Zibeline 35

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Du 17/11/10 au 15/12/10 | un gratuit qui se lit

La crĂŠation en danger

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Evénements Les Rencontres d’Averroès La décentralisation, rencontre avec Hubert Colas Rencontre avec Véronique Gens, Musée Cantini Ensemble Télémaque Le BNM, l’ENSDM

4, 5 6,7 8 9 10, 11

Théâtre Lenche, Point de Bascule, Bernardines Merlan, Criée, Cie L’Individu Minoterie, Bancs publics, Gymnase, Centaure, Vitez Avignon, Port-de-Bouc, Nîmes Au programme

12 13 14, 15 16, 17 18 à 22

Danse Ballet d’Europe, Istres GTP, Pavillon Noir Château-Arnoux, Dansem Au programme

23 24 25 26 à 28

Arts de la rue/Cirque Port-Saint-Louis, Arles, Lieux Publics, Draguignan, Gap, Toursky, Istres

30, 31

Musique Au programme GTP, Quatuors, Solistes Opéra de Marseille, de Toulon, lyrique Contemporaine, Actuelles, Jazz Au programme

32 à 34 36 à 39 40,41 42, 43, 44 45

Jeunesse Evénements Droits des enfants, Festival de l’imaginaire Au programme Sainte Maxime, Massalia, Momaix, Toulon GTP, Fos, Aubagne, Avignon, Pays d’Aix Livres, disques

46, 47 50 52, 53 54, 55 56 57, 58

Cinéma Montpellier, Image de Ville, Région Apt, Gardanne, l Tous Courts AFLAM, Prix CMCA, CineHorizontes Rendez-vous d’Annie, semaine asymétrique

59 60 61 62, 63

Arts visuels Au programme Nouveaux lieux à Marseille Art-Cade, Ateliers de Visu Musée Ziem, Instants vidéos Toulon, Marseille, Trans-en-Provence

64, 65 66 67 68 69

Livres Rencontres Littérature, arts

70 à 73 74 à 83

Histoire Centre Aixois des Archives départementales Orange, Arles Les Mardis du MuCEM

84 85 86, 87

Philosophie Echanges et diffusion des savoirs, UPR

88, 89

Techniques et Sciences

Les prestidigitateurs attirent le regard ailleurs pour escamoter à leur aise. Le remaniement ministériel est un tour de passe-passe qui ne changera rien à la politique qui fait tant souffrir les Français. Si, il la durcira, l’épuration RPR étant censée nous faire avaler de force la réforme des retraites, et toutes les mesures qui altèrent le tissu social dans un pays riche. Passe-passe, passera. La réforme est votée, désespérant un peu plus ceux qui vivent de leur travail et voient leur quotidien s’assombrir aussi vite que leurs horizons. Et d’autres lois, plus insidieuses, passent inaperçues, témoins d’un mépris général envers les citoyens administrés : réforme des collectivités territoriales, votée, fin des emplois aidés, voté, fin de l’ISF, voté… Et la culture ? Frédéric Mitterrand reste, on s’en doutait. Le tour de passe-passe de son Ministère est plus sidérant encore : après avoir appauvri les structures culturelles, les collectivités qui les financent et les artistes qui les font vivre, le Ministère prétend que les institutions sont peuplées d’intellectuels élitistes qui refusent de partager la culture avec le peuple. Mitterrand, celui qui, des paillettes dans les yeux, mythifia les stars et les princesses, nous parle maintenant sans rire d’échec de la démocratisation culturelle ? Coupe les crédits de la création ? Un rapport programmatique du Ministère, intitulé La culture pour chacun, désigne clairement l’ennemi : «Le véritable obstacle à une politique de démocratisation culturelle c’est la culture elle-même.» Son auteur réfute l’ambition d’«adhérer à un consensus intellectuel» (la culture pour tous) et veut «inclure les cultures populaires pour lutter contre les antagonismes religieux et communautaires.» Est-ce à dire que les Musulmans ne peuvent produire que de la culture populaire ? Qu’ils n’ont pas d’intellectuels ? Et qu’entend-il par populaire, lorsqu’il veut nommer dans les instances décisionnelles «des personnalités de premier plan ayant un fort potentiel médiatique» ? Le foot ? le luxe ? les people ? les blockbusters ? Les banlieues ne lisent pas plus Kateb Yacine que Flaubert ! Ça passera ? Le monde culturel subit la dégradation sociale générale, souffre des attaques contre l’économie associative augmentées des agressions spécifiques contre les intellectuels et les artistes, et du mépris affiché des œuvres de l’esprit. Il n’est pas sûr qu’il s’en relève un jour, et l’auteur du rapport est conscient de lancer «un plan qui installe les conditions d’une possible irréversibilité». Froid dans le dos ? AGNÈS FRESCHEL

Le laser, Au programme

90, 91

Rencontres

92, 93

Adhérents

L’ère du mépris

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ÉVÉNEMENTS

RENCONTRES D’AVERROÈS

Sous le signe d’Averroès s’installe et les Tables Rondes s’annoncent

Averroès écolo ? «environnement», il en fait partie, en dépend et le détermine. Il s’agira donc d’élargir l’horizon commun, avec Nicole Petit-Marie, paléo-climatologue, JeanChristophe Victor géographe concepteur des quelques minutes de télé les plus intelligentes du PAF (Le dessous des cartes, Arte), Jean Pierre Dupuy, philosophe qui pense la catastrophe pour qu’elle n’advienne pas, et de nombreux témoins d’expériences particulières éclairantes : Andrea Ferrante, agrobiologiste italien, le navigateur Titouan Lamazou, le président de Slow Food Piero Sardo, Mohamed El Faiz un historien de l’agronomie et des jardins arabes, Henri Luc Thibault, directeur du Plan Bleu des Nations Unies... Pour penser successivement La Mer, La Terre, et L’Avenir, les 26 et 27 nov, au Palais des Congrès.

Sous le signe persistant

Sous le signe d’Averroès continue jusqu’aux Tables rondes, et au-delà … Avec la Cie Mal Pelo aux Bernardines (voir p 25), une rencontre à Aubagne entre Thierry Fabre et Elias Khoury, parrain de la Fête du livre de Toulon (voir p 70), des rencontres littéraires, du théâtre en arabe, une création de Dris Ksikes à la Minoterie (voir p18), une évocation de Levi-Strauss, des projections… et le concert de clôture à l’Espace Julien (voir p 45). Parce que, pour les organisateurs des Rencontres, penser la Méditerranée passe aussi par l’expérience sensible… A.F. Jusqu’au 19 déc www.rencontresaverroes.com

Rêverie silencieuse Alger, Beyrouth, Marseille, Naples… autant de Paysages sensibles cartographiés au MuCEM à l’occasion des 17e Rencontres d’Averroès

Tel le promeneur solitaire, contemplatif et philosophe, on arpente les «chapitres» de l’exposition-parcours en laissant notre regard divaguer entre les dessins et les cartes de Mathias Poisson (matière première du projet initial), quelques œuvres de la collection du Frac et des photographies de l’Atelier de l’image. Trois points de vue révélateurs des différentes manières d’appréhender la question du paysage méditerranéen contemporain qui composent «un bouquet singulier» selon Thierry Fabre. Quel est le poids de l’histoire ? L’art contemporain peut-il s’abstraire de cette histoire ? l’exposition introduit les fondements du MuCEM qui dédiera cette salle d’exposition au XXIe siècle et à la création contemporaine afin de créer un lien, une passerelle, avec le futur musée ethnographique… En attendant, Mathias Poisson détient les clefs de l’exposition, privilégiant cinq thématiques en regard de son travail plutôt qu’une linéarité géographique. Désirs d’horizons autour de la figure romantique et toujours prégnante de la ligne d’horizon ; Visions subjectives

ou comment les artistes s’approprient les lieux, les malaxent, les difforment ; Matières de villes dont la densité et la topologie sont si viscéralement désordonnées (Marseille, Naples…) ; Espaces ouverts aux hommes qui se les réapproprient dans leur intimité ; Territoires convulsés habités par d’étranges occupants (tank, bunker, navire…). Une traversée par temps clair des œuvres de Traquandi et Bustamante (regards subtils), Zineb Sedira (au MAC dès le 18 nov), Pauline Fondevila (évocation post-romantique), J.L. Garnell, Valérie Jouve ou Ito Barrada (territoires incertains) et tant d’autres encore. Par bonheur les méandres de la circulation réservent des surprises. Bifurcations, retours, surplombs et échappées belles sont fortement conseillés pour que les œuvres dialoguent au-delà des espaces circonscrits, et que l’esprit réinvente son propre paysage mental.

Le cavaliere de l’apocalypse Draquila l'Italie qui tremble © X-D.R

Voilà que les Tables Rondes des 17e Rencontres surprennent ! Tournant habituellement autour de questions historiques, politiques, économiques, philosophiques, voire religieuses ou esthétiques, elles n’ont jamais emprunté le début même de cette voie-là. Rarement évoquée la mer, peu abordées les sciences et techniques, jamais la pollution, la protection, l’agriculture… Est-ce que, au-delà des enjeux politiciens, l’écologie serait réellement devenue une politique, c’est-à-dire une manière d’envisager l’organisation des rapports sociaux de la cité future ? La liste des invités promet évidemment des débats qui se tiendront loin des platitudes «environnementales» habituelles produites par la société de consommation et ses divers «Grenelle» : l’homme ne vit pas dans un

Sabina Guzzanti continue de dénoncer dans un brûlot féroce, courageux et pugnace, le système Berlusconi. Dans le documentaire Draquila l’Italie qui tremble, elle relate avec force témoignages, la gestion de la reconstruction de l’Aquila, après le séisme du 6 avril 2009. Une catastrophe qui sonne le glas de la dérive de l’Italie, coincée dans un imbroglio de scandales. Une ville d’art anéantie (308 morts, 70 000 sans abris), qui devient la farce d’El Cavaliere, et lui donne l’occasion racoleuse de reconstruire son image «comme si Dieu lui avait tendu la main». «L’opération tremblement de terre, un triomphe» que la réalisatrice démonte jusqu’à la révélation, effarante, de la gestion ultra militarisée de la Protection Civile, «un bras de l’état» au-dessus des lois, qui aurait pu intervenir avant le séisme, mais a préféré s’immiscer dans la reconstruction plutôt que protéger la population. Censure, manipulation, absence d’opposition, un tiers de la population non relogée, des millions gaspillés alors que le gouvernement parle d’une gestion miraculeuse. Une ville antique sacrifiée à la popularité populiste d’un homme et un pays qui vit «une dictature de la merde». Les Abruzzes, c’est pas si loin de chez nous… DELPHINE MICHELANGELI

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Paysages sensibles jusqu’au 19 déc Fort St-Jean (accès par la tour d’Assaut) 04 91 59 06 99 www.mucem.eu

Draquila l’Italie qui tremble a été projeté à l’Utopia d’Avignon du 3 au 16 nov

Panorama Naples Marseille Alger © Mathias Poisson


Croisements Dans le cadre des Rencontres d’Averroès, les Salins avaient invité Francesco Tristano, Murcof, Bachar et Rami Khalifé pour des expérimentations sonores, des ponts entre classique, jazz, musique contemporaine, électro, improvisation. La fugue de Bach sera le point d’ancrage, symbole des croisements de lignes, interprétation émouvante des deux claviers en écho : Francesco Tristano et Rami Khalifé, inspirés. Murcof aux manettes impulsait les sons synthétiques en mariant les effets, puis laissait au percussionniste-chanteur, Bachar Khalifé, et aux pianistes une totale liberté dans des improvisations, parfois rythmées, mais qui manquaient d’audaces harmoniques et mélodiques. Des sons percussifs sur le piano, en hommage à Cage, des boucles répétitives minimalistes en hommage à Reich, la performance dans une lumière tamisée manquait de corps. On ne décollait pas vraiment, entre impros agressives mais convenues, motifs aux couleurs impressionnistes, mais qui restaient sans surprise linéai-res et binaires. Un immense crescendo amenait une lumière plus chaude. L’audace restait dans Bach et son art de la fugue !

Francesco Tristano © Giraudel

Un beau thème rythmé, suivait, tango progressif sur de grandes plages de cordes et de sons assistés par un sage Murcof aux commandes numériques assurant des liens électroniques essentiels. Il fallut attendre la Cérémonie pour la Marche des turcs de Lully pour se lever un peu d’une écoute polie : belle adaptation, chaque musicien prenant le relais, le thème se noyant, ressurgissant sans cesse dans des

styles divers, colorés par la voix et deux pianistes au sommet de leur art. Fugue, relais, passage, héritage, prolongement, concert-symbole dans un bel échange qui manquait quelque peu… d’écriture ? YVES BERGÉ

Ce concert a été joué aux Salins, Martigues, le 10 nov

Un monde fragile Le 12 nov, à la Maison de la Région, se sont ouverts Les Ecrans d’Averroès, à l’initiative du CMCA, de l’INA et des Rencontres d’Averroès : cinq films sur les problèmes d’environnement. C’est le film de Virginie Linhart et d’Alice Le Roy, Ces catastrophes qui changèrent le monde, qui a été présenté par Alice Le Roy. Si le thème des rencontres d’Averroès est cette année Méditerranée, un monde fragile ?, le documentaire, de construction très classique, est né de l’envie de raconter l’histoire des luttes écologiques à l’échelle de la planète. Le Smog sur Londres, en 1952, qui fit des milliers de victimes, fut la première alerte écologique ; la pollution chimique aux USA avec le DDT et la première loi sur les pesticides datent de 1964. Les images d’archives où l’on voit les gens «vaporisés» avec ce produit toxique en toute inconscience ont fait frémir la salle, tout comme les images terribles des victimes de la contamination au mercure de la baie de Minamata en 1956, par l’entreprise chimique Chisso. La deuxième moitié du XXe siècle a été ponctuée de catastrophes résultant d’une course effrénée au développe-

ment et au profit : naufrages du Torrey Canyon en 1967, de l’Amoco Cadiz en 1978, de l’Erika en 1999 avec leurs marées noires meurtrières, nuage toxique à Bhopal qui a fait plus de 25 000 morts dans le centre de l’Inde en 1984, explosion nucléaire à Tchernobyl en 1986… Les images d’archives et les témoignages se succèdent, faisant froid dans le dos. La voix off d’Emma de Caunes énumère, commente, pointant à la fois les échecs de gouvernements, sommets de Rio, de Kyoto et les victoires des citoyens qui luttent. Le constat est terrible : déforestations pour exploiter le bois ou pour cultiver de l’huile de palme, déplacement par des multinationales d’usines polluantes dans des pays du tiers-monde, réchauffement climatique et ses conséquences. Si le débat qui a suivi montre qu’on peut mener

des combats citoyens, comme en ont témoigné Daniel Vuillon, créateur des AMAP et Michel Partage de l’association EAU qui œuvre pour la gestion publique de l’eau, on n’en reste pas moins sous le choc ! A.G.

Vous trouverez d’autres comptes-rendus des événements placés Sous le signe d’Averroès dans nos différentes rubriques : Dansem p 26, Festival du film africain d’Apt p 59, exposition L’autre bord p 67, Mardi du MuCEM avec Predrag Matvejevitch p 87.


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ÉVÉNEMENTS

LA DÉCENTRALISATION | RENCONTRE AVEC H.COLAS

Le marteau, le clou et l’enclume

Photo Region - JP Garufi

Un débat sur L’avenir de la décentralisation a eu lieu le 25 oct à l’Hôtel de Région. Il réunissait, à l’initiative de son Président, trois députés et un professeur de droit public, toutes tendances confondues «C’est le même marteau qui frappe, mais on en a raccourci le manche.» Ainsi s’exprimait Odilon Barrot1 au XIXe siècle à propos de la déconcentration, citation souvent utilisée pour différencier cette dernière de la décentralisation. Si d’un bond historique on transpose cette métaphore au contexte actuel, peut-on conclure que la Ve République, après avoir accordé aux collectivités territoriales une certaine autonomie dans l’usage de leur marteau, s’évertue à en tenir à nouveau le manche ? C’est en tout cas ce que Michel Vauzelle, Président du Conseil régional PACA, a laissé entendre. Pour l’élu socialiste, la réforme des collectivités prévue par le gouvernement est une manœuvre du Président Sarkozy qui souhaite «aspirer le pouvoir à l’Elysée» et «émietter celui des échelons territoriaux» trop orientés à gauche à son goût. Rappelons qu’en France, depuis les lois de décentralisation portées par Gaston Defferre en 1982, le Conseil régional est élu au suffrage universel, et dégagé de la tutelle du Préfet : ledit Préfet étant pour sa part un fonctionnaire déconcentré, c’est-àdire celui qui tient le marteau raccourci de l’État. Différence cruciale qui permet de saisir les enjeux de cette réforme controversée, votée par l’Assemblée nationale le 3 novembre, mais dont les mesures phares sur les Conseillers Territoriaux avaient été rejetées par le Sénat en juillet. La réforme, adoptée après des remous au sein de l’UMP, doit être réexaminée pour qu’une commission paritaire Assemblée-Sénat établisse un texte commun, ce qui promet d’être complexe… La décentralisation a été dès son origine porteuse de grands espoirs, les lois Defferre étant relatives aux «droits et libertés des Communes, Département et Régions2». Elles ont été pensées pour donner aux collectivités territoriales les moyens d’exercer une démocratie au plus près des citoyens, et de mener notamment une politique culturelle autonome. Les promoteurs de la réforme actuelle, représentés lors du débat par Michel Piron, député UMP, reprochent principalement à cet échelonnement des compétences d’être une usine à gaz, coûteuse et redondante. Ils proposent de regrouper les conseillers départementaux et régionaux au sein d’une même structure, sorte d’hydre à deux têtes, en supprimant au passage un bon tiers de leurs sièges.

GAËLLE CLOAREC 1

(1791-1873) Avocat, spécialiste en retournement de situation, pour ne pas dire de veste 2 Loi n° 82-213 du 2 mars 1982

Les «30 glorieuses» de la décentralisation Bientôt treize ans qu’un Socialiste préside le Conseil régional PACA. Nul doute qu’il ait voulu marquer les esprits en doublant le débat sur l’avenir de la décentralisation en France d’une exposition intitulée Notre Région, notre avenir, 30 ans de décentrali-

Le Provençal - Michel Vauzelle et Gaston Defferre en Mairie d'Arles

Question de proximité

C’est pourtant par un constat réaliste que Michel Vauzelle a conclu : «Quand on a affaire à des populations en souffrance, il est difficile de les intéresser à cette réforme.» En cette période de tension sociale exacerbée, la décentralisation ne passionne que les politiques : il est temps de nous demander quel marteau nous prend pour un clou, et quelle main le manie.

Paradoxalement, ils envisagent la création «optionnelle» d’un nouvel échelon territorial : la Métropole, pour les grandes aires urbaines de plus de 450 000 habitants. Marylise Lebranchu, députée socialiste du Finistère, juge le projet mal ficelé et dangereux. Elle souhaite son réexamen et la révision du mode de scrutin, sous peine de «voir se déchirer le tissu social.» De très nombreux maires partagent sa position : à gauche comme à droite, ils sont soucieux de préserver leur fragile indépendance politique et économique.

sation. Il n’est pas évident qu’il y parvienne. De Gaston Defferre au Général de Gaulle, nombre de figures publiques des décennies passées ont été exhumées des archives de La Provence pour être livrées à la curiosité du citoyen. Or les cimaises de l’Hôtel de Région attirent plus de visiteurs lorsqu’elles donnent à voir les œuvres de Reza ou Salgado, plutôt que le visage et l’ardeur de nos personnalités politiques. Le commissaire de l’exposition, Alain Minguam, a fait ce qu’il a pu pour rendre attractif et pertinent ce parcours retraçant 30 années de décentralisation. Mais les témoignages d’actions régionales menées dans les domaines de la culture, l’éducation, ou la formation, l’usage de vidéos, les portraits en couleurs plutôt réussis de Cyril le Tourneur d’Ison n’enthousiasment pas les foules. Pour autant, cela n’enlève rien à l’intérêt de l’initiative, qui vise à présenter dans une perspective historique le service public de proximité afin de prévenir son démantèlement. G.C.

Notre Région, notre avenir : 30 ans de décentralisation Jusqu’au 30 décembre Hôtel de Région, Marseille 04 91 57 52 78 www.regionpaca.fr


Disparaître, ou pas À l’heure où Montévidéo lutte pour pouvoir ouvrir à nouveau ses portes, Hubert Colas reprend le Livre d’Or de Jan au Gymnase, qui a coproduit le spectacle créé au Festival d’Avignon 2009 (voir zib’21) Zibeline : On est heureux d’entendre à nouveau un texte de vous à Marseille… Hubert Colas : Oui, cela fait longtemps ! La saison dernière à La Criée on devait monter Sans faim 1 et 2, mais on ne l’a pas fait pour des raisons budgétaires. Le texte évoque un absent. La disparition d’un être cher, proche, d’une sorte de figure rêvée de l’artiste. Ce sont les autres qui l’évoquent, de façon contradictoire : notre société a tendance à mythifier l’artiste mort. Mais il est aussi question de la disparition de l’artiste dans la société, de son absence de rôle, de ce qui disparaît quand un artiste meurt. Il a un côté christique, votre Jan. Comme tout créateur. Faire de l’art n’est pas s’approcher de Dieu mais, dans notre manière de penser, la création reste une faculté divine, un acte mystique. Aucun rapport avec le Livre de Jean, l’Apocalypse ? Si vous voulez ! Je n’y ai pas pensé quand j’écrivais, j’ai choisi le prénom pour sa neutralité exotique, puis il est apparu qu’il correspondait à certaines figures d’artistes, à certaines références... Donc il y a un rapport, certainement. Malgré son thème le Livre d’Or de Jan est assez hilarant par moments… Avez-vous voulu ce ton comique ? Je parlerai plutôt d’humour que de comique. De dérision. Le rire naît de situations de connivence, d’absurdités partagées, et non de gags destinés à se moquer, à rire aux dépends… Mais Le livre d’Or est néanmoins plus comique que mes autres textes. Peut être parce que le thème, la mort, est suffisamment sinistre pour que ce ton-là soit nécessaire.

Pour parler de choses moins drôles, où en est Montévidéo ? Pour l’heure le lieu est fermé. Sans date de réouverture prévue : il faut que les travaux soient effectués pour que la commission de sécurité nous autorise à rouvrir, et on a besoin de 350 000 € de travaux pour que le lieu soit mis aux normes. À ce jour nous en avons moins du tiers. Nous avons rendez-vous le 17 nov avec la DRAC, le CG, le CR et la Ville pour tenter de résoudre la situation. Mais pour l’instant ma compagnie (Diphtong ndlr) et le GRIM (scène de musiques improvisées dirigée par Jean-Marc Montera ndlr), ainsi qu’Actoral, une manifestation reconnue aujourd’hui nationalement, sont sans lieu d’accueil. Comment en êtes-vous arrivés là ? Peu à peu… Le lieu n’a pas assez de subventions, depuis le début il vit d’emplois aidés, des loyers que Diphtong et le GRIM lui payent. Comme les subventions stagnent et que les emplois aidés sont arrivés à terme, nous sommes en grande difficulté depuis trois ans. Et comme nous n’avons pas les aides suffisantes pour investir dans le lieu, il n’a jamais été aux normes. Montévidéo n’est pas vétuste mais les normes européennes de sécurité nous imposent d’avoir plusieurs sorties, des balustrades plus hautes, des dégagements, un accès handicapés, des sanitaires. Tant que cela ne sera pas fait nous ne pourrons pas rouvrir : il s’agit donc de savoir si les collectivités jugent que le lieu doit continuer à vivre… Mais peut-être traversons-nous simplement, après 10 ans, une crise de maturité ? En tous les cas il est clair que sans aide exceptionnelle Montévidéo ne se relèvera pas. ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL

Le Livre d’Or de Jan Du 7 au 11 déc Le Gymnase, Marseille 0 820 000 422 www.lestheatres.net © Christophe Raynaud de Lage - Festival d'Avignon


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ÉVÉNEMENTS

ENTRETIEN AVEC VÉRONIQUE GENS | MUSÉE CANTINI

L’art du legs Veronique Gens © M. Ribes & A. Vo Van Tao - Virgin Classics

Il est bientôt midi dans l’amphithéâtre de la Timone, le 12 oct… un jour de grève nationale ! Mais Véronique Gens est sur le qui-vive : elle fait travailler un quatuor tiré de Don Giovanni à de jeunes chanteurs aux aguets. La soprano les guide en vérifiant le texte, invite à reprendre la polyphonie en

scindant les couples Anna/Ottavio et Elvira/Leporello, demande de «moins» chanter… On apprend avec tristesse la mort de Joan Sutherland ; on se souvient d’elle, merveilleuse dans Lucia. On songe alors que si ces maîtres-là ne transmettent pas leur art… il se perdra ! C’est peut-être ce qui a poussé Véronique Gens à soutenir le projet du baryton Cyril Rovery : fonder une troupe de chanteurs dans la région afin d’y monter des ouvrages, tout en perfectionnant leur science au contact des personnalités du monde lyrique. Après une courte pause, deux barytons s’époumonent dans l’Air du Champagne. Là, ce sont les accents, coups de boutoir du séducteur que la diva demande de marquer, en jouant le texte, en s’amusant… On donne le meilleur de soi ! Il en sera ainsi jusqu’au cœur de l’après-midi, au pas de charge, avant que Dame Gens n’attrape miraculeusement son unique vol pour Paris… Zibeline : Animez-vous souvent de telles master class ? Véronique Gens : Sur le travail d’une seule œuvre, c’est la première fois. Si j’ai accepté de participer à ce projet c’est que je connais bien Don Giovanni, ayant chanté Donna Elvira des dizaines de fois dans le monde, dans des mises en scène différentes. Comment avez-vous organisé le travail ? Les chanteurs de la classe étaient de niveaux diffé-

rents, mais tous très demandeurs ! J’ai donc insisté, non pas sur la technique, mais sur l’interprétation des rôles en plaçant les personnages dans les différentes situations de l’ouvrage. L’expérience était intéressante, y compris pour moi ! Vous venez de l’école baroque. C’est dans ce sens que vous avez fait travailler les musiciens ? Oui ! L’interprétation de Mozart a définitivement évolué aujourd’hui, grâce aux «baroqueux». On n’imagine plus de chanter Mozart comme dans le passé, avec le poids d’une tradition révolue. Si j’ai été choisie pour ce travail spécifique sur Don Giovanni, c’est justement parce que je n’envisage pas les choses comme une artiste sortant du conservatoire. Qu’entendez-vous par le «poids des traditions» ? Aujourd’hui on entend mieux les choses. Les tempi étaient plus lents autrefois, on n’a plus envie d’entendre certains ports de voix… Avez-vous assisté aux représentations du Don Giovanni à Aix cet été ? Oui, bien sûr, je chantais au Festival cet été (Alceste ndlr). Je ne parlerai pas de la mise en scène, on en a dit assez ! Mais Louis Langrée à la direction du Freiburger Orchestra… c’est comme cela que j’envisage l’interprétation de Mozart ! ENTRETIEN RÉALISÉ PAR JACQUES FRESCHEL

Hérold n’est pas fatigué Pour le centenaire de la naissance de Jacques Hérold, le musée Cantini offre au peintre surréaliste une rétrospective allant des débuts parisiens aux années soixante Parce qu’il n’est pas aujourd’hui le plus connu, l’exposition du musée Cantini a le grand mérite de nous faire redécouvrir les œuvres de celui qui fut un des fervents acteurs du surréalisme, et qui trouva aussi refuge aux heures les plus sourdes dans la cité marseillaise. Le jeu permit probablement aux artistes réfugiés à Marseille lors de la seconde guerre mondiale de garder le moral en attendant leur espère-visa à la villa Air-Bel sur les hauteurs de la Pomme. C’est là que Breton et quelques autres, dont Jacques Hérold, ont réinventé le Tarot en Jeu de Marseille. On nous offre ici un très bel ensemble de ces dessins originaux complétés de cadavres exquis et d’autres dessins collectifs, dont le musée possède une belle collection avec bien d’autres peintures et sculptures. L’exploration de l’irrationnel et du rêve permit à ces révolutionnaires d’inventer plusieurs méthodes, passées dans le commun pour les unes, que Jacques Hérold prolongea singulièrement dans ses peintures et ses sculptures : les Germinations (1930-34), Ecorchés (1934-38), surtout les Cristallisations (1938-48) inspirées des réflexions de Hegel sur le cristal, apparaissent comme constituer

la formalisation plastique du principe de condensation cher à l’inconscient freudien.

Expliquez-vous ! C’est parce que cette exposition est complète et pertinente qu’elle aurait mérité un traitement plus didactique. Il aurait permis au visiteur de croiser les Jacques Herold, Les Tetes, 1939, huile sur toile, 81x85 cm, Fnac-Mnam depot 1987, Musee Cantini, Marseille © Jean Bernard

œuvres et les documents présentés avec les questionnements sous-jacents : l’œuvre d’Hérold dans le Surréalisme (il était considéré par ses pairs comme un des théoriciens les plus authentiques du mouvement), la période Marseillaise, les expérimentations poétiques et littéraires, l’après Surréalisme… En fond de salle, une vidéo concernant moins l’artiste que son ami Yves Tanguy en devient anecdotique. En choisissant un parcours linéaire sans guère de repères, l’exposition provoque une déambulation flottante pour le visiteur qui saura compenser en choisissant d’être guidé, ou par l’indispensable lecture du catalogue richement documenté (textes du commissaire de l’exposition Christine Poullain sur la période marseillaise, de C. Dauphin et R.-H. Iché pour les relations au surréalisme) et comportant une iconographie exceptionnelle. Et comme prolongement naturel, il tirera bénéfice de l’accrochage du premier étage pour retrouver une sélection du fonds surréaliste du musée avec les œuvres de Brauner, Ernst, Masson, Seligmann, Miro ou Matta. CLAUDE LORIN

Jacques Hérold et le Surréalisme jusqu’au 17 janvier Musée Cantini, Marseille 04 91 54 77 75 www.marseille.fr


ENSEMBLE TÉLÉMAQUE

ÉVÉNEMENTS

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Résolument contemporains ! Jean-Marc Fabiano © Agnes Mellon

Des voyages musicaux proposés par Télémaque en compagnie de compositrices et compositeurs des XXe et XXIe siècles ? Voilà qui a de quoi séduire... Durant un mois, différents lieux marseillais vont accueillir concerts, démonstrations et ateliers, esquissant le portrait de la musique de notre temps, sans négliger les compositeurs fondateurs. Raoul Lay, qui dirige l’ensemble depuis 16 ans, a toujours à cœur de défendre la musique contemporaine en la mettant à la portée de tous. C’est ainsi qu’il a présenté pendant plusieurs années des Portraits lors desquels il expliquait simplement les partitions avant de les diriger. Aujourd’hui Télémaque va plus loin en proposant deux journées d’ateliers pédagogiques de composition pour enseignants et adolescents, qui montreront comment noter la musique au moyen de graphiques, sans être musicien (17 et 18 nov à Montévidéo). Une rencontre

autour de l’accordéon (le 30 nov à L’Alcazar) mettra en lumière la virtuosité de Jean-Marc Fabiano, et au placard ceux qui vouent l’instrument à la musette ! L’histoire de la musique sera abordée en trois ateliersconcerts (16, 23 nov et 7 déc, L’Alcazar) pour ouvrir des portes : la musique des «penseurs» avec Schoenberg comme chef de file, puis Boulez : celle des «instinctifs» qui s’attachent à l’énergie et la pulsation comme Stravinsky, enfin la musique des «sensuels» et des «coloristes» derrière Debussy et Ravel. La Bibliothèque accueillera également une exposition d’Agnès Mellon (voir couverture), qui traque ces musiciens depuis 8 ans (jusqu’au 7 déc). En même temps, trois concerts (voir p.32) : Compositrices de l’ailleurs (le 17 nov au Point de bascule), Les pinceurs d’âme (le 19 nov, La Magalone) et Le rêve de l’homme-oiseau (le 26 nov, aux Bernardines). Avec trois créations dont une commande (PierreAdrien Charpy), et trois premières françaises. Et lorsqu’on lui demande si Télémaque veut revenir au concert, Raoul Lay s’exclame «Nous en avons toujours fait ! Mais à présent que nos productions scéniques avec le théâtre, la danse ou le cirque ont fidélisé un public nombreux, nous voulons faire le pari du concert. Il est temps que ceux qui voient de la danse ou du théâtre contemporain aient la curiosité d’écouter de la musique sans danser, sans spectacle, sans texte. Nous voulons revenir à cette expérience-là, et rassembler sans filet un public pour écouter de la musique en création.» CHRIS BOURGUE

Le mois des compositeurs jusqu’au 7 déc 04 91 39 29 13 www.ensemble-telemaque.com

Open space Mise en bouche réussie pour l’ouverture du Mois des Compositeurs C’est à la Minoterie le 10 nov qu’a débuté la grande entreprise de musique contemporaine sous l’impulsion de Raoul Lay, directeur musical de l’Ensemble Télémaque. Guide de cette première soirée, le chef d’orchestre et compositeur a déroulé un accueillant tapis rouge à ceux qui trouvent le «concert type» soporifique et formalisé. Emmené dans un parcours entre des œuvres variées, l’auditoire nombreux a été conquis par les surprises musicales, invité à se déplacer et participant à une spatialisation inhérente à la musique contemporaine. Après un extrait vidéo du délirant oratorio burlesque Desperate Singers, la toujours surprenante et virtuose Sequenza III de Bério fut magistralement interprétée par la soprano Brigitte Peyré. Rires, cris, chuchotements, gloussements…, rien n’effraie la chanteuse «comédienne», rompue à l’écriture et aux désidératas fantasques du compositeur italien. Rejointe par le trompettiste Gérard Occello, elle fit découvrir, et apprécier, la musique décoiffante et pleine d’humour du compositeur newyorkais Max Lifchitz, joué pour la première fois en Europe. Heureuse initiative, comme celle d’inviter le public à débattre, autour d’un verre et d’agapes partagées, sur ce monde sonore moderne qui se dévoile et se comprend. Car Télémaque continue à défendre la création musicale contemporaine, qui peut tout à fait s’apprivoiser ! FRÉDÉRIC ISOLETTA


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ÉVÉNEMENTS

LE BNM | L’ENSDM

Sur tous les fronts de mer

Métamorphoses © Agnès Mellon

Frédéric Flamand est nommé à la direction de la Biennale de Danse de Cannes! Une belle marque de reconnaissance pour le directeur du Ballet de Marseille, à qui l’on reproche parfois de manquer de rayonne-

ment, oubliant qu’il a trouvé il y a quelques années une compagnie sans répertoire, usée par les conflits, et qu’il a su peu à peu la relever sans coupes sombres dans la chair, ni soubresauts spectaculaires.

Le Festival de Danse de Cannes n’est pas une mince affaire : nommé après un appel d’offres qu’il a remporté grâce à un projet autour des nouvelles mythologies, Frédéric Flamand devra en 2011 puis en 2013 organiser une semaine d’une manifestation d’envergure qui se déroule sans discontinuer, au rythme de plusieurs spectacles par jour, dans quatre grandes salles, dont l’immense Palais des festivals (2500 places). Son prédécesseur Yorgos Loukos a su donner à cette Biennale qui existe depuis 1993 une dimension internationale et une reconnaissance critique et publique unanime, propulsant en quelques éditions cet événement au rang des festivals de danse les plus prestigieux. Frédéric Flamand compte s’inscrire dans ses traces et créer une nouvelle dynamique autour du rapport du corps aux nouvelles technologies, en particulier à l’image mouvante dans ce temple du cinéma…

Le lien avec Marseille qu’il continuera à diriger ? Flamand veut en profiter pour nouer des relations entre l’ENSDM (voir ci-contre) et la célèbre Ecole Rosella Hightower, faire venir des chorégraphes de la Région parmi la programmation internationale, occuper la salle de La Bocca avec des formes innovantes. Car cette nomination lui donnera l’occasion de poursuivre sa recherche sur les technologies et l’architecture, les rapports entre les corps plongés dans la virtualité, éloignés de la chair mais rattrapés par les mythes comme une mémoire ancienne… Et si 2011 donnera l’occasion de reprendre le répertoire du BNM, qui est déjà venu 4 fois à Cannes depuis que Frédéric Flamand le dirige, 2013 sera l’occasion d’une grande création… Pour fêter les 20 ans, et bâtir des ponts entre Cannes et la Capitale Culturelle ! AGNÈS FRESCHEL

Duos, et plus Le Ballet National de Marseille a une nouvelle fois invité ses danseurs à chorégraphier librement des pièces courtes. Ils ont écrit beaucoup de duos. Celui de Yasuyuki Endo et Noémie Ettlin s’inspire d’une légende du Théâtre Nô, insistant sur l’aspect passionnel et destructeur de la relation amoureuse, dans une lumière noire et un décor de papiers souples et métallisés… Anton Zvir offre à Yoshiko Kinoshita et Mario Giotta un duo qui tend vers le pas de deux, et s’interroge sur la douceur des sentiments et des corps, s’enroulant aux sons d’un piano solo. Malgorzata Czajowska et Gabor Halasz s’adonnent à un jeu étonnant de mains et de bras unis. Enfin Mario Giotta et Angel Martinez Hernandez Ouverture 16 © Agnès Mellon

proposent un duo énergique, jouant sur une vidéo en noir et blanc, des projections d’ombres et un poème en espagnol incitant à l’aventure. Dans un registre plus critique, Noémie Ettlin s’amuse avec des laitues et un caddie de supermarché en compagnie de 2 autres danseurs : ils galopent frénétiquement dans les rayons pour se retrouver entassés dans le caddie tandis que gisent les laitues réduites en charpie. Quant à Marcos Marco il propose une danse théâtralisée avec cinq interprètes, se risquant dans le public, poussant de la voix, ce qui permet d’admirer les qualités vocales et théâtrales d’Angel Martinez Hernandez. Ouverture prometteuse ; même si certaines propositions sont encore incomplètement abouties on apprécie une fois de plus la liberté de ces recherches. CHRIS BOURGUE

À venir Avant de partir à Mulhouse et Bruxelles, le BNM fait une étape alpine sur une scène nationale qui l’accueille presque chaque année : à Gap ils danseront la dernière création de Flamand, La vérité 25 fois par seconde, une pièce âpre en gris et blanc, en verticalité d’acier et d’échelles envolées comme autant d’impasses vers un ciel vide… Le 23 nov 04 91 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu

Le BNM accueille dans les murs de son grand studio deux chorégraphes bien connus de la région : Thierry Niang y reprend Au Zénith, qu’il avait créé lors du festival les Musiques (voir ZIB’28), et Miguel Nosibor y crée avec sa compagne Aller-Retour, une pièce sur le partage, le don de soi et la relation amoureuse.

Ouverture 16 s’est donné au studio du BNM les 22 et 23 octobre

Les 10 et 11 déc 04 91 327 327 www.ballet-de-marseille.com

Métamorphosés La pièce que Frédéric Flamand a conçue en 2008 avec les frères Campana est sans doute la plus attrayante de ses œuvres : colorée, peuplée de gadgets d’une ingénuité remarquable, elle reprend quelques figures mythologiques et plusieurs métamorphoses d’Ovide -Méduse, Actéon ou Arachné-, greffe ses avatars contemporains et travaille sur l’hybridation, représentée dans le décor et les costumes par des éléments refabriqués à partir de matériaux de récupération. Très cohérente et spectaculaire, la pièce a gagné en maturité d’exécution lors des tournées internationales, et les nouvelles recrues du Ballet s’y révèlent absolument enthousiasmantes, élevant le propos et les corps très au-dessus du sol ! La création de Thierry Malandain est plus décevante : le chorégraphe néoclassique si exigeant avec les inter-

prètes de son propre ballet Biarritz n’a pas su retrouver l’allant qu’il avait insufflé aux interprètes «classiques» du BNM lorsqu’il leur avait fait danser Sextet : le romantisme délicat de Berlioz, le langage subtil et précis du chorégraphe exigent des interprètes qui savent mesurer et retenir chaque geste, et les pas de deux sensuels mais acrobatiques nécessitent un coulé et des placements impeccables. Sans cela pas de véritable grâce, et sans grâce ces Nuits d’été parurent douloureusement surannées… Dommage : Malandain peut sans nul doute métamorphoser aussi ces danseurs-là du Ballet. A.F.

Les Nuits d’été et Métamorphoses ont été dansés à l’Opéra de Marseille du 14 au 16 oct


ENSDM 2010 © Delcey

L’École nationale supérieure de danse de Marseille est depuis mai dernier habilitée à délivrer le Diplôme national supérieur professionnel

Sur la pointe des chaussons Ce projet mis en œuvre par le directeur de l’ENSDM, Jean-Christophe Paré, en collaboration avec l’université de Toulon (Ingémédia - Unité de formation et de recherche en Sciences de l’Information et de la Communication) a pour objectif d’aider «les artistes d’aujourd’hui à utiliser les nouveaux outils médias en les réinvestissant dans leurs pratiques.» C’est également «une plus grande visibilité pour l’école, un facteur de reconnaissance et de valorisation et un plus pour la formation initiale.» On peut ainsi entrer dès 8 ans et en sortir à 22 ans ! D’une durée de 3 ans, ce cycle associe formation artistique professionnalisante et études universitaires, et débouche sur l’obtention du DNSP de niveau III et d’une licence universitaire. C’est un grand pas dans la formation des danseurs qui, à 18 ou 22 ans, ont rarement moins de 10 ans de danse derrière eux et du mal à envisager leur avenir. Quand ce n’est pas leur reconversion… D’où la nécessité d’une formation diplômante qui les ouvre à d’autres pratiques, dans leur métier ou d’autres domaines. À ce titre «le DNSP permet d’identifier l’ensemble des compétences d’un danseur» souligne J.-C. Paré qui dès cette année travaille avec Toulon sur des projets chorégraphiques alors que les danseurs-étudiants ne développeront les relations danse/image qu’en 3e année. Déjà le chorégraphe Hervé Robbe les accompagne durant 4 semaines autour des notions d’appropriation de l’image et de

sa relation au corps ; au printemps Agnès Noltesius, ex-danseuse chez Forsythe, travaillera sur l’improvisation et la composition développés dans les années 70. Frédéric Flamand, directeur du Ballet national de Marseille, est très impliqué lui aussi, particulièrement sur la transmission du matériel chorégraphique. Ces jeunes venus des quatre coins de la planète, 15 cette première année, pourront donc suivre une double orientation chorégraphique («formation néo-classique d’aujourd’hui et danse contemporaine» précise J.-C. Paré), et repérer de nouvelles écritures, de nouvelles techniques et de nouveaux outils. Avec l’ESDC Cannes Rosella Hightower, l’ENSDM est le deuxième établissement en région à délivrer le diplôme sans qu’il y ait mise en concurrence : «à chaque fois ce sont des projets singuliers et des philosophies différentes.» À Marseille, les nouvelles technologies de l’image font leur entrée sur la pointe des chaussons. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Journée portes ouvertes de l’ENSDM le 4 déc : visite des studios, présentation publique des ateliers en cours (tous niveaux confondus) soirées partagées avec le BNM les 16, 17 et 18 déc ENSDM, Marseille 8e 04 91 32 72 86 www.ecole-danse-marseille.com


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THÉÂTRE

LENCHE | POINT DE BASCULE | BERNARDINES

Il blague ?

La conference © Mathieu Bonfils

Idéologiquement le texte de Christophe Pellet est au moins contestable. Son monologue confond allègrement l’État français et son gouvernement, renoue avec la tradition rance du génie propre des nations, imagine un Esprit Français fondamentalement (naturellement ?) différent de l’Esprit Allemand… qu’il dédouane en partie du «désastre», auquel il se serait livré par contamination admirative de l’esprit révolutionnaire français, hélas dégradé par Napoléon. On a déjà lu ça dans Céline, qui n’est pas politiquement la meilleure référence. Mais ces amalgames rapides (pas faux, donc) sont proférés sans blaguer par Thomas Blaguernon, un personnage contradictoire, profondément blessé, au milieu d’autres énormités antinomiques, mais qui souvent visent très juste. En particulier quand il pointe l’illusion qui règne dans le milieu théâtral : les centres dramatiques et autres maisons nationales ne sont pas des bastions de résistance mais des lieux de pouvoir, menés par des directeurs qui, au moins en partie, servent la politique de ceux qui les ont placés là. En dehors de cette affirmation décourageante pour ceux qui croient encore aux vertus émancipatrices de l’Art, La Conférence est très drôle, caustique, et d’une belle autodérision. Les salves ironiques fusent, mordantes, contre les maisons d’édition, les critiques

Sortir du ça Le théâtre n’est pas anodin, et c’est ce qui fait sa nécessité. Mettre des amateurs dans les positions d’humiliation où les plonge Rémy Yadan est irresponsable. Par respect pour les personnes entraînées dans cette exhibition, nous ne détaillerons pas comment chacun de ces êtres humains a été ridiculisé, montré dans ses failles : il faut être naïf, ou sadique, pour croire qu’ils sortiront indemnes de cette mise à nu publique de leurs régressions. Qu’ils soient volontaires n’y change rien : la parole des maîtres peut entraîner les hommes vers des actes avilissants dont ils se préserveraient seuls. S’exhiber en train d’éructer, de suffoquer, de régresser au stade de nourrisson, de pousser des cris d’animaux, de jouer à

dramatiques (si si, très juste), les auteurs dramatiques, et le défaut de beauté. Puis la saucisse de cheval et les plats en sauce : cela surtout, l’absence de désir de beauté. Renaud-Marie Leblanc, qui n’était pas monté en scène depuis une quinzaine d’années, s’y avère un comédien précis et inspiré, comme le sont ses mises en scène. Extraverti, boudeur, piquant, absent, son personnage s’exhibe dans la diatribe sans donner les véritables clefs de son désespoir, sensible pourtant. Avec un fauteuil, un imper, un couloir de lumière et un peu de Mahler (juste ce qu’il faut de génie allemand…), le comédien tient la scène pendant plus d’une heure, empoignant un texte prolifique qui répète ses thèmes et variations : un beau challenge pour un come back, comme dirait l’esprit ricain. AGNÈS FRESCHEL

La Conférence mise en scène par R. M. Leblanc et Vincent Franchi a été créée au Théâtre de Lenche du 26 oct au 6 nov. À venir : la Cie Didascalies and Co crée un autre texte de Christophe Pellet, Erich von Stroheim, au Merlan (voir p. 18).

Sacrifice la démence, exhiber ses tares physiques, et laisser pleurer un nouveau né sur scène, tout cela fait outrepasse les tabous dont nous avons besoin pour construire notre humanité. Sans compter l’inintérêt puissant du propos, et l’ennui généré par tout ce rien régressif enchaîné sans timing… On connaît des comédiens professionnels, des artistes, qui ont été massacrés par l’exhibition répétée de leurs voyages en démence ; il faut au moins préserver les amateurs des metteurs en scène prométhéens. AGNÈS FRESCHEL

Tout va pour le mieux qu’il soit possible a été créé au Point de Bascule, Marseille, les 29 et 30 oct. © X-D.R

© Fabrice Duhamel

Tous tant qu’ils sont est un petit bijou d’achèvement impromptu : c’est à partir d’un projet à plusieurs voix que Xavier Marchand met en scène ce texte de Suzanne Joubert. Une Petite enfermée dans l’arrière boutique d’un supermarché super discount y fait entendre sa voix, puis celle de tous les autres employés, dont elle rapporte précisément les propos sans camper tout à fait les personnages. Une histoire d’enfermement et de misère au milieu de sacs plastiques que la Petite essaie vainement de recycler, promise à un sacrifice dont la prémonition apparaît dans le nom même du magasin : L’Abondance sacrifiée (ça ne s’invente pas, la chaîne a existé). Cet ancrage dans le réel économique des petits employés débouche soudain, par éclairs et par cycles, sur des réminiscences d’Iphigénie, un bouc tragique qui passe, un désir fou d’être comédienne et de sortir enfin hors du trou où elle est enfermée… La langue subtile est portée avec force, talent, nuances et mesure par Edith Mérieau, qui scande les mots tout en insufflant un phrasé presque naturel aux détours alambiqués des phrases, avec une rare maîtrise du tempo… Elle est servie par une mise en scène économe, qui ménage cependant quelques très beaux effets de lumière et d’espace. Jamais gratuits, et toujours dans le sens de la lisibilité du texte. A.F.

Tous tant qu’ils sont a été crée aux Bernardines du 15 au 20 oct


LE MERLAN | LA CRIÉE | CIE L’INDIVIDU

Petits arrangements avec les vivants

THÉÂTRE

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Encagez-vous…

quelles viennent successivement se percher trois comédiennes épatantes. Tout d’abord, l’épouse Susan Taylor (Jézabel d’Alexis), la copine du bureau (Julie Recoing) et la mère (Catherine Hérold). Puis d’autres, incarnées par les mêmes. Elles parlent tour à tour de Richard, éclairant chacune un profil du personnage qui se dessine ainsi en mosaïque, et se dévoilent en même temps. Puis, très naturel, Arnaud Cathrine lui-même intervient, balançant de très théâtrales paroles, d’une langue parfois crue d’une grande efficacité, évoquant celle de Sarah Kane, qui intervient d’ailleurs comme narratrice en un hommage de l’auteur. Après la lecture Arnaud Cathrine plaisante, affirme qu’il voulait «provoquer (sa) maman» ! Et comme Flaubert il s’exclame : «Ces femmes, c’est moi !»

La Criée propose régulièrement des rencontres autour d’un texte et d’un auteur contemporain. Atmosphère intimiste et mise en lumière et en bouche des mots… Ninon Brétécher a eu l’envie de faire entendre un roman d’Arnaud Cathrine : La disparition de Richard Taylor. Roman à plusieurs voix féminines et donc à plusieurs points de vue. Le plateau est occupé par trois hautes chaises d’arbitre sur lesArnaud Cathrine © C.-Helie-Gallimard

CHRIS BOURGUE

Mise en espace présentée le 21 oct à la Criée À lire La disparition de Richard Taylor-Arnaud Cathrineéd. Verticales 2007 et Gallimard 2008 À venir lecture-opéra du 1er roman de Violaine Schwartz La tête en arrière le 9 déc par l’auteure La Criée 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriée.com

Chez eux Pour fêter ses cinq ans la Cie l’Individu conviait le public à une soirée faite d’intimités. Individuelles, comme le nom de la compagnie, programmatique, l’indique. Littéraire, comme il ne le dit pas, même si on le comprend vite : les noms des auteurs apparaissent juste à côté des titres, juste avant le nom de l’acteur, qui précède encore celui du metteur en scène. Et c’est bien comme cela qu’on pense, à L’Individu, à contrecourant des productions actuelles. D’autres lignes de force jalonnent le parcours, indiquant qu’une esthétique s’élabore : Notre Dallas, Le di@ble en bouche et les deux textes créés ce soir-là tournent autour des mêmes tentatives de définition d’un moi autour d’une sexualité, et d’un rapport procréateur ou dévorant au monde. Guillaume, écrit par Jérôme Lambert pour Guillaume Clausse, introduit dans un flux achronique de pensées, de souvenirs et de projections, d’un être Guillaume © X-D.R

homme qui se pense chien, d’un sujet violent qui se rêve objet dominé et raconte, en un récit qui retombe à la fin sur ses pattes inaugurales, une scène traumatique, ponctuée de quelques autres, avant/après, comme autant d’explications ou de sorties possibles. La langue est imagée de sensations et de surgissements, et Guilllaume Clausse maîtrise formidablement sa lecture à table, qui se préserve de la théâtralité, mais laisse errer les images entre ses bras qui se soulèvent. Le deuxième texte, de Charles-Eric Petit, est une variation violente autour de la mort d’Actéon -celui qui, ayant vu Diane nue, fut transformé en cerf puis mis à mort par ses chiens. Métamorphose abondamment récrite et commentée, où il est question de sexe bien sûr, et de dévoration encore, le supplice d’Actéon étant l’endroit exact où le sujet regardant se transforme en victime animalisée… Le texte de Petit, déstructuré, s’attache à décrire la violence de la punition des dieux, en construisant une analogie avec les bombardements du monde. La mise en scène efficace et le comédien très incarné, permettent au texte d’exister comme un cri… à nuancer sans doute dans l’écriture. Quant au concert de Thomas Cerisola, intitulé Je suis un cerf, il conclut une soirée chaleureuse sur un certain malaise : se référer à certains textes de Bataille isolés de ses saisons en enfer (ma putain mon cœur je t’aime comme on chie) n’est pas fait pour déclencher le consensus. AGNÈS FRESCHEL ET AUDE FANLO

© Agnes Mellon

La visite proposée par Michaël Cros est inquiétante: lorsque vous pénétrez dans l’aile droite du musée Longchamp, cerné par une énorme mâchoire de squale et un éléphant sombre qui, derrière la porte, lève la trompe sans barrir, immédiatement l’absurdité glauque du projet muséal autour de la conservation du vivant/mort vous introduit dans le propos. Le lieu a du sens, et tout Marseillais de plus de trente ans y a rencontré des animaux en cages plutôt décatis, et des empaillés qui ne valaient pas mieux… Mais à l’étage d’autres chocs vous attendent. Là il ne s’agit plus d’animaux exposés mais d’hommes, vivants, entièrement recouverts de combinaisons noires renvoyant aux expositions coloniales, à l’animalisation de l’homme africain… des entomologistes masqués manipulent les corps, et les mannequins aussi, qui se confondent avec les chairs dissimulées et parfois immobiles. Dans le hall d’entrée, des iPad exposent des écriteaux de zoos –ne pas nourrir les animaux- et des vitrines de mannequins ; dans la salle des caméras vous captent passant, morcellent et dédoublent votre image, la décomposent comme dans une chronophotographie High Tech. Dans les vitrines les corps bougent lentement, performent, se pendent, se ligotent, s’exposent, s’offensent. Mangent des arachides, tandis que les entomologistes surveillent, notent, replacent, expérimentent. Votre place de spectateur observé, sollicité, appelé à se déplacer pour suivre les performances, vous amène à parler bas, à baisser le regard, à sourire à peine aux autres visiteurs… puis à vous lasser d’un univers qui se dévoile un peu trop vite, pour ménager trop lentement ensuite ses changements. Une expérience trouble donc, à resserrer. A.F.

Zoomorphe de Michaël Cros a été présenté du 28 oct au 4 nov au Museum d’Histoire Naturelle de Marseille, dans le cadre de la programmation du Merlan


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THÉÂTRE

MINOTERIE | BANCS PUBLICS | GYMNASE | CENTAURE | VITEZ

Passe-muraille Saluons la finesse de l’équipe de Julie Kretzschmar, initiatrice des Rencontres à l’Echelle : plaquette programme élégante, à la signalétique efficace, et aussi affiche malicieuse, hommage léger aux curiosités fondatrices qui poussent diaboliquement à aller voir chez les autres ! C’est à Istres que le solo de Hamid Ben Mahi a posé hip hop une des problématiques de cette 5e édition (voir p23) : laisser au mot «tension» toute sa dynamique créatrice. La soirée d’ouverture marseillaise aux Bancs Publics, le 13 nov, a parfaitement illustré cet «esprit d’entreprise fragile». Deux projets diversement aboutis réunissaient en un chiasme parfait un musicien français (Aurélien Arnoux) et un égyptien chorégraphe (Mohamed Shafik), une française chanteuse (Emilie Lesbros) et un violoniste algérien (Kheireddine M’Kachiche). Energie débridée mais répétitive, décibélisme hyper expressionniste convenu pour le premier duo ; reptations souples et jetés vigoureux témoignent d’une belle maîtrise technique... qui malheureusement exhibe un peu trop ses intentions. La rencontre a lieu, en revanche, évidente et partagée par un public conquis, entre la voix et le

violon, l’arabo-andalou jazzé et la musique contemporaine, la chanson tout simplement et le rythme qui fait danser ! MARIE-JO DHÔ

Meetic.med, M. Shafik © X-D.R.

À venir

Entre temps se seront croisées des lectures : ne pas manquer l’hommage au journaliste algérien assassiné (pléonasme ?) Saïd Mekbel, le 18 nov ni Les Borgnes (voir p 19) du passionnant et vivant Mustapha Benfodil le 26 nov. Du théâtre : une pièce du même auteur De mon hublot utérin… bla bla bla présentée en étape de création à la Friche le 19 nov. Des projets pluridisciplinaires autour du travail de Soeuf Elbadawi, auteur et metteur en scène comorien le 20, 21, 22 nov dans des cités des quartiers Nord et à l’Ecole Centrale de Marseille.. .et bien d’autres propositions détaillées sur le site des rencontres... et la si jolie plaquette ! Les rencontres à l’échelle Jusqu’au 27 nov Les Bancs Publics 04 91 64 60 00 http://lesrencontresalechelle.com

Bien sûr, il y a une suite en ce lieu : clôture alléchante le 27 nov avec Ramallah mon amour, film vigoureux de Natacha Musléra suivi de la performance festive de quatrE (au féminin) Vraoums habilement déjantées.

Intérieur damassé bourgeois Aller voir un Goldoni est toujours un plaisir. Celui-ci tourne depuis plus d’un an, a fait dernièrement étape à Sète et Nîmes avant de s’arrêter au Gymnase. Le barbon y est interprété par Robert Hirsh, 85 ans dont plus de 60 ans de carrière, et il est entouré de Claire Nadeau et Clémentine Célarié, ce qui garantit le succès public de cette production privée du Théâtre Hébertot : La Serva amorosa remplit, et ravit, la salle. Faut-il s’en réjouir ? On préfèrerait mieux que le public soit aussi facile à convoquer sur la création de Hubert Colas (voir p 7), mais cette intrusion dans l’intimité bourgeoise du XVIIIe siècle ne manque pas de charmes. D’abord, avant tout, parce que le texte de Goldoni fonctionne comme une mécanique rigoureuse et intelligente, explorant le

fond des cœurs sans sacrifier au rythme comique, faisant entrer la comédie dans l’ère de la psychologie et du féminisme- comme en France un certain Marivaux. Ensuite parce que Robert Hirsch, sémillant vieillard, entretient avec le personnage une proximité troublante, une fragilité émouvante qui nous fait comprendre ses renoncements face à la virago qu’il a épousée en secondes noces. Sa mémoire même le lâche, son cœur le fait souffrir, et il y a quelque chose de «vrai» dans ses mains qui retombent lassées, ou s’accrochent aux jupes de sa femme… D’autres dans la distribution sont épatants, Lélio le bel idiot, Arlequin le valet imbécile. Mais les personnages de demi-caractères sont nettement plus convenus,

hésitant entre un jeu réaliste et comique, empêtrés dans le décor trop chargé, dans des costumes trop riches, dans des sous-textes qui échappent parfois… L’ensemble passe, bien, mais ce n’est pas du grand théâtre, et il nous prend l’envie de susurrer au public rassemblé : allez quoi, soyez moins frileux, partez explorer d’autres univers, les horizons nouveaux sont les seuls qui brillent vraiment… La Serva amorosa Jusqu’au 20 nov Le Gymnase, Marseille 0820 000 422 www.lestheatres.net

Valise en carton «Paris est plus près de Bou Saada que La Mecque... La géographie, c’est comme la famille, une question de proximité !» Voilà à peu près ce que claironne spirituellement et invariablement M.Meffren, l’instituteur toujours bien français, en septembre 62, à ses élèves des hauts plateaux algériens… Finalement il n’y a que les chiffres qui soient arabes alors ? Mohamed Kacimi a 7 ans et vit à El Maleh dans une famille de lettrés au cœur d’un village quelque peu épargné par la guerre (l’autorité naturelle d’un grand-père tenant en respect les forces françaises, nous précise l’auteur dans l’entretien qui a suivi la pièce). L’Indépendance de juillet va paradoxalement sonner le glas d’une fabuleuse liberté pour l’enfant, et sa compagne Nadia ; la fiction commence où ne s’arrête pas non plus l’autobiographie ; et Alger 1962 est franchement un beau texte de théâtre qui

territoires, un peu l’âme du spectacle avec la musique composée par Rachid Guerbas et jouée en direct par Stefano Genovese ; mais aussi une trop vieille métaphore en forme de valise tirée par Nadia (Valérie Grail) en partance pour l’autre rive sur un quai marseillais ; le dialogue avec Gharib l’exilé (Zakaria Gouram, qui semble endosser le rôle tant il bute sur les mots) n’offre pas les moments d’intensité attendus : la passion est dans les mots, pas dans les voix ni dans les gestes ; dommage : il était si beau le regard noir du grand-père sur l’affiche ! MARIE-JO DHÔ

© X-D.R.

puise la force de son écriture dans l’effroi des années 95 et sait dire finement la désillusion intime au cœur de la liesse populaire, signe avant-coureur d’autres

catastrophes… Qu’en reste-t-il sur le plateau ? Un dispositif séduisant de simplicité: un mur-rideau de la mémoire où glissent les images / photos et cartes / visages et

Alger 62 de Mohamed Kacimi a été donné à La Minoterie du 4 au 7 novembre La pièce est publiée chez Actes-Sud Papiers


Idéalisme de la pensée matérialiste Peut-on vivre sans utopie ? Il est encore difficile d’évoquer l’URSS avec objectivité, on a vite fait d’opposer, avec raison mais manichéisme, totalitarisme d’avant et liberté retrouvée. Mais l’ère soviétique n’était-elle pas aussi celle de l’illusion ? Il s’agit ici de comprendre le grand mensonge qui exploita le rêve d’une vie meilleure pour tous. À l’oubli programmé de cet idéal, Sveltana Alexievitch oppose une analyse attentive et sensible des êtres, et interroge l’Histoire par l’observation de l’histoire des gens. Trois personnages sont mis en scène. Leur point commun ? chacun a voulu se donner la mort, non par mauvaise conscience, mais à cause de la chute de l’idéal qui les a fait vivre. La mort de l’utopie à laquelle ils ont tout sacrifié revient à les exclure, d’ailleurs, leurs enfants les condamnent, le monde les ignore… Peut-on vivre dans un univers où l’individualisme détruit toute volonté de progrès général? En analysant le passé, l’auteur nous renvoie aussi une image insatisfaisante du monde capitaliste contemporain… L’adaptation et la mise en scène de Nicolas Struve sont remarquables de vérité et exempt de tentation réaliste : décor sobre, délimitation minimale des espaces, les trois acteurs ne se rencontrent jamais. Chacun se livre à un long monologue, sur le ton de la confidence, de la confession, reformulant des souvenirs avec une sincérité émouvante et juste, humour aussi… © X-D.R. Un jeu d’une sobre et bouleversante intensité. Du très grand théâtre ! MARYVONNE COLOMBANI

Ensorcelés par la mort de Sveltana Alexievitch/Nicolas Struve a été donné au théâtre Antoine Vitez les 9 et 10 nov

Deux corps, une âme... temps. NASDAQ, texte surprenant sur les traders, traîte de la violence du monde de la Bourse. Après la performance un court métrage nous emmène dans Istanbul. Ces formes courtes se nomment Poèmes Centaures et s’inscrivent dans le vaste projet de Flux, parcours nocturne dans plusieurs villes européennes, mélange de films, de poèmes, de performances, qui change de forme en changeant de lieu devenant chaque fois oeuvre unique. L’intégrale en sera présentée en juin dans plusieurs lieux de la campagne Pastré. À suivre...

Le Théâtre du Centaure abrite des êtres mythiques, mi-homme, mi-cheval, qui nourrisent l’imaginaire des spectateurs. On ne s’étonnera donc pas de leur affluence et de la présence de nombreux enfants, parfois effrayés lorsque Yudishtira, l’étalon lisutanien noir, fonce sur le public et s’arrête pile. Bête magnifique que l’on devine concentrée et tendue tant la performance présentée demande un travail minutieux. Manolo dit un texte de Fabrice Melquiot, son complice depuis long-

CHRIS BOURGUE

© Frederic Chehu

Poème Centaure N°2 s’est donné le 13 nov à la Campagne Pastré, Marseille Poème Centaure N°3 le 11 déc 04 91 25 38 10 www.theatreducentaure.com


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THÉÂTRE

AVIGNON

Lorsque deux artistes qui se connaissent bien, l’un habitué des sunlights, l’autre de la feuille blanche, se retrouvent sur scène, que se racontent-ils ? Des histoires de femmes partagées, de bouteilles avalées et d’au revoir manqués. Des chansons improvisées (presque) et des tubes revisités (quasiment). C’est ainsi que Stéphan Eicher et Philippe Djian ont eu envie d’éprouver en public leur complicité (15 ans à fabriquer des chansons ensemble). La dernière représentation de leur Concert Littéraire a emballé le public du Chêne Noir, allié à celui de la scène de musiques actuelles des Passagers du Zinc (partenaires de la soirée). «On finit sur scène des chansons qui n’avaient jamais trouvé de maison», explique le ténébreux chanteur, qui s’amuse à «ta-

cler» les «dirigeants» de notre pays qui font le choix, comme les paroles de l’auteur, de «commencer avec quelque chose de très sombre pour forcément aller vers la lumière.» Djian, debout (il ne cessera de réclamer le tabouret sur lequel son comparse est assis), mesure (approximative) au bout des santiags, lit donc ses textes (quelques extraits de son nouveau roman, et certains succès 1000 fois réentendus mais gagnant ici en saveur). Sa voix sans musicalité notable le rend un peu timide sur la chansonnette, puis l’écrivain pour l’occasion slameur, est rejoint par Eicher, guitare électro acoustique blanche, looper discret mais efficace, et franchement plus à l’aise. Sa voix aux accents suisse-allemands opère et charme la salle, sa conscience littéraire à ses

Stephane Eicher et Philippe Djian © Daniel Infanger

Chaises musicales

côtés. Deux niveaux d’expression qui s’imbriquent et se fondent, pour leur plus grand plaisir. DE.M.

Le Concert Littéraire s’est joué au théâtre du Chêne Noir, Avignon, le 15 oct

Des voyants aveugles Les douze batailles d'Isonzo © X-D.R

Le dramaturge anglais Howard Barker, signataire du théâtre de la Catastrophe, sait faire entendre les voix en marge et éclater les tabous. Dans La Douzième bataille d’Isonzo, Camille Carraz et Alain

Cesco-Resia se sont emparés du dialogue illusoire et bouillant entre deux aveugles, Tenna et Isonzo. La jeune fille vient de se marier avec un très vieil homme, qui célèbre ses douzièmes noces. Se donne, dans une joute brûlante de désir, une infernale et torride bataille sur leur différence d’âge, leur union non consommée et leur cécité. Les deux comédiens se sont jetés, les yeux fermés et avec un sublime panache, dans l’écriture exigeante et libre de Barker, où argot et lyrisme se juxtaposent dans une langue rythmée et viscérale. Ils se mettent eux-mêmes en scène avec audace et talent, comme deux traînées de poudre (ou de sable, à l’image de la scénographie sobre et juste). Provocations, mensonges et aveux autour de l’obscur objet du désir rebondissent et nous embarquent, d’abandon en obsession, dans un tourbillon poétique et cruel. La nudité devient l’enjeu

À bout de souffle

© X-D.R

Occident de Rémi De Vos n’est pas drôle. Même si l’on se surprend à sourire, réflexe de défense gênée devant le miroir cynique que nous tend la pièce.

C’est une comédie noire et désespérée, un cruel «je t’aime moi non plus» entre deux êtres déchus et déçus, à qui ne restent que de pathétiques in-

éclairé et les rôles dominant/dominé s’inversent dans une lutte de corps et d’esprit entre Tenna «qui ne veut pas rester une rumeur» et Isonzo qui reste «une éponge au regard fixe». «Je ne suis pas aveugle, j’ai simplement fermé les yeux» lui avouera-t-il, faisant basculer la jeune fille (et les spectateurs) dans du pur fantasme, chacun intoxiqué dans sa propre obscurité. C’est cru, dérangeant, drôle parfois, diablement érotique et de cris en corps perdus, nous reste l’image de cet étrange couple et de son impossibilité longtemps gravée dans la rétine. Un seul petit regret? La lumière aurait mérité plus de recherche. DE.M.

La Douzième bataille d’Isonzo s’est jouée au Théâtre des Halles du 4 au 7 nov

sultes pour partager leur solitude. Dans une scénographie étouffante de vide, un couple (Stéphanie Marc et Philippe Hottier, impeccables) englué dans un quotidien sans âme joue un huis clos de désamour tristement fataliste. Ils ne savent plus s’aimer ni se quitter et comblent l’abandon physique par le vertige de la parole. Un couple non identifié qui chaque soir se retrouve, par habitude ou masochisme, pour une joute ordurière. Lui s’agite, éructe, enrage, croit résister à ses illusions en se noyant dans l’alcool, le racisme ordinaire et l’insulte à «sa femme». Elle semble les avoir perdues (ses illusions), lasse, immobile mais fidèle au rendezvous rituel quand il lui confesse ses bassesses parano et sa descente extrémiste. Elle rentre dans son infernal jeu pour attiser sa jalousie et se conten-

ter de ses sordides «je t’aime» éplorés. Passés les «putain, salope, je vais te buter, connard, ta gueule» qui servent le propos (!), le lieu du drame se situe au cœur même du langage, pas dans l’intrigue. Une mécanique verbale parfaitement au point, accentuée par la redondance d’intermèdes (sous Vivaldi et dans le noir), qui démontrent le processus d’aliénation, sans issue. Un théâtre de paroles, à vif et sans ménagement, mis en scène par Dag Jeanneret qui nous plonge dans l’enfer d’un couple à bout de souffle. DELPHINE MICHELANGELI

Occident de la compagnie In Situ s’est joué au Théâtre des Halles, Avignon, les 14 et 15 oct


AVIGNON | PORT-DE-BOUC | NÎMES

THÉÂTRE 17

Un triangle brun sur le cœur Le Balcon a confié son ouverture de saison à la Cie Mémoires Vives pour deux représentations, combles, de Samudaripen, les recettes étant reversées à la Fondation Abbé Pierre. Dirigée par Yan Gilg, la compagnie alsacienne poursuit son travail de transmission des mémoires avec cette pièce chorégraphique sur la persécution séculaire des nomades en Europe et leur extermination durant l’holocauste. Créé à l’initiative de Mickaël Stoll, le spectacle marie deux chants de liberté : jazz manouche et danse hip hop. Derrière un mur de tulle en barbelés, quatre danseurs jouent ces prisonniers gitans voués à la mort (épatants, notamment dans les solos), accompagnés par un slameur qui scande l’horreur (Yan Gilg, également à la mise en scène) et trois musiciens hautement véloces. Sous une orchestration savante de lumières et de projections vidéo, ces talents conjugués soulèvent le voile du Samudaripen, génocide (en langue romanès) des Tziganes internés par Vichy, déportés et exterminés pendant le régime nazi. Très documenté, le spectacle abonde de références historiques, d’images d’archives, de témoignages bouleversants, et retrace un pan

l’extrême, mais jamais gratuitement. Le discours Gaullien «Nos nations aujourd’hui unies vous assureront un avenir digne» signale amèrement notre échec. Au final, tous passent devant les barbelés pour interroger le silence du «monde de la culture» dans le problème actuel des Roms : «On se mobilise pour l’annexe 8 et 10, mais pas quand il y a des vies humaines en jeu»... Raccourci démagogique étonnant, une lutte n’excluant généralement pas l’autre, et le monde culturel n’étant pas spécialement muet à ce propos ! DE.M.

Samudaripen de la cie Mémoires Vives s’est joué au théâtre du Balcon, Avignon, les 15 et 16 oct

© X-D.R

de l’histoire passé sous silence (la culture gitane préfère ne pas parler de ses morts) en nous confrontant à une mise en perspective dérangeante. La corde sensible est tirée à

Devoir de mémoire

© X-D.R

Il se souvient de tout Abraham. D’ailleurs il n’a plus que ça, le souvenir, là, dans l’antichambre de la mort, à Auschwitz. Sa mémoire va tous les convoquer, les chers disparus, ceux qui ont accompagnés son enfance en Pologne, puis son départ pour la Hongrie ; sont là aussi sa chère Rosele, et les sept enfants qu’elle lui a donné, Yankle, son meilleur ami et «meilleur tailleur du monde» avec lequel il devise inlassablement de l’amour, du judaïsme, de nourriture et même d’extraterrestre (et quels savoureux dialogues !)… Michel

remonte le temps dans un sens et dans l’autre pour finalement s’arrêter sur la fin inéluctable, avec une infinie pudeur.

Jonasz, d’une voix tantôt puissante, tantôt suppliante ou moqueuse est chacun d’entre eux, y compris en chansons. Mais il est surtout Abraham, ce grand-père juif Polonais qu’il n’a pas connu mais dont il éclaire quelques moments de vie avec tendresse, lucidité et humour. Michel Jonasz dit vouloir «rendre hommage aux musiques qui ont joué un rôle essentiel dans [sa] vie artistique», en l’occurrence la musique tzigane avec des compositions originales enregistrées à Budapest. Seul sur scène, il fait défiler les années,

DO.M.

Abraham a été joué au Sémaphore, à Port-de-Bouc les 20 et 21 oct, et au Théâtre de Fos le 22

Théâtre théorique © Bellamy

Écrit par Gertrude Stein en 1936, Listen to me est un texte complexe, abstrait, qui, à l’image de l’artiste avant-gardiste, cubiste, qu’était la poétesse et dramaturge américaine, s’interroge sur les genres, le processus de création et surtout l’expérience de l’écriture. À ce titre, Listen to me illustre les doutes, les interrogations de l’auteur face à son texte théâtral. Difficile de «raconter» ce dont il parle exactement tant les mots qui le composent semblent se vider de tout sens, inlassablement répétés… En guise de personnages des «caractères», numérotés de 1 à 9, s’invectivent, se répondent autour du sens des mots et ponctuent les interventions de ceux qui sont nommés, identifiés, Doux Wiliam et Lilian. Eux se cherchent, traversent les actes, rendant chaotique une

éventuelle progression dramatique. La comédienne Emma Morin a conçu son spectacle avec un dispositif scénique simple reposant sur de magnifiques monochromes projetés sur un écran, qui signalent les différents actes et jouent encore un peu plus du contraste entre le sonore et le visuel, et sur des déplacements réduits. Mais cette pièce de théâtre qui n’en est pas une devait-elle être portée sur scène, alors même qu’il ne s’agit que de matérialiser la langue ? À moins que le son, seul, prime, et que l’avalanche de mots qui anesthésie leur sens suffise à signifier… Paradoxal… DO.M.

Listen to me a été joué à l’Odéon, à Nîmes, le 4 nov


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THÉÂTRE

AU PROGRAMME

Ciel, un Labiche ! L’Egrégore se met à Labiche ? Au vaudeville ? Certes,

région du théâtre en langue arabe paraît une évidence : plus d’un marseillais sur dix est arabophone… Mais ce n’est pas tout : les théâtres du Maghreb, du Liban, de Palestine, d’Egypte aussi, ont hérité de dramaturgies différentes, anciennes, d’un rapport au conte oralisé que le théâtre «occidental» a oublié depuis les Grecs. Une tradition d’un théâtre d’objets très différent du nôtre y est très vivace… et bien sûr les textes contemporains, écrits ou non en Arabe, nous rapportent des conflits politiques qui sont au cœur de notre histoire de Méditerranéens. Plusieurs raisons donc de suivre ce cycle proposé par le Système Friche Théâtre et placé Sous le Signe d’Averroès. Bien sûr tout est surtitré ou bilingue, et vous pourrez y voir une pièce Syrienne mise en scène par un tunisien sur un amour impossible (les 17 et 20 nov), le monologue fou d’une mère qui cherche le cadavre de son fils dans les décombres d’une ville anonyme qui ressemble à Beyrouth (le 18 nov), les cauchemars d’une enfant palestinien (les 19 et 20 nov), mais aussi la création de Julie Kretzschmar et Thierry Niang d’un texte de Mustafa Benfodil, dans le cadre des rencontres à l’échelle (le 19 nov) , une rencontre sur la dramaturgie arabe contemporaine à l’Alcazar (le 17 nov) et un buffet libanais le 20 nov entre les deux pièces…

mais avec un esprit particulier : dans le tout petit espace du mini théâtre, la mécanique comique de la Station Champbaudet, où les portes claquent et où les intérieurs bourgeois sont plus bousculés que les halls de gares, devrait donner le tournis, augmenté par un piano omniprésent, et les 9 comédiens qui s’entrecroisent… D’ailleurs la critique du bourgeois présente dans Labiche est hélas encore (à nouveau ?) d’actualité : leur peur de manquer, et leur inculture, sont redevenus monnaie courante. Seule leur pratique de l’adultère a changé ?

Théâtre Arabe contemporain Jusqu’au 20 nov La Friche 04 95 04 95 93 www.lafriche.org

Medee © Raynaud de Lage

En Arabe Barbare La nécessité de faire venir à Marseille et dans la

La station Champbaudet Du 23 nov au 23 déc (sauf le 1er et le 3 déc) Le Lenche 04 91 91 52 22 www.theatredelenche.info le 3 déc Théâtre du Sémaphore, Port-de-Bouc 04 42 06 39 09 www.theatre-semaphore-portdebouc.com

La Médée d’Euripide mis en scène par Laurent Fréchuret est enfin à Marseille ! Mais, reporté l’an dernier, il n’en reste que 5 dates, dans la petite salle… Catherine Germain en épouse trahie et mère infanticide doit être subjuguante, d’autant que Fréchuret n’a gommé ni sa magie noire, ni l’horreur, ni la dimension politique de son hurlement contre l’exil et la dépossession…

Ciel, un amant ! C’est avec un vaudeville d’aujourd’hui reprenant le

Médée Du 1er au 4 déc La Criée 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

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trio d’hier qu’Eric Lassous a triomphé sur les boulevards parisiens, ses comédiens étant tous nominés aux Molières, et lui décrochant finalement celui du meilleur auteur francophone. La recette du trio bourgeois sur canapé est éprouvée, et Jean-Luc Moreau à la mise en scène et en mari cocu de très mauvaise foi ne l’est pas moins. Divertissant ? Le duo Dau et Cautella dans Sacco et Vanzetti d’Alain Guyard mis en scène par François Bourcier est nettement plus surprenant : les deux comiques trouvent dans cette pièce éminemment politique le ton juste des innocents persécutés, parce qu’ils sont étrangers, mais aussi parce qu’ils sont anarchistes…

Salut public Notre Terreur, création du collectif D’ores et déjà emmené par le très talentueux Sylvain Creuzevault, enferme neuf hommes en un huis clos qui retrace les dernières de Robespierre d’après les minutes de son procès… Un questionnement sur notre histoire, mais aussi sur l’exercice du pouvoir aujourd’hui, et sur la possibilité d’un théâtre politique neuf et vif défendu par de jeunes gens (hommes ?).

L’illusion conjugale Les 19 et 20 nov Sacco et Vanzetti Les 10 et 11 déc Le Toursky 0 820 300 033 www.toursky.org

De mon hublot uterin... © Emilie Petit

Exubérant Alfredo Arias est de retour avec un spectacle de cabaret sur Miguel de Molina et Eva Peron. Deux destins singuliers qui se sont croisés, deux icones autant haïes qu’adulées, populaires, mal pensantes, l’un persécuté par le franquisme, l’autre traitée de pute du pouvoir… Un cabaret trans, et forcément haut en couleurs, surprenant coloré et sulfureux, comme Arias sait les concevoir… Avec, entre autres, Sandra Guida et Alejandra Radano, sublimes dans Divino Amore… Tatouage Du 19 au 25 nov La Criée 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

Emmurés Un événement à la Minoterie : la pièce du journaliste et écrivain Driss Ksikes, qui a fait grand bruit lors de sa création au Maroc en 2008, sera créée en français (langue d’écriture de Driss Ksikes qui l’avait lui-même traduite en arabe dialectal pour les représentations marocaines). Pièce sur l’enfermement et la soumission volontaire, elle rassemble 6 comédiens dans un lieu imaginaire, Uterus originel qui est aussi une non-terre… Le texte parle de politique, de religion et de sexe très librement : Driss Ksikes, qui a renoncé au journalisme, affirme que l’art reste le seul territoire de liberté au Maroc… Il/Houwa Les 3 et 4 déc La Minoterie dans le cadre des Rencontres d’Averroès 04 91 90 07 94 www.minoterie.org

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Il-Houwa © X-D.R.

Notre Terreur Du 14 au 18 déc La Criée 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com


THÉÂTRE 19

Mordoj, en particulier avec sa dernière création L’Éloge du poil, étrange confession d’une femme à barbe. Après un mois de résidence au Merlan elle créera donc Adieu Poupée, (La femme sans passé) qu’elle a conçu à partir d’un monologue écrit par François Cervantès pour elle. À partir de sa passion des poupées, images paradoxales de femmes qui ici sont tordues, rapiécées, inachevées, et dans lesquelles elle transfère ses affects. Un texte qu’elle a travaillé «comme on travaille un numéro de cirque»…

celui de la liberté absolue. Qui ne respecte pas celle de l’autre, qui agit et pense selon son seul désir… Le projeter dans un road movie contemporain réactivera-t-il le mythe ? C’est le pari de JeanCharles Raymond (Cie La Naïve de Pertuis), qui met en scène la pièce de Molière dans un univers très seventies animé par les Doors.

La femme sans passé Du 18 au 25 nov Le Merlan 04 91 11 19 20 www.merlan.org

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Dom Juan Du 7 au 11 déc Le Gyptis 04 91 11 00 91 www.theatregyptis.com

Dans le cadre des Ateliers de l’Euroméditerranée, le Théâtre Vitez est partenaire de l’Université de Provence et de Marseille Provence 2013 et propose, avec les étudiants en théâtre de l’Université et de jeunes acteurs algériens, un atelier mené par Kheireddine Lardjam sur Les Borgnes, pièce écrite par Mustapha Benfodil. Sur entrée libre.

À nus Renaud-Marie Leblanc poursuit son exploration de l’écriture de Christophe Pellet (voir p 12) en mettant en scène un texte cru, qui se demande, en acte, comment représenter le sexe sur un plateau. Erich von Stroheim, interdit au moins de 18 ans, est joué par trois des meilleurs jeunes comédiens de la région : Julien Duval, Guillaume Clausse et Marie Domprier rapporteront, nus, 16 «tranches» de vie sexuelle, interrogeant le corps et le désir dans notre réalité économique et politique, et dans l’espace de la représentation.

© X-D.R

Amoureux Sami Frey seul en scène, dans un texte qu’il a choisi et mis en scène lui-même… Il faut dire que ce Premier amour lui tient à cœur. Ce texte de Beckett, qui l’a pensé comme un récit autant que comme un soliloque, est le premier qu’il a écrit en Français. Son rapport étrange à la langue, ce tissage indémêlable d’humour et de désespoir, ce personnage bourru et mesquin qui nous ressemble, tout Beckett y est. Avec, inhabituellement, un vrai discours sur le sentiment amoureux…

Erich von Stroheim Du 10 au 17 déc Le Merlan 04 91 11 19 20 www.merlan.org

Concepts ? © X-D.R

Premier amour Du 23 au 27 nov Jeu de Paume, Aix 0820 000 422 www.lestheatres.net les 19 et 20 nov Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com du 15 au 18 déc CNCDC Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

Vaincues Le viol est une pratique courante dans les pays en La philo est délirante ? La raison est folle ? c’est en tous les cas les prolégomènes du spectacle de la Cie 4 litres 12, bien connus en Lorraine pour leur esprit pétillant et leur sens de la dérision intelligente… Réfléchir et rire ensemble ? autour d’un gorille ? en miroir ? drôle de programme ! Folisophie Jusqu’au 20 nov Le Gyptis 04 91 11 00 91 www.theatregyptis.com

Kheireddine Lardjam © X-D.R.

Poupées Libertin Soliloques On a eu l’occasion de découvrir le travail de Jeanne Don Juan fut, avant d’être la figure type du séducteur,

guerre, en particulier pendant les reconquêtes ou libérations. Les femmes de Berlin vaincu et occupé par l’armée Rouge n’y échappèrent pas plus que les Italiennes, les Bosniaques, les Tchéchènes, les Rwandaises. Dans Une femme à Berlin Isabelle Carré incarne les souffrances d’une femme allemande après la chute du régime Nazi. Elle s’appuie pour cela sur un journal authentique, anonyme, écrit en 1945. Une femme à Berlin Du 13 au 18 déc Jeu de Paume, Aix 0820 000 422 www.lestheatres.net

Les Borgnes Le 25 nov à 19h Théâtre Vitez, Aix 04 42 59 94 37 http://theatre-vitez.com


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THÉÂTRE

AU PROGRAMME

Toujours en été avec un hommage vibrant au groupe Téléphone, à Rasteau le 11 déc. Mais avant cela, Frédéric Chiron se coulera dans les mots de Prévert pour un Fatras jubilatoire (à Savoillans le 19 nov), tandis que le comédien Roland Peyron jouera A plein gaz, un texte écrit pour lui par le prolifique auteur marseillais Serge Valetti (à Sablet le 26 nov, à Faucon le 27 et à Travaillan le 3 déc). Les vendanges s’annoncent belles cette année encore…

À ceux qui se demandent si l’arrière pays est toujours animé hors saison, le festival d’automne Après les vendanges, organisé par l’association Les Ateliers du Regard, prouve chaque année depuis 11 ans que la culture en milieu rural n’est pas uniquement estivale. Ainsi, 9 villages du Haut Vaucluse –Vaison, Séguret, Villedieu, Sablet, Faucon, Rasteau, Savoillans, Violès et Travaillan- répondent présents pour proposer une programmation éclectique basée sur la musique et le théâtre, et ce jusqu’au 11 décembre. Après Bernard Lubat et le groupe Les Yeux Noirs reçus en début de festival, un autre grand nom de la musique fera sensation : Marc Perrone et son accordéon diatonique, accompagné de Marie-Odile Chantran à la vielle à roue, au chant, à la danse et aux percus, seront à Vaison le 4 déc. Toujours en musique, le groupe Hygiaphone clôturera le festival

DO.M.

Festival Après les vendanges Jusqu’au 11 déc Haut Vaucluse 04 90 28 58 62 www.lesateliersduregard.org © Kevin Louviot

Odyssée

Transformée Humaniste Marie-Pierre raconte les mardis où elle rend visite à Adaptée pour la scène par François Chaumette, La Chute d’Albert Camus est mise en scène par Raymond Vinciguerra et interprétée avec force, intelligence et dérision par Philippe Séjourné. De son lieu d’exil, un bar d’Amsterdam, Jean-Baptiste Clamence se présente en tant que juge-pénitent, qui s’accusera lui-même avant de pouvoir juger les autres; de son passé il raconte tout, douloureusement. Sur la scène, sur deux grands panneaux-écrans, une création vidéo de F. Mouren-Provençal représente les images mentales de cette confession.

son père, veuf depuis peu, avec lequel elle part, à Monoprix, faire les courses pour la semaine. Là les regards moqueurs détruisent autant que les mots de ceux qui l’ont connue «avant». Parce qu’avant MariePierre était Jean-Pierre, ce que personne n’accepte, et encore moins son père, personnification de l’intolérance et de la castration… Michel Didym met en scène Jean-Claude Dreyfus sur le texte d’Emmanuel Darley.

© Jean-Louis Fernandez

Premier volet du Sang des promesses, la tétralogie d’une nuit proposée par Wajdi Mouawad au Festival d’Avignon 2009, Littoral est la pièce qui nous entraîne le plus loin sur les rivages croisés de l’imaginaire et de l’intime. 8 comédiens œuvrent autour du personnage de Wilfrid, parti sur les traces de ses ancêtres pour retrouver le fondement même de son existence et de son identité. Un voyage initiatique sur l’exil, la transmission, et le passage de l’enfance à la réalité de la vie d’adulte. Inoubliable.

Le Mardi à Monoprix Les 23 et 24 nov Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com du 26 au 28 nov Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

La Chute Le 25 nov à 20h30 Théâtre de la Colonne, Miramas 04 90 58 37 86 www.scenesetcines.fr

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Festivités

Littoral Les 26 et 27 novembre Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

© X-D.R.

Noirceur La cie Subito s’installe à l’Odéon avec un spectacle construit spécialement pour ce lieu : Requiem pour Miss Blandish est un polar-oratorio déambulatoire qui lorgne vers les clubs de jazz américains, tiré de l’œuvre noire de James Hadley Chase, Pas d’orchidées pour Miss Blandish. Au cœur du dispositif, le public suit le rapt de cette fille de milliardaire au plus près, suivant pas à pas les comédiens, la chanteuse de blues et la danseuse au gré des nuances d’une musique qui mêle improvisations et bruitages de film. Le film de Robert Aldrich (1971) sera par ailleurs projeté au Sémaphore le 24 nov. © Eric Didym

Requiem pour Miss Blandish Les 1er et 2 déc Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

La 12e nuit après Noël, le roi des fous entraîne ses sujets dans une fête effrénée, la Nuit des rois… Le chef-d’œuvre de Shakespeare est ici revisité par Nicolas Briançon qui situe son intrigue dans l’Angleterre des années 30, plus propices aux folles envolées burlesques que la période élisabéthaine. De mensonges en travestissements, de quiproquos en rebondissements les malentendus seront levés pour que triomphe… l’amour ! La Nuit des rois Le 14 déc à 20h30 Théâtre de la Colonne, Miramas 04 90 58 37 86 www.scenesetcines.fr


THÉÂTRE

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Foisonnant Vigilance Dans un univers où tout semble normal et maîtrisé,

Viscéral Encore Une maison de poupée ! Celle de l’auteur et

où le quotidien glisse sur les membres d’une famille à la coiffure de Playmobil, il suffirait de pas grand chose pour que tout dérape. Comme souvent dans l’univers de Calaferte dont est tirée La Bataille de Waterloo que met en scène Patrick Pelloquet, directeur du Théâtre régional des Pays de la Loire. Le grain de sable viendra de la voisine, Madame Ondula, qui se promène toujours en culotte brodées… Quel rapport avec le titre ? Si seulement quelqu’un se souvenait de la date de la défaite napoléonienne ! Jusqu’où va se nicher la folie ?

metteur en scène argentin Daniel Véronèse est tellement différente : rebaptisé Le développement de la civilisation à venir, le texte d’Ibsen est ici ciselé à l’extrême -chaque mot, chaque respiration, chaque silence résonnent- pour mieux faire entendre la vérité des personnages. Au plus près de leur quête, Daniel Véronèse passé maître dans l’art de décortiquer l’âme humaine revisite cette pièce sur l’émancipation des femmes. Sans esbroufe ni artifices.

Pacifique

© X-D.R.

La Bataille de Waterloo Le 26 nov à 20h30 Espace Gérard Philippe, Port-St-Louis www.scenesetcines

Le Cartoun Sardines prend l’air du temps présent en s’intéressant à l’œuvre de Brecht. Leur toute nouvelle création, Un homme est un homme, écrite par le dramaturge allemand pendant la montée du nationalsocialisme, dénonce les ravages exercés par la propagande et la manipulation des masses qui peuvent faire d’un homme un assassin.

Témoignage Avec Sale août Serge Valletti écrit une comédie triste en quatre actes à la mémoire des ouvriers italiens massacrés à Aigues-Mortes en 1893. Un humour, doublé d’une nostalgie secrète, caractérise l’auteur qui fait revivre cette Histoire à la manière «d’un vaudeville macabre». Et Patrick Pineau, en fin connaisseur, réincarne avec sa troupe Monsieur Fournier et sa veuve, l’ingénieur, le professeur d’histoire… 4 femmes et 7 hommes archétypes des «bons français»…

Un homme est un homme le 19 nov à 20h30 Le Sémaphore, Port-de-Bouc 04 42 06 39 09 www.theatre-semaphore-portdebouc.com

© Vincent Muteau

Attention, «tentative de défroissage du mythe» annoncée ! C’est bien d’Antigone dont il s’agit, mais la cie Les Anges au Plafond revisite l’histoire avec des marionnettes en papier et lui donne un souffle, une profondeur qui éclairent les actes des protagonistes. Les marionnettes de Brice Berthoud sont manipulées par la comédienne Camille Trouvé qui fait aussi les voix de chacun, accompagnée par la bande-son continue de deux violoncelles. Le mur construit à la demande du roi Créon résistera t-il ? Une Antigone de papier Le 3 déc à 20h30 Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr

Le développement de la civilisation à venir Le 7 déc à 20h30 Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com

le 10 déc à 20h30 3 Casino, Gardanne 04 42 65 77 00 www.ville-gardanne.frv

Sale août Les 25 et 26 nov à 20h30 Théâtre Molière, Sète 04 67 74 66 97 www.theatredesete.com

Épicurien Difficile de résister à la tentation de s’asseoir au

Le 3 déc à 20h30 La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.com

banquet tellement il est fabuleux ! Plaisir du texte et du saut de puce entre les auteurs, gourmandise du verbe, joie des acteurs à troquer le costume de Cyrano ou d’Ophélie, bonheur du spectateur à porter un toast à la puissance de la fabulation et de l’imaginaire… On s’abreuve sans perdre une goutte à tant d’intelligence et de brio.

Du 15 au 18 déc La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com En janvier à La Colonne, à Miramas, à Châteauvallon, à Ollioules…

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Le Banquet fabulateur Les 26 et 27 nov à 21h La Distillerie, Aubagne 04 42 18 19 89 www.aubagne.com

vaudeville d’Eugène Labiche, Un pied dans le crime, montée par Jean-Louis Benoit avec Philippe Torreton et Dominique Pinon, repose sur un cas de conscience délicat : un juré, bourgeois de son état, est appelé à juger un crime dont il est l’auteur, ce qui d’emblée fausse tous les rapports… C’est tout le génie de Labiche que l’on retrouve dans les relations alambiquées et vachardes que les uns avec les autres entretiennent… La Criée accueillera la pièce en mars, dans sa grande salle retrouvée. Un pied dans le crime Le 20 nov à 20h30 Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr

© Pierre Grosbois

Conscience Injustement oubliée et méconnue, la comédie-

Algébrique Michel Raskine monte la pièce la plus jouée et le plus commentée de Marivaux, Le Jeu de l’amour et du hasard… La plus «glaciale et… brève, quasi mathématique» selon lui. Du coup il choisit trois duos de comédiens qui n’ont plus vingt ans pour faire entendre ou réentendre, différemment peut-être, la petite musique de Marivaux. Celle qui chante les péripéties du cœur amoureux. S’appuyant sur leur maturité et leur expérience il révèle les replis de leurs personnages dans une mise en scène décapante. Le Jeu de l’amour et du hasard Le 7 déc à 20h30 La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu


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THÉÂTRE

AU PROGRAMME

En famille

Musical Assoiffé Jean-Paul Farré revient au Chêne Noir avec Les 12 Serge Barbuscia opère avec J’ai Soif un travail de © Jean-Louis Fernandez

Après Bouli Miro et Bouli Redéboule, Fabrice Melquiot poursuit avec Wanted Pétula les aventures de cet incroyable gamin, myope et quelques kilos en trop, créé en 2002. Devenu presque adolescent, amoureux de sa cousine Pétula Clark soudainement disparue dans l’espace, il va vivre d’innombrables aventures burlesques et poétiques pour la retrouver. Emmanuel Demarcy-Mota met en scène cette histoire qui s’adresse à l’enfance de chacun, des petits et des grands. À voir en famille pour réfléchir et rire. Wanted Pétula Les 23 et 24 novembre Théâtre de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com

pianos d’Hercule, un spectacle qui a reçu le Molière du Théâtre musical en 2010. Il sera ce pianiste délicieusement déjanté, qui n’a de classique que la queue de pie, en pleine analyse farfelue de l’unique sonate d’un compositeur méconnu. Une savoureuse alliance de théâtre, de musique et d’humour dans un univers burlesque, onirique et poétique. Unique en son genre. Les 12 pianos d’Hercule Les 9 et 10 décembre Chêne Noir, Avignon 04 90 82 40 57 www.chenenoir.fr

J’ai soif Les 3 et 4 décembre Le Balcon, Avignon 04 90 85 00 80 www.theatredubalcon.org

Mensonge ? Digressions verbales et autres délires jubilatoires Cantate attendus sur la scène des Halles. Christian Mazzu- Le compositeur Eric Breton crée une cantate pour chini sera complètement Mythomane dans un florilège de textes de Serge Valletti. Des textes démontés et regonflés en forme de sketches, brodés de pépites inédites autour de son thème de prédilection. Un pamphlet poético-burlesque incisif.

d’écriture des Z’Habitants en 2004 dans la région du Lubéron avec la complicité de la Scène nationale de Cavaillon, puis poursuivi cette aventure dans le Lot et en Dauphiné, en livrant parfois quelques étapes d’une belle force émotionnelle. Elle s’est inspirée des lieux de vie d’hôtes inconnus qui, le temps d’une immersion poétique, désertaient leur habitation. 14 maisons visitées ont ainsi donné naissance à de courts textes théâtraux qu’elle livrera dans les bars du territoire de Cavaillon.

Fratrie La compagnie la Lanterne qui regroupe un collectif d’artistes issus des conservatoires de musique et de danse d’Avignon, après quelques jours de résidence à la Fabrik’Théâtre, présentera son projet À l’origine de nos tourments. Marie Clavaguera Pratz et Vincent Clavaguera donneront corps et voix à Electre et Oreste, accompagnés par la plasticienne Sarah Medalel, pour mettre en résonance avec le monde dans lequel nous vivons la relation d’un frère et d’une sœur. Du vécu ?

Les Z’HAbitants Du 7 au 11 décembre Théâtre de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com

drôleries et d’humour avec Georges Feydeau, l’un de ses auteurs de prédilection et un texte qui reste toujours d’une étonnante actualité. Le metteur en scène avait déjà monté cette pièce en 1987 avec «un soupçon de prétention» dit-il, et s’attache dans cette nouvelle version à la merveilleuse mécanique du texte. Pour rire de la petitesse des hommes, plutôt que d’en pleurer, autour du député Ventroux, de sa femme en tenue légère et de son adversaire Monsieur Hochepaix. Mais n’te promène donc pas toute nue Du 18 novembre au 5 décembre Chêne Noir, Avignon 04 90 82 40 57 www.chenenoir.fr

chœur à 8 voix, dans la lignée des grands oratorios, d’après l’œuvre de G.E. Lessing. L’histoire de trois hommes qui, dans la Jérusalem des croisades se voient réunis par un lien inattendu, sera interprétée par le Chœur Lusciana (surtitrage du texte chanté) et contée par Jean-Denis Vivien. Une œuvre puissante et captivante. Nathan le Sage Du 19 au 21 novembre Le Chien qui Fume, Avignon 04 90 85 25 87 www.chienquifume.com

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Mythomane Les 9 et 10 décembre Les Halles, Avignon 04 90 85 52 57 www.theatredeshalles.com

Lecture L’auteur Catherine Zambon a débuté le projet

Vaudeville Gérard Gélas revient dans une comédie pleine de

mémoire ouvert sur plusieurs chants, pour faire jaillir l’humanisme, l’amour et la lumière. Autour des 7 dernières paroles du Christ en croix de Haydn (interprétées par Roland Conil au piano) et Est-il un homme de Primo Levi, et au plus profond de leurs supplices, surgit la même parole : j’ai soif. Deux œuvres majeures en dialogue qui scrutent notre monde intérieur et questionnent les atrocités commises par l’homme.

© A. Offredo

L’origine de nos tourments Les 26 et 27 novembre La Fabrik’Théâtre, Avignon 04 90 86 47 81 www.fabriktheatre.fr

Récital Une pépite au Balcon ! Cathy Heiting, alias Katia Von Bretzel, cantatrice «un peu hystérique à l’occasion» et son compère pianiste Jonathan Soucasse, alias Ingmar Bruteson, livrent avec Bizet était une femme un récital jubilatoire de grands airs d’opéra. Ils retracent d’une façon très personnelle et humoristique le parcours des compositeurs, de Carmen à Duke Ellington en passant par Gershwin et le gospel. Une découverte à savourer. Bizet était une femme Le 27 novembre Le Balcon, Avignon 04 90 85 00 80 www.theatredubalcon.org

Pas féministe ? Première étape de présentation de la prochaine création du théâtre du Kronope : une soirée lecture «non féministe mais féminine» avec Joëlle Richetta et Elsa Stirnemann autour de Carmen. En attendant la répétition publique du 8 mars (journée de la femme oblige) et le spectacle final les 31 mars et 1er avril. Lecture autour de Carmen Le 9 décembre La Fabrik’Théâtre, Avignon 04 90 86 47 81 www.fabriktheatre.fr


BALLET D’EUROPE | ISTRES

DANSE

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Laboratoire central Scène nue, ossatures du théâtre visibles, les corps s’étirent, s’échauffent, une arabesque naît, une courbe s’ébauche, rires, chuchotements… Les spectateurs s’installent, l’ensemble est uni par la même lumière crue… Concentration des mouvements qui isolent les artistes malgré cette intimité étrange, comme si nous étions initiés aux mystères mêmes de la création, dans un silence où seuls les frottements des corps sur le tapis de danse, les respirations, se laissent entendre. Nous sommes conviés à un stade embryonnaire de l’œuvre, étape de la résidence technique des artistes à Istres. Emanuel Gat explique sa démarche, fait travailler des danseurs qui ne se ressemblent pas, plonge jusqu’à retrouver l’essence même du mouvement. Dans 10 mois les musiques seront différentes, les pas de deux (superbes) ou les ensembles (ma-

gnifiques) trouveront d’autres formes… La danse, comme l’écriture, se pratique avec une gomme et des ciseaux ! La résidence accorde aux artistes du temps pour réfléchir, Emanuel Gat la présente comme un privilège. La présentation des états du travail mené fait partie du cahier des charges : on se demande si les commanditaires pourront dans le futur rester aussi éclairés, et si la belle liberté accordée aux artistes sera toujours comprise comme une nécessité ! E. Gat affirme avec force la spécificité du langage chorégraphique, «la danse n’est pas une façon de dire quelque chose que l’on pourrait dire en mots, c’est un langage qui ne dit rien hors de lui-même… comme la musique, la danse traduit des idées non verbales… tout est dans le mécanisme, danse et mouvement…» On admire la fascinante liberté accor-

Brilliant Corners © X-D.R

dée aux danseurs, responsables dans l’élaboration de la chorégraphie. Un premier bonheur pour les spectateurs, et l’attente d’un autre, rendez-vous pris !

Brilliant Corners a été brillamment esquissé au théâtre de l’Olivier, Istres, le 21oct

MARYVONNE COLOMBANI

J’habite les lieux de ma métamorphose © Laurent Philippe

Poursuivant son travail autour de la parole, du mouvement et de l’enfermement, Hamid Ben Mahi adapte le roman de l’écrivain, poète et journaliste algérien Hamid Skif, La Géographie du danger. Une chorégraphie qui s’appuie sur ce récit émouvant d’un clandestin, immigré, expatrié, terré dans une chambre de bonne depuis quatre ans, étranger qui, lentement, meurt. Seul dans un magnifique décor anxiogène, Hamid Ben Mahi parle, il est cet être apeuré, aculé qui sait trop bien quelle fin l’attend : des gestes saccadés du corps soumis aux images stroboscopées de l’explosion trop longtemps réprimée, la danse se fait urgente, le corps se disloque, les mouvements sont amplifiés par une musique puis-

sante et hypnotique, et les mots qui résonnent… tandis que les lumières magnifiques d’Antoine Auger soulignent et révèlent ce corps meurtri jusqu’à le transformer en ombre diminuée. La chorégraphie d’Hamid Ben Mahi, qui dit danser pour ne pas rester immobile et parler pour plus rester silencieux est de celles qui impriment longtemps la rétine, et les oreilles. DO.M.

La Géographie du danger a été dansée le 10 nov au Théâtre de l’Olivier, Istres, dans le cadre des Rencontres à l’échelle (voir p 14)

Les âges de la danse Le Ballet d’Europe parvient une fois encore à remplir l’Opéra de Marseille, durant les vacances… Il faut dire que cette compagnie chorégraphique reste fidèle à sa qualité : les danseurs récemment recrutés ont acquis en quelques mois le répertoire de Jean-Charles Gil, et participé à la nouvelle création avec autant d’allant, d’ampleur, de qualités techniques et d’enthousiasme que leurs aînés : visiblement ceux-là passent leurs matinées à la barre, le reste en répétition, et ça se sent. One more time repose toujours sur la même course hors d’haleine, les mouvements d’ensemble réglés au cordeau, les corps poussés à l’extrême de leur vitesse et de leurs tensions. Reposant sur deux crescendos successifs qui prennent à peine le temps de redescendre entretemps, la pièce épate et déchaîne des salves d’applaudissements… Autrement pareil est plus contestable :

au titre, peu accrocheur, correspond l’idée d’une danse qui, pour cerner la même émotion intangible, cherche ailleurs ses moyens expressifs. Non plus dans la virtuosité et l’exubérance de la jeunesse, mais dans

l’arrondi, l’impulsion dosée, le contact. À ce titre JeanCharles Gil revient sur scène : à plus de 50 ans, celui qui disposait de moyens physiques exceptionnels en a gardé trace, non dans la souplesse ou le ballon mais dans l’intensité émotionnelle, qui Autrement pareil © Agnes Mellon repose justement sur des éléments des regards ? un essoufflement ? une manière de toucher l’autre ?- difficiles à cerner. Reste qu’il dissimule ses manques et amène ses danseurs vers son économie (forcée) de gestes, alors qu’il pourrait les laisser suivre leur chemin propre, en continuant sans fard le sien, empreint de l’expérience d’une vie jusque dans le discret empâtement des chairs. AGNÈS FRESCHEL

One more time et Autrement pareil ont été dansés à l’Opéra de Marseille le 29 oct


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DANSE

GTP | PAVILLON NOIR

Visions du futur

Suivront mille ans de calme © JC Carbonne

Pourquoi aller en Russie, rencontrer le Bolchoï, croiser ses ors et son classicisme ? Pourquoi puiser dans l’inspiration bouddhique recyclée de Subodh Gupta (scénographie), l’électro désincarnée de Laurent Garnier, les costumes dénudants d’Igor Chapurin, tout en revenant à une écriture rapide, oblique, époustouflante, des ensembles rectilignes et froids, à peine entrecoupés de tableaux lyriques et sensuels ? C’est qu’Angelin Preljocaj nous parle de l’Apocalypse et qu’il la situe là, aux frontières de l’Est, vers les sept églises d’Orient, dans l’émiettement des

nations qui furent communistes, l’abandon des dieux indiens, le sang versé partout, la pulsation, l’inorganique, l’électronique, Gomorrhe… Suivront mille ans de calme n’est pas une illustration des visions et allégories de Jean dans l’Apocalypse, même si l’on y croise des anges, le Livre scellé, des fléaux, des cavaliers et deux agneaux. La pièce de Preljocaj, comme le petit livre de Jean, décrit le présent, pense le passé, prédit l’avenir, littéralement et analogiquement. À côté des figures empruntées par l’apôtre pour décrire son histoire (Néron, la

dépravation et la guerre) et prédire l’avenir (la fin du monde et le pardon), on y voit les nations d’aujourd’hui enchaînées, s’agitant sans but, lavant leurs drapeaux à grande eau au soir des jugements, effaçant leurs crimes, prenant des poses d’une crudité extrême, provocantes, très politiquement incorrectes : la Russie ne s’y est pas trompée, qui a interdit qu’on y lavât son drapeau. Quant à la danse… les onze interprètes du Ballet Preljocaj côtoient miraculeusement les corps rompus au classicisme du Bolchoï, tandis que ceux-ci jubilent visiblement d’emprunter d’autres voies. Les quelques duos lents (merci Bach !) sont d’une beauté poétique poignante, les grands mouvements en quinconce, fugués ou à l’unisson, sont exécutés avec un ensemble fascinant. Un Preljocaj grand cru, à fort tanin. AGNÈS FRESCHEL

Suivront mille ans de calme a été créé au Bolchoï en sept 2010, puis dansé à la Biennale de Lyon et à Chaillot. Il sera en mars 2011 à Draguignan et Montpellier. Du 17 au 24 nov Grand Théâtre de Provence, Aix 04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net

Insensé

Action !

Parallèlement à la tournée apocalyptique, le Ballet Preljocaj continue de danser Empty Moves, pièce entrée au répertoire en 2003, et programmée régulièrement dans des salles plus petites. Ce quatuor est accompagné par la voix de John Cage syllabant des Empty words devant un public italien médusé, et qui le manifeste de plus en plus bruyamment au long des 70 longues minutes de sa prestation. Le propos du compositeur ? Rendre la parole abstraite, la détacher du signifié. Le propos du chorégraphe ? Montrer que la danse aussi peut s’attacher au signifiant, c’est-à-dire au geste, sans rien connoter d’autre que sa propre écriture. Le résultat est étonnant d’inventivité chorégraphique : les assemblages inédits se succèdent, le mouvement prend un incroyable coulé, invente des successions combinatoires fascinantes, sculpte l’espace entre les corps. Puis le public de Cage se fait entendre, les corps sourient, se regardent, ayant compris depuis les années 70 que l’abstraction est une utopie…

Tant pis on vous raconte la fin, c’est trop bien : trois jeunes gens (d’où sortentils ceux-là ? ) rejouent à l’infini des rires et des cris une même scène où l’on se jetterait par exemple dans le vide mais stop, arrière, play, replay… pendant que les trois interprètes de Last Meadow sur le devant de la scène se font applaudir pour leur époustouflante prestation. Il est grand temps de partir mais pas facile de tourner le dos à un show qui continue ! Délicieux malaise instillé depuis le début (ce mot a-t-il un sens ? on doute, on doute !) par l’ambiance toute d’ombre et de lumière, de silence brumeux troublé par la profusion d’une somptueuse bande-son et la présence presque brutale du trio de danseurs qui crève l’écran. Le blouson rouge Fureur de Vivre et le front couronné de blondeur boudeuse font de Michelle Boulé micro en mains -«Seul, seul, je suis seul...»- un James Dean postiche si évident que l’on a un peu honte d’y prendre tant de plaisir, à cette fantasmagorie libre et pétante d’énergie autour de l’idole absolue du désarroi sexy (américain ?) ; mixture, texture et tempo d’enfer : éclats de voix, gémissements distordus venus de

A.F.

Empty moves a été dansé au Pavillon Noir, Aix du 20 au 23 oct Empty Moves © Agnès Mellon

Last Meadow © Ian Douglas

l’Est d’Eden, triangle familial et amoureux ; Tarek Halaby porte robe, barbe noire et bras au ciel ; Miguel Guttierez, le chorégraphe, zigzague en père faiblard. Le plateau est submergé de musique : courses folles à travers le Requiem de Mozart, galopades débridées avec Madonna ou reptations vigoureuses ; désir fragile, émotions surexposées, gesticulation tragique des corps qui se donnent massivement (move move movie) entre aerobic métaphysique et night-club déjanté. Vulgaire ? Efficace ! On ne peut même pas faire la fine bouche quand on sait que «Last Meadow» désigne métaphoriquement la congestion cérébrale ! MARIE-JO DHO

Last Meadow a été présenté au Pavillon Noir les 5 et le 6 nov


CHÂTEAU-ARNOUX | DANSEM

En caractères grâces

Alea © Agnes Mellon

Michel Kelemenis et sa compagnie présentaient au Théâtre Durance trois poèmes chorégraphiques : Disgrâce, une confrontation gestuelle pour cinq danseurs créée en mai 2009 ; That Side, brillant solo féminin de Caroline Blanc, une création déchirée et déchirante sur un ailleurs intérieur. Et Aléa, réécriture d’un quatu-corps oppositionnel de 2005 réordonné en croisements, rencontres, éloignements d’un septuple corps de ballet qui n’a plus rien d’aléatoire. Une gestuelle que télescopent les échos musicaux électroacoustiques de Christian Zanessi pour questionner la complexité du rapport à l’Autre dans le parti pris d’une écriture volontairement précise, rigoureuse de l’enchaînement. La ponctuation de l’ordre gestuel est accentuée par l’aspect naturellement syncopé du support musical électroacoustique, et la sobriété minimaliste des costumes,

comme pour laisser toute sa place au mouvement. Seuls quelques poursuites et rais de lumière font décor à l’ouvrage, projetant des ombres pariétales aux murs noircis de la scène. La rigidité recherchée du trait chorégraphique est parfaitement servie par la perfection de copiste des danseursgymnastes de la compagnie. Ainsi la confrontation et le télescopage des phrases gestuelles se trouvent magnifiés dans un extrémisme volontaire qui pourrait se percevoir comme un fait autocratique… rigueur qui interpelle, interroge, ne peut laisser indifférent mais dont la sécheresse peut laisser parfois le spectateur sur une soif d’apaisement. YVES BERCHADSKY

Disgrâce, That Side et Aléa ont été dansé le 22 oct au Théâtre Durance

Dense émotion

DANSE

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Danse, aime La 13e édition de Dansem a débuté, après le préambule des Questions de danse de Michel Kéléménis, avec une création d’Hélène Cathala, La Jeune fille que la rivière n’a pas gardée. Un solo qui ne manque pas de qualités belle présence irradiante d’une danseuse qui joue quelque chose entre la proie et l’ombre, intéressant dispositif de sons déclenchés par le mouvementmais signe aussi les difficultés d’un genre coincé dans une économie qui l’aliène : les compagnies de danse contemporaine vivant avec des moyens misérables, les solos expérimentaux centrés sur l’expression d’un moi souffrant ou marginal se succèdent. Celui-ci a pris le temps d’une certaine écriture. Mais que dit-il, sinon sa propre difficulté à être ? Emblématique de Dansem ? Sur certains points certainement : depuis 14 ans l’Officina propose un festival qui multiplie les événements et irrigue le territoire, a fait connaître de nombreux artistes méditerranéens aujourd’hui programmés partout. Mais ses moyens ne permettent pas de financer des créations ambitieuses : L’Officina et Dansem ont en tout 137 000 euros de subventions. Alors ils se débrouillent, avec talent : ils tissent des partenariats nombreux avec les théâtres qui cofinancent les spectacles accueillis et les intègrent à leur propre programmation (le Bois de l’aune à Aix, Arteum à Châteauneuf-le-Rouge et La Roque d’Anthéron entrent cette année dans la danse…) ; mais si l’Officina paie les artistes, leurs cachets, leurs déplacements, ils n’achètent pas vraiment les spectacles, et ne peuvent garantir des séries…

Une économie précaire qui apparaît dans la programmation, fondée sur de très nombreux solos ou duos, et des formes programmées une ou deux fois, qui ne permettent pas aux œuvres d’atteindre une maturité et installent comme un choix esthétique le concept d’«œuvre en cours». Malgré cela la programmation de Dansem reste passionnante ! Parce qu’elle est conçue par de vrais amoureux de la danse contemporaine, qui connaissent leur terrain méditerranéen et sont reconnus à ce titre par leurs pairs : ainsi les Bernardines s’engagent financièrement pour accueillir quatre formes de la Cie Mal Pelo, le Théâtre Durance, qui accueille en résidence la Cie Tecnologia Filosofica, se donne les moyens de programmer une création de 8 danseurs, de même que le Théâtre d’Arles qui accueille un quintette, la dernière création d’Ambra Senatore. En dehors de cela il faut noter la présence de Nacera Belaza à la Minoterie : la chorégraphe reste fidèle à Dansem qui l’a programmée bien avant ses succès… Et puis toutes les créations des compagnies de la région : Ex nihilo, Montaine Chevalier, Carol Vanni, le Collectif KO.com de Manon Avram trouvent avec Dansem un soutien indispensable pour continuer à créer tant bien que mal dans un contexte économique désastreux… Parce que tous aiment la danse ! AGNÈS FRESCHEL

Dansem Jusqu’au 17 déc 04 91 55 68 06 www.dansem.org Cet instant là © Fabio Melotti

Le rêve dansant de Pina Bausch sculpte le geste émotionnel dans la matière brute du mouvement adolescent. Modelage à l’âge du corps à cœur. Matière sensible bouleversée et bouleversante. À l’aube des sensualités, s’éveille en touches pointillistes l’accord à l’Autre. L’intelligence écorchée accouche de poésie sensible. Chorégraphie d’une humanité subtile et parfumée. Une façon de respirer et sentir l’amour de la vie ! Y.BC

Les rêves dansants, sur les pas de Pina Bausch, un film de Anne Linsel et Rainer Hoffman, sorti le 13 oct

Les Reves dansants, sur les pas de Pina


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DANSE

AU PROGRAMME

Traces Hollywoodien Museum Marco Boccherini danse son histoire. Seul. Mis en Olivier Dubois, après avoir surpris douloureusement Laurent Pichaud propose un parcours chorégraavec un Faune très personnel, s’attache à un autre mythe du spectacle, moins lourd et sulfureux. Mais Franck Sinatra est-il seulement sirupeux ? La voix hollywoodienne emmène le duo Olivier Dubois/Marianne Descamps vers des contrées insoupçonnées, loin du glamour en noir et blanc, au pied des escaliers que l’on parcourt en claquettes…

scène par Bruno Deleu, ce solo autour de la mémoire d’un homme à terre qu’un deuil habite s’anime peu à peu… Le Storie de Italo Du 18 au 20 nov Théâtre du petit Matin, Marseille 04 91 48 98 59 http://cie.campo.free.fr

L’homme de l’Atlantique Le 23 nov Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

Hip hop symphonique Décidément le parcours de Kader Attou n’a rien d’attendu : premier chorégraphe issu du hip hop promu directeur d’un centre chorégraphique national, il délaisse depuis longtemps déjà non les techniques de mouvement du hip hop, mais ses rythmes binaires et ce qui le rattache au rap. En faisant danser ses interprètes sur la musique souvent très poignante de Gorecki, compositeur contemporain mort le 12 nov dernier, il emmène Accrorap encore plus loin : sa célèbre Symphonie n°3 (dite des Chants plaintifs) pour soprano et orchestre a des accents d’un romantisme exacerbé, que le chorégraphe rend par des costumes aux rougeurs dévoilées, et des envolées tristes, et superbes…

Nîmes, y propose au terme d’une résidence de création une pièce pour huit (très beaux) danseurs. Une création au titre qui sonne comme une antiphrase : Tout va bien dit les batailles, le monde qui se déglingue au son des marches militaires, évoque l’époque noire où le Nazisme montait à travers Kurt Weill, le Kubrick de Full métal Jacket, les insultes hurlées pour mieux soumettre les esprits et les faire marcher au pas.

© M. Lidvac

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Che Malambo du 10 au 12 déc Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com les 13 et 14 déc Scène Nationale de Sète 04 67 74 66 97 www.theatredesete.com Le 16 déc Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr le 17 déc Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr

© Kader Attou

Hip hop sur canapé Au Pavillon noir c’est la petite pièce tout public de

© Yves Petit

Kader Attou qui montrera l’étendue du talent de ses danseurs. Proche du cirque, acrobatique, théâtrale, masculine, parcourant autour d’un canapé des souvenirs d’enfance mêlant les histoires qu’on raconte à celles que l’on a vécues, la pièce est d’une énergie folle…

Tout va bien Les 8 et 9 déc Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

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Une danse acrobatique et masculine venue d’Argentine… Partout où il passe, Che Malambo entraîne les spectateurs dans sa folle énergie tellurique, liée à la tradition des gauchos mais plongée dans une énergie d’aujourdhui, et une musique qui bat, interprétée en live.

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Une notre trace Du 24 au 27 nov Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

Soumission Alain Buffard, nouvel artiste associé au théâtre de

Spectaculaire

Symfonia piesni Zatosnych les 26 et 27 nov 04 90 78 64 64 Scène Nationale de Cavaillon www.theatredecavaillon.com le 3 déc Scène Nationale de Sète 04 67 74 66 97 www.theatredesete.com

Petites histoires.com Du 15 au 18 déc Pavillon noir, Aix 0811 020 111 www.preljocaj.org

phique au cœur du Museum d’histoire naturelle de Nîmes. Un parcours d’une heure (de 14h à 20h) forcément insolite, entre vivant et naturalisé, mort et artifice, qui joue aussi sur les comportements liés au musée : ceux des visiteurs, des gardiens, des épousseteurs. Des animaux ?

© Marc Domage

Blancheur et reflets Peeping Tom est certainement l’une des cies les plus dérangeantes de la danse contemporaine belge. Travaillant autour d’univers déboussolés, au bord de la crise, et de relations humaines atypiques, trop violentes ou trop tendres, déplacées, chacun des spectacles de la Cie marque profondément ceux qui les voient. Ici il s’agit de six personnages, comédiens danseurs, qui vivent dans des mobil homes enneigés et traversés d’apparitions fantastiques… Le théâtre d’Arles programme également, dans le cadre de Dansem (voir p 25), un quintette féminin sur la gémellité, le miroir, la ressemblance, d’Ambra Senatore. 32, rue Vandenbranden Le 30 nov Passo Le 14 déc Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com



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DANSE

AU PROGRAMME

Road-movies L’Iceberg porte un regard sur le monde et ses

hop encagé exposant Nos Limites sociales, physiques, émotionnelles. Un spectacle qui vise juste et frappe fort, s’adressant à tous par son urgence et la virtuosité brutale de sa danse.

mutations. Spectacle de cirque chorégraphié, conçu par la chorégraphe Florence Caillon et l’auteur journaliste d’investigation Denis Robert, il s’agit aussi d’un road-movie existentiel qui traite, entre bd et polar, des instabilités, des manipulations, de notre rapport au pouvoir, de la domination de la finance, des relations humaines au sein d’un monde chaotique. Le théâtre Durance accueille et coproduit également, dans le cadre de Dansem (voir p 25), la création de la Cie Italienne Tecnologia Filosofica autour d’Orphée et Eurydyce : Der augenblick dort, que l’on peut traduire par cet instant-là, mais aussi le temps de cligner les paupières. Un regard de trop…

> Le Ballet Biarritz de Thierry Malandain vient danser son mix à la fois «magique» et «magnifique» de Petipa, Ivanov et Tchaïkovski : les plus belles pages, sublimées et tendues à l’extrême, comme envolées et passée sous la loupe, de Casse Noisette, La Belle au bois dormant et Le Lac des cygnes. Il y est question de féérie bien sûr, mais chez le chorégraphe néoclassique celle-ci passe toujours par la fascination de la performance impossible, et la perfection presque inhumaine du geste. Une danse rare, étrange et questionnante.

3 Trois La scène conventionnée de Draguignan accueille la

>

Nos limites © Renaud Vezin

L’iceberg Les 2 et 3 déc Der Augenblick dort Le 10 déc Théâtre Durance, Château-Arnoux 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr © stephanie Jaume

Nos limites Le 26 nov Théâtre de Fos 04 42 11 01 99 www.scenesetcines.fr

© Olivier Houeix

Grillages Féerique La Cie N’Possee reprend un beau spectacle de hip

Magifique Tchaïkovski suites Le 4 déc Carré Léon Gaumont, Ste Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com

Just to dance Le 26 nov Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com

Changement

© X-D.R.

dernière création de Héla Fattoumi et Eric Lamoureux, conçue pour trios danseurs Congolais, trios danseurs Japonais et trois danseurs de leur CCN de Caen. Echanges, regards, relations, la danse commune se fonde sur la rencontre d’énergies différentes, et une musique live de Camel Zekri entre improvisation et écriture.

Afro américain Raphaëlle Delaunay dans Bitter Sugar revisite l’histoire de la «revue nègre» en confiant le plateau à 5 danseuses noires qui, sur des standards jazz des années 20 et 30 mais aussi sur de l’électro ou la voix peu sirupeuse de Billie Holliday, interrogent cette période étrange de l’histoire Noire. Où la beauté des corps était magnifiée, tandis que l’oppression la plus injuste et violente régnait. Vous avez dit amer et sucré ? Bitter sugar Le 10 déc Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com © Philippe Savoir

Jérôme Thomas nous avait habitués à des fééries circassiennes, surenchères de jonglage absolu agrémenté d’une belle inventivité de décors et de costumes… Libellule et papillon, s’oriente plus franchement vers la danse, à partir de l’idée de métamorphose introduite par un solo du metteur en scène en cocon. Le spectacle fait un peu défilé d’effets à la longue, mais ravira les mirettes qui aiment à s’émerveiller… Libellule et papillons Le 18 déc Carré Léon Gaumont, Ste Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com

Rosas chante Un événement de plus à Châteauvallon : le CNCDC programme mine de rien la création 2008 d’Anne Teresa de Keersmaeker. Celle où les danseurs de Rosas ont collaboré avec le groupe pop rock soul Zita Swoon. Les choristes dansent, les danseurs prennent les micros en une fusion intelligente des sons et des corps, des pratiques… Car il n’est rien de plus musical que la danse de Keersmaeker. Dancing with the sound hobbyist Le 3 déc Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com



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ARTS DE LA RUE

PORT-SAINT-LOUIS | ARLES | LIEUX PUBLICS

Sont pas frileux les artistes ! Pour sa deuxième édition, la manifestation Carrément à l’Ouest, toujours sous l’impulsion de Scènes et Cinés et du Citron Jaune, s’est installée dans le quartier Ambroise Croizat, entre pavillons, immeubles et surface commerciale. Malgré le froid (oui, il fait froid mioctobre !) et les annulations (la faute du vent pour le duo Hautes-pointures des Colporteurs et une blessure pour la cie Jeanne Simone) le public était au rendez-vous. Bravant le Mistral, le duo poétique Tarina des Colporteurs s’est élancé, funambules aussi virtuoses sur la terre ferme que sur leur filin composant leur structure en étoile qui semble flotter dans l’espace. Léger sourire aux lèvres Elle trottine, saute, natte ses cheveux comme si de rien n’était, tandis que Lui, plus sérieux, la regarde, et commence à la suivre… La rencontre se fera après quelques très beaux moments de poésie suspendue,

Les Colporteurs © D.M.

de danse dans les airs, d’étreintes poignantes… À quelques pas de là attend la savoureuse Hélène Pirenne, alias Lorgnette, devant une palissade ingénieusement bricolée. On s’installe fissa, elle rigole pas Lorgnette. En apparence du moins…

Avec force onomatopées, personnages de chiffon et gestes suggestifs, elle raconte Le Petit Chaperon rouge. Enfin, SON petit Chaperon rouge, une vision très personnelle et hilarante adoptée à l’unanimité ! Elle prend le temps de consulter le livre, faudrait pas se trom-

per dans l’ordre des saynètes, de fustiger la mère-grand qu’elle trouve au lit avec le chasseur, de balader le chaperon, et, surtout, d’enfiler le costume du loup qui lui va comme un gant. Jouissif ! Puis, en fin d’après-midi, Solita s’avançait avec, dans sa petite carriole, tout son univers d’exilée espagnole qu’elle exposait à ce pays d’accueil enfin trouvé. Sous une banderole de bienvenue elle se raconte : la guerre, «que mierda !», sa famille, la religion, son amour, son pays, qu’elle chante et danse, ses espoirs… et l’Espagne, dont les poncifs appuyés par cette drôle de clown provoquent le rire malgré tout. On prend rendez-vous pour l’année prochaine ? DO.M.

Carrément à l’Ouest a eu lieu à PortSaint-Louis du 13 au 16 oct

Juste pour rire !

Quand la rue manifeste

Droits dans leurs grandes chaussures de clowns, les Cousins vont se mettre au travail. En tous cas c’est ce qu’ils promettent, avant de partir faire autre chose bien sûr. Enfin du moins René le répète, «Au travail !», parce que Julot, lui, aimerait bien se poser un peu, sur un coin de chaise par exemple, après avoir suspendu son pardessus sur le facétieux porte-manteau à bascule… Il y en a du travail dans ce numéro de clowns qui revisitent leurs classiques : gags basés sur l’accumulation, la répétition, le jonglage d’assiettes qui mène au carnage ménager, la malle à malice qui garde son mystère, les verres d’eau recrachés par cinquante jets brefs, les bretelles capricieuses, les ballons qui s’envolent… Rien n’est inconnu dans ce répertoire et pourtant tout semble frais et fin : en dignes héritiers des personnages les plus marquants d’une tradition circassienne un rien évaporée, ou de héros disparus du cinéma burlesque tels les Marx Brothers, Keaton ou Chaplin, René et Julot réinventent les gestes et les situations, jusqu’au concert interactif humide et maîtrisé de bout en bout !

En ce contexte de conflit social Small is beautiful s’est poursuivi avec un peu moins de succès. Comme si l’art de la rue trouvait un prolongement naturel dans la contestation publique, qui du coup lui volait ses troupes… À Aubagne il y eut moins de monde qu’on aurait cru, à Martigues à peine plus, et la venue du Collectif Berlin, coproduite par le Merlan et les Rencontres d’Averroès, s’avéra peu spectaculaire : les dispositifs vidéos, environnés ou non de performances, emmenaient vers des portraits de villes très bien construits mais lointains, tandis que sur les trottoirs marseillais s’accumulaient les tas malodorants des reliefs de nos vies intimes, et que dans les manifs les gorges s’égosillaient, inventant des slogans anciens. La rue, occupée à se révolter, à s’engorger, à occuper l’espace, n’était plus attentive à ces petites choses qui, grâce à Lieux Publics, déstabilisent régulièrement son quotidien routinier… La Sirène du 3 déc fleurait encore cette révolte-là. La loi votée, les poubelles ramassées, les sirènes des bateaux bloqués retentissant moins fréquemment au lointain maritime, la vie banale semblait reprendre ses droits, et le rituel du premier mercredi du mois rassembla le public habituel… qui se trouva face à une manifestation de carton ! Des manifestants très réalistes, dessinés à l’échelle et affublés de

DO.M.

Ça va pas se faire tout seul a été joué au CDC de Saint-Martin de Crau dans le cadre de Cirque et Entresorts © Vincent Muteau

pancartes aux slogans ravigotants, revigorants, métaphysiques, d’aphorismes drôles qui claquaient comme autant de trouées dans le réel, interrogeaient finement le rapport de la psyché au social. Le plus éclairant étant sans doute : Quand j’ai la tête dans le sac, mon surmoi est-il dedans ou dehors ? Ou (plus politique ?) Une chaussette propre est une chaussette qui ment. La performance qui visait à verbaliser tout cela, et à entraîner un mouvement collectif du public, fut moins heureuse que cette installation. C’est que la rue ne s’y trompe pas, et ne se laisse entraîner que dans ce qu’elle souhaite: décidément manifester n’est pas jouer. AGNÈS FRESCHEL

Small is beautiful s’est déroulé jusqu’au 23 oct. La sirène de novembre a été proposée par les Cubiténistes le 3 nov.

À venir La prochaine sirène est confiée à Nicolas Cante, qui va disposer 12 pianos désaccordés sur le parvis, et tenter de vous faire trouver un accord -non tempéré- avec la sirène d’alerte… qui sonne faux bien sûr ! Mekanik kantatik Le 1er dec à midi tapante Parvis de l’Opéra de Marseille www.lieuxpublics.fr


Contemporain Avec Traces, le collectif de cirque québécois Les 7 doigts de la main livre un cocktail à la croisée du cirque, de la danse, du dessin et de la musique. Un cirque ingénieux et original, à dimension humaine, qui régénère l’acrobatie traditionnelle en l’associant au meilleur de la culture urbaine : tout est prétexte à la performance, à la prise © OCDphoto de risque, aux tours de forces acrobatiques entre mâts chinois, skateboard, ballon de basket dans un esprit résolument jeune et pétulant. Une pure énergie qui, en prime, jongle aussi avec la musique : de l’électro à la salsa, de Radiohead à Gonzalès. Traces Les 12 déc Théâtres en dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com les 15 et 16 déc Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

Regarde Zimmermann & de Perrot ont travaillé pour Chouf Ouchouf (regarde, regarde encore !) avec le groupe acrobatique de Tanger. Le résultat produit une merveille d’acrobatie et des étincelles de magie pure. Ancré dans la réalité du Maroc, le spectacle amène l’exploit acrobatique au plus près d’une émotion qui s’appelle poésie. Chant, danse, musique accompagnent les numéros d’équilibre de ces acrobates hors pairs qui revendiquent leur identité avec humour et virtuosité. Chouf Ouchouf Les 10 et 11 déc Théâtre La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu

Brouillard Nebbia est le dernier spectacle de la Trilogie du Ciel, une production du Cirque Eloize et du Teatro Sunil. L’imagination du metteur en scène Finzi Pasca atteint des sommets poétiques. Les acrobates sont également acteurs, danseurs, chanteurs et musiciens. Dans un écrin de fan-

taisie et de lyrisme, les tableaux présentés sont toujours associés à un rêve. Pour rire, réfléchir et pleurer. Nebbia Du 3 au 5 déc Théâtre le Toursky 0820 300 033 www.toursky.org

Virtuoses Accompagnée de trois solistes lyriques (soprano, baryton et haute-contre), la fanfare Les Grooms, bien connue des amateurs de festivals de rue, revisite l’opéra d’Henry Purcell, le Roi Arthur. Dynamitant tous les codes habituels de la représentation, les musiciens de la fanfare n’ont besoin ni de partitions, ni de décors, encore moins de chef d’orchestre pour réinventer la trame de l’opéra, jouant pour et avec le public cette histoire d’amour et de rivalité avec virtuosité et beaucoup d’humour. Un Roi Arthur Le 11 déc à 19h Théâtre de l’Olivier 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr


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MUSIQUE

AU PROGRAMME

Olympe «Années folles» La production du festival d’Aix 2009 Orphée aux Enfers fut une bonne surprise ! On peut (re)découvrir l’Opéra bouffe d’Offenbach dans la région en cette fin 2010, emmené par la jeune et talentueuse troupe d’acteurs-chanteurs pour un moment de fraîcheur, enthousiaste et pétillant ! L’«Olympe» d’Yves Beaunesne s’étage dans un

hôtel particulier parisien des années trente où trône un Jupiter à bretelles, caricature de président U.S, et sa cour qui «fout le camp» : Vénus «vamp», Diane chasseresse à la Feydeau, Minerve en «bourge» à la Valérie Lemercier, Junon hystéro, Mercure échappé du Tour de France manœuvrant sa bicyclette, Cupidon «gavroche», Pluton dandy plus félon que nature… © E. Carecchio

et le passeur John Styx, poivrot à la mémoire courte. Pauline Courtin incarne une Eurydice, soubrette gouailleuse, poupée-jouet d’une farce douce-amère, tandis qu’Orphée (Julien Behr), si peu pressé d’aller chercher sa «moitié» aux Enfers, possède quelque chose d’un félibrige à la Mistral… Le tout sous l’objectif voyeuriste d’une «Opinion publique» paparazza avant l’heure. Les dialogues parlés réactualisés font «mouche», comme l’air du même nom ou celui des «baisers», jusqu’au Can-can final, cocasse et habilement «escamoté»… L’humour et la fantaisie dominent, le tout dirigé par Samuel Jean ! JACQUES FRESCHEL

Orphée aux enfers Les 24 et 26 nov. à 20h et le 21 nov. à 14h30 Opéra de Toulon 04 94 92 70 78 www.operadetoulon.fr Le 10 déc. à 20h30 et la 12 déc. à 15h Grand Théâtre de Provence, Aix 04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net

Bel canto Le Théâtre de Nîmes propose à ses fidèles de faire quelques kilomètres vers Montpellier pour assister aux représentations de Semiramide de Rossini. Sûr que cette production de l’Opéra de Berlin avec l’Orchestre et les Chœurs nationaux de Montpellier et Bordeaux attirera un large public, bien au-delà des frontières de l’Hérault et du Gard ! Le jugement hâtif de Stendhal (Vie de Rossini - 1830) sur l’opéra créé à Venise en 1823 a heureusement fait long feu : le qualifiant de «germaniste», le jeune écrivain prétendait, avec une mauvaise foi légendaire, qu’il ne lui avait «fait aucun plaisir». On s’accorde

La maledizione… aujourd’hui à en vanter les vertus musicales, les prouesses vocales jadis surmontées par Sutherland ou Caballe. C’est la soprano Laura Aikin qui assure le rôle-titre sous la baguette d’Antonino Fogliani dans une mise en scène de Kirsten Harms. J.F

Sémiramide Le 28 nov. à 15h et le 30 nov. à 20h Opéra Berlioz Le Corum Montpellier 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.org

Après La Tosca l’an dernier, la Scène Nationale de Sète accueille les Chœur et Orchestre philharmonique Giuseppe Tartini de Rome pour un chef-d’œuvre populaire de Verdi : Rigoletto. Malgré l’immoralité du séducteur le Duc de Mantoue, la jeune Gilda l’aime ! Par malheur («Ah, la maledizione !»), son père le bouffon bossu Rigoletto, pour venger son honneur, commet involontairement l’irréparable… L’opéra, tragique au possible, inspiré du drame romantique Le Roi s’amuse de Victor Hugo, recèle des airs parmi les plus appréciés du répertoire lyrique, dont le fameux : «La donna e mobile».

Les trois principaux rôles ont été marqués par les plus grandes voix : de Pavarotti (le Duc) à Callas (Gilda) ou Gobbi (Rigoletto)… La troupe transalpine est dirigée par Tulio Gagliardo dans une mise en scène d’Antoine Selva. J.F.

Rigoletto Le 28 nov à 15h Théâtre Molière Sète 04 67 74 66 97 http://theatredesete.com

Jean-Frederic Neuburger © Kortney Roy

Longue balade nocturne et romantique… René Martin essaime sa Folle nuit nantaise dans des dimensions moins pléthoriques, comme à Nîmes où il propose au public noctambule (et endurant) d’appréhender les compositeurs de la génération 1810 : Chopin, Schumann, Liszt et Mendelssohn. Deux pianistes aux talents très différents proposent, en cinq concerts d’une petite heure chacun, un «trip» autour d’opus des ces piliers romantiques. Brigitte Engerer, pianiste à la technique généreuse, héritière des grandes écoles de piano franco-russes, et Shani Diluka dont le toucher subtil donne à ses interprétation une dimension poétique rare, se relayent dans les Harmonies poétiques et religieuses de Liszt, des

Nocturnes et Ballades de Chopin, des Romances sans paroles de Mendelssohn… Elles jouent également avec le Quatuor Voce le Quintette en mi bémol de Schumann ou une transcription du 2e concerto de Chopin. JACQUES FRESCHEL

Folle Nuit Le 5 déc. concerts à 15h, 17h, 19h, 21h et 22h30 Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.org


MUSIQUE 33

Composer avec le passé Le mois que Raoul Lay consacre à la composition musicale (voir p 9) se poursuit avec un concert intitulé les Pinceurs d’âme où la harpiste Lydia Laurent et le guitariste Philippe Azoulay entrelacent leurs cordes pincées aux sonorités des instruments de l’Ensemble Télémaque au grand complet : un programme mêlant des opus de Ravel, Roussel, Villa-Lobos à ceux de deux jeunes brésiliennes Tatiana Catanzaro et Valéria Bonafé et un hommage à Robert Coinel (le 19 nov. à La Magalone - 04 91 39 29 13). Une semaine après, on assiste à la création de deux «Concertos» modernes. Pierre-Adrien Charpy dans Le rêve de l’homme-oiseau reprend l’effectif instrumental d’Octandre de varèse, et Raoul Lay propose crée un concerto pour piano fait de glissements harmoniques : un Glam concerto dédié à Maurizio Kagel, qui se souvient aussi

du Double concerto pour violons (Yann Le Roux-Sédes et Jean-Christophe Selmi) de Bach. Deux œuvres de «l’école marseillaise» de composition à découvrir dans une mise en perspective originale qui portent à 9 le nombre de pièces créées durant ce mois de la composition (le 26 nov aux Bernardines - 04 91 24 30 40). Après les penseurs (Boulez, Schoenberg), les deux épisodes suivants, instructifs et pédagogiques, de l’Histoire de la Musique (à l’Alcazar, entrée libre) mettent en lumière les instinctifs (Stravinsky, Riley, Prokofiev… le 23 nov à 18h) et les sensuels (Ravel, Messiaen, Dutilleux…le 7 déc. à 18h). Jean-Marc Fabiano invite aussi le public à découvrir les formidables possibilités modernes de l’accordéon, bien loin de l’image «musette» qu’il véhicule parfois (le 30 nov. à 18h). J.F.

Lydia Laurent © Agnes Mellon

Le Mois des Compositeurs jusqu’au 7 déc Marseille 04 91 39 29 13 www.ensemble-telemaque.com

Harmonies phocéennes Nemanja Radulovic St Victor © Eric Manas

Après les représentations du «Grand-opéra» Samson et Dalila de Camille Saint-Saëns, chef-d’œuvre du genre, qui se poursuivent avec Olga Borodina et Torsten Kerl dans les rôles-titre sous la direction d’Emmanuel Villaume (les 23 et 26 nov à 20h et le 20 nov à 14h30), on attend la venue du prodige du violon Nemanja Radulovic qui jouera le Concerto de Barber avec l’Orchestre Philharmonique (dir. Guy Condette). On entend également l’Ouverture de Candide de Bernstein, la Suite «A symphonic Picture» de Porgy and Bess de Gershwin et la Symphonie n°4 commandée par la Ville de Marseille au compositeur marseillais Nicolas Mazmanian (le 2 déc. à 20h). On n’oublie pas les formidables concerts de Musique de chambre donnés dans la luxueuse salle du Grand-Foyer. On y découvre (pour quelques euros) des solistes de haut-vol, issus de l’Orchestre de Marseille démontrant l’excellent niveau technique et expressif de la phalange municipale. Un program-

me Brahms fait entendre ses deux grands Sextuors à cordes avec Roland Muller, Alexandre Amedro (violon), Magali Demesse et Xavier Franck (alto), Jean-Eric Thirault et Odile Gabrielli (violoncelle – le 27 nov. à 17h). On y découvre un programme pour vents de Janacek (Mladi – septuor), Bizet (Suite de Carmen – nonette) et la Petite Symphonie de Gounod avec Jean-Marc Boissière (flûte), Armel Descotte et Bernard Giraud (hautbois), Didier Gueirard et Pascal Velty (clarinette), Stéphane Coutable et Hervé Issartel (basson), Julien Desplanque et Philippe L’Orsa (cor – le 11 déc à 17h). JACQUES FRESCHEL

Opéra de Marseille 04 91 55 11 10 www.opera.marseille.fr

Noëls tournants 18 ans que le CG des Bouches-du-Rhône organise la tournée Les Chants de Noël ! Dans son église de village ou de quartier, tout un chacun (près de 17000 personnes) peut accéder à des concerts gratuits, de haut niveau, et élargir son propre champ culturel. 55 spectacles sont annoncés pour cinq productions différentes : la moitié à Marseille le reste dans les communes du département. La Maîtrise des Bouches-du-Rhône dirigée par Samuel Coquard nous embarque dans un conte imaginé autour de la Nativité. On entend a capella des mélodies ancestrales illustrant le mystère de Noël et une Flûte enchantée qui sert de fil conducteur au récit, commente l’action, dialogue et surplombe les voix angéliques.

Juan Carmona guitariste emblématique de la nouvelle génération flamenca réunit des artistes espagnols pour nous faire partager la célébration d’un Noël Andalou au travers de «Villancicos» et la danse de Carmen Lozano. Les Corses de Barbara Furtuna mixent leurs voix au trio marseillais Multitudes (violon, guitare et contrebasse) pour un voyage méditerranéen au gré de berceuses, hommage à la Vierge, chants sacrés et chaleureux de la Nativité. La compagnie Les Bijoux Indiscrets propose un Noël baroque inspiré par la féminité. Des compositrices Antonia Bembo, Bianca Maria Meda, Xaveria Peruchona, Isabella Leonarda… servies par Edwige Parat (soprano), les violons de Stéphanie Erös,

Béatrice Linon, le violoncelle d’Etienne Mangot et Claire Bodin au clavecin. Ariel Ramirez, compositeur argentin des Misa Criolla et Navidad nuestra catholiques et Raúl Barboza, accordéoniste et interprète de la culture animiste des indiens Guarani, invitent à des Noëls Argentins. Entre théâtre et musique, par L’Atelier du possible. JACQUES FRESCHEL

Les Chants de Noël du CG13 du 3 au 23 déc www.culture-13.fr


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MUSIQUE

Orgue

Mezzo

Schumann

Louis Robilliard joue Liszt, Widor, Franck et Fauré sur le Cavallé Coll historique du 124 rue Paradis. MARSEILLE. Le 18 nov. à 20h30 Eglise St-Joseph

Angelika Kirchschlager chante des Lieder de Schubert avec l’Orchestre de chambre de Bâle (dir. Paul McCreesh) qui joue également la Symphonie n°2 de Brahms. AIX. Le 27 nov. à 20h30. GTP

Brigitte Engerer interprète le Concerto pour piano de Schumann en compagnie de l’O.L.R.A.P. (dir. Laurent Petitgirard) qui joue aussi sa 1re symphonie. AVIGNON. Le 3 déc. à 20h30 Opéra-Théâtre.

Bois Fabrice Ropolo présente De Jean-Sébastien Bach à Michel Portal sur ses flûtes traversières, bansuri ou clarinette basse, passe de la gigue irlandaise au raga indien, de Piazzolla à Marin Marais… MARSEILLE. Le 20 nov à 20h30 Eglise Notre-Dame du Mont 04 91 54 76 45 www.musiqueandco.com

Egalement le 10 déc. à 20h30 avec Pierre Grivolla à La Magalone 04 91 39 28 28 www.citemusique-marseille.com

04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net

Maître Guy

Cristina Ortiz

Le trompettiste Guy Longnon a marqué la scène jazz hexagonale avant la vie musicale locale où, au Conservatoire Barbizet, il créa la première classe de jazz en… 1963 ! Combien d’élèves sont ressortis animés de ses cours ! On se réunit sous l’impulsion d’Yves Laplane pour rendre hommage au vieux maître, homme si généreux et passionné… MARIGNANE. Le 27 nov. à partir de 20h30 Théâtre Molière Entré libre

La Brésilienne joue le 4e Concerto pour piano de Beethoven avec l’Orchestre de l’Opéra de Toulon (dir. Darell Ang) qui interprète aussi la Sinfonietta de Poulenc. TOULON. Le 7 déc. à 20h30

Française

Trio

Debussy, Ravel, Saint-Saëns, mais aussi Louise Farrenc et Théodore Dubois sont à l’honneur pour un Week-end Musique française. ARLES. Le 20 nov. à 17h Nouveaux Talents - entrée libre et le 21 nov. à 11h Duo Memtanu/Gastaldi.

Les frères Joubran sont légataires de la tradition du oud, rehaussée de compositions originales et d’improvisations. Palestiniens à l’écoute du verbe de Mahmoud Darwich, ils se sont placés À l’ombre des mots de l’écrivain. Cet hommage vibrant, à travers des textes écrits peu de temps avant sa mort, chante la Palestine, la douleur et la paix. GAP. Le 30 nov à 20h30. Théâtre de la Passerelle

04 90 49 56 78 www.lemejan.com

Orgue & voix Cyril Rovery (baryton), Marie Noëlle Grini-Grandval et Christophe Guida aux claviers. LES-PENNES-MIRABEAU. Le 21nov. à 16h30

Pèlerins L’ensemble La Fenice (dir. Jean Tubéry) et Ariana Savall (soprano et harpe) nous guident sur le Chemin de St-Jacques de Compostelle avec des répertoires européens du XVIIe siècle. MARSEILLE. Le 25 nov. à 20h30. Festival de St-Victor 04 91 05 84 48 www.chez.com/saintvictor

Trip acoustique Les Acousmonautes présentent : Voyage en Acousmonef. Des œuvres de Francis Dhomont, Marc Favre, Vincent Carinola et Jean-Marc Duchenne présentées en multiphonie avec un dispositif original de diffusion spatialisée du son. AIX. Le 26 nov. Acousmobilo-concert à 16h, 17h, 19h et 20h (15 personnes par voyage) Le son en mouvement conférence à 18h Fondation Vasarely 04 42 20 01 09 www.lesacousmonautes.net

Arménie Hommage au fabuleux joueur de doudouk Levon Minassian. Accompagné de musiciens proches, il mêle les sonorités plaintives de l’instrument, si prompt à exprimer la profondeur de l’âme caucasienne, à toute une poésie révélée par de Michael Lonsdale, Richard Martin et Kelly Martins. MARSEILLE. Le 26 nov. à 21h. Théâtre Toursky 0 820 300 033 www.toursky.org

04 90 82 81 40 www.operatheatredavignon.fr

Chopin 1 Jean-Claude Pennetier et le Quatuor Renoir donnent les deux Concertos de Chopin pour piano et transcription pour quatre cordes. MARSEILLE. Les 30 nov. et 2 déc. à 20h30 Fac. de médecine La Timone. SMCM 04 96 11 04 60

Clôture L’Orchestre de Chambre de Toulouse, Cécile Laroche (soprano) et Rany Boechat (alto) dirigés par André Bernard interprètent le Stabat mater de Pergolèse, la Suite de Don Quichotte de Telemann et le Triomphe de l’Amour de Lully… pour clore le festival. MARSEILLE. Le 2 déc. à 20h30. Festival de St-Victor 04 91 05 84 48 www.chez.com/saintvictor

04 94 92 70 78 www.operadetoulon.fr

Piano David Fray joue Mozart (Sonate en ré majeur et Fantaisie en do mineur) et Beethoven (Sonates «Waldstein» et «Pastorale») AVIGNON. Le 7 déc. à 20h30 Opéra-Théâtre. 04 90 82 81 40 www.operatheatredavignon.fr

Violoncelle Sonia Wieder Atherton (violoncelle) et Bruno Fontaine (piano) jouent Britten, Piazzolla et des chants juifs traditionnels… ARLES. Le 12 déc. à 11h. 04 90 49 56 78 www.lemejan.com

Accordéon Richard Galliano swingue d’ordinaire sur les standards de jazz ou tangue sur Piazzolla. Mais au Grand théâtre il jouera des transpositions de fameuses partitions de Bach en s’entourant de Sébastien Surel et Saskla Lethiec (violons), Jean-Marc Apap (alto), Eric Picard (violoncelle) et Stéphane Logerot (basse). AIX. Le 14 déc. à 20h30. GTP 04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net

«Convergences»

Chopin 2

Cycle de concerts bâti sur la confrontation de duos : Lucie Antunes (percussions) et Joël Versavaud (saxophone), Xavier Charles (clarinette) et Jean-Léon Pallandre («phonographiste»), Agnès Pyka et MarieLaurence Rocca (violons) au service d’opus de Xenakis, Stockhausen, Berio… Avec également une création électro-visuelle de Patrick Portella, une rencontre autour du Gamelan balinais et une version filmée de l’opéra arabe Zajal de Zad Moultaka. MARSEILLE. Du 2 au 10 déc. GMEM

Richard Martin clôt l’année Chopin en grande pompe avec Dang Thaï Son qui joue avec l’Orchestre de chambre de Toulouse (dir. Claudio Cruz) les deux merveilleux Concertos pour piano du franco-polonais. MARSEILLE. Le 14 déc. à 21h. Théâtre Toursky

04 96 20 60 10 www.gmem.org

Procès Caroline Sageman incarne la pianiste mystificatrice Joyce Hatto dont le mari publia une centaine de CD qui s’avèreront, après sa mort en 2006, des faux piratés à d’autres pianistes. Elle joue Mozart, Tchaïkovski et Debussy, avant la tenue de son procès par Solange Brun (l’accusatrice) et Jacques Di Costanzo(l’accusé) sur un texte de Gérard Abrial. MARSEILLE. Le 3 déc. à 20h15 Pullman Palm Beach 06 14 88 19 24 lesmailomanes@free.fr

0 820 300 033 www.toursky.org

Noël baroque Les Festes d’Orphée présente Grands motets Provençaux en Noëls : Dixit de Auphand et Magnificat de Dupertuys agrémentés du Concerto fatto per la notte di Natale de Corelli & la Suite n° I de Boismortier pour trois flûtes. AIX. Le 15 déc. à 20h30 Temple rue de la Masse 04 42 99 37 11 www.orphee.org



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MUSIQUE

GTP

Grands concerts au grand théâtre Au loin coule une rivière

Zhu Xiao-Mei © Julien Mignot

Les trente variations Goldberg de J.S Bach représentent sans conteste un sommet de la littérature pour clavier. Chacune de ces pièces, microcosme de la puissance créatrice du compositeur allemand, derrière une simplicité apparente, dévoile la complexité de cette écriture baroque tardive : les variations s’enchaînent, mécanique céleste, artefact d’un modèle divin, découpant le temps au gré des fluctuations agogiques. Fluidité de la musique, limpidité de l’œuvre, jamais «Bach» (le ruisseau en allemand) n’aura aussi bien porté son nom ! Zhu Xiao-Mei, seule face à son piano, releva le défi d’immerger le public du GTP dans cet ouvrage si intimiste. Pianiste chinoise à la technique admirable, aux pianissimi d’une beauté crépusculaire, la pékinoise osa une interprétation tout en retenue, méditative, splendide mais un peu hermétique ; une lecture quasi contemplative qui avait du mal à s’accorder aux dimensions de la salle : à redécouvrir entre amis dans le secret d’une alcôve.

Modigliani aurait sans doute apprécié que ce quatuor porte son nom ! Le tempérament double de l’artiste, fougueux et virulent, réservé et charmant se retrouva sous les archets insensiblement indisciplinés de ces jeunes instrumentistes. La légère surbrillance du premier violon, le jeu un peu forcé du violoncelliste furent superbement tempérés par le son patiné, tout en rondeur, de l’altiste et de son comparse violoniste. Cet ensemble, pépite encore un peu brute, une fois policé par le temps s’affirmera comme un des spécialistes du genre. Le programme présenté en cette soirée fut placé sous le signe de la dualité : de l’introspection sonore du mouvement lent du quatuor de Debussy, proposé en bis, à l’opus 76 du maître Haydn d’une modernité déconcertante en passant par les deux quatuors op 13 et 80 de Mendelssohn, le public du GTP put apprécier la ductilité de la palette de ces artistes. Le syncrétisme de l’adagio non lento du quatuor en la m du jeune Félix à la croisée des styles -baroque, classique- et des techniques d’écriture -contrapuntique, harmonique- résume à lui seul ce concert qui fut, à bien des égards, décoiffant !

Quatuor Modigliani © Andrew French

Quatre garçons dans le vent

CHRISTOPHE FLOQUET

Ces concerts ont été donnés le 12 et le 19 oct

Armide enchanteresse tiens ton cœur perfide ! L’alternance binaire-ternaire, typique des suites, les entrées fuguées, les lignes planantes des cordes, les appuis du clavecin et les

OFJ baroque - Paul Agnew © Sylvain Pelly

Un fil conducteur, Armide (issu de la Jérusalem Délivrée du Tasse), un orchestre talentueux, l’Orchestre Français des Jeunes Baroque, un chef enthousiaste, le pétillant et so british Paul Agnew, une soprano sensible à la belle technique, Emmanuelle de Negri promettaient un concert de qualité qui fut alourdi cependant par des longueurs : le choix du Concerto Grosso n°3 de Haendel, et de la symphonie La Reine de Haydn, se justifiait assez peu, malgré l’admiration qu’avait Marie-Antoinette pour cette œuvre (d’où son nom !). Puis le chef rappelle les maléfices de la magicienne Armide qui change les chevaliers en animaux et tombe amoureuse de Renaud après avoir voulu le tuer. La Suite extraite de la tragédie Armide de Lully donne toute sa force au drame : belles couleurs de cordes, interventions nettes des bois, la soprano maîtrise les phrases amples et les affects baroques si variés , appogiatures, ornements, trilles : Traître, attends, je

soli des bois, sont de très belle facture. On retrouve de nouveau haine et pitié dans la Cantate Armida abandonnata de Haendel, chant haletant et planant. E. de Negri nous offre un air de Graun, compositeur baroque dont l’opéra Armida n’avait jamais été joué depuis la création ! Al fin è in mio potere : belle ligne de chant et mélodie d’une étrange beauté. Puis l’Air Odio, furore, dispetto, extrait d’Armide de Haydn, est une bourrasque de vocalises, même si la soprano manque d’une marge plus convaincante dans les aigus pour rivaliser avec un orchestre déchaîné de jeunes insouciants, dirigés avec complicité par un chef très présent. Un concert audacieux où le thème et ses variantes se suffisaient largement à euxmêmes. YVES BERGÉ

Ce concert a eu lieu le 4 nov au GTP


QUATUORS

MUSIQUE

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Quatre Tchèques Décidément l’équipe de la Société de Musique de Chambre de Marseille a du nez ! Depuis l’annonce de la venue du Quatuor Zemlinsky à la Timone, ces quatre cordes tchèques ont remporté le 1er Prix du Concours International de Quatuors à cordes de Bordeaux en juillet 2010. De fait, le 9 novembre, on a découvert leur beau travail sur les sonorités s’appuyant sur une grande cohésion. Ces disciples des Talich, Kocian et Prazak ont le sens de l’effet, des contrastes, joués à plein archet comme dans le fameux Quatuor «Les Dissonances» de Mozart, doublé d’une tension dynamique sans relâchement. L’ensemble laisse aussi un espace essentiel au dessin mélodique individuel surgissant de la polyphonie. Il en fut ainsi dans le Quatuor n°1 op.4 d’Alexander von Zemlinsky, œuvre à l’esprit épique, l’écriture élégante et une expression singulière. Un

Réviser son Bach On ne peut nier la belle qualité du concert Bach to the future donné au GTP sous la houlette de Jean-François Zigel. Ni la justesse du propos, ni l’irréprochable prestation des artistes… Inventif, original dans l’approche de Bach, le programme a su ménager des surprises, loin des lieux communs. Il ne s’agissait pas de montrer la postérité de Bach et de présenter des œuvres qui s’en inspirent, mais d’analyser quelques morceaux, puis d’improviser, et d’interpréter sur des instruments contemporains ou non du père de la «polyphonie infinie et infiniment renouvelée». Pratique de l’invention, sonorités électroniques, claviers, piano ou Fender Rhodes, grande Bourbonnaise et petite berrichonne, grand célesta… Cet ensemble hétéroclite était au service d’un propos : la plasticité et l’intemporalité de la musique de Bach. Un quatuor chanté (soprano, alto, ténor, basse) rythme le spectacle, en charmants intermèdes, ainsi que les passages récurrents d’une danseuse papillon aux grands voiles, Raphaëlle Boitel. Curieusement, c’est elle qui recevra les applaudissements les plus enthousiastes ! Parce qu’elle apporta les seuls réels reliefs du spectacle ? On gardera en mémoire la belle sensibilité de l’ensemble et la phrase de Cioran citée en exergue, «sans Bach, Dieu ne serait pas grand-chose»…

© X-D.R

compositeur sous-évalué par rapport aux deux Viennois qui l’encadrent historiquement : Gustav Mahler et Arnold Schoenberg ! Les musiciens ont enfin cueilli dans leur jardin quelques bouquets de Bohème signés Dvorak et Smetana, pour nous les offrir en bis. Dans ces cas-là on remercie… JACQUES FRESCHEL

Trois fois quatre

M.C.

Bach to the future a été donné au GTP le 14 oct Jean-Francois Zygel © Philippe Gontier - Naive

Trois quatuors à cordes en un week-end pour à la Chapelle du Méjan à Arles ! Le Prazak le vendredi 23 octobre et le Cuarteto Casals et le Quatuor Alma le dimanche 25 ! Une programmation somme toute traditionnelle : Haydn, Debussy, Mendelsshon pour l’Alma. Mais se lassera-t-on jamais de La jeune fille et la mort interprété par le quatuor éponyme du grand Pablo ? Après Mozart (K 421) quoi de mieux que ces sublimes variations pour mesurer l’épure de cette formation, puis Bartok (n°4) pour admirer sa géométrie et son évolution déjà annoncée par Debussy… Le Quatuor Prazak quant à lui se centrait sur l’école Tchèque après une incursion Russe et orientalisante chez Borodine (n° 2 en ré majeur) : doublures délicates, imitations, tissu dense au sein d’une forme sonate éternellement stable et paradoxalement génératrices de combinaisons thématiques et de timbres éternellement renouvelées. Le quatuor Tchèque joue alors sur du velours dans la mélodie du célèbre Nocturne et confirme sa filiation identitaire avec Le Quatuor Slave de Dvorak. Cinq pièces facétieuses de Schulhof rappellent le potentiel idiomatique qu’il

reste à exploiter dans ce type de formation au XXe siècle, et aujourd’hui. Prazak assure et en a sous la touche. On ne se lasse pas des fondamentaux : Rejcha (compositeur franco-tchèque du XVIIIe siècle) et deux compatriotes de Bohème interprétés en bis rassurent, et confirment la prolixité et la variété du genre pour les amateurs du carré magique. P.-A. HOYET

Quatuor Prazak © Guy Vivien


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MUSIQUE

SOLISTES

Prodige en ouverture

Augustin Dumay © Luc Jennepin

bonheur évident, et une vraie musicalité, l’orchestre a joué la Symphonette pour orchestre de chambre de Haïm Permont, compositeur israélien né en 1950, puis la Pavane de Gabriel Fauré, toujours grandement appréciée du public, ainsi que la Symphonie n°1 de Bizet. Et l’ouverture de la Pie voleuse de Rossini en bis a fait merveille ! Et malgré quelques aléas, et la lourdeur d’interventions au micro avant chaque œuvre pour annoncer des changements de programme, Scharovsky a dirigé avec maestria : sous sa baguette, chaque œuvre fut sublimée.

C’est avec une pièce majeure du répertoire pour violon que la saison avignonnaise a débuté : Augustin Dumay, dont la renommée n’est plus à faire, a littéralement hypnotisé le public. Son interprétation du concerto en Ré de Beethoven fut bouleversante, tout en noblesse, poésie et virtuosité, qualités qu’il est rare d’entendre réunies. Composée à l’intention du virtuose Franz Clement en 1823, l’œuvre fut longtemps réputée injouable, mais a trouvé en Augustin Dumay un interprète merveilleux, longuement et chaudement bissé. À ses côtés, le chef invité du Philharmonique de Rio, Yeruham Scharovsky, a paru en communion totale avec les interprètes…. L’Olrap aurait-il trouvé un nouveau guide avec le succès de la récente tournée en Corée? Car le triomphe de cette seconde partie de soirée n’a pas pour autant fait d’ombre à la première : avec un

CHRISTINE REY

Ce concert a eu lieu à l’Opéra d’Avignon le15 oct

On tourne ! Silence… La main sur la touche glisse avec la sensualité d’un félin et la nef de St Victor chavire au rythme syncopé de quelque tango de Gardel ou du maître du soir. Quelques minutes plus tôt, Laurent Korcia vibrait à la faveur d’un Duo de Kodaly ou d’une Passacaille obstinée de Haendel, avant qu’un sourire lumineux de Charlot («Smile» des Temps modernes) nous conduise tendrement du ciné muet à la bobine parlante, par le swing de Weeping Willow tiré d’Un Roi à New York… Plus loin, son fameux Stradivarius le «Zahn» (1719) mariera ses pulsations à l’accordéon de David Richard pour un arrangement du fameux thème de la série Mission impossible… Korcia a bâti un programme où les musiques de films ont la part belle. La forme y est originale, en crescendo, mixant les genres, les époques, d’un Duo hongrois de violons signé Bartok à l’Eté radieux de Vivaldi dans lequel le virtuose concerte brillamment avec le Quatuor Voce. Ainsi, sur l’écran bleu imaginaire, les mélodies de Morricone (Cinéma Paradiso) ou Grapelli (Les Valseuses) ont éclairé nos nuits blanches et la toile tombée du 7e Art… Coupez !

Laurent Korcia © Lisa Roze

JACQUES FRESCHEL

Ce concert a été donné le 10 nov à Saint Victor, Marseille

Le chant du piano Abdel Rahman El Bacha © Paul Louis

Il existe, pour chaque instrument et à chaque époque, des interprètes d’exception. Assurément, Abdel Rahman El Bacha, pianiste franco-libanais, est de ceux-là. Il ne fallait donc pas manquer sa sublime prestation au Palais Neptune. En effet, dans un programme généreux concentré sur… 16 œuvres de maturité écrites durant les 8 dernières années de la vie de Chopin, l’interprète a su donner en expert au public venu en masse la pleine mesure de son immense talent. On le sentait habité par l’œuvre du brillant pianiste romantique au point que difficulté technique et musicalité, habillées d’une apparente décontraction, semblaient indissociables. Toute la finesse de son jeu au touché tantôt velouté, tantôt incisif, s’est révélée aux auditeurs en mettant en valeur les mélodies et les raffinements harmoniques subtils de partitions monumentales telles la Polonaise

op.44, la Fantaisie op.49 ou la Troisième ballade op.47, pour ne mentionner qu’elles. Dans ces œuvres aux mélodies inoubliables surgissant d’un puissant magma sonore, le compositeur avait laissé libre cours à son imagination débridée, parfois violente, parfois lyrique et poétique, nécessitant une virtuosité incroyable : le pianiste s’en est emparé avec une aisance confondante, saluée in fine par des applaudissements nourris et deux rappels honorés dans une forme d’extase finale, qui laissait sans voix. ÉMILIEN MOREAU

Ce concert a eu lieu le 10 nov dans le cadre du Festival de musique de Toulon et sa région


La maîtrise du sublime On connaît la qualité des artistes invités par le Festival international des Nuits pianistiques, mais il est des soirs où il faudrait trouver de nouveaux tours pour qualifier la performance de certains artistes. La salle Tino Rossi des Pennes Mirabeau, comble, a connu le privilège d’écouter Liouba Timofeeva. Les chevilles du piano luimême, commandé spécialement à Paris, en perdirent la tête et l’instrument dû être accordé dès le deuxième morceau ! La maestria sans faille de cette immense pianiste, son interprétation subtile et sensible, son impressionnante virtuosité semblent si naturels que l’on en oublierait les prouesses. Toute la technique est au service de l’expression, de la musicalité, du sentiment, sans cette sensiblerie cette affectation romantique si faciles à convoquer dans Liszt ou Chopin ! Chaque phrase, chaque note est libre et inspirée. Le programme suit une progression intelligente, le Scherzo de Chopin vient après les études qui permettent de le comprendre ; la deuxième partie suit l’histoire et progresse en difficulté : à Schubert (Impromptu et Moment Musical) succèdent le célèbre Rêve d’Amour de Liszt et l’Étude la Leggierezza, éclate ensuite la puissance tempétueuse des préludes de Rachmaninov avant Prokofiev, bouleversant de romantique modernité. Démontrant que la musique se trouve

dans les choses les plus simples, elle accorda au public transporté deux rappels, Rêverie de Schumann et la Lettre à Elise. Simple ? Sublime.

De Tartini à Sarasate La belle salle voûtée du Château de Trets accueillait quant à elle le duo Andréa Cardinale (violon) Alessandro Magnasco (piano). La connivence des deux artistes est éprouvée, avec plus de quatre cents concerts en dix ans ! Si la première partie avec l’interprétation du Trille du Diable de Tartini, la sonate 23 en la mineur de Beethoven, semblait hésitante, avec un violon trop sec, nerveux, la sonate 105 en La mineur de Schumann commençait à donner la véritable dimension des deux artistes, un piano virtuose et somptueux, et un violon qui s’affermissait. Mais c’est avec la romance andalouse de Sarasate que le violon prenait enfin son envol, comme transformé, avec une interprétation vive, rapide, enjouée. La musique devenait alors spirituelle, et la danse espagnole de Granados s’enchaîna avec un meilleur aplomb. Ces artistes généreux eurent la gentillesse de céder par trois fois aux nombreux rappels d’un public converti. À noter particulièrement la superbe romance de Rachmaninov, le violon libéré donnait enfin la mesure de son talent. MARYVONNE COLOMBANI

Ces deux concerts étaient donnés le 7 nov et le 23 oct dans le cadre des Nuits pianistiques

Liouba Timefeeva © K. Sakayori


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MUSIQUE

OPÉRA DE MARSEILLE | OPÉRA DE TOULON

Du souffle à l’opéra Bertrand Chamayou © Thibault Stipal - Naive

La saison des concerts symphoniques de l’opéra de Marseille se devait de rendre hommage à Chopin, bicentenaire oblige. Le Concerto pour piano n°2 en fa mineur était interprété par Bertrand Chamayou, Artiste de l’année 2010 aux Victoires de la Musique : pianiste éclectique et très talentueux, il propose un jeu ample et sans emphase, sensible mais sans mièvrerie, un legato sublime dans le Maestoso, une technique éblouissante dans l’Allegro. Dans les trilles résonnantes du Larghetto, le pianiste semblait caresser le clavier tout en restant en contact avec l’énergie du contrepoint imprimé par un orchestre très concentré… Chamayou vit la musique, regard tourné vers Evelino Pidò, chef élégant et fougueux. Puis L’Ouverture du Freischütz de Weber, où les thèmes de l’opéra apparaissent, donna l’occasion à l’orchestre philharmonique de Marseille de jouer sur diverses

palettes : élans éclatants du tutti initial, thème dansant en dialogue entre cordes et cuivres, nerveux, d’un beau lyrisme. La 41e symphonie de Mozart dite «Jupiter» clôturait ce concert. La foi dans le progrès, la francmaçonnerie, la sagesse et la vertu animent le combat du compositeur contre l’obscurantisme : l’énergie incroyable de la fugue finale semble déconnectée du réel -parfaitement rendu par la clarté, la lisibilité des thèmes et des entrées successives, le souci du chef et des musiciens de respecter les motifs principaux et de colorer les motifs secondaires. Un an avant la prise de la Bastille, le génial Amadeus délivrait un message fort avec cette Symphonie… de la Liberté ! YVES BERGÉ

Ce concert de l’orchestre philharmonique a eu lieu le 22 oct à l’Opéra de Marseille

Ouvertures…

Natif de Marseille, le pianiste Cyprien Katsaris mérite d’être plus largement reconnu, à la hauteur de son talent, immense. Plein d’énergie et de subtilité, il a été longuement applaudi le 6 nov à l’Opéra de Marseille. Transcendant de virtuosité dans un second concerto pour piano et orchestre de Liszt, pièce techniquement redoutable et truffée de Orchestre philharmonique de Marseille © X-D.R. pièges, l’invité de marque (pour la première fois !) dans sa ville fait également chanter son clavier avec une douceur incroyable. Ovationné après cette performance concertante, le locataire d’un soir, modeste et ému d’un tel retour dans son bercail, se livra en guise de rappels à l’exercice favori des compositeurs qu’il affectionne et qu’il sert avec talent : l’improvisation sur des thèmes d’opéras. De Samson et Dalila de Saint-Saëns bientôt donné entre ces murs au Tannhäuser de Wagner, le génial improvisateur régala un public aux anges, tout heureux de vivre ce que pouvait ressentir l’auditoire aux mêmes places 150 ans plus tôt. Avant et après ? N’occultons pas la prestation de grande qualité de l’orchestre philharmonique de Marseille et la direction pleine de vitalité du toujours apprécié Louis Langrée. Inspiré de la ballade du poète allemand Bürger, le poème symphonique Le chasseur maudit de Franck offrit de belles couleurs et un festival d’interventions solistes des plus descriptives, à l’inverse de la symphonie en ré mineur, musique pure par excellence, à la masse orchestrale large et généreuse, remarquablement rendue par l’orchestre.

Pour son premier concert de saison, le Festival de Toulon a choisi une fois encore de confier la direction de l’orchestre de l’opéra au chef italien Giuliano Carella. C’est devant un Palais Neptune presque comble qu’ils se sont produits dans un programme consacré au XIXe siècle. La première partie commençant avec l’ouverture de La scala di seta, opéra en un acte, était comme souvent chez Rossini, une mise en oreille électrisante, pleine de fougue et de virtuosité orchestrale. Elle fut poursuivie par l’incontournable Concerto pour violon op.35 de Tchaïkovski dont la partie de soliste était confiée pour l’occasion à la merveilleuse Akiko Suwanai. Cette virtuose japonaise à la technique parfaite, au service d’une remarquable musicalité jouant sur un stradivarius ayant appartenu à J. Heifetz, a laissé l’auditoire totalement conquis avant la pause. À la reprise, l’orchestre et son chef interprétaient la 4e symphonie de Beethoven. Faisant suite à une intégrale du répertoire symphonique du compositeur entreprise la saison passée, cette interprétation aux accents viennois, aérienne, ciselée et dévoilant une architecture ionique aux proportions parfaites achevait ce concert inaugural de fort belle manière. Akiko Suwanai © Leslie Kee

La leçon de piano

EMILIEN MOREAU

Ce concert a eu lieu le 21 oct à Toulon

FRÉDÉRIC ISOLETTA

Question de programme Nina Uhari et Augustin Bourdon © X-D.R.

Le public en a eu pour ses 5 ¤ le 23 octobre à l’Opéra de Marseille ! C’est que l’affiche relevait davantage de la soirée de gala pour mélomane chevronné que du récital «en matinée», dont l’usage veut que l’on y entende d’ordinaire des programmes plus «divertissants». Des trois superbes Sonates proposées, on aurait conservé la lumineuse Fa majeur de Mendelssohn, dont le profond Adagio, au chant simple et nostalgique, récolte à lui seul mille louanges. On aurait nécessairement gardé, en couronnement, le chef-d’œuvre de Franck, la Sonate en la majeur, dont le fameux thème cyclique sonna avec suavité dans la luxueuse salle marbrée. À la ferveur lyrique et vibrante du violon d’Augustin Bourdon, joué à pleines cordes, la pianiste Nina Uhari

a apposé un pathos placide au tragique résigné. Cette entente sensible a convenu à la palette romantique du programme, comme à la ferveur déchirante de la «Grande Sonate» n°2 op. 121 en ré mineur de Schumann (qu’on aurait toutefois pu réserver pour un autre récital…). Usant délibérément de la sourdine, la pianiste au jeu puissant parvenait heureusement à ne pas trop déséquilibrer le duo dans l’acoustique réverbérante du Foyer. Peut-être aussi que les musiciens auraient pu placer en ouverture le Grand duo concertant de Liszt tombé en fin d’agape comme une cerise, certes virtuose, mais un peu fade sur un gâteau chargé. On au-rait que mieux apprécié le bijou d’Arvo Pärt livré en bis ! JACQUES FRESCHEL


LYRIQUE

MUSIQUE 41

Divine Thaïs Pour son ouverture de saison, l’opéra de Toulon a programmé en ce début d’octobre Thaïs de Jules Massenet, un incontournable du répertoire lyrique français du XIXe siècle Sur un livret dont le thème fondateur est le mythe de la rédemption, sujet qui pour l’époque était sans doute sulfureux, le compositeur a construit un opéra autour du rôle-titre dans la plus pure tradition des divas comme l’avait fait aussi Bizet pour Carmen. L’analogie ne s’arrête pas là si l’on songe également à l’exotisme, valeur chère au public de l’époque, à la situation géographique du récit en Egypte par Anatole France, dans le roman dont est maladroitement adapté le livret. Les conditions du succès lyrique étaient à ce prix, et aujourd’hui l’intérêt d’un tel ouvrage réside avant tout dans le choix des interprètes. Autant le dire tout net, la distribution vocale de cette représentation était enthousiasmante, aidée par une mise en scène dynamique et efficace qui offrait aux personnages un espace de mouvement traduisant idéalement leurs doutes respectifs, tandis que la sobriété des décors tranchait avec la richesse des costumes magnifiquement mis en lumière. L’orchestre et les chœurs, impeccables, portaient Ermonela Jaho dans le rôle de Thaïs, au vibrato ample dans le grave et aux aigus cristallins, incarnant une héroïne crédible et très convaincante, à l’instar

© Frederic Stephan

de Franck Ferrari qui était lui aussi parfait en Athanaël, son rédempteur, aidé par une voix puissante de baryton au timbre profond et grave. Le public a donc légitimement rendu aux artistes les honneurs qu’ils méritaient pour cette superbe production.

Thaïs était représentée à l’Opéra de Toulon du 12 au 19 oct

EMILIEN MOREAU

l’offertoire, les croisements entre le grégorien, De Pérotin, Arvo Pärt, Messiaen, Duruflé et Escaich luimême (œuvres et improvisations) ont pu rappeler combien l’écriture d’aujourd’hui se nourrit de ses prédécesseurs lointains. Avec une spatialisation scénique qui joue de l’emplacement des différents tuyaux de l’orgue, l’échange méditatif et contemplatif devint tout à coup coloré, litanique, captivant un public nombreux admiratif de cet «office» singulier, conscient du privilège d’avoir assisté à un moment unique.

C’est sur l’orgue fraîchement restauré de l’église des Réformés que l’organiste Thierry Escaich, interprète, improvisateur et compositeur reconnu, a conduit un Office imaginaire le 8 nov. Avec le concours de l’ensemble vocal Sequenza 9-3, de la pianiste Claire-Marie Le Guay et sous la direction artistique de Catherine Simonpietri, ce grand moment musical spirituel était à l’origine destiné à célébrer le 1100e anniversaire de l’abbaye de Cluny. Véritable traversée dans le temps, miroir entre le monde médiéval et l’écriture contemporaine, de l’introït au sanctus en passant par le graduel ou

AGNÈS CONDAMIN

Thierry Escaich © Sebastien Erome

Dialogue des siècles

Orientalisme © X-D.R.

Le 5 nov le Comœdia à Aubagne avait la bonne idée de reprendre l’opéra exotique de George Bizet Djamileh, créé au couvent des Minimes de Pourrières durant l’été 2009 pour l’Opéra au village. Formation réduite d’orchestre -on y remarquait la belle prestation du violoncelle, de la clarinette et du basson joué par Cylia Travier-, costumes chatoyants, décors bien agencés installaient le spectateur dans une atmosphère de Contes des Mille et une nuits. La mise en scène de Bernard Grimonet imprimait à l’ensemble un bon rythme même si

la distribution de la création n’avait pas été complètement reconduite. La jolie voix de Yete Quieroz faisait oublier les faiblesses du chœur qui se rattrapait par un jeu de mimiques cocasses. On ne peut que saluer le dynamisme de l’association l’Opéra au village qui sait promouvoir des œuvres peu jouées, voire oubliées, mais veut aussi les accompagner dans la durée ! M.C.


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MUSIQUE

CONTEMPORAINE | JAZZ

L’arbre ne cache pas la forêt Musicatreize était sur les planches du Gymnase le 4 nov pour faire découvrir la très belle musique du compositeur contemporain finlandais Tapio Tuomela

Antti Puuhaara © Hannu Vaisanen

Sixième et avant-dernier conte musical commandé à un compositeur contemporain, Antti Puuhaara nous plonge dans l’univers mystérieux et fantastique de la forêt finlandaise. Déjà donné en partie en version concert, la représentation scénique est une réussite. Aurélie Hubeau joue sur une dualité du chœur, arbres prenant tour à tour l’identité d’un personnage. Manipulant lui-même sa marionnette de marchand riche et méchant, le comédien Olivier Boudrand projette sa voix avec clarté et en français à travers des images créant une atmosphère chimérique alors que le chœur de 12 solistes chante en finnois le monde magique et ténébreux de la forêt. Avec une écriture subtile, colorée et pleine d’effets vocaux et instrumentaux (accordéon, harpe, cla-

rinette, violon, alto et violoncelle) sous la direction précise de Roland Hayrabedian, la quête du jeune Antti et son voyage vers des contrées hostiles a trouvé dans cet opéra de chambre proche du théâtre le terrain idoine à sa prospection vers l’idéal. En présence du compositeur, l’auditoire a su apprécier ce concentré scénique et musical qui emmène vers un univers lointain et plein de surprises. On souhaite donc à cette forme ensemble/chœur/marionnettes, qui a signé le succès La jeune fille aux Mains d’argent de Télémaque, de concourir sur de nombreuses scènes à la popularisation de la musique contemporaine. FRED ISOLETTA

Brecht et Dessau étaient les invités d’un cabaret allemand du 10 au 16 nov à La Criée Quand la mise en musique des textes de Brecht est évoquée, c’est tout de suite à Weill que l’on pense, reléguant au second rang la fructueuse collaboration qu’a entretenue le dramaturge avec le compositeur Dessau. C’est justement ce duo qui était à l’honneur, la comédienne Nada Strancar revisitant avec succès l’esprit du cabaret allemand sur des musiques tantôt populaires, tantôt avant-gardistes et musichall, Dessau ayant durant toute sa carrière exploré

différents styles d’écriture. Accompagnée par un trio original composé de François Martin au piano, Jean-Luc Manca à l’accordéon et Guillaume Blaise aux percussions, notre Mère Courage pouvait placer la tessiture grave de sa voix, parfois proche du parlé dans l’esprit outre-Rhin sur des textes plus acerbes les uns que les autres, regorgeant d’humour, de métaphores et de double sens sarcastiques. Et même si elle est avant tout comédienne et non chanteuse, ce qui pourrait choquer quelques oreilles puristes, l’atmosphère créée n’est certainement pas si éloignée du cabaret berlinois des années 30… FRÉDÉRIC ISOLETTA

Nada Strancar © Christian Ganet

Berlin express

Double Je Vertigo Songs et Las Hermanas Caronni étaient en concerts le même soir au Forum de Berre… Perrine Mansuy © Dan Warzy

Regards croisés, mixité des genres, double jeu singulier sous le regard d’Aphrodite : je, ce soir, était une femme. Ouverture de la soirée par le quartet Vertigo Songs de Perrine Mansuy : jeux d’ombres et de lumières entre la pianiste et les autres musiciens ; jeux de mots portés par la voix chaleureuse de Marion Rampal quand le texte devient matière, le sens devient son ; jeu de scène affirmé, plasticité de la gestuelle, quand ses mains invitaient le percussionniste -Jean-Luc Difraya- et le guitariste -Rémy Decrouy- à venir communier dans cet univers ouaté. Mais jeux de rôles aussi quand le clavier devient voix : mélodies colorées, harmonies modales entre un return to forever de Corea et le trio magique de Keith Jarrett ; un bel univers métissé bannissant les frontières stylistiques, pourtant un peu monochrome à la longue, posant trop souvent des gestes rituels érodés (jeu dans le piano, samples…). Entrée en scène des sœurs jumelles Caronni : «jeu mêlé» de celles nées sous le signe du tango dans une Argentine multiculturelle où les mélodies teintées de nostalgie vagabondent entre tangos et milongas. Deux voix à l’unisson, vibrantes et sensuelles, portées par la rondeur du violoncelle en conversation avec la clarinette, se nouent et se dénouent au gré des regards ; duo de femmes majuscules sous l’égide de la grâce et de la beauté. Le grand jeu, simplement, en toute féminité. CHRISTOPHE FLOQUET


ACTUELLES | JAZZ

MUSIQUE

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Profession ? Diva du jazz ! répertoire de la grande dame est épatant de chaleur, d’humour aussi, et le public, inévitablement mis à contribution, tape des mains. Un concert très agréable qui a su instaurer un climat très intime, alors que la grande salle était comble ! D.W.

Ce concert a eu lieu le 2 nov à l’Auditorium du Palais du Pharo à Marseille dans le cadre de la programmation de la Criée CD : When you know Label Blue Note EMI

Le ton est donné Le concert des High Tone au Cabaret Aléatoire s’est déroulé à guichet fermé le 6 nov, devant une jeunesse marseillaise en transe et captivée. Hypnotique, le collectif lyonnais a inondé la salle d’un dub puissant et efficace, flirtant par moments avec une jungle enivrante, emportant sur son passage un public tout en vibrations. Un cocktail électro réussi qui célèbre le dernier album du groupe et faisait vite oublier la lon-

Showman explosif gue attente à l’entrée. Servi par un visuel en adéquation avec cette musique urbaine parlant à la fois le langage de l’esprit et du corps, le concert entrait en résonance parfaite avec ce lieu, cette friche. Un triptyque de montages vidéo répétitifs très graphiques happait sans relâche dans ce monde virtuel, ce monde où le son et l’image, de concert, parlent directement au corps. PASCALE FRANCHI

Elle est libre Jeanne Libre, taquine et douée assurément. Jeanne Cherhal est un électron qui s’est plongé une année en autarcie volontaire, pour enregistrer son nouvel album Charade (avec l’unique complicité de l’ingénieur du son Yann Arnaud). 11 chansons reliées par un fil conducteur, une charade en quatre étapes, écrites, composées et entièrement interprétées par cette jeune pousse qui dépoussière la variété française. Pour passer de la galette à la scène, elle s’est entouré des 4 musiciens de la Secte Humaine (ex-little Rabbits sur la tournée de Philippe Katerine) qui apportent un son pop rock incontestable et parviennent tout juste à faire le poids contre le flot de féminité que déverse la chanteuse. Si l’homme est le sujet central de ses charades, exit le prince charmant, elle évoque sans complexe les nondits de l’amitié homme-femme (En toute amitié), ses doutes sur le mariage (Lorsque tu m’as), les ruptures amoureuses (Hommes perdus), les angoisses de la vie quotidienne. Les «obsessions» d’une «girly» devenue femme qui assure le show, usant et abusant de jolis jeux de jambes pour séduire un public à l’évidence sous le charme. Des textes qui se diluent parfois mais ouvrent aussi de beaux espaces notamment avec Le Tissu ou la métamorphose d’une «femme fantôme, linceul et monochrome» et Un trait : danger qui rappelle son engagement pour les sans-

Diane Reeves © Christian Lantry

Romero Lubambo et Russel Malone sont deux grands maîtres de la guitare qui symbolisent d’une certaine façon les Amériques. L’une, pour le jazz, le blues, et l’autre, pour la bossa-nova et les rythmes cubains. Ils sont les fidèles compagnons de route de la chanteuse Dianne Reeves lorsqu’elle se produit dans cette formation restreinte. Une introduction par les deux guitares démarre en dialogue rapide, rythme/chorus et vice-versa. La chanteuse entre en scène et instantanément sa présence charismatique subjugue le public. La main gauche bouge et semble placer la voix dans l’espace, des graves aux aigus, avec une aisance et une justesse remarquables. La couleur profonde de cette voix aux harmoniques riches explore le chant africain, cubain, brésilien, le blues, le jazz, avec une pointe de fado peut-être... Le

Dans un Cabaret Aléatoire chauffé par une foule au diapason, Jazz en Ville accueillait le 11 oct Aloe Blacc, auteur du célèbre I Need a Dollar. Show à l’américaine, soul and r’n’b aux influences variées, l’ex-rappeur d’Emanon est devenu aujourd’hui un chanteur multi-instrumentiste et qui rappelle Keziah Jones… dont il aurait pris le meilleur. Repéré aux États-Unis avec son titre-phare par la série How i Meet Your Mother et en France par le générique du Grand Journal, le Californien n’en est pas à son premier coup d’essai ! 2 albums solo et 11 opus avec les rappeurs d’Emanon. Le public de la Friche le retrouvait dans la même configuration que 4 ans auparavant, dans une ambiance électrisée par le groupe TY (Special Kind Of Fool) qui a offert en première partie un show de grande qualité malgré quelques problèmes de réverbération. JULES PIGNOL

Vie à deux papiers. Une Jeanne Cherhal un poil vampirisante, mais absolument talentueuse. DE.M.

Ce concert a eu lieu le 5 nov à Cavaillon Elle se produit aussi le 8 déc à 20h30 Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

© Tania et Vincent

Avec quatre représentations par semaine (du jeudi au dimanche), Vis à Vies va investir la scène marseillaise, en l’occurrence celle du nouveau Théâtre des Chartreux. Le spectacle (déjà reconnu) qui s’intitule Récréation sera perméable aux invitations surprise piquantes... On peut effectivement dire que Clef de Scène a mille fois raison de soutenir la pétillante chanteuse Myriam Daups et son acolyte compositeur et multi-instrumentiste Gérard Dahan pour un voyage musical et poétique plein d’humanité surfant entre humour et émotion. D’ici là, n’hésitez pas à découvrir ce duo vivifiant sur la scène de la Manare à Sainte-Mitre-les-Remparts (27/11) avec leur nouveau spectacle Au Coin de la Rue, une avant-première avant la tournée de 2011. F.I.

Récréation du 2 au 31 déc Théâtre des Chartreux, Marseille 04 91 50 18 90 www.visavies.fr


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MUSIQUE

ACTUELLES

La scène du monde La 19e Fiesta des Suds a déroulé son dance floor du 15 au 23 oct dans une ambiance festive Dans un théâtre urbain relooké, la Fiesta a vu défiler dans ses couloirs à ciel ouvert pas moins de 50 000 fidèles tout au long des six soirées. Avec un éclectisme toujours plus assumé, le déambulatoire géant en perpétuel mouvement aura fêté la future réconciliation des Zebda, toujours prompt à faire danser une foule marseillaise clairement fan de ses messages. Youssou N’Dour et son maillot de l’OM peut en dire autant, en osmose avec un parterre acquis à sa cause au pied de la grande scène extérieure. Les toujours très smarts Gotan Project ont quant à eux hypnotisé une foule d’adeptes à coups d’électro-tangos, sans surprise mais si soyeux et langoureux ! De retour d’une autre époque, l’icône Joe Jackson a contenté ses fans dans un show tranquille derrière son clavier, prouvant qu’il avait pris bien peu de rides même si son goût jazz rock laisse parfois de marbre. Ce qui n’est pas le cas d’Arno le rebelle, en forme ou méforme on ne sait, mais habité par la scène pour un corps à corps déjanté. Mais question réchauffement de salle digne d’une pompe à chaleur, la révé-

lation Bonaparte en connait un rayon. Le petit suisse Tobias et sa troupe forte d’une quinzaine de membres en a fait voir des vertes et des pas mûres aux parents accompagnés de leur progéniture à une heure de grande écoute. Car le show de Bonaparte n’est pas à mettre entre toutes les mains… Cabaret dégénéré expressionniste aux costumes et masques surprenants, les titres punk électro du collectif suisse allemand roi de l’underground berlinois s’accompagnent d’une mise en scène mêlant burlesque et provocation bien dénudée, dans un délire Dada qui appelle quelques explications… Zibeline : Pourquoi porter un nom pareil ? Tobias : Il n’y a que les français pour s’interroger là-dessus, et Bonaparte je trouve ça très beau comme nom, étonné même qu’aucun groupe ne porte ce nom-là. Les anglophones y voient d’ailleurs un jeu de mot assez coquin… La scène fait-elle figure d’exutoire ? où sont vos limites ? On a un cadre, et selon les endroits où nous jouons, comme au Maroc par exemple, le cadre se fait plus restreint. Après, chacun dans son rôle peut

Bonaparte © Agnès Mellon

improviser dans les limites fixées. Ce qui est important c’est l’échange avec le public. On adore le live ! N’est-il pas difficile de concevoir un album (voir Zib’34) quand on attache autant d’importance à la performance scénique ? Quand je compose mes chansons, je les transpose directement sur scène dans ma tête. Je sais où je veux en venir rapidement. C’est un tout, et pas simplement un disque de chansons. D’où viennent toutes ces idées farfelues ?

La concision du devin Wayne Shorter © Dan Warzy

FRÉDÉRIC ISOLETTA

Over booké C’est ce qui s’appelle avoir un agenda chargé ! Après Yann Tiersen qui présentera son nouvel album Dust Lane aux couleurs rock electro teintées de synthés analogiques (le 23/11), ce sera au tour du truculent et attendu Tricky d’attirer les foules sur la scène du Cabaret Aléatoire (le 26/11). Avec son neuvième opus Mixed Race, l’agitateur tatoué revigore un trip hop qui ne somnole jamais, relevé par les collaborations multiples et variées (Björk / Emilie Simon…). À ne pas rater, de même que la scène bien française d’un rock prometteur autour de Kaolin et Les Shades (2/12). F.I.

www.cabaret-aleatoire.com

© X-D.R

L’art du saxophoniste Wayne Shorter est aussi exceptionnel que son parcours, et la Fiesta des Suds a accueilli son quartet pour notre plus grand plaisir : Danilo Perez au piano, John Patitucci à la contrebasse et Brian Blade à la batterie ont offert non pas de la musique jazz grand public mais plutôt un climat, une matière sonore. Une musique élaborée, très intellectuelle, à la fois simple et dense. Un surgissement, après une longue alchimie de préparation, s’opère entre basse, batterie et piano. Le saxophone entre pour pousser vers un paroxysme, conclure ou relancer, toujours de façon épurée et concise, poussant après des préliminaires discontinus vers des conclusions extatiques. Wayne Shorter dit être à la recherche d’une perfection qu’il qualifie de «Golden Mean». Un peu comme un maître de la peinture compose avec le nombre d’or.

Nous sommes comme une troupe : nous recueillons des vieux costumes de théâtre et en fabriquons aussi. Comme pour les vidéos et le graphisme : chacun apporte une pierre à l’édifice. Nos voyages nous servent aussi à piocher des idées. En fait Bonaparte n’est pas un style, c’est une attitude.

DAN WARZY

Ce concert a eu lieu le 21 oct durant la Fiesta des Suds A lire Les singularités flottantes de Wayne Shorter de Stéphane Carini Coll. Birdland, Editions Rouge Profond

Concert exceptionnel de Rabih Abou Khalil Quartet en clôture des tables rondes d’Averroès, le 27 novembre à 20h30 à l’Espace Julien


AU PROGRAMME AIX Théâtre et Chansons : Coko, Tango des organes se départageant le corps de l’homme (27 et 28/11) 04 42 27 37 39 www.theatre-et-chansons.com

ARLES Cargo de nuit : Luke (27/11), Kaolin (3/12), Beat Torrent (4/12), Juan Rozoff, Soulist (10/12), Raoul Petite (17/12) 04 90 49 55 99 www.cargodenuit.com

AUBAGNE Théâtre Comoedia : Le Cabaret des Hérétiques par le Théâtre du Maquis (18/11), Drum Cat (23/11), Agnès Jaoui, y el Quintet Official (3/12) 04 42 18 19 88 www.aubagne.com

AVIGNON Théâtre des Halles : Récital Jacques Bertin (16/12), Et toi tu marcheras dans le soleil… récital de Isabelle Bloch-Delahaie (17/12) 04 90 85 52 57 www.theatredeshalles.com

Les Passagers du Zinc : Pony Pony Run Run, In the club (19/11), Hindi Zahra, Smod (20/11), Rodrigo y Gabriela (26/11), Gaetan Roussel, JP Nataf (27/11), Israel Vibration (29/11), Lilly Wood & The Prick, La Maison Tellier (3/12), Les Shades, Eldia (10/12), La Caravane passe, Fatum Fatras (11/12) 04 90 89 45 49 www.passagersduzinc.com

BARJOLS La Tannerie : Venez danser au bal des idoles: après le spectacle Sex Symbol, Autopsie (20h45), bal 80’s revival avec Dj Why am i Mister Pink ? (20/11, 21h15) 04 94 59 74 60 www.latannerie.fr

BERRE L’ETANG Forum des jeunes et de la culture : ciné musique avec la projection de O’ Brother de Ethan et Joel Cohen, suivi du Carolina Chocolate Drops (18/11 à 18h30 et 21h30), Bertrand Belin (11/12) 04 42 10 23 60 www.forumdeberre.com

ISTRES L’Usine : U-Roy (21/10), Hocus Pocus, Smooth (30/10), Rod Taylor and the positive roots band (5/11), Kaly live dub (6/11) 04 42 56 02 21 www.scenesetcines.fr

Théâtre de l’Olivier : Revolver (24/11) 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr

MARSEILLE Cabaret Aléatoire : Soirée citoyens citoyennes, In bed with citizen (19/11), This is

not music (20/11), Yann Tiersen, Lonski & Classen (23/11), Jahcoozi, Dreadzone, MC2, Human E.T Crew (25/11), Tricky (26/11), Fool’s Gold, 340ML (30/11), Kaolin, Les Shades (2/12), Osaka Monaurail, DJ’s et danseurs (3/12), Dub station #12 (11/12) 04 95 04 95 09 www.cabaret-aleatoire.com

Dock des suds : Tiken Jah Fakoly (20/11), Shox case de Toko Blaze (25/11), Soprano (26/11), Raphaël (30/11) 04 91 99 00 00 www.dock-des-suds.org

Espace Julien : Robert Francis (25/11), Mary’s Dream (26/11), Rabih Abou Khalil, Yuval (27/11), Israel Vibration & Roots Radics band (27/11), BB Brunes (30/11), Grupo Compay Segundo (3/12), The Divine Comedy (5/12) 04 91 24 34 10 www.espace-julien.com

La Mesón : Carte blanche à Manu de Barros (jusqu’au 20/11), Pop in south avec El Poulpo, Kid Francescoli et Mina May (19/11), From sound to noise : Bdubd Monaural & friends (20/11), Nini Dogskin présente Le Cabaret Zazou (3/12), We used to have a band (4/12), carte blanche à Enrique Santiago (10 et 11/12) 04 91 50 11 61 www.lameson.com

MAUBEC La Gare : Zouinglangbaoum (19 et 20/11), Ernst Lavolé, L’Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp (26/11), La Mal Coiffée (3/12), Session slam n’jam (10/12), Ce monde autour de moi, collectif ça compte pour l’ouïe (12/12), OK Bonnie, N’Relax (17/12) 04 90 76 84 38 www.aveclagare.org

OLLIOULES Châteauvallon : The volunteered slaves (4/12) 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

SAINTE-MAXIME Le Carré : Jacques Higelin (11/12) 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com

SALON-DE-PROVENCE Portail Coucou : Papet J et Rit (20/11), Dissonant Nation, The Belmondos (27/11), The Toasters (3/12) 04 90 56 27 99 www.portail-coucou.com

TOULON Oméga Live : Pigalle, Bat Point G (19/11), Eiffel, Kami (20/11), Moussu T e lei Jovents, Papet J et Rit (4/12), Zut (7/12), Bertrand Belin, Red The Nightcrawler (10/12) 04 98 070 070 www.tandem83.com

AIX 29/11 Carla Bley-Andy Shepperd-Steve Swallow – Songs with Legs Grand Théâtre de Provence 04 42 91 69 69 www.grandtheatre.fr

AVIGNON 12/11 Fantastic Merlins with Kid Dakota 19/11 Gildas Boclé trio 26/11 Renza Bô 5tet 03/12 Barret-Lazarevitch-Allouche Trio 04/12 Big Band de René Bottlang au Conservatoire du Grand Avignon 09/12 Jazz Story N°2-Electrique : Miles Davis 1968-1975. 10/12 Sébastien Paindestre trio (1re partie) suivi de Abdelhaï Bennani trio (soirée dans le cadre de Jazz en Scènes) 17/12 Trio Grande invite Matthew Bourne suivi par le 4tet Vidal-Léandre-Cappozzo-Chevillon Ajmi 04 90 86 08 61 www.jazzalajmi.com

BRIANÇON 19/11 Lucilla Galeazzi (chant social italien) 26/11 Meditrio L’échappée belle par l’ensemble de Jean Marc Montera Théâtre Le Cadran 04 92 25 52 52 www.theatre-le-cadran.com

CHATEAU-ARNOUX/ SAINT-AUBAN 20/11 Motion trio et Terem 4tet 11/12 Meditango Comptoir de Buenos Aires Théâtre Durance 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr

DRAGUIGNAN 23e édition du Festival de Jazz organisé par le Jazz Club Dracénois. 16/12 Denise Gordon & her «Gumbo Zaïre» invite Patrick Artero et Thierry Ollé trio. 17/12 Henri Texier Horizon Nord-Sud 5tet avec Sébastien Texier, Francesco Bearzatti, Manu Codjia, Christophe Marguet... Incontournables. 18/12 Four Tones (en 1re partie) suivi de John Paul Hammond (blues). 04 94 50 59 50 www.theatresendracenie.com

MARSEILLE Nomad’ Café 02/12 Trio Campaoré Hamadouche Théron 16/12 JP Nataf 04 91 62 49 77 www.lenomad.com

Cité de la Musique-Auditorium 1er et 2/12 Lionel Damei «des monstres d’infinie solitude» Cité de la Musique - La Cave 15/11 Gildas Boclé Trio 22/11Jazz en Scène (Jam-session-scène ouverte) 6/12 Jazz en Scène (Jam-session-scène ouverte) 13/12 Trio Peace 04 91 39 28 28 pages.citemusique-marseille.com

MUSIQUE 45

Cri du Port 16/11 Ben Sidran 4tet – Dylan different 18/11 Caraib to Jazz 4tet 02/12 Kirk Lightsey (piano solo) 09/12 Handprint Duo avec Fr. Arnold et Manu Codjia (1re partie) et Arthur Kell 4tet (Une soirée dans le cadre de Jazz en scènes... à ne pas manquer) 04 91 50 41 51 www.jazzenscenes.com

La Criée Cabaret Jazz, rendez-vous mensuel dans une ambiance feutrée après le spectacle en cours. Entrée libre, consommations payantes. 12/11 à 21h30 José Caparros, Paul Pioli, Olivier Truchot, Philippe Le Van 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

Roll’ Studio ouverture des portes à 18h00, concerts à 18h30 20/11 Electric Lady 5tet 27/11 Duo Campaore – Hosdikian 04/12 Robert Pettinelli trio 11/12 RTF3 Reno-Tonton-Fayçal trio 19/12 Swinging Papy’s 04 91 64 43 15 www.rollstudio.fr

Inga des Riaux 19/11 Phocea trio 25/11 Zwazz Serge Dupire 4tet 26/11 Bruno Barkats Trio 06 07 57 55 58 www.inga-des-riaux.com

Station Alexandre 27/11 Ensemble Swingendo- spectacle Hollywood Gershwin 04 91 00 90 00 www.station-alexandre.org

18/11 Omri Mor Trio - Andalou Jazz Project Atelier des arts de Sainte Marguerite 04 91 26 09 06

MIRAMAS 18/11 Mariannick Saint Céran 08/12 Anteprima présente Manu Katché 4tet 04 90 50 05 26 www.scenesetcine.fr

VITROLLES 27/11. Renza Bô 5tet 11/12 If Duo avec Bruno Angelini & Giovanni Falzone et le quintet TP4. Moulin à Jazz / Domaine de Fontblanche 04 42 79 63 60 www.charliefree.com

ON THE RAILS ! Un voyage musical avec la Compagnie Nine Spirit : à bord du IDTGV N°2918 Marseille-Paris le 19/11 à 13h28 Raphael Imbert Trio à bord du IDTGV N°2911 Paris-Marseille le 21/11à 20h16 Raphael Imbert Trio


CAHIER JEUNESSE

Délices d’Alice

Alice et Lewis tissent le fil invisible, comme l’envers d’une broderie, de l’exposition La Forêt de mon rêve conçue par Fotokino

Minots & Co

superficielle dans laquelle l’exposition aurait pu se laisser entraîner : transfiguration des enfants une fois sortis du bois, la femme dans sa relation à l’animalité, la nature inquiétante et rebelle à l’homme, le rêve, la psychanalyse et l’inconscient. Ni corpus théorique ni analyse, l’inventivité a la part belle.

Drink Me © Polixeni-Papapetrou - Courtesy Galerie LMD Dress Lamp Tree, 2002 © Tim Walker

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Le catalogue (Éd. Silvana Editoriale Spa, Milan, 22 euros) est agrémenté d’un petit livret détachable réunissant les photographies d’Aline Ahond et les textes de Pascale Petit qui ponctuent le parcours. La Forêt de mon rêve jusqu’au 27 février 2011 Galerie d’art du Conseil général, Aix-en-Provence 04 42 93 03 67 www.culture-13.fr

exemple autour du spectacle Jeune pousse avec des ateliers «main verte», au pop up et au kirigami si joliment utilisés dans C’est pas pareil !, ou encore

à la pratique photographique en lien avec Tête de lune. Puis à leur tour ils feront l’apprentissage du regard de l’autre quand ils exposeront leurs

Jeune pousse © Helene Dattler

Avec Minots Marmaille & Cie, le Théâtre de Lenche conjugue durant près de deux mois (9 déc-22 janv) spectacles, ateliers pédagogiques et artistiques, expositions à destination du jeune public. Histoire d’éveiller sa curiosité ou de la satisfaire… Pari gagné avec des propositions (conte musical, théâtre de papier, théâtre d’objets, théâtre-danse, chanson) et des thèmes (la différence, la discrimination, l’identité, la prise de risques, l’évolution de l’homme) servis par des compagnies qui ont l’art de parler aux «minots» : Les Racines du vent, Clandestine, Anima théâtre, Piccola velocità, Muriel de Mars. Cinq univers dont le pouvoir évocateur leur permettra de développer leur propre imaginaire, de s’initier à la création sous toutes ses formes. À l’art du jardin par

Home Coming © Kiki Smith - Courtesy Galerie Lelong

On connaissait le talent de chef d’orchestre de Laterna magica (voir p 47), peut être moins celui de commissaire d’exposition : c’est désormais chose faite avec La Forêt de mon rêve. Touffue, dense, colorée, créative, on pénètre dans cette selva oscura avec la même curiosité naïve qu’Alice : «Vraiment, vraiment ! Comme tout est bizarre aujourd’hui !». Et l’on aime s’y perdre et se faire peur car le conte puise aux sources du fantastique, des ténèbres, de l’imaginaire, de l’effroi et des fées. Partant du postulat qu’il y a quelque chose de l’autre côté du miroir, Nathalie Guimard et Vincent Tuset-Anrès invitent à la découverte de pépites, médiums et époques entremêlés avec brio. Comme l’installation in situ de Pamen Pereira, This is a Love Story, en guise d’introduction, clin d’œil aux objets volants de Mary Poppins dans le roman de Pamela Lyndon Travers ; les photographies de Tim Walker dont les couleurs pastel accentuent l’illusion fantastique ; les gravures de Kiki Smith directement inspirées de la figure du loup dans le Petit Chaperon rouge ; les irrésistibles impressions pigmentaires de Polixeni Papapetrou, une découverte ! Des perles encore avec un dessin de Louise Bourgeois et une gravure de Gustave Doré. La réussite de l’exposition tient autant à la qualité des œuvres qu’à la scénographie, ludique et intelligente : une cabane en bois intime et chaleureuse, et lieu de bascule vers une autre réalité, plus inquiétante cellelà, des projections incrustées dans les zones de passage, des murs colorés jusqu’au noir intense, l’écran caché dans le placard et la bibliothèque en épilogue. Mais également à la richesse des thèmes abordés avec profondeur, loin de l’anecdote

propres travaux à la librairie Histoire de l’œil, à la bibliothèque du Panier, à l’Alcazar et à l’Espace culture. Voici donc une manifestation qui dépasse le stade de la seule «consommation» de spectacles (Tête de lune, C’est pas pareil…, Ikare, Jeune pousse, À cloche-pied) pour entraîner les enfants et leur famille dans une pratique artistique tout à la fois ludique et conviviale. M.G.-G.

Minots Marmaille & Cie Théâtre de Lenche et Mini Théâtre, Marseille 2e 04 91 91 52 22 www.theatredelenche.info


MAV | LATERNA MAGICA

SPECTACLES 47

Citoyen écolo Ce jour-là, ils sont une dizaine d’enfants d’un centre aéré (association Habonim-Dror à Castellane) à franchir la porte de la Maison de l’architecture et de la ville Paca. Pas du tout impressionnés par la solennité du lieu car l’atelier-exposition leur est tout particulièrement destiné. N’en jetez plus ! Et habitez écologique a été conçu et produit par la Cité de l’architecture et du patrimoine à Paris sous une forme pédagogique, ludique et interactive : de «l’écologie participative» en somme… Guidé par une médiatrice culturelle, le groupe s’assoit au cœur du dispositif en bois pour une introduction sur les énergies, leurs processus de transformation et leurs différentes utilisations : lecture et décryptage des cartels, des mots-clefs et des chiffres lumineux, analyses des photos et réactions. Le débat est animé et les enfants semblent déjà très sensibilisés à la protection de leur environnement. La seconde partie du parcours récréatif se complique quand il leur faut quitter la sphère familiale pour penser à l’échelle universelle. «Que peux-tu faire pour la planète ?» interroge l’animatrice qui aborde le transport écologique «doux», la déforestation («stop la pub !»), l’éclairage («baisse ta conso») ou les emballages («ménage ta planète») à travers un jeu de questionsréponses, de manipulations et de slogans. Une heure plus tard direction l’atelier : là les enfants mettent la main à la pâte et construisent une brique à partir de matériaux recyclables : carton, papier et plastique.

N’en jetez plus ! © MAV PACA

Bientôt un mur tout entier et pourquoi pas une maison écologique naîtra de leur imagination, de leur réflexion et de leur apprentissage de la création collective…

Exposition jusqu’au 15 décembre, ateliers sur inscription MAV Paca, Marseille 6e 04 96 12 24 13 www.ma-lereseau.org/paca/

M.G.-G.

Du coq à l’âne L’invité d’honneur de la 7e édition de Laterna Magica est l’auteur de bande dessinée Belge Benoît Jacques, autour duquel gravite une constellation de propositions : Fotokino aime surprendre, piquer la curiosité, croiser les disciplines, faire voyager les spectateurs et jeter des passerelles entre les artistes. Au cœur de la manifestation consacrée à l’illustration, le parcours entre 4 lieux à Marseille et Toulon met en lumière son œuvre iconoclaste, entièrement articulée autour du livre qu’il conçoit de A à Z, édite et diffuse luimême et dont il signe aussi la charte graphique… Benoît Jacques, selon le directeur artistique Vincent Tuset-Anrès, a «beaucoup de talent, d’imagination et d’énergie !». Pour preuve sa participation à une rencontre à l’Alcazar (25 nov), à un workshop aux ABD Gaston Defferre («Je ne sais pas dessiner» les 25 et 26 nov). Et, cerise sur le gâteau, la sortie pour l’occasion d’un Alboum à colorier à l’image de l’ensemble de son travail : loufoque ! Laterna Magica ouvre grand la fenêtre sur le monde de l’image. Sous l’angle du merveilleux et du magique avec deux expositions à Aix : La Forêt de mon rêve à la galerie du Conseil général 13 (voir p 46) et Matières à rétroprojeter à la Cité du livre, en partenariat avec le Centre Pompidou. Ou celui de la musique avec Partitions imaginaires qui mêle partitions et images inspirées de la musique, formes et mélodies… La manifestation explore durant un mois les expressions graphiques les plus diverses : celles de jeunes illustrateurs comme Noémie Privat et les Carnets du

théâtre dessiné (La Friche, du 4 au 24 déc) et celles d’artistes réputés comme Kitty Crowther (Territoires partagés, du 27 nov au 23 déc). Sans oublier l’image animée et le spectacle vivant : films rares, muets ou inédits, classiques et contemporains, cinéconcert, spectacles et installation vidéo… Une

programmation conçue «dans un grand souci de qualité pour que tous s’y retrouvent, particulièrement les enfants qui ne sont pas des idiots…». M.G.-G.

© kitty

Plan de Marseille © Benoit Jacques

Laterna Magica du 25 nov au 24 déc Marseille, Aix, Toulon Fotokino 09 50 38 41 68 www.fotokino.org Crowth er-bru no sa lamon e




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JEUNESSE

DROITS DES ENFANTS | FESTIVAL DE L’IMAGINAIRE

Enfants ignorés ? Mauvais traitements, exclusion, manque de soins : c’est le quotidien de 2 millions d’enfants en France. La Défenseure des Droits des Enfants se bat pour que cela change ! La fonction de Défenseure des Droits des Enfants a été créée en 2000 pour gérer les problèmes spécifiques des mineurs dans le cadre de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE). Aujourd’hui cette institution indépendante est menacée par le gouvernement de dilution dans une institution généraliste de Défense des droits.

© Princesses oubliees ou inconnues, Rebecca Dautremer - Gauthier-Languereau

Projet de loi qui nie la spécificité du droit des enfants défendue par l’UNESCO et instaurée par la CIDE. Dominique Versini, Défenseure depuis 2006, a dénoncé en octobre les points faibles de nos politiques de lutte contre la précarité et l’exclusion. Alors que l’objectif des Nations Unies est de réduire d’ici 2020 la pauvreté, en France 2 millions d’enfants vivent dans des familles qui ont moins de 950 euros par mois ! Dominique Versini s’attache aussi à préserver les liens familiaux, la scolarité, notamment celle des Rom, à offrir des soins sanitaires, veiller au contenu d’un projet de Code de justice pénale pour les mineurs, à s’intéresser aux lois sur l’adoption... La tâche est vaste. Les conclusions des récentes concertations seront remises au Président de la République et au Parlement à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’enfant, le 20 nov. On attend la suite... Dans le cadre de la promotion des droits de l’enfant, les Jeunes Ambassadeurs de la Défenseure des enfants (JADE) apprennent leurs droits aux enfants et adolescents. Âgés de 18 à 25 ans, ils sont recrutés dans le cadre du service civique et participent à l’information des jeunes. En 4 années près de 40 000 enfants ont eu accès à ces informations. Ils y apprennent que les enfants ont des droits spécifiques… CHRIS BOURGUE www.defenseurdesenfants.fr correspondante territoriale : Andrée Milliet 06 83 23 57 31

Les Journées des Droits des enfants donnent lieu à de nombreuses manifestations La ville d’Aubagne fait partie du réseau «Ville amie des enfants» avec l’UNICEF. C’est dans ce cadre que se tiennent les Journées du livre de jeunesse. Au pro-gramme : une exposition de l’illustratrice Rébecca Dautremer, mise en lumière de jeunes maisons d’édition encore peu connues, spectacles, ateliers..., une cinquantaine d’auteurs et autant d’éditeurs ! Un accent particulier est mis sur le droit des enfants avec le thème Des enfants, des toits et des droits. Animations, débats et un lâché de ballons avec des messages d’enfants complèteront ces journées bien remplies. Du 18 au 21 nov Centre de Congrès Agora http://aubagnevillelecture.over-blog.com

La ville de Gardanne, également «Amie des Enfants», organise une journée La culture de la paix le 20 nov de 14h à 17h30 au gymnase Léo Lagrange. Pour mieux vivre ensemble et œuvrer pour la Paix avec jeux, arts plastiques, projections... http://www.ville-gardanne.fr/Les-20-novembrejournee-des-droits

Couleurs Cactus organise pour la 4e année consécutive son opération 1, 2, 3...soleil ! Elle s’inscrit dans le cadre de la semaine de Solidarité internationale mais dure un mois. Au programme expos de photos, films documentaires et de fiction avec un hommage à Paul Carpita. De nombreux lieux du centre ville de Marseille seront investis pour parler du droit des enfants, d’éducation et échanger avec les artistes participants, car l’association met l’art en avant pour parler de l’Enfance. Du 15 nov au 15 déc 06 98 72 29 07 www.couleurscactus.blog4ever.com

L’imagination au pouvoir ! Le pays d’Aix s’est animé en ce début d’automne d’une vague bruissante et magique peuplée d’êtres étranges : sorciers, dragons, korrigans, vampires et autres personnages venus de mondes extraordinaires ont fait escale aux Pennes-Mirabeau, à Rognes et à Lambesc. Concert, rencontres, lectures, débats, projections cinématographiques, spectacles déambulatoires, «Murder Party» se sont succédés durant quatre journées au cours desquelles les amateurs de littérature fantasy ont eu le bonheur de rencontrer leurs auteurs favoris : le sombre Sire Cedric dont le roman De chair et de sang vient d’être primé au festival de Cognac, Christine Féret Fleury et sa trilogie complète Atlantis, Ange (scénaristes à succès alias Anne et Gérard Guéro, invités par la librairie de Provence) avec son roman somptueux Ayesha, La légende du peuple turquoise, Pierre-Louis Besombes et la série initiatique de Spiris sans compter Eric Boisset, Claude Ecken et tant d’autres. Correspondant à cet esprit de fantasy, on pouvait même assister à Lambesc à des débats sous une yourte, et à des spectacles de contes ou à un concert «fantastic». Une belle initiative qui amène une littérature populaire et très prisée des jeunes hors des grands centres, et permet la diffusion d’une culture de qualité dans des villes oubliées. La force de l’imagination y a trouvé une réalisation concrète ! MARYVONNE COLOMBANI

Le Festival de l’imaginaire du Pays d’Aix s’est tenu du 20 au 24 oct



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SPECTACLES

AU PROGRAMME

Qui dit Massalia…

Vivante

L’île fantastique du capitaine Nemo © Benoît Bonnemaison-Fitte

Théâtre d’objets, musiques, dessins et film d’animation ponctuent l’automne de Massalia. Dès 18 mois, les tout-petits seront happés par les fantaisies poétiques et ludiques de Thérèse Angebault et Isabelle Kessler dans Qui dit gris, dernière «petite forme» d’une compagnie fidèle à Massalia, Les Jardins insolites (25-28 nov). On quitte cet univers à la Prévert pour celui non moins touchant de Vincent Malone programmé au Z festival de Zik jeune public à Six-Foursles-Plages (1er déc) : Massalia emmène son public en bus depuis La Friche jusqu’à l’Espace Malraux avec la complicité de son alter-ego varois le PôleJeunePublic. Par petites touches d’humour noir et de provocations Vincent Malone dit Le Roi des papas n’a pas son pareil pour chanter par le menu les petits soucis de la vie quotidienne… Chanson toujours avec Muriel de Mars dans À cloche-pied hop hop hop (6-8 déc) pour une première collaboration avec le Cri du Port : ou comment amener les enfants de 0 à 7 ans à écouter des «poèmes très doux» mis en musique à l’ac-

Poète

Dans le cadre du Momaix, Bérangère Vantusso met en scène de la poésie, des textes de Valérie Rouzeau, Carl Norac, Jacques Roubaud pour ne citer qu’eux, et des illustrations, entre autres, de Stéphane Poulin et Kitty Crowther. La Trafiquante, Lara Bruhl, avec son double marionnette, se promène, telle Alice, dans cet univers de mots et de formes. La Trafiquante dès 6 ans 7 déc 19h Théâtre Vitez, Aix 04 42 59 94 37 http://theatre-vitez.com

Transmettre

Meme pas morte © X-D.R

Même pas morte dès 8 ans 8 déc 15h Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com

Nour dès 12 ans 7 déc 20h30 Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com

M.G.-G.

Théâtre Massalia 04 95 04 95 70 www.theatremassalia.com

Contes

Avec Ali Baba et les 40 voleurs (voir Zib’31), la Cie La Cordonnerie nous avait déjà emportés avec elle dans son road-movie en rase campagne ; elle revient à Draguignan pour La Barbe Bleue (23 nov), «adaptation infidèle du célèbre conte de Charles Perrault». Avec toujours Samuel Hercule à la réalisation (film muet), acteurs, bruiteurs et musiciens au pied de l’écran pour raconter l’histoire de Judith et sa sœur Anne en route vers le mystérieux château de Barbe Bleue… De la poésie bien sûr, mais avec ce petit regard «décalé» qui est la signature des artistes. Le 15 déc, place à Une vendeuse d’allumettes d’Andersen dont L’Escabelle-Cie théâtrale offre une version contemporaine, sans texte mais avec de drôles de langages sonores, de petits pas de danse, masque et objets. La Barbe-Bleue dès 6 ans 23 nov 20h30 Une vendeuse d’allumettes dès 7 ans 15 déc 15h Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com

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D’un sujet naturellement grave - l’exil de la jeune Vesna et sa tentative de réapprendre à vivre dans sa famille d’adoption -, Judith Depaule a fait un spectacle frais, sensible et délicat. Sur le plateau une marionnette en 3D manipulée au sol et deux acteurs en chair et en os : un mélange équilibré entre virtuel et réel qui permet aux jeunes spectateurs de ressentir de l’empathie pour la petite fille tout en prenant de la distance.

C’est l’histoire de Nour ElYacoubi, 27 ans, aînée d’une fratrie de 9 enfants algéro-marocains nés en France, que racontent les 5 comédiens du GdRA dans ce 2e volet d’une trilogie consacrée à la Personne. La sienne et celle de ses parents, de «la transmission familiale des langues et des cultures», basée notamment sur des faits réels puisés au cours d’entretiens avec des habitants du quartier de Griffeuille, à Arles, lors de résidences de création, mais aussi de Marseille, Calais, Périgueux… Avec, comme toujours dans leur travail, des images et des sons qui aliment la parole.

cordéon, aux maracas, à la clarinette ou transformés par la magie du kazoo. Massalia s’invite à Laterna Magica (voir p 47) à travers le travail de l’artiste plasticienne Noémie Privat qui s’est plongé dans l’obscurité des spectacles pour les «croquer». Crayons et atelier mobile de gravure ne l’ont pas quittée, aujourd’hui elle dévoile dessins et film d’animation réalisés autour du spectacle Le plus beau village du monde de Galafronie (4-19 déc). Place enfin aux tribulations du bricoleur d’images Benoît Bonnemaison-Fitte et du compositeur Philippe Gelda pour L’île fantastique du capitaine Nemo, une histoire dessinée et musicalisée en direct par Diucan (16-18 déc).

Une vendeuse d’allumettes © Arnaud Hussenot-Desenonges


SPECTACLES

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L’automne du PoleJeunePublic est délibérément musical ! Après le cinéconcert Le Fantôme de l’opéra à l’Opéra de Toulon, place au premier Z, festival de Zik jeune publik. Éclaté dans 6 communes varoises et réalisé en partenariat avec Tandem, le festival affiche un programme éclectique en compagnie de 6 artistes. Des chansons et des spectacles avec The Nino’s et son tour du chant en hommage au «fantasque grand blond», David Sire dont le spectacle raconte les tribulations de la vie de famille,Vincent Malone et son Roi des papas un brin canaille et provocant, Pascal Parisot qui n’a pas son pareil pour mettre Les pieds dans le plat… Changement de style avec les groupes Ganpol & Mit et

Juicy Panic qui mêlent pop et électronique, musique et graphisme, jouets et circuits modifiés dans leur «spectacle-manège» Carton park. Dépaysement sonore et visuel garanti. Le mot de la fin sera celui de Fred, Francis et Phil, les trois chanteurs du groupe Zut qui fait se trémousser le jeune public sur des rythmes de ska, rock, reggae et swing. Un concert festif à vivre debout comme «les vrais concerts»… M.G.-G.

Z, festival de Zik jeune publik du 28 novembre au 7 décembre PôleJeunePublic, Le Revest 04 94 98 12 10 www.polejeunepublic;com

Tréteaux

Carton Park © Laurent Guizard

Musicalement vôtre

Lutins verts

Acoustique

Virginie Robinot, Philippe Gilhet et Alain Negrel nous plongent au cœur de situations cocasses mêlant humour débridé et poésie sans frein. Un voyage théâtral et musical mis point par François Lamy et Teatropera pour (re)découvrir des instruments acoustiques, en l’occurrence le hautbois, le basson et la flûte.

Un concert pour «jouets, objets et choses à bruits». Voilà un spectacle de Pascal Ayerbe, accompagné par deux acolytes, qui devrait emballer petits et grands enfants : son univers à la Tati croise la musique, le théâtre et le cirque et compose une poésie simple avec les objets du quotidien.

© F.Mouren-Provensal

De quel bois je me chauffe dès 8 ans 16 déc 19h Théâtre Comoedia,Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr

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Le Médecin malgré lui mis en scène par Andonis Vouyoucas tourne depuis 4 ans, rassemblant les publics de tous les âges autour de cette vive farce de Molière, enlevée et simple, quintessence de son art comique. Une bande de comédiens formidables tient la scène de bout en bout, avec juste quelques accessoires et décors sortis de panières, comme au temps du théâtre de tréteaux.

Trio pour un p’tit pois dès 5 ans 11 déc 18h30 Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

Trio pour un p'tit pois © Maron Bouillie

Clownerie

Benoit Devos et Xavier Bouvier, alias Albert et Baudoin, se lancent dans une grande démonstration de leurs talents. Acrobatie, mime, danse rythmeront avec humour et dérision les numéros. Une heure de rire, sans paroles, avec deux fois rien. En 2009, la compagnie Okidok a obtenu le grand prix du jury au Milano Clown Festival pour son travail clownesque.

Le Médecin malgré lui 26 nov 21h Théâtre Durance, Château-Arnoux 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr

Qui a une Faim de loup ? Le Petit Chaperon rouge, qui rêve de s’émanciper, refuse de rentrer dans le rang comme le lui demande sa mère, quitte à ressembler à sa grand-mère, une «vieille folle dégénérée»… Ilka Schönbein donne du conte une version moderne, interprété par une Laurie Cannac mi-humaine mimarionnette. Faim de loup dès 8 ans 16 déc 19h Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com

Slips inside © Matti Salmi

Affamée

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Slips inside 26 nov 20h30 Forum de Berre 04 42 74 00 27 www.forumdeberre.com


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SPECTACLES

LE CARRÉ | LES SALINS | MASSALIA

Gagner le Nord extraverti inutile un propos et une mise en scène (Philippe Boronad) tout à fait efficaces. Un spectacle à recommander cependant à toutes les consciences adolescentes, qui ne connaissent souvent de l’écologie que sa tendance culpabilisante, et non sa critique profonde du productivisme. AGNÈS FRESCHEL

Artefact © Olivier Baco

La Cie Artefact a conçu une fable écologique qui évite les bons sentiments. Fondé sur la catastrophe réelle de 2006 - un oléoduc s’était fissuré, entrainant la fermeture progressive de Prudhoe Bay, et les excuses publiques de BP - Alaska forever retrace le cupide cercle vicieux qui entraîne un dirigeant capitaliste, pas plus cynique qu’un autre et ancien amoureux des vastes étendues glacées, à laisser éclater des pipelines hors d’usage, submergeant les villages Inuit de millions de litres de pétrole brut… De très bonnes idées président à la création : l’Alaska, territoire poétique, y apparaît grâce au chant d’une femme, un tambour, des luminescences boréales, des contes Inuit de corbeaux et de baleines ; tandis que l’agressivité de l’entreprise pétrolière est portée par des jingles, des images d’archives, extraits de JT, et projections en très

gros plan du visage du dirigeant cynique, incarné par un François Cottrelle très inspiré. Ses deux

Alaska forever a été joué le 22 oct à Châteauvallon et le 9 nov au Théâtre Durance. Il sera repris au Carré Sainte Maxime, où la Cie Artefact est en résidence, le 20 nov 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com

comparses, danseur et musicienne, furent moins convaincants le soir de l’avant-première, appuyant d’un lyrisme

Reflets d’Odyssée Arabiyetna © Giorgio Colombo

Le spectacle inaugural du festival de Théâtre arabe en Région (voir p18) s’adressait aux enfants, et leur parlait vraiment ! Français et Arabe s’entremêlaient pour raconter comment la Famille Tombola rencontre le vieil Ulysse, amnésique, et font remonter à sa mémoire ses exploits anciens, jusqu’à ce qu’il retrouve sa vieille Pénélope qui avait recommencé à l’attendre dans le silence… L’histoire est jolie, et les trois comédiens dynamiques jouent, chantent, content, réinventent les scènes en marionnettes discrètes et en objets pauvres et ingénieux : une flûte, un papier de soie qui sort du chariot à roue, deux plumeaux colorés qui les rehaussent et voilà Ithaque ! Le cyclope porte un masque de plongée et hache menu… des poivrons colorés, les sirènes un paquet

Les envoleurs d’humour

Ils ne manquent pas d’idées les deux zigotos de BP Zoom, et même s’ils ne parlent pas - tout au plus quelques injonctions - ils savent très bien se faire comprendre ! Leur langage très poétique, est basé sur des regards, des mimiques, des postures, appuyé par une bande-son qui reprend de grands standards entraînants, dont A Wonderful World qui donne son titre au spectacle. Philippe Martz et Bernie Collins piochent dans divers univers - théâtre, cirque et cinéma - pour inventer Mister B et Mister P, pile et face complémentaires d’un même personnage, l’un gaffeur et timide, l’autre professoral et désabusé, tous les deux fragiles face à leurs «exploits» : d’un voyage en montgolfière/carton, au saut en élastiques suspendus aux cintres, sans oublier le lâcher d’avions en papier sur le public subjugué qui s’en donne par la suite à cœur joie, les deux clowns révèlent autant qu’ils s’en amusent les états d’âmes des pauvres humains que nous sommes. But Wonderful quand même ! A Wonderful World a été joué au Théâtre des Salins, à Martigues, les 28 et 29 oct

© X-D.R

DOMINIQUE MARÇON

de chips tentateur, le chariot ambulant se transforme en vaisseau spatial, tout décolle, juste par la grâce du verbe, de l’humour et de l’imaginaire. Les enfants suivent sans s’interroger, dans les deux langues, on entend dans le public une mère qui avec son enfant fredonne tout bas la berceuse arabe que la comédienne chante… Une simplicité sans artifice qu’Éric Deniaud, le metteur en scène, a su retrouver au Liban, en travaillant sur l’épopée fondatrice méditerranéenne, et l’art des conteurs. A.F.

Arabiyetna a été joué au Daki Ling, Marseille, du 11 au 13 nov dans le cadre de la programmation du Massalia


JEU DE PAUME | PÔLEJEUNEPUBLIC | TANDEM

SPECTACLES 55

Au pays de Pacamambo Pacamambo © Vincent Lucas - Le Facteur d'images

Comment parler de la mort aux enfants ? En créant un hymne à la vie ! C’est le parti pris de Wajdi Mouawad, l’auteur de Pacamambo, magnifié par la mise en scène de Marie Provence (Cie Méninas). Au plus près de son écriture franche qui évoque la mort «avec sa face de citrouille écrasée», la nomme dans sa crudité, avec l’odeur et la décomposition des corps, elle crée une subtile mise en lumière pour différencier le passé, le présent et l’imaginaire et abolir les espaces entre le réel et le pays de la mort joliment nommé «Pacamambo, le pays de toutes les lumières». Elle balaye tout effet démonstratif pour se concentrer sur le jeu - très juste - des acteurs, la petite Julie qui restera plusieurs jours aux côtés du cadavre de sa grand-mère Marie-Marie à la douceur enveloppante ; son Chien dont la drôlerie opère comme un sas de décompression ; la Mort, pas féroce pour un sou ; et la psy, illustration psychorigide du monde des adultes et élément déclencheur de l’histoire. Car jusque-là Julie refusait de raconter les jours qui ont suivi sa

Fantaisie minimaliste

Sur cette Piste là, trois fois rien. Seulement 2 grands costauds aux biscotos saillants, 1 Monsieur Loyal longiligne et 1 mini blonde aussi fine que mutine. Des physiques contrastés d’où naît l’esprit comique, renchéri par les situations, le jeu théâtral et clownesque du quartet qui a pour tout agrès ses propres corps. Pas besoin de décorum, juste un soupçon de fantaisie, une pincée de tendresse et le tour est joué, leur inventivité et leur souplesse font le reste ! Acrobaties, sauts et portés les plus fous ou les plus périlleux s’enchaînent et se succèdent au millimètre sur le tempo d’un banjo, d’un trombone ou d’une contrebasse car tous sont aussi d’excellents musiciens… Les figures réalisées mains à mains sont de véritables prouesses, les scènes souvent espiègles et le combat malicieux parce qu’inégal entre la frêle voltigeuse finlandaise et

M.G.-G.

Pacamambo a été créé le 5 nov au Théâtre du Jeu de Paume à Aix-en-Provence

tesse de masquer son extrême tension derrière une légèreté et une facétie contagieuses, et une musique omniprésente. Musique liée à la gestuelle, les sons aux corps, pour faire oublier le danger au public. Comme tout est bien qui finit bien, la fêle jeune fille parvient même à terrasser - gentiment - les trois «zigotos». Mais le plus beau dans cette Piste-là c’est de les regarder, sans qu’ils aient besoin de raconter des histoires, monter leur corps jusqu’au ciel, juste pour toucher les étoiles. M.G.G.

La piste la, Cirque Aital 2© Christophe Raynaud de Lage

ses acolytes aussi forts que des bœufs. Comme dans ce duo irrésistible où le lutteur démarre en douceur, danse agile et souple, pour finir en combat de catch, hilarant ! Heureusement, le Cirque Aïtal a la délica-

L’actuel a une histoire !

L’association Tandem, labélisée scène de musiques actuelles (SMAC) proposait aux collégiens et lycéens de l’agglomération toulonnaise un concert pédagogique retraçant «l’histoire des musiques actuelles du blues à nos jours». A priori, la mission consistant à résumer un siècle de musique en 1 heure 15 semblait périlleuse voire impossible mais, sans prétention aucune, les deux intervenants présents sur scène se sont acquittés de la tâche avec beaucoup d’aisance ! L’exercice était bien rodé tant du point de vue technique que musical puisque alternaient avec fluidité des extraits vidéo et des prestations live à la ferveur communicative, le tout dans une ambiance chaleureuse et décontractée. Qu’il s’agisse de blues, de folk, de rock and roll ou même de reggae, l’ingénieur du son de l’association, alias Colonel Nico et Poupa Claudio, connu pour avoir été l’auteur de tubes raggamuffin, ont su mettre en valeur avec talent et professionnalisme les différentes caractéristiques de ces musiques nées jadis, et qui nous sont pourtant toujours contemporaines. En définitive, même si le

disparition, gardant enfouies dans son cœur ses heures passées à défier la mort… Wajdi Mouawad traverse toutes les secousses et les interrogations de l’âme humaine face à l’inéluctable et, s’adressant aux enfants, illustre ainsi le rite initiatique du passage de l’adolescence à l’âge adulte. Tragique mais pas triste, poétique mais pas larmoyant, animé d’une petite flamme intérieure (la même qui illumine le cœur des personnages), le spectacle capte l’attention du jeune spectateur sur des notions aussi complexes que l’absence, le trou noir, la peur, la séparation grâce à des gestes doux et tendres, de vieilles valises rassurantes, des flacons de parfum embaumants et toujours les frétillements cocasses du Chien. C’est tout simplement lumineux.

résumé semblait un peu rapide en termes historiques, il n’en était pas moins complet : la fin de la séance était consacrée aux musiques plus récentes que sont le rap et l’électro, complétant ainsi ce voyage panoramique dans la sphère des musiques populaires du 20e siècle.

ÉMILIEN MOREAU

Du blues à nos jours a tourné dans l’agglomération toulonnaise du 20 oct au 10 nov dans le cadre du 14e Forum des musiques actuelles de Toulon Concert pedagogique Du blues a nos jours © X-D.R

La Piste-là a été joué du 15 au 30 oct à Toulon, programmation PôleJeunePublic Le Revest

Bout d’chanson

Les chansons de Michel Melchionne ont peutêtre bercé vos enfants… On l’a retrouvé dans la chaleureuse petite salle de Théâtre et Chansons, avec le spectacle créé en 2008, Chansons bouts de crayons. Décor coloré, crayons de mousse, tout doux pour une écriture poétique, une guitare, rythme soutenu, tempi variés, les enfants restent captivés, certains fredonnent les airs, reprennent les couplets en chœur. Délicatesse du Petit Prince, voyage avec le Dragon de Chine ou le Nautilus, l’alouette chante dans le ciel bleu, le Pivert a la tête à l’envers, et le roi de Chuchotis Chuchota fait toujours rire avec sa toute petite voix… Michel Melchionne mène ses spectateurs dans un monde de fantaisie délicieux, et montre que l’on peut écrire et chanter pour les enfants de manière intelligente. M.C.

Chansons Bouts de Crayons a été donné le 17 oct à Théâtre et Chansons dans le cadre de Mômaix


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SPECTACLES

COMŒDIA | THÉÂTRE GOLOVINE | GTP | FOS

Souvenirs, souvenirs

Album photo © Alice Piemme

Le Comedia à Aubagne ouvre sa saison jeune public avec une petite forme, Album photos, de la compagnie Belge Orange sanguine. Un conte d’une heure porté à bras le corps par l’auteur et comédienne Jeannine Gretler, éloquente, grimaçante et mimesque. Simplement vêtue d’une robe et d’un collant noirs, elle ouvre son album de souvenirs avec gourmandise sur quelques accords de guitare pour le refermer au son d’un violoncelle. Entre les deux, sa mémoire ne flanche jamais qui, bouleversant la chronologie dans un heureux désordre, se souvient de mille et une anecdotes, passe en revue sa famille, fait resurgir les situations les plus ordinaires : vacances au ski, visite chez les grands-parents, premier copain, rentrée des classes… Le spectacle projette les enfants à cent à l’heure dans le miroir grossissant de leur réalité

Vous êtes des héros !

Christelle et Yourik Golovine, comédiens, danseurs et fondateurs de la Cie Les Eponymes, ont créé Carnet de voyage en forêt enchantée, à partir des photographies oniriques d’Alexandra Merer. Un premier spectacle jeune public réussi, qui touche les enfants. Accompagnés par le danseur butô Emmanuel Sandorfi, les compères inventent une (petite) déambulation interactive sur fond de (petit) message écologique. En préambule, enfants et parents sont invités à revêtir robes de fée et capes de sorcier pour aider la Fée Éry à retrouver la mémoire. Les bouts de chou sont sous le charme de cette drôle de clochette qui les engage à «jouer». De l’autre côté de la porte, dans la forêt, la gigantesque Lucy Ole a perdu la vue, l’ami Démuz n’a plus d’ouie, «a vu tant d’horreur que ses chansons sont des pleurs» (effectivement) et le Lutin Nô ne sent plus rien. Les enfants deviennent les «magiciens du présent», de véritables petits héros

qui sont les seuls à les aider. Ils accomplissent leur mission en chantant et dansant, certains intimidés, d’autres plus téméraires, avec des étoiles dans les yeux. Un spectacle qui plonge les enfants au cœur du dispositif et qui distille avec finesse et modestie, un début de petite conscience écolo. Une aventure à voir avec des yeux d’enfants, pour ne pas sentir les limites naïves du discours «le monde est si joli, il faudrait mieux le regarder» : après tout, ils ont raison. DE.M.

Carnet de voyage en forêt enchantée s’est joué du 23 au 26 oct au Théâtre Golovine, Avignon, dans le cadre d’une programmation de «l’Eveil Artistique des Jeunes Publics»

Carnet de voyage en foret enchantee © X-D.R

sans jamais les laisser décoller : la comédienne endossant tous les rôles, même celui du chien Pepsi !, sa performance scénique phagocyte tout échappatoire vers un ailleurs, une illusion, un imaginaire. Heureusement le mélange du français, du suisse allemand et de l’anglais donne du relief à cette évocation banale d’un quotidien banal mais malgré tout on ploie sous l’avalanche de paroles et de bruitages que rien ne semble arrêter. Pas même un silence ni quelques notes de musique live bien trop rares. M.G.-G.

Album photos a été joué au Comœdia à Aubagne les 27 et 28 oct, et sera repris au Théâtre de Fos-sur-Mer le 18 janv

Contes à l’école

Nasreddine Hodja, le sage du village s’avance entre les grillons et une légère darbouka. Malin, roublard, il sait tourner toutes les situations à son avantage ; seul son fils réussit à le prendre à son propre piège avec une délicieuse histoire de loukoums empoisonnés… Les yeux brillant de gourmandise, le public nombreux d’enfants (cinq centres aérés bénéficiaient de ce spectacle) est conquis, se passionne, s’intéresse, participe… Agnès Pétreau et Brigitte Quittet savent varier les rythmes, interprètent tous les personnages, créent un monde drôle, vivant, chatoyant, s’accompagnent d’instruments variés. Les histoires brèves et denses s’enchaînent en pirouettes légères. Un feu d’artifice qui sait tenir jusqu’au bout un public d’enfants peu habitué au théâtre. Car il y a là-dedans toute la sagesse des clowns… M.C.

Contes sur les chemins de l’Orient par la Senna’ga Compagnie, a été joué à l’école La Mareschale, Aix le 27 oct De Retour chez Gripari Les 20, 21 et 22 nov Trets, Pourrières, Venelles www.sennaga.com


LIVRES/DISQUES 57

Mother Marie !

Deux d’un coup ! Les enfants ont été gâtés au GTP lors de la matinée du 17 oct. Roland Hayrabédian, qui affirme son goût pour les contes, reprenait deux pièces que l’on connaît bien dans la région, dans lesquelles un récitant (François Castang) explique et raconte ce que disent les instruments. Une première partie truculente et enlevée, la superbe Revue de Cuisine du compositeur tchèque Bohuslav Martinu, «ballet pour instruments», (texte de Christophe Garda) dans laquelle les amours tendres de monsieur Chaudron et madame Couvercle sont perturbées par les manigances de la coquette mademoiselle Moulinette qui cherche à impressionner le mauvais garçon qu’est Torchon… Monsieur Balai remet de l’ordre… tout cela avec des airs des années folles, charleston, tango, jazz…Visiblement, les instrumentistes s’amusent, les facéties des ustensiles réjouissent la salle, le public enfantin est conquis… il en va de même avec Le Petit Tailleur de Tibor Harsanyi, hongrois, qui fit partie avec Martinu de l’École de Paris au début du XXe. On retrouve les aventures rocambolesques du petit tailleur si fier d’avoir tué sept mouches d’un coup et qui devra affronter des géants, un sanglier digne de celui des travaux d’Hercule et une licorne pour obtenir la main de la princesse… Un moment musical de toute beauté, les sept instrumentistes s’en donnant à cœur joie. Et la preuve une fois de plus que les enfants ont le droit de prétendre à la qualité dans des spectacles qui enrichissent et affinent leur goût. On se prend à rêver que les générations ainsi formées échapperont aux soupes médiatiques !

Zibeline : Comment avez-vous été amenée à réaliser ce projet d’ouvrage pour la jeunesse ? Marie Drucker : C’est simple… Jean-Philippe Biojout m’a contactée pour les éditions Bleu nuit, sachant que je suis une passionnée de musique classique. J’ai été intéressée par ce projet d’accession à la musique, avec la nostalgie que j’ai des ouvrages que j’écoutais moi-même, enfant, comme Le Petit Ménestrel… J’ai été séduite par ces histoires originales de musiciens, mais j’ai néanmoins tenu à m’impliquer directement dans la co-direction artistique. C’est ainsi que j’ai soumis une réécriture des histoires avec ma touche personnelle. Enfin il y a les illustrations de Valérie Lenoir qui a un talent fou ! Avez-vous des souvenirs précis d’ouvrages pour enfants qui vous ont marquée ? Oui, une histoire en 33 tours que j’aimerais bien retrouver qui s’appelait Peter Elliot et le Dragon : cela me fascinait. D’où vient votre passion pour la musique classique ? Mon père était vice-président de RTL et j’ai eu la chance d’avoir ainsi accès à de nombreux disques. J’ai écouté un peu toutes les musiques, mais suis venue à la musique classique par le rock ! avec les Beatles, les Stones, les Clash… Quelles sont les premières musiques classiques qui vous ont procuré des émotions ? Je crois que comme un peu tout le monde c’est d’abord Mozart qui m’a fascinée. Parlez-nous un peu de ces ouvrages ! Les deux premiers sont consacrés à Haydn et Ravel. Quatre autres sont en projet. Ce sont des histoires loufoques et anachroniques où l’humour prime. Je voudrais que cela plaise aussi aux parents… comme aux grands frères. Vous êtes vous-même narratrice. C’est nouveau pour vous ce rôle de comédienne ?

© X-D.R

Les éditions Bleu nuit lancent une nouvelle collection de livresdisques qui racontent la musique à travers des anecdotes liées à la vie des grands compositeurs. Avec Marie Drucker comme narratrice, mais aussi comme auteur…

Oui ! et c’est un bon souvenir ! Jean-Philippe qui est un artiste lyrique m’a bien aidée. C’est lui aussi qui s’est principalement chargé du choix des musiques. Avez-vous personnellement une pratique de la musique ? Je voudrais me remettre à la guitare. J’ai joué du piano et c’est un regret pour moi de ne plus pouvoir travailler la musique faute de temps. Je me console en allant aux concerts. On vous voit chaque année aux Victoires de la Musique, cérémonie qui offre à un public large un accès à la musique classique. Cet aspect pédagogique vous tient-il à cœur ? Je n’osais pas aborder ce sujet, mais je pense effectivement que l’art doit être mis à la portée de chacun, et que l’éducation musicale de la jeunesse doit se faire le plus tôt possible. ENTRETIEN RÉALISÉ PAR JACQUES FRESCHEL

Marie Drucker sera à Marseille pour une dédicace de La Perruque de Joseph Haydn, premier livre disque de la «Collection Les histoires musicales imaginaires» à la Fnac Bourse le 26 nov à 17h et 20h

MARYVONNE COLOMBANI

Souvenirs à partager

Le Petit Tailleur et La Revue de cuisine ont été donnés au GTP le 17 oct

Francois Castang, recitant © Radio France, Ch. Abramowitz

Qui ne connaît les aventures facétieuses du petit Nicolas ? Le succès en est tel que le livre a inspiré film et série animée, et certaines caricatures… Les éditions Gallimard ont repris par tranches, en format poche les tribulations inédites du petit héros (IMAV éditions 2006). Le septième volume paraît comme un avant-goût des fêtes, Le Petit Nicolas, c’est Noël ! On y retrouve avec plaisir de délicieuses bouffées de jeunesse, la prose légère de ces confidences, justifications, chantages, problèmes de bonbons et d’arithmétique, lettre au père Noël, aide diligente à maman (qui s’en passerait bien !), distribution des prix… et puis, il y a les camarades du petit Nicolas, Alceste et son éternel goûter, Agnan, le chouchou de la maîtresse, Clotaire,

Geoiffroy, Eudes, Rufus, Joachim, Maixent, réunis par exemple dans une inénarrable partie de rugby : les All Blacks ont intérêt à bien se tenir ! C’est drôle, vivant, un délicieux parfum d’enfance que l’on retrouve avec plaisir. M.C.

Le Petit Nicolas, c’est Noël ! Sempé/Goscini Éd. Gallimard, Folio Junior 6 euros


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LIVRES

Livres d’enfants, livres de grands…

Jolie collection au format de poche que la Junior d’Actes Sud : papier épais, police de caractères claire, illustrations intelligentes, textes écrits avec finesse sur des thèmes sensibles lorsque l’on a 9 ans : découverte des autres, acceptation de soi… Foin du diktat de la silhouette gracile qui semble de rigueur, à fortiori pour l’exercice de la danse.Tout le monde se moque de Margot parce qu’elle est grosse, d’une «famille de gros»… Elle va jusqu’à s’affubler de tous les surnoms devant le miroir, afin de se préparer à les accepter, à en rire, lorsque, inévitablement, on se moquera d’elle. Trouvera-t-elle l’activité qui l’épanouira ? Arrivera-t-elle à considérer son corps «comme son ami et non son ennemi» ? La danse de l’éléphante de Jo Hoestlandt nous fait découvrir un personnage attachant, qui, contrairement aux autres ne cherche pas (enfin !) à se transformer en une autre, mais à trouver sa voie, sa place, comme elle est… Les illustrations de Camille Jourdy se donnent en écho au texte, simples et expressives, comme celles qu’esquisse Glen

Cha-pron pour Un papillon d’hiver de Richard Couaillet. Tom se sent bien solitaire, avec des parents tellement absorbés par le travail qu’il n’a plus l’impression de les intéresser. Les jeux, les DVD, ne comblent pas le manque d’amour… et lorsque les vacances arrivent, un horizon d’ennui se profile. Il a 20 euros en poche, et part… Retrouvera-t-il ses parents ? Qui va-t-il rencontrer ? Un parcours initiatique où chacun gagne en humanité. Une fable poétique pour apprendre à grandir… Les livres y aident merveilleusement non ?

MARYVONNE COLOMBANI

La danse de l’éléphante Jo Hoestlandt, Camille Jourdy Actes Sud Junior, 7 euros

Nom de nom !

L’auteure et illustratrice Anne Delbos aime jouer sur les mots ! Après Mots pour maux, Nom de nom paraît aux éditions L’Initiale à Marseille, nouvel album jeunesse et tour du monde en seulement 15 stations. Même si les critères de choix nous échappent, décliner des mots (subjectifs ?) pour dire leur histoire, leur étymologie, évoquer leurs différents usages est une aventure réjouissante. Et les métamorphoser en images est une réussite. De A comme alarme à S comme sucre, on apprend que café vient de «cafeh» apparu en 1651 en Turquie et qu’il

est aussi une liqueur apéritive en Éthiopie («qahwah»), que «loustic» signifie rigolo en allemand («Lustig») ou encore que robot fut utilisé par l’écrivain tchèque Karel Kapel dans un roman de science-fiction («robota»). Mais tout cela ne serait pas très amusant si Anne Delbos se contentait d’en décrypter l’usage ou le sens, non, elle donne aussi une leçon de géographie. L’album est construit comme un atlas avec, en vis-à-vis, une carte du monde en couleurs avec l’indication du pays d’origine et un tableau-montage d’images, de photos, de dessins qui sont autant de

Grandir et apprendre

Les tout-petits adoreront l’histoire de Lola, inconsolable car elle a perdu son doudou, un beau patchwork de 22 carrés colorés. Ses parents collent des affiches dans le quartier pour le retrouver, des voisins ramènent des carrés et le patchwork se reconstitue. Lola fait ainsi la connaissance de Lili et abandonne le doudou pour le vélo et sa nouvelle amie. Tout cela est rassurant et joyeux comme les couleurs acidulées des illustrations de Natacha Sicaud. Le texte d’Irène Cohen-Janca choisit le dialogue et la musique des mots, pour raconter une histoire qui apprend à grandir. Pour les plus grands un coffret sur la montagne : ils découvriront la genèse des reliefs et les noms des cailloux, apprendront à choisir leur équipement de randonnée, à fabriquer un périscope, pour observer les animaux sans être vus, et un clinomètre, pour mesurer les pentes. Mais aussi à reconnaître les rapaces en plein vol grâce aux formes de la queue

Un papillon d’hiver Richard Couaillet, Glen Chapron Actes Sud Junior, 7 euros

drapeaux imaginaires d’un monde à réinventer. Alors, si «les mots aiment voyager», il n’y a pas une minute à perdre… M.G.-G.

Anne Delbos était l’invitée de la librairie À l’encre bleue à Marseille le 7 oct dernier

et des ailes, les fleurs alpines, les différents mammifères. Un livret leur contera les légendes des montagnes, et un plan leur permettra de mouler des briques de neige pour construire un igloo ! On retrouve dans tous les coffretsdécouvertes des éditions Petite Plume de carotte les illustrations de Christian Voltz, son bonhomme de cailloux et de carton. Des coffrets avec guide, recueil, livret et plan. On en redemande ! CHRIS BOURGUE

Nom de nom Anne Delbos Éd. L’Initiale, collection L’utile, 11 euros

Le doudou de Lola Irène Cohen-Janca, Natacha Sicaud Éd. Du Rouergue, 13,50 euros Ma boîte à trésor : la montagne Frédéric Lisak, Christian Voltz Éd. Petite plume de carotte, 16,50 euros


RÉGION | IMAGE DE VILLE | MONTPELLIER

CINÉMA

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Le Court de la région Le 4 nov, la Région proposait la première d’une série de projections des films qu’elle a soutenus. La soirée, La

Région suit son court, était consacrée au court métrage : on a pu voir cinq films et rencontrer certains réalisa-

Des enfants dans les arbres de Bania Medjbar

teurs. Nous avons déjà dit tout le bien que nous pensons des Enfants dans les arbres de Bania Medjbar et le peu d’intérêt du Détour de Cristina Ciuffi. La Réparation de Julien Boustani et Cecilia Ramos nous montre un vieil homme qui, réparant des poupées an-ciennes, retrouve sa sœur, perdue depuis des années. Si on croit peu au scenario, le jeu de Serge Merlin est intéressant. Quant à Jérôme Bleitrach qui a produit d’excellents films, il vaudrait mieux qu’il continue dans cette voie. Son Changement de cap est raté ! Très réussi en revanche Le corps noir, premier film, projeté pour la première fois, de notre collaborateur Rémy Galvain. Noir, comme le costume du protagoniste, un pickpocket taiseux

dans la tradition d’un polar marseillais, obsédé par les photos de ville enregistrées dans l’appareil qu’il a volé. Noir, comme un corps physique idéal absorbant la lumière sans la réfléchir jusqu’au dénouement malicieux qu’on ne dévoilera pas. Arrêts sur images dans la dynamique d’un itinéraire, superposition des cadrages, des regards, métaphore discrète de la création et de sa réception. Une heureuse surprise ! ANNIE GAVA ET ÉLISE PADOVANI

Les tours font leur cinéma Image de Ville s’est ouvert tout naturellement par un sommet du burlesque américain, Safety Last (1923), où Harold Lloyd, acculé à se surpasser dans une société marchande sans filet, gravit la façade d’un gratte-ciel. Le skyscraper symbole de puissance architecturale naît à Chicago à la fin du XIXe siècle au même moment que le cinéma. S’inspirant de la vie de Frank Lloyd Wright, King Vidor dans Le Rebelle (1949) exalte cette modernité radicale à travers l’idéalisme forcené d’un architecte, présenté dans la dernière séquence du film, à contre-ciel, seul au sommet du building new-yorkais qu’il construit. Le cinéma hollywoodien fait de la verticalité urbaine un cadre et un mythe. Batman, Spider-Man, King Kong s’élançant d’un étage à l’autre, bousculent l’horizontalité de la lecture ; le regard s’élève ou sombre dans la faille des rues. Plongées, contre-

plongées, vertige des travellings, réfraction de la lumière, les tours font leur cinéma ! Lors de la soirée inaugurale, Jean Nouvel, invité d’honneur, a opposé les verticalités en dialogue avec le paysage et l’histoire à celles du chaos capitaliste de Shanghaï, tours guerrières «autistes» écrasant l’individu et son passé. Alain Fleischer a lu un texte dense sur la dramaturgie de la verticalité, fondement de la civilisation. La soirée tours-infernales proposée au Renoir, puis les onze courts métrages de onze réalisateurs de nationalités différentes sur le 11 septembre, ont permis de passer de la fascination de Babel au cauchemar des châteaux de cartes qui s’écroulent. Des peurs pour-de-rire aux peurs pour-de-vrai. Mégapoles des solitudes, on a revu avec plaisir le Tokyo de Sofia Coppola dans Lost in translation en 2003 et le Paris de Blier dans Buffet froid en 1979 : La Défense à peine érigée,

désert d’espaces bétonnés où résonne le délicieux non-sens des dialogues. Pour sa 8e édition, le festival aixois, à travers débats, documentaires, fictions a exploré un sujet passionnant aux vertigineuses contradictions. ÉLISE PADOVANI Harold Lloyd dans Safety Last

En passant par Montpellier… 250 films, 23 pays de la Méditerranée, 9 jours de cinéma et de rencontres, la 32e édition du Cinemed de Montpellier vient de se terminer. Et si le Festival semble avoir pris cette année un tournant plus «glamour» grâce à la présence de nombreuses stars, on n’en découvre pas moins des films internationaux à l’avenir fragile. Ainsi le 1er long métrage de la Géorgienne Rusudan Pirveli, Susa, qui a obtenu le prix du soutien à l’export, ce qui lui permettra peut-être d’être distribué. Susa, superbement interprété par Avtandil Tetradze, est un jeune garçon qui travaille dans une distillerie clandestine et qui est régulièrement racketté. Il vit avec sa mère et attend que son père revienne et change leur vie. Pendant une heure vingt, nous partageons, dans des paysages gris, son quotidien triste, égayé par le kaléidoscope qu’il a fabriqué et on est scotché à ce visage fragile, cette ténacité tranquille. Tout aussi cabossés par la vie, les protagonistes du

film du Serbe Srdjan Koljevic, The woman with the broken nose : un chauffeur de taxi réfugié bosniaque, sa cliente qui se jette du haut du pont, lui laissant un bébé sans nom, une enseignante qui n’a The woman with a broken nose de Srdjan Koljevic

pas fait le deuil de son fils renversé par les parents d’un de ses élèves, amoureux d’elle, une pharmacienne qui ne s’est pas remise de la perte de son amour de jeunesse, toutes ces vies se croisent pour dessiner le portrait de Belgrade dans l’après-guerre. Sans oublier le pont qui relie la ville nouvelle à l’ancienne, toujours embouteillé, symbole de la situation de l’ex-Yougoslavie. À la fois drôle et touchant, le film a obtenu le Prix du jeune public. Parmi les nombreuses avant-premières que le public de Cinemed a pu découvrir, le deuxième film d’Audrey Estrougo, Toi, moi, les autres, une comédie musicale très réussie dont nous reparlerons à sa sortie en salles… ANNIE GAVA

www.cinemed.tm.fr


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CINÉMA

APT | GARDANNE | TOUS COURTS

Vive Africapt ! Durant une semaine Cinémovida Apt n’a pas désempli ! Les places sont courues dans ce festival reconnu pour la qualité de sa programmation, et ses rencontres entre les réalisateurs et le public, conduites par Olivier Barlet. Le soir de l’ouverture, malgré les deux projections successives, certains Moloch Tropical © Marie Baronnet – Velvet Film 2009

sont repartis sans voir le dernier film de MahamatSaleh Haroun, Un homme qui crie, un film sensible qui montre comment en pleine guerre civile, un père trahit son propre fils. Comme dans Bye Bye Africa, Abouna, ou Daratt, saison sèche, Mahamat Saleh Haroun met en scène le motif de la disparition dans son style épuré. Superbe ! Parmi les courts métrages présentés le lendemain, on retiendra On ne mourra pas d’Amal Kateb, une histoire de tire-bouchon sur fond de terrorisme à Oran en 1994. Le réalisateur a participé à une table ronde intéressante qui réunissait de jeunes réalisateurs et des responsables de formation autour de questions de production et de diffusion dans un contexte économique et politique difficile. Tout aussi passionnante la leçon de cinéma de Raoul Peck, directeur de la FEMIS, après la projection de son dernier film Moloch Tropical. Le cinéaste haïtien a évoqué son parcours personnel, son besoin de revenir en Haïti, ceux qui l’ont

influencé : Chris Marker pour son engagement, Kieslowski pour son art de l’épure. Il a parlé de ses doutes, de ses succès et de son engagement politique : «Le cinéma qui n’a pas d’impact sur la vie est déficitaire.» En 1994 et 95 il fut ministre de la culture de Jean-Bertrand, le temps de connaître les rouages du pouvoir et d’approcher celui que tout le monde reconnaît dans le personnage du héros de Moloch Tropical, superbement interprété par Zinedine Soualem. Tourné dans la citadelle du roi Christophe, symbole de la seule nation créée par une révolution d’esclaves victorieux, le film raconte le dernier jour de règne d’un président grotesque, obsédé sexuel et populiste, qui ne veut rien comprendre malgré les mises en garde de sa femme, la belle Sonia Rolland. Le Président jouera jusqu’au bout la farce tragique du pouvoir et en deviendra fou… ANNIE GAVA

Pellicules d’automne La 22e édition du festival de cinéma de Gardanne apportait comme chaque année une programmation riche et éclectique : des rendez-vous d’auteurs avec le public qui venaient faire partager leur expérience passionnée (Khaled Benaïssa, Pascal Boucher, Mariana Otero, Mohamed Soudani, Frédéric Chaudier), et de nombreuses avant-premières. Comme le revigorant Benda Bilili de Renaud Barret et Florent de La Tullaye, qui montre que même dans les pires situations, (il s’agit d’une histoire vraie : les personnages sont handicapés, vivent à Kinshasa, dorment dans la rue), le talent peut éclore (et avec quelle force !) ; ou Ce n’est qu’un début de Jean-Pierre Pozzi et Pierre Barougier, qui répond à certains ministres qui affirmaient que l’école maternelle n’était qu’une histoire de couches culottes : la philo en moyenne et grande section, c’est possible et quel enrichissement ! ou encore le très beau Nostalgie de la lumière de Patricio Guzman (voir zib’32). Ces trois films ont d’ailleurs été plébiscités par le

public : certes, ils entraînent dans des voyages lointains, mais surtout, ils parlent de transmission, fil conducteur de cette édition qui accordait une belle unité à la vaste sélection d’œuvres venues du monde entier, Corée (superbe Mother), Israël, Roumanie, Espagne (dont le bouleversant Rabia), Italie (La nostra vita en ouverture), Inde (avec une soirée Bollywood), Égypte, Russie, Géorgie, Turquie, États-Unis, Argentine, Chili, Kirghizistan, Islande, France et un bel hommage au cinéma algérien (le superbe film de Rachid Bouchareb, London River, sait évoquer deux personnages en quête de leurs enfants après les attentats de Londres, avec un ton juste, et une puissance d’émotion rares). De l’émotion encore avec Sur les pas de Pina Bausch, où la chorégraphie permet aux jeunes danseurs de plonger en euxmêmes et de se comprendre (voir p25). Impossible de rendre compte de ce joyeux foisonnement dans lequel le rire aussi prenait sa place avec des films comme Potiche ou Mourir ? Plutôt crever. Ce qui est une

Ce n'est qu'un debut de Jean-Pierre Pozzi et Pierre Barougier

manifestation profondément réjouissante fréquentée par un public nombreux, passionné, connaisseur qui prouve que le cinéma d’auteur peut être rentable… Le cinéma de Gardanne accomplit un travail remarquable en ce sens à l’année. Merci ! MARYVONNE COLOMBANI

Festival d’automne de Gardanne a eu lieu du 20 oct au 2 nov

Vacances, dessous et fanfare… C’est reparti pour Tous Courts, le festival du court dans tous ses états… Le 29 nov au Centre des Congrès d’Aix la 28e édition s’ouvre avec le traditionnel programme Courts par excellence, où vous verrez, entre autres, Chienne d’histoire de Serge Avedikian, La Baie du Renard de Grégoire Colin, Amal d’Ali Benkirane… La soirée se poursuit en fanfare avec les 18 musiciens de La Banda Du Dock. Dès le lendemain commencera la Compétition Internationale, une soixantaine de films venus de 24 pays, répartis en 11 programmes, «courts métrages qui riment avec découverte, expérience, différence, un cinéma fait d’Humanités», sous le regard bienveillant et critique du Jury, Elisabeth Depardieu, Ali Benkirane, Grégoire Colin, Gilles Alonzo et Francis Gavelle, de la Semaine Internationale de la Critique. Il est à parier que, comme à son habitude, cette compétition révèlera de jolies surprises. Courts en liberté aborde cette année les vacances

dans le cinéma, un voyage dans le siècle, des Lunettes féériques d’Emile Cohl en 1909 à Comme un drapeau déchu de Samuel Domingo en 2010, en passant Du Côté de la côte d’Agnès Varda en 1958 ou La Garoupe de Man Ray en 1937. Vous continueAmal d’Ali Benkirane

rez le voyage, en Grèce, avec les Carnets de Paola Starakis du Centre du Cinéma Grec qui permettra de revoir l’amusant Ela na sou po de Katerina Filiotou, puis en compagnie de Francis Gavelle, Alice et moi de Micha Wald et un dernier Carnet proposé à l’Agence du Court Métrage. La Nuit du court, le 3 déc à partir de 23h, sera coquine ! Une Nuit «sans dessous dessus» avec (presque) au hasard, Ma culotte de Blandine Lenoir ou Des majorettes dans l’espace de David Fourrier. Pour ceux qui aiment l’envers du décor, un atelier sur la musique de film, le 2 déc à la Cité du Livre, avec le compositeur Yves de Bujadoux. Et aussi, Du Court au long, la soirée des producteurs de la Région… Et pour la soirée de clôture, le 4 déc à 19h30 au Mazarin avec le palmarès de la compétition internationale, n’oubliez pas de réserver ! ANNIE GAVA


AFLAM | PRIX CMCA | CINÉHORIZONTES

CINÉMA

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Fantômes libanais Du 19 oct et jusqu’au 20 nov Aflam propose au public de la région PACA un gros plan sur les cinéma(S) du Liban. Cinéma pluriel par sa diversité, l’identité multiple de ses réalisateurs (trices), exilés ou non, toutes générations confondues, marqués par les guerres successives ou le souvenir du sang versé. Cinéma-thérapie, «démocratique dans un pays qui ne l’est pas». Films politiques, toujours très personnels. Ainsi les deux premiers longs métrages de Maroud Badgadhi. Beyrouth ô Beyrouth (1975), travail de fin d’études où se lisent tout l’amour du réalisateur pour la capitale libanaise alors intacte, et sa vision sans concession d’une société clanique au bord de l’explosion. Un film rare, prémonitoire, tout en ruptures et en ellipses où, à côté des types sociaux -la bourgeoise, le militant et le professeur chrétien-, danse au-dessus de l’abîme un fou

pasolinien. Abîme ouvert par Petites Guerres (1982) dans un Beyrouth en ruines «plus becqueté que dé à coudre». Film grinçant au propos décapant d’un anticonformisme salutaire et désespéré. Qui tue ? Pourquoi ? On ne le sait plus. Les héros stendhaliens piégés par leurs désirs contradictoires, dépassés par une situation tragique et grotesque, se perdent irrémédiablement. Générations sacrifiées. Crimes que la société après la réconciliation officielle paraît vouloir oublier et que les jeunes réalisateurs dénoncent. Contre l’amnésie, des documentaires autobiographiques recueillent patiemment les témoignages familiaux réticents. Simon El Habre dans The one man village suit son oncle Semaan revenu vivre à Ain el-Halazoun vidé et détruit par la guerre civile. On y découvre par bribes les drames de chacun, une douleur pudique

The One man village de Simon El Habre

bouleversante. Grand moment d’émotion aussi lors de la présentation de Chou Sar (Que s’est-il passé ?) de De Gaulle Eid au bord des larmes. Son film censuré raconte le retour du réalisateur au village natal dans lequel vit toujours, protégé par l’amnistie, l’assassin de sa mère «exécuté à

blanc» par un plan-fixe insoutenable. Le Liban à travers son cinéma semble hanté de fantômes en quête de paix. ÉLISE PADOVANI

Massilia loca C’est le 5 nov, au cinéma le Prado, que s’est ouverte la 9e édition du festival du cinéma espagnol à Marseille, en présence de Lola Duenas. L’actrice, prix d’interprétation à Cannes en 2006 pour Volver d’Almodovar, présentait Yo, tambien d’Alvaro Pastor et Antonio Naharro. Si le film flirte dangereusement avec les poncifs qu’imposent l’évocation de la situation des trisomiques dans notre société, la justesse d’interprétation du duo de comédiens évite au film de basculer dans la mièvrerie redoutée. Cette réussite, ajoutée au sourire communicatif d’une Carlos Saura © A. G

première invitée de marque, lançait idéalement le festival. Car des représentants prestigieux du cinéma espagnol, il y en eut ! Fernando Trueba fut à l’honneur le 7 nov où trois de ses films étaient projetés en sa présence. Lors de la soirée de clôture, Carlos Saura, le réalisateur aux 40 films, présentait son dernier opus, Io, Don Giovanni. Retraçant la naissance du célèbre opéra de Mozart, Saura signe une mise en scène ambitieuse et malicieuse, faite de décors peints et théâtralisés, où il choisit judicieusement une mise en abîme sur le processus de création plutôt que l’aspect historique, intraitable depuis le chef-d’œuvre de Forman. Comparée à ces ténors, la sélection officielle fut inégale mais représentative de la création espagnole. La famille et ses secrets furent souvent au centre des débats : Tres Dies amb la familia de Mar Coll, Elisa K de Jordi Cadena et Judith Colell, La Isla interior de Dunia Ayaso et Félix Sabroso, ou encore Amores locos de Beda Docampo Feijoo, décryptent avec plus ou moins de réussite l’influence familiale sur les comportements sociaux. Ce sont pourtant des œuvres moins ancrées dans le réalisme social qui ont emporté les faveurs du public et du jury, présidé par Blanca Li. Map of Sounds of Tokyo de Isabel Coixet, qui suit Sergi Lopez dans la tentaculaire capitale japonaise, fut récompensé par le jury. Le dernier film de Trueba, El baile de la victoria, joli portrait de deux voleurs libérés de prison par le retour de la démocratie au Chili, reçut lui le prix du public. Le jury de la soirée courts métrages organisée à l’Espace Julien le 10 nov fut unanime en primant El Orden de las cosas des frères Esteban Alenda, grand gagnant d’une sélection plutôt pauvre. Des prix conformes aux prévisions, mais ce beau panorama de 28 films et la bonne fréquentation des salles assurent de la santé de la production espagnole. Et de beaux lendemains pour CineHorizontes. REMY GALVAIN

Création audiovisuelle Le Prix International du Documentaire et du Reportage Méditerranéen, créé en 1994 par le CMCA -Centre Méditerranéen de la Communication Audiovisuelle, pré-sente une sélection des meilleurs documentaires et reportages que producteurs et réalisateurs ont consacré aux enjeux, à l’histoire et au patrimoine de la Méditerranée. La 15e édition se tiendra à Marseille du 28 au 30 nov et seront présents les 32 finalistes du Prix parmi les 244 réalisateurs qui ont envoyé leurs reportages et documentaires. Le 1er déc à 11h, une rencontre-débat aura lieu au Palais de la Bourse sur la production audiovisuelle dans l’espace euro méditerranéen. Des projections publiques seront proposées à la Maison de la Région et à l’Alcazar, les 29 et 30 nov ainsi que le 1er déc. L’occasion de découvrir des films que vous n’aviez pu voir comme Mon Oncle de Kabylie de Chloé Hunzinger ou Nous, Princesses de Clèves de Régis Sauder. 04 91 42 03 02 www.prixcmca.wordpress.com


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CINÉMA

RENDEZ-VOUS D’ANNIE

Cabrières sur courts Dans le cadre du mois du documentaire, le 17 nov à 19h sera projeté au cinéma Le Méliès à Portde-Bouc Fin de concession de Pierre Carles, un film enquête sur la privatisation de TF1.

Madagascar, carnet de voyage de Bastien Dubois

Du 18 au 21 nov, à Cabrières d’Avignon, l’association Cinambule propose la 17e édition de Court c’est court !, trois jours consacrés au court métrage : 10 programmes, 21 séances, 81 films et une installation vidéo, Avant la sculpture, du Suédois Kim Warsen qui sera présent, tout comme l’écrivain Mac Lim Wilson, qui assistera à la séance consacrée à l’Irlande. Une programmation, Courts en Méditerranée, permettra de voir Phone Story de Berivan Binevsa, prix du public à 13 en Courts de FFM, ou Promenade de Sabine El Chamaa (voir Zib’ 34). Dans le programme Premiers courts, ne ratez pas Madagascar, carnet de voyage de Bastien Dubois et, dans les différents Panoramas, les multi primés Logorama, Oscar du CM, et Donde esta Kim Basinger d’Edouard Deluc. Les documentaires, la séance Courts en docs, concoctée avec Et Doc !, un collectif citoyen d’Avignon, le cinéma expérimental, l’animation avec Courts animés dont Le Silence sous l’écorce de Joanna Lurieet Don’t go de Turgut Akaciksont aussi

04 42 06 29 77 www.cinemeliesportdebouc.fr

proposés à Cinémômes. Tout le Court est à Cabrières ! Court c’est court Du 18 au 21 nov Cabrières d’Avignon 04 90 74 08 84 http://cinambule.free.fr

À Digne, loin des mondes

Ulzhan de Volker Schlondorff

Les Rencontres Cinématographiques de Digneles-Bains et des Alpes de Haute-Provence proposent au public de découvrir des films d’aujourd’hui, tout en retrouvant le cinéma de patrimoine, et «les œuvres qui témoignent de la nécessité du lointain pour mieux appréhender le réel.» En ouverture, le 22 nov, Des hommes et des

dieux de Xavier Beauvois ; le lendemain à 16h30, Simon du désert de Luis Buñuel, suivi de Thérèse, voyage extatique d’Alain Cavalier. À 21h, vous aurez le plaisir de voir Olivier Gourmet dans Robert Mitchum est mort, présenté en avant-première, en présence de leurs réalisateurs, Olivier Babinet et Fred Kihn. Le 25 à 14h, c’est avec Suzanne Hême de Lacotte, spécialiste de l’œuvre de Gilles Deleuze, que vous pourrez revoir la Palme d’Or 1984, Paris, Texas de Wim Wenders. À moins que vous ne préfériez passer un moment à Rome avec l’Eclipse d’Antonioni ? ou faire un beau voyage initiatique au cœur des steppes d’Asie centrale avec Ulzhan de Volker Schlöndorff ? Rencontres Cinématographiques Du 22 au 25 nov Digne-les-Bains 04 92 32 29 33 www.unautrecinema.com

Femmes au fil du temps L’association Les Chantiers du cinéma propose, lors de son 9e Festival Portraits de femmes qui a pour thème cette année «Au fil du temps», une vingtaine de longs métrages venus d’une douzaine de pays, projetés à Toulon du 29 au 31 nov ; à Six Fours du 2 au 4 déc et à La Seyne du 6 au 11 déc, avec en plus, la nuit du court métrage le 10 déc à 20h. L’inauguration aura lieu à la Seyne le 6 déc à 19h avec le film de Julie Bertuccelli, L’Arbre, adapté d’un roman de Judy Pascoe, qui raconte l’histoire d’une fillette qui croit que l’arbre du jardin abrite l’esprit de son père. En clôture, le 11 déc à 20 h 30, Benda Bilili de R. Barret et F. de la Tullaye, la belle aventure d’un groupe de musiciens congolais invalides. Entre les deux, vous pourrez voir Poetry de Lee Chang-Dong, Vincere de Marco Bellocchio, El

L'Arbre de Julie Bertuccelli

Greco de Iannis Smaragdis, l’épopée d’un artiste peintre au XVIe siècle ou Entre nos mains de Mariana Otéro. Les Chantiers du Cinéma 04 94 09 05 31 www.festivalportraitsdefemmes.fr

Le 17 nov à 14h30 aux ABD Gaston-Defferre, projection de courts métrages d’animation, en présence d’Alexios Tjoyas, illustrateur, et de Thomas Azuelos, dessinateur de bandes dessinées : L’oiseau Do de Henri Heidsieck et Chienne d’histoire de Serge Avédikian. 04 91 08 61 00 www.biblio13.fr

Le 18 nov au Cinéma Renoir à Martigues, les Instants Vidéo proposent un Ciné-buffet-concert : Filmer la musique. À 18h30, Les couleurs du prisme, la mécanique du temps, en présence de la réalisatrice, Jacqueline Caux, et à 21h L’homme à la caméra de Dziga Vertov, en concert live avec Philippe Le Van, David Dupeyre et Philippe Festou, David Carion, Gérard Murphy et Gérard Guérin. Cinéma Renoir 04 42 44 32 21 http://cinemajeanrenoir.blogspot.com

Du 20 au 23 nov, l’Institut de l’Image à Aix fête les 200 ans de la bibliothèque Méjanes (voir p 70) et propose un programme, Autour du livre… ; l’occasion de (re)voir Fahrenheit 451 de Truffaut, d’après le roman d’anticipation de Ray Bradbury ; des courts réalisés par Resnais, Moullet et Van der Keuken ; pour les plus jeunes, Brendan et le secret de Kells de Tomm Moore ; et pour tous Le Destin de Youssef Chahine, magnifique fresque sur Averroès, les arabo-andalous, la traduction et la passation de l’écrit. Autour du livre… Institut de l’Image, Aix 04 42 26 81 82 www.institut-image.org

Le 22 nov à 20h, le cinéma Variétés et le CE de la région PACA proposent la projection du documentaire de Luc Joulé et Sébastien Jousse, Cheminots, en présence de Luc Joulé et de l’historien Robert Mencherini. Un voyage au cœur de la SNCF, qui donne la parole aux cheminots, leur permet d’exprimer leurs doutes, leurs craintes à l’heure de la libéralisation et de l’ouverture à la concurrence. Le 24 nov à 20h projection en avant-première d’Un balcon sur la mer en présence de la réalisatrice Nicole Garcia et de l’un des acteurs, Jean Dujardin. Dans le sud de la France, Marc, agent immobilier, marié et père de famille, rencontre une femme dont le visage lui est familier. Il pense reconnaître Cathy, l’amour de ses 12 ans dans une l’Algérie de la fin de la guerre d’indépendance… Les Variétés 04 96 11 61 61


CINÉMA 63

Cinéma Asymétrique Les projections de Sous le signe d’Averroès continuent dans plusieurs cinémas de la région. Le 25 nov à 20h30, Soirée Thalassa, en ouverture des tables rondes des Rencontres d’Averroès, au cinéma les Variétés : Gaza, une plage sous embargo ; Méditerranée : une mer tropicale ? D’un littoral à l’autre : la double vie de Benidorm. La soirée se déroulera présence de Georges Pernoud, producteur de Thalassa, Titouan Lamazou, François Jacquel , directeur du CMCA et Thierry Fabre. Les Variétés 04 96 11 61 61 www.rencontresaverroes.net

Le 25 nov à 20h, en partenariat avec le cinéma Prado, l’association Cinépage propose Atlantic City de Louis Malle avec Burt Lancaster et Susan Sarandon. Cinépage 04 91 85 07 17 www.cinepage.com

Le 26 nov à 20h30, à l’Alhambra, projection d’Entre les mains en présence de Mariana Otero. Le 12 déc de 10h à 19h, la 2e édition de La Fabuleuse Fabrique du Cinéma propose des rencontres, des ateliers et des animations. À 17h30 avant-première d’Une vie de Chat, un film d’animation d’Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli. Dino, un chat, partage sa vie entre deux maisons. Le jour, il vit avec Zoé, la fillette d’une commissaire de police, la nuit, il escalade les toits de Paris en compagnie de Nico, un cambrioleur d’une grande habileté… Le 4 déc à 17h30, dans le cadre du mois du documentaire, à l’Alhambra Cinémarseille, projection d’Un long cri mêlé à celui du vent en présence de la réalisatrice, Julie Aguttes : à Marseille, il y a ceux qui travaillent sur le port et les autres. Le 3 déc, dans le cadre de Laterna Magica, Fotokino propose Chang, un ciné-concert avec Uli Wolters aux saxophones, percussions, objets sur le film de Cooper et Shoedsack, les créateurs de King Kong. Le 23 nov à 20h30 dans le cade de la manifestation Marseille retrouve le Nord, projection de Bamako d’Abderrahmane Sissako en présence d’Aminata Traoré. Alhambra Cinémarseille 04 91 03 84 66 www.alhambracine.com

Dans le cadre de la 4e édition de 1,2,3 soleil pour les Droits de l’enfant, le 19 nov à 9h30, à la Maison de la Région, hommage au cinéma de Paul Carpita : Des lapins dans la tête et La grenouille. Sera projeté aussi Le vol des sens, film réalisé par des enfants dans un atelier de Peuple et Culture Marseille. Couleur Cactus 06 98 72 29 07 couleurscactus.blog4ever.com/

Du 30 nov au 5 déc au Palais Longchamp aura lieu la 4e édition du Festival Miroirs et Cinémas d’Afriques : plus de 25 films venus d une douzaine de pays, des tables rondes, une exposition d’art plastique. Afriki Djigui Theatri 04 91 08 49 39 www.djigui.org

Les mardis de la Cinémathèque proposent, à 19h, au CRDP, le 23 nov, Au royaume de cieux de Julien Duvivier ; le 30, Quai des Orfèvres de Clouzot ; le 7 déc, Le Général de la Rovere de Rossellini et le 16 déc un cinéconcert : Flamenco de Carlos Saura sera précédé d’un concert de Kambiz Pakadan, guitariste flamenco d’origine iranienne. La Cinémathèque de Marseille 04 91 50 64 48

Du 22 au 29 nov se tiendra au Polygone étoilé la 6e Semaine Asymétrique. Zibeline a interrogé un de ses fondateurs, Jean-François Neplaz, dont le film Alpini vient d’être projeté à la Friche. Zibeline : Pourquoi ce nom ? Jean-François Neplaz : L’asymétrie est une figure naturelle, à l’inverse de la symétrie ; pour marcher, il faut un déséquilibre. Qui organise cette semaine ? Des collectifs issus d’Ipotesi Cinema (une école de cinéma créée en 1982 par Ermanno Olmi, ndrl), et l’équipe de Film Flamme à Marseille, auxquels s’associent des cinéastes indépendants, allemands, belges et chiliens. Cinéastes indépendants ? On n’a plus trop l’habitude d’entendre ces termes en France ! Effectivement, en France, le terme a disparu après les années 80. Et le paradoxe est que, si les collectifs français sont menacés de disparition, on assiste à l’émergence de nouveaux cinéastes qui ont un vrai DÉSIR de cinéma. Que va-t-il se passer durant cette Semaine asymétrique ? Comme les années précédentes on va se rencontrer, voir des films, en parler, parler de CINÉMA, pas seulement entre nous, avec le public aussi. Et l’on va poser des questions politiques : quelle place pour le cinéma des jeunes réalisateurs face au cinéma industriel ? Qui donne les aides aux cinéastes actuellement ? Quand ces aides, en PACA, ont été

créées, le président Vauzelle s’était engagé à un dialogue et à une participation des cinéastes de la région aux commissions. C’est ce qui s’est passé, mais au fil du temps cela n’a plus été le cas ; les services culturels décident en s’alignant sur les critères du CNC. Les bourses de recherche ont disparu. Dans la région beaucoup de cinéastes font des films ; ils en vivent… plus ou moins bien ! Il faut qu’ils soient réintroduits dans l’économie sociale. Nous voulons redonner ses lettres de noblesse à ce cinéma de création qui est aussi important que le cinéma industriel. Quels seront les moments forts de cette semaine ? Par exemple, nous allons montrer le film que Mario Brenta a tourné ave Karine Devillers, Calle de la pietà, une chronique entre réel et imaginaire de la dernière journée de la vie du Titien. Brenta n’avait plus rien tourné depuis Barnabo delle montagne en1994 et nous avons réuni les deux. Et bien sûr plein d’autres films. Il n’y a pas de sélection pour la Semaine Asymétrique. Celui qui veut montrer son film le propose et on en parle tous ensemble. On parle de cinéma. PROPOS RECUEILLIS PAR ANNIE GAVA

04 91 91 58 23 www.polygone-etoile.com

Du 8 au 21 déc, l’Institut de l’Image propose de revoir l’œuvre délicieuse d’Ernst Lubitsch, «Le prince de la comédie américaine» : Trouble in Paradise ; Design for Living avec Gary Cooper, Fredric March, Miriam Hopkins ; La 8e femme de Barbe Bleue ; Ninotchka avec Greta Garbo, présenté par Marc Cerisuelo, professeur d’Histoire et d’Esthétique du cinéma, et le 13 déc à 20h un festival de comédies subtiles The Shop Around The Corner ; To Be or Not to Be ; Le ciel peut attendre et son dernier film, La Dame au manteau d’hermine. Institut de l’Image Cité du livre, Aix 04 42 26 81 82 www.institut-image.org

Jean-Francois Neplaz © Niccolo Manzolini


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ARTS VISUELS

AU PROGRAMME Vœux d’artistes Vœux d’artistes est devenu au fil du temps le rendez-vous des artistes et des amateurs sensibles à la même cause : aider les enfants en soin dans les services d’oncologie, d’hématologie, de radiothérapie et de chirurgie infantile à La Timone. La 17e édition, parrainée par lacomédienne Marianne Epin et le nageur Camille Lacourt, réunit 111 artistes (dont 56 nouveaux) durant 11 jours pour la vente d’œuvres au prix unique de 111 euros. M.G.-G.

Vœux d’artistes du 18 au 28 novembre Maison de l’artisanat et des métiers d’art, Marseille 1er www.voeuxdartistes.org © Danièle Torrent

M.G.-G.

Supervues 2010 10, 11 et 12 décembre Hôtel Burrhus, Vaison-la-Romaine 04 90 36 00 11 www.supervues.com

Frederic Guinot presente par la Galerie Martagon © X-D.R

Chambres avec vue L’Hôtel Burrhus affiche complet, inutile d’insister ! Sauf pour les 35 artistes exposés dans les chambres qui ouvrent la porte aux amateurs, collectionneurs et galeries le temps d’un week-end inattendu. Car Supervues est une mini-foire d’art contemporain intime et conviviale qui mêle artistes et associations d’ici (Voyons Voir, Frac, Galerie du Tableau, Videochroniques, galerieofmarseille) et d’ailleurs…

Esprit des lieux Explorateur des faces cachées des villes des pays de l’Est ou de Chine, Bogdan Konopka s’est immergé dans les paysages des Hautes-Alpes à l’invitation du théâtre La Passerelle. De ses longues conversations muettes avec les murs, une chapelle, un ancien hôtel, ce qu’il nomme «la ville invisible», ses photographies «miniatures» réalisées à la chambre gardent la trace, muette elle aussi et hors du temps. M.G.-G.

Beauté mortelle, balade photographique en pays alpin Bogdan Konopka du 30 novembre au 8 janvier Galerie du théâtre, La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu Usine Badin, Gap © Bogdan Konopka

Bons motifs Fruit d’une longue expérience (le peintre est né en 1935) l’œuvre de François de Asis puise l’essentiel entre tradition et modernité : travail sur le motif et chevalet dans le paysage méditerranéen : Sainte Victoire (au pied de laquelle est installé son atelier), Isle-sur-La Sorgue, Italie, Grèce ; exploration des problématiques et des marges de la figuration, profondeur, plein/vide, blanc de la toile comme élément plastique, transparence cherchent à structurer l’espace pictural. C.L.

L’Arbre, la Jourdane, l’Atelier d’Aix Peintures de François de Asis jusqu’au 24 décembre Galerie Vincent Bercker, Aix 04 42 21 46 84

L’Arbre, la Jourdane, l’Atelier d’Aix, peintures de François de Asis © X-D.R


ARTS VISUELS

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Détournement Invité par le musée Gassendi à dialoguer avec ses collections permanentes pour «mieux nous désorienter, nous déshabituer des lieux», Olivier Grossetête s’en donne à cœur joie. À l’instar de son Bateau ivre (2003), il renverse le rapport d’échelle entre les œuvres et leur environnement, joue avec les formes, les structures, les matières, détourne les objets, jongle avec les mots et leur polysémie. Bref relève le défi «à main levée». M.G.-G.

Pont flottant, Olivier grossetete © Olivier Grossetete pour l'exposition À main levée au musée Gassendi, Digne

À main levée Olivier Grossetête jusqu’au 30 novembre Musée Gassendi, Digne-les-Bains 04 92 31 45 29 www.musee-gassendi.org

M.G.-G.

Des éléphants et des hommes Jean-François Mutzig jusqu’au 28 novembre Fondation Carzou, Manosque 04 92 87 40 49 www.fondationcarzou.fr

Tribal

Des elephants et des hommes © Jean-Francois Mutzig

Pachydermique Cela fait 20 ans que Jean-François Mutzig vise le monde à travers son objectif, plus particulièrement l’Asie et son animal mythique, l’éléphant. Plus que sa puissance et sa monumentalité, c’est sa relation à l’homme qu’il ausculte. Journaliste-reporter (il expose à Visa pour l’Image à Perpignan), Jean-François Mutzig dépasse la photo animalière pour livrer des portraits qui font de l’éléphant une «sculpture» vivante.

Fidèle à la galerie Sordini, Pierre Ribà rassemble ici un corpus d’œuvres récentes, sculptures-reliefs totemiques à l’aspect brut, faussement fragiles, d’une extrême complexité. Le geste est celui de l’artisan, les formes sont épurées, les tonalités sourdes et monochromes, les titres majestueux : Reine de la nuit, Déchirure de printemps, Gueule cassée… En bronze ou en carton, ses pièces ont «le charme primitif de la modernité». M.G.-G. Le Major, Pierre Riba © X.D-R

Œuvres récentes Pierre Ribà du 23 novembre au 23 décembre Galerie Sordini, Marseille 1er 04 91 55 59 99 www.galerie-sordini.com Maya Schweizer, photographie pour le projet d'exposition au 3bisf, Aix, 2010

Histoires de… Réel et fictions, représentation mentale et images concrètes, confusion et éclaircissement, fragment et reconstruction, histoire personnelle, familiale et société, individu et thérapie sociale inspirée des travaux de Franz Fanon en particulier travaillent la démarche de Maya Schweizer. Photos, vidéos, dessins rendront compte de sa résidence de création in situ et de l’atelier public. C.L.

Présent, passé, fiction à venir Maya Schweizer du 25 novembre au 16 décembre 3bisf , Aix 04 42 16 17 75 www.3bisf.com


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ARTS VISUELS

NOUVEAUX LIEUX À MARSEILLE

Où ça ? De nouveaux lieux à Marseille ! Alors que certains ont déjà baissé le rideau (Rlbq, Insulaire), jouent sur le fil (Buysellf ?), ou envisagent la délocalisation (Bonneau-Samames?) un ailleurs se crée. Ou se réinvente… Une première 1897. Nadar, l’emblématique maître de la photographie, installe au 77 de la Canebière un studio, dont a hérité la famille Detaille. Jusqu’à aujourd’hui l’établissement commercial exposait ponctuellement de la peinture. Dans l’espoir d’une éventuelle conversion de l’atelier en musée, et tout en poursuivant la valorisation du richissime fonds familial de Nadar, Gérard et Hélène Detaille ont fait le pari d’ouvrir aujourd’hui une galerie indépendante dédiée à la photographie. L’ancienne fabrique d’allumettes du quartier Périer accueillera pour son premier évènement une sélection de 70 tirages de Sabine Weiss couvrant la période des années parisiennes à aujourd’hui. Cette grande figure de la photographie humaniste avec Doisneau, Isis, ou encore Willy Ronis, sera présente lors de l’inauguration le 25 nov, à partir de 18h30. C.L. Galerie Detaille 5-7 rue Marius Jauffret, Marseille 8e 04 91 53 43 46 www.detaille-photo.fr

Exposition inaugurale de la galerie Stammegna en cours d'accrochage © Claud Lorin/Zibeline

Anciens et Modernes L’enseigne réputée de Marc Stammegna glisse de la rue Breteuil pour se rapprocher du quartier des antiquaires. Dans ce nouvel espace de 500m2 entièrement rénové avec le concours de l’architecte Chantal Costamagna, le galeriste poursuivra ses activités de vente et expertise spécialisées dans l’École provençale et Monticelli, les bronzes (Barye, Bugatti) et objets décoratifs. «Je veux aussi développer le département art moderne avec des artistes comme Zao Wou-Ki, Hartung, Buffet, César qui seront présentés dans l’exposition d’ouverture». Des valeurs sûres pour une clientèle déjà acquise ou à conquérir installée entre les Alpilles et Nice pendant que 60% du chiffre d’affaire de la galerie se réalise à l’étranger. L’art contemporain est accueilli à la Fondation Monticelli (Klasen jusqu’au 19 déc). Cette année marquera aussi une étape importante pour l’entreprise marseillaise qui représentera en région la première maison de vente aux enchères française, Artcurial. La galerie s’offre ainsi une visibilité agrandie à l’échelle nationale et internationale. C.L. Galerie Stammegna-Artcurial Associé 18-22 rue Edmond Rostand, Marseille 6e 04 91 37 46 05 www.galerie-stammegna.fr

Paris, 1952, photographie de Sabine Weiss exposee a la galerie Detaille, novembre 2010 © Sabine Weiss

Tous ensemble Promouvoir l’art contemporain à Marseille n’étant pas une sinécure, mieux vaut jouer la carte du collectif. Après l’expérience Vol de Nuits (Confrontation[s] 1), Mireille Batby poursuit son travail de réflexion de croisement des genres et des pratiques collectives contemporains. Espace d’accueil (derniers jours pour l’exposition Mélanie Terrier avec les Instants Vidéo), Grands Terrains (Labelmarseille, m2k13, VillesAllantVers, DesignTheFutureNow) se veut un vivier de pensée et de conception de projets implanté dans le quartier de la Plaine. Un lieu où interviendront photo, vidéo, musique expérimentale, culture numérique, sciences, intégration des publics amateurs et spécifiques. La saison 2010-2011 se développera sous le signe de l’Intrus. Parmi les prochaines propositions : Anonymatx avec l’École d’art d’Aix, les Trobaïritz sur la question de la parité, et Confrontation[s]2. CLAUDE LORIN

Les Grands Terrains 8 rue Vian, Marseille 6e 09 54 20 15 85 http://grandsterrains.fr

Installation et objets video de Melanie Terrier aux Grands Terrains © C. Lorin/Zibeline


ART-CADE | ATELIERS DE VISU

ARTS VISUELS

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Bord à bord «D’un rivage, en effet, il y a toujours un autre rivage. Une rive appelle l’autre rive. Un bord renvoie à un autre bord»… et si cet autre bord était le Maghreb «généralement associé à l’immigration et à l’identité» ? Dépassant cette vision réductrice, Seloua Luste Boulbina a conçu l’événement Autre bord #1 où s’entrecroisent des rêves d’ailleurs à travers la photographie et la vidéo, les deux vecteurs les plus pertinents pour rendre compte de la création contemporaine en Afrique du Nord. Directrice de programme au Collège international de Philosophie, la commissaire d’exposition a également souhaité faire entendre la parole de penseurs et d’écrivains, invités parfois au coeur des dispositifs comme le dramaturge algérien Mohamed Kacimi qui fit le 4 nov une lecture piquante de L’Orient après l’Amour (Éd. Actes Sud) sur fond de vidéo de Kader Attia… une fois la bande son éteinte ! Kader Attia, figure internationale installée à Berlin, développe ici une nouvelle série des Rochers carrés, parallèle troublant entre le béton des cités parisiennes et la plage de son enfance à Alger, et une vidéo

intimiste, Couscous aftermaths, en hommage aux femmes de son pays. Geste rituel autour d’un couscous improbable, où les fragments de miroirs et les sacs poubelle remplacent la graine de couscous et les plats traditionnels en terre… Sur le même bord de la Méditerranée, le monde peut lui aussi changer, et les points de vue des artistes aussi. Mouna Karray, un pied en France l’autre en Tunisie, jette sur les murs abandonnés de Sfax un regard distancié : dans un style classique irréprochable elle s’interroge sur les transformations irrémédiables du paysage urbain, les murs érigés (série Murmurer) qui sont autant de frontières entre les espaces de vie. Produite pour l’occasion l’installation multimédia de Dora Dhouib, Muslimofmydream.com, réagit à un phénomène social nouveau : celui du public musulman pris comme cible de l’Internet avec l’émergence de sites de rencontres communautaires. Déployés aux quatre coins du monde, ils cherchent l’âme sœur, parlent arabe, français, anglais, se dévoilent sous le voile ou derrière une photo volée. Ils sont tous différents.

Rochers Carres, 2009, serie photographique, courtesy Kader Attia, Sharjah Art Foundation, galerie Christian Nagel (Berlin & Cologne)

N’est-ce pas le fondement même de la manifestation que de souligner toutes les subjectivités qui habitent ces rivages ? M.G.-G.

L’Autre bord #1, projet réalisé avec les Rencontres Place Publique, Les Rencontres d’Averroès, l’École supérieure des Beaux-arts de Marseille et l’École d’art d’Aix-en-Provence jusqu’au 7 décembre

Galerie des Grands Bains douches de la Plaine et galerie Montgrand, Marseille Art-Cade 04 91 47 87 92 www.art-cade.org

Coup de sirocco Accueillie en 2001 à l’Atelier de visu avec Rives, la photographe Dolorès Marat revient avec une série récente, inédite et toujours en cours : Sirocco. Un tour des paysages, des architectures et des hommes du pourtour méditerranéen, particulièrement des villes mythiques où le temps semble s’être définitivement arrêté. Petra en Jordanie, Rome l’antique ou le grand désert blanc balayés par ce vent venu de terres chaudes. Figés, les rives et les

visages sont intemporels, fixés à leur tour par un objectif que l’on imagine discret… Dolorès Marat marche, regarde et photographie comme pour révéler l’intériorité des choses qui l’entourent : scènes insolites, fragment de mur, traces animales. De cette mosaïque d’images furtives naissent d’apaisantes sensations, des formes évanescentes et des visions abstraites. Des photographies couleur comme des tableaux, un paysage de Millet, les cieux de Turner, dont le grain velouté est la marque de Palmyre © Dolores Marat fabrique : la photographe utilise depuis toujours, et exclusivement, le procédé de tirage Fresson (charbon) qui donne à ses images cette densité étonnante. Le regard y pénètre, s’enfonce, se perd, imagine de multiples scénarios face à une œuvre débarrassée de toute fonction descriptive. Sirocco n’est pas une cartographie de plus du monde méditerranéen mais bien une restitution subjective de ses propres émotions. Dolorès Marat sera présente à l’Atelier de visu du 28 nov au 5 déc pour animer un workshop ouvert à tous, dans la limite des places disponibles. Projection des travaux le 4 déc à l’issue de l’atelier. M.G.-G.

Sirocco Dolorès Marat jusqu’au 3 décembre Atelier de visu, Marseille 6e 04 91 47 60 07 www.atelierdevisu.fr


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ARTS VISUELS

MUSÉE ZIEM | INSTANTS VIDÉO

L’émotif du paysage Le musée de Martigues, créé en 1908 en hommage à l’œuvre de Félix Ziem s’est constitué au fil du temps une importante collection où se joue la question du paysage. En contrepoint à cette histoire de l’art (expos Ziem, les Orientalistes, les Fauves…) le musée ouvre son champ artistique en programmant régulièrement des artistes contemporains. En s’attachant à la période des Signes-Paysages qu’Olivier Debré commença à la fin des années cinquante, l’exposition rend compte de cette posture particulière de la peinture non-figurative face au paysage (les bords de Loire, Japon…) où la sensation prévaut sur la représentation. «…Je traduis l’émotion qui est en moi devant le paysage, mais pas le paysage» rappelait volontiers le peintre. À y regarder de près, plus proches du sublime que du mysticisme de Mark Rohtko (que rencontra Olivier Debré), certaines peintures gardent la trace matérielle des évènements survenus lors des séances réalisées sur le motif (sans chevalet) : myriade d’impacts de pluie, coulures, brins d’herbe conservés tels quels par le peintre dans la couche picturale. La réalité s’inscrit comme par effraction douce dans ces espaces bien vite qualifiés d’abstraits où l’on pressent brumes, strates, orages, opacité ou clarté de l’air, humidité, chaleur ou fraîcheur matinale, dissolvant sujet, objets, motif, scène et codes picturaux pour faire apparaître un autre monde…

Olivier Debre, Rouge des Hauts, 1959 © Andre Morain

Les Signes-Paysages d’Olivier Debré suggèrent leurs infinis sublimes au musée Ziem. À confronter avec la collection permanente

«Le peintre ne doit pas seulement peindre ce qu’il voit devant lui, mais aussi ce qu’il voit en lui-même». Olivier Debré aurait-il repris à son compte l’invitation de son prédécesseur romantique Gaspard David Friedrich pour formaliser ce qu’il désignait par abstraction fervente ? Une belle conférence du regard pour aujourd’hui, où chaque espace de la planète semble connu, car cartographié et google-mapisé. Autour de l’exposition plusieurs manifestations sont à porter dans votre agenda en novembre et décembre (voir p 92). CLAUDE LORIN

Signes-Paysages Olivier Debré jusqu’au 23 janvier Musée Ziem, Martigues 04 42 41 39 60 www.ateliermuseal.net

Dépl(o)iements La première exp(l)osition avait eu lieu l’année dernière sous le signe deleuzien. Pour la 23e édition des Instants Vidéo, Giney Ayme ventilait six propositions dans autant de lieux marseillais Les Instants Vidéo numériques et poétiques se dépli(o)ent à chaque édition tel le mycélium de l‘univers mycologique. Du long travail en réseau souterrain émergent à la bonne saison en maints lieux nombre de propositions qui vont jusqu’à outrepasser l’hexagone. À Marseille le projet (((Sur vol))) de Giney Ayme a été conçu en six actes (le plasticienpoète est aussi performeur) qui se répondent dans l’espace et le temps du festival, jouent de différents médiums - photo, vidéo, poésie, son/musique, numérique, performance - et convoquent plusieurs comparses - Florence Pazzottu, Fred Dumond, Fred Griot, Philippe Boisnard. Selon l’exigence de chaque intervention. À partir de cet éclatement conçu comme une règle du jeu, Giney Ayme a tenté le double pari de l’éparpillement et de la cohérence (co-errance) en fondant sa réflexion

sur la découverte d’une liasse de plans représentant la cité phocéenne. Puis pour paradoxalement brouiller les pistes il a extrait de ces

repères géographiques des possibles conceptuels : confrontation/ mimétisme du normé et du naturel (une écorce de platane s’intègre dans

Giney Ayme, Sur vol #1 Ecarts, vue partielle de l'exposition La Traverse,2010 © C.Lorin/Zibeline

un plan) ; extraits vidéo et photo réinjectés d’une proposition dans l’autre, d’un lieu à l’autre ; perspectives ramenées à des plans fixes et mouvements de passants ; fragment littéraire (Le Premier Homme, Camus) traité en vidéo puis comme matière textuelle… Au final, un sentiment imparfait de fragilité, signe (et interpellation) sous lequel étaient placées les Rencontres d’Averroès rejointes par ces 23e Instants Vidéo qui avaient choisi Edouard Glissant : «Dans le panorama actuel du monde, une grande question est celle-ci : comment s’ouvrir à l’autre sans se perdre soi-même ?». CLAUDE LORIN

(((Sur vol))) Giney Ayme jusqu’au 20 nov «Ecarts», La Traverse «Vous êtes ici», Espace Culture www.instantsvideo.com


ARTS VISUELS 69

TOULON | MARSEILLE | TRANS-EN-PROVENCE

Marges russes Dans le cadre des Littorales (voir p 72), l’Atelier Vis-à-Vis présentait pour la première fois en France une passionnante sélection de livres d’artistes russes Bien que soit reconnue la préséance historique des livres futuristes italiens et russes tel l’almanach Sadok sudej (Bien juger) de 1910, l’influence des œuvres d’Apollinaire et Marcel Duchamp (Olga Khan, Pogarsky/Yuran, Evgeny Trelkov…) le livre d’artiste contemporain en Russie constitue un phénomène assez récent d’une vingtaine d’années dont cette exposition nous a offert un condensé éclectique mais bien trop succinct. Mikail Pogarsky commissaire de cette sélection avec Viktor Lukin rappelle que bon nombre de ces artistes sont issus des écoles d’art et de design comme de l’univers de la poésie. «Pour moi, le

Inquiétante étrangeté

livre d’artiste n’est pas un simple recueil d’informations. C’est un outil où l’artiste peut mixer différentes disciplines comme le graphisme, la sculpture, la photo, le design, le numérique et peut faire appel à tous les sens !». Ainsi Hôtel son livre-paquet de cigarettes imprimées à fumer ou In vinas veritas, bouteille de vin, papier mâché, emboîtage bois de Valerij Orlov. Peut-on espérer que l’initiative de Danièle Ubeda, excellente mais réduite à quelques vitrines et deux journées, puisse trouver dans le futur un format d’ampleur suffisant, qui a l’avantage d’outrepasser la thématique méditerranéenne en vogue actuellement ? Nous reste la très documentée publication des éditions de l’Atelier Vis-à-Vis sur le sujet (voir p 82). C.L. © Karen Knorr, Ledoux's Reception, courtesy galerie Les Filles du Calvaire

Les XIIIes Rencontres de l’Edition de Création -Book Project International/23 Artistes du Livre Russes- ont eu lieu les 30 et 31 oct www.ateliervisavis.com

Suzdalev © X-D.R

À Toulon, la photographie fait rage : Florence Henri est à l’Hôtel des arts, la Maison de la photographie offre une carte blanche à Bernard Plossu*, le Musée d’art déploie sur deux étages une partie de sa collection et la série Fables 2004-2007 de Karen Knorr. Dans une espèce de va-et-vient entre les débuts pictorialistes jusqu’aux expressions contemporaines, conceptuelle, expérimentale et plasticienne. Parcourir les salles sous le «regard» de Cartier-Bresson, Kertész, Ronis, Riboud, Gilbert and George, Tosani et… Karen Knorr est une expérience revigorante. On se dit que le Musée d’art n’a pas froid aux yeux qui fait entrer le loup dans la bergerie ! Avec audace il intègre la photographie animalière et «baroque» de l’artiste allemande au sein même de son institution, ce fameux «espace de la haute culture» dont elle perturbe les codes : a-t-on jamais vu les salles d’apparat du Château de Chambord habitées par des animaux empaillés ? Karen Knorr,

10 ans de peinture poétique Près de Draguignan, les inondations du 15 juin auront eu raison de la galerie Remarque installée à Trans-en-Provence depuis 1999. «Trop de dégâts et de lourdes pertes» qui ont fait baisser les bras de Stéphanie Ferrat, plasticienne et poète, et de son complice Jean-Pierre Sintive (Éditions Unes). Noyées ou fortement endommagées les gravures, les photographies, les lithographies, les estampes stockées depuis toutes ces années, sans compter la collection de 39 livres illustrés, petits tirages de 33 exemplaires numérotés, qui faisaient sa fierté… Car

© X-D.R

la galerie Remarque, unique en son genre, c’était ce dialogue chuchoté entre un artiste plasticien et un poète, une exposition couplée avec une édition. Jamais l’une sans l’autre et toujours en présence des poètes qui, le soir du vernissage, faisaient résonner leurs propres mots couchés sur Vélin d’Arches. Une «rencontre intime» entre l’art

fascinée par la taxidermie, place ses volatiles et ses gibiers dans un décorum ostentatoire, entourés de meubles, d’objets et de tentures précieux, comme s’il s’agissait de portraits officiels. Dans ses tirages impressionnants (122 x 152 cm), d’une qualité technique parfaite, elle révèle le moindre détail d’une dorure, d’un tableau (dans le tableau), d’une broderie, d’un plumage. Et écorne au passage les rapports de l’homme à l’animal quand elle l’introduit dans l’espace romantique de lieux habituellement protégés de sa profanation ! Mais ne sommes-nous pas dans un musée, là, à regarder un blaireau hargneux nous montrer les dents ? M.G.-G.

(*) à l’occasion de son exposition Berlin au Centre d’art Le Moulin à La Valette jusqu’au 16 janvier 2011 Musée d’art, Toulon 04 94 36 81 01 www.toulon.com

contemporain et l’écriture dont le dernier rendezvous aura été celui de Gilles du Bouchet avec D’une obscurité, l’éclaircie de Pierre-Yves Soucy. Un titre prémonitoire qui pourrait laisser espérer une résurrection… Mais faute de lieu, Stéphanie Ferrat et Jean-Pierre Sintive s’interrogent sur la poursuite de l’aventure éditoriale : «A-t-elle encore du sens ?»… L’éclaircie viendra peut-être de la présence de la galerie - en tant qu’éditeur éclairé - dans les salons d’ici et d’ailleurs : après En matière de livres à la Ferme des Arts à Vaison-la-Romaine, le Marché de la poésie de Paris l’invite cet automne à bras ouverts et organise des «lectures solidaires» auxquelles les artistes, fidèles compagnons, ont déjà répondu présent. M.G.-G.

www.galerieremarque.blogspot.com


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LIVRES

RENCONTRES

La mer blanche

Malmené par les intempéries de juin, le déroulement du Prix des lecteurs du Var aura connu quelques soubresauts mais sera néanmoins décerné lors de la Fête du livre de Toulon dont il est l’un des momentsclefs (19, 20, 21 nov). Après une préselection de sept ouvrages, seul le jury présidé par Elias Khoury a fait son choix en tentant de se mettre dans la peau du lecteur non professionnel. Celui habituellement drainé par la médiathèque départementale de Draguignan, fortement endommagée (plus de 120 000 ouvrages détruits), n’étant plus en mesure de fonctionner… Sept romans donc, qui illustrent la richesse de la littérature méditerranéenne contemporaine dont la Fête du livre fait entendre la voix. Ou plutôt les voix car le programme affiche - en dehors de la présence de 350 auteurs sur les stands des éditeurs et libraires - un calendrier serré de rencontres et débats. Avec l’auteur libanais chrétien Elias Khoury dont l’œuvre sera présentée le 19 nov au Théâtre Comedia par Thierry Fabre (Les Rencontres d’Averroès) et lue par le comédien Charles Berling, accompagné par le violoniste Amy Flammer. Elias Khoury visiblement ému de présider ce jury quand il sait «combien il est difficile d’écrire un beau roman» et qui a découvert «qu’il y a, autour de la mer blanche, un genre commun, un espoir de communication». Avec l’Italienne Anna Luisa Pignatelli, lauréate du Prix des lecteurs du Var 2010 pour Noir toscan, dont la comédienne Anne Alvaro lira quelques extraits sur scène le 20 nov. Témoignages et débats animeront le chapiteau, déjà bruissant des 50000 visiteurs attendus chaque année, autour des conditions d’exercice des métiers du livre ou de la place du livre et de l’édition de part et d’autre

Elias Khoury (chemise blanche), president du jury du Prix des lecteurs du Var © X-D.R

de la Méditerranée. Professionnels, journalistes et écrivains de Tunisie, du Liban, d’Italie, d’Algérie et de France évoqueront ensemble la littérature et l’écriture (formes communes ? lieux communs ? spécificités et différences) tandis que Théo Klein et Ahmed Youssef présenteront leur ouvrage Conversation aux sources du conflit Israélo-Arabe. À côté des adultes en grande conversation, les enfants

assisteront à des concerts, écouteront des contes et participeront à des ateliers d’écriture sur un thème pacificateur : «Mers et terres en méditerranée, horizons de partage». M.G.-G.

Fête du livre de Toulon www.fetedulivreduvar.com

Le Phénix des Allumettes

Le 16 novembre, la Méjanes aura atteint l’âge vénérable de 200 ans ! Un bicentenaire qui est fêté avec moult événements du 16 au 21 nov, voire plus longtemps pour les expositions. Après d’indispensables travaux réalisés cet été, la bibliothèque revêt ses atours et ressort ses fonds pour proposer, notamment, une exposition de «quelques pépites d’un trésor comptant plus de 200 000 livres et manuscrits», inestimables chefs-d’œuvre. Accueillis dans l’ancienne salle de lecture de la bibliothèque (l’actuelle salle Pavillon de l’Hôtel de ville), l’exposition comprend donc des pièces historiques, des ex-libris de grands donateurs, des manuscrits plus modernes de Zola, Cézanne… à voir jusqu’au 30 déc. D’autres expos (du 20 nov au 30 déc) complètent l’histoire du lieu : des photos de Marie-Pierre Florenson sur les lecteurs et les lieux, Des visages et des

livres ; des documents d’époque sur l’usine d’allumettes et sa fameuse cheminée ; des documents rares et précieux issus des collections de la Méjanes sur

de grands moments de l’art lyrique ; une évocation d’Albert Camus, une autre de Saint-John Perse… Durant le week-end, des ateliers met-

Exposition Des visages et des livres, La Mejane © MP.Florenson

tent en avant les coulisses du livre, la calligraphie (avec Henri Mérou), la pâte à papier et l’écriture sur de vieilles machines ; de courts spectacles animent différemment le lieu : la Cie Grand Bal et ses Haïkus chorégraphiques, le jazz funk des Accoules Sax, la Cie La Rumeur et son Piano voyageur. Et aussi des conférences, des jeux, la création d’un timbre à l’effigie de la Méjanes, la publication d’un abécédaire, 200 ans en 26 lettres, de A comme Allumettes à Z comme Zut, ça ferme… Un feu nouveau ? DO.M.

Bicentenaire de la Méjanes Du 16 au 21 nov Bibliothèque Méjanes, Cité du Livre, Aix 04 42 91 98 88 www.citedulivre-aix.com


Un salon à Marseille Zibeline avait posé sur la première édition d’Écrimed un regard dubitatif : se présentant comme un événement sans précédent alors que les écrivains invités étaient passés peu ou prou dans des rencontres littéraires de la région, entamant des partenariats avec des médias peu littéraires et tenant conférence dans un hôtel de luxe la manifestation s’annonçait mal… mais s’était plutôt bien déroulée, drainant du monde, et occasionnant quelques tables rondes intéressantes. La deuxième édition repose sur la présence de quelques grands écrivains : aux côtés de Tahar Ben Jelloun et Amin Maalouf on trouvera Boualem Sansal, Maria Efstathiadi, Robert Sole, Gonzalo Tavares, Michel del Castillo, Joumana Hadad, Jacques Ferrandez… bref des romanciers incontournables, et quelques poètes, dramaturges et essayistes représentant chacun un des pays du pourtour méditerranéen. Les échanges se déroulent en journée, durant le week-end,

dans le cadre des Docks de la Joliette puisqu’ils sont parrainés par Euroméditerranée. Les quatre tables rondes autour de problématiques allant de l’usage de la langue française à la littérature comme vecteur de paix sont complétées par des cafés littéraires plus intimes, autour d’une œuvre, des contes pour enfants, une exposition photographique d’Olivier Monge. L’édition s’annonce riche donc, mais continue de se tenir en même temps que les Tables Rondes d’Averroès (voir p 4 et 5), et à quelques jours du grand Salon du Livre de Toulon (voir ci-contre) consacré… aux écritures méditerranéennes. Guy Teissier dans son éditorial se réjouit «qu’Euroméditerranée parraine aujourd’hui le grand évènement littéraire qui manquait encore à Marseille». Le succès répété des Littorales par exemple (voir p 72) devrait inciter les organisateurs à mesurer leur enthousiasme, afin qu’il reste fécond. AGNÈS FRESCHEL

Écrimed Les 27 et 28 nov de 10h à 18h Docks de la Joliette www.salonecrimed.fr

Tahar Ben Jelloun, Guy Teissier, Daniel Hermann Pierre Assouline seront presents a Ecrimed 2010 © X-D.R

Zibeline a du Prix ! Vous trouverez dans ces pages, les éditions précédentes et l’édition suivante des critiques des divers prix littéraires 2010. Nous vous les re-recommandons, ainsi que bien d’autres qui n’ont pas été couronnés… Prix Goncourt : Michel Houellebecq La carte et le territoire Flammarion. Zib’ 35 Goncourt des Lycéens : Mathias Énard Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants Actes Sud. Zib’ 34 Prix Renaudot : Virginie Despentes Apocalypse bébé Grasset. Zib’ 35 Prix Renaudot Poche : Fabrice Humbert L’origine de la violence Livre de Poche. Zib’ 35 Prix France Télévisions : Jérôme Ferrari Où j’ai laissé mon âme Actes Sud. Zib’ 34 Prix de l’Académie Française : Eric Faye Nagasaki Stock. Zib’ 36 Prix Médicis : Maylis de Kerangal Naissance d’un pont Verticales. Zib’ 33 Prix Médicis Étranger : David Vann Sukkwan Island Gallmeister. Zib’ 31 Prix Femina : Patrick Lapeyre La vie est brève et le désir sans fin POL. Zib’ 33 Prix Drouot : Minh Tran Huy La double vie d’Anna Song Actes Sud. Zib’ 22 Prix des Droits de l’Homme, Prix Joseph Kessel: Florence Aubenas Le quai de Ouistreham L’Olivier. Zib’ 29 Prix Roland Bonelli : Vincent Borel Antoine et Isabelle Sabine Wespieser. Zib’ 36 Prix du Livre du Tourisme : Encyclopédie du Littoral, Les rivages du Conservatoire Actes Sud. Zib’ 32 Prix des Lectrices de Elle : Véronique Ovaldé Ce que je sais de Vera Candida L’Olivier. Zib’ 23 Prix des Librairies Initiales, Prix des Libraires : Laurent Mauvignier Des hommes Minuit. Zib’ 24 Prix RTL - Lire : Kim Thuy Ru Liana Levi. Zib’ 34 Prix France Culture - Télérama : Elisabeth Filhol La Centrale POL. Zib’ 29 Vous pouvez télécharger nos éditions antérieures sur le site www.journalzibeline.fr


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LIVRES

RENCONTRES

Les Littorales 2010 © Juliette Luck

Littoralement autres

Malgré les intempéries exceptionnelles, malgré les vacances, la date imposée et pas forcément idéale, la 3e édition des Littorales a permis l’émergence, au cœur de Marseille, d’un festival littéraire ambitieux. Destinées à donner toute leur place aux libraires dans la réflexion sur le monde et la société, ces nouvelles Littorales, se sont «musclées» comme l’a déclaré Molly Fournel, présidente de l’association Libraires à Marseille. Musclées, mais pas alourdies. Pour le plus grand plaisir des amateurs d’une littérature de qualité et de débats vivants.

Une ambition affichée Le rendez-vous annuel des libraires marseillais et de leurs lecteurs se démarque des traditionnels salons du livre qui se bornent souvent à organiser quelques rencontres dédicaces et à donner succinctement la parole aux auteurs invités, dans un brouhaha lassant. Bien sûr, les Littorales proposent elles aussi des stands, le weekend sous chapiteaux, où les écrivains peuvent dialoguer avec leurs lecteurs et signer leurs ouvrages, où les libraires orientent, conseillent. Un espace commercial indispensable au soutien des librairies indépendantes. Et plaisant car riche de rencontres personnelles. Mais c’est loin d’être tout ! Cette année tout particulièrement. Le choix d’une thématique n’est pas étranger à l’évolution du festival vers une réflexion approfondie sur la littérature contemporaine, romanesque en particulier. Moi, et les autres, un thème suffisamment large pour favoriser la diversité des approches, et en même temps une ossature qui tient la manifestation, lui confère une unité. La journée de réflexion organisée le 29 oct à la BMVR Alcazar, une des nouveautés de cette édition, a ainsi permis de cerner un certain nombre de notions ou de mettre en perspective les formes et tendances du roman d’aujourd’hui, que les rencontres des jours suivants ont illustrées.

Nouvelles écritures du réel

Moi, les autres et le roman

L’intervention inaugurale de Dominique Viart a magistralement tordu le cou au cliché tenace d’une littérature française autofictionnelle et nombriliste. Dans une allocution brillante, car érudite mais limpide, l’universitaire, spécialiste entre autres de Pierre Michon et de François Bon, coauteur de l’anthologie La littérature française au présent, a replacé œuvres et tendances dans leur contexte, insistant en particulier sur le tournant des années 80 et la fin de ce qu’il est convenu d’appeler «les 30 glorieuses» ; c’est cette mutation socio-économique qui a, selon lui, remis le réel et la société au centre de l’écriture romanesque, d’une manière évidemment très différente de celle des grands romans du XIXe siècle. On assiste ainsi au grand retour de livres sur le monde du travail, qui alertent sur ses dérives langagières et révèlent une attention renouvelée des romanciers au quotidien et au collectif. La vulgarisation de la psychanalyse ayant d’autre part conduit à une sorte d’ «impossibilité autobiographique» (du moins sous la forme traditionnelle), il a fallu «chercher d’autres voies pour se saisir soimême», d’où l’émergence de plusieurs types de récits où le moi se cherche à travers autrui : récits de filiation (La place d’Ernaux, Les vies minuscules de Michon, Lambeaux de Juliet…) fictions biographiques ou relecture fictionnalisée de faits divers comme l’affaire Romand dans L’Adversaire d’Em-manuel Carrère… il s’agit toujours de «se projeter dans la vie d’un autre pour se connaître soi-même». C’est «dans l’entrelacs du moi et des autres qu’apparaît la figure intéressante». Et dans la position interrogative, sur soi, sur les autres, sur le monde, que se place la littérature. Rien à voir donc avec une quelconque posture nombriliste… Une remarquable conférence qui n’a hélas été suivie que par un public clairsemé. Jour de travail pour les uns, congés de la Toussaint pour les autres. Dommage, elle donnait des clés pour les rencontres à suivre et une vraie cohérence à l’ensemble.

Ouverture au cinéma, clôture en BD, soirée musicale tzigane, l’exploration des liens entre l’intime et le collectif a dépassé le champ de la seule littérature. Celle-ci est pourtant restée au cœur des débats. Et du Jeudi du Comptoir, proposé au gourmand Thé dans l’encrier, au Comptoir littéraire établi cette année dans l’ambiance élégante de La Bo[a]te, il a été question du roman actuel au-delà du thème choisi pour la présente édition. Statut du personnage, hybridation du genre, engagement de l’écrivain et surtout, surtout, importance de la forme. Maylis de Kérangal, qui vient de recevoir le Prix Medicis, a parlé de «saisie», de «captation du réel», évoqué l’enjeu de la description qui fait avancer le récit et de son travail à bras le corps sur la matière des mots. Vincent Engel a rappelé la formule de Ricoeur selon laquelle le roman opère «une mise en forme du temps» et insisté sur le peu d’intérêt de la narration anecdotique. Qu’ils donnent la parole à un singe comme Tristan Garcia ou à un chœur de salariés comme Nathalie Kuperman, qu’ils recherchent, à la manière de Soazig Aaron, une écriture proche de la voix, les écrivains invités aux Littorales ont rendu palpable leur métier de travailleurs des mots et leur passion pour une littérature active, non retranchée. Ils ont permis aussi de mesurer le regain de vitalité d’un genre un peu vite enterré en France ! FRED ROBERT

La 3e édition des Littorales a eu lieu à Marseille du 27 au 31 oct. Les romans évoqués sont chroniqués dans le Zib’ 34 ou dans les pages suivantes


Escales, le retour

© X-D.R

Les Escales en Librairie ont repris ! L’opération, financée par le Conseil général 13 et destinée à soutenir la librairie indépendante, offre aux lecteurs du département des rencontres régulières, dans et hors Marseille. En octobre, c’est le Mexicain David Toscana qui était accueilli, dans le cadre également des Belles Latinas et en avant-première de 2011, année du Mexique en France. Toscana n’est pas inconnu : invité à la 2e édition du festival CoLibris en 2009, il y avait présenté son premier roman traduit en français, El ultimo lector. Cette édition française, il l’avait «gagnée» en tant que lauréat du prix Antonin Artaud, que notre partenaire le libraire et éditeur marseillais Jacques Aubergy a créé au Mexique sur le modèle des prix littéraires français. Pour cette première Escale de la saison, le romancier présentait son 2e ouvrage traduit, Un train pour Tula (voir p 76). Ce roman, comme le précédent, est un hommage plein de clins d’œil à la littérature classique, le Quichotte de Cervantes en tête. Dans la lignée de l’auteur espagnol, dans celle aussi des grands Sud-Américains, Borges, Cortazar, Toscana propose, dans cette histoire qui s’enchevêtre toute seule (car où est la vérité ?), une réflexion sur la fiction. Un jeu également puisque, a-t-il déclaré, «c’est au lecteur de jouer avec le roman», afin que celui-ci ne soit pas seulement un récit mais une authentique «expérience». Car, selon Toscana, on ne lit pas des romans pour s’évader mais au contraire «pour s’immerger totalement dans la vie réelle». Vaste programme… FRED ROBERT

David Toscana a été reçu le 13 oct au Cercle Rouge. La rencontre était organisée par l’association Libraires à Marseille et la librairie L’Écailler.

À lire : El ultimo lector et Un train pour Tula, tous deux édités chez Zulma

Écrire à La Marelle

Il faut laisser son véhicule sur le parking devant la Cartonnerie, s’éloigner des studios, du skatepark, emprunter un escalier entre deux palissades, tout près de la voie ferrée, et voilà, on y est. L’ancienne villa du directeur général de la Seita, une belle maison de maître un peu décatie, ne se contentera plus désormais de regarder passer les trains. Elle reprend du service pour la promotion de la littérature contemporaine. Initié par Jean-Claude Izzo, soutenu par Philippe Foulquié, le projet n’est pas nouveau, et la Villa a déjà accueilli écrivains et troupes de passage. Mais aujourd’hui La Marelle a l’ambition de devenir LE lieu des projets d’auteurs. Au rez-de-chaussée, de part et d’autre du vestibule, les bureaux des Éditions du Bec en l’air et ceux de l’Association Des Auteurs Aux Lecteurs (ADAAL) ; à l’étage, un grand appartement qui pourra facilement héberger un ou plusieurs écrivains. Dans un tel espace, inscrit dans l’hyper centre marseillais et au cœur du bouillonnement culturel de La Friche, place donc à l’écriture, mais aussi aux rencontres avec les habitants, les lec© X-D.R teurs, et les différentes disciplines. Ne reste qu’à arranger encore un peu les lieux et dès le 1er trimestre 2011, La Marelle accueillera son premier invité, François Beaune, actuellement en résidence à Manosque (voir Zib’34). À suivre… FRED ROBERT


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LIVRES

LITTÉRATURE

Les fées

Dans le vaste conte de la vie, les fées distribuent inégalement leurs bienfaits. Les protagonistes du nouveau roman de Marie-Sabine Roger, Vivement l’avenir, ont été singulièrement oubliés. Elles ne se sont certainement pas posées sur le berceau de Roswell, en fait Gérard, handicapé, d’une laideur presque parfaite… D’ailleurs si l’on s’indigne de l’abandon des chiens lors des vacances, on imagine sans peine l’oublier le temps d’une escapade… Les autres personnages, moins marqués physiquement, sont aussi en marge, sur des voies sans issue… Monde terne, où l’avenir semble improbable et gris, une manière de CCD perpétuel où rien ne tient. Monde dérisoire et absurde dans lequel on peut essayer de combler un canal avec des cannettes de bière, où l’on s’enlise dans la boue des jours… Et puis, il y a le récit, double, voix de Cédric qui accumule les

échecs, et d’Alex, trentenaire androgyne, aux allures d’ado, personnage attachant avec sa vision généreuse du monde, ses images, sa capacité d’écoute… Il y a aussi le style de M-S. Roger, son sens de la formule, son ton juste épousant avec délicatesse les propos des héros. Le lecteur se laisse emporter avec bonheur dans cette fable pétrie d’humanité ; la fin tient du conte, on n’en est pas dupe, mais on en est reconnaissants à l’auteur qui refuse d’enfermer ses protagonistes de même que ses lecteurs dans un monde où la noirceur triompherait. Mais en rien mièvre. MARYVONNE COLOMBANI

Vivement l’avenir Marie-Sabine Roger Éd. Du Rouergue, Coll. La brune, 19 euros

Puzzle polyphonique C’est l’histoire de Jean, 33 ans et quelques médailles, qui rentre du front en 1919, assailli de cauchemars terribles dans lesquels il revit les circonstances de la mort de Charles, son compagnon de guerre. C’est l’étonnante histoire d’amour de Jean et d’Amandine à laquelle il a appris à marcher quand il avait 11 ans et qu’elle n’était qu’un bébé ; séduit, il avait décidé qu’il l’épouserait quand elle aurait l’âge. C’est aussi l’histoire du frère cadet, de ses enfants, des terres, et des familles anéanties par les ravages des 2 guerres. Et surtout un récit qui se développe sans chronologie linéaire en plusieurs voix, parenthèses imbriquées qui s’enchevètrent… Une véritable polyphonie qui séduit par ses phrases amples qui laissent parfois sans souffle. Une petite anonyme interroge Amandine et recueille peu à peu l’histoire de Jean en même temps qu’elle fait l’ap-

Second Life

Journaliste et romancière, Rosa Montero signe «une fable pour adultes» qui laisse dans son sillage un sentiment de malaise mêlé à de l’embarras. Instructions pour sauver le monde -tout un programme !- nous égare tant l’auteur inventorie les sentiments et liste les événements avec d’infinis détails réalistes, moult descriptions méticuleuses et autres énumérations minutieuses. Sur fond d’histoires étranges, de rencontres hasardeuses et de coïncidences tirées par les cheveux, le récit vagabonde, s’éparpille. Sa structure épouse la pratique journalistique (dans l’accumulation des données) et la construction romanesque (dans la mise en place des scènes et le rythme des dialogues) sans jamais prendre corps et émouvoir. À de trop rares occasions, on aurait aimé s’attacher aux héros… à Daniel, médecin désenchanté qui croit à sa renaissance via le jeu vidéo Second Life ; à Mathias, taxi noctambule depuis le décès de sa femme et cœur généreux ; à Cerveau la vieille scientifique alcoolique ; à Fatma la jeune prostituée africaine. Leur solitude désespérée occupe tout l’espace de ce «conte philosophique» dixit les

prentissage des mots. Puis l‘adulte qu’elle est devenue se désigne «écrivain» et recueille les récits de la veuve de Charles après ceux d’Amandine. L’écrivain parle de la petite à la 3ème personne, se livrant à une sorte de dédoublement, tandis que l’auteure, Soazig Aaron, s’intéresse à la transmission de la transmission: comment devient-on écrivain ? Loin d’être dérouté le lecteur suit avec délectation les détours, les chemins de traverse et même les impasses du récit. Et l’on se plaît à reconstituer le puzzle. CHRIS BOURGUE

La sentinelle tranquille sous la lune Soazig Aaron Éd. Gallimard, 18,90 euros

éditions Métailié. Sauf qu’en refermant le livre, on se demande en quoi il est philosophique. Rosa Montero prend tout son temps pour dessiner ses personnages, décrire leurs vies, décortiquer leurs angoisses, leurs doutes, le lecteur sachant par avance qu’ils finiront bien par se croiser et que là, vraiment, commencera le roman. Mais on est déjà bien las, et l’écriture nourrie d’expressions toutes faites ne facilite pas sa digestion : «C’était le seul fil dont il disposait pour dévider l’écheveau emmêlé de son esprit»… Quant au titre, il reste une énigme, à moins de nous projeter à notre tour dans Second Life ? M.G.-G.

Instructions pour sauver le monde Rosa Montero Éd. Métailié, 20 € L’ouvrage a été sélectionné pour le Prix des lecteurs du Var 2010 qui sera décerné à la Fête du livre de Toulon (voir page 70)


LIVRES

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Une autobio de trop ? Un récit d’enfance, au cœur du mai 68 parisien… Claude Arnaud livre avec Qu’as-tu fait de tes frères ? un roman qui est à peine une fiction, tant il est nourri directement de son expérience. L’enfance puis les premières années d’une jeunesse mouvementée sont exposées sur le ton du témoignage, et on y rencontre de beaux personnages, en particulier ses frères aînés emportés par l’air du temps. Les relations fraternelles, l’ambiance familiale, puis le contexte historique, en Corse pendant l’enfance, puis à la Sorbonne et dans divers milieux gauchistes en mai et après, dessinent un décor qui pourrait être passionnant, si la structure du roman était un peu plus travaillée : les digressions n’en finissent pas, les considérations générales à l’emporte pièce succèdent à des confessions crues mal amenées,

et le livre est sans véritable vision politique, sinon la pratique du remords distancié. L’anorexie, la drogue, le militantisme, la bisexualité, la mort de la mère, l’autoritarisme du père, tout est effleuré sans qu’on comprenne jamais comment le narrateur fonctionne, même si lui seul parle. Quant à l’écriture, qui ménage des passages bien tournés, elle est visiblement mal relue : il y a même des coquilles, voire des fautes, une porte qu’on ouvre «grande», des solécismes. Étrange chez Grasset… AGNÈS FRESCHEL

Qu’as-tu fait de tes frères ? Claude Arnaud Éd. Grasset, 19 euros

Bosnie : avant et après Velibor Colic, invité cette année aux Littorales, est né et a grandi quelque part au milieu des montagnes de Yougoslavie. Avant le désastre qui a assassiné sa ville, a mis un «ex» devant le nom de son pays, l’a fait soldat, déserteur, et réfugié. Son dernier roman, et son deuxième en français, évoque cet «avant» avec une gravité espiègle et poignante. Dans une forme à la fois fragmentaire et fluide, le récit autobiographique réunit des instantanés de vie, portraits, saynètes et anecdotes qui retracent la jeunesse de l’auteur, jusqu’au seuil de l’âge adulte et de la guerre. L’école et le foot, les copains et les villageois aux surnoms savoureux, les portraits de famille, les premières filles, le présage sinistre du service militaire. C’est hilarant et tendre comme un petit Nicolas qui aurait grandi dans un monde multiethnique, fait des rapiècements de l’Histoire, où l’instituteur est monténégrin, le boulanger juif, l’épicier albanais, et où il n’y a pas encore à choisir entre Jésus et Tito, entre le catholicisme païen des mères et le communisme patriotique du père . Car l’Histoire, la religion, la dictature, avant de montrer leurs vrais visages, s’accumulent par bribes dans les yeux de l’enfant en autant de vignettes kitsch qu’il aurait réunies dans une tragique et burlesque collection de paninis. Alexander Hémon est bosniaque aussi, réfugié aux Etats-Unis, où il se trouvait lorsque la guerre a éclaté. Le projet Lazarus entrecroise avec un art brillant du montage et un humour noir décapant deux récits symétriques d’extermination et d’émigration, à la confluence de la fiction, du fait divers et de l’expérience autobiographique. Lazare Averbuch, jeune juif ukrainien, fuit en 1903 les pogroms de Kichinev et émigre à Chicago, où il se fait abattre par le chef de la police locale, qui l’accuse d’agitation anarchiste. Un siècle plus tard, Vladimir Brik, écrivain bosniaque émigré à Chicago, traverse les Balkans pour ressusciter Lazare par l’écriture de sa vie, tout en remontant vers son propre passé. Il est accompagné de Rora, jeune photographe bosniaque musulman, personnage énigmatique et hâbleur, qui lui raconte le siège de Sarajevo, ses massacres et ses crapuleries. Les destins croisés de ces personnages construisent une réflexion distancée, ironique et sombre sur les

répétitions terribles du XXe siècle, et le déracinement de ceux qui les ont traversées. Voilà donc deux livres magnifiques, qui se lisent en miroir : deux auteurs qui ont choisi d’écrire dans leur langue d’adoption, qui tressent leur histoire personnelle et l’Histoire, quand la vie sans amarre de l’expatrié à la recherche d’une origine perdue gravite autour du point obscur de la guerre et de l’impensable horreur, dans son avant et dans son après. Deux romans dans lesquels la logique absurde de l’Histoire construit et défait les vies, et où l’humour est l’élégance de la douleur. AUDE FANLO

Jésus et Tito Velibor Colic Gaïa éditions, 17 euros

Le projet Lazarus Aleksandar Hémon Éd. Robert Laffont, 22 euros


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LIVRES

LITTÉRATURE

Extinction du domaine de la lutte Plus vrai que, aussi vrai que, trop vrai pour… Le roman d’entreprise est en passe de devenir un genre, avec sa machine à café et ses gobelets brûlants, ses délégués syndicaux, son DRH menaçant et lointain, sa restructuration sans plan social, son méchant repreneur et ses employés dubitatifs, blessés, plutôt boule au ventre que poing levé. Malgré son titre un peu lourdaud le dernier roman de Nathalie Kuperman fait mouche et tisse une chronique de l’horreur (même pas, juste un peu) économique, à peine une tragédie malgré le chœur et les protagonistes, loin des grands soirs et des matins qui chantent ; un opéra de chambre peut-être : prélude silencieux, montée des périls et des voix en trois volets, efficace dramaturgie de la catastrophe : Menace / Dérèglement / Trahison. Juste un sale moment vu de l’intérieur d’un groupe de presse-jeunesse, un weekend, une conscience après l’autre ; déménagement,

management, rachat, restructuration ... Ces mots pourraient «claquer comme un coup de révolver au milieu d’un concert» si l’auteur pour faire mentir Stendhal n’avait su façonner ses personnages avec l’air du temps de manière strictement nécessaire: fragilité, failles, contradictions, peurs intimes, inconscients malmenés essentiellement liés à ce présent-là. Agathe Rougier et ses concours de poupées, Muriel au double patronyme et Ariane Stein la mal partie «je ne bougerai pas !» qui déroulera pourtant le fil de la traitrise… Des individus et une fonction (Direction Générale) moteur de la fiction : ambition et indignité, sursaut de conscience ou plongée «dans les eaux glacées du calcul égoïste»; un roman vrai porté par une langue rythmée, vive, précise, sensible à l’écho sonore, que l’on se surprend à murmurer. Réalisme pas mort ! MARIE-JO DHO

Machine infernale Le nouveau roman de Fabrice Humbert, auteur remarqué de L’origine de la violence paru en 2009, s’inscrit dans le registre tragique. Tragique le titre, La fortune de Sila ; car si des fortunes se jouent, se gagnent et se perdent dans ce roman de la globalisation et de la «financiarisation» du monde, en ce qui concerne Sila, l’Africain émigré devenu serveur à Paris puis maître d’hôtel à Miami, le mot est à prendre dans son sens originel de «destinée». Tragique aussi le prologue d’où tout le livre découle : dans un grand restaurant parisien, un serveur noir se fait fracasser le nez par un riche client américain pour avoir rappelé à l’ordre son jeune fils qui gênait le service. Ce geste violent initial et surtout l’absence de réaction des témoins de la scène auront des répercussions inéluctables sur tous les protagonistes que le roman va suivre : le couple d’oligarques russes, la famille américaine, les deux traders français, le serveur agressé. Dès cette scène

Et Tula?

Roman fantôme qui s’ouvre sobrement par «Un ouragan balaya la ville» et reste béant à l’infini sur un dernier mot au bord du gouffre, Un train pour Tula a de quoi piquer la curiosité, exciter les papilles et faire clignoter les yeux : c’est du Mexicain ! ay ! et David Toscana connaît sur le bout des doigts son nécessaire bréviaire latino. Tout y est conforme à ce qu’un lecteur averti attend d’un auteur nourri de Garcia Marquès et Borgès : une ville disparue mystérieusement au 12e siècle ressuscitée pour les besoins de la chronique hilarante d’une modernité déréglée et bancale ; un vieux sans âge, Juan Capistran le bien nommé, qui raconte sa vie à un magnétophone et à un narrateur, arrière-petit-fils désigné dont le roman s’écrit sans véritable maîtrise, comme à son insu. Les personnages et les situations s’engendrent les uns les autres dans une mise en abyme pas très légère («hé bien voilà ce que je vais écrire, ai-je dit...»). Les récits se

inaugurale, métaphore du monde actuel, la mécanique est en place, prête à dérouler son fatal compte à rebours jusqu’aux déflagrations finales. Tragiques enfin les personnages soumis à ce destin. Pourtant, on est loin de l’emphase ou du pathétique. Humbert porte un regard des plus neutres sur les gens et les événements qu’il décrit. Dans un style qu’il souhaite «invisible», il consigne la violence et le cynisme de ce monde. Effet glaçant garanti. FRED ROBERT

La fortune de Sila Fabrice Humbert Éd. Le Passage, 18 euros F. Humbert et M. de Kerangal étaient les invités du Jeudi du Comptoir spécial Littorales au Thé dans l’encrier, sur le Cours Julien à Marseille.

trouent, s’interpénètrent (le viol est bien sûr fondateur !) avec contamination identitaire («Il ne voulait plus devenir Juan alors que moi j’étais en train de le devenir»). Une quête bien traditionnelle, non pas de Dulcinée mais de Carmen, nom même de l’amour impossible, se déroule dans un dispositif d’écriture ruban de Möbius encombré de fausses pistes, d’échos et de miroirs, qui lassent assez vite malgré des figures vigoureuses comme le père Nicanor prêtre-assassin ou Fernanda la matriarche. La virtuosité fragmentée n’assure finalement pas le vertige espéré… Quant à aimer Carmen, c’est une autre histoire! MARIE-JO DHO

Un train pour Tula David Toscana Traduit par François Michel Durazzo Éd. Zulma, 19,50 euros

Nous étions des êtres vivants Nathalie Kuperman NRF /Gallimard, 16,90 euros


LIVRES

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Des prix pour les maudits Signe de leurs concessions à des sujets plus consensuels, de leur ralliement au conformisme ou récompense méritée de leur talent ? La question a déjà été largement débattue. Le Goncourt pour Houellebecq, le Renaudot pour Despentes ! Sans même un scandale… Enfin la reconnaissance suprême pour ces deux écrivains plus souvent connus pour leurs attitudes et déclarations provocatrices que pour leurs livres. Ce qui est fort regrettable, car leurs romans portent sur le siècle des regards affûtés, quoique pas toujours politiquement corrects… ni très réconfortants.

Desperate babies Les inconditionnels ont été déçus par le 7e roman de Virginie Despentes. Or, pour avoir quelque peu gommé son côté trash, la quadra rebelle n’en reste pas moins, dans Apocalypse bébé, la pourfendeuse tonique de toutes les bien-pensances, dans une prose percutante, en prise directe avec l’époque, et pleine d’un humour ravageur. Car ce road book, qui relate les péripéties de la filature d’une ado disparue et conduit un tandem improbable de privées de Paris à Barcelone (et retour), est drôle. En dépit de toutes les existences ratées qu’il croise, des violences subies ou exercées qu’il met en scène et de la vision désenchantée qu’il propose, c’est un régal de lecture pour qui apprécie les «formules qui tuent» et la maîtrise écrite de l’oralité. Despentes déploie son talent de styliste au fil d’une narration finement orchestrée entre le «je» de Lucie, la détective reine de la lose, et toute une série d’autres points de vue, offrant au lecteur une galerie de portraits réjouissants qui n’épargnent personne. Rageuse et tendre, l’écrivaine brosse le tableau d’une époque à la dérive. Et tire la sonnette d’alarme avec l’énergie du désespoir…

Inventaire avant fermeture

La carte et le territoire Michel Houellebecq Éd. Flammarion, 22 euros

Apocalypse bébé Virginie Despentes Éd. Grasset, 19 euros

FRED ROBERT

Manuel d’écologie littéraire «Je suis parti dans les bois parce que je désirais vivre de manière réfléchie, affronter seulement les faits essentiels de la vie, voir si je ne pouvais pas apprendre ce qu’elle avait à m’enseigner, et non pas découvrir à l’heure de ma mort que je n’avais pas vécue.» Considéré comme un des pionniers de l’écologie, célèbre pour son traité sur la Désobéissance civile, critiqué par les positivistes, traité de un american par Mac Carthy, mais inspirateur de Gandhi, Martin Luther King, John F. Kennedy et, en France, admiré de Giono puis redécouvert en mai 68, Henry D. Thoreau (1817-1862) fut l’auteur de nombreux ouvrages et en particulier de la vaste somme que constitue Walden ou la vie dans les bois, paru en 1854. De son expérience de 2 ans dans une cabane isolée à quelques miles de Concord, Massachusetts, au bord du lac Walden, Thoreau a tiré ce que Michel Granger appelle «une sorte de monographie encyclopédique et écocritique détaillant les composantes du paysage». S’ajoute à cela une évidente ambition littéraire que la toute nouvelle édition, traduite par Brice Matthieussent, préfacée par Jim Harrison, relue,

Chez Houellebecq, pas de hargne. Juste un constat : «Le monde est ennuyé de moy,/ Et moy pareillement de lui.» ; l’épigraphe de Charles d’Orléans donne le ton. C’est parce que l’existence individuelle, affective et sociale se résume à presque rien que «la carte est plus intéressante que le territoire». Cette théorie, Jed Martin, l’artiste personnage central du roman, l’illustre en exposant des tirages agrandis de cartes Michelin. Après la période des photographies de pièces et d’outils et avant celle des tableaux consacrés aux métiers simples puis aux grands du monde, stars de l’art et des médias en tête. «Donner une description objective du monde», tel semble aussi le projet littéraire de Michel Houellebecq qui disait il y a peu : «J’observe l’époque, j’écris des livres». Pour lui comme pour son double plasticien, l’art paraît la seule raison d’être. Alors pourquoi ne pas s’en donner à cœur joie ? Non content d’aligner avec un détachement comique et terrifiant les descriptions de lieux (aéroports, supermarchés et autres villages pittoresques), d’objets (voitures, appareils photos numériques…) ou de personnalités, Houellebecq se met en scène dans le récit, en solitaire vieillissant, dépenaillé et alcoolique. Il s’offre même une mort des plus gore, jouant ainsi de son destin comme du genre de sa fiction, qui quitte un moment le biopic pour flirter avec le policier. Comme d’habitude, Houellebecq étonne. Et séduit par sa langue, classique, très maîtrisée, mâtinée de cynisme et d’ironie, dans la lignée des moralistes du Grand Siècle. Dont il semble partager le pessimisme et le sens de la vanité des choses.

annotée et postfacée par Michel Granger, met en évidence. Offrant ainsi une belle occasion de redécouvrir cet Américain hors normes dont la lecture propose un véritable art de vivre, à la manière d’un Montaigne ou du Rousseau des Rêveries… Car Thoreau ne se contente pas de décrire le lac, les arbres, les animaux, les bruits et les couleurs qui peuplent sa solitude volontaire. Il propose une philosophie de la frugalité et un mode de vie en harmonie avec la nature, dont les actuels adeptes de la décroissance ne pourront qu’applaudir l’intuition… FRED ROBERT

Walden Henry D. Thoreau Traduit de l’américain par Brice Matthieussent Éd. Le mot et le reste, 23 euros B. Matthieussent et M. Granger présenteront cette nouvelle édition de Walden le 27 nov à la BMVR Alcazar à Marseille.


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LIVRES

LITTÉRATURE

Les affres de la ménagère La ménagère de moins de quarante ans, modèle et cible de toute culture VRP qui se respecte sans nous respecter, canon de la consommatrice sollicitée par les organismes de sondage, ne semble pas a priori soulever d’autres intérêts… Mais comme Balzac avait évoqué la femme de trente ans Eléni Yannakaki s’attache aux pensées de Maria, bientôt quarantenaire. Et exemple de réussite pour une «fille de plombier», études brillantes, épouse d’un architecte réputé, mère de trois enfants au foyer, maison spacieuse au luxe confortable… Réalisation d’un rêve de petite fille dans la splendeur des contes traditionnels ? Les apparences sont bien opaques… Pourquoi cette frénésie quasi névrotique du ménage, chasse aux moindres impuretés, même invisibles, ce souci du secret, des apparences toujours sauves ? Le roman suit la construction d’une tragédie classique, unité de temps,

de lieu, d’action… le récit couvre une journée, Maria s’affaire au ménage… En un long monologue qui glisse du je à la troisième personne, cette femme célèbre l’anniversaire de la mort de Petros, son amant… fantasmes de salle de bain, histoires de cafards d’îles grecques ou athéniens, d’une aile de ces insectes, tenace au mur… vodka, coups de téléphone qui alimentent réflexions, retours sur le passé, angoisses… interrogation lancinante sur le regard des autres. Un petit bijou d’humour et de cruauté, au titre si faussement angélique, Les Chérubins de la moquette… À mettre en scène ? MARYVONNE COLOMBANI

Les Chérubins de la moquette Eléni Yannakaki, traduction Marie Desmeures Éd. Actes Sud, Coll. Lettres grecques, 22 euros

La princesse de Clèves de Beyrouth Avec un titre si délicieusement XIXe, impressionniste à souhait, on imagine un ouvrage à la Renoir… En effet, de nombreux chapitres brossent de charmants tableaux : scènes sur le pont d’un bateau, jardinage, fleurs, boudoir, lettres, bibelots, livres, réminiscences, et l’adorable grand-mère… Mais le fond du paysage choisi est tragique : la guerre au Liban, les bombardements de Beyrouth, le génocide kurde, et des secrets, un passé qui se dévoile, lentement, par recoupement de lettres, de témoignages, et l’élucidation des vies entrelacées, des énigmes, de ces destins particuliers passés au tamis de l’histoire qui sépare, désunit, disperse, rassemble… Se façonne ainsi peu à peu un personnage complexe et attachant. La narratrice découvre un être dont elle ne connaissait qu’une facette, une grand-mère qui perdit

Silence de mort

«Depuis des jours, et pour combien de jours encore, Dominique Hardenne marchait.» La première phrase du livre donne le ton. Rescapé d’une guerre bizarre de laquelle il n’a rien vu, le soldat-paysan Dominique Hardenne rentre chez lui, couvert d’une épaisse combinaison qui le protège des radiations mortelles émises par des bombes dévastatrices, épuisé, affamé, et seul. Arrivé chez lui il se rend compte qu’une de ces bombes a momifié, vitrifié les corps, ceux de tous les habitants, laissant intactes les habitations. Saisis à l’heure de la messe ils sont tous regroupés à l’église. Que fait-on lorsqu’on est seul au monde, dans un état de «bannissement éternel» ? Comment vit-on sans les autres, dans un quotidien fait de souvenirs, avec pour seule compagne sa mémoire ? Dominique Hardenne fait ce qu’il sait faire : il travaille la terre dans l’espoir fou qu’un jour quelque chose repousse, il coupe du

son mari à trente et un ans, et s’accrocha à une promesse, et à sa capacité d’aimer. De tout aimer, des animaux aux êtres humains, avec une délicatesse généreuse et émouvante. Têtue, elle refuse de quitter Beyrouth sous les bombes, malgré les injonctions de ses enfants. Dans une langue fluide, toute de retenue, des phrases brèves procédant par touches, Hyam Yared nous offre un très beau roman, qui tient à la fois de l’intime et de la fresque historique. À lire comme un long poème, et un hymne à la vie. M.C.

Sous la tonnelle Hyam Yared Sabine Wespieser éditeur, 21 euros

bois, sachant que «tant qu’il serait vivant il n’échapperait pas aux morts ; il avait intérêt à s’y habituer s’il voulait conserver sur eux cet avantage.» Dans un va-et-vient constant entre monologue de la vie présente et évocation des souvenirs, Vincent Engel livre un récit oppressant, dans un style simple au rythme lancinant, qui rend la parole de cet homme vivace, malgré la situation. Jusqu’au terme du roman, alors que se referme son univers sur cette impossible vie, flirtant avec la folie à chaque page, chaque mot, chaque pensée… DO.M.

Le Mariage de Dominique Hardenne Vincent Engel Éd. Jean-Claude Lattès, 17,50 euros


LIVRES 79

Christ et châtiment Ce magnifique roman autobiographique, porté à la scène et à l’écran, partout traduit, récompensé, est réréédité aujourd’hui par Agone. Peu de récits contemporains possèdent le pouvoir de nous faire adhérer à ce point à une histoire et des personnages pourtant entrevus ailleurs. Face à face ou plutôt corps à corps avec Erik, nous revivons une Vipère au poing suédoise et compulsive jusqu’à la description minutieuse des objets servant à frapper, meurtrir, égratigner ou trouer la peau de l’autre. Mais de ce fait le récit constitue, par son contenu latent, un étonnant monument à l’érotisation de la violence. Car La Fabrique de violence exerce une fascination qui, comme toute fiction étayée sur nos zones sombres, ressortit d’une jouissance en totale opposition avec le contenu manifeste, anti-violent, du récit. Erik y campe à la fois le héros parfait (Aryen) d’une épopée de l’adolescence et l’agneau de Dieu d’un roman de formation – ici plus justement de la déformation

extrême. Jan Guillou plonge son héros, déjà violenté et violent, dans un pensionnat Upper-class à l’idéologie nazie. Cette école prestigieuse exhorte les élèves de lycée à «éduquer» les collégiens grâce à un système de punitions/humiliations. Mais en réponse aux banales rosseries pratiquées par d’authentiques barons à l’encontre de petits bourgeois sans titre, notre jeune héros, régulièrement battu par son père, va générer une violence terrifiante. Du coup, en pleine dialectique du couteau qui monte, les jeunes fascistes s’élanceront après la sauvagerie d’Erik, qui souffrira puis rendra coup pour coup jusqu’à porter un masque noir et terrifier le campus. Le lecteur, lui, prend fait et cause, évidemment, pour la victime-bourreau. Surtout quand il venge son ami Pierre Tanguy un juif faible, pacifiste et très brillant. Tous ces clichés contribuent à ce qu’Erik, au fond, demeure impossible. Sauf peut-être, pour finir, avec le père ? ÉDOUARD BARTHÉLÉMY

Déferlantes bleues ! Coup de mistral et déferlantes d’azur du côté du cours d’Estienne d’Orves avec la parution d’un livre de belles images sur Marseille. Signe particulier : le parti-pris de la couleur bleue qui sert de fil conducteur (rouge ?) tout au long des pages. Camille Moirenc, le photographe, confie son affection particulière pour les photos de nuit ; il a cherché à saisir ces instants où la lumière bascule entre chien et loup, à la tombée du jour ou au clair de l’aube, merveilleux moments où la mer et le ciel se confondent. Beaucoup de photos ont été prises à bord d’un hélicoptère, proposant des points de vue inhabituels sur le port, les phares, les digues. La rédaction du texte de présentation a été confiée à

Jean Contrucci qui évoque avec poésie tous les bleus de Marseille, mettant en valeur la douceur insoupçonnée de cette ville souvent qualifiée de violente... CHRIS BOURGUE

Marseille la ville bleue Texte Jean Contrucci, photographies Camille Moirenc Éd. Jeanne Laffitte, 36 euros Agenda Marseille 2011 Éd. Jeanne Laffitte,12 euros

L’important, c’est d’aimer ! L’Olivier fait paraître les Œuvres Complètes de Raymond Carver. Le projet s’ouvre sur l’édition en diptyque de deux versions d’un même livre : sous le titre Parlez-moi d’amour, le recueil qui a assuré sa célébrité à Carver, après des années de misère et d’alcoolisme, mais au prix de remaniements et de coupes drastiques imposées par un éditeur envahissant, Gordon Lish. Au moment de la parution, Carver avait supplié en vain ce dernier de rétablir sa version : c’est chose faite à titre posthume, sous le titre Débutants. Les nouvelles rassemblent les rêves déchus de l’american way of life. Des banlieues pavillonnaires aux ranchs perdus, c’est la même réalité banale et navrée : pauvreté, divorce, alcoolisme, deuil. Sans misérabilisme, et sans romantisme ni hystérie du désespoir, Carver dresse le portrait de gens ordinaires comme hébétés par leur malheur, qui ne peuvent plus avancer ni reculer, mais dérivent sans comprendre dans leurs vies défaites. Il décline toutes les façons d’aimer - sa femme, ses enfants, ses parents, ses copains - et

l’impossibilité de conserver ce don, dans le chassécroisé entre ceux qui commencent et ceux qui finissent d’aimer. Si la version expurgée tire les nouvelles du côté de l’expérimentation littéraire, de l’abstraction philosophique ou de la brutalité elliptique, la version originelle n’a rien pour autant de sentimentaliste. Oui, la prose de Carver déborde de sentiments et d’émotions, mais avec une rudesse, une concision, une simplicité brute qui trouvent les mots que ces personnages ne savent pas prononcer, et qui donnent une densité palpable à la neutralité de la douleur, comme aux instants suspendus des minuscules grâces. En version courte ou en version longue, l’important, c’est d’aimer ! AUDE FANLO

Débutants Raymond Carver Éd. de l’Olivier, 15 euros

La Fabrique de violence Jan Guillou Éd. Agone, 23 euros


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LIVRES/DISQUES

MUSIQUE

Sans carnaval

Jean Tenenbaum

J.F.

Nuit et brouillard, La montagne, Potemkine, Maria, La femme est l’avenir de l’homme, Aimer à perdre la raison, Que serais-je sans toi… Ces fameux titres évoquent les thèmes chers à Jean Ferrat, son histoire, ses engagements, son ambassade populaire de la poésie d’Aragon, au fil d’une carrière (en particulier entre 1965 et 1980) qui a marqué la chanson française à l’instar de Ferré, Brassens ou Brel… La biographie mûrie par Daniel Panchenko retrace la vie de Jean Tenenbaum, enfant marqué par la mort de son père en déportation, puis celle d’un homme engagé, chanteur romantique et rebelle, qui prit tôt l’Ardèche pour pays d’adoption. On suit aussi, en parallèle, un bout d’histoire de notre pays, de 1930 à 2010.

L’œuvre de Camille Saint-Saëns (18351921) est considérable. Sa burlesque ménagerie sonore Le Carnaval des animaux, une pochade musicale que le compositeur lui-même avait tendance à taire, tend à dépareiller à côté de Samson et Dalila (qui sera joué en novembre à l’Opéra de Marseille) ou des Concertos pour piano et orgue. Jacques Bonnaure, dans cet ouvrage synthétique comme sait les concocter Actes Sud, décrit la mosaïque artistique et complexe de la France à l’époque du musicien, dont le langage s’appuie sur une ferme tradition. L’auteur fait aussi la part entre la figure «officielle» et l’homme «secret» tout en disant l’essentiel sur sa longue vie et son œuvre. La préface est signée par le pianiste Jean-François Heisser.

Saint-Saëns Jacques Bonnaure Éd. Actes-Sud/Classica, 18 euros

JACQUES FRESCHEL

A walking shadow «La vie n’est qu’une ombre qui passe» (Macbeth), dont le plus littéraire des compositeurs français a voulu coucher lui-même la trace sur le papier à seule-ment 45 ans, lassé de lire «des notices biographiques pleines d’inexactitudes et d’erreurs». Si habile dans ce rôle, Hector Berlioz se bat contre tous dans ses Mémoires comprenant ses voyages en Italie, en Allemagne, en Russie et en Angleterre. Pleines de passions et d’anecdotes sur l’artiste, son œuvre, son temps et surtout le Paris romantique, ces chroniques d’une vie rééditées avec soin chez Symétrie sont agrémentées d’une

préface du musicologue Alban Ramaut et reçoivent des références bienvenues en regard des nombreuses citations littéraires dont est friand un des compositeurs les plus controversés de l’histoire. Lui qui disait avec une pointe d’ironie «il faut collectionner les pierres qu’on vous jette, c’est le début d’un piédestal !». FRÉDÉRIC ISOLETTA

Mémoires Hector Berlioz Éd. Symétrie, 14,80 euros

Art et pouvoir Ce livre suit le parcours de l’exposition Lénine, Staline et la musique qui, dans le cadre de l’Année France-Russie, s’est ouverte le 12 octobre à la Cité de la Musique de Paris et que l’on peut voir jusqu’au 16 janvier. Les éditions Fayard participent à une thématique entamée avec Le IIIème Reich et la musique (expo 2004) traitant des rapports que les musiciens entretiennent avec les dictatures. Des photos, archives, gravures, affiches, peintures et partitions sont commentées en deux grands volets :

Utopies, et Réalisme socialiste de la révolution de 1917 à la mort de Staline en 1953. On y traite des avant-gardes et de l’art pour le peuple, de Chostakovitch et Prokofiev, du cinéma et du goulag… Savant et passionnant ! JACQUES FRESCHEL

Lénine, Staline et la musique Éd. Fayard / Cité de la musique

Jeune talent Voilà une jeune artiste comme savent les dénicher les Gambini. Née en 1987, Paloma Kouider a hésité entre des études de lettres et l’amorce d’une carrière de pianiste pour laquelle elle possède des dons indéniables (de son premier récital à 10 ans à sa «Révélation classique» de l’Adami en 2008). Chambriste à la tête bien faîte et aux doigts sûrs, Paloma Kouider a une prédilection pour Beethoven. Elle joue avec naturel et articulation, goût, sans

emphase, deux Sonates qui conviennent à son tempérament : la n°9 en mi majeur op. 14 n°1 et la «Pastorale» 15ème sonate en ré majeur op.28. Avec beaucoup d’aplomb, la musicienne joint au programme deux brillantes Rhapsodies hongroises de Liszt : un contraste gagnant! J.F.

CD Lyrinx LYR 271

Jean Ferrat Daniel Panchenko Éd. Fayard, 20,90 euros


DISQUES 81

Dame Teulières Les Marseillais se souviennent de Geneviève TeulièresSommer qui fut longtemps violoncelle solo de l’Orchestre de l’Opéra et professeur au Conservatoire de musique. Cette artiste, issue de la grande école du violoncelle français, fut l’élève d’André Navarra au CNSM de Paris et enseigne actuellement à l’E.N.M de Paris et à la Guildhall School of Music de Londres. Chez Lyrinx, où elle a déjà gravé de nombreux trios (avec le Trio Gabriel Fauré), elle ajoute un

brillant enregistrement de la Sonate de jeunesse op.6 de Richard Strauss et celle, superbe mais peu jouée, d’Edouard Lalo. En compagnie de l’excellent pianiste Daniel Adni, elle fait chanter son instrument avec un lyrisme puissant et profondément romantique. J.F.

CD Lyrinx LYR 268

Jeunes phénomènes Les quatre jeunes du Quatuor Modigliani ont, en peu d’années, fait leur place au panthéon des formations du genre. Cette saison, on les entend à plusieurs reprises : à Marseille (25 janv SMCM), Avignon (8 mars Opéra). Mais c’est à Aix qu’ils ont débuté leur périple méridional avec l’opus 76 n°4 «Lever de soleil» de Haydn, réussite de leur avant-dernier disque, et les Quatuors en la mineur op.13 et fa mineur op. 80 de Mendelssohn. Ce sont justement ces deux opus que les Modigliani gravent sur leur

instrument italien gracieusement prêté (fin 16e à fin 18e). On est toujours aussi surpris par leur maturité (ils ont à peine plus d’un siècle à eux quatre !), leur cohésion, générosité naturelle, lyrisme, leur goût sûr… JACQUES FRESCHEL

CD Mirare MIR 120 Les Modigliani étaient au GTP à Aix le 19 oct (voir p 36)

Vintage groovy Qui se cache derrière la rythmique de Ben l’Oncle Soul et la section cuivre d’Hocus Pocus ? Pas besoin de le savoir pour mordre à l’hameçon Electro Deluxe et à son 3e album intitulé Play. Le quintette parisien retourne aux sources avec un pied sur la planète groove et l’autre sur sa voisine la soul, pour un balancement très vintage saupoudré d’un hip hop très cool. Coloré et cuivré comme jamais, ce nouvel opus respire la bonne humeur à travers un swing onduleux empreint de langage jazz. Quatorze titres qui réussissent le pari de

One man band

Derrière les platines à faire sa cuisine ou plutôt à la console de son Symphonic Orchestra, Benoît Rault alias Ben n’a besoin de (presque) personne pour livrer les dix titres de son nouvel album Island on a roof, fraichement posé dans les bacs. Arrangeur, auteur, compositeur, interprète, producteur, réalisateur ou multi-instrumentiste, rien n’effraie ce one man band des temps modernes dont le nouvel opus surfe entre pop suave et nappes organiques, créant des ambiances feutrées planantes minimalistes qui pourraient nous faire croire à la

composer avec la pure tradition rétro, sans pour autant tirer les ficelles de la redondance, sachant poser sur le dance floor d’aujourd’hui un son original. F.I.

Play Electro Deluxe Musicast

résurrection de Graham Parson. La musique du Ben’s Symphonic Orchestra fait revivre la pop song aux couleurs d’aujourd’hui. F.I.

Island on a roof Ben’s Symphonic Orchestra Tatave music

New Luke Dix ans déjà que Luke traverse le paysage du rock français. Mais pour ce cinquième album intitulé D’autre part, il est question de nouveau départ. Recentré sur lui-même mais à la recherche de nouveaux sons et arrangements, Luke a peaufiné calmement les onze titres qui composent ce très bel album. Il revigore un rock français en manque de renouveau et parfois d’inspiration. Riffs corrosifs d’une guitare saturée mais également ballade à la sèche tout en subtilité, la musique de Luke s’apprécie aussi en concert où le ton se veut moins

feutré ! Une virée en Arles au Cargo de Nuit pour récolter les fruits de cette seconde décennie rock’n roll ? Il y sera le 27 nov à 21h30. F.I.

D’autre part Luke Jive Epic - Sony Music


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LIVRES/ARTS

Attention objets sensibles La collection de livres d’artistes de La Fabrique sensible, à Arles, s’enrichit de deux nouvelles productions consacrées l’une à Marie-Paule Bilger (1159), l’autre à Françoise Vadon (sans titre). Même petit format carré, même jaquette en carton double épaisseur et pourtant deux opus dissemblables, chacun étant le fruit d’une rencontre avec les artistes autour de l’objet édité. 1159 est réalisé à partir de dessins au crayon recouverts de cire, format 8,05 x 9 cm : MariePaule Bilger y développe un abécédaire formel (portraits animaliers) et chromatique (rouge, noir, gris et blanc exclusivement) ponctué de citations bilingues. Penser au plus près de l’apocalypse, Désenchantement du monde, Catastrophisme éclairé, Vivant : autant de cris d’alarme sur les espèces éteintes ou en voie d’extinction dans le monde… 1159 au total ! Avec un minimum de mots, des références aux organismes mondiaux et une dédicace, l’artiste parvient à la pointe

de son crayon à nous sensibiliser au «catastrophisme éclairé». À mille lieux de là, l’univers pictural de Françoise Vadon est hautement coloré, pimpant presque, et à la manière des Intérieurs à la fenêtre ouverte d’un Matisse ou Dufy, elle saisit la fragilité et la poésie du quotidien, la beauté des choses simples. Le tout imprégné d’une sagesse asiatique, les peintures ayant été réalisées entre 2007 et 2010 au Japon et en Chine. Superpositions de motifs, chatoiement des couleurs, cadrages décalés, perspectives écornées : on entre sur la pointe des pieds dans l’intimité de l’artiste sans trop oser la déranger… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

1159, Marie-Paule Bilger, 20 euros Françoise Vadon, 15 euros Éd. La Fabrique sensible

À fleur de peaux Il est des livres d’art que l’on aime feuilleter, que l’on expose, qui font partie des beaux objets, et il y a ceux qui nous entraînent dans une réflexion esthétique et la dépassent, parce qu’ils nous poussent à observer et dessinent des perspectives originales, parce qu’ils nous amènent à réfléchir le monde. Ainsi du dernier ouvrage des éditions Plaine Page, Les Entre Peaux, Barjols des tanneurs aux artistes. Les anciennes tanneries de Barjols y sont présentées dans leur histoire. Le passé et les paroles des ouvriers qui y ont souvent passé toute une vie de travail, l’empreinte sur la ville, le rythme marqué par les sirènes, les odeurs qui imprègnent encore certains murs, l’architecture industrielle comme une ossature délimitant les quartiers de Barjols… Puis le présent, avec les voix des différents artistes qui occupent les lieux, poétiques, graphiques, sculpturales, photographiques… Et le futur avec les créations des

enfants des écoles ! Ce type de friche industrielle, aujourd’hui abandonné, fait partie de notre patrimoine. Faut-il le renier, l’oublier en rasant les bâtiments ou lui trouver une nouvelle fonction ? Les artistes apportent une réponse constructive. Les lieux, par leurs volumes, leur éclairage, permettent d’installer de superbes ateliers, offrent d’infinies possibilités. Mais la reconversion ne peut signer l’oubli : à Barjols l’art se nourrit de l’humus du passé ouvrier. Ainsi, les superbes portraits sur des déchets de peaux tannées, de Günter Vossiek : le peintre y a représenté d’anciens tanneurs de Barjols, les rides des visages se mêlent à celles du cuir… Photos, rêveries, cabinet de curiosités, bestiaire (les chats par Claudie Lenzi), conjugaison («je friche, tu friches…»), à Barjols une poétique au sens premier du terme se met en place. Ce livre en témoigne. MARYVONNE COLOMBANI

Situations du livre d’artiste russe

La Russie était l’invitée d’honneur des Rencontres internationales de l’édition de création organisées par l’atelier Vis-à-Vis à Marseille (voir p 69). Cette édition s’accompagne d’une publication consacrée au livre d’artiste russe. Celle-ci, entre deux parties uniquement illustrées de visuels (livres d’artistes internationaux d’un côté et Marseille comme objet imaginaire de l’autre, partie plombée par une maquette envahissante), voue l’essentiel de ses pages à l’étude historique et esthétique du Livre d’artiste russe. Cette édition représente une première référence en français sur le sujet grâce aux contributions de spécialistes et entretiens avec des artistes russes. Alexander Larentiev et Anna Chudetzkaja proposent deux importantes analyses et mises en perspective suivies d’exposés sur le livre manuscrit par Mikhail Pogarsky puis sur le livre-objet avec Viktor Lukin.

Ces différentes approches amènent les auteurs à faire émerger et comprendre dans leur contexte les multiples concepts et formes élaborés par leurs créateurs depuis les ouvrages édités par Ambroise Vollard, le Futurisme russe au siècle dernier, les productions plus traditionnelles jusqu’aux propositions actuelles les plus audacieuses sous forme d’installations, performances, évènements collaboratifs, ou encore la dématérialisation artistique du livre via les technologies numériques. Le sujet est si foisonnant qu’il mériterait certainement un ouvrage de référence ! Mais nous ne manquons pas d’éditeurs audacieux dans la région. CLAUDE LORIN

Livres d’Artistes Russes Atelier Vis-à-Vis/Editions, 24 euros

Les Entre Peaux, Barjols des tanneurs aux artistes Éd. Plaine Page, Coll. Plurielles, 15 euros


Notre mère à tous Oubliée par la Renaissance, transformée par le Baroque, mutilée par la révolution ou idéalisée par le Romantisme, Notre Dame de Paris fut le témoin privilégié de l’évolution de l’art, mais aussi une formidable source d’inspiration. Sans éluder les aspects fameux de son histoire, l’ouvrage Notre Dame de Paris cathédrale médiévale s’attache à faire renaitre la «bible de pierres» au cœur de son époque, le moyen-âge. Grâce aux superbes clichés de Joël Laiter et aux textes passionnants de l’experte historienne Claude Gauvard, ce bel ouvrage grand format retrace la vie de celle qui fut en son temps la plus grande des cathédrales d’Europe par son édification, son culte, ses fidèles et son rôle dans le royaume. Et par des entrées singulières, cette publication bilingue (anglais) apporte également un regard neuf sur l’épopée médiévale de l’art gothique. FRÉDÉRIC ISOLETTA

Notre Dame de Paris cathédrale médiévale Éd. du Chêne, 25 euros

Un Art de vivre

L’Art Déco a toujours posé un problème de définition. Et pour cause ! ni mouvement, ni courant proclamé, il fut pourtant omniprésent dans la France des années 20 et fut couronné par l’exposition universelle des arts décoratifs de 1925. Mobiliers, objets, cinéma, architecture, peinture, sculpture, on peut trouver sa trace et ses déclinaisons à travers des œuvres si diverses… Serait-ce un état d’esprit ? Les éditions du Regard s’attachent à conter les Histoires de l’Art Déco dans un magnifique ouvrage du spécialiste du genre José Alvarez. Car vous l’aurez compris, il est impossible de parler au singulier de l’art déco. Avec une documentation très riche, des archives précieuses et des documents iconographiques nombreux et de grande qualité, ce tome s’avère être une mine d’informations passionnantes. Du célèbre collectionneur et mécène Jacques Doucet aux acteurs d’aujourd’hui, cette fabuleuse histoire comblera les spécialistes et ravira les amateurs. F.I.

Histoires de l’Art Déco José Alvarez Éd. du Regard, 48 euros


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HISTOIRE

CENTRE AIXOIS DES ARCHIVES DÉPARTEMENTALES

Du chant des Amandières à L’Internationale… des coques des amandes, d’autres se rendaient dans les casseries. Encore un roman sur ces Amandières, qui travaillent en chantant raconte Armand Lunel, si charmantes avec leur mouchoir fleuri de Beaucaire sur la tête… Mais tant de douceur passe par l’«opération infernale» du blanchissage au soufre… Les friandises ne se fabriquent pas avec la magie de l’usine de Willy Wonka ! (à noter le 23 nov à 18h30 une conférence de Patrick Boulanger : Aix, marché mondial des amandes). Industrie particulière aussi que celle des chapeaux ! Disparue aujourd’hui la chapellerie aixoise avec ses chapeaux de poil souple (souvent de la peau de lapin), et principalement le chapeau souple nommé «foulard» considéré par l’Encyclopédie des Bouches-du-Rhône comme «une gloire de la chapellerie française». On ne peut que se ranger à cet avis

Surprenant n’est-ce pas ! Le parcours proposé nous entraîne à la découverte de ce passé ouvrier foisonnant, photographies, objets (de la lampe au calisson), extraits de journaux, contrats, «livrets de l’ouvrier», tracts, littérature populaire, comme La casseuse d’amandes d’un certain Louis Adrien Levat. De nombreux tiroirs recèlent des plans de machines, comme celui du nouveau pressoir des établissements Victor Coq, surnommé «Le Rapide» (au XIXe, les machines avaient encore de la personnalité !)… On y voit aussi l’évolution de l’architecture industrielle, de l’hôtel particulier Boyer d’Eguilles par exemple, avec sa façade moulurée de pilastres et de feuilles d’acanthe, qui abrita la fabrique de pâtes alimentaires Augier, à la nouvelle manufacture d’allumettes où le fer triomphe. Les industries qui animaient le centre ville s’excentrent progressivement, s’installent autour de la nouvelle gare de marchandises qui relie Aix à Marseille et Paris (le 31 août 1856).

d’autorité, n’est-ce pas ! Vous découvrirez aussi la lampe Zénith «qui ne noircit pas»… Et par-dessus tout cela, mettez les sirènes de la fabrique d’allumettes qui rythment la vie de la ville, à l’apogée de son ère industrielle…

1871… (à noter : les appels des grévistes aux chômeurs espagnols embauchés à leur place !). Ces organisations ouvrières mettent aussi en place des mutuelles pour l’aide aux vieillards et aux invalides du travail. Il y aussi la création du corps des inspecteurs du travail qui relèvent les infractions, par exemple celles liées au travail des enfants… Citation d’Eugène Sue, si évidente mais à méditer aujourd’hui encore dans les boutiques de luxe, quand 1 million d’enfants français vivent en dessous du seuil de pauvreté : «Nul n’a droit au superflu tant que chacun n’a pas le nécessaire»…

Vie ouvrière Une partie de l’exposition est consacrée à la présence ouvrière dans les différentes activités de la ville, du joyeux club de boulistes à l’établissement d’une section de la Fédération Entreprise COQ © Photographie ELY

Manufacture d'allumette © Photographie ELY

Parti pris pour le moins paradoxal que d’évoquer Aix-enProvence, «la belle endormie», seul endroit au monde qui semble n’être pas touché par la crise avec ses magasins de luxe qui ne désemplissent pas, comme ville ouvrière ! C’est le pari que le centre aixois des Archives départementales s’est lancé avec la superbe exposition Aix, ville ouvrière (1850-1940). Le propos n’est pas d’être exhaustif, ni de partir dans de longues analyses, mais d’offrir au public une relecture de l’architecture urbaine, et de rappeler à ceux qui auraient la mémoire courte que la prospérité de la ville plonge aussi ses racines dans un humus industriel riche et varié… Sur les plans de la ville, on peut s’amuser à repérer des différentes industries. Ainsi, on compte sur celui de 1889 une usine à gaz, deux de textiles et papiers, cinq de métallurgie, sept chimiques et quatorze alimentaires !

Ateliers et fabriques Se souvient-on aujourd’hui des moulins à huile établis dans le centre ? Lorsque vous vous promenez dans le quartier Mazarin, imaginez encore les parfums de l’huile du «Moulin de la vierge», plus loin ce sont les tonnelleries, les fonderies… Une grande partie de la production s’exporte vers les colonies, comme les pâtes Augier… Bien sûr, ne les oublions pas, les calissons font déjà la gloire d’Aix, la vieille ville résonnait du bruit des coups de massette… beaucoup d’ouvrières travaillaient à domicile et s’activaient au cassage

Législation et revendications Mais, ce qu’il y a de remarquable dans cette exposition, c’est la mise en perspective de toutes ces industries et de leur histoire avec les différentes lois qui ont réglementé le travail ouvrier, de la Loi Ollivier qui abroge le délit de coalition en 1864, et donne la possibilité d’exister aux sections des internationales ouvrières… Puis la Loi Waldeck-Rousseau de 1884 autorise la création des syndicats. La CGT se fonde au congrès de Limoges en 1895 et la Bourse du Travail d’Aix voit le jour le 2 février 1896 à l’emplacement de la Halle aux Grains. Le rôle de cet établissement est souligné par la présentation de ses bulletins officiels, mission d’éducation, (formation professionnelle), conférences, mise à disposition d’une bibliothèque : le souci d’éducation des masses faisait partie intégrante de la lutte sociale… Et des luttes, il y en eut beaucoup ! Grèves sur les revendications salariales, parfois très longues, celle des terrassiers dura de janvier à juillet 1913 ! On y voit aussi les boulangers arrêter de travailler en 1889, mais le plus étonnant est sans doute le rôle des chapeliers, dont l’un d’entre eux, Auguste Bonafous, dirigeant de la section d’Aix de l’Association Internationale des Travailleurs, prit la tête du soulèvement en faveur de la Commune de Marseille en

Sportive et Gymnique du Travail, en passant par le club de Vélo aixois, le Football Club, les cercles musicaux républicains, comme l’Union des Trompettes aixoises, ou la Musique municipale d’Aix… On voit même trôner dans sa vitrine un ophicléide, ce fameux «serpent à clés» qui jouait avec tant d’énergie dans les romans de Flaubert… Bref, il y aurait tant à dire ! Le plus simple reste de se rendre aux Archives d’Aix, vous vous initierez aux arcanes des Cercles, de la convivialité du «Rouge Faubourg», et vous verrez aussi l’intelligent court métrage (15 minutes) de Robert Mencherini, commissaire de l’exposition et professeur honoraire des universités en histoire contemporaine. Une exposition remarquable d’originalité et de clarté. MARYVONNE COLOMBANI

L’exposition Aix ville ouvrière, 1850-1940 se tient jusqu’au 29 janvier au Centre Aixois des Archives Départementales des Bouches du Rhône. Ouverture du lundi au vendredi de 9h à 18h sauf le mardi de 14h à 20h 04 42 52 81 90 www.archives13.fr Le Travail des femmes conférence lecture par Françoise Thébaud (professeur émérite de l’université d’Avignon) avec les comédiens Catherine Alias et Yves Mugler, le 18 janvier à 18h30.


ORANGE | ARLES

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Mise en scène et archéologie avait de la poésie, du chant accompagné de la cithare, des chœurs qui chantaient et dansaient avec un joueur d’aulos (la flûte de l’époque), et enfin des chœurs dramatiques qui jouaient tragédie, comédie et drame satyrique. Ces concours «musicaux» donc suivaient une périodicité fixe, en l’honneur des dieux. Trois catégories d’épreuves se répartissaient entre stade

acteurs évoluaient mesurait 3 mètres de haut ! Et des portes permettaient aux acteurs d’intervenir aussi au niveau de l’orchestra ! Avec une telle hauteur, finie la différence que l’on établissait entre Grecs simples, partisans d’un décor majestueux et naturel, et Romains, bâtisseurs, avec un goût de l’artifice qui leur faisait installer d’immenses murs en fond de scène ! Détail Carthagene, Espagne © Philip - THEA

Est-ce parce qu’il est Orangeais qu’il photographie avec tant de passion le patrimoine antique ? Infatigable voyageur, Claude Philip a rapporté plus de 400 photographies de théâtres du pourtour de la Méditerranée ! Certes, rien de plus naturel que d’évoquer le théâtre antique à l’ombre des majestueuses murailles du théâtre d’Orange. Traversez la rue et vous vous retrouvez dans le charmant musée d’art et d’histoire. Le rez-de-chaussée y accueille jusqu’au 28 février la belle exposition d’une partie des clichés de Claude Philip. Vous êtes invités à effectuer un voyage très original, puisque les seuls lieux photographiés sont des théâtres antiques. On y retrouve Epidaure, Pétra, Syracuse, Carthagène, Delphes, Aspendos, Spoleto, Beit Sheam, Fréjus, Orange, Rome…. Outre la beauté des clichés, le cadrage délicat de l’orbe des gradins, on éprouve le plaisir de retrouver des lieux visités et celui de la découverte. Insensiblement, ne serait-ce que par la continuité même des clichés sur les murs, des comparaisons s’imposent, états de conservation inégaux, formes dissemblables des orchestras, rectangulaires, trapézoïdales, allongées, ou circulaires… Cette muette confrontation des sites, avec juste ce qu’il faut de cartes et d’explications dont les panneaux rythment les salles, a le parfum nostalgique des grandeurs passées, colonnes brisées d’Ephèse, folle avoine qui court à Dodone, marches disjointes du théâtre de Dionysos à Athènes… Parallèlement à l’exposition, un cycle de conférences est programmé, reprenant différents thèmes liés à l’archéologie et au théâtre antique. Le 27 octobre, Jean-Charles Moretti, responsable de l’Institut de recherches sur l’architecture antique de Lyon, directeur de recherches au CNRS, se livrait à l’exercice périlleux e la vulgarisation d’un sujet qui certes a nourri nos imaginaires depuis l’école, mais dont la complexité nous échappe le plus souvent : «Théâtres grecs et théâtres romains». La présentation claire est illustrée d’exemples, photographies de sites, représentations sur des vases antiques, mosaïques, citations de textes. Le conférencier montre qu’il est impossible de comprendre hors d’un contexte historique l’architecture de ces monuments. Il brosse en larges traits l’évolution des lieux depuis la naissance du théâtre. Au départ, en Grèce, leur destination est très particulière, les structures en bois qui composent ces édifices sont élevées pour recevoir les résultats des concours musicaux. Qui ne comprenaient pas que de la musique, mais honoraient par leur production les Muses: autrement dit, il y

La carte du monde romain à l’époque impériale est constellée de théâtres, à faire pâlir notre monde contemporain. Les énormes moyens investis dans ces constructions et dans les spectacles donnés pourraient rendre jaloux les artistes aujourd’hui ! Jean-Charles Moretti insiste enfin sur «la capacité des différentes sociétés à produire des architectures différentes pour des besoins différents», et nous pousse à réfléchir à propos de l’usage actuel de ces édifices. Dans quelle mesure faut-il préserver les lieux antiques, ou les dédier aux spectacles modernes ? MARYVONNE COLOMBANI

Conférence donnée le 27 oct au Musée d’Art et d’histoire d’Orange. Théâtre et société dans la Grèce antique Jean-Charles Moretti Le Livre de Poche, coll. «Références», Paris, 2001

(gymniques), hippodrome (hippiques), théâtre («musicales»). Le passage du bois à la pierre dans la construction est dû à des épisodes dramatiques d’effondrements des gradins ! Sans ce changement on ne dirait pas je vais au théâtre, mais nous partons pour l’«échafaudage» ! Curiosité encore, si les autres architectures de spectacles tiennent leur nom de l’activité que l’on va y voir (le stade, c’est d’abord la piste), le théâtre désigne le lieu où se tiennent les spectateurs, le lieu d’où l’on voit. Mais bon, vous pouvez trouver tout cela dans toute bonne histoire du théâtre antique donc nous vous passerons les évolutions des bâtiments, les jeux des acteurs, leurs relations avec le chœur, les différences entre Grecs et Romains, le changement d’esthétique, la fin du théâtre classique. Nous nous attarderons simplement sur les nouveautés que l’archéologie a permis de découvrir ! Si vous avez appris que l’autel de Dionysos se trouvait au centre de l’orchestra (là où évoluait le chœur), et bien, d’après J.-C. Moretti, c’est une erreur: l’autel n’empiétait pas sur l’espace de jeu, mais se trouvait sur l’un des côtés de la piste du chœur ! Et le proskénion sur lequel les

comique, on n’assistait pas au lever de rideau en début de représentation à Rome, car le rideau ne pouvant être attaché à un quelconque plafond, était monté sur de grandes perches qui descendaient….

Voyage au cœur des théâtres antiques de la Méditerranée Photos de Claude Philip Jusqu’au 28 février 2011 04 90 51 17 60 www.theatre-antique.com

Sublimer la Barge ! Bientôt 2013 ! Un énorme projet agite depuis les débuts de l’année le musée bleu d’Arles. On connaît le succès de la merveilleuse exposition des vingt ans de fouilles du Rhône par l’équipe de Luc Long, prolongée jusqu’au 2 janvier… Mais rien n’est fini ! La découverte il y a quelques mois d’une barge romaine de trente mètres de long, datée avec une précision hallucinante de l’an 30 ap. JC, nécessite de nouveaux exploits ! Seule une prouesse technique peut ramener l’ensemble à l’air libre (cela a déjà été pratiqué avec succès pour des pièces beaucoup plus modestes), en structure. Impossible de sortir l’ensemble. Il faut d’abord «désosser» puis l’envoyer à Grenoble où l’on dispose de technologies de pointe, rayons gamma, lyophilisation (passage par une étape de congélation, puis extraction de l’eau à la vapeur par sublimation chimique). Pendant ce temps, on devrait agrandir le musée de 750 m2 pour accueillir l’épave reconstituée lors de l’année culturelle 2013. Pour le visiteur, quelle aubaine ! Il aura une raison supplémentaire de se rendre dans ce musée exceptionnel… M.C.

04 90 18 88 88 www.arles-antique.cg13.fr


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HISTOIRE

LES MARDIS DU MUCEM

En attendant l’ouverture prochaine du MuCEM, Thierry Fabre inaugurait une série d’entretiens permettra de réfléchir sur les futurs thèmes des expos

Qu’est ce que la barbarie ? Tzvetan Todorov ouvrait la série avec cette question, qui lui est chère. Le mot nous vient des Grecs et possède un double sens. Il désigne ceux qui ne parlent pas la langue, que l’on ne comprend pas, et dénomme également la brutalité, la violence, l’inhumanité. Il qualifie alors un type d’acte et prend la valeur d’absolu moral : ce qui est inadmissible. Ces deux sens, liés, tracent pour les Grecs la limite de l’humanité.

Inhumaine humanité

Les Lumières et leurs ombres L’époque des Lumières a fortement contribué au débat sur la civilisation. Avec des désaccords : Condorcet reproche à Montesquieu de tenir compte de la pluralité des cultures et des lois. Pour lui, il existe une définition universelle de la Loi, la Vérité ou l’État, et il faut partager (et faire partager !) cette connaissance. L’unité s’oppose à la pluralité ! La Révolution Française poursuit dans le même sens : quitte à utiliser la violence, il faut transmettre aux peuples voisins le Bien absolu et la Vérité. L’optimisme révolutionnaire estime qu’on extirpera le malheur au profit du bonheur commun. Cet idéalisme est repris par Napoléon, avec des bienfaits de nature technique (connaissances, technologique). Ce messianisme, au-delà des dégâts des conquêtes et colonisations, présuppose que l’autre n’est pas civilisé.

À ce titre, l’occupation napoléonienne de l’Espagne est un moment essentiel de l’histoire : invention de l’armée moderne, de la guerre totale (indistinction entre les populations civiles et les militaires), de la guérilla, l’Espagne est le prototype des guerres asymétriques. Goya, peintre de cour, doit prêter serment au nouveau souverain, Joseph Bonaparte. Homme des Lumières, «illustrado», il ne peut choisir son camp entre la violence de l’apport révolutionnaire et le clergé obscurantiste résistant à l’envahisseur. Il invente alors une nouvelle attitude : il peint une œuvre officielle et une œuvre privée, Dans ces «désastres de la guerre», il renvoie, dos à dos, ces ennemis massacreurs devenus complémentaires. Devenu sourd, il s’en-

ferme et peint les réalités de la guerre sur les murs de sa maison puis la ferme et part, à Bordeaux, finir sa vie. Par son attitude Goya présente une vision des Lumières plus proche de nous que ses contemporains. Les massacres lui font comprendre les dangers qui guettent l’humanité. La diffusion du savoir ne mène pas forcément au bonheur ! Il introduit une vision individuelle des choses que les Lumières universalistes n’admettent pas.

bouddhisme en Indonésie). Car les chocs relèvent du politique, de la quête du pouvoir et des richesses qui dressent une communauté contre une autre. Les cultures, vivantes, évoluent en permanence : le vote des femmes ou la contraception ont bouleversé la culture française. Protéger une culture, la figer, est un non-sens : il existe une culture des adolescents, des retraités, des femmes, des riches, des pauvres, des immigrés…! Toute société est donc multiculturelle.

Sortir du clash

Dégager des universaux

Réfutant Samuel Huntington et son Choc des civilisations, Todorov récuse l’idée de guerres aux soubassements culturels. Il reproche au politologue américain d’avoir confondu culture et religion, d’ignorer la diffusion (le bouddhisme en Asie) ou les syncrétismes (islam greffé sur la tradition

Tzvetan Todorov © Arnaud Fevrier - Flammarion

Dans Race et Histoire, Claude LéviStrauss définit le barbare comme «celui qui croit à la barbarie.» Or le barbare ne sort pas de l’humanité, les actes impardonnables n’excluent pas du genre humain. Comme l’écrit Romain Gary, l’inhumain fait partie de l’humain et la violence appartient à notre espèce : parce que l’autre est mon semblable, je sais comment le persécuter ou lui faire plaisir. Revenant sur l’affirmation d’Eli Barnavi, «entre la civilisation et la barbarie, pas de dialogue possible !», Todorov propose de distinguer civilisation et cultures. Civilisations, employé au pluriel, désigne des ensembles historiques : l’Egypte antique, par exemple. Dans ce cas, «cultures» devient l’équivalent de «civilisations» (au pluriel). Il existe bien un dialogue des cultures, avec des interactions allant de la guerre à la coopération, mais la civilisation, elle, reste unique.

Goya et la guerre d’Espagne

Conserver la trace des cultures est dévolu aux musées, et ce contact entre présent et passé n’est pas neutre. Il peut permettre de comprendre l’autre mais peut aussi l’exclure, affirmer une revendication passéiste et obscurcir le présent (Hitler a fondé sa rhétorique sur l’humiliation du diktat de Versailles). La démarche d’un musée doit partir de la connaissance des contemporains pour comprendre le passé, démarche d’une ethnologue comme Germaine Tillion (1907-2008). Au retour de son étude des populations des Aurès, elle rentre à Paris en 1940. Refusant le nouvel ordre pétainiste et le racisme nazi, elle organise le réseau de résistance du Musée de l’Homme, ce qui lui vaut d’être déportée à Ravensbruck. Après son retour en France, elle repart en 1954 en Algérie pour stopper la guerre. Son échec l’amène à se concentrer sur une mission : empêcher les actes terroristes du FLN et la torture des militaires. Elle veut, à la façon de Goya, prendre parti pour les victimes. Son travail d’ethnologue, lui, aura montré combien les populations des Aurès et les paysans Français, malgré des différences de culture évidente, partagent la même sagesse politique et morale : au-delà de la distance culturelle, il se dégage des universaux humains qui permettent les contacts… Une première conférence stimulante, qui a lancé des pistes fort intéressantes pour un musée qui veut faire le lien entre les rives de la Méditerranée. RENÉ DIAZ


des conférences mensuelles : sitions du musée

Au fil de l’eau

La deuxième fut moins captivante, mais du coup plus éclairante sur ce qu’on attend du MuCEM : le 9 nov l’amphithéâtre de l’Alcazar recevait Predrag Matvejevitch, auteur du Bréviaire méditerranéen, traduit en 25 langues, et sans cesse réédité, augmenté d’ajouts et de corrections successives de son auteur. Un livre lyrique qui va par sauts et gambades et construit une poétique analogique à son objet : archipélique, personnelle, fragmentée et fluide, fortement sensuelle, elle ressemble à cette Méditerranée qu’il décrit en unifiant sans les réduire les temps antiques et contemporains, les rives et les villes, les péninsules, les hommes et les cités. Mais le conférencier se révéla nettement moins intéressant que l’écrivain. Sans doute parce qu’il n’avait pas jugé opportun de préparer une intervention construite et pensait se laisser aller à répondre aux questions posées par Thierry Fabre. Mais il ne chercha pas non plus à y répondre, bredouillant un peu et déviant sans cesse, semblant ne pas entendre les rappels de son ami qui tentait de l’aiguiller vers une pensée plus construite… Au passage quelques digressions qui rappelaient la pensée aiguë de l’universitaire international : un désir de roman historique où l’Histoire ne serait plus le cadre mais la matière première du livre ; une réflexion sur «la manière dont une île se termine», de façon abrupte ou en se laissant fondre dans la mer, ce qui aurait inspiré les clausules des épopées et tragédies grecques ; un hommage rendu au pain et aux ânes, qui ont nourri les hommes, construit les paysages et tracé les chemins ; une manière d’être toujours dans le sensible et l’analogie très naturellement, comme s’il y avait là tout un monde inexploré à investir… Et puis aussi, par moments, l’homme résistant revenait, le Yougoslave qui refuse de se dire Croate par antinationalisme,

celui qui déplore l’échec de tout projet politique méditerranéen, qui souligne sans faux semblant «l’impossibilité de mettre les Juifs et les Arabes à une même table» et qui, sans vouloir mettre ses amis «en difficulté» lui qui vit entre l’Italie et la France, déclare que ces deux pays sont gouvernés par des politiques incultes sans vision et sans ambition qui «marginalisent la Méditerranée». Ainsi, sans projet politique qui les unit, les villes méditerranéennes comme Marseille ou Naples ont «une grande identité de l’être, et toute petite du faire». Elles savent ce qu’elles sont, mais ne parviennent pas à construire, ni même à se gérer. S’agirait-il de mauvais augures pour Marseille Provence 2013, et le MuCEM? Nommer la tentation du désastre permet souvent de l’éviter… Quant à recourir au sensible, à l’analogie et à la digression pour évoquer la Méditerranée, il est clair après cette conférence que la démarche ne saurait suffire et que la pensée méditerranéenne, si elle existe doit se nourrir de dialectique. AGNÈS FRESCHEL


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PHILOSOPHIE

ÉCHANGES ET DIFFUSION DES SAVOIRS | UPRM

Vérité, fiction et connaissance

Quelques jours après le 11 septembre, la presse s’est fait l’écho d’une réunion entre des responsables américains de la défense et des scénaristes et réalisateurs d’Hollywood : il s’agissait de reconfigurer le monde d’après le 11 septembre en répandant une fiction, les bons les méchants, les terroristes d’un côté et les ennemis de la liberté de l’autre. Karen Hugues, ancienne directrice de la communication de Bush le confirmera : «nous sommes un empire et nous créons notre propre réalité» (cités in Story Telling par Christian Salmon, qui sera présent en mai).

Mythe et Vérité Ce dédoublement du vrai par la fiction n’est pas nouveau : c’est un trait caractéristique de l’espèce humaine que d’inventer des histoires. La réalité n’est pas suffisante, ou du moins n’a aucun sens, et puis elle est changeante, souvent incohérente. Et surtout elle est angoissante. Ce n’est pas le souci du vrai qui domine en fait chez l’Homme, mais le besoin de se rassurer. Car finalement quel est le point commun entre la vérité et le mythe ? Un seul et de taille : les deux ont une fonction explicative. On pourrait même dire qu’ils sont aussi vrais l’un que l’autre. C’est presque ce que soutient Marcel Détienne dans Les maîtres de vérité dans la Grèce archaïque. Avant Socrate et les sophistes la vérité est représentée par le mythe : toute explication sur les rapports de l’homme aux autres hommes, de l’homme au monde ou concernant le monde lui-même est soutenue par un ou plusieurs mythes. D’ailleurs, le terme de vérité en grec se dit Alétheia, composé du «a» privatif et de Lethé qui dans la mythologie signifie le fleuve de l’oubli. La vérité signifie en grec «ce qu’il ne faut pas oublier», c’est-àdire le mythe. Cette vérité d’autorité apparaît aujourd’hui, avec notre regard rétrospectif, comme une fiction. Ainsi les fictions qui animent aujourd’hui l’ensemble des discours politiques, commerciaux et publicitaires ont bien une généalogie ancrée au plus profond de notre tradition occidentale qui tend à croire que le mythe «a du vrai».

Sophismes Mais ce n’est pas tout ; dans cette généalogie présocratique se situent aussi les sophistes, ces maîtres de l’éloquence qui vont bousculer l’archaïsme de cette Grèce : finis les vieux qui détiennent la vérité avec le mythe, place aux beaux parleurs : le discours le plus convaincant, celui qui séduit le plus l’auditoire, devient vérité. Le vrai est le persuasif. Le sophiste remodèle le vrai, le modernise et la démocratie peut advenir : le pouvoir revient au discours le plus séduisant.

Ce sont les thèmes de cette nouvelle saison d’Échange et diffusion des savoirs. Quatorze conférences organisées par Spyros Théodorou qui donne le ton dans l’introduction au programme : «ce triptyque décrit des technologies d’ordre politique, qu’elles soient progressistes ou réactionnaires.»… On ne cessera jamais de s’interroger sur la vérité, qui est le fruit permanent d’un rapport de force, et de combats souvent perdus contre le mensonge, l’erreur et la fiction… La vérité estelle une valeur ? Est-elle vraisemblable ? Et qu’est-ce que «connaître» ?

Ce qui fait bouillir Socrate, ce vieux sophiste masqué qui ne fait que parler et n’écrit rien ! Il n’en peut plus d’arpenter Athènes et de faire souffrir à la tchatche ces maîtres de parole : Socrate - Par le chien, Hippias, voilà une belle et brillante réponse. Ainsi donc, si je lui fais cette même réponse, j’aurai répondu correctement à la question posée et je n’aurai pas à craindre d’être réfuté ? Hippias - Comment le serais-tu, Socrate, si ton avis est celui de tout le monde et si tes auditeurs attestent tous que tu as raison ? (Platon, Hippias Majeur) Et point n’est besoin de forcer le trait pour montrer là aussi un autre ancrage des fictions modernes : il s’agit, en toute connaissance de cause, de ne point viser le vrai, mais juste de convaincre pour manipuler.

Fiction d’une vérité Idéale C’est avec Socrate que la vérité prend son sens moderne d’objectivité, de communicabilité, d’unité,

de conformité à des principes logiques ; mais à quel prix ! Au prix de ce que Nietzsche appellera la fiction des deux mondes, le monde sensible et le monde intelligible : le vrai c’est l’Idée et elle n’est pas de ce monde. Cette fiction n’est rien d’autre que la métaphore du sens moderne de la vérité : elle ne se donne pas à voir, c’est l’objet d’une construction intellectuelle, elle n’est pas si simple que ça ; et puis aussi elle est subversive : toute société doit se construire sur des fictions coercitives afin de préserver son ordre établi (voir Cornélius Castoriadis, l’institution imaginaire de la société). Alors quoi aujourd’hui ? Fiction sur les retraites, sur le capitalisme, sur l’histoire… Face à la complexité et à l’absurdité du fonctionnement du monde, ses incroyables injustices, les partisans du vrai se font rares, ne sont pas crédibles et dans le meilleur des cas restent sans voix. Notre société dispense alors des fictions crédibles et simples à comprendre, qui emportent sans trop d’effort l’adhésion du peuple manipulé. Pas étonnant que d’autres, Jaurès, Lénine, pensent que «seule la vérité est révolutionnaire» ! RÉGIS VLACHOS

«Dans la Grèce archaïque, le poète est toujours un maître de vérité. Sa vérité est une vérité assertorique : nul ne la conteste, nul ne la démontre. Vérité fondamentalement différente de notre conception traditionnelle, Alétheia n’est pas l’accord de la proposition et de son objet, pas davantage l’accord d’un jugement avec les autres jugements ; elle ne s’oppose pas au mensonge ; il n’y a pas le vrai en face du faux. La seule opposition significative est celle d’Alétheia et de Léthé, l’oubli.» MARCEL DÉTIENNE LES MAÎTRES DE VÉRITÉ DANS LA GRÈCE ARCHAÏQUE


Désaliéner l’Art Tout peut-il être une œuvre d’art ? On n’en finira jamais avec cette question, posée depuis qu’une pissotière est entrée dans un musée. Pourquoi une roue de bicyclette est une œuvre d’art ? est la question précise et pertinente que pose Gabrielle Colace-Scarabino dans la dernière livraison de la collection Pourquoi des éditions Aléas. Un beau livre au sens où aucun questionnement n’y est oublié, du problème du beau jusqu’à la question politique, et ce avec une érudition bien dosée qui ne nuit jamais à la facilité de la lecture. Dès le début elle livre un combat, jamais perdu : la plupart des gens considèrent qu’une roue de bicyclette posée sur un tabouret c’est n’importe quoi ; comment leur donner tort puisque c’est vrai, c’est-à-dire que c’est une provocation de l’artiste : «Duchamp c’est pire ! il n’a ni bien fait, ni mal fait, il n’a pas fait du tout.» Cette œuvre est entrée par effraction dans l’histoire de l’art. Mais maintenant qu’elle y est, il faut bien faire avec ! Et on ne s’en sortira pas avec de longs développements sur les ready made et l’intention performative de l’artiste (je suis un artiste et donc quand je dis que ceci est une œuvre d’art ça en est une, même si je n’ai pas touché l’objet de mes mains). L’auteur évite en effet les pièges de l’herméneutique de l’œuvre qui consiste à vouloir faire comprendre aux béotiens et autres ploucs insensibles à l’art contemporain pourquoi c’est une œuvre d’art : Gabrielle Colace-Scarabino, sans jamais lâcher la question titre, assume les paradoxes de l’art contemporain et spécifiquement de cette œuvre. Il y a des causalités multiples qui font d’un objet une œuvre d’art : l’espace-temps déjà dans le cadre du performatif : tel jour à tel lieu il y aura art ; le pôle spectateur comme le reconnaît aussi Duchamp : sans Picasso et Apollinaire, le Douanier Rousseau ne serait pas rentré dans l’histoire de l’art ; et puis surtout le champ social et la technologie. Ce qui nous interroge

sur les œuvres de Duchamp est la même chose qui arriva au début de la photographie : en quoi le pléonasme de l’expérience sensible est-elle un art ? Duchamp remet en cause toutes nos habitudes, en nous demandant à l’inverse s’il est possible qu’un objet ne soit pas une œuvre d’art. En renversant en fait la question kantienne : puis-je avoir un regard esthétique et désintéressé sur un objet manufacturé qui par définition présente un intérêt ? À partir de questionnement radical de Duchamp, Gabrielle Colace-Scarabino s’étonne du statut politique de l’art, qui n’est jamais moins populaire que lorsqu’il s’attache aux objets de tous, et a besoin dans tous les cas de les exposer : «N’est-il pas étrange que l’art ne se popularise, ne se banalise, qu’en se faisant spectacle, c’est-à-dire finalement en recréant une forme de séparation du public, une distance, une passivité, une non-intervention qu’il avait tenté d’abolir en prenant pour objet le quotidien ?» Un art révolutionnaire, d’émancipation, serait-il celui que tout sujet pourrait se réapproprier afin de mettre œuvre ses activités vraiment humaines ? R.V.

Pour une transformation sociale Depuis 2007 l’Université Populaire et Républicaine de Marseille organise régulièrement des conférences animées par des chercheurs ou des acteurs du mouvement social, qui acceptent de partager leurs compétences ou leurs expériences. Les fondateurs de l’UPR ont un objectif : relancer un débat pluraliste à gauche dans un contexte où la parole publique semble se limiter à la confrontation du libéralisme économique, du capitalisme vert et du social-libéralisme. Car c’est bien avec un angle d’attaque qu’une analyse a de la force : sans idée derrière la tête on ne peut rien comprendre au monde social. Pour exemple, la réflexion marxiste permet de dégager les enjeux là où une analyse socio-libérale ou conservatrice reste aveugle, oubliant que les rapports de classe structurent tout le champ politique. Ainsi aujourd’hui de la réforme des retraites : si l’on croit rester «objectif» avec le seul angle d’intelligence démographique, on ne comprend rien : elle est imposée par le capital financier.

Mais les intervenants de l’UPR ne sont pas tous marxistes : cette université offre un cadre pluraliste de débats à toute la gauche afin de participer à l’élaboration d’un projet collectif de transformation sociale, montrant qu’«un autre monde est possible». Mondialisation, crise climatique, transformations du salariat, évolution de la participation politique, émergences de nouvelles formes de luttes et de nouveaux enjeux de société sont autant de thèmes abordés. Pour cette année cela a commencé avec Le capitalisme contre les individus ? par Philippe Corcuff, le 1er oct. La suite : Le Brésil : une grande puissance postcoloniale ? par Jean-José Mesguen, le 26 nov à 19h, Maison de quartier du 1-7, Salle de la mairie. R.V.

http://upr-marseille.com/conference-2011


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TECHNIQUES ET SCIENCES

LE LASER | AU PROGRAMME

Lumineux éclaircissements La Fête de la Science a donné l’occasion aux laboratoires de physique de l’Université de Provence [UP] de souffler dignement les cinquante bougies du LASER en éclairant le grand public sur les phénomènes lumineux. Un très brillant quinquagénaire Le phénomène d’«amplification de la lumière par émission stimulée de rayonnement», traduction de l’acronyme Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation, fête en 2010 son éblouissant cinquantenaire. Le brillant phénomène, envisagé théoriquement par Albert Einstein dès 1917, ne scintillera qu’à partir de 1960, porté sous les feux de la rampe par le physicien américain Théodore Maiman qui imagine de stimuler un rubis avec une source lumineuse rouge. C’est Alfred Kastler (prix Nobel 1966) qui avait eu l’éclatante idée en 1950 d’un procédé de «pompage optique». Le MASER est mis au jour par Townes, en 1958, ouvrant la voie à la reluisante carrière commune des deux denses étoiles MASER-LASER, développée par les éblouissants physiciens soviétiques Basov et Prokhorov qui partageront pour cela en 1964 le prix Nobel avec leur camarade américain. Une constellation de chercheurs et

ingénieurs travailleront ensuite autour de ces deux luxueux phénomènes pour en dégager une galaxie d’applications qui viennent désormais éclairer nos grisailles quotidiennes : lecteur laser et autre MP3, métrologie optique, détecteur de toutes sortes, holographie…

Boss à reluire Ces 21 et 22 oct, les fêtards motivés de la science, enseignants et doctorants de physique de l’Unité de Formation et de Recherche «Sciences de la Matière» à l’UP, ont débarqué, rayonnants, avec armes expérimentales et bagages théoriques dans la salle de conférence du Centre de Saint-Charles. Les visiteurs, essentiellement des élèves du secondaire accompagnés de leurs professeurs, suivaient un faisceau initiatique. Une table montrait des manipulations simples sur la composition chromatique de la lumière blanche avec ses filtres, sa synthèse additive, ses «aberrations». En deux temps trois mouvements et Vers la Bonne Mere © Jean-Marie Laugier

Vue sur Saint-Charles © Martina Knoop

sans couper les cheveux en quatre, un enseignant-chercheur refaisait en 3D la platitude du monde, avec la technique holographique laser et la méthode stéréoscopique par les couleurs complémentaires. Plus loin, le jeune quinquagénaire prenait la mesure de sa méga vitesse entre Notre Dame de la Garde et la faculté StCharles dans une lumineuse maquette reproduisant les tirs laser du mois de juin (voir Zib’ 30). Il faut dire que, juste en face, un chercheur de l’Institut Fresnel brossait sur de grands posters le portrait complet de notre rayonnant Narcisse. Enfin, de fontaine lumineuse en transfert, de fréquences acoustiques ou d’émissions de radio, par fibres optiques interposées, un talentueux animateur captivait son auditoire en mesurant justement son acuité… auditive. Lumière partout même là où, a priori, on ne la voit pas, ondes électromagnétiques, tout s’éclairait d’un jour nouveau.

la culture. Est-ce leur suprématie, vécue comme dictat, qui induit une sorte de rejet ? Ou bien la connaissance technique et scientifique est-elle jugée trop subversive ? Difficile cependant pour une société consumériste d’éradiquer tout à fait la pensée rationnelle, indispensable au foisonnement des «innovations» et à la «croissance» dans l’aliénation-consommation… Il était symptomatique que les visites des groupes d’adolescents aient été «compactées» en une dizaine de minutes là où il aurait fallu trois quart d’heure pour acquérir une vision critique du phénomène. Mais il faut absolument tout consommer dans la matinée à cette foire à la science : la physique, la biodiversité, les neurosciences… À science spectacle, techniques spectaculaires, et des chercheurs passionnés que l’on frustre en leur demandant de réduire leurs exposés à la durée d’un boniment ! Bling-bling, la grande foire des sciences a fermé ses portes…

C’est pas du Lux

YVES BERCHADSKY

À l’heure où aucune activité humaine, y compris les arts, n’échappe à la technologie et donc à la connaissance scientifique, il est paradoxal que notre époque n’accorde qu’une si faible importance à ces parties essentielles de


Mer, mer, ciné, maths et vérité Les Averroès s’espèrent amères Les 17e Rencontres d’Averroès en Sciences et Techniques dans Zibeline ! Lacan aurait dit «qu’est-ce à dire, ça veut ?». Simplement, en 2010 leurs trois tables arrondies plongent à corps éperdu, à la rencontre des eaux turbides de notre Mère Méditerranée agressée de toute part. Questionnement terre à terre autour de ses rivages et pourtours sauvagement meurtris par un libéralisme industriel et commercial ravageur ? Interrogation philosophique amère sur la transfiguration de nos aimés pays-visages tuméfiés ? Politique environnementale ou éconostalgie angoissée d’un abîme toujours plus abîmé ? Ne serait-ce pas non plus, hurlement à l’angoisse de l’Autre, le fantasme d’un plongeon dans les terre-heurs abyssales d’Atlantides ébranlés par l’onde de choc de la politique océane de sabordage du navire social ? L’expression d’un titanique désespoir au naufrage des valeurs de solidarités, d’épanouissement et de paix sur lesquels naviguent tous les espoirs humains ? Attablons-nous donc, à défaut de nous allonger, au divan de l’écoute de la pulsion sociale ou… de prendre notre sort à deux mains. (voir p. 5). Les Tables rondes se tiennent au Parc Chanot, les 26 et 27 nov. www.rencontresaverroes.net

La mer qu’on voit dans ses… Après le succès remporté l’an dernier par «L’espace au secours de la terre», le Conseil général des Bouches-du-Rhône invite cet automne à un étonnant Voyage au centre de la mer qui se déroulera à l’Hôtel du Département, du 18 nov au 17 déc. Cette exposition embarquée dans le grand bateau bleu se veut didactique, ludique, informative pour le grand public et les scolaires. Expo culture scientifique Tous les jours sauf le dimanche de 9h à 18h, entrée libre. www.cg13.fr

Autre petit conseil général d’ami Cette année encore, jusqu’au 30 nov, les ABD Gaston Deferre avec dix bibliothèques municipales des Bouches-du-Rhône, braque ses projecteurs sur le film documentaire, en écho à l’initiative nationale le «Mois du Film Documentaire». Cette année, des Vies hors normes seront mises en lumière. Les cinq films Le Plein pays de Antoine Boutet est projeté à Rognac le 30 nov documentaires sélectionnés présentent des reportages sur des femmes et des hommes qui ont choisi de construire leur vie différemment, loin des sentiers battus, en s’appuyant sur la force de leurs désirs et de leurs convictions, dans le rejet des aliénations que la société impose. Des parcours de vie qui peuvent rimer avec liberté et désir, mais aussi avec solitude et enfermement. Des destinées qui inventent des existences, loin du modèle dominant, quitte à être en marge et parfois jusqu’à frôler les frontières de la folie. Entrée libre. Renseignement et réservation conseillée auprès des bibliothèques concernées. www.biblio13.fr

Faut pas Maths et l’écran À partir du 2 déc, le public de Marseille et du département va découvrir la 11e saison de conférences présentée par l’association Échange et diffusion des savoirs. Le thème «Vérité, fiction, connaissance» sera développé au travers de 14 conférences animées par des philosophes, scientifiques, économistes (voir p 88). En commençant par deux conférences qui intéressent les sciences et techniques : Michel Broué, le 2 déc à 18h45, parlera «Contre les idées fausses sur les mathématiques : quelques vérités», et la semaine suivante (le 9 déc à 18h45) Alexandre Lacroix rappellera «Dix bonnes raisons de ne pas avoir sa télévision (et de se méfier des écrans).» Entrée libre à l’Hôtel du Département 04 96 11 24 50


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RENCONTRES

Libraires du sud /Libraires à Marseille 04 96 12 43 42 Rencontres avec Marcel Boungo pour Du Gospel à l’ Évangile, le 17 nov à 18h30 à la librairie Saint-Paul (Marseille) Présentation du livre Habitants atypiques (Images en Manœuvre éditions), photos de Alexa Brunet, texte de Irène Brunet, préface de Joy Sorman, le 17 nov à 19h à la librairie Histoire de l’œil (Marseille) Rencontre avec Anne Proenza et Teo Saavedra pour Les évadés de Santiago (éd. Le Seuil), le 18 nov à 18h30 à la librairie Au Poivre d’Âne (La Ciotat) Avec Claude Ponti autour de ses romans à l’occasion de l’expo Quand l’architecture se livre... avec Claude Ponti (à l’Alcazar), le 18 nov à 10h à la librairie Imbernon (Marseille) Avec Vincent Borel pour Antoine et Isabelle (Sabine Wespieser éditeur) le 18 nov à 18h à la librairie La Carline (Forcalquier) Avec Maryline Desbiolles pour son roman La Scène (éd. Le Seuil) et son récit témoignage sur Zouc : Une femme drôle (éd. de l’Olivier) le 19 nov à 19h à la librairie de l’Horloge (Carpentras) Avec Annie Toussaint autour de son projet «Voix d’écrivains», installation d’un poste d’écoute de lectures d’œuvres lues par leurs auteurs, en accès libre à la librairie jusqu’à la fin de l’année, le 19 nov à 18h à la librairie l’Encre Bleue (Marseille) Avec José Manuel Fajardo à l’occasion de la parution de Mon nom est Jamaïca (Métailié) le 23 nov à 19h à la librairie Histoire de l’œil (Marseille) Rencontre-dédicace avec Jean-Louis Bianco pour Si j’étais Président... Que faire en 2012 ? (éd. Albin Michel) le 25 nov à 18h à la librairie Au Poivre d’Âne (Manosque) Avec Philippe Mengue pour Proust Joyce–Deleuze Lacan–Lectures croisées (L’Harmattan), le 25 nov à 18h45 à la librairie les Genêts d’or (Avignon) Avec Jean-Luc Albert pour ses derniers textes, Notes sur l’absence et sur Hiroshima mon amour, (éd. de l’Atlantique) le 26 nov à la librairie l’Alinéa (Martigues) Avec Christine Fabreguettes pour cueillir des simples (éd. du Toulourenc) en présence des éditrices, le 30 nov à 18h45 à la librairie les Genêts d’Or (Avignon) Avec Bernard Plossu et Françoise Nuñez pour ...des millions d’années... la réserve géologique de HauteProvence et L’inverse est exactement vrai et Mu-jô (Yellow now), le 4 déc à 17h à la librairie Au Poivre d’Âne (La Ciotat). Itinérances littéraires : rencontre avec Mathias Enard pour Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants (éd. Actes Sud), le 17 nov à 19h à la librairie L’Orange bleue (Orange), le 18 nov à 18h à la librairie L’Alinéa (Martigues), et le 19 nov à 19h à la librairie Masséna (Nice). Escales en librairie : Rencontre avec Maxence Fermine pour Le Papillon de Siam (éd. Albin Michel), le 25 nov à 18h30 à la librairie Le Greffier de SaintYves (Marseille) et le 26 nov à 18h à la librairie Lettres Vives (Tarascon) ; rencontre avec Jean Rouaud pour Evangile (selon moi) (éd. des Busclats), le 1er déc à 18h30 à la librairie Saint-Paul (Marseille) et le 2 déc à 19h à la librairie Vents du Sud (Aix).

AIX Ecritures Croisées – 04 42 26 16 85 Dans le cadre des Belles étrangères consacrée cette année à la littérature colombienne, les écritures croisées reçoivent Santiago Gamboa et Fernando Vallejo, présentés par Catherine Pont-Humbert, le 18 nov à 18h à l’amphithéâtre de la verrière. Fondation Saint John Perse – 04 42 91 98 85 Pour fêter la poésie, en partenariat avec les Écritures Croisées : deux jours de rencontre avec le poète Yves Bonnefoy. Entretiens, lectures en présence de poètes (Pascal Riou, Jean-Yves Masson...). Les 26 et 27 nov. ARLES Atelier Archipel – 06 21 29 11 92 Expo-vente, 18 artistes de la galerie exposent de 3 à 5 œuvres chacun au prix de 10 à 400 euros. Vernissage le 5 déc à 11h30. Hôtel Le Bervédère – 06 27 30 57 71 Exposition de photographies de Fred Eral, Touchez des Yeux, prolongation jusqu’à la fin de l’année. Collège international des traducteurs littéraires – 04 90 52 05 50 Rencontre-débat avec des écrivains colombiens en présence de leurs traducteurs François Gaudry et Anne Proenza, le 29 nov à 18h30. Musée Arlaten – 04 90 93 58 11 Programmation hors les murs : La fête provençale, de Villeneuve à Mistral, colloque : Mieux connaître les statistiques du Sud-Est de la France, le 2 déc de 14h à 18h aux ABD Gaston Defferre (Marseille) ; L’évolution des fêtes au XIXe siècle, le 3 déc de 9h à 18h à la MMSH (Aix) ; La fête actuelle : héritages, mutations et revitalisations, le 4 déc de 11h à 16h30 au Musée départemental Arles Antique. Petites histoires de fêtes : visite théâtralisée de l’exposition Jours de fête en Provence, le 11 déc à 16h aux ABD Gaston Defferre. Musée Réattu – 04 90 49 37 58 À pied d’œuvre, plan rapproché sur… un objet du désir. Jusqu’au 31 déc. Association du Méjan – 04 90 49 56 78 Trois poètes libertaires : Prévert, Vian, Desnos, lecture par Jean-Louis Trintignant accompagné de Daniel Mille (accordéon) et Grégoire Korniluk (violoncelle). Le 14 déc à 20h30. Le Mange Lire – 04 90 97 01 02 Prix littéraire de la Roquette : un concours littéraire impulsé par Frédérique Tartavelle, patronne de ce cafélecture hors norme, avec l’appui du CIQ de la Roquette, qui a fait concourir des auteurs de langue française publiés pour la 1re fois, pour lequel 250 livres ont été lus par une soixantaine de lecteurs avec un jury de 18 personnes. Le lauréat, Erwan Larher avec Qu’avez-vous fait de moi ? (éd. Michalon), sera présent au 17 rue Plan du Bourg le 27 nov à partir de 19h pour une signature-lecture.

AUBAGNE Mairie – 04 42 18 18 29 Conférence-débat avec Sophie Ben Kemoun : Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent, le 18 nov à 18h au centre des congrès Agora. AVIGNON Théâtre des Doms – 04 90 14 07 99 3e édition du Contre Forum de la culture : Culture pour tous ou pour chacun, les 26 et 27 nov. BAUDUEN Edition Parole – 04 94 80 76 58 La soupe aux livres : trois manifestations en une : dire, lire, conter, chanter de 17h30 à 19h, partage d’un bol de soupe de 19h30 à 21h, reprise à 23h pour la suite et fin. Les prochaines auront lieu le 19 nov à Campsla-Source (83) à la salle du Cercle, le 20 nov à Villecroze (83) à la salle des associations, le 10 déc à Ampus (83) à la salle polyvalente. BEAUCAIRE Office de tourisme – 04 66 59 26 57 Conférence de la culturothèque : La symbolique du bestiaire : Les bestiaires médiévaux ont connu leur plus grande popularité en France aux XIIe et XIIIe siècle, à 14h le 17 nov. Rencontre-lecture avec l’auteur Ahmed Kalouaz, le 23 nov à 18h30 à la bibliothèque municipale. HYÈRES Médiathèque Municipale – 04 94 00 11 30 Fondane, Rimbaud et l’expérience poétique : rencontre/débat avec Michel Carrassou, docteur en Lettres modernes, éditeur et ayant-droit de l’oeuvre de Benjamin Fondane, président de l’Association Benjamin Fondane, le 4 déc à 17h. LA DESTROUSSE Mairie – 04 42 18 49 30 6e édition du polar dans tous ses états : tables rondes avec Jean Contrucci, Maurice Gouiran, Jérôme Harvey, Bruno Leydet, Michel Martin Roland, Bruno Aubry, Jean-Claude Beltramo, Mathieu Croizet, Michel Jacquet et André de Rocca, conférence… Le 27 nov. MARSEILLE Galerie du Tableau – 04 91 57 05 34 Exposition Alessandro Algardi, du 29 nov au 11 déc. Salons de Maison Blanche – 04 91 26 09 06 Exposition de Yifat Gat, dessin contemporain, du 17 au 30 nov, vernissage le 17 nov à 18h30. Le Parvis des Arts – 04 91 64 06 37 La Nuit des Verbivores, un hommage vivant à la sagesse des littératures avec la Cie Sketch Up, le 20 nov à 19h. Déconstruction/construction, des films à la frontière : cycle de projections proposé par Cailloux et disFORMES, le 19 nov à 20h30. Manifeste rien – 06 80 50 42 23 Séance d’écoute et Rencontres publiques autour de la


RENCONTRES 93 pièce L’Infrabasse (collectif Manifeste Rien), le 20 nov à 16h à ZINC Friche de la Belle de mai, avec Manifeste Rien & radio Grenouille ; Lecturespectacle-débat autour de l’Histoire universelle de Marseille de Alèssi Dell’Umbria (éd. Agone), le 27 nov à 16h à la Bibliothèque du Merlan ; théâtre multimédia avec L’Infrabasse, le 2 déc à 19h, les 3 et 4 déc à 20h au petit Théâtre Friche de la Belle de Mai. Librairie Maupetit – 04 91 36 50 50 Rencontre avec Anahide Ter Minassian et Houri Varjabédian pour leur ouvrage Nos terres d’enfance - L’Arménie des souvenirs (éd. Parenthèses), un débat sera par ailleurs animé par la médiatrice culturelle Judith Mayer le 20 nov à partir de 16h ; rencontre avec Jean-Louis Bianco pour son ouvrage Si j’étais président... (éd. Albin Michel) le 1er déc à partir de 17h. Bastide Saint-Joseph – 04 91 60 17 85 Marseille retrouve le nord : rencontres, installations, débats, exposition cartographique… Aminata Traoré en est l’invitée principale. Du 20 au 27 nov. CRDP – 04 91 14 13 12 Figures d’artistes : 6 artistes présentent leur parcours, leurs sources d’inspiration et leurs rapports avec le public. Interviendront les metteurs en scène Catherine Marnas et Bruno Schnebelin, le peintre Pierre Fava, le photographe Franck Pourcel, le musicien Jean-Marc Montera et le compositeur Pierre Sauvageot. Le 18 nov à 18h30. Théâtre Toursky – 0 820 300 033 Exposition Cris et silence de Jacques Mikaëlian, jusqu’au 5 déc. Regards de Provence – 04 91 42 51 50 Exposition Les trésors cachés du Sacro Monte Di Orta, jusqu’au 16 janvier. ABD Gaston Deferre - 04 91 08 61 00 Des écrivains en dialogue : Anne-Marie Garat et Bertrand Leclair, Promesses et fantômes de l’Histoire avec les lecteurs Ramona Badescu et Michel Bellier. Le 14 déc à 18h30. Exposition photographique de Patrice Terraz, Les cent visages du vaste monde, jusqu’au 11 déc. Dans le cadre de Ces étonnants archivores, conférence sur L’Assassinat d’Henri IV et le midi de la France, avec Michel Cassan, professeur à l’Université de Limoges et auteur de La Grande Peur de 1610, et Françoise Hildesheimer, conservateur général aux Archives nationales. Le 18 nov à 18h30. BMVR Alcazar – 04 91 55 90 00 Conférence de Claude Camous, auteur sur Rimbaud à Marseille. Le 2 déc à 17h.

Dans le cadre du cycle Portraits littéraires, projection de J’appartiens à un pays que j’ai quitté de Gérard Bonal et Jacques Tréfouë et Colette de Yannick Bellon. Le 2 déc à 16h. Albert Camus, l’Espagne au cœur : rencontres et projections, exposition de photos, dessins, conférences… Les 3 et 4 déc. Le monde selon Kournov, rencontre animée par Pascal Jourdana autour de l’œuvre de l’auteur ukrainien. Le 11déc. Espaceculture – 04 96 11 04 60 Rencontre/débat avec Catherine Teissier, spécialiste de littérature allemande, invitée par l’association Zingha à présenter le recueil Otto Dix - Lettres et dessins (éd. Sulliver, 2010) dont elle a traduit les lettres. Le 25 nov à 17h. Alphabetville – 04 95 04 96 22 Le 17 nov à 18h30, Jacqueline Caux présente Le silence, les couleurs du prisme et la mécanique du temps qui passe (éd. de l’Eclat) de Daniel Caux, présentation suivie d’une discussion avec le musicien ErikM ; projection, à 20h30, du film Les Couleurs du prisme, la mécanique du temps – de John Cage à la musique techno de Jacqueline Caux. Art-Cade – 04 91 47 87 92 Back Room / Stéphane Protic. Du 16 déc au 8 jan, vernissage le 16 déc à 18h30. MARTIGUES Médiathèque Louis Aragon – 04 42 80 27 97 Rencontre/débat avec Lydie Salvayre à l’occasion de la représentation de La Médaille au Théâtre des Salins. Le 3 déc. MIRAMAS Médiathèque Intercommunale – 04 90 58 53 53 Conférence de Virgil Tanase, écrivain et metteur en scène, sur Albert Camus, l’homme et l’œuvre empreinte de la lumière de son Algérie natale, le 25 nov à 18h. PENNES-MIRABEAU Association des Amis des Arts – 04 42 02 95 13 Salon du livre jeunesse : dédicaces, séances de contes, travail sur des BD… Du 25 au 28 nov. ROUSSILLON Médiathèque – 04 90 05 56 40 4e salon du livre et de l’illustration jeunesse : lectures, ateliers, dédicaces… Les 27 et 28 nov. SAINT-RÉMY Musée Estrine – 04 90 92 34 72 Exposition Bargoni, peintures récentes, jusqu’au 28 nov. SALON Ville – 04 90 56 98 62 Exposition permanente, Des Hommes, une Ville, les maires de Salon de la Révolution à nos jours, inaugurée le 14 déc (en écho à la loi du 14 décembre 1789 sur la création des municipalités).

Ceux qui sauvent

40 millions de pétainistes se plaisait à dire Henri Amouroux dans ses livres ou à la radio… Mais cette vision englobante ne pouvait que cacher une volonté de déculpabilisation d’une des pages les plus sombres de l’histoire nationale. De Déat à Henriot, de Papon à Bousquet, la France n’a pas manqué de zélés délateurs empressés de suivre les recommandations maréchalistes. Elle n’a pas manqué de policiers pour la rafle du «Vel’d’hiv», ni de fonctionnaires pour dresser le fichier des juifs. Mais les Français se sont aussi illustrés par leur volonté de ne pas laisser la vermine corrompre leur conscience : 3/4 des juifs de France ont été sauvés. Comme partout en Europe, certains se sont levés, et ont permis que l’humanité triomphe de la barbarie. Fidèle à la tradition judaïque, Israël a institué le Mémorial de Yad Vashem pour honorer, à travers cette institution, la mémoire de ces hommes et ces femmes d’exception. Pour nous, l’exposition propose de revenir sur cette période troublée en braquant son projecteur sur la cité phocéenne. R.D.

Les Justes Mémorial des Camps de la Mort Jusqu’au 13 février Fort Saint Jean, Marseille Le Mur des Justes à Marseille, Parc du 26e centenaire © X-D.R


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Nos Partenaires vous offrent invitations, réductions et avantages ! Pour les places gratuites, téléphonez-leur rapidement pour réserver, puis présentez votre carte de membre (1 place par carte nominative). Pour les réductions, présentez simplement votre carte (réduction valable seulement pour l’adhérent) Le Gyptis 10 invitations par soir pour Folisophie le 18 nov à 19h15 le 19 nov à 20h30 2 invitations pour Folisophie le 20 nov à 20h30 2 invitations par soir pour Dom Juan le 7 déc à 20h30 le 8 déc à 19h15 le 9 déc à 19h15 le 10 déc à 20h30 le 11 déc à 20h30 tarif réduit B (15€ au lieu de 24) à toutes les représentations 04 91 11 00 91 La Criée 6 invitations pour Sale août le 15 déc à 19h 04 91 54 70 54 Le Gymnase 10 invitations par soir pour Le livre d’or de Jan de Hubert Colas le 7 déc à 20h30 le 8 déc à 19h le 9 déc à 20h30 le 10 déc à 20h30 le 11 déc à 20h30 résa à journal.zibeline@gmail.com Le Merlan 10 invitations par soir pour Erich Von Stroheim le 10 déc à 20h30 le 11 déc à 20h30 le 15 déc à 20h30 le 16 déc à 20h30 Mensuel gratuit paraissant le deuxième mercredi du mois Edité à 30 000 exemplaires imprimés sur papier recyclé Edité par Zibeline SARL 76 avenue de la Panouse | n°11 13009 Marseille Dépôt légal : janvier 2008 Directrice de publication Agnès Freschel Imprimé par Rotimpress 17181 Aiguaviva (Esp.) photo couverture GÉRARD OCELLO/TÉLÉMAQUE © Agnès Mellon Conception maquette Max Minniti Rédactrice en chef Agnès Freschel agnes.freschel@wanadoo.fr 06 09 08 30 34

le 17 déc à 20h30 résa à journal.zibeline@gmail.com Théâtre de Lenche Une place offerte pour une place achetée (au tarif général 12€) Pour La station Champbaudet Du 23 nov au 23 déc Tarif réduit pour toutes les représentations 04 91 91 52 22 Théâtre des Chartreux Deux invitations par soir Pour Récréation du groupe Vis à Vies du 2 au 12 nov 04 91 50 18 90 La Minoterie Tarif réduit pour toutes les représentations 8 € au lieu de 12 € 04 91 90 07 94 Les Bancs Publics 1 place offerte pour 1 place achetée pour tous les spectacles 04 91 64 60 00 Pavillon Noir (Aix) 4 invitations pour Petites histoires.com de Kader Attou le 15 déc à 19h30 0811 020 111 Théâtre des Ateliers (Aix) 3 places à un tarif préférentiel à 10 € au lieu de 15 Pour Le Discours de la méthode en slam Secrétaire de rédaction spectacles et magazine Dominique Marçon journal.zibeline@gmail.com 06 23 00 65 42 Secrétaire de rédaction Jeunesse et arts visuels Marie Godfrin-Guidicelli m-g-g@wanadoo.fr 06 64 97 51 56 Arts Visuels Claude Lorin claudelorin@wanadoo.fr 06 25 54 42 22

Le 2 déc à 21h Le 3 déc à 21h Le 5 déc à 18h 04 42 38 10 45 3bisf (Aix) Entrées et visites gratuites sur réservations 04 42 16 17 75 Théâtre le Sémaphore (Port-de-Bouc) Tarif préférentiel à 8 € pour La Station Champbaudet le 3 déc à 20h30 04 42 06 39 09 Le Vélo Théâtre (Apt) 4 invitations pour Et il me mangea cie Vélo Théâtre le 3 déc à 20h30 OU le 4 déc à 20h30 04 90 04 85 25 L’institut culturel italien 3 adhésions annuelles d’une valeur de 32 €, cette «carte adhérent» vous donnera accès à tous les services de l’Institut, médiathèque et programme culturel. Demande par mail : iicmarsiglia@esteri.it ou au 04 91 48 51 94 Librairie Maupetit (Marseille 1er) La Canebière 5% de réduction sur tous les livres

Librairie L’écailler (Marseille 1er) 2 rue Barbaroux 5% de réduction sur tous les livres

Librairie Au poivre d’Âne (La Ciotat) 12 rue des frères Blanchard 5% de réduction sur tous les livres

Le Greffier de Saint-Yves (Marseille 1er) librairie générale et juridique 10 rue Venture 5% de réduction sur tous les livres

La Pensée de Midi Vous offre 3 exemplaires de Histoires d’un 20 janvier, n° des 10 ans de la revue par mail : chris.bourgue@wanadoo.fr

Librairie Regards (Marseille 2e) Centre de la Vieille Charité 5% de réduction sur tous les livres L’histoire de l’œil (Marseille 6e) 25 rue Fontange 5% de réduction sur tous les livres Librairie Imbernon (Marseille 8e) spécialisée en architecture La Cité Radieuse 280 bd Michelet, 3ème étage 5% de réduction sur tous les livres Librairie Arcadia (Marseille 12e) Centre commercial Saint Barnabé Village 30 rue des électriciens 5% de réduction sur tous les livres

L’imprimeur Magenta 10% de remise sur tous travaux d’impression 04 91 32 64 54 Auto Partage Provence 6 mois d’abonnement gratuit d’essai vous disposez d’une voiture quand vous le souhaitez, à réserver par téléphone ou Internet, 24h/24, 7j/7, selon vos besoins 04 91 00 32 94 www.autopartageprovence.com

Librairie de Provence (Aix) 31 cours Mirabeau 5% de réduction sur tous les livres

Musique et disques Jacques Freschel jacques.freschel@wanadoo.fr 06 20 42 40 57

Polyvolantes Chris Bourgue chris.bourgue@wanadoo.fr 06 03 58 65 96

Frédéric Isoletta fredisoletta@gmail.com 06 03 99 40 07

Maryvonne Colombani mycolombani@yahoo.fr 06 62 10 15 75

Cinéma Annie Gava annie.gava@laposte.net 06 86 94 70 44

Delphine Michelangeli d.michelangeli@free.fr 06 65 79 81 10

Élise Padovani elise.padovani@orange.fr

Art-Cade – Les Grands Bains Douche de la Plaine Une adhésion et une consommation au bar de la galerie 04 91 47 87 92

Marie-Jo Dhô dho.ramon@wanadoo.fr

Livres Fred Robert fred.robert.zibeline@free.fr 06 82 84 88 94

Philosophie Régis Vlachos regis.vlachos@free.fr

Maquettiste Philippe Perotti philippe.zibeline@gmail.com 06 19 62 03 61

Histoire et patrimoine René Diaz renediaz@free.fr

Sciences et techniques Yves Berchadsky berch@free.fr

Ont également participé à ce numéro : Dan Warzy, Yves Bergé, Aude Fanlo, Christophe Floquet, Agnès Condamin, Pascale Franchi, Jules Pignol, Christine Rey, Rémy Galvain

Photographe Agnès Mellon 095 095 61 70 photographeagnesmellon.blogspot.com Directrice commerciale Véronique Linais vlinais@yahoo.fr 06 63 70 64 18 Chargée de développement Nathalie Simon nathalie.zibeline@free.fr 06 08 95 25 47




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