Zibeline n°31

Page 1

31

du 17/06/10 au 15/07/10 | un gratuit qui se lit

Festivals d'ĂŠtĂŠ et Saisons nouvelles





Politique culturelle La réforme des collectivités territoriales Les conversations de Salerne Marseille Provence 2013, Mucem Festivals Le Off, Avignon Théâtre Danse Pluridisciplinaire Musique lyrique Musique classique Jazz Actuelles

6, 7 8 9 10, 11 12, 13 14 15 16, 17 18 à 21 22, 23 24 à 27

Musiques Actuelles Jazz Baroque Contemporaine Récitals De chambre Opéra Arts de la rue Jeunesse Théâtre La Criée, Martigues, Nîmes, Avignon Port-de-Bouc, Scènes et Cinés Théâtre des Ateliers, 3bisf, les Bernardines Le Gymnase, la Minoterie, les Bernardines, les Bancs publics Danse MOD, Châteauvallon, le Toursky, le Ballet d’Europe Fin de saisons

48, 49 50, 51

Saisons La Criée, le Gyptis, Gymnase/ Jeu de Paume, Arles Les Salins, le Sémaphore, Scènes et Cinés, Nîmes Théâtres en Dracénie, Théâtre Durance, Cavaillon Pavillon Noir, Opéra de Marseille, SMCM, GTP

52, 53 54, 55 56, 57 58, 59

Cinéma Cinécole, la Quinzaine, AFLAM Les Rendez-vous d’Annie, tournage de P. Faucon Arts visuels Au programme Spécial photo Musée Granet, Artéum, Palais Carli, Ap’Art Voyons Voir, Sm’Art, Arts éphémères Rencontres À vous de lire, CIPM, Libraires à Marseille Prix des lycéens et apprentis, au programme, adhérents Festival du livre de la Canebière

RetrouveZ nos éditions précédentes sur www.journalzibeline.fr

28 30,31 32 33 34 36, 37 38 40, 41 42 44 45 46 47

60, 61 62, 63 64, 65 66, 67 68, 69 70 72, 73 74, 75 76 à 79

À l’ombre des stades

Voilà que la douce saison estivale s’annonce, la promesse de fraîches soirées passées dans les cours à dévorer, émerveillé, les spectacles et les mots. En ce début d’été toutes les villes de la région préparent leurs cimaises, font résonner les usines et les cloîtres, montent les plateaux et les ponts lumière. Le public prépare ses agendas, tout en gardant un œil sur les saisons qui s’annoncent, aux abonnements à prévoir pour l’année prochaine. Il n’y aura pas assez de soirées, pas assez de journées même pour rassasier toutes nos envies, et lire tous les livres ! Vive le début d’été et ses promesses ! Pourtant, certains désertent les lieux de spectacle pour regarder la coupe du monde, cet événement qui occupe jusqu’aux conversations des ministres, des journalistes, des people. Nettement moins d’ailleurs celles des passants, les matchs n’étant pas passionnants. Et pour cause, les footballeurs font aujourd’hui de bien piètres héros. Un édito contre le foot ? Encore ? Non. Mais à l’heure où les collectivités territoriales peinent à tenir leurs engagements d’investissements pour la culture, à l’heure où les chantiers s’accumulent, où Marseille Provence 2013 a pris un retard considérable dans le démarrage des travaux, voilà qu’on nous annonce qu’on va recouvrir le Vélodrome, et l’agrandir pour 2016. 150 millions de travaux a minima ! 200 € par habitant ! La Ville de Marseille, sous la pression des clubs de supporters qui voudraient d’ailleurs un stade encore plus grand, rembourserait cet investissement à raison de 5 millions par an sur 30 ans ! Certes l’OM est deux fois champion ; mais l’OL paie son stade, l’équipe de Lille le sien. Pourquoi devrait-on engloutir de l’argent public dans un équipement qui ne sert qu’une équipe privée, aux salaires mirobolants ? Pourquoi l’OM ne verse-t-elle qu’une faible redevance pour l’utilisation exclusive du stade ? La Capitale culturelle a besoin de cet argent public, et les associations sportives aussi, qui voient fondre leurs subventions. Un édito contre le foot ? Non. Mais on aimerait pouvoir dire simplement, sans paraître élitiste ou bégueule, que ce sport spectacle pas toujours très propre n’est qu’un divertissement peu formateur, et qu’on ne voit pas pourquoi il faut tant qu’il nous coûte… La pression exercée par les lobbies de supporters sur les politiques n’a rien de l’épopée glorieuse, et entraîne un consensus contre lequel il est temps d’oser s’élever. AGNÈS FRESCHEL


06

POLITIQUE CULTURELLE

LA RÉFORME DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Centralisme, Socialisme et Culture Le 26 mai se tenait à la Friche une grande réunion publique organisée par le Parti Socialiste à propos de la réforme territoriale, et de ses conséquences sur le monde culturel. Artistes, directeurs de structures, chargés de mission des collectivités territoriales, tous étaient là, attendant l’arrivée de Laurent Fabius, retardé par les mouvements sociaux pour la défense des retraites. Il arriva tout de même, mais laissa ainsi à Jean-Noël Guérini puis à Michel Pezet l’occasion d’expliquer clairement la réforme et ses dangers.

Suppression de la compétence générale

La loi et l’argent Pour conclure le Président du Conseil Général affirma que «si cette réforme s’applique, les acteurs culturels seront laissés à l’abandon», que «ce sera un © Agnès Mellon

Les conséquences en seraient énormes. Il faut dire que la culture en régions est financée par les collectivités locales ou territoriales. Malgré la décentralisation la grande majorité des dépenses de l’État (les crédits centralisés) restent à Paris, et les dépenses des Directions Régionales (Drac) du Ministère ne représentent pas plus de 20% des budgets de la culture en régions, et moins encore si on exclut de ces statistiques l’Île de France. La réforme des collectivités territoriales ne pourrait qu’aggraver fortement ces inégalités entre Paris et «Province», mettant à bas les bénéfices de 25 ans de décentralisation, qui ont permis l’émergence puis l’affirmation d’une vie culturelle souvent plus inventive, et démocratique, qu’à Paris. De quoi est-il question dans «cette prétendue réforme qui n’est en fait qu’une entreprise de régression», comme l’affirme Jean-Noël Guérini ? De diminuer le pouvoir des collectivités territoriales «qui sont actuellement majoritairement de gauche» en vue «d’éliminer l’opposition et de recentraliser le pouvoir», mais aussi d’éviter «que le Sénat bascule à gauche», les grands électeurs étant justement ces élus locaux dont le gouvernement veut diminuer le nombre. Guérini balaya ensuite l’argument économique avancé par le gouvernement, expliquant que les émoluments des élus représentaient «0.01% du budget des collectivités», que «diviser par deux leur nombre n’allait pas diviser leur coût», et qu’en revanche construire de nouveaux services à l’échelle des métropoles allait

© Agnès Mellon

coûter cher, et faire perdre du temps. «Les élus locaux démêlent les conflits, écoutent les besoins des citoyens, des associations et des entreprises. 75% des investissements nationaux se font localement. Et on veut faire croire qu’on paye les élus de proximité à ne rien faire ?»

retour sans précédent au centralisme, avec en plus un État en mauvaise santé.» Michel Pezet rappela le bilan positif du Département 13 et de la Région Paca en matière culturelle, et précisa qu’on ne peut sans danger, ni sans réforme constitutionnelle, supprimer le «principe de subsidiarité» : celui-ci est inscrit dans la Constitution, et veut que la responsabilité d’une action publique soit allouée à la plus petite entité capable de résoudre le problème d’elle-même. Cette recherche du niveau pertinent d’action publique devrait, selon Michel Pezet, rendre simplement illégale la suppression de la compétence générale des collectivités territoriales. Mais est-ce vraiment le problème ? Que les collectivités gardent ou non le droit d’intervenir dans le champ culturel, par exception comme l’a laissé entendre le Président Sarkozy, n’a pas une grande importance. La diminution des recettes (suppression de la taxe professionnelle, diminution des droits de mutation) et l’alourdissement vertigineux des charges obligatoires (la moitié du budget du CG 13 est consacré au versement des minima sociaux, dont 67% aux Marseillais) empêcheront de fait les collectivités d’intervenir hors de leurs missions obligatoires. Le CG 13 et la Région PACA parviennent à maintenir un budget constant (dire qu’on s’en réjouit alors que cette stagnation est déjà si préjudiciable !), mais de nombreux départements ont appliqué une diminution de 20% de leurs subventions aux associations culturelles, et n’investissent plus du tout. L’arrivée de Laurent Fabius sur scène lui permit de rebondir sur cette idée d’illégalité de la réforme, en rappelant que le Conseil Constitutionnel «où


siègent Giscard et Chirac», n’allait pas s’opposer à une «réforme qui favorise la droite». «Cette réforme politicienne, véritable régression territoriale, a pour but de détruire les magnifiques acquis d’une décentralisation chère aux Français. La levée de bouclier a provoqué une réaction du Président et fait germer cette idée d’exception pour la compétence culturelle. Mais conserver cette compétence si rien ne change au niveau financier ne sert à rien. Un effet de ciseau est imposé aux collectivités, à qui on coupe les recettes tout en augmentant les charges. Vous pouvez disposer des plus belles compétences du monde, sans moyen elles sont un leurre. Les conserver permettrait même de responsabiliser les collectivités qui seront obligées de diminuer leurs subventions tout en conservant une compétence illusoire... Il faut donc mettre en cause l’étranglement financier.»

Le programme culturel du PS ? Vint ensuite, rapidement, le temps des questions, dans une rencontre qui se voulait ouverte. Elles furent intelligentes, nombreuses, inquiètes. Chacun semblait d’accord pour se battre contre la réforme, le Synavi appelant les députés à «voter contre une loi qui renforcera les inégalités territoriales», et demandant comment agir. Mais chacun s’interrogea également sur la pertinence des politiques décentralisées de la culture. Ainsi Raphaël Imbert, directeur de Nine Spirit, remercia le CG de programmer des actions culturelles en collège, mais rappela que les élus locaux ont tendance à exiger des artistes des actions sans rapport réel avec leur activité. Annette Breuil, directrice des Salins, rappela que les élus locaux, y compris les élus PS, diminuaient régulièrement les budgets de la culture, et que le PS au niveau national «restait souvent silencieux quant à son programme pour la culture». Raoul Lay, directeur de l’Ensemble Télémaque, s’excusa de trouver le propos «un peu léger», demanda à Laurent Fabius de parler en termes idéologiques, d’annoncer

des mesures et un programme, rappelant que le monde culturel attendait de la gauche qu’elle ait une vision de la culture. Laurent Fabius répliqua que le PS y travaillait. Que la troisième étape de la décentralisation n’était pas envisageable si cette réforme s’appliquait. Que «si on n’arrivait pas à mettre un coup d’arrêt durant ce mandat il faudrait y revenir après 2012». «Nos concitoyens ont de plus en plus conscience des liens entre ce qu’ils vivent et les phénomènes nationaux», assura-t-il, et pour cela il affirma «boire du petit lait quand il entendait parler vraiment de politique.» Le gouvernement agit pour «le tout fric» et pour «le bénéfice de 5% de la population, c’est effectivement une question d’idéologie.» Répondant donc aux sollicitations sur une vision nationale qui aille au-delà d’un simple combat sur la réforme territoriale, il dessina quelques lignes d’un programme «en cours d’élaboration» visant à «renouer le dialogue avec les artistes pour remettre au centre la vie culturelle», «entrer dans une décentralisation nouvelle avec plus de moyens financiers et juridiques donnés aux collectivités territoriales, sans diminuer le rôle de l’État» et «une redéfinition des missions du Ministère de la Culture qui devra devenir aussi un ministère des territoires.» Sollicité, Laurent Fabius s’avança, donc. «La culture est un pivot du développement, y compris du strict point de vue économique. Nous voulons la mettre au centre du projet tel que nous allons le bâtir.» Mais il ne calma pas pour autant les inquiétudes. Celles de Pierre Grafféo, directeur du Sémaphore, qui expliquait qu’en 2012 son théâtre serait déjà mort. Ou de ceux qui déplorent la paupérisation déjà à l’œuvre pour tous les artistes : «dans deux ans il faudra des années pour remonter la pente.» Le soupçon que le parti socialiste s’interesse au monde culturel surtout lorqu’il a besoin de son appui pour combattre une réforme flottait discrètement dans l’air. Reproche injuste ? AGNÈS FRESCHEL ET RENÉ DIAZ


08

POLITIQUE CULTURELLE

AP-HM

L’assistance Publique-Hôpitaux de Marseille, avec ses 15000 agents, ses 3500 lits et plus d’un milliard de budget, est le premier employeur de la région. Quand elle initie un projet culturel, c’est avec une ampleur inaccoutumée : ses Conversations de Salerne sont ambitieuses, et promettent de devenir dans les années à venir un laboratoire pertinent

Le corps est esprit L’idée est de construire une pensée autour de la santé. Parce que les hôpitaux sont des lieux où des questions existentielles cruciales se posent quotidiennement, interrogations liées à la naissance et à la mort, au rapport au corps et au genre, à l’esprit et à la santé mentale, à la foi aussi, historiquement. Mais la référence à Salerne est loin d’être innocente: il est aussi question de bâtir une culture méditerranéenne de l’hôpital, une alternative à l’homogénéisation de l’OMS qui repose sur un modèle économique et idéologique anglo-saxon. De construire des rencontres médicales qui ne se centrent pas sur la diffusion des techniques, des savoirs et de l’hygiène, mais sur la place humaine du patient à l’hôpital. Avec pour ambition affichée de contribuer à infléchir le référentiel de l’OMS, afin qu’il puisse «bénéficier d’un rayon de soleil du Sud.» Dans ce projet-là, l’AP-HM n’avance pas seul : centres universitaires, les Hôpitaux de Marseille s’associent à l’Université de la Méditerranée et à ses 74 labos, mais aussi aux hôpitaux universitaires de Bab-el Oued (Algérie), Rabat (Maroc), Tunis (Tunisie), Alexandrie (Égypte), Beyrouth (Liban), Gênes (Italie) et Barcelone (Espagne). Les conversations auront lieu jusqu’en 2016 à Marseille chaque année, et dans une des autres villes du pourtour méditerranéen. Avec pour point d’orgue 2013, puisque le projet est labellisé par la Capitale Culturelle, et un thème pour chacune des 16 conversations. Les problèmes abordés mettront le patient et la prise en compte de sa culture au centre des interrogations. Par exemple on se demandera quelle est la culture alimentaire de l’hôpital, pourquoi les repas y sont insipides, et si on ne peut y concevoir une nourriture méditerranéenne qui échappe aux normes gustatives anglo-saxonnes… À Beyrouth, en novembre, il sera question de religions et de spiritualité, à Rabat du Beau à l’hôpital, puis de la prise en compte de la famille, de la diffusion des savoirs thérapeutiques…

Le premier jour Le 29 mai à l’Alcazar a donc eu lieu la première conversation : L’Humain à part-entière. Il y fut question le matin de «médicalisation et humanisation dans l’histoire de la médecine et de l’hôpital». Pierre le Coz précisa les divers sens du mot culture: la recherche de valeurs universelles fondées sur les Humanités s’oppose aux cultures anthropologiques particulières, mais la prise en compte des diversités culturelles, leur étude approfondie pourrait rejoindre l’universel et, en

© AP-HM

plaçant l’humain au centre, retrouver l’Humanisme. Puis Rafik Khalil rappela l’histoire, les Grecs et leur Asclopeion, les premiers hôpitaux publics musulmans, le moyen-âge en Europe et ses léproseries, puis les premiers établissements ouverts conçus au retour des Croisades… Quelques conceptions humanistes du soin furent développées : le courant holiste qui appelait à un approfondissement du rapport médecin/patient dès les années 30, l’hygiène de l’eau en Tunisie, la prise en charge des infirmiers, fondée sur le soin aux personnes et non aux maladies… L’après-midi fut consacré à des échanges autour de l’éducation et l’art à l’hôpital. De la place des enseignants auprès des enfants malades, des «soins culturels» auprès d’adolescents en difficulté psychi-

que. Christophe Haleb, chorégraphe, en résidence à l’Hôpital Psychiatrique Montperrin (pavillon 3bisf), expliqua l’importance de l’art en ces lieux, qui parlent différemment du corps, de l’espace et du temps. Autant de Conversations qui ont donné à chaque patient potentiel, puisque nous sommes tous un jour ou l’autre voués à occuper ces lits de malades, l’impression qu’il n’est pas perçu par l’univers hospitalier comme une mécanique qui se coince, mais comme un être symbolique doté d’un esprit et de sens. Rassurant, et formidable. AGNÈS FRESCHEL

www.ap-hm.fr

Pourquoi Salerne ? L’École a une légende idéale… Elle rapporte que le foyer médical de Salerne, ville de la côte amalfienne, a été fondé conjointement par un Grec, un Romain (Salernus), un Juif et un Sarrasin à l’époque de la chute de l’Empire Romain. Quoi qu’il en soit, à côté d’un hôpital bénédictin fondé au VIIe siècle, une université est attestée dès le IXe siècle : on y traduit activement les textes grecs, on y enseigne bien sûr, et on observe, examine, soigne les patients, tout en rassemblant et diffusant les savoirs. La médecine est pratiquée et enseignée par les deux sexes, dépasse les doctrines religieuses, œuvre à ce que les langues de publication ne soient pas un obstacle, et répand les pratiques héritées ou découvertes. L’École de Salerne voit son apogée au XIe siècle, avec l’arrivée de Constantin l’Africain, et la publication par Trotula d’un traité des maladies des femmes… Miniature représentant l'École de Médecine de Salerne à partir d'une copie du Canon de la médecine d'Avicenne


MARSEILLE PROVENCE 2013 | MUCEM

POLITIQUE CULTURELLE

09

Investir pour 2013, et après Il est plus que temps. De confirmer clairement les engagements quant aux investissements prévus pour 2013… et d’avancer les travaux. Si Bernard Latarjet affirme qu’il n’y a «aucune difficulté quant au budget de fonction-nement et au programme des activités de préfiguration de 2013», s’il avance «ne pas avoir d’inquiétude sur les engagements», l’État devant confirmer son programme d’investissement dans les prochains jours, ainsi que la Ville de Marseille, il avoue aujourd’hui son «inquiétude quant aux délais». La «gestion du compte à rebours est extrêmement tendue. C’est encore jouable, mais de nombreuses épées de Damoclès sont entre les mains des maîtres d’ouvrage, et flottent au-dessus des têtes.» Et lorsqu’on lui demande, étant donnés les problèmes de la Criée, de l’Opéra de Marseille, les retards d’allumage du MuCEM etc… si des solutions de repli sont prévues, sa réponse est claire «Nous réfléchissons forcément à des plans B, mais la grande expo par exemple dépend de la rénovation du Palais Longchamp. Non seulement aucun plan B n’est envisageable pour une exposition de cette ampleur, mais aucun échec n’est possible. Vous imaginez-vous que nous puissions renvoyer les tableaux à l’Ermitage, au British Museum ou au Moma avec un mot d’excuse ?»

Pourtant, il confesse que certaines difficultés proviennent d’un état d’esprit particulier à Marseille, qui transforme l’inquiétude en une paralysie méfiante, et non en force positive. Il est vrai qu’ici personne ne semblait croire à la candidature, et que depuis chacun fait la moue devant les avancées. «Il faut absolument coordonner les projets, nous avons un besoin de cohérence et de politique commune qui sorte des prés carrés politiques» affirmait Michel Pezet. Car cette conférence de presse sur les investissements pour Marseille 2013 avait lieu au Conseil général 13, Michel Pezet voulant «lever les malentendus» sur la confiance et l’engagement du CG envers l’association Marseille Provence 2013. «Nous ne savons pas où en est le calendrier, il n’y a pas de plan de financement inscrit dans le temps. Mais cela concerne les engagements de la Ville de Marseille et de l’État : pour ce projet c’est Monsieur Latarjet qui a tout fait, et il a toujours eu le soutien entier du Conseil général, depuis le début de la candidature.» Un soutien qui se traduit aujourd’hui en budgets supplémentaires : on sait que le Conseil général 13 a maintenu les sommes globales allouées régulièrement à la culture -investissement et fonctionnement- et voté des budgets spécifiques de fonctionnement (12,5 Md’€) pour Marseille 2013 sans entamer ces dépenses courantes. Jean-Noël Guérini annonce à présent «les investissements spécifiques pour préparer 2013. Et

après !». Ces dépenses correspondent, pour Marseille, «aux besoins dont a fait part Monsieur Latarjet» : le CG financera à sa demande une partie du Palais Longchamp, de l’Ilot 3 de la Friche, de l’aménagement de l’espace du J1, la salle de concert du Palais Carli (Conservatoire) et cela pour un montant de 5 millions d’euros, en dehors des 19,5 Md’€ du MuCEM (déjà voté). L’autre partie des dépenses se concentrera sur la ville d’Arles : outre les travaux du Museon Arlaten (30 Md’€) et du Théâtre Antique (7 Md’€) déjà votés, «le Conseil général votera le 18 juin une enveloppe supplémentaire pour l’extension du Musée départemental Arles Antique». Les résultats formidables du MdAA, à la grande pertinence, à la muséographie magistrale, aux actions pédagogiques exemplaires, et au succès phénoménal (216.000 visiteurs de l’exposition César) expliquent cet investissement supplémentaire, financé totalement par le Conseil général, et destiné en grande partie à la barge romaine de 30m de long découverte dans le Rhône, et qu’il conviendrait de sortir, de restaurer et d’exposer. Une entreprise passionnante… qui ne suffit pas à expliquer le déséquilibre territorial : si Arles et Marseille ont grand besoin du CG, elles ne sont pas les seules qui nécessitent des investissements culturels. La disparition de la taxe professionnelle va faire plonger bien des territoires. AGNÈS FRESCHEL

Regards neufs sur le MuCEM En prélude à l’inauguration du Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée en 2013, les jeunes créateurs entrouvrent la porte du Fort Saint-Jean pour 4 jours. Un événement car les ruines du Fort sont rarement accessibles au public. L’initiative est portée par Marseille Provence 2013 et s’inscrit dans le cadre de la manifestation nationale Imaginez maintenant du ministère de la Jeunesse et des Solidarités actives. Quel-

que 60 artistes âgés de moins de 30 ans ont été choisis par un comité artistique composé d’acteurs culturels du territoire attentifs à mettre en valeur leurs projets et à créer des passerelles avec les jeunes et le monde professionnel : ainsi, de nombreux étudiants spécialisés en arts et culture participent aux préparatifs de l’opération et contribuent à son bouillonnement… Au-delà des valeurs de transmission et

Les beatboxers MicFlow et Tiko © X-D.R.

de partage qui animent Imaginez maintenant, quid de la création ? Dès les premiers instants, le collectif WagonLandscaping nous plonge dans «un jardin éphémère, imaginatif et contemporain, inspiré des folies du 18e siècle», invitation à regarder différemment l’environnement naturel du Fort, terrasses en pierre blanche, pelouses sèches et ruines, revisité au travers d’un parcours déambulatoire, sonore, visuel et aromatique. Surprises, surprises… La visite continue avec le projet in situ de Last Compagnie autour de sa prochaine création Une liquidation d’après un texte de Liliane Giraudon (à découvrir à Act’Oral 2010), la programmation d’artistes de la scène émergente régionale en musiques actuelles (avec le festival Mimi). Avec la projection en boucle à la Caserne de 8 courts et moyens-métrages (avec le FID Marseille) ou encore les œuvres de 4 chorégraphes du bassin méditerranéen (avec L’Officina)… Jour et nuit les formes artistiques se succèderont toutes les 30 minutes pour nous faire goûter maintenant aux délices du futur MuCEM, lieu emblématique de l’histoire et de l’avenir de Marseille. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Comité artistique : actOral / montévidéo, A.M.I, Daki Ling, DFragment, FID Marseille, La MesÓn, L’Officina / Festival Dansem, MuCEM, OSF Production Imaginez maintenant Du 1er au 4 juillet Fort St-Jean, Marseille www.imaginezmaintenant.com Une liquidation, Last Cie © Elise Tamisier


10

FESTIVALS

AVIGNON OFF

Complètement OFF ! Du 8 au 31 juillet, le Festival Off, continue à multiplier spectacles et événements (1100) avec plus de 900 compagnies dans 123 lieux (105 en 2009). Le Off dépassera-t-il également le nombre de billets vendus en 2009, soit 1,2 millions ? Mené par l’association Avignon Festival & compagnies, sous la présidence désormais entérinée de Greg Germain, le Off poursuit ses efforts de coordination et de structuration. Au risque de perdre quelquefois en qualité artistique, il tente de devenir le plus grand festival de théâtre du monde, en rivalisant avec son principal concurrent, le Festival Fringe d’Edimburg, qui accueille 2000 spectacles en août. Cette édition est dédiée à André Benedetto : Greg Germain, rappelle que le fondateur du Off «en présentant Statues en 1966, a créé un appel d’air dans lequel d’autres artistes se sont engouffrés». Une exposition lui sera consacrée à l’Espace Vaucluse. Le Village du Off, situé dans l’école Thiers, sera un nouveau lieu de réflexion et de rencontre. Ouvert au public, aux artistes, aux professionnels, il abritera le Bar du Off, les débats professionnels et les chroniques critiques, une salle d’exposition retraçant 40 ans de théâtre et de danse en Belgique Francophone, des rencontres danse, des forums.

Les salles incontournables Le programme papier, tiré à 130 000 exemplaires, ne sortant des cartons que le 1er juillet et le 15 juin sur le site, Zibeline a opéré une sélection forcément non exhaustive de spectacles reconnus ou alléchants, dans les théâtres établis de la ville. Au Théâtre des Carmes 6 spectacles alimenteront le festival, dont l’Asticot de Shakespeare avec Clémence Massart. En clé de voûte et fin de soirée du 15 au 24, Urgent Crier, autour de l’œuvre poétique de Benedetto mis en scène par Claude Djian, avec chaque soir un thème et des intervenants différents dont Bernard Lubat et Philippe Caubère. Le Théâtre du Chêne Noir, qui reste en dehors de l’adhésion au Off, reçoit une foule d’artistes : Jean-Michel Ribes, Jérôme Savary, Romane Bohringer, François Bourcier, Daniel Mesguich, Marc Hollogne, Michel Dussarat, Diana Dobreva, Patrick Robine… À noter, la dernière création de Gérard Gélas avec Olivier Sitruk et Jacques Frantz, Ernesto Che Guevara, la dernière nuit et le très sensible Carmenseitas d’Edmonde Franchi, mis en scène par Agnès Régolo, qui retrace la mémoire des

Simples mortels d’Alain Timar au Théâtre des Halles © Manuel Pascual

femmes ouvrières à la Manufacture des tabacs de Marseille. Alain Timar présente au Théâtre des Halles ses deux dernières créations. Simples mortels adapté du roman de Philippe de la Genardière, un objet étonnant entre dépression et lumière, et Rhinocéros de Ionesco revisité en langue coréenne (surtitré). 6 autres spectacles seront présentés, dont Menschel et Romanska de Hanokh Levin par la Cie La jolie Pourpoise et La Madone des Dancings par la Cie la Bouche d’ombre.

Sur la scène du Balcon, Serge Barbuscia reprend J’ai soif et la Cie Uppercut Huis Clos, dans une mise en scène simple fondée sur le talent des jeunes acteurs, qui tourne dans la région depuis trois ans. À la Fabrik’Théâtre, qui vient d’apprendre son interdiction d’organiser des concerts et autres évènements trop sonores, le festival continue avec notamment 3 créations du Kronope dont la dernière Rumeurs… Les possédées de Loundun, entre vérité historique et société d’aujourd’hui. Le Théâtre du

Petit Chien accueille Le Jeu de la Mémoire de Gérard Vantaggioli, dans lequel Stéphanie Lanier, seule en scène, joue un voyage intérieur captivant. Motobécane par la Cie Macartan avec Bernard Crombey, succès du festival 2009, y sera également repris. La scène belge des Doms a concocté à nouveau un programme appétissant avec pour la 1ère fois l’accueil d’un spectacle jeune public, Boites du Nuna Théâtre, et 5 autres spectacles à aller voir les yeux -presque- fermés. D’autant que les Doms restent les seuls à accueillir les compagnies dans des conditions financières décentes… Mais le lieu précisément dédié au jeune public, reste le Festival Théâtr’Enfants, qui offre 14 propositions artistiques à partager en famille, du 7 au 24 juillet. L’Auguste Théâtre présentera L’Arche part à 8 h, et le collectif 2 Temps 3 mouvements reprendra sa remarquable création Sous nos yeux. DELPHINE MICHELANGELI

Festival Off, Avignon Du 8 au 31 juillet www.avignonleoff.com

Réjouissances alternatives Plus éphémères ou plus confidentiels, certains lieux accueilleront des compagnies qui méritent pourtant un éclairage fort et durable Le Musée Fujak offre une programmation originale riche de talents. Signalons, entre autres, un événement du 11 au 13 juillet Autour de la folie avec spectacles, films, débat et performance, Les Phasmes, trio d’improvisation du collectif Inouï les 21 et 22 juillet et Reconstitution de Gabily avec Alain Cesco-Resia du 23 au 29. La Manufacture pour la dixième saison, combine une programmation pointue à un vrai lieu de vie et de rencontres, avec notamment Christian Mazzuchini dans Mythomane d’après Serge Valletti et les soirées Nightshot où se mêlent théâtre, musique et vidéo. Au Théâtre de la Poulie, la Cie du Grand soir débarque avec La Vie de Galilée de Bertolt Brecht, un cabaret débridé, lyrique et musical dans lequel on ne devrait pas s’ennuyer. De l’autre côté des Remparts, la Cie Mises en Scène continue à affirmer ses liens entre artistique et social avec sa nouvelle création La Répartition des mouches de Jean Cagnard, mise en scène par Michèle Addala, à l’Entrepôt. Tandis que le Théâtre des Remparts accueille une mise en scène limpide et forte créée au Gyptis à Marseille : La Chute de Camus, portée avec talent par Philippe Séjourné, de la Cie Tetra Art. La Cie Fraction de Jean-François Matignon présente au 23 place des Carmes La Peau dure de Guerin dans une version déambulatoire en appartement. Du 9 au 11 juillet à la Maison des Vins, la Cie de l’Imprimerie s’associe au Délirium et au chef étoilé Christian Etienne pour créer Fables, un objet surprenant et gourmand, véritable braquage des sens, qui réunit une

dégustation de 8 plats de maître, vins d’excellence et comédiens fabuleux autour de la Fontaine. La Cie Illico/Thomas Lebrun multiplie son ancrage dans le festival en jouant d’une part dans le Off à l’Espace Pasteur Allone #3 puis la Constellation consternée, et en intervenant dans les Sujets à vif avec la création du solo Parfois, le corps n’a pas de cœur. Et une bonne surprise : le chapiteau Mazouing au centre de loisirs de la Barthelasse renaît sous la houlette de la Cie Onstap. Leur duo gagnant Parce qu’on va rien lâcher sera bien sûr présent, à côté d’invités tout aussi talentueux, dont le génial Hamid Ben Mahi dans La géographie du danger, un solo «coup de poing» sur le parcours d’un sans-papiers. DE.M. La Peau dure au 23 place des Carmes © X-D.R.


AVIGNON

FESTIVALS 11

La performance dans le viseur Du 7 au 27 juillet, le 64e Festival d’Avignon, dédié à Alain Crombecque, directeur du festival de 1985 à 1992, entend réaffirmer sa place de laboratoire de la création contemporaine En associant le metteur en scène suisse Christoph Marthaler et l’écrivain Olivier Cadiot, deux artistes qui circulent hors des sentiers balisés du théâtre, les directeurs du Festival désirent sans doute retourner aux fondamentaux qui ont fait la réputation d’Avignon : un goût du risque, de la performance, de la danse, un appétit de nouveaux talents et un intérêt affirmé pour les représentations du monde.

Du côté des textes Le répertoire a néanmoins une place dans cette édition, notamment avec la reprise de La Tragédie du Roi Richard II, créé en 1947 par Jean Vilar, dans la Cour d’Honneur. Denis Podalydès, dans le rôle-titre du spectacle mythique du festival, sera mis en scène par Jean-Baptiste Sastre, qui s’appuie sur une nouvelle traduction de Frédéric Boyer. François Orsoni monte Baal de Brecht avec Clotilde Hesme et Valérie Dreville revient avec Didier Galas, dans Délire à deux de Ionesco. Le Procès de Kafka sera revisité «façon Buster Keaton» par Andreas Kriegenburg. Et le metteur en scène flamand Guy Cassiers revoit L’Homme sans qualités de Robert Musil : un monument de la littérature par un des plus grands metteurs en scène actuels, à l’écriture scénique proprement bouleversante. Quant à Stanislas Nordey, un autre habitué du festival, il «fait le pari d’une aventure un peu commando» avec My Secret Garden, sur un texte de Falk Richter.

Mélange de genres Les artistes associés, aux univers opposés mais finalement très complémentaires, ne s’étaient jamais éprouvés avant cette édition. À eux deux, ils vont «musicaliser» le festival et lui offrir, de surcroit, de belles échappées humanistes. Christoph Marthaler, dont l’univers est pétri d’airs d’opéra fredonnés, d’un imaginaire d’entomologiste expérimentateur, et de références visuelles décaties, inaugurera le festival avec sa scénographe Anna Viebrock, en créant un mini-événement inspiré et créé exclusivement pour la Cour d’Honneur : Papperlapapp. Puis l’intrigant Schutz vor der Zukunft (se protéger de l’avenir), monté à l’origine dans un hôpital à Vienne, sera repris dans un dispositif déambulatoire au Gymnase du collège (très) privé Champfleury, un nouveau lieu extra-muros. Olivier Cadiot, qui verse nettement plus dans l’écriture textuelle, s’avancera pourtant lui aussi sur des territoires moins écrits : après avoir fait une halte dans le décor de Marthaler au Palais des Papes avec une lecture de l’Affaire Robinson, crée une boite à images dans Un Nid pour quoi faire avec 9 acteurs performers, autour de l’histoire un peu folle de l’exil d’un roi d’aujourd’hui au Gymnase Gérard Philipe. Il monte ensuite, avec son complice Ludovic Lagarde, le

La danseuse malade, Boris Charmatz © Fred Kihn.

monologue Un Mage en été, «une drôle de chose entre livre ouvert et performance» interprété par son double scénique Laurent Poitrenaux, à l’Opéra théâtre du 21 au 27.

Performance, danse et rock Rodolphe Burger est le ciment rock de cette édition. Plusieurs rendez-vous, sans compter la création musicale du Nid de Cadiot, vont ouvrir sans aucun doute le festival à un nouveau public. Un Bal du 14 juillet sur les bords du Rhône en entrée libre, la reprise du Cantique des Cantiques le 16 (créé à l’origine pour Bashung) au temple St Martial (un coup de fouet au Cycle de Musiques Sacrées !) et un singulier Concert Dessiné à la Cour le 24 juillet. Pascal Dusapin, musicien rôdant parfois hors des chapelles françaises de la musique contemporaine, sera également de la fête, avec un Concert le 19 juillet au Cloître des Carmes. Puis, un véritable défilé d’artistes performers, dans des styles différents et souvent radicaux, sur les planches du festival. L’espagnole Angélica Liddell («pour ceux qui veulent vivre des expériences physiques fortes») livrera une geste artistique de 5 heures sur la violence faite aux femmes dans La Casa de la Fuerza. Massimo Furlan revisitera l’événement de l’Eurovision avec 1973. La plasticienne chorégraphe Gisèle Vienne créera This is how you will disappear. La bande déjantée de Philippe Quesne, proche de la démarche de Marthaler, fera le buzz, on l’espère, comme l’an passé avec La Mélancolie des Dragons, avec Big Bang. Julie Andrée T. divaguera sur le Rouge dans une expérience plastique et Jean-Lambert Wild offrira une Fable d’après la Chèvre de Monsieur Seguin au Gymnase Mistral. Côté danse le Festival renoue avec une programmation ambitieuse et variée, avec trois chorégraphes incontournables Anna Teresa De Keersmaeker, Josef Nadj et Alain Platel (qui inaugurera une nouvelle salle du festival à Vedène du 9 au 12 juillet), puis le groupe acrobatique de Tanger, toujours sublime, les recherches facétieuses de Pierre Rigal. Quant à Boris Charmatz, l’artiste associé 2011, il présentera deux facettes de son travail, dont La danseuse malade avec Jeanne Balibar.

Et encore… Pour finir but not least : le Festival d’Avignon donne toujours l’occasion d’assister à des cycles passionnants de lectures, à des petites formes de danse, à des expos (voir p 65), à des rencontres (voir p 74), théâtre d’idées ou prise de paroles des artistes quant à leur travail. C’est là aussi (surtout ?) que le théâtre de demain se pense et se fabrique. Ne vous privez pas de ces bonheurs offerts en journée… DELPHINE MICHELANGELI ET AGNES FRESCHEL

Festival d’Avignon Du 7 au 27 juillet 04 90 14 14 14 www.festival-avignon.com


12

FESTIVALS

THÉÂTRE

Chartreuse pointue et 4 sept., dans le cadre du 20e anniversaire d’Inouï Productions, le groupe inclassable Volapük en concert et les performances musicales de Piero Coiffard dans Répercussions. DE.M.

Cloitre St-Jean © X-D.R.

Pour la 37e saison, le Centre national des écritures du spectacle de la Chartreuse a concocté du 7 juillet au 4 sept. un programme riche de parcours artistiques transdisciplinaires et de talents novateurs, voire performers. À noter le renouvellement de la collaboration avec le Festival d’Avignon, dont le spectacle La Mort d’Adam (deuxième mélopée de l’Hypogée) de Jean Lambert-Wild créé du 8 au 15 juillet et Car j’étais avec eux tout le temps, un parcours sonore de Sébastien Roux et Célia Houdart, avec Laurent Poitrenaux. Une pléiade d’expérimentations, très technologiques, sont programmées en ces murs médiévaux peuplés de silence et de chapitres sans voix : Le Bardo par la Cie Haut et court, pour 1 spectateur toutes les 6 minutes ; Distorsions urbaines, une installation performance du groupe t.r.a.n.s.i.t.s.c.a.p.e 2010. Tout le mois de juillet, dans le cadre de Théâ-

Rencontres d’été Du 7 juillet au 4 sept La Chartreuse, Villeneuve-Lez-Avignon 04 90 15 24 24 www.chartreuse.org

tres du Globe, auront lieu des micro-débats, des échanges avec le public, des lectures, des installations, dont Astéroïde, performances avec mon ordinateur conçu par Valérie Cordy. À noter, les 3

Le courant passe

Festival Contre courant 2009 © Eric Raz

Les Comités d’entreprises sont aujourd’hui fort rares à faire leur travail culturel, préférant promouvoir des artistes Zenith que la création contemporaine ! Le CCAS, Caisse Centrale d’Activités Sociales des personnels électriciens-gaziers, persiste dans les hautes missions d’éducation populaire, et de soutien à la création, que s’étaient fixés les CE dans les années 70, en particulier en proposant chaque année depuis 7 ans un Contre courant passionnant, lieu où la réflexion sur l’art n’est jamais éloigné du politique, et du social. Pour preuve cette année encore ? Un Brecht, Jean la Chance de la Cie

Villeneuve en scène s’affirme aujourd’hui comme l’événement phare du Théâtre Itinérant. De l’autre côté du Rhône, à Villeneuve les Avignon, sous la Chartreuse, hors du four (passionnant !) du festival et du off, Villeneuve en scène propose une autre pléthore, mais avec un sens différent de l’accueil : des chapiteaux, des guinguettes, des spectateurs assis en famille sur l’herbe haute entre deux spectacles… mais surtout 25 spectacles de choix jouant presque tous les jours de 10h à minuit, une journée professionnelle, trois belles propositions jeune public… Au programme ? Le Buchinger’s boot marionette qui revient, un texte inédit de Vaclav Havel, Kaina Marseille de Catherine Zambon, les ArTpenteurs qui montent le délicieux texte de Roy Lewis Pourquoi j’ai mangé mon père… du théâtre visuel, du théâtre de texte, et beaucoup d’histoires venues du monde entier et transportées avec enthousiasme et générosité ! A.F.

Villeneuve en scène Du 3 au 23 juillet 04 32 75 15 95 www.villeneuve-en-scene.fr

Du theatre in vivo avec Opera Pagai © X-D.R.

L’itinérance se pose

Nénéka, Rosa la Rouge de Claire Diterzi et Marcial di Fonzo Bo, des fables sur la perception de l’art (Le RoOua ou le peuple des rois), une journée avec Villeneuve en scène (avec L’opéra Pagaï et la Cie Oposito). Tout cela en entrée libre (sur réservation !), sur l’Île de la Barthelasse, entre deux mondes, avec deux ou trois propositions par soirée. A.F.

Contre courant, Avignon Du 9 au 17 juillet 06 80 37 01 77 www.ccas-contre-courant.org


Grand public dans les Cours

Les Trois Mousquetaires © R. Dauphin

Depuis vingt et un ans, à quelques pas de la suractivité avignonnaise, le festival Théâtre Côté Cour, à Salon, promeut un théâtre populaire au rythme d’un spectacle tous les deux jours. Il offre ainsi un rendez-vous grand public alliant plaisir et exigence dans le cadre exceptionnel des Cours d’Honneur et Renaissance du Château de l’Emperi. Au programme cette année, du théâtre classique et musical, quatre pièces à commencer par la création 2010 de la Cie Comédiens et Compagnie, La Nuit des rois de Shakespeare, qui fait l’ouverture le 5 juillet : les douze comédiens allient jeu de masques, danses, acrobaties et musique avec la farce et la poésie dans un spectacle total. Puis le 8, les fameux Trois Mousquetaires se trouveront transformés par une mise en scène moderne, mais toujours en costume et fidèle au texte de Dumas, de la dynamique et ludique Cie Qué

Séra. Avant-dernier spectacle, le 10, Un de la Canebière, l’opérette marseillaise de Vincent Scotto est complètement dépoussiérée par la troupe des Carboni: Fred Muhl signe-là une mise en scène vive, rythmée, enjouée qui touche au but, l’émotion se transformant souvent en éclat de rire général. Puis place aux stars pour clore le festival, le 12, avec un classique du vaudeville, Chat en Poche de Georges Feydeau : Valérie Mairesse, Jean Benguigui, Arthur Jugnot, Gérard Rinaldi… joueront des quiproquos autour d’un Faust d’anthologie ! DO.M.

21e festival Théâtre Côté Cour Du 5 au 12 juillet Château de l’Emperi, Salon 04 90 56 00 82 http://theatrecotecour.perso.neuf.fr

Douces nuits… Le Festival des nuits de l’Enclave des Papes embrasse tout autant le théâtre que la musique, la littérature que la peinture. Par la voix de Marie-Christine Barrault, les poèmes de Robert et Clara Schumann rencontrent le quatuor Ludwig, celle de Francis Huster fait renaître La Traversée de Paris de Marcel Aymé. Quand ce n’est pas Knock de Jules Romains qui prend corps avec le théâtre Kronope (voir Zib’17) ou Albert Camus avec la Cie Tetra-Art (La Chute, voir Zib’24). Nuits de la littérature ou Nuits théâtrales ? toujours le même amour du texte avec la création Madame Shakespeare, lettres imaginées par Anca Visdei, où l’on retrouve deux acteurs aux Molières : Sonia Vollereaux et Nicolas Vaude. La musique aussi berce les nuits à l’heure où l’on inaugure l’orgue restauré de l’église Notre dame de Nazareth, où Coline Serreau fait chanter

sa chorale du Delta et le Congo Square swinguer les rues. Bien avant que l’Antioch Chambers Ensemble ne clôture les festivités… Entre deux représentations, on pourra participer aux conférences de Jean Lacouture et Bruno de Cessole, déambuler dans la cité au rythme du grand orchestre de Michel Zenino ou découvrir au Salon de l’Enclave les œuvres d’Yvon Taillandier et les sculptures de Jean-Alexandre Delattre. Le thème de l’exposition ? La musique, le théâtre, l’écriture et la peinture bien sûr ! M.G.-G.

Festival des nuits de l’Enclave des Papes, Valréas Du 16 juillet au 15 août 04 90 28 12 51 www.festivaldesnuits.com


14

FESTIVALS

DANSE

Un festival d’exceptions Vaison Danses fête ses 15 ans dignement avec un programme de choix. Dans un des plus beaux théâtres romains de la région, le Festival poursuit la politique qui a fait son succès, en proposant des spectacles qui peuvent ravir un public large, du touriste international aux habitants de cette Provence vallonnée… tout en misant sans concession sur une exigence esthétique chorégraphique et musicale : quiconque a assisté aux éditions précédentes sait la grande qualité technique de ces représentations où l’équilibre sonore n’a rien à envier à la précision des éclairages. Un travail de pros, envié par bien des festivals. Le programme est à la hauteur du perfectionnisme technique : côté international, le festival de Vaison-laRomaine s’ouvre le 9 juillet avec l’univers indien de Madhavi Mudgal, qui avec sa création pour 26 danseuses

reste la meilleure ambassadrice du style Odissi, plurimillénaire. Le Fuenteovejuna de la compania Antonio Gades mêle, quant à lui, flamenco et danses espagnoles (les 21 et 22 juillet), tandis que l’Africa Umoja (27 juillet) nous plonge dans l’énergie tellurique des danses Zoulou sud-africaines. Trois propositions accompagnées de musique live, spécificité trop rare… L’univers contemporain de Sidi Larbi Cherkaoui, qui depuis quelques années explore les échos traditionnels qui peuvent nourrir sa danse, rencontre celui de Maria Pages : ils ont élaboré un flamenco fluide comme le sable, pour explorer des dunes communes (Dunas le 19 juillet). Le Ballet Preljocaj, heureux familier de ce théâtre magique, vient danser son programme Stravinsky : Noces et Le Sacre du printemps (le 16 juillet), sans musique live, mais avec la violence émouvante des corps qui

Madhavi Mudgal & Dancers © Ajay Lal

Vaison danses Du 9 au 27 juillet 04 90 28 74 74 www.vaison-danses.com

s’affrontent avec les élans de leur désir, dans un univers trop champêtre, ou sur des bancs de bois… Et puis il y aura le Cirque invisible, spectacle magique, tout public mais réservé aux poètes : Jean-Baptiste Thiérrée et Victoria Chaplin restent, après 30 ans, de sublimes maîtres d’œuvre (les 12 et 13 juillet)… A.F.

Développement décentralisé

Cie Dorina Fauer © D. Fauer

Non content de produire chaque année, l’hiver, un des festivals de danse contemporaine les plus aventureux qui soit, le Centre de développement chorégraphique Les Hivernales prend depuis 2005 ses quartiers d’été en invitant chez lui, durant deux semaines au cours du Festival d’Avignon, des compagnies promues par les régions… voisines d’une manière ou d’une autre ! Ainsi le Piémont, qui n’est pas loin, et la Wallonie (le théâtre des Doms est tout proche, qui programme du théâtre belge) et bien sûr le Languedoc-Roussillon et Rhône-Alpes, promeuvent chacun une ou deux compagnies qui travaillent dans leur territoire. Quoi de mieux pour décentraliser les échanges ? Les Hivernales servent donc chaque jour de plateau interrégional de la danse… Cela commence dès 10h avec la Cie piémontaise Tecnologia Filosofica, puis à 11h30 le Collectif 2 Temps 3 Mouvements (PACA) qui

présente une malicieuse Stratégie de l’échec (voir Zib’24). On retrouve également le monde particulier de Fabrice Ramalingon (Languedoc-Roussillon) et Espaço Contratempo, la création 2009 de Kubilai Kahn Investigations (voir Zib’25). Pour finir vos soirées à 21h la Cie Dorina Fauer dans un trio de danseurs acrobates : la programmation de danse belge, élaborée avec le voisin des Doms, est toujours fructueuse… Et bien sûr, comme toujours aux Hivernales, des stages émaillent les journées, et des rencontres nombreuses font parler la danse ! A.F.

Quand les régions s’en mêlent Les Hivernales, Avignon Du 11 au 23 juillet (relâche le 17) 04 90 82 33 12 www.hivernales-avignon.com

Bienvenue chez vous Cie M'Bolo © X-D.R

Le titre du festival peut paraître bien modeste… Mais Danser dans le canton signifie vraiment inscrire l’art dans la réalité d’un territoire. En travaillant avec les enfants de Jouques, mais aussi en tournant en Afrique, la Cie Campo fait des rencontres, qu’elle met en rapport avec l’histoire et le patrimoine du pays où elle vit. Ainsi de la pièce C(h)oeur de pierre qui prend ses appuis dans les murs médiévaux et les décors naturels, et la musique de Baroque Graffiti ; la Cie Campo invite aussi d’autres artistes à rejoindre sa démarche : la Cie le Souffle avec un

Malade imaginaire très remuant, la Cie Marie Hélène Desmaris, qui propose aux enfants un conte dansé japonais, et la Cie Gabonaise M’Bolo, qui travaille sur un mythe des origines qui rejoint par certains aspects la démarche de C(h)oeur de pierre. A.F.

Danse dans le canton Meyrargues, Peyrolles, Saint-Paul les Durance, Pertuis du 24 juin au 31 juillet 04 91 42 21 46 http://cie.campo.free.fr


PLURIDISCIPLINAIRE

FESTIVALS

15

Le Var met son été en quatre création d’Oïnos dans l’Atrium du Conseil général : 300 enfants des écoles du Var encadrés par quelques chœurs constitués et Musicatreize créeront cette œuvre

Le SNOB et Cie Glisssssssssendo © Vincent Lucas

Attentif à la spécificité de son territoire, vaste et contrasté par ses paysages et ses populations, le département du Var conçoit depuis plusieurs années des événements culturels qui irriguent ses pays enclavés et s’adressent à tous : en été, plus de 50 manifestations sont offertes aux habitants, mais aussi aux nombreux touristes. Horace Lanfranchi, Président du Conseil général du Var, précise clairement son objectif, qui est de «mettre la culture à portée du plus grand nombre» en diminuant «les obstacles financiers» et «l’éloignement géographique». Et pour cela, cette année, un nouveau festival s’ajoute aux trois tournées estivales. Les 25 et 26 juin la ville de Toulon va animer ses places, ses ruelles et ses marchés grâce au savoir-faire de Lieux publics, Centre National des Arts de la Rue : au programme, après deux jours d’interventions urbaines discrètes pour entrer dans l’ambiance (les 23 et 24 juin), la fanfare glissante de Glissendo, la dernière création de Kubilaï Khan Investigations (voir p 40), un concert de public initié par Pierre Sauvageot, un FlashRue où Caroline Selig entraîne les volontaires dans des actes incongrus qui secouent les habitudes… En tout une trentaine de compagnies, venues de toute l’Europe et des rives méditerranéennes, pour la première édition d’un festival destiné à grandir. Autre forme d’intervention durant ce week-end : la

de François Rossé, reprise le lendemain à Marseille. La tournée départementale des arts de la rue, organisée par Karwann, a débuté le 5 juin et se poursuit jusqu’au 20, avec la Cie Transphalt, l’Orphéon Théâtre et le Bus expo (voir Zib’ 29) : Saint Maximin (le 19 juin) et Le Cannet des Maures (le 20 juin) accueilleront ces journées poétiques et pédagogiques, relevant d’une autre conception de l’art en espaces publics. Comme chaque année lui succèdera la Tournée Opéra : c’est l’ensemble de la Maison toulonnaise qui part sur les routes, en commençant par le Ballet le 3 juillet à La Celle, le 8 à Régusse, le 11 au Plan de la Tour, et en continuant par l’Orchestre : Flayosc le 16, Cabasse le 18, Cuers le 20 et Tourrettes le 21. Enfin, pour conclure, dans l’immense basilique de Saint Maximin, le Choeur se joindra au Chœur régional PACA pour interpréter Marie Magdelena de Massenet (le 21). Pour le troisième temps de cette valse, la passionnante Tournée Jazz en août… nous y reviendrons ! A.F.

En lieux et places de Toulon Du 23 au 26 juin Tournées départementales d’été, Var Jusqu’au 27 août www.var.fr

Les mômes font leur festival À Auriol et Aubagne, Festimôme réinvente l’espace urbain par le spectacle à travers 40 représentations gratuites dans les rues, les jardins et sous chapiteaux. 9 lieux pour accueillir 7000 festivaliers curieux de découvrir l’inventivité de 13 compagnies venues Juan Postcard © X-D.R.

coups de poing (Et ta Sœur ?). La carte de France se dessine avec Fanfan la Marguerite et son Le mini cabaret, le conteur Philippe Allari, Momo seul avec sa guitare (Une journée dans la vie de Colia), la ménagerie de puces savantes de la Cie Les petits miracles, Big Noise et son Train d’en(fer)faire ou encore Nacim Battou et son Premier pas bourré d’énergie hip-hop. Le OFF, lui, accueille les enfants des centres aérés d’Aubagne, son Festiminimôme pour les tout-petits de 3 mois à 4 ans, avec la complicité de la Cie Tapage piéton et de l’association Au bout du conte.

d’Europe et d’ailleurs. De quoi transformer les enfants en adeptes de l’art, d’autant que Festimôme ménage une scène à ciel ouvert où ils peuvent s’initier à différentes disciplines, participer à des jeux anciens et, surtout, rencontrer vraiment les artistes. Car le môme est un spectateur avisé dont les questions surprennent souvent les grands ! Dans cette déferlante de saltimbanques qui compose la cartographie du IN, on lorgnera du côté de l’Espagne avec Los 2 Play qui fait son Comeback en écrivant «un nouveau chapitre de l’histoire du cirque» et Sebas qui mêle dans Gestio théâtre d’objets, cirque et ancien théâtre forain. De l’Argentine aussi avec les circassiens d’Eguap pour une Rodando a saco vertigineuse, et de la Belgique représentée par Les Daltoniens, vices champions du monde de human beatbox 2006 (Tag) et Les royales Marionnettes qui n’ont pas peur de donner en public un pugilat familial en deux actes et trois

M.G.-G.

Festimômes Du 19 au 21 juillet, Auriol Du 28 au 30 juillet, Aubagne www.arteuro.fr

Pour la 4e année consécutive, le festival de l’Etang d’Art prend ses aises à Saint-Chamas, proposant, sur trois lieux distincts -le terrain de boules, la Poudrerie et l’Ecole du Port, un marché du monde et solidaire, une guinguette et ses apéros-concerts, un salon Aménager et construire durable, des après-midi consacrés au théâtre et, bien sûr, des soirées-concerts fournies. Cette année, notez la création d’un «village festival» qui regroupe l’espace jeunesse, le marché du Monde et solidaire, la guinguette. Au menu, les plateaux-concert (avec, entre autres, la venue de Rona Hartner, des Patates Rats ou de The Washing Machine Cie), la fanfare dans les rues de la ville, dès 11h le 3 juillet, l’espace jeunesse et ses animations-jeux… Notez aussi les plateaux théâtre à la Poudrerie, avec les sketchs de

L’Atribu (le 3 à 14h30 et le 4 à 16h30), la dernière création de Christine Hinque, Tabous, (le 3 à 14h30 et le 4 à 11h), le cabaret La Vie de Galilée de Brecht de la Cie Le Grand Soir dans lequel joue notre collaborateur philosophe Régis Vlachos (le 3 à 16h30), ou encore le retour de la Cie Kamaléon avec Odalo (le 4 à 11h et 16h30) et les impros de la Cie A l’Improv’istres (le 4 à 14h30). Laissez-vous charmer, vous avez de quoi faire ! DO.M.

Festival de l’Etang d’art Les 2, 3 et 4 juillet, Saint-Chamas 06 85 42 37 03 www.etangdart.fr

Rona Hartner © Amanda Rougier

Culturel et durable


16

FESTIVALS

MUSIQUE LYRIQUE

L’estampille Foccroulle Quatre nouvelles productions lyriques et la commande d’un opéra de chambre en création mondiale font l’affiche du Festival d’Aix Avec l’aboutissement de la Tétralogie l’an dernier et l’adieu au Berliner Philharmoniker, la page Lissner semble définitivement tournée à Aix et Bernard Foccroulle imprime son sceau exclusif à la 62e édition du festival d’art lyrique. C’est à la sauce baroque que sont naturellement mitonnés l’«Acte de ballet» Pygmalion et les fragments d’Hyppolite et Aricie de Rameau dirigés par l’inoxydable William Christie, ses Arts Florissants et Sophie Karthäuser comme soprano de proue. On retrouve Trisha Brown, (depuis son mémorable Orfeo) pour une mise en scène «chorégraphique» qui fait sa marque de fabrique. La présence dans la fosse du Freiburger Barockorchester indique assurément que le Don Giovanni mozartien et l’Alceste de Gluck pencheront du même versant. On attend pour le «Fourbe de Séville» une vision dynamisante du metteur en scène prodige russe Dmitri Tcherniakov (direction Louis Langrée et Andréas Spering) et la soprano Véronique Gens dans le rôle de l’«Orphée au féminin» (mise en scène Christof Loy et direction Ivor Bolton). Le XIXe siècle étant, cet été, banni des plateaux aixois, on effectue un bond séculaire pour découvrir le fantastique conte lyrique Le Rossignol (1914) de Stravinsky: l’oiseau enchanteur imaginé par Andersen est flûté par la séduisante soprano russe Olga Peretyatko alors que le Chœur et l’Orchestre de l’Opéra national de Lyon sont dirigés par Kazushi Ono, pour une mise en scène fabuleuse et féerique du québécois Robert Lepage. Le Conte moderne Un retour d’Oscar Strasnoy (parmi les sept commandés par Musicatreize et Roland Hayrabedian)

voit son destin magnifié par une création scénique durant le prestigieux festival aixois. Les marseillais en ont découvert, en mars, une version musicale (voir Zib’ 28). La mise en scène de Thierry Thieû Niang devrait exalter le texte d’inspiration antique d’Alberto Mangel et une partition qui «fait la part belle aux percussions… à la luminosité des deux pianos» et dont «l’orchestration réverbère cette clarté en miroir au duo de trompette et trombone, fil conducteur du tissu instrumental.» Le Rossignol et autres fables de Stravinsky © DR M. Cooper

Concerts Un nouveau cycle de résidence symphonique est initié pour quatre ans. Le London Symphony Orchestra dirigé par Sir Colin Davis joue avec la soprano Sophie Koch (Nuits d’été de Berlioz, le 17 juillet) et le violoniste Nikolaj Znaider (Concerto de Beethoven, le 18 juillet). Une série de concerts est proposée aux festivaliers en parallèle aux productions d’opéras. On y découvre de jeunes musiciens «Lauréats HSBC» de l’Académie Européenne de Musique ou «Révélations de l’ADAMI», à côté d’Eric Le Sage et Helmut Deutsch (pianos) pour un hommage à Schumann (11 juillet), Jordi Savall et Hesperion XXI pour un florilège méditerranéen (14 juillet), le Gabrieli Consort dans Monteverdi (15 juillet) et un immanquable récital du baryton Matthias Goerne dans Schumann et Brahms (19 juillet). JACQUES FRESCHEL

Festival d’Aix Grand Théâtre de Provence, Archevêché, Grand Saint-Jean du 1er au 21 juillet 08 20 922 923 www.festival-aix.com

Voix et Voies

Vocal Deliria Extended, né de la rencontre de quatre chanteurs d’influences diverses, nous conduit vers un mode oral singulier : le Camerounais Gino Sitson, l’improvisatrice Emilie Lesbros, la Grecque Maria Simoglou et le contre-ténor Alain Aubin ouvrent et bouclent le 7e festival De Vives Voix (le 1er juillet à 21h à l’Auditorium de la Cité de la musique et le 9 juillet à 22h15 au Théâtre de la Sucrière, 15e arr.). Entre-temps, on découvre des Chants de la Mer Noire (le 5 juillet à 21h à l’église St Laurent), quand Lo Cor de la Plana et l’occitan Manu Théron, Anis del Mundo (Sylvie Paz et Bruno Allary) présentent leur dernière création avant Kabbalah et leur Klezmer revisité (le 8 juillet de 19h30 à 0h30, la Sucrière). Le dernier concert affiche aussi Fred Nevchehirlian en quintette pour des titres de son album Monde nouveau, Monde ancien (le 9 juillet à 20h30, la Sucrière). J.F

De Vives Voix, Marseille du 1er au 9 juillet 04 91 62 78 57 www.lesvoiesduchant.org

Pauline enchanteresse À la suite de Djamileh de Bizet en 2009 (voir Zib’ 22), l’association qui fait vivre l’Opéra au village de Pourrières retourne à la source de Pauline Viardot après la représentation en 2008 de son «opéra de salon» Cendrillon composé en 1904. Pauline Viardot (1821-1910) triompha, comme sa sœur La Malibran, sur les scènes européennes dans Rossini, Meyerbeer, Gounod… C’est une figure féminine importante et méconnue de l’histoire musicale. Ses multiples talents de pianiste, cantatrice, pédagogue et compositrice fascinèrent ses contemporains qui fréquentaient régulièrement ses salons, de Tourgueniev à Saint-Saëns, Berlioz, Liszt, Clara Schumann, Delacroix, George Sand… C’est avec curiosité qu’on attend les représentations d’un opus oublié que la musicienne composa lors de son exil à Baden Baden (créé en 1867 à la cour du roi

de Prusse) alors qu’elle fuyait Napoléon III. Le dernier Sorcier est plein de légèreté et de fantaisie et la mise en scène signée Bernard Grimonet souligne les références au Second Empire et l’esprit bouffon proche d’Offenbach. La distribution (Pierre Villa-Loumagne, Premiere repetition © X-D.R

Bérengère Mauduit, Cyril Costanzo, Céline Laly, Camille d’Hartoy, Laury Littolff), en partie constituée de jeunes talents du CNIPAL et l’orchestre, réduit à six instruments, sont dirigés par Luc Coadou. Et chacune des représentations est précédée d’un repas gastronomique et convivial, sous les arbres, devant le couvent rénové où ont lieu les représentations, au parfum enchanté des soirées d’été provençales. JACQUES FRESCHEL

Le dernier Sorcier Conférence les 5 et 6 juillet Représentations les 15, 17, 19, 21 et 23 juillet. Couvent de Pourrières (83) 06 98 31 42 06 www.loperaauvillage.fr


Le cru d’Orange

©Yves Berge

Raymond Duffaut, directeur général des Chorégies, a présenté dès avril l’édition 2010 de ce Festival prestigieux dans les salons du magnifique château de Beauregard (Jonquières, Vaucluse). Au programme, les plus grandes voix lyriques : Roberto Alagna et Catherine Naglestadt dans Tosca (15 et 18 juillet), deux jeunes talents au devenir lumineux dans Mireille, Nathalie Manfrino et Florian Laconi (4 et 7 août), un récital exceptionnel, duo de feu avec Nathalie Dessay et Juan Diego Flores (17 juillet), et le concert symphonique emmené par le brillant pianiste turc Fazil Say, qui s’attaque au 1er concerto de Tchaïkovski (6 août). Au pupitre quatre chefs reconnus de la nouvelle génération : Mikko Franck, Alain Altinoglu, Giovanni Antonini, Kwamé Ryan, dirigeront deux orchestres majeurs, le Philharmonique de Radio France et Bordeaux-Aquitaine. On saluera l’enthousiasme et l’engagement de M. Duffaut lors de la conférence : il a rappelé que les Chorégies sont auto-financées à 85% ! Et cité les aides : Conseil général du Vaucluse, Conseil régional Provence-Alpes Côte d’Azur, Ministère de la Culture et de la Communication, Caisse des dépôts, espérant bien sûr un plus de la Ville d’Orange, si particulière… Pour la mise en scène de Mireille, Robert Fortune, né à deux pas de Maillane, proposera «un chant d’amour à la Provence.» Nadine Duffaut signera une Tosca sobre mais engagée avec un Scarpia plus complexe, insistant sur le personnage de Tosca, superbe

musicalement mais nombriliste comme une cantatrice ! Souhaitons à la cuvée 2010 le même succès qu’à l’édition 2009 ! Les retransmissions en prime time ont vu exploser l’audimat : Paillasse et Cavalleria ont été vus par 2 500 000 téléspectateurs. Un volet pédagogique permet aussi à des collégiens de participer à un travail de sensibilisation et de création en lien avec les Chorégies. En l’absence du Président Thierry Mariani, Patrick Menucci, à la gouaille communicative, se félicita le 4 avril d’apporter son «regard bienveillant mais vigilant sur ce moment important de la saison lyrique.» Il se réjouit d’être «l’artisan d’une opposition politique», clin d’œil à Mario Cavaradossi résistant au terrible Scarpia dans Tosca : résister en culture semble un mot d’ordre essentiel du nouveau Vice-président à la Culture ! Un moment convivial qui annonçait des soirées inoubliables. YVES BERGÉ

Les Chorégies d’Orange Du 15 juillet au 6 août www.choregies.asso.fr


18

FESTIVALS

MUSIQUE CLASSIQUE

Montpellier à jamais C’est un peu loin, de l’autre côté de l’autre Rhône, mais tellement excellent… Les formations musicales publiques de Radio France participent naturellement aux 25 ans du Festival de Montpellier. L’Orchestre National de France joue avec les Sœurs Labèque (15 juillet), le Chœur de Radio France chante Reger et Bernstein (19 juillet), l’Orchestre Philharmonique est dirigé par Kirill Petrenko dans la 14e symphonie de Chostakovitch (28 juillet), quand la Maîtrise ou les percussionnistes du National enchantent en région à Collioure, Sète, Bédarieux, Narbonne… Mais que de belles œuvres lyriques à redécouvrir ! Andromaque de Grétry est mise en scène par Lavaudant et dirigé par Hervé Niquet (12 et 13 juillet). On exhume ensuite, en version de concert, Les Hauts de Hurlevent de Bernard Hermann (14 juillet), Piramo et Tisbe de Hasse avec Europa Galante et Vivica Genaux (22 juillet), Artemisia de Cavalli par La Venexiana (24 juillet), L’Étranger de Vincent d’Indy avec Cassandre Berthon et Ludovic Tézier (26 juillet) ! On entend, comme de coutume, de merveilleux solistes : les pianistes Alexandre Korobeinikov (20 juillet), Boris Berezovsky (17 & 29 juillet), Fazil Say (23 juillet), le violoniste Vadim Repin (29 juillet), la soprano Sandrine Piau (16 juillet)… Sans oublier la prestigieuse cheville ouvrière du festival : l’Orchestre National de Montpellier dirigé par Alain Altinoglu, Laurence Foster, Enrique Mazzolla… Et bien d’autres festivités :

Fazil Say © Luc Jennepin

une Fiesta criolla baroque, un circuit d’orgues, de jeunes solistes, du jazz et du reggae, des musiques électroniques… Franchir le Rhône n’est pas le Rubicon !

Festival de Radio France, Montpellier du 12 au 30 juillet 04 67 02 02 01 www.festivalradiofrancemontpellier.com

JACQUES FRESCHEL

Orgue, cordes et vents Depuis 1951 ! Quatre ans déjà que le Festival d’Orgue de Bouc-Bel-Air s’est installé dans le paysage musical estival. Du 2 au 4 juillet les tuyaux du très bel orgue Jean Daldosso sonneront sous Andre Rosssi © X-D.R.

les doigts de Jean-Marc Aymes et son ensemble Concerto Soave, très actif dans la région, pour un programme autour des instruments baroques entre Vienne et Venise (3/7 à 20h30). L’association orgue saxophone est à découvrir tant les timbres se marient bien et permettront au jazzman Raphaël Imbert, auteur d’un mémorable album Bach/Coltrane, de dialoguer avec André Rossi à coups d’improvisations mystiques autour des deux compositeurs spirituels, sur les magnifiques jeux de fonds veloutés (2/7 à 20h30). Et comme le veut la désormais tradition, un concert exclusivement improvisé à l’orgue seul clôturera cette quatrième édition avec le duo Marc Pinardel &Vincent Dubois, paire d’improvisateurs justement hors pairs qui construiront le programme avec l’aide du public! (4/7 à 18h). À noter que le même jour aura lieu la messe du festival avec la chorale paroissiale. FRÉDÉRIC ISOLETTA

Eglise saint-André, Bouc Bel Air 04 42 94 93 78

Le Festival estival, loin d’adopter un tempo de retraité, joue les prolongations à la Tour Royale avec le pianiste niçois Olivier Gardon dans Schumann, Debussy, Chopin (23 juin) et un spectacle mêlant des poèmes romantico-symbolistes (récitant Robin Renucci) à des musiques concordantes pour pianos (Vera Tsybakov et Romain Hervé, 28 juin). On grimpe ensuite à la Collégiale de Six-Fours pour entendre résonner les Cuncordu e Tenore de Orosei © X-D.R. voix sombres du Chœur du Patriarcat Orthodoxe de Moscou (4 juillet) et le chef-d’œuvre mozartien (versant lumineux du Requiem) la Messe en ut mineur par l’ensemble Le Palais royal (9 juillet). L’un des plus grands quatuors à cordes actuels constitue le pic du festival : les tchèques du Kocian se joignent au clarinettiste Michel Portal pour un programme Haydn, Grieg et Mozart (10 juillet). Les chants sardes de Cuncordu e Tenore de Orosei célèbrent leur île natale avant qu’on dévale vers Châteauvallon pour suivre les célèbres sœurs Labèque et des percussions basques dans un Boléro échevelé (17 juillet). JACQUES FRESCHEL

60e Festival de Musique de Toulon et sa Région jusqu’au 29 juillet Office du tourisme de Toulon 04 94 18 53 07 Office du tourisme de Six-Fours 04 94 07 02 21 http://musiquetoulon.pagespro-orange.fr


FESTIVALS

19

Ah ? ça ira ?

Emma Re © Manuela Giusto

Eve Ruggieri a une façon de raconter la musique classique qui passe mieux en direct qu’à la télé. Elle la connaît vraiment, se régale des intrigues et anecdotes, aime les interprètes, et son côté snob souvent insupportable à l’écran laisse place sur scène à une simplicité véritable… C’est pourquoi l’on attend avec impatience sa présentation de la Belle Hélène dans les Carrières de Lacoste, où l’on retrouvera aussi avec plaisir le Ballet d’Europe qui ne cesse de démocratiser la danse classique de création… Mais à part cela que dire du Festival de Lacoste ? Cet événement est parrainé par Pierre Cardin depuis 10 ans, est destiné à divertir les riches en villégiature dans le Luberon, qui ne daignent condescendre à se mêler au tout venant d’Orange ou d’Avignon. Dire que le festival ose sans rire prendre pour caution coquine le Marquis de Sade, seigneur du château de Lacoste… Mais qu’aurait donc fait le marquis jacobin à Gonzague

Saint Bris ou, dans un autre registre de sévices, à Arielle Dombasle ? On retrouve là on ne sait comment Julien Lestel et ses deux compères du BNM qui réussissent par ailleurs à se faire passer l’Opéra

Chausson, violon et moutons Depuis 2008, on se rend, la paille aux cheveux, à la Chèvrerie de Lançon pour écouter de jeunes instrumentistes, issus d’établissements et conservatoires supérieurs européens, dans des récitals de musique de grange… oups !… de chambre ! On découvre, entre deux charrettes, la flûtiste Emmanuelle Calà, Isabelle Durin au violon, le violoncelliste Alexandre Lacour et les pianistes Jérémie Honnoré, Camille Jauvion, Marina Milinkovitch, Iren Seleljo dans de belles Sonates, Trio et opus pour piano à quatre mains de Schumann, Chausson, Ravel, Grieg, (les 15, 17 et 20 juillet à 21h)… En programme phare, la jeune et

talentueuse violoniste Amanda Favier, secondée par le comédien François Castang, fait partager les aventures historiques et romanesques de son précieux instrument : un Matteo Goffriler de 1723. Un spectacle plébiscité : «De Venise à Venise, itinéraire d’un violon gâté.» (le 18 juillet à 17h à l’église Ste-Juliette). J.F

Musique à la Ferme du 15 au 20 juillet 04 90 42 74 76 Lançon de Provence www.musiquealaferme.com

de Marseille le 30 juin, une comédie musicale de Danièle Martini sur Casanova (décidément les érotomanes ont la côte en ce monde), une pièce sur Le petit Groom de chez Maxim’s (sic), le vidéo glam show multi sensoriel (sic) de la Dombasle, et la pièce du chroniqueur des grosses têtes, devenu historien puisqu’«enfant il fût (sic) élevé dans le château de Léonard de Vinci et s’endormait dans le lit du génie.» Et messieurs dames, savez-vous que le génie ne se transmet pas par le simple contact des draps sacrés, ou de la cuillère en argent, ou de la fréquentation du gotha parisien ? AGNÈS FRESCHEL

Festival de Lacoste Du 14 juillet au 6 août 0892 707 507 www.festivaldelacoste.com

Liszt et les vignes Au cœur du Vaucluse, au Château St-Estève d’Uchaux, un festival dédié au piano romantique a acquis, depuis une douzaine d’années, un solide renom. Son cadre et sa convivialité n’y sont pas étrangers. Au bout d’une allée filant à travers les vignes, la maîtresse des lieux Thérèse Français accueille un public polyglotte qui s’installe, entre chien et loup, contre la bastide où trône un Fazioli de concert à la sonorité lumineuse. Cet été, les «grands mélomanes» goûtent notamment à Chopin et Schumann, enchaînent un double concert en se revigorant, à la pause, autour d’une paella, à l’aide de quelque crû du vignoble. On attend, en ouverture (le 27 juin), le pianiste Tristan Pfaff et le duo Ophélie Gaillard (violoncelle) & Edna Stern (piano), avant un récital de Rachel Kolly d’Alba (violon) accompagnée au clavier par Christian Chamorel (2 juillet), les pianistes Jacopo Salvatori, Maurizio Baglini (9 juillet)… JACQUES FRESCHEL

Liszt en Provence Château Saint Estève, Uchaux Du 27 juin au 20 août 04 90 40 60 94 www.liszt-en-provence.com


FESTIVALS

MUSIQUE CLASSIQUE

Early music

Grand public

De la musique ancienne à l’affiche des trois premiers concerts des Musicales du Luberon ! En feu d’artifice antithétique, la manifestation débute le jour de la fête nationale par une œuvre austère et sacrée, au demeurant magnifique. Les Vêpres de la Vierge de Monteverdi sont religieusement «revisitées» par le Gabrieli Consort dirigé par Paul Mc Creesh (le 14 juillet). En attendant le Stabat mater de Vivaldi chanté par la mezzo Romina Basso accompagnée du Venice Baroque Orchestra (le 25 juillet) et un concert du Deller Consort, dont on célèbre cette année le 60e anniversaire (le 29 juillet). Concerts à 21h.

La 5e édition des Nuits Musicales Sainte Victoire affiche à nouveau (après La Traviata et Carmina Burana en 2009) des opus «populaires» au pied de la montagne chère à Cézanne. On découvre une chorégraphie de Carmen sur la musique de Bizet, l’opéra de Puccini La Bohème et les concertos Les Quatre Saisons de Vivaldi avec pour récitante dame Eve Ruggieri. Les chanteurs, danseurs et instrumentistes de l’Opéra National d’Ukraine sont dirigés par Grigori Penteleïtchouk. Concerts à 21h30. J.F.

La Bohème à Peynier les 23 et 25 juin et à Rognes le 30 juin Carmen Suite à Peynier les 24 et 26 juin et à Rognes le 29 juin Les Quatre Saisons à Mimet le 27 juin et au Tholonet le 28 juin 04 77 61 26 40 www.nuits-sainte-victoire.com

J.F.

>

Musicales du Luberon Eglise St-Luc, Ménerbes Du 14 juillet au 4 août 04 90 72 68 53 www.musicalesluberon.com

>

Le Venise Baroque orchestra © X-D.R

Grigori Penteleitchouk © X-D.R.

20

Grande boucle Le festival itinérant Les Floraisons Musicales débute à Châteauneuf-du-Pape avec l’Orchestre d’Harmonie de Lecce (27 juin) avant le Trio Franck Bridge -violon, violoncelle et piano (6 juillet)… Un tour de quelques 26 concerts avec étapes à Boulbon, Moustiers-Ste-Marie, Porquerolles, la Ste-Baume, Valréas, Vaison, Bollène et Bagnols-sur-Cèze. J.F.

Les Floraisons Musicales jusqu’au 17 octobre 04 90 303 600 www.floraisonsmusicales.com

On en pince !

Tour symphonique

Depuis 2001, l’«association pour le rayonnement de la guitare» Aguira organise un Festival de Guitare à Lambesc qui réunit des artistes de renommée internationale, aux châteaux de Valmousse et Pontet-Bagatelle, réputés pour leurs crus. Cet été on entend l’Argentin Juan Falu, Pedro Soler dans son flamenco orthodoxe, Antonello Lixi pour des programmes baroques et Valérie Duchateau dans un hommage à Django Reinhardt. On n’oublie pas le compositeur et virtuose Jorge Cardoso (directeur artistique) dont on découvre deux Concertos, le soir de la clôture du festival, en guise d’anniversaire, avant l’interprétation par le français Gérard Abiton du célèbre Concerto d’Aranjuez avec l’orchestre Aguira (3 juillet). Concerts à 21h.

L’Orchestre Philharmonique du Pays d’Aix dirigé par Jacques Chalmeau présente un programme autour de la «Symphonie Classique». Dix concerts gratuits affichent, dans les villes et villages du pays de Cézanne, des mouvements de symphonies de Haydn, Mozart, Beethoven, Schubert, Mendelssohn et Prokofiev. J.F.

10e Festival international de Guitare du 27juin au 3 juillet Lambesc 04 42 92 44 51 www.festivalguitare-lambesc.com

>

Juan Falu © X-D.R.

J.F.

Tournée d’été du 20 juin au 4 juillet Pays d’Aix www.grandtheatre.fr


De l’autre côté À l’ombre du grand frère, le Festival Côté Cour propose à Aix un programme audacieux et original, invitant jeunes talents et artistes confirmés Balkanes, le 2 juillet 21h15, Cour de l’Hôtel de Ville ouvre les festivités avec des chants de Bulgarie. Un hiver de cochon, le 10 juillet à 21h15, d’après Un hiver à Majorque de G. Sand et F. Chopin, est défendu par Cécile Auclert, comédienne, Mélanie Gadenne au piano et Xavier Chatillon au violoncelle (voir Zib’30). Sudden Jazz et Sudameris, le 17 juillet à 21h15, mêlera jazz, classique, slam (Aïssa Malouk), pour une Balkanes © X-D.R.

soirée exceptionnelle au Cloître des Oblats. Adventura Trio, (Isabelle Bonnadier, soprano, Barbara Morel, piano, Marie-Hélène Vuillermet, clarinettes et percussions le 20 juillet à 21h15) propose un voyage musical au cœur de mélodies populaires ayant inspiré les classiques dans la Cour de l’Hôtel de Ville. Puis ce sera au tour de Dona Kuj, une musique brésilienne au charme contagieux le 23 juillet à 21h15 au Cloître des Oblats. Enfin, La Serva Padrona de Pergolese clôturera le festival le 27 juillet à 21h15 : l’orchestre de chambre Mozaïque, dirigé par Marie-Christine Thomasset, accompagnera les tribulations de Serpina (Raphaële Andrieu, soprano), Uberto (Cyril Rovery, baryton) et Vespone (Alain Iltis, comédien). YVES BERGÉ

Côté Cour, Aix du 2 au 27 juillet 06 83 60 19 80 www.festival-cotecour.org

Campra l’Aixois À tout seigneur tout honneur, c’est Campra qu’on célèbre au 14e Festival des Musiques Patrimoniales initié par Guy Laurent et les Festes d’Orphée ! Il faut dire que, s’il est un musicien aixois ayant réussit une formidable carrière parisienne, c’est à André Campra (1660-1744) que l’on pense. D’autant qu’on célèbre cette année le 350e anniversaire de sa naissance. Un musicien, formé à la Maîtrise de la cathédrale SaintSauveur et dont la longue vie mouvementée mériterait d’en faire le roman ! Quoiqu’il en soit, après un panorama de L’esprit français du Moyen âge à nos jours

(3 juillet), on plonge dans ses Œuvres à Grand Chœur pour l’Église (4 juillet), ses Petits motets à voix d’hommes (6 juillet) et ses Œuvres pour la scène (8 juillet). J.F.

Aix en baroque du 3 au 8 juillet Concerts à 18h à la Chapelle du Sacré-Cœur Conférence illustrée le 4 juillet à 16h (entrée libre) 04 42 99 37 11 www.orphee.org

Impérative mémoire ! C’est avec une pugnacité qui l’honore que Michel Pastore défend l’urgence du Festival Musiques Interdites, avec l’idée que l’art, première chose qu’elles attaquent, est «un remède contre les dictatures». Figure de proue de la 5e édition, Fabrice Lucchini, dans un exercice où il brille, déclame les vers des Fleurs du mal (sait-on que l’œuvre a été officiellement interdite en France jusqu’en… 194 ?). A son «parléchanté», Sandrine Piau répond d’un soprano cristallin par quelque poème Baudelairien mis en musique par Debussy, Fauré ou Duparc (le 10 juillet). On ne manquera pas la représentation d’un opéra Sandrine Piau © Antoine Le Grand-Naive

inachevé du compositeur juif Aldo Finzi traqué par les fascistes italiens. Son Shylock shakespearien, véritable procès du racisme, est complété d’un Psaume gigantesque. Ces opus composés en 1943-44 sont servis par les voix de Dmitry Ulyanov, Sandrine Eyglier, Cyril Rovery, Renée Auphan, l’Orchestre de l’Opéra et le Chœur Ad Fontes dirigés par Gian Paolo Sansogno (le 9 juillet). Pour une poignée d’euro, on se souvient enfin de Joseph Beer, compositeur austro-hongrois, caché à Nice durant l’occupation, ayant miraculeusement échappé à la déportation. Des extraits de son opéra Stradella à Venise (musicien également pourchassé en son temps) sont chantés par Ute Gfrerer et le jeune ténor prometteur Kévin Amiel (le 11 juillet). JACQUES FRESCHEL

5e Festival des Musiques Interdites Opéra de Marseille du 9 au 11 juillet 04 91 55 11 10 www.espaceculture.net Exposition jusqu’au 13 juillet et Conférence de Gottfried Wagner le 10 juillet à 14h30 au CRDP


22

FESTIVALS

JAZZ

Un parfum Freedom Le Charlie Free Festival est le premier rendez-vous jazz de l’été, à ne pas manquer. Il se déroule durant le 1er week-end de Juillet, dans un cadre exceptionnel et une ambiance très chaleureuse. Les soirées très conviviales sont placées sous le signe du développement durable, et le parfum jazz de l’été s’y fait délicieusement sentir... La 13e édition annonce une programmation intéressante et variée ! Des artistes de stature internationale donneront à entendre, à rêver et aussi à sentir le monde tel qu’il bat ou respire. Le 2 juillet : À 19h les musiciens de La Mécanique des Fluides, spécialistes de la rue, transporteront de l’émotion parmi le public pour inviter à partager la magie des lieux en fanfare. Puis MELC, groupe invité en résidence de création cette année au Domaine de Fontblanche, proposera des ballades sonores urbaines alliant électronique et acoustique. Danzas avec l’ensemble international de 9 musiciens réunis par Jean-Marie Machado fera découvrir un répertoire jazz inédit qui puise dans les musiques

populaires, classiques ou actuelles pour une Fiesta Nocturna. Le 3 juillet : Un trésor de propositions pour ce samedi avec François Cordas, un 4tet aux influences transatlantiques. Puis la fanfare Samenakoa composée de 11 musiciens inclassables suivie de Sashird Lao, un trio qui propose une furieuse mixture de jazz groovy et de world music. Enrico Rava avec ses 8 musiciens et embrassera enfin la pluralité des jazz. Le 4 juillet : Des accents traditionnels jusqu’aux sons jazz les plus débridés, le Florent Pujuila 5tet Z produit une musique explosive et charnue. La 3e fanfare sera marseillaise et déjantée, avec les 12 musiciens de Wonderbrass. Puis Mina Agossi chanteuse franco-béninoise au répertoire original et depuissant. Enfin Odean Pope, saxophoniste post-coltranien qui a côtoyé les plus grands, sera entouré de 7 «All Stars» américaines. Un événement pour clôturer le Festival. DAN WARZY

Longchamp Palace Chaque année le Festival organisé par la Ville de Marseille s’étoffe, s’agrémente de manifestations gratuites, d’expositions, (6 cette année !), de discussions avec les artistes. Chaque année aussi les soirées à Longchamp s’allongent et rassemblent un public de plus en plus nombreux, éclectique, du touriste de passage au mordu du jazz, en passant par des Marseillais de tous les coins de la ville… Il faut dire que l’ambiance est belle, la restauration sur place possible, le lieu magique… Avec des afters au Pelle Melle, après minuit, pour vous rassasier jusqu’au bout. Le coup d’envoi sera donné le 19 juillet dès 20h sur le Cours d’Estienne d’Orves. Un Brass Band de rue en ouverture de cette soirée gratuite sera suivi de la prestation des élèves et enseignants de la classe de jazz de la Cité de la Musique de Marseille. Le Magic Malik Orchestra s’appropriera ensuite la scène pour faire goûter sa musique au Al Jarreau © Rocky Schenck-hallway

plus grand nombre venu là pour célébrer le 10e anniversaire de cette manifestation. Ouverture des grilles à 19h30, jusqu’au bout des nuits ! La chanteuse et contrebassiste Esperanza Spalding inaugurera la scène des Jardins du Palais Longchamp le 20 juillet. La 2e partie de la soirée nous fera découvrir le sextet d’Al Jarreau. Le 21, ce sera au tour d’Omri Mor qui fera entendre sa musique puisée en diverses sources et influences et devra exercer tout son talent pour faire patienter un public venu pour l’extraordinaire Freedom Band avec Chick Corea, Kenny Garrett, Chris McBride, Roy Hanes qu’il n’est plus nécessaire de présenter. Une excellente soirée en perspective ! Le 22 juillet c’est la trompette à quart de ton d’Ibrahim Maalouf qui sonnera, suivie par le concert du bassiste talentueux Richard Bona. La 5e soirée (le 23) sera ouverte par Yaron Herman, pianiste élu en 2008 aux Victoires du Jazz puis du Manu Katché 4tet avec, en invités, la chanteuse marseillaise Marion Rampal et le guitariste Sylvain Luc. La soirée de clôture du samedi 24 rendra hommage à Django Reinhardt avec le guitariste Birelli Lagrène et Didier Lockwood, l’éclectique violoniste dans une formation en 4tet. La seconde partie sera assurée par Maceo Parker et son grand orchestre qui animera les jardins dans un final très funky. DAN WARZY

Jazz des 5 continents Du 19 au 24 juillet Expositions Espace Bargemon, BMVR Alcazar, Maison Blanche, le Passage de l’Art, CAMàYEUX, Espace Culture de juin à septembre 04 95 09 32 57 www.festival-jazz-cinq-continents.com Ouverture des grilles dès 19h30 - Accès handicapés, contact la veille au ou contact@festival-jazz-cinqcontinents.com

Odean Pope © X-D.R.

Charlie Jazz Festival Domaine de Fontblanche, Vitrolles Du 1er au 3 juillet 04 42 79 63 60 www.charliefree.com

Ça jazze aussi à Toulon Le jazz aussi animé l’été les places toulonnaises… avec 18 concerts gratuits et itinérants, tous les soirs dans un lieu différent à partir de 21h30, mais aussi des concerts apéritifs à 17h30. Un aperçu, non exhaustif de l’excellente programmation : Glenn Miller Memorial Orchestra (swing), Orlando Maraca Valle New All Stars Project avec David Sanchez (Latin jazz cubain), Elie Portal avec le All Jazz Sextet (Hard-bop), Memory Big Band de Marc Mary en hommage à Ella Fitzgerald et Count Basie (swing), Marcel Sabiani 4tet avec le saxophoniste Jerry Bergonzi. Un concert à ne vraiment pas manquer ? le 21 juillet à 21h30 Place Besagne le Fly Trio, trois musiciens incontournables, Jeff Ballard (bat), Mark Turner (sax), Larry Grenadier (ctb). D’autres ? Térez Montcalm, chanteuse à la voix rauque, en 4tet, Steve Laffont trio (manouche), Michel Jonasz trio, le concert coup de cœur et concert de clôture avec le Will the Blue Griot sextet avec Willy Caid (blues-soul). Et tous les concerts à l’heure de l’apéritif sont tentants ! S’il ne fallait en entendre qu’un ce serait celui des 4 Essentials, le 4tet de Thierry Maillard avec le violon de Dedora Seffer le samedi 24, Place Puget. D.W.

Festival Jazz à Toulon du 16 au 25 juillet 04 94 09 71 00 www.jazzatoulon.com Fly Trio © Robert Lewis


50 ans de stars à Juan La scène mythique de la Pinède Gould à l’aura internationale fête son jubilé. Doyen des Festivals européens de jazz, ce lieu légendaire -pour décor l’étendue de la mer- affirme avec force et moyens un éternel renouvellement. Un programme fabuleux qui déplacera de nombreux amateurs du 14 au 25 juillet. Antibes s’apprête à accueillir un nombre impressionnant de musiciens reconnus de la Terre entière. Marcus Miller sera pour cet anniversaire un parrain d’exception, le «Master of Ceremony». À l’affiche Jamie Cullum,

Brooklyn Funk Essentials © Andrea Davis Kronlund

David Sanborn, Georges Benson, Spokfrevo orchestra, Chucho Valdès & the afro-cuban messangers, Monty Alexander & Harlem Kingston Express, Dee Dee Bridgwater, Melody Gardot, Hommage à Django Reinhardt avec Le Manoir de mes Rêves, Avishaï Cohen, Paco de Lucia, Joshua Redman double trio, Roy Hargrove 5tet, Keith Jarrett, Gary Peacock et Jack Dejohnette, Kyle Eastwood, Diana Krall, Black Dub, Brooklyn Funk Essentials, Maceo Parker, Manu Katché, Marcus Miller, Liz McComb... et la coupe n’est pas pleine ! Car trois scènes OFF fonctionneront tous les soirs ainsi que des JamSessions à l’Eden Jazz Club. Des expositions : 1960-2010 Jazz et Juan s’affichent à la Médiathèque communautaire, Le Jazz selon Sacha Chimkewitch aux Bains-Douches, Oeuvres lumineuses d’Alexandre Mediantsev à l’Hôtel Garden Beach. Un petit tour à Juan ? Vous y resterez 12 jours ! D.W.

Jazz à Juan Du 14 au 25 juillet 04 97 231 111 www.jazzajuan.com

Beau prélude ! En avant-goût de la 3e édition du Festival Jazz à Saint Rémy, 3 événements majeurs mobiliseront les mélomanes éclairés ; le 20 juin, dans le parc du somptueux Château de Roussan, une aubade gracieuse sera proposée, à partir de 15h30 avec Tzigal Swing et Penéquet Time ; lui succédera, à partir de 18h30, un concert du Jan Van Naeltwijk Quintet, suivi d’une «grignoterie». Le 26 juin, à 20h, le jazz résonnera sous les étoiles, scintillant sur les Jardins de l’Hôtel de Sade avec le Concert Jeunes Talents, en collaboration avec l’IMFP de Salon, avec le

Sur l’île !

Des concerts que l’on n’entend nulle part ailleurs ? Étant données la sidérante beauté du lieu, l’Île de Porquerolles, et la variété époustouflante de la programmation, cela pourrait être vrai : Archie Shepp, Marc Ribot, Wayne Dockery, Steve McCraven, Aldo Romano, Géraldine Laurent, Fabricio Bosso, Henri Texier, les lauréats du tremplin Jazz à Porquerolles, Sylvain Luc et les frères Chemirani et Stéphane Belmondo, Rokia Traoré, Marion

groupe Point de Vue, messager d’un jazz très actuel, et le Kenlix Quartet, de facture plus classique. Le 10 juillet, le jazz sera associé au travail des artistes plasticiens en création dans le cadre du Festival d’Art contemporain AP’ART (voir p 67) : une joute musicale dans laquelle deux groupes, l’un itinérant, l’autre assigné à demeure sur la place de la Mairie, s’affronteront dans un duel impitoyable ! JEAN-MATHIEU COLOMBANI

http://jazzasaintremy.free.fr

Rampal, Dave Liebman, Drew Gress, John Abercrombie, Billy Hart, Marc Copeland, Eric Cosaque & Cie et Philippe Cantinol, la compagnie des musiques à ouir, l’Ensemble Batucada, Gilles Defacques… D.W.

Festival Jazz à Porquerolles du 12 au 18 juillet 06 31 79 81 90 www.jazzaporquerolles.org


24

FESTIVALS

MUSIQUES ACTUELLES la musique répétitive un bon vieux classique. Reste à finir en beauté : la nuit des gratte-ciel qui s’écroulent dans la mer (11/7) sonnera comme un doux euphémisme ! Blixa Bargeld, chanteur des Einstürzende Neubauten, groupe phare industriel du Berlin alternatif des années 90 pacsé à Alva Noto, l’homme électro germanique et précédés du couple rock surchauffé Double Nelson. De quoi vaciller !

Nuits de folie

FRÉDÉRIC ISOLETTA

Festival MIMI Du 1er au 14 juillet Concerts à 21h15 Iles du Frioul, Marseille Billetterie embarcadère vieux port de 17h à 19h45 www.amicentre.biz

La ferme ! Krautrock de Faust. Suivra la nuit de Nchan (8/7), fondateur du projet Sisygambis, disparu tragiquement l’année dernière, transfusion de l’image et de la musique aux confins du monde associée aux créatifs anglais Addictive TV. Le lendemain (9/7), stop aux plumes dans le derrière! La nuit anti-plumes décape les musiques du monde sans complexe sous les combos de Cannibales et Vahinés (Résidence de création) et de Zun Zun Egui, des malgaches et japonais venus d’outre-manche… Entre le minimalisme du compositeur de la scène New-Yorkaise Arnold Dreyblatt et l’auteur phare de danse et de théâtre outre-Atlantique Carl Hancock Rux qui mélange blues et opéra, la nuit de la Boucle (10/7) fera de

Plein soleil

Emel Mathlouthi © X-D.R

Du 12 au 18 juillet se tiendra la quinzième édition du Festival les Suds à Arles. Car chaque été depuis 1996, en plein cœur des Rencontres Internationales de la Photo (voir p 66), la cité arlésienne devient aussi le terrain de jeu des musiques du monde. Avec, toujours, la présence exceptionnelle de grandes voix du «monde» dans le magnifique Théâtre antique comme Salif Keïta, Diego El Cigala et Gogol Bordello pour son gipsy punk (15/7 à 21h30). Les Suds vous convient aussi à des créations du festival (Giovanna Marini, A Tres Votz), à une Carte Blanche Sacem avec Titi Robin & Faiz Ali Faiz et Emel Mathlouthi, et à d’intéressants concepts : Les nouveaux Moments précieux (par exemple le pianiste contemporain François Rossé accompagnant le koto japonais Mieko Miyazaki le 15/7 à 19h30) dans la Cour de l’Archevêché, et une Rencontre entre musique du monde et monde virtuel : jeu vidéo The Lapins Crétins™ - La Grosse Aventure et la fanfare Vagabontu aux anciens Ateliers SNCF pour la Nuit des Forges tous les soirs après les soirées Suds. Le séjour en terre arlésienne peut comme toujours être ponctué de stages de musique, de chant et de danse pour tous niveaux, sans oublier la cuisine camarguaise, le yoga, la calligraphie arabe... En somme, une bonne partie de la terre a rendez-vous en Arles : de l’Argentine à la Chine en passant par le Liban, le pays d’Oc, la Vendée, la Suisse, les USA, la Tunisie, l’Italie, le Mali, la Roumanie, le Pakistan, la Gambie, l’Ukraine, l’Angleterre, le Trinidad et l’Andalousie ! FREDERIC ISOLETTA

Les Suds Arles du 12 au 18 juillet 04 90 96 06 27 www.suds-arles.com

Magic Slim © Franck Bigoin

Addictve TV © X-D_R

Du 1er au 14 juillet les îles du Frioul vont connaitre une effervescence à marquer d’une pierre blanche. Et pour cause, le Festival MIMI fête ses 25 ans avec comme nouveauté un partenariat avec Seconde Nature, l’école supérieure d’art d’Aix-enProvence et le soutien de Marseille Provence 2013 pour un parcours d’installations plastiques et sonores sur toute l’île de Ratonneau. Lieu de croisement interstellaire des arts, l’hôpital Caroline accueillera cinq nuits de folie autour des musiques innovantes. La nuit Klokobetz/Krautrock ouvrira les festivités (7/7) sur la rencontre insolite de Labyala Nosfell, inventeur du langage Klokobetz, conteur moderne, et l’Art-errorist Jean Hervé Péron, co-inventeur du

Les Festives de Font-Robert vont vous dérouter ! Avec le blues country de Magic Slim, dernière légende vivante du Chicago blues, et Honeymen au château du marquis de Piozin à Peyruis le premier soir (15/7 à 21h), le ton semblera donné dès l’entrée… mais suivra une soirée pourtant complètement différente quelques milliers de kilomètres au sud, direction l’Amérique latine avec le son des Caraïbes de Maraca + Diabloson cette fois à la Ferme de Font-Robert (16/7 à 21h). Retour chez nous avec une clôture variété chanson française en compagnie du champion de surf à ses heures Tom Frager and Gwayav et Joyce Jonathan toujours à la Ferme (17/7 à 21h). Trois soirées, trois concerts et trois couleurs différentes pour cette dix-septième édition : histoire de satisfaire tous les goûts au cœur de l’amphithéâtre de verdure niché au milieu d’une ferme du XVIe siècle, un lieu et une programmation qui valent le détour! FRÉDÉRIC ISOLETTA

Festives Font Robert Châteaux-Arnoux Saint-Auban (04) du 15 au 17 juillet 04 92 64 02 64 www.theatredurance.com


FESTIVALS

C’est désormais jusqu’à six qu’il faudra compter pour profiter pleinement des soirées du Festival Nuits Métis, tout simplement deux fois plus que l’édition 2009 ! Implantée sur Miramas, la programmation

Rit et Papet J © Abed Abidat

de musique du monde prévoit une mosaïque riche avec des escales en Algérie, Côte-d’Ivoire, France, Guinée, Tunisie, Roumanie ainsi qu’aux États-Unis et aux Comores. Un rendez-vous pré-estival très riche, qui comptera sur la présence de Sam Karpénia, Papet J et Rit, Alatoul, Dobet Gnahoré (la chanteuse ivoirienne primée au Grammy Award 2010), Accords de Cordes, Lo Cor de la Plana, Cie théâtre Djumbé, Fanfare Vagabontu, Joe Driscoll et Sékou Kouyaté, Katell Boisneau et Prince Abdou. Se succèderont dans un esprit de fête et de partage concerts, déambulations de fanfares, mais aussi spectacles de contes dans divers lieux comme les arènes d’Entressen, le théâtre de la Colonne, le collège Miramaris et le Comœdia… sans compter que les trois derniers jours de la manifestation se dérouleront au plan d’eau de Saint-Suspi, toujours à Miramas. À noter que ce festival est… gratuit ! F.I.

Les Nuits Métis Du 22 au 27 juin Miramas 04 90 17 48 38 www.nuits-metis.org

Robion cité du monde

Sarah Blasko © Cybele Malinowski

Métisse le son

Du 15 au 24 juillet, la quatorzième édition du Festival des musiques du monde de Robion va faire des heureux. Question métissage, on ne peut mieux faire : musique russe, blues, hindi, latino, méditerranéenne… De quoi contenter les adeptes de ce rendez-vous vauclusien festif et convivial. Entre le très accueillant théâtre de verdure, la place Jules Ferry et la jolie cour de la Roumanière, il sera plus qu’agréable de déambuler aux sons russes de Davaï et Divano Dromensa (15/7 19h et 21h30), Miss W White and the drunken piano et Rupa & april fishes (16/7 19h30 et 21h30), Yasmina et Sarah Blasko (17/7 19h30 et 21h30), Zaman Fabriq (22/7 19h), Maka duo et Novalima (23/7 19h30 et 21h30) et pour finir les Cocosunshine et… Susheela Raman (24/7 19h30 et 21h30). Direction ? Robion !

La Crau est à nous ! 6 ans d’existence déjà ! Le domaine magnifique de l’Etang des Aulnes est un formidable lieu de convivialité, et les Aulnes Rouges offrent une programmation de qualité oscillant entre pop, rock et chanson festive. Les 9 et 10 juillet à Saint-Martin

25

de Crau au bord de l’étang, le Festival verra se succéder le premier soir sous le son des cigales Eiffel, General Electriks, Quand la diva s’en mêle et un after au son des platines (9/7). La finale du tremplin, et excusez du peu, les toujours fringants Pigalle, la fameuse révélation Yodelice et rien que pour vous Mickey3d et sa bande se succèderont avec en bonus une fanfare et des animations qui ponctueront ce week-end, à noter sur son agenda estival (10/7) ! De quoi (re)découvrir ce lieu accueillant et festif doté d’un menu attractif et alléchant. F.I.

F.I. Pigalle © X-D.R

Les Aulnes Rouges Les 9 et 10 juillet Navettes gratuites au départ de St Martin de Crau 04 90 47 06 80 www.lesaulnesrouges.fr

Festival de Robion Du 15 au 24 juillet 04 90 05 84 31 www.myspace.com/festivalderobion

Sous les oliviers Jordana (24/7), Les 4 barbu(es) (29/7), Revolver (31/7), soirée Cinéma Brut (5/8), Pony Pony Run Run (6/8), Pool Party (7/8) et Hindi Zahra (13/8) succèderont au Mas des Escaravatiers. The Gladiators © X-D.R.

Le Festival Le Mas en Concert souffle sa 8e bougie du 29 mai au 13 août, au Mas des Escaravatiers, à Puget-sur-Argens. Une belle édition ! L’art et la musique se mêlent dans un lieu d’exception à ciel ouvert sous les oliviers… Avec une programmation On pour des artistes reconnus et une Off pour ceux en devenir, Le Mas invite une pléiade d’artistes alternatifs qui valent le déplacement. Carl Craig (25/6), The Gladiators (1/7), Brigitte Fontaine (8/7), Plasticines + Hyphen (16/7), Biologik Solar System (17/7), Jil Is Lucky (23/7), Camélia

F.I.

Le Mas en concert Jusqu’au 13 août 04 94 81 56 83 www.lemas-concert.com


26

FESTIVALS

MUSIQUES ACTUELLES

Places musicales

Une manifestation chasse l’autre sur le vaste territoire d’Agglopole Provence : sitôt Lire Ensemble terminée, voilà que Les Musicales prennent place dans les 17 communes, en y proposant des concerts, en partenariat avec le Portail Coucou et l’Institut musical de formation professionnel (IMFP). C’est l’occasion, renouvelée lors de chaque manifestation, de (re)découvrir les villes et villages du territoire par le biais de concerts donnés sur les places, parvis et dans

les théâtres de verdure. Au programme cette année, de la rumba congolaise avec Papa Dixon (à Salon le 18 juin), du rock avec Clan D et Boogie Balagan (à La Barben le 19 juin) et Garage Express (à Charleval le 3 juillet), du reggae avec Toko Blaze (à Pelissanne le 2 juillet) et Druncksoul (à Eyguières le 4 juillet) et du jazz manouche avec Noto Swing (à Sénas le 20 juin et Lançon le 27), Tzwing (à Vernègues le 25 juin et Saint-Chamas le 26). Prenez le temps

d’écouter, les concerts sont gratuits, et les groupes invités vous baladent d’un style à l’autre avec un vrai sens de la fête ! DO.M.

Les Musicales d’Agglopole Provence Jusqu’au 4 juillet 04 90 44 85 85 www.agglopole-provence.fr

Toko Blaze © X-D.R

Le port s’anime Les Nuits des Iguanes Cie Entre Ciel et Terre © Francis Leclerc

À Port-Saint-Louis, aux confins du Rhône et de la Méditerranée, se trouve le Citron Jaune, Centre National des arts de la rue mené par la compagnie Ilotopie. C’est lui qui, en partenariat avec la ville, égaiera les mercredis de juillet dès 19h, avec des spectacles de musique, de théâtre de rue et de cinéma en plein air, le tout se déroulant dans le respect des normes eco-responsables, de la restauration au tri des déchets. Dès le 7 juillet, la fanfare tzigane décapante Fanfara Lui Craciun donnera le ton, suivie des acrobaties du trio de la cie Le Cubitus du Manchot et d’un concert pop rock des Little Midgar. Le 14, le duo Les Dithyrambes vous prouvera que le punk peut être précieux, avant que la délirante Rosie Volt, acrobate de la glotte, ne vienne chanter à gorge déployée La Natür c’est le bonhür ! Le 21, après le p’tit bal à 6 francs 6 sous de Dj muzett, la fildefériste Lucy Boulay présentera Pétule, petit bijou de prouesses techniques et poétiques interprété avec une marionnette. Et pour le dernier mercredi du mois, après les rythmes endiablés de Cocosunshine, ne ratez pas la danse prodigieuse de Lara Castiglioni avec le feu, Entre terre et ciel…

Les Mercredis du Port Les 7, 14, 21 et 28 juillet Dès 19h Le Citron Jaune, Port-Saint-Louis 04 42 48 40 04 www.ilotopie.com

DO.M.

Les Nuits d’Istres Les 4, 5, 8 et 12 juillet Pavillon de Grignan, Istres 04 42 81 76 00 www.istres.fr Iggy Pop © 2005 Getty Images

Diams et brillant C’est au pied du château, dans le parc, qu’a lieu chaque année depuis quatre ans le Festival de Solliès-Pont, à mi-chemin entre Hyères et Toulon. Quatre soirées pour quatre concerts, quatre pointures de la scène musicale française, dans des

Olivia Ruiz © Sylvain Piraux

DO.M.

Concert événement donc, pour lequel on vous conseille fortement de réserver… À noter une nouveauté: la formule dîner-concert, les repas étant concoctés par le chef étoilé istréen Sébastien Richard…

Après s’être promené dans quelques lieux emblématiques de la ville, des bords de l’Étang au Palio, Les Nuits d’Istres, ex Estivales, reviennent s’installer intégralement dans le cadre magnifique du Pavillon de Grignan, lieu magique s’il en est, où cigales et musique s’unissent pour offrir des soirées exceptionnelles. Et gageons qu’elles le seront, si l’on en croit les têtes d’affiche annoncées : Vanessa Paradis revient à Istres (elle était déjà présente en 2001) pour un concert acoustique le 5 juillet ; quelques jours plus tard, le 8, c’est au tour de Jacques Higelin de prendre place sous les arbres séculaires du Pavillon, pour un concert Coup de foudre, rapport au titre de son séduisant dernier album ; le dernier concert enfin, le 12 juillet, devrait être d’anthologie avec la venue d’Iggy Pop. Et non seulement l’iguane, mais aussi The Stooges, groupe mythique reformé en 2003 (mais pas sous sa forme originelle, James Williamson intégrant la formation suite au décès de Ron Asheton en 2009).

styles très divers : c’est Diam’s qui ouvre le bal le 15 juillet, suivie le lendemain de la Miss Météores Olivia Ruiz ; puis changement radical de genre avec la troupe de Mozart l’opéra rock qui chante quelques chansons du spectacle au profit de l’association Un sourire, un espoir pour la vie de Pascal Olmeta (le 17). Pour finir c’est Dany Brillant qui fera chalouper les festivaliers sur les rythmes salsa dont il a le secret le 18 juillet. DO.M.

Festival du Château Du 15 au 18 juillet 04 94 13 05 87 www.festivalduchateau.com


FESTIVALS

27

Manox for all La mode est au vert

C’est dans le cadre privilégié du Théâtre de Verdure et du Parc d’Albertas que le festival Les Arts Verts s’installe chaque année depuis 2003, avec un programme qui fait alterner les rendez-vous musicaux, d’humour et de cinéma en plein air. Et les stars de la chanson française seront présentes cette année encore : Marc Lavoine (le 9/7), Vanessa Paradis (les 16 et 17/7), Calogero (le 20/7) et Alain Souchon (le 21/7) ! Seule touche d’humour (mais irrésistible !) Noëlle Perna/Mado la niçoise fera son show le 12/7. Mais le festival sait aussi offrir des moments gratuits, ce sera le cas notamment avec l’hommage à Luis Mariano, L’Homme à la voix d’or, de Robert Giraud et sa troupe (le 3/7), le concert jazz du groupe Béattitude (le 6/7), la comédie musicale Destination ailleurs de la cie Equinoxe (le 29/7) et le concert du vibraphoniste Michel Terrioux en quintet (le 2/8). Enfin, et parce que le ciné en plein air est toujours un moment agréable, ne ratez pas les projections de Mamma Mia ! (le 19/7) et de La famille Suricate (le 18/7). Manu Dibango © Didier Pallages

Dans le Parc de la Drouille à Manosque, l’association À l’Affiche organise le festival Musiks à Manosque depuis 25 ans. Cette année, rallongeant les festivités d’un jour et renouant avec la gratuité complète des soirées, le festival verra se succéder tous les soirs des artistes connus et reconnus, à raison de deux concerts par soir : le 17 juillet, la pop alternative de Siméo précèdera le reggae du bien nommé Julian Marley ; le lendemain, Raul Paz enchantera la soirée, partageant l’affiche avec Dj Tounga ; puis, le 19, soirée française et groovy avec Tété et la fanfare funk Le Gros tube ; le 20, les énergiques et sympathiques musiciens du groupe Bratsch partageront la scène avec In the club ; le 21, le rock des Robertes chauffera la piste avant l’entrée

en scène de The Stars, Paul Di Anno et Tim Bogert; le dernier soir, place aux sons métissés du jazz et des rythmes africains avec Smod et Manu Dibango. Et puis, tous les après-midi, de 15h à 17h30, c’est au plan d’eau des Vannades qu’ont lieu les siestes et apéro musicaux, belle mise en condition avant d’aborder ces soirées endiablées ! Musiks à Manosque Du 17 au 22 juillet Office de tourisme 04 92 72 16 00

Panier gourmand 17 ans que ça dure : la Fête du Panier se déroule dans le plus vieux quartier de Marseille, toujours en plein air et toujours gratuite ! Avec le parcours Le Panier, de l’Art à la Manière jusqu’au 26 juin, l’accent est mis sur la découverte d’un patrimoine inédit avec notamment des vernissages et rencontres avec des artistes installés dans les ruelles sinueuses. Départ en petit train ou calèche. Ceux qui comptent s’y rendre seulement la nuit profiteront des Poum Tchack (18/6 à 23h place des Pistoles), suivis de Superfunk et Alif Tree (18/6 à 20h place des 13 coins) en attendant le lendemain soir la fanfare à mobylettes Tobrogoï, Mars / Haïf, Rona Hartner et les Dubs Pistols (de 20h30 à 0h30 le 19/6 place des Pistoles), ou Sac à Boulons et Les Enjoliveurs «Ole Maestro» (18/6 à partir de 20h30 place de Lenche). F.I.

Fête du Panier, Marseille Les 18 et 19 juin www.fetedupanier.org

Festival Les Arts Verts Du 1er juillet au 2 août Gemenos 0 892 683 622/0 892 390 100 www.mairie-gemenos.fr Alain Souchon © X-D.R.


28

MUSIQUE

ACTUELLES

Concert sonique Hors des sentiers battus et des tournées formatées, le GRIM nous offrait un concert one-shot atypique de Lee Ranaldo et Jean-Marc Montera, goûté sans retenue par un parterre plus que nombreux d’amateurs du genre. Et c’est bien d’une traite et culsec qu’il fallait consommer cette hypnotique performance guitaristique de haut-vol, une heure presque en apnée, immergé dans le flot vidéo aquatique qui servait de fond à la prestation des deux guitaristes de talent. Retenant son souffle, le public assis à même le sol s’est laissé initier à ce rite quasi chamanique où la guitare ne sait plus ce qu’elle est, pendue dans un premier temps au bout d’une corde et tournoyant au dessus des spectateurs concentrés. Lee Ranaldo, adepte des expérimentations sonores (en bon co-fondateur des Sonic Youth qu’il est) ne laisse pas de répit à sa guitare : frottée à l’archet, battue à la baguette, effleurée de ses mains, elle n’en finit plus de vibrer, d’offrir distorsions et réverbérations, s’effaçant peu à peu dans la pénombre qui n’en fait que plus ressortir le motif visuel de la vidéo de fond. Jean-Marc Montera répond à cette immersion sonore tantôt par une guitare électrique frottée à l’archet, tantôt par une guitare sèche paradoxale, presque incongrue, qui ramène une poésie légère en guise de bulles d’air dans ce flot électrique. Étonnante, envoutante et réussie, cette

Lee Ranaldo © X-D.R.

transe musicale laissera dans son sillage des auditeurs conquis, ravis d’avoir flotté pendant une heure sur ce flux rare et intemporel. PASCALE FRANCHI

Jeune homme recherche appartement C’est sur une terrasse face au Palais Longchamp qu’a eu lieu le 4 juin le concert remarqué de Mina May Le concept singulier des concerts en appartement se poursuit cette année avec beaucoup de succès. Initié par La Grosse Production, ce type de rendezvous à la fois intimiste et convivial est une entreprise qui tourne, et ce n’est pas la prestation de Mina May, soutenu par Tandem (scène de musiques actuelles du Var), au cœur du quartier Longchamp

Mina May s’installe alors quand la nuit est bien noire, avec toutes les influences pop rock et tendances indi rock presque psyché par moment, plongeant l’assistance dans une ambiance vraiment cool. Un concert trois fois réussi donc, malgré quelques petits problèmes techniques annoncés par moment, et à peine éprouvés… Une belle soirée à domicile, à retrouver sur le CD qui sort actuellement.

«chez Daniel» qui va le contredire. En réunissant une centaine de personnes toutes heureuses d’être là, le groupe composé d’Antoni (basse-claviers-guitare), Concertmate (basse-claviers), El Pulpo (batterie) et Flashing Teeth (voix, guitare), formation née à Toulon en 2000, a su confirmer la pertinence d’une formule en devenir. Les décibels ont commencé à ronfler avec les deux derniers nommés (guitare acoustique et voix pour l’un, synthé et improvisations électroniques pour l’autre) pour un avant-gout de solos délicieux en attendant la bande au complet.

SONIA ISOLETTA

CD Mina May. Label Silverstation Records

L’Afrique du Sud pour autre chose… Mahotella Queens © X-D.R.

En ces temps où le ballon rond semble omniprésent dans les médias, Châteauvallon a eu l’idée singulière d’inviter, ce 4 juin, sur scène, des légendes de la musique Sud-Africaine pour un concert riche en émotions, montrant un visage autrement moins tapageur du pays dont tout le monde parle. La première partie, un peu courte, s’ouvrait avec les Mahotella Queens, trio d’une fraîcheur réjouissante évoluant sur des harmonies vocales colorées typiques d’un certain attachement aux chants traditionnels relevés, çà et là, d’un humour très théâtralisé. La deuxième partie, heureusement plus longue, beaucoup plus orientée «urbaine» dans ses sonorités empruntant au jazz et au blues, était emmenée par le talentueux Hugh Masekela au bugle (parfois doublé aux claviers) et au chant porté par une section

rythmique (basse-batterie-percussions-guitareclaviers) digne d’éloges, mettant en valeur de subtiles orchestrations et des grooves lancinants, quasi hypnotiques. Au chant, la voix qui rappelait celle des griots ou des shouters servait de contrepoint parfait aux attaques franches, pleines de punch, avec une sonorité pourtant douce et feutrée à l’instrument et mettait en valeur un propos engagé, un regard humaniste sur la vie : une fin de concert généreuse en somme et d’un immense professionnalisme dont la rigueur et la qualité n’ont pas échappé à un auditoire visiblement conquis par ces délices sudafricains. EMILIEN MOREAU



30

MUSIQUE

JAZZ

Sculpture et malaxage poétique

Christophe Marguet © Gérard Tissier

Le temps passé ensemble a nourri ce quartet d’une complicité en évolution. Les territoires musicaux mouvants, explorés depuis plus de 3 années, ont été

apprivoisés par Christophe Marguet et ses complices, produisant une cohésion vitale. Ainsi, une solidarité instinctive et toute naturelle s’est établie entre les

espagnol qui a réalisé Buscando la luz, sculpture monumentale d’une dune piquée de fleurs qui est représentée sur la pochette du dernier CD du Quartet Résistance Poétique.

musiciens, chacun prenant des risques créatifs en solo, se sentant appuyé par les autres pour donner le meilleur. Et tous possèdent une grande maîtrise de leur instrument. Dans ce contexte, Bruno Angelini, au piano, se montre extrêmement imaginatif. Mauro Gargano, avec sa contrebasse à tête de lion, devient un orfèvre par son jeu d’une grande lisibilité même à grande vitesse. Sébastien Texier au saxophone alto et aux clarinettes ne manque pas non plus d’inventivité. Enfin, Christophe Marguet à la batterie, leader de cet ensemble, et conducteur de cette alchimie, apporte toute son expérience pour que ses compositions, tout comme des fleurs, puissent être butinées jusqu’à en extraire tout le nectar possible de l’invention créative. Par ce biais, c’est là un magnifique hommage rendu à Eduardo Chillida, le sculpteur basque

DAN WARZY

Le concert a eu lieu le 22 mai au Moulin à Jazz à Vitrolles CD : Buscando la luz – Christophe Marguet Quartet Résistance Poétique / 2010 Abalone Productions/ Le Chant du Monde / Harmonia Mundi CD : Itrane - Christophe Marguet Quartet Résistance Poétique / 2008 Abalone Productions/ Le Chant du Monde / Harmonia Mundi www.christophemarguet.net

Quoi de mieux qu’un pianiste de jazz pour parler de jazz surtout lorsqu’il s’agit de piano ? En talentueux et fidèle admirateur, le musicien Antoine Hervé, que l’on a souvent vu aux côtés de J.F. Zygel à l’écran, est venu présenter sa quatrième et dernière leçon de jazz au Théâtre Denis à Hyères ce samedi 12 juin, consacrée cette fois à un monument encore vivant : le pianiste américain Keith Jarrett. Le propos était clair et concis sans être dénué parfois d’un humour décapant et mettait en évidence une passion non dissimulée pour l’univers artistique foisonnant que ce grand musicien a su construire en plus de deux cents enregistrements. Ainsi, apprenaiton que tantôt adulé comme génie, tantôt critiqué pour son tempérament extrême et jusqu’au-boutiste, il avait débuté comme d’autres avant lui « sur la route », en prenant soin de visiter au passage de

nombreuses « chapelles » et de s’en imprégner tout en restant au-dessus pour se forger une identité artistique unique. Dresser la liste des musiques l’ayant influencé n’est pas un exercice facile tant il semble avoir synthétisé dans son jeu toutes les formes et tous les styles musicaux : de la modalité grégorienne au minimalisme américain en passant par le contrepoint baroque et la musique folk, sa musique s’est construite sur un sens rythmique, harmonique et mélodique très forts. En bon pédagogue, Antoine Hervé a repris au piano et avec beaucoup de toucher le répertoire du maître, mettant en valeur ses différents aspects afin d’éclairer un public d’amateurs sans doute déjà avertis. EMILIEN MOREAU

Antoine Herve © X-D.R.

La boîte à jazz

Quartet onirique de la musique. Le piano, loin d’agir en seigneur du château, a décuplé le sentiment de cohésion de cet ensemble tandis que Jean Luc Di Fraya poussait le talent des musiciens jusqu’au bord de leurs limites… pour notre plus grand plaisir. Un concert inoubliable. DAN WARZY Christian Brazier © Alain Paparone

Un public nombreux était là pour soutenir et écouter le 4tet de Christian Brazier, ensemble constitué des musiciens à l’origine de la création du dernier CD Circumnavigation : Perrine Mansuy aux claviers, Christophe Leloil à la trompette et au bugle, Jean Luc Di Fraya, batterie et chant et… le compositeur à la contrebasse. Une grande sérénité se dégageait de la formation, et tout au long du concert le public a baigné dans un monde onirique. Une invitation au voyage dans l’espace et dans une intemporalité presque religieuse, parfois incantatoire, induite par le caractère très mélodique

Ce concert a été donné au Cri du Port le 20 mai 2010 CD : Christian Brazier Quartet Circumnavigation Label CELP Musiques www.christianbrazier.com



32

MUSIQUE

BAROQUE

Du Baroque fort ! Programmer dans un même concert la très conséquente Missa Votiva de Zelenka et l’Ode pour l’anniversaire de la reine Anne de Haendel, et ce dans l’église du Sacré Chœur à l’acoustique plus que capricieuse, relevait de la gageure ! Difficile en effet de mettre en valeur l’écriture ciselée et brillante de «l’anglais» d’outre Rhin et de travailler la belle matière quasi organique du natif de Bohème et ses multiples plans sonores avec un ensemble aussi compact. Le chœur OPUS 13, à la justesse irréprochable, dirigé avec vigueur par Marie-Hélène Coulomb, resta cependant confiné dans un ton monochrome sans mettre en relief les ondulations contrapuntiques des deux compositeurs. Soulignons pourtant le travail de précision de ces choristes (vocalises impeccables, équilibre des pupitres), qui insufflèrent aux solistes un vent d’enthousiasme. Philippe Martin, baryton au timbre chaleureux avec de beaux aigus, Lucie Roche superbe voix d’alto, chaude, suave, et Cynthia Ranguis soprano tout en délicatesse et rondeur illuminèrent de leur sensibilité les deux œuvres. Regrettons toutefois que l’Orchestre de Chambre de Toulon et du Var, à cause de quelques traits violonistiques mal assurés et d’un problème d’accord entre les cordes-bois et continuo, n’ait pas été à l’unisson des chanteurs. CHRISTOPHE FLOQUET © Danielle Lorin

Violes et tags En fait d’opéra «miniature», comme l’annonçait le programme du Théâtre de Lenche, l’adaptation de Zoroastre de Rameau a duré près d’1h45, soit davantage que Didon et Enée de Purcell ! C’est que Jean-Paul Serra, directeur de l’ensemble BaroquesGraffiti, possède un naturel modeste. Certes, avec ses claviers enrobés de lignes de basses de violes (Christophe Oudin et Jean-Christophe Deleforge) et d’un violon virtuose (Sharman Plesner), on est loin de l’opulent orchestre de Rameau qui tonne de coutume dans ses symphonies. Mais le bon goût et la minutie des artistes ont compensé cette mutilation, offrant au cortège vocal une intimité pas toujours équilibrée, mais assez probante. Sur scène, une jeune soprano prometteuse Eleonora de la Pena et le ténor léger Vincent Le Lièvre-Picard ont

formé un couple lumineux à la West Side Story, alors que Yukimi Yamamoto et Geoffroy Bussière figuraient un négatif ténébreux à leur duo princier… annonçant La Flûte enchantée ! Aux images projetées de fresques-portraits, graffitis «in progress» filmés à la loupe, l’œuvre a retenti de ses antiques feux baroques, mais nous a aussi paru très proche… Il faut dire que la mise en espace de Renaud Marie Leblanc, modeste elle aussi, repose sur quelques accessoires symboliques, et une subtile direction d’acteurs qui mène ces jeunes interprètes vers l’essence même de leur personnage. On attend dorénavant les prolongements de ce travail entrepris sur l’opus, comme l’introduction de ballets qui iraient puiser du côté de l’Afrique… À suivre ! JACQUES ET AGNÈS FRESCHEL © Touhid Ster

Tonton et le foot Alors qu’on prétend que la France entière mange des pizzas et boit des packs de bière face à des équipes cathodiques qui se disputent un ballon, la vie continue ailleurs… Ainsi aux Pennes-Mirabeau, «l’orgue de tonton» réunissait autour de lui de superbes musiciens, dans un concert baroque de belle tenue. L’orgue de tonton ? en fait, l’oncle d’Isabelle Chevalier, l’organiste Alain Corellou, amateur éclairé d’orgue et de jazz, avait sacrifié à sa passion son salon, en avait découpé la mezzanine pour installer son acquisition, l’orgue du collège Provence. À sa mort, l’énorme instrument sera placé dans l’église Saint-Blaise des Pennes Mirabeau, où il prend toute son ampleur. Ainsi, le 12 juin, il était sans doute ravi de vibrer sous les doigts experts d’Isabelle Chevalier, nièce du fameux mélomane (magnifique improvisation sur J. P. Sweelinck). Le concert suivait trois mouvements correspondants aux univers baroques abordés, Allemagne (Schütz, Buxtehude, Bach), Angleterre (Purcell, Handel), Italie (Patta, Monteverdi). Le baryton Jean-Paul Juchem venait compléter avec talent l’Ensemble Dulcisona, donnait la réplique à la soprano Anne Périssé dit Préchacq. Les voix des deux chanteurs se tissent avec intelligence, se fondent dans les belles sonorités du violoncelle, puis s’en échappent avec brio. Ils arpentent les différentes époques, les différentes langues avec le même bonheur. Que ce soit des

Dulcisona © G. Basso

solos ou des duos, l’interprétation en est réfléchie, subtile. Aigus aux belles extensions, notes aériennes de la soprano qui sait aussi donner de beaux passages graves, à l’instar du baryton. Les instrumentistes sont aussi remarquables, un violoncelle magistral et virtuose (Anne-Garance Fabre dit Garrus) et une organiste au jeu précis et délié. Les différents univers baroques, graves ou enjoués étaient servis avec une intelligence musicale remarquable… Un choix de concert (le 4e) dont la jeune association des Amis de l’Orgue peut se féliciter ! MARYVONNE COLOMBANI

Concert donné le 12 juin en l’église Saint-Blaise aux Pennes-Mirabeau


CONTEMPORAINE

Féérie finnoise Musicatreize continue l’aventure des Sept Contes musicaux qui se conclura cette année avec Un Retour d’Oscar Strasnoy au Festival d’Aix (voir p. 16). Mais pour l’heure l’ensemble proposait une version concert d’Antii Puuhaara, l’histoire d’un jeune finlandais abandonné par son père adoptif, riche marchand. Il parcourt le pays rencontrant forêt hostile, sorcière, géant… au péril de sa vie (texte d’Erik Söderblom). Le comédien Olivier Boudrand, voix du narrateur et du marchand, change de timbre et vit le récit avec émotion. La musique de Tapio Tuomela, pour huit chanteurs, violon, alto, violoncelle, clarinette, harpe, accordéon, est d’une grande variété : harmonies subtiles, sons planants Antii Puuhaara © Yves Berge

bouche fermée, bruités, grandes lignes mélodiques, thèmes populaires, dissonances acerbes… avec de beaux soli de Jean Manuel Candenot, basse, et Rodrigo Ferreira, haute-contre. L’ensemble vit le récit, des bâillements à la naissance d’Antii aux multiples crescendi dramatiques ; la direction soutenue de Roland Hayrabédian fait naître une musique aux mille palettes : tuilages, legato lyrique, pizzicati étourdissants, bruissements d’une forêt terrible. Les instruments de chambre se jouent des difficultés rythmiques et mélodiques, tandis que clarinette, accordéon et harpe apportent de belles touches populaires ou impressionnistes : les procédés par amplification et variations sont d’une extrême difficulté dont se sortent avec honneur les musiciens. Un travail polyphonique et contrapunctique, conduit en présence du compositeur : on attend avec impatience la version scénique au Gymnase le 4 novembre ! YVES BERGÉ

Ce concert s’est joué aux Archives et Bibliothèque Départementales Gaston Defferre, à Marseille, le 11 juin

Lumineux ! Au théâtre des Bernardines l’ensemble Télémaque le 29 mai dernier s’est produit avec bonheur dans un programme exigeant Même si le titre Concert des psaumes peut nous paraitre reposant, il n’en est rien ! Dès les premières mesures échappées du magnifique théâtre, Preludium, Postludium and Psalm de la jeune compositrice hollando-polonaise Hanna Kulenty a donné le tournis à l’auditoire. Mais pas aux deux interprètes. JeanMarc Fabiano (accordéon) et Guillaume Rabier (violoncelle) ont su maîtriser l’œuvre toute en virtuosité, véritable dialogue aux confins des possibilités timbriques des instruments, donnant parfois l’illusion auditive d’un scintillement électroacoustique ! Le violoncelle fut ensuite rejoint par la clarinettiste Linda Amrani, le violoniste Yann Le Roux-Sèdes et le pianiste Hubert Reynouard pour le monument qu’est le Quatuor pour la fin du temps d’Olivier Messiaen.

À part, avant-gardiste ou tout simplement hors du temps, la formation inédite de ce quatuor (au début seulement un trio comprenant le 4e mouvement) a été dictée par la présence d’instrumentistes dans un camp en Allemagne en 1940. Inspiré directement d’une citation extraite de l’Apocalypse selon SaintJean, le très spirituel compositeur avignonnais éloigne l’auditeur du temporel à travers des rythmes striés complexes et des couleurs mystiques dans les huit mouvements qui composent l’œuvre. Cette profession de foi très difficile d’exécution a trouvé avec l’Ensemble Télémaque des interprètes formidables qui ont su non seulement se jouer des difficultés techniques dantesques mais également se fondre dans un univers mystique coloré chambriste en étant en parfaite osmose entre eux. Ce qui est une véritable prouesse, étant donnée la partition, et nécessite une complicité de longue date. Avec les interventions éclairées du directeur artistique Raoul Lay et une telle envolée musicale, le temps s’est vu suspendu pour un auditoire conquis, tout heureux d’avoir participé à cet événement. FREDERIC ISOLETTA

Yann Le Roux-Sedes © Agnes Mellon

MUSIQUE 33


34

MUSIQUE

RÉCITALS

Romances gourmandes Dans l’imposante Station Alexandre, ancienne huilerie de structure Eiffel remarquablement restaurée, Lucile Pessey, soprano et Amandine Habib, piano, nous invitaient à un joli menu : romances, airs d’opéras, anecdotes croustillantes et recettes du chef Rossini. Le maître italien, après ses succès (Barbier, Tancredi, Moïse), ne supporte pas l’échec de Guillaume Tell et l’ascension de Meyerbeer : il ne composera plus d’opéras, il n’a pas 40 ans ! Il donne alors des dîners somptueux où se presse le Tout-Paris ; il officie lui-même à la cuisine imposant, à ses hôtes de «tourner le dos» pour ne pas dévoiler ses secrets culinaires ! «Après la paresse, il n’existe pas de plus belle occupation que de manger» : le ton

du récital était donné. La Grande Coquette dévoile la sûreté technique de la soprano, mélodie aux terribles intervalles et un piano sautillant, complice parfait. Le Lazzarone, évocation des oisifs bienheureux de Naples, une voix égale dans tous les registres. La pianiste énonce la recette du risotto au champagne puis enchaîne une Danza diabolique de belle virtuosité. Les airs de la Cenerentola et du Barbier font apprécier la maîtrise de Lucile Pessey dans un feu d’artifice de vocalises. Dans Une caresse à ma femme, la pianiste effleure le clavier avec tendresse, hommage à l’épouse supportant ce mari extravagant. Révérence de cet art de vivre dans la jolie romance finale : Trinquons à la vie ! Le chef du Barocco, restaurant mitoyen,

© Yves Bergé

Rossini à l’usage des gourmands a été proposé à la Station Alexandre le 5 juin

décor théâtral aux saveurs italiennes, prolongeait la soirée en proposant le fameux Tournedos Rossini: tournedos, foie gras, sauce aux truffes ! Un opéra bouffe à consommer sans modération ! YVES BERGÉ

Verdict de l’histoire mais également le mal-être de cet homme, au tempérament amoureux mais voué au célibat, au génie avéré (qu’il dut, comme tous les «noirs parisiens» de l’époque, prouver en s’attaquant avec excellence à tous les domaines), mais jamais accepté entièrement par la

Choral ensoleillé L’exécution est propre, pas de «queue» dans les passages syncopés, la musique n’évite pas les difficultés, les textes sont intelligents et sensibles. Aucune puérilité dans le propos, qui ne cherche pas à édulcorer la réalité. On dépasse largement le cadre scolaire ! D’ailleurs, un disque réalisé lors des quatre concerts (120 à 150 choristes différents par concert) sortira fin septembre… Histoire d’avoir plus qu’un souvenir ému ! M.C.

Ce concert a eu lieu du 18 au 25 mai à Rousset, La Penne-surHuveaune et Miramas dans le cadre du Festival choral académique

Cour : sa direction du Concert des amateurs lui valut en 1775 par l’Almanach Musical la qualification de «meilleur orchestre symphonique de Paris, voire d’Europe» ; ce qui n’empêcha pas Louis XVI, quoiqu’à contrecœur, de lui refuser la direction de l’Académie Royale de Musique suite aux plaintes de trois de ses membres. Ce qui frappe, avant tout, dans ces airs inconnus, c’est leur lyrisme, appuyé par un recours à des thèmes et motifs désarmants de simplicité, la souffrance non dissimulée de la berceuse Dors mon enfant, («ta mère a bien assez de sa douleur» !), visiblement pétrie de souffrances et de déceptions très personnelles, qui n’est pas sans évoquer les thématiques romantiques qui lui succèderont. Un compositeur à redécouvrir d’urgence ! SUSAN BEL

Ce récital a eu lieu le 4 juin à la villa Magalone, Cité de la Musique de Marseille

Cocktail détonant ! Nous les avions déjà applaudis lors du festival Durance Luberon au château de la Verrerie, (voir Zib’ 22). Ils reviennent avec la même verve, le même entrain, le même humour. Le costume a changé, les morceaux sont plus ramassés, mais l’approche désopilante reste intacte. Elle

Opera Molotov © AlietteCosset

La fin des années scolaires suit le rythme des spectacles de fin d’année. Les parents sont prêts à se pâmer devant les performances de leurs chérubins. Chuuuut ! La représentation commence ! Un petit discours de bienvenue, et les héros du jour entrent en scène… Cette année, dans le cadre du Festival choral académique, un artiste de la région, Daniel Beaume, a composé Il pleut du soleil. Les chorales de 21 collèges, préparées par leurs professeurs, ont interprété avec beaucoup d’enthousiasme des chansons qui évoquaient les ombres et les lumières qui hantent la vie des enfants du monde : douceur des marées qui entraînent au rythme des oiseaux, écume, «parfum d’enfance», mais aussi horreur des enfants soldats, des enfants esclaves.

Alain Aubin © maxminniti

L’oubli dans lequel a sombré pendant plus de deux siècles le «mulâtre» Joseph de Bologne, adoubé par son père mais appelé Chevalier de Saint-Georges surtout pour ses qualités d’escrimeur, fait froid dans le dos. L’œuvre musicale de cet homme étonnant, fruit de l’amour d’un riche planteur et d’une esclave, vaut en effet d’être entendue. Les talents de soliste, de chef d’orchestre et de compositeur du jeune guadeloupéen émigré à Paris ne faisaient pas l’ombre d’un doute malgré les préjugés raciaux de l’époque (on se rappelle notamment de la nouvelle impulsion par Louis XV, en 1762, au Code Noir). Aussi Jean-Paul Serra, directeur de l’ensemble Baroques-Graffiti et donc habitué à un autre répertoire, a tout de même tenu à proposer, avec le contre-ténor Alain Aubin, des partitions de la BNF, inédites pour la plupart,. Et à les mettre en parallèle avec des airs de Mozart, qu’on eut plaisir à réentendre. La musicalité fut évidemment au rendez-vous, servie par des lectures enflammées de textes resituant l’époque

vient du lyrique, il vient du jazz… Rencontre improbable de deux univers, et un talent fou ! Cathy Heiting, soprano, (la grandissime Katia Kalchnikova), Jonathan Soucasse, pianiste, aux coiffures si expressives (la caricature du musicien romantique est inénarrable !) s’en donnent à cœur joie, inventent d’extraordinaires biographies d’artistes qui satisferont les esprits de clocher les plus pointilleux… C’est dionysiaque à souhait, mais ne vous y trompez pas, la rigueur musicale est là ! M.C.

À venir : Opéra Molotov est en tournée le 18 juin à Trets, le 31 juillet à Puyloubier, le 23 sept à Saint-Lo, et le 25 à Cornillon Confoux http://duoheitingsoucasse.com



36

MUSIQUE

MUSIQUE DE CHAMBRE

Au nom du père et de la fille Lorsque les ailes des orgues de l’église Saint Jean de Malte s’ouvrent, le silence se fait dans la nef qui embaume encore des fragrances d’encens. Bernard Foccroulle présente le programme avec clarté et simplicité, livrant au public, en bon pédagogue, les clés de la musique qu’il va entendre. Le propos musical glisse de Schütz à Bach, en passant par Matthias Weckmann, Dietrich Buxtehude, Purcell. Une palette extraordinaire de couleurs se dessine alors, les orgues sonnent comme une multitude d’instruments, flûte, cornemuse, hautbois, orchestre entier, dans de fulgurants emportements. On passe d’univers intimistes, empreints de méditation, aux thèmes baroques de la mort inéluctable, d’un monde de miroirs, rendus par la construction même de certaines pièces de Buxtehude, qui livre la première pièce autobiographique de l’orgue dans son choral funèbre et déploration sur la mort de son père. Et puis survint Bach : souverain, l’instrument

alors prend une ampleur inconnue, et l’interprétation de Bernard Foccroulle, particulièrement dans le Prélude et fugue en la mineur, est simplement magistrale. Ce grand musicien s’incline alors avec une douceur complice devant sa fille, Alice Foccroulle. Toute de mesure et de sensibilité, la voix de cette jeune artiste, qui maîtrise parfaitement les lignes, résiste à la puissance des orgues, s’impose avec des nuances cristallines, de beaux graves de soprano, des finales parfaites. Le propos est tenu jusqu’à la dernière syllabe, l’ultime lettre, rendant l’intelligence subtile des textes. Son interprétation de The blessed Virgin’s Expostulation de Purcell, avec son invocation déchirante à Gabriel et à des cieux étrangement vides, fut superbe d’expressivité. Il est difficile d’être l’enfant de parents célèbres : Alice Foccroulle réussit le pari d’être elle aussi une très grande artiste. Quelle belle transmission ! MARYVONNE COLOMBANI Bernard Foccroulle © Johan Jacobs

Festival virtuose Festival de haute volée que celui du Tholonet, Autour des claviers. Choisis avec discernement, les jeunes artistes invités à cette manifestation, font preuve d’un talent rare. Ainsi, dans la charmante petite église du Tholonet, la «soirée russe» permettait à un public littéralement sous le charme de découvrir Thomas Gould au violon et Alastair Beaton au piano. Qualité des silences, pianissimi étourdissants du violon, qui sut concilier finesse émotion et brillant ; jeu plein du piano, aisance des trilles. La sonate n°1 en fa mineur op.80 de Prokofiev, d’un lyrisme sombre, brisant les conventions classiques, était rendue avec une intensité bouleversante. Le compositeur russe sera repris lors des bis, pour la cinquième des cinq mélodies. Auparavant, la sonate à Kreutzer de Beethoven entraînait les deux musiciens dans une joute virtuose où tous les registres semblent passés au crible. Un concert d’une haute exigence pour des artistes d’exception ! Le dernier concert du festival se tenait le 13 juin dans la nouvelle salle de Palette. Bondée. La gratuité y est sans doute pour quelque chose, même si le prix dans

les autres lieux n’excédait pas celui de places de cinéma ! L’artiste de la soirée était, à l’instar des concerts précédents, exceptionnelle. Sarah Lavaud, qu’on avait pu découvrir l’an dernier à La Roque d’Anthéron, en hommage au double bicentenaire de cette année, interprétait des œuvres de Chopin et de Schumann. Partitions difficiles et exigeantes. La jeune artiste eut la gentillesse de présenter les implications du programme choisi, mettant en lumière les oppositions et les échos des œuvres et ce Thomas Gould © Sussie Ahlburg

d’une manière simple, claire et construite, pour un public éclectique dans lequel il y avait de nombreux enfants. Faire partager son art, le commenter pour que chacun apprenne à entendre les œuvres, participe d’un beau souci de démocratisation de la culture. Partagé par les organisateurs du festival. Ainsi, elle nous emporta des obscures clartés du Nocturne op.62 de Chopin aux lignes sinueuses et chromatiques de la Barcarolle op. 60, et de sa lumière radieuse, aux Mazurkas de l’op. 24 où le cœur de la Pologne vibre. Puis c’était le cycle des pièces brèves de Kreisleriana op.16 de Schumann, exercice de miniature hautement acrobatique, puisqu’il exige de la pianiste de se glisser très rapidement dans de nouveaux rythmes, de nouveaux univers. Un bel empâtement de la matière musicale, et une légèreté virtuose, la pianiste semble devenir un centaure d’un nouveau genre, ne faisant qu’un avec le piano. Quel festival vivifiant ! MARYVONNE COLOMBANI

Un festival intimiste Le Clos d’Albizzi à Cassis propose pour la quatrième année ses «verres musicaux», dans une ambiance conviviale et bon enfant. Le vin de la propriété est offert en fin de concert. Celui-ci se déroule dans les chais, préparation à l’ivresse musicale ? Le 23 mai, c’était l’ensemble Mescolanza, composé de trois spécialistes de la musique médiévale, Stéphanie Mahue, soprano et flûte à bec, Julien Ferrando, orgue et clavicyterium (clavecin primitif évoquant une harpe à clavier) et Jean-Michel Robert, luth. Leur programme, Autour des instruments médiévaux, du temps des papes en

Avignon à celui du Roy René s’attache à faire découvrir aux spectateurs l’évolution de la musique du XIIe au XVe siècle, le passage de la monodie à la polyphonie, le rôle de l’improvisation, jusqu’aux «stars» du XVe, comme Dufay. Initiation à la facture des instruments, souvent reconstitués d’après la documentation du Moyen Âge, noyer, buis, épicéa… sans compter la belle histoire d’amour pour une guiterne… Un très joli concert, avec des musiciens talentueux, et une vraie démarche historique. M.C.


MUSIQUE

37

Orgue romantique Afin de célébrer la restauration du Grand Orgue entamée en 2007, les amis de l’Orgue de NotreDame du Mont ont proposé du 27 au 30 mai, en collaboration avec Marseille Concerts, un programme d’inauguration. Frédéric Chopin, en 1839, avait joué pour les obsèques du chanteur Nourrit les «Astres» de Schubert sur l’orgue alors présent dans l’église Notre-Dame du Mont. Ses remarques, peu flatteuses, sur ce dernier ont poussé le curé à commander le bel instrument que l’on connaît au facteur d’orgues Ducroquet. Inauguré en 1847, il était alors doté de 24 jeux sur 2 claviers et pédalier. Après la bénédiction de l’orgue le 27 mai, suivie d’un récital par Daniel Roth, puis la conférence du 28 mai par

le facteur d’orgues Jacques Nonnet à qui avaient été confiés les travaux de restauration, un concert trompette et orgue fut proposé le samedi 29 mai. Le duo Gérard Occello-Chantal de Zeeuw, qui, en bientôt vingt ans de collaboration, a su faire ses preuves, a proposé pour l’occasion de très belles pages de Vierne, Franck, Boëllmann, Mel Bonis, que les sonorités XIXe de l’orgue (d’aujourd’hui 30 jeux !) ont su rendre remarquablement. On pourra regretter que les jeux très harmoniques, moins «rugueux» que ceux d’un orgue baroque, se soient un peu moins pliés à l’écriture de Bach. Mais la prestation de qualité des deux musiciens fit aisément oublier ce décalage de timbre. On nous signala qu’un enregistrement de la plupart

De la manière à la matière, opus 2&3 Suite et fin de l’enregistrement des sonates pour piano et violon de Beethoven par le label Lyrinx à la Criée. Si le concert d’ouverture du 26 mars s’était avéré enthousiasmant, malgré l’écriture un peu convenue des sonates de l’opus 12, les pièces proposées le 19 mai et 8 juin, composées plus tardivement (à l’exception de la sonate n°4, qui, la première, avait bénéficié d’un accueil favorable de la critique) faisaient preuve d’une plus grande maîtrise d’écriture, et d’un génie éclos. L’apparition d’un véritable dynamisme, du contraste si Beethovenien entre les mouvements, d’une organisation savante de motifs simples, de particularités rythmiques, de tensions harmoniques peu conventionnelles et d’un lyrisme bien présent dans les mouvements lents ne permettaient pas de s’y tromper : nous étions bien face au «style héroïque» du compositeur, dont les deux solistes David Galoustov et Caroline Sageman n’ont oublié aucune des nombreuses subtilités. Leur exécution remarquable de la sonate n°9, dite sonate à Kreuzer (ironie du sort : Kreuzer, la jugeant inintelligible, refusa de la jouer), à l’écriture délicieusement concertante, a tout simplement ébloui le public.

David Galoustov s’étant foulé le poignet (gauche !) peu avant le 8 juin, on n’eut pas le plaisir d’entendre la sonate n°10, trop difficile. Le reste de la prestation (et la reprise, pour la peine, de la sonate du Printemps) fut cependant admirable. On espère avoir bientôt l’occasion d’entendre cette ultime sonate : pour enregistrer l’intégrale, il faudra bien qu’ils nous la jouent ! SUSAN BEL Caroline Sageman © Frederique Le Calvez

Gerard Occello © Agnes Mellon

des pièces jouées ce soir-là devrait bientôt être disponible… On l’attend avec impatience ! SUSAN BEL

Le chant de la terre Beethoven, Liszt, Chopin, Brahms et Debussy en tête à tête avec Zhong Xu: conversation aux accents chtoniques dans la cité arlésienne ! A l’image d’Yggdrasil dans les eddas scandinaves, le pianiste chinois construisit une véritable «muraille de signes» faisant sourdre des entrailles de la terre un monde musical inouï, arrachant des graves de son Steinway des harmoniques célestes. Enraciné dans le sol, le virtuose ne fit qu’un avec son instrument : sublime dans La vallée d’Obermann du maître hongrois, chirurgical dans la Sonate 28 de Beethoven, Zhong Xu embrasa la chapelle du Méjean dans l’Isle joyeuse de Debussy. Tellurique ! CHRISTOPHE FLOQUET

Ce concert a eu lieu à la Chapelle du Méjan, Arles, le 4 juin


38

MUSIQUE

OPÉRA

Tu es le père… Il y avait soixante-quatre ans qu’Hamlet d’Ambroise Thomas n’avait pas été représenté sur le Vieux-Port! Le drame shakespearien, revisité à l’aune du romantisme par le compositeur de Mignon, a trouvé dans cette nouvelle production de l’Opéra de Marseille (coproduite avec l’Opéra National du Rhin) un souffle neuf. Dans un décor unique (Vincent Lemaire), dont les hauts murs froissés paraissent ceux d’une maquette fraîchement retirée d’un dépôt pour ouvrages négligés, les héros se meuvent vers leur lugubre destin. À la mesure d’une mise en scène austère et puissante (Vincent Boussard), le spectre fantastique du paternel assassiné marche aux cloisons, appelle son fils à la vengeance avec la voix du Commandeur (Patrick Bollière). Le couple félon (somptueuse Marie-Ange Todorovitch et Nicolas Cavallier impeccable) panique quand l’immense portrait du Roi devient miroir. Et quand son cadre reste vide, façon Yves Klein, le héros médite au seuil de son abyssal «Être ou ne pas être ?»… Enfin, lorsque Ophélie se noie dans une baignoire, rappel loufoque du lac originel, personne ne songe à rire : Duchamp fait place à Delacroix ! Il faut dire que Patricia Ciofi, en grande forme, est éblouissante dans cette scène de folie. On salue aussi la performance de Franco Pomponi qui, malade, a rempli son contrat jusqu’au tomber du rideau tandis que son baryton le trahissait (le 1er juin). Le Chœur de l’Opéra s’est une nouvelle fois distingué, montrant, aux moments clés, puissance, nuances et théâtralité. Et la direction souple et élégante de Nader Abassi semble avoir été du goût de l’Orchestre maison dans les interludes aux séduisants échos de harpes, saxophone ou clarinette…

Sommets germains Dernier concert de la saison : Wagner et Richard Strauss font trembler les murs de l’Opéra de Marseille… © Christian Dresse 2010

JACQUES FRESCHEL

Tardifs et flamboyants Le Festival de Musique sacrée de Marseille s’est achevé sur un programme pour le moins coloré : les Laudate Pueri et Nisi Dominus de Vivaldi et le fameux Pascale Beaudin © Pierre-Etienne Bergeron

Stabat Mater de Pergolèse. Grands «classiques» baroques, menés avec énergie, musicalité et générosité par l’Orchestre Régional de Cannes (dirigé par Philippe Bender) et deux solistes robustes : la jeune soprano Pascale Beaudin, très prometteuse, et Marie-Ange Todorovitch (mezzo) qu’on ne présente plus. L’occasion pour un public nombreux de redécouvrir l’œuvre sacrée de Vivaldi, qu’on connaît moins que son répertoire instrumental. À tort ! La fougue lyrique du prêtre roux, plus mesurée, et le climat éminemment poétique de chaque air (le quatrième verset du Nisi Dominus, tout en rythme et procédés somnolents, est une pure merveille !) valent le détour. Le célèbre Stabat Mater, bien que beaucoup plus connu et entendu, a suscité un enthousiasme mérité du public. Il eut par ailleurs l’intérêt de faire le lien entre le lyrisme fougueux du compositeur italien le plus célèbre du premier XVIIIe siècle à la puissance dramatique du jeune Pergolèse, qui annonce la période classique. Très beau concert ! SUSAN BEL

Tout débute par l’énoncé du fameux thème du Désir de Tristan et sa «résolution» harmonique équivoque. Illico, on se laisse embarquer par la machine symphonique, son hypnotique balancement qui, à pas comptés, conduit au climax volcanique avant que la tension, doucement, regagne le silence initial… On a beau connaître les musts wagnériens sur le bout des oreilles, rien n’y fait : le sorcier allemand nous manœuvre à sa guise ! D’autant que le 12 juin, dans le vaisseau (aucunement fantôme !) de l’Opéra retenant son souffle, un Maître Chanteur envoûte l’Orchestre Philharmonique de Marseille. Klaus Weise dompte la bête, maîtrise nuances et dynamiques, en garde sous le pied, soigne les textures et tisse les hachures polyphoniques au fil d’un souffle romantique vigoureux, comme dans le triptyque de Tannhäuser et son légendaire combat du vice et de la vertu. Avec la monumentale Symphonie alpestre de Richard Strauss, le chef incarne le joueur de flûtiau : on s’éveille avec le soleil et l’on grimpe dans sa course vers des sommets lumineux… avant la descente orageuse et le retour à la paix. Olympien ! Ou Asgardien, c’est selon. JACQUES FRESCHEL



40

MARTIGUES | SIRÈNES | TRETS | MERLAN

ARTS DE LA RUE

Sous les vents martégaux ture, «pour se réapproprier le temps et la rêverie, ouvrir l’esprit» selon E. Faye, «se nourrir de la lenteur du déplacement et laisser la puissance de l’esprit faire le reste» pour C. Garcin, aucun des deux n’étant à proprement parler des auteurs de récits de voyages. Parlant de ses ouvrages Nous aurons toujours Paris (Stock), Mes Trains de nuit (Stock) et L’Homme sans empreintes (Stock), E. Faye évoque un «bric à brac emmêlé», des impressions à classer dans lesquelles il faut remettre de l’ordre pour retrouver «le merveilleux, l’innocence de l’enfance». C. Garcin parle plus volontiers d’investir des lieux plus ou moins rencontrés lors de ses voyages et qui déclenchent l’écriture (notamment pour La Piste Mongol, Verdier, Carnets japonais, Escampette et Itinéraire chinois, Escampette). D’anecdotes en lectures, ils convinrent que l’imaginaire faisait autant voyager que la géographie… © Do.M

Les noms ne vous diront peut-être rien, évocateurs de contrées lointaines, association de termes poétiques… Flûtes de Nantong, gomgom, moulin batteur, moulin de Bali, harpe éolienne… Sur le site unique de la Pointe de Bonnieu, à Martigues, le bout du monde n’était pas loin. C’est là que dans le cadre de l’Odyssée, Pierre Sauvageot, compositeur et néanmoins directeur de Lieux Publics, a imaginé son Champ Harmonique, un parcours auditif hors du commun, et hors du temps, qui donnait à entendre une partition pour vent et instruments au gré d’une (trop) courte marche symphonique. Il a bien sûr fallu compter avec les caprices du premier concerné, le vent, violent par moment, ou trop calme parfois, mais qui toujours créait des mélodies uniques, y compris quand le bruit des vagues s’en mêlait… Ce furent des moments véritablement magiques pour chacun, des concerts qui s’apparentaient souvent à une expérience sensorielle inédite. Et comme dans un ballet mystérieux dont la chorégraphie serait restée libre, les marcheurs cheminaient silencieux et attentifs, avançant puis reculant d’un pas, sourire aux lèvres et yeux plissés, ou recueillis dans un transat lors du concert de harpes et gomgoms éoliens... Un spectacle total on vous dit !

DO.M.

Un peu plus tard à la médiathèque Louis Aragon, Eric Faye et Christian Garcin se retrouvaient au côté de Pascal Jourdana pour discuter de la notion d’écrivains voyageurs. Les deux auteurs soulignèrent l’importance des voyages en tant que moteurs d’écri-

Dans le cadre de l’Odyssée de Martigues, Champ Harmonique s’éprouvait sur la pointe de Bonnieu du 26 mai au 6 juin, tandis que E. Faye et C. Garcin étaient reçus à la médiathèque Louis Aragon le 4 juin

La Manière Kubilaï

En ce 5 juin, Trets connaissait une animation que le seul soleil n’expliquait pas. Attroupements autour de fresques en graff qui se dessinent sous les yeux des passants, illustrateurs BD (le Distant District) qui travaillent... Des échos de jazz : après les étranges Knofils, c’est la Banda du Dock qui approche. Station à l’ombre des grands platanes, les musiciens dansent, la douceur du jour prend des accents brésiliens… on aurait sans doute aimé plus de monde pour une démonstration de cette qualité. La foule plus nombreuse applaudit la performance du GUID (Groupe Urbain d’Intervention Dansée du Ballet Preljocaj) dont les six danseurs présentent des extraits de chorégraphies du chorégraphe. Fragments remarquablement choisis : ses différents univers sont abordés, et la palette est large, inventive. Les architectures mouvantes se déploient avec fluidité et évidence malgré les défauts du sol sur lequel les artistes évoluent, malgré aussi la difficulté d’être pertinents dans les différents discours, de garder la même

intensité expressive et savoir entraîner un public hétéroclite avec soi. Une ovation plus que méritée remercie les jeunes danseurs. La place Audric enveloppée par la belle silhouette du château de Trets allait recevoir ensuite un spectacle étonnant : Antoine le Menestrel avait décidé d’abandonner le sol et prenait les toits et les murailles du château pour surface de danse. Poésie insensée de cet homme perché sur le faîte ameutant les oiseaux qui s’affolent autour de lui en une ronde ailée, plumes blanches qui jouent avec le vent… puis c’est la descente plus acrobatique que dansée, les gargouilles s’apprivoisent, le mur semble s’aplanir, une amourette est contée… Enfin, au bout du fil tendu en travers de la place un gâteau d’anniversaire est offert à un habitant ému. 84 ans. C’est ce que nous souhaitons au moins à cette initiative, qui donne vie aux pierres et réconcilie les gens avec leur patrimoine. M.C. © Jean-Claude Carbonne

Soto ni deru © Vincent Lucas

Trets envie

Qu’ils soient dans la rue ou sur scène les KKI imposent leur style : urbain en chaussures de ville, acrobatique et nerveux, pulsé par une musique rock soignée, servi par un rapport à l’espace réfléchi, et des interprètes aux qualités athlétiques. Soto ni Deru, créé le 2 juin lors de la sirène sur le Parvis de l’Opéra de Marseille -et repris lors de En Lieux et places à Toulon (voir p 15)- fait preuve de toutes ces qualités, et suscite dans le public une approbation épatée, mais froide. On est loin du côté foisonnant, parfois foutraque, de certaines sirènes… mais loin aussi de leur émotion. Le flot incessant de mouvement et de son n’emmène pas vraiment avec lui, et les corps ne semblent pas jouer ensemble. Ils restent fermés sur euxmêmes, dans une solitude autiste dont on ne sait si elle exprime le désespoir des villes ou la singularité des trajets. Un propos à préciser, peut-être ? A.F.


Tribulations urbaines La ville est un laboratoire d’expérimentations pour les collectifs Ici-Même (Grenoble) et Safi (Marseille). Avec le théâtre du Merlan, ils proposent Les Traversées pour sortir des sentiers battus… Six jours de tribulations diurnes et nocturnes pour urbains en mal d’aventures à en croire le matériel de survie des participants au Dessous d’un chantier de Safi. Munis de sac à dos, baskets ou chaussures de marche, bouteilles d’eau et casse-croûte, appareil photo, les marcheurs entamèrent 1h30 de balade dans le 14e arr., entre la Rose et la Busserine. Ethnologues de la banlieue dont le seul contact avec la «population locale» se résuma à un bref échange avec trois gamins à vélo, et les regards sombres et surpris d’une équipe de sportifs… L’invitation «à arpenter cet incroyable territoire pour partager avec eux ce moment d’utopie fragile qu’est la métamorphose d’une ville» (sic !) se révéla bien vide. Entre barres HLM, terrains vagues, carcasses de voitures carbonisées, les «spectateurs» ont eu à franchir quelques broussailles épaisses, traverser deux ou trois îlots d’herbe folle avant d’atterrir sur le seul espace vivant de la visite : un jardin associatif en lieu et place d’un gymnase désaffecté, réapproprié par les habitants à l’initiative des plasticiens de Safi qui œuvrent depuis deux ans auprès des associations. Un vrai acte artistique et citoyen qui a permis d’avaler la pilule ! De retour au théâtre, le groupe s’essaima entre la buvette et L’Hypermédiathèque proposée par Ici-Même (assemblage évolutif et subjectif de publications, Dvd, CDRom et bornes multimédia comme autant de prolongements de leurs actions en France et à l’étranger) avant d’assister à une soirée cinéma concoctée par l’association Peuple et culture Marseille. Des films sélectionnés «autour de la question de l’image par rapport à la ville» aux format, technique et esthétique divers mais ayant tous une démarche documentaire, une analyse «fictionnelle du réel». Avec, entre autres, Brilliant city du collectif D-Fuse (ovni visuel et sonore), Munster Lands de Valérie Jouve (qui laissa perplexes les amateurs de Grand littoral) et Under construction de Zhenchen Liu produit par la célèbre École du Fresnoy. M.G.-G.

Les Traversées Théâtre Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 30 www.merlan.org

© X-D.R


42

JEUNESSE

AUBAGNE | LE REVEST | SIMIANE

Une journée particulière trophées de la vie de trois énergumènes râleurs qui les actionnaient, grossiers, bricoleurs de génie et doux rêveurs : un coureur cycliste à tête d’ampoule, la carpe de Tonton Fernand, Mémé et son chien («Une sacrée peau de vache, la vieille»)… Un capharnaüm invraisemblable pour dire les souvenirs et les coups de gueule d’une famille (à peu près) comme tout le monde. Le soir venu, le ThéâtreFragile embarquait l’assemblée dans son exil gris et noir fait de caisses de bois et de seaux en plastique, frêles embarcations pour rappeler la réalité des traversées sans nom. Derrière les masques sans bouche, sous les guenilles, des cœurs battaient : une humanité sauvée, palpitante à l’heure où les artistes convièrent le public à partager une écuelle de soupe chaude. Patrick et sa famille étaient tout émus devant ce spectacle si généreux : «C’est excellent dans tous les sens du terme, c’est magnifique» répétait-il bouleversé. Mais déjà le public s’enfonçait dans la nuit pour voir le spectacle pyrotechnique et sonore de la Cie Entre ciel et terre enflammer le ciel…

We meet in Paradise © X-D.R

Dans la vie des Aubagnais Chaud dehors est une parenthèse poétique à vivre au plus près des artistes. Car le secret des arts de la rue est de privilégier la proximité et l’interactivité avec le public qui joue le jeu à tous les coups ! Louis-Do Bazin alias Roger (Cie Le Montreur) fut un formidable maître de ballet pour des spectateurs médusés qui se sont vu offrir une mini barre de danse devant «permettre aux gens frustrés d’acquérir grâce et volupté.» Mais ils n’étaient pas au bout de leur surprise quand, après des exercices d’échauffement, ils découvrirent que cet outil recelait une mini marionnette en mousse qu’ils devaient à leur tour manipuler ! Tout le monde s’est appliqué avec joie à répéter sauts et soubresauts, entrechats et étirements prodigués par un Roger bon enfant et drôle. Mais quand il s’est agi de s’affranchir de l’apesanteur en faisant «le grand Icare», la partie n’était pas gagnée aux dires de Laurence, une jeune spectatrice enchantée : «Qu’est-ce qu’on nous fait pas faire !…» Même incrédulité et bonheur face au Filoscope, la machine agricole de la Cie Carabosse qui regorgeait de ferrailles, de vieux jouets, de chromos jaunis et son fameux manège aérien ingénieux créé avec trois appendices de Tour Eiffel, des rails et des glissières. Des objets suspendus y défilaient comme les

M.G.-G.

Chaud dehors a été proposé par le Théâtre Comœdia les 4 et 5 juin à Aubagne

À fond la gomme !

Sésame ? Moteur ! Des acteurs-musiciens sur scène, des comédiens-réalisateurs sur pellicule et des réalisateurs-acteurs-bruiteurs en chair et en os ! La recette de La Cordonnerie est originale et savoureuse. Son spectacle, Ali Baba et les 40 voleurs, mêle habilement un film muet tourné en studio et en décor naturel, un accompagnement musical en direct sur le plateau par des visages que l’on aperçoit parfois à l’écran, et, surprise, les bruitages réalisés en direct par Samuel Hercule, l’homme-orchestre… On croirait assister à la post-synchronisation et le jeune public découvre attentif le backstage d’un film. Avec tact et ingéniosité, La Cordonnerie a pris quelques libertés avec Les Mille et une Nuits et offre une version plus contemporaine. L’histoire se déroule dans un paysage aride (Nevada ? Texas ?), à une époque indéterminée (années 50 ? 60 ?), dans un décor de désolation (une stationservice sortie de nulle part). Là, tous les soirs Ali Baba et son frère Cassim regardent des westerns à la télévision et rêvent de cow-boys, mais leur rencontre inopinée avec 40 voleurs aux allures de Bikers va bouleverser leur vie. Désormais leur destin a la couleur de l’or… Au récit filmique de deux héros malhabiles et timides se superpose un motif musical qui agit comme un refrain, une histoire d’amour qui © X-D.R. mêle le vrai et le faux, l’écran et la scène sous nos yeux, le crissement de la paille évoquant le pas de l’un, le craquement d’un bol de corn flakes le petit déjeuner de l’autre. La Cordonnerie réussit à ganser avec finesse un spectacle nostalgique et fantasque. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Ali Baba et les 40 voleurs a été donné les 7 et 8 juin au PôleJeunePublic au Revest

© X-D.R.

Une manière bien étrange d’envisager pneus et chambres à air… Les trois clowns de la compagnie barcelonaise Chaperton s’en donnent à cœur joie, détournant ces objets de la vie quotidienne à des fins loufoques et poétiques. Comme dotés d’une vie propre, les pneus traversent la piste, adoptent attitudes et caractères, deviennent des personnages à part entière, enfants malicieux, gros durs, grands timides… Ils se transforment en bateau hors bord, en costumes incroyables, du petit gilet (un chic fou !) au scaphandre… Que dire de la fleur et du bourdon entreprenant, des calamars géants, des phoques et autres bestioles… Les numéros s’enchaînent, et si le rire n’est pas toujours du plus léger le spectacle est très inventif et renouvelle le numéro de clown. Et les mimiques des trois larrons sont impayables ! M.C.

Goma Gom a été joué le 29 mai à Simiane Collongues



44

THÉÂTRE

NÎMES | CRIÉE | MARTIGUES | AVIGNON | SÉMAPHORE | FOS

Je pense aux accidents…

Questions d’échelle La Criée se délocalisait sur le beau plateau des Salins pour accueillir Les Fausses Confidences de Marivaux mises en scène par Didier Bezace. Le public du Centre Dramatique National, malgré le déplacement forcé, malgré la diffusion télé du spectacle qui aurait pu dissuader, et bien qu’il lui fût possible d’être remboursé, était là, prouvant une fois de plus son attachement à Son Théâtre, et à sa programmation. Quant au spectacle, il fait paradoxalement partie de ces pièces qui passent mieux à l’écran que sur scène. Pourtant la théâtralité en est magistralement mise en abîme : le cadre de scène, les jeux de rideaux, la trappe du souffleur sont utilisées par Dubois, valet manipulateur et démiurge, comme des accessoires de sa mise en scène. Pierre Arditti cabotine avec génie, et donne une lecture de Dubois tout à fait centrale, les autres personnages apparaissant comme des pantins entre ses mains. Enfant amer de Scapin et père bourru de Figaro il domine ses maîtres… qui paraissent bien pâles. Jouant avec plus ou moins de bonheur sur le registre de la farce les silhouettes secondaires dessinent un patchwork peu cohérent, avec parfois de beaux éclats. Quant aux deux amoureux ils disposent de peu de marge de manœuvre, la dramaturgie de Didier Bezace les soumettant à des élans dont ils ne sont pas maîtres. Reste qu’Anouk Grimberg fait de fort jolies choses, sourires subtils, hésitations, tremblements, ruptures vocales… admirables à l’écran, mais qui ne passent pas le 8e rang, et échappent à une bonne moitié de la salle. Question d’échelle encore : l’escalier monumental, aristocratique, qui sort des coulisses pour l’épilogue, fait un peu mal au cœur en cette période de «réforme» des politiques publiques appliquées au spectacle. Les Théâtres Nationaux doivent-ils continuer à dépenser autant d’argent dans les décors ? Peut-être au fond ne faut-il pas, au moins là, y renoncer…

© Alain Monot

On sait Bruno Geslin attiré par des auteurs singuliers dont il triture les œuvres qu’il met ensuite en scène -Pierre Molinier, Joë Bousquet, Tony Duvert plus récemment-, c’est notamment le cas avec Crash(s) ! Variations, spectacle très librement adapté du célèbre Crash de James Graham Ballard. Dans la grande salle des expositions du Stade des Corbières, des épaves de voitures accidentées font face à la scène ; drôle de drive-in défoncé qui déjà met dans l’ambiance les spectateurs qui s’engouffrent dans les habitacles sonorisés… Sur scène une voiture accidentée, deux danseurs et une comédienne, un guitariste qui balance de longs riffs, et puis le texte de Ballard, cru, nerveux, scandé par l’un des personnages, soutenu par la musique hypnotique et les images vidéos en

surimpression, les corps qui se meuvent, nus ou à moitié, simulacres d’accident, de rapports sexuels, tout se confond. Bruno Geslin ne signe pas là une adaptation littérale du texte de Ballard ; c’est une performance scénique qui tient plus du vertige sensoriel, une avalanche de mots, de sons, d’images qui mélangent l’horreur et l’érotisme, comme dans un cauchemar dont on se réveillerait subitement, dans une voiture accidentée… DO.M.

Crash(s) ! Variations a été joué du 31 mai au 4 juin à la salle des expositions du Stade des Corbières, Nîmes

Cygne blanc sur lac noir

© D.M

savamment orchestré. Nous assistons à la terrible descente aux enfers d’une enfant imaginaire victime de la brutalité du monde, dans laquelle JeanFrançois Matignon, metteur en scène doué pour le clair-obscur, brosse un acerbe portrait politique et musical des années Thatcher. Cinq personnages, diablement interprétés par Michèle Dorlhac, Tanguy Matignon, Roland Pichaud, Thomas Rousselot et Sophie Vaude, magistrale, traversent cette histoire de corruption politique et industrielle où l’homme est un loup pour l’homme. Dans une scénographie implacable et très cinématographique -l’utilisation de la vidéo est sculpturale-, l’intrigue se déroule en rouge et noir, laissant notre imaginaire de spectateurs dénouer les fils d’une condition humaine virant au cauchemar. Un spectacle de sensations, brutal mais sans misérabilisme, archi visuel et quasi olfactif (le fer brûle aux enfers) qui donne absolument envie de découvrir la seconde partie de ce portrait millefeuille, qui sera montée en 2011 par la compagnie Fraction. DE.M.

Swan s’est joué au Théâtre des Halles, Avignon, du 3 au 5 juin

AGNÈS FRESCHEL

Les Fausses confidences ont été jouées à Martigues du 2 au 5 juin

© Brigitte Enguerand

Librement inspiré de la tétralogie policière Red riding quartet de David Peace consacrée à la ville de Leeds dans les années 80, et première partie d’un travail entamé depuis 3 ans avec le romancier anglais, Swan est une variation sur l’histoire du petit chaperon rouge au pays du punk et de la Dame de Fer. Entre Sex Pistols et Bacon, politique néo-libérale et éventreur du Yorkshire, corruption politique et industrielle, se joue devant nous un puzzle fragmenté mais


Pluvieuse Russie Qu’est-ce qui pourrait les empêcher de jouer ces fous-là ? Apparemment pas le match de l’équipe de France, ni la pluie qui tombait inlassablement ce jour-là sur le Domaine de Lavalduc, bien avant leur entrée sur herbe et durant tout le premier acte, transformant le public endurant en forêt de parapluie et autres protections bienvenues. Ils sont comme ça au Théâtre de l’Unité, ils jouent. Tchekhov en l’occurrence, Oncle Vania plus particulièrement dont le décor se retrouve être naturel, bottes de foin rajoutées, et dans lequel les dix-sept comédiens jouent avec énergie, de et avec les libertés qui leur sont accordées, devant et derrière la scène improvisée, le désespoir de Vania et de sa nièce Sonia, s’appuyant sur les didascalies délivrées en voix off, sur le personnage rajouté et si juste d’Olga Knipper qui raconte entre les scènes les secrets d’écriture de son «cher Anton»… Toujours guidée par Hervée de Lafond (elle joue Vania !) et Jacques Livchine (qui a adapté le texte, en assume complètement les délirants à-côtés et le met en scène) qui font preuve une fois de plus d’une inventivité sans limites, la troupe offre une pièce qui se savoure parmi les odeurs et les bruits de la nature, jusqu’à crier au final, alors que la nuit est finalement installée, «je fais quoi là ?», en lieu et place du plus commun «qu’ai-je fait ?». Réponse autour du bortsch fumant préparé par le moujik Livchine durant la pièce… DO.M.

Oncle Vania à la campagne a clôturé la saison de Scènes et Cinés au Domaine de Lavalduc les 11 et 12 juin

Oncle Vania a la campagne © X-D.R

Enfant de la balle C’est l’histoire d’un type, et peut-être d’une famille… D’un nom synonyme de fête pour la plupart des gens, et de cauchemar pour ce type qui le porte et le trouve parfois un peu lourd. Prénom: Warren. Nom : Zavatta. Ça doit normalement suffire à déclencher en chacun de nous la ritournelle incontournable de la Piste aux étoiles : Warren est le petit-fils d’Achille, artiste reconnu, clown adulé, mais grand-père absent pour sa famille, et notamment pour Warren, enfant et jeune homme admiratif mais qui n’eut jamais rien en retour. Aigri Warren Zavatta ? Non, le spectacle agit comme un baume sur ses blessures, cette fêlure qu’il exorcise à chaque représentation. C’est un hommage qu’il rend à son grand-père, hommage particulier puisqu’il casse l’image bien huilée, légèrement magi-

que, du monde du cirque, balance à tout va sur les coulisses peu reluisantes, raille l’atavisme… mais avec suffisamment de distance pour faire rire sans apitoyer, faire prendre conscience, avec de la tendresse malgré tout, tout en s’inclinant. «J’ai un immense respect pour toi pépé, mais j’aurais préféré avoir un grand-père» glisse à la fin du spectacle cet artiste accompli qui jongle, crache du feu, roule sur les ballons, fait claquer le fouet et joue du saxo… Il rêvait de jouer la comédie, c’est chose faite. DO.M.

Warren Zavatta a joué Ce soir dans votre ville au Théâtre le Sémaphore à Port-de-Bouc dans le cadre des Nuits circulaires le 21 mai


46

THÉÂTRE

ATELIERS | 3 BIS F | BERNARDINES

Massacre à la perceuse Le Théâtre des Ateliers a présenté Les Dingues de Knoxville de Joël Jouanneau par La compagnie d’entraînement. Création enlevée, déjantée, portée par la belle énergie des élèves-comédiens en formation professionnelle pour une année sous la vigilance artistique d’Alain Simon, maître des lieux. Depuis 1995, chaque année, 10 apprentis comédiens bénéficient d’une formation gratuite de 900 heures à l’issue d’une audition. Une belle aventure riche d’expériences multiples, de rencontres constantes avec le public et des créateurs contemporains, de séminaires. Les Dingues de Knoxville est une comédie foldingue, sans histoire précise, avec un fil conducteur qui tourne autour de l’univers burlesque de Jerry Lewis, des Marx Brothers ou des Pieds Nickelés. Les personnages viennent d’univers différents et se rencontrent peut-être

sur un plateau de tournage, au coin d’une rue ou dans un hypothétique désert. Chacun a son histoire ou son fantasme : femme fatale, cow-boy de pacotille, détective privé... Les saynètes s’enchaînent de façon burlesque et quasiment aléatoire sous la direction d’un meneur de jeu. Deux clowns ponctuent ces moments, jouant aussi bien les cactus du désert que la guenon accrochée à sa liane : grand moment ! Scènes de drague, d’intimidation, comiques, mais la noirceur n’est jamais loin. Le tout rend compte de l’incohérence de notre monde jusqu’à la scène finale où le détective se transforme en tueur à la perceuse !

© X-D.R.

CHRIS BOURGUE

Les Dingues de Knoxville s’est joué du 8 au 16 juin au Théâtre des Ateliers, Aix.

Inscriptions en cours pour la formation 2010/2011prochaine audition en septembre. www.theatre-des-ateliers-aix.com

Mytholalies... Soirée emblématique de la mission du 3bisf, lieu d’arts contemporains sis au cœur de l’hôpital psychiatre d’Aix, qui a vu se succéder et se croiser action et réflexion, création et parole autour de l’idée de Sacrifice, en écho à une expérience menée à Palerme au centre Amazzone (une affaire de femmes?). Iphigénie ouvre la danse sur les pieds nus d’Anne-Marie Chovelon, en lourde robe de princesse, fendue dans le dos : ruissellement de la sombre chevelure qui cache parfois le visage, galop circulaire et percussions font d’abord craindre le pire tautologique sur le mythe et le primitif... puis le corps trouve son chemin dans un singulier tremblement, bras et sein droits dénudés, plus proche de la Bacchante que de la vierge : tête renversée en arrière, ce n’est pas la victime mais la guerrière qui

quitte la scène. Jean-Pierre Raffaeli lui, assume malicieusement la figure mythique du conférencier table-tableau-verre d’eau-didactisme poli. Remise à niveau des connaissances et problématiques ancrées dans la création contemporaine : le mythe comme contenu dynamique et transformationnel, comme consensus à briser, de quoi donner du grain à moudre à l’artiste; limpide, passionnant, un peu frustrant car borné par l’impératif horaire en pleine évocation de ces femmes qui de Rebecca Horn à Louise Bourgeois font le détour par la réinvention permanente du sacré pour donner une forme à leur questionnement, leur angoisse... Retour à Iphigénie, devenue souffle et voix, exécutée comme une partition où se lit quelque chose de la

femme éternelle (?), par la performeuse vocaliste (sic) Miriam Palma sur un texte de Lina Prosa en italien puis en grec, parfois emphatique, impossible à saisir littéralement. Perplexité immédiatement dépassée par la dernière proposition de la soirée, dérangeante à souhait : Sacrificale/Notte trasfigurata est un film de Federico Stampa dont les extraits d’une vingtaine de minutes offrent la vision énigmatique d’un homme scarifié qui semble s’immoler volontairement ; ses paroles de bénédiction comme une litanie l’accompagnent et… la nuit s’installe. C’est beau ou grotesque selon l’humeur, peut-être grand... Le mythe n’est pas mort ! MARIE JO DHÖ

Mito a été proposé au 3bisf le 11 juin

Chauffe mollets ! Mogador et le Châtelet sous la coupole des Bernardines! C’est gonflé, mais comme le dit Elfriede Jelinek invitée à mettre son grain de sel en situation «Ce qui est si précieux c’est de pouvoir tout se permettre...» Pas évident de les mettre sur scène ces quarante jeunes tous issus du Département Arts du Spectacle et Musicologie de l’Université de Provence ; la chapelle est devenue nef avec praticable flanqué de spectateurs et chœur où officient les musiciens en direct ; la table d’autel (du Cheval Blanc) est à sa place pour les sacrifices barbares ; l’opérette est une école de la cruauté, on le sait depuis Valère Novarina, mais quand elle est viennoise, créée à Berlin en 1930 et revisitée par Angela Konrad, elle vous laisse tout chose entre rires moisis et surprises en cascade. Faut avoir envie d’y croire à ces servantes en costumes tyroliens (très chou) et chaussures de rando qui vous accueillent en chantant, à ces démêlés juridico-amoureux autour de la combinaison qui s’ouvre par devant ou par derrière (coquin), à ces chassés-croisés de villégiature multipliant les incarnations d’acteurs... Première demiheure : trop de mollets qui courent sur scène, de chœurs un peu lourds et peut-être une certaine hésitation à habiter vraiment cette fantaisie alpestre, et puis le troupeau de vaches affalées (très féminin)

meugle en cadence, deux marmottes sifflent et soufflent ; ça y est, le rythme est en place et c’est le moment de tout dérégler ; bien joué ! on l’avait © Richard Roux

remarqué, ce convive blême à petite moustache noire en train de manger sa soupe ; on les avait entendus ces propos d’auberge peu amènes sur les étrangers... Le fringant se métamorphose en grinçant, les maquillages coulent, le funiculaire tombe, on reparle de la servante séduite et noyée, la violence se déchaîne et révèle des talents singuliers (la biche foudroyée, grand moment), les claques joviales sur les cuisses folkloriques déclenchent des batailles dérangées, il en faut de peu que les bras se tendent à l’oblique et que les talons claquent pour d’autres danses. Terrifiant comme un beau travail de fin d’année ! MARIE-JO DHO

Au Joyeux Tyrol, d’après l’Auberge du Cheval Blanc et l’œuvre d’Elfriede Jelinek, a été présenté aux Bernardines du 8 au 13 juin


GYMNASE | BANCS PUBLICS | MINOTERIE

THÉÂTRE

47

Apéritifs durables Chroniques de l’alcoolisme ordinaire, Les nouvelles brèves de comptoir entraînent le public dans une tournée des bars plus qu’enlevée. Jean-Marie Gourio a une nouvelle fois recueilli et adapté ces phrases qu’on saisit parfois au vol si l’on traîne au zinc. On reste d’ailleurs perplexe et un tantinet admiratif : comment s’y prend-il ? les a-t-il réellement entendues, ces répliques qui tuent, et qui tirent tous azimuts, inspirées par la lecture du journal, la météo, les sujets de l’époque : mondialisation, écologie, Obama, crise… ? En réalité, on n’a pas vraiment le temps de se poser ces questions. Jean-Michel Ribes mène sa troupe tambour battant dans une ivresse millimétrée. Les verres se remplissent et se vident à toute allure, les vannes fusent non-stop, on s’esclaffe, on oublierait presque de respirer entre deux. Un bistrot, une scène et des personnages différents que les 8 comédiens jouent à fond, les jours de la semaine se succèdent jusqu’au lundi suivant, retour à la case départ et fin de la virée. Bref, ça tourne. Et grisé par ce flux continu, vaguement écœuré par ses relents de racisme, de violence et de connerie, ému pourtant par ce que cette philosophie de comptoir suggère de résignation et de solitude, on sort de là titubant, comme si on avait abusé de «rumsteck sans steak».

Seule avec ce fatras plastique

© Fabrice Duhamel

FRED ROBERT

Les nouvelles brèves de comptoir ont été représentées au théâtre du Gymase du 1er au 12 juin © Brigitte Enguerand

Elle se tient assise dans ce qui pourrait être un sas, cloison translucide en fond de scène, issue en lanières plastifiées côté cour, sachets de supermarché multicolores partout sur le sol. Seule sur sa chaise, en blouse et talons plats, elle défroisse puis découpe méticuleusement des sacs plastique. Et elle parle. Elle, c’est La Petite. Employée dans une grande surface, elle rêve d’être actrice. Alors, là, pendant sa pause, au fond du magasin, elle répète son rôle, celui d’«une revenante dans une histoire d’Antiquité», un tout petit rôle, une apparition. Et, déplissant sa robe de scène (toute de sacs plastique elle aussi), elle dévide à voix haute le fil de sa vie et convoque les autres Tous tant qu’ils sont. Pour la mise en scène de ce monologue, 1er mouvement de la pièce de Suzanne Joubert, Xavier Marchand a choisi la sobriété et l’efficacité. Une économie de mouvements et d’effets que souligne la simplicité du décor tout en suggestion, et qui met en valeur la

direction d’acteur. D’actrice en l’occurrence. Edith Mérieau campe avec finesse la jeune employée ; non sans humour, elle donne corps à toutes les voix qui la traversent. Ainsi prennent vie tous ceux qui diraient s’ils étaient là : le père parti battre campagne, la mère et son Robert (le dictionnaire), et tous les autres, Glenn, Simon, Benoît le Portoricain et Paul le gros lourd et la sœur du maire de secteur… La comédienne restitue brillamment la richesse d’un texte universel ancré dans un quotidien des plus prosaïques, un texte aux multiples registres et dont l’oralité résonne, comme un écho du fatras de nos existences ordinaires. FRED ROBERT

Tous tant qu’ils sont a été représenté à La Minoterie dans le cadre de Hors Piste, carte blanche à Xavier Marchand, du 20 au 22 mai

Une minute dans la bouche La petite forme présentée par Charles Eric Petit aux Bancs publics confirme son talent, et celui de ses deux comédiens. Dans un cadre très intime, dos à dos sur des tabourets, Guillaume Clausse et Thomas Cerisola conversent comme sur Internet, échangeant quelques invitations d’un érotisme cru à une rencontre dévoratrice. Les images fonctionnent à l’envers, euphémismes dévoilant en termes sexuels le désir d’une dévoration qui n’a rien de métaphorique, où la jouissance régressive, cannibale, force les portes de l’effroi. Slashs et smileys qui s’énoncent ne rendent pas plus virtuels l’énoncé concret de ce monstrueux appétit de Di@ble en bouche. La fin, de

glaise, de cri, de primalité digestive, laisse pantois. Reste qu’il manque au milieu l’accomplissement de l’acte de

dévoration. Innommable ? On reste sur une faim paradoxale et équivoque, comme si lors de ces quarante minutes © X-D.R

on était allé au terme, jusqu’à l’expulsion, mais non au bout, en évitant la rencontre concrète et la jouissance. En se disant de plus que cet effroi-là, si spécifique -homosexuel, masculin et franchement déviant, jusqu’au crimeintéresse au fond fort peu… A.F.

Le Di@ble en bouche s’est joué aux Bancs Publics du 3 au 5 juin


48

DANSE

MOD | CHÂTEAUVALLON | TOURSKY | BALLET D’EUROPE

L’éclat fané d’une légende Meredith Monk à la Friche ! la légende américaine, performeuse, chanteuse, membre active et singulière de la Judson qui dans les années 70 jeta la danse et les arts dans une esthétique nouvelle, vient en France, triomphe à Paris, est encensée dans Le Monde... On l’attendait comme on espère une révélation, qui ne fut pas tout à fait à l’œuvre, même si la salle lui réserva un accueil enthousiaste, dû davantage à ce qu’elle représente qu’à la réalité de ce qu’elle proposa. Meredith Monk a 68 ans : dans Girlchild revisited elle reprend une pièce ancienne qui parcourait sa vie à rebours, vers le nirvana (elle est bouddhiste), en partant d’une vieillesse feinte (perruque blanche et gestes ralentis) pour se dépouiller et retrouver en trois étapes un état d’enfance. Au passage elle faisait démonstration de sa technique vocale, tessiture folle mais surtout grande variété de bruitages, râles et souffles. Dans la version revisitée, la voix a perdu beaucoup de sa brillance, mais les gestes restent précis et laissent s’affirmer une performeuse d’une présence folle. L’accompagne-

est la reprise de morceaux anciens avec trois de ses consœurs de son Ensemble vocal. Elles aussi chantent/dansent, a minima quant aux gestes, s’accompagnant sur trois orgues électriques successifs. Leur travail de recherche, descendant vocal de La Monte Young ou de Cage à sa période Fluxus, est très daté, d’un radicalisme vieux de quarante ans. Une pièce de musée, qui n’a plus rien de révolutionnaire… AGNÈS FRESCHEL

À venir Dans le cadre du Festival de Marseille, MOD programme Musings, un hommage que Foofwa d’Imobilité rend à Merce Cunnigham, John Cage et Rauschenberg et qu’il veut «vivifiant plutôt que funèbre».

© V. Sladon.

ment au piano, accords plaqués en boucles, du très mauvais «répétitif américain», agace rapidement, mais n’empêche pas de percevoir avec émotion le trajet grinçant de cette

femme : elle ne parcourt plus vraiment sa vie à l’envers mais impose une vieille petite fille dans une blancheur qui n’a rien de virginal et paraît, comme en Inde, mortuaire. La deuxième pièce

Fluidité et lumière La danse de Jean-Charles Gil cherche une évanescence, sur des terrains peu fréquentés. Avec son Ballet d’Europe pétri de technique classique il © Agnès Mellon

s’aventure vers une grande simplicité, pistant la grâce du mouvement, les arrondis et l’ampleur, tout en refusant autant que faire se peut les tensions et crispations imposées aux corps. Son Extra-vaganza, fondée pour l’essentiel sur un pas de deux rapide, joue des proximités de deux corps qui s’enlacent, se portent et s’accompagnent, sans cesse en contact et en mouvement, suivant de près la dynamique entraînée de Vivaldi. Ou la délaissant, pour trouver un coulé surprenant… Puis le rideau du fond de la Cartonnerie s’ouvre, laissant apparaître les arbres par les fenêtres, et une lumière qui baigne la scène devenue blanche. Les danseurs entrent, leurs costumes aux lignes simples, fluides toujours, ont pris une teinte unie, saumonée. Ils dansent sur Theodorakis, et la voix rauque de Maria Farantouri vient compliquer le jeu : terrienne, comme blessée, elle donne du grave à une danse qui ne s’évapore plus, et tourbillonne différemment. Les sept interprètes n’en finissent pas de combiner leurs énergies, fuguant, s’assemblant en différentes lignes. L’enchaînement des chansons permet à de courts tableaux de dessiner de nouveaux sentiments, tous différents, mais indéfinissables. On s’y laisse plonger, on s’y perd, et puis cela finit déjà, sans qu’on sache très bien jusqu’où on est allé… Vers la lumière ? AGNÈS FRESCHEL

Extra-vaganza a été dansé le 10 juin à la Friche

Le 26 juin à 18h aux Bernardines 04 95 04 96 42 www.marseille-objectif-danse.org

Danse devant le miroir Si vous pensez que le flamenco n’est qu’un genre certes brillant mais surtout figé, destiné à des aficionados aux principes cloisonnés, allez au Toursky l’an prochain, et ce que vous y verrez et entendrez vous en démontrera de façon éclatante le contraire ! Cette année, la compagnie de Joaquin Grilo a enchanté la salle, tant par la beauté d’exécution bien sûr -guitare magique (Juan Requena et Martin Leiton à la basse), percussions inventives (Paquito Gonzales), chants rauques et emportés à souhait (José Antonio Valencia et Carmen Grilo), danse virtuose (Joaquin Grilo)- que par la force du propos. Avec Leyenda personal, l’ancien chorégraphe du Ballet National d’Espagne livre sa vie, au cœur d’une longue rêverie née d’un vieil album de photographies. Naissance par la fente oblongue d’un long rideau où se jouent les transparences des fantômes du passé, hymne à la femme, mère, patrie, dénonciation des manipulations, des coercitions de toute sorte, pauvreté, arbitraire… le danseur devient pantin, qui peu à peu s’extrait des ficelles qui le retiennent. La conscience éclot, la danse se libère, éblouissante. M.C

Leyenda personal a été dansé au Toursky dans le cadre du Festival Flamenco et de Mai-Diterranée


Désopilante Carmen Après 1h25 de l’incroyable Olivier Martin-Salvan, Bizet en rit encore ! Il faut dire que l’acteur-chanteur lyrique ne ménage pas ses efforts pour donner corps à une ribambelle de personnages et revisiter les scènes en cascade. Derrière le prétexte d’une audition pour la création de Carmen, le spectacle tire le portrait sans concession d’une équipe artistique, la caricature avec un malin plaisir en traquant ses défauts, ses menus travers avec une drôlerie de tous les instants. On assiste à une vraie performance d’Olivier Martin-Salvan qui explose dans la parodie comique, endossant tous les rôles à la vitesse d’un éclair et mimant toutes les expressions, même les plus fugaces, jusqu’à réaliser lui-même les bruitages du rideau de scène, de la vachette dans l’arène… le tout dans une harmonie parfaite avec la pianiste Lucie Deroïan qui enveloppe la partition d’une sensualité torride et légère à la fois. Dans le halo de la poursuite, le jeune ténor Louis Bosis s’apprête à relever le rôle-titre de Don José, mais il lui faudra d’abord être sa doublure et bien avant encore vivre d’incroyables (més)aventures ! Car créer Carmen n’est pas une sinécure et le stress de la première provoque des décharges émotionnelles auxquelles le spectateur compatit en riant goulûment. Malgré quelques faiblesses d’un texte désopilant -qui transforme la manufacture de tabac en fête foraine et les cigarières en «barbapapières»- et quelques chutes d’adrénaline rythmique, O Carmen est un opéra clownesque jubilatoire dont la facétie joue à jeu égal avec la tendresse, et le mordant avec l’amour des artistes. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

O Carmen de L’Incroyable compagnie a été joué du 3 au 5 juin au CNCDC Châteauvallon

À venir Le festival de Châteauvallon se poursuit dans l’amphithéâtre au cadre splendide, pour des spectacles à l’horizon infini… jusqu’au 31 juillet, avec Shakespeare par Jean-Baptiste Sastre, Ron Carter, le Ballet de l’Opéra de Paris, le Boléro par l’Opéra de Toulon… Nouveau festival 2010 de Châteauvallon, Ollioulles 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com O carmen © S. Marchal


Étincelants L’ensemble 18 de l’ERAC s’apprête à s’offrir aux regards des professionnels, et du public, au terme de trois ans de formation. Prêts à se lancer sur le marché des acteurs, si difficile à conquérir, même lorsqu’on est bourré de talent et qu’on a reçu une formation de pointe ! Deux bonnes raisons donc pour aller les voir : ils sont très forts, et ils en ont besoin ! Une autre ? ils ont travaillé avec Catherine Marnas, à partir de textes de Koltès, et Si un chien rencontre un chat prend naissance dans ces rencontres improbables et indécises, animales, entre des êtres qui s’attirent et se repoussent… Une dernière ? À La Criée comme au Cloître Saint-Louis les représentations sont gratuites. Sur réservation ! A.F. © Pierre Grosbois

Si un chien rencontre un chat La Criée, Marseille Du 22 au 26 juin 04 96 17 80 31 www.theatre-lacriee.com

Cloître Saint-Louis, Avignon Du 8 au 12 juillet 04 90 14 14 14 www.festival-avignon.com

Double festival Scotto plein de verve et d’allant, les Carboni accueillent Clémence Massart dirigée par Caubère lui-même, la Visite de la Vieille Dame, fable cruelle mise en scène par Caroline Ruiz, Ali Bougheraba dans un auto solo guidé par Didier Landucci (les bonimenteurs)… et aussi : Moussu T e lei Jovents qui s’essaient également à l’opérette marseillaise ! De joyeuses soirées de partage en perspective, ponctuées de débats sur la place du théâtre dans la ville.

Les Carboni depuis 5 ans posent leur Posada, sorte de théâtre portatif à mi-chemin entre les tréteaux et le chapiteau, au cœur du Panier pour un festival de proximité qui prend le risque du populaire. Puis ils s’en vont à Noves réitérer l’aventure… en emmenant avec eux une partie de leurs invités. Au programme cette année ? Outre leur Sarvil, l’Oublié de la Canebière, un spectacle sur le parolier de Vincent Sarvil, l'oublié de la Canebière © X-D.R

A.F.

Les 13 Paniers Esplanade de la Major, Marseille Du 23 au 26 juin Off in Noves Théâtre de Verdure, Noves Du 30 juin au 3 juillet 04 91 90 33 52 www.lescarboni.com

L’esprit de Brecht à lui, faisait éclater, systématiquement, les normes du jeu bourgeois ! La Cie du grand soir propose une version de La Vie de Galilée, son texte le plus philosophique, qui renoue avec l’esprit cabaret, les songs de Eisler, mais l’humour aussi des jeux avec le quatrième mur. Et surtout l’esprit révolutionnaire ! Avec Régis Vlachos, notre collaborateur philo, en scientifique obstiné…

Certaines rigidités dans la doxa brechtienne rendent frileux les metteurs en scène qui voudraient s’emparer de ces textes, et se voient imposer des interdits musicaux, de jeu, d’adaptation, et des raideurs aussi quant à l’interprétation des préceptes esthétiques de distanciation… Pourtant Brecht, quant

A.F.

© X-D.R.

Cabaret Galilée Salle des Lices, Marseille Le 1er juillet Théâtre de la Poulie, Avignon du 8 au 31 juillet 06 85 82 29 25 www.compagniedugrandsoir.fr


FIN DE SAISONS 51

Cabeceo ?

Agenda musique

Pour la 6e édition, La Rue du Tango s’installe rue du théâtre français jusqu’au 23 juillet tous les vendredis soir de 21h à 1h. Les associations de tango marseillaises qui y participent organisent chacune une soirée, avec bal, démonstration et initiation gratuite : le 25 juin avec les Trottoirs de MarCarel Kraayenhof © X-D.R.

seille, le 2 juillet avec l’AKDmia et Paroles du Corps, le 9 Danse et Recherche [Mordida du port] et Esa, le 16 Almassilia et le 23 bal de clôture, Despedida, avec toutes les associations. Complétant les soirées dansées, des rendez-vous émaillent la programmation, comme la projection du documentaire Une histoire du tango de Caroline Neal suivie d’un débat et d’un buffet latinoaméricain en partenariat avec l’ASPAS (le 5 juillet à la Cité de la Musique), et le concert, suivi d’un bal tango, du grand bandonéoniste Carel Kraayenhof dans un concert solo qui fera entendre les œuvres de Piazzola, Pugliese entre autres, ainsi que ses propres compositions (le 6 juillet à 20h30 à l’auditorium de la Cité de la Musique). DO.M.

www.laruedutango.fr

Rapt et regard Pour finir la saison et avant de partir en tournée, en particulier à Vaison (voir p 14), le Ballet Preljocaj offre en son Pavillon Noir trois représentations de Noces et du Sacre. Créées à 12 ans d’intervalle (1989 et 2001), elles possèdent la même énergie tellurique, puisée dans les accents irréguliers de la musique de Stravinsky. Dans les chœurs pour Noces, dans l’argument sacrificiel pour le Sacre. Deux pièces qui parlent de la violence faite aux corps des femmes, par des hommes en proie à un désir qui les dépasse. A.F.

Noces, Le Sacre du Printemps Pavillon Noir, Aix Du 30 juin au 2 juillet 0811 020 111 www.preljocaj.org

AIX Cloître des Oblats : Voce Corpus par le groupe Aldilà et Natya.O’cie, chorégraphie de Brigitte Faragou (26/6) Résa au 06 15 97 04 65

CHÂTEAU-GOMBERT Musée du Terroir Marseillais : La soprano Isabelle Bonnadier chante Le cabaret de Satie, de la mélodie au café-concert, de l’opérette à la chanson, avec Simon Lebens au piano (le 10/7 à 21h30) 04 91 68 14 38

GARDANNE Musiques à Gardanne : Patrick Fiori (26/6) 04 42 65 79 00

MARSEILLE Station Alexandre : Le pianiste Romain Hervé joue des Polonaises et Mazurkas tirées de son dernier disque Chopin, danses polonaises (le 18/6) 04 91 00 90 00 www.station-alexandre.org

Montévidéo : L’Ensemble C Barré ? rend hommage à Varèse en interprétant Octandre (1923) et un choix de quelques opus satellites plus contemporains(le 20/6 à 14h) 04 91 04 69 59 www.grim-marseille.com

Villa Magalone : Christine Lecoin, Claveciniste, joue un programme réunissant deux musiciens français du XVIIIe siècle : Forqueray et Royer (le 18/6) 04 91 39 28 28 www.citemusique-marseille.com

Le sacre © J.-C. Carbonne

Cabaret Aléatoire : Travesti Monsters feat Beat Torrent, Le Catcheur et la Pute (18/6), Jack de

Marseille (19/6), Airbourne (22/6), Jeff Mills (2/7) 04 95 04 95 09 www.cabaret-aleatoire.com Espace Julien : Ed Mudshi before & after Dj Scream (18/6), JAF en fête (19 et 20/6), Ile Aiye, Ketubara, Tambores de libertade (9/7) 04 91 24 34 10 www.espace-julien.com

La Machine à Coudre : Sabot, Das Simple (19/6) 04 91 55 62 65 www.lamachineacoudre.com

Le Lounge : Mary (19/6), Raymonde Howard, Milkymee, Anything Maria (25/6), Jostle (26/6) www.myspace.com/lelounge13006

L’Intermédiaire : Leila and the bottle button (17/6), Signal boombass invite comik utopik (18/6), Space Link (23/6), Samba reggae (24/6), Messenger (30/6), 04 91 47 01 25 www.myspace.com/intermediaire

La Méson : La Mal coiffée & Los Ayas (19/6), Boogie Balagan (20/6), Flamenco fait Méson (27/6), Tablao Flamenco La Rubia & présentation de la 3e esquisse de Quand le silence crie (2/7), Melc (5/7), 04 91 50 11 61 www.lameson.com

Poste à Galène : The Last, Nation all Dust (19/6) 04 91 47 57 99

VITROLLES Domaine de Fontblanche : Fête de la musique avec Les durs à cuivre, Docteur Lester brass band (le 21/6) 04 42 79 63 60 www.charliefree.com


52

SAISONS

GYMNASE | JEU DE PAUME | ARLES

Sur tous les fronts Un petit bilan ? Avec ses 70 000 spectateurs, ses 12 500 abonnés, ses 3.400.000€ de subventions, ses 141 représentations de 28 spectacles, dont 1 production et 6 coproductions, le Gymnase/Jeu de Paume s’affirme année après année comme le plus gros pôle théâtral de la région, à tous les égards… Il faut dire que la programmation a de quoi satisfaire chacun, et ce n’est pas la saison nouvelle qui le démentira. D’abord parce que, contrairement à la tendance actuelle des autres théâtres pris à la gorge par les diminutions de budget, les deux salles augmentent leur nombre de spectacles : 32 l’an prochain, pour une saison qui commence en septembre et s’arrête en juin, histoire que le théâtre dure toute l’année scolaire. Et puis le menu témoigne toujours du même équilibre savant entre musique et théâtre, répertoire et création, entre divertissements, souvent bons, et spectacles plus exigeants, le tout pimenté par quelques compagnies régionales, et agrémenté d’une bonne dose de propositions jeune public «à qui il est indispensable de donner le goût du spectacle dans les salles mêmes où ils reviendront adultes». Dominique Bluzet d’ailleurs ne dissimule pas ses motivations : «Programmer Michel Boujenah est rentable : il remplit la salle et rapporte de l’argent, ce qui me permet d’en investir ailleurs, dans la création ou le soutien aux tournées. D’autres spectacles ne sont pas tout à fait rentables, mais fonctionnent comme des

produits d’appel : les spectateurs s’abonnent pour les têtes d’affiches, puis viennent voir des créations contemporaines. Souvent même ils les préfèrent !»

Au menu

Un avant-goût ? Côté répertoire un Marivaux par Jean-Pierre Vincent, le Richard II de Sastre si vous l’avez raté à Avignon, Châteauvallon, Nîmes ou…, un Goldoni et un Gozzi (L’Oiseau Vert, magique), deux comédies de Musset par Frédéric Plain, un Neveu de Rameau adapté et mis en scène par Nicolas Vaude, un Songe d’une nuit d’été importé depuis Alger par Ivan Romeuf et son complice M’Hamed Benguettaf. Un peu plus près de nous un Genet par Antoine Bourseiller revenu en ses murs, et Premier amour, un dernier Beckett proposé par Sami Frey ; puis la reprise de Vers toi Terre Promise de Grümberg, et tout près le très drôle et beau Livre d’or de Jan d’Hubert Colas. Parmi les autres créateurs (précieux !) de notre région seront présents Roland Hayrabédian pour la version scénique d’un conte contemporain finlandais (voir p 33), et beaucoup de créations jeune public : Michel Kelemenis avec une pièce dansée sur Matisse, Marie Provence avec un texte de Wajdi Mouawad, Caroline Ruiz avec un texte de Gilles Cailleau… Et côté divertissement, puisque sans lui il n’est point de joie : Michel Boujenah on vous l’a dit, mais aussi La Vie parisienne d’Offenbach, Edouard Baer, un Feydeau, le Quatuor et les Bonimenteurs. De quoi satisfaire chacun, et fuir l’ennui inhérent à notre complexion…

Henriette et Matisse, Michel Kelemenis © Agnes Mellon

Une fois de plus Dominique Bluzet annonce en ses théâtres une saison pléthorique, éclectique et… passionnante !

Le Gymnase, Marseille Le Jeu de Paume,Aix Saisons 2010/2011 0820 000 422 www.lestheatres.net

AGNÈS FRESCHEL

Belles manipulations Il sera question de manipulations de toutes sortes, au cours de la saison prochaine au Théâtre d’Arles. Sous des formes très diverses, ce sera la thématique que Valérie Deulin nous invite à suivre, sa «construction architecturale» qui promet quelques très beaux rendez-vous. Avec deux propositions insolites intitulées Inventer c’est penser à côté (A. Einstein) : l’approche singulière du corps de Julie Nioche qui nous plonge dans Nos solitudes ; et un «OTNI», le spectacle de deux artistes un brin dérangés, un spectacle de câble et d’épée de Halory Goerger et Antoine Defoort. Avec la fidélité aussi, et le retour notamment de la Cie Théâtre de Nénéka (appréciée la saison dernière avec Jean la chance) avec Baal de Brecht mis en scène par François Orsoni ; et la création du GDRA, Nour, pour laquelle ils étaient en résidence au Théâtre l’année dernière, et qui s’est nourrie d’histoires d’habitantes du quartier de Griffeuille à Arles ; la Cie Chatha et son Kawa conçu et chorégraphié par Aïcha M’Barek et Hafiz Dhaou… De nombreuses

civilisation à venir… Et si le Théâtre d’Arles, conformément à son conventionnement, s’attache à faire découvrir «les écritures contempo-raines» sous toutes leurs formes (sauf musicale !), notez quand même la présence de Tartuffe, dans une mise en scène dépouillée qui laisse la part belle aux acteurs de Gwenaël Morin. Enfin, deux temps forts émailleront la saison : dans le cadre de Terres de cirque un temps magie nouvelle. Et, pour débuter la saison sous de bons auspices, la proposition Cirque & Entresorts avec, entre autres, La Curiosité des anges de l’Entreprise, Les Cousins, la Cie Anomalie qui créera là son Mister Monster après une résidence… Le developpement de la civilisation © Sergio Chiossone

compagnies étrangères sont invitées, notamment Peeping Tom et sa dernière création, 32, rue Vandenbranden. Belge aussi mais moins connu par chez nous, Inne Goris signe la mise en scène du Muur d’après un texte de Pieter de Buysse. Les Portugais de la Cie Materiais Diversos, sous la direction artistique et chorégraphique de Tiago

Guedes danseront Matrioska. Le Suisse Dorian Rossel met en scène un projet fou, Soupçons, librement adapté du documentaire de Jean-Xavier de Lestrade Staircase avec comédiens et musiciens. L’Argentin Daniel Veronese adapte et met en scène Une maison de poupée d’Ibsen sous un titre prometteur : Le développement de la

DO.M.

Théâtre d’Arles Saison 2010/11 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com


LA CRIÉE | LE GYPTIS

SAISONS

53

Beaucoup plus qu’un baroud d’honneur C’est fait. Le ministère en a décidé ainsi, et la saison à venir sera la dernière de Jean-Louis Benoît à la tête du Théâtre National de la Criée. Quant à sa succession elle n’est pas encore décidée, et les supputations vont bon train, de Robert Cantarella à Macha Makeïeff en passant par Simon Abkarian. L’autre incertitude, de taille, est liée à la date de fin des travaux : la réouverture (enfin !) du Grand Théâtre est attendue pour mars, toute l’équipe actuelle a misé sur le respect de cette échéance, Jean-Louis Benoit y prévoyant même sa création dès le 8 mars … En attendant bien sûr le Petit Théâtre continue de fonctionner, avec une incursion à l’Auditorium du Pharo (concert de Dianne Reeves) et à La Friche, dans la Cartonnerie où le texte de Serge Valletti sur la «ratonade» des ouvriers italiens en 1893 à Aigues devrait trouver un décor propice (Sale août, mis en scène par Patrick Pineau). La saison 2010/2011 devrait amorcer un retour à la normale et, avec 23 spectacles programmés, retrouver une partie de son potentiel en termes de public. Il faut dire que la saison est exigeante, ménageant des exclusivités qu’on ne retrouve pas ou presque dans la région : ainsi Patrice Chéreau mettra en scène le Rêve d’automne de Jon Fosse, Médée sera portée par Catherine Germain mise en scène par Laurent Fréchuret, Arias passera par là, ainsi que Paul Desvaux qui monte un texte de Fabrice Melquiot sur Pollock, Yves Beaunesne avec son Récit de la Servante Zerline d’Hermann Broch porté par la sublime et rocailleuse Marilù Marini, la création du génial François Sivadier avec le non

moins fascinant Nicolas Bouchaud : Noli me tangere, d’après les paroles du Christ adressées à Marie Madeleine… bref un choix de grands metteurs en scène français présents sur les Théâtres nationaux. Sans oublier la Salle des fêtes de Deschamps/Makeïeff, un texte de O’Neill mis en scène par Célie Pauthe et coproduit par la Criée, la visite du CDN voisin (Nice) avec la création de Daniel Benoin sur Kerviel (Le roman d’un trader, de Jean-Louis Bauer), Frédéric Belier-Garcia qui revient avec une autre comédie de Hanokh Levin, François Rancillac qui s’est penché sur Le Bout de la route, première pièce de Giono, écrite au temps encore lumineux où il se souvenait de Jean le Bleu… Côté non dramatique on pourra voir cette année sur le grand plateau le Ballet National de Marseille dans la reprise de Moving Target, pièce qui fit la réputation internationale de Frédéric Flamand (aucun créateur de la région à part cela ! en ces temps de disette pour les cies régionales…) ; et Lyrinx viendra continuer d’enregistrer en public en invitant les plus grands pianistes de son écurie, c’est-à-dire Philippe Bianconi, Marie-Josèphe Jude, Bruno Rigutto, Mûza Rubackyté, Caroline Sageman et Katia Skanavi !

Politiques !

Enfin quelques spectacles plus modestes dans leurs moyens, mais d’une grande exigence artistique : Zone d’éducation prioritaire de Sonia Chiambretto mis en scène par Hubert Colas sera créé dans le cadre d’Actoral ; Et il me mangea du Vélo

Courtisane © Cie Emilie Valantin

Théâtre viendra décliner son joli univers pour enfants rêveurs ; le collectif D’Ores et déjà viendra jouer Notre terreur, une histoire des procès de 1793 mis en scène par Sylvain Creuzevault ; qui proposera aussi Product, une pièce sur une femme amoureuse d’un terroriste d’Al-qaïda ; puis Benoît Lambert viendra créer Que Faire ? le retour, écrit par son complice Jean-Charles Massera d’après le texte programmatique de Lénine, mais aussi Robespierre, Jaurès, Deleuze et quelques penseurs de la révolution ; et Emilie Valantin proposera quelques contes grivois de La Fontaine (il en écrivit beaucoup…), ce qui rappelle un des actes de censure les plus violents, qui aboutit à un reniement public de notre fabuliste… Bref, des spectacles politiques, qui interrogent notre rapport à l’histoire

et au pouvoir. Et la création ? Ce sera la dernière de Benoît en ces murs… et il a choisi Labiche. Un pied dans le crime est un vaudeville grave, qui dynamite par la puissance du rire et la mécanique comique les préoccupations mesquines des bourgeois du 19e siècle, qui ressemblent tant aux nôtres (ah les problèmes de voisinage ! ah les dénonciations !). Une autre façon d’interroger notre rapport à l’histoire, et à la conscience intime du juste… AGNÈS FRESCHEL

La Criée Saison 2010/2011 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

Sous le signe du désir Arakélian dans des airs de bravoure de Rossini à Gounod… Nettement moins glamour, mais tout aussi féminin, Une Opérette à Ravensbrück que Germaine Tillon écrivit en captivité, pour rester debout : une mise en scène de Danielle Stephan sur des arrangements Ulysse © Leo Ballani - Groupe Grenade

Saison après saison le Gyptis défend sa conception du théâtre. Centrée sur des valeurs indiscutables, qui l’amènent à faire travailler les artistes de la région, à donner à entendre de grands textes dramatiques ou musicaux, et à faire venir un public de plus en plus nombreux, et populaire, dans un lieu où les spectacles sont mis à sa portée. La saison sera encadrée, en octobre et en mai, par les lutins de Grenade en ouverture (Ulysse de Gallotta recréé par Josette Baïz) et les adultes de la compagnie qui créeront Gare centrale en clôture. Entretemps trois grands textes de répertoire : un Dom Juan en forme de road movie par la Cie la Naïve de Pertuis, Le Jeu de l’amour et du hasard de Philippe Calvario et la création de Françoise Chatôt, Roméo et Juliette, mettront cette saison sous le signe du désir… Ce que ne démentira pas le double récital de soprani, Brigitte Peyré et Murielle Tomao, accompagnées par Marie France

musicaux d’Alain Aubin. Musique encore avec My GGGeneration des Ateliers du Possible, un spectacle de théâtre qui s’offre comme un concert de rock, un documentaire historique, une analyse sociologique... Musique toujours avec La Disgrâce de Jean Sébastien Bach, que Serge Barbuscia a créé en son Balcon, et qui met en jeu la liberté des artistes, face aux directives des commanditaires… et une drôle de Folisophie (Michel Massé) pour ne pas se prendre au sérieux, même quand on parle métaphysique… Une saison équilibrée, non ? A.F.

Le Gyptis Saison 2010/2011 04 91 11 00 91 www.theatregyptis.com


54

SAISONS

LE SÉMAPHORE | LES SALINS

Résistance culturelle

! ou le métier de vivre, Serge Valletti pour sa prochaine création Roméa et Joliette ou encore Paul Fructus avec le spectacle À quoi on joue?. La programmation se promène sur l’autre rive avec le Théâtre National Algérien et la Cie l’Egregore dans une mise en scène commune de M’Hamed Benguettaf et Ivan Romeuf du Songe d’une nuit d’été, et du côté de la Tunisie avec Sarkha, spectacle interprété par les artistes de l’Ecole nationale des arts du cirque de Tunis dans le cadre de Terres de cirque (programmation due au théâtre des Salins, théâtre d’Arles et festival des Elancées). Tout cela n’est qu’un avant-goût, prenez le temps de découvrir le reste… DO.M.

Sarkha, cirque de Tunis © Amine Frigui

Si Pierre Grafféo est très soucieux du devenir de ce théâtre qu’il dirige depuis vingt et un ans, à l’instar de nombre de directeurs de lieux culturels (voir page 7), il peut toutefois se réjouir du bilan positif de la saison qui se termine, durant laquelle le taux de remplissage fut de 85%, 55% des spectateurs venant de la ville même. La saison prochaine inscrit tout naturellement la thématique des valises dans cette période trouble. 22 spectacles sont programmés (contre 19 la saison dernière) pour 47 représentations, 25 compagnies faisant une halte à la scène port-de-boucaine, grâce notamment à la reconduction des différents partenariats avec l’Office de tourisme, les centres sociaux et aérés, la médiathèque Boris Vian, les collèges et lycées… De belles rencontres s’annoncent, notamment avec des artistes de la région fidèles au théâtre, tels le clown Proserpine pour le fameux bal du début qui ouvre la saison, Catherine Marnas et la Cie Parnas pour Le Banquet Fabulateur, Sam Karpienia, François Cervantes et la Cie l’Entreprise avec Silence dans le cadre d’artistes aux collèges, Joëlle Cattino et la Cie Dynamo Théâtre, pour la deuxième année consécutive en résidence au Sémaphore, avec Hey Mambo

Le Sémaphore, Port de Bouc Saison 2010/11 04 42 06 39 09 www.theatre-semaphore-portdebouc.com

Fi du pessimisme ! Le bilan de la Scène nationale de Martigues en terme de fréquentation est bon, le nombre de billets émis est le même que lors de la saison précédente, qui avait enregistré un bond de 20% en un an. À savoir 34700 (dont un tiers concerne les enfants), avec 83% de «remplissage» de la salle ; les abonnés quant à eux sont au nombre de 2500, soit un tiers de la billetterie totale. La programmation, éclectique, est le reflet pour Annette Breuil du «bouillonnement créatif» des artistes : «ils sont passionnants à regarder, à écouter, il faut le dire !», c’est ce que l’on constate en découvrant une programmation qui fait la part belle à l’adaptation de la littérature d’une part, et à la musique actuelle d’autre part.

actuelle qu’il permet de découvrir (avec, Emilie Lesbros, Oh ! Tiger Mountain, Mekanik Kantatik…). Mais aussi le retour de Francesco Tristano, associé à Rami et Bachar Khalifé et Murcof pour un concert unique alliant musique méditerranéenne et électro ; l’ensemble vocal aixois Ad Fontes avec une version originale de Carmina Burana interprétée par 100 choristes, professionnels et amateurs ; les chansons de Jeanne Cherhal et de Karimouche ; et un peu de baroque et de classique avec l’Ensemble Café Zimmerman, le duo Nicholas Angelich et Hélène Desmoulin, le concerto Soave… Sans oublier un nouveau rendez-vous impulsé par les

Salins, le théâtre d’Arles, le Sémaphore à Port-deBouc et le Festival Les Élancées sur Ouest Provence: Terres de cirque, une programmation commune de cirque contemporain durant le mois de février, chaque lieu accueillant plusieurs spectacles. Et ce n’est qu’un aperçu ! DO.M.

Théâtre des Salins, Martigues Saison 2010/11 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

Sin Sangre © Rodrigo Gomez Rovira

Assises littéraires…

Quel moment privilégié que celui qui permet la redécouverte d’un auteur, de son œuvre, par le biais d’une mise en scène, d’une mise en musique ou en images… Et quels auteurs ! Catherine Marnas adapte Lignes de faille de Nancy Huston, Guy Cassiers s’attaque au chef-d’œuvre de Malcolm Lowry Sous le volcan, Zabou Breitman adapte La Médaille, le roman de Lydie Salvayre, Christine Letailleur revisite Hiroshima mon amour de Marguerite Duras, Wajdi Mouawad est l’auteur et le metteur en scène de Littoral, Sin Sangre d’Alessandro Baricco se trouve confronté à la Cie Teatrocinema, l’écriture de Philippe Djian se fond dans la musique et le chant de Stéphane Eicher lors d’une balade intimiste…

… et musicales

Cette année, carte blanche à Fred Nevchehirlian qui programme un Incisif par trimestre, des coups de cœur pour de jeunes artistes issus de la musique


SCÈNES ET CINÉ | NÎMES

SAISONS

55

Y’a pléthore !

Les théâtres de Scènes et Cinés affirment une belle vitalité avec une programmation qui fait la part belle au théâtre et au jeune public Cette vitalité est due à une volonté politique, comme l’explique Yves Vidal, le président de Scènes et Cinés, qui veut «maintenir l’engagement et les moyens en faveur du spectacle vivant au même niveau que la saison précédente», et ce en pleine «période trouble quant au devenir de la culture et de la création». La programmation enregistre une baisse quantitative de spectacles (24 de moins que lors de la saison précédente), mais «aucun sacrifice par rapport à l’accompagnement des artistes et des publics» souligne Mokhtar Benaouda, le directeur. Une baisse qui n’a pas d’effets négatifs sur la fréquentation : 51 504 billets ont été vendus pour la saison 2009/2010 contre 54 485 en 2008/2009, mais avec un taux de remplissage plus important, 80% contre 78,4.

Le théâtre en force

Entre répertoires classique et contemporain, les scènes du territoire accueillent de grands rendez-vous, et notamment Oh les beaux jours de Beckett dans une mise en scène de Michel Abecassis (dont on avait pu apprécier Pièces Détachées/Oulipo l’année dernière), une mise en scène de Charles Tordjman sur un texte de Jean-Claude Grumberg, Vers toi terre promise, Un homme est un homme de Bertolt Brecht revisité par le Cartoun Sardines Théâtre, Catherine Marnas et son Banquet fabulateur, le retour du Théâtre de Romette bien connu des spectateurs de Scènes et Cinés (Krafff, l’Opéra de Quat’sous…), avec L’Opéra du Dragon d’Heiner Müller, la dernière création du Théâtre de Pain Traces, Wajdi Mouawad et son voyage initiatique Littoral, la mise en scène de Patrick Pineau sur un texte de Serge Valletti sur le massacre des ouvriers italiens d’Aigues Mortes en 1893, Sale août, la venue pour la 1re fois d’Edmonde Franchi

avec deux de ses pièces, Cœur @ prendre et Carmenseitas… Et pour le côté répertoire, Alain Gautré met en scène Le Malade imaginaire, Isabelle Andreani Il faut qu’une porte soit ouvert ou fermée de Musset, Nicolas Briançon La Nuit des rois de Shakespeare, Renaud Marie Leblanc Phèdre de Racine… Sans oublier les «têtes d’affiche», parmi lesquelles Pierre Richard, Gérard Jugnot, Francis Huster…

La jeunesse

Concoctée par Françoise Marion, la programmation jeunesse est des plus ambitieuses, faisant alterner les propositions pour les tout-petits (dès 18 mois, tels Où va l’eau d’Alban Couleau et Ikare de la Cie Anima Théâtre) et les plus grands, riche, diversifiée, alliant théâtre, installations, musique, danse… On retiendra particulièrement pour les 6 ans et + la création de la Cie québécoise Le Carrousel, Nuit d’orage, d’après Stormy Night de Michèle Lemieux (l’année dernière le magnifique Le Bruit des os qui craquent avait enchanté le public fosséen), le spectacle pluridisciplinaire Première neige de la Cie Kopergietery et Vélo Théâtre, La confidence des oiseaux de la Cie Le Guetteur, le retour de la danse d’Itinerrances avec son très beau Les Ailes de Mademoiselle Philomène, et à partir de 9 ans Une chenille dans le cœur de la Cie Viesavies, les 10 millions de Km2 de la Cie Skappa ! ou encore l’adaptation du roman Oh Boy ! de Marie-Aude Murail par Lionel Erdogan.

Vers toi terre promise © Christine Sibran

shwin, la venue de l’École Nationale des Arts du Cirque de Tunis avec Sarkha et le très attendu Epicycle de la cie CirkVOST, sous chapiteau… Dans le domaine des arts de la rue, notez que la 2e édition de Carrément à l’Ouest, en octobre, en partenariat avec le Citron Jaune, à Port-SaintLouis, fera une large place aux femmes avec le Blöffique Théâtre et ses œufs en fourrure, l’univers BD de Lili Jenks (les 2 compagnies seront en résidence au Citron), la mystérieuse Mademoiselle de la Cie Jeanne Simone… Enfin, en début de saison, le chorégraphe israélien Emanuel Gat, toujours en résidence à la Maison de la danse à Istres, présentera à l’Olivier sa dernière pièce, Brilliant Corner, avant sa création à la Biennale de la danse de Venise. Pour le reste, sachez que le programme est consultable sur le site de Scènes et Cinés, et les abonnements possibles ! DO.M.

Les festivals

Scènes et Cinés Ouest Provence Saison 2010/11 www.scenesetcines.fr

La 13e édition des Élancées est programmée du 11 au 20 février : parmi les quelques éléments connus à ce jour, notons la création du duo Montalvo-Hervieu Lalala Ger-

Les créations priment La saison à Nîmes s’annonce équilibrée, entre théâtre, musique et danse, et les deux Festivals flamenco et Japonais

Tout va bien d’Alain Buffard © Marc Domage

Après Bruno Geslin, qui sera présent lors du concert théâtral du groupe Coming Soon qu’il met en scène, c’est au tour du chorégraphe Alain Buffard de s’associer au Théâtre de Nîmes, association qui sera reconduite pour la saison 2011-2012. Avec Tout va bien, dont la création a lieu au Festival Montpellier danse le 21 juin, et Les Inconsolés d’autre part. Autres grands rendez-vous dansés, le retour de la chorégraphe et danseuse Anne Lopez (après Duel et La Menace la saison passée) et la Cie Les Gens du quai pour leur dernière création Feu à volonté ; la création 2010 de la cie de Philippe Decouflé ; une carte blanche à Laurent Pichaud au Muséum de Nîmes pour un parcours inédit Une notre trace… Et la Merce Cunningham Dance Company qui se produira avec trois pièces majeures : Pond Way, Quartet et Antic Meet : la date est exceptionnelle, la troupe mythique devra se dissoudre deux ans après la mort du maître. En théâtre aussi l’on attend de belles choses, entre écritures contemporaines et classiques : Listen to me de Gertrud Stein conçu et joué par Emma Morin, la création de Serge Valletti pour la Cie l’Heure du Loup Roméa et

Joliette, la reprise du Timon d’Athènes, Shakespeare and slam mis en scène par Razerka Ben Sadia-Lavant après le succès de la saison passée, Merlin d’après Merlin ou la terre dévastée de Tankred Dorst par le collectif Les Possédés, le retour de François Morel au théâtre avec Instants Critiques avec Olivier Saladin et Olivier Broche, le retour de Patrice Thibaud et Philippe Leygnac qui après Cocorico reviennent avec Jungles. Une mise en scène de Yves

Beaunesne, que les Nîmois ont la chance de bien connaître, Le Récit de la servante Zerline de Hermann Broch, celle de Jean-Baptiste Sastre après sa création à Avignon cet été, LaTragédie du roi Richard II de Shakespeare, ou encore celle de Christophe Lidon, La Serva Amorosa de Goldoni… Et comme toujours à Nîmes un programme musical de choix : René Martin reconduit La Folle nuit sur deux jours au lieu d’un ; un seul opéra au programme, Semiramide de Rossini dans une mise en scène de Kirsten Harms ; une opérette, Une éducation manquée d’Emmanuel Chabrier, avec, en contrepoint, La Voix humaine de Francis Poulenc d’après Jean Cocteau ; et la création d’un spectacle musical écrit et improvisé de Mozart à Wolff conçu par Nicolas Stimbre, Du vent dans l’horloge ; du jazz avec un concert de Stéphane Kochoyan lors de la 5e édition de L’Agglo au rythme du jazz… Enfin, deux grands rendez-vous devraient retenir votre attention : le Festival Flamenco qui s’installe pour la 21e année, et la passionnante biennale L’Expérience Japonaise. Nous y reviendrons en détail ! DO.M.

Théâtre de Nîmes Saison 2010/11 04 66 36 65 00 www.theatredenimes.com


56

SAISONS

THÉÂTRE DURANCE | THÉÂTRES EN DRACÉNIE | CAVAILLON

Le Théâtre Durance entame sa quatrième saison sous le signe de la pluridisciplinarité, entre pépites et découvertes, avec l’envie d’offrir des spectacles à voir en famille et de soutenir la création régionale. Pas moins de 8 projets y trouvent place : Kelemenis & cie pour Disgrâce, la Cie Chatôt-Vouyoucas qui reprend Le médecin malgré lui de Molière, Alain Jaume et Alain Soler qui s’accordent à jouer Hymnesse, la Cie Onstap en tournée avec Parce qu’on va pas lâcher, le Ballet national de Marseille et son triple programme Sextet / Inverses / Tempo vicino (1er avril), le Théâtre du balcon pour La disgrâce de J.-S. Bach. Ou encore la création de la Cie Clandestine qui pose la question au jeune public Quoi ? C’est quoi ? et le Nomade village qui poursuit son projet danse-vidéo Des corps de ville dans le cadre du projet CAT-Confrontations Artistiques Transfrontalières. Bref des rencontres et des événements, des projets un peu fous ou surprenants… L’iconoclaste Alfredo Arias viendra

avec deux spectacles musicaux ébouriffants : Tatouage et Cabaret Brecht Tango Broadway, Jean-Louis Foulquier fera son retour sur les planches le temps d’avaler sa Première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules, adaptée des récits anamnestiques de Philippe Delerm. Robin Renucci et Marianne Basler accorderont leurs voix pour faire entendre les dialogues finement alambiqués de Sacha Guitry dans Désiré… Dans le genre inclassable, le spectacle de cirque chorégraphié L’iceberg de L’Éolienne, né de la rencontre entre la chorégraphe Florence Caillon et le journaliste d’investigation Denis Robert, ne devrait laisser personne de glace.Tout comme Le Chagrin des ogres de la Cie Artara déconseillé aux moins de 16 ans qui met en scène l’inquiétude et la désolation d’adolescents d’aujourd’hui. Sans oublier Jean-Luc Revol qui revisite à la sauce des années 50 Le préjugé des vaincus : airs endiablés, couleurs vives… aussi alerte que la prose subtile de Marivaux ! Et tant d’autres choses encore à découvrir dès

Tatouage, Alfredo Arias © Gabriel Rocca

Si jeune et pourtant…

lors que la Cie Propos de Denis Plassard aura signé le top départ de la saison, le 2 oct, avec Les cadavres se regardent dans le miroir. M.G.-G.

L’eau à la bouche Il y a des signes annonciateurs d’une belle saison : des metteurs en scène talentueux, des artistes créatifs, des textes à vous couper le souffle, des œuvres à découvrir… Petit aperçu de quelques temps forts de Théâtres en Dracénie.

Théâtre Durance, Château-Arnoux Saison 2010/2011 04 92 64 27 34 www.theatredurance.com

Du lancement au bouquet final, le cirque fait son chemin depuis les australiens Circa qui réinventent le cirque-danse dans un spectacle poétique et sensuel, la performance acrobatique et urbaine Traces de la Cie Les 7 doigts de la main, Adrien Mondot qui Creation 2010 Angelin Preljocaj © JC Carbonne

jongle avec les illusions d’optique et les arts numériques dans Cinématique jusqu’à Aurélien Bory qui s’interroge Questcequetudeviens ? Entre-temps place au théâtre avec le très lyrique pamphlet d’Olivier Py, leçon prodiguée aux apprentis comédiens dans Epître aux jeunes acteurs ; l’exploration des farces conjugales de Feydeau par Alain Françon, la reprise triomphale de Peter Pan mise en scène par Alexis Moati. Le talentueux Denis Podalydes se démultiplie dans Le cas Jekyll et Catherine Marnas adapte Lignes de faille de Nancy Huston, ou le compte à rebours de 60 ans d’histoire familiale perçue par les yeux des enfants… D’entrechats en sauts de biche, Draguignan accueille Marie-Claude Pietragalla en solo, Raphaëlle Delaunay et son jazzistique Bitter sugar, l’ombre planante de Joseph Nadj sur Les corbeaux, l’ode au flamenco de Stéphanie Fuster et la création 2010 d’Angelin Preljocaj pour 20 danseurs, moitié Ballet moitié Bolchoï, pour parler d’Apocalypse… Quant au programme musical il jongle avec des sonorités diverses, de Christophe en concert aux Variations Diabelli de Beethoven dans la pièce de théâtre musical pour enfants Boucle d’Or et les 33 variations (Cie Les Rémouleurs), en passant par Leonardo Garcia Alarcon qui croise les Madrigaux de Monteverdi et les Tangos d’Astor Piazzolla… M.G.-G.

Théâtres en Dracénie, Draguignan Saison 2010/2011 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com


L’éclat du risque

Ne vous y trompez pas : l’an dernier le cœur de Cavaillon avait l’art de flamber, cette fois la maison semble prendre l’eau… et le slogan de saison, emprunté à Alain Badiou, appelle à «réinventer le risque et l’aventure, contre la sécurité et le confort». Un beau pari, pour la petite Scène Nationale, qui propose une programmation revitaminée, avec un nombre de spectacles revenu à son niveau d’avant les coupes budgétaires… et un choix d’artistes osé. Il faut dire que le public vauclusien suit Son théâtre avec une fidélité qui fait plaisir à voir. Et que ce lieu collabore avec la plupart des scènes avignonnaises (les Doms, les Hivernales, les Halles…), parcourt le territoire avec ses Nomades, et se montre particulièrement attentif à sa mission de pôle régional, qui l’amène à soutenir la création qui s’élabore ici. Au programme donc 35 spectacles exigeants : côté danse Nathalie Pernette ouvre la saison avec ses Miniatures de rue, Denis Plassard vient danser son roman photo, Kader Attou chorégraphie les Chants plaintifs de Gorecki ; côté surprise les atypiques de Grand Magasin, as des Déplacements de problèmes. Quelques spectacles que nous avons vus et vous recommandons ? le Photo Romance de Lina Saneh et Rabih Mroué, Abeilles habillez-moi de vous (Philippe Dorin et Sylviane Fortuny) pour vos enfants, le Phèdre de Renaud-Marie Leblanc, La Commission centrale de l’Enfance de David Lescot. Et encore : Seuls, la pièce la plus bouleversante de Wajdi Mouawad ; le malicieux Comme je l’entends, confession ironique d’un guitariste contemporain (Benjamin Dupé). Et puis des créations, tout aussi engageantes : Olivier Py qui continue son travail passionnant sur Eschyle, Raoul Lay qui avec Renaud-Marie Leblanc va tenter une remixture théâtrale du Pierrot Lunaire de Schoenberg, Ex Nihilo qui transporte ses explorations jusqu’à Séoul, et le Villa Olga de Catherine Zambon qu’Alexandra Tobelaim met en scène… Vous voulez encore attiser vos désirs ? Le Turak théâtre vient avec ses Fenêtres éclairées et ses Nouvelles et courtes pierres, Julien Bouffier revisite Hiroshima mon amour de Duras, Aurélien Bory demande Questcequetudeviens ? Emmanuel Demarcy Mota retrouve Fabrice Melquiot pour dire leur désir commun d’embrasser Petula Clark… Et bien d’autres surprises ! Alors abonnez-vous, la billetterie est ouverte ! AGNES FRESCHEL

La Scène Nationale, Cavaillon Saison 2010/2011 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com Hiroschima mon amour © Marc Ginot


58

SAISONS

PAVILLON NOIR | OPÉRA DE MARSEILLE | SMCM | GTP

D’un air bravache Le Centre chorégraphique national affiche une belle santé insolente : avec des abonnés en hausse de 12%, un taux de remplissage de plus de 100% et 25000 spectateurs, le Pavillon Noir remplit ses missions en un contexte difficile, profitant du succès des tournées du Ballet Preljocaj, qui sont bénéficiaires (plus de 50% de recettes propres), pour programmer plus de spectacles en ses murs sans augmenter les tarifs, multiplier les actions pédagogiques et les manifestations à entrée libre, coproduire et accueillir trois artistes en résidence. La nouvelle saison propose 16 spectacles de 19 chorégraphes, dont 10 femmes (Germaine Acogny, Bouchra Ouizguen, Robyn Orlin, Nacera Belaza…). Une parité stricte qui fait aussi la part belle aux compagnies d’ici : Grenade, le Ballet d’Europe, le Ballet National de Marseille,

très différents, avec en particulier Le Prince de verre de Claude Brumachon, les petiteshistoires.com de Kader Attou, ou le travail plastique de Yann Giraldou. Et quelques propositions plus radicales comme celles de Nacera Belaza, Miguel Guttierrez, Bouchra Ouizguen ou Robyn Orlin : si vous aimez sortir d’une salle bouleversés, ne ratez pas le Madame Plaza de la Marocaine et le Daddy, I’ve seen… de la Sud-Africaine. AGNÈS FRESCHEL

Le Prince de verre, Claude Brumachon © X-D.R

Yann Giraldou, et bien sûr les Affluents et le Ballet Preljocaj. Ils reprendront les deux parties d’Empty Moves, et danseront au Grand Théâtre voisin la nouvelle création de Preljocaj, conçue pour 10 de ses

danseurs et 10 du Bolchoï, autour de l’Apocalypse de Jean, et de la musique de Laurent Garnier. D’autres bonheurs ? une grande attention portée au jeune public, initié à des styles

Samson, Hélène, Andrea, Wozzeck…

Quelle belle saison que celle promise par l’Opéra de Marseille ! On y retrouve sept productions lyriques, neuf grands concerts… et des têtes d’affiches majeures

J.D.Florez © X-D.R.

C’est dans le rang des ténors qu’on les distingue, au faîte de leur gloire : Roberto Alagna inaugure le rôle du Cid de Massenet et Juan Diego Florez remplira les travées pour un récital de prestige. Côté répertoire le directeur Maurice Xiberras n’oublie pas, à côté du Rodrigue cornélien, deux genres très français : le Grand-opéra de Saint-Saëns Samson et Dalila (en version de concert) avec Olga Borodina et la folle opérette d’Offenbach La belle Hélène où Mireille Delunsch est mise en scène par Jérôme Savary… en cadeau de Noël ! L’Italie vériste est très présente avec Andrea Chénier de Giordano, toujours sans notre Roberto national pour le rôle titre, mais chanté par le Serbe Zoran Todorovitch. On redécouvre avec plaisir le diptyque coproduit avec les Chorégies d’Orange en 2009 : Cavalleria Rusticana de Mascagni et I Pagliacci de Leoncavallo avec Béatrice Uria Monzon. Alagna (décidément !) tenait les deux principaux rôles au pied du mur vauclusien : il laisse sa place aux ténors Luca Lombardo (enfin à Marseille !) et Vladimir Galouzine. Si l’on retrouve le Don Giovanni mozartien mis en scène par Frédéric Bélier Garcia, on attend une nouvelle production du chef d’œuvre expressionniste Wozzeck d’Alban Berg mis en scène par Guy Joosten. Hormis la prestation du fameux ténor péruvien, les concerts affichent de grands solistes tels les pianistes Bertrand Chamayou, Cyprien Katsaris, Mikhaïl Rudy, notre «local» Edouard Exerjean, le violoniste Nemanja Radulovic, le guitariste Emmanuel Rossfelder, tous dans de grands Concertos du répertoire avec l’Orchestre Philharmonique de Marseille. De nombreux récitals de musique de chambre et des artistes du CNIPAL circonscrivent, dans le somptueux Foyer art-déco du théâtre municipal, un programme prometteur. Avec une programmation de productions lyriques unique dans les saisons régionales, et des inquiétudes qui demeurent, à ce titre, sur les travaux indispensables à l’horizon de plus en plus proche de 2013… Pour l’heure l’ouverture des locations se fera le 6 juillet à 8h. Sonnez matines ! JACQUES FRESCHEL

Opéra de Marseille Saison 2010/2011 04 91 55 11 10 www.opera.marseille.fr

Pavillon Noir, Aix-en-Provence Saison 2010/2011 0811 020 111 www.preljocaj.org

Cartel de la Timone

Quatuor Modigliani © Andrew French

Quatre-vingt-dix printemps que la toujours jeune Société de Musique de Chambre de Marseille affiche des formations musicales que la mélomanie universelle prise d’ordinaire sur des scènes capitales ! De novembre à avril, les amateurs phocéens remonteront à nouveau, en file indienne, les marches qui mènent à l’Auditorium de la Faculté de médecine de la Timone. Une chance (cosa rara !), son acoustique est remarquable pour un genre musical qui exige attention et finesse d’écoute. Mais pour ouïr Jean-Claude Pennetier dans les Concertos de Chopin (transcription de l’orchestre pour quatuor à cordes), les Quatuor Zemlinsky, Renoir, Signum, Modigliani, les pianistes Emmanuel Strosser, Martin Helmchen, le clarinettiste Romain Guyot, le violoncelliste Raphaël Pidoux, l’altiste Maxim Rysanov ou l’Ensemble Raro, il faut se lancer, adhérer pour la saison et devenir «Sociétaire» (car point n’est possible de louer un concert à l’unité), afin de découvrir de stupéfiants opus de Mozart, Beethoven, Brahms, Schumann… Et il ne s’agit pas d’adhérer à une société secrète et inaccessible ! Les tarifs pour neuf récitals vont de 90 à 180 €, avec une gratuité pour les enfants de sociétaires de 7 à 14 ans, même si vous en avez une ribambelle… JACQUES FRESCHEL

Adhésions Espace Culture 04 96 11 04 60 ou Harmonia mundi 04 91 33 08 12


Mention Bach

Après Mozart et Beethoven, Dominique Bluzet et Françoise Jan convoquent le Kantor de Leipzig au Grand Théâtre de Provence Autour de grandes fresques sonores, la Messe en si ou la Passion selon Saint Jean, on entend les Variations Goldberg (Zhu Xiao-Mei), son Magnificat (Musicatreize), des Motets (Accentus) et Concertos Brandebourgeois (Les Siècles), des pièces d’orgue (Bernard Foccroulle) ou d’orgue «à bretelles» (l’accordéon de Richard Galliano), les frasques de Jean-François Zygel… Hormis ce fil rouge sonore, on attend la Résidence printanière de l’Orchestre et des Chœurs de Radio France, et l’on retrouve l’Orchestre Français des Jeunes ou celui de Xavier Roth.

Spectacles

Deux opéras sont offerts sur le grand plateau aixois : la reprise de la formidable production du festival d’Aix 2009 Orphée aux Enfers d’Offenbach et une Italienne à Alger dans le pur style virevoltant de Rossini… En bada, un concert mis en espace, une relecture très libre de la Flûte enchantée mozartienne. Une large place est faite à la danse, avec de grands ballets : la dernière création de Preljocaj bien sûr, en collaboration avec le Bolchoï, mais aussi le Cendrillon de Michel Kelemenis commandé par le (grand !) Ballet du Grand Théâtre de Genève, Frédéric Flamand qui reprend Moving Target avec le Ballet National, et puis encore Mourad Merzouki, Antonio Gades et Carlos Saura, Gallotta… Et une excellente surprise : le légendaire Slava’s Snowshow, grand spectacle de clown féérique de la Cie Licedei, qui tourne depuis 15 ans et totalise plus de 3 millions de spectateurs, viendra faire tomber sa neige en novembre…

Solistes en rafales

Côté récitals, que dire de la qualité des interprètes et des formations invités ? Des pianistes Hélène Grimaud, Brigitte

Engerer, Philippe Giusiano, David Fray, Bruno Fontaine, Iddo Bar-Shai, Edna Stern, des violoncellistes Ophélie Gaillard et Henri Demarquette, des mezzosopranos Angelika Kirchschlager et Jennifer Larmore, des chefs Tugan Sokhiev (et le Mahler Chamber Orchestra) ou Jos van Immerseel (Anima Eterna), de jeunes et brillants quatuors à cordes Modigliani, Psophos et Chiaroscuro (dont certains sont affichés au Théâtre du Jeu de Paume)... Le «sacro-jazz classico-swing» de Raphaël Imbert et du Quatuor Manfred trouve sa place dans un cortège de noms tels que Steve Coleman, Didier Lockwood, Bireli Lagrène, Carla Bley… De nombreux spectacles «jeunesse» parachèvent le programme, toujours dans le souci de fabriquer le public de demain, et de lutter contre le vieillissement du public des musiques classiques : la troisième saison qui devrait voir le public affluer vers les sièges vermillon du Théâtre. Car avec près de 65000 spectateurs pour 4500 abonnés en 2009-10, il est clair que le Grand Théâtre de Provence a donné une ampleur nouvelle à la vie musicale. Même si les musiciens de la région y trouvent difficilement une place, contrairement aux chorégraphes, le GTP offre aux habitants, à des prix qui n’ont rien à voir avec ceux pratiqués dans les mêmes murs par le Festival d’Aix, l’occasion d’entendre et de voir des spectacles musicaux d’exception. JACQUES ET AGNÈS FRESCHEL

Le Grand Théâtre de Provence, Aix Saison 2010/2011 04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net

OFJ Kwame Ryan © Grand theatre de Provence/Agnes Mellon


60

CINÉMA

CINÉCOLE | LA QUINZAINE | AFLAM Le nom des gens de Michel Leclerc © Michael Crotto

Douze à la Deux jours après l’annonce du palmarès cannois,l’Alhambraa présenté 12 des 22 films sélectionnés pour la 42e Quinzaine des réalisateurs. En ouverture, Pieds nus sur les limaces de Fabienne Berthaut, soutenu par la région PACA et distingué par le Art Cinema Award. Lily pleure, s’empiffre sur la tombe de sa mère, tue les animaux, confectionne pantoufles et porte-clés en fourrure, enchaussette les arbres, dort avec un dindon, détourne les objets quotidiens de leur fonction, dit ce qu’elle pense, ne connaît ni le dégoût du sexe ni celui des cadavres, artiste instinctive, sans limite, insupportable, inadaptée. Amenée à s’occuper d’elle après la mort de leur mère, sa sœur aînée, l’urbaine, la pudique Clara, résignée à une existence lisse auprès de son avocat de mari, bascule dans cet univers et reconsidère sa vie. Malgré quelques complaisances, servi par le jeu généreux de Ludivine Sagnier, de Diane Kruger et les créations plastiques de Valérie Delis, le film réserve de jolis moments de fusion sororale mais laisse le spectateur dans l’inquiétude de l’«hiver sans pantoufles» qui suivra inéluctablement ces instants solaires. Au programme, deux autres films français peu novateurs parlant d’amour et de désir. Celui de Katel Quillévéré, Un poison violent, prix Jean Vigo 2010, sur fond de catholicisme breton, crise de couple et émois adolescents, dont le sujet semble tiré de l’épître de St Paul aux Galates, cité lors de la confirmation

On achève bien le plaisir C’est une sélection particulièrement réussie qu’a présentée la commission Cinécole : ce marathon de cinéma, collaboration de 28 ans entre l’Académie de Nice, Cannes Cinéma et la ville de Cannes, s’est déroulé les 22 et 23 mai à l’espace Miramar. Issus de toutes les sélections du Festival, les quatorze films étaient variés. Les 330 participants, enseignants, étudiants et lycéens, ont pu réfléchir, rêver, pleurer et rire. Deux comédies les ont ravis : Le Nom des gens de Michel Leclerc, un film au rythme enlevé où l’on voit même Jospin avec une réplique qui tue : «un jospiniste aujourd’hui, c’est aussi rare qu’un canard mandarin sur l’île de Ré» ; Sound of Noise, premier long métrage des Suédois Olaf Simonsson et Johannes Stjärne Nilsson, satire déjantée des institutions musicales. Construit comme un thriller, le film fait se succéder gags et inventions absurdes sur un rythme trépidant, servi par un casting de comédiens musiciens sauf Sanna Persson, la tête du gang qui a décidé d’exécuter une œuvre musicale apocalyptique en utilisant la ville comme instrument… Musique encore dans le documentaire de Renaud Barret et Florent de la Tullaye, Benda Bilili : de 2004 à 2010, de Kinshasa aux Eurockéennes de Belfort, les réalisateurs aident et filment l’ascension musicale et humaine de Papa Ricky qui rêve de faire du Staff Benda Bilili le groupe de musiciens handicapés le plus célèbre du monde. Un film qui parle de solidarité, de musique, d’amour, une vraie leçon de vie, qui a été le Coup de cœur de Cinécole. Entre nos mains de Mariana Otero suit durant trois mois les projets, les questionnements des employées d’une entreprise de lingerie féminine : va-t-on sauver la PME en constituant une scop ? Même si le documentaire est lent à démarrer, cette galerie de portraits fait réfléchir sur la solidarité ouvrière. Autre fait de société abordé par Illegal : les sans papiers. C’est à une dénonciation féroce que se livre Olivier Masset-Depasse qui, ayant découvert qu’il habitait tout près d’un centre de rétention, en Belgique, a mené une enquête solide avant d’écrire un scénario de fiction. À travers l’histoire de Tatiana, superbement interprétée par Anne Coesens, le réalisateur a voulu montrer la situation terrible que vivent des gens, seulement parce qu’ils n’ont pas de papiers. Un film coup de poing

qui aurait pu se passer du mélo de la séquence finale. Pour finir, le dernier film du doyen du cinéma, Manuel Oliveira (102 ans), L’Étrange Affaire Angelica, conte fantastique où un photographe qui doit prendre un cliché d’une jeune fille morte la voit lui sourire dans son objectif. Des scènes oniriques pour prolonger la nuit de cinéma de la centaine de spectateurs qui ont tenu le coup des 28 heures de projection de ce superbe marathon. ANNIE GAVA

Autres coups de cœur Des hommes et des dieux (prix Éducation Nationale) de Xavier Beauvois, pour sa grandeur d’âme et ses plans serrés sur les beaux visages des moines, pour la liberté et la force de l’engagement face au chaos et la haine la plus abjecte. Tournée de Mathieu Amalric, pour ses images et créatures felliniennes entre burlesque mélancolique et New Burlesque, surtout lorsque les masques et les faux-cils tombent. Le nom des gens de Michel Leclerc, pour Sara Forestier. Nul ne lui résiste, même Arthur Martin (Jacques Gamblin), quadragénaire timoré ; bien éloignée du prosélytisme politique cette Bahia Benmahmoud qui couche avec ses adversaires de droite pour les convaincre ! Tous les partis pris du film sont poussés jusqu’au bout, sur un rythme effréné et avec allégresse. MURIEL BENISTY ET ANDRÉ GILLES

Une Palme d’Or un peu Marseillaise Cette année, la Palme d’Or du court métrage a récompensé un film d’animation, Chienne d’histoire de Serge Avedikian. L’univers graphique développé dans le film est le fait d’un artiste marseillais, Thomas Azuélos, illustrateur pour la presse, dessinateur et scénariste de BD qui développe une œuvre originale. Vous pouvez lire, entre autres, Abigaël Martini, les aventures d’une stagiaire commissaire à Marseille. YUGEN

http://azuel.free.fr

Cleveland contre Wall Street © Christopher First


CINÉMA 61

Quinzaine The Light Thief d'Aktam Arym Kubat

de la jeune héroïne : «Car les tendances de la chair s’opposent à l’esprit, et les tendances de l’esprit s’opposent à la chair.» Celui de Louis Garrel, Le petit tailleur, court métrage en noir et blanc, gracieux et nostalgique, à l’ombre de la vieille Nouvelle vague : cafés parisiens, citations littéraires, voix off, jeunes gens beaux et amoureux. Bien loin de cette douce France, The light Thief d’Aktam Arym Kubat élargit l’horizon dans un Kirghizstan balayé par les vents sibériens et par ceux de l’histoire, contrée où de nouveaux enjeux économiques bousculent les équilibres des communautés villageoises et où les rêves lumineux d’un cœur pur ne peuvent qu’être éteints par les mafieux universels. Dire le monde tel qu’il va et tel qu’il ne va pas, c’est aussi le propos de JeanStéphane Bron dans Cleveland vs Wall Street, offrant par ce reportage-fiction aux habitants de Cleveland, expropriés à la suite de la crise des subprimes, le procès que les puissantes banques de Wall Street leur ont refusé, démontant à travers le témoignage de ces pauvres gens démunis et crédules la mécanique vicieuse du capitalisme financier. Précis et implacable. Mais le film le plus audacieux de cette sélection demeure Le quattro volte de Michelangelo Frammartino, un petit joyau de cinéma à l’éloquence taiseuse qui rend l’œil intelligent. Olmi et Tati réunis. Sans musique, sans dialogue, sans histoire autre que celle du cycle des saisons, des événements infimes et essentiels de la vie de ce village perché de Calabre. De la mort du berger à la naissance d’un chevreau, de l’abattement d’un arbre centenaire au travail des charbonniers. Plans fixes qui arrêtent le temps et où advient soudain l’altération, la différence, les prémisses du passage, la révélation d’une correspondance poétique ou même un gag. La Quinzaine, cette année encore, a donné un aperçu de la diversité du travail des jeunes réalisateurs dont on espère qu’il trouvera, par les voies impénétrables de la distribution, un chemin vers un public plus large. ÉLISE PADOVANI

Tanger, muse cinématographique C’est sur Une Fenêtre à Tanger, court métrage d’Yves de Peretti, que s’ouvrait le 27 mai, à l’Alcazar, le cycle Tanger Rêvée proposé par AFLAM. Une Fenêtre à Tanger, c’est une rencontre, celle de Matisse avec l’art oriental. Et par extension, celle des artistes avec cette ville. Avant Matisse, il y a eu Delacroix ; après, Jean Genet, Roland Barthes, Paul Bowles et Jack Kerouac, Joseph Kessel. Et puis des cinéastes. Car une des facettes de la beauté de Tanger, c’est son animation, faite pour le cinéma. Elle provoque des pulsions de l’image, comme l’exprimait Hicham Ayouch après la projection de son film Fissures au cinéma Variétés. Si la forme, proche du Dogme, et l’absence de scénario pouvaient déconcerter, le désir d’immersion dans la nuit tangéroise était contagieux. L’attraction que crée Tanger sur les hommes, surtout ceux de passage, a parcouru Tanger Rêvée. Dans Loin, d’André Téchiné, Serge ne peut s’empêcher de quitter Tanger et Sarah puis de revenir sans cesse vers elles. Dans Juanita de Tanger, ladite Juanita, espagnole tangéroise des années où la ville était zone internationale, les regarde aller et venir, ces passants de Tanger, elle incapable de tant d’errance. Le film de Farida Belyazid, première femme réalisatrice marocaine, a cette mélancolie sans tristesse des films d’Almodovar, l’interprétation de Mariola Fuentes y étant pour beaucoup. La période internationale de Tanger, propice aux échanges et donc aux trafics, est souvent au cœur de ces oeuvres. La ville fut le cadre de films d’espionnage français teintés d’exotisme et de romance dans les années 30. Dans ce registre joliment suranné, AFLAM proposa Gibraltar de Fedor Ozep, Alerte en Méditerranée de Léo Joannon et, plus proche de nous, L’Homme de la Jamaïque de Maurice Canonge. Si les deux premiers suivent les aventures d’officiers occidentaux, en proie aux crimes et aux charmes de la ville autonome dans un classicisme presque scolaire, le dernier, qui date de 1950, a le bon goût de prendre le sujet à l’envers : une femme peut-elle faire d’un trafiquant un homme rangé ? Car dans la Tanger rêvée par les cinéastes, une Tanger interlope, les tentations sont permanentes. Tanger et son statut international, c’est un peu Chicago et la prohibition : un vivier à films noirs. Arcady s’y est essayé dans Dernier Eté à Tanger avec un Thierry Lhermitte en détective privé entraîné par une femme fatale dans une série de crimes obscurs. L’épaisseur du casting (Lhermitte, mais aussi Hanin, Lindon et Villeret) ne suffit toutefois pas à éviter les travers caricaturaux du réalisateur. AFLAM fut bien plus inspirée en projetant Cronenberg et son halluciné et hallucinant Festin nu, adapté du roman de William Burroughs, ou encore Tresses de Jillali Ferhati qui entrelace crime passionnel, vengeance et politique. RÉMY GALVAIN

Le festin nu de David Cronenberg © 20th Century Fox


LES RENDEZ-VOUS D’ANNIE | PHILIPPE FAUCON

Le 19 juin, de 15h à 23h, à l’occasion de sa sortie en DVD, la Friche la Belle de Mai propose à la salle Seita la projection du documentaire la République Marseille en présence du réalisateur Denis Gheerbrant. Entrée libre.

>

04 95 04 95 04 www.lafriche.org

Du 2 au 4 juillet, à Ginasservis, l’association Sans Tambours Ni Trompettes propose le festival Un Pas de Côté à Espigoule inspiré de l’An 01, la bande dessinée de Gébé et du film de Jacques Doillon : projection de films, installations et concerts, pour commencer les vacances en refusant la fuite en avant… http://stnt-espigoule.org

La Republique Marseille, Le centre des rosiers de Denis Gheerbrant

Aflam 04 91 47 73 94 www.aflam.fr

>

Du 24 juin au 27 juillet, l’Institut de l’Image à Aix propose «Des reprises pour l’été», parmi lesquelles Shirin de Kiarostami, Senso et L’Étranger de Visconti, Les Poings dans les poches de Bellocchio, Cris et chuchotements de Bergman. Trois films plus rares : dans La Rumeur, de William Wyler, deux amies dirigent une institution pour jeunes filles ; Mary, une élève insolente et menteuse, lance la rumeur que les deux professeurs ont une relation «contre-nature» ; Performance de Nicolas Roeg, Donald Cammel avec Mick Jagger et enfin Le Démon des femmes d’Aldrich.

Du 5 au 12 juillet, troisième Caravane des cinémas arabes en Région : projections en plein air d’une sélection de six films venant d’Algérie, du Liban, du Maroc, et de Palestine. Ainsi on pourra (re)voir Mascarades de Lyes Salem (à Apt et Le Luc) ; Caramel de Nadine Labaki (à Briançon) ; Number one de Zakia Tahiri (à Port-de-Bouc) ; L’Anniversaire de Leila de Rashid Masharawi (aux Mées) ; Le Mélange de Faouzia de Magdi Ahmed Ali (à Cannes) et Le Sel de la Mer d’Annemarie Jacir (à Arles).

Le sel de la mer © Pyramide Films

>

CINÉMA

Jukti Takko Aar Gappo de Ritwik Ghatak

62

Du 7 au 12 juillet, 21e édition du FID Marseille. Vingt films en compétition internationale dont 19 premières mondiales et treize premières mondiales en compétition française, seront projetés dans différents lieux de Marseille, Le Gymnase, les Variétés … S’ajoutent cinq écrans parallèles, une rétrospective du cinéaste indien, Ritwik Ghatak ; un salut déjanté à Lévi- Strauss, Anthropofolies; une programmation autour des rapports théâtre et cinéma, Du rideau à l’Ecran, une autre consacrée à « paroles et musique » et un programme présenté par Fotokino, que peuvent voir les enfants, Les Sentiers. S’ajoutent à ce programme des séances spéciales en partenariat avec différents structures ainsi que des tables rondes. FID Marseille 04 95 04 44 90 www.fidmarseille.org

Institut de l’Image 04 42 26 81 82 www.institut-image.org

Dehors le cinéma ! les vacances sur un petit air décalé (le 2 juillet) ; avec l’ADDAP 13, à la Belle de Mai, Salut Cousin de Merzak Allouache le 6 juillet, et Le Grand Voyage d’Ismael Ferroukhi le 13 juillet. Les enfants auront aussi leurs séances avec La prophétie des grenouilles (La Capelette le 7 juillet) et L’Âge de Glace 3 (Les Archives le 9 juillet). Dans le cadre magnifique du Théâtre Silvain enfin réinvesti (Malmousque), on pourra voir Slumdog Millionnaire de Danny Boyle, sur un orphelin, Jamal Malik, qui remporte un jeu télévisé (le 5 juillet) ; Le Mépris de Jean-Luc Godard, incontournable leçon de cinéma Jour de fete de Jacques Tati désinvolte, lyrique et révolutionnaire (le 12 juillet). Puis il y aura Conversaciones con Mama de Carlos Oves, l’occasion d’une soirée organisée par La Rue du Tango. Looking for Eric de Ken Loach, d’autres projections pour enfants… Nous y reviendrons ! Et n’oubliez pas vos chaises, vos coussins, et quelques victuailles à partager…

Après son ouverture le 11 juin durant le 2e Festival du livre de la Canebière (projection du film Egyptien Le mélange de Faouzia), Tilt propose jusqu’au 14 août le quinzième festival Ciné pleinair : 27 films qui viendront illuminer 10 lieux et feront «pétiller les yeux» de tous ceux qui seront à Marseille cet été : durant la fête du Panier, le 19 juin Interstella 5555 de Leiji Matsumoto et Daft Punk ; dans le jardin des Archives départementales un film de la chorégraphe Blanca Li sur une world battle de hip hop, jubilatoire (le Défi le 25 juin), et Jour de Fête de Tati, pour commencer

Tilt 04 91 91 07 99 http://cinetilt.org

Variétés des rencontres Le 21 juin à 19h 30 au cinéma Variétés à Marseille, projection de Orpailleur en présence de Marc Barrat et des acteurs Tony Mpoudja et Julien Courbey. Rod, jeune Parisien d´origine guyanaise et deux de ses amis se retrouvent au cœur de la forêt amazonienne, dans le milieu hostile et archaïque des chercheurs d’or clandestin... Le 23 juin à 20h, en collaboration avec l’association Femmes en Noir Marseille, projection du documentaire d’Eyal Sivan, Jaffa, la mécanique de l’orange. À la fin du XIXe siècle, plusieurs vagues d’immigration juive arrivent en Palestine. La culture des agrumes va passer de la propriété des Palestiniens à celle des cultivateurs arabes et juifs, pour devenir, dès 1948, un monopole israélien. Des Palestiniens et des Israéliens acceptent d’évoquer ce passé devant la caméra du réalisateur… Le 25 juin à 20h en collaboration avec La Région Paca et Comic Strip Production, projection en avant-première d’Un Ange à la mer en présence du réalisateur Frédéric Dumont et de deux des acteurs, Anne Consigny et Olivier Gourmet : Louis, 12 ans, vit au Maroc heureux avec son père, sa mère et son grand frère. Sa vie change le jour où son père lui révèle un terrible secret… Cinéma Variétés 04 91 53 27 82


Tournage Un jeudi férié… Pas pour tout le monde ! Dans un centre de boxe, à Saint-Marcel, à Marseille, une équipe de trente personnes travaille sous la direction de Philippe Faucon: c’est le quatrième jour de tournage du neuvième film du réalisateur de La Trahison, le troisième tourné dans la région après Samia et Dans la vie. Pascal Ribier, l’ingénieur du son, qui a souvent travaillé avec Eric Rohmer, discute avec le directeur de production, Laurent Lecêtre. Philippe Faucon est satisfait de son acteur principal, Rashid Debbouze, dont c’est le premier rôle. «Je l’ai repéré dans un spectacle comique ; il a de réelles qualités de comédien et j’ai pensé qu’il pourrait jouer Ali, un jeune issu d’un quartier défavorisé qui cherche désespérément un emploi.» Ali va se faire manipuler par un intégriste, devenir intolérant et entrer en conflit avec sa famille, en particulier avec son frère qui fréquente une «Française». Zohra Addiou qui joue Aicha, la mère d’Ali, finit son premier jour de tournage. «Elle s’en est très bien sortie» précise Philippe Faucon. Rashid Debbouze lui aussi a été parfait dans la séquence tournée la veille dans un lycée où s’est

rendu Patrick Mennucci venu encourager l’équipe de ce film, qui n’aurait pu se faire sans l’aide substantielle de la Région. «Le message de ce film qui raconte la prise en main de jeunes paumés par une cellule islamiste est très fort.» Sujet risqué ? «Notre Région n’est pas le pays de Bisounours ! Ce n’est pas un territoire idyllique et il faut regarder les problèmes en face» précise le chargé à la Culture. Ce que confirme Philippe Faucon : «Un producteur m’a proposé un scénario que j’ai entièrement retravaillé : cela a été une écriture difficile mais le sujet est très actuel et même si le scénario est un peu risqué, à partir du moment où casting a été fait, grâce à Kamel Laadaili (qui joue Rachid, le frère d’Ali) et à Zohra les choses ont été plus faciles.» Le tournage d’Un fils perdu qui aura duré deux semaines dans la région, se poursuit à Lille puis à Bruxelles où se jouera la suite du destin d’Ali…. À suivre ! Les films aidés par la Région Paca ont fait un malheur cette année à Cannes. ANNIE GAVA

Philippe Faucon © A.G


64

ARTS VISUELS

AU PROGRAMME Sans modération Matali Crasset réactive la mémoire du Moulin dans chacune des salles de l’espace d’art : création de contenants en verre et installation artistique comme une évocation symbolique de l’olive, promenade au Verger pour une déambulation poétique, table festive d’objets en verre pour une dégustation imaginaire, réalisation radiophonique avec les étudiants de l’École supérieure d’art de TPM pour se connecter avec la nature extérieure… Observer, transmettre, analyser, entre mémoire et transmission, fictions et récits sont la clef d’une dégustation réussie. M.G.-G.

Nature intérieure Matali Crasset jusqu’au 20 septembre Espace d’art Le Moulin, La Valette 04 94 23 36 49

Matali Crasset, première salle Le Verger, centre d’art Le Moulin, 2010 © X-D.R

Cousu main Armée simplement de fils, d’aiguilles et de bouts de tissus, Sophie Menuet reproduit le geste familial, fascinée par «la forme ronde du tambour à broder et du tissu que l’on emprisonne». Spécialement pour la ZIP 22 (Zone d’intérêt poétique) l’artiste a imaginé une sculpture-mobilier où les objets du quotidien côtoient des coussins drapés, proposant même des ateliers et des rencontres autour du Tambour brodé . Une installation poétique à broder en commun. M.G.-G.

Tambour brodé Sophie Menuet du 19 juin au 31 juillet ZIP 22, Zone d’intérêt poétique, Barjols 04 94 72 54 81 www.plainepage.com

© Sophie Menuet

Fragmentations La jeune artiste chinoise Zhu Hong décale les angles de vue, déborde des cadres, quand elle n’est pas hors-cadre, privilégie les visions partielles et les éléments tronqués comme si l’invisible primait sur le visible. Son terrain de chasse favori est le musée auquel elle emprunte l’esprit, la solennité et les œuvres : là un sol lambrissé, ici un détail d’un célèbre tableau… Avec elle la visite au musée ne ressemble à aucune autre visite guidée. M.G.-G.

Pièce de collection Zhu Hong du 16 juin au 19 septembre Musée Ziem, Martigues 04 42 41 39 60

Zhu Hong, Louvre, Paris IV, 2007, huile sur toile © X-D.R

M.G.-G.

Marc Ingoglia et Benoît de Souza du 25 juin au 15 juillet L’Art à la Bouche, Sanary 06 27 89 60 80 / 06 14 58 56 55

Oeuve de Benoit de Souza, scultpeur © X-D.R

Au menu Le principe de la jeune galerie L’Art à la Bouche est d’exposer des duos d’artistes tous les quinze jours et offrir des fruits et produits naturels à la dégustation : un méli-mélo convivial ouvert aux talents émergents et aux artistes confirmés qui aide à rendre l’art contemporain accessible à tous. Le nouvel accrochage réunit les peintures sur plexiglass de Marc Ingoglia, maître des lieux et directeur artistique du festival Les Arts en chantier à La Ciotat, et Benoît de Souza, sculpteur et céramiste d’art.


ARTS VISUELS

65

Yayoi Kusama, Infinity Mirror Room Fireflies on the Water, installation. photo © Nancy, Musee des Beaux-Arts

Le pois de la vie À l’âge de dix ans Yayoi Kusama est victime d’une hallucination qui ne la quittera plus et qu’elle tentera inlassablement de sublimer dans l’art. Entre psychédélisme et pop’art, toute son œuvre est peuplée de formes de pois multicolores comme sur cette nappe aperçue dans l’enfance. C.L. Infinity Mirror Room Fireflies on the Water Yayoi Kusama jusqu’au 6 juillet Centre de la Vieille Charité, Marseille www.festivaldemarseille.com

D’ombre et de lumière L’abbaye cistercienne du Thoronet, l’une des plus remarquables de l’ordre de Cîteaux, offre son architecture silencieuse à Patrick Berger, Grand Prix national de l’architecture 2004, qui interviendra comme ses prédécesseurs John Pawson, Alvaro Siza et Luigi Snoozi. Toujours identifié par le Viaduc des Arts de la Bastille, l’architecte lèvera le voile sur sa «Leçon d’architecture» le 22 juin… M.G.-G.

Leçons du Thoronet 2010 Initiative de la Maison de l’architecture et de la ville Paca Patrick Berger du 22 juin au 31 octobre Abbaye du Thoronet, Var 04 94 60 43 90 www.thoronet.monuments-nationaux.fr Abbaye du Thoronet © X-D.R

Terra-Mare Il ne faut pas moins de quatre lieux historiques et prestigieux d’Avignon pour embrasser l’œuvre de Miquel Barceló invité par la Collection Lambert à l’occasion de ses 10 ans. Le parcours dans la ville est une invitation au voyage dans l’imaginaire de cet artiste qui aborde la peinture, le dessin, la sculpture et la céramique avec la même ferveur, et s’ingénie à créer une cartographie et un bestiaire aux senteurs d’Orient. De Mare Nostrum à Terra Nostra… M.G.-G.

Terra-mare Miquel Barceló du 27 juin au 7 novembre Palais des papes, Grande Chapelle, Musée du Petit Palais, Collection Lambert, Avignon 04 90 16 56 20 www.collectionlambert.com Miquel Barcelo à Avignon © X-D.R

M.G.-G.

Georges Rousse du 26 juin au 17 octobre Chapelle Saint-Charles, Avignon 04 90 16 10 51 www.vaucluse.fr

Visuel Rousse Saint-Charles Avignon

Lux, lumière et volupté La nouvelle création éphémère in situ dans la Chapelle Sainte-Anne d’Avignon est signée du plasticien-photographe Georges Rousse qui excelle dans l’art d’habiter les lieux, de les transformer en les transcendant. Le titre de l’exposition emprunté à la formule du lux, unité de mesure de la lumière, résume bien son projet où l’architecture se laisse voir en transparence par un subtil jeu de lattes de bois, de peinture et de photographie.


66

ARTS VISUELS

SPÉCIAL PHOTO

Arles s’enflamme à nouveau pour la photo. Les R.I.P. en tête. Et au-delà ? Que de belles Les reines du moment restent de toute évidence les Rencontres Internationales de la bien des fulgurances épatantes à quelques distances de l’arène camarguaise. Quelques

RIPailles Après sept années bien assumées aux commandes des RIP, François Barré passe la main mais rempile en Arles pour contribuer au futur Centre National du Patrimoine de la Photographie. Si la création photographique actuelle reste le motif de ces rencontres, la formation d’historien du nouveau président, Jean-Noël Jeannerey, teinte un brin cette programmation 2010. Il s’agit de s’intéresser particulièrement à ce que ce médium peut nous apprendre du passé comme des mutations en cours : ainsi du tir photographique forain d’antan, des chambres noires disparues, du déclin et du regain envers le polaroïd, des manipulations d’images officielles (chinoises, revues par Zhang Dali) ? Un colloque prolongera la réflexion sur les rapports entre photographie et art contemporain. Organisée autour de six promenades thématiques la programmation s’avère très éclectique. On relève : l’Argentine en invitée (Léon Ferrari), le rock (Claude Gassian), les clichés d’artistes marcheurs (Marcher-Créer), Peter Klasen, la collection particulière de Marin Karmitz… À découvrir les artistes présentés pour les différents prix par des personnalités de renom, dont le nouveau Prix Luma doté de 25000 euros (idem pour le Prix Découverte) sous la responsabilité du duo Fischli/Weiss… Autre nouveauté de cette édition 2010 : le Village, espace de rencontre du public avec les professionnels de la photographie. Si le budget atteint une «côte d’alerte» (sic), les lieux s’étendent au couvent Saint Césaire récemment restauré par la ville. Finalement la Nuit de l’Année retourne au bercail en centre ville, le 9 juillet. Qui peut crier victoire ? C.L Rencontres Internationales de la Photographie, Arles du 3 juillet au 19 septembre www.rencontres-arles.com The Swing © Rene et Radka, courtesy galerie Philippe Chaume, a la Maison de la Photographie, Toulon 2010

OFFrez-vous en plus ! Expos, nouvelles propositions, jeune photo et artistes émergents, nouveaux lieux, nouvelles initiatives, trouvailles et alternatives, évènements

Okvisuluigi © Luigi & Luca, exposition Identity Lab, Voies Off, Arles 2010

infimes et exceptionnels, le tout (ou presque) Arles photographique est dans le programme du Off et nocturnement dans la cour de l’Archevêché au moment même où Voies Off fête ses 15 ans ! L’invité d’honneur, Michel Poivert proposera Fort intérieur, une projection exceptionnelle le 10 juillet, jour de clôture et de remise du Prix Voies Off (doté de 2000 euros) alors que Christian Gattinoni et le collectif L’Evadée auront déjà exposé Identity Lab en plusieurs lieux. En tout état de cause l’inauguration du festival est le 3 juillet à 21h30, et presque tout est gratuit. / www.voiesoff.com Amplifions le plaisir avec deux nouveaux lieux installés récemment dans le centre arlésien, dédiés à l’art contemporain et à l’image. Pierre Hivernat ouvrira Le Magasin de Jouets avec Entrevues #1 - concours photographique européen initié par l’association Fetar - avec les séries Ilots Temporels de Thomas Jorion et Lieux d’Energie de Luca Zanier/ http://lemagasindejouets.fr Dans le second aussi remis à neuf, on joue Collectif E3 avec Virginie Blanchard, Lionel Roux et Thibault Franc/ http://collectife3.free.fr À l’Atelier Archipel la lumière est dans tous ses états : Street shots new-yorkais de Jan Meissner avec projections lors de la Nuit de la Roquette, conjointement à l’installation de Jean-Blaise Picheral. Bonus : ce sera dans Semaines aux

éditions Analogues / www.atelierarchipelenarles.com En écho aux trente-six vues du Mont Fuji d’Hokusaï, les Quatre Saisons de la Sainte-Victoire de Jean-Christophe Ballot à la galerie Huit, mises en livre chez Gallimard et en écritures par François Barré et Peter Handke / www.galeriehuit.com Mireille Loup est chez CIRCA pour la série Mem, vernissage le 8 juillet plus projection de vidéos (inédites en France) lors de la Nuit de la Roquette / www.circa-arles.com Première rétrospective pour Pierre Jahan (19092003) au musée Réattu avec un catalogue chez Actes Sud / www.museereattu.arles.fr Diaphane est l’invitée de Regards et Mémoires en deux volets : Destination Europe à la Roquette et Diaphane en résidences à la Bourse du Travail / www.regardsetmemoires.com Toujours vibrante, la festive, lumineuse et très attendue Nuit de la Roquette / http://lanuitdelaroquette.free.fr . Mais les problèmes perdurent pour Arles Photo en particulier la disponibilité d’espaces suffisants à la manifestation - qui se voit reportée pour la deuxième année consécutive. Un drôle de paradoxe dans la plus grande commune de France ! C.L


ARTS VISUELS 67

rencontres vous saurez faire… Photographie d’Arles. Mais d’aucuns trouvent propositions de visites, sans restrictions !

Passées les arènes… …à Marseille. Dans le cadre du Festival Jazz des 5 Continents : 1ère édition de Regards de Jazz à L’Espace Villeneuve-Bargemon, 130 photos N&B de Martine Montégrandi, Serge Mercier et Christian Ducasse / www.festival-jazz-cinqcontinents.com. À l’Alcazar-BMVR : Alcajazz, extérieur nuit tout en couleurs vu par José Assa, François Devret, Agnès Mellon, Julie Vola / www.bmvr.marseille.fr. Enfin à CAMàYEUX, Olivier Laurent, Dominique Lepot, Christine Arnaudo / www.camayeuxmarseille.com Simultanément à son exposition parisienne, Benjamin Dubourg présente Autopsie à la galerie 3e Rue, chez Le Corbusier / www.3emeruegalerie.com Pour Vol de Nuits : ateliers d’été avec Lucy Vigoureux, et workshop sur la question paysages/ville/nature, les 17 et 18 juillet dirigé par Geoffroy Mathieu / voldenuits2001@hotmail.com De l’argentique authentique à La Poissonnerie avec le collectif marseillais Hors Série / http://lapoissonnerie.free.fr Le musée d’Allauch questionne jusqu’à la ren-

trée les croyances captées par le nikkormat de Bernard Plossu / http://musee.allauch.com Les Interludes de la jeune photographe chinoise No et les Tableaux photographiques de Jean Paul Villegas s’accrochent dans les Ateliers Agora à Eyguières, vernissage le 3 juillet / www.ateliersagora.fr À Gap, la photo prend de la hauteur au Théâtre de la Passerelle, avec un face-à-face complice entre Pascal Ragoucy et Bertrand Bodin, vernissage le 6 juillet / www.theatre-la-passerelle.eu Plus bas dans le Lubéron, Oliviero Toscani parrainera la deuxième édition des Nuits photographiques de Pierrevert initiées par Stéphane Kossmann / www.lesnuitsdepierrevert.com René & Radka alias René Hallen et Radka Leitmeritz sont à la Maison de la Photographie de Toulon / www.toulon.com À Nîmes, Negpos poursuit son Printemps photographique avec PanoraMarocain jusqu’en été / http://negpos.fr À Avignon Georges Rousse se joue des effets de

Tireurs d’élite décrypter les envies de l’artiste, l’écoute et le conseil réciproques sont indispensables à la finalisation de l’œuvre photographique. Inversement, le Lieu n’expose que des photographies réalisées dans son laboratoire, fruit de cet «accouchement» intra-muros. Valérie Debray a essuyé les plâtres de cette formule sans hésitation, séduite par «leur démarche spontanée et sincère» tout autant que par le résultat technique. Ses Particules lumineuses sur papier sensible ont d’ailleurs déjà convaincu quelques acheteurs… D’autres artistes succombent déjà à ce labo photo transformé en quelques clics en laboratoire d’expressions photographiques : Angelica Julner en juin, Bernard Pesce et André Elle-sa © Angelica Julner a la galerie Retine le Lieu, Marseille 2010 Merian à l’automne. Des pho-tographes qui se sentent comme chez eux dans ce lieu mythique, qui n’a pas pour vocation de constituer un cercle fermé d’initiés Ici tout est en développement : réalisation, formation, transmission, conseil. Ce qui fait sa différence.

La spécialité de Stéphane Marty et Nicolas Strobbel ? le tirage argentique grand format. Leur fait d’arme ? succéder à Jacques Bimbini, figure historique du tirage photo à Marseille, qui leur a légué 40 ans de ses précieuses archives… Un an après sa naissance, Rétine argentique développe une nouvelle activité autour d’un projet original : Rétine le Lieu. «Nous sommes une plateforme créative et collaborative et non une galerie, explique Stéphane Marty. Nous souhaitons rester libres d’accrocher ce que nous voulons et ce que l’artiste veut». C’est dans ce dialogue ténu avec les artistes que le Lieu fait la différence. Si leur mission «délicate» est de

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Rétine le Lieu, Marseille 04 91 42 98 15 www.retineargentique.com

Steet shots © Jean Meissner à l’Atelier Archipel en Arles 2010

la lumière dans la Chapelle Saint-Charles et interviendra au 1er festival d’art contemporain AP’art à Saint Rémy de Provence / www.vaucluse.fr / www.festival-apart.org De bonnes raisons pour ne pas garder la chambre. CLAUDE LORIN


68

ARTS VISUELS

MUSÉE GRANET | ARTEUM | PALAIS CARLI | AP’ART

Alechinsky fait bande à l’art L’art contemporain fait son entrée au musée Granet dans tout l’éclat d’une constellation de signes et d’images Pierre Alechinsky est un jeune homme de 83 ans malicieux, faussement ébaubi par le raffut provoqué par son exposition. Un frêle forçat ratatiné par son travail du dessin, de la peinture et de l’écriture mené depuis les débuts du mouvement CoBrA dont il fut un illustre acteur. Le musée Granet révèle les liens avec le Sud de son œuvre majeure, sobre et explosive. Liens paradoxaux pour un homme né dans les brumes bruxelloises, mais qui posa son chevalet au pied de la Sainte-Victoire dès 1966… L’exposition met à nu le sens profond de ses relations au Sud nourries dans son atelier près de Maussane où il s’installa en 1988, et dans les «ateliers virtuels» de ses complices éditeurs (Pierre-André Benoît à Alès, Fata Morgana à Montpellier et Actes sud à Arles) et céramiste (Hans Spinner à Grasse). Ce thème des Ateliers du Midi sert de socle à une pérégrination dans le temps, les formes, les signes, les sources d’inspiration, les combats et

les éblouissements qui ont construit son œuvre. Riche d’un dialogue fécond entre le dessin et la peinture et les «livres infeuilletables» réalisés en grès ou porcelaine, la muséographie éclaire notre vision de ses peintures acryliques abstraites encerclées de «remarques marginales», terme emprunté à l’imprimerie ou encore à l’art de la tapisserie. Riche aussi de ponctuations textuelles car si Alechinsky est féru de la prose de Cendrars ou Bonnefoy dont il illustra quelques volumes, il est aussi écrivain et spécialiste de l’illustration et de la typographie. Il faut lire Deux pinceaux dans le sable pour percer les méandres de sa pensée et de son art sans cesse sur la braise. Barbichette grisonnante, lunettes rondes placées haut sur le front, de travers, bleu de Chine et cravate irrévérencieuse, Pierre Alechinsky irradiait de sa présence l’exposition. Écho flamboyant à une peinture «noueuse» qui creuse un sillon singulier loin des coteries et dont les vibrations éclatantes secouent ceux qui les regardent. De face de préférence, pour ne rien perdre du choc qu’elles provoquent.

Alechinsky, Seculaire, 1996, acrylique sur toile, 158 X 186 cm

CoBrA (COpenhague-BruxellesAmsterdam), mouvement prônant la liberté, la spontanéité, l’expérimentation de 1948 à 1951

Les Ateliers du Midi Pierre Alechinsky jusqu’au 3 octobre Musée Granet, Aix 04 42 52 88 32 www.museegranet-aixenprovence.fr

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Traits d’union L’incontestable sincérité du dessin a déjà initié Noir sur Blanc en 2007 et Traits… confidentiels en 2008 à Arteum-musée d’art contemporain à Châteauneuf-le-Rouge. Deux jeux de construction habiles qui racontaient «l’art du dessin aujourd’hui». Cet été, Traits… très particuliers esquisse un mouvement d’ensemble à travers quatorze artistes qui montrent à quel point le dessin ne cesse de se renouveler dans ses lignes de force, son imaginaire, ses tensions… D’autant qu’il décline une palette nuancée de médiums :

crayon gris, crayons de couleur, encre de chine, pierre noire, fusain… On retiendra «trait… particulièrement» la mise en regard de la série sur chiffon d’atelier de Martin Galtier et les encres Rotring de Thierry Agnone qui ouvrent le bal ; tous deux figurant dans la collection privée d’Anne et Henri Sotta. Les grands formats au fusain de Maurice Maillard sont à regarder de préférence de biais et de loin pour saisir l’immatérialité méandreuse de ses paysages minéraux (diptyque Le grand torrent).

Anthony Giroud, Sans titre, acrylique blanc et crayons a papier sur carton © X-D.R

Sandra Ferreri, On the road again with bicycle, crayon sur papier polycarbonate

Par leur dextérité technique et leur maturité, les jeunes Sandra Ferreri et Anthony Giroud développent chez le spectateur une claustrophobie tout autant qu’un sentiment d’étrangeté : la première par l’enchevêtrement de cercles infinis qui recouvrent la forme initiale (une maison digne d’Edward Hopper) ; le second par la densité des traits de crayon à papier d’où naît une nature sauvage, mystérieuse. Plus équivoques encore, les petits dessins à la pierre noire de Soren laissent apparaître dans un halo de blanc les contours et les formes de silhouettes inquiétantes, jeunes filles et bêtes disproportionnées. Comme s’il dessinait la préface d’un nouvel opus de Lewis Carroll. Et tous les autres encore Robert blanc, Didier Boussarie, Rémy Defer, Joël Lorand, Alix Paj, Véronique Thiery-Grenier, Yannick Papailhau, Alexandra Pellissier - dont le travail s’expose sans fard : dans «une vérité nue sans autre artifice que le trait». MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Traits… très particuliers jusqu’au 17 juillet Arteum, Châteauneuf-le-Rouge 04 42 58 61 53 www.mac-arteum.net


Amo di moun païs ! Auguste Chabaud en Provence ou le retour du peintre dans le Sud après sa jeunesse à Paris, fauve parmi les Fauves. La période qualifiée de «retraite» s’est avérée très fertile du point de vue de sa production picturale… Pour preuve les quelque 120 œuvres réunies au Palais des arts ! Des toiles, sculptures et dessins traversés par les thèmes chers à l’artiste, avec parfois des réminiscences de couleurs vives, franches, propres à sa période parisienne : Signaux en gare de Graveson, La petite fille en rouge. Œuvres audacieuses qui empruntent à la photographie ses possibles angles de vue. On retrouve ici les vieux métiers (Le colporteur, Le facteur), les traditions rurales (Le retour du troupeau), les scènes de la vie quotidienne (La foire aux chevaux), ses lieux de villégiature familiale (le mas Martin à Graveson maintes fois évoqué), les campagnes (mas, cour intérieure, écurie), les portraits de famille, les paysages qu’il transcende et… des bouquets d’une lourdeur indigeste. Son vocabulaire pictural à l’heure de son retour à la terre est pourtant riche : apposition-superposition de larges touches de couleurs, cerne noir enserrant la forme (sa marque de fabrique), cadrages osés (il n’hésite pas à couper le tronc et la tête d’un des Paysans au

repos pour donner plus de force à la scène), matière épaisse, silhouettes réduites parfois à une simple ligne évocatrice, organisation spatiale géométrique : il y a là une rudesse de la peinture qui le caractérise. Mais la quantité de toiles rassemblées met aussi à nu ses maladresses formelles, ses tentatives malheureuses (ah, la série de pâles baigneuses !). Arrêtons-nous plutôt à ses dessins, aquarelles et gouaches sur papier boucherie qui révèlent un Chabaud libre et spontané. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Chabaud en Provence jusqu’au 12 sept Palais Carli, Marseille 04 91 04 68 32 www.regards-deprovence.org Anthony Giroud, Sans titre, acrylique blanc et crayons à papier sur carton © X-D.R.

Un monde Ap’art Les Alpilles offrent une semaine d’art contemporain à tous les publics Depuis longtemps, la Provence est une terre d’accueil de festivals renommés, et les Alpilles et ses environs abritent bien des auteurs et des ateliers d’artistes. Mais en s’installant à Saint Rémy Leila Voight n’avait pas projeté ce nouveau festival dédié aux différentes formes d’art contemporain. «À l’origine j’ai été contactée par Elisa Farran (conservatrice au musée Estrine. NDLR) à propos d’un projet de jardin de sculptures sur Saint Rémy. Cette initiative privée s’est orientée vers plus ambitieux pour concerner plusieurs lieux dans la ville puis dans ses environs. Les partenaires privés et les institutions publiques comme la mairie de Saint Rémy ont rapidement accroché au projet, puis d’autres encore». Ainsi est né le Festival Ap’art renforcé par les expériences parisiennes de Leila Voight qui avait organisé plusieurs années de suite Les artistes cassent la baraque lors de la foire d’art contemporain du quartier Saint Germain, avec la même intention de «sortir l’art contemporain du public d’initiés» et «d’inciter des artistes reconnus à inviter de jeunes talents sans se limiter à une forme d’art particulier».

Pour sa première édition, Ap’art invite près de soixante dix artistes. Ils investiront Saint Rémy et ses environs dans tous types de lieux : châteaux, places et jardins, cafés, musées, lycée agricole, chapelle… Ben, Christo (probable-ment en vidéo conférence s’il est retenu outre-Atlantique), Daniel Spoerri, Robert Combas, Philippe Ramette, Sophie Elbaz, Orlan (pour la clôture le 13/07 aux Baux-de-Provence), côtoieront Alain Grosajt, Lionel Scoccimaro, Pierre Pinoncelli, AnneMarie Pêcheur qui concevra une installation pour l’occasion, Joseph Alessandri et Gérard Drouillet installeront un singulier appartement au musée Estrine, Georges Rousse viendra d’Avignon pour un projet saint rémois… Entre autres réjouissances, visites d’ateliers et conférences sont à prévoir mais «l’entité festivalière est pour moi la rencontre avec les artistes qui seront-là pour partager avec le public, susciter des rencontres, des projets» insiste Leila Voight. Toutes ces manifestations sont accessibles gratuitement, sauf le dîner palindrome de Daniel Spoerri à l’Oustau de Baumanière sur réser-vation. Jacques Villegle - Yves, 2007, acier corten © Michele et Yves di Folco Invitée d’honneur, Jessica Lange exposera pour la première fois une série en noir et blanc aux Ateliers de l’Image. CLAUDE LORIN

AP’art Festival international d’art contemporain du 08 au 13 juillet Saint Rémy-de-Provence et Alpilles www.festival-apart.org


70

ARTS VISUELS

VOYONS VOIR | SM’ART | ARTS ÉPHÉMÈRES

Sur les hauteurs commerciales de la vallée en installant sur les hauteurs, pour le premier une ruine factice de piscine de béton bleu sale dressée en monument dérisoire, pour le second, un pseudo-panneau touristico-immobilier promouvant un improbable merveilleux. En période estivale, une pertinente alternative aux propositions muséales, qui peut rebuter les adeptes de la sculpture-signal décorative des autoroutes et ronds-points, mais permet de (re)découvrir la géographie du patrimoine en terroir viticole. Jusqu’à l’ivresse ? Caroline le Mehaute, Hic et Nunc, installation etang du domaine de Grand Boise, Trets 2010 © X-D.R.

Poétique : Caroline Le Méhauté laisse vivre au gré des mouvements de la nature, la lumière et le vent, Hic et Nunc, sculpture flottante reflétée sur l’étang, entre esthétique du zen et le sublime romantique. Référent : Fabien Lerat retourne le

Partie de campagne C’est au coeur du parc du Domaine de la Baume que le SM’ART a tenu salon (du 4 au 7 juin). Un «village d’irréductibles de l’art» avec ses tentes blanches dressées en rangs serrés abritant 168 artistes européens, 12 galeries et le Groupement uni des galeries indépendantes fédérant 25 aixois. Le GUDGI qui exposait un bel ensemble d’œuvres représentatives du travail de Pierre Vallauri depuis 1983, également directeur du MAC Arteum à Châteauneuf-le-Rouge : séries Micro-tressages, Tension-Ligatures, Femmafrica malafrica, sculptures en bronze et en métal figurant l’Homme… Le fondement de SM’ART étant de télescoper les genres, les médiums et les esthétiques, le résultat est inégal mais on découvre de jeunes talents tels Toma. L chez Art Top Gallery, qui

malgré l’évidente influence de Basquiat produit une écriture picturale graphique, urbaine et dynamique, pulsations instinctives jetées au sol qui réjouissent les amateurs d’architectures contemporaines et d’intérieurs zen. Ou encore Dub dont les grands formats s’arrachent comme des petits pains à la grande joie du collectionneur Jérémy Martinato qui revendique pour sa Bear Galerie une curiosité éclectique. Dans cet esprit de cohabitation il mettait à la vente, entre autres, les sièges design de Coco dont le dernier spécimen en métal et peinture Zig Zag Rouge. Valérie Gho, figure montante de la scène régionale, réunissait pièces anciennes, repérées notamment au festival Les Arts en chantier à La Ciotat, et travaux inédits qui affirment une fois encore sa maîtrise technique et son inspiration renouvelée… SM’ART a réussi en cinq éditions à devenir une vitrine pour les galeristes et un vivier pour les collectionneurs. Bref, un trait d’union avec les artistes. M.G.-G.

www.salonsmart-aix.com

C.L

motif et le point de vue en plantant un miroir de neuf mètres face à la sacro Sainte-Victoire. Révision néo hollywoodienne du mythe cézannien. Critique : Boris Chouvellon et Nicolas Desplats réinjectent leur expérience du passage obligé par les zones

Paysages chavirés jusqu’au 15 octobre Domaine de Grand Boise, Trets Domaine de Saint Ser, Puyloubier www.voyonsvoir.org

Œuvre publique Le Festival des Arts Ephémères vient de se terminer, projetant quelques pistes d’avenir pour le parc de Maison Blanche

Yazid Oulab, Bourrak (l’étincelle), 2010 © X-D.R

Depuis 2007 Voyons Voir conçoit des projets en espace naturel qui combinent résidence d’artistes et créations in situ. Pour sa directrice, Bernadette Clot-Goudard l’intention est «que ces projets questionnent l’environnement naturel, mais aussi patrimonial, social, économique, pour montrer la beauté du territoire, aussi bien que ce qui surgit de la friction des lieux avec l’art contemporain». Il s’agit aussi de concevoir une alternative à la diffusion de la création contemporaine dans les galeries et musées, en s’inscrivant en synergie dans l’économie de l’entreprise, en particulier des domaines viticoles de la région. À Grand Boise, quatre artistes ont été accueillis en résidence pendant trois mois. Ils viennent de restituer leur vision des lieux sous forme d’installations, acte 1 d’une démarche en trois temps.

Avec la sensibilisation à l’art contemporain, l’un des enjeux revendiqués par la Mairie du 9/10e était celui de la transmission des savoirs. Ainsi du travail effectué en amont dans les ateliers de l’ESBAM, où les amateurs font expérience de l’acte de création par la pratique artistique, tout en ayant l’opportunité de confronter leurs productions à des œuvres d’art sélectionnées par Thierry Ollat, directeur du [mac]. Du bel argument apporté par Lyse Madar Les parts de l’ombre : matérialités et fiction, chacun a su tirer un parti singulier, même si les entrées offertes par la problématique auraient pu se développer encore : alors que certaines œuvres d’artistes reconnus livraient leur relation à la thématique de façon elliptique, les productions des amateurs étaient à chercher dans le secret des bosquets. Autant Bourrak (l’étincelle) de Yazid Oulab projetait son spectre osseux au sol et la lame de tourbe friable de Caroline Le Méhauté en surgissait vers la lumière, autant certains visiteurs se demandaient ce que la grappe de Lionel Scoccimaro ou les caillebotis de Sandro Della Noce faisaient perchés dans l’ombreuse canopée ? Pour leur part, les participants de l’atelier de Gilles Traquini renversaient la nature de l’ombre en objets paradoxalement solides et tridimensionnels, ceux de Christiane Parodi captaient des formes fantomatiques sur des toiles-pièges. Par certains de ses aspects, le projet renoue avec les grandes utopies de l’art public, sans démagogie évènementielle, avec pour ambition «…de s’aventurer sur d’autres sites, d’autres jardins, d’autres territoires publics». Continuons donc à re-poétiser le quotidien, même temporairement ! CLAUDE LORIN

Valerie Gho, Une montagne et un ciel © X-D.R

Les Arts Ephémères ont occupé Maison Blanche, Marseille 9ème, du 21 mai au 9 juin



72

RENCONTRES

LIVRES

À vous de débroussailler Le 30 mars dernier Frédéric Mitterrand annonce une nouvelle fête du livre or-ganisée par le Centre National du Livre et lancée pour «favoriser la lecture» auprès des scolaires et des «publics empêchés» (centres hospitaliers et pénitenciers), mais aussi des voyageurs (gares) et des passants (places publiques). Par ailleurs, diverses manifestations sont confiées ça et là aux opérateurs du livre… En toute hâte, les divers artisans du livre ont mis en place des rencontres ! Ainsi on vit à Marseille Les Oralies des contes lus en public qui ont arrêté les passants et ravi les plus jeunes. À Aix, grâce à l’entregent légendaire d’Annie Terrier, une manifestation autour du Nobel Français le plus présent dans notre région : Gao Xingjian vint dans la ville deux fois avant son prix (2000) et sa naturalisation (1997), s’installa un an en résidence à Marseille pour y créer son opéra ( 2003) et y réaliser un film, puis revint souvent à Aix, en particulier à l’université où un département de recherche lui est consacré. La Montagne de l’âme est incontesta-

© Ecritures croisees

blement un roman important… mais la rencontre ne fut pas passionnante, faute des moyens (traducteurs, intervenants, techniques) que déploient habituellement les Écritures croisées pour mettre à portée de confidence les plus grands romanciers du siècle. Précédé de son court métrage Après le Déluge, dont la beauté plastique se devinait malgré la lumière du jour qui grisaillait tous les contrastes, la rencontre emmenée par

Un beau soir de mai Cour de la Charité. Les rencontres du CIPM n’ont pas toutes la rime suivie et la grâce affirmée du dialogue de ce vendredi ; à la table, deux compagnons de longue route («42 ans» constatent-ils émerveillés) échangent des souvenirs, se glissent des noms, personnes et lieux, partagent de somptueux silences ; des invités se sont décommandés nous diton, l’un est malade, l’autre a déposé un dessin… de toutes façons «les amis ne sont plus ici» morts ou absents ; curieusement, face à ces deux monstres sacrés de la radio (Alain Veinstein et ses Nuits Magnétiques) et de la littérature (Pascal Quignard, ses prix, sa culture et sa quête du rare), les chaises posées sont restées

Pascal Quignard et Alain Veinstein © Jean-Marc de Samie

un peu vides, comme au diapason de cet «auditoire imaginaire» auquel il est fait allusion. Les paroles circulent autour de l’actualité de la publication en Poésie-Gallimard de Lycophron et Zétès, traduction du grec de l’Alexandra (autre nom de la prophétesse Cassandre), poème tragique d’une belle obscurité d’un auteur alexandrin du IIIe siècle av. JC, accompagnée de fragments et autres textes parus en revue, quelques-uns sous le pseudonyme de Zétès, Quignard luimême s’incarnant dans le «chercheur». Lectures et bâtons rompus, zigs-zags étymologiques, rien qui pèse ni qui fâche ; peu à peu le poète élabore sous la légère poussée de son complice une petite page où tremble le sens «l’assignation, je ne supporte pas / je suis un homme du saltus, entre sauvagerie de la forêt (silva) et paix du champ cultivé (ager) / poète, non, plutôt exceptor, préleveur et cueilleur...» où l’on entend bien, comme dans la musique, le «plus ancien que soi qui erre dans la voix». Leçon de liberté raisonnable, incitation à chercher la clé jamais perdue dans les buissons et quand nasillent un peu trop fort les talkie-walkie des gardiens qui font la fermeture : «je m’arrête ? tu t’arrêtes.» MARIE-JO DHO

L’entretien entre Pascal Quignard et Alain Veinstein a eu lieu le 28 mai au CIPM

Guy Astic se perdit dans des considérations cinématographiques générales assez fades, Gao Xingjian s’exprimant assez mal en français, les questions s’éternisant, et Noël Dutrait, son traducteur et grand spécialiste des Lettres Chinoises, essayant en vain de revenir à la littérature… mais restant trop poli pour couper la parole au grand homme qui ennuyait l’auditoire. Quelques fulgurances pourtant, que pouvaient entendre

ceux qui connaissent une œuvre où la quête de soi donne les clefs du monde : «Nietzsche est un grand malade, on ne peut pas être au-delà des autres.» Et puis un peu plus tard : «L’artiste ne peut pas détourner, ni résoudre, les difficultés qui sont devant nous. Au fond l’art consiste à les affronter. Puis à les sublimer.» Juste de quoi donner envie de plonger dans La Montagne de l’âme (Seuil), ou dans sa dernière pièce Ballade nocturne. Et de résister à cette stupide accélération événementielle qui sied si mal à la littérature, en espérant que la deuxième édition, prévue en mai 2011, saura se construire hors de l’urgence. AGNÈS FRESCHEL

À vous de lire s’est décliné également à Martigues (L’Odyssée voir p 40) et à Montévidéo à Marseille (Manifesten voir p 73)

Cap au nord (1) C’est une Escale dépaysante qu’ont proposée deux librairies, Aux vents des mots à Gardanne, puis L’Attrape mots à Marseille. En accueillant Joseph Boyden, elles ont fait vibrer les terres du midi au souffle puissant de la nature farouche et du septentrion. L’écrivain canadien est comme ses © Aurelie Éché romans, sincère et généreux. Il est aussi élégant, affable, bref très séduisant. À Marseille, devant une assemblée nombreuse pour partie assise par terre, dans un américain fluide que l’excellente traduction de Marguerite Capelle a su rendre, Joseph Boyden a répondu, ou pas d’ailleurs, aux questions de la libraire Agnès Gateff puis du public conquis. Il a évoqué son désir d’écrire sur ces gens auxquels personne ne s’intéresse, ces membres du peuple premier qu’il côtoie puisque sa mère est de la tribu Anishnabe. Un peuple dont l’existence est rude mais dont la culture connaît aujourd’hui un renouveau certain. L’écrivain, a-t-il souligné, se doit de transmettre cet héritage dans ses œuvres, comme les anciens le font en enseignant leur langue ou leurs techniques de chasse aux jeunes du nord de l’Ontario. Il a aussi parlé d’ours, de chasse, d’alcool et de drogue, de modes de vie entre cree et rap. Il a finalement peu parlé de son dernier livre (chroniqué dans Zib’ 30). Une bonne manière de susciter l’envie de découvrir cet auteur salué par Jim Harrison et plébiscité par le public en Amérique (même les Indiens l’ont bien accueilli, a-t-il confié) comme en Europe. FRED ROBERT

À lire Le chemin des âmes (roman) et Là-haut vers le nord (nouvelles), désormais disponibles en poche (Le Livre de Poche) ; Les saisons de la solitude (Albin Michel)


RENCONTRES

73

Écritures indociles

Emprunter n’est pas voler, n’est-ce pas ? Laissons les éditions Al Dante, sans lesquelles les soirées Manifesten n’auraient pas eu lieu, déposer en titre leur carte de visite programmatique... Ils eurent l’art et la manière d’occuper intelligemment l’espace d’une manifestation officielle presque improvisée : À vous de lire proposé par le Centre National du Livre et le Ministère de la Culture. C’est à Montévidéo, et aussi chez deux libraires partenaires, que les rencontres ont eu lieu dans un dispositif fort simple et de proximité : lectures, projections au service des textes. En deux soirées, des surprises, plutôt bonnes et un humour présent dans la plupart des prestations. Dans l’ordre des apparitions, le pas du tout sérieux Petit traité de scissiparité de Henri-Pierre Jeudy et Maria Claudia Galera exposé à deux jeunes voix (merci l’Erac) façon cantate micro-guitare sèche, ne laisse pas l’auditeur un instant baisser l’oreille : virtuosité quasi rimbal-dada-ienne (le je et l’autre) du voyage en corps clos de deux sœurs siamoises, artistes en règles au pinceau menstruel ; où l’on apprend que la mort est la véritable cohérence pendant qu’épidermes poilus, globules mignons et tumeurs naissantes en guise d’intériorité flottent doucement sur le mur du fond ! La «conférence» de Véronique Pittolo, toute d’aisance

chronique intimo-socio-culturalo résistante Comme un Fracas; en homme de bonne compagnie, il fait rimer méthodiquement émotion, dénonciation et citation; sont convoqués Beckett et Marat morts un 13 juillet, Duras, Godard, Chaplin et Archie Shepp. Tout y est, c’est dommage... Et pour finir, rien moins que la rencontre entre une Poétesse perchée sur une malle métallique, une sainte épistolière et un metteur en scène en caleçon ; Liliane Giraudon et Robert Cantarella, liés par les fils de leur MP3 commun qui distille et envoie le texte dans l’oreille comme un cœur son flux sanguin, font un duo réjouissant : lui, Véronique Pittolo © X-D.R. regard inquiet, pantalon plié sur le bras bricolée, nous met la Révolution dans la Poche ; maniant gauche, accompagne du bout des lèvres la prose le power-point avec une désinvolture feinte, raillant précipitée (sic) de notre héroïne en voyage ; elle, dans un même élan objets et sujets de la doublure quasi organique, semble soutenir de son communication, faisant revivre l’ami du peuple Jean souffle les flamboyantes saillies des lettres de Ste Paul Marat en Lorand Gori ou Badin Aliou, l’auteure Catherine de Sienne ; délicieuse étrangeté ! pointe l’éternelle quête du bonheur démocratique et MARIE-JO DHO propose malicieusement son projet marketing pour lancer le look «Robespierre ou la mélancolie du Les soirées Manifesten ont eu lieu à L’Odeur guillotiné» ! du Temps, à L’Histoire de L’Œil et à Montévidéo du Moins caustique, à la table et sans distance Jacques27 au 30 mai dans le cadre de À vous de lire Henri Michot lit de manière pourtant fort civile sa

Cap au nord (2) Les écrivains contemporains du continent nord-américain semblent encore largement empreints des topoi de la nature sauvage et du struggle for life. Au libraire de l’Odeur du temps qui lui demandait si Sukkwan Island en était une nouvelle illustration, David Vann a acquiescé. Oui, en 2010, un romancier américain peut choisir le Wild pour y camper ses David Vann © David Vann

personnages. Afin de mettre à nu et en lumière ce qui les caractérise, comme sur une scène de théâtre. Après Boyden, ses échappées sur les rivières gelées, ses chasses à l’orignal ou au castor en Ontario, voici donc Vann et son Alaska farouche, où la nature violente est le miroir des conflits humains, et où visiblement il est dur de survivre… On vous en dira plus le mois prochain ! La rencontre, animée par Corinne Marziou et traduite par Emmanuelle Boutet, a permis de découvrir un jeune auteur dont c’est la 1re œuvre de fiction, quoiqu’elle ait beaucoup à voir avec sa biographie et soit visiblement une entreprise de retrouvailles avec un père suicidé. L’occasion également de saluer son éditeur français Gallmeister, qui a su le promouvoir en s’appuyant sur le réseau des libraires indépendants et a permis que 60 000 exemplaires soient à ce jour vendus en France, contre 3000 aux USA ! FRED ROBERT

David Vann est venu début juin dans le cadre des Itinérances littéraires des Libraires du Sud parler de son roman Sukkwan Island (éd Gallmeister, 21.70 euros) à Cavaillon, Marseille, Aix, Manosque et Forcalquier

Hommage à de futurs confrères ! Depuis quatre ans, le CLEMI (Centre de liaison de l’enseignement et des médias de l’information) organise en partenariat avec la Fondation Varenne un concours des journaux scolaires qui récompense au niveau académique les meilleures productions des établissements de l’académie, de l’école primaire au lycée, en passant par la prison pour mineurs de Marseille. Celles-ci sont par ailleurs sélectionnées pour participer au concours national et en 2009, l’académie d’Aix-Marseille avait remporté trois des quatre prix nationaux ! Les lauréats académiques 2010 se verront quant à eux remettre leur prix par le recteur Jean-Paul de Gaudemar, le 29 juin prochain. À cette reconnaissance institutionnelle, joignons un hommage enthousiaste à nos futurs confrères ! Pour qui s’apprêterait à s’attendrir sur de gentilles feuilles de chou bricolées avec les moyens du bord à la photocopieuse exsangue du bureau du principal, avec d’émouvantes contributions sur la fête de fin d’année, c’est l’occasion de découvrir des aventures collectives exemplaires, dévoilant à la fois des engagements humains, des expériences pédagogiques et des talents individuels remarquables. Le professionnalisme de ces journaux, organisés comme de petites entreprises de presse, la qualité des maquettes, l’originalité des thématiques, l’inventivité et l’exigence rédactionnelles, la diversité des thématiques abordées, étonnent et forcent le respect : amis zibeliniens, sachez que la relève est assurée ! AUDE FANLO

Le palmarès académique 2010 est à découvrir à partir du 29 juin sur le site du CLEMI www.clemi.ac-aix-marseille.fr. Le palmarès national 2010 est consultable sur le site de la Fondation Varenne www.cnjsvarennes.org


RENCONTRES

PRIX LITTÉRAIRE DES LYCÉENS | AU PROGRAMME

Patrice Juiff au micro © X-D.R.

74

Cérémonie festive

La 6e édition du Prix littéraire des lycéens et des apprentis de la Région PACA s’est déroulée dans la liesse le 27 mai au Dock des Suds L’objectif : favoriser la lecture de créations littéraires et graphiques contemporaines auprès des adolescents. Avec différents partenaires de la Région, ce généreux projet continue de s’affiner. 12 ouvrages d’auteurs français ou étrangers traduits ont été lus par les élèves de 32 établissements, des forums littéraires ont permis la rencontre des auteurs toujours étonnés par la pertinence des questions des lycéens (voir Forum à Martigues Zib’30). Durant la journée de remise des Prix, chaque établissement a proposé un retour en images ou en mots, théâtre, projection... autour des livres. Au terme des animations, les deux Prix ont été décernés par Sophie Degioanni, conseillère régionale : Prix du Roman pour Patrice Juiff et son recueil de nouvelles La taille d’un ange et Prix de la BD à Kris et Vincent Bailly pour Coupures irlandaises, dont Zibeline se fera l’écho dans le prochain numéro.

Ecrire à Haïti La rencontre avec l’auteure haïtienne Yanick Lahens était très attendue. Son roman, La couleur de l’aube, est un livre à deux voix, Mensuel gratuit paraissant le deuxième jeudi du mois Edité à 30 000 exemplaires imprimés sur papier recyclé Edité par Zibeline SARL 76 avenue de la Panouse | n°11 13009 Marseille Dépôt légal : janvier 2008 Directrice de publication Agnès Freschel Imprimé par Rotimpress 17181 Aiguaviva (Esp.) photo couverture LES SUDS ARLES © Agnès Mellon Conception maquette Max Minniti Rédactrice en chef Agnès Freschel agnes.freschel@wanadoo.fr 06 09 08 30 34

celles de deux sœurs. La mère, personnagepilier, ne parle pas. C’est un roman de femmes autour d’un homme absent, le frère : «On peut dire que c’est une spécificité haïtienne. Durant l’esclavage la femme achetait la liberté pour l’enfant conçu par le maître, il n’y avait pas de père, pas de vraie famille. C’est sur la femme que tout reposait.» Les lycéens l’ont questionnée sur le rôle des écrivains dans le pays dévasté. «Le 1er paradoxe haïtien est qu’il y a beaucoup d’écrivains et peu de lecteurs. Les écrivains doivent y rester très modestes: la littérature ne peut sauver quoi que ce soit. Il y a encore un travail de mémoire à faire sur l’histoire d’Haïti, on n’est pas sorti indemne de l’esclavage. Mais depuis le tremblement de terre on ne peut plus cacher la misère, l’exclusion. On est dans une logique de survie, le travail sera long. Il ne faut pas faire de catastrophisme, mais mouiller sa chemise.» Une femme déterminée, et un bel exemple. CHRIS BOURGUE

La Région favorise aussi la culture des lycéens grâce au chéquier lecture et cinéma www.prix.livre-paca.org

Secrétaire de rédaction spectacles et magazine Dominique Marçon journal.zibeline@gmail.com 06 23 00 65 42 Secrétaire de rédaction Jeunesse et arts visuels Marie Godfrin-Guidicelli m-g-g@wanadoo.fr 06 64 97 51 56 Société Chris Bourgue chris.bourgue@wanadoo.fr 06 03 58 65 96

Libraires du sud /Libraires à Marseille 04 96 12 43 42 Rencontres avec Nadia Kaci, pour l’ouvrage Laissées pour mortes : le lynchage des femmes d’Hassi Messaoud (éd. Max Milo, 2010), le 22 juin à 18h30 à la librairie Regards (Marseille) ; avec Teresa Caillaux de Almeida pour la publication de sa thèse en portugais et en français La mémoire des invasions au Portugal, le 25 juin à 17h30 à la librairie Bokks & Co (Aix) ; avec Anne-Marie Garat pour Pense à demain (ed. Actes Sud), le 25 juin à 18h30 à la librairie Actes Sud (Arles). Itinérances littéraires : rencontre avec Marc Kravetz autour de son œuvre, le 18 juin à 18h30 à la librairie Au Poivre d’âne (la Ciotat) ; avec Jean Riser pour son dernier ouvrage Les espaces du vent (éd. Quae), le 18 juin à 18h à la librairie L’Alinéa (Martigues) ; avec Olivier Bass à l’occasion de la sortie de La musique des Kerguelen (éd. La Découvrance), le 18 juin à 18h30 à la librairie À l’Encre bleue (Marseille) ; avec Jiang Hong Chen, auteur et illustrateur jeunesse, autour de son œuvre, le 24 juin à 19h à la librairie le Lézard amoureux (Cavaillon) et le 25 juin à 15h à la librairie Galerie Gulliver (Carpentras). PACA Association pour la Journée du Patrimoine de Pays, www.journeedupatrimoinedepays.com À Alleins, L’Oreille au mur, déambulation théâtrale et musicale dans les rues du vieux village (04 90 57 35 88) ; à Chateauneuf-lesMartigues, expo Les seigneurs de Chateauneuf-les-Martigues (04 42 76 89 37) ; à Fontvieille visite guidée du prieuré Saint Pierre d’Entremonts (06 07 54 56 69) ; à Marseille, visite de l’atelier de Serrurerie-Ferronnerie, fondé en 1847, Henri Carrera (04 91 37 07 05) ; à Trets découverte de La marbrière de Trets et du sculpteur Christophe Veyrier (04 91 62 55 94). Le 20 juin. AIX-EN-PROVENCE Librairie de Provence – 04 42 26 07 23 Rencontre/débat avec Marianne Maury Kauf-mann pour son livre Gloria (éd. JeanClaude Gawsewitch, 2007). Le 26 juin dès 15h. Librairie Goulard – 04 42 27 66 47 Rencontre avec Katherine Pancol pour sa trilogie Les Écureuils de Central Park sont tristes le lundi (éd. Albin Michel, 2010), La Valse lente des tortues (éd. Lgf, 2009) et Les Yeux jaunes des crocodiles (éd. Lgf, 2007). Le 23 juin dès 16h30.

Musique et disques Jacques Freschel jacques.freschel@wanadoo.fr 06 20 42 40 57

Histoire et patrimoine René Diaz renediaz@free.fr

Frédéric Isoletta fredisoletta@gmail.com 06 03 99 40 07

Polyvolantes Maryvonne Colombani mycolombani@yahoo.fr 06 62 10 15 75

Cinéma Annie Gava annie.gava@laposte.net 06 86 94 70 44

Delphine Michelangeli d.michelangeli@free.fr 06 65 79 81 10

Élise Padovani elise.padovani@orange.fr

Arts Visuels Claude Lorin claudelorin@wanadoo.fr 06 25 54 42 22

Philosophie Régis Vlachos regis.vlachos@free.fr

Livres Fred Robert fred.robert.zibeline@free.fr 06 82 84 88 94

Sciences et techniques Yves Berchadsky berch@free.fr

ARLES Service culturel - 04 90 49 39 68 5e édition de Sculptures d’été avec les œuvres de Bernard Lancelle. Au Jardin d’été, ainsi qu’au restaurant Les deux fondus et à la Galerie Poche. Vernissage le 25 juin à 18h30 avec une démonstration-performance de l’artiste. Du 25 juin au 25 septembre. Collège international des traducteurs littéraires – 04 90 52 05 50 Rencontre/débat avec Emmanuelle Pagano, révélée par Le Tiroir à cheveux en 2005, et prix Wepler 2008 pour Les Mains gamines, et L’Absence d’oiseaux d’eau (POL, 2010). Le 30 juin à 18h à la médiathèque. Museon Arlaten – 04 90 93 58 11 Le musée est fermé pour rénovation jusqu’en 2014, mais les activités continuent hors les murs : projection-rencontre avec Le Temps des carnavals, film de Pierre Willemin, le 3 juin à 18h30 à la médiathèque d’Arles ; exposition Jours de fêtes aux ABD Gaston Defferre,Marseille, du 26 mai au 23 décembre. Atelier Archipel – 06 21 29 11 92 Exposition de Jany Garbouge-Floutier et Laura Jonneskindt, Livres autrement : plus de 200 livres pliés (sculptures) de J. GarbougeFloutier et des macrophotographies de L. Jonneskindt. Jusqu’au 27 juin. Palais de Luppé – 04 90 49 94 04 Exposition Le sentiment de la maison, collection d’art contemporain dédiée à Van Gogh. Jusqu’au 27 juin. BARJOLS Plaine Page – 04 94 72 54 81 Sans Bord & Sans Urgence : à l’occasion de la parution de cet ouvrage de Guillaume Fayard, la ZIP accueille l’Agence Régionale du Livre et son réseau des manifestations littéraires. Le 21 juin de 14h à 17h. DIGNE-LES-BAINS Médiathèque Intercommunale – 04 92 31 28 49 Salon du livre scientifique avec la participation de la librairie La Ruelle, dans le cadre du Festival de la biodiversité, Inventerre. Le 2 juillet de 10h à 18h. FRONTIGNAN Mairie – 04 67 18 50 26 13e Festival international du roman noir, avec des auteurs de qualité (RJ Ellory, David Peace,

Marie-Jo Dhô dho.ramon@wanadoo.fr Maquettiste Philippe Perotti philippe.zibeline@gmail.com 06 19 62 03 61 Ont également participé à ce numéro : Dan Warzy, Yves Bergé, Susan Bel, Aude Fanlo, Christophe Floquet, Jean-Mathieu Colombani, Rémy Galvain, Émilien Moreau, Pascale Franchi, Sonia Isoletta

Photographe : Agnès Mellon 095 095 61 70 photographeagnesmellon.blogspot.com Directrice commerciale Véronique Linais vlinais@yahoo.fr 06 63 70 64 18 Attachée commerciale Nathalie Simon nathalie.zibeline@free.fr 06 08 95 25 47


Stéphanie Benson, Didier Daeninckx, J.-B. Pouy entre autres), des projections, des rencontres… Du 21 au 27 juin. LA TOUR-D’AIGUES Les Nouvelles Hybrides – 04 90 08 05 52 Le Bruit des mots : durant cinq jours, parcours de lecture à voix haute et de rencontres avec des auteurs. Du 25 juin au 5 juillet. LE PUY-SAINTE-REPARADE Association de la Trevaresse – 04 42 61 90 41 Festival du livre et de la poésie, Rêves pensées, sur le thème des femmes. Les 3 et 4 juillet. MARSEILLE Théâtre Silvain – 04 91 14 54 70 Concert de l’Orchestre Philharmonique de Provence. Le 18 juin. Hommage à Django Reinhardt. Le 8 juillet. Espaceculture – 04 96 11 04 60 Rencontre/débat avec Rozenn Guilcher pour son premier roman La Fille dévastée (éd. Sulliver) en partenariat avec l’association Zingha. Le 24 juin à 17h. La Cité, Maison de Théâtre – 04 91 53 95 61 Lecture de textes écrits lors d’ateliers d’écriture animés par le poète Patrick Lauin. Le 25 juin à 18h et 20h30. Rencontre/débat sur la question de l’écriture, de la transmission et du livre avec les écrivains Patrick Laupin, Virginie Lou, Anne Brouan, Roger Dextre, Véronique Laupin, la formatrice et peintre Marie-Laure Genton, Elmone Treoopz, libraire, et l’ex-chargée de mission pour le livre Nadine Etchetto. Le 26 juin dès 15h. Fondation Internet Nouvelle Génération – 04 91 52 88 26 Lift France 2010, dot.Real ou comment changer le monde (réel) par le web : conférence internationale pour anticiper, imaginer et construire avec des intervenants du monde entier. Du 5 au 7 juillet au Théâtre de la Criée. Théâtre du Petit Matin – 04 91 48 98 59 Apéritif littéraire avec les comédiens du Théâtre du Petit Matin, le 21 juin à 19h30 à la Anse de la Fausse-Monnaie, Petit Nice. Espace Villeneuve-Bargemon – 04 91 14 58 80 Dans le cadre du Festival Jazz des cinq continents, exposition Regards de Jazz, 1re édition : 130 photographies en N&B de Martine Montégrandi, Serge Mercier & Christian Ducasse. Du 1re juillet au 15 août. ABD Gaston Deferre - 04 91 08 61 00 Exposition Jours de fête en Provence, coproduite avec le Museon Arlaten, jusqu’au 23 décembre. Passeurs de mémoires, collecte de récit de vie et solidarité intergénérationnelle : projection, débat, exposition. Le 25 juin de 9h à 12h30. CIPM – 04 91 91 26 45 Exposition de Jean-Pierre Bertrand De ce qui se fera – De ce qui sera fait, jusqu’au 27 juin. Lecture, Les Inédits 2010 avec Fernand Fernadez, Stéphane Nowak, Anne Houdy et Charles-Eric Petit. Le 26 juin à 18h. BMVR Alcazar – 04 91 55 56 34 Colloque Le monde en mouvement : trajectoires migratoires vers l’union européenne au XXIe siècle. Avec la librairie Regards, le 18 juin de 14h à 18h et le 19 de 9h30 à 18h. Rencontre avec la Pensée de midi à l’occasion de la soirée de lancement du numéro spécial des 10 ans de la revue : Histoires d’un 20 janvier, récits. Animée par Thierry Fabre, Renaud Ego,

avec les auteurs Velibor Colic, Mustapha Benfodil et Fawzia Zouari. Le 1er juillet. MARTIGUES Musée Ziem - 04 42 41 39 50 Exposition Pièce de collection de Zhu Hong. Jusqu’au 19 septembre. MORIÈRES-LÈS-AVIGNON Association Un peu de poésie – 06 28 43 77 21 Festival Carambolages avec des jongleurs, des clowns, des chanteurs, des mimes, des peintres, des sculpteurs… Le 26 juin de 10h à 1h au parc de l’Espace culturel Folard. PORT-DE-BOUC Médiathèque Boris Vian – 04 42 06 65 54 Couleur colères, lecture avec l’ADPL et le théâtre du Sémaphore à partir d’un atelier d’écriture conduit par Danielle Gille-Pamart autour du mot résister. Le 17 juin à 14h. Spectacle littéraire Safar avec Brigitte Carle, conteuse. Le 18 juin à 21h. Des écrivains russes du XXe siècle : Conférence avec Louis Martinez, écrivain et traducteur de grands auteurs russes. Le 29 juin à 18h30. SAINT-CYR-SUR-MER Mairie – 04 94 26 26 22 Salon du livre qui reçoit une cinquantaine d’auteurs. Le 26 juin de 10h30 à 20h30, Square Ferrié. SAINTE-CÉCILE-LES-VIGNES Lire entre les vignes – 04 90 70 78 78 3e édition de Lire entre les vignes, salon pluridisciplinaire de l’édition indépendante : dédicaces, atelier d’écriture, rencontres, remise du Prix Première Chance à l’écriture… Le 20 juin dès 10h le 20 juin. SAINT-RÉMY Musée Estrine – 04 90 92 34 72 Exposition La Réalité retrouvée, la jeune peinture, Paris, 1948-1958. Jusqu’au 12 septembre. SAINTE-MARIES-DE-LA-MER Domaine Paul Ricard de Méjanes – 04 90 97 10 60 Festival du cheval : durant 5 jours, animations et démonstrations équestres sportives, acrobatiques et artistiques, corridas à cheval… Du 10 au 14 juillet. SALON Association Mémoire & légendes – 04 90 59 33 87 24e édition de La reconstitution historique de Salon-de-Provence, un retour festif au cœur du XVIe siècle. Du 24 au 26 juin. SEPTÈMES-LES-VALLONS Centre culturel Louis Aragon – 04 91 65 29 05 Lecture publique, par Gilles Ascaride, de Le sultan est dans l’escalier, projet théâtral de la troupe du Millénaire. Le 17 juin à 18h30. SISTERON Service culture – 04 92 61 54 50 8e festival de la bande dessinée : dédicaces, expos, animations, projections… Du 3 au 11 juillet, salle des fêtes de l’Alcazar, médiathèque André Roman et galerie d’Ornano.

AdhéreZ à Zibeline

Retrouvez nos formules sur www.journalzibeline.fr Nos Partenaires vous offrent invitations, réductions et avantages ! Pour les places gratuites, téléphonez-leur rapidement pour réserver, puis présentez votre carte de membre (1 place par carte nominative). Pour les réductions, présentez simplement votre carte (réduction valable seulement pour l’adhérent) Auto Partage Provence Vous offre 6 mois d’abonnement gratuit d’essai vous disposez d’une voiture quand vous le souhaitez, à réserver par téléphone ou Internet, 24h/24, 7j/7, selon vos besoins. 04 91 00 32 94 www.autopartageprovence.com Festival De Vives Voix Vous offre 5 invitations pour la soirée du 5 juillet à 21 h à l’Eglise SaintLaurent 10 invitations pour la soirée du 8 juillet de 19h30 à 0h30 au Théâtre de la Sucrière 10 invitations pour la soirée du 9 juillet de 19h30 à 23h au Théâtre de la Sucrière 04 91 62 78 57 La Rue du Tango Vous offre 10 invitations pour le concert de Carel Kraayenhof le 6 juillet à 20h30 à la Cité de la musique 06 83 82 60 65 La Minoterie tarif réduit pour toutes les représentations 8 € au lieu de 12 € 04 91 90 07 94 Les Bancs Publics 1 place offerte pour 1 place achetée pour tous les spectacles 04 91 64 60 00 Pavillon Noir (Aix) Vous offre 2 invitations pour Noces / Le Sacre du printemps le 3 juillet à 19h30 0811 020 111 Festival Côté Cour (Aix) Vous offre 5 invitations par soir pour l’Ensemble Balkanès le

2 juillet pour Un hiver de cochon le 10 juillet pour Sudden jazz et Sudameris le 17 juillet pour Adventura trio le 20 juillet pour Dona Kju le 23 juillet pour La Serva padrona de Pergolèse le 27 juillet Les concerts ont lieu à 21h15 Cour de l’Hôtel de Ville ou Cloître des Oblats 06 83 60 19 80 3bisf (Aix) Entrées et visites gratuites sur réservations 04 42 16 17 75 Festival international de guitare (Lambesc) Vous offre 2 invitations par soirées du 27 juin au 3 juillet 04 42 92 44 51 Chêne Noir (Avignon) Vous offre 5 invitations dans la limite des places disponibles pour Ernesto Che Guevara, la dernière nuit durant le Festival Off du 7 au 30 juillet Au-delà de ce quota 20 invitations au tarif réduit 04 90 82 40 57 L’institut culturel italien (Marseille) vous offre 3 adhésions annuelles d’une valeur de 32 €, cette «carte adhérent» vous donnera accès à tous les services de l’Institut, médiathèque et programme culturel. Demande par mail : iicmarsiglia@esteri.it ou au 04 91 48 51 94 Librairie Maupetit (Marseille 1er) La Canebière 5% de réduction sur tous les livres Librairie L’écailler (Marseille 1er)

2 rue Barbaroux 5% de réduction sur tous les livres Le Greffier de Saint-Yves (Marseille 1er) librairie générale et juridique 10 rue Venture 5% de réduction sur tous les livres Librairie Regards (Marseille 2e) Centre de la Vieille Charité 5% de réduction sur tous les livres L’histoire de l’œil (Marseille 6e) 25 rue Fontange 5% de réduction sur tous les livres Librairie Imbernon (Marseille 8e) spécialisée en architecture La Cité Radieuse 280 bd Michelet, 3ème étage 5% de réduction sur tous les livres Librairie Arcadia (Marseille 12e) Centre commercial Saint Barnabé Village 30 rue des électriciens 5% de réduction sur tous les livres Librairie de Provence (Aix) 31 cours Mirabeau 5% de réduction sur tous les livres Librairie Au poivre d’Âne (La Ciotat) 12 rue des frères Blanchard 5% de réduction sur tous les livres La Pensée de Midi Vous offre 3 exemplaires de De l’humain, nature et artifices 3 exemplaires de son numéro Histoires d’un 20 janvier par mail : chris.bourgue@wanadoo.fr


76

FÊTE DU LIVRE DE LA CANEBIÈRE

Zibeline s’est associée au Festival du livre de la Canebière, manifestation populaire où le goût d’écrire et d’échanger se conjuguait au plaisir de lire, et d’écouter… Nous publions dans ces pages la nouvelle et l’illustration lauréates des concours lancés par l’association Couleur cactus, animatrice de ces trois jours de festivités organisés par la mairie du premier secteur de Marseille. Dans ces pages également les écrits de quelques participants à notre atelier d’écriture journalistique. Qui, pour certains, n’avaient vraiment pas grand-chose à apprendre de nous ! AGNÈS FRESCHEL ET FRED ROBERT © Agnès Mellon

Écrire sur la Canebière L’atelier d’écriture Vue sur Mer animé par Anne Foti pour les adolescents les amène à donner leur point de vue sur un thème. Anne Foti pense qu’écrire permet aux ados de développer leur point de vue et de parler de leurs souvenirs. Ils s’inspirent en effet de photos tirées de livres : une mer grise qui se confond dans le ciel, des rochers, des barques de pêcheurs et au loin une vaste végétation… Etant présente à cet atelier j’ai apprécié que les photographies amènent les mots et me permettent de parler des souvenirs personnels que m’évoquaient les images. PERLE T. 12 ANS

Déambulation instructive

En haut de la Canebière, des stands sont installés pendant les trois jours du festival Les accents de la Mer… J’y rencontre Pierre Reiff, président de l’association Baroques-Graffiti, 10 ans d’âge. Un ensemble de musique ancienne qui croise les cultures musicales (violon, oud…) et lutte contre les élitismes de la musique savante. Nora Mekmouche, bénévole de l’association Soleda, éditions solidaires, me présente son collectif de 6 éditeurs marseillais qui mutualisent moyens et compétences pour obtenir une meilleure visibilité, et militent en faveur de l’engagement politique des auteurs. Je discute avec Nicolas Genre, salarié de l’Institut d’études occitanes basé à Aix. Une association, présente dans 32 départements du Sud de la France, qui promeut l’Occitan provençal. En effet, deux écoles existent qui ont une appréhension différente de l’Occitan écrit : la graphie Mistralienne utilise une écriture phonétique calquée sur le français, «le» s’y écrit «lou», comme il se prononce. Tandis que dans la graphie classique, défendue par l’institut, «le» s’écrit «lo» mais se prononce lou ! Une jolie rencontre avec Armelle Galtier me permet de découvrir La Vitrine, où la poésie est présentée de façon vivante : au 58 rue Jean de Bernardy, les poètes exposent leurs écrits à la vue de tous ! Jusqu’au 19 juin, les passants peuvent y découvrir les écrits d’Anne Kawala. Nuit et jour, la vitrine étant éclairée la nuit ! Cerise sur le gâteau, j’ai effectué cette déambulation… à bord d’un pousse-pousse électrique, conduit par Célia Guerri de l’association Proxi Pousse ! ROBERT D’ANGELO

Mamanthé ne sert pas le thé ! L’association Mamanthé, pont entre les générations et les cultures… Mamanthé aura bientôt 3 ans et juste un siècle de moins que son éponyme, la grand-mère martiniquaise de Mona Georgelin, fondatrice de l’association pour la promotion de la culture créole en région PACA. Swing de musique du monde au Square Léon Blum, et soleil décidé à faire bronzer même la sirène bibliophage qui toise l’église des Réformés : on est le 12 juin, Festival du Livre de la Canebière. Derrière son ministand-librairie de littérature caribéenne, crinière cuivrée assortie à sa peau métisse de Bretonne martiniquaise, il y a Mona, comme un poisson dans l’eau qui remonte vers la source. «J’ai cru jusqu’à 12 ans que ma mère l’appelait Man Té parce qu’elle servait du thé à tous ses enfants. En fait, son prénom c’était Félicité mais de toute façon elle a dû passer beaucoup de temps à servir ses 18 enfants et ses 81 petits-enfants, dont je suis, m’explique Mona, et c’est une manière de lui rendre hommage.» Ça tombe à pic, parce qu’hier soir à l’Alcazar c’est le romancier, poète et essayiste guadeloupéen Daniel Maximin, qui, sans un mot pour son œuvre per-

sonnelle, pourtant aussi intense que profonde, rendait lui aussi un hommage bouleversant à Suzanne Césaire qui a élevé 6 enfants avant de se consacrer à ses écrits d’essayiste dissidente, femme de théâtre et penseuse de la négritude. «Écrire un enfant sous chaque bras» a-t-il dit d’elle, citant une poétesse russe. «J’ai grandi en métropole, poursuit Mona qui ne perd jamais le nord de sa boussole antillaise, mais ma mère fait partie de cette génération d’après-guerre où la langue créole, trop proche de l’oppression coloniale, était une langue interdite de transmission. - Et vos deux enfants ? - Ils comprennent déjà tout ce qu’on leur dit en créole ! J’ai un besoin profond de faire partager cette culture : “kilti kréyol”. La Bretagne, elle, peut attendre encore un peu ! ajoute-t-elle.» … J’habite une blessure sacrée / J’habite un long silence… écrit Aimé Césaire. Et bien même si l’optimisme n’est pas dans l’air du temps, j’ai envie de lui répondre : Regarde ! C’est en bonne voie de guérison chez Mamanthé… MARION DE DOMINICIS


La fête du livre, de la mer et du soleil Le festival proposait des ateliers pour les amoureux de la lecture, mais surtout de l’écriture et de la culture autour de l’écrit La Faute à Voltaire : l’association a travaillé à partir de textes sur la mer écrits par des participants aux ateliers, mais aussi des textes littéraires. L’équipe a enregistré les effets sonores de la mer et fait entendre aux écouteurs ce joli travail poétique… Le Comité d’intérêt de quartier était là avec des livres en rapport avec la ville, pour échanger autour de la vie du quartier. Soleda, éditeurs solidaires se sont regroupés pour obtenir une plus grande crédibilité, et pouvoir continuer, en particulier, à éditer des livres de photographies et d’art. Le Cercle Catala de Marsella est une

association qui existe depuis 1918, fondée par les pêcheurs immigrants de Catalogne présents à Marseille depuis la Grande Peste, et qui ont donné leur nom au quartier des Catalans (7e arr.). Nous avons fini à La Place aux Siestes, un endroit où chacun peut se reposer dans des chaises longues et laisser en partant une petite marque sur les parasols… MARCO HORODENSKI ET EMILIA LIMA,

un couple de jeunes Brésiliens en formation «Français Langue Etrangère» avec l’association CIERES, organisme d’intégration et d’alphabétisation des personnes immigrées.

Prix du jury récompensant une illustration de la nouvelle La vague et le rocher de Hélé BEJI, auteure tunisienne publiée aux éditions Elyzad LAURÉAT : FRANÇOIS BEGNEZ, 37 ANS, MARSEILLAIS


78

FÊTE DU LIVRE DE LA CANEBIÈRE

Halicarnasse

© Tonkin Prod

Les cheveux au vent, comme une nappe sur une corde à linge, A. s’assoit qui couvre sa chaise de jardin. Pourtant, elle continue à regarder ces gens sur une pierre blanche, peu confortable. De minuscules galets crissent sous comme elle regarde la mer. Sur la terrasse, tout le monde est là. L’enfant ses semelles de caoutchouc épaisses. Les pans plissés de sa jupe découvrent mange ses haricots à la main, malgré ses deux rappels à l’ordre. Il a du gras des jambes solides. Elle arrache un brin d’herbe, le coupe et le recoupe en autour de la bouche et quelques ongles noirs de crasse. Le père discute morceaux sans y prêter attention. Elle se sent masculine face à ces moutons avec le mari de l’actualité, du sport, de la voiture, de la fabrication d’un éphémères. Elle pourrait être capitaine, pêcheur, marin pompier, fendre la coffrage pour le ciment. La mère est enchantée des nouvelles plantations mer avec la coque de son bateau. Elle vient là parce qu’elle aime aller au et aimerait des boutures pour son jardin. Ce sera fait. La sœur se plaint, le bout du monde sans prendre la barre. Le cœur à frère se tait. On devise, ni gaiement, ni joyeusement. domicile, rabougri. Le corps au vent frais, franc, fouetté On devise parce qu’il le faut. A. porte le café dans son «Je suis fascinée par les mondes par le sel. Une baguette encore tiède sur la banquette plateau en plastique rouge rayé. Les petites cuillères féminins emplis d’une lumineuse arrière entourée d’une fine feuille légère et bariolée. sont dépareillées. Au bout de 20 ans les petites cuillères pudeur, mais aussi de sombres seDeux extrémités de ce petit bout de papier ont été sont toujours dépareillées. Le mystère de la disparition crets. Rien n’est plus poétique qu’un enroulées par la boulangère. Il tient bien. des petites cuillères l’obsède parfois le soir quand elle «regard» que l’on n’emprunte jamais s’endort. Elle y pense. Elle imagine les différentes par négligence ou par mépris. Rien n’est plus poignant qu’une victime qui Il est bientôt 11h15. Elle va devoir se lever, mettre la clé pièces de la maison et les lieux où chacun aurait pu les ne se perçoit pas comme telle. dans le contact, freiner au feu rouge, redémarrer, faire oublier. Bon, il n’y a rien à faire, ce n’est pas cohérent. Je suis très touchée d’avoir remporté un créneau, sourire face au visage de l’enfant qui attend Ces petites cuillères ont disparu et rien ne peut ce premier prix et je remercie sincètout, mettre la clé dans la serrure, mettre de l’huile dans l’expliquer. On ne peut pas retracer le parcours d’une rement les personnes qui m’ont la poêle, faire cuire, servir, laver, rincer, sécher, remettre petite cuillère même en se concentrant, les yeux fermés encouragée, et se reconnaîtront. » la clé dans la serrure, remettre la clé dans le contact, dans la chambre faiblement éclairée par la lumière du sourire à nouveau face au visage de l’enfant, réveil. l’embrasser, l’encourager, remonter, repartir, refreiner, La mère apprécie le café sans sucre. Elle a des revenir, re, re, re... habitudes que tout le monde se doit de connaître. Elle le redit pourtant chaque dimanche. « J’ai horreur du Ce sera fait, mécanique implacable. Un coup de balai sucre dans le café. Je ne sais pas comment vous faites. dans le salon, un chariot dans un supermarché, Ce n’est pas un vrai café quand il y a du sucre. » récupérer l’enfant, lui poser des questions, lui parler, Quand A. la regarde, elle ne ressent plus ni agacement, l’aider, le laver, accueillir l’homme, lui poser des ni haine. Trop épuisée un jour, elle a sans doute arrêté questions, lui parler, l’aider, les faire manger, manger de la détester. Aujourd’hui, quand l’enfant est cruel, soi-même sans grand appétit. A. traverse les ans, les elle ne se demande pas s’il pourra la détester un jour. temps, les âges. Pas trop tard, le soir, elle se glisse dans Il est tellement à elle. les draps qui ne sont pas les siens. Ils sont à eux, à nous. Le café dure. Les discussions aussi. On ne s’arrête Elle pose mais ne se repose jamais. Elle s’épile, se jamais de parler en famille. Il n’y a jamais de silence parfume, se maquille, s’habille. Elle prend la pilule aussi gêné. On se cure les dents, on peut se gratter le nez, et fait un frottis une fois par an. Elle a des livres de parler de son furoncle ou de la qualité de sa merde. cuisine. C’est pas si mal. A. préfère quand même être seule face JULIE SURUGUE, 29 ANS, MARSEILLAISE à la mer. Pas besoin de dire son amour, son emploi du LAURÉATE DU PRIX DU FESTIVAL DU LIVRE Personne ne sait qu’elle vient s’assoir sur cette pierre temps, le nom de son coiffeur, la recette de son risotto. DE LA CANEBIÈRE 2010, SUR LE THÈME blanche, sur ce bloc calcifié. Toujours le même, bien La bise quand tout le monde part et bonne route. « LES ACCENTS DE LA MER » qu’il soit inconfortable. Elle ne s’en rend pas vraiment Peut-être même une main sur l’épaule et un sourire. compte. Cela ne la dérange pas tant que ça. Derrière elle, des bunkers abandonnés, effondrés par endroit. Des ronces, de l’urine, Le mari parle peu. Le mari crie souvent contre le présentateur, sur le fils, de petites fleurs sauvages, des inscriptions, rendez-vous d’homos, un la femme du lundi au samedi. Le mari est charmant le dimanche. A. sourit, grillage, des maisons en contrebas. Elle regarde plusieurs heures par arrondit les angles. La plupart du temps, elle est tranquille. Absent, elle semaine la mer, la mer salée, froide. L’évidence de la mer que le temps l’oublie. Présent, elle le fuit, détourne la tête ou baisse les yeux. modifie. Comme A.. Mais ses moutons à elle, les siens, emprisonnés, A. aime congeler les plats qu’elle cuisine. Elle range tout ça dans de petites n’affleurent jamais. Pas de vagues ou alors quand le repas accroche et boîtes en aluminium dont elle rabat les bords sur un couvercle en carton. qu’une légère odeur de brûlé contamine son plat. Elle enrage dans ces Sur le carton, elle écrit le nom de la recette et la date de congélation. moments-là. Ici, elle regarde, se lave les yeux, sort de son corps, gonfle ses Pourtant elle aurait le temps de cuisiner chaque jour. Mais elle préfère poumons et oublie son cœur. s’asseoir sur la pierre blanche, dès qu’elle le peut. Depuis combien d’années va-t-elle là-bas, sur cette pierre blanche ? Elle n’a pas compté. La première Dimanche, le repas de famille revient. Elle quitte sa pierre de calcaire, son fois, elle avait le nez ensanglanté. Le mari l’avait un peu amoché. Chômeur paysage marin pour s’asseoir plus confortablement sur le coussin orange entre deux CDD. Elle n’avait pas fait, elle aurait dû faire, ça n’allait pas.


FÊTE DU LIVRE DE LA CANEBIÈRE

Selon lui. Avec elle. Elle avait paniqué, avait roulé encore et encore. Frein à main serré, elle était allée s’asseoir sur cette pierre blanche, un kleenex pressé sur le nez, sans larme dans les yeux, de légers tremblements dans les jambes. Depuis il travaillait et ne la cognait que le soir après le film de 21h. Depuis l’arrêt des publicités sur France Télévisions, tout avait avancé d’une demiheure. A. ne s’offusque pas, ne se rebelle pas, ne conteste pas. Ce rituel lui est moins douloureux que la pensée de la solitude. Dans sa maison, une seule assiette, deux en comptant celle de l’enfant, ce serait affreux. Mais parfois, lorsqu’assise sur sa pierre blanche elle voit les pêcheurs en contrebas, ça lui donne de petites idées. Ils vident, découpent, retournent, balancent le tout dans une caisse en plastique. C’est rapide, efficace. Bien sûr, l’odeur de poisson ne disparaît pas comme ça. Elle colle aux mains, pénètre sous les ongles. En frottant, rien ne part totalement. Les mains deviennent des ennemies, jusqu’à la folie. Elle le sait bien, le mari lui reproche souvent que ses mains sentent. Le poisson, l’ail, la terre. Ça le dégoûte et il la pousse de sa jambe dans le lit. Les petites idées disparaissent. - Excusez-moi, M’dame, vous avez pas une cigarette, M’dame ? A. se retourne. Elle est un peu éblouie par le soleil et protège ses yeux de sa main droite. Face à elle un homme dégarni. Chemisette saumon rentrée dans le pantalon remonté au nombril. Sa queue est comprimée. Les yeux d’A. sont passés dessus. Obligatoirement, en remontant vers le visage. Des chaussettes de sport sont glissées dans ses mocassins en cuir ajouré. Autour de la taille une banane synthétique pendouille mollement. - Non. Elle ne s’excuse jamais et encore moins de ne pas fumer. - Bon, ben d’accord. Vous êtes seule ? - Oui. - J’peux m’mettre là alors. La peau vérolée de son visage se déforme dès qu’il ouvre la bouche. - Non. Je regarde la mer. - On a qu’à la regarder à deux. Moi aussi, j’aime la mer d’puis que j’suis ici. Une substance graisseuse suinte sur son front plissé et sous son nez épaté. - Non. -Allez. Vous êtes pas très gentille, Madame. Il a des dents sublimes, très blanches et régulières. Elle ne répond plus. Elle se recule légèrement. Il s’assoit à côté. Elle sent l’odeur acre de ses aisselles. Il ne dit rien. Il pose sa main sur son genou. Il n’y a pas de vent aujourd’hui et la puanteur persiste. Elle se lève. Il saisit son poignet. Elle se dégage d’un mouvement sec. Au feu rouge, elle monte le son. « Les démons de minuit ». Ce matin, en partant elle avait mis dans son sac un petit couteau de cuisine. Celui qui coupe bien avec un manche en plastique noir et de fines dents régulières. Assise sur sa pierre blanche, elle laisse glisser ses mains sur les petits graviers. Elle en saisit une poignée et la fait retomber au sol. Elle sent à nouveau son odeur. Une ombre se forme au-dessus d’elle. Elle a entendu le crissement derrière elle. A. fixe l’horizon. Elle abandonne la petite idée d’utiliser la lame en inox. - Ben alors, t’es venue. J’le savais... Viens là, ma cocotte.

79

La même main lui serre le bras. Elle est moite. A. a la joue collée sur un morceau de ciment, les mains sur les murs. Elle en perçoit les imperfections. L’odeur d’urine est forte. Il s’agite, grogne. Elle ne voit plus la mer. Et pourtant tout est humide. Même elle. Elle n’y aurait pas cru. Au feu rouge, elle utilise un kleenex. Devant l’école, elle attend. Il est là et lui prend la main. À la maison, elle sort un plat du congélateur, retire le couvercle en carton. Elle saisit le bloc froid et le cale dans un plat creux. Il est maintenant dans le four et tourne encore et encore. L’enfant se régale. Il essaie à nouveau de manger avec ses doigts. A. le réprimande. Clé dans la serrure, dans le contact. Créneau. Ecole. Maison. Cet après-midi, elle prendra une douche puis un long bain. Il est 14h30, la voisine est là. Sur la nappe cirée de la cuisine, A. a posé deux tasses de café. La voisine parle beaucoup. Elle lui a apporté des gâteaux arabes. A. ne se rappelle jamais des noms. Toujours trop sucré. C’est gentil quand même. - Je trompe C. C’est tombé comme une pierre dans un lac. - Quoi ? La voisine se réjouit. Mais depuis quand ? - Il est merveilleux. Il a des dents superbes. - Mais comment ? Pourquoi ? C’est qui ? - C’était aujourd’hui. Ça s’est passé. Il le fallait. - Raconte-moi. Tu me connais, je suis une vraie tombe. Dis-moi tout. Tu comptes faire quoi ? Tu as déjà consommé ! Ne me mens pas... Ce n’était pas qu’aujourd’hui. - Je l’aime. - Quoi ? Mais tu le connais depuis quand ? - Il n’est pas d’ici. Il est du Nord. - Mais tu vas faire quoi ma chérie ? Tu as une mine terrible, ça se voit. Ça te donne des soucis. Dis-moi, tu vas faire quoi ? - Je ne sais pas. - Comment tu ne sais pas ! Mais c’est pas possible ça ! - Je ne sais pas. Et pourtant, elle sait bien qu’elle est déjà une ruine parmi les ruines, un galet emballé par l’eau salée trimballé sur la grève. C. ferme la marche. Il tient la petite main dans la sienne. Ils ont passé le haut portail en fer vert. Les graviers de l’allée crissent sous les roues, sous les pieds. Les cyprès se balancent. L’herbe est fraîchement tondue. Il y a de la mousse sur quelques pierres lisses, froides, polies. D’autres pierres taillées grossièrement s’entassent si haut, enturbannées de ciment. Ceinturés de murs, ils avancent sous un soleil de plomb. La marche n’en finit plus. « Tu n’es pas coupable. C’était un accident. Tu as appelé les secours. Tu ne pouvais rien faire de plus. On est là, ne t’inquiète pas. » JULIE SURUGUE



Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.