question pour un champignon»… indigeste.
Nous eussions pu nous régaler
L’après-midi il fut question d’Arts, Sciences et Nouvelles Curiosités. E pur… eut dit Galileo Galilei! De nos jours encore la technicité apparaît comme une malformation honteuse de l’esprit. Elle est dissimulée sous son pseudonyme cache-texte de «technologie», c’est-à-dire de propos sur la technique. Si les pratiques techniques, qui sont l’essence de tout art au sens le plus noble et le plus humain de ce terme, étaient rétablies dans leur ordre premier, celui de l’inventivité et de la création, la science refonderait son rôle émancipateur. Car la science est-elle «totalement séparée de l’art» comme le soutint un instant André Scala, invité au titre de savant «philosophe» ? Croit-il que Gauss ou Maxwell auraient pu changer ce qui nous tient lieu de monde sans la dimension onirique et poétique de leur cosme-univers ? A-til lu les écrits de Planck ou Einstein pour dire que leur œuvre était moins imaginative que celle de Van Gogh ou Satie ? A-t-il pensé à la dialectique qui lie l’évolution des techniques à l’émergence de leur expression dans les formes picturales, musicales... Le jour où ces frontières obtuses entre les pratiques techniques et la technique des pratiques seront enfin abrogées, un nouveau mur de la honte et de l’obscurantisme sera abattu. Et ce jour-là, la jeunesse reprendra goût à l’imaginaire scientifique et pourra enfin construire un monde vrai, dynamique, critique et donc démocratique. Mais pour cela il faudrait d’abord abroger cet ordre où seule la connaissance scientifique rentable doit vivre. Il faut détruire l’ordre scientiste et technologiste des marchands du temple. Cesser d’opposer sciences et arts, mais les séparer, ensemble, du profit. Espérons que la 8e édition du Forum retrouvera ses belles routes libres d’antan... YVES BERCHADSKY
générale : Sécurité intérieure et défense nationale. Si vous voulez participer à la crèche démocratique et y accrocher vos boules. Entrée évidemment libre www.debatpublic-nano.org
Noël trie cycle!
La fondation Ecureuil en collaboration avec la Région PACA et l’ASST, dans le cadre de ses conférences Horizons des savoirs, propose d’enfourcher son cycle sur «les chemins de l’intelligence». Conseillons en particulier la course sur «l’intelligence collective des insectes sociaux» présentée par Guy Theraulaz,
Directeur de Recherches au CNRS, docteur en neurosciences et en éthologie. Son développement apprendra aux jeunes esprits que depuis l’antiquité l’observation des sociétés de fourmis, d’abeilles, de guêpes ou de termites suscite à la fois étonnement et admiration. Si les sociétés d’insectes retiennent l’attention, c’est tout autant par la taille et la complexité des architectures qu’elles construisent que par leur capacité à résoudre collectivement certains problèmes…. Le 26 janv à 18h30, Entrée libre Espace Ecureuil 04 91 57 26 49 www.ocim.fr/3eme-edition-desHorizons-du