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Du 13/04/11 au 18/05/11 | un gratuit qui se lit

Sortez !



Politique culturelle Menaces sur la culture Carte Flux, GMEM, Bernardines, BNM Rendez-vous du kiosque, Printemps de l’art, galerie Dukan Nuit des musées, MuCEM

5 6, 7 8 9

Théâtre Gymnase, Toursky Criée, Merlan, Minoterie Gyptis, Bernardines Jeu de Paume, Vitez, Bernardines, Badaboum Arles, Berre, Avignon, Ouest Provence Martigues, Cavaillon, ATP d’Aix Cavaillon, Avignon Au programme

10 12 14 15 16 17 18, 19 20 à 23

Danse Ballet d’Europe, Châteauvallon, Pavillon Noir Au programme

24, 25 26, 27

Musique Chambre Lyrique, symphonique Contemporaine, jazz Au programme Actuelle, jazz

28, 29 30, 31 32 34 à 37 38 à 41

Jeunesse Rencontres du 9e art, Artesens Rencontres de l’illustration, Citron jaune Éducation, La Valette Fos, GTP, Arles Lieux publics, Aix, Avignon, Le Revest Au programme Livres

42 43 44, 45 46 47 48 à 49 50, 51

Arts visuels Detaille, La Traverse, Artothèque, Le Garage, Phocal Vieille Charité, St-Maximin Aix-en-Provence Arles Au programme

52 53 54 55 56, 57

Cinéma Ouest Provence, Rendez-vous d’Annie Alhambra, Reflets, Rousset ASPAS, Aubagne Ouest Provence, Latcho Divano, Institut de l’image Films, Films de Force Majeure

58 59 60 61 62

Livres Littérature Arts, histoire Colibris, cipM, Maupetit Escale, Rencontre, Dialogues en librairies Salon de Paris, Printemps de Cassis

64 à 66 67 68 70 71

Rencontres Au programme, Horizontes del sur

72, 73

Patrimoine Archives départementales d’Aix, journées des métiers d’art Echange et diffusion des savoirs

74 75

Sciences et philosophie L’énergie, au programme

Adhérents

76, 77 78

Qu’avons-nous fabriqué ? Flux, nouvelles, infos, fulgurances, voilà que notre monde se liquéfie, se délite, devient insaisissable, fluctuant, baroque. La presse se proclame support, média, organe, oubliant d’être un lieu d’analyse. Et des mots étranges s’imposent aux artistes, projet, réseau, relais, rhizomes pour qu’ils ne pensent pas leurs œuvres, mais la dynamique qui les habille. Notre âge postmoderne s’est mis à mépriser le produit, pour vénérer les flux. Pas même ceux des capitaux, représentations symboliques du réel comme les mots le sont, mais ceux de la spéculation, c’est-à-dire de l’anticipation virtuelle de l’avenir. Nous ne tenons jamais au temps présent, avertissait Pascal, avant la révolution industrielle et l’avènement aliénant de l’objet de masse. Il semble que la révolution numérique nous ait fait franchir le seuil à rebours, et dématérialisé nos existences, transformant le geste d’écrire en clic, celui de converser en tchat, de rire en lol. Mais aussi le besoin de possession physique en plaisir d’assister à l’abri des écrans… Révolution culturelle s’il en est, qui nous divise intimement. Qui change nos corps, nos psychés, valorise la fulgurance et non la dialectique, l’accomplissement. Qui prescrit aux bibliothèques de numériser le patrimoine et d’élaguer les collections, et aux libraires de penser à flux tendu, abandonnant les livres après deux mois de vie dans leurs rayons mouvants. Qui raccourcit la pensée en slogans, l’œuvre en pitch, impose l’instinct et la vitesse contre la réflexion, favorise les forts en gueule et la séduction. Si imprudents, continuait Pascal, que nous errons dans les temps qui ne sont pas nôtres, et ne pensons point au seul qui nous appartient. Ce qui nous appartient n’est pas dans le projet, le trajet, le support, le portable. Les bombes sur les têtes, les balles dans les corps, explosent aujourd’hui en nos noms ; le fascisme gagne dans nos cités, et la misère, l’inculture ; la pornographie, premier usage d’Internet, bouleverse nos relations amoureuses… C’est au présent qu’il faut tenir. Sans doute en sortant des flux d’infos et de projections qui empêchent de créer, et de vivre. AGNÈS FRESCHEL

RetrouveZ nos éditions précédentes sur www.journalzibeline.fr



MENACES SUR LA CULTURE

POLITIQUE CULTURELLE

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!! Alerte !!

Il plane sur Marseille Provence 2013, et sur la vie culturelle régionale, des menaces tout à fait concrètes… Voilà que les festivals printaniers débutent, que les saisons prochaines se dessinent, que les réjouissances d’été s’annoncent… comme si de rien n’était. Comme si tous n’avaient pas à subir d’énormes baisses de subventions, des pressions, des menaces, une méfiance généralisée, et le reproche insensé d’être élitiste ou médiocre, ringard ou abscons, de ne pas rassembler assez, diffuser assez, ou d’être trop populaire. Car le temps est venu où les subventionneurs n’ont plus d’argent et opèrent des coupes sanglantes… avec parfois une mauvaise foi sidérante, tentant de justifier leurs retraits en accusant les projets artistiques qu’ils ont soutenus de ne plus être opérants.

Se rassembler Mais l’essentiel n’est pas économique : ceux qui ne veulent pas s’enfermer dans une société qui méprise et détruit ses artistes doivent le faire entendre… Et les acteurs culturels doivent arrêter de se prêter au petit jeu, induit par ceux qui veulent annihiler la force subversive de l’art et de la pensée, de débiner leurs concurrents, de laisser planer le doute sur la qualité et la pertinence esthétique de ceux qui travaillent dans le champ voisin… même si ils n’aiment pas tout ce qu’ils font ! Sans renoncer à leur sens critique, les artistes doivent se serrer les coudes face à la menace commune. Acteurs culturels, intellectuels, enseignants et publics, politiques aussi qui le souhaitent, doivent bâtir un programme alternatif aux tentations marchandes des industries culturelles. Pour réinventer un service public de la culture, généreux, décentralisé, productif sans productivisme, exigeant, passionné. Car sans cela, que vaut la vie ?

Que ceux qui disposent de l’argent public (le nôtre donc, pas le leur) aient un droit de regard (un devoir, même) sur la destination de celui-ci est une évidence. Encore faut-il, pour ne pas désespérer les créateurs, être honnête sur les motivations des baisses de subvention, qui s’exercent aujourd’hui pour des raisons budgétaires et non artistiques. Et encore faut-il que le mode d’exercice de ce regard ne soit pas hasardeux : l’attribution des subventions reste opaque, et certains chargés de mission brillent avec constance par leur absence dans les expos ou aux spectacles, et tandis que les comités d’experts, qui jugent des pairs exerçant sur le même territoire, manquent parfois aux principes de base de l’impartialité. Jugés par des concurrents qui ont intérêt à les expulser de terrains de plus en plus étroits, ou par des techniciens et des élus chargés d’appliquer des restrictions budgétaires conséquentes, les artistes de la région dépriment très sensiblement. Mais continuent de produire sans moyens et sans enthousiasme (comment en auraient-ils ?) des œuvres souvent inabouties quand ce ne sont pas des «work in progress». Ou pire, des spectacles gras propres à remplir les salles et à faire rentrer les indispensables recettes. Procédés insatisfaisants, bouts de ficelle provisoires qui perdurent ou s’étiolent, qu’on reproche en retour aux artistes… et qui les éloignent d’un public que les années plus fastes leur avait permis de véritablement conquérir.

L’accélérateur 2013 Nous l’écrivions dès 2007, alors que personne n’y croyait encore : la candidature de Marseille Provence avait toutes les chances d’aboutir… et d’assécher la richesse culturelle d’un territoire inextricablement complexe. Bernard Latarjet a construit un projet enthousiasmant, qu’il a imposé envers et contre à peu près tous. Aujourd’hui, même si son retrait n’est pas assimilable à une démission, son renoncement à diriger le projet est forcément un signe de lassitude. Lassitude de l’imbroglio politique qui laisse la culture à Marseille sans direction, dégoût du désengagement de tous quant au financement de la vie culturelle régionale, amertume quant au peu d’enthousiasme des entreprises qui attendent de rafler la manne touristique sans investir un euro dans la vie artistique… Autant de chausse-trapes que nous signalions il y a trois ans, et dans lesquels nombre de projets artistiques gisent aujourd’hui transpercés. D’autant que d’autres pièges, que nous ne soupçonnions pas, se sont ouverts en cours de route. Le parisianisme qui est reproché à MP2013 est un faux procès : recru-

Bernard Latarjet © Agnès Mellon

Conflits d’intérêts

AGNÈS FRESCHEL

tant y compris dans la région, l’équipe de 2013 examine les projets des acteurs culturels du territoire… tandis que l’État coupe les subsides des collectivités, place à la tête de la Criée une candidate dont la région ne voulait pas, construit de grands équipements qui vont tous être dirigés par des personnes étrangères à la vie culturelle régionale. Quant aux entreprises, qui se désengagent du mécénat culturel (moins 62% en trois ans !), elles laissent péricliter la vie artistique et intellectuelle de Marseille Provence, qui avait pourtant permis de remporter la candidature.

Agir Il y a urgence : les artistes sont abandonnés par l’État sous prétexte d’une excellence illusoire venue d’en haut ; les lieux sont laissés sans direction par la Ville de Marseille qui, empêtrée dans ses conflits internes, dispense son aide à l’aveugle ; les compagnies sont rendues schizophrènes par le conseil régional, et le conseil général 13, qui confondent développement du territoire, action sociale et éducative, et politique culturelle. Si nous ne voulons pas voir voler en éclats la spécificité opérante de cette culture d’ici, celle-là même qui a séduit les instances européennes, il est plus que temps de définir une politique culturelle alternative. Une vision globale qui pèse, et pose franchement la question des moyens : tous les économistes savent que rogner sur la culture n’est pas rentable, puisque cela baisse peu les dépenses, et a des conséquences immédiates, durables, couteuses, et bien plus grandes, sur les secteurs voisins (tourisme, artisanat, communication, commerces). Si l’on veut éviter la récession il faut donc exiger, au minimum, un rétablissement des moyens de 2008 quant au fonctionnement des associations culturelles. Les collectivités et l’État s’y étaient engagés auprès de Bernard Latarjet, les politiques en charge de la culture doivent avoir le courage de le revendiquer bien au-delà de la région, et de 2013.


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POLITIQUE CULTURELLE

CARTE FLUX | GMEM | BERNARDINES

Association de bienfaiteurs

Pour la deuxième année les festivals qui fleurissent autour de mai à Marseille s’allient pour proposer un Flux commun. Non pas une programmation élaborée ensemble, mais un dispositif qui permettra aux encartés –la carte est rouge, le poing levé !- de picorer un spectacle dans chaque programmation de ce nouveau front contemporain. Car comme la com le laisse entendre le geste est militant : il s’agit d’offrir à tous ceux que les arts vivants attirent l’envie d’aller voir juste à côté de leurs habitudes, et de se concocter un cocktail mixant danse, performance, musiques et cinéma documentaire. Les alliés de cet axe du bien ? Le GMEM ouvre le Flux musical qui sera clos par le Mimi au Frioul, le Ballet national transporte ses formes néoclassiques ou contemporaines à l’Opéra et à la Criée, avant que Marseille Objectif Danse pique notre curiosité, le Festival de Marseille nous invite vers un été passionnant que le Festival International du Documentaire agrémentera

pour les encartés de ses projections gratuites. Mais attention : c’est illico que les Informelles prennent leur quartier de printemps à la Gare Franche… Ce sont donc pas moins de 7 spectacles, concerts et projections que vous pourrez voir pour 45€ (carte non nominative), une aubaine en ces temps de vent aride sur la création : nos 7 associés subissent tous des restrictions plus ou moins graves de subvention. Un regret ? Comme souvent peu de théâtre, et pas de littérature. Les gestes, les corps, les sons et les images, et leurs croisements, doivent-ils vraiment aujourd’hui se passer des mots ? AGNÈS FRESCHEL

Retrouvez les programmations du Mimi, du Festival de Marseille, de MOD et du FID dans nos prochains numéros www.fluxdemarseille.com

Tourbillon d’ensembles Pour sa 24e édition de ses Musiques, le GMEM a concocté un programme très serein : durant 11 jours les concerts se succèderont dans la ville, faisant entendre créations et répertoire contemporain, sans coup d’éclats, dans un équilibre qui fleure bon la maturité (voir programmation p 36). L’ivresse, c’est par la pléthore de propositions que Raphaël de Vivo veut la faire éprouver : «J’aime les moments forts que l’on peut enchaîner, le tourbillon, la mise en perspective des œuvres que l’on opère dans les festivals.» Peu de voix et de musique électronique cette année, ou de formes théâtrales. De la danse (Emmanuelle Huynh, puis Daniel Linehan et Barbara Sarreau), des conversations, et surtout des concerts d’ensembles. Avec une attention particulière portée aux timbres surprenants, du trombone à la cornemuse en passant par un orchestre de violoncelles, la masse de 10 formations (chœurs, orchestre, ensembles) réunies en Bacchanales (création

d’Alexandros Markeas), l’éternel quatuor… puis des haïkus, une installation en forme de cocon, des minimalistes américains (ou d’ailleurs), des spectraux (Murail, Grisey), une triade de Grecs (Xenakis, Aperghis, Markeas), l’impressionnant Escalier du diable de Ligeti, des créations ou des pièces toutes récentes de Philippe Hurel, Yan Maresz, Martin Matalon, François Rossé, Bernard Cavanna, Jonathan Harvey… et Anne Lebaron (ah oui, les femmes aussi composent ?). Un festival qui parvient donc à conserver ses ambitions, offrant pour un prix symbolique («6€, un prix qui reste un geste volontaire mais ne constitue pour personne un obstacle» explique le directeur) une vingtaine de spectacles et concerts, et ce malgré les difficultés actuelles de production : «nous ne pouvons plus pratiquer aussi facilement l’achat de concerts, nous nous inscrivons donc dans une politique de coproductions, et nos commandes sont plus petites, avec des Machinations © Ircam, Agnes Fin

effectifs réduits… une réalité économique qui influence forcément la création musicale actuelle : la réduction des formes ne relève pas d’un choix esthétique.»). Des difficultés qui ne modèrent pas l’enthousiasme : avec les 330 000 € que le GMEM consacre à son festival, malgré une baisse de subventions de 70 000 € depuis 2009, les Musiques parviennent à regrouper 4500 spectateurs (billetterie payante) autour de la musique contemporaine…

Festival Les Musiques Du 4 au 14 mai La Friche, divers lieux marseillais 04 96 20 60 10 www.gmem.org

A.F.

Franche et bonne franquette Les Informelles commencent à la Gare Franche, chez Znorko, dans ses jardins, ses espaces citoyens qui sont aussi lieux de représentation et de travail… Quoi de plus naturel donc que cette escale, pour un festival pas comme les autres qui multiplie les petites formes expérimentales et inattendues, prenant le risque de ratages superbes, et de révélations ? Au programme de la première semaine, une création de Marie Lelardoux sur un texte de Suzanne Joubert : La Maison touche à cette sensation déstabilisante que l’on éprouve lorsque l’on perd le lieu familier qui habituellement nous abrite, le foyer, la demeure… Puis il y aura Mazzuchini qui tchache, Rebotier qui lui même vient mettre en garde contre la terreur de la nature, un film d’Hélène Milano, le collectif Terrain vague qui dit Zut, s’invite au repas, anime les fins de course… Tout cela en vrac, d’affilée. Informel, on vous disait ! La semaine suivante rapatrie les Informelles à la maison mère : les Bernardines abriteront une autre aventure, et poursuivront la réflexion entamée l’an dernier autour du gaspillage… A.F.

Les Informelles Du 16 au 28 mai La gare franche, Marseille 15e 04 91 24 30 40 www.theatre-bernardines.org


BNM

POLITIQUE CULTURELLE

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Le printemps paradoxal du Ballet National

Alors que le Ballet National s’apprête à offrir d’abondantes fleurs aux spectateurs d’Aix et Marseille, le conseil régional baisse sa subvention de près de 140 000 €. Frédéric Flamand, avec sa pondération habituelle, exprime sa surprise… Zibeline : Comment réagissez-vous à cette baisse brutale ? Frédéric Flamand : Nous sommes un Ballet National, donc nous avons vocation à être essentiellement subsidiés (expression délicieusement wallonne pour notre affreux «subventionné», ndlr) par l’État et la Ville. Le conseil régional est maître de ses subsides. Mais cette baisse est conséquente, 139 642 € tout de même ! Nous espérons simplement que cet argent qu’on nous enlève restera à la culture, et ira à des gens qui en ont besoin. Ce qui nous chagrine davantage ce sont les propos qui ont paru dans la presse nationale, sans démenti, et qui ne disent pas la vérité... C’est-à-dire ? Monsieur Mennucci affirme, ou du moins Le Monde le rapporte, que le Ballet National «danse trente fois par an». Or nous avons cette année, en 2011, 68 représentations : 20 à Marseille, 21 dans le reste de PACA, 5 en France, et 22 à l’international (Belgique, Portugal, Allemagne, Autriche, Maroc, États-Unis). Nous sommes, en termes de public à l’étranger, le premier ambassadeur de la Ville de Marseille : quand nous dansons à Houston, Bruxelles ou Luxembourg, c’est dans de très grandes salles… Mais nous ne négligeons pas non plus d’aller dans les petites salles de Six-Fours ou Rognac avec des programmes adaptés, ou jusqu’à Gap avec nos grandes formes, parce que nous sommes attachés au développement du territoire régional et des publics. D’ailleurs ici, à Marseille, avec nos dispositifs pédagogiques et la collaboration avec LOGIREM, nous contribuons à élargir considérablement le public de la danse… Monsieur Mennucci vous compare au Ballet Preljocaj, constatant qu’il diffuse beaucoup plus que vous. Je ne veux pas entrer dans ce jeu. Le succès d’Angelin Preljocaj est exceptionnel, et il le mérite. En ce moment on essaie de nous dresser les uns contre les autres, c’est très dangereux. Je travaille avec Angelin, chez Angelin, nous serons au Pavillon Noir dans quelques jours, nous avons partagé l’expérience de Dance, nous nous connaissons et apprécions depuis des années… Monter les artistes les uns contre les autres est une tentation à laquelle il faut résister. Pour répondre sur la diffusion après avoir établi la vérité des 68 dates que nous avons, et non des 30, qui sont celles que nous avons dans notre programme de mars à juillet- nous n’avons pas les mêmes missions ni le même passé que le Ballet Preljocaj. Quand je suis arrivé il y a 6 ans à la tête du BNM j’ai dû faire avec une situation très difficile, un ballet malmené, sans répertoire, coupé en deux, avec des missions peu claires. Nous l’avons remonté, sans saignée, et nous respectons à la lettre notre cahier des charges en termes de créations, d’entrées au répertoire, de commandes, de diffusion. Nous tournons 5 programmes en même temps. Le Ballet Preljocaj n’a pas ces impératifs, Angelin travaille avec des danseurs qu’il a choisis, et ne tourne que ses œuvres… Puisqu’il est question de programmes, parlez nous de ceux que nous allons voir !

Moving Target © Agnes Mellon

Oui, c’est plus agréable ! On commence d’ailleurs au Pavillon Noir d’Angelin avec notre programme Forsythe, Ochoa et Childs, les 19 et 20 avril, tandis que l’autre partie du ballet danse Métamorphoses à Houston… Puis on sera à l’Opéra de Marseille avec une création de Michèle Noiret, qui est actuellement chorégraphe associée au Théâtre National de Belgique et explore des territoires intimes. Elle a écrit pour nous une très belle pièce intitulée Hôtel Folia. C’est la fille de Joseph Noiret du groupe COBRA, elle a un sens très aigu de la poésie et de la musique, et a réalisé avec nos danseurs un véritable petit film dans les studios du ballet transformés en décor de cinéma. C’est une pièce pour 10 danseurs, autour de miroirs qui bougent, et qu’il faut traverser… Vous reprenez aussi Le trouble de Narcisse Oui, qui tourne un peu autour des mêmes thèmes de l’image, de l’identité, du dédoublement, des apparences. On a retravaillé la pièce, et ajouté dix minutes, un beau solo, une traversée du réel sur un blue screen où sont projetées de petites séquences de quotidien agressif, dans lesquelles Narcisse se débat… Quelques jours après vous retrouvez la Criée Oui, pour quatre représentations dans la grande salle ! Avec Moving Target, une pièce que j’ai créée il y a 15 ans mais dont l’actualité m’a sauté aux yeux lors de la reprise au Grand Théâtre de Provence. Car les corps sont de plus en plus normés, subissent la niaiserie du formatage obligé, et une mondialisation des critères physiques. Mais vos danseurs, eux-mêmes, ont des corps formatés… C’est là toute l’ambiguïté : que des corps performants remettent en cause leur propre formatage, et le dépassent… Nous sommes plongés dans une telle folie

de la normalité. La schizophrénie de Nijinski, autour de laquelle Moving Target travaille, me semble de plus en plus entrée dans notre vie… ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL

Inverses, Pas de deux, Tempo vicino Du 19 au 22 avril Pavillon Noir, Aix 0811 020 111 www.preljocaj.org Hôtel Folia. Le Trouble de Narcisse Le 6 et 7 mai Opéra de Marseille 04 91 327 327 www.ballet-de-marseille.com Moving Target Du 11 au 14 mai La Criée 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com Cartes blanches aux danseurs Festival des arts éphémères Le 19 mai Parc Maison Blanche www.marseille9-10.fr


08

POLITIQUE CULTURELLE

RDV DU KIOSQUE | PRINTEMPS DE L’ART | DUKAN

Rester visible Depuis sa première en 2008, le Printemps de l’Art contemporain à Marseille s’étoffe à chaque édition. Désormais marseille expos bénéficie d’un bureau rue Jean de Bernardy (juste en face d’Où), d’un poste de chargé de développement, d’un budget de 18 000 € pour ce Printemps attendu réjouissant et festif (plusieurs évènements programmés à l’initiative de chaque lieu). Cette année plusieurs structures non affiliées au réseau sont partie prenante dans une programmation associée : Tchikebe atelier de sérigraphie d’art accueille Didier Blondeau, Les Pas Perdus propose des formes artistiques inhabituelles de l’art contemporain, Vacances Bleues entreprise et mécène privé ouvre au public exceptionnellement une partie de sa collection photographique… Dans cette perspective d’échange et de mutualisation, Botox[s], équivalent niçois du réseau marseillais, est invité pour une proposition spécifique, avec un retour marseillais à Nice fin mai. La programmation complète mise à jour est à découvrir en ligne dès aujourd’hui.

Découvrez les programmations du Festival d’Avignon, du Festival de Marseille, des Chorégies d’Orange, du Festival d’Aix et du Festival de jazz des Cinq continents dans notre prochain numéro, ou en ligne sur leurs sites. Festival d’Avignon 04 90 27 66 50 www.festival-avignon.com Festival de Marseille 04 91 99 02 50 www.festivaldemarseille.com Chorégies d’Orange 04 90 34 24 24 www.choregies.asso.fr

Et demain ? Les tentatives ne manquent donc pas pour garder la tête hors de l’eau du vieux port, mais la même question ressurgit régulièrement : quel projet cohérent et ambitieux pour Marseille pour l’art contemporain ? Smp, Buyself, Rlbq et maintenant Dukan et Hourdequin ont disparu, marseille expos fédère toujours une vingtaine de lieux, et des galeries privées restent sur le côté. Alors que le [mac] végète, le Frac bénéficiera d’un bâtiment flambant neuf à l’autre bout de la ville. Puisque les grands hôtels historiques de la Canebière et l’Hôtel Dieu sont dévolus à d’autres utilités, quel avenir pour l’immense et central hôtel de la poste Colbert ? Comment l’art contemporain peut-il, saura-t-il prendre sa pleine part dans la dynamique de la cité ? Quel accueil accordé aux créateurs ? Pour quel public ? Quelle implication des collectivités publiques et d’État ? Comment le secteur de l’entreprise saura-t-il s’investir ? Un colloque initié par la CCIMP fera écho à cette question jeudi 13 mai : «Les systèmes économiques du monde de l’art, art/entreprise». Une partie de la question seulement. Car il ne s’agit pas que de lisibilité. CLAUDE LORIN

Festival d’Aix 0 820 922 923 www.festival-aix.com Chez Astérides, Davide Cascio, Public improvisations, 2008, collage sur papier, 33 x 24 cm © Davide Cascio

Jazz des cinq continents Espaceculture : 04 96 11 04 61 www.festival-jazz-cinqcontinents.com

Printemps de l’art contemporain à Marseille 12, 13, 14 mai www.marseilleexpos.com

Centenaire et printanier Il était depuis des années abandonné aux pigeons et à l’urine des noctambules… Le kiosque de la Canebière veut pour ses cent ans retrouver l’enthousiasme de sa jeunesse ! Les Rendez-vous du kiosque, organisés par la mairie du 1/7, veulent permettre aux habitants et aux passants d’y retrouver des manifestations culturelles et festives : après l’ouverture de Latcho Divano le 8 avril (voir couverture), on y verra du clown (Tendance clown les 20 et 21 mai), on y dansera (Milonga le 3 juin), et toutes sortes de musique et de sons (Radio

Après 12 ans à Marseille et 2 galeries, Sam Dukan et Marc Hourdequin jettent l’éponge : direction Paris. Un choix difficile mais nécessaire

Vue de l'exposition Carolein Smit, galerie Dukan & Hourdequin © X-D.R

Fin de partie

grenouille le 29 avril, Kabbalah le 13 mai, Nine spirit le 17 juin, Ysae le 1er juillet) vont tenter de redonner vie à l’artère la plus célèbre de Marseille, qui a longtemps dépéri. Car si le kiosque, trop surélevé, n’est pas vraiment pratique pour des représentations ou des concerts assis, il est idéalement situé, et fort joli… Les Rendez-vous du Kiosque 06 26 83 58 74 www.rendezvousdukiosque

Il avoue s’être trompé de stratégie à l’ouverture de sa première galerie rue Sylvabelle, mais Sam Dukan n’est pas homme à baisser les bras ! Après avoir joué la carte des grands noms en espérant appâter les jeunes artistes qui le traitèrent de «ringard», après un détour par l’Usine Corot, il ouvre avec Marc Hourdequin en 2006 rue d’Aubagne une petite surface dédiée à la scène émergente. Au rythme de 5 expositions annuelles accompagnées d’une édition, leur galerie s’inscrit dans l’agenda marseillais dans «l’indifférence totale des institutions à notre travail et le manque de reconnaissance régionale.» De rares visites, pas de commission d’achat du FRAC, une seule œuvre vendue à Marseille : le duo n’a d’autre choix que d’écumer les salons internationaux… Mais cela a un coût et «nous ne sommes pas riches. Nous sommes d’abord des collectionneurs avant d’être galeristes. Si nous ne vendons pas d’œuvres nous ne pouvons par recouvrir nos dettes.» Les 400 000 € de C.A. ne suffisent pas à compenser le manque de collectionneurs en région, alors qu’ils les «collectionnent» à Paris et à l’étranger ! Avant de fermer boutique, ils offrent à Marseille leur dernier tour de piste avec Carolein Smit, qui écrit dans la céramique des contes pour adultes. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Réouverture au 24 rue Pastourelle 75003 Paris


NUIT DES MUSÉES | MUCEM

POLITIQUE CULTURELLE

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La Nuit de mai

Le 14 mai les portes de 3200 musées d’Europe s’ouvrent à des plaisirs nocturnes… et gratuits ! En France, l’an dernier, plus de deux millions de visiteurs ont déambulé dans les 1300 établissements ouverts jusqu’à 1h du matin, qui proposaient visites, concerts, spectacles, animations et activités ludiques exceptionnelles… Un bilan très positif, puisque cette 5e édition de la Nuit des musées rassemblait 200 000 personnes de plus qu’en 2009, et 500 000 qu’en 2008. Une hausse constante depuis le lancement de la manifestation, qui vise à modifier le mode de visite du musée.

Visiter son patrimoine En effet la fréquentation des Musées de France se concentre sur les saisons touristiques, et ce phénomène est particulièrement sensible en PACA. Il faut dire que les trois Musées Nationaux sont sur la Côte d’Azur, que la seule exposition labellisée «d’intérêt national» en 2011 se tiendra au Cannet de juin à septembre (exposition

Bonnard). Cette fréquentation touristique permet aux musées de la région d’être parmi les plus fréquentés de France (2e région après l’Île de France avec 110 labels Musée de France, 4 millions de visiteurs, une très bonne moyenne annuelle de 32 500 visiteurs par établissement, et une hausse nette de la fréquentation depuis 5 ans). Mais comme partout les habitants de PACA fréquentent peu les musées de leur propre territoire !, et les collections pourtant très riches d’art ou de civilisation peinent à attirer des visiteurs hors des vacances. Pour remédier à cela des médiateurs conçoivent des programmes pédagogiques et ludiques, les collectivités territoriales proposent de redécouvrir les richesses patrimoniales à travers des parcours à thèmes, et l’État met en place les Journées du patrimoine en septembre, et la Nuit des musées en mai : un dispositif festif, gratuit, pour

lequel chaque Musée de France propose librement sa formule, sans thématique.

Inégal Cette Nuit des musées à entrée libre permet en effet de compenser certaines disparités du territoire : si le Musée Granet (Aix), les musées de Nice (Chagall, Matisse et Arts Modernes) ou le musée de l’Arles Antique constituent des pôles d’attraction remarquables, les musées de Marseille en particulier sont peu fréquentés malgré la qualité de leurs fonds. Une disparité territoriale qui est le reflet d’une diversité sociale, puisqu’à Marseille près de 70% des entrées bénéficient des dispositifs de gratuité1, quand la moyenne dans les Musées Nationaux est de 48% (32% à Aix). C’est en attirant au musée des visiteurs différents, séduits par la proximité, les concerts et les événe-

Les musées muent

Polichinelle. Marionnette à gaine du Théâtre Anatole. Deuxième moité du 19e siècle © MuCEM-Daniel Adam

Du 24 au 26 mars le MuCEM organisait des rencontres professionnelles destinées à «débattre avec la communauté scientifique concernée du rôle et des missions d’un musée de civilisations consacré à la Méditerranée». Trois jours de tables rondes passionnantes, où les missions et l’objet du futur MuCEM ont pu être évoquées –nous y reviendrons plus précisément dans le prochain numéro- mais qui ont également dessiné les

ments exceptionnels proposés en échos aux collections, que cette Nuit se propose de renouveler le public. Un mouvement qui s’inscrit dans l’évolution actuelle des politiques muséales : si en 5 ans la fréquentation nationale2 a nettement augmenté, les entrées payantes n’ont que peu évolué (+7%), alors que les entrées gratuites ont explosé (+60%)… AGNÈS FRESCHEL 1

Dispositifs mis en place pour les enseignants, les moins de 26 ans, les chômeurs/rmistes, les 1er dimanches du mois, durant les Journées du patrimoine et la Nuit des musées, pour certaines collections permanentes… 2 Source : Rapport muséostat 2009, ministère de la Culture, direction du Patrimoine

nouveaux contours des «musées de civilisation(s)». proposer des expositions transversales, inhabituelles, Zéev Gourarier, le nouveau directeur scientifique du et être à la fois un lieu de recherches et de vie ? En MuCEM, résumait le dernier jour les trois âges de ces effet ces musées doivent prendre en compte les établissements nés au tournant du XXe siècle, issus transformations du monde, se garder d’être des d’une part de l’ethnologie exotique, les «musées de musées de communautés, sans s’approprier le sens des l’autre» conçus à l’époque coloniale, d’autre part des objets, et en diffusant le savoir auprès du plus grand musées des traditions populaires, les «musées de soi». nombre… Remis en cause après 1968, dépoussiérés, ils ont évo- Pour conclure Bruno Suzarelli, directeur du MuCEM, lué dans une volonté structuraliste d’expliquer l’ensemble promit que l’établissement «rendra hommage à cette d’une société, adoptant des scénographies d’immersion. histoire des musées», et Marie-Christine LabourDepuis 2005 ces grands musées vivent semble-t-il une dette, Directrice générale des Patrimoines, suggéra «ère relativiste» : pluridisciplinaires, relevant à la fois que dans le cadre du nouvel Établissement Public du de l’histoire, de l’histoire des arts et de l’anthro- MuCEM, qui verra le jour courant 2011, un nouveau pologie, ils n’ont plus l’ambition d’expliquer le monde, conseil scientifique international de la Méditerranée mais d’ouvrir des portes, de comprendre ce que les et de l’Europe soit institué. Pour que se poursuive la réflexion prolifique de ces 150 chercheurs de objets ont à dire, et d’en être émerveillés. civilisation(s)... Car s’il fut question durant ces trois jours de muséoVoir à ce sujet p 53. logie, de scénographie, d’appareil critique, de la nécessité de mettre les A.F. objets en perspective, ce sont les collections Ces journées ont eu lieu qui furent au cœur à l’Alcazar, BMVR de Marseille, des interrogations. du 24 au 26 mars Décident-elles du territoire d’un musée, ou sont-elles constituées, complétées a posteriori pour servir les questionnements ? Et comment définir le territoire d’un musée, le faire vivre, évoluer, rendre Coffret, Suède, 1823 compte de la culture contem© MuCEM-Anne Maigret poraine, s’ouvrir à l’art vivant,


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THÉÂTRE

GYMNASE | TOURSKY

Feydeau de toutes parts Passer de la 3e à la 5e sans débrayer peut conduire à des dérapages républicains incontrôlés. J’ai la femme dans le sang, composition théâtrale d’après Les Farces Conjugales de Georges Feydeau, questionne quant au renouveau promotionnel du regard réactionnaire sur les femmes. Est-ce là, vraiment, une dénonciation détournée qu’opèreait notre cinquième république qui se rétro dégrade en troisième, pour en revenir à la déliquescence folle des années de misères guerrières ? Voyeurisme, scatologie, inceste sont interrogés. La troisième république qui s’accolera au fascisme en l’intronazisant y est comparée à la nôtre, où une cover-girl préside à nos destinées en première dame de France. Mais que dénonce Richard Brunel dans cette re-publication complaisante de la déliquescence d’une bourgeoisie revancharde, belli-

queuse, machiste et méchante ? Quelles révélations politiques ou même seulement humoristiques dans ces plaisanteries de pot de chambre et de fesses en l’air ? La complaisance critique est-elle subversive ou encourage-t-elle l’équivoque ? La scénographie n’éclaire pas le spectateur sur les attendus et sous-entendus de ce procès, qui n’en est pas un, du bourgeois imbécile. Car là aussi est la question : si ce nigaudlà représente bien le bling bling d’aujourd’hui, doit-on l’exécrer ou admirer sa belle montre et ses lunettes de soleil ? YVES BERCHADSKY © Jean-Louis Fernandez

Donnez-nous des acteurs russes ! Le festival russe du Toursky constitue l’un des moments de l’année culturelle depuis 16 ans. Toutes les formes artistiques ou presque sont présentes, et le succès des œuvres programmées ne se dément pas. Ces soirées s’achèvent avec des cabarets d’un enthousiasme convivial… et renouvellent le plaisir du théâtre, que ce soit avec la troupe du Théâtre Central Académique de l’Armée Russe ou celle du Théâtre de la Jeunesse de Saint Pétersbourg. La première livrait une adaptation magistrale du Manteau de Gogol. La mise en scène dynamique de Boris Morozov s’appuie sur une esthétique photographique, avec des arrêts sur image, une chorégraphie réglée comme une horloge, et des acteurs qui savent tout faire avec rigueur et talent. L’espace scénique joue sur un décor simple, stylisé, qui renvoie aux différents lieux de l’action : la ville et ses réverbères, les bureaux, le siège des fonctionnaires importants, la chambre du malheureux Akaki Akakievitch Bachmatchkine… le passage d’un univers à l’autre s’effectue avec aisance. Fedor Tchekhankov, artiste populaire de Russie et rôle-titre, se glisse dans le personnage avec une intensité troublante… tout le savoir-faire du théâtre russe ! À l’inventivité de cette représentation répondait dans une facture plus classique l’interprétation de Mignonne de Tolstoï. Une représentation de 3h30 qui nous entraîne dans une histoire où marivaudage et ironie se conjuguent avec passion… temps suspendu, jeu souverain, mise en scène alerte, lyrisme slave et commedia dell’arte… les sur-titrages sont remarquables. Du bonheur rythmé par la musicalité extrême de la langue russe. Spassiba ! MARYVONNE COLOMBANI

Festival russe du 15 mars au 3 avril au Toursky Le Manteau du 25 au 27 mars et Mignonne du 1er au 3 avril

Le manteau © X-D.R

J’ai la femme dans le sang a été joué au Gymnase du 29 mars au 2 avril

Retour à Marseille En 1969, Antoine Bourseiller créait Le Balcon de Jean Genet au théâtre du Gymnase. Plus de 40 ans après, le voici de retour dans ce même théâtre, dans une ville où il a aimé travailler, comme il l’a rappelé avant la représentation dans une émouvante allocution longuement applaudie. Il a également redit son lointain désir de traduire pour la scène Notre-Damedes- Fleurs. Le vénérable homme de théâtre n’a rien perdu de sa ferveur pour un auteur dont il souhaite «magnifier le texte magnifique», © Fraicher et Matthey dans cette première adaptation théâtrale du premier roman de Genet. Il articule le plateau sur deux plans : à l’avant-scène un Genet-narrateur (Baptiste Amann, très convaincant) commente et organise les scènes jouées au second plan. Bourseiller met ainsi, pertinemment, l’accent sur la genèse d’une œuvre rédigée pour sa majeure partie en prison, expression fiévreuse d’une libération fantasmatique. Écrire pour «éclater la prison en gerbes de myosotis», s’écrie le jeune taulard. Toute la pièce, qui retrace à l’envers le parcours de Lou devenu Divine dans le Pigalle des années 40, est une gerbe de vie. Une vie parallèle que s’invente le prisonnier, dans laquelle sont déjà présents tous les thèmes à venir : trahison, abjection, goût pour le cérémonial et les travestissements, le mysticisme. La langue aussi est déjà là, heurtée et flamboyante, d’une splendide crudité ! La troupe des jeunes gens qui incarnent tous les rôles insuffle une belle dynamique à ce spectacle énergique et brut, dont Genet aurait sans doute apprécié l’apparent désordre et la fougue. FRED ROBERT

Notre-Dame-des-Fleurs, de Jean Genet a été créé au théâtre du Gymnase du 7 au 9 avril par Antoine Bourseiller



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THÉÂTRE

CRIÉE | MERLAN | MINOTERIE

Épopée magnifique Dans une scénographie efficace sans effets superflus et qui évite la reconstitution, Jean-François Sivadier

rejoue l’histoire de Salomé et l’apôtre Jean-Baptiste. D’un épisode biblique, il fait une affaire politique aux accents © Brigitte Enguerand

contemporains, renvoyant aux confrontations actuelles de la puissance des grands avec des forces de résistances. Jean-Baptiste, qui répond au nom civil de Iokanaan, est un agitateur, et lutte contre le pouvoir de Rome, même si l’on s’en moque en disant qu’il «passe son temps à plonger les gens dans l’eau» ! Ponce Pilate représentant de Tibère (Nicolas Bouchaud, impérial) visite la Judée et rencontre Hérode (Stephen Butel) et sa «grande autruche», à la fois sa femme et sa bellesœur. Mais voilà qu’arrive le même jour Salomé (Marie Cariès), nièce et bellefille d’Hérode, partie depuis 10 ans, le jour de l’assassinat de son père. Devinez qui l’a tué... Jour de fête, donc, et une troupe de comédiens amateurs joue un

miracle de résurrection du Christ. Ce qui permet de mêler le cocasse au tragique dans des réparties irrévérencieuses et décapantes. Vient la danse, sans volupté ni voiles, de Salomé, puis la demande de la tête de Iokanaan. Repoussée par le prophète elle s’en venge et parie que la révolte du peuple après l’immolation de son héros entraînera celle d’Hérode. Le drame se déroule sous le regard critique d’un ange (superbe Nadia Vonderheyden) qui finira par enlever ses ailes pour être enfin «vue» et éviter le court-circuit qu’elle pressent. CHRIS BOURGUE

Noli me tangere, de Jean François Sivadier, a été joué du 6 au 9 avril à la Criée

Virgule, points de suspension... En voilà deux que le silence des espaces infinis n’effraie pas ! Du culot et de la fantaisie, oui, c’est la mise de départ (comme Dieu aux origines, le verbe, le verbe moteur de la création !)... à l’arrivée pas grand chose de plus hélas. Le capital sympathie un peu écorné et la plus-value artistique (bon sang on en a besoin !) à chercher à la loupe. La rencontre d‘un monstre sacré poids lourd (Viviane de Muynck, actrice-phare de la Need Company de Jan Lauwers) et d’une sauterelle gouailleuse (Christine Corday , danseuse hyperdouée) porte en soi la force comique du duo dépareillé «de genre» ; encore faut-il une articulation, un axe, une grande horlogerie qui tienne le projet et l’anime. Matin du monde, émerveillement, arrivée de l’homme et de la femme ; jolie lumière, diffraction des gestes et mots drôles ; le plateau nu sied à la Genèse ; tous les espoirs sont permis et puis les temps se ramollissent, le rythme se perd dans les méandres des histoires d’hommes, d’animaux, morceaux dansés (fort bien mais pourquoi faire ?), joués, dialomonologués ; on se réjouit des miracles de Cybernadette Soubirous et des recensements poétiques de Jean-Pierre Verheggen ; on a du plaisir à entendre Haendel ou Arvo Pärt mais on se

lasse de la succession de «numéros» mal cousus dans tous les sens qui ne font ni fresque ni épopée. Les mots s’envolent mais personne n’endosse les blanches ailes qui restent suspendues à gauche de la scène, éternel objet du désir. On aurait finalement préféré et la mouche et l’archange avec conjonction de coordination. MARIE-JO DHÔ

La Mouche, l’Archange... de Viviane de Muynck et Christine Corday a été donné au Merlan dans le cadre de Courage...Rions du 22 au 24 mars

Courage rions se conclut, en collaboration avec le festival Tendance clown, par l’irrésistible Art du rire de Jos Houben. Une véritable démonstration en actes de ce qu’est le rire, de comment il surgit, de sa mécanique, par un comédien pédagogue… auquel aucun muscle zygomatique ne résiste ! Le 30 avril Le Merlan 04 91 33 45 14 www.merlan.org

© Huma Rosentalski

À venir

Dedans/dehors lequel on court on ne sait où, évocations d’enfance. Ce fragment n°3 du travail de Katia Pomareva est plus que jamais délié des mots et d’une histoire qui donnerait sens aux évocations. Il y a des longueurs, et des langueurs parfois démonstratives, et l’appropriation du sujet, dans ce qu’elle touche d’intime et d’universel, n’est pas toujours facile. Mais la formule, qui mêle dans une diversité scénographique polymorphe et cohérente à la fois, les pièces sonores, les montages vidéos, la danse et le jeu, vaut vraiment la peine d’être essayée. © Virginie Besancon

«C’est une histoire de portes….» nous prévient-on. La scène en effet est remplie de portes-fenêtres, avec lesquels les comédiens-danseurs évoluent au fil du spectacles : qu’elles évoquent les corvées ménagères des fenêtres à nettoyer qui résument une vie, les façades peut-être ouvertes sur la mer de vieilles maisons de campagnes, ou les parois translucides et claustrales d’un aquarium, elles répètent un passage, du dedans au dehors, qui fait le fil conducteur du spectacle et la déclinaison chorégraphique et ritualisée du thème central, celui de la naissance. Ainsi la succession des tableaux vivants tresse-t-elle ensemble deux motifs, celui de la mer et celui de la naissance, à la fois liés physiquement et symboliquement par l’élément aquatique : origine primordiale, horizon vers

AUDE FANLO

On ira voir la mer, de Katia Pomareva, cie l’Ensemble à nouveau, a été joué du 30 mars au 2 avril à la Minoterie



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THÉÂTRE

BERNARDINES | GYPTIS

Drôles d’accidents Les collectifs wallon et flamand Transquinquenal et Tristero ont réussi une alliance que leurs Provinces ne réussissent pas, et proposé un spectacle drôle, tout en décalage, sur l’accident, et l’impossible prévention sécuritaire. Un avion qui tombe, un parachute mal plié, une chute qui rêve d’envol, un mur qui branle… Les comédiens ne jouent rien mais exposent leurs corps au risque, racontent, démontrent, détaillent les statistiques des acteurs tués en scène, l’anecdote d’un spectateur mort littéralement de rire, tandis que des surtitres mutins commentent leurs gestes, les décalent, et que les éléments de décors affichent tranquillement une fragilité évidente qu’on n’osait percevoir… Alors on lève le nez, on tend l’oreille : cette faille sur le mur du lointain des Bernardines est-elle réelle ? ces bruits inquiétants viennent-ils des coulisses ou de la rue ? © Herman Sorgeloos

Dire ou ne pas dire

notre impression de sécurité est-elle si mensongère ? On souffle : la sirène qui retentit pour nous faire sortir de la salle n’est que du théâtre… mais on a senti le danger ! A.F.

Coalitions a été joué aux Bernardines du 24 au 26 mars

Amours dans un pays en guerre © Denise Oliver Fierro

Monter une pièce longue, datée comme on dit pudiquement, et magnifiquement bavarde, de Pirandello ? Marie José Malis affirme crânement que c’est possible et que ça ne sert pas à rien ! Et par une mise en scène responsable et coupable aussi parfois d’une pointe de didactisme, elle ravit le spectateur qui veut bien la suivre. La trahison (Ginevra a couché avec Roméo; l’un et l’autre sont mariés, à d’autres) même «on ne sait comment», même en rêve, démonte le monde et pulvérise la notion même de vérité; le traitre dans son tourment n’a de cesse d’amplifier la scène du crime, de la déplacer, entrainant Ginevra, son mari et sa propre épouse dans une spirale dévastatrice jusqu’au coup de pistolet final ; un pan! qui dit bien que la comédie est finie. Tous sont complices sur ce plateau où le rideau rouge est un accessoire essentiel, et dans la salle en pleine lumière, qui rend regard pour regard à des acteurs singuliers et fragiles, avec leurs bras ballants et la nudité de leur jeu. Du théâtre «vrai», qui réclame un ajustement de l’œil et de l’oreille et parle autant à l’inconscient qu’à la conscience ! MARIE-JO DHÔ

On ne sait comment de Luigi Pirandello dans une mise en scène de Marie José Malis a été donné aux Bernardines du 5 au 9 avril

Monter Roméo et Juliette, dans la traduction poétique de Bonnefoy, presque en intégralité, avec 12 comédiens, musique et danse, décors, costumes originaux, et le jouer pendant trois semaines dans une salle comble, est un bel exploit. Surtout en ces temps difficiles pour la production artistique. Françoise Chatôt offre ainsi à deux générations d’acteurs marseillais une occasion, devenue fort rare, de jouer longtemps… et à un public jeune, souvent populaire, des scolaires remarquablement préparés, des fidèles nombreux aussi, du lieu et de l’équipe, l’occasion d’une vraie rencontre avec le grand répertoire dramatique. Mais ce n’est pas la seule vertu de ce Roméo et Juliette ! On peut regretter quelques décalages kitsch, les corps qui s’écroulent sous les bombes, des ralentissements dus à un décor trop lourd, une musique trop présente, et des comédiens qui à certains moments clefs semblent peu dirigés dans leurs intentions…

Mais la tension dramatique est là, l’œuvre est rendue, servie même, par de jeunes gens à la fraîcheur éblouissante (Victoire Belezy en Juliette), à la technique affirmée (Guillaume Clausse en Roméo) ou à l’inventivité surprenante (Charles-Eric Petit en Mercutio). La génération des parents les sert comme il se doit, faire-valoir ou bourreaux de leur passion. Le texte baroque est monté sans contresens, en respectant ses contradictions -pourquoi diable ne vont-ils pas demander la protection du Prince ?- et toute l’incohérence de ses métaphores déchirées. Plus quelques gestes tendres ou violents qui surprennent comme des trouées poétiques. Un beau travail, vraiment inspiré par instants, dont on espère qu’il sera repris... AGNÈS FRESCHEL

Roméo et Juliette a été joué au Gyptis du 15 mars au 2 avril © Mathieu Bonfils


JEU DE PAUME | VITEZ | BERNARDINES | BADABOUM

THÉÂTRE 15

Violoncelle à la broche à Bob Dylan, de Bach aux Spice Girls avec une verve et un comique irrésistible. La chorégraphie loufoque est réglée au cordeau, et les instruments entrent dans la danse. Les artistes jubilent, les spectateurs aussi. Un (simple ?) divertissement qui a tout à voir avec l’art : celui de faire rire ! MARYVONNE COLOMBANI

Le Quatuor donnait son nouveau spectacle Danseurs de cordes au Jeu de Paume, Aix du 22 mars au 2 avril

© D. Pallages

La réputation du Quatuor n’est plus à évoquer, mais à chaque spectacle ils inventent encore, et renouvellent leur veine comique. Démonstration brillante, Danseurs de cordes, leur nouvelle production mise en scène par Alain Sachs, nous transporte dans un univers aux frontières du cirque. La représentation s’orchestre autour de saynètes vives et cocasses, comme une veillée de scouts au coin d’un feu où le violoncelle tourne à la broche ! Les numéros se succèdent sur un rythme sans failles, emportés par une folle fantaisie. On passe de Mozart

Question d’intentions

© X-D.R

Courir sur scène en hurlant, se tuer plusieurs fois, pousser la mécanique de l’absurde jusque dans ses derniers retranchements pourrait être intéressant, voire comique, mais ces Quatre jumelles ne sont guère convaincantes. Le soufre et la dénonciation ne sont pas rendus évidents par la pièce de Copi ellemême qui répète à satiété Salope !, joue de

surenchères et de décrochages tapageurs avec la vraisemblance. Le programme donne des éléments d’information que ne livre pas le texte, qui ne construit rien, et les actrices de la compagnie Lesgensdenface, faute d’une nécessaire accélération, d’un emballement, sont condamnées à une surenchère qui tourne à vide. L’avilissement, qui ne puise ses sources dans aucun contexte, reste vide de signification. Le passage où la scène est entièrement plongée dans une obscurité d’où surgissent des fragments de dialogue est sans doute le plus fort de la pièce. Christophe Chave, le metteur en scène, relie la cruauté potache de Copi à des citations, distribuées sur papier cartonné avant le spectacle, qui affirment l’intérêt pour le tyran de garder son peuple pauvre : la relation avec ce que l’on perçoit sur scène demande de curieuses acrobaties… M.C.

Troubles hugoliens Mise en scène dépouillée et symbolique pour cette adaptation théâtrale de la première partie du roman Les Misérables : au lointain, une table autour de laquelle les personnages se restaurent, à l’avantscène, un grand bassin rempli d’eau. Il s’agit d’un banquet, espace consacré à la rhétorique, et d’un bassin de lait, «espace de la fable»… Ces énigmes résolues, on retrouve les étapes de la triste destinée de Fantine, la longue déchéance, le monde hugolien en noir et blanc… Les acteurs de la compagnie Demesten Titip jouent avec passion ces textes qui ont nourri nos imaginaires. La découpe en est claire, de par la familiarité de l’œuvre. Les déambulations des personnages ne manquent pas de justesse, et les acteurs se glissent dans la peau des différents protagonistes avec une belle aisance. Cette pièce est la première d’un triptyque qui mettra en scène Cosette, destiné au jeune public, puis Javert qui sera travaillé d’après les ateliers qui seront donnés à

des détenus en milieu pénitencier. Le travail de Christelle Harbonn (qui a mis en scène et adapté le texte) est sincère et généreux. La marque plurielle entre parenthèses à la fin de chacun des titres tend à nous inviter à considérer l’universalité des problèmes soulevés. Un théâtre militant et réfléchi. M.C. © X-D.R

Fantine(s) a été donné au théâtre Vitez les 29 et 30 mars

À venir Javert(s) verra le jour sous forme théâtralisée en automne 2012 Cosette(s) sera donné du 11 au 30 avril au Badaboum théâtre (Marseille) 04 91 54 40 71 www.badaboum-theatre.com

Les quatre jumelles de Copi a été joué le 6 avril au théâtre Vitez, Aix

À venir Jusqu’au 16 avril Les Bernardines 04 91 24 30 40 www.theatre-bernardines.org


THÉÂTRE

ARLES | BERRE | AVIGNON | OUEST PROVENCE

Fidélité de (bête de) scène

© Michel Cavalca

approfondi, avec la même actrice, l’exceptionnelle comédienne Marief Guittier. Un spectacle qui bouge donc, nourri par l’expérience de vie de la comédienne et la confrontation du texte avec le monde en mouvement. Cette première pièce de Manfred Karge, inspirée d’un fait divers, raconte une histoire d’usurpation d’identité par une veuve, Ella, qui joue à être son mari, Max, pour échapper au chômage. Ce à quoi se rajoute une crise économique dans l’Allemagne de l’entre-deux-guerres, pour compléter le tableau. Si le personnage prend l’apparence d’un homme pour sa survie, il n’en perd pas pour autant sa féminité qui se dévoile comme une pelote détricotée, et dans ce rôle de clown expressionniste l’actrice fétiche de Raskine se révèle extrêmement troublante. Entre rage de survivre et dédoublement de personnalité furieux, sa maîtrise de la voix nous cingle et nous transporte sur un plateau réduit qu’elle transforme en champ de bataille. Une spirale infernale, étouffante, où des chausse-trapes la happent vers un vide et une déshumanisation inévitables. Un monstre à la théâtralité étonnante qui hurle «bouffe ou crève, je suis un homme», mêlant l’histoire germanique à sa quête intime. Un miroir brisé. DELPHINE MICHELANGELI

Premier spectacle de Michel Raskine, créé en 1984, Max Gericke ou pareille au même est aujourd’hui un grand classique, affichant plus de 250 représentations au compteur. Remonté tous les dix ans, réinterrogé,

Max Gericke ou Pareille au même s’est joué au théâtre d’Arles les 24 et 25 mars

L’épopée de chacun Pepito Matéo parle de lui mais il s’adresse à tous. De la maison de retraite imaginaire d’où résonnent les échos des paroles recueillies auprès de personnes âgées, le conteur comédien affronte sa propre crainte de vieillir, et tente de répondre à la question cruciale : comment bien vieillir ? Et pour approfondir cette question universellement partagée, et frôler le mythe de la vie éternelle, il émaille le spectacle d’extraits tirés de l’épopée de Gilgamesh. Ces étapes ponctuent celles que supposent le récit, entre présent et projection, étapes d’une vie qui se fait parfois déliquescente mais que l’humour de Pépito Matéo hausse au niveau du périple effectué par Gilgamesh. Car s’il est comédien il est surtout conteur, et se régale en jongleries verbales où les jeux de mots côtoient les détournements langagiers pour finir souvent en poésie pure. Après tout comment bien vieillir regarde chacun, mais l’humour et la poésie aident à coup sûr à prolonger le plaisir ! DO.M.

Dernier rappel a été joué à Berre le 25 mars © X-D.R

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Folie douce Le «Poète de scène» Pierre Guéry, comme il aime à se définir, a offert une lecture intime et sensible de deux nouvelles dont il est l’auteur, Alien-Nation et En quel pays étrange (édités chez Maelström), accompagné par 3 comédiens de la compagnie avignonnaise Jeux de mains jeux de vilains. Fraîchement sortis du Conservatoire, ceux-ci se confrontent à l’exercice en invitant régulièrement des auteurs dans le cycle Lectures en présence : dans l’intimité de ce Très P’tit Théâtre Isle 80, on sentait ce soir là plus qu’une lecture au débotté, une vraie recherche de théâtralité. La parole du poète -très bon slameur qui semble s’ignorer- est en effet dense, répétitive, syncopée, entre

affolement et balancement, décousue comme une musique contemporaine à laquelle il faudrait quelques minutes pour s’habituer. Elle a ce p’tit grain de folie et d’abandon qui colle bien avec le thème de ses écrits, pour lesquels il déclare avoir «recherché l’impression d’un premier jet semblable aux jaillissements et aux délires parfois cruellement lucides de la parole schizophrène.» DE.M.

La Lecture en Présence de Pierre Guéry a eu lieu le 31 mars au théâtre Isle 80, Avignon

Hymne à la jeunesse

© Mario del Curto

Lentement, très lentement s’avancent sur scène deux vieux, courbés, abîmés, hésitants ; ils se parlent tout en progressant péniblement, sur fond de ritournelle italienne. En quelques minutes tout est là : la complicité et l’agacement que produisent tant d’années vécues ensemble, la lassitude qu’induit la nostalgie d’une existence finissante, l’ennui qui fait resurgir les mêmes jeux, les mêmes mots. Mais le vieux ne partira pas tant qu’il n’aura pas délivré au monde son message intime et éclatant. Soudain tout s’anime, les invités arrivent, «tous les personnages, tous les propriétaires, tous les savants», et avec eux les chaises, qui s’alignent, nombreuses, envahissantes. La mise en scène dépouillée de Luc Bondy, où le noir domine, laisse toute sa place à la performance

des deux comédiens (incroyables Dominique Reymond et Micha Lescot) qui rendent visibles ces invités fantômes, passant des uns aux autres, avec force mimiques et contorsions forcées, drôles et émouvants, bouleversants parfois. Jusqu’à disparaître pour faire place à l’orateur, celui-là même qui délivrera le message tant attendu, et qui apparaît, farce ultime, en crooner de music hall, personnage absurde qui n’arrivera à articuler qu’une incompréhensible logorrhée… Sans aucun doute la pièce de Ionesco la plus cruelle aujourd’hui. DOMINIQUE MARÇON

Les Chaises a été joué au Théâtre de l’Olivier, à Istres, le 2 avril


MARTIGUES | CAVAILLON | CHÂTEAUVALLON | ATP AIX

THÉÂTRE 17

Ne pas séduire Il l’écrit dans son avant-propos à Kolik, et le revendique : Hubert Colas a choisi l’écriture de Rainald Goetz parce «cette langue n’est pas séduisante». En cela son projet est parfaitement réussi : la langue ne séduit pas. Et si, comme toujours, le talent de Thierry Raynaud épate -seul en scène assis devant une centaine de verres d’eau qu’il descend peu à peu-, pour une fois il ne sourit pas, n’accroche pas le regard, n’établit pas de lien. Bref il ne séduit pas : ses nuances infinies d’intensité, de rage, d’atonie, d’angoisse, ses changements millimétrés de rythme et de tessiture, ses gestes qui surgissent comme autant de conséquences incontrôlées des sentiments qu’il fait naître en lui avec une visible virtuosité, tout cela devrait donner corps et chair à la langue, qui reste morte. En panne d’incarnation, parce qu’elle ne dit

reste une entreprise vaine : avant la parole il n’y a pas de pensée (Au commencement était le verbe est peut être le seul verset sensé de la Genèse), et tenter d’écrire ce rien avec des mots est absurde. Reste quelques beaux moments : la parole dans le noir qui tourne autour de vous et n’est plus que du son, la belle évocation du plaisir rassurant des équations, et une ombre en négatif, lente, qui apparaît parfois au lointain comme un spectre. C’est peu, mais c’est déjà ça, et très pur. AGNÈS FRESCHEL © Sylvain Couzinet Jacques

rien, elle produit pourtant des éclairs fugaces quand elle se permet de faire enfin, fugitivement, des phrases. Mais cette plongée dans la «vérité» de la folie

Kolik a été créé aux Salins, Martigues, le 8 avril

Comment concerner Il est rare de voir un spectacle avec des amateurs qui les emmène aussi loin. Pascal Rambert a travaillé avec une quarantaine d’amateurs volontaires et leur a appris à se déplacer, à occuper l’espace et le temps, à parler même, au micro, et surtout à acquérir cette sorte de naturel complètement fabriqué des comédiens, sans gommer la particularité émouvante que dégagent les amateurs sur scène. Il les cantonne bien sûr à des choses simples, mais leur donne justement la possibilité de les réussir sans ridicule… ce qui est rare lorsque les professionnels «utilisent» des amateurs. La prestation des trois comédiennes professionnelles est très efficiente, et les encadre. Celle du philosophe Éric Méchoulan est plus ambigüe : maladroit comme un amateur sur scène, ce professionnel de la parole didactique en use avec virtuosité pour démontrer, comme en chaire, comment fonctionnent les systèmes économiques primitifs (le don et ses obligations), l’âge moderne qui introduit la vente et valorise le travail, la philosophie d’Adam Smith, le travail improductif, l’économie de service, la fabrication du désir de consommer… Bref, un cours d’histoire économique, tendance philosophie plutôt que sciences,

plutôt basique et illustré sans invention, sans distance et sans humour. Brecht, avec Sainte Jeanne des Abattoirs, a fait beaucoup plus fort en son temps pour expliquer le capitalisme, et il n’est nul besoin d’aller jusqu’aux subprimes pour comprendre les déviances des bulles spéculatives… L’entreprise de Pascal Rambert reste donc partiellement réussie : si les participants au spectacle sont visiblement concernés, les spectateurs restent semble-t-il au dehors de cette (micro) histoire économique du monde, dansée. Qui a chanté à tout venant mais justement ne danse pas, ne joue pas, assez.

Nora c’est nous

A.F.

Une (micro) histoire économique du monde, dansée a été joué aux Salins, Martigues, le 8 avril

À venir Une (micro) histoire économique du monde, dansée Avec 36 amateurs de la région de Cavaillon Le 14 avril Scène nationale de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com © Pierre Grosbois

Une fois de plus les ATP d’Aix invitaient leurs adhérents, et les autres, à un très beau moment de théâtre, dans la salle très agréable du Bois de l’Aune, dans LE quartier populaire d’Aix. Pour deux pièces d’Ibsen adaptées et mises en scène par Daniel Veronese. Fasciné par les magnifiques personnages des pièces du dramaturge suédois, mais convaincu que son analyse sociale, datée, n’a plus la même force, Daniel Veronese a déplacé les intrigues dans le temps, modernisé très largement vocabulaire et syntaxe, adapté les relations sociales et pro© Emilio Camarin fessionnelles aux nôtres. Et surtout confié l’énergie des deux pièces à ses comédiens, étonnants, qui vous embarquent sans repos, pour trois heures en espagnol sur-titré, dans un jeu très réaliste, à fleur de peau et de contact, capable de faire surgir des vagues d’émotion surprenantes… La maison de poupée est particulièrement réussie. Nora l’écervelée infantile prend peu à peu conscience de son oppression consentie, qui ressemble à celles de tant de femmes soumises à leur mari et/ou aux impératifs sociaux de la mode… Hedda Gabler fonctionne un peu moins bien : enfermée dans le décor de poupée de la pièce précédente, l’intrigue s’adapte moins à notre temps. Si on comprend les liens qui attachent Nora à son mari, liens symboliques qui n’ont que peu changé, on se demande pourquoi Hedda reste : elle semble aujourd’hui pouvoir se débarrasser du sien, médiocre, et de son ancien amant, autrement que par le meurtre et le suicide. Le déplacement temporel et le décor étant moins justifiés l’émotion passe (un peu) moins bien, même si les comédiens restent tout aussi épatants. A.F.

Hedda Gabler et La Maison de poupée ont été jouées à Aix le 22 mars et à Châteauvallon les 18 et 19 mars


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THÉÂTRE

CAVAILLON | AVIGNON

Voilà une proposition décapante du théâtre de l’Unité. Exit les ors du théâtre, rendez-vous à l’Hôtel pour assister aux Chambres d’amour, dans lesquelles on nous promet des «passes poétiques» de 4 minutes. On s’engouffre dans la salle d’accueil, un peu troublé de devoir se retrouver acteur de l’histoire à jouer, copieusement malmené par les deux matrones organisatrices qui nous traitent de constipé, serpillère, puceau, vieille… Chacun en prend pour son grade, «ici le client n’est pas roi» nous préviennent-elles, toutes à leur boutique-bordel à faire tourner et à leur devoir de nous rendre pétillant pour le rendez-vous promis. En rang d’oignons, affichant un sourire de circonstance pour se rassurer sur sa dose d’humour, on attend donc de suivre les pensionnaires dans leurs chambres… dans l’intimité complètement décalée d’un face-à-face inédit, où chacun doit jouer le jeu, écoutant le plus attentivement possible les petits poèmes susurrés (de Baudelaire à Gainsbourg), regardant subrepticement la déco en trinquant avec un verre venu de nulle part, découvrant le résultat d’un tirage de tarots improbable et jetant un regard inquiet à l’hôte qui nous lance des «je t’aime et toi ?». Chaque spectActeur aura droit à 2 passes et ressortira de ce joyeux bordel organisé avec un étrange sourire. Promesse de déstabilisation tenue ! DELPHINE MICHELANGELI

Les Chambres d’Amour ont été jouées au théâtre de Cavaillon (à l’Hôtel Toppin) le 19 mars

© J.-P. Estournet

Je t’aime. Moi non plus ?

Simon l’imagineur Il est touchant ce Simon Labrosse sorti de l’imagination de Carole Fréchette. Ancré dans un quotidien qui dérape, une vie moderne sans avenir © Corinne Marianne Pontoir

défini, il a sélectionné 7 jours de sa vie, à jouer en direct avec deux acolytes pour se mettre sur le marché du travail. «Vous allez voir ma vie c’est passionnant, tous les problèmes que j’ai, ça va vous réconforter» raconte ce «p’tit gars super dynamique qui a des millions d’idées pour s’en sortir». Il sera cascadeur émotif, spectateur de la vie ordinaire, finisseur de phrases laissées en suspens, flatteur d’égo, allégeur de conscience, receveur de colis, remplisseur de vide. Claude Viala met en scène avec justesse et fraîcheur, dans un style cartoon bien adapté, cette terrible chute libre dans une société impitoyable, à grand renfort de costumes bariolés, de situations comiques et de rebondissements improbables. Cédric Révollon, parfait adulescent

joyeusement désespéré, tient la représentation vigoureusement, tour à tour illuminé, maladroit, positif à l’extrême (à l’instar de son copain Léo, incarné par Hervé Laudière, poète rongé par la négation et de Nathalie via Eve Rouvière, plus préoccupée de son pancréas que par la faim dans le monde), émouvant dans sa rage de s’en sortir, perdu dans une société où il ne trouve plus sa place. «Il y eut un soir, il y eut un matin», il y eut un homme qui n’a plus rien, juste sa vie à raconter... Un Simon Labrosse désenchanté et enchanteur. DELPHINE MICHELANGELI

Les sept jours de Simon Labrosse s’est joué du 17 au 19 mars au théâtre des Halles

Onde de choc mixés en direct, lumières, acteurs et texte créent une série d’espaces qui se déplacent, révélant les cases invisibles

des souvenirs perdus. Entre amnésie (accidentelle ou simulée ?) et disparition volontaire (abandon prévisible ?), © P.-J. Adjedj

Reset débute avec une image sonore tentaculaire qui bourdonne au-delà du plateau, une onde de choc qui nous porte au cœur d’une double intrigue théâtro-cinématographique. Deux histoires parallèles, angoissantes de possibles, se croisent en champs/ contrechamps : un homme échoué dans un hôpital atteint d’amnésie d’identité et un enfant dont le père disparaît sans crier gare. Au service du récit dramaturgique, enrichi par des études scientifiques, le dispositif scénographique est techniquement imparable et esthétiquement soufflant. Un parallélépipède mouvant, objet de travelling et de zoom rigoureux, devient une boite à souvenirs, combinant mémoire et réalité, tour à tour hôpital asphyxiant ou transparence d’une chambre d’enfant. Images et sons

cet homme non identifié et ce père fuyant nous questionnent sur l’identité, le pouvoir de l’inconscient et le bagage héréditaire qu’on se trimballe pour se construire. La première bonne nouvelle c’est que le collectif MxM, dirigé par Cyril Teste, sait utiliser la vidéo comme objet de théâtre, pour servir et compléter son propos et non comme caution de modernité. La seconde, c’est que ce même Cyril Teste sera pendant 3 ans associé à la scène nationale de Cavaillon et qu’il créera Sun, une pièce sur la réalité de l’enfance, pour le Festival d’Avignon. Réjouissant. DELPHINE MICHELANGELI

Reset s’est joué au Théâtre de Cavaillon le 1er avril


Éclectisme local Nouvelle manifestation dans la cité des Papes dédiée à la création artistique, le

Tout au bord... © Delphine Michelangeli

festival pluridisciplinaire Émergence(s), sous la houlette de Surikat Production, reflètera la diversité du tissu culturel local. Un potentiel créatif qui s’étend du film documentaire au théâtre, de la danse à la chanson, du cirque à l’heavy metal. Le 5 mai à l’Utopia, sera diffusé le documentaire dédié au groupe de musique Stickbuzz, un témoignage réaliste de la vie d’artistes en France. Du mouvement au théâtre Golovine : Cécile Barra et Juan Cortes dans Flamenco y nada mas le 10 mai, la cie L’œil à l’Ecoute le 11 avec Aqua pour le jeune public, et une double soirée le 12 avec la performance Derviche, de Yourik Golovine et Les Eponymes et le trio frénétique Sous nos yeux du Collectif 2 temps 3 mouvements. À la Fabrik’théâtre, la Cie On est pas là pour se faire engueuler ! présentera le 13 Tout au bord/Opus #3 de et avec Laetitia Mazzoleni et Noam Cadestin, poursuivant son expérience visuelle et sensorielle entre jeu d’acteurs et doubles virtuels. Les Ephémères Réunis se frottent à Valère Novarina dans L’Animal du temps le 11 mai. Et au Clash Bar, 3 soirées de concerts dont la jeune Fleur le 5 mai et Death of a Punkette le 7 mai. Festival Emergence(s) Du 5 au 14 mai divers lieux d’Avignon www.emergencesfestival.com


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THÉÂTRE

AU PROGRAMME

Lutte

Souvenirs Phèdralida ? Le 21 Festival Mai-diterrannée s’ouvre avec la À priori aucun rapport entre Phèdre et Dalida ! e

traditionnelle Nuit de l’anarchie, hommage de Richard Martin à Léo Ferré, accompagné de Yerso au chant, et Levon Minassian au doudouk. Puis la cie Passeurs de Mémoires fera revivre un siècle d’Algérie française, entre banquet républicain et revue blanche, et plus particulièrement une année, 1930, où la France, coloniale et raciste, célébrait le centenaire de l’Algérie.

© Elisabeth Carecchio

Célie Pauthe met en scène l’ultime pièce d’Eugène O’Neill, Long voyage du jour à la nuit, en un huis clos qui tient de la veillée mortuaire. Dans ce règlement de compte familial autobiographique se côtoient la mère dépressive et toxicomane, le père avare, le frère aîné, alcoolique et artiste raté, tous luttant contre les fantômes obsédants de leur passé dans l’atmosphère étouffante d’une chambre d’hôtel. Long voyage du jour à la nuit Du 5 au 12 mai La Criée 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

21e Festival Mai-diterranée Du 6 au 21 mai Le Toursky 0 820 300 033 www.tousky.org

Pourtant Yvan Romeuf écrit et met en scène un texte qui mêle chansons et alexandrins. Une actrice, dans sa loge, se prépare à jouer Phèdre, mais une chanson entendue lui trotte dans la tête. Il s’agit d’amour, de blessure, de solitude aussi. Anne Lévy se moule dans ce rôle sur une musique originale de Wilfrid Rapanakis-Bourg ; elle joue et elle chante des histoires d’amour qui se ressemblent, à des siècles de distance. Une si longue nuit du 12 au 30 avril Théâtre de Lenche 04 91 91 52 22 www.theatredelenche.info

Fin de rire Pour clore la manifestation Courage… rions !, et dans Moraliste le cadre du festival Tendance clown initié par le Daki Ling dont il fait l’ouverture, le Merlan reçoit le comédien Jos Houben dans une conférence particulière et complètement folle qui tend à explorer les mécanismes du rire, tous les rires, ce qui, à n’en pas douter, se révèlera hilarant… L’art du rire Le 30 avril Le Merlan 04 91 11 19 20 www.merlan.org

Bach l’insoumis Singulier Serge Barbuscia met en scène un épisode ignoré Le spectacle du GDRA créé cet été au Festival de la vie de J-S Bach, lorsqu’à 32 ans, célèbre dans l’Europe entière, le compositeur est mis aux arrêts par le Prince de Weimar. 27 jours de détention pendant lesquels Bach refusera de céder aux exigences du pouvoir. «Ma musique n’est pas une monnaie d’échange. Mon œuvre est faite pour le bonheur de tous les hommes, pas pour le plaisir d’un seul, fût-il prince.» Une réflexion des plus modernes sur les rapports entre artiste et pouvoir. La Disgrâce de Jean-Sébastien Bach Du 10 au 12 mai Le Gyptis 04 91 11 41 50 www.theatregyptis.com Le 16 avril Théâtre Durance, Château-Arnoux 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr

d’Avignon est singulier à plusieurs titres. Et fort, surtout pour les Marseillais, qui y retrouvent leur ville. Les trois portraits qui servent de toile de fond au questionnement sont particulièrement attachants, bouleversent le rapport au spectacle, à l’état d’artiste. Le (non) traitement théâtral est plus banal, un peu roublard… mais le rapport entre la réalité et sa représentation est franchement inouï. Allez-y voir, après un apéro à Saint Henri (à 19h30), pour commencer (spectacle à 21h). Singularités ordinaires Du 5 au 7 mai Le Merlan 04 91 11 19 20 www.merlan.org Navettes du centre ville à Saint Henri, puis jusqu’au théâtre

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© X-D.R

© Cosimo Mirco Maggliocca

Dans Le neveu de Rameau, Diderot instaure un dialogue entre lui-même, le philosophe donc, et le neveu du compositeur Jean-Philippe Rameau, présenté comme artiste, fantasque, veule, cynique, drôle et séduisant. Dans cette conversation à bâtons rompus, la morale est abordée l’éducation, la musique, le génie, mais aussi la flatterie comme art de vivre, comme nécessaire compromis … Les comédiens sont accompagnés sur scène par Olivier Baumont au clavecin. Le neveu de Rameau Du 10 au 14 mai Théâtre du Jeu de Paume, Aix-en-Provence 0 820 000 422 www.lestheatres.net Le 17 mai Théâtre Comœdia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.com

Exorcisme Écrit, mis en scène et joué par Olivier Maltinti, du Solitudes collectif Kati Bur, JR (me, myself and I) dresse le Mise en scène par Isabelle Nanty, la pièce de Fabrice portrait sans concession, et autobio-inspiré, d’un parfait salaud, un pur capitaliste, un JR drogué aux «dépressions, euphories, trous noirs, vertiges, […] sentiments de toute puissance, hallucinations cauchemars» qui n’est que «la figure universelle de l’opportuniste sans états d’âme». Un pamphlet politiquement incorrect et tragiquement drôle. JR (me, myself and I) Du 5 au 7 mai La Minoterie 04 91 90 07 94 www.minoterie.org

Roger-Lacan, Quelqu’un comme vous, fait se confronter deux êtres qu’a priori tout sépare, et qui ne se connaissent pas, un grand patron du monde économique et un jeune homme de main ; sur la plage déserte peut commencer le jeu de massacre, légèrement puis avec gravité, jusqu’à mettre à jour les travers du monde moderne. Et pas seulement… Quelqu’un comme vous Du 17 au 28 mai Théâtre du Jeu de Paume, Aix-en-Provence 0 820 000 422 www.lestheatres.net


THÉÂTRE

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Will’s Slam Utopique À l’aube du XXI siècle, Rudolph Stroiber, qui est le

Carnaval L’humoriste Didier Porte aime les gens, c’est lui qui le

chancelier allemand, propose à six millions de juifs de venir poursuivre leur vie en Allemagne, leur assurant gîte, couvert, nationalité et travail, pour tenter de racheter la honte qui pèse sur son peuple depuis les crimes nazis. Xavier Hérédia met en scène le texte d’Israël Horovitz, faisant jouer par trois comédiens une multitude de destins possibles, des rescapés de l’holocauste à l’ado pour qui le passé est une histoire floue.

dit. Et il vaut mieux y croire pour apprécier pleinement l’acidité, l’insolence et la provocation des textes de ce satiriste décomplexé qui a toujours des choses à dire. L’actualité est toujours son créneau favori, qu’il analyse et explique sans prendre de pincettes. C’est gonflé et rafraîchissant !

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Didier Porte aime les gens Le 6 mai Théâtre de la Colonne, Miramas 04 90 58 37 86 www.scenesetcines.fr

Lebensraum, espace vital Le 15 avril Théâtre Comœdia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.com

Barrés Halory Goerger et Antoine Defoort, acteurs-musi-

sont deux textes magnifiques du poète palestinien Mahmoud Darwich. Le comédien et metteur en scène Mohamed Rouabhi en restitue avec force la poésie, évoquant la violence de la guerre et la souffrance de l’exil, que ce soit pour les Indiens d’Amérique ou pour les Palestiniens. Simple et bouleversant.

© X-D.R

Poésie Discours de l’Indien rouge et Une mémoire pour l’oubli

Darwich, deux textes Le 11 et le 13 mai Théâtre Comœdia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.com

Timon d’Athènes, Shakespeare and slam Du 19 au 21 avril Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

Mémoire Drame sentimental par excellence, Hiroshima mon amour, de Marguerite Duras est ici mis en scène et scénographié par Christine Letailleur. Lors d’une brève liaison, Elle, actrice française venue au Japon tourner un film sur la paix, et Lui, architecte japonais rescapé de Hiroshima vont s’aimer. Christine Letailleur donne à «contempler […] la naissance d’un amour dans toute sa puissance voluptueuse, ses zones d’ombre et ses traits de lumière».

© Julien Fournet

Hommage Fellag et Marianne Epin donnent vie aux nouvelles de Montage l’humoriste écrites entre 1975 et 2001. C’est à Alger foisonne de personnages qui tentent tous de faire entendre leur voix dans un monde de chaos, auxquels Fellag rend hommage et donne vie. C’est à Alger Le 16 avril Théâtre de la Colonne, Miramas 04 90 58 37 86 www.scenesetcines.fr

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Hiroshima mon amour Le 3 et le 4 mai Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.com

& un spectacle de câble et d’épée Le 6 mai Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com

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Timon d’Athènes, Shakespeare and Slam, spectacle mis en scène par Razerka Ben Sadia-Lavant, est repris au Théâtre de Nîmes ; projet d’envergure, il propose la rencontre improbable et surprenante de la langue shakespearienne avec du slam urbain. Sur le plateau métamorphosé en ring imprévisible, les comédiens Denis Lavant et Marie Payen donnent la réplique à quatre pointures du rap et du slam, Mike Ladd, D’ de Kabal, Casey et Doctor L.

ciens et ingénieux bricoleurs détournent des objets du quotidien pour transformer les formes du futur. Un peu de science, un peu de fiction, voilà les deux termes réunis pour créer un spectacle foutraque, de câble et d’épée, qui fait se côtoyer un robot honteux souhaitant se convertir en humain, des plantes d’appartement et des poissons gonflables, une boîte en carton promesse de voyages intergalactiques… dans un univers très visuel et délirant !

© Mario del Curto

Universel Le Théâtre du Millénaire est de retour avec un nouveau spectacle, Le Sultan est dans l’escalier, un texte de Gilles Ascaride qu’il joue avec Claire Deffilippi et Gérard Meylan. Dans un ancien immeuble bourgeois marseillais vit un vieil homme, descendant, dit-il, d’un souverain. Son histoire va croiser le Marseille colonial, celui de la guerre, et jusqu’au temps présent et Euroméditerranée, avec humour et émotion. Le Sultan est dans l’escalier Le 15 avril Espace Jean Ferrat, Septèmes-les-Vallons 04 91 96 31 00

La pièce de Brecht, Un homme est un homme, se trouve transformée par la cie Cartoun Sardines en une cruelle fantaisie anticonformiste. Piochant dans l’esthétique BD, la troupe prend le parti de l’humour décalé, et s’appuie sur une mécanique comique implacable et des constructions hilarantes et improbables. Galy Gay, pêcheur embarqué dans une vie qui n’est pas la sienne, deviendra un soldat naïf et manipulé. Mais en gardant toujours à l’esprit la démonstration que faisait Brecht de la puissance du groupe face à l’individu. Un homme est un homme Le 17 mai Théâtre de la Colonne, Miramas 04 90 58 37 86 www.scenesetcines.fr

Sur les planches Les temps sont durs pour le Festival de Théâtre amateur 13 dont la subvention a baissé... La 13e édition se poursuit néammoins dans la bonne humeur et une bonne dose de militantisme. Rappelons que la FNCTA permet de promouvoir le spectacle vivant là où les compagnies professionnelles sont peu présentes… 04 91 61 15 37 www.fncta.fr


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THÉÂTRE

AU PROGRAMME

Témoins

À table ! Familial La compagnie avignonnaise Mises en Scène, Au programme de cette journée consacrée à la menée par Michèle Addala, poursuit un travail de création qui prend source dans la relation avec la population. Née de rencontres régulières entre les habitants des quartiers, deux comédiennes et une chanteuse lyrique, Bon appétit ! est une petite forme théâtrale, réinventée en complicité avec les habitants du territoire de Cavaillon, où les recettes s’échangent, les pâtisseries se dégustent, agrémentées de lectures de textes poétiques.

famille Ascaride, une lecture à 17h de Moi, votre ami ? de Serge Valletti avec Ariane, Gilles et Pierre Ascaride, suivie d’un apéritif dinatoire pour échanger avec eux. Et à 20h30, Rencontre avec mon beau-frère de Gilles Ascaride par les comédiens du Théâtre du Millénaire. Une comédie sur la mort, à la sauce marseillaise, pas grasse. Le 30 avril Théâtre des Carmes, Avignon 04 9à 82 20 47 www.theatredescarmes.pagesperso-orange.fr

Bon appétit ! Du 9 au 18 mai Théâtre de Cavaillon, en appartement (à préciser) 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com © X-D.R

Essence En retournant vers Eschyle pour en extraire la moelle

Géométrie insulaire

poétique, et en la confiant à une triade de tragédiens exceptionnels, Olivier Py a su miraculeusement restituer la force populaire du théâtre antique, qui parle à tous, depuis ses conflits universels et intimes. Py emmène ainsi le théâtre nu dans les lieux les plus inattendus, renouant avec les pratiques du théâtre d’intervention. Le troisième volet de sa trilogie, Les Perses, parle de la guerre, de la défaite, et de la barbarie inattendue de ceux qui se croyaient porteurs de civilisation… Ça vous parle, non ?

La dernière création de la cie Le temps de dire, À quoi on joue ?, s’attache à mettre des mots sur la souffrance au travail. Pour ce spectacle, coproduit par le CE des cheminots Paca, Paul Fructus est allé taper aux portes des entreprises, aux portes de travailleurs aussi, a recueilli les témoignages de «travailleurs repliés dans la peur du lendemain», est allé «écouter partout où la rentabilité a détruit, usé ou tué.» Le résultat se dit, se chante aussi, avec du piano et de l’accordéon.

Solitude Sur une musique de Rodolphe Burger, Michel Laubu se confronte à l’objet et aux éléments qui composent le quotidien. Ici un appartement, espace intime, devient un terrain de jeu extraordinaire. Y apparaissent des mondes parallèles où fleurit une solitude, et où la folie s’esquive grâce au monde voisin. Les fenêtres éclairées Le 3 mai Théâtre de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com

© Turak theatre

À quoi on joue ? Le 3 et le 6 mai Théâtre Le Sémaphore, Port-de-Bouc 04 42 06 39 09 www.theatre-semaphore-portdebouc.com

Michel Laubu et le Turak Théâtre apportent leur poétique répertoire de formes brèves d’objets, petits bavardages visuels et sonores. Une table et dessus un caillou. Comme un conteur sans les mots, comme un tricot avec seulement les aiguilles, comme un compteur sans les chiffres, une table, une île, quelques nouvelles.

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Nouvelles et courtes pierres Du 4 au 10 mai Le 4 mai à Châteauneuf-de-Gadagne Le 5 mai à Coustellet Le 6 mai à Noves Le 7 mai à Gordes Théâtre de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com

© Turak theatre

Universel Bertrand Hurault et Jane Bréduiliard, avant de la jouer au Off, présentent leur nouvelle création soutenue par la Comédie Nouvelle, Philippe Caubère, la Cie Lénoides et la Nouvelle Compagnie d’Avignon. Un spectacle dans une esthétique contemporaine pour une histoire qui lie l’intime et l’universel : la rencontre de deux êtres que tout oppose et qui se réconcilient avec leur passé. L’espérance des ermites Les 22 et 23 avril Théâtre des Carmes, Avignon 04 9à 82 20 47 www.theatredescarmes.pagesperso-orange.fr

Les Perses Eschyle/Olivier Py Du 16 au 22 avril Le 16 avril à Mérindol Le 19 avril à Gordes Le 20 avril au Thor Le 22 avril à Noves 04 90 70 64 64 www.theatredecavaillon.com En tournée dans le Pays d’Aix Du 7 au 10 juin ATP, Aix 04 42 26 83 98 www.atpaix.com Trilogie Eschyle Les 25 et 27 mai Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com

Quête de soi Le jeune Collectif bruxellois De Facto, qui avait joué avec succès au Festival dernier les sublimes Langues paternelles, présente après une résidence de création au Théâtre des Doms, et avec d’autres comédiens, un dramaturge, un vidéaste et un musicien, son nouveau projet théâtral et filmique. L’occasion de découvrir avec plaisir ce que la quête de soi, la nostalgie, les désillusions, les premiers émois amoureux, et l’absurdité de nos petites vies inspirent à ce bouillon de talents. Parce que c’était lui-s, parce que c’était moi-s Le 4 mai Théâtre des Doms, Avignon 04 90 14 07 99 www.lesdoms.be


THÉÂTRE

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Modelage À l’envers Endiablé En résidence au 3bisf, Christian Mazzuchini y crée La Ce Dandin/requiem est un tour de force dramatique, Tentation d’exister, un travail sur les textes poétiques de Christophe Tarkos. Le poète marseillais, décédé en 2004, disait défendre «la langue française contre sa dégénérescence […] en la faisant travailler, en la faisant vivre, en la faisant bouger» ; Christian Mazzuchini prolonge cette vitalité, et cette (re)découverte du langage de «pâte-mot» instauré par le poète «dans une forme simple et radicale». La Tentation d’exister Le 13 et le 14 mai 3bisf, Aix-en-Provence 04 42 16 17 75 www.3bisf.org

car Guillaume Cantillon prend la courte pièce en prose de Molière à rebrousse-poil et commence par la mort de Dandin pour remonter à son mariage ! Plus fort encore, il «décape» les personnages du vernis de la langue classique et des costumes d’époque pour privilégier un style simple, direct, moderne. Tout en préservant la figure de Georges Dandin pris au piège avec la démesure de ses désirs. Dandin/requiem Le 3 mai Théâtres en Dracénies, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenies.com

Favoloso ! Goût russe Après la création de Lignes de faille, la compagnie Tchekhov, Gorki, Éric Lacascade a le goût du Parnas revient à une forme plus petite, mais pas plus modeste. Son Banquet fabulateur était un régal ludique et philosophique, déjà fondé sur la confiance de Nancy Huston en nos capacités fabulatrices… Le théâtre de Gap nous en propose une troisième version, bilingue, italo-française, travaillée avec des comédiens transalpins qui ont nourri l’aventure de leurs propres textes et obsessions. Une forme évolutive, mais réglée chaque fois au cordeau. Qui partira ensuite en Italie…

Les Estivants Le 9 mai Théâtres en Dracénies, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenies.com

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Il convivio d’après L’espèce fabulatrice de Nancy Huston Du 18 au 25 mai La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu

théâtre russe qu’il met en scène avec intensité. Après Platonov et Barbares, il monte Les Estivants entouré de sa troupe de 14 comédiens et continue à «inventer une autre manière de regarder le trouble des êtres, pour mieux questionner notre époque». Du grand Gorki «pour redonner des rêves à l’âme» et du grand Lacascade «pour redonner du souffle à l’homme».

La commedia della Pazzia Le 23 avril Théâtre Durance, Château-Arnoux 04 92 64 27 34 www.theatredurance.com

Polyphonie La jeune comédienne et

auteure algérienne Rayhana n’a pas sa langue dans sa poche si l’on en croit le dialogue sans fard ni masque de ces neuf femmes réunies au hammam ! Toute la société d’hier et d’aujourd’hui suinte de leurs peaux moites, de leurs gestes éternellement recommencés. La mise en scène de Fabian Chapuis, finement, épouse les méandres de leurs confidences et laisse entendre la force de leurs vies. Quand dehors il y a les bombes et les menaces intégristes…

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À mon âge, je me cache encore pour fumer Les 6 et 7 mai Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com © Bastien Capela

© X-D.R

Dans la tradition de la Commedia dell’Arte, La comédie de la folie met en scène le délire amoureux d’Adalia qui, à la recherche frénétique de l’idéal masculin, se travestit en homme, rencontre Fulvio, qui lui aussi est à la recherche de l’idéal féminin et se travestit en femme ! De cet imbroglio La comédie de la folie s’amuse avec délectation, mêlant scènes surréalistes et sketches, mime et acrobaties et même chant choral…

Pamphlétaire L’amour et la sexualité sont au cœur de la nouvelle

© Brigitte Enguerand

Truculent Sacha Guitry, Robin Renucci et Marianne Basler ?

Désiré Le 23 avril Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com

Hobb Story Sex in the (Arab) City Le 6 mai CNCDC Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

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Comment ne pas se laisser prendre par cette comédie pétillante écrite par un auteur qui adore décortiquer avec acuité -et perfidie- la société et ses conventions sociales, les relations amoureuses et les jeux de pouvoir ? Tout ça sur un mode grinçant et drôle qui fait la marque Guitry, sans oublier le «pschitt» d’un parfum d’érotisme.

fiction documentaire et théâtrale pour 2 femmes et 3 hommes de Lotfi Achour : un choix formel qui flirte avec le zapping télé et le cours d’éducation sexuelle, le show à la libanaise et les confessions intimes pour parler de ce qui ne se dit pas. La mise en scène, le ton incisif non dénué d’humour et la performance des acteurs font de Hobb Story Sex in the (Arab) City un spectacle pertinent contre la bêtise, la misogynie et l’homophobie.

© Eric Legrand


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DANSE

CHÂTEAUVALLON | PAVILLON NOIR | BALLET D’EUROPE

The Show must go on

dialoguer avec Jean-Philippe Bayle : leur rencontre est émouvante, apprivoisée, progressive, sans que jamais l’un n’éclipse la danse de l’autre, même lorsqu’ils dansent ensemble, en couple ou en parallèle. La différence de leurs corps se voit, s’expose, s’accepte simplement, unis qu’ils sont par un élément liquide invisible qui semble les entrainer vers une rencontre fortuite, puis désirée. En contrepoint de ces deux duos, Hévéa, de Francesco Nappa, manque d’écriture, et Cantadagio, de Joseph Lazzini (1972), fait figure de pièce historique. L’adage sur la musique de Mahler constitue une sublime démonstration, parfaitement interprétée, des possibles qu’offrent une homme et une femme dansant ensemble : les portés inédits se succèdent, le corps du garçon s’efface avec élégance pour servir à l’élévation d’une fille portée aux nues, figée, offerte. Tout un monde, lointain, apogée d’un art osmotique que l’on peut, encore, aimer.

© Agnès Mellon

Comme chaque année le Ballet d’Europe présentait les workshops des danseurs, pour une fois décevants : si la virtuosité et le sens de l’espace des danseurs demeurent impressionnants, leur propos fut faible, mal servi par leurs choix musicaux. Sans doute peu inspirés par le thème imposé du duo, ils contournèrent l’obstacle proposant soit des pièces de groupes avec rendez-vous à deux, soit des pirouettes, soit des duos fades qui peinaient à faire parler les corps ensemble. Mais la règle des workshops est d’offrir un

espace créatif aux danseurs, avec le risque de l’inachèvement… Les quatre chorégraphies proposées le lendemain étaient d’une autre teneur. Les deux duos masculins, en particulier : Christophe Garcia, chorégraphe très doué qui se perd parfois du côté du théâtre, a écrit un très beau trajet à deux, une diagonale ou l’un est tour à tour ombre, double, fantôme, objet, porteur de l’autre, dédoublement du même. Jean-Charles Gil comme lui ose une danse virile, musculeuse, en invitant SisQo, breakeur virtuose, à

AGNÈS FRESCHEL

Les Trois jours pour le duo-danse se sont tenus à La Friche du 6 au 8 avril

Portrait d’un nouveau nouveau monde Il y avait déjà les constellations, il faudra désormais compter avec les archipels. Kubilaï Khan investigations ajoute à sa carte du monde une nouvelle Geografia, Archipelago, énième tentative d’habiter le monde par le corps dansé, les paysages sonores et les souvenirs visuels. C’est un nouveau tesson apporté à la mosaïque, né à Accra, capitale du Ghana, port de toutes les rencontres ; «matière palimpseste» pour le chorégraphe Franck Micheletti, les danseurs Ikue Nakagawa et Idio Chichava, le musicien-compositeur Rémi Aurine-

© Laurent Thurin Nal

Belloc, le vidéaste plasticien Romain Kronenberg et l’artiste ghanéenne Sarah Naa Ayele Okine. Dans un halo de lumières enveloppantes, bercés par les crissements citadins et les bruissements de la nature, ils font circuler l’énergie de la ville africaine, ses soubresauts, ses flux. La danse au sol marque de son empreinte la terre, le sable, l’air saturé d’humidité suspend les gestes, étouffe les rumeurs ; la danse prend le temps d’installer de longues minutes silencieuses. Archipelago est une pièce du temps suspendu, du tourment, de la douleur aussi qui, crescendo, explose à mi-parcours dans un duo violent, entre étreintes animales et combat sexuel. Seuls Idio Chichava et Ikue Nakagawa pouvaient se projeter sans pudeur dans cette arène brûlante de désir et de répulsion. Après que la secousse a disparu, chacun retrouve sa déambulation solitaire, trace dans l’espace une géométrie imaginaire, et l’état des corps en déséquilibre s’apaise. La nuit est tombée sur ce «nouveau nouveau monde». MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Archipelago a été créé le 25 mars à Théâtres en Dracénie et repris le 1er avril au CNCDC Châteauvallon

-© Luk Monsaert

Créations duelles

Gardenia fuse comme un coup de poing à l’estomac. On encaisse sec, d’abord surpris, puis on se tord d’une douleur jouissive. On en redemanderait presque… Les mises en scène d’Alain Platel opèrent comme de la dynamite, parfois à retardement, quand rentré chez soi au chaud on défile à l’envers les histoires minuscules, on redessine les contours de son éclectique équipage, on chantonne un air de Cloclo, on se prend à sourire tout en versant une larme. C’est l’effet Platel, ce mélange d’espoir et d’illusions perdues qui palpitent, cette humanité heureuse et pathétique qui prend la pose dans un cabaret défraîchi. Il y a bien les paillettes, les smokings et les fourreaux aux courbes suggestives, les talons hauts pour prendre de la hauteur et les sacs à main pour faire dame, mais le cabaret ressemble à un port de la dernière chance. Terminus pour âmes esseulées et corps cabossés, grandeur et décadence. On y danse encore vaguement, on y ébauche quelques sourires, on se maquille à outrance, on porte sur les épaules le fardeau de sa vie, on traîne sa valise pleine d’aspirations et de rêves impossibles. Gardenia n’est pas une œuvre fictionnelle, c’est un témoignage tragi-comique et tendre. Malgré l’essoufflement de rythme et quelques chemins de traverse, seule la troupe d’Alain Platel, si singulière et authentique, peut rapporter l’intimité de neuf individus entre deux âges, comédiens transsexuels et ex-travestis dans la «vraie» vie. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Gardenia a été joué les 25 et 26 mars au CNCDC Châteauvallon à Ollioules


Danser Molière La danse s’est immiscée dans l’œuvre de Molière avec volupté, et c’est une bien jolie manière de rendre hommage au dramaturge que de mettre en danse l’histoire de l’Illustre Théâtre. Claude Brumachon s’y attache avec une belle inventivité. Rythme dynamique et plein d’humour, porté par de très beaux choix musicaux, Philip Glass, Haendel, Marin Marais, Vivaldi… On reconnaît tour à tour les personnages qui peuplent les pièces de Molière, du valet de commedia dell’arte aux servantes gaillardes, les ingénues, les vieillards, les avares, les faux savants, les faux dévots, les médecins bien sûr, dans une ritournelle macabre où le poète agonise sur un fauteuil de scène… Il y a aussi la danse du bourgeois gentilhomme, le grand Mamamouchi, les masques, les facéties, une esthétique de farce, puis les rires de Célimène, les courbettes de la cour, les parades… Le meneur de jeu, grimé de céruse règle entrées et sorties par un système ingénieux d’écrans qui permettent d’intéressantes transparences. Les danseurs sont magnifiques, la technique parfaite, et le sens du théâtre digne d’un tel spectacle. L’ovation d’un public souvent très jeune leur rend un hommage mérité. M.C.

Histoire d’Argan le visionnaire donné au Pavillon noir du 7 au 9 avril

© Laurent Philippe

Chaleur du Cap La pièce de Robyn Orlin au titre interminable chemine depuis 13 ans, et change de forme et de contenu. Elle ne ressemble plus en rien aux versions que nous avions vues ! Pas une séquence commune ! Mais toujours la même joie, la même dérision, la même interrogation aussi sur comment reconstruire l’Afrique du Sud après l’apartheid, les frictions © John Hogg engendrées entre culture classique (blanche) et affirmation noire. Les regards échangés sont tendres pourtant, dans une fraternité qu’on devine aujourd’hui plus apaisée, moins revendicative… Bon, la forme foutraque, succession de numéros plus ou moins réussis et drôles, est parfois un peu languissante, mais le surgissement du groupe folklorique aixois venu revendiquer SA scène est du pur génie ! Une danse militante, et si chaleureuse… A.F.

Daddy I’ve seen this piece six times before and I still don’t know why they’re hurting each other a été joué au Pavillon noir du 23 au 26 mars


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DANSE

AU PROGRAMME

Énergique

Sans Cage Reprise L’ultime tournée de la Merce Cunningham Company Dans le cadre de la manifestation Arles, par temps de

© Pierre Grosbois

Sur fond de mur lumineux, dont les couleurs changent au gré des tableaux, cinq danseurs de hip hop évoluent dans un univers urbain au son d’une cité invisible. Les personnages qu’ils dansent se rencontrent, se fuient, se cherchent, quête effrénée sur l’asphalte tantôt drôle, tantôt tragique. Pierre Rigal chorégraphie ainsi cette présence des corps dans leur l’environnement urbain.

passe aussi par Nîmes… Si le Festival de Marseille a choisi d’accueillir la dernière création du plus grand des chorégraphes contemporains, le théâtre de Nîmes s’est attaché à trois pièces déjà historiques, datant d’après sa longue collaboration avec John Cage : Sounddance (1975) encore très théâtrale, Quartet (1982) sur la musique électronique de Tudor, très géométrique et rapide, Pond way (1998) sur la pop de Brian Eno, plus lente et méditative. Un programme qui vaut bien des kilomètres, si vous n’êtes pas Nîmois… Merce Cunningham Dance Company Les 17 et 18 mai 04 66 36 65 10 Théâtre de Nîmes www.theatredenimes.com

danse, les jeunes danseurs de la formation istréenne Coline présentent des extraits de Faits et gestes… voir ci-après, une chorégraphie de Bernard Glandier retravaillée avec Juan Manuel Vicente, interprète de la pièce à sa création en 1997, et avec l’accompagnement artistique de Montaine Chevalier, autre interprète de la pièce. Faits et gestes… voir ci-après Le 7 mai Chapelle des Frères prêcheurs, Arles Association Coline 04 42 55 70 31 www.coline-istres.org

Aigre-doux Dans Bitter Sugar, première

revue nègre contemporaine, Raphaëlle Delaunay marche sur les pas de Joséphine avec le même esprit de liberté, la même énergie de la scène. Sur le plateau, cinq danseuses revisitent le jazz et le swing, racontent le plaisir de la danse et l’histoire aigre-douce de corps qui se perdent et se retrouvent. C’est amer et sucré, léger et tendu, joyeux et déluré.

Asphalte Le 17 et le 18 mai Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

Bitter Sugar Le 30 avril Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com

le 27 et le 28 mai Théâtre de la Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu

Apesanteur À partir d’un corps suspendu, le sien, la danseuse et

Solo à2 Hafiz Dhaou et Aïcha M’Barek chorégraphient un

ostéopathe Julie Nioche figure un état qu’elle décrit comme «une suspension du réel, de ses peines, de ses maux, de ses attaches.» Reliée à un dispositif de filins et de poids, elle évolue dans les airs dans une suspension empreinte de légèreté. Elle plane, danse, tandis que la musique d’Alexandre Meyer résonne et dialogue avec ce corps libéré.

solo imaginé à deux inspiré par le poète palestinien Mahmoud Darwich : «Le café, la première tasse de café, est le miroir de la main, de cette main qui tourne le breuvage, le café est déchiffrement du livre ouvert de l’âme, devin des secrets que le jour renferme»… Sur le plateau nu, plus rien d’autre n’existe que ces 1000 tasses blanches, compactes et brillantes, entre lesquelles Hafiz Dhaou compose une danse fluide, une reptation ondulante. Et la voix diffuse du poète comme un parfum de café.

Nos solitudes Le 3 mai Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com

Première Première édition du festival Marseille urbain festival, entièrement dévolu à la culture hip hop. Pour prouver la maturité artistique de cette discipline, la programmation s’attache à présenter des artistes qui utilisent la photographie, la peinture et la danse sous des formes diverses. Au programme, la cie Dirty South et son hip hop newscool, la cie Redscal et son Western, la création du duo formé par Davis Colas et Santiago Codron-Gras, Phorm, et la cie South Popper et son utilisation précise du «popping» (contraction du corps). Marseille urbain festival Le 13 et le 14 mai La Minoterie 04 91 90 07 94 www.minoterie.org

Pondway © Carol Pratt

Fable Dans le dernier volet de la trilogie Sad Face / Happy Face, La Maison des cerfs, Jan Lauwers mêle théâtre et danse dans une évocation d’un présent perturbé. Prenant comme point de départ la mort au Kosovo du frère journaliste de Tijen Lawton, l’une des danseuses de la cie, Lauwers brouille les pistes entre vie professionnelle et vie personnelle, entre réalité et fiction. La Maison des cerfs Le 14 et le 15 avril Théâtre de Sète 04 67 74 66 97 www.theatredesete.com

Oubli Après une résidence à La Tannerie à Barjols, Christian Ubl présente, au 3bisf à Aix, La Semeuse, une création chorégraphique et théâtrale qui s’appuie sur une nouvelle du dramaturge Fabrice Melquiot. Une rupture, un amour perdu, et sa lente reconstruction à Elle pour tenter d’oublier le goût et les contours de son corps à Lui. La Semeuse Les 15 et 16 avril 3bisf, Aix-en-Provence 04 42 16 17 75 www.3bisf.com

Kawa Le 10 mai CNCDC Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

Renouveau Formée à la danse classique indienne par sa mère, interprète de Maurice Béjart, Pina Bausch, Ushio Amagatsu et Peter Brook, Shantala Shivalingappa partage sa vie entre deux cultures qui nourrissent son art. Mais en Inde comme en Europe elle est la figure de proue du renouveau du kuchipudi, danse traditionnelle à la fois terrienne et aérienne, dont elle donne toute la mesure à Châteauvallon dans une sorte de «récital». Swayambhu Le 13 mai CNCDC Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com


Légume et shampooing

L’homme à tête de chou Du 5 au 7 mai Grand Théâtre de Provence, Aix 04 42 91 69 69 www.grandtheatre.fr

© Guy Delahaye

Jean-Claude Gallotta s’empare de deux figures de la culture populaire : Gainsbourg et Bashung, mythes de la chanson, morts trop tôt, misanthropes. Lorsque Bashung s’est mis à chanter l’Homme à tête de chou c’est un gainsbarre singulier qu’il incarnait ; à la fragilité révélée, laid, malheureux, drôle aussi, aux prises avec une shampooineuse imbécile, et avec son désir qui le rend légume. Gallotta sublime la petite histoire pour en faire un grand ballet visuel, noir et érotique…

Brassages métissés La Cie Grenade arpente les scènes de la région, occasion de revoir des chorégraphies de la pétillante Josette Baïz qui sait croiser les inspirations, et saisir en chacun de ses interprètes comment sa culture le rend unique. Le Groupe Grenade regroupe des élèves de 7 à 15 ans ; 17 d’entre eux dansent Oliver Twist, créé en 2009, d’après le roman de Dickens. Tonalités de gris pour cette histoire d’enfant maltraîté qui parviendra à échapper à l’enfer. Quant à la Compagnie, elle présentera Granada Mix, en 3 parties : Flam & co, pièce inspirée de l’Espagne, qui en a la chaleur sensuelle, All through the night, court solo tout en volutes de la jeune Lola Cougard, et un extrait de Eden Club, une pièce en hommage à Fred Astaire, avec déhanchés, citations et claquettes... La dernière création, Gare centrale, une pièce légère, colorée, ultra rapide

dans une belle scénographie de Dominique Drillot, complice de toujours, viendra clore dans la joie la saison du Gyptis. C.B.

Oliver Twist 10 et 11 mai Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.fr Granada Mix 13 mai Forum de Berre 04 42 10 23 60 www.forumdeberre.com Gare centrale 19 et 20 mai Théâtre Gyptis 04 91 11 00 91 www.theatregyptis.com Gare Centrale © Léo Ballani


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MUSIQUE

CHAMBRE

Etonnant pianiste que cet Iddo Bar-Shai ! Dans la conception du programme, éclectique et original, de Mozart à Scriabine en passant par Scarlatti, Chopin, Haydn, Couperin, comme dans la lecture et l’interprétation des œuvres, ce jeune virtuose israélien ne laisse pas indifférent. Excellent dans les mazurkas du maître polonais, tout en poésie, élégant, à la recherche de nouvelles sonorités feutrées et colorées, anticonformiste dans les sonates de Domenico Scarlatti, optant pour un jeu heurté, saccadé, avec une mise en relief exagérée des ornementations, puis distant, intérieur, intime dans les mouvements lents des viennois… Iddo Bar-Shai, avec une gestique qui n’est pas sans rappeler un certain Gould, proposa SA vision de la musique, se souciant peu de l’héritage de ses ainés. À l’image du pianiste canadien, cet artiste, en quête de vérité, pose et assume ses prises de position quitte à déplaire ou froisser : un musicien singulier, hostile à une uniformisation du goût, promis à un bel avenir. CHRISTOPHE FLOQUET

Ce concert a eu lieu le 14 mars au Jeu de Paume, Aix

Iddo Bar-Shai © V. Garnier

Le choix de l’originalité

Une autre Voix Humaine

Dorota Anderszewska © X-D.R.

Les représentations de La Voix Humaine de Poulenc ainsi que de l’Education Manquée de Chabrier étant annulées, ce sont les Supersolistes de l’Orchestre

National Montpellier Languedoc-Roussillon qui s’y collaient, assistés par Galina Soum au piano pour révéler la soprano Sabine Devieilhe dans des airs de Mozart. L’air de Barberine (Noces de Figaro) et le Despina Una Donna (Cosi fan tutte) succédaient au Vorrei spiegarvi, oh Dio K 418 et révélaient une colorature sensible qui en a sous la glotte. Ce que confirmait le célèbre air de La Reine de la nuit néanmoins un peu trop sage sur le plan de la dramaturgie. Précédaient des pages instrumentales de Glinka (trio) et le duo op.7 violon et violoncelle de Kodaly ménageant une rupture stylistique aux redites un peu monotones. Les mélodies très ressassées de la Méditation de Thaïs et l’Elégie de Fauré étaient les bienvenues, puisque Dorota Anderszewka (vl) et Cyrille Tricoire (vlc) étaient sous l’archet. La soprano et le violoncelle concluaient avec goût sur les mélismes de la Cantilena de la Bachianas Brasileiras n°5 de VillaLobos. Un concert agréable, en l’absence de musique française… P-A HOYET

C’était au Théâtre de Nîmes le 23 mars

Une musique vivante Le plaisir de faire de la musique ensemble, de la faire partager, se retrouve dans la belle performance de l’ensemble Al Segno, sous la direction de Pascal Denoyer. Programme ambitieux, avec une première partie consacrée au Requiem de Fauré, subtil et délicat, qui permettait d’entendre le phrasé très pur du baryton soliste Paul Mettling et la voix émouvante de la très jeune (12 ans) Fanny Dupont. Après une présentation très didactique des différentes percussions, la deuxième partie entraînait des spectateurs conquis dans la découverte de l’œuvre du compositeur estonien Arvo Pärt, qui, nourrie de musique populaire traditionnelle, adopte une tonalité enjouée et festive. Puis les deux mouvements du Chichester Psalms de Léonard Bernstein, malgré la difficulté des rythmes, étaient enlevés avec enthousiasme,

et la voix bien placée d’Hugo Hamdouche (11 ans !). Les instrumentistes talentueux conspiraient à la réussite de l’ensemble, avec les improvisations de la harpe (Allison Nosal), qui joue autant des cordes que de l’ossature de l’instrument en percussion, et de l’orgue (notre collaborateur Fred Isoletta), qui emprunte aux accents de L’après-midi d’un faune son univers bucolique et flûté, ou emporté dans de sombres orages, que les percussions reprennent… Magie renouvelée de la création! M.C.

À noter Ce concert, donné à Aix les 20 et 26 mars, sera repris le 21 mai à Tarascon

Gracieuses anches… Pour sa 9e édition de Voix de Femmes, le CDC de Saint-Martin-de-Crau faisait une incursion à Tarascon dans le domaine instrumental et classique. Au sein du magnifique petit théâtre à l’italienne, le Trio F affirmait donc la place des femmes dans la musique, et confirmait cette propension de la musique instrumentale à imiter la voix humaine, notamment les instruments à vent ! La hautboïste Marika Lombardi et Valérie Granier au basson interprétaient quelques pages de St Saëns (Sonates pour hautbois et basson) avec la complicité de la pianiste Nathalie Dang : rappel d’une musique française alerte, vive et précise évoquée par les galops gracieux du hautbois dans St Saëns et le discours tour à tour agile et contenu du basson. Le trio de Poulenc confirmait le charme de l’esthétique du Groupe des six. Les pépiements en staccato des deux anches doubles dans un trio de Petr Eben de 1923 faisaient découvrir un langage novateur pour l’époque, sur un accompagnement aux accents parfois «Messiaen-iques». Une conclusion ouverte sur septième mineure laissait alors libre cours à notre imagination, avant un bis mérité de Piazzolla. P-A H

Le Trio F s’est produit le 25 Mars à Tarascon dans le cadre du festival Voix de femmes Marika Lombardi © X-D.R.


MUSIQUE

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Le grand huit ! Ensemble ô combien singulier, l’octuor de violoncelles, composé ici des plus grands artistes français, famille Pidoux en tête, est une formation au potentiel incroyable, permettant de balayer, au travers de transcriptions, un répertoire très large. Du 3e mouvement de la Titan de Mahler, à la mélodie Après un rêve de Fauré, en passant par un extrait de Don Carlos de Verdi, chacun des protagonistes, tour à tour soliste, put mettre en avant ses qualités d’instrumentistes. Le choix du transcripteur, Roland Pidoux, de puiser essentiellement dans le grand répertoire du XIXe des extraits d’un caractère dramatique, méditatif… sur des tempi lents s’avéra un peu soporifique. Preuve en est, le public assoupi du GTP s’enthousiasma au moment des bis tirés des passages les plus brillants de Carmen ! Réunis en «Consort», en hommage aux ensembles de la

Les violoncelles francais © Francois Sechet

Renaissance et du Baroque, cet octuor aurait sans doute dû s’inspirer de l’alternance des mouvements –vifs, lents- propres aux pièces de cette période ; le concert aurait gagné en attractivité.

Ce concert a eu lieu le 29 mars au Grand théâtre de Provence, Aix

CHRISTOPHE FLOQUET

Fleurs d’avril

L'ensemble Pytheas © X-D.R

On croit à un poisson d’avril, si peu de monde pour un spectacle alors que les terrasses de café sont pleines… Les concerts ne sont pas réservés aux jours de pluie ! et quel concert ! Bon, pour que vous ayez des regrets sachez que le concert du 1er avril donné au petit temple de la rue de la Masse à Aix par l’ensemble Pythéas était simplement sublime, construit avec intelligence, modulant des résonances entre baroque et contemporain, tout cela interprété par des musiciens hors pair : Marie

France Arakélian au piano, Charlotte Campana aux flûtes, Yann Le Roux-Sédes au violon. Les instruments se mêlent, s’accordent, suivent une route solitaire selon les pièces, avec un jeu d’une rare efficacité. Trois ? On ferme les yeux et l’on ne sait plus combien d’instruments sont sur scène, il y a un orchestre complet dans les Cinq petits Duos (op. 56) de C. Cui, ou pour les danses populaires roumaines de Bartok. Fluidité dans l’interprétation de Mozart, andante en ut K 315, brillance de la Sonate «Sopr’il Sogetto Reale» de J.S. Bach, recueillement et fougue de sa sonate BWV 1016… plénitude des sons avec la Quatrième Incantation et la Quatrième Ascèse pour flûte de Jolivet. Généreux, les artistes offraient au maigre mais enthousiaste public deux bis, un Vivaldi enlevé et Syrinx de Debussy, d’une délicatesse émouvante et pure. Le bonheur est égoïste, souvent, mais celuici, il eût été bon de le partager ! M.C.

Puissance trois Carte blanche avec la Russie pour thème, et un très beau programme, ambitieux et virtuose, pour deux pianos puis des pièces solistes. Michel Bourdoncle avait préparé une première partie où la 2e suite de Rachmaninov (op. 17 pour deux pianos) interprétée avec Vladik Polioniov puis le Concertino pour deux pianos de Chostakovitch, avec Alexandra Lescure, alliaient puissance et légèreté, technique virtuose et sensibilité. Ce qui faisait oublier une valse des fleurs qui manquait de souffle… Puis les pianistes se livraient davantage encore dans des pièces solistes. Alexandra Lescure portait une frémissante et délicate Leggierezza (Étude de concert) de Liszt, Vladik Polionov abordait la somptueuse Sonate n° 3 de Prokofiev avec une maîtrise et un sens du phrasé qui se retrouvaient dans le bis où il fit sonner la Harpe de Prokofiev tout en finesse… Enfin Michel Bourdoncle en très grande forme offrait à un public transporté une sublime Sonate en si mineur de Liszt

Alexandra Lescure © X-D.R.

où le piano semblait transfiguré, dans laquelle s’animaient des orages, se racontait la sérénité troublante qui leur succède… D’une puissance céleste ! M.C. Concert donné au Toursky le 29 mars dans le cadre du Festival russe

Concert donné le 1er avril temple de la rue de la masse Aix et le 2 avril à l’église Saint Ferréol, Marseille


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MUSIQUE

LYRIQUE | SYMPHONIQUE

Rossini millimétré Entre les modes fatales, en 2011, du baroque et de l’opérette, on peut encore entendre des opéras !

© Frederic Iovino

Chez Rossini, la mise en scène des comédies doit être parfaitement huilée afin d’adhérer à la mécanique musicale, celle des finals en particulier qui s’y trouve minutieusement millimétrée. Dans L’Italienne à Alger, dramma giocoso créé en 1813, représenté à Aix fin mars au GTP, la direction d’acteurs s’avère tonique, réglée à souhait quand, de surcroît, la scénographie de Sandrine Anglade présente des tableaux d’une esthétique élégante (ballet final du chœur en longues robes rouges, pluie de mouchoirs aux couleurs du drapeau italien…). Dressées sur scène, une douzaine d’imposantes portes mobiles sont autant de seuils ludiques vers un monde imaginaire, un orient fantasmé que les hommes inventent dans leur quête de la femme idéale…

Dans cet imbroglio, qui se rapproche parfois du style bouffon, Mustafa en pyjama (Jonathan Veira) se balade en Bey d’Alger survolté, excellente basse-bouffe, quand l’Italienne Isabella (Allyson McHardy), mezzo sombre à la tessiture très ample, assume fièrement le premier rôle : celui d’une beauté tirant les ficelles de la comédie. La distribution généreuse se montre fort à l’aise dans un répertoire coûteux qui a parfois du mal à trouver sa juste place sur les scènes. L’Orchestre de Limoges et du Limousin, son Chœur d’hommes (dir. Pascal Verrot) se tirent avantageusement des pièges virtuoses d’une partition colorée. JACQUES FRESCHEL

Chansonniers

La compagnie lyrique Les Brigands a su redécouvrir des trésors perdus d’Offenbach, ou de Maurice Yvain, et les mettre en scène avec une grande irrévérence, et beaucoup de talent musical. Son voyage Au temps des croisades, marqué en fait plutôt café concert début de siècle (le XXe), n’a pas les mêmes qualités. Pour une raison simple : la musique de Claude Terrasse manque cruellement d’intérêt, et même de savoir-faire (on n’en demande parfois pas beaucoup plus dans ce genre). Quant aux interprètes on ne peut, sauf une, les qualifier d’artistes lyriques : ce

sont d’excellents comédiens/comiques, qui chantent un peu. Restent de très bons moments, parce que les gags potaches fonctionnent toujours, et parce que les transfuges de la Cie des 260000 couverts sont hilarants : une servante joyeusement gourde et Christophe Arnulf en percussionniste bruiteur pince-sans-rire et ivrogne, est irrésistible, tout comme Valérie Véril la servante empotée. Quant à l’intrigue de Franc-Nohain, si elle a pu être osée il y a un siècle, elle aujourd’hui bien peu subversive… AGNÈS FRESCHEL Au Temps Des Croisades © Yves Petit

Bouleversants Dialogues ! en Mère de l’Incarnation, Pauline Courtin en Sœur Constance et Anne-Catherine Gillet, sublime dans le rôle de Blanche de la Force. Cette coproduction de l’Opéra Royal de Wallonie et de l’Opéra d’Avignon, qui tourne depuis quelques années avec succès, a de nouveau recueilli des applaudissements chaleureux et suscité l’émotion. La mise en scène de Jean-Claude Auvray est un écrin propice à l’ambiance intense et dramatique du chef-d’œuvre, dans un décor au mobilier Louis XVI où des tableaux austères dessinent de statuaires filles du Carmel, façon Philippe de Champaigne… Mais en coulisse la foule en bonnets phrygiens gronde en chantant la Carmagnole ! Majella Cullagh © X-D.R.

C’est entre 1953 et 1957 que Francis Poulenc composa ses Dialogues des Carmélites, drame inspiré d’un fait historique retraçant un épisode tragique de la Terreur. En 1792, les carmélites de Compiègne sont expulsées de leur monastère, mais choisissent de continuer de vivre leur foi «hors les murs». Seize d’entre elles sont arrêtées, condamnées à mort et guillotinées. Comme dans La Voix Humaine, Poulenc y a livré son génie. Mélodiste né, sa prosodie exceptionnelle fait ressortir les bouleversantes, mais combien inspirées, réflexions de Georges Bernanos sur la mort, la peur, l’existence… On y pénètre profondément le cœur de l’âme humaine, faite d’insouciance autant que de profondeur spirituelle. «Il faut savoir risquer la Peur comme on risque la Mort» entend-on du côté du livret. Les Dialogues des Carmélites est, à juste titre, considéré comme l’un des plus grands opéras du XXe siècle. Il fut brillamment interprété en Avignon par Stéphanie D’oustrac

CHRISTINE REY

Bel canto romantique Une fois de plus, dans une saison placée sous le signe de la nouveauté, l’opéra de Toulon programmait en guise de création dans ses murs Linda de Chamounix, ouvrage lyrique semi-seria composé au service des belles voix de son temps par Donizetti en 1842. A priori rien de déroutant pour le public toulonnais, si ce n’est l’absence de mise en scène, la direction ayant préféré la solution d’une mise en espace plus favorable aux chanteurs, très sollicités sur le plan vocal, et plus économique. Dans ce type de répertoire, l’histoire (encore des amours contrariés) passe souvent au second plan derrière l’écriture des voix dont la virtuosité est la seule raison d’être. En toute logique l’orchestre et les chœurs, efficaces et fort bien dirigés par Steuart Bedford ont servi de faire-valoir idéal à un plateau alléchant sur le plan des timbres d’où se distinguaient nettement Majella Cullagh et Stella Grigorian mais dont l’homogénéité et l’équilibre furent parfois mis à mal par des voix masculines en manque d’oxygène. ÉMILIEN MOREAU


MUSIQUE 31

Aléas

ÉMILIEN MOREAU

Tendresse et austérité Bach est un architecte du temps ! Et sa Messe en Si en est un monument de la musique religieuse. Certains passages, tels que le Kyrie eleison, le Crucifixus ou encore le Dona nobis pacem figurent au panthéon des pièces polyphoniques. Difficile, face à un tel édifice, de donner une interprétation intelligente sans entrer dans l’exégèse de cette œuvre au maillage contrapuntique complexe sous fond de symbolique des nombres. Daniel Reuss, à la tête du Cappella Amsterdam et du Il gardellino, chef de chœur précis, efficace, releva ce défi avec brio. Bien servi par un chœur homogène, superbe, et des instrumentistes brillants, il proposa une lecture intérieure de l’œuvre, tout en clair-obscur, dénuée d’emphase et d’ostentation. Certes, l’acoustique difficile du GTP et la faiblesse des solistes ternirent un peu l’ensemble. Mais les quelques secondes de silence obtenues par le chef à la fin de la pièce, d’ordinaire brisées par un public prompt à applaudir, furent la marque d’une grande interprétation, d’une volupté… platonicienne !

Gautier Capucon © Michael Tammaro

Associer en ce début de printemps Gautier Capuçon au violoncelle à l’Orchestre de Cannes Provence-Alpes-Côte d’Azur pour un programme ambitieux autour du concerto n°1 de Chostakovitch était une initiative formidable du Festival de Toulon. Mais c’était sans compter sur les risques du métier qui, blessure oblige, contraignirent notre virtuose national à se rabattre sur le concerto n°1 de Saint-Saëns. Rompus à ces changements de dernière minute, les musiciens fermement dirigés par la baguette de Philippe Bender ont donné sans broncher la réplique au soliste, dont la sonorité envoutante et la virtuosité étaient intactes malgré une gêne perceptible dans ses mouvements. Qui ne l’empêcha cependant pas d’honorer vigoureusement deux rappels consécutifs en première partie. Dans la deuxième partie, Mozart fut mis à l’honneur avec la 41e surnommée «Jupiter». Avec une précision d’orfèvre, l’orchestre sut rendre les dons exceptionnels du compositeur au zénith dans cette ultime symphonie : invention mélodique, vivacité rythmique, perfection formelle et richesse de l’orchestration.

Limpide et local Sous la direction efficace de Bénédicte Pereira, le chœur d’hommes de l’EVM au sein duquel nous retrouvons dans le pupitre des basses les fines plumes de notre journal Jacques Freschel et Yves Bergé et l’ensemble vocal féminin Hymnis ont donné un très beau programme de musique sacrée balayant les XIXe et XXe siècles. Accompagnée à l’orgue par André Rossi, la Messe en sol de Schubert, qui, moins populaire que les motets de Mendelssohn, gagnerait à être donnée plus

souvent, fait entendre le compositeur romantique comme un véritable héritier de Bach… Dans une toute autre esthétique, le contemplatif Salve Regina de Poulenc fut interprété avec une grande finesse vocale, préparant le terrain au redoutable Eli de Deak Bardos : une découverte que l’auditoire nombreux a su apprécier à sa juste valeur. Une très belle soirée composée de musiciens passionnés et «locaux» qui démontre une fois de plus que notre région regorge d’interprètes talentueux dont les initiatives sont saluées par un public fidèle et reconnaissant, et qui mériteraient une oreille plus attentive des décideurs, qui vont souvent chercher ailleurs ce qu’ils ont sous la main. FRÉDÉRIC ISOLETTA

Nourritures célestes Du bonheur encore avec le chœur Accentus, dirigé comme un seul instrument par une Laurence Equilbey inspirée. Se joignait au chœur le concerto Köln qui ajoutait de nouvelles strates, creusant davantage la pâte sonore. Chœur et Accentus © Jean-Louis Bergamo

instruments se mêlaient en un jeu subtil des profondeurs, puissamment irrigué par les lignes mélodiques. Motets de Bach sublimés par l’équilibre des voix, superbes attaques, beau travail des finales, son large et sculpté, les échos baroques de ce monde en miroir où la musique semble capable de constituer le reflet de l’idéal équilibre… L’intelligence aiguë du propos était rendue sensible par les sur-titrages qui permettaient de saisir les nuances de cette musique qui sert le texte avec expressivité. Généreux, les artistes accordaient en bis l’Alléluia de Buxtehude et en ter la reprise (mesure 221) du dernier motet, Singet dem Herm ein neues Lied. Un moment aux irisations sublimes. M.C.

Concert Bach Motets donné le 22 mars au GTP, Aix

CHRISTOPHE FLOQUET Cappella Amsterdam © Marco Borggreve

L’Ensemble Vocal Méditerranéen et Hymnis étaient réunis pour un très beau concert à l’église de Montolivet le 31 mars


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CONTEMPORAINE | JAZZ

MUSIQUE

Du binaire à l’Unité cuns appellent Génie ! Alors qu’un Lied allemand mozartien est suavement «poitriné» par Marion Rampal façon «cabaret», le batteur Jean-Luc di Fraya se mue en soprano et lance, au gré d’un étonnant falsetto, un bouleversant standard : My love. Au delà des échanges, on loue la qualité des musiciens, le sax de Raphaël Imbert virevoltant sur les Variations de la Sonate en la majeur, ses riffs explosifs dans C Jam Blues... Florent Héau, l’un des meilleurs clarinettistes français, distille des phrasés cristallins dans le Quintette avec cordes et laisse son anche (et nous-mêmes pantois !) pour quelques fantaisies à la scie musicale et aux… claquettes ! Le Quatuor Les dissonances des Manfred fait écho à quelque pièce sacrée d’Ellington, La Flûte enchantée (Mozart et Ellington étaient franc-maçons)

Pour leur création au Grand Théâtre de Provence, le saxophoniste Raphaël Imbert, le Quatuor Manfred et les musiciens invités par Nine Spirit déclinent un concept qui avait marié avec bonheur les univers classique et jazz de Bach & Coltrane, en établissant des ponts les reliant, par delà les siècles, autour de valeurs spirituelles. Avec leur nouvelle association Mozart & Ellington, ils mettent en lumière le classicisme intemporel de deux styles élégants, à l’orchestration raffinée, un sens commun de la surprise et de l’improvisation, en dissipant finalement les frontières… Au fil du spectacle, on évite heureusement le simple collage : la perméabilité des styles est de rigueur. L’alchimie opère, ramenant le couple binaire Wolfgang/Duke, apparemment opposé, à une Unité transcendant les genres… que d’au-

© Agnès Mellon

répond à Black and tan fantasy alors que, sous les regards bienveillants d’André Rossi (piano) et Pierre Fénichel (contrebasse), se révèle un jeune

tromboniste (et puissant pianiste) Simon Sieger. Une vraie leçon d’Harmonie ! JACQUES FRESCHEL

Le fil d’Ariane

Marier le baroque et la création ? La 9e édition du festival Mars en Baroque a dit oui le 23 mars, en l’église Saint Cannat les Prêcheurs

Marie Cristina Kiehr © X-D.R.

Pourquoi ne pas réunir des musiques qui ne sont pas de la même esthétique et ont quatre cents ans d’écart ? C’est la question que se sont posée Jean-Marc Aymes et Roland Hayrabedian, respectivement directeurs musicaux du Concerto Soave et de Musicatreize. Intitulé Tresses & détresse, Lamento, morte & paradiso, le programme s’articulait autour du fil (conducteur) d’Ariane et de la géniale partition de Monteverdi, interprétée par la soprano Marie Cristina Kiehr au timbre chaud et suave, accompagnée par le continuo de Sylvie Moquet (viole de gambe), Mara Galassi (harpe), J.-M. Aymes (clavecin et orgue) mais

également les parties de chœurs reconstituées. En regard des pièces de Mayone, Gesualdo, D’India et surtout de Monteverdi, le Lasciatemi morire et le Nenia des suédois Erdlund et Nordin s’inspiraient directement de l’œuvre de maître de Mantoue tout comme la création Lolèin de Philippe Gouttenoire. Le langage n’est certes plus le même, mais la dualité baroque/contemporaine opère, tenant en haleine deux publics réunis et heureux. Par un simple fil ! FRÉDÉRIC ISOLETTA

Répercussions ECO logique (Musiques Nouvelles) et André Groen (De Ereprijs) sculptent de leur corps une matière tonnante et étonnante

aux fortes saveurs. Le trio ouvre le bal par une surprenante et parfaite chorégraphie à mains nues, à fleur de © Agnes Mellon

ECO (European Contemporary Orchestra) bourgeonne en ce printemps naissant. Greffe réussie de trois belles et bonnes souches productives de la musique contemporaine : Télémaque Marseille, Musiques Nouvelles Bruxelles Mons et De Ereprijs Amsterdam Apeldoorn. Une espèce unique qui devrait atteindre sa taille capitale européenne au printemps 2013, en pleine terre de culture marseillaise. Mais ce jeune cultivar créatif porte déjà des fruits bien percutants présentés à l’étal des saisons du cycle Deux, trois, quatre, musique des ABD Gaston Defferre. Trois virtuoses percutent nos âmes, à fleur de leur Éclat de peau, d’acier et de cuivre, et bousculent les notions de temps, de rythme et l’ordre émotionnel qui nous lie. Christian Bini (Ensemble Télémaque), Pierre Quiriny

Musique de tables, de Thierry de Mey. Puis en ce 2011, toutes les 4’’ viennent s’égrainer les tourments du temps qui passe et tue, création de JeanLuc Fafchamps. Franck Zappa nous tend la Page noire de l’histoire des rythmes populaires dans un vertigineux solo de batterie. Iannis Xenakis rebondit bel et bien dans sa prodigieuse mélodie rythmique et… en cinquième partie arrive In Four Parts de Peter Kotik, en création française ; œuvre surprenante où les échos des chocs s’interrogent au travers de l’espace et du temps. Un virtuose florilège de trios musicaux contemporains en bourgeonnement. YVES BERCHADSKY

Ce concert a eu lieu le 25 mars aux ABD Gaston Defferre



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MUSIQUE

AU PROGRAMME

LYRIQUE Didon et Enée

Favola in musica

L’Opéra de Toulon n’a jamais affiché, depuis sa création il y a plus de trois siècles, le bijou baroque Didon et Enée de Purcell : les grands théâtres ne sont pas vraiment adaptés pour représenter ce type d’ouvrages, et leur jauge convient mieux à des répertoires des XIXe et XXe siècles. On est aussi habitués, depuis quelques décennies, à entendre la musique ancienne sur instruments d’époque, cordes en boyau, phrasés et couleurs sonores finement étudiés… si bien que l’auditeur fait parfois la fine bouche. Tout doit pouvoir se saisir dans ce miracle de concision tiré de L’Enéide de Virgile : de l’hystérie des sorcières à la descente chromatique mortuaire dans l’ultime récitatif, des courts ballets festifs aux chaconnes douloureuses, de la «chasse» obstinée à la froide annonce du messager… Si l’Orchestre et les Chœurs de l’Opéra sont dirigés par Giuliano Carella, la Compagnie Les Bijoux Indiscrets assure le rôle fondamental du continuo (viole ou violoncelle et clavecin). Mais on attend surtout la formidable tragédienne Anna Caterina Antonacci dans le rôle titre (mise en scène par Massimo Gasparon).

Enchantée

Paul Armin Edelmann © Doris Kucera

Anna Caterina Antonacci © Derossi-naive

Ce succès parisien d’Offenbach fut joué en 1870 peu avant la chute du Second Empire. Son livret, volontairement amoral, raille les financiers véreux, la légèreté des mœurs de la cour, les ambassadeurs suffisants. Des sujets récurrents, et toujours actuels ! Cet opus est riche en situations cocasses, citations savoureuses… Les morceaux de bravoure s’enchaînent, exigeant une troupe dynamique pour chanter le savoureux Trio des Marmitons, incarner une ambassade espagnole délirante, un caissier dilapidateur de fonds, des carabiniers qui arrivent forcément trop tard... On fait confiance à l’expérience de Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff pour la mise en scène et les décalages comiques, et à la direction musicale de Nicolas Kruger afin d’assurer le succès de cette création. TOULON. Les 13 mai à 20h et le 15 mai à 14h30. Opéra 04 94 93 03 76 www.operadetoulon.fr

Pour la 5e année, les maisons lyriques de la région ouvrent leur porte au public pour des visites et animations : une occasion de découvrir l’opéra et ses métiers, de rencontrer les artistes, d’assister à des spectacles… Tous à l’Opéra Les 7 et 8 mai à Marseille, Avignon, Toulon, Aix… Entrée libre www.tous-a-lopera.fr/2011

TOULON. Les 19 et 22 avril à 20h et le 24 avril à 14h30. Opéra 04 94 93 03 76 www.operadetoulon.fr

Les Brigands

Ouverts !

L’Orfeo de Monteverdi, créé en 1607 à Mantoue, est considéré comme le premier grand opéra de l’histoire de la musique. Ce point de passage entre la renaissance italienne et l’ère baroque révolutionne la culture occidentale, instaure un genre qui se développe de Rome à Venise, puis dans l’Europe entière. Sur une scène, des acteurs, accompagnés d’un orchestre, déclament en chantant une comédie inspirée de la mythologie gréco-latine : l’histoire du poète Orphée, parti, lyre en main, chercher aux Enfers son Eurydice défunte, mordue par un serpent le jour de ses noces… Monteverdi signe, à l’occasion, une musique d’une rare beauté qui eu pour conséquence de jeter aux oubliettes les opus antérieurs de Peri et Caccini. Mais du point de vue dramatique, l’œuvre pèche par son manque de dynamisme rendant toute représentation «délicate». Car c’est avant tout l’émotion qui est théâtralisée, la mise en valeur des voix, des mots, des figuralismes : ces peintures pour l’oreille qui imitent les passions humaines. Loin de l’emphase romantique, la monodie reste proche des inflexions du langage parlé. La basse continue en prend pour 150 ans et le récitatif pour davantage encore ! Enrico Delamboye dirige l’Orchestre National de Montpellier dans une version de concert (orchestration de Bruno Maderna) et Paul Armin Edelmann dans le rôle-titre. MONTPELLIER. Le 16 avril à 17h. Le Corum. En partenariat avec le Théâtre de Sète. www.theatredesete.com 04 67 74 66 97

Commandeur Les représentations du Don Giovanni de Mozart, dans la mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia, se poursuivent à l’Opéra de Marseille avec le baryton Jean-François Lapointe (dir. Theodor Guschlbauer). MARSEILLE. Les 14, 19 et 22 avril à 20h et les 17 et 24 avril à 14h30. Opéra 04 91 55 11 10 www.marseille.fr

Le prince Tamino (Frédéric Antoun) part à la recherche de Pamina (Amel Brahim-Djellou) en compagnie de l’oiseleur Papageno (Armando Noguera)... Au final, le couple franchit les épreuves pour accéder au temple dont Sarastro (Taras Shtonda) est le maître. Et la perfide Reine de la Nuit (Isabelle Philippe) voit ses projets déjoués quand Papageno, enfin, trouve sa Papagena (Katia Bentz). La Flûte enchantée est un conte universel, apparemment enfantin, qui cache une parabole initiatique : un monument d’une richesse symbolique et musicale inépuisable où la vertu triomphe du vice, la lumière des ténèbres. Sagesse, Force et Beauté président à la construction de cet opéra populaire de 1791 qui prône des valeurs universelles d’amour, de fraternité, de justice et de vérité. Laurence Equilbey dirige cette production mise en scène par Robert Fortune. AVIGNON. Le 17 avril à 14h30 et les 19 et 21 avril à 20h30. Opéra 04 90 82 81 40 www.operatheatredavignon.fr

Frederic Antoun © X-D.R.

SYMPHONIQUE Guitariste En hommage à Henri Tomasi, Emmanuel Rossfelder, l’un des guitaristes majeurs de sa génération, interprète son Concerto de guitare à la mémoire d’un poète assassiné, F. G. Lorca, mais aussi le «tube» destiné à son instrument, signé Joaquin Rodrigo : le Concerto d’Aranjuez pour guitare et orchestre. L’orchestre municipal joue également Le Carnaval Romain, ouverture, op. 9 de Berlioz et Le Lac des Cygnes, suite de ballet de Tchaïkovski. MARSEILLE. Le 14 mai. Opéra 04 91 55 11 10 www.marseille.fr


Cello

Liszt et Messiaen

La violoncelliste Sonia Wieder-Atherton joue Cello pour violoncelle et orchestre de Pascal Dusapin et les Variations sur un thème rococo de Tchaïkovski, quand l’O.L.R.A.P. interprète la 1ère symphonie de Brahms (dir. Alexander Vakoulsky)

Intitulé L’amour, la prière, le concert donné par la formidable soprano Lydia Mayo, Roland Conil au piano et Alain Timar en récitant, met en lumière deux compositeurs pour qui la foi et la passion amoureuse ont joué des rôles essentiels dans leur création artistique : Franz Liszt et Olivier Messiaen. Des convergences spirituelles troublantes se tissent où le visible et l’invisible, la matière et l’esprit cherchent constamment un point d’équilibre !

AVIGNON. Le 29 avril. 04 90 82 81 40 www.operatheatredavignon.fr

AVIGNON. Le 7 mai à 21h. Théâtre des Halles 0 892 68 36 22 www.theatredeshalles.com

Lieder Sophie Oinville (soprano), Ariane Stamboulidès (alto), Alain Geng (clarinette) et Brigitte Grosse (piano) interprètent Le Pâtre sur le rocher de Schubert et des Valses de Brahms. MARSEILLE. Le 16 avril à 17h Opéra 04 91 55 11 10 www.marseille.fr

Lyrique Dans la foulée de la Master-class autour de Carmen de Bizet, animée par Marie-Ange Todorovitch, on entend Lucile Pessey (soprano), Cyril Rovery (baryton), Catherine Galland et Ludovic Selmi au piano, dans des mélodies, airs et duos d’opéras de Mozart, Fauré, Liszt, Duparc ou Verdi… MARSEILLE. Le 16 avril. Auditorium de l’Hôpital St-Joseph 06 79 34 81 66 www.operatheatrepourtous.com

Mélodies Marie-France Arakélian accompagne au piano le ténor Marc Filograsso dans un récital de mélodies françaises de Gabriel Fauré et des romances Paolo Tosti. Sonia-Wieder Atherton © X-D.R.

Piano

Alain Planès interprète le 1er concerto de Chopin en compagnie de l’Orchestre Lyrique de Région AvignonProvence (dir. Shinick Hahm) qui joue également la 39e symphonie de Mozart. AVIGNON. Le 5 mai. Opéra 04 90 82 81 40 www.operatheatredavignon.fr

MARSEILLE. Le 6 mai Mairie des 13e et 14e arr. (Entrée libre)

Orgue Bernard Foccroulle, organiste et directeur du Festival d’Aix joue Bach. AIX. Le 11 mai à 15h (dès 7 ans) et le 12 mai à 20h30 – Eglise Saint-Jean de Malte. 04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net Bernard Foccroulle © Pascal Victor - ArtComArt

Pianos L’ensemble Anima eterna de Bruges dirigé par Jos van Immerseel (au piano également) joue le Boléro de Ravel, le Concerto pour deux pianos (avec Claire Chevallier) de Poulenc et Un américain à Paris de Gershwin. AIX. Le 18 mai GTP. 04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net

RECITALS Salon Baroque Les Bijoux Indiscrets affichent un Concert pour Mary : des œuvres de Purcell par la soprano Ruby Hughes (direction musicale Claire Bodin). TOULON. Le 3 mai à 19h. Opéra, Foyer Campra 04 94 93 03 76 www.operadetoulon.fr


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MUSIQUE

AU PROGRAMME

Orgue (bis)

CONTEMPORAIN

Sur l’instrument reconstruit, Jean-Paul Imbert joue des pièces de Cochereau, Clérambault, Widor, Vierne, Franck.

Festival Les musiques sont une manifestation majeure vouée à la création musicale contemporaine (voir p.6) : des installations sonores, concerts, récitals, performances chorégraphiques, rencontres, film, spectacle jeune public, dans une multitude de lieux marseillais. Au cœur du festival, on ne manque pas la création de Bacchanales d’Alexandros Markéas (le 6 mai à 18h30 et 21h30 Friche de la Belle de mai – Cartonnerie) faisant appel à près de 300 exécutants issus d’ensembles professionnels et amateurs de la région : Musicatreize, Proxima Centauri, L’Itinéraire, Orchestre des Jeunes de la Méditerranée, Orchestre de la Timone, Chœur Cité de la Magalone (Cité de la musique), Chœur Philharmonique de Marseille, Chœur contemporain, Atelier Polyphonique du Var, Chœur de la Timone, Chorales de l’Université de la Méditerranée, Chorale de l’APHM, Chœur des Docks de Marseille, Chœur ProMusica (avec les soutiens de Marseille-Provence 2013).

MARSEILLE. Le 16 mai– Eglise Notre-Dame-du-Mont. 04 96 11 04 61 www.marseilleconcerts.com

Satie’sfaction EsotErik ! La pianiste Amandine Habib accompagne la soprano Lucile Pessey dans un spectacle fantaisiste bâti autour d’opus d’Erik Satie (La diva de l’empire, Je te veux, quelque Gymnopédie ou Gnossienne, Sport et divertissement…) mis en scène par Myrtille Buttner d’après les Mémoires d’un amnésique. MARSEILLE. Le 14 mai à 21h Station Alexandre 04 91 00 90 00 www.station-alexandre.com

CHAMBRE

MARSEILLE. Du 4 au 14 mai. GMEM 04 96 20 60 10 www.gmem.org

À cinq ! Emmanuel Pahud (flûte), Paul Meyer (clarinette), Eric le Sage (piano), Guy Braunstein (violon) et Zvi Plesser (violoncelle) jouent des pièces de musique de chambre d’Haydn, Schubert, Zemlinsky, Korngold, Berg, Schoenberg/Webern (Kammersymphonie).

Le chant des basses L’Ensemble Télémaque poursuit sa collaboration avec Musiques Nouvelles Bruxelles Mons et De Ereprijs Amsterdam Apeldoorn et inaugure une coopération européenne (ECO, voir p32) dans l’objectif de Marseille Provence 2013. Des violoncellistes de ces prestigieuses formations musicales fusionnent leur talent dans des pièces de Jean-Louis Florentz, Jean-Paul Dessy, Giacinto Scelsi et une création pour quatuor de violoncelles de Lionel Ginoux… MARSEILLE. Le 15 avril à 19h. ABD Gaston Defferre – Entrée libre 04 91 08 61 00 www.ensemble-telemaque.com

ANCIENNE Pascal L’ensemble Baroques-Graffiti interprète les Leçons de Ténèbres de Couperin et Delalande avec Benedicte Pereira (soprano), Agustina Merono (viole de gambe), et Jean-Paul Serra (orgue). AIX. Le 15 avril Chapelle des Oblats MARSEILLE. Le 16 avril Eglise St-Théodore 09 51 16 69 59 www.baroquesgraffiti.com

Dessy par là

AVIGNON. Le 3 mai. Opéra 04 90 82 81 40 www.operatheatredavignon.fr

Les Ménestriers L’ensemble dirigé par Henri Agnel présente Chants des Juifs du Moyen-Âge et de la Renaissance avec Milena Jeliazkova (soprano) et Milena Roudeva (alto) aux sons des cétéra, harmonium, oudou, zarb, rebec…

Chiaroscuro Le quatuor formé à Londres en 2005 joue Mozart dont les Quatuors en mi bémol majeur K.428 et «Les Dissonances» K.465.

LES BAUX-DE-PROVENCE. Le 17 avril à 17h30 La Citerne 04 90 54 34 39

AIX. Le 2 mai. Jeu de Paume 04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net

Anciennes ?

Parisii Le quatuor français joue Haydn (Quatuor «Lever de soleil»), Schumann (Quatuor n°3) et Debussy (Quatuor en sol mineur).

Jean-Paul Dessy © Isabelle Francais

Le théâtre des Belges en Avignon consacre une journée à la musique sacrée contemporaine avec le compositeur, chef d’orchestre et violoncelliste Jean-Paul Dessy, directeur artistique de l’ensemble Musiques Nouvelles (Mons, Belgique).

TOULON. Les 10 et 11 mai. Collège La Marquisanne. 04 94 18 53 07 www.festivalmusiquetoulon.com Quatuor Parisii © X-D.R.

AVIGNON. Le 7 mai à 17h30 Conférence Musique et Sacré (entrée libre) et Concert à 20h30 Liturgie du Son pour Violoncelle Seul Théâtre des Doms. 04 90 14 07 99 www.lesdoms.be

Composite L’ensemble vocal Musicatreize et le Chœur contemporain, dirigés par Roland Hayrabedian, entremêlent les répertoires, les styles et les époques en interprétant, dans un programme avec orchestre, le Magnificat de Bach, la Symphonie des Psaumes de Stravinsky et le Contrapunctus 19 de l’Art de la fugue revisité par Luciano Berio. AIX. Le 13 mai. GTP. 04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net

Guy Laurent élargit régulièrement, au delà du baroque, le répertoire patrimonial qu’il a l’habitude de mettre en valeur avec les Festes d’Orphée. Ainsi entend-on des polyphonies corses par le quatuor A Murella (le 6 mai– Temple de la rue de la Masse). L’Ensemble Romantique des Festes d’Orphée présente un programme autour du musicien natif de Cadenet et jeune maître de Chapelle à St-Sauveur : Félicien David. (le 10 mai - Musée des Tapisseries). On invite aussi, comme de coutume, l’Académie du Tambourin pour une rétrospective des œuvres de Maurice Guis (le 17 mai à 19h – Temple de la rue de la Masse). AIX. 04 42 99 37 11 www.orphee.org

Café Zimmermann La formation instrumentale de Céline Frisch (clavecin) et Pablo Valetti (violon) joue des concertos pour violon, hautbois et des «brandebourgeois» de Bach. MARTIGUES. Le 14 mai. Salins 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr


© X-D.R

Sacrément populaire Le Festival de musiques sacrées de Marseille en est à sa seizième édition, et repose toujours sur les mêmes principes : il s’agit de faire entendre dans les églises marseillaises, et en particulier l’église Saint Michel, des concerts «d’inspiration religieuse» : Jeanine Imbert, adjointe au maire en charge de l’opéra, note qu’il s’agit «d’un festival très populaire, qui regroupe plus de 7000 personnes chaque année et produit une véritable effervescence.» Elle ajoute que «les prêtres sont très demandeurs et le festival remplit les églises de personnes qui n’ont pas pour habitude de s’y rendre.» Maurice Xiberras précise qu’il ne s’agit pas «de programmer de la musique liturgique» mais de s’intéresser pour des raisons artistiques à ce répertoire chrétien «d’une grande théâtralité». L’acoustique des églises interdisant les très gros effectifs pour des problèmes de réverbération du son, le Festival de musique sacrée programme essentiellement des œuvres des XVIIe et XVIIIe siècles (Haendel, Haydn et Mozart), ou des œuvres plus récentes pour voix solistes, chœur et orchestre plus modeste (Dvorak et Brahms). S’ouvrant par ailleurs aux musiques du monde, il reprend la Missa Criolla (1964) d’Ariel Ramirez. Les ensembles invités sont donc Los Calchakis et le King’s Consort, ainsi que le Chœur régional PACA, auxquels bien sûr s’adjoindront le chœur et l’orchestre de l’opéra de Marseille, et de grandes voix solistes, de Nathalie Manfrino à Hye Myuing Kang. Les élèves avancés du Conservatoire National de Marseille se produiront par ailleurs, gratuitement, dans de nombreuses églises marseillaises. Un Festival qui, outre le talent des professionnels qui s’y produisent, est fondé sur la bonne volonté des amateurs qui y participent, et celle de l’opéra qui y associe deux de ses productions. Et bien sûr sur le soutien de la Ville de Marseille qui prend en charge la technique et le fonctionnement, et consacre 140 000 € à l’artistique. Pour offrir aux Marseillais des concerts symphoniques et lyriques d’une grande qualité, à 11 €… AGNÈS FRESCHEL

À noter Le concert de l’Orchestre Philharmonique de Marseille dirigé par Luciano Acocella, avec la soprano Nathalie Manfrino et le baryton Marc Barrard constitue un moment clé du festival ! Il faut dire que l’on entend, en ouverture de la manifestation, un chef-d’œuvre du genre : Un requiem allemand de Brahms (le 29 avril). Le festival se poursuit avec le Stabat mater de Dvorak interprété par l’Orchestre Philharmonique et le Chœur Régional PACA (la survie de ce chœur, essentiel à la vie musicale régionale, est menacée du fait d’une coupe drastique de ses subventions !), Marie-Paule Dotti (soprano), Elodie Méchain (mezzo-soprano), Calin Bratescu (ténor) et Dmitry Ulyanov (basse) dirigés par Claire Gibaul (le 6 mai). On entend ensuite une Misa Criolla sud américaine jouée par le Groupe Los Calchakis (dir. Hector Miranda) et le Chœur de l’Opéra de Marseille (dir. Pierre Iodice – le 11 mai) MARSEILLE. Concerts à 20h30 à l’église St-Michel. Jusqu’au 1er juin 04 91 55 11 10 -www.marseille.fr


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MUSIQUE

AIX Théâtre et Chansons : Soirée Tremplin Jeune Talent avec Les amis de Camille (15/4), Flagrant delice (14 et 15/5), stage jeunes chanteurs pour les 12-17 ans animé par David Flick (du 25 au 29/4) 04 42 27 37 39 www.theatre-et-chansons.com

ARLES Cargo de nuit : Pigeon John (15/4), Elista (16/4), Malik Bentalha se la raconte (19/4), Birdpen (28/4), Rave, story of dream (6/5), Zaa Fournier (13/5), Abdelkader Secteur (17/5) 04 90 49 55 99 www.cargodenuit.com

Les Suds : Journée festive à Mas Thibert : vernissage de l’exposition de calligraphie arabe d’Abdou Amri Zahri, concert de Fouad Didi et l’Orchestre Tarab (30/4) 04 90 96 06 27 www.suds-arles.com

AUBAGNE MJC L’Escale : La Canaille, Iraka (29/4), Rocca, Ksir Mazoka (6/5), Moussu T, Elvas (13/5)

AU PROGRAMME Bradd Band, Royal Fato Combo (6/5), Slam n’Jam (12/5), Applause, Andromakers (13/5), Fishbone, Lemmings (18/5) 04 90 22 55 54 www.akwaba.coop

04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com

GRANS Espace Robert Hossein : Né dans un piano avec Patrick Chamblas, Cotton Candies, projection du film Les Virtuo-ses (15/4) 04 90 55 71 53 www.scenesetcines.fr

GRASSE Théâtre : Monde nouveau, monde ancien avec Fred Nevchehirlian (13 et 14/5), 1res Rencontres des Musiques du Monde avec le Deba des femmes de Mayotte, Françoise Atlan et l’ensemble Tarab, A Filetta, Tekameli, chants sacrés gitans et Renaud Garcia Fons (du 15 au 19 avril) 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com

04 42 10 23 60 www.forumdeberre.com

BRIANÇON Le Cadran : Slonovki Bal (15/4) 04 92 25 52 52 www.theatre-le-cadran.com

CAVAILLON Grenier à sons : Karimouche (16/4), Ambrose Akinmusire (13/5) 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com

CHÂTEAUNEUF-DE-GADAGNE Akwaba : Clinton Fearon, Madjahpol (23/4), Viva and the diva, les Robertes, Juliette Dragon (30/4), Young Blood

Espace Julien : Temenik electric, Naïas (15/4), Gospel Origins (16/4), OK Bonnie (21/4), The Congos & the Abyssinians (25/4), Nitwits (29/4), Iraka (30/4), Popa Chubby, Hoffmann, Family blues experience (3/5), Skank (6/5), 30H!3 (17/5), Capoeira jazz (19/5) 04 91 24 34 10 www.espace-julien.com

La Machine à Coudre : Flying Over (16/4), Shiva and The Deadmen (26/4), Irritones, The Neon Maniacs, The Calvities (29/4), P38, Unfit, Bombardiers (30/4), Thee Oh Sees (9/5), Motto, Schnaak, Naanta Hozindar (19/5) 04 91 55 62 65 www.lamachineacoudre.com

Le Paradox : Dub 4, Nothing to scratch (14/4), WaaterproOf invite Pr Babacar (15/4), Klyde (17/4), Gagadilo (22/4)

L’Embobineuse : Das simple, Bex, Bim Johnson, Felix Fujikkkoon (15/4), The Legendary Pink Dots, [bleu], Philippe Petit dj (22/4), Sushisooshamp, Morgomix, Panarash (23/4), Qa’a, Conger! Conger! (30/4), Victims Family, Fat 32, Gregaldur (31/5)

04 42 18 19 88 www.aubagne.com

BERRE L’ETANG Forum des jeunes : Quatuor Manfred (15/4)

Dôme : Soprano (14/5)

04 91 63 14 65 www.leparadox.fr

Comœdia : Barber shop (7/5)

04 90 89 45 49 www.passagersduzinc.com

04 91 99 00 00 www.dock-des-suds.org

04 91 12 21 21

DRAGUIGNAN Théâtres en Dracénie : Sabar ring (6/5)

04 42 18 17 17 http://mjcaubagne.free.fr

AVIGNON Les Passagers du Zinc : Cocoon (14/4), Philippe Katerine, Séverin (15/4), Dub Inc (16/4), Hilight Tribe, dub Welders (22/4), Zone libre vs Casey & B. James, Jesus is my girlfriend (23/4), release party : Jungle fever, Corleone (29/4), Brigitte, Benjamin Paulin (6/5), Medi, Phyltre (7/5), Les Têtes Raides, Ours (14/5)

Dock des Suds : Chinese Man (14/4), Massilia sound system (15/4), Zazie (7/5)

Deba © Aurelia Sevestre

HYÈRES Espace 3000 : Tiken Jah Fakoly (14/5) 04 94 58 48 43

ISTRES L’Usine : Camelia Jordana et L (15/4), Mademoiselle K (16/4), Malik Benthala (20/4), Les ogres de Barback et Macadam Bazar (22/4), Tremplin découverte chanson (29/4), Tremplin découverte rock (30/4), Syd Matters, Ours (13/5), Abdelkader Secteur (19/5) 04 42 56 02 21 www.scenesetcines.fr

MARSEILLE Cabaret Aléatoire : Scratch bandits crew, MC2, Flore, 9th cloud, Human E.T crew (15/4), Aphrodite, High Rankin’, Kafra, Habstrackt, Human E.T crew (16/4), Gentleman and Evolution Band (17/4), Kill the young, Dum dum girls, Lafayette (23/4), Erol Alkan (30/4), Grandmaster Flash (6/5), Afrika Bambaataa, Comic Strip, Nothing to Scratch (13/5), Fred Wesley and the new JBS (14/5), Fishbone (16/5) 04 95 04 95 09 www.cabaret-aleatoire.com

04 91 50 66 09 www.lembobineuse.biz

Toursky : Chante plume avec Viviane Montagnon dans le cadre du Festival Mai-diterranée (10/5), Gaza on n’oublie pas : grande soirée de soutien au peuple de Gaza (19/4) 0 820 300 033 www.toursky.org

Espace Mélodie (saison culturelle des Lices) : Génération Woodstock (30/4) 06 09 54 34 82

Ushpizin : 1er Festival de musique et contes Indo-persan : Door Mohammad Keshmi (14/5 au Théâtre Sylvain), Guilda Chahverdi (15/5 à la Salle des Lices), Arshad Ali Khan (29/5 à la Salle des Lices) 04 96 11 04 61 www.ushpizin.org

Association Les Vallonés : 7e Rencontres du Festival Chorales : les Voix de la Mer (17/5 au Frioul) 06 20 17 21 28 http://lesvallones.com

MARTIGUES Les Salins : Karimouche (15/4), Incisifs

#3 : Mekanik Kantatik, Mike Ladd (12/5) 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

MIRAMAS Théâtre La Colonne : Marc Lavoine en acoustique (11/5) 04 90 58 37 86 www.scenesetcines.fr

NÎMES Théâtre : concert D’de Kabal, Mike Ladd et Doctor L (22/4) 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

OLLIOULES Châteauvallon : Le Trio Joubran (21/5) 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

SALON-DE-PROVENCE Portail Coucou : Gary Greu (16/4), Hushpuppies (23/4), Laids crétins des Alpes, Apple Juice (7/5), Double Nelson (13/5), M.A.G, Section AK 13, Wahed Tleta, Scotcho (21/5) 04 90 56 27 99 www.portail-coucou.com

Cie Caravane et associés : Le Dernier tour de clef, conte musical sur la condition des sans papiers joué sous tente (7/5 à 11h et 16h30 sur le parking derrière la bibliothèque) 06 20 42 94 43 http://caravaneetassocies.org

TOULON Oméga Live : Alf + guest (15/4), Zoo electro : Para one, Surkin (16/4), Fishbone (12/5), Oil Carter, God Damn, Martins (14/5) 04 98 070 070 www.tandem83.com

VAR Tandem : Faveurs de printemps à Hyères : Jesse Sykes & The sweet Hereafter, Oh ! Tiger mountain feat. Kid Francescoli (5/5 au Théâtre Denis), Troy von Balthazar, Arch Woodmann (6/5 au Théâtre Denis), plateau Kütu Folk records (7/5 au Théâtre Denis), Twin Apple (5/5 à l’église anglicane), Stranded Horse (6/5 à l’église anglicane), Zak Laughed (7/5 à l’église anglicane) 04 98 070 070 www.tandem83.com

VENELLES Salle des fêtes : Plateau partagé Usthiax / Coko (7/5) 04 42 54 71 70

BEAUMONT-DE-PERTUIS Arc en Sol : 7e édition des Sons du Lub’ : concerts et animations, bourse aux instruments (22/5) 06 23 68 22 81 www.arcensolasso.fr


MUSIQUE 39

AGEND’JAZZ ARLES Méjean Festival Jazz in Arles 16e Edition Brigitte Engerer & Guillaume De Chassy (15/5) Concert Surprise (16/5) Enrico Rava & Stefano Bollani (17/5) Tout-Ut (18/5 Pl. Massillon) Oliva-Raulin-Folz-MonniotBoisseau 5tet Little Nemo (18/5) Mansuy-Rampal-Di Fraya-Decrouy 4tet Vertigo Songs (19/5) Favre-Boclé-Jannuska trio et Eric Watson (20/5) Django et rien d’autre Apéro-concert (21/5 Pl. Massillon) Loeffler-LaffontRabuffetti-Oustiakine 4tet manouche Django et rien d’autre (21/5) 0490 495 678 www.lemejean.com

Le Boatel (péniche) Duo Jazz&Swing (29/4) 06 08 605 324 www.leboatel.com

AUBAGNE MJC L’Escale Les Jeudis de L’Escale : Café-Jazz avec le trio LaDiMa tous les 3e Jeudis du mois et Soirée-Bœuf tous les 2e jeudis du mois 04 42 181 717 www.mjcaubagne.fr

Château des Creyssauds Histoire du Swing Trio Jazz Manouchge (30/4) Jazz Be-Bop-Swinging Papy’s (4/5) 04 91 248 445 www.creissauds.com

AVIGNON AJMI MELC 4tet (22/4) Jazz Story N°5 Sonny Rollins (28/4) Marjolaine Reymond 4tet (29/4) Sylvain Cathala trio (6/5) Raphaël Faÿs sextet Flamenco (12/5) 04 90 860 861 www.jazzalajmi.com

DRAGUIGNAN Théâtres en Dracénie Sabar Ring (6/5) 04 94 50 59 50 www.theatresendracenie.com

MARSEILLE Cité de la Musique Film docu Nas Rodas de Choro (6/5) Choro Sorrindo (6/5) Session Rroda de Choro ouverte à tous (6/5) Isabelle CourroyShadi Fathi duo (12/5) Film docu Hâl (13/5) Quatuor persan (12/5) Pythéas 2011 Le voyage musical (19 et 20/5) Chat noir et divan japonais Caf’Conc (5/5) Duo Antoine Illouz-Olivier Louvel (16/5) Scène Jazz – Jam session (23/5) 04 91 392 828 www.citemusique-marseille.com

Espace Julien Skank (6/5) Capoeira Jazz (19/5) 04 91 24 34 10 www.espace-julien.com

Cabaret Aléatoire Enjoy Festival (16/4) Young Blood Brass Band (7/5) Fred Wesley & the new JBS (14/5) Fishbone (16/5) Brooklynn Funk Essential (21/5) 04 95 049 509 www.cabaret-aleatoire.com

Cri du Port Mark Turner & Baptiste Trotignon duo (14/4) 04 91 504 151 www.criduport.fr

Inga des Riaux Jazz à Cinq (15/4) Juste un Swing (22/4) Underground Project (29/4) Fabienne Zaoui E Beijo musica do Brasil (6/5) Pierre Bruzzo 4tet (13/5) Romantic Chet (20/5) 06 07 575 558 www.inga-des-riaux.fr/music.html

Le Paradox Big Fish (12/4) Afrotropical Party 4 (15/4) Carnaval do Brasil (16/4) Clair de Lune trio (20/4) Gagadilo (22/4) 04 91 631 465 www.leparadox.fr

Air clandestin

Attention ! On ne respire plus ! La fiction parfois précède la réalité, et le propos du Concert interdit fait frémir : dans un monde futuriste plus que pollué, l’air respirable est rationné et les instruments à vent, grands consommateurs d’air sont interdits… Les spectateurs entrent dans une salle enfumée et voient débouler entre scène et écran vidéo des musiciens affolés qui se lancent dans un concert clandestin jubilatoire et poétique où tuba, cor et trombone donnent la réplique aux trompettes. Chorégraphies humoristiques, solos inspirés, valse lente et poétique, jazz débridé

(tout est dans la perruque !), un travail très fin aux percussions… Sur un paysage de fin du monde, avec des passages de pub qui éveillent de drôles d’échos, «Grâce à la banque d’oxygène, maîtrise sécurisé de votre respiration»… Là-dessus, des airs qui ont quelque chose de Nino Rota… Que ces moments interdits sont délicieux ! MARYVONNE COLOMBANI

Le concert interdit par Odyssée ensemble & cie a été donné le 26 mars au complexe culturel de Simiane

Babel Med

ne connaît pas la crise

Théâtre de la Criée Claude Basso, G Murphy, H.Rousselet, F.Menillo - Autour de Django (15/4) 04 96 178 031 www.theatre-lacriee.com

Planet Mundo K’fé Jam Session Jazz tous les Mercredis à 21h30 et Jam World Music tous les Vendredis à 21h30 04 91 92 45 72

Roll’ Studio Standard de nuit (9/4) Nuit de l’Instant; l’une des Librations-Projection film de 26 min de Olivier Grossetête avec improvisation musicale en soirée de Emmanuel Soulignac à la contrebasse (15/5) Duo Thierry Maucci/Christian Brazier (16/4) Hommage à Brassens avec Christian Lanet trio (30/4) Mariannick Saint Céran trio (7/5) Yves Laplane 4tet (14/5) 04 91 644 315 www.rollstudio.fr

SALON Salon de Musique / IMFP Gérard Poncin trio (3/5) Theâtre &Musique (9/5) Fabrice Tarel Trio (10/5) Marco Campo 4tet (17/5) et aussi Jam sessions les lundis et mercredis de 19 à 23h00 04 90 531 252

VITROLLES Moulin à Jazz Sylvain Cathala trio (7/5) 04 42 796 360 www.charliefree.com

Watcha Clan © Agnes Mellon

L’événement marseillais s’impose dans l’agenda international Marché professionnel le jour, festival la nuit. Babel est devenu incontournable dans un secteur qui résiste mieux que d’autres à la crise de l’industrie du disque. Pour sa 7e édition, la formule atypique a attiré davantage de spectateurs (15 350) et de professionnels que les années précédentes. «Ce sont les gros profits qui connaissent une crise. Nous, nous sommes des PME-PMI, structurées en réseau, qui peuvent programmer dans une multitude de petits lieux. Notre chance est que le grand business ne s’est pas encore intéressé à ce créneau» explique Bernard Aubert, directeur artistique de la Fiesta et de Babel. Mais la clé de voûte de ce relatif dynamisme reste la scène. Car la world music est basée sur le spectacle vivant, et non conditionnée par le marché du divertissement. Elle répond aussi à une recherche d’éthique de la part du public. «Il y a une demande d’authenticité, de créativité, de projets qui ne sont pas formatés. Ce public réfléchit à ce qu’il consomme, sa démarche s’inscrit dans une qualité de vie» analyse Corinne Serre, productrice-tourneuse de pointures com-

me Salif Keita ou Papa Wemba. Les musiques venues d’ailleurs donnent matière à une réflexion plus politique. En véhiculant des notions comme la mémoire, le patrimoine, l’identité ou la transmission, elles se situent au cœur des questionnements d’une mondialisation à double tranchant. Autour des étoiles locales montantes comme Kabbalah remplissant allègrement la salle des Sucres et les Watcha Clan enflammant littéralement un Chapiteau survolté, la réunionnaise Christine Salem et les transalpins Canzoniere Grecanico Salentino ont su conforter la dimension éclectique de ce rendez-vous multiculturel, inégal mais festif, dans un lieu propice au brassage des gens et des genres, sinon à l’écoute musicale. De plus, à l’initiative de la Région, une découverte initiatique était proposée à des lycéens entre rencontres artistiques (Trio Fernandez, Edmond Mondesir), économiques, autour des différents acteurs de l’industrie du disque, et préventive sur les risques auditifs. Une belle façon d’allier éducation et ouverture sur le monde, même si apprendre à écouter de la musique trop fort mais avec des bouchons reste un brin surréaliste... THOMAS DALICANTE ET FRÉDÉRIC ISOLETTA


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MUSIQUE

ACTUELLE

Le Jazz est Noir !

Fable arménienne Lorsqu’un piano à queue est installé dans le chœur de l’Abbaye de Saint Victor, doit-on s’attendre à côtoyer les anges ? Tigran Hamasyan, pianiste d’origine arménienne qui vit aujourd’hui à New-York est assis au clavier devant nous, et transporte son auditoire progressivement mais sûrement. Ses compositions prennent racines dans la tradition musicale d’Arménie mais se nourrissent aussi de musique classique, qu’il connaît très bien, et épousent les principes compositionnels du jazz. Au thème et à ses improvisations s’ajoutent une profusion de motifs qui se développent, se complexifient dans une rapidité d’exécution remarquable. On a l’impression d’entendre plus de deux mains jouer ! Puis la tension descend, libératrice, laissant les cœurs au paroxysme de l’émotion. Son dernier CD est une merveille qui ne se livre pas forcément à la première écoute mais s’immisce

© Dan Warzy

invariablement dans notre âme. La musique humble de Tigran Hamasyan se mérite. DAN WARZY

Ce concert s’est joué à l’Abbaye Saint Victor à Marseille le 8 avril CD : Tigran A Fable Label VERVE / Universal Music France

© Dan Warzy

La formule du 5tet, évoquant celle de Miles Davis, est chère à Wallace Roney. Véritable encyclopédie vivante, ce trompettiste d’à peine 50 ans a enrichi son art auprès des plus grands, il dit que ses «père et mère» spirituels sont respectivement Miles et Thelonius Monk ! Son concert exceptionnel était empreint d’une énergie magistrale : la contrebasse attaque avec un rendu de basse électrique, le piano envoie des motifs façon riffs jusqu’à la tétanie, la batterie excitée déborde d’agressivité, la trompette progresse en escalier, montant et descendant dans une aisance de jeu surprenante de puissance. La sourdine n’est pas de mise ici ; les chromatismes sont relayés par le saxophone dans le même esprit. La musique du 5tet ne repose pas sur des thèmes lisibles, les structures sont bien éloignées d’un jazz classique, et les longs chorus obligent chacun des musiciens à se vider littéralement. DAN WARZY

Le quintet de Wallace et Antoine Roney (sax. ténor & soprano), Aruán Ortiz (piano) Rashaan Carter (contrebasse) Kush Abadey (batterie) a joué au Cri du Port le 23 mars

Enjambées pour Fêlés du Caisson

C’est un saut dans les débuts de l’histoire du jazz que nous ont proposé Stephan Oliva et François Raulin. Deux pianos à queue sont imbriqués l’un dans l’autre pour un jeu de face à face, comme dans les joutes musicales des sessions de piano stride des années 20, nourries de ragtime et de l’influence de Fats Waller ou James P. Johnson. Une révolution du rythme qui va progressivement donner naissance au jazz. Ce concert est aussi un hommage à Lennie Tristano. Debout, la tête dans leur piano, ils jouent Mequier (requiem en verlan), au ton grave, aérien. Les cordes pincées ou frôlées évoquent clavecins ou psaltérion. Les doigts courent sur les claviers, synchro, en syncope, en contrepoint. Leur longue complicité, évidente, ne manque pas de cet humour de la connivence. Un moment délicieux, que nous retrouverons à Arles dans Little Nemo, leur prochain spectacle.

© Dan Warzy

Ce spectacle a eu lieu aux ABD Gaston Deferre le 18 mars

DAN WARZY

Finesse et lyrisme © Dan Warzy

C’est un concert dans une ambiance intime mais non dépourvue d’énergie, qui s’est joué avec la pianiste Perrine Mansuy. Le programme musical était issu de son CD Mandragore et noyau de pêche, et de quelques compositions nouvelles telles Rivière-Lune en hommage au plasticien Land Art Andy Goldsworthy ou encore Xanadu. Jean-Luc Di Fraya, à la batterie, a fait preuve d’une remarquable perception et a su apporter toute son expérience pour faire vibrer en phase ce trio. Et Éric Surménian fut éblouissant avec

sa contrebasse, dans des chorus inspirés et tout en finesse. La musique de Perrine Mansuy, empreinte de rondeurs et de lyrisme, ne cherche pas à déployer dans la vélocité mais privilégie l’expression qui, dans le temps, envahit l’atmosphère. DAN WARZY

Ce concert s’est déroulé à La Cité de la Musique à Marseille le 4 avril


MUSIQUE

Made in France ! Entre nouveaux talents et stars confirmées, le festival Avec le Temps a fédéré un public plus hétérogène que jamais

Remplir la salle du Dock des Suds, bel exploit accompli sans complexe par Ben L’Oncle Soul ! Affluence record pour un concert annoncé d‘une soul made in France, populaire et grand public. Le spectacle, à l’avenant, a été servi par une formation nombreuse, organisée très proprement (parfois trop), répétant à l’envi quelques chorégraphies rappelant celles des Supremes et jouant d’astuces d’animations de groupes pour poser l’ambiance. Celle-ci, bon enfant et très légère, a su rassembler tous les âges dans une étrange frénésie de surpriseparty des années 60. Si les prestations vocales de cet oncle Ben restent en deçà des attentes d’une soul dont il se veut le chantre français, les bonnes intentions débordent de tous côtés. Cette soul-là manque peut-être d’âme mais regorge du plaisir des musiciens et danseurs, qui assurent le spectacle avec brio. Le public rassemblé autour de cette fausse nostalgie s’amuse et danse, sans prétention, répétant les paroles dont les radios et émissions musicales télévisées n’auront pas manqué d’abreuver leurs oreilles, rappelant que l’esprit de la Motown s’est forgé lui aussi dans un souci de promotion exacerbée. Tonton Ben fait danser ses ouailles tout au long d’un spectacle cadré. Formaté peut-être, mais efficace ! L’étoile montante ZAZ et sa troupe de musiciens ont prouvé que les jeunes d’aujourd’hui n’écoutent pas que de la musique électronique, du rap et R’nB. La salle de l’Espace Julien débordant de spectateurs a accompagné avec ferveur les refrains déjà célèbres de la toute jeune trentenaire. Découverte il y a 4 ans, mais révélée seulement en 2010 avec son premier single Je te veux, celle qui a déjà trois albums à son actif a donné le rythme et le ton tout au long de la soirée dans une ambiance festive et communicative. Dans la même salle, ceux qui ont tracé leur route depuis plusieurs décennies ne se sont pourtant pas

Ben l'Oncle Soul © X-D.R.

Zaz © X-D.R. Pigalle © X-D.R.

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fait chiper leur public. En témoigne l’engouement qu’a suscité le concert de Pigalle. Dans un parterre chauffé à blanc par la troupe bondissante mais pléthorique des Hurlements d’Léo, le très attendu François Hadji-Lazaro et ses non moins légendaires bretelles ont tenu en haleine deux heures durant les fidèles de la première heure comme les nouveaux adeptes. Devant son instrumentarium délirant et inattendu, le multi-instrumentiste de Pigalle à la logorrhée gouailleuse a usé vielle à roue, violon, flute traversière… Toujours aussi populaires, les ex Garçons Bouchers ont réchauffé les jeunes et les moins jeunes dans un univers sonore qui leur est propre. Pour dire qu’avec le temps, tout ne s’en va pas ! PASCALE FRANCHI, ANAÏS LASNIER ET FRÉDÉRIC ISOLETTA

Avec le Temps s’est déroulé du 13 au 23 mars à Marseille

Joan Baez :

une voix qui compte Septuagénaire élégante, la Dame est là : jean, bottines, chemisier blanc, longue écharpe. 3000 personnes l’accueillent ! Applaudissements fournis, sans hystérie. Un seul musicien l’accompagne, assurant les accompagnements au banjo, violon, clavier avec talent et simplicité. Un ballet incessant de guitares traverse la scène pour un très beau plaisir acoustique : un accompagnement solide à la main gauche, plectre assurant des basses veloutées et des harmonies très blues, trois, quatre accords, mêlés de

chromatismes audacieux. Elle enchaîne ballades, songs country, folk, rend hommage. Avec les tubes, bien sûr, Farewell Angelina (1965) du complice Dylan, Young woman de son premier album. La voix est toujours ample et soutenue dans les graves. Le sublime Diamonds and Rust offre des aigus fragiles, et Joan étant octavie avec subtilité… mais un usage intelligent de la voix de tête permet la maîtrise des aigus. D’une ballade tendre pour sa mère de 99 ans Hey Jesse, it’s lonely, come home,

on avance vers un moment fort adressé aux amis tunisiens et voisins : elle chante en arabe Jari Ya Hammouda de Ahmed Hamza, et le public aux anges retrouve sa combattante ! Gracias a la vida dans un bel espagnol anime la foule solidaire comme un Tous ensemble de manif ! Après House of the Rising Sun très maîtrisée, elle se lance dans un quatuor majeur : le Déserteur de Vian, adressé à Barak Obama et à tous les Présidents, Imagine de Lennon, Blowin’ in the wind de Dylan, avant

l’apothéose, incontournable Here’s to you, hommage à Sacco et Vanzetti repris par 3000 unissons. Joan Baez a pris de la hauteur, mais enflamme toujours : féministe, pacifiste, hurlant les injustices, sa VOIX est toujours écoutée. YVES BERGÉ

Le concert de Joan Baez a eu lieu au Dôme, Marseille, le 6 avril


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CAHIER JEUNESSE

RENCONTRE DU 9E ART | ARTESENS | SUR LA PLACE |

BD grandeur nature À la différence des salons, graphes, le livre Sabine de Maya Mihindou fait les les Rencontres du 9e Art d’Aix beaux jours de la galerie Susini qui propose inédits, s’affirment comme un Festival de la tirages originaux, travaux anciens et œuvre murale bande dessinée et autres arts associés, car si le week- piquée à la pointe d’une aiguille. Univers de poésie end (8, 9, 10 avril) attire son flot d’auteurs pour les graphique à suivre… traditionnelles dédicaces, la manifestation s’étire sur À la galerie Zola, l’invitation du festival à déborder un mois et 13 lieux avec des créations in situ et des du cadre accouche de 5 Cubdes inventifs et performatifs, notamment celui de Zeina Abirached expositions inédites. Version classique au musée des Tapisseries et (signataire de l’affiche 2011) avec ses façades extéréservée aux adultes, la «rétrospective» de L’Associa- rieures toutes de plénitude orientale tandis que tion dont l’ensemble des contributions forme Moolinex, l'un des 5 Cubdes à la cité du Livre © Moolinex son «histoire imaginaire» est composée de 80 auteurs - soit 3 générations - qui injectent dans la BD la pratique du roman graphique, de l’écriture automatique ou du récit de rêves : BD anti nazie de Placid, Spermanga de Pakito Bolino, Ducon de J.M. Bertoyas… Accessible à tous, l’exposition du Muséum d’histoire naturelle marie avec pertinence œuvres de la collection et BD, rigueur scientifique et inventivité scénographique : Alpha s’appuie sur l’imposant ouvrage du berlinois Jens Harder paru chez Actes Sud pour expliquer de manière attractive et pédagogique la naissance des continents et des océans, les galaxies, la biosphère… jusqu’à l’apparition de l’Homo sapiens. Planches originales, figurines de dinosaures en plastique, fossiles, radiographies, moulages, l’exposition se lit en tout sens, à l’instar des conseils de l’auteur qui suggère de dévorer ses 350 pages à l’envers ! Minimaliste mais fourmillant d’images et de

Zeina Abirached, l'un des 5 Cubdes à la cité du Livre © Abirached

l’intérieur fait entendre le chaos de la révolution arabe… Un premier tour de piste qui en appelle d’autres. M.G.-G.

Rencontres du 9e Art jusqu’au 23 avril 13 lieux, Aix-en-Provence www.bd-aix.com

La Joconde dans tous ses états _La Joconde est dans l'escalier © Artesens

La nouvelle exposition d’Artesens repose toujours sur le principe de partage : chacun, quelque soit sa perception du monde, y est apte à retirer des émotions, des savoirs, à travers un ensemble qui joue entre la vue, l’odorat, le toucher, l’ouie, le goût. L’art des correspondances atteint ici une réalité tangible ! L’installation de Robert Folliou, La Joconde est dans l’escalier, constitue le point de départ du parcours, avec la découverte à l’aveugle, de la reproduction en bois de l’œuvre de Léonard de Vinci. Puis JeanMichel Basquiat, maître du graffiti, offre une lecture symbolique. Avec Vic Muniz et ses tableaux consommables, confitures et beurre de cacahuète, dont la photographie, seul reliquat, devient l’œuvre même. La création d’Adam de Michel Ange est transposée en relief et au plafond, la Sainte Catherine d’Alexandrie de Raphaël unit immobilité et mouvement en une harmonieuse rotation… Le corps est exploré à travers les déclinaisons de l’Odalisque en grisaille d’Ingres et ses lignes exagérées qui subliment l’anatomie. Lui font écho Le corps de dame jaspé de Jean Dubuffet, qui brise les règles par des proportions caricaturales, les trois panneaux de Soudain l’été dernier de Martial Raysse, qui joue sur les montages photographiques et dont les parfums nous entraînent à la plage, le Nu couché de Picasso sous la forme de puzzle qui

permet de retrouver l’assemblage géométrique du tableau… Clin d’œil de la Vénus à la corne de Laussel qui a 32000 ans, l’autoportrait contorsionniste de Gérard Garouste, Le vol du fou, qui tente de s’extraire de la matière, et L’ouverture du cinquième sceau de l’Apocalypse du Greco, et sa théâtralisation. Ensuite, en clou de l’exposition, enfilez une paire de chaussettes et pénétrez à l’intérieur du tableau de Rothko, Saffron : les couleurs lisses ou moelleuses, douces et veloutées vous emportent dans une expérience sensuelle délicieuse. C’est par la mise en travail de nos sens que l’art nous touche : enfants, adultes, aveugles, sourds peuvent l’expérimenter grâce à Artesens. MARYVONNE COLOMBANI

La Joconde est dans l’escalier jusqu’au 17 avril Ventabren du 8 au 19 juin Trets Puis à Bouc Bel Air, au Tholonet, à Châteauneuf le Rouge, Pertuis, Simiane, Aix-en-Provence. www. artesens.org


LE CITRON JAUNE

Rouge de plaisir Comme toujours grâce à l’association Sur la place, les artistes du livre sont sous les feux des projecteurs durant trois jours, le temps de s’imprégner de leurs univers à travers des expositions, des tables rondes, des dédicaces, des films et des ateliers. Cette année les Rencontres de l’illustration voient rouge ! elles empruntent au poème de Rimbaud Voyelles sa lettre «i» pour donner le titre à leur 5e édition, i rouge, et créer un lien graphique entre tous les invités. Deux artistes découvertes par les éditions nantaises MeMo spécialisées dans les livres d’artistes et les albums jeunesse : Sandra Machado, artiste brésilienne et ethnologue de formation pour son exposition de Batiks inspirés des peintures corporelles des indiens Kayapo ; l’illustratrice et scénographe marseillaise Ghislaine Herbéra dont on découvrira les dessins originaux de Monsieur cent têtes. Hervé Tullet, auteur et illustrateur d’une quarantaine

Visuel MeMo © Olivier Douzou

de titres pour la jeunesse dont le Grand livre du hasard chez Panama ou Batailles de couleur chez Bayard jeunesse (exposition Couleurs d’albums). Jeunesse toujours, mais côté rencontres, avec Christine Morault, directrice de MeMo, et Anne-Marie Faure, responsable de l’Ile aux livres à l’Alcazar qui présente une sélection d’albums (Noir, blanc, rouge). Attention ! les Rencontres de l’illustration ne sont pas exclusivement réservées aux enfants : un programme créé sur le modèle des juniors permet aux adultes de «se jouer des mots et des couleurs» sans rougir de honte… M.G.-G.

Les 5, 6 et 7 mai à l’Alcazar et dans les librairies partenaires www.surlaplace.fr

Monsieur cent Tetes © Ghislaine Herbera, MeMo 2010

Heureuses déambulations

Fasciné par la lumière, l’ombre, l’image en mouvement, l’artiste plasticien Philippe Lefebvre dit Flop (Collectif ZUR) a spécialement conçu pour les enfants l’exposition-parcours Heureuses lueurs,Allusions d’optique. L’installation se compose d’une vingtaine de «machines à projeter» disposées dans l’espace face aux murs ou à des écrans de tissu, élaborées à partir de matériaux ludiques bien connus des enfants : fil de fer, ressorts, bois, peintures, miroirs, ampoules électriques… Il ne leur reste plus qu’à vagabonder paresseusement entre le jeu des lueurs et des rais de lumière, se glisser entre les images intrigantes, les formes hétéroclites et poétiques… Petits spectateurs devenus acteurs, leurs propres reflets feront jaillir de nouvelles formes, comme un paysage abstrait et éphémère. M.G.-G.

Heureuses lueurs, Allusions d’optique du 21 avril au 17 mai Le Citron Jaune-Centre national des arts de la rue, Port-Saint-Louis du Rhône 04 42 48 40 04 www.ilotopie.com


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ÉDUCATION

CAVAILLON | LA VALETTE | MARSEILLE

Jouer le je

Contes au jardin

Organisé par la Communauté de communes Provence Lubéron Durance avec la Scène na-tionale de Cavaillon, le Colloque Art, Culture et Petite enfance a permis aux professionnels de la petite enfance (2 hommes sur 240 inscriptions…) de faire le point sur l’éveil des tout-petits à l’art, sous toutes ses formes. L’art comme processus d’humanisation et d’émancipation. Une journée d’échange sur des expériences menées en France, sous l’entremise d’artistes de la Compagnie Skappa, alchimistes de l’en-fance associés depuis trois ans au théâtre. Une journée découpée en différentes interventions, dont celle de Michèle Gentelet, ex chef de projet petite enfance au Centre Pompidou, qui s’est battue contre l’inévitable refrain «les enfants sont baveux, morveux, courent partout et ne comprennent rien» et affirme la nécessaire présence et la participation des adultes pour approcher et transmettre à l’enfant. Pour Nathalie Salles, médiatrice du patrimoine aux Musées de Cavaillon, «il n’y a pas de recettes pour travailler avec les tout-petits, il faut une osmose, il y a toujours

autre chose qui se passe, même quand tout est préparé». L’essentiel est de «cultiver leur goût du plaisir». Grande émotion partagée avec une séquence vidéo présentée par Philippe Bouteloup, directeur de Musique et Santé, et la «rencontre vivante avec la musique vivante» d’une petite fille hospitalisée. «Le petit enfant c’est comme un écheveau, vous tirez et c’est toute la société qui vient avec». La psychologue Marie-Odile Rigaud, intervenante dans l’atelier «Y a-t-il un théâtre pour les bébés ?» souligne la capacité des enfants à comprendre des œuvres qui nous paraissent incompréhensibles, puisque «tout est langage», et rappelle que «jouer est une expérience vitale pour l’enfant». La petite enfance, un laboratoire de recherche pour l’humanité entière… DELPHINE MICHELANGELI

Amoureux des contes, des fables et autres histoires fantastiques ont rendez-vous au parc des Troènes, à La Valette, pour le 9e (éco) festival Contes & Jardins. Un temps festif et familial différent des autres avec pour guides 6 conteurs, qui, entre les manèges à pédales, les activités ludiques et les spectacles, entraînent dans leur imaginaire les bébés, les 3/5 ans, les 6/12 ans et même les plus grands ! Pas moins de 68 séances de contes en plein air sont organisées pour que les gens rêvent, s’évadent, rient, jouent, se détendent. Bref, pour que tous s’offrent une vraie pause printanière. 9e (éco) festival Contes & Jardins du 19 au 22 mai Parc des Troènes, La Valette 04 94 23 62 06 www.lavalette83.fr

Ce colloque a eu lieu le 8 avril au théâtre de Cavaillon en préambule de Festo Pitcho

© D.M / Zibeline

© Johan Troianowski

À venir

Festo Pitcho poursuit sa route jusqu’au 17 avril avec un pique-nique de clôture à l’Espace culturel Folard de Morières. Entre temps, la Cie du Voodoo se produira à Monteux avec le trio chorégraphique Soldat le 13 avril, Carpentras accueillera le conte Amacharou le 17, et Cairanne recevra le 15 le Théâtre de la Brante avec Liberté ! Sans oublier le spectacle chanté dès 6 mois, Coucou Hibou, au Théâtre du Chapeau Rouge d’Avignon. Et surtout, Les Perses d’Olivier Py, programmé par la Scène nationale de Cavaillon dans les villages Nomade(s) jusqu’au 23 avril (voir p 22). www.festopitcho.com

Un jardinier des mots Ils ont aussi posé beaucoup de questions concernant ses huit années de prison sous le régime de Hassan II : «J’ai dû me battre pour avoir un matelas, du papier, un stylo ! J’ai résisté, j’ai combattu

avec mes mots, mais la prison ne s’oublie pas». Sa méthode de travail? «Pas de poèmes épars, mais une archi-tecture qui se construit dès le premier poème. Puis les élèves ont proposé une lecture

Abdellatif Laabi au college Quinet © P.Box/HOP

Au collège Edgar Quinet à Marseille, classé zone sensible, trois classes de 6ème ont travaillé en atelier d’écriture avec une poète, Dorothée Volut, dans le cadre d’un projet éducatif intitulé Entrez dans la langue. Puis les classes ont reçu le poète marocain d’expression française Abdellatif Laâbi, la veille de sa consécration : il recevait le 24 mars le Prix International de littérature francophone qui récompense un écrivain dont la langue maternelle n’est pas le français. Les enfants ont voulu savoir comment il était venu à l’écriture : «C’est un mystère ! j’ai écrit mon 1er texte à 14/15 ans ; cela vient de rencontres, de lectures. Je n’étais pas bagarreur. Mon père était sellier, j’aurais aimé être jardinier... mais je suis devenu jardinier des mots. Pour prendre soin des mots afin qu’ils nous fassent rêver et comprendre le monde».

de leurs textes, encore hésitante ou peu sonore, parfois à plusieurs voix ; ils se sont totalement investis dans ce «cadeau». Très touché, le poète a interrogé les enfants sur leur attitude face à l’écriture, à la faute. Et les a encouragés : «Grammaire et orthographe sont secondaires. On peut régler ces questions après. Ce ne sont pas les meilleurs élèves qui écrivent les textes les plus intéressants... ». Il leur a dit enfin le plaisir qu’il avait à les rencontrer et les écouter : «Avec vos textes on a voyagé ; c’est la magie de l’écriture, permettre d’être ensemble». Pour finir il leur a lu quelques textes alternativement en arabe et en français. Une belle rencontre avec ce combattant des mots pour la liberté de vivre et de penser. CHRIS BOURGUE


ERAC | FAI AR | THÉÂTRE DE LA CITÉ

Avec ferveur

L’ERAC et la FAI AR ont présenté les travaux de leurs étudiants en fin de formation : dans la rue ou sur la scène, pour ces deux écoles d’excellence, c’est la ferveur qui règne À l’issue de la 3e année de leur formation les élèvescomédiens de l’ERAC s’essaient à la création personnelle de spectacles qu’ils mettent en scène. Certains se lancent même dans l’écriture. C’est le cas d’Amine Adjina qui a proposé l’étonnant monologue d’une femme, superbement interprétée par Cécile JF © X-D.R

Le Meignen. Elle évoque dans le désordre les joies de l’enfantement et de la maternité, le désir charnel, le plaisir de vivre et de partager. Sa parole s’écoule comme le lait maternel, avec une vérité crue. Amour des mots nourriciers, des cris libérateurs et des corps qui se donnent. Au fond du plateau des vêtements masculins et féminins sont suspendus, oripeaux dérisoires dont la femme sera parfois entravée. Autour d’elle virevoltent cinq personnages qui l’assistent, l’écoutent. Le spectacle joue sur des changements de rythme bienvenus, alternant moments d’émotions et de rires, projections de photos et chants, dans la mise en scène maîtrisée de Mikaëlle Fratissier. Quant au 3e Panorama des chantiers, il s’est déroulé pour la 1ère fois dans ses murs. Depuis le 24 novembre 2007, date de la pose de sa 1ère pierre, la Cité des Arts de la Rue des Aygalades a grandi : 36 000 m2 occupés par 7 structures. Les apprentis ont présenté leurs installations au 1er étage du local de la FAI AR puis durant 5 jours performances et entretiens se sont succédé, aboutissant à la validation de la formation. Cette Formation Avancée et Itinérante des Arts de la Rue (FAI AR) s’attache à la transmission de la création en espace public. Entrés en formation sur la base d’un projet initial, les Apprentis le peaufinent durant leur parcours au sein de structures en France et en Europe, avec le soutien de leur tuteur. Les

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Reflets, c’est ainsi que l’on nomme ces travaux, sont des préfigurations de futurs spectacles de plus ample envergure. Leur variété, leur fantaisie témoignent de l’inventivité de ces créateurs. On a pu assister à Re-Volt, déambulation avec mégaphones de Mathurin .R Gasparini, à une © X-D démonstration sur le centre de gravité des villes avec Dans la mesure du possible d’Elsa Vanzande et au Retour d’un faux Ulysse (Cyril Lévy-Provençal) sur la plage des Corbières, en fin d’après-midi, dans une très belle lumière. CHRIS BOURGUE

Les Reflets ont été présentés du 15 au 19 mars à la Cité des Arts de la Rue Le jour J- s’est joué dans le studio de l’ERAC le 19 mars, précédé par Les Cenci d’Artaud, mes. Romain Pellet

À noter Prochains spectacles de l’ERAC Le 16 avril à 20h30 La Friche, Marseille 04 95 04 95 78 www.erac-cannes.fr

Échecs pédagogiques Le Théâtre de la Cité s’intéresse à l’école, non pas pour y trouver du public, mais comme lieu social à interroger, et à théâtraliser. Le 9 avril, dans le cadre de la manifestation On s’interroge sur l’école la comédienne Maud Buinoud proposait une «enquête performance», résultat de sa «correspondance de guerre» dans les collèges Frais Vallon et Jules Ferry (Marseille Nord). Un travail tout simple, reposant sur un regard très juste, un vrai étonnement, mais aussi une compréhension profonde de ce qui lie et délie la relation prof/élève dans ces établissements dits pudiquement «difficiles». Renvoyant comme un miroir à peine grossissant les attitudes physiques et les mots des élèves, mais aussi des enseignants, elle

faisait la preuve par le corps du point mort de cette relation enseignante : ces corps là, ces propos là, ne peuvent se croiser, et la théâtralisation dans son propre corps de cet antagonisme en était une preuve évidente. Ce constat d’échec («comment peuton enseigner à des élèves qui ne veulent pas apprendre ?»), dressé devant des spectateurs, dont beaucoup d’élèves et d’enseignants, fut suivi de deux interventions qui tentaient d’y apporter réponses et solutions. En commençant par Michel Cornille, exprincipal, qui parla rythme scolaire (mettre les matières intellectuelles, rébarbatives donc, le matin et l’art et le sport, plaisants, l’après midi), aménagements pédagogiques Freinet, et déclara qu’il y a «en chaque élève la

même possibilité de réussite». À ce propos intra scolaire Renaud Cornan, sociologue, répondit par une enquête documentée sur le lien entre échec scolaire et chômage des parents, sur la tendance lourde de l’école à reproduire et augmenter les inégalités, sociales sur les ressorts politiques qui conduisent à cela… démontrant clairement que la résolution des disparités scolaires ne passera pas par des aménagements internes. D’autant que la tendance actuelle, qui est de favoriser les élèves les plus méritants en diminuant fortement les postes d’enseignants et d’encadrement, ne va pas dans le sens de l’égalité des chances… Cependant l’auditoire, si attentif pendant la performance théâtrale, et

le rendu d’expérience de Michel Cornille, décrocha visiblement durant l’intervention du sociologue, reproduisant sans y prendre garde la cassure pédagogique qu’ils étaient venus constater. Peut-être, comme Michel Cornille, a-t-on aujourd’hui accepté que ce qui s’adresse à nos facultés intellectuelles est rébarbatif, et ne mérite pas l’effort (si jouissif pourtant) d’y entrer ? AGNÈS FRESCHEL

À noter On se questionne sur l’école se poursuit avec Une autre Histoire de l’éducation, une «conférence gesticulée» de Franck Lepage, le 15 avril à La Friche 04 91 52 95 61 www.maisondetheatre.com


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SPECTACLES

ARLES | FOS | AIX-EN-PROVENCE

Le décor et son envers

Depuis longtemps, le hip hop a gagné les salles de spectacles sans avoir pour autant abandonné - et c’est sa force - ses racines urbaines. D’où sa capacité de distanciation et d’ironie. Mourad Merzouki joue ainsi sur tous les tableaux avec Tricôté, qui tient à la fois du savant mélange des mailles et des trois faces du spectacle, audition, répétition et représentation. Autour de ces trois axes, s’orchestre une mise en scène théâtralisée de la danse, appuyée sur un décor sobre et suggestif : les portes qui clôturent l’espace, se transforment en miroirs de salle de danse, personnages des juges et des chorégraphes inscrits sur des pancartes, projection aux murs des différentes étapes… Une galerie de portraits se dévoile lors de l’audition, et des échauffements, il y a le consciencieux, le copieur, le retardataire, l’agressif, le timide, le désordonné… La parodie des petits rats de l’opéra version hip hop, avec l’accompagnement au piano, les bras dont on rectifie la position, donnent lieu à des moments particulièrement cocasses. Aux 32 fouettés de Don Quichotte dans une assiette répondent un nombre invraisemblable de tours sur la tête ! Les prouesses gymniques sont là mais, plus

Tombé du ciel

Devant les tout-petits assis en demi-cercle, sous un parasol encombré d’objets les plus hétéroclites qui délivreront leurs secrets au fur et à mesure, Elle et Lui présentent leur monde, bien délimité, Elle dans un cercle, Lui surélevé sur son île… Perturbant la relation qui s’instaure entre eux, l’apparition d’un petit bonhomme en papier, Ikare, sautillant, curieux, est le début d’une aventure faite de plumes, de papier, de planètes, d’envol et de chute, d’équilibre, de liberté. Car si Ikare est bien le personnage du mythe que tout le monde connaît, il est, dans le spectacle de la Cie Anima Théâtre, bien plus que cela. Il est le fil conducteur qui fait lien entre la symbolique de l’envol, de la liberté, et son pendant qui est la chute; il est aussi le prétexte à toutes les expériences tentantes qui sont autant de tentatives d’autonomie qui passent par le refus et la découverte du vaste monde, même si ce n’est que celui qui nous entoure… Et puis si Ikare finit par disparaître c’est pour réapparaître en ribambelle ! DO.M.

Tricote, Cie Kafig © Michel Cavalca

rare dans le hip hop, les mouvements d’ensemble sont réglés avec justesse, comme l’occupation toute classique du plateau. Le public enthousiaste et nombreux scande, crie, applaudit à tout rompre : le plaisir est toujours là ! MARYVONNE COLOMBANI

Tricôté par la Cie Käfig a été donné au Grand théâtre de Provence à Aix les 8 et 9 avril

D’un bleu lumineux

La Barbe bleue une histoire d’amour ? Oui, mais une affaire pas évidente bien sûr, parce qu’un monstre amoureux c’est pas banal ! C’est aussi une histoire cruelle, violente, merveilleuse, troublante… Parce que

La Barbe bleue © X-D.R.

dans l’adaptation qu’en fait Jean-Michel Rabeux, la plus jeune, sa future promise, est elle aussi amoureuse. Folle de cette bête à la barbe bleue (très beau clin d’œil à Cocteau !) qui lance des grognements plaintifs et effrayants (réellement…), et affiche ses richesses comme autant de motifs de séduction. Elle, qui aime sa barbe, sa monstruosité, est attirée par sa bestialité. Et puis il y a la mère, personnage essentiel et excentrique - qui est aussi narratrice, prêtre, ange (à poil bleu) - et s’adresse aux spectateurs avec légèreté, désamorçant l’insupportable et la violence grâce à l’humour, dans ses propos et ses mimiques. Sur fond de portes (elles sont là, toutes les 7) majestueuses, ils se marient, il s’en va, elle ouvre la porte interdite, il revient et doit la tuer. Mais Rabeux continue : la bête se transforme en Prince de la Belle au bois dormant et, embrassant la plus jeune, la ressuscite… Loin de trahir le conte, il lui donne une dimension supplémentaire, invoquant l’amour comme force ultime.

DO.M.

La Barbe bleue a été joué au Théâtre d’Arles le 1er avril

Ikare a été joué au Théâtre de Fos les 23 et 26 mars Ikare © J. Henry


AIX-EN-PROVENCE | AVIGNON | LE REVEST | MARSEILLE

SPECTACLES

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Un fainéant heureux les fesses scotchées au poêle, rien ni personne ne parviendra à l’expulser dehors pour travailler, se nourrir, laver sa chemise à moins que le destin ne lui offre sa chance !… La narration, accessible dans sa simplicité, les accessoires, bricolés avec ingénuité, les acteurs au jeu trépidant, les tours de passe-passe et les rebondissements, font de cet interlude théâtral un joli moment d’initiation au spectacle.

Lecture plus...Sur l’île de Tchounga-Tchanga © X-D.R

Au plus près des comédiens, du plateau, de la machinerie, les petits dès l’âge de 4 ans touchent du doigt ce qu’est une fabrique de théâtre… et de rêve. Cela se passe au Théâtre des Ateliers à Aix, et sa formule Lecture Plus enchante enfants et parents heureux de discuter avec l’équipe dès la «représentation» terminée. Car il ne s’agit pas d’un spectacle abouti mais d’une lecture théâtralisée, ici le conte russe Emélian le fainéant : Raphaëlle Bouvier, Jacques Brossier, Romain Girard, Maxime Potard racontent en chœur ou à tour de rôle, en comédien ou en récitant au pupitre, l’histoire de ce jeune héros fatigué que le froid sibérien cloue dans son isba. Au chaud,

M.G.-G.

À noter Emélian le fainéant est joué jusqu’au 13 avril au Théâtre des Ateliers, Aix

Badaboum !

À fond les manettes ?

Entre les deux sirènes le temps est suspendu. Des gardiens en blanc surveillent leur chrono. On s‘attend à un départ de course, mais c’est une marche très ralentie qui démarre. Une dizaine de personnages se mettent en mouvements lents et décomposés tandis que d’autres accélèrent vivement tout d’un coup, mais sur place. Sur le Parvis de l’Opéra, des bandes blanches, horizontales, balisent le parcours. Mais où vont-ils, sont-ils chargés d’une mission ? Portent-ils la misère du monde ou son inanité ? Des haut-parleurs diffusent les indicatifs d’émissions radio. Des nouvelles récentes où il est question de la Lybie, de la Côte d’Ivoire et du Japon sont mixées à des annonces sportives, défragmentées. Histoire de dénoncer la multiplication d’infos ?

Certaines lois de la physique sont indiscutables : non, un œuf ne vole pas et le rêve d’Icare n’est qu’un rêve… Tant pis pour la science et le mythe, tant mieux pour l’imagination ! Les deux comédiens de la Cie Florschütz & Dönhert nous font croire que les poissons ont des ailes, que les petites maisons en papier se transforment en œuf, les objets bougent tout seuls et les chapeaux s’envolent ! Le © Thomas Ernst spectacle de théâtre d’objets Rawums (Badaboum en allemand) est une parenthèse poétique de 45 minutes dans le monde des Choses, celui du poétique Francis Ponge… Et pour cause, avec seulement un petit sac, une chaise, une plume, un chapeau et des mots simples, le tandem use de tours malins et de beaucoup de malice pour faire valser la vie entre ciel et terre. Suspendus à des baudruches colorées, la chaise prend son envol, les comédiens aussi qui y croient dur comme fer… Mais, patatras, les rêves s’évanouissent : dur, dur de voler quand on se retrouve soudain les quatre fers en l’air ! M.G.-G.

La proposition des Apprentis de la FAI AR (voir p.45) est déconcertante et laisse le sens en suspens. Est-ce à dire qu‘être branché sur le monde nous débranche de nous-mêmes ? Interrogation existentielle sans doute, mais peu explicite... CHRIS BOURGUE

L’équipée sauvage de 6 reines et 10 midinettes a eu lieu le 6 avril à midi

À venir Sirènes en campagne L’autre Compagnie Le 4 mai Parvis de l’Opéra, Marseille 04 91 03 81 28 www.lieuxpublics.fr

Rawums a été joué les 15 et 16 mars au PôleJeunePublic au Revest

Un bon résumé que cet «oser désobéir» qui s’inscrit en tag en marge de cette Antigone de terre glaise, présenté en ouverture du Festival Festo Pitcho. Cette étape de travail, proposée par la compagnie Belge Sac à Dos au théâtre des Doms, fait suite à une résidence qui aura permis à plusieurs classes d’observer et commenter la création. C’est surtout une excellente adaptation d’un mythe vieux comme le monde. Plus d’un an que Susan Yeates et Patrick Huysman travaillent à ce pamphlet féministe, à cet éveil des consciences politiques, et les enfants restent abasourdis devant cette petite bonne femme de terre qui refuse de céder aux lois du plus fort. En construction permanente, les simples personnages modelés tiennent dans une main, s’érigent en cité ou s’écrasent dans d’aveugles combats, et nous plongeons dans l’histoire, la nôtre, celle des vivants et des morts, celle qui se répète et nous est imposée. Une histoire qui commencerait par «les règles permettent à un groupe d’humains de vivre ensemble» jusqu’à «c’est lorsqu’il respecte ses morts que l’homme cesse d’être un animal»... Entre les deux, une leçon de vie et de désobéissance. DELPHINE MICHELANGELI

Antigone a été présenté aux Doms le 9 avril dans le cadre de Festo Pitcho

Antigone © DM/Zibeline

Oser désobéir


SPECTACLES

AU PROGRAMME

Œil de bois

Historique Lumineux Opéra pour enfants écrit par Adolf Hoffmeister et le composteur Hans Krasa, Brundibar, représentant un des grands symboles de l’esprit de résistance du ghetto, a pour la première fois été interprété par les enfants déportés du camp de concentration de Theresienstadt. Il est soutenu et accompagné par les solistes de l’Orchestre National de Montpellier Languedoc-Roussillon. En première partie, Opéra Junior présente Le Petit tailleur de Tibor Harsanyi, d’après le conte des frères Grimm. Brundibar et Le Petit tailleur dès 7 ans 13 et 14 mai Scène nationale de Sète 04 67 74 32 52 www.theatredesete.com

© Elisabeth Carecchio

En réécrivant Pinocchio, Joël Pommerat fait du petit personnage de Collodi un petit garçon naïf et gâté très actuel, qui s’enrichira au fil de ses rencontres pour faire la distinction entre «être» et «avoir», fuir les miroirs aux alouettes qui promettent des plaisirs faciles et devenir humain. De contrastes en effets de lumière, Pommerat réinvente le conte en faisant de la condition humaine un magnifique spectacle. Pinocchio dés 8 ans 16 avril Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com

Délicatesse La Cie Clandestine, en résidence au Théâtre Du-

rance, y crée Quoi ? C’est quoi ?, une nouvelle exploration des différentes utilisations du papier. La compagnie, qui a déjà abordé l’origami dans Multipli, le kirigami et le pop up dans C’est pas pareil !, s’attache ici à la confrontation avec l’autre en s’intéressant au kamishibaï, sorte de petit théâtre d’images en papier. Quoi ? C’est quoi ? 17 et 18 mai Théâtre Durance, Château-Arnoux 04 92 64 27 34 www.theatredurance.com

Crépuscule

par Petronella von Zerboni et Roman Müller, et Misha Blau pour la composition musicale à la contrebasse. Le diabolo, élément principal du spectacle, est un acteur au sein de ce Cercle magique, où danse et cirque se mélangent pour réveiller les corps à travers l’objet. Cercle 7 mai Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com © Carla Kogelman

Hitler, de son vrai nom Schicklgruber, se retrouve métamorphosé en marionnette effrayante par le génie de Neuville Tranter. En uniforme et seul sur scène, le comédien manipulateur convoque le führer, et une poignée de fidèles qui, enfermés dans leur bunker alors que les soldats russes sont aux portes de Berlin, fêtent l’anniversaire du dictateur. Dans cet univers lugubre se joue une farce cynique entre des chefs nazis qui noient leur médiocrité dans l’alcool et le tabac, attendant une fin inéluctable… Pour ados ! Schicklgruber dès 15 ans 10 mai Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

C’est un trio d’inventeurs audacieux qui est à l’origine du projet Ici : le jongleur Jérôme Thomas et l’acteur et manipulateur d’objets Markus Schmid se sont alliés avec le compositeur et multi-instrumentiste Pierre Bastien pour créer ce spectacle sur l’enfermement et l’évasion. Un espace réduit, une chaise et deux personnes. Autour de ce simple constat vont surgir ingéniosité et inventivité pour s’adapter à l’impossible situation et faire que l’horizon s’élargisse pour permettre l’évasion… Ici 3 mai à La Saulce 5 mai à Veynes 7 mai à Serres 9 mai à Chabottes 11 mai à Embrun 13 mai à L’Argentière 15 mai à Guillestre Théâtre de la Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.com

Piqûre Dans le beau conte de Philippe Dorin que met en

scène Sylviane Fortuny, les petites choses prennent un tour essentiel, tout est dit avec pudeur et humour, surtout la représentation de soi devant les autres. Deux personnes seules, et qui ne veulent plus le rester, une princesse retenue prisonnière par son père qui a fait coudre entre elles ses robes pour l’empêcher de fuir nue, un chevalier qui cherche sa sœur… Les deux artistes détournent les codes du conte pour parler d’amour et de convenances, voire de bonheur, après tout c’est un conte…

Harmonie Tout est circulaire dans ce spectacle conçu et joué

© Philippe Deutsch

© Christophe Raynaud De Lage

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Abeilles habillez-moi de vous dès 7 ans du 17 au 21 mai Théâtre Massalia 04 95 04 95 70 www.theatremassalia.com

Imbattable Si vous l’avez raté, c’est peut-être votre dernière

chance : courez vite au Sémaphore partager les aventures de Peter Pan, de la famille Darling, de la fée Clochette et du capitaine Crochet. La mise en scène de Alexis Moati est irrésistible, ingénieuse, dynamique, et les acteurs sont époustouflants. Rien d’étonnant si depuis sa création, la pièce fait un tabac. Peter Pan ou le petit garçon qui haïssait les mères dès 8 ans 20 avril Le Sémaphore, Port-de-Bouc 04 42 06 39 09 www.theatre-semaphore-portdebouc.com


SPECTACLES 49

Rêveries Cartoonesque Démesure Librement adaptée de Alice au pays des merveilles de Mais où va donc ce petit homme fragile et solitaire Lewis Caroll, Alice et versa, de la Cie Atmosphère, propose une version modernisée de l’introspection, souhaitant «faire vivre au spectateur l’expérience unique de pouvoir entrer à l’intérieur de [son] être». Alice, jeune femme assommée par les tâches quotidiennes et répétitives qu’elle effectue comme un automate, va rencontrer un étrange personnage, un lapin qui va bouleverser sa vie. Il lui suffira d’ouvrir la porte pour s’engouffrer dans son monde intérieur… Alice et versa 10 mai dès 8 ans Théâtre de Fos 04 42 11 01 99 www.scenesetcines.fr

© Sylvain Liagre

avec, pour unique compagnon de route, une valise enfermant tout un monde magique ? Et qui sont ces drôles de types qu’il croise sur sa route, l’air assuré ou égaré et l’allure toujours pressée ? Le Clan des songes manie théâtre visuel, marionnettes et formes animées avec précaution tant son bonhomme est Fragile et son univers sens dessus dessous. Fragile dès 3 ans 5 mai Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.com

À l’infini OrizzonTale mélange théâtre, cirque et science en une

combinaison ingénieuse, orchestrée par Boris Vecchio qui expérimente les lois de la gravité et de l’équilibre, jongle avec l’illusion visuelle pour créer une passerelle entre le présent et l’absent, le vraisemblable et l’impossible, le visible et l’invisible. Mais attention, tout n’est pas joué !… OrizzonTale dès 8 ans 3 et 4 mai Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com

Mythique L’Opéra du dragon, au départ livret d’opéra écrit par

le dramaturge Heiner Müller, se transforme avec le Théâtre de Romette et la mise en scène de Johanny Bert, en un conte satirique avec formes marionnettiques. Transcrivant graphiquement l’oppression politique par le principe du corps masqué, comme pour les faire disparaître, le metteur en scène a rajouté une présence sonore continue, jouée en direct par Thomas Quinart. Pouvoir et asservissement sont les maîtres mots d’une histoire cruelle d’un peuple qui, sauvé du choléra par un dragon, se doit d’offrit chaque année au monstre une jeune vierge…

Renaissance L’histoire est naïve : en 1940, en pleine tourmente, le

grand cirque Tout l’Univers part en tournée en Argentine à la fois pour fuir la guerre et pour conquérir le nouveau monde. Mais le voyage sera plus houleux que prévu et les passagers devront faire face à de nombreux imprévus. Ouf ! les artistes trouveront la force de renaître et d’inventer à nouveau… un univers en plus petit. Ce spectacle est l’un des best of de la Cie Attention fragile, on peut y aller les yeux «fermés» ! Tout l’univers en plus petit dès 8 ans 20, 21 et 22 avril Escale Saint-Michel, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.com

L’Opéra du dragon 3 mai Théâtre de Fos 04 42 11 01 99 www.scenesetcines.fr Mella et Elmira - serie 11, Henrietta street, Dublin 2007 © Delphine Balley

© X-D.R

Dur dur d’être petit et devoir se confronter au vaste monde ! Sur une piste de cirque miniature jonchée d’un énorme ballon et de centaines de dominos, de machines et d’un arrosoir minuscules, un petit d’homme de 86 cm va devoir se débrouiller… Heureusement il n’est pas seul, La Compagnie s’appelle reviens est à ses côtés qui fait apparaître et disparaître les formes, glisser les objets, entre émerveillement et rires. 86 cm dès 2 ans 3 et 4 mai PôleJeunePublic, Le Revest 04 94 98 12 10 www.polejeunepublic.com 11 mai Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr

À bâtons rompus Jonglage dansant, manipulations, projections

cinématographiques et vidéographiques : Discussions, le dernier projet en commun de Ville Walo et Kalle Hakkarainen commente avec ironie les moyens de communication actuels à travers un spectacle audacieux et expérimental. Car généralement la discussion tourne au monologue et ici vire en numéro de cirque ! Discussions dès 10 ans 10 mai PôleJeunePublic, Le Revest 04 94 98 12 10 www.polejeunepublic.com

Bricolé Hadi Boudechiche et Claire Latarget ne se sont pas

revus depuis 25 ans et se retrouvent autour d’une malle en bois. De là ils extirpent des bribes de souvenirs d’enfance et mêlent leurs mémoires… Ce pourrait être une veillée toute simple mais la malle est un trésor ! Une veillée singulière est un spectacle où l’on retrouve tous les ingrédients du Théâtre de Cuisine : la proximité public-artistes, l’art du bricolage et du geste artisanal, la puissance d’évocation. Une veillée singulière dès 6 ans du 19 au 22 avril Théâtre Massalia 04 95 04 95 70 www.theatremassalia.com


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LIVRES

Bonheur totalitaire

La SF met souvent en scène des sociétés idéales qui programment le bonheur collectif, et y opposent l’émergence de l’individu, l’aspiration à une liberté qui n’est pas heureuse, mais atteint un accomplissement de l’être. De nombreux ouvrages abordent ces thèmes dans la littérature jeunesse, parfois avec une superbe profondeur. Ally Condie se plaît ainsi à nous entraîner vers un monde, le meilleur possible, dans lequel, grâce à une programmation parfaite de toutes les étapes de la vie, l’être humain est censé goûter au bonheur. Cité idéale, qui promet une existence sans encombres jusqu’à une mort programmée, sereine, à 80 ans, sans maladies, ni soucis… Mais ce beau système s’effrite lorsque la jeune Cassia découvre juste après la cérémonie du couplage (tout est programmé, même l’amour) un autre visage que celui de son promis (son ami de toujours, Xander). Erreur du système ? Le jeu est faussé. Le doute s’installe et lui donne de nouvelles clés pour déchiffrer le monde. Son cœur aussi, qui voit

l’émergence du sentiment amoureux… Pourquoi devient-on «Aberration» ? Que se passe-t-il dans les campagnes, pourquoi la guerre sévit-elle aux frontières ? Qu’a donc voulu lui transmettre exactement son grand père le jour de son banquet d’adieu ? Pourquoi n’a-t-on pas le droit de conserver des souvenirs matériels, baptisés «reliques» ? Une belle trilogie en perspective, avec un premier volume paru dans 15 pays le 7 avril, les suivants étant prévus en mars 2012 et mars 2013. Le sujet est porteur, il y a même un projet cinéma chez Disney ! Il faut dire que l’histoire est écrite avec allant, et invite à se défier des marchands autocrates de bonheur. Ça se lit (et se vendra !) comme un petit pain au chocolat. M.C. Promise Ally Condie Traduction Vanessa Rubio Barreau Gallimard Jeunesse, 18,50 €

D’un monde l’autre

Quand une quatrième de couverture annonce qu’un roman va nous entraîner à la suite d’un jeune lycéen dans des mondes parallèles, on se dit que ce type romanesque est usé jusqu’à la corde. Mais l’un des auteurs, Neil Gaiman, a écrit un très joli Coraline… et on apprend l’histoire de ce volume dans la postface : la rencontre avec Michael Reaves, scénariste chez Dream Works, le projet d’écriture d’une série télé, «l’œil vitreux de (leurs) interlocuteurs» en réaction… Les auteurs ont «poussé un grand soupir et sont revenus à leur existence», donnant aux seuls lecteurs le plaisir de suivre les aventures de Joey, à travers des mondes où la physique quantique jongle avec la fantaisie. Joey est un Marcheur

qui s’ignore. Marcher dans le roman Entremonde, signifie que l’on est doté de la capacité de passer d’un monde à l’autre. Mondes parallèles, vies aussi, car tous les Jo/e/y sont apparentés, échos plus ou moins lointains les uns des autres… Là, se livre une bataille sans merci entre technologie et magie, et l’équilibre est préservé par les marcheurs. Certes, on a tous les poncifs : mission, respect de l’autre, le faible qui devient fort, le Vieux maître caustique, les méchants vraiment moches et impitoyables…Mais, le style permet un décalage salvateur, avec les références au cinéma d’action ou d’aventures, une bonne dose d’ironie, une grande fraîcheur liée à la narration à la première personne. L’intrigue est bien ficelée, tout fonctionne à merveille. Un roman au rythme soutenu qui donne à réfléchir sur le sens de l’engagement. M.C. Entremonde Neil Gaiman, Michael Reaves Au Diable Vauvert, 18 €

Toile encyclopédique

Non, le papier et le virtuel ne s’opposent pas toujours. Ils savent se compléter avec harmonie parfois, c’est ce que La Grande encyclopédie de la collection Les Yeux de la découverte chez Gallimard démontre avec une belle maestria ! Classement thématique, Terre, Espace, Monde vivant, Technologie… facilement repérable par un jeu d’onglets, et de couleurs. Mise en valeur de l’essentiel, vocabulaire à la fois simple et précis, frises chronologiques, planches explicatives, cartes, jeux de questions, problématiques qui invitent à aller plus loin, anecdotes aussi, comme celle de la république de Kiribati traversée jusqu’en 1995 par la ligne du changement de date (!), et les «WAOUH !» qui s’émerveillent du monde. Les illustrations, nombreuses et variées accordent une belle dynamique de mise en page, jamais monotone. Elles contribuent au plaisir d’apprendre, de se laisser aller à la délicieuse errance d’un intérêt renouvelé. Ajoutez à cela un jeu de

symboles clairs, un excellent glossaire, un index bien référencé… cela suffirait à faire apprécier cet ouvrage. Mais il s’échappe du cadre de papier pour glisser aussi des ramifications sur la toile. Il est rendu possible avec des mots clés de chercher d’autres informations sur le net cette fois. Orientation vers des sites judicieux, mises en garde contre les séductions de cet outil dangereux et fascinant à la fois… une belle éducation à la recherche, un guide sûr dans le foisonnement des sites (tapez «couleur» par exemple, le bleu du ciel n’aura plus de secrets pour vous !). Un ouvrage remarquable, pas seulement pour les ados !

M.C.

La grande encyclopédie Gallimard Jeunesse, 19,95 €

Le grand A

Il est des couples en littérature qui perdurent même lorsque l’un s’en va. Le projet d’écriture, A comme Association, est né d’une envie commune de Pierre Bottero et Erik L’Homme. Puis entre leurs deux éditrices. La capacité de ces auteurs à rassembler, unir, ne se fait jamais au détriment de l’autre, de ce qu’il est, profondément. Jeu, bonheur d’écrire, ensemble, un monde dans lequel les histoires se recoupent, se nourrissent d’échos, lancent des passerelles, se provoquent et se tissent… 13 volumes étaient prévus lorsque la disparition de Pierre survint. Erik L’Homme s’est retrouvé seul, et a pris la décision de poursuivre. Le résultat, huit tomes, dont quatre encore à venir, les derniers, sans Pierre, sans son personnage, Ombe, et sa moto noire tragiquement prémonitoire. Les deux premiers volumes, les fidèles de Pierre Bottero les ont déjà lus. En guise d’introduction d’Erik L’Homme touche par sa sincérité, sa simplicité. Dans les quatre premiers tomes les histoires se croisent avec jubilation, avec des jeux de mots bêtes, des auto-citations, des noms de rues qui renvoient à d’autres auteurs, des titres distordus, Le Capitaine qui fracasse, L’immonde Ewillan…. La fête du langage établit une complicité immédiate avec le lecteur, dans le genre foisonnant qu’est celui de la fantaisy. Les trolls, les vampires, les êtres fantastiques pullulent. Heureusement, L’Association emploie des «paranormaux», c’est-àdire des gens normaux mais avec des pouvoirs particuliers, pour réguler les relations entre notre monde et le leur. Nous suivons deux héros, tous deux stagiaires de l’Association, Jasper, jeune sorcier, et Ombe, la belle guerrière dont il est amoureux. Chaque ouvrage correspond à une mission, narrée par le menu à mademoiselle Rose, la secrétaire de l’organisation secrète. La mise en abîme est un feu d’artifice. À ces paillettes ajoutez l’infinie poésie des titres… Les auteurs ne meurent jamais. MARYVONNE COLOMBANI

A comme Association La pâle lumière des ténèbres ; L’étoffe fragile du monde par Erik L’Homme Les limites Obscures de la magie ; Le subtil parfum du soufre par Pierre Bottero Gallimard / Rageot, 9,90 € chaque ouvrage


Voyages autour du conte Il était une fois en Roumanie, en Corée, en France, au Brésil ; il était une fois au Maroc, à Madagascar, en Bulgarie, au Congo et en Irak des conteurs qui célèbrent les merveilles du printemps. Par la voix de Mario Urbanet, conteur et poète, neuf contes «d’un peu partout» prennent des couleurs sous les coups de crayon d’un collectif d’illustrateurs. Mario Urbanet a puisé dans un répertoire de contes traditionnels quelques histoires qu’il a façonnées à sa manière «en veillant à faire partager la richesse et la diversité de notre langue». Ce qui réserve quelques transpositions hasardeuses, comme dans le conte congolais Une dispute mémorable où il évoque «brouillards et flocons», «petites giboulées» et «soupe au lait dans soupière»… Ou des adaptations cocasses, imagées, qui

parleront à coup sûr aux enfants : dans le conte malgache La création du printemps le premier homme est un «lourdaud, un grand dadais» et «un malotru» ! Les illustrations, dans leur alternance de chaud et de froid selon le style des dessinateurs et l’écho qu’ils donnent aux textes, donneront envie de parcourir l’album au gré des évocations oniriques ou réalistes. MARIE GODFRINGUIDICELLI

Contes et merveilles du Printemps Adaptation Mario Urbanet Illustrations Vincent Mathy (couverture), Yating Hung, Quentin Duckit, Louise Pianetti, Antoine Marchalot P’tit Glénat, 14 €

Changez d’échelle…

Titre discret, chanson légère, Presque rien, et pourtant quel charmant exercice ! L’album de Pierre Gueyrard nous entraîne dans un univers où les petites choses acquièrent une importance, le brin d’herbe qui pousse dans le sentier, la goutte d’eau échappée d’un cumulo-nimbus, la plume, ce bout d’oiseau, le flocon de neige ou de soie, un monde qui se dessine dans un bol de café… Et sa poésie du quotidien qui a l’humour tendre déplore la dure vie du sucre ! Un très joli moment, à savourer en câlin avec ses enfants : l’album se décline entre morceaux choisis et enregistrements publics, certains font penser à des chansons de Melchionne. On peut suivre les paroles sur le livret qui accompagne le CD, reconnaître les instruments joués, inventer de sauvages chorégraphies sur le Mambo Chachacha… Et l’envie vous prend d’assister à un concert. Presque rien, sans doute, mais nourri de bonheur. MARYVONNE COLOMBANI

Presque rien Pierre Gueyrard Éd. Bout d’Homme, 12 €


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ARTS VISUELS

MARSEILLE | SAINT-MAXIMIN | AIX-EN-PROVENCE

Matériologies et révélations La Nuit de l’Instant le 15 avril à partir de 18h30 40 artistes/15 lieux pour une seule nuit d’expos, installations, vidéos, projections, performances et cartes blanches à propos de l’image fixe et ses multiples croisements. Les Ateliers de l’Image La Traverse 04 91 90 46 76 www.ateliers-image.fr

Eau de là Elisabeth Towns, sans titre, tirage d'après sténopé © E.Towns

Après Sabine Weiss en ouverture de sa galerie, Hélène Detaille invite trois artistes qui a contrario de leur aînée appliquent à leurs clichés des procédés singuliers dans l’intimité de leur laboratoire. Pour eux la technique est au service de l’intention et de l’expression créatrices. Ce qui fait de chaque cliché souvent une œuvre non reproductible, unique. De ses images réalisées lors de nombreux voyages, Michèle Maurin propose une sélection éclectique où l’on retrouve nombre de ses recherches consacrées aux possibilités créatives amenées lors du tirage. Les interventions à base de métaux précieux, substances chimiques et minérales, or, sélénium, vanadium, urane ou encore thio-urée Matthias Olmeta, Eternal life, ambrotype sur altuglas, épreuve unique © M. Olmeta

confèrent à chaque image une densité particulière. Il s’agit d’une révélation «je ne contrôle pas tout, je laisse venir à moi, en attente du naturel de la chimie, comme un instinct du regard». Elisabeth Towns cultive un paradoxe. Elle utilise le plus rudimentaire des appareils photo, le sténopé (dont le fond est le plus souvent courbe) pour produire des images anamorphiques en noir et blanc qui sont ensuite tirées sur des papiers choisis, qui ont eux-mêmes subi de complexes concours chimiques afin de «…souligner des masses, des contours, des textures, des nuances, des ambiances qui sont le corps même de l’image». La démarche est plus spirituelle chez Matthias Olmeta. Nourri en particulier de culture chamanique, le photographe est à la recherche de l’essence des êtres, avec la gageure de rendre visible les énergies, l’aura des choses. En témoignent les séries de portraits Les Mystiques de l’immanence ou des Mandalas conçues selon le procédé ancien de l’ambrotype (datant de 1851 et cousin du daguerréotype). Fixée sur verre ou plexiglas chaque épreuve est une pièce unique. Trois artistes qui, aux antipodes d’une photographie distanciée, fusionnent l’image et la matière. Walter Benjamin n’aurait pas renié. CLAUDE LORIN

Empreintes singulières jusqu’au 28 mai Galerie Detaille, Marseille 04 91 53 43 46 www.galeriedetaille.com

Marc Chostakoff jusqu’au 3 juin (sauf vacances scolaires) Artothèque Antonin Artaud 04 91 06 38 05 www.lyc-artaud.ac-marseille.fr/artotheque

45e Salon photographique d’Allauch jusqu’au 8 mai invité d’honneur, Jean-Philippe Jourdrin expose La France d’à côté le 21 avril à 21h coup de projecteur sur l’œuvre photographique et éditorial de Serge Assier le 5 mai à 21h Jean Arrouye donnera une conférence sur La photographie humaniste, questionnement qui sous-tend les nombreuses expositions de cette édition 2011. Phocal 04 91 10 49 20 www.phocal.org

Le Garage Au bout de l’avenue Bosc, à une petite encablure des Calanques, William Guidarini avec l’appui de l’association Ici et Là ouvre un nouveau lieu dédié à la photographie. Espace de formation, d’accueil pour les auteurs photographes et de diffusion, Le Garage conjugue ateliers, galerie et résidences. 24 tirages 14x14cm inaugurent la galerie sous le titre générique… Le Garage en hommage à l’entreprise paternelle. jusqu’au 09 juillet Le Garage 06 16 38 60 89 www.wuilliamguidarini.com

Paysages urbains Depuis 2004 l’association Art-Cade propose des balades urbaines et des expositions mêlant art, architecture et paysage. Portant un regard neuf sur la ville et la production artistique contemporaine, le projet Archist se lance dans les galeries nomades pour aller au plus près des habitants : 4 expositions se succèderont dans 2 conteneurs au cœur du village de St Marcel. Des balades aussi seront proposées, ateliers d’observation qui permettent aux habitants de reconsidérer leur environnement.

Le 1er container présente Landsmarks, un travail photographique original de Luce Moreau qui permet d’imaginer le dialogue de la photographe avec un paysage, par la mise en place de miroirs réfléchissant la lumière du soleil et la renvoyant vers l’objectif. Ainsi des formes géométriques animant l’image témoignent d’un instant unique et du seul point de vue de l’artiste. Le 2e conteneur propose les travaux des étudiants de 4e année de l’École du Paysage de Marseille, qui mettent à l’étude des sites industriels

abandonnés, comme le site de l’Estaque ou des sites détruits par la folie meurtrière, notamment dans l’ex-Yougoslavie. CHRIS BOURGUE

Archist galeries nomades jusq’au 28 mai de 15h à 18h St Marcel, Marseille Balades à 10h30 les 16 et 30 avril et 21 mai 04 91 47 87 92 www.art-cade.org


Affaire classée Menée tambour battant par Marianne Pourtal Sourrieu, l’enquête autour d’un crâne est terminée et livre tous ses secrets. Enfin presque…

Crane a mosaique, Mexique, Inv. n°989-001-057, ex collection Henri Gastaut © Musees de Marseille/David Giancatarina

Reste humain, objet de culte, objet sacré ou œuvre d’art ? Avec Xihuitl, le bleu éternel qui croise histoire de l’art, science et anthropologie, le Musée des Arts Africains Océaniens et Amérindiens pose le problème de l’évolution du statut de l’objet exo-occidental L’exposition se présente comme une «enquête autour d’un crâne» humain recouvert d’une mosaïque de turquoises provenant du Mexique, et d’origine mixtèque. Une pièce exceptionnelle qui a fait couler beaucoup d’encre avant son acquisition par le MAAOA en 1989, quand elle figurait dans la collection du professeur Gastaut et avant qu’elle soit volée dans une galerie parisienne. Bref, un crâne aux tribulations mouvementées ! Aujourd’hui le MAAOA offre les fruits de ses investigations scientifiques sur ses origines, son authenticité, sa datation, son itinéraire rocambolesque, sa restauration; il livre aussi les conclusions des experts du Centre de recherche et de restauration des Musées de France et multiplie les grilles de lecture dans une persCrane a mosaique (detail), Mexique, Inv. n°989-001-057, ex collection Henri Gastaut © Musees de Marseille/David Giancatarina

pective historique. Sa démonstration, rigoureuse, prend appui sur les éléments de l’enquête pour les restituer avec pédagogie au public : vidéos, cartographies, Codex, photographies, figurines, masques et autres objets mexicains, topo sur les minéraux et turquoises, édition d’un catalogue… Un parcours-découverte qui nous entraîne jusqu’à «l’autel» où repose le crâne, baigné d’un halo de lumière dans sa vitrine protectrice, puis à l’extérieur, dans une salle annexe où est projeté un documentaire sur les recherches des experts. Si l’histoire de l’œuvre est aussi fascinante que l’objet, elle recèle encore une part d’ombre : le doute persiste sur la colle qui fixe la mosaïque au crâne ! Le crâne reste une énigme et Marianne Pourtal Sourrieur s’interroge : «quel sens donnons-nous aux objets à la lumière de l’histoire, de la science et de la philosophie ?». MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Xihuitl, le bleu éternel jusqu’au 3 juillet Centre de la Vieille charité, Marseille 2e 04 91 14 58 38 www.marseille.fr

Poésie à vivre Le festival Poétique de la ville prend ses quartiers dans le musée Louis Rostan rénové, à Saint-Maximin, à l’initiative de Plaine Page qui met le livre d’artiste contemporain au cœur de l’événement littéraire, et les ateliers d’écriture-lectures à la croisée des publics. Livre peint, livre illustré, livre-objet, livre monstre, livre unique… la palette stylistique et technique est vaste, en témoignent les œuvres des 42 artistes réunis par Martine Caris et Cathy Poisson. Le livre d’artiste, qui trouve son origine dans les manuscrits médiévaux, se définit fondamentalement comme un art du dialogue, entre le plasticien et son éditeur, entre le plasticien et le poète, chacun trouvant matière à création. Les arts graphiques croisent la photographie, la peinture côtoie l’aquarelle, la poésie voisine avec des textes scientifiques et les notes débordent des cadres ! L’exposition révèle «cet art total où la liberté de la forme rejoint celle de l’expression» et permet à tous de s’essayer à la calligraphie, aux carnets poétiques ou au slam. M.G.-G.

Poétique de la ville, événement proposé dans le cadre du projet de la politique de la Ville «l’École du spectateur» jusqu’au 16 avril Musée Louis Rostan, Saint-Maximin 04 94 59 39 75 www.st-maximin.fr


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ARTS VISUELS

AIX-EN-PROVENCE

Le clan des Sudristes À Aix la famille Sudre dessine une histoire de la photographie de plus de 50 ans. Le musée des Tapisseries lui rend hommage Claudine etJean-Pierre Sudre furent de tous les combats pour la reconnaissance de la «photographie créative» : c’était dans les années 70, Jean-Pierre formait avec Jean Dieuzaide et Denis Brihat «le groupe dit des trois mousquetaires» et participait à la première réunion d’Arles qui deviendra les Rencontres de la photographie… Mais le virus de la photographie est antérieur, déjà en 1952 Brassaï dédicaçait la préface de sa première exposition et en 1967 Michel Tournier l’interviewait pour l’ORTF ! Quand le couple s’installe à Lacoste, il agrandit son centre de création et de recherche Le Labonicole, ouvert aux artistes en résidence et aux jeunes apprentis formés à la prise de vue, aux développements, au tirage, aux finitions, à la mise en page et à l’histoire de la photographie. Car la photographie, confectionnée de A à Z par Claudine, est une histoire collective qui se transmet. À leurs enfants Dominique et Fanny, qui épouseront tous deux des photographes, Laurence et Jean… L’exposition justement, révèle l’identité de chacun et les filiations. Entre les expérimentations de J.-P. Sudre, son travail sur la lumière et la transparence dans les natures mortes

(Hommage au peintre Baugin, Le panier aux cerises), ses Paysages matériographiques et les paysages extrêmes de Dominique (Font d’Urle dans le Vercors ou Étang bleu à San Cristobal de las Casas au Mexique). Un même attachement aux techniques anciennes, au tirage en chambre noire et à la poésie réelle ou rêvée… Changement de cadre avec Laurence qui aborde d’autres rivages et s’inscrit dans la grande tradition du portrait. D’abord des anonymes puis des stars dont elle capte les «moments d’abandon» (Samuel Fuller dans la fumée de son cigare, Joseph Beuys index pointé). Retour au modèle parental avec Fanny et Jean Bernard qui apprennent ensemble le métier et ouvrent L’Atelier-Galerie en 1977 à Aix. De là ils sillonnent la France pour fouiller les musées et porter un regard décalé sur les collections, les réserves, le bâti. L’exposition se lit comme un roman familial et un témoignage vivant : les petits-enfants de Jean-Pierre et de Claudine seront peut-être atteints du même virus ? MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

© J.-P. SUDRE, Imaginaire planetaire, 1992

Catalogue de l’exposition publié par le Musée de l’hospice Saint-Roch à Issoudun, textes de Martine Ravache

Les Sudre, une famille de photographes jusqu’au 16 mai Musée des Tapisseries, Aix 04 42 23 09 91

L’appel de l’Égypte Haute Egypte, 14 janvier 1984, 12h © Pierre de Fenoyl

À la fin du 18e siècle les futures élites de la société française allaient parfaire leurs humanités en réalisant le «Grand Tour», en Italie d’abord, puis en Orient. Les jeunes artistes aussi furent du voyage, en témoignent la littérature, les vedute et bientôt la photographie, témoin de ces horizons exotiques. À la galerie d’art du Conseil Général 13, Gilles Mora anéantit l’espace-temps d’un coup de photo magique en réunissant les premiers clichés des voyageurs du 19e (les primitivistes de la collection Serge Kakou) et les tirages de leurs émules Denis Roche et Pierre de Fenoyl. Tous deux embarqués en Égypte dans les années 80 pour une expérience initiatique sur les traces de Maxime Du Camp, auteur du premier livre illustré de photographies de ses voyages, et de son compagnon le jeune Gustave Flaubert… Décor monumental et colonnes factices : la scénographie plonge le visiteur dans la pénombre d’un temple, murs saumon pour Denis Roche et sa Maison du Sphinx, vert santal pour la Suite égyptienne de Pierre de Fenoyl, rouge muséal pour la collection Serge Kakou. Là, les photos de Denis Roche, habilement, superposent le «cliché touristique égyptien» aux vues intimes : image

volée d’une pyramide derrière le pare-brise, démesure de Denderah, vitrine d’un marchand de montres, mise en scène avec son épouse dont on aperçoit la silhouette, glissant dans cet entredeux les détails de leur présence : lunettes de soleil abandonnées sur une table, ombres sur un pont, réverbérations à effet miroir. Des clichés écrasés de soleil qui brouillent les plans jusqu’à projeter un temple et un sphinx dans une arrièresalle de cafétéria ! Denis Roche saisit le mouvement, la fugacité, l’air du temps trépidant quand Pierre de Fenoyl privilégie le silence, la contemplation, l’immobilité. Dans l’esprit et le style des Bonfils, Zangaki ou Beato de la collection Serge Kakou, ses photos portent le poids des vestiges du passé et de l’éternité. M.G.-G.

Gilles Mora est directeur artistique du nouveau Pavillon Populaire à Montpellier

Voyages en Égypte jusqu’au 19 juin Galerie d’art du Conseil général 13, Aix www.culture-13.fr


ARLES | AIX-EN-PROVENCE

ARTS VISUELS

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À l’Archevêché, l’Amérique vue par Lucien Clergue… Un demi siècle de photographies, pour certaines rarement montrées : avec ce troisième et ultime volet consacré au maître d’Arles, la bannière étoilée nord américaine semble se refléter dans les emblématiques nus zébrés. Bien sûr on retrouve les cambrures foufounesques de belles américaines entre désert et lofts chics à mille miles de la Camargue, la nature sublimée par l’œil sensuel et sexué anthropomorphe, les reflets miroitants des gratte-ciels, des portraits de proches et de rencontres illustres. Moins connus et plus rarement exposés, les polaroids, technologie US que Clergue expérimente fin des années 70, explorent au-delà du nu féminin (Trio de femmes) une autre vision via de petits et grands formats imposés, cadrages serrés, plasticité du support, images composites à la

Hockney, mais aussi par la captation de sujets du quotidien comme la télévision (autre symbole nordaméricain) dont l’écran est en panne, comme un écho aux signes vernaculaires urbains et routiers (Enigme de la Route d’El Paso) dans la tradition moderne états-unienne. Le catalogue rend compte dans le détail par divers témoignages de ce regard devenu quasi intemporel, mais cette rétrospective est malheureusement plombée par des conditions d’accrochage et d’éclairage indignes pour les œuvres, l’artiste, pour la photographie à Arles. À quand un vrai lieu d’exposition permanent ? C.L.

Clergue in America 1961-2010 jusqu’au 1er mai Palais de l’Archevêché, Arles www.arles.fr/clergue

© Lucien Clergue, Enigme de la route d'El Paso, composite polaroïd, 1983

Photographic movie

Folies légères

Ellipses

Au Pavillon de Vendôme les installations d’Isa Barbier se plaisent à jouer avec l’histoire sentimentale des lieux et leurs illustres propriétaires

Amaury da Cunha installe ses images visuelles et sonores à la galerie Voies Off

Construit en 1665 pour abriter les amours clandestines de Lucrèce Forbin-Solliès et Louis de Mercoeur duc de Vendôme, le pavillon et son programme décoratif dialoguent avec plumes et miroirs, dessins et installations d’Isa Barbier. Folies et sentiments reflétés jusque dans le bassin. On raconte que, pour les nécessités d’anonymat, les carrosses entraient directement à l’intérieur de l’hôtel. En référence à cette discrétion, dans chacun des salons de part et d’autre de l’entrée, Isa Barbier a déposé Aller-retour (porIsa Barbier, Fantôme de Lucrèce, installation pour Les Atomes trait peint des amants, de Lucrèce (variations fuguées), Pavillon de vendôme, Aix, 2011 © Jean Bernard miroirs du Rajasthan assemblés tels des parures en fer à cheval). L’allusion est peu évidente mais confère intimité et luxe. Avec Les Chevelures de Bérénice suspendues dans le hall on passe à côté de la sensualité féminine, et c’est à l’étage que le Fantôme de Lucrèce et Le Lit nous mènent vers cette douce folie. Nous retrouvons la materia prima chère à l’artiste : le duvet. Sa fluidité est offerte au regard et à la lumière, et surtout l’air, qui enveloppe, ciment impalpable dont les frémissements se glissent comme un parfum subtil dans ces chambres luxueuses. Chez Fontana l’entaille/vide est viol de la toile, chez Barbier le vide/air est consubstantiel à l’invite sensuelle. Les duvets suspendus en robe légère et lit immaculés disent la virginité, mais aussi les toisons humaines à leurs premiers frémissements. Ne manquent que les parfums. C.L. Les atomes de Lucrèce [variations fuguées] Isa Barbier jusqu’au 6 juin Pavillon de Vendôme, Aix 04 42 91 88 75

Nominés pour le prix Voies Off en 2009, les clichés d’Amaury da Cunha ne tentent pas de raconter des histoires. Celles-ci existent pour partie en chacune d’elles. Comme en attente. Ses photographies se présentent comme simples points d’accroche sans trame commune apparente. Un chien retrousse ses babines, une femme face à une falaise sombre, un couple en conversation sous une lampe, une automobile maculée… Le récit, si on souhaite qu’il en existe un, s’invente dans l’espace physique et mental qui les sépare et réunit, dans le hors-cadre comme dans le hors-champ pour se développer dans des affabulations individuelles. La syntaxe parcellaire travaille par ellipses, à partir d’images sans bruit (au sens de la théorie de la communication) ni bavardages (les cadrages serrés en disent peu, pas de cartel informatif) accom-

pagnées de la voix off de l’artiste diffusée par une bande son conçue spécialement pour le projet arlésien. D’où l’importance accordée par le photographe Christophe Laloi dans l’agencement des clichés. Les combinaisons sont nombreuses. On cherche à reconnecter les bribes sonores qui font sens avec les images matérielles. On recolle des morceaux de réalités sans sujet explicite en paradigmes narratifs incertains. Après tout, on se raconte en d’autres circonstances autrement bien des histoires. CLAUDE LORIN

Amaury da Cunha, Après tout jusqu’au 10 juin Galerie Voies Off, Arles 04 90 96 93 82 www.voies-off.com © Amaury da Cunha


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ARTS VISUELS

AU PROGRAMME 2011/14 et plus La troisième édition des Arts éphémères multiplie les passerelles notamment avec l’École d’Art de Toulon et le Ballet National de Marseille pour une performance dansée. Axe majeur du festival, la rencontre entre artistes reconnus et amateurs des Ateliers publics de l’École des Beaux-arts de Marseille. Parmi les plasticiens retenus par Thierry Ollat, R. Bragard, Destieu &Wood, Y. Gat, G. Gattier, C. Jaccard, V. Klötz, C. Melin, A. Molinero, S. Nava, J-F. Roux, E. Samakh, P. Simonet, Stauth & Queyrel, S. Strassmann, plusieurs ont conçu une création pour l’évènement. C.L.

Festival des Arts Ephémères du 19 au 29 mai Maison Blanche, Marseille 04 91 14 63 50 www.marseille9-10.fr

Boucle usee © Claire Colin-Collin

Paul Destieu & Colson Wood, Planche d'étude pour Subprime, encre et transfert sur papier, 2011 © Paul Destieu & Colson Wood

Allégories du monde En 2005 le Prix de peinture Jean-Michel Mourlot avait jeté la lumière sur l’œuvre, discrète, de Claire Colin-Collin, peintures-traces d’une nature sensuelle, échos colorés des bruissements du monde. Place aujourd’hui à de nouvelles traces de son passage, quelques Instants fossiles et souvent fragiles… Pour ceux qui le souhaitent, une rencontre avec l’artiste et les auteurs Ludovic Iacovo et Christophe Cadu-Narquet est organisée le 23 avril de 11h à 13h. M.G.-G.

Instants fossiles Claire Colin-Collin jusqu’au 29 mai Maison des arts, Carcès 04 94 04 39 36 www.lamaisondesarts-carces.org

À la table ! À l’Espace Saint-Nazaire comme à la galerie L’Art à la bouche, les artistes invités par Artistic promotion exposent leurs travaux et transmettent leurs savoir-faire : ateliers sculpture sur terre avec Nicole Dubois (le 18 avril), linogravure avec Emmanuel Rastouil (16 et 17), peinture de groupe avec Nicolas Trufaut (19 et 20), «à partir d’une tâche» avec Gaëlle Villedary (22 et 23). Au total 11 artistes participent à cette vaste opération de découverte et de partage. M.G.-G.

L’Art et le savoir-faire jusqu’au 24 avril L’Art à la bouche et Espace Saint Nazaire, Sanary 04 94 74 01 04 www.sanarysurmer.com Terre moyenne © Gaelle Villedary

Prends garde ! À l’heure où certains tentent de mettre le holà sur les olés, Arles affirme sa culture taurine. La tauromachie serait-elle donc un art ? Elle est assurément un vibrant sujet d’inspiration pour les 150 artistes de différents pays réunis sous la protection de la chapelle Sainte Anne et la figure emblématique du Toreador. D’Arroyo, Combas, Le Gac, à Texier, Clergue, Houssin ou Wohlfahrt. Un important catalogue accompagne l’exposition qui sera accueillie à Madrid et Séville. C.L.

Toreador jusqu’au 25 avril Chapelle Sainte Anne, Arles 04 90 49 38 32 www.arles-agenda.fr

Deesse d’Ife, avant 1910, Pret au Musee d’Ife. Technique mixte, Marseille, 2005. © Sophie Testa


ARTS VISUELS

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Cocotropique La jeune artiste marseillaise Caroline Le Méhauté fait son Solo Show à la galerie du Château de Servières qui l’accompagne dans son nouveau projet. Elle lui réserve donc un florilège d’œuvres inédites : dessins, sculptures et installations, frottées à la poétique de la nature et aux variations de lumière. Des pièces qui interrogent leur rapport à l’espace, en jouent, dialoguent avec lui, même si les matériaux semblent fragiles… M.G.-G.

Cocotrope Caroline Le Méhauté du 12 mai au 23 juillet Galerie du Château de Servières, Marseille 04 91 85 42 78 Isabel Echarri, La muerte de Ignacio Sanchez Mejias, www.chateaudeservieres.org livre d'artiste © C.Lorin/Zibeline

Syncrétisme

Vue d'ensemble Atelier © Caroline Le Méhauté

Qu’autorise la rencontre de la tradition des masques africains ou océaniens et les formes du dessin contemporain ? Depuis 2004 Sophie Testa construit une sorte de panthéon où se nouent représentations magiques et art contemporain, l’anthropologie et les Arts Premiers. Plus de deux cents icônes ont été réalisées depuis. Ouvrage à paraître en octobre, avec le regard de l’anthropologue Monique Jeudy-Ballini. C.L.

La mer des masques Sophie Testa du 7 au 31 mai La Poissonnerie, Marseille 06 13 14 68 35 http://lapoissonnerie.free.fr

Andres Serrano, Immersions (Piss Christ), 1987, cibachrome © Collection Lambert

Miraculeux Regard vissé dans le rétroviseur, la Collection Lambert réunit les artistes emblématiques de ses 10 années en Avignon. Ceux qui se sont glissés dans ses expositions-phares comme Collections d’artistes en 2001, À Fripon, fripon et demi, J’embrasse pas en 2007/2008…, et les «stars» Roni Horn, Cy Twombly ou Miquel Barceló cet été… Je crois aux miracles est une exposition sur l’art contemporain en forme de portrait en pointillés d’Yvon Lambert, ses coups de cœur et ses coups de maître. M.G.-G.

Je crois aux miracles jusqu’au 8 mai Collection Lambert, Avignon 04 90 16 56 20 www.collectionlambert.com

Chronique des necessites fluctuantes n°95, 2010, acrylique et collages © Roger Abate

Le talisman et la disgrâce De confrontation, il en est question dans l’œuvre de Roger Abate, «entre un alphabet imaginaire et la représentation la plus élémentaire de la silhouette humaine» ; de même dans son face à face avec Alain Crocq, ses Gueules cassées à la difformité muette et aux cicatrices ouvertes. Rien d’aléatoire ici, et la galerie du Lézard l’a bien compris qui rend leur promiscuité évidente malgré leurs vocabulaires plastiques différenciés. M.G.-G.

© Alain Crocq

Roger Abate et Alain Crocq du 10 mai au 4 juin Galerie du Lézard, Aix 06 12 23 35 03 www.galeriedulezard.blogspot.com


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CINÉMA

OUEST PROVENCE | RENDEZ-VOUS D’ANNIE

Cinématogénies

Winnipeg mon amour de Guy Maddin

La plateforme POPARTs mobilise le territoire d’Ouest Provence pour une programmation tous azimuts sur les rapports cinéma et art contemporain. Images Tranversales s’offre un casting VIP

La rétrospective Pupi Avati continue à l’Institut Culturel Italien : le 19 avril à 18h, Il figlio più piccolo avec Laura Morante, Luca Zingarelli… Luciano Baietti, homme d’affaires immoral, vit loin de sa famille dans une luxueuse villa de campagne. Le souvenir de son fils ne lui revient que lorsqu’il se retrouve au bord de la faillite économique et judiciaire et que son fidèle conseiller lui recommande de l’utiliser comme prête-nom… Institut Culturel Italien, Marseille 04 91 48 51 94 www.iicmarsiglia.esteri.it

avec les œuvres (entre autres) de Cindy Sherman, Duane Michals, Christian Boltanski, John Baldessari, Philippe Parreno, Pierre Huygue ou encore Virginie Barré, Olivier Rebufa ; les installations vidéo de Flavie Pinatel, Claude Closky, JeanPatrick Pelletier. Et pour tout comprendre, table ronde au Théâtre de l’Olivier à Istres le 6 mai à 20h30 avec Paul Ardenne, François Lejault, Lucia Monteiro, Emmanuel Verges et Thierry Froger, artiste en résidence. Le vernissage de l’expo Je me fais mon cinéma que vous pourrez voir jusqu’au 13 juillet au Centre d’Art Contemporain intercommunal d’Istres aura lieu le 6 mai à 18h. Des projections aussi, avec 5 longs métrages précédés de courts : ouverture de la Semaine cinématographique à 20h, le 3 mai, avec l’Homme

de Londres de Bela Tarr à l’Odyssée à Fos-surMer ; Winnipeg mon amour de Guy Maddin au Comœdia à Miramas le 4; Faites le mur de Banksy, à l’Espace Robert Hossein à Grans le 5 ; Mulholland drive de David Lynch, au Coluche à Istres 9 mai et le lendemain, à 18h30, Une femme disparaît d’Alfred Hitchcock, à l’Espace Gérard Philipe à Port-Saint-Louis-du-Rhône.

Les Mardis de la Cinémathèque proposent, le 26 avril à 19 h au CRDP, les «primitifs» du cinéma en concert : les Frères Lumière, Alice Guy, Méliès… Les images sont accompagnées au piano par Laurent Olieu.

Le 5 mai à 20h30, à l’Alhambra, projection du documentaire Les Yeux fermés, produit par Lieux Fictifs, en présence d’un des réalisateurs, Clément Dorival : à l’approche de Noël, Reykjavík est plongée dans une nuit profonde. Les habitants illuminent alors la ville. Dans ce climat étrange et poétique, trois êtres vont croiser leur existence par l’intermédiaire de deux défunts…

CRDP, Marseille 04 91 50 64 48 www.crdp-aix-marseille.fr

Du 27 avril au 10 mai, l’Institut de l’Image propose de faire un petit tour d’horizon de l’œuvre des frères Coen, un parcours dans les différents genres cinématographiques qu’ils ont revisités, film noir, western, comédie… L’occasion de (re)voir Sang pour sang, Barton Fink, Fargo, The Big Lebowski, The Barber, No Country for Old Men, A Serious Man et True Grit. Institut de l’Image, Aix 04 42 26 81 82 www.institut-image.org

Il figlio piu piccolo de Pupi Avati

L’Institut Culturel Italien et Le Polygone Etoilé présentent, le 26 avril à 15h30, quatre films issus des rencontres franco-italiennes : Alpini de Jean François Neplaz autour de l’écrivain Mario Rigoni Stern (cf Zib 33) suivi de Calle della Pietà de Mario Brenta et Karine de Villers, une chronique sur la dernière journée de la vie du Titien (cf Zib 36). À 17h50, Acchiana d’Emanuele Schiavoni, né d’une recherche anthropologique sur le travail des pêcheurs siciliens de Marettimo, une petite île de l’archipel des Egadi. À 19h10, 42 Storie da un edificio mondo de Francesca Cogni et Donatello Mattia sur la vie et les intrigues dans un immeuble à Milan. Institut Culturel Italien, Marseille 04 91 48 51 94 www.iicmarsiglia.esteri.it

Le 28 avril à 20h au cinéma Variétés, à l’occasion de la sortie du DVD, Vidéomappings : Aîda.Palestine de Till Roeskens, projection de Plan de situation : Joliette, Grand prix de la compétition française au FID 2009, précédé d’un apéritif et d’une présentation des éditeurs, Batoutos et Lowave. Cinéma Variétés, Marseille 09 75 83 53 19

L’Institut Culturel Italien présente une rétrospective sur les divas italiennes des années 50 et 60 : on commence le 3 mai à 18h avec Silvana Pampanini dans Il matrimonio d’Antonio Petrucci. Le jeune Ivan se laisse influencer par le misogyne Smirnov et se dispute avec sa petite amie qu’il est sur le point de demander en mariage… Institut Culturel Italien, Marseille 04 91 48 51 94 www.iicmarsiglia.esteri.it

CLAUDE LORIN ET ANNIE GAVA

Images transversales 1re rencontre de l’art contemporain et du cinéma Ouest Provence, Istres Du 3 mai au 13 juillet 04 42 55 17 10 www.ouestprovence.fr www.scenesetcines.fr

Alhambra Cinémarseille 04 91 03 84 66 www.alhambracine.com

Le 7 mai à 18h30, l’association Les Mains Unies propose à l’Alhambra un Ciné-Repas-Spectacle : un programme de courts métrages, suivi d’un repas et du spectacle La Révolution des Chibanis : Marseille, 1958, un bateau arrive d’Algérie, le jeune Bouchiche et son ami Farhat débarquent à Marseille... Ils sont pleins d’espoir dans l’avenir : à eux la liberté, la démocratie, l’argent et le bonheur ! Alhambra Cinémarseille Réservation obligatoire : 04 91 46 02 83 www.alhambracine.com

Le 11 mai à 20h au cinéma Variétés, carte blanche à Alexandre Bergamini à l’occasion de la sortie de son roman Sang damné. Projection d’ABC Africa d’Abbas Kiarostami : en avril 2000, en Ouganda, le réalisateur iranien et son assistant arrivent à Kampala ; ils découvrent de nombreux enfants ayant perdu leurs parents à cause du Sida. Ils filment une Afrique joyeuse malgré la souffrance et la maladie. Cinéma Variétés, Marseille 09 75 83 53 19 ABC Africa d'Abbas Kiarostami


ALHAMBRA | REFLETS | ROUSSET

CINÉMA

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Un cinéaste de la mélancolie Quelle excellente idée a eue l’Alhambra Cinémarseille de proposer un focus sur Reha Erdem ! Des cinéastes turcs, on connaît surtout Nuri Bilge Ceylan ou Fatih Akin, et non ce cinéaste stambouliote, qui filme la vie à hauteur d’enfant. Que ce soit dans Des Temps et des vents, celle de trois adolescents d’un petit village coincé entre montagne et mer, vivant au rythme des saisons, ou celle de Hayat, sur les rives du Bosphore à Istanbul, solitaire et mal aimée dans My Only Sunshine, ce sont des enfances meurtries et un dur passage à l’âge adulte que met en scène magnifiquement Reha Erdem. Le temps semble s’écouler lentement, avec son lot de drames pour chacun des protagonistes Des temps et des vents : le fils de l’imam, Ömer, souhaite la mort de son père qui le rejette et cherche des scor-

pions ; Yakup, dont le père a peur de son propre père, est désespérément amoureux de l’institutrice ; Yıldız est partagée entre l’école et les travaux que sa mère lui impose. Les pères sont durs, de génération en génération, et cela sans fin ; heureusement, le film, divisé en cinq parties, chacune débutant par un appel à la prière, commence par la nuit, et le dernier segment est le matin, comme un signe d’espoir. Et de l’espoir il y en a aussi pour la courageuse Hayat, superbement interprétée par la jeune Elit Íşcan (qui jouait Yıldız dans le film précédent) qui supporte stoïquement un père alcoolique et trafiquant, un grand-père malade et acariâtre, les moqueries à l’école et bien d’autres choses. Elle saura conqué-

My only sunshine de Reha Erdem

rir sa liberté. La monotonie de ces vies est filmée comme de longs poèmes lyriques, visuels et sonores, superbes et cruels, d’où se dégage une noire et amère mélancolie. A. G.

Ce focus s’est déroulé au cœur d’Istanbul à facettes organisé avec Radio Grenouille du 6 au 12 avril

Homoparentalité Du 4 au 8 mai aura lieu la 9e édition du Festival REFLETS, des films d’aujourd’hui pour penser demain, organisée par l’association MPPM qui propose une quinzaine de films comme autant de «voyages permettant de traverser une pluralité de The kids are all right de Lisa Cholodenko

mondes et de façons d’aborder l’existence.» Des films qui abordent les questions de tolérance, d’éducation, de sexualité, de discrimination, avec cette année la thématique Ils étaient une fois… qui évoque les couples lesbiens et gays, et leurs enfants. Ainsi, on pourra voir au cinéma Variétés à Marseille, en ouverture de la manifestation le 4 mai, un film de Lisa Cholodenko, Tout va bien, the kids are all right, nominé aux Oscars : deux femmes qui vivent ensemble, et ont créé un foyer doux et rassurant, voient arriver le géniteur des deux enfants… Les Joies de la famille d’Ella Lemhagen aborde aussi le même thème. Des films de fiction venus de neuf pays qui parlent aussi d’enfance, d’adolescence et de découverte de soi, comme Le dernier été de la Boyita de Julia Solomonoff, Le secret d’Antonio de Joselito Altarejos et Summer Storm de Marco Kreuzpaintner. Des documentaires aussi : 108 – Cuchillo de palo de

Renate Costa sur la persécution des homosexuels au Paraguay pendant la dictature militaire d’Alfredo Stroessner. Et Too much Pussy ! Feminist Sluts in the QueerXShow, un road movie d’Emilie Jouvet sur les folles aventures de 7 jeunes artistes performeuses réunies le temps d’une tournée épique, qui ont traversé l’Europe en van pendant l’été 2009. Sans oublier que REFLETS ce sont aussi des rencontres avec des réalisateurs, des soirées musicales animées par des Djs, une exposition d’arts visuels et pour se mettre en appétit, une «mise en bouche» le jeudi 28 avril au restaurant les Grandes Tables de la Friche avec un diner-ciné, À la Carte de Nacho Garcia Velilla. ANNIE GAVA

Association MPPM 04 91 64 75 87 www.festival-reflets.org

De la danse avant toute chose phique… L’occasion de (re)voir Le bal d’Ettore Scola ; Rumba de Fiona Gordon, Dominique Abel et Bruno Romy ; All that jazz de Bob Fosse ; Carmen de Carlos Saura ; West Side Story de Robert Wise ; Pas à Pas de Blanca Li ainsi que ses courts métrages, Home fitness et Angoisse. On retrouvera avec plaisir Le petit bal perdu de

Philippe Découflé, La Lampe de Joëlle Bouvier et Régis Obaldia, les répétitions d’Eldorado de Preljocaj et son dialogue avec Karlheinz Stockhausen, filmés par Olivier Assayas. Quant au peintre catalan Xavier Moréno, il explore avec son pinceau le mouvement, la lumière et le corps et vous pourrez le rencontrer à la médiathèque de Rousset le 26 avril à 18h. Carmen de Carlos Saura

Du 28 avril au 1er mai aura lieu, à la salle Emilien Ventre de Rousset, la 9e édition du festival Provence, Terre de Cinéma : 13 longs métrages dont 3 documentaires, 8 courts métrages en compétition et des courts autour de la danse. Le 28 et 29 avril, après le Kurdistan en 2010, c’est au tour du Mexique : des films de «l’âge d’or des années 1930-50» et du «renouveau» des années 1990 à aujourd’hui. En ouverture, Espiral en présence du réalisateur, Jorge Perez Solano et de l’acteur, Harold Torres, suivi d’un concert. Le 29, Maria Cantalaria d’Emilio Fernandez, Palme d’Or en 1946 et Amores perros d’Alejandro Gonzalez Inarritu. La soirée sera consacrée à la compétition de 8 courts métrages tournés en Provence, en présence des réalisateurs et équipes de films. Le week-end sera consacrés aux amours des «Cinéastes et Chorégraphes» : comment filmer la danse, le corps, comment le cinéma devient-il chorégra-

ANNIE GAVA

Provence, Terre de Cinéma Du 28 avril au 1er mai Salle Emilien Ventre, Rousset Exposition de Xavier Moreno Jusqu’au 28 mai Médiathèque de Rousset 04 42 53 36 39 www.filmsdelta.com


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CINÉMA

ASPAS | AUBAGNE

Viva la vida ! «Dis-lui de ne pas me tuer», les 13e Rencontres du cinéma sud américain se sont ouvertes sur cette prière extraite d’un texte de Juan Rulfo. De mort, il fut souvent question dans ces films venus de toute l’Amérique Latine entre Enfer et Paradis. L’enfer

des bidonvilles vénézuéliens que les deux frères d’Hermano de Marcel Rasquin cherchent à fuir par le foot, celui de Luis Estrada dans El infierno, satire kitch et sanguinolante du système politique mexicain gangréné à tous les niveaux par de grandguiEva y Lola de Sabrina Farji © Zoelle Producciones

gnolesques narcotrafiquants. Le Mexique fut pourtant pour des milliers de réfugiés pourchassés par Franco, Hitler ou les sbires de Vichy, un Visa al paraíso offert par Gilberto Bosquès, consul de 39 à 42 à Paris puis à Marseille. Films, photos d’archives, interviews, témoignages, Lilian Liberman reconstitue étape après étape l’action héroïque de cet homme d’exception ainsi que le destin de ceux qu’il a sauvés, tirant d’une mémoire à vif la force tenace des émotions. À travers les docs argentins Milagro en Jujuy de Pereira retraçant l’expérience d’une organisation sociale participative réussie ou El ambulante de La Serna, Marcheggiano et Yurcovitch, portrait d’un vieil enfant septuagénaire qui crée du cinéma et de la cohésion sociale avec trois pesos, deux bouts de ficelle et une passion communicative, la programmation d’ASPAS s’est fait l’écho d’une culture métissée, douée pour l’humour,

l’imagination et les gestes concrets qui réinventent le quotidien de sociétés en mutation. Dans le crépuscule de la dictature cubaine, Estéban l’exilé homosexuel de Casa viejo fléchit l’intransigeance de son frère, petit cadre du Parti. Eva y Lola de Sabrina Farji s’ouvre avec un train électrique qui a déraillé sur une table de salon et s’achève sur le quai d’une gare par les retrouvailles ensoleillées d’une grand-mère et de sa petite fille élevée par le tortionnaire de ses parents. Les corps sensuels des jeunes Eva et Lola aux destins parallèles évinçant sur l’écran celui décharné du général menotté à son lit d’hôpital, s’affirment dès lors comme l’allégorie d’un printemps qui a toujours raison. ÉLISE PADOVANI

Voir le Palmarès sur le site de l’Aspas www.aspas-marseille.org

Le Cinéma fait sa musique Au Festival International du Film d’Aubagne, on regarde et surtout on écoute les films ! À cet égard, la soirée de clôture est emblématique : un ciné-concert, donné par les dix jeunes compositeurs musiciens de la master class dirigée par Charles Papasoff qui ont «enchanté» trois courts métrages dont Charlie rate son mariage de Léo Mac Carey et Doggone Tired de Tex Avery. Tout au long de la semaine, du 21 au 26 mars, le public, composé d’une majorité de jeunes et d’étudiants du SATIS -dont le directeur, Jacques Sapiéga, est le président du FIFA-, a pu rencontrer réalisateurs -parmi lesquels Gérard Corbiau-,

compositeurs, directeurs d’écoles de cinéma, participer à des concerts et surtout faire de superbes voyages. En Suède, lors de la soirée d’ouverture, avec le réjouissant Sound of noise d’Ola Simonsson et Johannes Stjärne Nilsson (Zib’ 31) ; en Bulgarie en compagnie de trois amis d’enfance, un peu loosers, sur les traces de Katia et, sans doute, de leur jeunesse perdue dans Emergency Landing de Kristina Grozeva et Petar Valchanov. À travers l’Allemagne, en compagnie du mystérieux Julian, un peu illuminé -magistralement interprété par Robert Stadlober-, qui marche sans trêve, sûr que l’énergie positive qu’il émet sauvera le père cardiaque de son meilleur ami ; ceux qu’il rencontre le suivent, remettant en question leur vie quoti-

dienne, pour, peut-être, mieux la vivre après… Le jury a été sensible à la force dégagée par les héros de Nick Baker-Montey et la musique de Fabian Römer puisque The Man who jumped cars a obtenu, à juste titre, le Grand Prix de la meilleure musique originale et le Prix du meilleur film. Parmi toutes les initiatives intéressantes, on retiendra le projet Je me souviens… de la Méditerranée, une collection de courts métrages inspirés de Georges Pérec ; des récits de vie de trois minutes dont dix ont été projetés, réalisés par des étudiants du SATIS d’Aubagne et de L’ALBA de Beyrouth auxquels se joindront, plus tard, ceux d’écoles d’Istanbul et de Gênes. ANNIE GAVA The Man who jumped cars de Nick Baker-Montey


OUEST PCE | LATCHO DIVANO | INSTITUT DE L’IMAGE

CINÉMA

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Toujours l’amour… Le Comœdia à Miramas est l’une des cinq salles Scènes et cinés qui proposait du 1er au 8 avril un Panorama du cinéma espagnol Le 5 avril, une soirée comédie : deux premiers longs métrages avec la même actrice principale, Lola Dueñas, superbe dans les deux rôles, et le parti pris de la légèreté et de l’humour pour traiter de sujets sérieux ou graves. Les deux parlent au fond de la même chose, de l’amour et du sexe. Le premier, Yo tambien d’Alvaro Pastor et Antonio Naharro, met en scène la relation qui s’établit entre Daniel Sanz, un «trisomique des pieds à la tête» interprété par Pablo Pineda -le premier trisomique à avoir obtenu un diplôme d’enseignement supérieur-, et Laura, une belle jeune femme «qui a couché avec une multitude d’hommes mais n’a

jamais fait l’amour». On en apprendra la raison à la fin du film… Beaucoup d’humour, d’humanité et d’émotion dans ce film généreux qui nous amène à regarder différemment ces gens qu’on dit «anormaux». Le deuxième, A la carte de Nacho García Velilla, gros succès en Espagne, est un sympathique vaudeville dans un milieu anticonformiste où tout le monde recherche l’amour, dans lequel se succèdent quiproquos et gags, parfois un peu attendus. Les acteurs principaux -Javier Cámara, l’infirmier de Parle avec elle d’Almodovar, Lola Dueñas, qui a aussi tourné avec lui dans Volver et Etreintes brisées- ainsi

Yo tambien d’Alvaro Pastor et Antonio Naharro

que le rythme alerte permettent au public d’oublier la mise en scène qui manque un peu d’originalité.

Une soirée fort sympathique agrémentée de tapas ! ANNIE GAVA

Espoirs tziganes C’est par un DJ set Balkan Beats au Bicok que se clôturait ce 9 avril la 4e édition du Festival des cultures tziganes à Marseille. Un exemple de la multiplicité artistique de la culture Rom que Latcho Divano a entrepris de présenter durant deux semaines à travers concerts, expositions, lectures, conférences et projections Nicolas Martin, responsable de la sélection de films projetés le 29 mars et le 5 avrilaux Variétés, abordait justement l’impossibilité d’une représentation plénière de cette culture en seulement deux séances. Et comment ne pas s’en réjouir d’ailleurs tant ces trois long métrages et deux courts offraient déjà une diversité de contextes et de propos. Dallas Pashamende, film hongro-roumain de 2005, prenait d’office le spectateur à contre-pied par son traitement fictionnel aux allures de tragédie shakespearienne. Dans un bidonville planté comme une mau-

vaise herbe au cœur d’une décharge à ciel ouvert, Robert Adrian Pejo, un peu à la manière de ses personnages, cherche au milieu des ordures quelque beauté laissée à l’abandon. Il trouve une communauté broyée sous le poids de la fatalité qui ne renonce pourtant pas à rêver d’amour et d’éducation pour ses enfants. Si l’on devait percevoir une unité avec les autres films projetés, elle est sans aucun doute là, dans cette considération de la condition de l’enfant. Dans Pavee Lackeen, la fille du voyage, Perry Ogden dépeint le quotidien de

Pavee Lackeen, la fille du voyage de Perry Ogden

l’une de ces enfants, Winnie, issue de la communauté des Irish Travellers. Proche du cinéma de Ken Loach, la réalisatrice irlandaise opte pour le docu-fiction, des acteurs non-profes-

sionnels et un réalisme aride. Le ton se veut plus léger dans le documentaire autobiographique Moi, ma famille Rom et Woody Allen de la réalisatrice Laura Halilovic qui signe un joli et intime portrait familial, où ses inquiétudes, fondées, ne prennent jamais le pas sur ses espoirs et ses ambitions. Cette ténacité des artistes à incarner cette culture en questionnant de son avenir, et aussi celle des organisateurs, a contribué à une 4e édition à la fois engagée, informative et festive. Un tour de force. RÉMY GALVAIN

Ossang au singulier À l’occasion de la sortie de son nouveau film Dharma Guns, l’Institut de l’Image d’Aix-enProvence offrait du 6 au 12 avril, en partenariat avec les rencontres du 9e Art, une tribune à l’inclassable réalisateur français F.-J. Ossang. Aux antipodes de la production nationale actuelle, Ossang prouve une fois de plus avec ce 4e long-métrage la radicalité et la singularité de son œuvre. Affranchi des codes narratifs classiques, il développe dans Dharma Guns un univers obscur, d’un noir et blanc crépusculaire qui renvoie à l’enfance du cinéma, des images qu’on imagine aisément tout droit sorties de l’expressionnisme allemand des années 30, de films de Griffith ou du travail photographique de Chris Marker.

étrangement, presque attirés les uns aux autres. Les corps des comédiens se mêlent aux décors, la musique punk du groupe MKB (dont Ossang fait partie) structure le récit par Dharma guns de F.-J. Ossang insinuation, le montage dissémine des écrans titres chargés de sens, de non-sens, les repères s’estompent. L’œuvre de Ossang se vit comme un poème, tous sens dehors, la perception comme seul outil de compréhension. Potentiellement désorienté d’être ainsi tiré hors des chemins balisés de l’institution cinématographique, le spectateur n’a plus qu’à se raccrocher à l’onirisme de cet artiste total. «Le cinéma, c’est le réel qui rêve du réel» disait F.J Ossang lors de la projection du 8 avril.

Mais le travail de Ossang n’est pas un travail de référence. Tout chez lui est neuf et vivant, du cinéma en dehors du monde dont les éléments s’imbriquent

RÉMY GALVAIN


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CINÉMA

FILMS | FORCE MAJEURE

Marcel et Daniel Marcel Pagnol, Daniel Auteuil, une affiche aux tons chauds -hommage au château d’Yves Robert, qui fleure fort le folklore d’une Provence fantasmée, cyprès, platanes et oliviers compris... Le remake de La fille du puisatier s’annonçait comme une gageure folle et vaine. Pourquoi ressortir des placards un film de 1940 ? Et que pouvait encore nous offrir le monde pagnolesque avec ces filles déshonorées pour un moment d’égarement, un bâtard dans le ventre, ces bourrus au grand cœur incarnés à jamais par Raimu, soumis à un code d’honneur archaïque, ces Amoretti, italo-provençaux têtus, orgueilleux de leur humilité ? On pressentait, déjà indignés, un coup commercial, la nostalgie du terroir en vente au kilo dans le cinéma

français. C’était sans compter sur la sincérité du néoréalisateur avignonnais à qui la famille Pagnol, en amitié avec lui depuis Jean de Florette, a confié le projet. Devant et derrière la caméra, Auteuil appréhende la «cinématurgie» de Pagnol comme un acteur : priorité aux personnages cadrés serrés, casting cohérent où Kad Merad succédant à Fernandel dans le rôle de Félipe se distingue par un jeu retenu et sensible. Les scènes dominent. Il s’agit d’y faire entendre un dialogue brillant, une sagesse populaire en tirades et sentences savoureuses, de s’approprier un classique aux types humains universels en résonance avec les souvenirs personnels du réalisateur. Le film est fluide, lyrique, un tantinet académique. Les Alpilles frisson-

© A.G

nent de vent et de lumière. Le mélodrame, nourri de rebondissements invraisemblables et de bons sentiments, peut mettre en bouche le sarcasme… Il peut tout aussi bien,

pour le plaisir, mettre les larmes aux yeux. ÉLISE PADOVANI

Les Rencontres du cinéma amérindien ont entraîné le public marseillais dans une Amérique indienne volée à des peuples qui cherchent à y survivre. Grandes plaines du sud Dakota, - 11°C + 30°C. Les Lakotas, pauvres, édentés, confrontés aux problèmes de drogue et d’alcool, visages sculptés comme ceux des présidents larrons du mont Rushmore, se fédèrent autour d’une station radio archaïque plantée au milieu de la réserve de Pine Bridge. Radio KILI devient le lieu où convergent les personnages de No more smoke signals, documentaire drôle, émouvant signé par Fanny Brauning : le militant de l’AIM John

Trudell, l’activiste Leonard Peltier incarcéré depuis 30 ans, le dj Derrick ou Roxanne Two Bulls à la dignité retrouvée. Au présent bricolé, au quotidien d’un cheval perdu, d’un vote au conseil, d’un menu de restaurant, se superposent les images d’archives des révoltes de 70-75 et la chevauchée fantastique commémorant tous les ans le massacre des Indiens en 1890 à Wounded Knee. On comprend pourquoi ces citoyens «américains» humiliés se sentent étrangers au deuil du 11 septembre et aux feux d’artifice patriotiques de l’Independant Day. Un signal fort. E.P.

Avis de naissance force majeure

© A.G

En octobre 2010 est née à Marseille une société de production : Films de Force Majeure, créée par quatre jeunes gens originaires de la région, Jean-Laurent Csinidis, Marie Tappero, Jérôme Nunes et Elise Tamisier

qui, ayant travaillé plusieurs années dans le cinéma et la photographie à l’étranger, ont eu envie de s’associer et de s’installer à Marseille. Leur ligne éditoriale est claire : il s’agit de faire éclore des films d’auteur,

No more smoke signals de Fanny Brauning

Un signal dans la plaine

fictions, documentaires, expérimentaux, longs et courts, qui sont actuellement à l’extérieur du marché, de favoriser l’ouverture à d’autres formes artistiques comme la photo, et de protéger les auteurs en les accompagnant jusqu’au bout de leurs projets. Leurs expériences de travail en Autriche, au Luxembourg, en Belgique leur permettent de mettre en place des coproductions internationales. Après un premier court métrage, Sans sommeil d’Elise Tamisier, ils vont produire Ohne Titel d’Alexander Schellow, rencontre à Berlin avec une femme de 96 ans, et MappaMundi de Bady Minck, ou comment les sociétés regardent, à travers l’histoire, la terre et ses habitants. Suivront deux courts, Hippocampe de Jérôme Nunes et Les deux tableaux de Vanessa San-

tullo ainsi que deux longs, Fin de semaine de Jérôme Nunes et Utopie Naoshima d’Elise Tamisier, un documentaire prévu avant la catastrophe nippone : la découverte magique de la minuscule île de Naoshima qui abrite depuis les années 1990 un lieu hors du monde, où sous l’impulsion d’un entrepreneur japonais, l’art, l’homme et la nature seraient en parfaite harmonie. Des choix de production audacieux, à suivre… ANNIE GAVA

Films de Force Majeure 04 91 84 99 12 www.films-de-force-majeure.com



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LIVRES

LITTÉRATURE

Juste avant la chute Leif Davidsen connaît bien la Russie ; il a vécu et travaillé plusieurs années à Moscou comme correspondant pour la radio et la télévision danoises. Son précédent roman paru chez Babel noir, L’épouse inconnue, plongeait le lecteur dans l’actualité récente de la Russie, le conflit tchétchène, les dérives de la politique de Poutine. La chanteuse russe, tout juste publié dans la même collection, date en fait de 1988. Écrit peu avant la chute du Mur de Berlin, il se situe dans une Union Soviétique en décomposition, à la veille de la mort de Tchernenko, à une époque où les forces au pouvoir tentent par tous les moyens, même les moins avouables, d’empêcher la machine de s’arrêter tout à fait. Pourquoi toutes ces précisions géopolitiques ? Parce que l’histoire de l’URSS et l’évolution de l’ex-bloc soviétique sont au cœur des romans de Davidsen. L’intrigue policière, une secrétaire de l’ambassade danoise et une prostituée

russe retrouvées mortes, une enquête bâclée et des preuves dissimulées, quoique bien ficelée et riche en rebondissements, n’est pas l’essentiel. Le récit, au-delà de l’anecdote et de l’histoire d’amour qui s’y greffe, dresse le bilan d’un régime en panne, miné par le mensonge et la corruption. Et c’est ce qui est intéressant. Comme est touchant le regard porté sur Moscou par le narrateur diplomate Jack Andersen. Un regard critique, certes, mais aussi amoureux, qui offre au lecteur quelques belles échappées sur la ville. Et ravira les russophiles. FRED ROBERT

Leif Davidsen était présent au Salon du Livre de Paris

La chanteuse russe Leif Davidsen Babel noir, 8,50 € également chez Babel noir, L’épouse inconnue.

Plaidoyer écologique Écrit en 2008, le roman de la finlandaise Johanna Sinisalo porte bien son nom, Oiseau de malheur, qui dénonce l’exploitation par l’homme des richesses naturelles et le droit qu’il s’arroge à décimer l’espèce animale. Paru en mars 2011 à l’heure de la tragédie de Fukushima, son plaidoyer en faveur de la protection de l’environnement sonne comme un avertissement funeste. Johanna Sinisalo plante le décor au cœur des contrées sauvages de Tasmanie et de Nouvelle-Zélande, là où de rares espaces vierges existent encore et où l’homme doit composer avec les forces de la nature. Quitte à renouer avec ses «instincts primitifs : haine, violence, angoisse et croyances archaïques…». Elle choisit un récit à deux voix pour, alternativement, raconter par le menu détail (rien ne nous est épargné et c’est parfois ennuyeux) les vicissitudes de l’ascension, la faim qui tenaille, la promiscuité des refuges, les galères, le dépassement de soi, les douleurs physiques et

mentales. Deux personnages, deux interprétations d’un même vécu, donc deux styles : celui familier et imagé d’Heidi, la novice, engagée dans l’aventure par amour et qui, malgré une volonté de fer, s’octroie de légers manquements au code de bonne conduite écologique. Celui plus factuel, voire cynique de Jyrki, militant pur et dur qui ne transige jamais avec sa volonté de vivre en osmose avec la nature. Ces changements de tons très fréquents, piqués d’humour, permettent au lecteur de ne pas s’essouffler à leurs côtés dans cette marche moins idyllique qu’espérée ! Et la fréquentation du texte de Joseph Conrad, Au cœur des ténèbres, distillé tout au long du roman ajoute à cette diversité bienvenue. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Oiseau de malheur Johanna Sinisalo Actes Sud, 23 €

Fantômes dans la neige... Cela fait 20 ans que Michèle Lesbre écrit. Son avantdernier livre, Sur le sable (Zib’24) toujours chez son éditrice fétiche, parlait de la rencontre d’un homme et d’une femme au bord d’une plage, la nuit. Le temps du récit d’une existence. Dans son dernier texte, si court mais si dense, la narratrice, Édith, va attendre à la gare un homme qui ne la connaît pas, mais qu’elle croise chaque mercredi matin dans un café. Lui ne l’a jamais vue et elle ne le voit que de dos, et l’entend évoquer la ville de Ferrare en italien, avec le serveur. Elle voulait le voir descendre du train et l’aborder. Et ce jour-là il n’est pas là. Il neige ; alors comme c’est souvent le cas chez Michèle Lesbre elle évoque des souvenirs et les diverses époques vont se superposer. Elle revoit Antoine, son amour de jeunesse évanoui, et ses copains «apprentis révolutionnaires», les tracts, la 2 CV en panne sur le plateau de l’Aubrac, quatre ans

avant 68. Elle évoque Ferrare, Antonioni, Laura Betti et les romans de Bassani. Les villes se mélangent : Ferrare, bastion du fascisme, Paris en mai 68, Prague en 72, lieux de luttes. Il ne se passe pas grand chose dans ce récit mais de toutes parts sourd une émotion, les mots de la narratrice sont les confidences de l’auteur, les images sont des palimpsestes. Michèle Lesbre nous promène dans des villes qui deviennent imaginaires et surgissent parfois des brumes grises pour y retourner... Une seule note noire, celle d’un corbeau freux dont la narratrice (l’auteure ?) a fait son ami. CHRIS BOURGUE

Un lac immense et blanc Michèle Lesbre Sabine Wespieser, 13 €

Johanna Sinisalo était présente au Salon du Livre de Paris


La vie, tout simplement... De l’aveu de son auteur, Paul à Québec est autobiographique : Michel Rabagliati s’est inspiré de la maladie et de la mort de son beau-père. Cependant c’est tout sauf un récit triste. Avec un dessin nerveux, stylisé, en noir et blanc, l’album plonge le lecteur dans la vie d’une famille québécoise. Puis Roland, le beau-père de Paul, a un cancer et c’est l’engrenage des soins. Ses filles et sa femme se succèdent à son chevet avec courage. Mais la vie continue et les fousrires succèdent parfois aux moments d’angoisse. L’auteur aborde la fin de vie et la mort avec simplicité et émotion… Le succès de Paul, son personnage qu’on appelle volontiers «le Tintin canadien», ne fait que croître, alors qu’au Québec la BD était moyennement prisée jusqu’alors. Or Michel Rabagliati vient d’obtenir le Prix du public au Festival d’Angoulême, ce qui va contribuer à sa diffusion en Europe. Cet album qui a deux ans a déjà conquis les lycéens, et l’on parle d’une adaptation au cinéma !

Paul à Québec Michel Rabagliati La Pastèque, 20 € Sélection du Prix littéraire des lycéens et des apprentis Paca

CHRIS BOURGUE

Drôle de fête

Le roman de Guillaume Guéraud a frappé Alfred, le dessinateur, en plein coeur. Tout au long de sa lecture des images tenaces défilaient dans sa tête. Seule solution : dessiner ces images, avec l’accord de l’auteur. Je mourrai pas gibier est donc d’abord un roman qui coupe le souffle et la BD ne permet pas de le reprendre... Mortagne, 1219 habitants. Un drame a eu lieu et

Martial, le jeune narrateur, revit les événements en une confession distanciée. Il évoque son frère et son copain qui passent leur temps à boire des coups et à se bagarrer. Jusqu’à ce jour où ils s’en prennent au simplet du village, son ami, exerçant sur lui leur violence aveugle. Alors le jour du mariage de son frère Martial est pris d’une folie meurtrière : il exécute sauvagement sa famille et quelques invités au fusil de chasse. Pour rendre ce fait divers terrifiant, Alfred propose des planches aux cases de taille et de couleurs variées, avec un montage serré et un dessin sobre. Preuve d’une grande maîtrise. CHRIS BOURGUE

Je mourrai pas gibier Alfred Delcourt, 15 € Sélection du Prix littéraire des lycéens et des apprentis Paca


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LIVRES

LITTÉRATURE

Dans les plis du ciel Il est des livres, rares, qui vous transforment un peu. Le dernier roman de Philippe Forest peut être de ceux-là, pour peu que vous fassiez l’effort d’entrer dans le rythme poétique de sa langue. C’est un gros roman, plus de 500 pages d’une écriture serrée, labyrinthique, qui avance dans le temps mais revient sans cesse sur elle-même, enroule ses strates qu’elle précise à chaque passage, livrant ses clefs narratives comme involontairement, et parsemant son chemin de réflexions subtiles, lumineuses, profondes, sur notre siècle affolé, la nature du roman, son efficacité imparfaite contre le cheminement de la mort, la douleur et l’acceptation de ce qui disparaît, et de ce temps perdu qu’on ne peut rechercher. Car il n’est pas d’anamnèse dans Le Siècle des nuages, pas de madeleine au thé, pas d’espalier en fleurs ni de racine noueuse dans le Jardin du Luxembourg. Les objets n’ouvrent aucune porte, et le souvenir des êtres chers, des histoires, ne persiste qu’un temps dans les mémoires.

Ne reste à la fin que ce roman, émouvant cadeau fait à son père mort, à sa mère qui l’oublie, aux lecteurs qui retrouvent au détour des pages des sensations qui sont presque les leurs, et qu’ils n’ont su nommer. Un hommage mesuré au siècle de nuages qui précède le nôtre, où les aviateurs comme son père ont relié les hommes, puis transformé le ciel en terrain de guerre, et le sol en ruines fumantes, irradiantes, tandis que le monde rétrécissait, et qu’eux-mêmes partaient en cendres… Magnifique roman du passé, qui sidère pourtant notre aujourd’hui, alors que les bombardiers de France pilonnent la Lybie, et qu’un nuage né pas loin d’Hiroshima semble nous conduire, peut-être, vers un autre siècle. AGNÈS FRESCHEL

Le siècle des nuages Philippe Forest Gallimard, 21 €

Philippe Forest était l’invité d’Écrivains en dialogues en mars (voir p 70)

Syndrome de Reykjavik Les règles du jeu sont simples : faites-vous prendre en otage à l’insu même de vos gardiens/ravisseurs et savourez aigrement (un minimum de souffrance est requise néanmoins) votre imposture doublée si possible d’inconfort ; observez placidement ; méditez sur les choses, les gens et surtout le temps qui passe. Point de vue imprenable et humble prison, le dessous du lit peut se révéler un lieu privilégié ! Le roman de Bragi Olafsson (ex-bassiste de Björk, le détail a son importance), aimable et grinçant à souhait, développe certaines variations virtuoses, et gratuites, du syndrome de Stockholm. Le narrateur, Emil, est affecté d’une tendance légère à l’empathie avec ses agresseurs du quotidien : voisin de siège encombrant dans l’avion, fiancée autoproclamée, amicale «compagnie» qui en son absence supposée envahit sa maison et engloutit ses réserves d’alcool… Sa placidité va le pousser à se cacher sous son lit pour fuir l’intrusion d’un indésirable entré par la fenêtre et

c’est tout… oui c’est tout et on s’ennuie un peu, comme lui sans doute ; comme lui on écoute la bande son formidable (les non-invités passent fébrilement d’Elvis Presley à King Tubby ou au quatuor pour piano de Mahler) les conversations indigentes, et on attend. «Je suis assailli par l’étrange sentiment que cet appartement n’est pas plus à moi qu’à un autre» : l’inquiétude ne va pas plus loin sur le chemin de Kafka (le narrateur se voit sans complaisance comme un acarien) et l’absurde s’installe et se répète trop systématiquement pour maintenir l’intérêt jusqu’à la fin. Mais justement, il n’y a pas de fin… Trop facile !

Bragi Olafsson était présent au Salon du livre de Paris

MARIE-JO DHÔ

Les animaux de compagnie Bragi Olafsson traduction de l’islandais de Robert Guillemette Actes Sud, 20 €

Petits arrangements avec le mort Sincères condoléances, ce sont les seuls mots qu’Allan parvient à écrire pour accompagner le bouquet de fleurs qu’il s’est finalement décidé à envoyer à sa mère au moment des funérailles de son père. C’est aussi le titre du roman d’Erling Jepsen, récemment traduit en français, second volet de ce qui était relaté dans L’art de pleurer en chœur et variation sur certaines des obsessions de l’auteur, inceste, violences et secrets de famille. Lorsque que le 2e épisode de ce petit règlement de comptes entre parents débute, il y a 9 ans qu’Allan et sa sœur Sanne ont été bannis de la maison familiale ; depuis qu’Allan, devenu auteur à succès, a révélé dans ses fictions un certain nombre d’horreurs intimes qu’il aurait mieux fait de taire. Mais voilà, maintenant le père est mort, rien n’empêche désormais la mère de revoir ses enfants. Retour donc du frère et de la sœur au pays natal, dans le Jütland méridional. Sauf que

tout ne se passera pas exactement comme prévu, et qu’après celle du père, c’est la figure de la mère qui en prendra un coup… On n’en dira pas plus. Au lecteur de découvrir cette peu ordinaire vieille dame indigne, et surtout le style inimitable du romancier danois. Car s’il y a du Genitrix ou du Festen dans cette chronique, le ton décalé, les changements constants de point de vue, l’humour cynique et l’autodérision lui enlèvent (presque) tout son caractère plombant. Avec beaucoup de subtilité, Jepsen instille le doute. Et se garde judicieusement de toute morale… FRED ROBERT

Sincères condoléances Erling Jepsen traduit du danois par Caroline Berg Sabine Wespieser, 23 €

Erling Jepsen était présent au Salon du livre de Paris


ARTS | HISTOIRE

LIVRES

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Inventaire à la Plossu

Bernard Plossu est un infatigable marcheur et photographe. Depuis que le musée Gassendi de Digne l’a invité en 1994 à mettre ses pas dans ceux des géologues dans la Réserve géologique de Haute Provence, il n’en finit plus d’arpenter les vallées, les clues, les pics, les plateaux. Tout autant qu’il déambule dans Digne, au pays des escaliers et des angles de rues. Profitant de ce que «le musée à ciel ouvert» lui a proposé d’inscrire ses productions au cœur du territoire naturel1, les éditions Yellow Now publient dans la collection Côté Photo deux ouvrages à deux voix : L’inverse est exactement vrai avec l’auteure et poète Nathalie Quintane et …Des millions d’années. La réserve géologique de Haute Provence avec le professeur de sociologie David Le Breton. De cette errance dans les ruelles de Digne, que restet-il ? Un petit livre noir et blanc format carte postale, photos rectangulaires et sages, entre lesquelles le texte de Nathalie Quintane vagabonde dans d’étranges soubresauts verbaux («des minettos, des davolis, des minettos davolis bondissant sur le chemin mexicain») ; ses mots s’affolent alors même que les images se raidissent : cadrages au cordeau, verticalité des lignes qui tombent à pic. Et les ombres noires, ogresses, qui

engloutissent les génoises, une devanture, le contrefort d’une balustrade. La voix de David Le Breton, elle, célèbre la marche comme «une ouverture au monde qui invite à l’humilité», cite les Élégies de Duino de Rilke pour dire que le marcheur reste toujours au seuil du monde. Éloge de la lenteur et de la gourmandise à s’abandonner aux odeurs, aux sons, au vent, aux variations de lumière qui sied à Bernard Plossu dont les clichés dépassent la duplication du réel. Dans cette Réserve, le photographe retrouve peut-être Géronimo qui l’accompagne depuis ses années américaines… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

(1) l’exposition au musée Gassendi s’est déroulée du 2 décembre 2010 au 3 avril 2011 … Des millions d’années. La réserve géologique de Haute Provence Photos Bernard Plossu, texte David Le Breton Co-édition Yellow Now et musée Gassendi, 20 € L’inverse est exactement vrai Photos Bernard Plossu, texte Nathalie Quintane Co-édition Yellow Now et musée Gassendi, 6,50 €

Transformation volontaire

Les deux auteurs ont entrepris de raconter «Euroméditerranée», la grande opération qui emplit tout le panorama marseillais dès qu’il s’agit de l’avenir économique de Marseille ou de ses transformations urbanistiques. Qui ignore l’ampleur et l’importance du projet ? Pourtant, si l’opération est célèbre, la réelle connaissance du projet, de ses étapes, de ses enjeux, reste dans un flou vaporeux. Absence de confrontation politique ? Opération trop ample et dirigée trop discrètement pour faire la une de la gazette locale ? L’initiative de Brigitte Bertoncello et Jérome Dubois, inscrite dans la collection «La ville en train de se faire» des éditions Parenthèses où d’autres grandes métropoles françaises sont auscultées, est salutaire et instructive : elle met à jour les ressorts qui guident la construction de cet espace marseillais et, plus largement, celui de la métropole Marseille. Le propos part d’un basculement des aires «écodynamiques» : Marseille doit aujourd’hui se remettre au centre de sa région urbaine et se situer dans une Méditerranée en reconstruction. L’illusion

d’une renaissance industrielle disparue, il reste à la vieille cité phocéenne à devenir, comme ses voisines de la rive Nord, une ville «post-industrielle». Conscient de l’intérêt stratégique de la métropole dans cet espace économique, l’État a joué un rôle décisif dans le lancement du projet, et les auteurs montrent combien l’intrication des différentes échelles de décision, du local à l’Europe, a donné un caractère particulier à la gouvernance d’«Euroméditerranée». De même la fédération d’espaces locaux dénués de perspectives et de cohésion collective est une autre spécificité du projet. Au travers des 480 ha inscrites dans le périmètre, c’est Marseille qui se réveille ! La Joliette aspire à devenir un centre d’affaire dont la tour CMA CGM est déjà une illustration. La cité de la Méditerranée s’avance avec le MuCEM accolé au fort St Jean, le CERem, le Silo, les Docks. La Belle de Mai devient un lieu culturel rayonnant. Le souffle du renouveau s’étend avec l’extension vers le Nord du périmètre… RENÉ DIAZ

Marseille euroméditerranée, accélérateur de métropole Brigitte Bertoncello, Jérome Dubois Parenthèses, 22 €


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LIVRES

RENCONTRES

Bref mais bon

Le festival PoésieRock, coproduit par le cipM et le GRIM, devait durer une dizaine de jours et proposer de nombreuses rencontres. Baisse de subventions oblige, il s’est vu réduit à 2 soirées ! Pourtant, si l’on en juge par la foule ce soir-là au cipM, il existe un public nombreux, réactif, passionné, pour ces propositions hors normes. Humour, sens de la formule et convictions, c’est de tout cela qu’était pétrie la conférence-conversation de Gérard Berréby, fondateur des éditions Allia, poète, grand amateur de musique rock. Invité à parler de sa démarche et de son catalogue, il en a rappelé l’esprit : une «indépendance farouche», une insatiable curiosité qui le pousse à travailler davantage avec «les sauvages qu’avec

les institués» en évitant tout cloisonnement. Deux performances ont clos la soirée d’ouverture : une lecture envoûtante et pleine d’échos par la Québécoise Renée Gagnon, et Joey, magistralement interprété en VO par son auteur l’Américain Eugene S. Robinson, que son traducteur Samuel Rochery accompagnait à la basse. La 2e soirée à L’Embobineuse a eu autant de succès. Les subventionneurs vont-ils réagir ? FRED ROBERT

PoésieRock s’est ouvert le 1er avril au cipM, et poursuivi le 9 à L’Embobineuse.

À tire d’aile par-dessus les frontières Pour sa 4e édition, le festival CoLibris, organisé par l’association Des Auteurs Aux Lecteurs-La Marelle et dédié aux rencontres littéraires latino-américaines, a décidément pris son essor Cela n’aura pas été sans mal. Et la succession de tuiles qui en ont grevé la préparation - annulation de l’année du Mexique en France, problèmes d’emplacement - en aurait découragé plus d’un. Mais pas Pascal Jourdana ni Fanny Pomarède, ni toute leur équipe d’assistants, de lecteurs, d’interprètes, Rencontre sous le chapiteau © X-D.R

de traducteurs, de preneurs de sons et d’images… Ce festival, ils l’ont voulu au cœur de la cité, dans un quartier auquel la mairie d’arrondissement entend redonner son éclat culturel d’antan. Les rencontres de cette année, organisées autour de la thématique des frontières, sont à ce titre symboliques dans une ville où la fracture sociale est patente et où une manifestation littéraire de qualité dans l’hyper centre peut encore être perçue par certains comme une gageure. Or, ce pari, ils l’ont tenu. D’année en année, la manifestation se précise et s’enrichit, dans une ambiance à la fois exigeante et festive. Exigeante avec des tables rondes

réunissant les auteurs, les Mexicains Elmer Mendoza, David Toscana et Juan Manuel Villalobos, la Brésilienne Patricia Melo, la Péruvienne Grecia Caceres et les autres, autour de questions sur les frontières, géographiques, sociales, mais aussi intérieures et génériques. Avec également, nouveauté de cette édition, des rencontres d’une heure avec un écrivain, occasions de mieux cerner l’atmosphère et le style particuliers de chacun, souvent peu connu en France car non traduit. Dans cette perspective de découverte, qui est un des objectifs principaux de CoLibris, La Marelle a d’ailleurs édité, autre nouveauté, un recueil de textes inédits. Festive aussi, avec buffet convivial, milonga littéraire… et juste à côté des chapiteaux, l’installation loufoque et poétique des allumés des mots de La Faute à Voltaire : Réeldorado, une entrée ludique dans les textes des invités et dans l’écriture. FRED ROBERT

Le festival CoLibris s’est déroulé du 8 au 10 avril à Marseille et se poursuit dans la région jusqu’au 13 À lire En marge de la frontière textes inédits d’écrivains latinoaméricains La Marelle, 7 €

Cure de bonne humeur Katarina Mazetti dit avoir emprunté à Voltaire une de ses maximes favorites : «J’ai décidé d’être heureux, c’est bon pour la santé». Il est vrai que l’écrivaine suédoise, souriante, volubile, n’engendre pas la mélancolie. En tournée dans toute la France après l’agitation du Salon du Livre, elle déclare «adorer» rencontrer ses lecteurs dans les librairies et les bibliothèques. Dans notre pays, elle jouit d’une notoriété enviable. Ses livres se vendent très bien, et ses lecteurs, des lectrices surtout en fait, étaient au rendez-vous organisé par Geneviève Giméno, la libraire passionnée de la librairie Maupetit. La romancière est évidemment revenue sur ce qui reste son plus grand succès, Le mec de la tombe d’à côté. Adaptée au théâtre, au cinéma, en comédie musicale, cette histoire d’amour improbable entre un fermier et une bibliothécaire est deve-nue le livre qu’on donne à lire en Suède dans les cours de suédois dispensés aux immigrés, afin qu’ils découvrent la langue et la mentalité suédoises contemporaines ! Un roman pétillant d’humour, dont la suite vient de paraître. F.R.

Katarina Mazetti était invitée à la librairie Maupetit mercredi 6 avril. À lire : Le mec de la tombe d’à côté (Babel 7,50 €) suivi de Le caveau de famille (Gaïa, 20 €).



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LIVRES

RENCONTRES

Trouillot, écrivain militant Côté cour

Lyonel Trouillot, Salon du livre de Paris © X-D.R

Les élèves de seconde du Lycée Montgrand à Marseille qui participent au choix du Prix littéraire des lycéens ont reçu l’écrivain haïtien Lyonel Trouillot pour l’interroger sur son livre Yanvalou pour Charlie (voir Zib’39). S’ils ont eu des difficultés à aborder ce roman parfois difficile qui alterne des narrateurs différents, ils ont questionné son auteur avec sensibilité. Lyonel Trouillot leur explique qu’il fait partie d’une certaine bourgeoisie sur l’île, il n’a donc pas connu la misère dans son corps. Et la pauvreté ? Il déclare l’avoir rencontrée dans Les Raisins de la colère, avant de réaliser qu’elle était autour de lui, et de s’inspirer de sa réalité pour écrire. «Je n’ai pas d’imagination ; je n’ai qu’à observer, écouter et je concentre plusieurs éléments de la réalité pour créer mes personnages. L’avocat Mathurin qui fait abstraction de son passé, il y en a plein à Haïti ! Et des jeunes comme Charlie qui bousculent les certitudes, il en faudrait davantage». Car tout le monde n’est pas pauvre en Haïti : 1% de la population consomme 40% des ressources ! Les gens qui habitent les belles maisons ne savent même pas que quelques mètres plus loin il y a un bidonville...

cœur, sa haine de l’injustice sociale et du système en place sur son île, son souci du collectif et de l’égalité. Voilà pourquoi il écrit : pour donner voix à «des gens habituellement interdits de parole». Ce qui donne des romans polyphoniques comme Yanvalou… Trouillot regrette toutefois la «dictature» actuelle du roman, et à ce genre «historique donc périssable», il préfère l’universalité de la poésie. Quant à la langue (français ? créole ?) c’est le texte qui la choisit. L’écrivain a conclu que la «zone de vitalité actuelle» en Haïti, c’était la poésie en créole. À découvrir…

Côté jardin Plus tard, à la librairie L’histoire de l’œil, devant un public d’adultes, le romancier-poète haïtien a rappelé le plaisir qu’il avait eu à dialoguer avec ces jeunes : «Le seul roman à valoir la peine, c’est le roman de la rencontre». Il a réaffirmé toutes ces choses qui lui tiennent à

CHRIS BOURGUE ET FRED ROBERT

Ne pas grandir Nicolas Fargues était de passage à la librairie Aux Vents des Mots de Gardanne, dans le cadre des Escales en librairies proposées par l’association Libraires à Marseille. Il y présentait son dernier roman Tu verras, qui vient de remporter le prix Télérama-France Culture : le monologue intérieur d’un père qui affronte le décès de son fils unique de douze ans (voir Zib’ 39). Le titre renvoie à la fois à la facile formule prophétique qu’on assène à ses enfants, en supposant un avenir brutalement volé par la mort prématurée - tu verras Nicolas Fargues © X-D.R

quand tu seras grand, tu comprendras, alors même qu’on ne les comprend plus - mais aussi à la lucidité cruelle que la douleur donne au narrateur sur lui-même et sur les relations, ou l’absence de relations, qui le lient aux restes de sa vie de monsieur-tout-le-monde : compagne, père, travail, amis… «C’est un livre d’exorcisme» confie l’auteur, qui traite moins du deuil que du déracinement à soi auquel conduit ce deuil, et qui va mener le narrateur vers une quête initiatique, éclairée par deux figures tutélaires croisées presque par hasard. Si ce livre tranche par son sujet avec les précédents, on y retrouve quelques-uns des leitmotive de l’auteur, en particulier dans l’attirance pour le dépaysement culturel qui suspend les certitudes et laisse ouverts les possibles. Face à ses lecteurs Nicolas Fargues dévoile avec retenue ses propres interrogations et hantises de père, revient sur la complexité des rapports entre générations. Le dialogue sombre parfois dans une certaine inconsistance, à la façon d’une conversation de parents inquiets et à la faveur de quelques truismes sur l’adolescence : mais la simplicité affable de l’invité, l’honnêteté sans voyeurisme du propos et la spontanéité du public sont plutôt inhabituelles et salutaires. Si comme le dit Nicolas Fargues, «le style, c’est la rencontre avec une personne» alors réciproquement, cette rencontre-là avait du style. AUDE FANLO

Escales en librairie, le 24 mars à la librairie Aux vents des mots de Gardanne, et le 25 mars à l’Attrape-mots à Marseille.

À lire : Yanvalou pour Charlie (Actes Sud) Haïti, une traversée littéraire un livre-CD paru aux Presses Nationales d’Haïti

Art proétique Philippe Forest a longtemps été essayiste avant de se lancer dans l’écriture romanesque avec L’enfant éternel, évocation d’un deuil intime, écrite dans l’ombre tutélaire d’Hugo et de Mallarmé. Son dernier roman, Le siècle des nuages (voir p. 67), ample ouvrage aux accents d’épopée, rend hommage à son père disparu et retrace, à travers son parcours, la geste aéronautique. «Mes romans visent à introduire du poétique dans la structure narrative même» ; c’est la manière dont cet érudit tranquille parvient à faire dialoguer prose et poésie, lui qui dit entretenir des «rapports ambigus» à la poésie contemporaine qu’il juge souvent «illisible». D’où son désir d’inviter au dialogue Jean-Claude Pinson, dont «les ouvrages simulent la forme du recueil poétique». Tous deux essayent de capter ce que Bataille nommait «l’impossible du réel». Sans congédier ni l’expérience, ni l’autobiographie. En les laissant s’épanouir dans une écriture à mi-chemin entre prose et poésie. Quant à l’essai, que Forest appelle «fiction critique», tous deux le revendiquent. Comme un moyen pour Pinson d’ «allier le sensible et l’intelligible», de «regarder d’un œil lucide le champ dans lequel on intervient» ; de «se soustraire à la supercherie romanesque» pour Forest. C’est une fois encore à un dialogue de haute volée que le public de la BDP a eu la chance d’assister. Que la lecture par chacun d’extraits de son œuvre choisis par l’autre a élevé encore plus haut. FRED ROBERT

Philippe Forest a invité Jean-Claude Pinson à la BDP Gaston Defferre, dans le cadre d’Ecrivains en dialogue, un cycle de rencontres organisées par l’Adaal en partenariat avec Libraires à Marseille. www.biblio13.fr www.adaal.fr


PARIS | CASSIS

Salon de lecture

Sa 31e édition tout juste terminée, le Salon du Livre de Paris affiche un bilan globalement positif. Environ 180000 visiteurs, plus de 300 éditeurs régionaux présents. Malgré la réduction de l’espace et du temps dédiés à ce grand rendez-vous annuel, malgré le semi échec de la nouvelle formule de nocturne (le vendredi), les organisateurs se félicitent d’avoir pu offrir à tous leurs publics un grand choix de rencontres, des plus «people» aux plus exigeantes. Il est vrai qu’il y en avait beaucoup et pour tous les goûts…

La Région au salon Pour cette édition, le stand de la Région Paca était idéalement situé et on ne pouvait manquer ses grands abat-jour rouge et or suspendus. Sur un imposant espace, l’Agence régionale du livre et 28 éditeurs étaient installés. Si certains, comme Parenthèses, ont préféré «faire l’impasse» cette année car le public jazz et architecture ne fréquente guère le Salon du Livre, beaucoup ont saisi l’occasion de présenter leurs maisons, leurs auteurs et leurs ouvrages à moindres frais. L’aide apportée par la Région permet en effet à la plupart d’entre eux de ne pas avoir à financer la location d’un stand, ce qui réduit nettement les dépenses et constitue un argument solide pour des structures souvent fragilisées par la crise. Par ailleurs, et en dépit du bilan mitigé que faisaient certains le dernier jour, le Salon, même s’il prend des allures de foire, reste une vitrine importante pour les éditeurs locaux. Le cipM et L’Écailler le soulignent, qui viennent chaque année, non pour vendre des livres, mais pour profiter de l’événement afin d’organiser des rendez-vous professionnels. Plus qu’au plan financier, c’est pour les contacts avec le «milieu» que le Salon est intéressant, comme le note également l’éditrice de la jeune maison de Vallauris, Les Enfants Rouges, présente pour la 2e année. De même qu’Agone qui y trouve une excellente occasion de contact avec les libraires et Ian McEwan © Annalena McAfee

Henning Mankell © CF

les auteurs. Beaucoup de projets voient le jour ici, ce qui fait du Salon un «mal nécessaire» comme le dit en souriant Fabienne Pavia du Bec en l’Air.

Interférences Car les propos brillants d’Ian Mc Ewan sont couverts par un rush bruyant vers le plateau voisin de France Télévisions : le double faciès tourmenté des frères Bogdanov attire plus la foule dominicale que de subtiles réflexions sur la littérature ! Mais en dépit du brouhaha constant et d’interférences inopportunes, le Salon a connu de belles rencontres. Le Suédois Henning Mankell, chevelure d’argent et perfecto de cuir noir, a rempli le parterre de la Scène des Auteurs de la foule des fans de son mythique inspecteur Wallander. À découvrir d’ailleurs les autres romans de ce story teller drôle, humain et engagé. Les lettres nordiques étaient cette année à l’honneur et de nombreux échanges, plus intimistes mais tout aussi passionnants, portés par de remarquables interprètes ont eu lieu dans l’auditorium du CNL. FRED ROBERT

Le Salon du Livre de Paris s’est tenu au Parc des expositions de la Porte de Versailles du 18 au 21 mars.

À lire Henning Mankell, L’homme inquiet (la dernière enquête de Kurt Wallander) et Les chaussures italiennes, aux éditions du Seuil. Ian Mac Ewan, Solaire, tout récemment paru chez Gallimard

Livraison printanière À Cassis le printemps s’annonce littéraire, et la 23e édition contribue un peu plus encore à asseoir la réputation de ce festival. Les femmes seront à l’honneur cette année, et bien représentées, les organisateurs ayant choisi comme thème : «la femme est l’avenir de l’homme» pour les rencontres des deux week-ends. Ce sera donc l’occasion de rencontrer des auteures, parmi lesquelles Hélène Lenoir (La Folie Silaz et Le Répit, tous deux édités chez Minuit) et Clara Royer (Csillag, éd. Pierre Guillaume de Roux) qui débattront de l’Enquête identitaire (30/4 à 15h30) ; Myriam Revault d’Allonnes (Pourquoi nous n’aimons pas la démocratie, Seuil) et Christine Bard (Une histoire politique du pantalon, Seuil) se rencontreront autour de la question Les femmes, la démocratie, le pantalon (1er/5 à 15h30) ; Francine de Martinoir (L’aimé

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de juillet, Jacqueline Chambon) et Claude Pujade-Renaud (Les femmes de Braconnier, Actes Sud) évoqueront les Nostalgies féminines (7/5 à 15h30) ; tandis qu’Hélène Carrère d’Encausse (La Russie entre deux mondes, Fayard) parlera de la Russie (1er/5 à 17h) et Christiane Collange (La deuxième vie des femmes, Laffont et Le Jeu des sept familles, Laffont) de La famille en folie (8/5 à 17h30). Et comme toujours la musique précèdera ou clôturera les débats, avec un hommage à Django Reyhnardt et au jazz manouche, le dîner littéraire avec le duo jazz bossa et le jazz du trio Tzwing. Enfin, le 30 avril, l’inauguration sera suivie de la remise du Prix du Printemps du Livre de Cassis sous la présidence de JeanPaul Kauffmann. DO.M.

23e Printemps du livre de Cassis Les 30 avril et 1er mai et les 7 et 8 mai Centre culturel, Cassis 04 42 01 77 73 www.printempsdulivre-cassis.org


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RENCONTRES

AU PROGRAMME | HORIZONTES DEL SUR

Libraires du sud /Libraires à Marseille - 04 96 12 43 42 Rencontres : avec Marcel Rufo autour de ses livres, le 13 avril à 18h à la librairie Goulard (Aix) ; avec Olivier Domerg et Brigitte Palaggi pour Portrait de Manse en Sainte-Victoire molle (L’Arpenteur/Gallimard), et de Fabrique du plus près (Le Bleu du ciel), le 13 avril à 19h la librairie L’Alinéa (Martigues) ; avec Daniel Picouly pour La nuit de Lampedusa (Albin Michel), le 14 avril à 15h à la librairie Charlemagne (Toulon) ; avec Simonetta Greggio qui viendra débattre de son livre Dolce vita paru chez Stock et présentera son nouveau livre L’odeur du figuier qui paraît chez Flammarion, le 14 avril à 18h à la librairie Goulard (Aix) ; avec Isabel Losada autour de de son œuvre et notamment son dernier roman The Battersea Park Road To Enlightenment, le 14 avril à 17h30 à la librairie Book in Bar (Aix) ; avec Paule du Bouchet pour Emportée (Actes Sud), le 22 avril à 19h à la librairie de l’Horloge (Carpentras) ; avec JeanMarie Gleize le 22 avril à 19h à la librairie Masséna (Nice) ; avec Augustin Le Gall et Elisabeth Cestor pour leur ouvrage La vie en oc. Musique !, le 23 avril à 16h30 à la librairie Maupetit (Marseille) ; avec Magali Le Huche le 23 avril à la librairie A l’encre bleue (Marseille) ; avec Alan Mets le 7 mai à 15h à la librairie Maupetit (Marseille) ; avec Yann Kerlau pour L’échiquier de la reine (Plon), le 7 mai à 16h à la librairie Maupetit (Marseille). Escales en librairies : rencontre avec Denis Grozdanovitch pour La secrète mélancolie des marionnettes (éditions de l’Olivier, 2011), le 13 avril à 18h30 au Forum Harmonia Mundi (Aix) et le 14 avril à 17h30 à la librairie Prado Paradis (Marseille) ; avec Jacques Bouveresse le 11 mai à 19h à la librairie L’Odeur du temps (Marseille). Itinérances littéraires : rencontre avec Vincent Borel pour Antoine et Isabelle (Sabine Wespieser), le 12 mai à 19h au Forum Harmonia Mundi (Aix) et le 13 mai à 19h à la librairie de l’Horloge (Carpentras). Escapades littéraires : rencontres, tables rondes, projection, animations avec Luis Sepúlveda en invité d’honneur, avec Claude Bleton, Mauricio Electorat, Pierre Kalfon, Hernán Rivera Letelier (sous réserve), Anne-Marie Métailié, Luis Mizón, Anne Proenza, Teo Saavedra, Clémentine Sourdais, Bernardo Toro et Alejandro Zambra, du 19 au 22 mai à la Chapelle de l’Observance (Draguignan). AIX Galerie IPSAA-ESDAC – 06 48 65 38 00 Exposition de peintures de Jean-Claude Gerbelot, jusqu’au 15 avril ; exposition de peintures d’Adrien di Sarro, du 19 au 26 avril, vernissage le 21 ; exposition de peintures et sculptures de Martine Ezrati, du 9 au 15 mai, vernissage le 9 ; exposition de photos et peintures de Claire Cohen Lachiver, du 16 au 29 mai. Corsica Calling – 06 88 80 62 83 L’association vise à promouvoir les œuvres artistiques et littéraires corses, hors de l’île. Le 13 mai de 17h à 19h au lycée Vauvenargues, rencontre-débat avec le romancier Jérôme Ferrari à propos de son dernier roman Où j’ai laissé mon âme (Actes Sud). Ecritures Croisées - 04 42 26 16 85 Rencontre-lecture avec les écrivains coréens Yi In-Seong et Jo Kyung-Ran en collaboration avec la Fondation KLTI Korea Translation Institut, la revue de littérature coréenne Keulmadang et l’Université de Provence. Les intervenants sont Jeong Myeong-Gyo, critique littéraire, professeur à l’Université de Yonsei, Claude Mouchard, professeur , critique, cotraducteur de Yi-In-Seong, Philippe Picquier, éditeur, Claude de Crescenzo, directeur de la revue Keulmadang et Choi MiKyung, interprète. Le 5 mai à la Cité du Livre. Galerie du CG13 - 04 42 93 03 67 Exposition Voyages en Egypte, jusqu’au 19 juin

APT L’Atelier – 04 90 04 37 14 S’éloigner du bruit pour entendre, exposition des artistes Martina Kramer et Sylvie Pic, avec Catherine Vernerie et Patrick Dubost. Vernissage le 15 avril à 18h, lecture de Patrick Dubost le 13 mai à 18h. Du 15 avril au 4 juin. ARLES Les Rencontres d’Arles – 04 90 96 76 06 Cycle de formation : stages de photographies avec Olivier Roller (Face à face, le portrait en condition réelle), Sébastien Calvet (Affirmer son regard) et Elina Brotherus (Les espaces humains), du 18 au 21 avril et avec Grégoire Korganow (Voyage sensible), du 26 au 30 avril. AVIGNON Centre européen de poésie - 04 90 82 90 66 Rencontre-débat avec Jean Joubert, poète, Pierre Cayol, peintre et Tonio Bastaroli, musicien-interprète autour de leur livre Dans le jardin d’Eros publié dans la collection Itinéraire chez Alain Lucien Benoit éditeur, le 21 avril à 19h ; atelier d’écriture animé par Marie-Hélène Audier, poète, le 16 avril de 14h à 17h ; rencontre avec Marcel Moreau le 30 avril de 17h à 19h. Foire et expositions du Grand Delta – 04 90 84 18 21 89e Foire-exposition d’Avignon, du 23 avril au 1er mai. ISTS – 04 90 14 14 17 Formation de niveau II de régisseur général du spectacle vivant du 12 sept 2011 au 27 jan 2012, date limite d’inscription le 29 avril ; formation de niveau III de régisseur du spectacle du 5 sept 2011 au 20 mai 2012, date limite d’inscription le 22 avril. BOLLÈNE Association Café littéraire – 04 90 40 46 17 Rencontre-débat avec François Bégaudeau et Joy Sorman autour de leur livre Parce que ça nous plaît, l’invention de la jeunesse (Larousse), le 6 mai à 20h au cinéma Le Clap. Rencontre-débat avec Pierre Cendors autour de son livre Engeland (Finitude), le 13 mai à 18h30 au restaurant La belle écluse. CAVAILLON Médiathèque La Durance – 04 90 76 21 48 Rencontre-débat avec Claudie Gallay pour son livre L’Amour est une île (Actes Sud), le 6 mai. FORCALQUIER Forcalquier des livres – 04 92 75 09 59 Atelier de typographie animé par Philippe Moreau, atelier Archétype, autour du livret, et atelier de reliure contemporaine animé par Hélène Logeay, atlier Encad’reliure, les 16 et 17 avril. Association Croq’Livres Le Village – 04 92 75 49 59 13e journées du livre jeunesse en présence d’auteurs jeunesse et d’artistes, du 10 au 14 mai. GAP Litera 05 – 04 92 51 13 96 Rencontre avec Gilles Leroy pour ses livres Zola Jackson et Alabama Song (prix Goncourt 2007), le 13 avril. HYÈRES Bibliothèque de théâtre Armand Gatti – 04 94 28 50 30 Rencontre-débat avec Christophe Pellet pour sa pièce Qui a peur du loup ? (L’Arche) et Juan Mayorga pour sa pièce La Paix perpétuelle (Les Solitaires intempestifs), le 18 mai à 19h. LA CIOTAT Librairie Au Poivre d’Âne – 04 42 71 96 93 Rencontre-débat avec Yves Lancelot Pour son livre La vie des océans, de leur naissance à leur disparition (Vuibert), le 17 mai à 18h30.

LA GARDE Association Elstir – 06 76 29 81 65 28e rendez-vous des jeunes plasticiens le 13 mai à 19h avec proclamation des Prix Passerelle, Louise Baron et Ville de La Garde ; exposition des travaux d’enfants réalisés dans le cadre d’Artimômes, du 14 au 24 mai salle Gérard Philippe ; exposition de Benjamin Marianne à la Galerie G, du 3 au 21 mai. LA VALETTE Direction des affaires culturelles – 04 94 23 62 06 9e (éco) festival contes & jardins : exposition de Johan Troïanowski du 10 au 28 mai ; manèges à pédales, espaces ludiques… ; avec les conteurs Sylvie Vieville, Fiona Macleod, Serge Valentin accompagné de Murielle Holtz et de Pierre Labrèche, Jean-Claude Botton, Anne Deval accompagnée de Frédéric Blancot et de Cyril Fayard, Catherine Caillaud. Du 19 au 22 mai au parc des troènes. MARSEILLE La Criée – 04 91 54 70 54 Exposition de croquis sur le vif de Fanny Barrabès autour du spectacle Un pied dans le crime de Labiche, jusqu’au 14 mai. GRIM – 04 91 04 69 59 Atelier rock et animaux pour les enfants de 7 à 10 ans : ateliers écriture, sons et arts plastiques menés par les musiciens du Club des Chats La Friche – 04 95 04 95 04 Exposition K. Acker : the office, sur une proposition de Dorothée Dupuis et Géraldine Gourbe : l’expo explore les affinités opérantes entre art contemporain et féminisme à travers le prisme de l’œuvre de l’écrivaine new yorkaise. Du 22 avril au 11 juin. Rencontre avec Marc Hiver qui présente Adorno et les industries culturelles (Harmattan), le 27 avril à 18h30 au Petit Théâtre. BMVR Alcazar – 04 91 55 90 00 Projection du film de Jean-Noël Cristiani (France, 1993, 52 min) dans lequel Edouard Glissant évoque les auteurs qui l’ont inspiré et les motifs fondateurs qui parcourent son œuvre, le 14 avril à 17h. Projection du film d Bernard Queyssanne, François Nourissier : autoportrait, le 5 mai à 16h. 5e rencontres de l’illustration, du 5 au 7 mai. ABD Gaston Deferre - 04 91 08 61 00 Exposition Un lieu des liens, jusqu’au 16 avril. Exposition de photos de Driss Aroussi, En chantier, jusqu’au 21 mai. Exposition de Thérèse Le Prat, photographe exploratrice des années 30 : Visages d’Outre Mer, du 3 mai au 13 juillet. Exposition Immigrés de force, travailleurs indochinois en France, du 5 au 31 mai ; visite par Pierre Daum, journaliste, secrétaire de l’association Histoires vietnamiennes, auteur de l’exposition, et table ronde animée par Pierre Daum avec Robert Mencherini, historien, Alain Guillemin, sociologue (Les vietnamiens à Marseille) et Pierre Brocheux, enseignant-chercheur (Indochine, la colonisation ambigüe), le 9 mai. Conférence d’Edmonde Charles-Roux qui raconte Isabelle Eberhrardt, le 5 mai à 18h30. Dans le cadre de Marseille la Méditerranéenne, table ronde sur Stéréotypes dans le temps long : quels impacts aujourd’hui ?, le 14 avril de 14h30 à 17h. Conférence d’initiation de Jean-Noël Bret sur Art et paysage : du genre mineur à l’art total, le 5 mai à 19h. La Marelle/Des auteurs aux lecteurs – 04 91 05 84 72 Ecrivains en dialogue : rencontre, animée par Pascal Jourdana, avec Claro et Pierre Senges autour du thème Réalités et fictions, le 12 mai aux ABD Gaston Defferre. Rencontre avec l’auteur américain David Homel, dont tous les ouvrages sont publiés en Italie par Actes Sud, à l’occasion de la parution de son dernier roman Le Droit chemin (mars 2011). Il donnera par ailleurs une masterclass le 30 mars et participera le


RENCONTRES 73 même jour à l’émission À l’air livre dans laquelle il s’entretiendra avec Pascal Jourdana.

la ville de Saint-Maximin, La ZIP Plaine Page a conçu une exposition collective de livres d’artistes, jusqu’au 16 avril.

Institut Culturel Italien – 04 91 48 51 94 Exposition des photos prises sur les plateaux des films de Pupi Avati, jusqu’au 19 avril. Rencontre-débat avec Mario Cavatore pour son livre Il Seminatore par sa traductrice Danièle Robert à l’occasion de sa parution en français, le 14 avril à 18h. Conférence sur Le théâtre et la nouvelle dramaturgie en Italie de Spiro Scimone, acteur et dramaturge dont l’œuvre est publiée en France aux éditions de l’Arche, le 28 avril à 18h. Rencontre-débat avec Andrea de Carlo, musicien, historien de formation, pour son roman Leielui, le 12 mai à 18h. Échange et diffusion des savoirs – 04 96 11 24 50 Conférences à l’Hôtel de région à 18h45 : Gabriele Veneziano, physicien, pour La théorie des cordes est-elle une vraie science ?, le 14 avril ; Paul Jorion, anthropologue, pour Le rôle de l’individu : nécessité et contingence en temps de crise, le 21 avril ; Christian Salmon, essayiste, pour Une machine à formater les esprits, le 5 mai ; Lionel Naccache, neuro-biologiste, pour Le malaise contemporain de la connaissance, le 12 mai. La Maison de la Région – 04 91 57 57 50 Conférence de Pierre Alain Hubert, chercheur associé à l’Institut Méditerranéen de Recherches Avancées, et de Philippe Dumas, professeur des universités au Centre interdisciplinaire de Nanoscience de Marseille : Feux d’artifice : un visible peut en cacher un autre, le 23 avril de 15h à 17h. Espace Ecureuil – 04 91 54 01 01 Colloque organisé par le Passage de l’Art dans le cadre de L’Art renouvelle le lycée, le collège, la ville et l’université avec M. Maffesoli, F. Bazzoli, E. Molinet, M. Prugniau, L. Damei et G. Saurel sur Le monstre dans l’imaginaire contemporain ou la beauté fascinante du difforme, le 14 avril de 9h à 12h. MuCEM – 04 96 13 80 90 Les mardis du muCEM : Lingua franca, une langue commune entre les cultures ? par Jocelyne Dakhlia, le 10 mai. Ecole Nationale supérieure du paysage – 04 91 91 00 25 Le génie du paysage : cycle de conférences dont la prochaine porte sur La renaturation, le 2 mai. Compagnie Ex Voto – 06 16 31 89 43 La cie Ex Voto propose un stage ouvert aux circassiens et acteurs corporels, avec Gulko ainsi que divers intervenants, qui aura lieu en partie à la ferme pédagogique de la Tour des pins (Marseille 14e), les 14 et 15 mai.

TOULON Espace Castillon – 04 94 93 47 33 Exposition Benoît Giujuzza et ses amis avec les artistes Nicole Agoutin, Jackie Planche, Marc Polidori, Sylvie Serre, Cyril Besson, Hélène Bondurand. Jusqu’au 30 avril. VERDON Parc naturel régional – 04 92 74 68 00 Stage de formation aux techniques de restauration en pierre sèche, avec le concours de René Sette de l’école d’Avignon : pierre sèche, calade et maçonnerie à la chaux sur le chantier de la chapelle Notre-Dame de Châteauneuf-les-Moustiers, du 29 avril au 1er mai, du 27 au 29 mai et du 17 au 19 juin. VERS-PONT-DU-GARD Pont du Gard – 0 820 903 330 9e édition de Garrigues en fête sur le thème de la pierre : cirque, musique, marché du terroir, pique-nique, chasse aux œufs, siestes musicales… Les 24 et 25 avril. 2e édition de Galo Pont autour du cheval avec des démonstrations, concours et spectacles, les 14 et 15 mai.

CONCOURS MARSEILLE Couleurs Cactus – 06 98 72 29 07 Dans le cadre du 3e Festival du livre de la Canebière qui aura lieu du 10 au 12 juin, l’association organise 2 concours : concours de nouvelle sur le thème Vers d’autres rivages ouvert à tous les auteurs n’ayant jamais publié. Prix régional de l’illustration sur la base de la nouvelle Yanvalou de l’auteur haïtien Lyonel Trouillot (voir p 70). Date limite de réception, par courrier et mail le 20 mai. CCI Marseille Provence – 04 91 39 34 66 Ho ! haaa, 4e concours artistique de la CCI ouvert à tout artiste confirmé (peintres, plasticiens, sculpteurs, photographes et vidéastes) sur le thème de l’économie du territoire Marseille Provence. Les dossiers doivent parvenir au secrétariat du Patrimoine culturel de la CCIMP avant le 6 juin.

MARTIGUES Musée Ziem – 04 42 41 39 60 Exposition De la réalité au rêve, l’objet ethnographique et sa représentation, du jusqu’au 12 juin. Stage pour enfants à partir de 6 ans à la découverte des œuvres du Fonds National d’Art Contemporain, du 18 au 22 avril de 10h à 12h.

RÉGION Sur la place – 06 69 28 90 87 Concours jeune illustration en Région Paca qui s’adresse aux dessinateurs, illustrateurs… âgés de moins de 28 ans résidant ou étant scolarisés dans la région Paca. Pour participer, envoyer 3 dessins (thèmes et techniques libres) avant le 15 avril à l’association par courrier ou Internet.

MIRAMAS Médiathèque intercommunale – 04 90 58 53 53 Exposition d’Anne Loubet, Se tenir droit, jusqu’au 21 mai.

LAVANDOU Service culturel de la Ville – 04 94 00 41 72 Prix de la création, peinture contemporaine, ouvert aux artistes peintres travaillant l’acrylique, l’huile et les techniques mixtes. Les artistes primés et nominés seront exposés dans la salle d’honneur de l’hôtel de ville du 9 juillet au 31 août. Le dossier de candidature est à envoyer avant le 27 mai.

SAINT-MAXIMIN Musée Louis Rostan – 04 94 72 54 81 Dans le cadre de l’Ecole du Spectateur, projet de la politique de

Au croisement des cultures L’association marseillaise Horizontes del Sur, qui n’a de cesse de faire résonner les voix de l’Espagne des trois cultures, invite cette année, pour la 9e édition, la revue toulousaine Horizons Maghrébins qui consacre un numéro spécial à la question de l’héritage pluriel de ce pays. À ce propos la BMVR Alcazar accueillera la table ronde réunissant le directeur de la revue, Mohammed Habib Samrakandi, Isabelle Touton, spécialiste de l’image du Siècle d’or dans l’Espagne contemporaine, du roman et de la BD espagnole des XXe et XXIe siècle, Yannick Llored, auteur d’ouvrages autour de Juan Gottisolo, Eva Touboul-Tardieu qui travaille sur le séphardisme, André Stoll, qui occupe la chair de littératures et de cultures de l’image du monde hispanique, français et italien à l’Université de Bielefeld en Allemagne et Bartolomé Bennassar, spécialiste de l’histoire de l’Espagne moderne (25 mai). Côté littérature, le café littéraire (26 mai) aura pour décor le roman de José Manuel Fajardo, Mon nom est Jamaïca (Métailié), et Bartolomé Bennassar donnera une conférence sur son livre Vélasquez, une vie (de Fallois) le 27 mai. Mais le festival c’est aussi une ouverture sur la musique (notamment avec l’ensemble Mouloud Adel et leur Mezdj, Luis de la Carrasca avec Noche de arte flamenco), sur les arts visuels (l’exposition Maïmonide sur l’art de la mosaïque notamment), sur le théâtre (La Dispute de Barcelone par la cie Nieto)… DO.M.

L’Espagne des trois cultures Du 11 au 28 mai Divers lieux, Marseille 04 91 08 53 78 www.horizontesdelsur.fr


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PATRIMOINE

MÉTIERS D’ART | ARCHIVES 13 | ÉCHANGES ET DIFF

Éloge de la main Les métiers d’Art tissent entre tradition et modernité une trame qui embellit notre quotidien et change notre mode de consommation du réel Artisan, artiste, maître d’art, maître d’œuvre… L’UNESCO les a reconnus comme patrimoine immatériel et vient même de classer les techniques et talents des Compagnons du Devoir en tant que Patrimoine Immatériel de l’humanité. «Lieux de mémoire» souligne le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand, les métiers d’art arrachent l’objet à la série consumériste, pour lui rendre sa valeur créative. Nous pouvons renouer ainsi avec une certaine capacité d’émerveillement du quotidien. Ce bol du matin est unique, l’instant aussi. Cela participe à une esthétique familière, qui permet à chacun de ne pas se considérer comme une simple réplique de pub normalisée. La conscience de cette richesse est saluée officiellement par les Journées Nationales et la Route des Métiers d’Art. L’inauguration un premier avril -le calendrier est parfois malicieux- de ces journées et de cette route sur la région a eu lieu à la Tuilerie Bossy à Gardanne. Élus, représentants des collectivités territoriales, de l’État, du tourisme, des banques, des assurances, se félicitent de ces rencontres avec les professionnels dans leurs ateliers, de ce projet ambitieux lancé il y a 4 ans sur les métiers d’art, leur découverte vivante et la démarche éthique qui accompagne ainsi le développement

À la Tuilerie Bossy, mosaiques de Céline Patrizio

de l’économie locale. Plus de 70 artisans mobilisés, des itinéraires de découverte à travers toute la région, une autre manière de découvrir des lieux enchanteurs, liée aussi à la route gourmande, avec 11 millions de touristes par an… Dans la région, la route des métiers d’art est liée à la perspective de Marseille Provence 2013, et à la création d’un GR 13 d’environ 200 kms qui aura l’originalité de passer par les villes, unissant le milieu urbain et les sites naturels. La découverte des paysages se conjugue avec celle de l’histoire, préservée dans les gestes des métiers d’art, qui travaille avec une mémoire des mains et des yeux, la nôtre. À Gardanne les trois Journées ont permis de rencontrer des artisans passionnants, qui rénovent les objets, comme cet horloger qui se sent conservateur du patrimoine et qui restitue leur propre histoire aux objets et à ses commanditaires ; ou qui créent à partir de techniques anciennes comme cette mosaïste depuis cinq générations, ou cette céramiste et la fusion amoureuse des objets, poterie et décorations dans l’alchimie du four… et racontent aussi l’histoire des matériaux, qui proviennent de tel ou tel terroir… Suivre ces routes c’est aussi prendre la mesure de notre terre, et c’est très beau. MARYVONNE COLOMBANI

La route des métiers d’art du 1er avril au 30 octobre www.metiersdart.cma13.fr

Arbitraire vs diabolique L’histoire constitue une réserve inépuisable de scénarios pour les romanciers, les cinéastes, et les auteurs de BD. Mais le fait d’avoir choisi L’affaire Gaufridy alors que les débats sur la justice et les religions fleurissent, n’est pas innocent (sic !). Il s’agit du jugement du prêtre des Accoules à Marseille, Louis Gaufridy, pour crime de sorcellerie… La peur du diable était telle qu’un ramoneur qui s’était trompé de cheminée fut pris pour le démon, et provoqua une panique effroyable lors de la lecture des procès-verbaux de l’affaire ! Esprits incrédules ne riez pas, le malheureux curé fut brûlé et ses cendres dispersées aux quatre vents, en l’an de grâce 1611, un terrible 30 avril. La superbe exposition du Centre Aixois des Archives Départementales présente un travail d’une grande richesse picturale et documentaire. La bibliographie s’appuie sur des textes d’historiens, des romans, des coupures de presse… les sources archivistiques proviennent des archives départementales des BDR, des bibliothèques Méjanes d’Aix-en-Provence, de la bibliothèque nationale, de l’Alcazar… Les contextes historiques, idéologiques, judiciaires et politiques sont exposés avec discernement, il est même des suggestions qui laissent rêveurs, comme la possibilité de relation entre la condamnation de Gaufridy et l’assassinat d’Henri IV ! L’inquisiteur

dominicain Michaëlis parvenait ainsi, en faisant admettre la possession par le diable, à établir la responsabilité des sorciers dans le régicide… Henri IV, martyr, allait ainsi tout droit au paradis ! Les moyens de reconnaître le sorcier sont effarants

ses d’une BD qui doit sortir en 2012, avec des esquisses, des tableaux (merveilleuse vue des Accoules du port de Marseille), des dessins à l’encre, et l’explication de sa démarche qui utilise aussi bien le dessin, la peinture que l’informatique. Un

© Hugo Bogo

© Hugo Bogo

pour nous, et pourtant, font foi devant le tribunal du XVIIe. Quant au sort de la malheureuse nonne, victime du sorcier, Madeleine, il n’est guère enviable, même si elle eut la vie sauve : exorcismes, mise au banc de la société, repoussée car possédée par Satan. Une histoire d’autant plus terrible qu’elle est vraie, et nous rappelle que l’obscurantisme et la cruauté ne sont pas si loin. Ce sujet a inspiré Hugo Bogo qui offre les prémis-

résultat remarquable de vérité, avec des personnages d’une grande expressivité. MARYVONNE COLOMBANI

Le curé du Diable / l’affaire Gaufridy en BD Centre Aixois des Archives départementales Jusqu’au 11 juin www.archives13.fr


Corps dans l’histoire

Remplaçant au pied levé Sylviane Agacinski qui devait donner une conférence traitant des métamorphoses du corps humain de son point de vue de philosophe, c’est Irène Théry, sociologue, qui est intervenue. Non sans souligner l’intérêt réciproque que se portent les deux disciplines, lequel se renforce avec les années. Cette société obsédée par les corps, leur jeunesse, leur beauté, et qui paradoxalement marque un désintérêt profond pour le caractère pâtissant et mortel de ces mêmes corps, pose un problème de fond aux sciences humaines. «La grande nouveauté de cette décennie en philosophie et en anthropologie est de refuser la confusion du corps avec le biologique.» Alors qu’un projet de révision des lois de bioéthique est à l’étude au Sénat, Irène Théry prévient: «La façon dont on pense les choses a des conséquences

immédiates : un corps est toujours investi de sens, de valeurs. Il n’est jamais réductible à sa dimension physiologique, on ne peut pas le traiter comme de la viande.» Là où Paul Ricœur parlait d’identité narrative, elle demande : est-ce qu’il existe un corps humain qui ne soit pas mis en intrigue, en récit ? Tragique monde contemporain, où l’on voit se développer des merveilles technologiques, où l’on peut réparer les corps, leur permettre de se reproduire, tout en omettant de transmettre la grande histoire de la condition mortelle, la dimension fondamentalement relationnelle de l’humanité ! G.C.

Cette conférence a eu lieu le 24 mars dans le cadre d’Échange et diffusion des savoirs

Économie, une science inhumaine André Orléan est un économiste hétérodoxe, on pourrait même dire désolé. C’est tout juste s’il ne s’excuse pas de faire partie de cette branche des sciences sociales qui a eu tendance à se compromettre gravement avec le monde de la finance. «L’économie a été instrumentalisée par des intérêts qui ne sont pas ceux de la connaissance. Elle a servi à légitimer la dérégulation que connaissent les marchés financiers depuis 30 ans.» Le credo de l’économie depuis Adam Smith, qui consiste à imaginer que la concurrence et la «loi» de l’offre et de la demande permettent de régler les conflits d’intérêt au sein de la société, est illusoire et dangereux. André Orléan regrette le penchant de ses pairs à tirer du côté des sciences dures une recherche qui aspire à se déconnecter de l’humain. «La tradition économique croit que les acteurs du marché sont mus par leurs intérêts, et ne tient pas compte de leurs croyances. Or les capacités de prédiction des sciences sociales sont très faibles comparativement aux sciences de la nature, et le traitement statis-

tique bute sur l’imprévu. Je suis très favorable à l’étude des phénomènes économiques comme des faits sociaux, à prendre en compte en tant que tels.» Au terme d’un exposé lucide et salutaire («non, les économistes n’ont pas la réponse à toutes les questions, c’est important de le savoir»), c’est un membre du public qui souligne : «Le terme d’économie vient de deux mots grecs signifiant «la maison» et «la loi». Cela ne va pas du tout avec la dérégulation. Je pense que les économistes font le contraire de Saint Thomas, qui ne voulait croire que ce qu’il voyait. Eux ne voient que ce qu’ils croient.» GAELLE CLOAREC

André Orléan, économiste, lors du cycle Échange et diffusion des savoirs à l’Hôtel du Département des Bouches-duRhône le 17 mars On peut écouter en ligne les conférences du cycle Echange et diffusion des savoirs http://www.cg13.fr/cadre-devie/culture/conferences.html


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SCIENCES ET PHILOSOPHIE

L’ÉNERGIE

Énergies nouvelles

Les terrils de Collevieille © Thierry Rostang

Concernés historiquement par les problèmes posés par l’exploitation des énergies fossiles, les irréductibles Gardannais ont mis en place une politique énergétique visant, à terme, «à produire pour nos propre besoins domestiques et collectifs une énergie renouvelable avec zéro effet de serre.» C’est Roger Meï le maire communiste de la commune qui s’exprime ainsi. Gardanne en a fini avec le charbon, s’inquiète de son sol troué comme du gruyère, de l’alumine et des boues rouges qui l’ont fait vivre, mais dont elle ne veut pas qu’ils la détruisent. Car étrangement, dans cette ville qui a vécu de l’exploitation du charbon, de la centrale thermique et de la fabrication d’aluminium, des solutions s’élaborent ! Ainsi les 23 ha inconstructibles et inexploitables des deux terrils seront-elles couvertes de panneaux photovoltaïques, le biogaz récupéré sur le site d’enfouissement des déchets (40 000 tonnes par an de déchets agricoles et industriels) sera transformé en électricité ce qui permet également de ne plus rejeter de méthane dans l’atmosphère, une éolienne serra installée, un chauffage au bois pour les collectivités, et un projet d’utilisation de la chaleur des eaux d’ennoyage de la mine (à 25°)

qui seront récupérées pour être envoyées dans un vaste réseau de chauffage…

Utopie ? Autant d’équipements qui ont un coût, lourd, et un rendement nettement moins évident que les énergies polluantes ou dangereuses… Produire de l’énergie par ces moyens nécessite également, et principalement, de changer les modèles de consommation. Le Plan d’Action Global sur l’Energie mis en place par la municipalité depuis 2010 dans les bâtiments publics porte ses fruits immédiats : diminution de 8% de l’éclairage public, 9% d’économie de chauffage… en tout 1.4M€ euros ont été économisés en 2010 sur les fluides, par de simples changements de comportements et aménagements visant à diminuer le gaspillage énergétique. En 2011, l’objectif est d’impliquer activement les établissements scolaires, et les citoyens. Afin que chacun change ses comportements un référent est nommé dans chaque établissement scolaire, grâce au dispositif AGIR de la Région (voir Zib 39). Enfin le Forum des énergies nouvelles et renouvelables, qui a eu lieu du 8 au 10 avril, a permis de familia-

riser concrètement les enfants, les jeunes et les adultes avec cette idée que certains gestes quotidiens sont consommateurs d’énergie : divers débats, autour des alternatives à l’énergie fossile, mais aussi de la maîtrise publique de l’énergie, ont eu lieu dans la Halle, ainsi que divers ateliers ludiques et concrets (les petits débrouillards) pour apprendre à économiser, mais aussi pour appréhender le concept si insaisissable d’énergie… Par ailleurs, des visites des sites producteurs d’énergie (inauguration de l’usine de production électrique Verdesis-Semag à partir du biogaz, visite de la chaudière bois de Fontvenelle) permettaient de comprendre comment on la produit… et ce que cela implique en termes de consommation de ressources de combustibles (bois, gaz, transformation en électricité). Autant d’initiatives pédagogiques, concrètes, et d’investissements dont on ne peut que se féliciter. Mais qui ne posent à aucun moment le problème crucial de la consommation industrielle d’énergie, la plus vorace. Ni de notre civilisation du jetable, du consommable, de la casse programmée des produits manufacturés, ni des dépenses énergétiques de l’industrie de l’armement et de l’agriculture productiviste que le capitalisme impose de fait dans nos vies. Pour changer efficacement le mode de consommation d’énergie du citoyen, il ne suffira pas de les éduquer en les culpabilisant sur leurs comportements : il faudra proposer des alternatives, et pour cela en finir avec le productivisme. Et quid de l’incontournable «nécessité de la croissance» ? AGNES FRESCHEL

Au Progr Aérons-nous le corps et l’esprit. En ce Pâques beau, planchons sur l’onde fun des sciences Argent content Le Musée des Mines d’Argent de l’Argentière-la-Bessée nous propose le 14 mai dans le cadre de la Nuit Européenne des Musées, la visite nocturne des mines d’argent du Fournel, sur réservation obligatoire. RDV au Musée des Mines d’Argent, départ 19h30. La visite inclut la galerie des peintures de Jacques Pâris, peintes au printemps 2010 dans le cadre d’une résidence d’artiste et l’exposition Les Guetteurs de Claude Goulois en collaboration avec le Museum Départemental de Gap. Musée des Mines d’Argent 04 92 23 02 94

La belle à Gap L’association Gap Sciences Animation 05 (GSA 05) créée en 1990 sous le nom de Sciences Animation 05 s’est donné comme objectifs statutaires la diffusion et la vulgarisation de la culture scientifique et technique en direction de tous les publics du département des Hautes-Alpes. Reconnue par le Centre de Culture Scientifique Technique et Industrielle Provence Méditerranée (CCSTI), GSA 05 est coordinatrice départementale de la Fête de la Science depuis sa création en 1991. Elle nous propose, entre autres, des sorties à caractère scientifique : le 6 mai une rando-entomologie Sphinx, bombyx et noctuelles, insectes hauts en couleur au cœur de la nuit par Sylvain Allombert de Terra Biodiversita, le 8 mai une rando-botanique Les plantes racontent le sol par Lionel Bunge, de Promonature et le 14 mai une rando-géologie Du charbon dans le Briançonnais par Raymond Les-


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Philosophie du nucléaire

ramme tournelle de la Société Géologique et Minière du Briançonnais. Gap Sciences Animation 05 04 92 53 92 70 www.gsa05.com/sortie.htm

Au printemps le chercheur dore La 5e édition du Printemps des chercheurs de la région PACA se déroule du 12 au 29 avril à Marseille, essentiellement à Maison de la Région et aux Bibliothèques Saint-André et le Merlan. Il consiste en une série de rencontres et de discussions entre les chercheurs et le public. Ces échanges ont pour but de faire partager les découvertes faites récemment dans les laboratoires (démonstrations), de répondre aux nombreuses interrogations sur des questions scientifiques du moment sous forme de débats, de discuter autour de films de sciences (ciné-sciences) et de proposer aux plus jeunes des ateliers expérimentaux pendant les vacances scolaires. Les sujets abordés cette année graviteront autour de la biologie humaine (procréation médicalement assistée, réaction immunitaire, division et vieillissement des cellules) ou animale (santé des abeilles), la physique (physique des fluides et des mouvements), les mathématiques (histoire des tablettes sumériennes), mais aussi l’archéologie (fouilles en Arménie), et à l’occasion de l’année mondiale de la chimie un accent particulier est mis sur cette discipline (les feux d’artifice, les plastiques, les parfums). www.printempsdeschercheurs.fr Y.B. © X-D.R

Hiroshima est partout : c‘est le titre d’un livre de Gunther Anders, philosophe allemand qui fit le lien entre la philosophie morale et la problématique du suicide programmé de l’humanité Entre aliénation et libération, la technologie obsède la pensée depuis un siècle : est-elle destinée à libérer l’homme de la condamnation biblique (C’est à la sueur de ton front que tu mangeras ton pain) où à l’enchaîner à l’illusion plus maléfique de maîtriser la nature et sa vie ? Mais dès Hiroshima un pas a été franchi ; ce n’est plus l’aliénation de l’homme par la machine, mais la disparition programmée de l’humanité au profit de ses productions qui dès lors a donné à penser. D’Hiroshima à Fukushima on pourrait parodier Marx ; les grands évènements se produisent toujours deux fois, la première fois comme tragédie, la seconde comme farce. Soixante six ans après, dans le pays le plus sensible à la tragédie nucléaire, le niveau de compétence et de transparence donne à pleurer à défaut d’en rire. Le nucléaire est géré à la légère, même par eux. Avec le nucléaire nous perdons tout contrôle sur nos productions. Günther Anders, après Hiroshima, dessinait les contours d’une philosophie morale qui ne disait pas le bien mais désignait les seuils et les conditions qui, lorsqu’ils sont dépassés, font de la question du bien une problématique désuète. Car le nucléaire «empêche la naissance de situation où il n’est plus possible d’être moral et qui pour cette raison se soustrait à la compétence de tout jugement moral.» Ce qu’Anders condamne avec la technologie nucléaire, c’est le renoncement de l’homme à sa propre liberté avec des outils qui, une fois certains seuils critiques de développement dépassés, se retournent contre les hommes. L’homme a le droit de renoncer à tout, sauf à sa capacité d’agir et de maîtriser ce qu’il fait. En bref il ne peut renoncer à sa liberté. Avec le nucléaire on y renonce : on ne peut rien prévoir. Ni prévenir, ni même guérir. C’est en lisant Anders que Sartre aura cette formule et définition heureuses : l’homme est condamné à être libre. Ceux qui militaient contre la Bombe à l’ouest étaient désignés comme des agents staliniens, même si les communistes français ont toujours été pro-nucléaire (civil). Aujourd’hui les anti-nucléaires sont accusés d’archaïsme, de vouloir un monde à la bougie. Avec le nucléaire il n’y pas de débats contradictoires possibles : l‘idéologie nucléaire se construit sur la dissimulation et

Champignon atomique sur Nagasaki © Library of Congress

le productivisme, et oppose l’insulte à la raison et au réel. Que veut donc dire penser le nucléaire? Faire de l’avenir catastrophique notre présent. Pour le voir. Et se demander comment agir. Car sortir du nucléaire c’est sortir du productivisme : voilà le courage et l’enjeu. RÉGIS VLACHOS

Dans le prochain Zibeline la correspondance d’Anders avec Eatherly, «l’anti Eichman» qui culpabilisa de sa responsabilité dans Hiroshima ; ou la conscience morale aux prises avec trois cent mille morts.


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ADHÉRENTS

Nos Partenaires vous offrent invitations, réductions et avantages ! Pour les places gratuites, téléphonez-leur rapidement pour réserver, puis présentez votre carte de membre (1 place par carte nominative). Pour les réductions, présentez simplement votre carte (réduction valable seulement pour l’adhérent) Carte Flux 5 cartes offertes sur la base de 1 carte achetée = 1 carte offerte (1 carte = 7 manifestations du 4 mai au 11 juillet) Auprès de Marseille objectif danse, le Festival de Marseille, Le GMEM, l’AMI, les Bernardines, le FID et le BNM. Résas : billetterie@gmem.org Le Gyptis 2 invitations par soir pour La Disgrâce de Jean-Sébastien Bach le 10 mai à 20h30 le 11 mai à 19h15 le 12 mai à 19h15 pour Gare Centrale Cie Grenade/Josette Baïz Le 19 mai à 19h15 Le 20 mai à 20h30 tarif réduit B (15€ au lieu de 24) à toutes les représentations 04 91 11 00 91 Association Ushpizin Dans le cadre du 1er festival de musique et contes Indo-Persan 5 invitations Pour le concert de Door Mohammad Keshmi Le 14 mai au Théâtre Sylvain 2 invitations Pour le concert de Arshad Ali Khan Le 29 mai à la Salle des Lices 06 73 61 21 48

Les Films du Delta (Rousset) 5 passeports par journée Dans le cadre du 9e festival Provence Terre de cinéma Le 28 avril pour «cinéma mexicain d’aujourd’hui» Le 29 avril pour «cinéma mexicain Les 2 âges d’or et Compétition de courts-métrages tournés en Provence» le 30 avril pour «Cinéastes et chorégraphes» le 1er mai pour «Cinéastes et chorégraphes» 04 42 53 36 39 Le Sémaphore (Port-de-Bouc) Tarif préférentiel à 8€ pour À quoi on joue ? Cie Le Temps de dire Le 3 mai à 19h Le 6 mai à 20h30 04 42 06 39 09 Tandem (Var) 2 invitations par soir Dans le cadre du festival Faveurs de printemps pour le concert de Jesse Sykes et Oh ! Tiger Moutain le 5 mai pour le concert Troy Von Balthazar et Arch Woodman le 6 mai pour le plateau Kutu Folk Records le 7 mai tous au Théâtre Denis à Hyères 04 98 07 00 70

La Minoterie Tarif réduit pour toutes les représentations 8 € au lieu de 12€ 04 91 90 07 94

3bisf (Aix) Entrées et visites gratuites sur réservations 04 42 16 17 75

Les Bancs Publics 1 place offerte pour 1 place achetée pour tous les spectacles 04 91 64 60 00

L’institut culturel italien 3 adhésions annuelles d’une valeur de 32 €, cette «carte adhérent»

Mensuel gratuit paraissant le deuxième mercredi du mois Edité à 30 000 exemplaires imprimés sur papier recyclé Edité par Zibeline SARL 76 avenue de la Panouse | n°11 13009 Marseille Dépôt légal : janvier 2008 Directrice de publication Agnès Freschel Imprimé par Rotimpress 17181 Aiguaviva (Esp.) photo couverture Latcho Divano au Kiosque © Agnès Mellon Conception maquette Max Minniti Rédactrice en chef Agnès Freschel agnes.freschel@wanadoo.fr 06 09 08 30 34

Secrétaire de rédaction spectacles et magazine Dominique Marçon journal.zibeline@gmail.com 06 23 00 65 42 Secrétaire de rédaction Jeunesse, livres et arts visuels Marie Godfrin-Guidicelli m-g-g@wanadoo.fr 06 64 97 51 56

vous donnera accès à tous les services de l’Institut, médiathèque et programme culturel. Demande par mail : iicmarsiglia@esteri.it ou au 04 91 48 51 94 La Pensée de Midi vous offre 3 exemplaires de Histoires d’un 20 janvier, n° des 10 ans de la revue par mail : chris.bourgue@wanadoo.fr Librairie Apostille (Marseille 6e) 104 Cours Julien 5% de réduction sur l’ensemble du magasin Librairie Maupetit (Marseille 1er) La Canebière 5% de réduction sur tous les livres Librairie L’écailler (Marseille 1er) 2 rue Barbaroux 5% de réduction sur tous les livres Le Greffier de Saint-Yves (Marseille 1er) librairie générale et juridique 10 rue Venture 5% de réduction sur tous les livres Librairie Regards (Marseille 2e) Centre de la Vieille Charité 5% de réduction sur tous les livres L’histoire de l’œil (Marseille 6e) 25 rue Fontange 5% de réduction sur tous les livres Librairie Imbernon (Marseille 8e) spécialisée en architecture

Musique et disques Jacques Freschel jacques.freschel@wanadoo.fr 06 20 42 40 57

Polyvolantes Chris Bourgue chris.bourgue@wanadoo.fr 06 03 58 65 96

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Delphine Michelangeli d.michelangeli@free.fr 06 65 79 81 10

Arts Visuels Claude Lorin claudelorin@wanadoo.fr 06 25 54 42 22

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Livres Fred Robert fred.robert.zibeline@free.fr 06 82 84 88 94

Élise Padovani elise.padovani@orange.fr

Maquettiste Philippe Perotti philippe.zibeline@gmail.com 06 19 62 03 61

Histoire et patrimoine René Diaz renediaz@free.fr

Philosophie Régis Vlachos regis.vlachos@free.fr Sciences et techniques Yves Berchadsky berch@free.fr

La Cité Radieuse 280 bd Michelet, 3e étage 5% de réduction sur tous les livres Librairie Arcadia (Marseille 12e) Centre commercial Saint Barnabé Village 30 rue des électriciens 5% de réduction sur tous les livres Librairie Prado Paradis (Marseille 8e) 19 avenue de mazargues 5% de réduction sur tous les livres 10% de réduction Sur la papeterie Librairie de Provence (Aix) 31 cours Mirabeau 5% de réduction sur tous les livres Librairie Au poivre d’Âne (La Ciotat) 12 rue des frères Blanchard 5% de réduction sur tous les livres Art-Cade – Les Grands Bains Douche de la Plaine Une adhésion et une consommation au bar de la galerie 04 91 47 87 92 L’imprimeur Magenta 10% de remise sur tous travaux d’impression 04 91 32 64 54 Auto Partage Provence 6 mois d’abonnement gratuit d’essai vous disposez d’une voiture quand vous le souhaitez, à réserver par téléphone ou Internet, 24h/24, 7j/7, selon vos besoins 04 91 00 32 94 www.autopartage-provence.com

Ont également participé à ce numéro : Yves Bergé, Aude Fanlo, Thomas Dalicante, Émilien Moreau, Pascale Franchi, Pierre-Alain Hoyet, Gaëlle Cloarec,Christophe Floquet, Rémy Galvain

Photographe Agnès Mellon 095 095 61 70 photographeagnesmellon.blogspot.com Directrice commerciale Véronique Linais vlinais@yahoo.fr 06 63 70 64 18 Chargée de développement Nathalie Simon nathalie.zibeline@free.fr 06 08 95 25 47




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