44 du 14/09/11 au 12/10/11 un gratuit qui se lit
Rentrée à tâtons
Saisons Nîmes Aubagne, La Ciotat, Hautes-Alpes Briançon, Beaucaire Les Bernardines, le Lenche, la Minoterie, Châteauvallon, La Valette Velaux, Simiane, Venelles, Aix, Marignane Berre, Le Revest, le Massalia Opéra de Toulon, Opéra d’Avignon, SMCM
7 8 9 10, 11 12, 13 14 16
Théâtre Au programme
18 à 24
Cirque/Arts de la rue Arles, Draguignan, Ouest-Provence, Cité des Arts de la rue Small is beautiful, Préavis de désordre urbain, Gardanne, Salon-de-Pce
26 27
Danse Au programme
28, 29
Musique Au programme Le Silo, Marsatac, Zik Zac festival, Festival de la chanson
30 à 34 35
Festivals Avignon Avignon Off Martigues, Camargue Aix Côté Cour, Théâtre Silvain, Palais Longchamp Durance Luberon, Chaillol Orange, Cassis La Roque d’Anthéron Salon-de-Pce, Pourrières, Forcalquier Aix, Lacoste, Ardèche Jazz des cinq continents, Toulon, La Tour d’Aigues, Avignon Les Suds, Château Paradis Voix du Gaou
Livres/Disques Livres Arts, jeunesse, littérature
36 à 40 42 à 45 46 48 49 50 51 52 53 54 56, 57 58 59 60, 61 62 à 69
Rencontres Manosque, Aix Les littorales, la Semaine Noire, les Ecritures Croisées Au programme, ActOral
70 71 72, 73
Cinéma Les rendez-vous d’Annie Arles, FFM, Cinépage Lussas, Théâtre Silvain, Best of Short
74 75 76
Arts visuels Rencontre avec Christine Poullain Var Art-O-Rama, regards de Provence Aix Aubagne, au programme
78 79 80 81 82 à 85
Patrimoine Journées européennes du patrimoine Monument jeu d’enfant
86 87
Sciences et techniques La faculté des sciences de Saint-Charles
88
Philosophie La parole Edgar Morin, Stéphane Hessel
90 91
Repartir ? Voilà qu’une autre rentrée se profile. Des saisons, des ouvertures, des projets d’avenir, 2013 qui se rapproche, des bâtiments qui se construisent… Mais un fond très sensible de désespérance est là. D’écœurement. Face aux scandales politiques qui souillent durablement nos idéaux, face à la pieuvre financière qui impose son ordre aux États et aux peuples. Le monde culturel sait ce qu’il a perdu d’enthousiasme et d’inventivité, de solidarité et de joie, à vivre depuis des années dans les restrictions budgétaires, les défaites, la normalisation des attentes, le délitement public. Il continue pourtant. Entraînés par la nécessité d’agir, les artistes produisent chaque année la création que les lois de la production leur imposent, regardant la misère qui s’installe dans les rues, l’hôpital public qui implose, les retraites et les salaires qui ne cessent de fondre… À force de stigmatisations irresponsables, les rapports humains se sont durcis, jeunes contre vieux, hommes contre femmes, arabes contre juifs contre noirs contre blancs, Paris contre Province, Aix contre Marseille, néophytes contre intellectuels, chômeurs contre salariés. La destruction systématique de l’Éducation nationale a fait son office, l’école est sinistrée, devient une fabrique de violence et d’inculture dont les enseignants pourtant si valeureux démissionnent en masse. Au sens propre, ou renoncent à rallumer l’intelligence de leurs élèves assommés. Que faire ? Continuer ? Repartir ? S’abrutir pour que la pilule passe ? Certains s’enferment chez eux devant une télé débilitante qui attise leur appétit régressif de consommation. D’autres résistent, sortent, lisent, militent, s’indignent. Jusqu’à quand ? Les Marseillais rentrent du spectacle sans transports en commun en slalomant entre de bons gros rats qui les dévisagent, goguenards. Les Aixois vénèrent un art rentable arrêté à Cézanne et Beethoven. Ailleurs dans la région on parle développement du territoire devant des formes artistiques de plus en plus pauvres. Autant de conséquences de politiques culturelles divergentes, mais qui toutes cherchent à rentabiliser les investissements, en les diminuant, ou en exigeant une plus-value. Pourtant il nous faut bien repartir. En refusant les formatages, en martelant que d’autres choix sont possibles. Et en nous battant pour relever ceux qui tombent, même si on nous fait croire qu’ils sont nos ennemis. AGNÈS FRESCHEL
Horizons La Biennale de Venise
Adhérents
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NÎMES
SAISONS
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Belles fidélités Fort d’une augmentation de sa fréquentation de 20% sur la saison 2010-2011, le Théâtre de Nîmes affiche ses couleurs et sa volonté de placer «plus que jamais les artistes au cœur de [son] projet» comme le dit son directeur François Noël. Accueils et résidences sont développés, et le chorégraphe Alain Buffard retrouve son statut d’artiste associé pour la 2e année consécutive, avec un nouveau projet annoncé pour avril, Baron Samedi, autour de l’univers de Kurt Weill. D’autres artistes seront accompagnés lors de résidences, tels le metteur en scène Yves Beaunesne, un fidèle du Théâtre, qui viendra répéter Pionniers à Ingolstadt avant la 1re (en nov), la metteuse en scène et comédienne Emma Morin qui revient pour reprendre Nothing to do sur des textes de Pascalle Monnier (fév), Philippe Duquesne en chanteur désabusé dans la peau d’un Gainsbourg Par hasard et pas rasé (déc), Edouard Baer pour son prochain spectacle, La France (mars)… Et d’autres fidèles encore avec la cie de danse La Zampa qui présente 3 œuvres, Dream on Tracks 1 et 2 (nov), La Tombe du plongeur (déc) et Requiem (déc), les flamands du collectif tg STAN sur un texte d’Arthur Schnitzler, Le Chemin solitaire (jan), Bruno Geslin, artiste associé lors de la saison 2009-2010, qui collabore à la chorégraphie de Magali Milian et Romuald Luydlin, La Tombe du plongeur (déc), et qui présente aussi sa dernière
Le Chemin solitaire © Tim Wouters
mise en scène d’après la nouvelle Sombre printemps d’Unica Zürn, Dark Spring (avril). De grands rendez-vous en perspective, notamment avec la venue de la cie créée par Pina Bausch, la Tanztheater Wuppertal, 3 spectacles pour trois années consécutives, à commencer par Neken (du 20 au 23 oct), l’intégrale de L’Anneau du Nibelung de Wagner dans un arrangement du compositeur Jonathan Dove et du dramaturge Graham Vick (les 4, 5 et 6 nov), la mise en scène de Peter Brook d’Une flûte enchantée d’après Mozart (déc)… Sans
Écritures contemporaines Résolument tourné vers la création contemporaine, le théâtre du Périscope, à Nîmes, affiche une programmation équilibrée entre théâtre, danse et cirque, le jeune public bénéficiant d’un festival qui lui est entièrement dédié, Les P’tites Canailles (en avril). En ouverture de saison, le 6 oct, le comédien Thomas Germaine fera résonner, lors d’un monologue, les mots de Charlotte Delbo, déportée à Auschwitz ; Une minute encore, pour dire l’énergie d’une lutte pour rester en vie. Théâtre toujours avec Le Pays lointain de Jean-Luc Lagarce joué par les coméÇa bouge, mais ça tient © Christian Bès
diens de la cie Nocturne (3 et 4 nov), puis Les Possibilités d’après l’ouvrage d’Howard Barker, créé en coproduction avec le Théâtre de Nîmes, mis en scène par Stefan Delon (mars) et Le Voyage égaré de et avec Aurélie Namur que met en scène Félicie Artaud, toutes deux fondatrices de la cie Les Nuits claires (avril). En danse Eva Vandest posera la question de la représentation du solo dans le parcours d’un chorégraphe (Solo de danse (avec son temps), 18 nov), la chorégraphe et interprète Muriel Piqué et l’auteur Vannina Maestri offriront leur performance Vu(e) (déc), tandis qu’Alain Buffard interprètera Good Boy, pièce fondatrice de son œuvre (mars). Et puis du cirque avec la cie XY dans son 1re spectacle Ça bouge, mais ça tient… (nov), la forme étrange de Mal(e) conçu et mis en scène par Antoine Raimondi (janv), l’introspection d’Angela Laurier dans L’Angela bête (mars)… DO.M.
Théâtre Le Périscope, Nîmes Saison 2011 2012 04 66 76 10 56 www.theatre-periscope.fr
oublier bien sûr les rendez-vous attendus que sont le Festival Flamenco, en janvier, la Folle Nuit concoctée par René Martin en décembre, et Musique sur Cour qui clôturera cette belle programmation en juin. DO.M.
Théâtre de Nîmes Saison 2011 2012 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com
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SAISONS
AUBAGNE | LA CIOTAT | HAUTES-ALPES
Le sens de la proximité
Les Bougres, Theatre du Maquis © X-D.R
Le Théâtre Comoedia garde le cap de la diversité et de l’équilibre entre têtes d’affiches et artistes émergents, intensifie ses collaborations avec L’Escale Saint-Michel, la Distillerie et la Penne-surHuveaune et renouvelle ses compagnonnages avec des artistes régionaux «qui ont le désir commun de sensibiliser les publics». Des objectifs soutenus par la Ville qui renouvelle sa subvention de 100 000 € pour son fonctionnement. Dans cet esprit de fidélité cher à l’équipe, on retrouve Jean-Claude Nieto (Texte et Projets) pour sa création Bérénice de Racine, Pierre Béziers (Théâtre du Maquis) qui donne suite à son Cabaret des hérétiques et invente dans Les Bougres des trucages visuels à «donner le vertige», Danielle Bré (In Pulverem Reverteris) qui fait entendre la voix de l’auteur suisse Robert Walser dans La Récréation, Alexis Moati (Vol plané) avec Le Malade imaginaire de Molière, Serge Barbuscia qui quitte ses habits de directeur du Théâtre du Balcon d’Avignon pour dire des extraits de Si j’étais un homme de Primo Levi accompagné au piano par Roland Conil. Yves Borrini (Le Bruit des hommes) est triplement présent : mise en scène de Fin de partie de Beckett, résidence à La Distillerie autour de la littérature japonaise, organisation des banquets littéraires Les
Jeudis d’auteur. Sans oublier un Plateau humour 100 % régional (Nicole Ferroni, Maria Dolores, Stan), la rencontre de Raphaël Imbert et Manu Theron pour un Paratge original, et l’invitation faite à Nevchehirlian de dire Prévert autrement (Le soleil brille pour tout le monde). Deux temps forts de danse rythment janvier et avril, avec des artistes fidèles : Miguel Nosibor (En Phase) avec l’écrivain Jean-Luc Raharimanana, et Franck Micheletti (KKI) dont les investigations prendront la forme d’un parcours urbain en lien avec les habitants… Les spectacles jeune public ne sont pas en reste (10 propositions), ni les arts de la rue qui ont démarré en fanfare le 3 septembre avec Rendez-vous chaud dehors (No Tunes International et Cie Mastoc), se poursuivent les 14 et 15 octobre avec Small is beautiful (voir p 27), et ferment la marche les 1er et 2 juin lors d’un dernier tour de piste de Chaud dehors… M.G.-G.
Théâtre Comoedia, Aubagne Saison 2011 2012 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr
Un théâtre de diffusion
Anne Carlini, directrice depuis deux ans du Théâtre du Golfe à La Ciotat, a puisé pour moitié dans ses coups de cœur avignonnais pour écrire sa saison 2011/2012, pour l’autre dans les programmations du Gymnase, du Grand Théâtre de Provence, des Salins, de l’Opéra de Toulon, de l’Opéra de Marseille, de la Criée et du CNCDC Châteauvallon. Avec leurs collaborations, le théâtre offre à son public (dont 515 abonnés) l’opportunité de découvrir des spectacles ailleurs à tarif préférentiel (prix du spectacle avec acheminement en bus inclus) que ses propres ressources techniques ne lui permettent pas. Elle a ainsi choisi Nono de Guitry avec Julie Depardieu et Michel Fau, Stomp, le Cirque Eloize, Murmure des murs de Victoria Thierrée-Chaplin, Le barbier de Séville de Rossini, Des souris et des hommes, J.-P. Evariste et P. Ivancic © X-D.R.
Le Trouvère de Verdi, Henry IV mis en scène par Daniel Colas avec Jean-François Balmer, Le Dindon de Feydeau par Philippe Adrien, et, côté danse, le Béjart Ballet de Lausanne et la Cie Decouflé. Des formes classiques et des valeurs sûres car le programme «doit être accessible y compris à ceux qui croient que le théâtre n’est pas pour eux». Du coup émergent «des spectacles portés par des acteurs de talent» connus (Jacques Weber, Michel Boujenah) ou moins connus (Victor Hugo, mon amour de la Cie Anthéa Sogno, Des souris et des hommes par J.-P. Evariste et P. Ivancic), ainsi que des spectacles jeune public (9 propositions) et familiaux (Cirque Phénix, ciné-concert Pierre et le loup). Quant aux compagnies régionales étrangement absentes -exceptées Julien Lestel et Piccola Velocità-, Anne Carlini s’en explique : le Golfe fait partie du réseau Région en Scène et souhaite en accueillir mais «cette année rien n’a véritablement attiré [son] regard». M.G.-G.
Théâtre du Golfe, La Ciotat Saison 2011 2012 www.laciotat.com
Dans la vallée… Au départ, un projet transfrontalier, Cultura des hautes terres, unit les régions PACA et Piémont, avec une visée généreuse, de culture d’éducation, de qualité de vie, d’emplois. Cinq pôles constituent cette initiative, Risorsa Monviso (protection de la nature), Slowtourisme (offres de tourisme douces et durables), Cultura des Hautes-Terres (promotion de la culture des vallées), Savoir Legno (savoir concentré sur l’artisanat du bois), Cyclo-territorio (favorise les accès aux vélos) : le Plan Intégré Transfrontalier Monviso cherche «à mettre en valeur les relations entre l’homme et le territoire.» Pour lui donner une visibilité concrète Festi’valle se déroulera du 30 sept au 2 oct à Guillestre, idéalement située dans entre les Écrins et le Queyras et à la célèbre Place Forte de MontDauphin édifiée par Vauban. Programme riche et varié : musiques, danses, dessin, saveurs, couleurs, tout y est, pour un week-end festif ouvrant un avenir commun. M.C.
Festi’valle Du 30 sept au 2 oct Guillestre, Montdauphin www.culturamonviso.eu
BRIANÇON | BEAUCAIRE
Nouvelle ère ? Frank-Éric Retière, nouveau directeur du nouveau Théâtre du Briançonnais (ex Le Cadran) définit son projet comme une «scène ouverte aux écritures d’au-
SAISONS
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Pour tous publics
Lokua Kanza © Christophe Campana
jourd’hui, pluridisciplinaire et familiale.» Concrètement, cela donne 28 spectacles pour 40 représentations, un compagnonnage artistique avec la Cie Heddy Maalem (Mais le diable marche à nos côtés le 15 nov) ; 2 créations : Le Cabaret des jours heureux de Alain Fleury en tournée du 13 au 20 fév et à Bardonecchia en Italie le 21 fév ; La grille, spectacle de cirque de Cécile Maillard le 6 avril ; 12 propositions pluridisciplinaires à l’attention du jeune public ; 3 tournées dans la Communauté de communes (dont Da/Fort de la Cie Circ’ombelico du 9 au 16 nov, Quand les mains murmurent de Françoise Pillet du 13 au 23 mars) et une forte présence des musiques du monde (Lokua Kanza ouvre les festivités le 14 oct). À l’orée d’une nouvelle ère, le Théâtre du Briançonnais vient de signer une convention de coopération avec La Passerelle de Gap portant sur l’application de tarifs réduits préférentiels pour les abonnés des deux structures, le maintien des Excentrés et la mise en place de navettes dans les deux sens. M.G.-G.
Théâtre du Briançonnais Saison 2011 2012 04 92 25 52 42 www.theatre-du-brianconnais.eu
Favorisée par une fréquentation en hausse, la troisième saison théâtrale de Beaucaire s’annonce éclectique, «le cocktail gagnant opérettes, comédies et théâtre plus classique» étant reconduit. Le théâtre ouvre la programmation avec Pagnol, Marius puis Fanny le lendemain sont mis en scène par Jean-Claude Baudracco ; le théâtre du Maquis suivra avec Le Cabaret des Hérétiques, spectacle hommage aux troubadours. Des temps forts seront réservés au masque lors du festival «Le mois du masque» (avec Le Cabaret des masques de la cie Zumaï qui fait se rencontrer masques italiens et balinais, et Le Masque du singe de Lionel Briand), à l’opérette lors du festival «De l’opérette à la comédie musicale» (avec La Route fleurie de Francis Lopez, et la comédie musicale Clemenceau La Tranchée des baïonnettes, deux mises en scène de Jacques Raveleau Duparc), sans oublier La Pastorale des santons de Provence d’Yvan Audouard mise en scène par Michel Grisoni. Enfin des têtes d’affiches bien connues des amateurs d’humour émailleront la programmation, de Bernard Mabille Seul en scène à Yves Pujol qui clôturera la saison, en passant par Popeck dont c’est La dernière fois… Le Casino, Beaucaire Saison 2011 2012 Service communication 04 66 59 90 04 www.beaucaire.fr
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SAISONS
BERNARDINES | LENCHE | MINOTERIE | VAR
Chez eux Les Moutons electriques sont de retour © Bernard Sarre
Comme à leur habitude en début de saison, les Bernardines n’annoncent que leurs premiers mois de programmation, consistant pour l’essentiel en des coopérations avec les festivals amis… dont ils accueillent et coproduisent plusieurs spectacles. Ainsi Préavis de désordre urbain, festival de rue qui pratique l’intervention surprise dans l’espace public (voir p 27) trouve aux Bernardines un espace différent pour poser ses performances : le collectif Ornic’art y créera Les moutons électriques sont de retour, une expérience de bifurcation temporelle (les 15 et 16 sept), puis le théâtre éclatera ses lieux internes et extérieurs pour déborder sur la rue lors de Préavis d’insomnie, soit pas
moins de 20 performances le 23 sept… Place ensuite à Actoral (voir p73) pour la création collective de la cie l’Employeur (Édith Mérieau, Alexandre Le Nours, Stéphane Gasc) intitulée Le Temps nous manquera (du 4 au 8 oct). Puis les bernardines enchaineront avec Dansem, et la dernière création d’Appaix en novembre… A.F.
Les Bernardines Début de saison Marseille 1er 04 91 24 30 40 www.theatre-bernardines.org
Une vraie saison
l’Egrégore, cie associée (voir p18). Après quoi les différentes petites salles accueilleront le Théâtre de la Semeuse (Nice), puis Dansem en novembre, Massimo Schuster (Western) et la longue lecture de l’épopée de James Welch, À la grâce de Marseille, puis le Collectif Manifeste Rien qui propose des Emporte pièces (adaptations théâtrales d’œuvres de sciences humaines) particulièrement pertinentes… En commençant par Noiriel (le 5 déc), pour enchainer au cours de l’année avec Howard Zinn, Bourdieu et Alessi dell’Umbria… A.F.
Le Lenche Début de saison Marseille 2e 04 91 91 52 22 www.theatredelenche.info
Western © X-D.R.
Les deux directeurs du théâtre de Lenche sont heureux d’annoncer qu’ils sont «repartis pour une vraie saison», ont fini d’éponger le déficit et reprennent tous les axes de leur politique dans chacun de leurs lieux : la création des cies associées, le soutien aux jeunes cies locales par des accueils et des résidences, un temps musical, un temps jeune public, un ancrage dans le quartier du Panier par la coopération avec le réseau associatif et les institutions, des ateliers divers et gratuits (chanson, théâtre pour tous les âges…). Autant de facettes indissociables, qui perdurent malgré l’absence d’augmentation de subventions depuis 6 ans. Mais l’envie d’aller «contre la morosité ambiante» est la plus forte pour Ivan Romeuf, qui s’inquiète de la frilosité générale du public. La saison commencera donc par un Cabaret le 24 sept, puis une Fête d’ouverture le 27 sept, avant d’accueillir du théâtre musical puis la création de
Une saison particulière l’occasion de rencontres, de travaux, d’acquisition spéciales de la bibliothèque dramatique contemporaine.
Car la Minoterie est un théâtre ouvert l’après-midi au public venu lire, déambuler… Profitez-en : ces murs La recreation © Patrice Clair
À la Minoterie aussi, la saison se détaille en trimestres et commence par Actoral : quelques-unes des propositions essentielles du festival se tiendront là (voir p 73), en particulier celle de Gildas Milin, Suzanne Joubert, Claudine Galéa (voir p 67) et Jean-Marc Montera : du 20 au 24 sept, trois lectures, concerts ou spectacles chaque soir… Puis ce sera au tour de l’hilarant Roméa et Joliette de Valletti mis en scène par Michel Froehly, de la correspondance d’Artaud et de Jean-Louis Barrault, de la dernière mise en scène de Danielle Bré La Récréation, de variations autour de Macbeth… chacun de ces spectacles donnant
voient leur dernière saison avant le grand déménagement ! D’ailleurs à la fin du trimestre vous y croiserez un invité de taille : Rachid Ouramdane viendra danser son Exposition Universelle (voir p 37). Car à la Minoterie, si on aime très fort les mots des auteurs contemporains, on sait aussi écouter ce que les corps ont à dire… A.F.
La Minoterie Début de saison Marseille 2e 04 91 90 07 94 www.minoterie.org
Le bel équilibre Métamorphoses © Pino Pipitone
Une fois encore le CNCDC Châteauvallon offre un bel équilibre (12 spectacles de théâtre, 13 de danse et 12 concerts hors Nuits Flamencas en clôture) et confirme son rôle de tête chercheuse. Sans pour autant s’affranchir des propositions qui rassemblent : Voyageurs immobiles de Philippe Genty en ouverture de saison (voir p26), Métamorphoses de Frédéric Flamand pour le Ballet national de Marseille (voir p 29), Ma chambre froide de Joël Pommerat en habitué du lieu (24, 25 et 26 nov), Une flûte enchantée de Mozart librement adaptée par Peter Brook (8, 9, 10 déc), Jacques Gamblin en tournée dans Tout est normal mon cœur scintille (20, 21 janv), le dernier opus de Maguy Marin Salves (3 et 4 février), le retour de Dick Annegarn (12 mai), les célèbres Nederlands Dans Theater 2 et Béjart Ballet Lausanne… ou encore Anne Alvaro, après le Festival d’Avignon, dans Le Suicidé (30, 31 mars). En dehors des chemins balisés, Châteauvallon nous entraîne à la rencontre de talents d’ailleurs et de formes nouvelles, de textes revisités. Pêle-mêle on retiendra la pièce chorégraphique Na Grani de la Cie S’Poart (voir p 28), la création circas-
sienne des 7 doigts de la main (voir p.22), les Sabri Brothers qui perpétuent la tradition du Qawwali, chant masculin du Pakistan (13 janv), le retour de Claudio Tolcachir avec El viento en un violin en espagnol (10 fév), C’est comme ça et me faites pas chier de Rodrigo Garcia, monologue entre théâtre et performance, le dialogue de la poésie et de la musique arabo-persane avec Alireza Ghorbani et Dorsaf Hamdani (7 avril)… La route est longue encore ! Dans ses studios, de nombreux artistes bénéficient de résidences de création : Raphaëlle Delaunay dévoilera Eikon (18, 19 nov), dans Tropismes la Cie Prana fera dialoguer les langages rythmiques et les danses de l’Inde et de l’Afrique (2 déc), le metteur en scène Jean-Baptiste Sastre et l’auteur Frédéric Boyer revisiteront Phèdre (11 mai), Kubilai Khan Investigations mettra la touche finale à son exploration chorégraphique et musicale Tiger Tiger Nurning Bright (22 juin). MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
CNCDC Châteauvallon, Ollioules Saison 2011 2012 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com
Bien amarré Le théâtre valettois a 24 dates à son calendrier, chacune d’elles «additionnant les performances, les esthétiques et la sensation répétée d’un Marelios qui vibre à l’unisson». L’ouverture sera tonitruante avec La Boîte à musiques de Barcella (hors les murs le 8 oct à La Tomate) que l’on retrouvera le 30 nov au «Z» Festival jeune public avec Tournepouce. En partenariat avec les associations varoises, le théâtre Marelios participe au 15e Forum des musiques actuelles de Tandem (concert pédagogique Du blues à nos jours le 7 nov), au 7e Festival international des Musiques d’écran (ciné-concert La passion de Jeanne d’arc de Christian Fennesz le 11 nov), accueille le Conservatoire national à
rayonnement régional de TPM (concert de cuivres Ad Libitum le 10 janv). Et fait la part belle aux talents de la région : Les Bonimenteurs (20 oct), Les Voix animées pour 2 programmes (18 et 20 nov), A Contre-temps/ Paul Piris (20 et 21 janv), Vol plané/Alexis Moati (7 fév), Le bruit des hommes/Yves Borrini (10 fév), Frédéric Nevchehirlian (18 fév), Cie d’A (4 avril)… avant de faire la fête à la belle saison avec le 10e (éco)festival Contes et jardins (24 au 28 mai). M.G-G. Théâtre Marelios, La Valette-du-Var Saison 2011 2012 04 94 23 62 06 www.lavalette83.fr
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SAISONS
VELAUX | SIMIANE | VENELLES | AIX
| MARIGNANE
Sortie attendue Portée par la municipalité de Velaux et l’association Culture’Mania –qui rassemble et associe tous les velauxiens souhaitant s’impliquer dans la programmation culturelle de la Ville-, la programmation de la toute nouvelle salle de spectacle (qui porte le nom d’Espace NoVa) met l’accent sur les thématiques familiales et jeune public. L’ouverture de cette première saison, le 24 sept, donne le ton avec Mana, le cirque aérien de la cie Les Farfadais qui fera se déchaîner les quatre éléments dans un délire d’acrobaties aériennes. La cie Grenade de Josette Baïz prendra la suite avec Ulysse le 8 oct, et reviendra avec Gare centrale plus tard dans la saison. La musique ne sera pas oubliée : classique avec le récital Franz Liszt et Robert Schumann avec Anahid Ter
ment, pas moins de trois spectacles de la cie du Kronope, Le Songe d’une nuit d’été (10 nov), Le Malade imaginaire (7 jan) et Les Fables de La Fontaine (2 mars) ; Galabru et Caubère qui seront là le 22 oct dans les rôles de Jules (Raimu) et Marcel (Pagnol) ; et trois comédies humoristiques grand public (Couple Homme Femme mode d’emploi, Arrête de pleurer Pénélope et Petites méchancetés dans le couple). DO.M.
Le Malade imaginaire © X-D.R.
Boghossian et Marjorie Bourgois (25 nov) et l’opérette L’Homme à la voix d’or, hommage de Robert Giraud à Luis Mariano (30 mars) ; variétés
avec le duo AaRON en tournée acoustique (18 janv). Mais c’est indéniablement le théâtre qui aura la part belle : avec, notam-
Espace NoVa, Velaux Saison 2011 2012 04 42 87 75 00 www.espacenova.com
Beau monde d’ici
C’est une première saison qui n’en est pas vraiment une : l’Office municipal de la Culture, en charge pendant 15 ans de la politique culturelle de SimianeCollongue cède sa place au service municipal Simiane Culture, «décision guidée, explique le maire Michel Boyer, par de récentes évolutions réglementaires et dans un souci de transparence et de lisibilité.» Continuité donc, avec une 5e édition de la Semaine de la danse en novembre, biennale basée sur l’échange entre amateurs et professionnels (avec les cies Mouvimento, Ex Nihilo, Groupe Noces et Hip Tap Project), la 2e édition de la journée dédiée aux tout-petits, Tralalère ! (juin), et l’incontournable programme estival Simiane sous les étoiles en juillet. Mais c’est véritablement dans l’invitation qui est faite aux compagnies régionales que perdure le lien : du théâtre avec Les Loups Masqués dans Monsieur chasse ! de Feydeau (15 oct), L’Auguste Théâtre avec L’Arche part à 8 heures d’après le roman d’Ulrich Hub (5 nov), la cie Cocktail Théâtre avec De Toutes beautés mis en scène par Edmonde Franchi (10 déc), la cie La Naïve et ses Grand voyageurs, Les Biches de Mer dans Poucet, le temps des mensonges… et du cirque avec la cie Rouge Eléa avec Biütz, la fleur, le mur. D’autres encore sont accueillis, tels Luca Franceschi dans un numéro ébouriffant basé sur des monologues de grand héros shakespeariens, Être ou ne pas être (mars), ou encore le délicieux Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée de Musset dans la mise en scène d’Isabelle Andréani (janv)…
C’est une nouvelle saison très fournie qui s’annonce à Venelles, durant laquelle alterneront les spectacles jeune public en tous genres, du théâtre, des apéros lecture et de belles plages musicales. Pour commencer en douceur, l’ouverture de saison (17 et 18 sept) se fera au parc des sports avec la manifestation Les Arts dans le parc : danse avec le G.U.I.D du Ballet Preljocaj, du théâtre de rue, du cirque, un concert du Bamboo Orchestra… avant d’attaquer la saison de pied ferme ! Pour le jeune public c’est la cie L’Auguste Théâtre qui débutera avec L’Arche part à 8 heures (13 et 14 oct) ; viendra ensuite les Trouvailles et cachotteries de la cie Raymond et Merveilles (déc), puis plus tard encore l’histoire d’Ikare de la cie Anima Théâtre pour apprendre à voler de ses propres ailes. Le théâtre n’est pas en reste avec, entre autres, la galerie de portraits de femmes qui sont pour Edmonde Franchi De toutes beautés (21 oct), l’épopée proposée par la cie La Naïve avec Paron Agop (nov), les Récits de table de la cie Hors Cadre ou encore la version interdite, et déjantée, de Roméo & Juliette de la cie L’enfant bleu (juin). Mais c’est la musique qui se taille la part du lion : chanson française avec Laurent Malot (1er oct), Clarika (avec la guitare de Yann Lambotte, nov), Chloé Lacan (jan), Nicolas Jules (mars)… ; jazz avec Raphaël Imbert et son Bach Coltrane (16 oct) et le piano de Tigran Hamasyan (nov) ; musique du monde avec le répertoire traditionnel arménien de l’Orchestre Sassoun (nov), la Méditerranée de l’Ensemble Lazuli (mars) ; et La mort marraine, conte musical de l’Ensemble Télémaque d’après Grimm, composé par Raoul Lay (avril).
DO.M. Etre ou ne pas etre © X-D.R.
Salle culturelle, Simiane-Collongue Saison 2011 2012 04 42 22 62 34 www.culture.simianecollongue.fr
Ikare, cie Anima Theatre © X-D.R.
Belle continuité
DO.M.
Venelles Culture Saison 2011 2012 04 42 54 93 10 www.venelles.fr/culture
À l’orée du Bois Tour à tour CECDC, occupé par la Fonderie puis par les associations, le Bois de l’Aune est désormais géré par la Communauté du Pays d’Aix et dirigé par Patrick Ranchain. À l’horizon 2013, il veut faire de «ce bel espace de travail et de présentation un lieu de création, une fabrique et un laboratoire autour de l’art contemporain, dans tous les domaines, y compris le design ou la gastronomie.» Il en a d’ailleurs tous les atouts : un espace scénique avec gradins modulables, 600 m2 au sol, plancher et tapis de danse, entrée décors, espace-galerie pour les petites formes et les expositions… De quoi envisager «la création de bulles, de zones de partage avec les artistes et le public, des espaces d’échanges, de Antigone d'apres Antigone, Gwenael MorinTheatre Permanent © Julie Pagnier travail et de rencontres.» Tel a été le cas en 2010 avec JazzLab, projet mené avec Archie Shepp, le conservatoire Darius Milhaud et des amateurs. Et tel sera le cas en octobre avec Gwénaël Morin (Antigone d’après Antigone et Tartuffe d’après Tartuffe sur les routes du Pays d’Aix), Roger Bernat (Le Sacre du printemps à partir d’une chorégraphie de Pina Bausch), Julie Nioche (Les Sisyphe avec des adolescents d des centres sociaux et des centres aérés). Plus tard avec Camille Boitel qui expérimentera les matériaux de sa future création, Jean-Michel Bruyère qui préparera son opéra avec des habitants, puis Georges Appaix, Serge Noyelle… Si l’idée fondatrice est de «s’appuyer sur la transmission, favoriser les rencontres inédites entre les formes artistiques», Catherine Laugier, directrice des projets, doit aussi tenir compte d’une feuille de route particulière : développer ses projets sur le territoire en y associant les 34 communes. D’où l’exposition itinérante conçue avec M2FCréations pour faire découvrir à tous les publics des œuvres numériques… Une configuration atypique vécue à la fois comme une contrainte et une source de liberté. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
À venir Antigone d’après Antigone et Tartuffe d’après Tartuffe Gwenaël Morin Le 4 oct La Roque d’Anthéron Les 7 et 8 oct
Lambesc Les 10 et 11 oct Bois de l’Aune, Aix 04 42 93 45 40 www.agglo-paysdaix.fr
Proximité Le Théâtre Molière de Marignane multiplie ses spectacles pour la saison nouvelle, cherchant à offrir à un public nombreux -plus de 500 abonnés l’an dernierdes représentations variées : danse, théâtre, humour, musique… même un opéra, Aïda. Le conservatoire de Marignane est très sollicité, élèves et professeurs apportent leur passion à la scène. Si grosses productions et têtes d’affiche constituent l’essentiel de la programmation, le théâtre peut se féliciter cette année de la fondation d’un premier Festival de
théâtre (du 21 au 25 sept) qui fait appel à des troupes de la région, Istres, Velaux, La Fare Les Oliviers, Marignane, et offre des places à 5€. Municipal, ce théâtre de 595 places mérite son succès public de proximité, qui devrait lui permettre d’accorder peu à peu une place à la création contemporaine. M.C.
Théâtre Molière, Marignane Saison 2011 2012 04 42 10 14 50 www.marignane.fr
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SAISONS
BERRE | LE REVEST | LE MASSALIA
Berre l’éclectique Youn sun nah © Sun gyull nah
Avec une volonté réaffirmée d’offrir à tous des spectacles de qualité, public familial comme jeune ou averti, le Forum de Berre propose une programmation éclectique, qui fait la part belle aux petites formes visibles dans le hall, dans ambiance intimiste assurée. De la musique essentiellement mais pas que, tels le jazz vocal de la coréenne Youn Sun Nah, le mélange des rythmes balkaniques du groupe Boya avec le quintet jazz, soul, funk initié par le batteur Ahmad Compaoré, le blues de Dawn Tyler et Paul Deslauriers, la revisitation du répertoire de Nino Ferrer par les Nino’s, ou encore Eloge de l’oisiveté, pièce tirée de l’essai du philosophe Bertrand Russell jouée par Dominique Rongvaux et Vy, conte sensible de Michèle Nguyen.
Dans la salle polyvalente place sera faite aux 40 ans de scène de Marc Jolivet (en ouverture), aux petites marionnettes de la cie italienne Girovago e Rondella, aux deux solos hip hop, l’un de la cie Amazigh, Meleyket, l’autre de la cie Hors Série, chorégraphié et interprété par Hamid Ben Mahi, La géographie du danger, et par l’Ensemble Télémaque l’opéra de Raoul Lay, La Jeune fille aux mains d’argent, dont le chœur sera composé d’enfants issus des écoles de la Ville de Berre. Forum des jeunes et la culture, Berre l’Étang Saison 2011 2012 04 42 10 23 60 www.forumdeberre.com
Jeune public ! Henriette et Matisse © Agnes Mellon
Matisse de Kéléménis (du 11 au 13 oct), puis place à la Cie clandestine, à L’anima théâtre, à la cie Skappa, à Attention fragile… Le monde précieux du Teatro delle Briciole sera présent pour trois spectacles, et il y aura aussi de la musique, des marionnettes. À fréquenter en famille, ou en représentations scolaires !
Voilà que le théâtre Massalia retrouve ses fondamentaux et revient à une programmation nettement destinée aux enfants ! C’est une bonne idée, parce les enfants en ont besoin, et parce que la création jeune public est aussi, parfois, un laboratoire de lisibilité, les enfants ayant peu d’indulgence avec ce qui les ennuie… La saison prévue est foisonnante de petites formes (27 spectacles) proposées par des cies généralement spécialisées dans le jeune public. Cela touche à tous les arts, et à tous les âges, de 9 mois à 12 ans, avec des propositions qui vont plutôt vers l’intime et la simplicité que vers le spectaculaire. Un avant goût ? La saison commence avec Henriette et
AGNÈS FRESCHEL
Théâtre Massalia Saison 2011/2012 La Friche, Marseille 04 95 04 95 70 www.theatremassalia.com
Sur la route…
Gilles et Berenice © Sebastien Armengol
… avec le PôleJeunePublic qui offre plus de 35 spectacles en partenariat avec Tandem (Festival Z2 dans 7 communes de l’agglomération), Châteauvallon (Les Fuyantes de la Cie Les choses de rien), le Théâtre Liberté (Murmure des murs de Victoria Thiérée-Chaplin) et l’Opéra de Toulon. Top départ le 11 oct avec Human Player et le 12 oct avec Gilles Cailleau (Attention fragile) qui fait entrer dans son chapiteau forain la langue de Racine (création Gilles et Bérénice). Place ensuite à la Cie Clandestine et sa création en images en papier Quoi c’est quoi ?, William Petit (Rialto/Fabrik nomade) qui dévoile son Blue Beard Blues, déambulation métropolitaine écrite pour les ballets de l’Opéra de Toulon, Alexis Moati (Vol plané) en tournée Molière à La Valettedu-Var et au Pradet avec son nouvel Avare mais aussi l’intégrale (L’Avare et Le Malade imaginaire), Raoul Lay et son «opéra philosophique et terri-
fiant» Jekyll (Ensemble Télémaque, mise en scène Catherine Marnas), ou le dernier-né du chorégraphe Michel Kelemenis (Henriette et Matisse)… Juste une mise en bouche d’une saison riche en découvertes -de nombreux artistes suisses, belges, italiens, allemands invités- et en retrouvailles ! M.G.-G.
PôleJeunepublic, Le Revest Saison 2011 2012 04 94 98 12 10 www.polejeunepublic.com
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SAISONS
OPÉRA DE TOULON | OPÉRA D’AVIGNON | SNCM
Risque zéro ? Pour la saison 2011-2012, et pour fidéliser un public pas toujours enclin à sortir des sentiers battus, l’Opéra de Toulon mise sur de grands classiques du répertoire : Faust (voir p30) de Gounod, La Bohème de Puccini, Lohengrin de Wagner (mis en espace), Le Barbier de Séville de Rossini et Otello de Verdi. On y attend quelques belles voix du circuit lyrique actuel : Nathalie Manfrino (Marguerite), Nuccia Focile (Mimi), Anna Gabler (Elsa), Sébastien Droy (Almaviva) pour ne citer qu’elles… Nonobstant, on note quelques détours originaux, du côté baroque en forme d’oratorio rare, Il Diluvo Universale (voir p 30) de Michelangelo Flavetti (dir. Leonardo García Alarcón) et une comédie chantée basée sur les deux livrets du Directeur de Théâtre et de Bastien et Bastienne de Mozart (mise en scène Frédéric Bélier-Garcia).
À l’opéra comme aux concerts, pour la 6e saison, la baguette de l’orchestre maison est confiée prioritairement
Tharaud, au pied des quatre balcons en corbeille, se partagent le plateau du grand-théâtre inauguré il y a 150 ans. Au Foyer de l’opéra, on assiste à de plus intimes concerts de musique de chambre, et l’on goûte à quelques pièces baroques offertes par la Compagnie Les Bijoux Indiscrets. L’Orchestre de l’Opéra s’affiche pour un ciné-concert (Les Temps Modernes de Chaplin), accompagne la chorégraphie d’Erick Margouet dans Les Jouets (musiques de Claude Debussy) et s’éclipse pour laisser la scène au Cirque National de Chine venu réinventer le Casse-Noisette de Tchaïkovski.
concertos coutumiers. Quatre violonistes, Laurent Korcia, Renaud Capuçon, Nemanja Radulovic et
JACQUES FRESCHEL Il diluvio universale © CCR Ambronay Bertrand Pichene
à son directeur musical attitré Giuliano Carella. Avec ou sans lui, les solistes annoncés jouent des
Opéra de Toulon Saison 2011 2012 04 94 93 03 76 www.operadetoulon.fr
Chloë Hanslip (à la Tour Royale en juin 2012) et deux pianistes JeanEfflam Bavouzet et Alexandre
Des noms pour l’affiche
JACQUES FRESCHEL
Opéra d’Avignon Saison 2011 2012 04 90 82 81 40 www.operatheatredavignon.fr
Pour mélomanes Ceux qui ne connaissent pas les soirées musicales de la quasi-centenaire Société de Musique de Chambre de Marseille ignorent une manifestation majeure de la vie culturelle phocéenne : c’est qu’il faut régler son adhésion annuelle à l’association pour assister à la série de neuf concerts prévus dans l’auditorium rénové de la Faculté de Médecine de la Timone. L’acoustique y est remarquable, la proximité avec les musiciens rare, l’écoute experte… L’équipe réunie autour de Bernard Sine Nomine © Pierre-Antoine Grisoni - STRATES
En dehors de Thaïs de Massenet, moins joué qu’autrefois, la saison d’opéra conçue par Raymond Duffaut s’appuie sur des piliers actuels du répertoire : Les Noces de Figaro de Mozart, Le Trouvère de Verdi, Faust de Gounod et Tosca de Puccini. Dans la cité papale, le directeur artistique sait, depuis des lustres, attirer les grandes voix. Patrizia Ciofi Inva Mula © X-D.R. ouvre la saison lyrique avec un récital très attendu, et l’on entend dans la foulée Inva Mula (Thaïs), Adina Aaron (Leonora), Nathalie Manfrino (Marguerite), Florian Laconi (Faust), Béatrice Uria-Monzon (Floria Tosca)… Deux belles programmations de musique de chambre et symphonique (avec l’Orchestre Lyrique Régional d’Avignon Provence) proposent des affiches prometteuses : une pléiade de pianistes, David Kadouch, Nicolas Angelich, Nikolaï Lugansky, Pascal Amoyel, Jean-François Heisser, François-Frédéric Guy, Roger Muraro, Vanessa Wagner, les violoncellistes Emmanuelle Bertrand, Henry Demarquette, l’altiste Antoine Tamestit et les divas Stéphanie d’Oustrac, Nathalie Manfrino… Un festival de musique ancienne (la Messe en si mineur de Bach dirigée par Sigiswald Kuijken), les concerts du CNIPAL, des ballets ou le Concours International de Violon Jeunes Interprètes complètent la programmation.
Camau propose la fleur des opus du genre interprétés par des formations modèles, triées à l’aune d’une pratique chevronnée. Les cordes ont la part belle avec le Quatuor Rosamonde, le Quatuor Raphaël et le Quatuor Sine Nomine, mais également le Trio Dali ou l’Octuor de l’Orchestre de Paris. Le violoniste Raphaël Oleg et ses amis ont «carte blanche», la pianiste Claire-Marie Le Gay donne un récital en solo et l’on attend également les duos formés d’Isabelle Van Keulen (violon) et Ronald Brautigam (piano) ou Michal Kanka (violoncelle) et Miguel Borges Coelho (piano). De beaux concerts, particulièrement ouverts aux jeunes (pour les moins de 25 ans 50% de réduction, récitals gratuits pour les enfants de sociétaires). JACQUES FRESCHEL
Société de Musique de Chambre de Marseille Saison 2011 2012 Adhésions Espace Culture 04 96 11 04 60 www.musiquedechambremarseille.org
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THÉÂTRE
AU PROGRAMME
propositions de notre actoral nomade (voir p 73) qui sont aussi des textes très écrits, et performances d’acteurs exceptionnels (Parlement de Joris Lacoste les 13 et 14 sept, Kolik de Rainald Goetz mis en scène par Hubert Colas du 27 sept au 1er oct, La loi du marcheur de Serge Daney du 4 au 8 oct, Le socle des vertiges de Dieudonné Niangouna les 11 et 12 oct, et Brigitte Fontaine le 17 sept voir p 34). Puis la Criée commencera sa programmation propre avec un Marivaux emblématique, L’Île des esclaves, petit apologue sur les relations maîtres valets qui fut fort subversif en son temps, et le demeure en ce qu’il met au clair les mécanismes psychologiques de domination et de répétition. Paulo Correia met en scène une île qui ressemble à un monde virtuel d’avatars qui, malgré un champ d’action infini, ne savent que reproduire un ordre social inégalitaire et injuste… Le problème posé par Marivaux avant la Révolution -comment détruire l’ordre ancien si les hommes l’ont intégré comme une loi indépassablese pose aujourd’hui avec la même acuité ! Actoral Du 13 sept au 12 oct L’Île des esclaves Du 12 au 15 oct La Criée 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com
Chansons
Nono © Agnès Mellon
Ouvert ! Fellinien La saison commence par un accueil généreux de 5
Fort du succès rencontré en fin de saison dernière, les Nonos prolongent leur Cabaret, dîner spectacle qui décline un univers musical et visuel épatant, une fabrique de spectacle très personnelle qui introduit des percées inattendues de trivialité dans un univers onirique léché. Souvent glaçant, parfois un peu vain, mais virtuose… Protest Songes © Jose Assa
Cabaret Nono Du 20 sept au 1er oct Théâtre Nono 04 91 75 64 59 www.theatre-nono.com
Le collectif marseillais musical Gastine inaugure la saison du Lenche (voir p 10) par des chansons de protestation, mais aussi des chants d’amour, leurs compositions allant du rock à la salsa en passant par la balade, mais toujours «au service des mots». Pour faire réfléchir et voguer en poésie !
Manifeste La cie Manifeste rien, avant d’installer ses EmporL'ile des esclaves © Adrian Althaus
Protest songes Du 27 sept au 1er oct Le Lenche 04 91 91 52 22 www.theatredelenche.info
te-pièces régulièrement au Lenche (voir p10) les installe dans les bibliothèques de Marseille. Il s’agit pour Jérémy Beschon de mettre en scène des livres de sciences humaines, et pas des moindres, dans le but tout à fait avoué de réveiller la réflexion politique, et de redonner un sens citoyen au théâtre.
Madame
Histoire universelle de Marseille (Dell Umbria) Le 16 sept à 17h Bibliothèque de la Grognarde Le 17 sept à 18h30 Bibliothèque de Bonneveine La domination masculine (Bourdieu) Le 8 oct à 16h, Alcazar http://manifesterien.over-blog.com
gétal ! Et convivial, faits de recoins, de vie verte qui s’étale encore un peu avant l’automne, de rencontres que l’on peut faire dans des espaces encore indomptés au bitume, comme la ferme de la Tour du Pin (rendez-vous gare de Sainte Marthe). Le Merlan et le collectif Safi vous proposent de vivre deux journées du patrimoine particulières avec séances de cueillette, échange gastronomique, marche découverte guidée… À partager du petit déj’ au coucher ! Puis le Merlan accueillera actoral, avec la très surprenante pièce de François Chaignaud et Cecilia Bengolea, qui cette fois mettent en scène un couple de jumeaux divins, Castor et Pollux, et le désir d’élévation (co-accueil avec actoral, représentations au Gymnase).
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Par ici les échappées Les 17 et 18 sept de 9h à 18h Castor et Pollux Du 28 au 30 sept Le Merlan 04 91 11 19 20 www.merlan.org
Castor et Pollux © Donatien Veismann
Végétal Le patrimoine des quartiers nord ? il est aussi vé-
Ivan Romeuf pour une de ses créations de l’année a choisi de mettre en scène deux jeunes comédiennes issues de l’Erac (Claire Novi et Manon Allouche) pour incarner le couple des Bonnes, de Genêt. C’est Maurice Vinçon qui incarnera Madame dans cette pièce cruelle qui bouleversa à jamais l’écriture dramatique de la relation maître-valet… Les Bonnes Du 12 au 28 oct Le Lenche 04 91 91 52 22 www.theatredelenche.info
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THÉÂTRE
AU PROGRAMME
Grec
Enfantin Miroir La Cie Sennaga aime décidément Gripari ! Mais avant de reprendre pour les enfants dès 6 ans quelques-uns de ses meilleurs contes (La sorcière du placard au balai, Le marchand de fessées…), Anne Petreau s’attachera à l’univers d’Anne Fine (les 5 et 8 oct) pour faire vivre, à la juste distance entre lecture et théâtre, son chat assassin…
Ce pays où le peuple se révolte et que l’Europe «sauve» en l’assommant de crédits est-il celui de la tragédie antique ? À partir de la mort du jeune Alexandros-Andreas Grigoropoulos, tué par un policier, la Cie italienne Motus (Enrico Casagrande et Daniela Nicolò) part à la recherche des traces de la révolte tragique, celle d’Antigone et des siens, dans l’Athènes d’aujourd’hui. Un spectacle proposé dans le cadre d’Actoral.
En chanson Les chansons populaires sont solidement ancrées dans la mémoire personnelle, partagée collectivement, où airs et ritournelles sont accueillis avec tendresse et indulgence. Cédric Marchal et François Thollet, alias Oskar & Viktor, font de leur culture musicale éclectique un spectacle enlevé qui s’en va explorer «des recoins de notre juke-box identitaire», mêlant les associations de mots et d’idées aux notes qui s’en trouvent recréées…
Alexis. Une tragédie grecque Du 4 au 6 oct Le Gymnase, Marseille 0 820 000 422 www.lestheatres.net Le 11 oct Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr
© Agnès Mellon
Cocorico Les 4 et 5 oct Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com
Modernité
Vivifiant Sophia Aram est en crise, une Crise de foi pour cette
Tempête sous un crâne © Pierre Dolzani
jeune humoriste qui s’est convertie aux trois grandes religions monothéistes qu’elle revisite avec son imagination et sa faconde habituelle. De la création à l’apocalypse, elle met son grain de sel dans tous les textes, revisitant «un monde dans lequel Dieu est le chef de l’homme et l’homme le chef de… la femme !»
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Crise de foi Le 7 oct Théâtre Le Sémaphore, Port-de-Bouc 04 42 06 39 09 www.theatre-semaphore-portdebouc.com
Jean Bellorini, qui signe la mise en scène, et Camille de la Guillonière adaptent Les Misérables de Victor Hugo, œuvre fleuve et foisonnante, avec cinq comédiens et deux musiciens. Tempête sous un crâne reste fidèle au texte d’Hugo, raconte «tous les personnages de l’œuvre, les [fait] vivre dans un même corps pour représenter la complexité de l’homme.» Tempête sous un crâne Le 11 oct Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr
Sophia Aram © Benoit Cambillard
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Le Malade Imaginaire Du 30 sept au 8 oct Le Jeu de Paume, Aix 0 820 000 422 www.lestheatres.net
Reprise du spectacle hilarant de Patrice Thibaud, Cocorico, toujours joué avec son compère Philippe Leygnac, musicien multi-instrumentiste. Les deux artistes raillent tous nos travers, nos contrariétés, nos manies avec humour, dans un enchaînement de numéros plus drôles et poétiques les uns que les autres, dans une pantomime chorégraphiée et très rythmée.
Oskar & Viktor 2, Hommages collatéraux Les 6 et 7 oct Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr
Apothéose La saison au Jeu de Paume commence par la création, très attendue, du Malade Imaginaire par la Cie Didascalies and Co. Renaud Marie Leblanc, indéniablement l’un des metteurs en scène les plus talentueux de notre région (voir p44), s’attache avec une bande de comédiens et quelques musiciens épatants à retrouver l’esprit de la dernière pièce de Molière, qu’on aurait tort de prendre pour une farce. Si certains personnages sont des caricatures tapageuses, ce qui se trame entre les époux, entre la servante et son maître, entre les enfants et le père, entre les médecins rétrogrades et le frère éclairé, reflète avec précision les conflits médicaux, sociaux, législatifs du temps. La peur de la mort, la compulsion et la concupiscence font rage dans le foyer d’Argan, mais une vision moderne de l’homme, débarrassé des obscurantismes des Anciens, y triomphe finalement, et modestement. Dans un sourire, la simplicité, et le plaisir d’un langage dramatique à son sommet, fou de musique, de mouvement, de drôlerie, et de discours.
Cocorico © Celine Aubertain
Cie Sennaga mercredis et samedis d’oct à 15h La Fontaine d’argent, Aix 04 42 38 43 80 www.lafontainedargent.com
© Valentina Bianchi
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THÉÂTRE
AU PROGRAMME
Surréaliste
Amoureux Herbacée Le Chêne Noir, à Avignon, ouvre sa saison avec une
La ferme des concombres © B. Enguerand
comédie sentimentale de Jérôme L’Hotsky, Ciao Amore, que Philippe Sohier met en scène «d’une façon la plus simple possible.» Dans cette histoire d’un couple qui se débat dans un monde moderne où l’individualisme règne en maître, les deux comédiens, Serena Reinaldi et Christophe Alévêque livreront leurs aveux, leurs silences et leur mauvaise foi, mais aussi leur sincérité et leur tendresse pour se prouver qu’ils s’aiment malgré tout. Ciao Amore Du 30 sept au 2 oct Théâtre du Chêne Noir, Avignon 04 90 86 58 11 www.chenenoir.fr
Pédalage
Sous la houlette de Jean-Michel Ribes, Patrick Robine retrace une épopée familiale et surréaliste qui traverse les déserts en quête d’un Eldorado : la ferme des concombres. Un seul en scène dans lequel ce grand voyageur nous embarque loin des certitudes de la vie. Un régal d’humour exotique, d’intelligence écologique et de poésie théâtrale.
Psy Du 13 au 16 oct CNCDC Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com Du 19 au 23 oct Le Merlan 04 91 11 19 20 www.merlan.org
Le Ventoux Jusqu’au 18 septembre Théâtre de Cavaillon dans les villages Nomade(s) Gratuit sur réservation 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com
Lumineux Après Reset en avril, Cyril Teste et le collectif MxM reviennent à la scène nationale de Cavaillon en tant qu’artistes associés. Ils présentent Sun en ce début de saison, un délicat poème visuel sur l’enfance, truffé (intelligemment) de technologies et de mystères intimes. Séance de rattrapage indispensable pour ceux qui l’auraient manqué lors de la création au Festival d’Avignon. Sun Le 7 octobre Théâtre de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com
Héritage La compagnie Uppercuthéâtre nous entraîne dans les jongleries verbales du roman inachevé de Flaubert. Bouvard et Pécuchet, interprétés par Thierry Paul et Jérôme Ragon, remplissent ici toutes les figures de style acrobatiques et autres pitreries philosophiques pour lever un peu plus le voile sur l’abîme insondable de la bêtise humaine. Une adaptation drôle et corrosive. Bouvard et Pécuchet Le 7 octobre Théâtre Robert Hossein, Grans 04 90 55 71 53 www.scenesetcines.fr
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Le Ventoux © X-D.R
PSY Juggling © Peggy Faye
Après le loft, le bunker et le purgatoire de ses précédents spectacles, la compagnie de cirque québécoise Les 7 doigts de la main démultiplie les espaces et voyage à travers une mouvance de paysages kaléidoscopiques faits de visions déformées, de rêves évanescents et de souvenirs fragmentés. Insomnie, amnésie, paranoïa, hypocondrie… jonglerie, mât chinois, roue allemande, corde aérienne et planche sautoir : comme toujours c’est spectaculaire, inventif et bourré d’humour, même et surtout quand il s’agit d’évoquer les méandres de la psyché humaine !
Pour le premier rendez-vous nomade(s) de saison, le théâtre de Cavaillon nous fait pédaler sur les chemins de traverse. Du «théâtre cyclo-touristique» inventé par Jean-Paul Audrain pour célébrer le mythique Ventoux. Entre 12 et 18 kms (tout de même) à parcourir sur votre biclou, avec en bandoulière la promesse d’une promenade champêtre mémorable «où l’humour des textes supplantera haut la main votre éventuel manque de souffle.» En selle !
La ferme des concombres Le 30 septembre Théâtre de la Colonne, Miramas 04 90 58 37 86 www.scenesetcines.fr
Bouvard et Pecuchet © Jean-Paul Bourgois
AU PROGRAMME
Métaphorique
Dantesque
Passionnel
Ballarini© Carmine Maringola
THÉÂTRE
Les parachutes, Voyageurs immobiles, Philippe Gentil © Pascal Francois
Voyageurs immobiles Du 22 au 24 sept CNCDC Châteauvallon 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com
Désir désirs Le théâtre, cet obscur objet du désir ? La question sous-tend le Festival d’automne du Carré qui révèle quelques Fragments de désir nés de la rencontre, du mouvement des corps. Ceux de l’acteur, du danseur, du performeur ou du circassien à travers lesquels chacun livre un peu de son histoire, de ses peurs, de ses secrets… Trois séquences ponctuent le festival : Corps à corps qui mêle excitation du «combat» et trac de l’artiste sur le ring ou sur la scène (coup d’envoi des festivités par la Cie Transe Express et son carillon céleste monumental, mariage performatif de la danse et de la boxe avec Mourad Merzouki, musique et slam avec la Cie de l’Uppercut et Lacca’s Dream N’Bass, installations polychromatiques de Étienne Rey) ; Sans corps ni tête ? s’interroge le Cirque invisible qui, avec humour, magie et inventivité transforme le théâtre en lieu de tous les possibles tandis que À corps perdu nous entraine auprès d’un Jean-Claude Dreyfus méconnaissable en travesti à fleur de peau (Mardi à Monoprix de Michel Didym) jusqu’aux amants maudits de Roméo et Juliette chorégraphié par Joëlle Bouvier pour le ballet du Grand Théâtre de Genève. Itinérances-Festival d’Automne Corps à corps, les 8, 9, 12 et 13 oct Sans corps ni tête ?, les 14, 15, et 16 oct À corps perdu, les 18, 22 oct et 18 nov Le Carré Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com
Voir une pièce d’Emma Dante est une expérience hors du commun théâtral. La metteur en scène sicilienne n’imite personne, et propose un théâtre tragique et volontairement déchiré, profondément bouleversant, reposant sur des acteurs à la grandiose excessivité. Sa Trilogie des lunettes s’appuie pourtant sur presque rien, des pantomimes dérisoires, des histoires de peu, celle d’un homme qui est allé au bout de sa quête et en revient les mains presque vidées, celle d’un seigneur déchu, puis celle de deux vieux amants. Leur point commun ? Tous ont le nez surmonté de lunettes –ils sont presque au bout de leur course- mais savent distinguer ceux que les autres ne peuvent voir…
Victor Hugo mon amour © Sebastien Le Couster
Le Théâtre du Golfe ouvre sa saison sur une histoire d’amour romantique, celle de Juliette Drouet et Victor Hugo qui se sont aimés pendant un demi-siècle et ont échangé plus de 23 000 lettres ! De cette monumentale correspondance Anthéa Sogno a composé un spectacle minimaliste mais passionnel qui illustre les moments les plus intenses de leur vie amoureuse, littéraire et politique. Un spectacle qui réjouira les inconditionnels de la littérature hugolienne comme les amoureux de sentiments fiévreux.
La Trilogie des Lunettes Acquasanta, Il Castello Della Zisa, Ballarini Du 4 au 6 oct Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr
Victor Hugo, mon amour Le 4 oct Théâtre du Golfe, La Ciotat 04 42 08 92 87 www.laciotat.com
Ouverture Le Théâtre Liberté commence sa première saison par une création maison : Philippe Berling met en scène L’Art de la Comédie, d’Eduardo de Filippo. Une pièce enlevée qui se joue des apparences, du vrai et du faux, avec une belle virtuosité : devant un homme politique désorienté qui refuse son appui à des comédiens vont défiler des personnages dont il ne saura jamais s’ils jouent ou s’ils sont ce qu’ils prétendent. L’imbroglio ira crescendo jusqu’à… Un jeu de masques et de miroirs abyssal, que le codirecteur du théâtre de Toulon a choisi de mettre en scène à la napolitaine, avec chants populaires et légèreté grinçante. La distribution, Clotilde Mollet (également violoniste de talent !) et Alain Fromager en tête, promet d’être savoureuse… L’Art de la Comédie Du 29 septembre au 2 oct Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr
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As du jeu avec les matières (carton, kraft ou plastique), expert en poupées et marionnettes, passé maître dans l’art de la mise en scène, Philippe Gentil embarque ses Voyageurs immobiles au cœur de rêves improbables. Et, avec sa complice Mary Underwood, invite danseurs, chanteurs, marionnettistes et mimes à réenchanter le monde … et dieu sait qu’il en a besoin ! Poétique, chaotique, féérique, cocasse aussi, cette version plurielle de son précédent spectacle Voyageur immobile ajoute ici un cosmopolitisme joyeux.
L'Art de la comedie © Agnès Mellon
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CIRQUE/ARTS DE LA RUE
AU PROGRAMME
Identité complexe Toujours plus à l’ouest Comme chaque année, c’est un programme
Memento, cie KomplexKapharnaum © Sylvain Marchand
circassien qui sonne l’heure de la rentrée du théâtre d’Arles. Rebaptisé cette année Des cirques indisciplinés ses formes font la part belle à des artistes de tous horizons qui mêlent dans leurs spectacles la danse, la musique, le théâtre, la marionnette, le numérique, et qui promèneront les spectateurs dans divers lieux de la ville et alentours. Le théâtre accueillera les acrobates finlandais du Race Horse Company dans un Petit mal urbain et aérien, celles de la cie Belge D’irque et Fien (déjà présente il y a 2 ans) avec le Carrousel des moutons, berceuse en images, et l’ironique Adèll NodéLanglois (on se souvient de sa version d’Antigone) avec ses ailes et ses grandes chaussures dans les Carnets d’une voleuse (aussi proposé à Boulbon). Dans le musée Réattu, la danse éblouissante de Satchie Noro donnera corps aux Absents, tandis que sous un chapiteau dressé à Saint-Rémy Patrick Masset met en scène L’enfant qui…, basé sur la vie et l’œuvre de Jephan de Villiers, artiste énigmatique du XXe siècle. En extérieur enfin, une danse aérienne réunira Yoann Bourgeois et Mathurin Bolze pour une Cavale vertigineuse… Des cirques indisciplinés Du 8 au 14 oct Divers lieux Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com
Pour sa 3e édition, Carrément à l’Ouest investit le quartier Vauban à Port-Saint-Louis-du-Rhône. La manifestation, toujours coréalisée par Le Citron Jaune et Scènes et Cinés Ouest Provence, reste
fidèle à elle-même en proposant du théâtre, du cirque, de la danse, en plein air et gratuitement. Au programme, entres autres, le très attendu Memento de la cie KomplexKapharnaüm, prise de parole artistique sous forme de déambulation mêlant vidéo, graffs, collage, musique pour dire l’importance de la désobéissance et des résistances de tous ordres (à noter qu’une quinzaine de jeunes du quartier Vauban ont réalisé une fresque géante avec les artistes de la cie qui sera intégrée au spectacle) ; l’intriguant Kamchàtka, de la cie espagnole du même nom, qui invite à une rencontre avec de nouveaux arrivants en ville, voyageurs ou immigrés ingénus et curieux ; La Grosse collection, petite forme de la cie Mas y Mas et leurs boites de tours de magie ; Mademoiselle, un solo de danse de Laure Terrier, de la cie Jeanne Simone, qui utilise la rue pour raconter son quotidien ; Mobile, la jonglerie avec tubes suspendus de Jorg Muller ; et pour les plus petits le Dompteur de sonimaux, drôles de bêtes invisibles mais très sonores. DO.M.
Carrément à l’ouest Du 12 au 15 oct Quartier Vauban, Port-Saint-Louis 04 42 48 40 04 www.lecitronjaune.com www.scenesetcines.fr
D'irque et Fien Carrousel des Moulons © Johan Van der dood
Intimiste La compagnie Belge Circ’ombelico va promener, dans de nombreuses villes de la région Paca, son vieux camion joliment réaménagé dans, et autour duquel un couple facétieux se dispute la scène minuscule avec adresse et poésie. Dans cet espace réduit se construit un cirque de poche, sans parole mais avec de surprenants numéros de voltige et d’acrobatie…
Da/Fort Les 14 et 15 sept à 15h et 18h Cité des Arts de la Rue, Marseille 04 96 15 76 30 www.karwan.info
Da fort © J-C. Sounalet
Les 20 et 21 sept Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr Le 24 sept Mont-Dauphin 04 92 45 18 34
Le grand saut 18 acrobates porteurs et voltigeurs défient les lois de la pesanteur et inventent un jeu de mains malin pour construire un ballet vertigineux (Cie XY). Par deux, trois et plus encore ils n’hésitent pas à grimper jusqu’au ciel au risque de toucher les étoiles : le public est suspendu à leur souffle, impressionné par ces pyramides humaines édifiées sur des notes mélancoliques d’accordéon. Le grand C Les 30 sept et 1er oct Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com
Du 5 au 22 oct Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com Du 9 au 16 nov Théâtre de Briançon 04 92 25 52 42 www.theatre-dubrianconnais
CIRQUE/ARTS DE LA RUE
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Small est partout Chaque année en octobre Lieux Publics envahit de sa poésie les rues et l’espace commun de petites formes très diverses, venues d’ici ou fabriquées ailleurs, mais qui toutes interrogent notre quotidien en le faisant sortir de ses gonds. Sans blocage ni violence, sans véritable «désordre urbain» comme le prônent certaines tendances d’art de la rue, mais avec ce qu’il faut de fantaisie et de recul pour donner à notre ordre un air sacrément bancal. Comme l’an dernier mais en affirmant plus encore ses ancrages, Small is beautiful s’installe à Martigues (du 5 au 8 oct) puis à Aubagne (14 et 15 oct), tout en butinant abondamment à Marseille du 6 au 16 oct. Ainsi Martigues sera psychanalysée par les soins subversifs de l’ANPU (Agence nationale de Psychanalyse Urbaine, drôle et pertinent) mais verra également Olivier Grossetête élever puis détruire un phare d’eau (une abstraction géométrique à Aubagne), tandis que Tony Clifton Circus ponctuera les journées aubagnaises avec des fauteuils roulants, que la cie Beau Geste élèvera ses amours mécaniques au ciel (Transports exceptionnels, sublime duo…), que les Terres Tartare(s) surprendront de leurs épisodes les Marseillais, qu’Artonik s’installera au Palais Longchamp, que les
Artonik, et ainsi de suite © Artonik
Artonik, et ainsi de suite © Artonik
escaliers de Saint Charles seront descendus trois soirées durant par des skateboard, des marionnettes, des parapluies et des acrobates… En commençant sur le parvis de l’Opéra par la sirène de Na peróne & Là Hors De (Ko ice et Lyon), premier épisode d’un travail sur l’exil… De quoi interroger le réel, l’enchanter aussi, pour mieux le transformer !
Small is beautiful Du 5 au 16 oct Martigues, Marseille, Aubagne 04 91 03 81 28 www.lieuxpublics.fr
AGNÈS FRESCHEL
Cabaret Incisif En alternance avec Tremblement de rue, Mine La 5 édition de Préavis de désordre urbain promet d’être impressionnante ! En 5 jours, pas moins de 50 e
performances surgiront dans l’espace public comme autant d’alertes, coups de poing et questionnements. Corps qui s’affalent dans la rue, les magasins, destruction (programmée) de voitures, mais aussi danse, performances improvisées, discussions, envahissement de la Friche, Préavis d’insomnie aux Bernardines (voir p10)… Une manifestation qui se conçoit comme un combat, en vue du réveil commun. A.F. Medhi Farajpour © X-D.R.
d’artistes lance la saison culturelle de la Ville de Gardanne en programmant des artistes locaux présents sur la Ville et le bassin minier. Cette 2e édition transforme pour l’occasion la Maison du Peuple en Cabaret bleuté. Au programme : de la musique avec Anaïs Rakan et ses chansons folk et soul, les chants corses du trio Ici et Ailleurs ; de la danse avec le hip hop de Street Element et la cie de Karine Aznar et les Clowns Nez en plus qui «préparent Mines d’artistes et Marseille 2013». Mine d’artistes Le 1er oct Maison du Peuple, Gardanne 04 42 65 77 00 www.ville-gardanne.fr
Préavis de désordre urbain Du 19 au 24 sept Marseille 04 95 04 95 34 http://redplexus.org
À Salon, lorsque le Festival des arts de la rue Salon Public débute, la transformation de la ville est saisissante : places, rues, parcs tombent aux mains d’artistes de tous horizons qui offrent performances, danses, théâtre d’objet, marionnettes, cabaret… Avec une thématique, le rire, qui devrait permettre de détendre les zygomatiques. Dédicace spéciale à la ville, où le rugby a une place de choix, Limite de discrétion, de la cie Malaxe, lance la manifestation avec une chorégraphie de vrais rugbymen… Suivront la cie À Petit Pas et l’Amour à Mère qui remonte le temps, Underground, chorégraphie époustouflante de la cie anglaise Motionhouse, le vertigineux Hula Hoopla !!! de Julot perché sur son mat, le cirque minimaliste de Señor StetS, artiste danois «perfectionniste de l’absurde» et
dompteur de cordes dans Cuerdo, les Chiche Capon dans un numéro de Cabaret musical, sans oublier le pique-nique de clôture, en partenariat avec le Daki Ling qui se délocalise pour l’occasion avec Los idiotas et son clown Pâh et Carnage Productions dans une recréation des Demi-frères Grumaux. Enfin, à noter, le café musique Portail Coucou devient Q.G. du festival pour faciliter les rencontres entre les artistes et les publics. Salon public, Festival des arts de la rue Du 30 sept au 2 oct Divers lieux, Salon-de-Provence Office du tourisme 04 90 56 27 60 www.salondeprovence.fr
Hula Hoopla !!! © Vincent Muteau
Le rire se décline
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DANSE
AU PROGRAMME
Que d’inaugurations ! La cite radieuse © Agnes Mellon
marin, la musique des cordes. Métamorphoses, pièce un peu plus récente inspirée d’Ovide, que le BNM dansera à Châteauvallon puis à Château-Arnoux, confronte les corps à des transformations, mutations qui les déshumanisent, ou les révèlent. Ces deux pièces, fondées sur la même gestuelle où la rotation domine, imposent la beauté des corps dans les univers hostiles où ils semblent rouler dans un mouvement perpétuel. Après cela, et avant Cannes, le BNM participera à l’inauguration du KLAP (retardée d’un mois), maison pour la danse de Michel Kéléménis, en reprenant son Tattoo, un quintet d’une grande et cruelle beauté sur pointes… torturantes ! AGNÈS FRESCHEL
La Cité radieuse Le 27 sept Le Silo, Marseille
Le Ballet National de Marseille, entre deux tournées et avant d’aller prendre ses quartiers Cannois pour la Biennale de Danse -que Frédéric Flamand dirige en 2011 et 2013-, va danser dans la région deux de ses plus belles pièces. Ainsi il inaugurera la danse au Silo (voir p 35) le 27 sept en reprenant la première pièce que Frédéric Flamand
créa pour eux : la Cité radieuse, écrite en hommage au bâtiment d’habitation de Le Corbusier, constitue l’aboutissement de son travail sur l’architecture et les corps. Les danseurs, pris entre l’espace mobile des cloisons, mal à l’aise dans la solitude de leurs espaces privés et tiraillés lorsqu’ils se croisent dans les lieux communs, s’évadent dans les rêves, l’horizon
Métamorphoses Les 7 et 8 oct Chateauvallon Le 21 oct Château-Arnoux Tattoo Les 21 et 22 oct KLAP, Marseille 0491 327 327 www.ballet-de-marseille.com
À huit Sur le fil En huit tableaux et avec huit danseurs (voir Zib’34),
Martinique Patrick Servius s’inspire de l’île de ses origines pour
Philippe Decouflé construit une pieuvre chorégraphique à tentacules ludiques, pétillants d’appétit visuel et d’invention burlesque. Un concentré de son univers qu’il décline ici avec un peu moins de couleurs et plus d’effets miroir, en direct avec deux musiciens (Labyala Nosfell, Pierre Le Bourgeois) et pléthore de mots collés, décomposés, surréalistes. Du grand spectacle, vivifiant !
créer, L’Autre bord, avec Patricia Guanel et Simone Legrand. Une pièce de danse et de slam, mêlant voix parlée et création musicale, vidéo, en quatre tableaux évoquant la vie des femmes martiniquaises. L’autre Bord Le 8 oct à 19h La Colonne, Miramas 04 90 58 37 86 www.scenesetcines.fr
Octopus Du 4 au 8 oct Grand Théâtre de Provence, Aix 08 2013 2013 www.grandtheatre.fr
Na Grani © Nathalie Sternalski
Octopus © Xavier Lambours Signatures
Ils sont Russes et Français, hommes et femmes ; 10 danseurs réunis par Mickaël Le Mer (Cie S’Poart) pour mettre en commun ce qui les différencie, et ça marche ! Chaque interprète de Na Grani -qui signifie les frontières, les limites- combine subtilement gestuelle contemporaine et hip hop dans une œuvre collective tendue vers le geste pur : il y est question d’un monde en noir et blanc, d’une ville bancale, de nuits d’ombre et de jours aveuglants… Loin des clichés, Na Grani parle d’une humanité riche d’une combinaison d’individualités et de partages. Na Grani Le 30 sept CNCDC Châteauvallon 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com
Anniversaire Itinerrances, la cie de Christine Fricker, a 20 ans. Et entend les fêter comme il se doit, en commençant pas une soirée déambulatoire et festive à la Victorine qui donnera l’occasion au public de retrouver, au détour, des extraits vidéos, des photos, des costumes, mais aussi des danseurs et des musiciens qui revisiteront amicalement ses œuvres. Car le style de Christine Fricker, entre narration décalée, abstraction mutine et regard faussement naïf sur le réel, produit une danse accessible et conviviale. À célébrer. 20 ans ! Le 29 sept à partir de 19h Comptoir de la Victorine, Marseille 04 91 64 11 58 http://cie.itinerrances.free.fr
Sur la route Le Ballet d’Europe l’a encore prouvé cet été à deux reprises, au très beau et vaste théâtre de Verdure d’Allauch le 20 juillet, à l’Étang des Aulnes un mois plus tard, puis au prestigieux temps d’aimer de Biarritz le 12 sept : sa danse est capable de retenir l’attention et de susciter l’enthousiasme de public très divers, nombreux, même quand il fait anormalement froid ou que des nuées de moustiques s’abattent, et que le programme est long ! C’est que les interprètes, à la solide formation classique, se donnent avec beaucoup d’enthousiasme, et qu’au ballet d’Europe on croit à la danse pure habillée de costumes qui la révèlent, fluides tissus, et musique qui porte les corps. Folavi est une pièce colorée de Jean-Charles Gil qui repose sur l’énergie enlevée de Vivaldi, sa simplicité baroque, la joie surtout qui l’habite, et se décline en courtes séquences, soli, duos, trios… qui disent des émotions sans narration. Le duo masculin de Christophe Garcia, écrit dans une énergie plus contemporaine,
Folavi © Agnès Mellon
est d’une grande clarté dans son trajet et ses contrastes. À Draguignan deux solistes du Ballet d’Europe reprendront Trace avec moi, une pièce évoquant très joliment, sans les singer, les couples mythiques de la danse, avec un art consommé du duo, ses passes, ses émotions, ses portés, ses regards. A.F.
Folavi, Trace avec moi. Un peu plus loin Le 14 oct Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com
Universel Bijoux Compagnon de longue date du Théâtre de Grasse, Système Castafiore revient avec le solo Les chants de l’Umai dans lequel Marcia Barcellos convoque des figures de mythologies féminines par la danse, mystérieuse, et d’étranges et lancinantes mélopées… Entrelacement d’images, de figures humaines, de bestiaire imaginaire baigné d’un univers électronique et de manipulations magiques, corps rêvé, transfiguré, métaphorique… Marcia Barcellos nous interpelle à travers l’évocation d’un monde visuel et chorégraphique, sonore et plastique, qui laisse le champ libre à l’imaginaire. Les chants de l’Umai Du 13 au 15 oct Théâtre de Grasse 04 93 40 53 03 www.theatredegrasse.com Les chants de l'Umai, Systeme Castafiore © X-D.R
C’est sans doute dans ses duos que le talent de Preljocaj est le plus éclatant. Le programme d’ouverture du Pavillon noir en retient la quintessence. Masculine et animale dans Centaures, féminine et mystique dans Annonciation, amoureux, romanesque, déchirant dans le duo de Blanche Neige où le Prince, à l’inverse du duo de Roméo et Juliette, danse avec un corps inerte mais proche de l’éveil… Émotion garantie, Ligeti, Vivaldi et Mahler aidant ! Duos Du 13 au 15 oct Pavillon Noir, Aix 0811 020 111 www.preljocaj.org
Blanche Neige duo © JC Carbonne
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MUSIQUE
AU PROGRAMME
AGEND’JAZZ
AIX Grand Théâtre de Provence Avishai Cohen Seven Seas 18/10 04 42 916 969 www.grandtheatre.fr AVIGNON AJMI Trio Floorizoone-Massot-Herbaczewski du 18 au 21/9 Raphaël Imbert 4tet Live au Tracteur Usuite 30/9 Projection film à Utopia Jazzmix in New-York 6/10 Sylvia Versini Campinchi octet Mary Lou in my head 11/10 La Manutention 04 90 860 861 www.jazzalajmi.com MARSEILLE BMVR Alcazar Conférence Le Jazz West Coast par François Billard 8/10 0491 559 000 www.bmvr.marseille.fr Bibliothèque du Merlan Rampal-Pioli-Fenichel trio 8/10 Muddy’s Street trio 15/10 0491 129 360
Cité de la Musique Etsaut Jazz&Cornemuse 30/9 Raphaël Imbert Usuite 3/10 Vincent Strazzieri trio 4/10 Chants Sacrés Gitans 7/10 04 91 392 828 www.citemusique-marseille.com Cabaret Aléatoire Ahmad Compaoré&Dj Rebel 5/10 04 95 049 509 www.cabaret-aleatoire.com Cri du Port Nelson Veras trio 6/10 Tchamitchian-CharmassonHuby-Marguet Ways out 11/10 04 91 504 151 www.criduport.fr L’Embobineuse Radikal Satan – Moha Acid-Noise-Electro 7/10 04 91 506 609 www.lembobineuse.biz Inga des Riaux Thierry Maucci 4tet 16/9 Phocea trio 23/9 BS3 Trio 30/9 Benja’zz 14/10 06 07 575 558 www.inga-des-riaux.fr/music.html Institut Culturel Italien Giovanni Mirabassi trio 7/10 04 91 485 194 www.iicmarsiglia.esteri.it Roll’ Studio Versini-Surmenian-Etevenard trio 17/9 Trio Las Cuerdas 24/9 Electric Lady 30/9 Manuchello 8/10 04 91 644 315 www.rollstudio.fr
CRDP. Cinémathèque de Marseille Farenji Ciné-concert 4/10 04 91 50 64 48 La Mesòn LeLann-Florens-Romano-Arnaud 4tet 9/10 04 91 50 11 61 www.lameson.com SAINT-RÉMY Festival de Jazz avec Apéro-Swing en divers lieux et concerts gratuits sur les sites ouverts lors des journées du Patrimoine Beatles go Jazz 15/9 Christian Escoudé-Geraldine Laurent-Florent Gac-Anne Pacéo Quartet 16/9 China Moses & Raphaël Lemonnier Quintet 17/9 http://jazzasaintremy.free.fr LA SEYNE Fort Napoléon Djangology avec Jean Cortes 5tet 7/10 04 94 094 718 VITROLLES Moulin à Jazz Raphaël Imbert Project USuite 1/10 04 42 796 360 www.charliefree.com
Changements aux créneaux Le traditionnel Festival de musique de SaintVictor débute, à l’orée de l’automne, avec un concert de l’ensemble vocal Musicatreize dirigé par Roland Hayrabedian dans le Via Crucis de Liszt et des opus modernes de Gouttenoire ou le Lux aeterna de Ligeti (le 15 sept). Cependant, en raison des importants travaux de rénovation entrepris dans l’abbaye dans la perspective de MP2013, les habitués dirigeront leurs pas de l’autre côté du port, vers l’Eglise St-Cannat les Prêcheurs. L’horaire des concerts est également avancé à 20h. Edna Stern © X-D.R
La pianiste Edna Stern possède l’un des touchers les plus fins de sa génération. Elle interprète le Concerto n°2 de Chopin en compagnie de l’Orchestre de Cannes sous la direction d’André Bernard (le 29 sept). Marie-Christina Kiehr, voix baroque au style d’une grande pureté, se produit en compagnie de Concerto Soave, ensemble spécialisé dans les répertoires anciens dirigé par le claveciniste Jean-Marc Aymes, dans un programme exceptionnel dédié à la musique sacrée à Marseille au XVIIIe siècle (Campra, Villeneuve, Buffardin, Louët, Vachon, Chalabreuil) et des recréations de notre patrimoine à découvrir (le 13 oct).
Inauguration festive Pour l’ouverture de la salle du Silo, qui devrait prendre le relais du théâtre lyrique de la Place Reyer lors de ses travaux de rénovation intérieure, le Chœur et l’Orchestre de l’Opéra (dir. Luciano Acocella) offrent un concert de gala en compagnie de grandes voix lyriques. Béatrice Uria-Monzon et les sopranos Adina Aaron, Patrizia Ciofi, les barytons Marc Barrard et Jean-Philippe Lafont, les ténors Teodor Ilincai et le Marseillais Luca Lombardo offrent aux aficionados des musts du répertoire, airs de bravoure tirés de Carmen, Rigoletto, La Traviata, La Wally, Faust… J.F
Le 21 sept Le Silo, Marseille Entrée gratuite sur réservation 04 91 55 11 10 www.opera.marseille.fr
On attend par la suite une «Soirée Gospel» avec Les Palata Singers pour la tournée jubilée du 40e anniversaire du groupe congolais (le 21 oct), Les Virtuosi Italiani dans la 4e symphonie de Mahler (le 24 nov), avant la clôture par Le carnaval des animaux de Saint-Saëns joué par des solistes de l’Orchestre des Siècles (le 8 déc). JACQUES FRESCHEL
45e festival de musique de Saint-Victor Du 15 sept au 8 déc Eglise St-Cannat les Prêcheurs, Marseille 04 91 05 84 48 www.chez.com/saintvictor
Beatrice Uria-Monzon © Michel Laborde
Les amants de Vérone Avec Faust et Mireille, Roméo et Juliette fait partie
Teodor Llincai © Adrian Stoicoviciu
de la trilogie majeure de l’œuvre lyrique de Gounod. L’opus, tiré de Shakespeare, a connu immédiatement un succès phénoménal dès 1867 (près d’une centaine de représentations la première année) demeurant, près d’un siècle durant, l’un des piliers du Palais Garnier. Il comporte des duos d’amour parmi les plus beaux de l’histoire de l’Opéra, de la rencontre au bal de Capulet à l’ultime et tragique étreinte du tombeau. L’air de Roméo «Ah ! lève toi soleil» reste dans toutes les mémoires et le succès de l’œuvre repose en grande partie sur les qualités vocales et scéniques des amants de Vérone. Avec Patrizia Ciofi (une prise de rôle sous la direction de son époux Luciano Acocella) et le jeune ténor roumain fort prometteur Teodor Ilincai, on devrait vibrer au «chant de l’alouette» dans la mise en scène signée Arnaud Bernard. J.F.
Roméo et Juliette Les 11, 14 et 19 oct à 20h et le 16 oct à 14h30 Opéra de Marseille 04 91 55 11 10 www.opera.marseille.fr
Un pacte mythique Avec Faust à Toulon (également à l’affiche en Avignon cette saison) et Roméo et Juliette à Marseille, Gounod fait un retour en force dans la région, marquant ainsi, au-delà du Sud-Est de la France, l’intérêt croissant que portent les théâtres lyriques au grand opéra romantique hexagonal : un genre qui a eu tendance à disparaître des affiches dans le dernier quart du XXe siècle ! Faust, avec près de 3000 représentations à Paris en un siècle, a longtemps rivalisé avec Carmen. Malgré un manque de cohésion stylistique et une unité dramatique indécise, due en particulier au nombre impressionnant de versions, retouches et coupures apportées à l’opus, le drame tiré de Goethe possède une force rare… et des airs inoubliables, comme L’air des bijoux, le Salut demeure chaste et pure et son fameux contre-ut, les couplets du Veau d’or, le chœur militaire Gloire immortelle de nos aïeux… De
fait, la Castafiore d’Hergé, en personne, casse les oreilles du capitaine Haddock sur les vocalises d’Ah ! je ris de me voir si bêêlle en ce miroir ! Au pied du Faron, c’est Nathalie Manfrino qui incarne Marguerite quand le jeune Sébastien Guèze chante le rôle-titre arpenté par les voix les plus diverses du chant français, du mythique et surpuissant César Vezzani à l’impeccable musicien que fut Nicolai Gedda. La direction musicale est assurée par Anthony Hermus pour une mise en scène de Paul Emile Fourny. J.F.
Faust Les 7, 11 et 13 oct à 20h et le 9 oct à 14h30 Opéra de Toulon 04 94 93 03 76 www.operadetoulon.fr
Faust © Diana Sansano - Teatro argentino
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MUSIQUE
AU PROGRAMME
Découverte baroque Tribune libre En ce début de saison, Claude-Henry Bonnet présente une production qui a connu un grand succès au festival d’Ambronnay pour son exhumation à l’automne 2010. Il Diluvio universale est une sorte d’oratorio (Dialogo) créé à Messine en 1682 par un compositeur oublié, Michelangelo Falvetti (16421692) chaînon (manquant ?) non négligeable de la musique italienne après Monteverdi. L’opus, retrouvé en Sicile et réédité en 2002, s’appuie sur l’histoire de l’Arche de Noé au moment où se joue le salut de l’humanité, par l’entremise du couple biblique formé du prophète Noé et son épouse Rad, car ces deux âmes sont prêtes au sacrifice pour adoucir la justice divine et amoindrir la destruction de l’espèce humaine par le Déluge… Le chef argentin Leonardo García Alarcón (présent cet été au festival d’Aix pour la direction musicale d’Acis and Galatea de Haendel) est à l’initiative de cette résurrection contemporaine avec La Cappella Mediterranea, le Choeur de Chambre de Namur, une troupe de solistes et Keyvan Chemirani aux percussions pour une formidable découverte !
Jusqu’au 16 oct, l’église saint-Vincent de Roquevaire accueille la 15e édition du Festival International d’Orgue de Roquevaire autour d’une programmation originale. Le 9 sept l’ouverture majestueuse et solennelle a retenti aux sons des trompettes (Alain Fontes, Stéphane Vaillant), des timbales (Marie-Madeleine Landrieu) soutenues par Georges Bessonnet aux claviers pour une littérature éclectique (de Lully à Duruflé), avant de faire place à l’Ensemble Musica Antiqua Provence et la jeune soprano EleoChristopher Herrick © OK E
FRÉDÉRIC ISOLETTA
www.orgue-roquevaire.fr
J.F.
Il Diluvio universale Le 3 oct Cathédrale Notre-Dame de la Seds, Toulon 04 94 93 03 76 www.operadetoulon.fr
Toile
Quand la musique se fait un film par l’Ensemble Pythéas en trio, avec au piano Marie-France Arakélian, au violon Yann Le Roux-Sèdes et au violoncelle Guillaume Rabier. Bach, Schubert, Chopin, William dans Le pianiste, Barry Lindon, La liste de Schindler ou Sonate d’automne… dans le cadre du dispositif départemental Saison 13. MOURIÈS. Le 16 sept à 20h30. Eglise Saint-Jacques 04 91 48 87 65 www.ensemble-pytheas.com
nora de la Pena accompagnée à l’orgue par Viviane Loriaut sous la direction de Christian Mendoze (le 11 sept). La suite ? les «régionaux» Patrice Barsey et Luc Antonini dans un duo hautbois et orgue (de Bach à Piazzolla) le 17/9 à 21h, un quatre mains et quatre pieds «Haendelien» avec Philippe Bardon et Marc Adamczewski (le 25/9 à 16h) et une création sonore avec vidéo (Nicolas Contant/Martin Bacot et Guillaume de la Villeon le 1/10 à 21h) illustrent l’ouverture de la manifestation. Le récital de Christopher Herrick (9/10 à 16h), la présence des trompes de chasse des Échos de la SainteBaume accompagnés par Olivier Perin (14/10 à 21h) et le duo Frédéric et Nicolas Munoz (orgue et violoncelle) pour un concert à consonance ibérique (16/10 à 16h) ne pourront que confirmer la variété de cette 15e édition.
Prérentrée
L’Orchestre Symphonique de l’Opéra de Toulon dirigé par Sergio Monterisi avec la soprano Beate Ritter. Concerts gratuits. HYÈRES. Le 16 sept à 21h. Eglise St Louis OLLIOULES. Le 17 sept à 21h. Gymnase TOULON. Le 18 sept à 16h. Opéra 04 94 92 70 78 www.operadetoulon
Quintette
Jean-Christophe Selmi et Muriel Kemsissian (violons), Valérie Pelissier (alto), Emmanuel Cartigny (violoncelle) et Jean-René Da Conceiaço (contrebasse) aux journées du Patrimoine.
Ciné-concert
Pascal Contet participe au renouveau de l’accordéon en France, déborde du cadre des musiques improvisées, du théâtre et de la danse : il se prête à un ciné-concert, genre très couru ces dernières années. Au rythme des images «muettes» de Buster Keaton (Sherlock Junior) et Méliès (Le Voyage dans la lune), il crée et interprète sur le vif une musique d’accompagnement. Une «ré-écriture» de ce que vivait le 7e Art avant la révolution sonore du Chanteur de Jazz en 1927. CAVAILLON. Le 20 sept à 19h. Cinéma La Cigale 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com
ABBAYE DE LA CELLE. Le 17 sept à 14h30 et 16h et le 18 sept à 11h45, 14h30 et 16h. Ensemble DéliciOsO 04 91 56 10 06
Archi-music
Des rapports interactifs, parfois conflictuels, entre le musicien/architecte Xenakis et son maître Le Corbusier. Parcours et Performances dans le cadre des Journées européennes du Patrimoine. MARSEILLE. Les 17 et 18 sept de 14h à 19h Entrée libre (réserv. conseillée) 04 96 20 60 10 www.gmem.org L'ensemble Pytheas © X-D.R
Explosif !
Jonathan Soucasse (piano) et Cathy Heiting (diva) et leur Opéra Molotov, opus «lyrico-déjanté» mêlant Puccini aux ballades de jazz ou à la variété décalée. PEYROLLES. Le 16 sept à 20h30. Espace F. Mistral 04 42 57 89 82
Pascal Contet © Georges Epp
Pachydermes ? Le premier concert de Musique de chambre au Grand foyer de l’Opéra fait la part belle au plus gros des instruments à cordes. Les contrebassistes Fabrice Benedetto et Jean-René da Conceiaço prouvent qu’on peut faire chanter la bête, comme l’Eléphant du Carnaval des animaux quand il danse sur la pointe des pattes au rythme d’un menuet… En compagnie d’Augustin Bourdon (violon) et
Nina Uhari (piano), ils jouent des duos concertants de Bottesini, Mortari, une fameuse Passacaille d’après Haendel… et toujours pour 5€ ! MARSEILLE. Le 17 sept à 17h Opéra 04 91 55 11 10 www.opera.marseille.fr
Russe
La ville de Grasse donne sa chance à un enfant du Pays ayant grandi aux parfums des fleurs de la côte. En compagnie de l’Orchestre régional de Cannes Provence-Alpes-Côte d’Azur dirigé par Philippe Bender, le jeune violoncelliste Benjamin Truchi ouvre la saison. Il joue les acrobatiques Variations sur un thème rococo de Tchaïkovski, un très bel Andante cantabile et le Nocturne n°4 du même compositeur russe, quand l’Orchestre seul, massif, interprète la Symphonie n°1 «classique» de Prokofiev. GRASSE. Le 25 sept à 20h30 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com
Hors-les-murs
Une fois n’est pas coutume, Marseille et Aix trouvent un trait d’union ! L’Orchestre Philharmonique de Marseille assume la rentrée musicale du Grand Théâtre de Provence. À sa tête Adrian Prabava dirige la 4e symphonie de Tchaïkovski, quand, à ses côtés, le violoncelliste Marc Coppey lui tend l’archet dans le magnifique Concerto op.22 de Samuel Barber. AIX. Le 27 sept à 20h30 au GTP 04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net
25 ans !
Journée inaugurale du 25e anniversaire des Festes d’Orphée. Concert, bilan, projets et… apéro ! Entrée libre AIX. Le 1er oct à partir de 16h30 à la Chapelle la Baume-lès-Aix. 04 42 87 99 12 www.orphee.org
Cuba libre !
Le pianiste cubain Jorge Luis Prats connaissait, jusqu’à peu de temps, une faible notoriété en France : des raisons politiques le retenaient confiné dans son île. Sa carrière prometteuse a été freinée après des études au Conservatoire de Moscou et son triomphe à Paris en 1977 où, à l’âge de 21 ans, il remporta le Premier Prix du Concours LongThibaud. Aujourd’hui, il rattrape le temps perdu par des séries de récitals qui connaissent partout un grand succès, comme le prouve son disque enregistré pour Decca à Saragosse en mars dernier. C’est en particulier dans le répertoire latinohispanique qu’il séduit. On attend donc sa venue sur le plateau aixois pour un récital intitulé Danza ! reprenant une partie des opus du CD (réf. 478 2732) : Bacchiana Brasileira n°4 de Villa-Lobos, Goyescas de Granados, Alta gracia (tango) de Carlos Fariñas, agrémentés de La Valse de Ravel ou d’une Danse cubaine d’Ignacio Cervantes Kawanagh. J.F.
Le 1er oct Grand Théâtre de Provence, Aix 04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net
Ilot Liszt
Au cœur d’un début de saison délibérément «jazz» à la Cité de la Musique (Etsaut, Raphaël Imbert, Vincent Strazzieri Trio, Louis Winsberg, Decib’elles), deux concerts se «télescopent» le même soir : des Chants sacrés gitans en Provence (Auditorium, rue B. Dubois) et un Récital Liszt (première partie) donné par Philippe Gueit au piano (La Magalone). MARSEILLE. Le 7 oct à 20h30. Cité de la musique 04 91 39 28 28 www.citemusique-marseille.com
«Paratge»
Dialogue entre Raphaël Imbert (sax), la Compagnie Nine Spirit et le chant occitan revisité de Manu Théron. AUBAGNE. Le 7 oct à 21h au Théâtre Comœdia 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr
Orgue Pascal Marsault aux claviers dans Bach, Buxtehude, Muffat.... LES PENNES-MIRABEAU. Le 8 oct. à 20h30 Eglise St-Blaise
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MUSIQUE
Chantons français ! Pour le 9e festival de la chanson française 15 concerts sont programmés sur l’espace d’une semaine, sans compter les mini-concerts à la Fnac, les conférences, les ateliers d’écriture… Avec, entre autres, Laurent Malot, Le sac à Boulons, Bruno Duchâteau, Melissmel, Zaz, Jean-Marc Dos Santos, Les Ogres de Barback, Les Fatals Picards… Un programme fébrile et joyeux où les groupes trouvent généralement un auditoire nombreux et accèdent pour certains à une AIX Pasino : Cock Robin (6/10), Abba mania (9/10), Axelle Red (14/10) 04 42 59 69 00 www.casinoaix.com
Théâtre et Chansons : Soirées Cabaret, La Ronde musicale des silences radieux (23 au 25/9) 04 42 27 37 39 www.theatre-et-chansons.com
ARAMON Office de la culture et du patrimoine : concert lyrique avec le trio Amari sur un répertoire du XVIIe au XXe siècle profane et sacré (15/10) 04 66 62 97 28
ARLES Cargo de nuit : Arnaud Fleurent-Didier (7/10), Rococo (14/10) 04 90 49 55 99 www.cargodenuit.com
BEAUCAIRE Association Les Oreilles en éventail : Miss White & Drunken piano (17/9 à la Cave du Boschet) 04 66 74 56 55
Collégiale Notre Dame des Pommiers : Concert de Patricia Ponselle et Stefano Venezia (18/9) 04 66 59 26 57
CAVAILLON Théâtre : Philippe Katerine et Francis et ses peintres (3/10) 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com
CHÂTEAU-ARNOUX Théâtre Durance : Tit Robin, Les Rives (7/10) 04 92 64 27 34 www.theatredurance.com
CHÂTEAUNEUF-DE-GADAGNE Akwaba : Shaolin Temple Defenders (8/10) 04 90 22 55 54 www.akwaba.coop
DRAGUIGNAN Théâtres en Dracénie : Philippe Katerine et Francis et ses peintres (4/10) 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com
HYÈRES Théâtre Denis : L, Lisa Portelli (7/10) 04 94 35 38 64
reconnaissance que les grands médias leur dénient. Une équipe dévouée opère au choix judicieux et éclectique des groupes, et nous a habitués à une grande qualité. Prêts pour une cure de chansons dont chacun comprendra enfin toutes les paroles ? Au programme de belles invites, des noms cocasses, des noms connus, inconnus, de quoi aiguiser toutes les curiosités…
Festival de la Chanson Française Du 1er au 9 oct Venelles, Trets, Puyloubier, Gardanne, Éguilles Aix Salle du Bois de l’Aune, La Fontaine d’Argent, Théâtre et Chansons, La Cave d’Yves www.festival-chanson-francaise.com
M.C.
ISTRES L’Usine : Julien Doré (1er/10), Lilly Wood and the Prick (8/10), Jean-Louis Murat (14/10) 04 42 56 02 21 www.scenesetcines.fr
MARSEILLE Théâtre La Criée : Brigitte Fontaine dans le cadre de la 11e édition de Actoral (17/9) 04 91 37 14 04 www.actoral.org
Cabaret Aléatoire : Apéro d’ouverture de saison (15/9), Watcha Clan, Dj Click, Shazalakazoo (23/9), Ten Years After (7/10), Asaf Avidan, Rover (11/10), Chris Bailey & Hburns (13/10) 04 95 04 95 09 www.cabaret-aleatoire.com
Dan Racing : Blossom (16/9), Lost Asylum (17/9), F.A.T, Coyotes dessert (23/9), Sigma (24/9), Dixie (1er/10), Les Chacrads, Iris absinthe, Pornography (7/10) 06 09 17 04 07 http://guitarjacky.free.fr
Enthropy : Petula Clark, La Pince (14/9), Alkalys, Gang From New Delhi (15/9), soirée de soutien aux inculpés des incendies du centre de rétention du Canet (16/9) http://enthropy.fr
Espace Julien : Mardi Gras.BB, Samenakoa (22/9), Anna Calvi (24/9), Laurent de Wilde, Otisto 23, Nico Ticot (4/10), Joe Louis Walker, Hofmann Family blues experience (6/10), Aaron unplugged & Waves (14/10) 04 91 24 34 10 www.espace-julien.com
La Machine à Coudre : Antonio Negro et ses invités (17/9), Tyred Eyes (20/9), Jerry Spider Gang, The Marvels (24/9), Enablers, Nicolas Dick (29/9), Hey Enemy, Elektrolux, Motto (30/9), Conger ! Conger ! (1er/10), J.C. Satan (5/10), Quart Past One, Bye Bye Blondie (6/10), Wild Links (7/10), Flash Falcon (8/10), Chuckamuck, Bare Hands (14/10) 04 91 55 62 65 www.lamachineacoudre.com
La Meson : Kabbalah (23/9), Festival POC : soirée flamenco et tsigane (7/10), Nafas trio, Watcha Clan (8/10) 04 91 50 11 61 www.lameson.com
Le Paradox : Ben Ringer & the Mozerfokers, Fantasticus (14/9), Manu Da Banda (15/9), Bernard Collins from Abyssinians (16/9), Funky to Dirty (17/9), So?Mash! (22/9), Dj Gusta (23/9), Cisco Herzhaft (28/9), Wamali Percussions (30/9), Dawta Jena & Urban Lions + guest (1er/10), Dj Nashsweetfingers, Trinity (6/10) 04 91 63 14 65 www.leparadox.fr
Le Poste à Galène : Messes synthétiques, Psaumes XV (16/9), nuit années 80 (17/9), Ceremony (23/9), Nididi O (24/9), nuit années 90 (24/9), Kaki King (27/9), Massilia Headbanging session : Blazing War Machine (30/9), nuit années 80 (1er/10), L, Lisa Portelli (6/10), Bad Music (11/10), Corneille (12/10), Archimede (13/10) 04 91 47 57 99 www.leposteagalene.com
L’Embobineuse : Sonic Surgeon, Dj Urine, Arno Bruil, Jiflure (17/9), Les Choolers, Paquito Bolino, Félix Fujikkkoon, Patrick Lombee (23/9), Zéa, Les Stationnells, Grrrt (2/10), Sister Iodine, Pneu (8/10), Picore, Rature aka Bronzymcdada, Radical Edwards (14/10) 04 91 50 66 09 www.lembobineuse.biz
Planet Mundo Kfé : Nafas trio (6/10) 04 91 92 45 72
MAUBEC La Gare : Nadéah (12/10), Imidiwen (14/10) 04 90 76 84 38 www.aveclagare.org
PORT-DE-BOUC Théâtre le Sémaphore : Les Sweet System (23/9) 04 42 06 39 09 www.theatre-demaphore-portdebouc.com
SALON-DE-PROVENCE Portail Coucou : Pat mother Blues Cohen (24/9) 04 90 56 27 99 www.portail-coucou.com
TOULON Oméga Live : Million Stylez, Jahnett Tafari + guest (8/10), Human Player (11/10) 04 98 070 070 www.tandem83.com
VAR Tandem83 : Forum des musiques actuelles : Kabbalah, Poum Tchack, Dayâ (24/9 salle Jean Latour à Puget-Ville), Kabbalah, Poum Tchack, Amorangi (30/9 Centre culturel Maurin des Maures à Gogolin), Kabbalah, Poum Tchack, Tohu-Bohu (8/10 Centre culturel Anatole Lambert à Aups), Kabbalah, Poum Tchack, Mo (14/10 Espace Fontvieille à La Martre), Kabbalah, Poum Tchack, BATpointG (21/10 salle polyvalente des Lonnes à Vins-sur-Caramy) VENELLES Salle des fêtes : Laurent Malot (1er10) 04 42 54 71 70
LE SILO | MARSATAC | AIX
MUSIQUE
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Du grain à moudre Georges Michael inaugurera Le Silo, nouveau lieu grand spectacle de Marseille en musique actuelle (les premières notes de musique classique auront retenti une semaine plus tôt avec l’Opéra de Marseille, voir p 30). Cet ancien silo à céréales,
l’édifice. Rendez-vous donc pour le George Michael Symphonica le 28 sept à 21h, en espérant que la qualité de la programmation confiée par une Délégation de Service Public à une société privée sera à la hauteur des investissements. FRÉDÉRIC ISOLETTA
Le Silo © Agnes Mellon
typique de l’architecture industrielle des années 30 comme Marseille en regorge, possède un potentiel énorme. Il a connu des incertitudes après le dynamitage du port en 1944, le trafic se concentrant davantage sur celui de la Madrague, puis a été voué à l’abandon et désaffecté dans les années 80. Avec ses 57 fûts cylindriques verticaux, cette figure de proue du fonctionnalisme transfigurée garde son formidable aspect formel pour accueillir des grands spectacles, à l’image d’un Olympia marseillais. De la signalétique à la salle des mamelles, vestige de l’époque, la restructuration a conservé l’aspect du bâtiment de 1927 également pour une partie à l’intérieur de
www.silo-marseille.fr
Sous le pont…
Marseille se déride Pour la 13e édition de Marsatac, la Friche sera en fête du 29 sept au 1er oct à travers une programmation détonante. Dès l’ouverture, place aux sensations fortes avec la paire de Shoes, déjà princes outre-manche (voir p61) et une autre doublette, loin d’être anonyme, celle de The Do. La nuit du 1er oct s’annonce flamboyante, à jongler entre les trois scènes (Cartonnerie, Seita, Cabaret Aléatoire) sans oublier celle de l’esplanade avec des rendez-vous partout : Under Kontrol, Chinese Man, Stupeflip ou encore la sensation suisse
Filewile. Si le monde ne s’est pas arrêté au son de X Makeena cette même nuit, comme le prévoit le collectif rennais, le dernier round pourra bien se tenir le 2 oct : ce serait trop bête de rater la présence si rare de Death in Vegas, avec un nouvel album dans leurs valises, comme l’électro libre Yusek et les belges de The Subs, au jeu de scène époustouflant. F.I.
www.marsatac.com
Poum Tchack © Agnes Mellon Death In Vegas © X-D.R.
Le festival des musiques du monde du pays d’Aix Zik Zac annonce une rentrée bouillante sous les arches du viaduc de l’Arc de Meyran à Aix. Les 16 et 17 sept, la 14e édition de cette manifestation mêlant musiques actuelles, arts visuels et les vibrations du monde vous donne rendez-vous pour vivre un week-end des plus festifs. Les ambassadeurs phocéens Massilia Sound System, la fièvre endiablée des Poum Tchack, la fusion hip hop barcelonaise Cafetera Roja, la samba fusion de Flavia Coelho, les sons touareg de Toumast ou encore l’afrobeat-funk-rock béninois Ejo Groove et même du rock garage destructeur avec Dissonant Nation rythmeront le parcours graphique et visuel de Ka Divers. Pensé à l’origine comme une alternative aux écrans géants de la coupe du monde 1998, Zik Zac est devenu sous la houlette de la Fonderie une véritable institution, dans un lieu féérique. F.I.
www.zikzac.fr
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FESTIVALS
AVIGNON
La rentrée est aussi pour nous l’occasion de vous parler de notre été de festivals et, avec le recul du temps et à la fraîcheur de l’automne qui s’amorce, d’y observer l’évolution des lignes esthétiques. Sans réduire pour autant la singularité de chaque spectacle vu ! À l’heure du bilan à la fin de juillet les deux codirecteurs et l’artiste associé semblaient plus que satisfaits : une fréquentation encore en hausse (128 000 billets vendus, soit 100 00 de plus que l’année précédente, et un «remplissage» record de 93%) et, au regard des polémiques qui ont précédé le Festival à propos de Bertrand Cantat, Fabrice Luchini ou Olivier Py, une édition sans scandale ni bataille… Boris Charmatz parlait «d’un moment de l’histoire du festival où on peut se disputer mais aussi construire, ce qui est le résultat d’un travail de 8 ans». Hortense Archambault notait d’ailleurs la venue des candidats à l’élection présidentielle (Martine Aubry, François Hollande, Eva Joly et Jean-Luc Mélenchon !), mais aussi toutes les rencontres et débats qui ont «essayé d’élaborer un projet culturel qui s’oppose à une conception économique de l’homme.» Pour preuve le succès grandissant du Théâtre des Idées (5000 personnes dont 1200 pour la seule venue de Stéphane Hessel et Edgar Morin, voir p 91). Mais qu’en fut-il sur scène, dans ce qui reste un festival de théâtre, même si Vincent Baudriller souligne «la présence d’expressions artistiques différentes dans un festival dont la grande caractéristique est la création» (22 créations sur les 37 «grands spectacles» programmés) ? L’impression très nette d’assister à moins de hurlements purs de douleur ou de révolte, qui fatiguaient vraiment par leur absence d’analyse et de construction en effet, et par leur répétition… et la satisfaction de renouer avec des discours -non pas des mots, mais des propos- qui ont souvent intégré l’indignation, mais ne s’en contentent plus. Pas tous cependant : François Verret qu’on a vu plus inspiré s’en tient dans Courts-circuits à une accumulation bruyante de sons, de cris, de corps tordus, avec des moments superbes par endroits, mais une scénographie qui masque la perception de l’espace scénique, et un simple défilé de fragments disparates… À l’inverse Life and times de Kelly Copper et Pavol Liska, au propos clair : il s’agit de la retranscription, sans réécriture, des souvenirs d’enfance d’une américaine tels qu’elle les a racontés au téléphone. Logorrhée qui en dit long sur la normalisation effrayante des enfants américains mais est fort loin d’avoir la causticité du moindre épisode de South Park ! Au bout de 3h30, les moments forts évoqués par la fillette ont été un pipi dans la culotte et le pénis paternel par hasard entrevu. Le tout énoncé par 6 acteurs qui s’agitent en rythme comme des pom-pom girls sur une musique pseudo folk d’une pauvreté abyssale : la forme dénonçant par sa simplification même la lobotomisation US ? Sans doute. Certains d’ailleurs riaient de bon cœur durant la première heure. Puis les rires s’épuisaient : regarder ce spectacle (volontairement ?) affligeant et entendre cette prose sans intérêt durant 6 heures (il y avait un second épisode, que nous avons lâchement zappé…) donne vraiment l’impression de perdre Life and Time, qu’on aurait bien volontiers passé avec
Avignon plus constructif ?
Exposition universelle © Patrick Imbert
Life and Times episode © Agnes Mellon
un bouquin de Chomsky ou de Zinn sur l’Amérique contemporaine… Le propos de Rachid Ouramdane est nettement plus clair, et concis ! Dans Exposition universelle il montre comment les modélisations communes déterminent les corps, les gestes du pouvoir se transformant en salut fasciste ou, à l’inverse, les attendus communs imposant à son œil noir une
lentille bleue, à sa peau mate des aplats bleu blanc rouge, à son métier de danseur un rituel de claquettes abrutissant. Avec une économie de moyens sidérante, il incarne des idées avec son propre corps, à l’aide de quelques projections de son image affublée de symboles forts, et la musique de Jean-Baptiste Julien qui tisse des ambiances sonores signifiantes, ritournelles militaires, guillerettes ou menaçantes…
Images en retour Le retour de Wajdi Mouawad à Avignon sonne… comme un retour à Avignon. Généralement les artistes qui y ont été adorés s’y font déchirer, pour les mêmes raisons qui ont fait leur succès. La trilogie Des Femmes ressemble à ce que le metteur en scène nous avait proposé jusqu’alors. Le génie de Sophocle
FESTIVALS
AGNÈS FRESCHEL
Sang et Roses, Christine, Les Femmes, Exposition universelle, Life and Times et Courts–circuits ont été joué durant le Festival d’Avignon
Danser maintenant Adepte de la socquette blanche et de la robe strictement virevoltante, Anne Teresa de Keersmaeker côtoie la perfection en toute simplicité. La reprise pour le festival d’Avignon de la pièce fondatrice Fase créée en 1982 témoigne d’une radicalité sans ride, cérébrale ET jubilatoire, balayant aussi bien l’histoire esthétique de la danse que la palette des sensations immédiatement renouvelables. Trois duos et un solo se succèdent, portant sobrement le titre de la composition de Steve Reich dont chacun est l’émanation : répétition, fusion puis infime décalage, déphasage entre les notes et donc les gestes des deux danseuses ; l’unisson se dérègle sans perdre ni son rythme ni sa rigueur géométrique. ATK et son double Tale Dolven plongent vigoureusement à la source du mouvement, imposent une enfance de l’art (marcher, sauter, lever les bras, ciseler l’espace et le recoudre en un instant) qui sidère, fascine et pourtant tient les sens en éveil. Façon de réaffirmer magistralement que l’objet de la danse, c’est la danse elle-même. Trente ans après, au Palais, Cesena. Le génie d’ATK est moins radical, et plus subtil encore. Attaché à l’Ars subtilior justement, apogée de la polyphonie renaissante, superbe impasse de l’histoire de la musique européenne qui préféra trouver son écriture dans l’enchaînement des accords. L’Ars subtilior vécut son apogée à la Cité des Papes d’Avignon, et Fase © Herman Sorgeloos
a fondé sa propre écriture, on y retrouve, maladresses en moins, les mêmes états émotionnels intenses, les lentes agonies, les révélations qui sonnent comme des chutes cosmogoniques, la tension entre époux, parents et enfants, frères et sœurs. Mais c’est bien en auteur que Mouawad aime Sophocle, et ses trois mises en scène manquent visiblement d’attention aux détails (ô l’inlassable répétition des seaux d’eau dans Les Trachiniennes !) et de direction d’acteurs. Ainsi un comédien très juste dans la douleur retenue se met inexplicablement à hurler, plusieurs autres butent, se reprennent, on entend même des fautes de français… comme dans Ciels, mais dans Antigone l’effet n’est pas le même ! Quant à l’utilisation de l’espace magique de la Carrière Boulbon, il est peu réfléchi… Reste que l’idée de mettre en scène les trois tragédies des femmes (Antigone, Electre et Déjanire) leur apporte un éclairage inédit, rendu troublant par la présence/absence de Bertrand Cantat en chœur déchiré. Ses hurlements à la mort, la douleur de la culpabilité, l’horreur de la violence exercée sur les femmes qu’il chante comme la plaie profonde des bourreaux, produit un effroi abyssal, un effet de catharsis moderne sidérant : le théâtre tragique n’est décidément pas un lieu convenu, ni politiquement correct, et Mouawad nous le rappelle justement, même si ne pas avoir à applaudir Cantat était ce soirlà soulageant. Les deux très belles surprises théâtrales (avec d’autres, voir Zib43 et pages suivantes) nous venaient du nord de l’Europe. Christine, jeu virtuose d’un tournage en direct défragmenté dans l’espace théâtral : une idée scénographique folle de Katie Mitchell et Leo Warner (la Schaubühne) qui démontre que la différence entre cinéma et théâtre ne réside pas dans l’amplification ou le cadre, mais dans le traitement du temps commun : Mademoiselle Julie est entièrement relu, comme un monologue intérieur qui se projetterait en éclats, dans le point de vue unique de la servante trahie, avec autrement plus d’à propos politique que la pale version de Fisbach… Dans la Cour, enfin, Sang et rose de Tom Lanoye mis en scène par Guy Cassiers. Depuis des années il fait théâtre des mouvements intérieurs, murmures, expressions infimes, et de l’agencement de leur projection dans l’espace, autour des corps présents. Avec la même obsession pour le Mal qui traverse toutes ses mises en scènes, et les textes de Lanoye, il s’attache au couple paradoxal de Jeanne et Gilles de Rais, montrant magnifiquement comment la sainteté est proche de l’orgueil, et de l’effroyable ordure. Car dans ce spectacle tout est construit en miroirs et reflets, Jeanne et Gilles, leurs gros plans et leurs ombres, et leur destin commun dans les flammes. Mais chaque reflet est déformé, torturant l’œil et l’esprit d’un point de vue nouveau, d’un autre angle et d’une autre focale, le tout produisant une polyvision sublime magnifiquement interprétée par des acteurs surdoués aux gueules burinées de sens, et par les voix superbes d’un chœur qui fait sonner dans la Cour médiévale les polyphonies renaissantes flamandes… Un moment comme le théâtre en vit peu !
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ATK a puisé dans cette musique ancienne, pour ses deux derniers spectacles, une nouvelle source d’inspiration. Si Fase construisait son architectonie à partir des répétitions et déphasages de Reich, Cesena cherche dans la lumière naturelle de l’aube, l’absence de technologie, d’instrument même, dans la pénombre incolorée des choses, ce temps d’avant. ATK laisse chaque danseur suivre sa propre ligne comme les chanteurs superposent les leurs, et tous se mêlent, ensemble mais sans unissons. Les danseurs chantent la basse, les chanteurs entrent dans le mouvement, autour d’un cercle de sable qui s’efface (tiens, comme dans Fase !), d’une aube qui naît. L’horaire, 5h du matin, est finalement anecdotique -le spectacle sera repris en salle avec un équivalent lumineux. Mais on distingue de mieux en mieux les corps qui suivent leurs phrases chorégraphiques faites de gestes communs qui se croisent, se rencontrent, s’ignorent, au gré des chants. Superbes souvent, magiques parfois, longuets aussi, comme cette musique finalement monotone… et aujourd’hui peu radicale ! MARIE-JO DHO ET AGNÈS FRESCHEL
Fase et Cesena ont été dansés au Lycée Saint Joseph et dans la Cour d’Honneur
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FESTIVALS
AVIGNON
Corps dansants…
… réinventés…
… Passionnés ! Sur le concept du visage du fils de Dieu de Romeo Castellucci est une prodigieuse énigme. Un aller-retour, très réaliste, entre le divin et l’humain qui vise directement à interroger nos certitudes et notre compassion. De ces spectacles qui marquent définitivement. Parfois très cru, voire insoutenable (la
dégomme pendant 15 mns le portrait, sans résultat… et sans franc amusement non plus). C’est à un face-à-face que le metteur en scène italien nous contraint sans issue possible, à part quitter la salle ou fermer les yeux. Mais ça serait manquer le final, sublime, d’un portrait impassible transformé en mur des lamentations qui dégouline un message quasi subliminal. «Tu es mon berger» ou «Tu n’es pas mon berger». Chacun décryptera suivant le voyage intérieur opéré. DELPHINE MICHELANGELI
Levée des conflits, Low pieces, Sur le concept du visage du fils de Dieu ont été joués durant le Festival d’Avignon
diffusion olfactive pour souligner les excréments envahissant de son écœurement la première moitié du spectacle, comme dans son Amleto il y a 20 ans) dans la relation d’un fils démuni devant l’incontinence de son
père en couches et dégoulinant de matière fécale. Toujours très plastique (en fond de scène, le troublant portrait géant du Christ, le Salvator Mundi d’Antonello de Messina, mi-voyeur mijuge) et obscur (une armada d’écoliers
Pièces montées… Elise Vigier et Marcial Di Fonzo Bo ont présenté deux spectacles autonomes et complémentaires tirés de l’Heptalogie du dramaturge argentin Rafael Spregelburd, inspiré lui même des Sept Péchés capitaux de Jérôme Bosch. Mais la traversée de ce beau projet a failli, péchant par excès. L’Entêtement, transposition de la colère, dernier péché, dans lequel le caractère paradoxal du langage apparaissait au travers d’une juxtaposition de scènes simultanées, a perdu le spectateur dans une pléthore de mots, de gestes et de faits. Huit acteurs, fabuleux au demeurant, racontent la même histoire située à la fin de la
guerre civile espagnole dans trois lieux différents d’une maison. Même si la complexité était délibérée, l’intrigue à tiroirs autour de la question politique du langage et du débordement idéologique était rendue difficile à suivre, et en partie sauvée par un prodigieux espace scénique démultiplié à l’infini. Plus ludique, La Paranoïa (la gourmandise) tablait également sur une scénographie inventive, où les projections vidéo intègrent l’histoire portée par des acteurs pittoresques. Entre parodie, mise en abime et polar futuriste, la répétition dérythmée des situations a également perdu le spectateur. Un mélange des genres entre
travestissement d’acteurs survoltés, série B délirante et vidéos qui a laissé, malheureusement, perplexe.
… tyran démonté
Amnesia © Mohamed Frini
Encore plus conceptuelle, Low pieces, la création du chorégraphe Xavier Le Roy, ex-scientifique converti à la danse chercheuse, aura également dérouté. La pièce laboratoire s’ouvre sur une banale conversation (imposée et chronométrée) et se ferme sur une seconde causerie forcée, dans le noir, beaucoup plus «explosive». Entre les deux, le jaillissement d’un espace extrêmement composé par des corps nus (superbe et silencieuse nudité) qui créent des paysages improbables. Des corps, hommes ou bêtes, regroupés en statues minérales qui flottent d’un battement de cil ou se délitent sur le plateau telle une meute de fauves anguleux. Si les passages de tableaux sont entrecoupés par une obscurité trop systématique, pour mieux perdre les repères on l’a bien compris, l’expérience est singulièrement inconfortable et la démonstration diablement efficace. Les nerfs et l’attention sont affutés !
Levee des conflits © Delphine Michelangeli
Le directeur du Musée de la Danse, artiste associé de l’édition, a adapté un étrange objet à ciel ouvert sur la terre (très) ferme du stade Bagatelle. Sa Levée des conflits est entrée en résonance avec le mystérieux îlot récréatif Enfant (voir Zib 43). 24 corps dansants, dont Boris Charmatz dans son meilleur élément et Olivia Grandville exaltée, nous ont entrainés sur le principe du canon chorégraphique dans une ronde hypnotique. Les danseurs, en reproduisant alternativement 25 mouvements, fabriquent en quinconce une horlogerie fine et vivante que l’on serait tenter de disséquer, abandonnant la réflexion à nos sens plutôt qu’à notre raison. Des gestes répétitifs et insolites (ils frottent le sol, se cabrent puis se flagellent, se trémoussent, tressautent, décollent leur voisin du sol ou courent frénétiquement) forment un chaos absolu. Qui se resserre et s’organise jusqu’à trouver son propre mouvement à l’unisson dans une authentique puissance visuelle et sonore. Si le concept de départ inspiré du «désir du neutre» de Roland Barthes ne sert finalement qu’à noyer le poisson, la performance est jubilatoire !
Troublante anticipation historique avec Amnesia de Jalila Baccar et Fadhel Jaïbi, créé en pleine dictature du président Ben Ali ! La lente descente (aux enfers ?) des comédiens dans les gradins, fixant longuement chaque paire d’yeux rencontrée, restera gravée dans leur mémoire… Un questionnement frontal de notre humanité. Pas de décor mais des lumières sculptées et des corps subtilement chorégraphiés, décrivent dans l’espace la chute et le limogeage d’un dirigeant politique, appelons le Yahia Yaïch, qui perd la mémoire en même temps que ses pouvoirs absolus. A l’instar de leur précédente création Corps Otages, Amnesia a passé le cap de la censure et a été ovationné en avril 2010 par le public tunisien. Juste avant la Révolution. Les metteurs en scènes ont contribué à libérer les mots dans un pays «où les langues étaient coupées». L’histoire d’un cauchemar national et une radiographie au scalpel des mécanismes du pouvoir. DE.M.
L’Entêtement, La Paranoïa et Amnesia ont été joués durant le Festival d’Avignon
La juste adéquation Souvent la réussite d’un spectacle tient à la justesse de son parti pris esthétique, et à la simple adéquation de son propos et de sa forme
Ebauche d'un portrait © Jean-Julien Kraemer
Meg Stuart pose avec Violet la question du corps à l’état brut, au plus près du vide, de l’inexistence. Sur une scène blanche éclairée violemment, un lointain noir luisant d’où surgiront quelques éclairs au cours du spectacle. Avec 5 performeurs -3 garçons, 2 fillesaux corps très différents, immobiles, regards fixes. Côté jardin, Brendan Dougherty est installé avec ses ordinateurs et ses percussions. Rien ne se passe durant de longues minutes, puis quelques balancements et gestes furtifs surviennent. Le son monte peu à peu jusqu’à devenir assourdissant, ce qui explique la distribution de boules Quies à l’entrée. Automates au visage fermé, les corps s’agitent de micromouvements anarchiques et de soubresauts jusqu’à la frénésie, jusqu’au malaise du spectateur devant ces individus accablés de solitude. Une seule fois ils se rencontreront, agglutinés comme dans un magma originel, pour se séparer à nouveau. Avec cette pièce Meg Stuart veut aller à «l’intérieur de la danse» à la recherche du mouvement primal, comme si en nous se tenait un être instinctuel animé d’impulsions mécaniques. Illusion commune chez certains artistes contemporains, qui semblent n’avoir pas encore digéré le vieil existentialisme.
Walkyrie on the Rock ! Le spectacle de Christophe Fiat autour du personnage de Cosima Wagner, L’Indestructible Madame Richard Wagner, s’inspire comme d’autres de la scénographie du rock, mettant sur scène 5 acteurs devant des micros, avec guitare et piano. 1 homme et 4 femmes pour une parole détachée et atonale, et 5 moments de vie, avant et après Wagner, la lutte acharnée pour tenir le projet de Bayreuth et le transViolet © Chris Van der Burght
mettre à sa famille. Cosima ne fut pas très aimée de son vivant ; maîtresse affichée puis épouse d’un homme de 24 ans son aîné, elle s’est socialement suicidée en bravant les règles morales de la société. C’est cela qui peut rendre attachante cette walkyrie bravant les éléments ! La musique de Pierre-Yves Macé, enregistrée et live, accompagne le spectacle ainsi que les vidéos de Louise Armand qui reviennent comme des leitmotivs... Mais le morcellement et l’atonie conviennent fort peu à cette figure postromantique !
Croquis sensible Jean-Luc Lagarce s’en est allé en 1995, emporté par le Sida contre lequel il a lutté avec courage et humour, humour que l’on retrouve dans presque toutes les pages de ses cahiers d’écolier de 1977, année de ses 20 ans, à 1995, année de sa disparition. Lors de sa maladie il a dactylographié ses textes : la scénographie était toute trouvée pour François Berreur qui a mis en scène quelques pages choisies dans Ébauche d’un portrait. Ainsi Laurent Poitrenaux est assis devant un bureau et écrit à la machine, des dates s’inscrivent sur le fond noir, et les noms des artistes morts, de maladie ou pas, au jour le jour. Ce journal n’est pourtant pas une chronique mortuaire, à chaque page on sent la vie et l’énergie de la création malgré les doutes et certains échecs. L’interprétation de Laurent Poitrenaux est époustouflante de justesse dans la simplicité des mots du quotidien, touchante lorsqu’il s’adresse au lecteur devenu spectateur. Avec lui on retourne dans les années 8090, écoutant une chanson de Brel ou commentant le procès Barbie, mais surtout on approche un écrivain sensible qui porte sur notre époque un regard incisif, on tremble à l’évocation de la destruction du corps par le virus. Un beau spectacle qui honore son talent et sa mémoire. CHRIS BOURGUE
Violet s’est donné du 19 au 25 juillet à Vedène L’indestructible Madame Richard Wagner s’est joué du 18 au 24 juillet à la Chartreuse Ébauche d’un portrait s’est donné du 20 au 23 juillet au Pontet
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FESTIVALS
AVIGNON
Un marathon de danse Man Size de et avec Daniele Ninarello © Valerio Tosi Beleffi
Durant le Festival d’Avignon, L’Eté des Hivernales parie sur la danse non-stop de 10h à 20h au rythme de 7 spectacles, sans compter les «plus» à la Maison Jean Vilar, les rencontres Reso@danse, les Nuits du Tarmac et les installations vidéo. Mais le dispositif interrégional de soutien à la diffusion des compagnies chorégraphiques 100% Danse, Quand les régions s’en mêlent suffit déjà à satisfaire la curiosité ! Sur le plateau se succèdent chaque jour 7 compagnies de Languedoc-Roussillon, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Rhône-Alpes, Regione Piemonte (Italie) et de la Collectivité territoriale de Corse. Une vitrine efficace qui permet d’entrecroiser les formes, les écritures, les esthétiques de jeunes artistes en attente d’une visibilité hors de leur territoire respectif, et qui favorise les échanges avec les professionnels.
ensorcelant : Hafiz Dhaou y mêle élégance des mouvements (l’épure est à son comble), crescendo émotionnel et inventivité scénographique (le jeu plastique et sonore des tasses blanches bousculées sur le sol) ; Kharbga bénéficie d’ailleurs d’une coréalisation avec la Maison de la Danse de Lyon. On attend aussi de la prochaine création de la Cie En Phase, Empreinte(s), que l’on espère aussi puissante que le solo Temps d’arrêt de Miguel Nosibor. La Cie Elyamni n’est pas en reste qui travaille sur Bach et Stravinsky, derniers volets de la trilogie initiée avec Cyclus, pièce pour 1 danseur et 1 danseur-comédien dans laquelle l’ancien virtuose du Ballet Preljocaj convoque Vivaldi pour lier, faire et défaire l’entre-deux des interprètes dans une sorte de dysharmonie heureuse. Avec une bonne dose d’humour !
D’heureuses retrouvailles
De belles surprises
On s’est réjoui de revoir le travail de trois compagnies -dont 2 de Paca- découvert durant la saison car elles ont tenu leurs belles promesses ! D’où notre impatience à découvrir la prochaine création de la Cie Chatha, Kharbga, dont le solo à deux Kawa est
Le turinois Daniele Ninarello a fait l’effet d’une bombe avec deux courtes performances : à la limite du possible, le visage masqué par un casque de moto, il trace dans Man Size un autoportrait très rock né de la lecture de Gilles Deleuze sur l’œuvre de Bacon ;
dans Non (leg)azioni, il propose là encore une danse introspective mais sur le mode de l’improvisation, au bord du précipice, entre circonvolutions et distorsions. Une mise en danger de lui-même et une haute technicité qui ont sans doute contribué à le propulser finaliste du concours Premio Equilibrio per la Danza Contemporanea 2011 dirigé par Sidi Larbi Cherkaoui ! La Cie Vilcanota eut la difficile mission de boucler la journée et l’heure passée à scruter Des cailloux sous la peau a vite fait oublier la fatigue. Inspiré des photographies de Marey sur les mouvements de fumée, Bruno Pradet a créé une forme originale, à la fois plastique, chorégraphique, vidéo et théâtrale autour d’un homme-robot devenu source de vie et de lumière. Un spectacle qui tient de la BD, fouillé, parfois fouillis aussi. Comme toujours lorsque l’on prend le pari de la création et la défense des compagnies régionales, il y eut quelques fausses notes. Avec #1…Paysages croisés, la Cie Art Mouv’ n’a pas convaincu prenant prétexte du minéral, du végétal et de l’organique pour laisser les corps devenir pierre, eau, nuage. Le spectacle pâlissait comme une nature morte tandis que le piège de l’évocation du voyage initiatique se refermait sur lui. Même incrédulité face à Keep in-out du sicilien Gaetano Battezzato (Teatri del vento) qui, en choisissant Matière et Mémoire de Bergson comme compagnon de route, en a laissé plus d’un au bord du chemin : l’abondance des accessoires comme partenaires de sa danse, le geste systématiquement répété et l’irruption des arts martiaux et du yoga ont mal caché la vacuité du spectacle. Deux choix étonnants dans une programmation courageuse et équilibrée, passionnante par endroits, mais qui manque visiblement de soutien, de communication et de visibilité durant un Festival d’Avignon qui, par le passé, s’est montré plus généreux de sa médiation. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
100% Danse, Quand les régions s’en mêlent… s’est déroulé en juillet au CDC–Les Hivernales d’Avignon
Sentir l’éclatement Le Festival d’Avignon et Marseille Provence 2013 se sont associés pour coproduire l’œuvre du plasticien marseillais Jean-Michel Bruyère, qui aime à travailler avec les fables et la représentation. Son installation plonge au cœur du mythe d’Actéon -chasseur qui contempla la déesse, fut par elle transformé en cerf, puis poursuivi et dévoré par sa propre meute. L’installation se présente en deux parties. L’une énigmatique, anecdotique et parfois potache, propose un trajet à travers plusieurs pièces de l’œil à la déjection, celui d’Actéon transformé en excrément, et dispersé. Voyeurisme, collection anale, intestin déroulé, tête de cerf coupé, le trajet va au bout du malaise, non sans humour, et
volontairement sans séduction. Et puis on entre dans le dispositif. Une projection en 360° et en 3D, qui quitte l’anecdote pour vous faire sentir, de
plein fouet, la massive analogie du monde. Qui part de la digestion des chiens, se projette dans des boyaux d’informations et d’images multipliés La dispersion du fils © Jean-Michel Bruyere
du monde, puis débouche dans le ciel infini, aussitôt happée dans d’autres flux, dans un va et vient incessant entre le dérisoire et l’immense, l’intérieur et l’extérieur, le connu et l’indénombrable. Et soudain l’actualité du mythe d’Actéon, de cet homme qui fut déchiqueté pour avoir contemplé l’interdit, apparaît : le flux d’images auquel on nous soumet est décidément dévorant. AGNÈS FRESCHEL
La Dispersion du fils a été exposé durant le Festival au gymnase Paul Giéra
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FESTIVALS
AVIGNON OFF
Le Off, un catalogue de chiffres Le 29 juillet, lors du bilan d’Avignon Festival & Compagnies, son président Greg Germain a affirmé que «le Off est le festival de tous les superlatifs». Chiffres à l’appui : 116 lieux, 26 régions, 20 pays, 969 compagnies, 1143 spectacles, plus de 26 000 représentations, 3593 pros accrédités, 870 auteurs du XXe siècle, 60 rencontres et débats dans le Village du Off. Un Village inauguré d’ailleurs pour la première fois par Frédéric Mitterrand (en 12 mns avant d’assister à la première de la Cour d’honneur), suivi de près par les candidats aux primaires socialistes. «Un geste de reconnaissance adressé au peuple des artistes qui mérite d’être souligné» selon le président d’AF&C, qui poursuit : «Le Off se tient à une place entre société civile et république des arts,
entre formation et professionnalisation. Entre loisir de masse et éducation populaire.» Le marché 2011 (pour ne pas dire «foire», un terme qui fait bondir Greg Germain qui lui préfère «lieu majeur de la diffusion»), aurait donc été exceptionnel «en terme de fréquentation». La preuve avec ses 45 000 cartes délivrées. Selon «toutes les enquêtes d’AF&C», «les abonnés restent 4 jours et voient 4 pièces par jour soit un peu plus de 100 000 entrées». La coupe est donc bien pleine ! Et la ville déborde pleinement, en son centre (hors remparts, le désert se creuse toujours plus, hormis quelques lieux de qualité qui résistent comme l’Entrepôt de la cie Mises en Scène, la Fabrik’théâtre ou la Maison du théâtre pour Enfants), d’artistes et de festivaliers qui s’effilochent inexorablement dès la fin du In (le président souhaite une harmonisation des dates).
systématique : «nous en reparlerons en table ronde». Si leur travail au sein d’AF&C est d’agir au-delà de l’édition d’un simple programme (création de partenariats, développement des publics, mise en réseau à l’international, fonds de soutien aux compagnies, communication), leur vision reste difficilement lisible. Comme la discussion autour de la mise en place d’une charte pour les lieux d’accueil qui tourne en boucle depuis des années. Et comme, malheureusement, peu de compagnies ou de lieux n’étaient présentes à ce bilan pour réfléchir, avec AF&C, à ce «phénomène de société capable de réunir 7000 artistes et des centaines de milliers d’entrées», un clivage apparaît entre ces artistes et l’association, qui semble préférer «les lois du marché» à la défense d’une programmation de qualité, pour lesquels elle a choisi de n’opérer aucune sélection. Or pour apparaître dans le catalogue du «grand marché du spectacle vivant», l’adhésion de chaque compagnie, de chaque lieu est obligatoire, et payante. Pourquoi ne pas imposer une charte, des critères et des normes, qui permettraient au Off d’éliminer pour le moins les propositions non professionnelles et les lieux indignes d’accueillir public et artistes ?
La quantité avant la qualité Mais après la quantité et l’aubaine financière, «un eldorado de 30 millions d’euros de contrats», quid de la qualité ? Des niveaux des spectacles, des prestations, de l’accueil, des prix des locations, du logement, de l’impact sur environnement (le Off draine 500 tonnes de papiers) ? Les membres de l’association, tous bénévoles, ont une réponse
DELPHINE MICHELANGELI
Ophélie branchée Inspirée par l’Ophélie de Shakespeare, la chorégraphe Hélène Cathala a offert à Nina Santes un sublime et court solo pour une héroïne d’aujourd’hui, en basket et jogging. Une jeune danseuse hypnotique et virtuose qui recompose merveilleusement le passage désenchanté à l’âge adulte dans lequel elle se débattra, sans se noyer. Entre expérimentation technologique et performance technique, la chrysalide en devenir évolue dans une forêt de couleurs flash projetées en fond de scène et sur les flots de capteurs sonores qu’elle déclenche d’un mouvement. Elle s’y fait violente, intrépide, provocatrice puis apaisée en créant des mélodies aléatoires, sous la houlette de l’électrocomposeur Arnaud Bertrand, présent sur le côté de la scène. La traversée initiatique, déroutante et créative, révélée par cette «jeune fille aux cheveux blancs qui veut partir sur la seule route où il y a du vent» (bonne idée d’associer cette chanson extraite de l’album concept le Fil de Camille), colle aux émotions chaotiques de la jeunesse. Un des très bons spectacles programmés cette année au Girasole. DE.M.
La jeune fille que la rivière n’a pas gardée s’est joué au théâtre Girasole du 6 au 29 juillet
la jeune fille... © Delphine Michelangeli-
Univers étranges Voilà un duo singulier inventé par le théâtre du Maquis. La comédienne chanteuse Jeanne Béziers et le contrebassiste Stéphane Diamantakiou ont rejoué pour la seconde année au Off leur étonnant Monstres, Songes et Song. Un condensé plutôt punk de fantasmes et de contes de fée, issus de l’inconscient prolifique de la chanteuse. Fantasque, décomplexée et diablement sexy du bout de ses claquettes, elle installe avec la contrebasse joueuse un climat monstrueusement contemporain. Le collectif Artmacadam a posé son univers parallèle dans un appartement de Villeneuve-les-Avignon. RMQC1 (première partie de Regarde moi qui change) est une proposition/exposition qui fait tomber les masques entre
spectateurs et artistes. Une étonnante installation déambulatoire, au gré de l’impulsion et de la curiosité du public, où rien ne se dit mais tout se montre. Les comédiens, installés en plan fixe dans chaque pièce de la maison, simulent des scènes de vie quotidienne (cuisinière, repasseuse, mariée scotchée au plafond) pas vraiment réjouissantes, qui finissent par éclater en morceaux. Non aboutis encore, la forme et le fond méritent d’être creusés. Une vraie curiosité. DE.M.
Monstres, Songes & Songs s’est joué au Théâtre du Grand Pavois du 8 au 31 juillet RMQC1 s’est joué le 23 juillet à Villeneuve-les-Avignon
Acrobate de façade Il faut le voir pour le croire. Antoine le Menestrel, qui a collaboré avec Castellucci, Ilotopie, Générik Vapeur, est un artiste hors norme qui n’a peur de rien. L’auteur-danseuracrobate a proposé en fin de festival trois représentations, au chapeau, de son nouveau solo La Bourse ou la vie sur les façades d’Arts Vivants en Vaucluse. Cet incroyable «fakir des parois» grimpe masqué et sans filet (ou si peu) sur les murs, passe de fenêtre en rambarde, danse au bout d’une corde en offrant une expression unique. Il met en scène son questionnement intime face à la société de consommation, avec ironie et grâce, et nous fait froid dans le dos parfois, même s’il assure ne prendre aucun risque dans son corps à corps avec les façades. Non vraiment, il faut le voir pour le croire. DE.M.
La Bourse ou la vie d’Antoine le Menestrel s’est joué du 26 au 28 juillet lors d’Arts Vivants en Vaucluse
FESTIVALS
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Western et Paresse Hors la loi est un des grands succès de la programmation au Théâtre des Doms pendant le Off. Du pur divertissement (belge) qui n’a pour prétention que de s’amuser à jouer avec les clichés du western et des rapports humains qui se déconstruisent face à la Loi. De ces spectacles qui font surtout rire (et décompresser) par leur finesse de jeu (les cinq acteurs, shérif affublé d’un cow boy frileux vs voleur, prostituée vs institutrice, sont décapants), des dialogues au scalpel (signés Régis Duqué) et une scénographie efficace (une estrade / tribunal où chacun tentera sa chance). Joyeux, sympathique et bien ficelé. Autre succès, mérité également, avec le seul-en-scène de Dominique Rongvaux qui a transformé les Doms en amphi (bondé). On est venu l’écouter faire l’Eloge de l’Oisiveté, d’après le manifeste du philosophe mathématicien Bertrand Russell. Passionnante dans sa construction littéraire (on y croise aussi Denis Grozdanovitch, la Fontaine ou le Dictionnaire étymologique d’Alain Rey), la démonstration de l’inanité du raisonnement capitaliste et de la nécessité de disposer de son temps est totalement efficace et diablement intelligente. Mais le spectacle laisse davantage le souvenir d’une excellente conférence prestement menée que d’une réelle partie de théâtre. DE.M
Hors la loi © Alice Piemme
Hors la Loi et L’Eloge de l’Oisiveté se sont joués au Doms du 8 au 28 juillet
Triple jeu
Solitudes partagées
Installée sous son chapiteau, la compagnie nîmoise Conduite intérieure a présenté Alice pour le moment, un drôle de spectacle, très bien écrit, de Sylvain Levey. Une histoire d’immigration et d’enjeux identitaires nous est donnée à entendre, ce qui est plutôt rare ou rarement réussi : une histoire de fillette sans toit qui tente de s’intégrer au gré des déménagements d’un père réfugié politique et d’une mère accaparante. «L’étrangeté» de la pièce tient surtout au parti pris de mise en scène parfois encombrant. Outre la proximité avec les spectateurs par sa structure scénographique, qui étouffe et perturbe parfois la spontanéité de jeu, le metteur en scène Christian Chessa a choisi de travailler sur la répétition en démultipliant cette héroïne (malgré elle) et de confier le rôle à trois actrices. Sa parole d’adolescente, forte et poétique, se retrouve parfois obstruée par un écho persistant trop systématique, où les voix se mélangent ou s’intercalent. Le triple jeu, un peu inégal même si pareillement investi, force sur la gravité et le drame. Mais ici le message reste le plus important, cette vie nomade «où l’on frôle les murs pour être transparente comme l’eau claire» est faite de possibles et de nouveaux départs.
Zor el Pacha c’est l’alliance subtile et réussie de deux artistes aux univers musicaux hétéroclites. D’un côté, Guillaume Saurel, violoncelliste inventif qui a longé les bords du rock et maitrise joliment les prolongements électroniques de son instrument acoustique. De l’autre, Lionel Damei, chanteur fantasque à la gestuelle de chat gourmand, auteur
passionné à la volubilité d’un Freddy Mercury et l’émotion d’une Barbara. Le duo compose un cabaret attachant qui s’éprouve dans l’intimité, entre lyrisme et drôlerie, mélancolie et réalisme désabusé. Ils jouent des histoires de voyages, de rencontres, convoquent Pasolini et Caravage, entre souffrance et espoir d’une vie moins fade. Des cris du cœur et du corps pour partager une infinie solitude de paroles en arpèges. Ces deux pinsons multicolores livrent une bouffée de sensibilité avec cette proposition originale, ne ressemblant à rien d’autre, et inventent une nouvelle chanson française juste et sincère. DE.M.
Zor el Pacha s’est produit du 8 au 31 juillet au théâtre du Verbe Fou
DE.M.
Alice pour le moment s’est joué du 6 au 27 juillet dans le cadre de Villeneuve en Scène
Zor el pacha © Delphine Michelangeli
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FESTIVALS
AVIGNON OFF
La belle au bain plongeant Il fallait oser ! S’attaquer aux quelque 850 pages de Belle du Seigneur d’Albert Cohen et en faire un spectacle de 45 petites minutes ! Roxane Borgna relève ce défi avec un talent rare. Elle a proposé le montage des textes à ses deux mentors, les metteurs en scène Renaud-Marie Leblanc et Jean-Claude Fall, et met en lumière le personnage d’Ariane et ancre l’intégralité de son monologue dans la baignoire, une scène mémorable de ce roman flamboyant. Le public est donc introduit dans l’intimité de la salle de bain de la belle, une baignoire tendue de blanc où, sous un filet d’eau brûlante, elle rêve et revit sa vie. Ses passions enfantines, ses ébats ridicules avec son ridicule mari, sa rencontre avec l’Amant, Solal. En quelques dizaines de minutes, à force d’ablutions, la femme amoureuse émerge de l’enfant et de la midinette. Roxane Borgna s’asperge (et le public avec elle), se caresse et se tord dans l’impudique ingénuité de la passion naissante. Et dans toute cette blancheur de catafalque, la mort rôde déjà… Le spectacle, d’une rare intensité, donne envie de replonger dans le bain bouillonnant des mots de Cohen. FRED ROBERT
Belle du Seigneur © Marc Ginot
BO posthume
«À voix et scène nues»
En sortant de la salle, un jeune homme en colère vitupérait, criant à la trahison d’un chef-d’œuvre… Il était bien seul avec ses récriminations ! Car, une nouvelle fois, le public a fait un triomphe à la performance musicale et théâtrale des 3 compères du Cartoun Sardines Théâtre. Sonoriser en direct le Faust de Murnau, Patrick Ponce, Pierre Marcon et Jérôme Faravel s’y entendent, avec tout ce qui fait la magie de leur trio exigeant et ludique :
C’est ainsi que Philippe Caubère a voulu rendre vie à André Benedetto dans son théâtre des Carmes. Histoire de rappeler que celui-ci n’était pas que directeur de théâtre et président du Off. Histoire de réparer une injustice en révélant «qui était ce poète, cet acteur, ce démiurge». Alors, seul sur scène, tout de sombre vêtu, il dit 3 textes de Benedetto, l’un sur Vilar et le festival, l’autre sur Artaud et Marseille, le dernier sur Gilles Sandier. Et ce faisant, il incarne si fort son maître et ami qu’on en vient à se demander qui se tient là devant nous. Est-ce la pensée de Benedetto qui se déploie ? Ses mots ? Est-ce Caubère qui improvise au risque (assumé) de perdre son texte ? Un exercice troublant de parole théâtrale, que des poèmes crachés au micro dans d’assourdissants riffs électriques viennent ponctuer, de façon hélas plus artificielle. Au-delà de l’homme, c’est à une certaine idée du théâtre et de la poésie, engagée, politique, dérangeante, que Caubère rend hommage avec ce fervent Urgent Crier !. F.R.
sens du détail, décalage, humour, anachronismes, poésie. On est très loin de la parodie lourde ou de l’irrespect. Ce Faust, qui a beaucoup tourné depuis 2004, exige une maîtrise de l’œuvre filmée, une véritable connaissance de l’univers expressionniste de Murnau et de la subtilité dans sa «traduction» sonore. Une fois encore, c’était… à se damner ! F.R.
À la vie à l’amour Mention spéciale pour ExVoto de Xavier Durringer présenté au Girasole Théâtre dans une mise en scène efficace de Christophe Luthringer. Cette histoire d’amour entre deux paumés, Léa et Gus, que chacun tour à tour raconte et dont ils jouent les épisodes clés, dès le début (leur rencontre à la fin d’un concert de rock) on y croit. Force de la langue percutante de Durringer ? Sûrement. Nostalgie distillée par la musique des King Crimson ? Sans doute. Mais surtout le jeu d’un duo d’acteurs très
convaincants. Sandrine Molaro incarne passionnément une Léa cocasse et pleine de vie, à laquelle sa situation de SDF n’a fait perdre ni son punch ni sa dignité. Quant au personnage de Gus, Gilles-Vincent Kapps lui insuffle une tendresse rêveuse très émouvante. De déboires en cavale, tous deux entraînent le public à leur suite, dans cette existence précaire certes mais ivre de rêves, d’amour et de rock’n’roll. Un joli pied de nez à tous les conformismes contemporains. F.R. ExVoto © BM Palazon
Maux d’enfants Elles sont quatre. Quatre femmes, de quatre générations différentes, qui débarquent sur scène avec carriole, fauteuil roulant, étoffes et instruments de musique. Quatre comédiennes chanteuses ambulantes qui installent pour une heure leurs tréteaux et offrent un tour d’horizon de l’enfance souffrante et exploitée, à travers textes, chansons et saynètes. L’Atelier du Possible a créé Immenses et minuscules à l’occasion du 20e anniversaire de la signature de la Convention des Droits de l’Enfant. 22 ans plus tard, ceux-ci restent souvent peu respectés, et pas seulement sous des latitudes lointaines. C’est ce que ne se privent pas de rappeler les quatre bateleuses. Le spectacle n’évite pas toujours le didactisme ni les bons sentiments… mais la drôlerie d’Isabelle Desmero, l’ardeur pugnace de Tamara Nicot, la conviction de toutes le sauvent de la mièvrerie et le rendent attachant. F. R.
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Corps pour corps
D’outre tombe Choix très judicieux que celui de la cie montpelliéraine La Vaste entreprise de s’installer dans la petite salle de la Chapelle Sainte Claire, au Théâtre La Mastication des morts © X-D.R.
des Halles, pour jouer La Mastication des morts ! Dans ce petit écrin faiblement éclairé par quelques bougies et ampoules, les morts mastiquent (peutêtre), mais surtout ils parlent, enterrés côte à côte dans le petit cimetière municipal, après avoir passé leur vie à s’aimer, s’éviter, se chamailler… Pas de répit donc, et la libération des voix et des âmes va provoquer un témoignage croisé jubilatoire entre confidences et aveux, de destins cocasses en vrais drames. Dans une tenue de circonstance, sorte de soutane d’un autre âge, enfermé dans une boîte/ cercueil/caveau, Nicolas Heredia incarne tous les personnages ; avec beaucoup de grâce il donne souffle et vie à chacun, s’appuyant sur le texte très rythmé de Patrick Kermann, et finit par se transformer en moulin à paroles, aussi fragile et dérisoire que les épitaphes qui s’affichent au-dessus de lui. Et il insuffle poésie et vitalité aux souvenirs ! DO.M.
La Mastication des morts a été joué au Théâtre des Halles du 7 au 29 juillet
Une tête bien pleine occupe l’espace comme les questions occupent sa tête, bondissant et virevoltant avant de s’arrêter net. Et si, et si… Mais les résultats la rassurent, tout va bien. Alors pourquoi ne pas s’être arrêté là ? La deuxième partie, une suite maladroitement accolée censée nous persuader du bien fondé de son choix pour l’humanitaire en remerciement à ce destin si généreux, nous éloigne de Mado, et de sa liberté de ton réjouissante.
Salomé Lelouch et Rachel Arditi se connaissent bien -la première dirige la seconde pour la quatrième fois, et Ce jour-là a quelque chose du modelage symbiotique. Car Mado, dont un moment de vie nous est dévoilé, est un peu un mélange des deux, Rachel Arditi se coulant aisément dans le corps de cette jeune femme résolument moderne qui attend les résultats de son test HIV. Et ce jour-là –qui n’a jamais vécu une attente similaire ?- forcément tout bascule. Et Mado de se poser d’innombrables questions, de faire un point sur ses angoisses, ses envies, ses névroses, ses espoirs. Car qui dit attente… La mise en scène épurée, le plateau quasi nu aident à l’introspection ; Rachel Arditi, dont le jeu est parfait,
DO.M.
Ce jour-là était programmé au Théâtre du Chêne Noir du 7 au 29 juillet
Un cœur gagné Cœur @ prendre, comme une petite annonce lancée à la face des hommes, un cri de solitude qu’une femme, Marguerite, la cinquantaine, essaie de combattre du fond de son Q.G. comme elle l’appelle, Coeur @ prendre © X-D.R.
le café dans lequel elle donne rendez-vous à des hommes rencontrés sur Internet le vendredi, jour de R.T.T. S’adressant aux spectateurs, Marguerite attend, et raconte, avec beaucoup d’humour, d’impudeur parfois et de gaieté malgré tout, sa difficulté à être seule, à aimer et être aimée, des hommes (et quelle galerie de portraits, truculente à souhait !), de sa mère aussi, qui n’a jamais pris le temps d’un élan ; et elle danse et chante aussi, collée à son juke-box, Richard Cocciante (déchirant Marguerite), Joe Dassin, Nino Rota… Avec humour, subtilité, émotion et beaucoup de tendresse, sans jamais tomber dans le pathos, le solo d’Edmonde Franchi nous offre une bouffée d’humanité, de celle qui se remet toujours en selle pour croire, dit-elle, que «le meilleur est à venir». Optimiste, encore et toujours ! DO.M.
Cœur @ prendre a été joué au Théâtre des Lucioles du 8 au juillet
Une voix sensuelle s’adresse au spectateur, une femme s’avance dans le public. Perchée sur ses talons aiguille, elle est maladroite, attendrissante, jouant de déhanchements. Elle enlève lascivement ses gants comme Rita Hayworth, puis ses bas. Bientôt, dans un savant contre-jour, elle ôte son string; nue, elle regarde le spectateur dans les yeux pour lui parler de son corps, de désir et de plaisir. On croit s’être trompé de salle... Théâtre ou strip-tease ? Le texte de Cédric Orain semble vouloir contextualiser l’exhibition pornographique -le 1er strip date de 1894 et il eut lieu à Paris- et évoque toutes ces femmes cachées derrière leurs noms de scène obscènes : Pamela Boum Boum, Bambi, ou Kiki de Zanzibar ! Moment fort où Céline Milliat-Baumgartner fait une longue énumération de ces noms d’effeuilleuses. Cependant le dernier tableau au cours duquel elle s’échine sur sa barre jusqu’à l’épuisement laisse perplexe ; si l’on apprécie sa plastique et son jeu, on n’est pas convaincu qu’ils produisent une réflexion sur le commerce du voyeurisme. CHRIS BOURGUE
Striptease – mes Cédric Orain du 7 au 29 juillet au Théâtre du Chêne Noir Striptease © Frederic Iovino
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MARTIGUES | CAMARGUE
Folklore, arts des peuples On peut s’interroger sur la notion de folklore, qui tend parfois à ethniciser les cultures populaires en effaçant leur communauté de classe sociale pour faire renaître, souvent artificiellement, d’anciennes spécificités de costumes ou de ritournelles. Est-ce le cas à Martigues ? Ce 23e festival de Martigues rencontre un large succès public et pas seulement parce qu’il y a de jolis costumes ! Précieuses tenues du Cambodge, couleurs virevoltantes des jupes provençales, coiffes fleuries d’Ukraine, jupes légères de Pologne, costumes chamarrés de Chypre ou de l’Altaï, délicieuses espagnolades, orientalisante Serbie et robes sublimes du Mexique, dentelles et chatoiements, tout cela tourne, bondit, s’esclaffe, joue. Les chapeaux s’envolent, la vie quotidienne se transmute en danse et en chants… et évoque les travaux saisonniers, la dureté de la mine, les scènes champêtres, mariages, disputes, retrouvailles… Un condensé de vie avec une distanciation ironique, une manière de parler des choses graves du bout d’un entrechat : humour des Belges quant aux relations amoureuses, parodie du matamore de l’Altaï, révolte des femmes… Les danses narratives sont vives, légères… avec des prouesses de cirque, lorsque les verres s’étagent sur le front des danseurs ou que les machettes sonnent et que les bâtons croisés ajoutent un frisson de danger à la danse des hommes «aux pieds légers». Les instruments traditionnels, du galoubet à la bandoura et ses 27 cordes, offrent des jeux souvent virtuoses. Quelle merveille de les entendre s’unir sous la houlette sautillante et joyeuse d’André Gabriel !
Capouliero –association fondatrice du Festival. Car le folklore est perçu ici comme un double enracinement, dans un territoire dont on sert la mémoire, et dans le monde où chacun apporte sa contribution pour un art populaire vivant qui constitue un véritable hommage à la solidarité des peuples. Ainsi, ce n’est pas par hasard si les festivités s’ouvraient par un éblouissant concert de Gilberto Gil qui conviait à une promenade principalement dans le nord est du Brésil. Tous les genres et les registres y passent, du chachado à la samba, la salsa, le baiao, mais aussi les sotchs issus du scottish, le rock… sans compter une interprétation renouvelée de No woman no cry… Deux heures de spectacle à couper le souffle, le public danse, chante, Gilberto Gil accomplit des prouesses ! Une autre preuve que le folklore ne se conjugue pas qu’au passé ? Martigues réservait aussi la surprise d’artistes nouveaux, les quatre jeunes chanteurs du groupe Soweto Entsha entre autres. Mise en scène dynamique, voix superbes, humour, qualité des morceaux, Come to Africa prend des allures de tube ! Car au Festival de Martigues «Le folklore est la science du génie des peuples» ! En dépit et en résistance à l’absence, pour des problèmes de visa des représentants du Togo… Gilberto Gil © Marcos Hermes
Hymne à la joie où l’accordéon et l’oud répondent aux violons et aux guitares… Dans l’orchestre des musiciens d’Europe, la musique précède de loin tous les politiques, l’accord ici se fait sans couac ! Des surprises sont ménagées entre l’ancien et le nouveau avec cette Matelotte Hip Hop du Ballet La
MARYVONNE COLOMBANI
Le Festival de Martigues a eu lieu du 18 au 26 juillet
Au bord de l’eau Clôture festive pour les Envies Rhônements le 9 août. Au Bois François la programmation s’offrait très éclectique et accueillante, atmosphère art et
guinguettes alternatives, badauds musant jusque tard dans la nuit. Passés la caravane ludique de Raoul Lambert et les guérites restaurantes, la cie Studio
Qui l'eut cru(e) installation, photographies sonores, David Desaleux - Jerome Huguet © C. Lorin
Eclipse avait ouvert les réjouissances avec les chorégraphies aquatiques très poétiques et flottantes de Two sink, three float. Puis on pouvait ouïr les caustiques diatribes poético-politiques de JeanGeorges Tartar(e) à propos de l’Âme Américaine (Nord et Sud) et explorer deux installations intrigantes et participatives. On va voir ce qu’on va voir offrait des saynètes architecturales pour Playmobil® dans des boîtes de carton bricolées par Eric Heilmann, visibles à travers des lentilles grossissantes, ponctuées d’injonctions («on n’y croit plus») pour voyeurs-rêveurs de tous bords ; le dispositif du photographe David Desaleux et du sociologue Jérôme Huguet Qui l’eut crû(e) faisait entendre la relation particulière des riverains au Rhône : écoute au casque des témoignages, portrait tiré en grand format dans des caissons rétro-éclairés. Puis le duo La y Ka illumina la nuit d’un concert world vibrant entre musiques traditionnelles africaines (kora) et celtiques (harpe)… CLAUDE LORIN
La 12e édition des Envies Rhônements a eu lieu du 28 juillet au 9 août en Camargue
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FESTIVALS
AIX
Hormis les opéras (voir Zib 42), le Festival d’Aix programme des concerts, avec cette année le London Symphony Orchestra comme figure de proue. Retours sur quelques soirées !
Un autre été à Aix Après le long silence qui clôt la 8e symphonie de Chostakovitch, impressionnante de gravité, comme la main du maestro Valery Gergiev se referme lentement sur l’ultime note du London Symphony Orchestra, le public retient son souffle : il attend d’interminables secondes avant d’applaudir, de peur peut-être de briser l’égrégore établi deux heures durant entre les musiciens. On se dit, ce 23 juillet, qu’on vient d’assister à un moment exceptionnel. Seuls peut-être, à Aix, ces dernières années, le Berliner Philharmoniker et Simon Rattle avaient, dans Brahms, écrit d’aussi belles pages. Avant le tragique développement symphonique du Russe, inspiré par les horreurs de la guerre, le L.S.O. avait livré une perle française. On n’a jamais entendu La Mer de Debussy avec une telle clarté dans la conduite du discours, partant du silence pour atteindre la vibration pure, coloration éthérée d’un élément soluble, vaporeux, quand la lumière jaillit sur le roulis qui se creuse à l’embouchure d’une trompette, en sourdine, ou l’anche acidulée d’un hautbois... Magique ! Un enregistrement à retrouver chez LSO Live.
Chant d’Orphée Il est des moments de grâce où tout s’accorde. Le concert du 17 juillet comptait indubitablement parmi ceux-ci. Complicité fusionnelle entre Sir Colin Davis et son Orchestre, le London Symphony Orchestra, jeu transcendé de Nelson Freire… Beau à en pleurer, et la qualité du silence et les acclamations nourries furent éloquentes. Sir Colin Davis dirige assis, avec une économie de gestes stupéfiante comme ces vieux maîtres qui n’ont qu’à lever un sourcil pour se faire comprendre. Et l’essentiel est atteint, perfection des cordes, subtilité des vents… L’air semble se transmuter en chant, dans l’interprétation de la Symphonie 99 en mi bémol majeur de Haydn. La Symphonie N°6 du méconnu et étonnant Carl Nielsen, sait établir une distanciation ironique, si rare en musique, et faire entendre chaque pupitre et chaque soliste de l’orchestre… Bien sûr dans le Concerto 20 de Mozart le dialogue est sublime entre piano et orchestre, jeu aérien, cadences inventives, envolées lyriques poignantes… En bis, la délicate transcription du Chant d’Orphée de Gluck, morceau fétiche de Nelson Freire… un instant d’éternité.
Croisements passionnés Le 19 juillet, l’Hôtel Maynier d’Oppède accueillait le concert de l’Académie 2010. Emmanuelle Cordoliani lit la correspondance de Rilke, Pasternak et Tsvétaïeva. Le pianiste Emmanuel Olivier assure les liens musicaux avec justesse et sensibilité, il est tour à tour Rainer, Boris. La jeune soprano russe Elena Galitskaya, expressive et
Sir Colin Davis et le London Symphony Orchestra © Jean-Claude Carbonne
sensuelle, traduit la douce poésie de Tsvétaïeva à travers la musique de Chostakovitch (Six poèmes): accords sobres et teintes sérielles. Le baryton allemand Christian Ebert, beau timbre et subtilité dramatique, chante les Sonnets à Orphée de Rilke sur des musiques expressionnistes du compositeur finlandais Einojuhani Rautavaara. Le temps s’arrête, on écoute les passions : «laisse-moi seulement croire que je respire le même air que toi» (Marina à Boris), la tristesse à l’annonce de la mort de Rilke : «tu m’as précédé pour mettre un peu d’ordre dans le paysage, pour ma bienvenue» (Marina à Rilke). La Nouvelle de Rilke, Die Weise von Liebe und Tod de Victor Ullmann, compositeur juif exécuté à Auschwitz en 1944, souligne l’absurdité de la mort au combat. Trois poètes exaltés, magnifiés par des musiques ciselées, dans une mise en espace minimale fort réussie.
Tragédies intemporelles Le 20 juillet Véronique Gens, beauté sculpturale, très expressive, a distillé un programme délicat, essentiellement romantique pour cette mozartienne reconnue. Christophe Rousset et ses Talens Lyriques baroques semblaient ravis des incursions dans le XXe siècle. La tragédie se promène dans le temps ! L’ensemble manque de densité dans certains répertoires (Verdi, Berlioz), mais on apprécie sa rondeur, sa souplesse. La soprano parcourt le destin d’héroïnes fragiles et passionnées. Iphigénie de Gluck, Ariodante de Méhul, Thésée de Gossec. Dans Le Prophète de Meyerbeer on apprécie un legato magnifique et la plainte de Didon des Troyens de Berlioz est à peine effleurée, élégance extrême. L’ouverture de Médée de
Cherubini, moment de fougue, fait oublier les instruments anciens, Rousset donne les tempi et l’énergie nécessaires. Une belle mosaïque de portraits de femmes, faites d’arias peu connues, sans mise en scène, sans décor. Sans artifices ?
Rives en miroir Abbaye de Silvacane le 21 juillet. Comme un funambule danse éperdument devant le miroir, L’Autre rive de Zad Moultaka joue sur une construction inversée, mêlant texte et musique en deux vagues identiques qui s’articulent en une symétrie d’échos… douze mouvements par deux fois entre le cloître et l’église, séparés et perméables pourtant. Les portes de communication restent ouvertes, les rives distinctes se croisent, langues arabe et grecque reprises dans un langage inventé construit à partir de leurs phonèmes respectifs. Les voix de Musicatreize s’élancent, pures, comme anciennes, s’accordant aux couleurs de la guitare, des percussions, de cymbalum envoûtant… Les deux gestes (au sens de cycle de poèmes épiques, il y a 24 chants dans l’Iliade) sont interprétées simultanément, les artistes glissent de l’une à l’autre, une respiration d’univers qui se dilate et se reprend… L’individu s’interroge, «monstre à triple tête, éparpillé dans un immense miroir», aux frontières de la légende. Cette œuvre d’une grande poésie portée depuis plusieurs années par l’ensemble de Roland Hayrabedian vibre particulièrement dans l’air du soir, alors que les pipistrelles s’affolent sous les voûtes… JACQUES FRESCHEL, MARYVONNE COLOMBANI ET YVES BERGÉ
CÔTÉ COUR | THÉÂTRE SILVAIN | PALAIS LONGCHAMP
Prima la musica ? Joli cadeau le 9 juillet pour l’ouverture du Festival Côté Cour : visite du Musée Granet, causerie sur la thématique du Festival, puis concert. Benito Pelegrín donnait le ton brillamment : survol érudit sur la dualité mot/note ; du verbe de la Bible aux premiers pas de l’opéra, l’aventure éclairée de ce couple majeur. Puis l’Ensemble Tutti Bassi, 7 violoncelles, 1 contrebasse, issu des Formations de Chambre des Pays catalans, et son chef François Ragot proposent un programme essentiellement baroque. Audacieux pari de ces sonorités graves, où les thèmes sont joués par le violoncelle du chef, les autres assurant harmonie, contrechant, variations. Mais on a du mal à oublier violons, clavecin, orgue, théorbe, flûte, basson ! La présence de la mezzo-soprano Lucie Roche donne plus de poids à l’ensemble : le timbre est splendide, proche du contralto. Voix grave qui élève, transcende le groupe. Les mots avaient pris le pas sur les notes !
Jeunes et beaux L’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée réunit les meilleurs élèves des conservatoires méditerranéens (16 pays cette année) pour qu’ils apprennent leur métier et se confrontent à de «vraies» conditions de répétition et de représentation. Depuis 2 ans cet OJM a pris un envol inattendu, sous la coupe du Festival d’Aix et l’œil attentif du London Symphony Orchestra, qui encadre chaque pupitre. Le concert du 27 juillet au Théâtre Silvain était donc une magnifique fête, dédiée aux 50 ans d’Amnesty International, rassemblant un public nombreux et métissé. Sous la direction de François-Xavier Roth les jeunes musiciens ont interprété la 1er Symphonie de Malher, dite «la Titan», avec une intelligence musicale exceptionnelle, un sens allemand du phrasé, juste ce qu’il faut d’enflure post-romantique, de retenue haletante… Un répertoire qui leur allait mieux que la pièce contemporaine de Charlie Piper, une Twittering Machine grippée et peu intéressante, même dans le travail des effets contemporains. Bien sûr les pupitres n’ont pas la cohésion, ni l’ampleur, ni même la souplesse d’un orchestre professionnel qui travaille régulièrement un son commun. Bien sûr on entend quelques faiblesses dans les vents lorsqu’ils sont à découvert, les percussions décalent un brin, et on se souvient de la très belle interprétation de l’orchestre de Marseille la même saison. Mais cet OJM, nécessaire aux musiciens qui veulent entrer dans la carrière, confirme la grande qualité de la génération montante, et est un concept pédagogique et humain splendide.
Lucie Roche Tutti Bassi © Yves Bergé
classiques réjouissants. Notes et mots continuent leur chemin, bras dessus, bras dessous….
In love Le concert de clôture le 27 juillet fut un moment de grâce : Shakespeare sublimé par la musique de Purcell. Le Concert de l’Hostel Dieu propose une mise en espace, où le comédien Jacques Chambon invite à l’écoute des sonnets et drames du Maître anglais : si la musique est l’aliment de l’amour, jouez donc ! Franck-Emmanuel Comte, directeur, assure au clavecin basse continue et ornements ; François Costa, violon, Annabelle Luis, violoncelle, Etienne Galletier, guitare et théorbe, sont enthousiastes et expressifs. Théophile Alexandre, jeune contreténor, est magnifique dans les airs planants, et maîtrise souffle et nuances comme dans les airs plus ornés. Et le jeune homme danse ! Comme on le faisait dans les Masques, où tous les arts étaient mêlés. Entre gigues et sonnets, le masque The Fairy Queen de Purcell, inspiré du Songe d’une nuit d’été de Shakespeare, est le fil rouge de la soirée. Hymne à l’amour délicieux, so british qui conclut une programmation étonnante de qualité.
Proximité Le 17 juillet Robert Rossignol, pianiste, Aïssa Malouk, slameur et Marylène Olivier, chanteuse gospel, nous ont fait partager une nuit d’enivrement métissé. Rossignol passe d’un style à l’autre, énonce un thème qu’on se plaît à reconnaître (Debussy, Chopin, Delibes…) puis break soudain et c’est parti pour une folie jazz, gospel; un quartet brillant se lance dans le bain avec enthousiasme et assure de beaux solos. Malouk slame des textes percussifs, bête de scène au charme irrésistible. Marylène Olivier chante et dirige son ensemble Gospel : très belle voix, couleurs sombres aux graves expressifs et mordantes dans l’aigu, née dans l’essence même du son et du rythme. L’ensemble vocal, amateur, force le respect. Une vraie féérie soul, gospel, jazz, avec des clins d’œil
AGNÈS FRESCHEL
Le concert du 27 juillet était organisé par la régie culturelle PACA et accueilli par la mairie du 1er secteur de Marseille dans le cadre de la saison du Théâtre Silvain
YVES BERGÉ
Don Giovanni © Muriel Despiau
facilité pour son adaptation du Don Giovanni de Mozart. Dans une mise en scène fourmillant d’idées (chez Karine Laleu le Catalogue se case dans la carte-mémoire d’une caméra numérique…), dirigée finement du clavier par Ludovic Selmi, les récitatifs italiens de da Ponte ont été remplacés, remodelés pour une meilleure compréhension, par des extraits en français des pièces de Molière et Tirso de Molina. Une très bonne idée, comme le choix du lieu ! Car la scène adossée au mur nord du Palais Longchamp réserve une belle acoustique. Les solistes ont donné le meilleur d’eux-mêmes, dans la difficile alternance du théâtre parlé et des arias chantés. On a particulièrement apprécié les qualités de comédiens de Laurent Arcaro (Don Juan) et Laurence Malherbe (Elvira) ou le beau chant de Lucile Pessey (Anna)... J.F
Don Giovanni a été représenté dans les Jardins du Palais Longchamp du 2 au 10 sept.
©Nicolas Leblanc/Theatre Sylvain
Première mozartienne L‘Opéra-théâtre Pour Tous, dirigé par Cyril Rovery, «a pour vocation d’être un centre d’insertion professionnel et de promotion» de jeunes chanteurs. Dans la foulée d’une série de master classes de haut vol (Jean-Pierre Furlan, Véronique Gens, Leontina Vaduva, Mireille Delunsch, Marie-Ange Todorovitch), fidèle à son engagement, elle a présenté sa première production… et n’a pas choisi la
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DURANCE LUBERON | CHAILLOL
Châteaux sans chapelle Le Festival Durance Luberon, œuvre de passionnés et de bénévoles, joue sur une programmation éclectique et variée d’une belle tenue, pour une 20e édition enchantée ! L’ApérOjazzZ du groupe BéAttitude au Château d’Arnajon proposait un programme qui mêle Joseph Myrow, Duke Ellington, Antônio Carlos Jobim, Louis Armstrong, Cole Porter, Stan Getz, Chet Baker… évoqués par la chanteuse Béatrice Bini, voix souple, expressive, d’une large étendue, un timbre clair qui sait s’enrouer, un rythme précis, de l’humour. On passe du jazz classique aux plages du Brésil avec Corcovado… À ses côtés, superbes dans leurs improvisations, Richard Larrozé sur son synthé fluide, Florent Maynard à la guitare virtuose, Christian Bini à la batterie précise et inventive, Yann Delannoy à la contrebasse d’une surprenante variété… Le tout dans un esprit de liberté et une complicité sensible ! Au jazz répond le chant lyrique. Ainsi au Château de la Verrerie, Monique Borrelli, soprano colorature, campait une délicieuse Suzanne, ou une mutine Zerlina face au baryton Ulrich Studer, tour à tour Comte des Nozze di Figaro, Don Giovanni… Papageno et Papagena s’en donnent à cœur joie ! Franck Villard au piano, se mêle parfois au chant, et régale l’auditoire par les Fantaisies de Mozart. Le Château de Mirabeau se plongeait quant à lui dans le merveilleux des contes : la légende de la Belle Maguelonne de Brahms, avec la voix pure de Paloma Pélissier en fragile et délicate Maguelonne et l’éloquent baryton Philippe-Nicolas Martin en
Carmina Burana © Bertrand Perisson
Pierre de Provence. Agnès Audiffren à la narration apporte aux textes une ironie discrète, joue des situations et des personnages avec esprit et glisse de la légende aux contes de Ma mère l’Oye dans la version ballet. La partition de Petrouchka avec ses rythmes ses acrobaties, devient lumineux souffle d’histoire sous les quatre mains virtuoses de Frédérick-Alexandre Pélissier et Vladik Poloniov, et anime les belles marionnettes de Loïc Bettini. Enfin, le Château de la Tour d’Aigues voyait une représentation vivante, colorée, spirituelle des Carmina Burana de Carl Orff, dans sa version pour percussions, deux pianos et chœur. L’ensemble
vocal aixois Ad Fontes Canticorum était mené comme un chœur d’opéra, pupitres mêlés, mise en scène réglée par André Lévêque pour une belle occupation du plateau retrouvant l’esprit du (faux) Moyen Âge, jaillissant, distancié, moqueur… Chansons à boire, à aimer, les voix sont belles, la direction musicale de Jan Heiting pleine de verve. Le public s’envole ! MARYVONNE COLOMBANI
Le Festival Durance Luberon a eu lieu du 12 au 25 août
À pas de géants argentine ou du jazz, l’idée n’est pas de se restreindre à un répertoire, mais d’ouvrir les publics à la musique, qu’elle soit occidentale ou extraeuropéenne, à travers des échanges forts qui nourrissent ces rencontres entre artistes. Écouter éberlué le
génial improvisateur François Rossé au piano dialoguer avec les cloches de brebis, les sifflements et divers sons du berger Mixel Etxekopar a quelque chose d’unique. Descendu de ses montagnes pyrénéennes, porteur d’une tradition musicale orale, celui Ahmad Al-Khatib et Youssef Hbeish © Alexandre Chevillard
Investir une région magnifique et réussir à la placer au premier plan dans le domaine culturel, voilà le pari réussi du Festival de Chaillol. Vitrine estivale d’une structure dynamique et à l’activité croissante, le festival place la barre toujours plus haut avec en 2011 une vingtaine de concerts, une dizaine de communes visitées mais surtout une qualité musicale, des choix culturels singuliers et humains. Ce qui singularise également cette manifestation est la volonté de multiplier les accès au public, toujours plus nombreux : territoires partagés, balades musicales, ateliers d’initiation, mais aussi rencontres et débats avec les artistes présents sur scène… que ce soit après un concert entourés du public ou avec les nombreux stagiaires du stage instrumental. Quant à la qualité, de l’intégrale des sonates pour violon et piano de Beethoven à la musique
qui prétend sortir du conservatoire inter cosmique de son village est un vrai musicien, fin connaisseur de la nature, à la culture différente de son acolyte, passé par la classe d’Olivier Messiaen. Cette rencontre illustrée par le concert Transhumantzia a enchanté l’auditoire. De même, le duo oud/percussions d’Ahmad Al-Khatib et Youssef Hbeish a illuminé la petite chapelle de Bénevent par des dialogues d’une incroyable finesse au cœur de la tradition orientale. Ce n’est d’ailleurs pas terminé : la programmation reprend au mois de novembre. Autour de la structure du Bocage, une véritable plateforme musicale pourvoie désormais le département des Hautes-Alpes tout au long de l’année, ce qui donne une dimension grandissante à cette manifestation, qui n’est plus seulement un festival. FRÉDÉRIC ISOLETTA
ORANGE | CASSIS
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Un fort goût d’Orange Rigoletto : dans le rôle titre, l’irremplaçable Leo Nucci (plus de 400 Rigoletto !) habite le personnage de bouffon raillé, de la malédiction à la douleur : l’acteur est d’une vitalité exceptionnelle et la Vendetta fit oublier le poids des ans plus sensible ailleurs. Le ténor Vittorio Grigolo a des moyens somptueux, des aigus éclatants, mais son surjeu dénature son élégance vocale. La Gilda de Patrizia Ciofi, sublime, à la limite de la cassure, sur un fil, électrise le plateau. Monterone (Roberto Tagliavini), sonore comme il se doit, et Sparafucile (Mikhail Petrenko), grand et sombre, apportent une belle contribution. L’orchestre National de France, excellent, luttait le 30 juillet contre le mistral, son chef Roberto Rizzi-Brignoli imprimant des tempi enlevés. Les chœurs (Avignon, Toulon, Nice, Tours) maîtrisent l’espace avec vigueur et engagement, et les décors de Paul-Emile Fourny reposent sur des changements efficaces à la mesure de l’espace : façade inclinée, ancrée dans le sol, symbole du déséquilibre de la Cour ? Mais Orange n’est pas que lyrique : le 11 juillet le pianiste russe Denis Matsuev y a offert une prestation… d’extraterrestre ! Rachmaninov, à la création du 3e concerto en 1909, n’avait pu rejouer cette œuvre démoniaque malgré l’hystérie du public réclamant un bis ! La performance de Matsuev est étonnante : toucher élégant, piano à peine effleuré dans le thème populaire, cadences diaboliques ensuite et pianissimi extrêmes dans l’Adagio avant la déferlante du Finale, accords en octave d’une incroyable maîtrise. Tugan Sokhiev, présent, précis, chaleureux, fait corps avec l’Orchestre National du Capitole de Toulouse dont il tire de merveilleuses sonorités. La Cinquième symphonie
Rigoletto © Philippe Gromelle Orange
de Tchaïkovski mit ensuite en évidence le travail détaillé de Sokhiev : quatre mouvements, offerts par un Capitole de Toulouse au sommet, soit cent solistes au service d’un collectif ! Le 16 juillet, autre must : les 9e et 8e symphonies de Beethoven, toujours avec l’orchestre du Capitole dirigé par Sokhiev. Le public y attend l’Hymne à la joie, transposition musicale de l’Ode à la joie de Schiller, célébrant un idéal de fraternité, hymne européen depuis 1972. Le 4e mouvement, devenu culte, est énoncé aux violoncelles, puis contrechant des bassons, entrée des violons, et tout s’enchaîne
par magie : quel développement ! Les solistes se sortent remarquablement de ce piège musical même si Nathalie Stuztman, au timbre velouté magnifique dans les Lieder et mélodies, a du mal à lutter contre cette écriture démesurée. Les 90 choristes du chœur de l’Orfeon Donostiarra apportent leur fougue énorme. La 8e symphonie paraissait fade après cette déferlante, et les quatre mouvements de facture et couleurs trop classiques… YVES BERGÉ
Cassis à l’Estonienne Surplombant la plage du Bestouan, à Cassis, la Fondation Camargo, institution américaine pour le mécénat d’artistes, accueillait un mini Festival organisé par l‘Agence des Relations FrancoEstoniennes.
audaces harmoniques qui amènent à Debussy : La Cathédrale engloutie, les Collines d’Anacapri et Jardins sous la pluie sont une fête du son, de la couleur, de l’image…
Souffle
Le programme du 29 juillet annonçait Les grands airs lyriques ; c’était, en fait, un voyage sur des airs baroques, mozartiens, mélodies et Lieder romantiques qui permit de découvrir une belle voix de mezzo et une accompagnatrice d’une grande sensibilité. Stéphanie Mahue, timbre chaleureux, belle maîtrise du souffle, nous fit planer avec Haendel. Le sublime In der Fremde de Schumann, posé sur un legato velouté, précédait un chant tzigane de Dvorak (en tchèque) et Ne poy krasavitsa de Rachmaninov (en russe !). Puis Reflets de Lili Boulanger, merveilleuse ondulation vocale aux couleurs impressionnistes, concluait cette parfaite maîtrise chantée des 4 langues ! Aude Charlemagne fit d’intelligentes transitions : deux Romances sans paroles de Mendelssohn puis le Clair de lune de Debussy, et L’Heure exquise de R. Hahn, aux couleurs égales dans tous les registres.
Le 22 juillet Fabrice Ropolo, dans une séance conviviale, fit voyager à travers les sonorités du traverso, flûte baroque en bois : 12 variations de Marin Marais (La Folia) résument l’esprit baroque de la danse et des ornements. La belle maîtrise technique dans la bourrée anglaise de Bach faisait oublier l’absence de la basse continue. Puis flûte indienne (bansouri, art des ragas) et irlandaise amenaient des transitions populaires réjouissantes, pour laisser place à la flûte traversière (moderne) pour Mozart et K. Ph E. Bach. L’incontournable Syrinx de Debussy et un tango de Piazzolla apportèrent enfin des couleurs impressionnistes et des accents percussifs, montrant le talent du musicien.
Estampes Le lendemain la pianiste franco-anglaise Emilie Capulet présentait un récital vivant, avec une mise
Mélodies
Fabrice Ropolo © Yves Bergé
en contexte simple, sur l’âge d’or de la musique viennoise : Ah, vous dirai-je maman, de Mozart joué avec la clarté d’une comptine jusqu’aux déchaînements maîtrisés de la dernière variation ; Sonate en mib majeur de Beethoven, rayon de soleil dans la vie du compositeur, avec ses galops en accords de quarte comme un cri du cœur. Puis la main droite déroulait les triolets de l’Impromptu N°2 en mi b de Schubert, comme une danse villageoise. On découvrit en première française Capriccio, de Tom Armstrong, composé pour la pianiste, travail sur les rythmes et l’espace, belles
Y.B.
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LA ROQUE D’ANTHÉRON
Après un mois d’un feu d’artifice pianistique ininterrompu - 91 concerts pour 87 073 spectateurs -, le 31e festival de La Roque d’Anthéron a cessé ses tirs… Mais Zibeline rallume quelques fusées sonores !
Pianos déflagrants Surprise le 22 juillet ! Arcadi Volodos qui devait assurer l’ouverture, souffrant d’une otite, a déclaré forfait la veille même du concert. On ne s’affole pas outre-mesure autour de René Martin, bouillonnant directeur artistique de la manifestation, car Boris Berezovsky est dans les parages pour le concert du surlendemain. On n’a même pas besoin de changer le programme : le Russe l’a dans les doigts ce fameux Concerto n°2 de Brahms, monument pianistique de près de trois quarts d’heure. Il enchaîne les quatre mouvements (par cœur !) virtuoses, puissants, poétiques, sensibles, avec une désinvolture déconcertante et file de la dentelle avec un aiguillon romantique. Chapeau ! A ses côtés le pléthorique Orchestre Symphonique National de la RAI (dir. Juraj Valcuha) défend une œuvre peu jouée de Rachmaninov. Sa 3e symphonie (1936) est le fruit d’un musicien de métier qui, la soixantaine sonnée, propose une palette coloriste séduisante, mâtinée de thèmes russes et animée d’un souffle épique. Au final, on trouve intéressant, comme le préconise le récent ouvrage de JeanJacques Groleau (Actes Sud), de voir réhabiliter une œuvre qui ne se résume pas à quelques concertos rabâchés.
Le show Berezovsky ! Deux jours plus tard, Le concerto pour piano en ré bémol majeur de Katchatourian débute par une entrée fracassante du piano, collages de thèmes populaires, traits diaboliques dans l’Allegro maestoso. Chromatismes, dissonances, écarts de registres, sont un jeu d’enfant pour la technique exceptionnelle de Boris Berezovsky. Il dompte l’instrument, va au bout du son, mais sait aussi distiller quelques douceurs. Le Philarmonique de Varsovie est un bijou d’orchestre : belle couleur des cordes (Danses hongroises de Brahms), intervention magistrale des vents (Danses slaves de Dvorak), mélodies charnelles aux rythmes puissants. Antoni Wit est un malicieux complice : buste droit, geste assuré et nuancé. Avec les extraits de Casse-Noisette de Tchaïkovski (Marche, danse arabe, danse chinoise, danse des mirlitons, valse des fleurs), on retrouve avec plaisir les sonorités du célesta, de la clarinette basse, du cor anglais du maître du Ballet. Entre folie tzigane, dissonances d’Europe centrale, sensibilité orientalisante et répertoire convenu, une soirée fort appréciée.
La classe El Bacha Deux concertos pour piano (n° 20 de Mozart en ré mineur, n° 2 de Chopin en fa mineur) maîtrisés avec une élégance, une facilité qui cachent un art abouti. El Bacha se joue des traits les plus techniques (gammes, arpèges, sauts d’accords) et plane dans les piani, le legato subtil, les ornements, les lignes mélodiques : un toucher
déjà très impressionniste). Après l’hommage à la Nature (Suisse) et l’hommage à l’Homme à travers l’Italie artistique (Italie), Liszt et Angelich nous livrent la plus belle des méditations dans la Troisième Année, révérence en prière. Les fameux Jeux d’eau de la Villa d’Este résument l’amour du compositeur pour le monde visible (source) et l’adoration pour un monde invisible (l’eau consacrée du baptême). Intimistes ou brillantes, des pièces habitées par un pianiste au sommet. Trois années, une épopée romanesque dans une seule soirée ! Un cadeau violent, à jamais gravé dans les mémoires reconnaissantes des auditeurs.
Wang l’envolée
Boris Berezovsky © David Cookes
d’une délicatesse extrême dans le 2e mouvement du concerto de Chopin, sans pathos, un phrasé ondulé et précis dans l’Allegro du concerto de Mozart. La Symphonie la Surprise de Haydn permet de découvrir pleinement l’excellent Orchestre de Kanazawa (Japon), musiciens enthousiastes adhérant à la fantaisie mêlée de rigueur d’Inoue Michiyoshi, malicieux et empathique. Une soirée au charme inouï.
Angelich le pèlerin Les Années de Pèlerinage de Franz Liszt. De l’amoureux fougueux au prêtre rangé, on suit le parcours étonnant d’un homme, et une œuvre majeure. Angelich parcourt ce cycle avec la délectation du pèlerin : une technique remarquable (hallucinante interprétation de la Fantasia quasi una sonata-Après une lecture de Dante) et sensibilité à fleur de peau (Au bord d’une source,
Il y a du vent dans les grands arbres du parc du Château de Florans, les notes s’échappent en brassées parfumées dans les airs, les doigts de Yuja Wang s’envolent sur les touches, papillons insaisissables et précis, dans un jeu à la fois puissant et aérien. Le 3e concerto en ré mineur opus 30 de Rachmaninov, l’un des plus difficiles du répertoire, devient comme naturel. Malgré la complexité des rythmes, la redoutable cadence de l’allegro, l’endurance que réclament des deuxième et troisième mouvements qui sans pause tissent une trame brillante jusqu’au triomphe final… Immense pianiste déjà –elle n’a que 24 ans-, Yuja Wang a subjugué le public qui lui a réservé une très longue ovation. L’Orchestre Philharmonique de Varsovie sous la direction paternelle d’un Antoni Wit souverain, qui dialoguait brillamment avec Yuja Wang dans la première partie, s’emportait ensuite dans une interprétation sensible de la Pathétique de Tchaïkovski, soulignant le caractère tourmenté de l’œuvre. Cordes sublimes, pupitre des vents virtuose… Généreux, l’orchestre offrait deux bis, la Dvorak puis Prokofiev, en fête exutoire. Un goût de bonheur ! JACQUES FRESCHEL, YVES BERGÉ ET MARYVONNE COLOMBANI
Yuja Wang © Xavier Antoinet
SALON | POURRIÈRES | FORCALQUIER
FESTIVALS
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Salon de chambre
Vincent Peirani © X-D.R.
intelligemment construit, permettant d’aborder des répertoires variés. Le concert final, pour exemple, nous aura permis d’apprécier les délicates pièces pour piano et clarinette Op 5 de Berg, l’impressionnante Symphonie de chambre de Schoenberg, avant de goûter à une Sonate Arpeggione de Schubert divinement interprété par l’altiste Amihai Grosz et le pianiste Frank Braley ; le très classique et enlevé trio de Weber contrebalança à merveille le quintette pour clarinette et cordes du grand Brahms dans lequel Paul Meyer, les violonistes Kashimoto, Kawakubo le violoncelliste Zvi Plesser et l’altiste Grosz excellèrent! Un bouquet final à la hauteur du lieu.
C’est à une orgie de musique de chambre qu’ont eu droit les Salonais dans le cadre du Festival de musique à l’Empéri ! En effet, pas moins de dix jours de concerts ont illuminé la superbe cour Renaissance du château. Autour de figures emblématiques comme Brahms ou Hindemith, le public a pu découvrir des compositeurs moins connus tels que Martinù, Korngold ou encore Hersant. C’est ainsi que le 2 août, l’auditoire nombreux a pu apprécier le superbe duo incarné par Vincent Peirani à l’accordéon et François Salque au violoncelle dans des pièces de Popper, Django Reinhardt… avant de savourer le mortuaire Des Todes Tod d’Hindemith chanté par Andréa Hill et le premier sextuor à cordes de Brahms. Non content d’être des brillants interprètes, Eric le Sage, Paul Meyer et Emmanuel Pahud à la direction artistique ont su concocter dans chacune des soirées un programme fourni,
CHRISTOPHE FLOQUET
Des dieux et des hommes Confirmant son parti pris de monter des opéras oubliés, dans un esprit convivialement associatif et musicalement professionnel, l’association L’Opéra au village a proposé cet été Philémon et Baucis, opéra comique de Gounod (1860), scénographié et mis en scène par Bernard
Grimonet. Adapté des Métamorphoses d’Ovide, le conte présente Philémon et Baucis vieillissants, jouissant d’une vie simple et d’un amour sans ombre. Ils accueillent deux étrangers, offrent les fruits de leur jardin et l’eau pure de leur source. Il s’agit en fait de Jupiter en mal d’aventure et de Philemon et Baucis © Dan Warzy
Vulcain qui s’est fait plaquer par Vénus. Pour les remercier de leur hospitalité les dieux leur rendent leur jeunesse. Une astuce de mise en scène permet le rajeunissement à vue avec déshabillage et démaquillage, opération effectuée par deux danseurs qui doublent le couple (Julie Compans et Arnaud Baldaquin). On devine que, voyant Baucis dans toute sa jeunesse, Jupiter (le baryton Jean Vendassi) se livre à une grande scène de séduction, tandis que Vulcain ironise, superbement interprété par Cyril Costanzo. La belle (charmante Elisabeth Aubert) se laissera séduire lors de duos enjôleurs sous le regard jaloux de Philémon (le ténor Fabrice Lopez)... On frôle le drame mais tout rentrera dans l’ordre et la joie sous la direction toute en finesse de Luc Coadou. L’orchestration réduite à six instruments de Frédéric Carenco participe à la légèreté de l’ensemble avec Jean-Bernard Rière à la contrebasse et Virginie Bertazzone au violoncelle, tous deux très remarqués. Soirée de charme. CHRIS BOURGUE
Philémon et Baucis s’est donné à Pourrières au Couvent des Minimes du 16 au 24 juillet, précédé tous les soirs d’un repas champêtre
Tuyaux et boyaux La fraîcheur des cathédrales attire le promeneur en période caniculaire, et lui donne l’occasion d’écouter les orgues dans la lumière coloré (divine ?) des vitraux… C’est ainsi que l’on pouvait se délecter en la Cathédrale de Forcalquier d’un programme baroque pour deux violons et orgue. Conçu par JeanJacques Tournebise, titulaire de l’orgue, il offrait une ouverture
apéritive par des pièces de Uccellini, Pergolesi, Zipoli : bergamasque, pavane, sarabande, gigue, courante, brillantes, accordent une touche déjà nostalgique à l’été qui s’enflamme lorsqu’elles se teintent de tonalités mineures. Plat de résistance avec la sonate n°4 de Haendel, où influences italiennes et françaises se conjuguent. Les thèmes s’entrelacent comme des danseurs qui croisent
leurs pas. L’orgue rend alors des sons surprenants, lorsque retentit le cromorne, entre la trompette bouchée et le canard. «Amusant non ?» sourit l’organiste… Enfin le concerto en ré mineur op3 n°11 de Vivaldi entretient un dialogue vif et animé entre les violons d’Ulrike FrommPfeiffer et Marie-Hélène Tournebise. Cordes en boyaux, dans un souci de vérité sonore, jeu précis
et juste malgré la fragilité qu’elles induisent. Les instruments sonnent parfois comme un orchestre et accordent de la profondeur à l’apparente légèreté modulée du baroque. Une belle étape vers les cimes ! MARYVONNE COLOMBANI
Concert organisé par l’Association des amis de l’Orgue de Forcalquier le 21 août
FESTIVALS
LUBERON | AIX | ARDÈCHE
Carnets de voyage
Fort de la réussite de la première édition, suivie par plusieurs dizaines de milliers de personnes, le festival Musique dans la rue, à l’initiative de la Ville d’Aix et porté par le Grand Théâtre de Provence, a réinvesti les plus beaux lieux de la ville du 25 août au 3 sept pour une série de plus de 80 concerts au format de poche de 30 minutes. Aux antipodes du festival d’art lyrique, guindé, parisien et très cher, des artistes d’horizons différents y font partager aux passants un simple moment de musique. Ainsi, à 17h, la place du marché se muait en plage de Copacabana, où les auditeurs, accroupis autour du trio acoustique de Wanderson Lopez puis Tabacarana, goûtaient avec délice les mélodies nonchalantes ocrées de jazz brésilien, avant de s’évaporer à nouveau dans l’anonymat de la foule. Changement de lieu, changement de décor : la place d’Albertas prend des accents slaves sous les coups de butoir d’une jeune pianiste et des attaques à tous crins d’un violoniste qui s’attaquent avec ferveur à la deuxième sonate pour violon et piano de Prokofiev ! En l’espace d’une rue les coutumes et les costumes changent, drainant un public renouvelé. Déclinant l’espace rituel du concert, la Musique coule dans les artères de la ville essaimant l’universalité de son message… CHRISTOPHE FLOQUET
© Agnes Mellon
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Désenchantement !
On grimpe à flanc de coteaux vers la petite église romane de Niègles qui surplombe un lacet de l’Ardèche à quelques lieues au nord de Vals-lesBains. Lorsqu’on débouche dans l’enceinte, les pierres blanches brillent sous les feux de projecteurs qui dessinent un espace dans le chœur. La nef est pleine ! C’est que le festival ardéchois Le Cœur en Musique a, depuis ses débuts en 2003, conquis un public fidèle. La recette ? De jeunes artistes talentueux se produisent dans des lieux de charme, églises, cloître ou jardin suspendu autour de la cité d’Aubenas. Là, c’est un violoniste qui exécute, en solo, un programme acrobatique (3e Partita de Bach, 2e sonate d’Ysaye et
de pyrotechniques opus à variations de Paganini, Ernst ou Milstein). Son nom, Hugues Borsarello, virtuose français qu’on découvre avec bonheur, ex-élève de Patrice Fontanarosa au CNSM de Paris, partenaire de Gautier Capuçon ou Laure Favre-Kahn et directeur artistique de l’ensemble la Follia. C’est beau, simple… et nous invite à revenir, fin août prochain, pour la 10e édition où primeront derechef humilité et qualité ! JACQUES FRESCHEL
Eglise de Niegles © Veronimot
Bonheurs simples
The Fairy Queen, qualifié de semi-opéra, est l’exemple même du divertissement «d’art total» unifiant la musique, la danse, le théâtre… Ce syncrétisme cher à Purcell trouve dans cet ouvrage son sommet, rêve et réalité se confondant dans un monde féérique et «surnaturel». Surprenant, à cet égard, de donner cet «opéra» en version de concert ! Derrière le tout petit orchestre, dirigé par Mark Deller, solistes et chœur vêtus comme pour une répétition endossèrent leur rôle sans l’esquisse d’une mise en scène -un ou deux passages exceptés-, enchaînant les airs et les chœurs avec peu de conviction, à des lieues du divertissement fastueux voulu par le compositeur anglais ! Le fameux contreténor James BowJames Bowman © X-D.R man, au timbre encore raffiné mais à la voix fatiguée, eut bien du mal à remplir les Carrières de Lacoste ! Et que dire des rôles féminins, sans puissance, aux vocalises mal assurées ! Seul James Ottaway, belle basse, sut tirer son épingle du jeu. Dommage que le spectacle qui refermait la saison estivale des Musicales du Lubéron n’ait point été à la hauteur du lieu qui lui est vraiment… féerique ! C.F.
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FESTIVALS
JAZZ
Le monde est jazz
Accoules Sax © Dan Warzy
Lançant avec vigueur les premières notes du Festival de Jazz des 5 Continents, qui compte désormais parmi les plus importants en France, la chanteuse Virginie Teychené et l’ensemble Accoules Sax & DJ Rebel ont inondé de leur punch tout le Cours d’Estiennes d’Orves. Le lendemain, il fallait monter jusqu’au Palais du Pharo, se remplir les yeux d’un coucher de soleil éblouissant sur le Vieux Port et trouver le havre de l’auditorium, comble pour le concert de David Murray qui porte très haut la musique latine de Nat King Cole avec son Cuban Ensemble. Le trompettiste Mario Morejon a su apporter la touche cuivrée latino et David Murray a ébahi l’auditoire par ses improvisations au souffle continu. Nouvelle soirée avec de grands jazzmen dans les jardins du Palais Longchamp. Sont là Tigran Hamasyan et Ray Lema pour le premier concert de la soirée avec une musique improvisée imprégnée de traditions, sensible même si le joueur de oud restait en retrait du prodigieux pianiste. La lumière du jour baisse et la musique se fond dans
l’horizon. Vient le tour de Wayne Shorter, Marcus Miller et Herbie Hancock, Sean Jones à la trompette et Sean Rickman pour un hommage à Miles Davis. Après l’installation du duo basse/batterie, les longues séquences de chaque soliste se libèrent, sans vraiment de grands développements ni d’exhibition, mais avec un recueillement émouvant : le souvenir de Miles ne les a jamais quittés. Herbie Hancock et Wayne Shorter avaient déjà rendu hommage à Miles au début des années 1990 avec Ron Carter, Tony Williams et Wallace Roney à la trompette. Hancock réinvente sa musique sans cesse… Quatrième jour de festival avec le quartet d’Erik Truffaz. Le trompettiste marie voluptueusement electro, rock et jazz avec une grande puissance narrative et un son céleste. Quant au pianiste légendaire Ahmad Jamal, il fut époustouflant de dextérité et d’invention. Ses partenaires se sont acquittés de la tâche difficile de l’accompagner, avec humour et complicité, et surtout une énergie folle. Le jour suivant, le Trio Compaoré-Ribot-
Liz McComb © Thierry Oustrain
Oreilles sensibles, s’abstenir !
Tacuma a eu la tâche difficile de mettre en appétit le public installé sur la pelouse et y est parvenu avec brio. Deux musiciens marseillais rejoignent le trio et participent à l’excitation paroxystique du guitariste. Trombone Shorty a ensuite déployé son groove à l’efficacité redoutable, pour une musique qui ne pouvait laisser les corps insensibles. Place ensuite au funk-master Larry Graham ; vêtu d’un cache-poussière immaculé, le slapping bassist a chauffé à blanc ses auditeurs de son énergie enlevée ! Cinquième jour : la nouvelle musique klezmer était représentée par David Krakauer et son Klezmer Madness. Monty Alexander, désormais habitué du FJ5C, a participé cette fois avec un ensemble plus conséquent, le Harlem Kingston Express. Une bonne musique, bien faite, sans grande surprise ni grande émotion… Au septième jour personne ne se reposa ! Le Jazz at the Lincoln Center Orchestra mené par le trompettiste Wynton Marsalis a ravi les inconditionnels du Big Band. Discret, assis à l’arrière, le maestro est venu s’installer, à la fin du set, au devant de la scène pour un pur moment de délice intime. Dernier jour et clôture du festival avec l’apparition de la mouture IV du Return to Forever (RTF) de Chick Corea. Inoubliable ! Les amateurs de jazzrock fusion des années 1970/80 ont retrouvé leurs idoles, les cheveux blanchis mais la ferveur intacte. La reprise de School days de Stanley Clarke ou la composition de Jean-Luc Ponty, Renaissance, font partie des grands moments du concert. Franck Gambale avec son originalité hypercréative reprend le jeu d’Al Di Meola, guitariste fondateur du RTF. Stanley Clarke et Lenny White étaient particulièrement en verve ! On peut retrouver sur Youtube quelques extraits sonores de ces moments forts. Butinez donc ! DAN WARZY
Le Festival Jazz des 5 Continents (FJ5C) a eu lieu à Marseille du 19 au 24 juillet
Pour reprendre à son compte une formule initiée cette année par le Festival Présences féminines, Jazz à Toulon avait décidé de mettre à l’honneur les femmes dans sa programmation autour d’un choix éclectique dans lequel on pouvait entendre des étoiles montantes, mais aussi quelques stars aux talents confirmés. Le clou des festivités fut confié cette année à Liz McComb, artiste habitée et immense interprète de spirituals et gospels dont elle nous a livré quelques perles telles un When the Saints Go Marching in jubilatoire et un très groovy Joshua Fit the Battle of Jericho. On a pu aussi savourer sa capacité à réinventer le répertoire soul avec un Stand by Me plein de ferveur. Malheureusement, ce show bien huilé à l’américaine et très généreux (2h !) fut néanmoins entaché d’une sonorisation très approximative de nature à lasser l’auditoire, qui dut patienter une bonne demi-heure avant d’être gratifié d’une balance convenable… Quel dommage ! ÉMILIEN MOREAU
Baronnie provençale Un jeune festival pur jazz vient d‘éclore dans un site magnifique, chargé d’histoire ! Le Château de la Tour d’Aigues a accueilli pour sa seconde édition des musiciens qui vont lui assurer très rapidement des lettres de noblesse avec notamment, pour la
soirée du 12 août, les formations en quartet du violoncelliste Eric Longsworth et du batteur Daniel Humair. Climats singuliers qui ont prouvé les ressources créatives et la vitalité du jazz en France : lyrisme parfois très rythmé et mélodique du 4tet Longsworth, couleur peu commune de l’étonnant accordéoniste Vincent Peirani, expressivité du saxophoniste soprano Emile Parisien retrouvé avec plaisir. Quant à Daniel Humair, il a fait preuve de beaucoup d’humour et démontré l’extrême finesse de son talent. DAN WARZY
Le Festival Jazz à la Tour s’est déroulé du 11 au 14 août Daniel Humair 4tet © Dan Warzy
Le son est ailleurs 10 ans que Gare aux Oreilles égrène ses inclassables musiques dans le Vaucluse. Le festival initié par Inouï Productions a fêté sa 1re décennie sur les Hauts Plateaux* de la Manutention, célébrant aussi l’installation permanente de la compagnie musicale aux côtés de lieux qui font le poids à Avignon (le cinéma Utopia, l’Ajmi, le théâtre des Doms, la cie Fraction qui partage avec Inouï l’ancien studio des Hivernales). Un rassemblement synergique pour une solidarité culturelle vitale à la ville. Aussi vital que cet accueil de groupes loin des flonflons médiatiques, dans un courant musical non formaté qui titille les oreilles curieuses depuis plus de 20 ans. «Programmer ces musiques-là, dont les conditions de diffusion ne sont pas évidentes, comporte un aspect militant» confirme le musicien et directeur artistique Guigou Chenevier, «avec derrière l’idée de la transmission, de l’inscription dans l’histoire d’une pensée
musicale». Malgré un resserrage, l’édition 2011 a tenu ses promesses. Des musiciens inspirés (Jonas Zugzwang), historiques (Chris Cutler & David Thomas), sans concessions (Gunkanjima). Cette dernière équipe, emmenée par le guitariste éclairé Gilles Laval et un trio japonais féminin décapant, prouve que la musique n’a pas à être classée ! Un set radical et lapidaire entre écriture et improvisation, grondement électronique latent et suspension sonore, une urgence à dire où se rencontrent archets et samplers pour former un vibrant voyage apocalyptique. Avec en filigrane l’histoire de cette île japonaise passée d’une période faste à une désertion totale et au final, une invitation à soutenir un village de Fukushima «parce que passé l’âge de 17 ans, le gouvernement ne finance plus les tests de radiation». Ce Festival est une ouverture au monde nécessaire. Et classe. DELPHINE MICHELANGELI Gunkanjima © Delphine Michelangeli
Le festival Gare aux Oreilles a eu lieu à la Manutention, Avignon du 26 au 28 août * les Hauts Plateaux est le nom du nouveau lieu partagé à la Manutention entre Inouï Productions et Fraction
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FESTIVALS
LES SUDS | CHÂTEAU PARADIS
Agitateurs d’identités Le festival arlésien de musiques du monde a offert, chaque jour, son instant de grâce. Retour sur les moments forts de cette 16e édition
Mercedes Peon © Stephane Barbier
Peu de festivals, comme les Suds à Arles, prennent le pari de réunir sur une même affiche un accordéoniste finlandais, une légende vivante de l’Espagne antifranquiste, un prodige palestinien du oud, une étoile montante du fado, l’inventeur du hip-hop yiddish ou d’envoutants percussionnistes coréens. Personne d’autre n’ose programmer des rencontres entre la Bretagne et la Roumanie, Cuba et le Mali, l’Iran et la Tunisie, le Brésil et l’Occitanie. Premier choc : le nouveau spectacle de Mercedes Péon, au beau milieu des sculptures romaines du MDAA. Invitée pour la 3e fois au festival, la Galicienne multi-instrumentiste fait évoluer sa transe ethno pour un solo avant-gardiste qui jongle entre acoustique et électro. Aussi créatif et contemporain, le Finlandais Kimmo Pohjonen joue de son piano à bretelles comme d’autres font du beat box. En quadriphonie, il mêle classique, jazz, rock et objets sonores non identifiés, avec comme seule machine son accordéon chromatique dont il est un virtuose captivant. Aux Suds, c’est ce qu’on appelle un «Moment précieux». La Cour de l’Archevêché en connaitra d’autres tout au long de la semaine avec, en particulier, le Palestinien Ahmad Al Khatib, maître de l’oud, accompagné du percussionniste Youssef Hbeisch. Un duo tout en subtilité, qui par la force de sa musique renvoie à la tragédie silencieuse du peuple palestinien. Autre prestation déroutante, celle des Coréens de Noreum Machi. Un ensemble qui réactualise le Samulnori, tradition musicale rurale proche de la transe, dont le rite qui comprend de spectaculaires percussions, des danses acrobatiques et de pansori, opéra à une voix. En ouverture des soirées du Théâtre antique, le concert de Beirut emmené par le jeune et talentueux Zach Condon, montre une autre culture
américaine loin de l’uniformisation FM, avec des envolées folk, teintées de rythmes balkaniques ou mariachis. Que dire en revanche du numéro décevant de la très (trop ?) attendue Estrella Morente ? Malgré des qualités vocales certaines, l’héritière d’Enrique Morente met son énergie dans une gestuelle hésitant entre une tragédie grecque et un défilé Christian Lacroix. Peut-être que le double statut de fille d’icône flamenca et épouse de torero caractériel est trop lourd à porter ? Son compatriote Paco Ibañez sait, au contraire, rendre aux poèmes latino-américains qu’il a mis en musique, une intensité en toute simplicité. Présenté en avant-première, son nouveau spectacle donne ses lettres de noblesse à la chanson engagée, de Neruda à Garcia Lorca, en passant par Frédéric Mistral et Georges Brassens. Le guitariste, de sa voix douce et éraillée, insuffle un esprit de révolte dans contexte international propice à l’indignation.
Aboutissement du projet initial qui avait donné naissance au Buena Vista Social Club pour de sombres problèmes de visas, Afrocubism concrétise enfin la rencontre entre artistes cubains et maliens. Conduits par la crème des musiciens des deux pays –Eliades Ochoa (guitare) pour Cuba et Toumani Diabaté (kora) pour le Mali– les morceaux d’Afrocubism mettent en lumière le génie musical de deux cultures dont la convergence naturelle comme la complémentarité provoquée transportent le public. Une liesse prolongée par l’incroyable alchimie groovy du désormais célèbre Staff Benda Bilili, du Congo-Kinshasa, qui fait danser la foule réunie dans la friche industrielle cheminote de l’Atelier des forges. Et puisque le métissage sied si bien aux Suds, c’est un plateau judicieusement composé de deux nouvelles créations, qui donne au festival le dernier éclat de sa cuvée 2011. La diva grecque Angelique Ionatos et sa complice Katerina Fotinali, guitaristes, chanteuses et poétesses, invitent à un voyage au-delà des portes de l’Orient. Un avantpropos idéal au spectacle Ivresses, un hommage à l’érudit persan du XIIe siècle, Omar Khayyam. Mélodies arabes et sonorités persanes pour une ode à la tolérance se répondent à travers l’interprète iranien Alireza Ghorbani et la chanteuse tunisienne Dorsaf Hamdani, avec dans l’ensemble excellent joueur de zarb, le Marseillais Kevan Chemirani. Les Suds à Arles, ce sont aussi des scènes en ville, des apéros, découvertes, des siestes musicales, des projections, des stages de pratiques artistiques, des baletti, des balades sur le Rhône, des Dj’s et Vj’s… Une majorité de propositions gratuites dans un patrimoine architectural unique. Rien d’étonnant à ce que la popularité de l’événement croisse annuellement pour dépasser en juillet dernier les 60 000 festivaliers. THOMAS DALICANTE
Les Suds ont eu lieu à Arles du 11 au 17 juillet
In vino musica Nous connaissons tous les qualités du vin de Château Paradis ! Au bon goût de cette production, Château Paradis ajoute celui de son attachement à la culture par l’organisation d’un festival de musiques rock, jazz, électro. De quoi ajouter aux plaisirs du palais ceux des oreilles. Trois soirées dynamiques ont ainsi emporté les spectateurs cet été : Ilene Barnes, Electro Deluxe et en ouverture The Darkside, et son hommage aux Pink Floyd (des classiques ! au programme du Bac musique cette année !). Ambiance conviviale, buffet délicat et un blanc fruité superbe. Chacun était ravi de retrouver un goût de jeunesse avec cinq musiciens
et deux choristes qui ne trichaient pas et emportaient un public enthousiaste… Comfortably dumb, Run like hell, Sorrow, Money, Hey you… Is there anybody out there ? en bis… On peut réécouter ces passages de fête sur le site de Music en Vignes ou aller applaudir le groupe le 1er oct à Saint-Cannat. Un festival au cœur des vignes auquel on souhaite une belle vie. M.C.
Music en Vignes a eu lieu au Château Paradis du 20 au 22 juillet
VOIX DU GAOU interplanétaire I don’t want a lover, I just need a friend. Idem pour les chansons de Téléphone version Louis Bertignac en solo : Un autre monde, Cendrillon, Ça, c’est vraiment toi... Sessions à retrouver sur Internet pour ceux qui ont la nostalgie chevillée au corps, des vidéos houleuses filmées au portable ayant été abondamment postées sur les plates-formes dédiées à cet effet. À croire que c’est dans les pots d’occasion qu‘on fait les meilleures soupes ! Eh bien non, la relève assure aussi : à preuve les excellents Under Kontrol, jeunes talents de l’UDCM (l’antenne PACA du Printemps de Bourges) et human beat boxers de première, pour la soirée du 28 qui accueillait aussi le Scratch Bandits Crew et Chinese Man. Retour aux veilles recettes, avec un concert de clôture le 29 juillet comme un pied de nez à un été
Gare au Gaou La presqu’île doit savourer le calme revenu, après l’édition 2011 d’un festival qui brasse un public toujours plus nombreux. Le 21 juillet, la belle énergie de Texas a régalé les quadragénaires enchantés de reprendre en chœur le refrain du tube
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pourri : Jamiroquai a su enflammer la foule du Gaou, rompant avec une série noire d’annulations pour cause de vent violent. Le festival s’offre un set rythmé en diable, funky aux accents d’acid jazz, mené à la baguette par un Jay Kay qui arpente la scène sans faillir. Une recette éprouvée : aux gestes saccadés de la star au chapeau répondent trois choristes disco en paillettes, des cuivres retentissants et des guitares nerveuses. Un cocktail qui enivre une foule emportée par le groove des célèbres Little L et Love foolosophy jusqu’au plus récent Rock Dust Light Star. Tous les âges, tous les styles, tous les couvre-chefs farfelus se sont retrouvés, mélangés, piétinés quelquefois, goûtant sans retenue l’instant funk ! GAËLLE CLOAREC ET PASCALE FRANCHI
Louis Bertignac © Gaelle Cloarec
Jamiroquai © Pascale Franchi
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LIVRES/DISQUES
Insondable Bach
On n’en finit pas d’écrire sur Bach, tant son œuvre est riche, sa vie passionnante... Les mystères associés à la vie, à l’œuvre de Bach s’éclairent peu à peu. Philippe Lesage, après une traduction du récit de Martin Petzold «Ce 21 mars 1745, Jean-Sébastien Bach…» (voir Zib’ 7), publie la première biographie en français d’Anna Magdalena Bach. La seconde épouse du Kantor de Leipzig, durant 28 ans, mère de treize de ses enfants, est restée dans l’histoire grâce au célèbre Petit livre de clavier que son mari a ouvert pour elle. Au demeurant on n’avait pas, jusqu’alors, traité de l’influence qu’à eu cette chanteuse, musicienne, sur Bach ou l’éducation de ses enfants... Sous titré «l’entourage féminin de JeanSébastien Bach», l’ouvrage évoque aussi sa cousine et première épouse un peu oubliée Maria Barbara, sa mère trop tôt disparue, la femme de son frère qui fut un temps sa mère de substitution, ses propres filles, les femmes de cour, autant de figures qui prennent corps sous la plume volontairement romancée de l’auteur et qui trace, en contrepoint, un panorama de l’histoire de l’Allemagne centrale dans la première partie du XVIIIème siècle.
Gilles Cantagrel, qui signe d’ailleurs la préface du livre de Lesage, poursuit pour sa part son exploration de l’univers religieux de la musique de Bach. Après un pavé consacré aux Cantates (Zib’ 29), c’est aux célèbres Passions, la Messe en si mineur, autres Messes et Motets que l’érudit s’intéresse. Il en constitue un complément naturel. Avec rigueur, l’auteur s’appuie sur les résultats des dernières recherches musicologiques et fournit des informations claires sur les œuvres, leur genèse, met à mal certaines légendes comme l’oubli profond dans lequel aurait été plongée l’œuvre de Bach avant l’exhumation par Mendelssohn, et laisse modestement des questions en suspens. JACQUES FRESCHEL
Anna Magdalena Bach Philippe Lesage Papillon, 44,95 Fr. suisses J.-S. Bach Passions, Messes et Motets Gilles Cantagrel Fayard, 25 €
Brahms à deux Ces deux là se connaissent jusqu’au bout des doigts à force de fréquenter, à quatre mains, les mêmes claviers. Fidèles de La Roque d’Anthéron, où ils ont à nouveau connu les bravos cet été (voir p.52), Brigitte Engerer et Boris Berezovsky s’étaient disputé, début février, quelques touches noires et blanches lors de la Folle Journée de Nantes 2011. René Martin, directeur artistique des deux manifestations et du label Mirare, a immortalisé ce temps festif où la danse est à
l’honneur. On virevolte à trois temps sur les délicieuses Valses amoureuses, transcriptions pianistiques des Liebeslieder (cycle de 18 poèmes chantés à quatre voix) de Brahms, comme on vagabonde au rythme des brisures rhapsodiques de ses Dix Danses Hongroises. J.F.
CD Mirare MIR124
Concertos et Piccolo Cet enregistrement est une compilation de deux disques «Arpège» gravés en 1979 et 1997. Le premier nous entraîne à Radio-France alors que l’Orchestre National de France était dirigé par Jean-Pierre Rampal, le maître de Jean-Louis Beaumadier au Conservatoire de Paris qui disait de ce dernier qu’il était le «Paganini du Piccolo». Dans le second, le musicien, professeur au Conservatoire de Marseille,
est accompagné par l’Ensemble Instrumental La Follia et épaulé par le piccolo de Philippe Pierlot. Trois des six concertos de Vivaldi furent, à l’origine, écrits (chose rare à l’époque) pour petite flûte ; les autres sont des transcriptions tantôt agiles et virevoltantes, rêveuses et mystérieuses. J.F.
CD Saphir productions LVC 1171
Schönbrunn 2011 Valery Gergiev est un chef exceptionnel ! Ceux qui ont eu la chance d’assister, au festival d’Aix, à son concert à la tête du London Symphony Orchestra (Debussy et Chostakovitch) en sont encore rêveurs, tant sa conduite de l’orchestre est détaillée, colorée, vaporeuse ou épique, puissante… vibrante (voir p.48) ! Au mois de juin dernier, le Russe dirigeait le Wiener Philharmoniker dans les jardins baroques du Château de Schönbrunn pour un beau concert d’été.
Pour sa 8e édition, la manifestation gratuite qui rompt avec l’imagerie élitiste de Vienne proposait un programme alliant Liszt (Les Préludes), Paganini / Kreiler (Concerto n°1 avec Benjamin Schmidt) et Moussorgski (Tableaux d’une exposition). J.F.
CD Deutsche Grammophon 476 4211 ou DVD 076 2801
LIVRES/DISQUES
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Entre amis Dans l’esprit du salon romantique allemand, loin d’exécutions transcendantes lisztiennes, Une soirée chez Brahms paru chez Lyrinx offre un superbe moment d’esthétique germanique intimiste. La pianiste marseillaise Caroline Boirot, qui enseigne au conservatoire supérieur de Berlin, est associée depuis 2005 au violoncelliste autrichien Franz Ortner dans une formation sonate pleine d’inspiration. Aux côtés des figures tutélaires Schumann et Brahms, les compositeurs «amis» Kirchner et Fuchs complètent un cercle poétique
empreint de lyrisme. Dans l’esprit Schumannien, les huit pièces de Kirchner s’associent avec bonheur à l’adagio et allegro du mentor qui voyait en lui «un des artistes les plus doués de nos jours». La sonate de Fuchs, qui eut comme élèves Mahler, Sibelius et R. Strauss, est de facture plus sérieuse, et résonne avec les transcriptions de lieder de Brahms. Profond et attentif aux larges phrases, le jeu pianistique trouve dans le souffle du violoncelle l’entente raffinée nécessaire aux belles osmoses.
Une soirée chez Brahms Caroline Boirot et Franz Ortner Lyrinx
F.I.
Rencontre au sommet La réédition de cet opuscule, publié en 1906, dans une version préfacée et annotée est un régal. Regorgeant d’anecdotes et d’apocryphes (l’assassinat colporté de Mozart par Saliéri), le récit de cette rencontre entre deux monstres sacrés d’opéra est le fruit de la fantaisie du mondain Edmond Michotte. À partir de quelques notes prises dans sa jeunesse le compositeur belge admirateur du génie wagnérien, voisin et ami de Rossini a retracé cinquante ans après une des disputatio les plus passionnantes de l’histoire de la musique autour de la réforme de l’opéra.
Que cherche celui qui s’est déjà attelé à la Tétralogie et qui tente sa chance pour la seconde fois dans la capitale artistique ? Au célèbre retraité Rossini il ne demande ni soutien, ni reconnaissance, mais avance ses thèses sur la musique de l’avenir face aux arias de bravoures et autres conventions. Le vieux maitre souhaitera tout de même le succès «de tout son cœur» à celui qu’il sent «vigoureux, imprégné de tendances aussi magistrales et à qui il appartient de faire du nouveau»…
La visite de Wagner à Rossini Edmond Michotte Actes Sud, 15 €
F.I.
Ne pas finir avec Wozzeck Chef-d’œuvre expressionniste, l’opéra Wozzeck d’Alban Berg continue de marquer les esprits malgré ses 86 ans d’âge. Fondé sur une pièce fragmentaire de Büchner ellemême antérieure d’un siècle, Wozzeck fascine le musicologue Gérard Gubisch rompu aux techniques dodécaphoniques auprès de René Leibowitz, véritable VRP de l’esthétique de la seconde École de Vienne. Intitulé Wozzeck ou l’opéra révélé, lecture musicale dramaturgique de l’opéra d’A. Berg cet ouvrage préfacé par
Pascal Dusapin s’attache à redéfinir l’anti-opéra par excellence, pour «ne plus en finir avec Wozzeck». Car l’esprit de bon nombre de compositeurs potentiels d’ouvrages lyriques reste aujourd’hui encore paralysé par la date de 1925. Extrêmement détaillée, l’analyse musicale et dramaturgique offre un regard neuf sur la révolution lyrique de Berg.
Wozzeck ou l’opéra révélé Gérard Gubisch L’Île bleue, Symétrie, 28 €
F.I.
Grand-œuvre baroque Si peu représenté hors de la littérature organistique, le compositeur d’Allemagne du nord Dietrich Buxtehude mérite toute l’attention que lui portent la soprano Raphaëlle Kennedy et l’ensemble Da Pacem. Si important aux yeux de Bach, l’organiste de Lübeck fut un véritable passeur au cœur de la mosaïque d’écoles post-renaissantes et pré-baroques. Au service de superbes opus à découvrir, Pierre-Adrien Charpy (à l’orgue dont la soufflerie silencieuse est une belle surprise), Yannick Varlet (clavecin), Sylvie Moquet (basse de viole), Marc Wolff (théorbe), Stéphanie Paulet et Virginie
Descharmes (violons) créent un univers subtil, intimiste et poétique pour soutenir et dialoguer avec le très beau timbre de la soprano, suave, aérien et parfaitement maitrisé. La variété des œuvres proposées illustre la richesse alchimique d’un univers spirituel mais également un parangon de la construction, utilisant notamment la symbolique des nombres. Que ce soit dans des pièces solistes, d’ensemble ou à l’écoute du très émouvant Klaglied, les talentueux artistes exposent avec bonheur la rhétorique multiple de ce grand compositeur.
Buxtehude une alchimie musicale Raphaëlle Kennedy et Da Pacem / K 617
F.I.
Les deux font la paire Les Anglais en raffolent ! Le duo rémois The Shoes n’écrit pas seulement pour... Gaëtan Roussel ou Shakira ! Heureusement ! Ils composent aussi leurs propres titres, et le premier album Crack my bones est une excellente surprise : après deux ans et une poignée de singles entêtants, après un mini album exclusif pour un Japon trop impatient, Benjamin et Guillaume invitent leurs réseaux sonores pour un melting-pot détonnant. Coqueluche des soirées et festivals électro, la paire rémoise venue de la pop et du rock ne fait pas sauter que
des bouchons de champagne, et marie styles et idées, juste entre pop décérébrée et dancefloor électro survolté. Jamais agressive et savamment dosée, la pâte sonore des Shoes avance à grand pas, chaussée pour devenir une pointure du genre. F.I.
Ne ratez pas leurs sets en grandes pompes sur la scène de Marsatac à la Friche
Crack my bones The Shoes Green United Music
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LIVRES/ART
L’urbarchitecte
L’architecture ne se borne pas à la construction, mais à l’art, la technique, au design, à la commercialisation et à l’urbanisme, c’est-à-dire à la Cité. Le jeune Le Corbusier avait compris les enjeux de la modernité architecturale des années vingt, et l’ouvrage Le Corbusier et l’immeuble-villas de Soline Nivet retrace les contours d’un projet-manifeste proposé au Salon d’automne de 1922. Jamais construit, même à l’état de maquette, et à peine dessiné, l’immeuble-villas tient un rôle central pour l’architecte. Par cette nouvelle façon de penser, trois ans avant le Pavillon de l’Esprit
Nouveau présenté à l’exposition des Arts Décoratifs, le maitre élabore un nouveau mode de communication autour de la simple superposition de maisons construites en série. Richement détaillée et illustrée de documents d’archives, cette publication comblera les passionnés de l’art de construire… FRÉDÉRIC ISOLETTA
Le Corbusier et l’immeuble-villas Soline Nivet Mardaga, 25 €
Libre comme Mandin Un livre et une exposition (voir page 79) sortent «des enfers de l’ombre» le peintre et pianiste-compositeur Richard Mandin (1909/2002 Marseille), dont l’œuvre abondante et éclatante est le fruit d’un homme libre. Voire intransigeant… au risque de tomber dans l’oubli. Grâce à l’Association des Amis de Richard Mandin, à Annick Masquin et Bernard Plasse, co-auteurs et commissaires de l’exposition, plus de 2000 œuvres ont été inventoriées et analysées en vue de la publication du catalogue raisonné qui «appréhende dans son ensemble les questionnements plastiques». Œuvres reproduites ici par thèmes symboliques : Chevaux, Fleurs… Le Cercle de famille, Couples, Musique… Oiseaux «ces faiseurs d’harmonie» et Poissons… Quelque 450 pages ont été nécessaires pour en balayer les mouvements intrinsèques et dessiner le singulier destin d’un homme qui a traversé en solitaire la deuxième moitié du 20e siècle, loin des modes et des courants, mais au plus près des grands maîtres de la peinture. Deux textes majeurs d’Annick Masquin et Bernard Plasse introduisent son œuvre et sa vie animées par L’amour de l’art tandis que
Suite sans fin
À l’heure où Dominique Castell dispose El jardin del amor dans la Chambre de Madame, au Domaine du Château d’Avignon1, selon un protocole où dessin et film d’animation cohabitent habilement avec l’intimité féminine de l’espace clos, La fabrique sensible publie Soufre que je t’embrase. Un livre atypique - comme toujours avec les éditions arlésiennes - conçu comme un miroir de l’artiste et une plongée dans l’œuvre : sophistiqué jusque dans son dépouillement, du même rose que l’installation tout en laissant de larges plages de blanc, surprenant dans son alternance «aléatoire» de dessins, de mots manuscrits (souffle que je t’embrise…), de textes (Épître à Dominique d’Emmanuel Loi et Parlez-moi d’amour de Bernadette Clot-Goudard). D’ailleurs peu importe le sens du glissement des pages… les dessins réalisés avec le bout soufré des allumettes mangent les aplats et les extraits des dessins animés, comme statufiés dans l’éternité de
commentaires et témoignages croisent les regards et les souvenirs, évoquent les amitiés, les fidélités et les compagnonnages. On lit avec bonheur et curiosité les courts textes des artistes Jean-Jacques Ceccarelli, Gérard Traquandi et Joseph Alessandri, des galeristes Jean Sordini et Alain Paire, de son épouse Germaine Mandin. Comme un supplément d’âme, l’ouvrage offre deux lettres extraites de la correspondance entre le marchand Pierre Sébire et le galeriste André Maurice datant de 1948 et quelques photographies d’archives avec Mandin aux côtés de Pierre Ambrogiani, René Seyssaud, Jean Bellissen, Raymond Berbiguier, Louis Toncini et Antoine Serra. Toute une époque ! MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Richard Mandin, Le dernier peintre Annick Masquin et Bernard Plasse Raisons de catalogue, 60 € Ouvrage édité avec le soutien du Conseil général 13, des Villes de Marseille et Saint-Cyr-sur-Mer
la mise en plage, s’y figent à l’écart : tout ici est affaire de rythmes, de vagues, d’oscillations internes. On côtoie des images fugitives volées aux séquences vidéo, un Bûcher plus vrai que vrai (tas d’allumettes de 30 cm x 30 cm x 30 cm), de Torrides lettres en relief recouvertes de têtes d’allumettes, des Consumés sur papier, chevelures ardentes toutes de noir brûlé. L’embrasement guette le lecteur qui intercale son regard entre les lignes de vie et les nervures de l’œuvre dont Emmanuel Loi se plaît à souligner la sismographie vertigineuse. Aucun risque d’insolation car si le souffle de Dominique Castell sent le soufre, c’est pour mieux nous embrasser. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI 1
Exposition Si loin, si proche… Bêtes et hommes à voir jusqu’au 31 octobre (Zib’43).
Dominique Castell, soufre que je t’embrase Bernadette Clot-Goudard et Emmanuel Loi Éd. La Fabrique sensible, avec le soutien du Conseil général 13, de la Ville de Marseille, de Voyons voir, art contemporain & territoire, de l’Association Château de Servières.
Vivaldi recomposé On s’intéresse, depuis quelques années, à d’autres aspects de l’œuvre de Vivaldi que celui généré par le buzz (pré-Internet) de ses Quatre-Saisons. Au delà des concertos ou du Gloria, l’œuvre du «Prêtre roux» (il ne célébrait pas la messe) est immense en matière de musique religieuse (messes, motets, cantates, oratorios) et d’opéras dont on met au jour, peu à peu, les inédits (le label Naïve en particulier). Sylvie Mamy est dans son jardin à Venise. Elle nous fait revire l’atmosphère du Settecento sur la lagune, dans les quartiers populaires ou les palais princiers que côtoyait Vivaldi, pédagogue auprès des jeunes filles de l’hospice de la Pietà, compositeur, chef d’orchestre ou impresario intriguant dans les théâtres. J.F
Antonio Vivaldi Sylvie Mamy Fayard, 35 €
Route 66
1966 et suivantes… Bernard Plossu nous livre une chronique de ses jeunes années de route, années hippies entre Amérique, Inde et Europe. Small was Beautiful : ses photos, rares pour certaines car en couleur, au grand angle (qu’il exclut habituellement) et rescapées d’un autodafé personnel, sont à la mesure d’un journal intime. Le globe-trotter shoote au fil des rencontres : les trois sœurs Baez, Henry Miller, Ginsberg, l’ami Bill Coleman, l’amie Patti (un air de Smith), Jerry Rubin (alors jeune militant révolutionnaire) et bien d’autres inconnus porteurs de valeurs et d’initiatives alternatives à l’American Way of Life que n’aurait pas reniées Thoreau. À travers ses textes Plossu raconte sans nostalgie comment il est devenu photographe pour la vie, se plait à partager des moments les plus authentiquement vécus, décrit de l’intérieur une époque devenue mythe puis désillusion lorsque le rêve s’est recyclé en consommation, de Hippies en Yuppies. Il tente de rétablir l’authenticité de ces ingénus pris dans l’image déformée par la presse du moment. Deux articles parus dans Rock & Folk en 70 et 71, textes et photos de Plossu, sont intégralement reproduits. Plusieurs documents, couvertures de livres et revues d’époque viennent renforcer son témoignage. Une introduction de première main à une époque. Far Out ! en poche, il faudra poursuivre cette lecture jusqu’à la galerie la Non-Maison à Aix (voir p. 81) qui expose les photographies de son ami John Cohen sur la Beat Generation, sur une proposition de Plossu himself. CLAUDE LORIN
Far Out ! Bernard Plossu Médiapopéditions, 15 €
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LIVRES JEUNESSE
Heureuses rencontres
Chez Vents d’ailleurs, maison d’édition installée à La Roque d’Anthéron, les albums jeunesse s’inscrivent dans la mouvance de l’édition de création, née de la rencontre entre auteurs, illustrateurs, plasticiens, graveurs, sculpteurs et graphistes et caractérisée par des réalisations très sophistiquées. Noir très dense sur papier chiffon pour La maman qui s’absentait de Stéphane Martelly et Albin Christen ; papier découpé, papier fait main et gravure pour Le camion frontière de Jean-Yves Loude et Françoise Malaval. Deux «objets» superbes qui abordent deux sujets délicats : le premier sur le désarroi de l’enfant face aux absences de sa mère qui le terrifient, comme une maladie étrange, l’inquiétude qui le gagne, le sentiment de perte, inconsolable ; un texte poétique déroulé dans une spirale sans fin telle une lame de fond dans laquelle les mots s’enroulent et les dessins à l’encre noire tournent en boucle. Le second sur les questions de frontières, de luttes et de guerres qui
montre aux enfants comment dépasser les différences, bannir les murs, blackbouler les idées reçues ; un récit humaniste porté par la voix de deux enfants ennemis, Primo du Nord et Tima du Sud, qui ne s’étaient encore jamais rencontrés, et par une fresque colorée mise en scène comme un décor de théâtre… Quand un écrivain aux semelles de vent rencontre une créatrice qui partage son temps entre les Hautes-Alpes et l’Asie du Sud, l’album prend de l’altitude. M.G.-G.
La maman qui s’absentait Stéphane Martelly (texte) et Albin Christen (illustration) Le camion frontière Jean-Yves Loude (texte) et Françoise Malaval (illustration) Vents d’ailleurs, 15 euros chacun
Jusqu’au bout Un livre choc : le premier livre de Claire-Lise Marguier, une inconnue. Édité dans la collection DoAdo, mais qui concerne vraiment aussi les adultes que questionnent le vécu des adolescents, leurs doutes et leurs aspirations. Un livre qui fait entendre une voix, celle de Damien Decarolis qui s’est baptisé avec une certaine forme d’humour noir : Dam DeCaro, et se trouve un physique de «frite molle». Il est peureux, introverti et attire les coups. Voilà que ça change avec Samy et sa bande de gothiques. Première fois qu’il a des amis, qu’il se détend, qu’il oublie sa sœur qui fait psycho et qui ne comprend rien, son père qui le force à manger de la viande jusqu’à l’écœurement.... Le gros mot est lâché : peut-être qu’il est homo ? Or Dam n’aime pas les garçons ; il aime un garçon qui le protège, le rassure et le comprend tandis qu’il souffre
de l’incompréhension et du manque d’amour de sa famille, surtout de sa mère. Alors il se scarifie pour se soulager... Écrit à la première personne, le texte ressemble à la confidence faite à un ami, et résonne longtemps en nous. La fin du récit est particulièrement hallucinante ; deux dénouements se juxtaposent, l’un terrible et sanglant, l’autre apaisé. On n’en revient pas, on relit, le souffle court. On est saisi de stupeur. À l’heure où les manuels de lycée sont interdits de parler de genre et d‘identité sexuelle, c’est un livre à partager. Absolument ! CHRIS BOURGUE
Le faire ou mourir Claire-Lise Marguier Le Rouergue, Coll. DoAdo, 9,50 €
Miam Miam ! Un petit régal que cette nouvelle collection de Gallimard jeunesse, revigorante de drôlerie contre l’anorexie ambiante. Igor et Olafe sont deux petits ogres dont la préoccupation essentielle est la nourriture… On les voit fêter la Saint-Boudin, dévorer des pizzas, mais aussi s’attendrir sur un marcassin aussi glouton qu’eux ou vaincre des brigands grâce à leurs farces… le «tout est bien qui finit bien» se résume à la table familiale chargée de victuailles accompagnées d’un adage farfelu. Graphisme naïf, grands aplats de couleurs vives, quenottes pointues triangulaires, un ensemble faussement manichéen… Jubilatoire ! Les aventures de cette famille tordante ont donné lieu à la conception d’un court métrage chez Lardux film (on peut regarder On a faim ! sur le net). Le projet a même reçu la Bourse de la Fondation Beaumarchais.
Pierrick Bisinski secondé pour le texte par Edouard Manceau signe une charmante série où même les ogres ont peur, à lire en tendresse avec ses enfants. M.C.
Igor et Olafe Le jour de la Saint Boudin / Un délicieux marcassin / Le carnaval des brigands / Chasse, pêche et surgelé Pierrick Bisinski, avec la collaboration d’Edouard Manceau Gallimard Jeunesse, Giboulées, 6,50 € chacun
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LIVRES
LITTÉRATURE
L’été en cendres La tempête fait rage sur le Midi de la France lorsque Pierre Roubault, accompagné de son plus jeune fils Fergus, débarque à Marseille. En tant qu’avocat et ami, c’est à lui que revient la mission pénible d’organiser la cérémonie de dispersion en mer des cendres des Verbeeke tragiquement disparus. Il est accueilli par Aude et Marc Labeyrie, un couple étrange, mutique et comme fossilisé par d’anciennes souffrances, gardien de la mémoire des deux extravagants Flamands et de leur stupéfiante demeure, le Smog. Une sorte de vaisseau, tout en coursives, hublots et ponts, amarré sur les hauteurs de la cité, au milieu d’une mer végétale. Un bateau qu’on dirait prêt à appareiller quand le mistral hurle et fait cliqueter les drisses de ses mâts. Placé sous le double signe du deuil et des éléments en furie, le deuxième roman de Jérôme Harlay enchaîne implacablement les événements d’un été sauvage et meurtrier. Comme si la catastrophe initiale était le déclencheur d’une réaction
en chaîne tragique, mécanique violente mais nécessaire pour apurer (enfin) les comptes. Dans le quasi huis-clos luxueux du Smog, les voix des personnages se croisent, les souvenirs remontent, la vérité émerge. Au-delà du thriller polyphonique finement orchestré, Smog offre une réflexion touchante sur les rapports parents-enfants et la juste distance si difficile à trouver, sur les rivalités fraternelles, sur certaines enfances mutilées aussi. Une émouvante mise en garde que l’auteur s’adresse peut-être à lui-même : le livre est dédié à ses deux fils. FRED ROBERT
Smog Jérôme Harlay Belfond, 20 € L’auteur sera présent à Marseille aux Terrasses du Polar les 24 et 25 septembre
Sur les ailes du désir Des vies d’oiseaux… Une fois de plus, le titre intrigue. Et titille. Véronique Ovaldé a le chic pour ça. Alors, on plonge dans cette nouvelle histoire qu’elle situe dans une Amérique latine à la fois réaliste et totalement mythique, un pays où les «collines dollars» aux jardins luxuriants et les plages touristiques essaient de faire oublier le désert tout proche, peuplé de bêtes et d’humains sauvages. Tel un vol erratique d’oiseaux dans le ciel, le roman progresse de manière apparemment aléatoire, tout en ellipses, en variation de points de vue et en flashbacks. Et ce faisant, l’air de rien, il compose la trajectoire unissant les 4 personnages principaux. 2 femmes, Vida et sa fille Paloma (tiens donc !) ; 2 hommes, le policier Taïbo et le jeune marginal Adolfo. 2 belles histoires de désir et d’envol… Mais pas seulement. On y trouve aussi toute une série de figures pas si secondaires que cela (le vieux père, les méchants irrécupérables, la meilleure amie…) et les thèmes chers à Ovaldé : l’ennui et la mélancolie des
existences conformistes, la fuite ou la disparition, le refus de la violence comme de l’indifférence, l’éloge de la passion et de la liberté (même sans garantie, car comme l’énonce Taïbo, «si tu voulais des garanties, il fallait acheter un toaster»). Bienvenue dans ce monde particulier où la romancière invite le lecteur, lui décochant de loin en loin les clins d’œil de ses remarques assassines, de ses titres de chapitres incongrus, de son humour qui toujours pointe. Cet univers, de roman en roman, s’élabore et ravit, aux deux sens du mot. Car qui ne voudrait de ces «vies d’oiseaux» plutôt que d’une vie de chien ?
F.R
Des vies d’oiseaux Véronique Ovaldé L’Olivier, 19 € L’écrivaine sera présente aux Correspondances de Manosque, du 21 au 25 septembre
Leçon de ténèbres Fuyant les humiliations dont il est victime dans son collège, fuyant aussi l’absence de son père et la tristesse de sa mère, un adolescent de 13 ans, presque encore un enfant, fugue. De lui on ignore jusqu’au prénom ; seules comptent sa détresse et son envie de partir, d’aller quelque part où il sera libre car totalement inconnu. S’ensuit un périple hasardeux qui le conduit de Paris à Tanger. Étrange parcours, à rebours des nombreux déshérités du Sud qui se pressent dans le port marocain, avides de passer le détroit qui les conduira (croient-ils) vers les lumières et la prospérité européennes. Étrange déambulation du récit également : François Vergne écrit au fil des errances du jeune, de ses rencontres (le plus souvent mauvaises), dans un style quasi documentaire, où dominent les descriptions de lieux, de sensations, et où plane comme une anesthésie du sentiment. Réflexe salutaire de protection ? Instinct de survie qui seul subsiste
quand tout le reste disparaît ? Les photographies noir et blanc de Simon-Pierre Hamelin accompagnent ce récit d’apprentissage brutal et franchement pessimiste : leur beauté hiératique et la fulgurance de leurs contrastes révèlent le charme violent de Tanger. Et sa lumière désespérante : «maintenant il n’y avait plus que ce ciel d’un bleu si éclatant qu’il en était aveuglant, que ce soleil qui lui brûlait le visage, et pourtant il restait froid à l’intérieur de lui…». F.R
Tanger fac-similé François Vergne, Simon-Pierre Hamelin Le Bec en l’air, Collatéral, 14,50 € L’auteur et le photographe présenteront une lectureprojection de Tanger fac-similé pendant les Correspondances de Manosque
LIVRES
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Je me nourris de l’ombre Ainsi parle, ou plutôt écrit, le narrateur d’Un ange noir. Décidément, François Beaune navigue à l’aise dans le brouillard. Et se plaît à y entraîner le lecteur. Deux ans après Un homme louche, faux journal loufoque de Jean-Daniel Dugommier, dit le Glaviot, il récidive avec un nouveau diariste de fiction, moins sarcastique, plus inquiétant. Alexandre Petit, 37 ans, est enquêteur à la SOFRES, célibataire, peu séduisant ; il «habite seul avec maman», une institutrice retraitée plutôt rigide… Mais cela, on ne l’apprend pas tout de suite. Le roman s’ouvre sur une coupure de presse qui relate la mort, sans doute d’origine criminelle, d’une jeune femme, retrouvée noyée dans sa baignoire. Tout de suite après, le récit commence, qui n’est pas sans rappeler le fameux préambule des Confessions de Rousseau : «La clarté et la simplicité de mon témoignage seront, je le crois, mon meilleur alibi. Ma bonne foi la preuve irréfutable de mon innocence». On sait
à quoi rime ce genre de précautions oratoires… Bref, le narrateur est le dernier à avoir vu la morte vivante. D’où sa fuite. D’où ce récit qui ressemble à un journal de cavale et a vite fait de semer le trouble dans l’esprit du lecteur. Car qui est-il, cet Alexandre que son patronyme déjà diminue et que l’autoportrait qu’il dresse rend tout sauf sympathique ? Un innocent injustement suspecté ? Un minable qui se rêve en justicier ? Un dangereux psychopathe ? Au fil de nombreuses digressions, la narration s’échevèle en diatribes de plus en plus agressives et maniaques, qui laissent soupçonner le pire. Brillant, et très noir. FRED ROBERT
Un ange noir François Beaune Verticales, 17,90 €
François Beaune était en résidence à Manosque puis à La Marelle à Marseille jusqu’en juillet. Il sera présent aux Correspondances de Manosque
Le mythe du Cri Le roman de Claudine Galéa, autobiographie rêvée, confessée, fantasmée, morcelée, reconstruite de l’auteur en jeune fille, puis en femme, fascinée, puis oublieuse, puis simplement admirative de Patti Smith, n’est pas un roman sur le rock. Et pourtant. Le corps plein d’un rêve fait entendre une petite musique toute personnelle, si travaillée et fluide, comme d’un peintre qui a trouvé sa teinte, sa pâte, et s’amuse à la décliner sans apparent effort. Musique bien loin du rock, qui entre dans la langue sans coup de force, ménageant des blancs et des ellipses, des ritournelles, des mots glissés simples sur lesquels une ponctuation discrète fait alterner longues et haletantes respirations. Rien de très rock, on vous dit, les vagues de Galéa sont des émois littéraires plus que des souvenirs de groupie.
Waves, écrit-elle, et apparaît le ressac sur la côte anglaise de Virginia Woolf, plus sûrement qu’une évocation de l’album de Patti. Galéa le sait, et pourtant. Elle s’abîme comme on meurt dans la voix rauque de l’idole, dans cette révélation mystique et sexuelle qu’elle eut adolescente, et qu’elle cherche à retrouver comme un cri d’extase. Rock justement, c’est-à-dire déjantée bien plus que romanesque. L’illusion romantique de l’acmé ? AGNÈS FRESCHEL
Claudine Galéa sera présente lors des Correspondances de Manosque pour un concert littéraire autour de Patti Smith, en compagnie de Jean-Marc Montera (le GRIM)
Le corps plein d’un rêve Claudine Galéa Le Rouergue, la Brune, 14,50 €
Jean qui roule… Malgré un titre à la Echenoz, Rouler, et le prénom du narrateur, Jean, c’est bien Christian Oster qui dans son dernier roman invite avec insistance à une errance méditative, aléatoire et ouverte aux quatre vents. Facile à raconter : de Paris, degré zéro du narratif et déjà en arrière du récit jusqu’à Marseille qui s’imposera au bas de la carte routière, dans la rêverie onomastique du personnage et surtout comme lieu fatal privilégié pour y déposer un point final, un (in)certain Jean suit en voiture des routes au bord desquelles se trament et se défont des rencontres de hasard, signes totémiques, plutôt énigmatiques dans leur banalité ; il faut bien appeler cela un parcours et même une quête ; l’objet en est subtil et essentiel sans doute comme le suggère le dernier mot... Agréable à lire, si l’on se laisse embarquer dans les anacoluthes, ruptures de sens et autres cahots de la phrase, apparitions, disparitions de personnages en écho, du couple des autostoppeurs dynamiques aux Jordan tourmentés par on ne sait quoi, de l’hypothétique ami Simon évoqué souvent
au déjà rigide Ségustat accompagné jusqu’à la morgue en passant par l’improbable Fred Malebranche dans son château pour tristes touristes. Excitant même, dans la déroute du déchiffrement : pourquoi une telle insistance sur le dérisoire (achat de mocassins à Eyguières, motif de moulins à poivre sur la robe d’Hélène, homme qui sifflote en préparant un lapin à la moutarde …) qui touche parfois au burlesque, souvent à l’absurde et diffuse une sourde menace ? Que vaut le langage quand on sait que le mot «essence» se tire à la pompe et constitue la nature intime de l’espèce ? Tout le roman est parcouru par ces invitations à caler et lire de biais, à inventer peutêtre sa propre géographie. MARIE-JO DHO
Rouler Christian Oster L’Olivier, 15 €
L’auteur sera présent lors des Correspondances de Manosque
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LIVRES
LITTÉRATURE
Le temps du retour sur soi Le court roman de Véronique Bizot porte un titre paradoxal. En effet, Un avenir consiste pour l’essentiel en une plongée dans les strates d’un passé familial, ancré dans une sinistre bâtisse à la campagne. Un tour de style acrobatique pour ce long récit au passé à la première personne, où se mêlent pages narratives et transcriptions de fragments de monologue intérieur. Le fil du temps se plie à ce jeu, suivant les méandres de la conscience du héros, jonglant entre les époques, fonctionnant par analogies, rapprochements, idées obsédantes. Mémoire dansante pour cette recherche d’un temps perdu, avec des clins d’œil littéraires, des réminiscences cinématographiques, des jeux avec l’attendu : on attend à l’aéroport, on se perd dans la forêt africaine, l’Ecossais est forcément original et le téléphérique tombe... Car le roman cultive à la fois une esthétique de la surprise et de la distanciation. Destinées en miroir, Paul, le narrateur est parti à la
demande de son jumeau, Odd, vérifier la fermeture d’un robinet dans la maison qu’il vient de quitter… argument ténu s’il en est, qui entraîne une quête, une remise en perspective de l’histoire, et une foule de portraits, de destins particuliers. L’écriture s’organise en cascades d’une apparente simplicité, et sait installer en quelques touches une atmosphère, camper un personnage. Le désespoir est distillé dans une maison où le fauteuil de vieux velours jaune, redoutable, semble absorber toute l’énergie de ceux qui s’y affalent… MARYVONNE COLOMBANI
Un avenir Véronique Bizot Actes Sud, 15 € Véronique Bizot sera présente aux Correspondances de Manosque
Sexe et Blackberry Victoria de Winter porte bien son nom flamboyant : la belle quarantenaire est DRH d’une grande entreprise. Pour un salaire ahurissant, elle traverse la vie en jet et Eurostar, d’hôtels de luxe en safaris, usant de la même détermination dans les négociations avec les syndicalistes que dans les jeux sexuels et les fantasmes qu’elle partage avec ses amants, confondus dans un même appétit de vie et de puissance. David Kolski, son amant, raconte leur histoire : il est directeur de travaux et s’épuise à tenter de livrer en temps voulu à des promoteurs impitoyables une tour babelienne à la Défense. Il est l’envers, ou plutôt le complément nécessaire et déclassé du «système Victoria» : il se consume dans l’euphorie dangereuse qu’il met à répondre aux désirs de sa maîtresse et aux exigences impossibles de ses patrons. Plus que par le portrait psychologique, c’est la tension narrative du roman, construit sur le double compte à rebours de la catastrophe annoncée et du contre-la-montre pour la
livraison du bâtiment, qui restitue cette destruction intérieure du personnage. Le roman se lit d’une traite, et superpose avec intelligence le rapport érotique et les rapports sociaux, faits d’excitation, de distance et de domination, jeux troubles se nourrissant de l’hédonisme implacable et de la perversion maîtrisée des puissants. Mais il en a aussi la brillante inconsistance : sorte de Last exit to Brooklyn à la parisienne, mais sans la cruauté hallucinée, ou de Bovary des temps modernes, mais sans l’ironie subtile et décapante, il séduit et déçoit. AUDE FANLO
Le système Victoria Eric Reinhardt Stock, 22 € L’auteur sera l’invité des Correspondances de Manosque
Une belle nuit d’amour
À Anse-à-Fôleur la vie n’est pas la même que là-bas, dans les capitales occidentales. Le seul mal dont sont atteints les habitants du petit village côtier des caraïbes c’est, malgré la pauvreté et l’isolement, la maladie de la mer… Empruntant son titre à l’expression «la belle amour humaine» du romancier haïtien Jacques Stephen Alexis, le nouveau roman de Lyonel Trouillot croise deux voix qui se tutoient, comme en léger différé, sans réellement dialoguer. Il y a d’abord celle ininterrompue du guide, conteur et aide-bonheur Thomas puis celle d’Anaïse, moins prolixe, de retour sur sa terre paternelle vingt ans après un drame à jamais irrésolu. Finalement, peu importe l’enquête car la vérité du roman ne se situe pas là… À travers elles, l’auteur confronte deux mondes qui s’ignorent même quand quelques rares touristes ou business men s’aventurent en terra incognita - et fait le procès des modes de vie et des castes qui régissent les sociétés : entre capitale et province, nantis et pauvres, maîtres
et domestiques. Entre les Caraïbes et l’Occident qui s’affrontent jusque dans le traitement qu’ils réservent à leurs morts ! Dans une langue aux accents lyriques il dessine des personnages forts (détestables colonel Pierre André Pierre et homme d’affaires Robert Montès, Justin le philosophe législateur, l’oncle aveugle et portraitiste), peint de manière impitoyable l’âme humaine (peut-on espérer la rédemption ?), «interroge le hasard des destinées», pose la question, cruciale, du bonheur et de la fraternité, cette forme si particulière de notre présence au monde. La rédemption viendrait alors, avance Lyonel Trouillot, de notre façon de construire notre «vivre-ensemble»… Et si cela commençait tout simplement par vivre une belle nuit d’amour ? MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
La belle amour humaine Lyonel Trouillot Actes Sud, 17 €
LIVRES
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Par amour de la langue Retrouvailles bretonnes Assommons les pauvres !, roman de Shumona Sinha, au titre baudelairien, peut surprendre, choquer par endroits. Difficile de cerner la narratrice, une jeune femme enfermée une nuit au commissariat suite à une agression qu’elle a commise : une bouteille de vin écrasée sur la tête d’un immigré. D’elle, on ne sait pas grand chose : d’origine indienne, elle est devenue interprète, par amour de la langue, auprès des demandeurs d’asile, «méduses mal aimées qui se jettent sur les rives étrangères (…), des hommes rabougris, difformes, borgnes, entassés les uns sur les autres dans les sous-sols». La plupart mentent, elle le sait. «Le mensonge entrait dans les phrases comme l’eau dans l’arrière pays, ses mille tentacules saisissaient la terre fuyante, l’eau salée comme la salive du monstre couvre la peau douce de la terre. On ne savait plus où commençait l’eau, où la terre se mourait». Elle rejette ses parents qu’elle ne sait pas aimer et semble attirée par une jeune femme, Lucia, «une fontaine de lumière» qui lui rappelle les dessins de Nan Goldin, «neutre comme paysage au crépuscule, une cime enneigée poudrée de
lueur rose, inaccessible, un rêve inachevé, un désir endormi». On l’aura compris : ce n’est pas la trame romanesque qui fait l’attrait de ce livre mais sa langue, poétique, tour à tour limpide, tendre, choquante ou violente. Un roman à relire à haute voix, comme un chant qui revient. ANNIE GAVA
Assommons les pauvres ! Shumona Sinha L‘Olivier, 14 € L’auteur sera présente lors des Correspondances de Manosque
St Lunaire, en Bretagne. Réunion de famille dans la maison d’enfance pour l’anniversaire de Noé, père de quatre enfants et grand-père de six. Achille, l’aîné, est venu des États-Unis sans sa femme, il songe en effet à divorcer. Léna trop absorbée par ses deux enfants, traverse une crise dépressive. Merlin est à 33 ans un éternel adolescent et vient de rencontrer la énieme femme de sa vie. Stella, la plus jeune, vit avec une fille, ce qui ne plaît pas à sa mère.... Rien de bien original en somme ! Sauf que ça et là surgissent des mots qui, à travers les pensées ou les dialogues des personnages, amènent peu à peu le lecteur à comprendre qu’un drame a eu lieu 30 ans auparavant : Violette est morte à l’âge de 5 ans. Enfant différente, elle avait voulu voler comme une libellule... Son souvenir alourdit le passé et pèse sur les relations de ceux qui continuent à vivre. Karine Reysset a découpé son récit en chapitres qui portent les noms des personnages. Le lecteur reconstitue ainsi les liens de relations parfois tendues, dans un beau climat intimiste. Mais on est parfois déconcerté par des formules
relâchées ou des phrases lapidaires qui brisent le flux d’une parole si juste… CHRIS BOURGUE
Les yeux au ciel Karine Reysset L‘Olivier, 17 € Karine Reysset sera présente aux Correspondances de Manosque
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RENCONTRES
MANOSQUE | AIX
Manosque,
LE rendez-vous littéraire de la rentrée
Oublier le blues de la fin de l’été ? Rencontrer la littérature contemporaine vivante ? Entendre dialoguer les textes et les auteurs ? Rêver en lettres et en musique ? C’est tout cela, et bien plus, que vous permettront cette année encore les Correspondances, du 21 au 25 septembre prochains. En 13 ans, ce festival exigeant et populaire est devenu un rendez-vous essentiel pour les amateurs de lecture et de découvertes. Et puis, il est si agréable de flâner dans les rues et sur les places de la ville qui, pendant 5 jours, se mue en une véritable scène littéraire ! Vitrines ornées de citations, écritoires, ateliers, performances, expositions et apéros des libraires, partout les mots sont à l’honneur dans une atmosphère bon enfant. Une expérience littéraire et festive à vivre sans modération.
Rencontres
Deux grands entretiens pour ouvrir et refermer cette 13ème édition. Le mercredi 21, immédiatement après l’inauguration officielle, l’Américain Eric Puchner viendra parler de Famille modèle (Albin Michel), tandis que, dimanche 25, Philippe Djian évoquera Vengeances (Gallimard) et son œuvre romanesque
en général. Et dès le jeudi 22, de 11h à 18h, les rencontres se succèderont. Un ou deux auteurs invités à chaque fois, parmi lesquels certains très attendus comme Jean Rolin, Marie Darrieussecq, Christian Oster ou Eric Reinhart, d’autres que nous suivons comme Carole Martinez ou François Beaune, d’autres enfin à découvrir comme Alissa York. Liste évidemment non exhaustive ! À noter également une rencontre autour de Céline, avec Henri Godard, spécialiste universitaire de son œuvre qui vient de publier une biographie exceptionnelle (Gallimard), et une table ronde avec Gisèle Sapiro sur les notions de responsabilité et de liberté de l’écrivain.
Marie Darrieussecq © Bamberger2011
Spectacles et musique
Les soirées au Théâtre Jean Le Bleu ont largement contribué à la notoriété des Correspondances. Cette année, Anouk Aimée lira Alberto Moravia (le 21) ; Dominique Reymond reviendra, pour notre plus grand plaisir, donner lecture des Mémoires de l’inachevé (Verticales) de Grisélidis Réal, la «catin révolutionnaire» (le 23) ; quant à Laurent Poitrenaux et Marcial Di Fonzo Bo, ils nous emmèneront en voyage
musique. On retrouvera donc cette année des concerts littéraires : La bibliothèque d’Olivia Ruiz (le 22), mais aussi L’or noir d’Arthur H et Un salon rock proposé par Barbara Carlotti et Jean-Pierre Petit. Mais aussi des lectures musicales, comme celle de Véronique Ovaldé accompagnée de Philippe Pigeard (le 23 à 15h) ou de Claudine Galéa et Jean-Marc Montera (le 25 à 14h30) autour de Patti Smith (voir p.64). Parmi les cartes blanches littérature et musique, on retiendra celle qui a été donnée au «rappeur littéraire» Rocé (le 24 à 19h). Et comme le littéraire dialogue aussi avec les arts visuels (peinture, photographie…), on pourra suivre la lecture-projection de Tanger fac-similé (Le Bec en l’air) en compagnie de l’écrivain François Vergne et du photographe Simon-Pierre Hamelin (le 24 à 16h30) ou aller faire un tour à l’exposition consacrée à l’art brut de Jules Mougin, Le facteur étoilé (jusqu’au 30 octobre). En souhaitant que ces quelques points de repères dans un programme très riche permettent à tous les amoureux des lettres et de la cité de Giono de faire de belles rencontres… FRED ROBERT
Eric Puchner © Saeed Mirfattah
dans la correspondance d’Emil Cioran avec Armel Guerne (le 24). À Manosque, on privilégie également les correspondances entre littérature et
Les Correspondances Manosque (04) du 21 au 25 septembre 04 92 75 67 83 www.correspondances-manosque.org
Charme de l’intelligence Hans Magnus Enzenberger © X-D.R
Pour la première édition des Lettres d’Europe et d’ailleurs, l’Allemagne est à l’honneur. Les Amis du roi des Aulnes, le Centre franco-allemand de Provence et la Ville d’Aix se sont associés avec la Cité du Livre, pour ces journées (9,10 et 11 sept) où écrivains français et allemands se rencontrent, autour de performances, spectacles, ateliers… Soirée d’exception en guise d’ouverture puisqu’elle permettait de rencontrer, sous le fin questionnement de Francesca Isidori, Hans Magnus Enzenberger, poète avant tout, écrivain polygraphe (essayiste, romancier, dramaturge, traducteur, éditeur, journaliste, interprète…). Les yeux pétillant de finesse et d’humour, H.M. Enzenberger en un français choisi se plie au jeu, manie l’ironie, effleure, se refuse à endosser le rôle de maître à penser. Né une «mauvaise année», 1929, il ne tire aucune gloire d’avoir été chassé des Jeunesses Hitlériennes : c’était par manque d’assiduité ! À la question
sur la fierté d’être allemand, la réponse fuse «c’est un peu triste ceux qui font une profession de leur nationalité». Son livre Hammmerstein ou l’intransigeance (2010) s’amuse des polymorphies du roman, naviguant entre l’enquête historique, les témoignages, les lettres, les documents, et une interview des morts : il évoque ainsi sans linéarité, dans les interstices du vraisemblable, la vie de ce personnage historique, chef de l’armée allemande des années 30 qui fut un opposant notoire d’Hitler. Enzenberger revendique ainsi une écriture libérée des attentes universitaires, dans un roman empreint d’une conscience aiguë du destin individuel ou collectif. À l’instar de son héros, qui affirme que «la peur n’est pas une vision du monde», il ajoute «la résignation n’est pas la meilleure part de nous». D’ailleurs, «l’apocalypse ne dure jamais très longtemps». MARYVONNE COLOMBANI
LITTÉRATURE
visuel littorales 2011 © studio petroff Jean Lorin
Les littorales du 12 au 16 oct, Marseille www.librairie-paca.com
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Septembre se déguste noir
Salon d’automne
Déplacer les frontières, géographiques ou imaginaires, habiter l’entre-deux, tendre des passerelles entre les genres, les disciplines, les univers, telle est la belle ambition des prochaines Littorales que l’association Libraires à Marseille organise du 12 au 16 oct. Un thème, Frontières en mouvements, décliné en trois temps. La soirée d’ouverture, le 12, propose, en partenariat avec le FID Marseille, un dialogue entre documentaire cinématographique et littérature au César. Le 14, la BDP Gaston Defferre accueillera la journée de réflexion ; tout un jour de débats, conférences et projections autour de «quand la littérature rend les frontières poreuses», en présence, entre autres, de Robert Bober. Puis, les 15 et 16 oct, sous les chapiteaux dressés sur le cours d’Estienne d’Orves et dans leurs environs immédiats (boutique Agnès b, Les Arcenaulx, La Bo[a]te…), place à la Grande Librairie, aux Tables Rondes, au Forum radiophonique, à l’Exposition de livres d’artistes, et autres ateliers, rencontres-dédicaces et spectacles… À signaler la présence de Lydie Salvayre, Camille de Toledo, Metin Arditi, Marie Cosnay, Christian, le retour du charismatique Robert Mc Liam et de l’émouvant Wilfried N’Sondé. Une table ronde réunira trois voix de l’Outremer, celles de Daniel Maximin, Roland Brival et Eugène Nicole. Une autre permettra de découvrir la jeune maison d’édition L’Edune et Empreintes, une collection de livres jeunesse aux formes narratives hybrides.
RENCONTRES
La 6ème édition de La semaine noire en dure en réalité presque deux ! Organisée en partenariat avec Système Friche Théâtre, la maison d’édition L’Écailler et l’association L’Écrit du Sud, cette quinzaine du noir se déroule du 16 au 28 sept selon les principes habituels. D’abord, un jumelage noir. Pour cette édition, Marseille est associée à une autre cité ensoleillée, Miami. Une occasion pour le public de connaître le créateur du fameux Dexter, Jeff Lindsay. Ensuite, une résidence d’auteur. L’invité cette année est l’écrivain journaliste Patrick Raynal. Spécialiste de la littérature américaine, longtemps directeur de la célèbre Série Noire, il est aussi l’auteur d’un nombre impressionnant de polars. Il apprécie également la bonne chère puisque plusieurs dîners littéraires se tiendront en sa compagnie (les 20, 22 et 27). Le 22, au restaurant des Grandes Tables de La Friche, ce sont lui et son épouse qui concocteront le repas ! Enfin, des rencontres, à la BMVR Alcazar particulièrement, où l’écrivain Cédric Fabre animera par ailleurs des ateliers d’écriture autour des œuvres des auteurs invités. Et de mémorables séances de dédicaces à Marseille puis à Septèmes lors des Terrasses du Polar. FRED ROBERT
La Semaine Noire du 16 au 28 sept www.lecritdusud.com
FRED ROBERT
Mexico et le monde Carlos Fuentes © X-D.R
La recette du succès des Écritures croisées est simple : il s’agit de faire venir à Aix les plus grands écrivains du monde, de les accueillir aux côtés des auteurs qu’ils aiment, d’intellectuels et d’artistes susceptibles de mettre leur œuvre en perspective, et d’y offrir des échos. Depuis plus de 25 ans la qualité de l’accueil et des échanges est telle que Philip Roth, Salman Rushdie, Toni Morrison, Mo Yan, Naipaul, Stéphane Hessel, Mahmoud Darwich… se sont succédé, et ont offert des moments de partage incomparables, où il est question de littérature, mais aussi de penser le monde. Parce que l’une, sans l’autre, ne rime pas à grand-chose… En octobre c’est Carlos Fuentes qui viendra offrir son univers. En cette année du Mexique si stupidement annulée, le cadeau est précieux. L’écrivain, eu égard à l’importance de son œuvre, reste relativement méconnu en France : parfois assimilé à tort au réalisme magique latino-américain, connu souvent pour ses engagements politiques, son œuvre foisonnante n’est pas intégralement traduite. La virtuosité de la construction romanesque en est pourtant exceptionnelle… Ainsi dès 1958 La plus limpide région entrainait à travers un puzzle narratif très complexe, mais d’une lisibilité sidérante, dans les strates et les
jeux de domination d’un Mexico en voie d’explosion… 50 ans après les récits du Bonheur des familles brossent un portrait en forme de mosaïque guère plus optimiste, qui témoigne pourtant de la même foi envers la profonde humanité de ses personnages anonymes, coincés dans une société désespérément oppressante. Autour de Fuentes il y aura donc des rencontres, des projections à l’Institut de l’Image, un concert de Télémaque, une lecture aux Ateliers, une exposition… Mais, dès à présent, une rencontre de sensibilisation le 22 sept à 18h30, autour de la projection du film de Guy Scarpetta Carlos Fuentes, un Voyage dans le temps, permettra de mieux entrer dans son univers. AGNÈS FRESCHEL
Carlos Fuentes, La plus limpide région du 13 au 16 oct Cité du livre, Aix 04 42 26 16 85 www.citedulivre-aix.com
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RENCONTRES
Libraires du sud /Libraires à Marseille - 04 96 12 43 42 Rencontres : avec Fred Bernard pour la sortie de Ursula, vers l’amour et au delà (Editions Delcourt) le 16 sept à 18h à la librairie La Réserve à bulles (Marseille) et le 17 sept à 15h à la librairie Contrebandes (Toulon) ; avec Dominique Resch pour Mots de tête (éd. Autrement), le 20 sept à 19h à la librairie Charlemagne (Toulon) ; avec Amélie Nothomb pour Tuer le père (Albin Michel, 2011), le 21 sept au Centre culturel (Carpentras) ; avec Isabelle Bourboulon pour Le livre noir du management (Bayard, 2011), le 22 sept à 19h à la librairie La Carline (Forcalquier) ; avec Yan Nascimbene, illustrateur du texte de Julien Green, Ralph et la quatrième dimension (JBZ éd.), le 23 sept à 17h à la librairie Masséna (Nice) ; avec l’Epicerie de l’orage, maison d’édition, le 24 sept à 11h à la librairie Maupetit (Marseille) ; avec Eric-Emmanuel Schmitt pour La Femme au miroir (Albin Michel), le 28 sept à 15h à la librairie Charlemagne (Toulon) ; avec François de Bez et Gérard de Belsunce pour Un siècle de catholicisme social en Provence - Le secrétariat social de Marseille (1903-2010), le 30 sept à 18h30 à la librairie Saint-Paul (Marseille) ; avec le professeur Henry de Lumley à l’occasion de la parution de plusieurs ouvrages dont La Montagne sacrée du Bego (CNRS éditions), Les premiers peuplements de la Côte d’Azur et de Ligurie (Editions Mélis) et L’atelier du préhistorien (CNRS éditions) le 30 sept à 18h à la librairie Masséna (Nice) ; avec Marie-Christine Hazaël-Massieux pour son livre Dictionnaire contemporain des Pères de l’Eglise Leurs mots, leurs textes, leur langage (éditions Bayard) le 4 oct à 18h30 à la librairie Saint Paul (Marseille) ; avec Donpasta pour la parution de Wine Sound System (éd. Autrement) le 11 oct à 18h30 à la librairie Charlemagne (Toulon) ; avec Metin Arditi pour son livre Le Turquetto (éd. Actes Sud) le 13 oct à 17h à la librairie Charlemagne (Toulon). AIX Cité du livre – 04 42 91 98 88 Exposition Les cafés autrichiens et leurs écrivains : photos de portraits de Sepp Dreissinger, jusqu’au 8 oct. Conférence de Fabienne Pavia sur Photographie et littérature : un dialogue éditorial fécond, le 14 sept à 18h30. Conférence de Rémi Jimenes, enseignant d’histoire moderne à l’Université de Tours, sur L’Imprimerie à la Renaissance : la naissance du livre moderne, le 17 sept à 15h. Fondation Vasarely – 04 42 20 01 09 Dans le cadre des Journées du patrimoine, parcours chorégraphique Andréa Pérékovic accompagnée par O. Guindon, les 17 et 18 sept de 14h30 à 16h30. Voyons Voir – info@voyonsvoir.org Exposition En ce lieu ou presque… suite avec Nicolas Chatelain, du 25 sept au 9 novau domaine de Saint Ser à Puyloubier, vernissage le 25 sept à 11h30 avec pique nique et marche. Galerie du Lézard – 06 12 23 35 03 Exposition des peintures d’Hélène Segura, et des gravures d’Anne Carpena, jusqu’au 1er oct. Vernissage en présence des artistes le 15 sept à partir de 18h30. ALLAUCH Musée – 04 91 10 49 00 Exposition Petits miracles à Mexico, ex-voto mexicains et contemporains, jusqu’au 30 octobre. ARAMON Office de la culture et du patrimoine - 04 66 62 97 28 Visite commentée à la découverte du patrimoine architectural et historique de la Ville, le 1er oct (rendez-vous à 10h devant l’OT).
ARLES Atelier Archipel – 06 21 29 11 92 Exposition des installations et photos de Monique Deyres, jusqu’au 25 sept. BARJOLS Plaine Page – 04 94 72 54 81 Dans le cadre des Journées du Patrimoine ouverture des ateliers d’artistes rue des Tanneurs et de la ZIP : expositions des travaux des diplômes d’architecture 2011, conférence de Jean-Marc Huygen, architecte et enseignant, et Arlette Hérat, urbaniste, à propos des réflexions et projets autour des anciennes Tanneries, performances et lectures avec le collectif En avoir ou pas… Les 17 et 18 sept. BEAUCAIRE Office de Tourisme Beaucaire Terre d’Argence – 04 66 59 26 57 Conférence Le Canal du Rhône à Sète, le 17 sept. BRIGNOLES Le bazar du Lézard – 04 94 59 62 63 Galerie d’art qui ouvrira à l’automne mais qui propose une Ouverture du chantier au public dans le cadre des Journées du patrimoine avec la création d’une fresque par le graphiste Crom et quelques invités. Les 17 et 18 sept. CARPENTRAS Librairie Gulliver – 04 90 67 28 67 6e édition de Bistro BD : accueil d’auteurs de BD de grande renommée dans un bistro pour des échanges conviviaux. Avec Mandryka, Pierre Dubois, Laurent Verron, Florence Cestac, Plessix, André Taymans… Le 1er oct de 10h à 19h. CORNILLON-CONFOUX Espace Pièle – 04 42 05 47 03 Conférence de Patrick Varrot, historien de l’art, sur Une dynastie de peintres autour de l’Etang de Berre (1704-1835), le 13 oct à 18h30. COTIGNAC Association Caractères – 04 94 59 53 12 6e salon de la petite édition indépendante sur le thème Voyages, voyage : lectures, projections de films, débat… Le 25 sept de 10h à 17h. FORCALQUIER Forcalquier des livres – 04 92 75 09 59 Atelier de reliure contemporaine animé par Hélène Logeay, les 17 et 18 sept. Atelier d’enluminure animé par Romuald Sourisse, du 26 au 29 sept. Quiero éditions – 06 81 98 80 49 Hurlement en faveur des étagères : exposition rétrospective de Serge Navetat, artiste plasticien et poète autour des encres de la série des «étagères» qui accompagnent les textes du recueil Phloèmes. Jusqu’au 18 sept. FRÉJUS Villa Aurélienne – 04 94 52 90 49 Exposition de G. Micheletto, Rouge de Venise, bleu de Venise, jusqu’au 18 sept. LA SEYNE-SUR-MER Les Chantiers de la lune – 04 94 06 49 26 Exposition de peintures de Colette Chauvin, du 24 sept au 29 oct ; vernissage le 23 sept à 19h. Société des gens de lettres PACA – 04 94 94 88 49 6e Rencontres de Tamaris : rencontres entre écrivains et
artistes sur le thème Les écrivains et la danse. La danse classique le 30 sept, la danse et les chorégraphes contemporains le 1er oct, de la valse au hip hop le 2 oct. LA TOUR D’AIGUES Château – 04 90 07 50 33 Exposition Un territoire et des hommes, photographies de David Simon, jusqu’au 18 septembre. LAURIS Association des amis de la bibliothèque municipale – 06 71 40 10 89 4e édition du livre en fête sur le thème Couleur Crime : rencontres d’auteurs, signatures, ateliers, conférences, tables rondes… Les 17 et 18 sept. MARSEILLE Centre pour l’édition électronique ouverte – 04 13 55 03 55 Lire/écrire à l’heure du numérique : débat organisé par la bibliothèque de l’Alcazar et le Centre pour l’édition électronique ouverte (Cléo) en partenariat avec l’ARL Paca, dans la cadre de l’Université d’été de l’édition électronique ouverte, avec François Bon, créateur de Publie.net, Hervé Le Crosnier, chercheur en sciences de l’information et fondateur de C&F éditions, Octavio Kulesz, fondateur de Teseo (la première maison numérique d’Argentine), Marin Dacos, créateur de Revues.org et directeur du Cléo, et Alain Pierrot et Samuel Petit, les initiateurs de If:lire, Institut pour le futur de la lecture et de l’écriture, dont la création sera annoncée à cette occasion. Le 16 sept de 18h à 20h à la bibliothèque Alcazar. Book Project international – 04 91 33 20 80 14e rencontres de l’édition de création et du livre d’artiste contemporain, en présence d’une soixantaine d’éditeurs et d’artistes-éditeurs issus d’une dizaine de pays. Du 8 au 9 oct sur le Cours d’Estienne d’Orves. BMVR Alcazar – 04 91 55 90 00 Dans le cadre du cycle Forêts d’ici, forêts d’ailleurs : conférence de Laure Emperaire, botaniste, sur La forêt amazonienne, le 24 sept à 17h ; conférence d’Olivier Dangles, écologue à l’IRD, À l’épicentre de la biodiversité, le 22 oct à 17h. Conférence : L’Astrologie est-elle scientifique ?, le 28 sept à 17h. Journée d’information sur la maladie d’Alzheimer, conférence le 21 sept de 10h à 16h30, avec les 24 partenaires signataires de la Charte Alzheimer initiée par la Ville de Marseille. ABD Gaston Defferre - 04 91 08 61 00 Rentrée littéraire : soirée de présentation des tendances de la rentrée, avec la participation d’Isabelle Eymonot, bibliothécaire, Christian Garcin, auteur, Thierry Guichard, journaliste au Matricule des Anges, sous réserve, Pascal Jourdana et Dominique Paschal, libraire. Espace Sénac – 06 19 92 32 78 Créole fusion : littérature, arts plastiques, musique, gastronomie. Rencontre littéraire avec Yollen Lossen, auteure de La peau sauvée (éd. De l’Harmattan), exposition de Françoise Sémiramoth, artiste plasticienne, Têtes de nègres… Le 17 sept à 16h30. Association ZimZam – 04 13 59 06 35 Fadoli’s circus, festival de cirque différent : journée de spectacles professionnels créés et interprétés par des artistes dits «valides» et des artistes «en situation de handicap» avec la cie Kitshnette, Les Percussions de Treffort, la cie du Ba, le Théâtre de Cristal, la cie Presque Siamoise, ZimZam, la cie Chakana, The Choolers, Camapa et Félix Fujikoon. Le 24 septembre au Parc Longchamp. Librairie Apostille – 09 51 83 15 27 Exposition de photos d’Alexandra Karam, du 6 oct au 8 nov. Approches Culture(s) et Territoires – 04 91 63 59 88
RENCONTRES 73 Mémoire en chantier : 1re biennale du Réseau pour l’Histoire et la Mémoire des Immigrations et des Territoires. Expo-sition visuelle et sonore Nous venus d’ailleurs, immigrer, vivre et travailler à la Seyne-surMer jusqu’au 15 déc à la Maison du patrimoine à La Seyne ; expo Du bateau à la cité, l’enfer-mement à Marseille XVIIIe-XX e siècles, du 17 sept au 21 jan aux Archives départementales des B-d-R Marseille ; lecture d’archives par la cie Gertrude 2 sur les Harkis. Au camp des invisibles, le 18 sept à 11h30 aux Archives départementales des B-d-R et conférence sur le même thème d’Abderah-mane Moumen et Jean-Jacques Jordi, historiens, le 12 oct à 18h30 aux ABD à Aix ; conférence de Michel Agier sur Les frontières de l’exil, le 29 sept à 18h30 aux Archives des B-d-R Marseille ; expo Des travailleurs indochinois dans les Bouchesdu-Rhône, du 1er au 30 oct à la Poudrerie à Saint-Chamas ; rencontres sur le mouvement ouvrier et la santé au travail avec Patrick Hautière, Michel Pigenet… le 8 oct de 9h à 17h au Centre Azur de Sanary ; Institut Culturel Italien – 04 91 48 51 94 Journées Portes Ouvertes le 17 sept de 10h à 17h. Dans le cadre de la 11e édition de la Semaine de la langue italienne, conférence de Lorenzo Prencipe, «Mei» museo nazionale emigrazione italiana, le 13 oct à 18h. Atelier Juxtapoz – 06 63 82 00 76 Exposition Eclat de mandarine indigote par Kitshette, jusqu’au 3 oct. Maison de l’Architecture et de la Ville – 04 96 12 24 10 Habiter, réflexions et expériences sur le logement collectif : Exposition Vu de l’intérieur : habiter un immeuble en Île de France de 1945 à 2010, jusqu’au 6 oct. Exposition des photos de Philippe Piron, Ensemble et résidence à Marseille 19551975, du 29 sept à 31 oct au syndicat des architectes des B-d-R. (SA13) ; conférence de Thierry Rousseau sur le même sujet, le 29 sept à 19h au SA13. Conférence de Monique Eleb et Sabri Bendimérad sur Le logement vu de l’intérieur, le 15 sept à 19h. Conférence de Frédéric Druot, X fois «plus» : de la chambre à la ville, le 27 sept à 18h30 aux ABD Gaston Defferre. Promenade dans les Grand ensembles marseillais avec Nicolas Mémain, le 8 oct départ à 10h du SA13. Espace Leclere – 04 91 50 00 00 Pour l’histoire de l’art : Rencontre et signature avec Eric de Chassey, historien de l’art et directeur de la Villa Médicis, présenté par Jean-Noël Bret, le 10 oct. Espace Ecureuil – 04 91 57 26 49 Conférence d’initiation L’art en France, l’art français I : De l’art rupestre à l’art courtois, par Jean-Noël Bret. Le 13 oct à 18h. Fotokino – 09 50 38 41 68 Parade nuptiale : exposition de dessins, installation, vidéo de John Deneuve, à
l’occasion de la sortie de son catalogue monographique Parade Nuptiale (éd. Images en manoeuvre, 2011), du 1er au 8 oct. MARTIGUES Musée Ziem – 04 42 41 39 60 Exposition photographique de Micheline Dullin dite «Nona» : Cambodge 19581964, jusqu’au 23 sept. MONT-DAUPHIN Compagnie Contre Le Village – 06 08 83 00 97 10e Festival Conte Escarpe : lectures de contes, spectacles, à Mont-Dauphin et dans les communes alentour, du 19 au 25 sept. MOUANS-SARTOUX Centre culturel des cèdres – 04 92 28 45 60 24e édition du Festival du livre sur le thème Où allons-nous si vite ? 350 auteurs et réalisateurs invités, du 7 au 9 oct. ROUSSILLON Mairie – 04 90 05 60 16 4e édition de Lire en fête sous le parrainage de Rufus, écrivain et comédien : rencontres d’auteurs et dédicaces, discussions avec des professionnels des métiers du livre, ateliers… Le 25 sept de 10h à 18h. SAINT VICTORET Mairie – 04 42 15 32 00 11e salon du livre avec une cinquantaine d’écrivains de la région. Le 9 oct de 10h à 18h salle Edith Piaf. SANARY-SUR-MER Espace Saint Nazaire – 04 94 32 97 00 Exposition Eclats d’Art, du 16 sept au 20 nov, vernissage le 15 sept à 18h30. VENELLES Bibliothèque – 04 42 54 93 10 Petit déj dédicace avec l’auteure Frédérique Deghelt, le 24 sept dès 9h30. Apéro-lecture dans le cadre de Bibliothèque en fête : Que viva Mexico !, le 4 oct à 20h. VERS-PONT-DU-GARD Pont du Gard – 0 820 903 330 Autour de l’exposition Albert André (1869-1954), 170 œuvres post-impressionnistes (jusqu’au 25 sept.) : conférence de Virginie Journiac, conservatrice des musées de Cagnes-sur-Mer et Renoir, sur Renoir et Albert André, une amitié, le 24 sept à 16h ; projection d’Une partie de campagne de Jean Renoir les 17 et 18 sept ; atelier d’écriture avec Anne Simonet Avril de l’assoc Regarde venir, le 23 sept à 16h. VILLENEUVE-LEZ-AVIGNON La Chartreuse – 04 90 15 24 24 Dans le cadre des Journées du patrimoine, visite de la Chartreuse, lecture de Dialogue des deux moi de Boris Vildé par le comédien Jean-Marc Bourg à 18h, spectacle multimédia de Véronique Caye, Genius Loci, à 21h et 22h. Les 17 et 18 sept.
Inventaire(s) / Invention(s) Au delà de l’hommage rendu par ce titre à la maison d’édition susnommée et trop tôt disparue pointe la curiosité déclenchée au vu de la profusion et de la diversité suggérées par la 11e édition du Festival International des Arts et des Cultures Contemporaines au pluriel et en majuscules, alias ActOral pour un usage plus convivial. Le festival franchement nomade cette année en raison de la fermeture temporaire de la «maisonmère» Montevideo pour travaux de mise en conformité sera parrainé (!) par l’auteure Chloé Delaume et accueilli «en ville» du 13 sept au 13 oct par nombre de structures partenaires : la Criée, le Gymnase, la Minoterie, les Bernardines, la Friche, la librairie L’Odeur du Temps pour des lectures, la Maison de l’Avocat, les Grands Terrains, le cinéma Variétés ou le [MAC]... Dans le programme 19 formes répertoriées dans un ordre désalphabétique mais prometteur de S(pectacles) à E(crits de la philosophie) en passant par l’engageant U(ne heure avec…) de bon ton ou l’énigmatique O(bjet des mots) qui associera écriture et champs d’expression artistique différents ; chez les artistes invités, plus de 70, tous au garde à vous de leur initiale, des tricheurs comme La Femme (groupe dandy punk) qui compte pour 4 ou L’Encyclopédie de la Parole, collectif variable ; les soeurs Martin, loin de Lisieux, performeuses et plasticiennes malicieuses viennent honnêtement à 2 mais sont toujours en quête de leur Patrick. Qui fera quoi et comment ? Gageons que l’inclassable meneuse de revue Brigitte Fontaine pulvérisera la question et que Magik Malik, Catherine Marnas avec sa Nuit sur Mexico ou Hubert Colas avec sa reprise de Kolik la domineront. On y retrouvera du familier dont on ne se lasse pas : Noëlle Renaude nous proposera une Promenade très libre, Gildas Milin un Toboggan pour vieillards indignes, Pierric Bailly sa chronique
douce-amère de la fragilité masculine ; Dieudonné Niangouna fera sans doute trembler les identités et vaciller le Socle des Vertiges tandis que Suzanne Joubert laissera peut-être parler ses voix comme Thomas Gonzales celle de l’auteur kurde Samir Barakat. Il sera question pour Claudine Galéa et Jean Marc Montera de convoquer ou au moins d’évoquer Patti Smith et pour Robert Cantarella de réinventer Un Musée Vivant aux drôles de médiateurs. On y attend des performers et des poètes, les mêmes parfois et en même temps : Anne James Chaton dans ses Vies d’hommes illustres... fera se rencontrer Stendhal et Jésus Christ (feront-ils bon ménage avec la Messalina de Chloé Delaume ?), Edith Azam répondra avec sa Tumeur dans le langage à la vitalité uppercut de Charles Pennequin ou au champion de France 2006 de Beatbox Aymeric Hainaut. La chorégraphe Antonija Livingstone ajoutera-t-elle un peu de désordre dans tout ça et les danseurs aériens du Castor et Pollux de Cécile Bengoléa seront-ils à la hauteur ? Annoncés encore : Adam et Eve d’Anja Millberg, un congélateur pour la glace de Mikaël Valet, un Primo Amore, des anges déchus (Lost/ Replay de Gérard Watkins) et le nomade commotionné d’Antoine Dufeu. Il y aura aussi paraît-il des sons et des lumières, des diplômés des Beaux-arts et un petit jeune prometteur au nom mouvant... Julien Balaine... Bedaine... On verra bien ! Elle a raison marraine Chloé de prédire dans son édito l’explosion des subjectivités ! MARIE-JO DHÔ
Actoral 11 du 13 sept au 13 oct Marseille, divers lieux 04 91 37 14 04 www.actoral.org
Vidéo Super Mamie de Thomas Mailaender. Edith Azam, entre autres, y fera écho en interprétant son Impromptu lors de la projection du film © Thomas Mailaender
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CINÉMA
RENDEZ-VOUS D’ANNIE
Du 14 sept au 4 oct l’Institut de l’Image à Aix propose une rétrospective de l’œuvre de Stanley Kubrick : de son deuxième long métrage en 1954, Le Baiser du tueur, jusqu’au dernier, Eyes Wide Shut, sorti en 1999, quatre mois après sa mort. Son œuvre étonnamment diverse, magistrale, profondément antimilitariste, a posé des jalons réguliers et essentiels durant un demi-siècle de l’histoire du cinéma : Les Sentiers de la gloire, Spartacus, Lolita, Docteur Folamour, Orange Mécanique, Barry Lyndon, Shining, Full Metal Jack, et 2001 l’odyssée de l’espace bien sûr. Institut de l’Image 04 42 26 81 82 www.institut-image.org Le baiser du tueur de Stanley Kubrick
Du 23 sept au 2 oct, à Carpentras, l’association Laissez-passer, en partenariat avec le cinéma Rivoli, propose1er Festival du cinéma israélien : des films d’Eran Riklis, Eytan Fox, Ari Folman, Etgar Keret… Lionel Abelanski présentera Le syndrome de Jérusalem d’Emmanuel Naccache et Stéphane Belaisch ; Xavier Nataf animera un débat après la projection du film de Nir Bergman, Le livre de la grammaire intérieure, le 27 septembre à 20h.
Le 6 oct à 18h30, au Musée départemental de l’Arles antique, le Museon fait son cinéma ; projection de La Ville Louvre de Nicolas Philibert : à quoi ressemble le Louvre quand le public n’y est pas ? Cécile Giroire, Conservateur du patrimoine au musée du Louvre interviendra après le film. 04 13 31 51 90 www.museonarlaten.fr
Laissez-passer 04 90 61 75 57 www.festival-laissez-passer.com
Le 26 sept à 20h, au cinéma Les Variétés, Laïcité, Inch’Allah !, le documentaire qui a obtenu le «Grand Prix International de la Laïcité 2011», en présence de la réalisatrice tunisienne, Nadia El Fani. Cinéma Variétés 09 75 83 53 19 Laicite de Nadia El Fani
La ville Louvre de Nicolas Philibert
Le 26 sept à 18h, au Cinémas Actes Sud (Le Méjan, Arles), ciné littéraire : projection de Le Cochon de Gaza, suivie d’une rencontre avec le réalisateur Sylvain Estibal, auteur de deux romans parus chez Actes Sud. Cinémas Actes Sud 04 90 47 37 30
Les Mardis de la Cinémathèque reprennent le 27 sept à 19h, au CRDP, et proposent dans le cadre de Septembre en mer Les Révoltés du Bounty de Frank Lloyd. Le 4 oct, en association avec La Meson, un ciné-concert dans le cadre de Jazz dans la ville : Farenji de Jean-Marc Lamoure. Et le 11 un hommage à Franck Fernandel avec Cherchez l’idole de Michel Boisrond. 04 91 50 64 48
Le 8 oct de 14h à minuit, à Rousset, Les Films du Delta proposent le 6e épisode de Courts-Bouillon, une sélection de courts métrages dont les meilleurs films d’animation des Gobelins, École de l’image. Les Films du Delta 04 42 53 36 39 www.filmsdelta.com
Le 11 oct à 20h, au cinéma Les Variétés, projection du nouveau film de Radu Mihaileanu, La source des femmes, en présence du réalisateur et des actrices Hafsia Herzi, Biyouna et Sabrina Ouazani, suivie d’un débat animé par Rachid Oujdi. Cinéma Variétés 09 75 83 53 19 La souce des femmes de Radu Mihaileanu
Le 20 sept à 20h30, au cinéma Jean Renoir de Martigues, dans le cadre de l’exposition de Micheline Dullin Regards sur le Cambodge, projection de S21, la Machine de mort Khmère rouge de Rithy Panh. 04 42 49 25 42 08 92 68 03 71 http://cinemajeanrenoir.blogspot.com
Dans le cadre d’ActOral, au cinéma Les Variétés, le 3 oct à 20h, le documentaire-portrait de Masao Adachi en présence du réalisateur, Philippe Grandrieux : Il se peut que la beauté ait renforcé notre résolution-Masao Adachi, en partenariat avec Le FidMarseille. Le 10 oct, Après le sud, en présence du réalisateur, Jean-Jacques Jauffret. Cinéma Variétés 09 75 83 53 19
ARLES | FFM | CINEPAGE
CINÉMA 75
Féminin pluriel Pour sa 6e édition, du 27 sept au 9 oct, Film Femmes Méditerranée propose à Marseille, Hyères et La Ciotat, une trentaine de films, inédits pour la plupart. Autant de regards différents, sensibles, critiques, indignés, ironiques, portés par les femmes-cinéastes sur le monde méditerranéen contemporain. Celui d’Alice Rohwacher dont le joli film d’initiation Corpo Celeste ouvrira la manifestation, se pose sur la toujours très catholique Calabre. Celui de Sabine Guzzanti dans Draquila, sur le grotesque Berlusconi. La caméra de Giovanna Taviani se glisse entre réalité et rêves de cinéphiles avec Fughe e approdi. Regard sur Le Caire by night dans La nuit elles dansent de Lavigne et Thibault, sur un Liban passionnel dans Beirut Hôtel de Danielle Arbid, sur la société égyptienne un soir de match de foot dans Un-zéro de Kamla Abou
turque Pelin Esmer. Ni, bien sûr, le documentaire de Suzel Roche, Polo et les professionnels documentaire sur la mandature Vigouroux. Comme chaque année la soirée 13 en courts permettra aux spectateurs de voir 13 courts métrages réalisés par des femmes du bassin méditerranéen, d’attribuer le Prix du Public et de recevoir de nombreux cadeaux. En clôture et en cadeau pour tous, Polisse de Maïwenn, prix du jury à Cannes dix jours avant sa sortie nationale ! Musique, buffets, rencontres avec les réalisatrices prolongeront les échanges et le plaisir. Séduisant, non ? Attenberg de Athina Rachel Tsangari, photo de Despina Spirou © Haos Film 2010
Zekri, en sa présence. Regard sur quatre filles de Tanger dans Sur la planche, polar nerveux de Leïla Kilani et sur les adolescentes de nos quartiers nord, Les roses noires d’Hélène Milano...
Ne ratez ni le film grec drôle et sarcastique d’Athina Rachel Tsangari, Attenberg, récompensé à Venise en 2010 par le prix d’interprétation pour Ariane Labed, ni Les collections de Mithat Bey de la réalisatrice
ÉLISE PADOVANI
Film Femmes Méditerranée 04 91 31 87 80 www.films-femmes-med.org
Le Portugal à Marseille
O fantasma de Joao Pedro Rodrigues
Pour la 4e fois, Cinépage invite le public marseillais à se plonger dans la cinématographie d’un pays européen ; après l’Italie, la Hongrie, la Finlande, nous allons voyager au Portugal à travers
fictions et documentaires, longs et courts métrages, conférences et rencontres. En ouverture, le 20 sept à 19h, au Variétés, trois films de Teresa Garcia, en sa présence, précédés d’une conférence à l’Alcazar, à 17h, sur la culture portugaise de Pedro Da Nobrega. Tout au long de la semaine, à découvrir ou à revoir, des films de João Bothelo, Margarida Cardoso, Jorge Queiroga, José Fonseca e Costa, Paolo Rocha, Manuel de Oliveira, Raoul Ruiz, José Vieira, Antonio Reis, Pedro Costa... Joao Pedro Rodrigues sera présent le 21 à 20h30 au cinéma Pathé Madeleine pour présenter O Fantasma (un jeune éboueur lisboète n’a qu’un désir en tête : faire l’amour avec des hommes de passage…). Et le 22 à 20h au Variétés, Mourir comme un homme, en sélection officielle à Un certain regard en 2010. Au Polygone Etoilé, le 24 à 20h30, Pierre-Marie
Goulet présentera Encontros, primé au FID Marseille 2007 pour sa qualité sonore, et le 25 à 18h un film de Susanna de Sousa Dias, 48, Grand Prix du Cinéma du Réel 2010, en présence du directeur de la photographie Octavio Spirito Santo. Le 24 à 14h à l’Alcazar, une conférence de Jose Manuel Garcia, vice-président de la Cinémathèque de Lisbonne, permettra de connaître l’histoire du cinéma portugais à travers de nombreux extraits de films. ANNIE GAVA
Cinéma Portugais Du 20 au 24 sept Cinépage, Marseille 04 91 85 07 17 www.cinepage.com
Manque de souffle Pour lancer la campagne de promotion du deuxième film de Jalil Lespert tiré du roman d’Olivier Adam Des vents contraires (éd l’Olivier), trois mois avant sa sortie nationale le 14 déc, Universal a choisi Arles et le nouveau cinéma Actes Sud, maison d’éditions qui publie en octobre le prochain roman de l’auteur. Première avant-première en présence du réalisateur accompagné de son producteur plus coutumier des blockbusters américains que des films supposés d’auteurs. Les risques ont tout de même été limités : un prix RTL 2009 et un casting
rassurant avec entre autres Benoît Magimel et Audrey Tautou. Le scénario suit la dérive d’un écrivain parisien, Paul Anderen, dont la femme a brutalement disparu lui laissant deux jeunes enfants, le poids du doute et un espoir de plus en plus déraisonnable. Retour au pays natal, reconstruction de soi contre les vents mauvais à travers une succession de rencontres, Lespert, se référant à Carver, dit avoir voulu raconter la vie de gens ordinaires à qui arrivent des choses extraordinaires. Le résultat n’est pas à la hauteur de cette ambition louable. Le propos se dilue,
s’englue. La Bretagne de cartes postales en plans larges n’offre guère d’échos sensibles aux affres de Paul complaisamment affichées en gros plans. Les situations peu crédibles, les personnages improbables, comme cette compatissante commissaire au caban marin bretonnant incarnée par Isabelle Carré, l‘immaturité irritante des pères ôtent toute possibilité d’empathie et laissent l’impression d’un film bavard qui ne dit pas grand chose. E.P.
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CINÉMA
LUSSAS | THÉÂTRE SILVAIN
Rêves réussis Une escroc tres discrete de Delphine Hallis
À Lussas, durant les États généraux du film documentaire, la journée Brouillon d’un rêve permet de voir quatre nouveaux films, lauréats de l’aide à l’écriture filmique que propose, depuis presque vingt ans, la SCAM (Société Civile des Auteurs Multimedia). Cette année, trois de
ces quatre films, projetés le 24 août, concernaient la région PACA, par leurs lieux de tournage ou leur production ! Un étrange équipage de Boris Nicot fait le portrait d’un producteur, Stéphane Tchalgadjieff, qui a permis la naissance de Out one de Rivette,
India Song de Duras, Le Diable Probablement de Bresson, Les Enfants du Placard de Benoît Jacquot... Habilement construit, soutenu par la Région PACA et l’Ina-Marseille, ce film, voyage dans le cinéma d’auteur des années 70, a ravi les cinéphiles. Autre voyage, du côté de Nice, sur les traces d’Une escroc très discrète, Jeanne Kern, condamnée en 1997 à 2 ans de prison ferme pour escroquerie : sa 28e peine ! Elle a passé plus de vingt ans en prison, ayant commencé très jeune ses vols, si l’on en croit sa sœur qui ne l’a plus revue depuis longtemps. Delphine Hallis reconstruit le portrait de cette vieille dame énigmatique à partir des gens qui l’ont croisée et qu’elle a «embobinés» et «arnaqués». Certaines de ses victimes ne s’en sont pas bien remises ! Un documentaire réussi qui nous rappelle les rues qu’avait arpentées et filmées Jean Vigo dans les années 30. Produit par Comic Strip, le film
d’Hélène Milano, Les Roses noires, donne la parole à des adolescentes vivant dans les quartiers Nord de Marseille, à Clichy-sous-Bois, Le Blanc-Mesnil, Sains ou Montfermeil. Leur langage, elles le revendiquent, mais parlent aussi du sentiment d’exclusion qu’il suscite parfois, de leur rapport au monde, aux autres, en particulier à ceux de l’autre sexe. Un documentaire qui fait réfléchir, et dont les personnages très attachants émeuvent souvent. Pour ceux qui n’étaient pas à Lussas, Les Roses Noires refleuriront à Marseille, les 3 et 4 oct, en présence d’Hélène Milano, invitée par Films-Femmes-Méditerranée. ANNIE GAVA
Ardèche Images Lussas 04 75 94 28 06 www.lussasdoc.com
1 2 3 …10 STOP ? Le public a donc pu voir une soixantaine de courts métrages et rencontrer quelques réalisateurs, passionnés, qui ont dû se payer le voyage !
Hendrick Dusollier présentait Babel, un superbe portrait de la Chine qui entre dans l’économie de marché, des images tournées sur place puis Cloture du Best of Short © A.G
Le 10e et dernier (petit) Best of Short s’est déroulé à la Ciotat du 9 au 11 sept dans la convivialité, mais la tristesse aussi. Budget insuffisant, baisses de subventions ont entravé sa préparation et la diffusion de son information ! Yvan Le Moine, le Président, l’a annoncé dans son discours d’ouverture, décalé, provocateur, volontairement de mauvais goût parfois : il cède la place à un autre Belge, Freddy Bozzo, président du Festival International du Film fantastique de Bruxelles, qui devra convaincre partenaires et sponsors que ce festival qui permet de montrer les pépites du court métrage, primées dans les festivals internationaux les plus prestigieux, doit se tenir dans la ville, berceau du cinéma, et devenir un GRAND festival.
longuement retravaillées en 3D. Vincent Vizioz entraine dans une errance nocturne le long du canal de l’Ourk jusqu’à Tremblay-en France : des paysages inattendus de la banlieue, véritables toiles de peintre. C’est dans le paysage virtuel que nous emmène Francisco Filippi dans Home, plein de trouvailles, tourné avec une webcam, réflexion sur le rapport à l’informatique. Hamy Ramezan présentait une banlieue finlandaise, violente et glauque, dans Over the fence. Quant à Amal Kateb, c’est Oran dans les années 90, terribles, qu’elle nous dépeint à travers l’histoire d’un tire-bouchon : l’émouvant On ne mourra pas. ANNIE GAVA
Extérieur nuit En été, le cinéma sort des salles obscures, s’aven-ture au grand air à la ville ou aux champs. Les séances gratuites réunissent après plage, sieste ou journée de boulot un public estival encombré de coussins, glacières et enfants en vacances qui s’inventent des jeux pour attendre le film programmé sous les premières étoiles. Ainsi fut projeté le 8 juillet en marge du FID, au théâtre Silvain, un des chefs-d’œuvre d’Edward Sedgwicket Buster Keaton: Le Cameraman. Une œuvre de 1928 qui, bien que muette, parle éloquemment de l’amour, du désir, de la mise en scène, en un mot du cinéma.
Sur les gradins supérieurs, un projecteur du siècle dernier. Sur scène la toile blanche. À sa gauche, un piano sur lequel un ordinateur est posé : un dispositif à nu. Les bobines bourdonnent. Les improvisations de Nicolas Cante ponctuent en direct dans un tempo parfait les gags millimétrés de Buster. Sur l’écran, le corps frêle du vaillant burlesque peine à trouver sa place dans la foule, à se changer dans un vestiaire exigu et déjà occupé, flotte dans un maillot trop grand, esquive les assauts des gangs chinois ou de l’inévitable policeman. La fraîcheur nocturne tombe sur l’amphithéâtre. Les rires fraternisent. Le jeune
caméraman au visage impassible et le singe savant, son double grimaçant, tournent frénétiquement la manivelle d’une caméra déglinguée, instrument d’un dénouement heureux qui, s’il n’arrachera pas un sourire au personnage toujours figé dans sa gravité, déclenchera les applaudissements des spectateurs pour ce bonheur partagé. ÉLISE PADOVANI
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ARTS VISUELS
MUSÉES DE MARSEILLE
Miser sur 2013
Christine Poullain © Agnès Mellon
Au moment où pèse le désengagement général pour la culture, où les conservateurs de France lancent un cri d’alarme sur la dégradation de leur profession1, les Musées de Marseille poursuivent leur programme de grands travaux en vue de 2013 et au-delà. Christine Poullain a été nommée au mois de juin conservateur en chef des Musées de Marseille, succédant à Marie-Paul Vial, partie pour le musée de l’Orangerie à Paris. Elle nous livre un bilan intermédiaire et esquisse quelques pistes d’avenir. Et à ses heures perdues prépare un livre sur la figuration au 20e siècle ! Zibeline : Après avoir dirigé le musée Cantini et le Mac, vous assurez désormais la fonction de Conservateur en chef des musées de Marseille. Comment s’effectue une telle nomination et quel est votre champ de responsabilité ? Christine Poullain : Une telle nomination se fait par arrêté entre la Ville de Marseille et les Musées de France. J’ai en charge les musées municipaux d’art et d’histoire, les manifestations qui y sont liées et les projets de Marseille 2013. Actuellement Marseille vit de nombreuses transformations. Plusieurs musées sont en chantier, le musée des Beaux-arts depuis plusieurs années, Cantini fermera en 2012, et l’on a du mal à comprendre comment tout cela est structuré. Pouvez-vous nous éclairer ? Les musées se répartissent en trois pôles. Les musées d’histoire et société, avec le musée d’Histoire de Marseille qui va doubler sa surface, le musée des Docks Romains ; les musées d’art décoratif avec Grobet-Labadié, le musée de la Faïence et surtout la rénovation du château Borely qui intégrera le musée de la mode dans le futur musée des Arts Décoratifs et de la Mode ; les musées d’art avec le musée des Beaux-arts au Palais Longchamp, Cantini et le Musée d’Art Contemporain dont les collections cumulées sont une des plus importantes de France. Il faut ajouter les musées d’Archéologie Méditerranéenne, celui des Arts Africains, Océaniens et Amérindiens, et le Préau des Accoules dédié au jeune public. Que représentent ces travaux de restructuration en terme de budget et de projets, et que reste-til pour les acquisitions ? Tous ces travaux concernent des réhabilitations, de la rénovation, des extensions et des mises aux normes. L’ensemble approche les 50 millions. Cela représente pour la Ville de Marseille un
investissement considérable pour que tous ces équipements soient prêts pour 2013. Ce qui nous permettra d’ouvrir encore plus largement au public nos collections, par exemple dans le domaine des arts décoratifs qui est très riche et qui sera complété par un dépôt du Musée des Arts Décoratifs de Paris, les arts du XVIIIe au XXe siècle avec la céramique moderne et contemporaine, du mobilier et des pièces de design. Donc pour le moment les acquisitions ne peuvent être prioritaires. Nous poursuivons notre partenariat avec la Réunion des Musées Nationaux dans la mise en œuvre des expositions de grande envergure.
Les musées en chiffres 110 000 œuvres dans les musées de Marseille L’Orientalisme en Europe : 110 000 visiteurs Baselitz, à la pointe du trait : 60 000 3 musées bénéficient du label Musées de France 6 musées dans le réseau FRAME (French Regional and American Exchange) www.framemuseums.org
gratuité dans tous les musées le dimanche matin hors expositions temporaires www.marseille.fr
À ce sujet, le dernier palmarès Art Clair des musées2 ne mentionne aucune institution marseillaise… Comme nous l’avons dit nos musées sont en rénovation, c’est un peu normal qu’ils n’apparaissent pas dans cette enquête ! Il faut noter que les dernières expositions ont reçu un très bon succès, l’Orientalisme a compté 110 000 entrées et Baselitz est très visité. Cela augure très favorablement de l’accueil que pourra avoir le public lorsque tous les musées seront ouverts. D’un autre côté l’exposition Baselitz sculpteur à Paris est davantage couverte par la presse. Est-ce dû au fait que vous avez fait un choix audacieux en présentant la partie la moins connue, son œuvre gravé, et que nous sommes loin de la capitale ? Probablement, même si nous avons eu des papiers dans Le Monde et Libération. Nous n’avons pas non plus les mêmes moyens à investir dans la communication. C’est un des points qu’il nous faut renforcer, avec une politique des publics plus étudiée. Pour faire vivre ces équipements rénovés un service des publics est indispensable. Il faut ouvrir nos musées à tous, d’autant que Marseille a été pionnière avec le Préau des Accoules. Un des points le plus critiqué à Marseille est la place de l’art contemporain. Certaines galeries sont parties comme Dukan-Hourdequin à Paris. Le [MAC] labellisé musée de France depuis 2003, n’a pas toujours l’audience que sa collection et ses expositions devraient avoir. C’est un sujet important. La valorisation de l’art moderne et contemporain est à l’étude. Des pistes sont projetées comme, pour 2013, un parcours dans différents espaces de la ville avec le [MAC]. Et la prochaine exposition du [MAC] est consacrée à un artiste marseillais Boris Chouvellon. ENTRETIEN RÉALISÉ PAR CLAUDE LORIN
Le Livre Blanc des Musées, 2011, Association Générale des Conservateurs des Collections Publiques de France
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Journal des Arts N°350, 24 juin 2011
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VAR
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École buissonnière Loin du tumulte estival, quelques plages de rêve subsistent à l’ombre des artistes. Petite promenade en territoire varois Du littoral… Première halte à Saint-Cyr-surMer où le Centre d’art Sébastien alterne expositions d’art contemporain et figures emblématiques de la peinture régionale, comme Richard Mandin à l’occasion de la publication du premier catalogue raisonné de son œuvre sous le titre intriguant Richard Mandin, Le dernier peintre… (voir p. 62). Car pour Annick Masquin et Bernard Plasse «Richard Mandin fait partie des derniers artistes contemporains revendiquant l’héri-
au hameau de la Favière en 1945, puis à Nice où il a enseigné la langue et la littérature russes à l’université. Des œuvres profanes et sacrées empreintes de ses origines russo-méditerranéennes, association de légèreté et de profondeur ; des céramiques murales peintes à l’engobe, des bois flottés : «La pauvreté, ou plutôt l’humilité du matériau explique Obolensky, n’est pas un choix délibéré. Il se trouve que j’ai grandi au bord de la mer et que j’ai eu la chance d’avoir l’œil.
Projection © Benjamin Blaquart
tage des grands maîtres d’autrefois». Et cela se voit : dans les natures mortes, les marines, les scènes quotidiennes comme les peintures sacrées, les références mythologique, religieuse et historique sont omniprésentes ; fiévreuse dans sa gestuelle, généreuse dans sa palette, expansive dans sa matière, sa peinture a retenu les leçons de Rembrandt, Van Gogh, Ingres ou Ensor pour ne citer qu’eux. Plus au sud, Michel Alliou déployait au Centre culturel du Lavandou sa vision très cinématographique du monde à travers de mini-synopsis : sa représentation de la foule hystérique, en diptyque, flirte avec le photoreportage tandis que ses figures iconiques (Charles Bronson par exemple) s’inscrivent dans la tradition des hyperréalistes américains. À quelques centaines de mètres Bormes-les-Mimosas : là, le Musée Arts et histoire rend hommage à Alexis Obolensky, émigré
Lorsque je m’arrête devant un objet insignifiant aux autres je me penche et il me parle».
Galerie Le Souffle des Arts © V. Petitjean
supérieur, Benjamin Hugard proposait des œuvres contextuelles à l’histoire du lieu, jetant le trouble entre vraies et fausses gravures, vraies et fausses légendes… Après une halte à la galerie Saint-Éloi à Callas pour «attraper» Michel Carlin entre deux expositions muséales au Danemark, et le plaisir toujours renouvelé de voir ses peintures de la nature humaine (Mémoire de corps), Bargème nous attend au sommet ! Plus haut village du Var à 1100 m, 2 habitants l’hiver et 30 en haute saison selon Valérie Petitjean qui a ouvert rue de l’Amitié (!), sise Maison de Gaston, la galerie Le Souffle des Arts dédiée à l’art contemporain et aux métiers d’art. Cohabitation harmonieuse entre les tirages argentiques de l’anglais Michael Kenna qui saisit l’imma-
… jusqu’au Haut-Var Sur la route de Bargème, Barjols et ses 30 ateliers d’artistes imposent que l’on s’y arrête. Aux Perles (voir p.84), l’association Artmandat suscite toute l’année de nombreuses rencontres autour de l’art contemporain. Cet été, Relatives Actes 2 invitait à travailler avec la matière même de l’espace 6 artistes diplômés de la Villa Arson de Nice : dans l’obscurité de la grotte, la vidéo de Benjamin Blaquart en anéantissait la profondeur, puis évoluait progressivement vers une blancheur qui, paradoxalement, révélait ses aspérités. Chourouk Hriech, «conteuse de fables contemporaines», recomposait son vocabulaire en résonance avec les voutes pour une nouvelle mise en scène sous le rocher. Dans le dédale de l’étage
© Alexis Obolensky
térialité des cieux tourmentés du village, avec les pièces uniques de 23 artistes des Ateliers d’art de France. Une exigence de qualité qui transforme son pari insensé en projet durable ! Elle rêve déjà d’un second lieu à Moissac-Bellevue, autre village varois de caractère, pour conjuguer beauté et créativité. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
À Voir Alexis Obolensky jusqu’au 16 oct Musée Arts et histoire, Bormes-les-Mimosas 04 94 71 56 60
Mandin, Le dernier peintre jusqu’au 18 sept Centre d’art Sébastien, Saint-Cyr-sur-Mer 04 94 26 19 20 www.saintcyrsurmer.fr L’Été contemporain dracénois Michel Carlin jusqu’au 30 sept Le Domino, Draguignan 04 98 10 51 05 Amélie de Beauffort, Antoine Tarot, Frédérick Khodja jusqu’au 7 oct Les Perles, Barjols 06 72 79 97 54 www.artmandat.com
Bargème Michael Kenna et Instants, Le vase et le flacon jusqu’au 10 oct Galerie Le Souffle des arts, Bargème 06 50 18 51 55 www.michaelkenna.com
À Lire Alexis Obolensky Michel Guillemain Éd. Réseau Lalan, coll. Le regard de la mémoire, 25 euros
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ARTS VISUELS
ART-O-RAMA | REGARDS DE PROVENCE
Des ailes dans le dos… 5 galeries à ses débuts, 13 aujourd’hui : la mini Art-O-Rama fait le maximum Rester à taille humaine, tel est le cap défini par Gaïd Beaulieu qui attend néanmoins des galeries «qu’elles endossent le rôle de commissaire plus que de marchand et signent de vrais projets artistiques». Des projets internationaux nés à Kyoto et Paris, Bruxelles et Barcelone, Gand et Rome, Londres et Ljubljana ! Pourtant, c’est dans le Show Room spécifiquement régional que les actes artistiques se révèlent singuliers et forts : Colin Champsaur, bientôt au 3BisF1 à Aix, propose des lectures croisées de ses œuvres autour d’un fil rouge, le point, la ligne, l’horizon ; Caroline Duchatelet boucle des vidéos d’architectures subjectives, lumineuses, à savourer en silence (elle fait sensation à la galerie du CG à Aix2) ; Sandra Lorenzi, avant de partir à Thessalonique pour la BJCEM (voir p. 85), répond à la commande de la Fondation Vacances Bleues avec un Rêve des gens heureux à faire aimer la pluie aux plus rétifs d’entre nous ; et Nicolas Pincemin, arpenteur de
Vue d'ensemble d'Art-O-Rama avec, en premier plan, l'oeuvre in situ de Sandro Della Noce © F.Aubert
paysages, se plait à en peindre les méandres et les bunkers dans «une belle peinture qu’il obstrue ensuite». Des «miradors paysagers» à l’affiche d’une exposition au CAC d’Istres (voir p. 83) et de deux publications (Sextant et Plus, CAC d’Istres). Autres figures régionales très remarquées, Sandro Della Noce, ex-Show Room 2010, dont l’œuvre produite par Art-O-Rama investit l’espace avec brio : composée d’une installation monumentale et d’une sculpture modeste au registre plus primitif, elle est volontairement aérée et prétexte à circuler. Sa présence s’accompagne de la publication de son premier catalo-
gue monographique aux éditions P, troisième titre de la collection d’ArtO-Rama après Émilie Perotto et Pascal Martinez. Et Lionel Scoccimaro qui entre au salon par la porte de son galeriste parisien Olivier Robert avec quatre pièces : Performing Machine qui revisite l’objet culte et la pièce fonctionnelle (moteur de Harley…), Waiting for the Perfect Day issu d’une série de phrases en néon et deux sculptures, dont l’une en bois de hêtre tourné au tour et flanquée de clous. Ne manquent que ses photos… Deux autres projets font la différence : celui de la délégation curatoriale de Rabat, L’Apparte-
ment 22, ouverte depuis 2002 à la création émergente au Maroc et à l’étranger. Son organisation modeste et sa réactivité aux nécessités des plasticiens ont séduit Cécile Bourne-Farrell qui rend hommage au camerounais récemment disparu Goddy Leye et invite notamment Perrine Lacroix, également à la tête d’un laboratoire artistique à Lyon. Avec Sextant et Plus, changement d’échelle, place à la production XXL de Sophie Dejode & Bertrand Lacombe : réalisé à Luminy, Floating Land a «navigué» le long de la Corniche avant de s’amarrer sur le parking de la Friche, véritable roadmovie spectaculaire, utopique et évolutif pour un imaginaire à la dérive. Il est à parier que tous ces artistes ont une belle carte de jeux entre les mains pour Marseille 2013, avec Art-O-Rama comme atout maître. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Art-O-Rama jusqu’au 18 sept La Friche, Marseille 3e 04 95 04 95 36 www.art-o-rama.com résidence en oct, exposition en janv 2 Voyage à Rome, jusqu’au 18 sept, Galerie d’art du Conseil général 13 à Aix (Zib’43) 1
Les coulisses d’une œuvre Fait rarissime, Georges Rousse dévoile les dessous de sa nouvelle Marseille 2011, intervention, réalisée à l’invitation de Regards de
Provence dans l’ancienne Station sanitaire de Marseille (Zib’ 39). Il s’agit en fait de deux pièces créées à partir de l’espace emblématique du
Georges Rousse (a gauche) et son equipe pour l'installation Marseille 2011, hall d'entrée du futur Musée Regards de Provence © Bernard Muntaner
hall d’entrée aux proportions monumentales, et de l’espace symbolique de la dernière salle de désinfection des migrants… Œuvres photographiques en devenir : le mode opératoire de Georges Rousse est une alliance artisanale d’expérience plastique, de vision architecturale et de création photographique : là où certains utilisent le laser pour redessiner les espaces, écraser les contours, modifier les perspectives, l’artiste dispose d’un carnet Moleskine, de crayons, de pots de peinture et, bien sûr, de sa chambre photographique. «Ce qui m’a intéressé lors de ma visite en octobre 2010, c’est le chaos total de ce bâtiment partiellement incendié. Difficile pour moi de m’y greffer… Je travaille comme un topographe qui cherche son chemin dans l’espace, je m’approprie partiellement le lieu
par l’action, avec une espèce de stimulation et d’excitation à aboutir». Pour l’heure le public n’est pas autorisé à pénétrer dans l’atelier éphémère mais il peut suivre la genèse de l’œuvre sur le site de la Fondation et sur Youtube. Une expérience unique puisque Georges Rousse y restitue à intervalles réguliers le travail de repérage, le marquage des surfaces, l’illusion en marche… Un livre-CD devrait suivre, en attendant l’œuvre pérenne (cette fameuse «image qui va faire la synthèse, cette embrasure de lumière») qui sera révélée en 2013 dans le hall d’entrée du nouveau Musée Regards de Provence. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
À suivre sur www.museeregardsdeprovence.com
AIX
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Planque prolonge expressions de son époque comme la photographie ou encore à des mouvements plus radicaux tel l’Art Conceptuel. C’est le privilège que conviction et choix intimes autorisent ! Pour en savoir plus, reportez vous à l’imposant catalogue édité pour l’évènement avec la Réunion des musées nationaux, et à la conversation entre Alain Paire et Florian Rodari, conservateur de la Fondation Jean et Suzanne Planque, sur le site web de la galerie. La collection devrait être visible en son entier grâce à l’extension permise par la rénovation de la chapelle des Pénitents Blancs pour Marseille Provence 2013.
Au musée Granet l’exposition Planque, l’exemple de Cézanne est prolongée jusqu’en novembre : le succès se confirme, les projets continuent avec la collection allemande Frieder Burda pour l’été 2012. Une véritable renaissance inaugurée avec l’exposition Cézanne en 2006, suivie par Picasso et Alechinsky. L’un des intérêts de la présentation de ce florilège -120 œuvres issues des 300 de la collection privée de Jean Planque, confiée pour quinze ans au musée - est d’entrer dans l’univers d’un amateur d’art qui doit à sa propre sensibilité d’autodidacte autant qu’à sa collaboration de vingt ans, des années 50 à 70, avec la réputée galerie suisse Beyeler. On y rencontre de belles pièces comme un laiteux Mont Kolsaas de Monet, deux aquarelles diaphanes de Cézanne qui complètent logiquement celles du musée, et parmi les cubistes un Dufy presque abstrait, Paysage de l’Estaque de 1908 et un ensemble de Dubuffet remarquable, un étonnant petit pastel de Giacometti, Etude de couleurs de 1919. C’est aussi l’occasion de découvrir des
CLAUDE LORIN Jean Dubuffet, Opera Bobeche, 1963, huile sur toile, Fondation Jean et Suzanne Planque Photo Luc Chessex © ADAGP, Paris
artistes moins célèbres mais singuliers : Kosta Alex (The girl from Southern France, 1966), les sculptures de Sorel Etrog. À noter dans ce parcours une indifférence de Jean Planque à des
Contreculteur Hommage à John Cohen pour une première en France à la Non-Maison À l’inverse de créateurs monomaniaques à la signature immuable, le travail protéiforme de John Cohen, né en 1932, relève de l’universel et d’un anti conformisme clairvoyant. Acteur majeur de la contre-culture nord américaine, il fut très tôt le témoin privilégié de ces moments fertiles et légendaires. À New-York, ses voisins et poètes de la Beat Generation se nomment Kerouac, Ginsberg. Il croise des personnalités montantes de l’expressionnisme abstrait comme De Jack Kerouac et Allen Ginsberg reading from a book (Proust), 1959 © John Cohen
Kooning, photographie Larry Rivers, Franz Kline, des quasi inconnus de ce côté-ci de l’Atlantique comme Gregory Corso, Red Grooms, les chanteurs folk et figures du protest song que furent Pete Seeger, Woody Guthrie et le jeune Bob Dylan avant sa conversion à la guitare électrique. Dans la veine d’un Alan Lomax, ce sont les modes de vie et les expressions populaires épargnées du broyage du melting-pot qu’il photographie, enregistre ou filme : groupes de Bluegrass (il joue du banjo), musique traditionnelle des Appalaches et du Kentucky mais aussi Incas du Pérou, gitans d’Ecosse, livrant des témoignages artistiques et ethnologiques irremplaçables. Toutes en noir et blanc ses photographies évoquent souvent les clichés de son ami et admirateur Bernard Plossu, cadrages serrés, flous, grain, contrastes marqués, prises au levé pour certaines, comme dans l’urgence de ce qui advient. Pour s’en rendre compte on pourra feuilleter Far Out, récent opus du photographe français sur ses années «hip» américaines (voir p. 63), initiateur de cette captivante proposition pour la Non-Maison. On regrette simplement de ne pouvoir en voir plus à moins de se tourner vers les éditions PowerHouse Books à New York, qui publia un ouvrage il y a dix ans. Keep the beat John ! C.L.
There is no eye John Cohen jusqu’au 24 sept La Non-Maison, Aix 06 29 46 33 98 www.galerielanonmaison.com
Collection Planque, l’exemple de Cézanne jusqu’au 6 nov Musée Granet, Aix 04 42 52 88 32 www.museegranet-aixenprovence.fr
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ARTS VISUELS
AUBAGNE
À l’heure du monde Cette année Aubagne fait du monde son épicentre, et l’exposition de la Chapelle des Pénitents Noirs porte en elle ce questionnement : de quoi rêve la création contemporaine? Sans doute d’un dialogue permanent et ouvert, d’une confrontation des langages, d’une ré-appropriation inventive des techniques ancestrales, d’expressions anachroniques et diverses, d’une matière sublimée, d’un rapport charnel à la terre retrouvé. Selon une scénographie ondulatoire qui rappelle le mouvement de la vague (flux et reflux de la pensée humaine ?), Mondes céramiques rassemble des objets uniques et de petites séries, depuis la céramique Futuriste de Faenza en Italie (1928/1929) et les créations Anne Madeline-Patrick Laupin pour Cocteau jusqu’aux expressions les plus innovantes. Parfois même les plus dérangeantes comme les céramiques émaillées d’Alain Kieffer qui, hors de toute tentative de séduction, dénoncent le culte de la beauté et sa vision formatée offerte aux enfants : l’effroi déforme les visages des poupons, la maladie impose sa différence. Ou encore les plus provocatrices com-
me les céramiques polychromes de Bertozzi et Casoni qui restituent les dépotoirs de notre société de consommation à partir de déchets épars (coquilles d’œufs, gobelets, journaux, restes de café…) ou les faïences de Marc Alberghina qui tordent le cou au Vallauris - où il vit, © Bertozzi e Casoni
Bertozzi & Casoni, Vassoio, ceramique polychrome, collection des artistes (cree specialement pour Mondes ceramiques)
quelle audace ! - en détournant, décomposant et dénaturant la célèbre technique des émaux enflammés. Un travail «sur le cannibalisme vallaurien» qui s’apparente à du déminage… Moins radicale la démarche de Claude Aiello s’inscrit dans le même mouvement : «à force de travailler la série, j’ai souhaité créer des pièces uniques car la matière mérite de ne pas être diffusée à des milliers d’exemplaires». Depuis
1998, il a mis son savoir-faire au service des designers les plus talentueux tel Ronan Bouroullec… Plus poétiques, les grés réfractaires de Martha Pachon Rodriguez ont la préciosité des oursins et invitent aux Viaggi (voyages) tandis que les groupes en terre engobée de Fanny Ferré disent avec force la permanence de la tribu depuis que le monde est monde. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Mondes céramiques jusqu’au 18 sept Les Pénitents Noirs-centre d’art, Aubagne 04 42 18 17 26 www.aubagne.fr Catalogue Mondes céramiques, sous les commissariats de Aude Cazorla & Marielle Magliozzi, Lucie éditions et Communauté d’agglomération du Pays d’Aubagne et de l’Etoile, 16 euros
Art public © Dado, La lapine
La sculpture contemporaine se rencontre aux détours des rues de Salon. Conçu en collaboration avec la Jeune Chambre Economique et déployé dans tout le centre ville, ce parcours invite à la découverte de 18 œuvres principalement monumentales réalisées par neuf artistes résidant en Provence. Toutes informations concernant les artistes, l’implantation des œuvres et plan du circuit auprès de l’Office de Tourisme. C.L. Art dans la ville jusqu’au 15 nov Office de Tourisme, Salon 04 90 56 27 60 www.salondeprovence.fr
Artisticommerciale
Place des Centuries, sculpture en inox de Stephane Guiran, serie Formes Pensees © C. Lorin/Zibeline
À ArtNîm, outre la présence de 26 galeries, du MIAM de Sète, de la Maison de la Gravure (performances), des éditions des Arts mêlés et Les Aresquiers, du Crac Médias Forum (vidéos), l’événement se situe du côté de l’abbaye d’Auberive… Ce monument historique et centre d’art contemporain sort de ses collections des œuvres de Paul Rebeyrolle, Dado - le Musée régional d’art contemporain de Sérignan lui consacre une rétrospective du 17 sept au 22 janv -, Karel Appel et Witkin. M.G.-G. Art Nîm 12e foire internationale d’art contemporain du 23 au 26 sept Parc expo, Nîmes 04 66 84 93 39 www.expo-nimes.com
AU PROGRAMME
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Au Nord Bogdan Konopka a longuement photographié, en noir et blanc, les immigrés polonais et les espaces miniers en Nord-Pas de Calais pour en traduire les relations et les mutations. Une proposition de la Galerie Itinérante de l’IUP/Administration des Institutions Culturelles (Arles) et la galerie Françoise Paviot (Paris) accompagnée d’une intervention chorégraphique d’Aurélie Port/Cie La Locomotive le 29 sept à 12h. C.L. Résonances Bogdan Konopka du 29 sept au 20 oct Espace Van Gogh, Arles 04 90 49 37 53 www.iupaic.univ-cezanne.fr Reeve Schumacher, Structure VI, 2011, bois, fil de fer, graphite © Reeve Schumacher
Lievin 2007 © Bogdan Konopka
Vivantes Les œuvres de Mourad Messoubeur et Reeve Schumacher ont en commun de s’immiscer entre la mort et la vie. Plus que nature morte, l’expression anglaise still life conviendrait mieux pour dire comment ils réinvestissent les marges du vivant, moisissures évolutives pour l’un, reconstructions tridimensionnelles (im)probables pour l’autre. C.L. Féconde Nature Morte du 17 sept au 29 oct Lhoste art contemporain, Arles 06 49 19 07 85 www.lhosteart.blogspot.com
Nicolas Pincemin, Sans titre, 2010, huile sur toile, 162 x 114 cm © X-D.R
Dépeindre Les peintures de Nicolas Pincemin s’observent au coin du bois. Là où le pittoresque cède à l’inquiétude et au désarroi du regard enfantin dont se jouent les images peintes, comme ce panoramique monumental conçu pour Istres. Deux catalogues, l’un coédité avec Sextant et plus dans le cadre d’Artorama (voir p. 80), et un second dans la collection In Situ du Centre d’art contemporain.C.L. Nous n’irons plus au bois Nicolas Pincemin jusqu’au 23 oct Centre d’art contemporain, Istres 04 42 55 17 10 www.ouestprovence.fr
© Jean Belvisi
Éducatif Accueilli en résidence en 2010/2011 dans les écoles François Fabié et Jules Ferry à La Valette du Var, l’artiste-photographe Jean Belvisi a mis la dernière touche à son projet éducatif : il expose ses photographies, et celles réalisées par les élèves, qui portent sur des éléments remarquables du patrimoine, notamment sur Le Coudon. Leurs «œuvres» réunies permettent de faire partager leurs propres visions du territoire. M.G.-G. Jean Belvisi du 15 au 23 sept Espace d’art Le Moulin, La Valette 04 94 23 36 49 www.lavalette83.fr
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AU PROGRAMME Chaotique L’une peint, l’autre sculpte, ils sont Montréalais et installés à Barjols où ils ont transformé une ancienne tannerie en lieu de vie et de création, les Perles, pouvant accueillir 8 artistes. Là, Christiane Ainsley développe dans la peinture un vocabulaire «à la sombre exubérance et à la joyeuse noirceur», et John Francis convoque évier, bac à douche et WC en céramique pour renouer avec la sculpture. À Marseille, le galeriste Jean-François Meyer provoque un face à face complice. M.G.-G. Entre deux… chaos Christiane Ainsley & John Francis jusqu’au 30 sept Galerie Jean-François Meyer, Marseille 1er 04 91 33 95 01 Le Corbusier, La Cite radieuse vue par Philippe Doro
Christiane Ainsley & John Francis, Entre Deux Chaos, Galerie Jean-Francois Meyer © X-D.R
Croquée Philippe Doro aime la ville, Marseille en particulier. Les éditions Parenthèses lui consacrent une troisième et nouvelle édition de ses dessins sous format carte postale (à l’unité et sous coffret métallique). Lieux typiques, monuments et quartiers ont été croqués sur le motif. 34 formats originaux seront exposés sur les cimaises du Cours Julien. C.L. Zône Bleue Philippe Doro du 17 sept au 29 oct Librairie Parenthèses, Marseille 6ème 04 95 08 18 20 www.editionsparentheses.com
Vendu ! Coup d’envoi des 13e Ouvertures d’ateliers d’artistes le 23 sept à l’Artothèque Antonin Artaud avant de s’essaimer dans la ville à la rencontre de 144 artistes qui ouvrent, exceptionnellement, leur atelier aux visiteurs. L’occasion d’une rencontre intime avec l’œuvre, d’un dialogue direct avec l’artiste et d’un premier repérage ! Car si le temps file trop vite, on peut se rattraper pendant l’opération À Vendre qui réunit leurs œuvres dans un seul lieu… M.G.-G.
Atelier Frank Aslan dans le cadre des Ouvertures d'ateliers d'artistes © M. Robin Association Château de Servières
Ouvertures d’ateliers d’artistes du 23 au 25 sept À Vendre du 30 sept au 2 oct Association Château de Servières, Marseille 04 91 85 42 78 www.chateaudeservieres.org
Citadine Réputée pour faire découvrir l’art contemporain en milieu rural, la galerie Martagon, sise à Malaucène dans le Vaucluse, prend des airs de citadine à l’occasion de son 20e anniversaire. Direction la galerie des Grands Bains-douches de la Plaine pour une Carte blanche offerte par Art-Cade où l’on retrouve quelques-uns des artistes maison : Martin Caminiti, Claire Dantzer, Bertrand Gadenne, Franck Lestard, Sylvie Maurice et Frédéric Nakache. M.G.-G. 20 ans // Carte blanche à la galerie Martagon jusqu’au 30 sept Galerie des Grands Bains-douches, Marseille 1er 04 91 47 87 92 www.art-cade.org
© Frederic Nakache, Cri muet, 2010
ARTS VISUELS LIVRES 79 85 Et P.O.C.!
Francois Piquet, Nou, 2010, technique mixte © Marc Chamaillard
Rendez-vous entre hauts de Canebière et Longchamp pour la 6e édition des Portes Ouvertes Consolat (les POC pour les intimes) : ouverture d’ateliers, concerts, installations, spectacles et autres réjouissances conviviales et gratuites dans l’esprit de quartier, parfois tard le soir. Propositions monumentales de François Piquet, Pierre Surtel, Collectif Ordur’hier entre autres. Coup d’envoi le 7 dès 18h. C.L. Festival POC du 7 au 10 oct Divers lieux, Marseille 1er 04 91 95 80 88 www.assopoc.org
Tremplin 28 artistes représenteront la région Paca à la 15e Biennale des Jeunes Créateurs d’Europe et de la Méditerranée à Thessalonique (arts appliqués, arts visuels et gastronomie du 6 oct au 7 nov) et à Rome (concerts, lectures et cinéma du 16 au 18 déc). L’occasion pour tous de croiser leurs expériences, découvrir la création de demain à l’échelle européenne, et, pour certains, de participer à leur premier projet curatorial. L’expérience s’accompagne de la publication d’un catalogue et d’une exposition Retour de Biennale à Montpellier et Marseille en 2012. M.G.-G. 15e BJCEM Organisation Espaceculture_Marseille 04 96 11 04 76 www.bjcem.org © Wang Guangyi © Flashballs, Jeremie Vernet - selection TPM
Inédit 12 artistes marseillais et 13 artistes chinois face à face, ou plutôt «côte à côte» tant ils proviennent de deux territorialités étrangères : l’Ouest et l’Est que tout sépare… ses modèles, ses diktats, son histoire… Au-delà des différences, le dialogue naît, fructifie et grâce à cette exposition inédite, sans thème imposé, en «figure libre», un panorama se dessine : chaque artiste, toutes générations confondues, illustre à sa manière certains axes pluriels de l’art actuel. M.G.-G. Artistes marseillais/Artistes chinois/Correspondances ? jusqu’au 8 octobre BMVR L’Alcazar, Marseille 1er www.bmvr.marseille.fr
Daniel Humair, Zoned 10, 2010, acrylique mixte sur papier, 50 x 65, Collection particuliere
Musicale Le musée Estrine rend hommage à Daniel Humair dont l’œuvre peint et l’œuvre sur papier écrivent depuis 50 ans une partition libre de couleurs vives et de formes/signes. Sur la toile, il fait vibrer des notes sensuelles et invente une «abstraction narrative» constituée d’un répertoire de signes, de graffitis automatiques… «Daniel Humair joue de la peinture comme il joue de la musique» aime à rappeler Jacques Bouzerand qui ne différencie pas le peintre du musicien de jazz. M.G.-G. Une abstraction narrative Daniel Humair jusqu’au 27 nov Musée Estrine, St-Rémy-de-Provence 04 90 92 34 72 www.musees-mediterranee.org
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PATRIMOINE
JOURNÉES EUROPÉENNES DU PATRIMOINE
Dans les flots vivants de la mémoire La notion de patrimoine national ou mondial renvoie à celle d’héritage. Constitutif de l’identité, et pas forcément nationale, le patrimoine commun fabrique du lien et du partage. Les Journées Européennes du Patrimoine nous ramènent vers les lieux traditionnels que sont les monuments, les musées, mais savent aussi ouvrir des endroits énigmatiques ou mal connus, surprenants parfois, intéressants toujours, avec des perspectives nouvelles. Les lectures du patrimoine correspondent à des appréhensions particulières de l’histoire, en région PACA particulièrement, marqué particulièrement par ses monuments historiques nombreux, et son patrimoine antique en particulier : 2 242 monuments historiques classés, 497 communes dotées d’un monument historique, des secteurs sauvegardés, villes et pays d’art et d’histoire, jardins labellisés, opérations de sauvegarde archéologiques, lieux de culture, musées, écoles de danse, de musique, d’art, bibliothèques… Tout un monde actif qui ne se contente pas de la simple conservation figée. C’est à cela aussi que s’attachent les journées du patrimoine. On retrouvera sur le site du ministère, www.journéesdupatrimoine.culture.fr, les principaux centres de visites, mais aussi sur www.creafrance.org. Et chaque ville propose de nombreuses activités sur son blog ou son site officiel (voir aussi Zib’ 43). Le voyage du patrimoine, thème de l’année - il semble qu’il faille toujours trouver une thématique, un point d’attaque - tente de trouver une justification dans la circulation des savoirs, des influences qui le constituent. Soit : les animations de ces journées évoquent en fait des lieux, des savoir-faire, des gens, et une construction contemporaine du patrimoine de demain. Embarquons pour un petit florilège non exhaustif…
Des lieux rares D’abord, il y a l’ouverture exceptionnelle du Château du Tholonet (les 17 et 18 sept de 9 à 12h30 puis de 14 à 18h). Ne pas oublier de s’inscrire auprès
de la Société du Canal de Provence (04 42 66 67 88). On peut aussi visiter l’Oppidum Buccum de Bouc Bel Air, (rendez-vous place de l’hôtel de ville, le 17 de 15 à 17h), ou participer à la visite de la Trets
journée, des balades à travers les bories à Cornillon-Confoux (on en recense une centaine/ le circuit dure environ 2h30) et à Grans (70 bories) et des visites aux cabanons d’Istres (Ranquet) et de Port-Saint-Louis-du-Rhône sont programmées. Visites commentées, balades théâtralisées, promenades en «Neguo-chin» sur un bras du Rhône ou à bord du bac de Barcarin, lectures de contes, témoignages de cabanonniers… Tout un art de vivre ! (www.ouestprovence.fr). Promenade urbaine et marine à la fois, la visite de la digue du large et du service des Phares et Balises (Mairie des 2/3e, Marseille). Visite vraiment exceptionnelle pour laquelle il est nécessaire de s’inscrire (www.mairie-marseille2-3.com).
Mémoire des pères
médiévale avec des lampions sous la houlette de la SERVHA (rdv le 17 à 19h30 au château des remparts)… Le 18 à 14h, c’est Beaucaire qui se costume pour un voyage dans le temps, et se glisse dans les figures de la Belle Epoque, avec des comédiens. Les hôtels particuliers ouvriront leurs portes sur l’élégante architecture du XVIIe… Plus sportives ces découvertes originales des cabanes et cabanons organisées par Ouest Provence pour la 9e édition de la journée intercommunale du patrimoine le 18 à 10h. Au cours de cette
Le Réseau pour l’Histoire et la Mémoire des Immigrations et des Territoires organise sa première biennale, La Mémoire en Chantier, avec expositions, rencontres, débats, spectacles, un programme d’une extrême richesse, disponible sur le site www.rhmit-paca.fr. La durée excède largement les seules journées du patrimoine, mais pour les 17 et 18 sept, on retiendra à la Maison municipale des associations de l’Estaque l’exposition La Transat se construit à Marseille et à Port de Bouc (du 15 au 20 sept) et la conférence du 16 sept à 18h30 de Jean Domenichino, Bateaux en ville, la construction navale à Port de Bouc (1900-1966). L’hôtel du nord (http://hoteldunord.coop) propose une balade dans l’ancienne usine des Frères Martin, une tuilerie qui vit se croiser la main d’œuvre des tuiliers de Saint André avec celle des travailleurs italiens, kabyles puis sénégalais. Cette ex-usine est devenue cité d’habitat social. Transformation du paysage urbain, voyage immobile des constructions qui changent de destination, témoignages… (réservation indispensable. Rdv place de l’église rue Condorcet Marseille 16e). Aux Archives départementales d’Aix, une exposition de photographies d’Elisa Cornu débute le 16 sept, jusqu’au 28 janv, Harkis, au camp des invisibles. Les photos racontent le quotidien des Harkis du camp de Fuveau. Trois générations se retrouvent sous l’objectif ; puis, c’est le camp du Logis d’Anne à Joucques, abandonné, entre la présence et l’absence, naît le questionnement sur l’histoire.
MONUMENT JEU D’ENFANT
La bibliothèque de Peypin présente une pièce qui rappelle la mémoire de la mine et de ses ouvriers venus des quatre coins du monde, Carnets de migration (18h), par les Karnavires. Cette foule d’évènements à trouver sur le site du RHMIT.
La fabrique Les journées du patrimoine offrent aussi le plaisir de découvrir l’aspect précieux des savoir-faire : c’est le moulin de Coudoux et son «or vert» cueilli «à la feuille», qui ouvre ses portes pour fêter ses 100 ans, savoir traditionnel et savoureux… Ce sont aussi les métiers du patrimoine qui s’exposent à Aix, les 17 et 18 sept de 10 à 18 h pour la quatrième édition. Ferronniers, sculpteurs, restaurateurs, tailleurs de pierre, menuisiers, architectes… pour des démonstrations et des renseignements sur ces filières diversifiées et passionnantes - le patrimoine artisanal crée des emplois… Autre héritage, imposant, mais à l’architecture mystérieuse, l’orgue.
L’association des amis de l’orgue de La Tour d’Aigues avec Xavier Pirovano, offre un décryptage le 18 de 15 à 18h. Les tuyaux n’auront plus de secrets ! Mais le patrimoine se constitue sans cesse. Afin de démontrer que le temps ne l’enferme jamais, certains artistes mettent en œuvre une production qui gardera la mémoire. La toute nouvelle Galerie d’art modeste et lieu de rencontres artistiques de Barjols, le Bazar du Lézard, propose pendant les deux journées du patrimoine la création d’une fresque par le graphiste Crom et quelques invités, «chantier» ouvert au public. À Aix, la Galerie de la Fontaine Obscure situe l’art contemporain aux frontières du patrimoine en offrant ses murs aux photographies d’Alain Marsaud qui cherche «les interrelations des images entre elles à partir d’archives photographiques personnelles». Un parcours contemporain se tisse entre les galeries d’Aix, le nouveau déjà se teinte
de sépia… Le patrimoine industriel se transforme, ainsi le Silo d’Arenc, labellisé Patrimoine du XXè siècle par le ministère de la culture devient une énorme salle de spectacle qui sera inaugurée le 16 sept à 10h15… Et puisque cette année le patrimoine voyage, il est impossible de ne pas évoquer le Musée Nomade du Quotidien. Composé de plusieurs conteneurs maritimes, il collecte informations et réflexions sur le patrimoine du Bassin de Séon dans les 15e et 16e arrts de Marseille. Mobile, il apporte ses collections et les confronte aux récits, aux témoignages des habitants. Reste à chacun à composer son voyage ! MARYVONNE COLOMBANI
Les Journées européennes du Patrimoine Les 17 et 18 sept www.journéesdupatrimoine.culture.fr
En quête d’aventures Le patrimoine ne joue plus à la princesse endormie ! Son étymologie indique sa vocation : le monument est proprement un objet de mémoire. Mais les contenus didactiques y sont parfois austères. Pour initier les enfants aux grâces du patrimoine, leur donner le goût de l’histoire, de la recherche, le Centre des monuments nationaux présente la 13e édition Monument jeu d’enfant des découvertes de 38 monuments nationaux qui prennent des tours inventifs et originaux, à destination d’une large tranche d’âge, 5 à 12 ans. Notre région, si riche en patrimoine bâti, ne compte pas moins de 4 lieux à visiter autrement.
Ainsi on découvre Glanum par les bruits de la ville antique qui résonnera des sons de la foule ou des fontaines du passé. Pour une plongée encore plus convaincante, un apéritif ou un goûter romains seront offerts aux participants ! les 8 et 9 oct à 10h et 14h. Enquête pour des détectives en herbe dans le parc, le monument et le nouveau musée de La Turbie, afin de retrouver une enseigne perdue par un personnage que Janus le dieu aux deux visages transforma en chèvre. Une petite bande dessinée et un jeu de piste conduiront les enfants à la
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découverte de personnages mythologiques et d’évènements historiques du temps de l’empereur Auguste… les 8 et 9 oct de 10h à 13h30 et de 14h30 à 17h30. Et s’ils ont l’âme plutôt médiévale qu’antique, la région ne manque pas de monuments nationaux pour les satisfaire : la vie monastique est sévère, mais le monastère de Saorge invite au cirque et au jonglage… les 8 et 9 oct à 15h. Transformés en combattants à l’Abbaye de Montmajour, les enfants seront initiés aux pratiques du combat durant la guerre de 100 ans, par les intervenants de l’association ACTA. Armures, duels, maniement de l’arbalète, rien n’aura plus de secret pour eux ! les 8 et 9 oct à 10h30 et 14h30. M.C.
Abbaye de Montmajour © X-D.R
Monument jeu d’enfant Les 8 et 9 oct www.monuments-nationaux.fr/enfants www.glanum.monuments-nationaux.fr www.la-turbie.monuments-nationaux.fr www.saorge.monuments-nationaux.fr www.montmajour.monumentsnationaux.fr
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SCIENCES ET TECHNIQUES
Il y a cent ans, en mai 1911, la première pierre de la faculté des sciences de Saint-Charles était posée...
Fac Saint Charles © X-D.R
C’est la loi du 10 mai 1806 qui institue l’Université Impériale, «une et indivisible comme l’Empire». Elle s’organise en 1808 selon «cinq ordres de Facultés», Théologie, Droit, Médecine et, «auprès de chaque Lycée, chef-lieu d’une Académie» une faculté des Sciences Mathématiques et Physique ainsi qu’une faculté de Lettres. Mais à la chute de l’Empire seules dix Facultés de Sciences avaient été créées. Marseille n’en faisait pas partie ! De 1830 à 1846, c’est Aix qui accueille les Facultés de Droit et de Théologie. Au grand dam de Marseille, c’est encore à Aix qu’est fondée en 1846 la Faculté de Lettres.
Voyageuse de l’impériale C’est Napoléon III qui institue en 1854 une Faculté des Sciences à Marseille. Elle est installée dans un bâtiment en haut de la Canebière à l’emplacement de l’actuel immeuble Léon Blum. Mais il se révèle rapidement trop petit. De nombreux atermoiements vont repousser la construction d’un édifice digne d’accueillir la noble institution, dont l’activité est déjà reconnue internationalement. Il faut attendre avril 1910 pour que le conseil de la Faculté des Sciences approuve le projet de «la colline St Charles». Hélas la 1ère guerre mondiale va encore reculer l’achèvement des travaux qui s’effectuent progressivement de 1917 à 1920. Édifiée par l’architecte Victor-Auguste Blavette, la faculté est dans les années 1920 la mieux équipée de province et très rapidement, des activités de haut niveau scientifique y sont menées. Au fil du siècle, de nouveaux bâtiments rejoignent les trois instituts initialement construits. L’architecte Fernand Pouillon est notamment à l’origine de la bibliothèque universitaire classée «Patrimoine du XXème siècle». Lieu de recherche et d’enseignement supérieur au cœur de la ville, le site Saint-Charles accueille aujourd’hui plus de 4000 étudiants.
Souvenirs facultatifs C’est dans le patio de la fac Saint Charles que nombre de chercheurs ont imaginé refaire le Monde, imprégnés de l’odeur indescriptible des vieux amphis de chimie, de physique et de sciences naturelles qui encadrent la «cour d’honneur». Les vieilles marches
Un certain air de centenaire
en bois usées par des générations d’étudiants qui les gravirent, ont grincé sous leurs pas, promptes à dénoncer les entrées tardives qui se voulaient discrètes, au cours ou TD (travail dirigé). Les «interventions politico-syndicales» sommaires et emphatiques, les ont passionnés, au bas de ces lieux où avaient trôné en jaquette de vénérables savants de Marseille tels que Messieurs Albert Tian ou Charles Fabry. Ou Henri Tachoire, membre de l’Académie des Sciences, Lettres et Arts de Marseille,
et dont les écrits sur l’histoire des sciences dans cette ville ont permis l’écriture de cet article… Ainsi, entre les chapiteaux à colonnes des portiques des amphithéâtres et les fresques de Théodore-Henri Riebel se formèrent bien des connaissances scientifiques, des convictions politiques et sûrement philosophiques. Mais n’est-ce pas le rôle des Universités que de former, au delà du savoir concret, l’esprit critique ? YVES BERCHADSKY
Au programme Si Saint Charles ne m’était pas comptée Aix Marseille Université qui, à partir de janvier 2012, va regrouper les trois anciennes universités d’Aix-Marseille (Universités de Provence U1, de la Méditerranée U2 et Paul Cézanne U3) semble vouloir faire du centenaire de la Faculté des Sciences de Saint Charles un symbole fort de sa naissance annoncée. De multiples manifestations émaillent le mois de septembre. Ainsi le 15 sept des ateliers ludiques sont prévus (inscription obligatoire au 04 13 55 10 92) de 12h à 14h sous le chapiteau un forum «Les assos ramènent leur science !» 12h/13h30 : Marathon photo «Saint-Charles prend la pose !» 14h/16h : Balade architecturale RDV Espace Fernand Pouillon 17h/18h30 : Plateau-radio «Dans la peau d’un étudiant» Le 16 sept de 11h30 à 13h30 : Animation musicale et repas thématique Resto-U Gaston Berger 12h/14h : Forum «Les assos ramènent leur science!» au chapiteau 12h/14h : Jeu de piste «Les énigmes du campus» RDV 16h/17h : Balade dans le cerveau RDV Dans le cadre des Journées européennes du patrimoine les 17 et 18 sept : La fac dans tous ses étages !, visites «surprenantes
et insolites de la faculté... Un voyage entre science et architecture du XXe siècle». 10h, 13h30 et 16h. (inscription obligatoire au 0826 500 500) Maison des Sciences 04 13 55 10 92 www.univ-provence.fr
On n’a pas tous les jours vingt années internationales La 20e Fête de la Science se tiendra du 12 au 16 oct sur tout le territoire français. Les thématiques en seront annuelles, internationales, chimiques, forestière, ratepenadière (pipistréliennes, ou chauves-souricières, en Provençal dans le texte) bref éclectiques et évidemment vertement… écologiques. Année internationale de la Chimie, année de l’Outre Mer Français, année internationale des forêts, année internationale en faveur de la Chauve souris (ndlr : garanti authentique). À quand l’année internationale de la Zibeline ? Donc une Fête de la Science 2011 exceptionnelle dont le programme non encore fixé est tellement riche que nous ne pouvons le décrire exhaustivement. Le programme complet de la Fête de la Science sera disponible sur www.fetedelascience.fr ou sur www.drrt-paca.com rubrique culture scientifique et technique. Et bonne année, à nos sœurs internationales les ratepenades !
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PHILOSOPHIE
LA PAROLE | L’INDIGNATION
Les élections présidentielles approchent, et avec elles leur cortège de discours. Le temps de nous interroger sur la parole est venu… Premier épisode !
Pourquoi on parle ? «Parle et je te baptise» c’est le défi lancé à un orang-outang par le cardinal de Polignac dans l’Entretien qui fait suite au Rêve de D’Alembert de Diderot
C’est la seule différence entre l’homme et l’animal, rien de plus, semble dire ce cardinal progressif ou hérétique : l‘homme parle en fait pour montrer qu’il n’est pas un animal. On ne parle pas pour dire des choses car il n’y a aucun lien de nécessité entre le mot et la chose : la variété des langues en témoigne. Mais c’est un autre sujet que nous verrons plus bas. Revenons à ce brave cardinal : «mais quoi !» diront des enfants ne se laissant pas avoir par les subtilités de la littérature ou de la philosophie ; «et si ça avait été un perroquet alors il aurait parlé» ; «et puis quoi», dira son pote derrière, «les animaux parlent mais on les comprend pas»… ou alors il y a la théorie du complot : oui les animaux sont intelligents, ils parlent mais pas quand on est là ! Bon reprenons, taisez vous les enfants : les animaux ne parlent pas ils communiquent. Qu’est-ce à dire ? Les animaux utilisent des signaux, les hommes des signes. Les animaux ont besoin de la chose pour la signaliser, par un son ou un geste. L’homme aussi profère des sons ou des gestes pour les choses mais il ne les signalise pas, il les signifie, c’est à dire que nous n’avons pas besoin de la chose pour en parler, la gestualiser. Faisons bref : nous n’avons pas besoin d’un bâton pour dire «bâton» ; les animaux oui. Et c’est là le véritable gouffre entre l’homme et l’animal : nous sommes au royaume de la représentation et les animaux prisonniers des steppes de la signalisation.
Nos mots ou nos gestes sont des signes qui nous libèrent de la présence de l’objet : véritable jouissance de l’enfant qui peut dire «maman» sans qu’il y ait sa mère ; l’enfant se met à nommer pour faire exister ce qui n’est plus là, même quelques secondes. C’est bien grâce aux enfants que l’on sait tout ça, et notamment le plus célèbre d’entre eux, L’enfant sauvage immortalisé par Truffaut ; son film est tiré du rapport de Jean Itard, médecin spécialiste de la surdité et de l’éducation spécialisée, Mémoire et rapport sur Victor de l’Aveyron. A la fin du 17è, cet enfant est recueilli qui n’avait connu aucun rapport à la civilisation. L’apprentissage de son humanité passait bien évidemment par le langage. Impossible pour Itard de le faire parler, c’est à dire de lui apprendre les signes ; ce qui est signe pour nous est pour Victor une partie de la chose. Il ne peut dire «lait» que s’il y a du lait, s’il en a besoin. Pour Victor la chose appelle une escorte écrite ou orale.
Le mot n’est pas la chose En bref l’homme parle pour dire qu’il est fini. L’homme naît véritablement inachevé, les connexions cérébrales continuent à se former pendant les premières années de la vie de l’enfant. Elles dépendent des sollicitations de l’entourage, donc des autres. Si l’enfant n’en bénéficie pas pendant les premières années de sa vie, il sera trop tard. L’animal lui nait quasiment fini, c’est pourquoi il ne parle pas : chez les animaux, et même chez les espèces vivant en groupe, le contact des autres n’est pas essentiel au point que leur absence entraverait le développement normal de l’individu isolé. Le langage a une valeur éminemment symbolique : je parle pour dire que je suis homme et que je charrie des
valeurs culturelles avec moi - et encore tenons nous à l’écart de l’herméneutique psychanalytique, c’est à dire de la manière d’interpréter de la psychanalyse, superbe et confuse littérature, certes pas scientifique. Symbolique car on ne parle pas pour dire des choses : nous le disions plus haut il n’y a aucun rapport entre le mot et la chose. Le langage est pure représentation, les mots sont des symboles, le langage est un système de signes consacrés par l’usage, émancipés du réel. En disant «mutton» je dis que je suis Anglais et que je vais me mettre à table ; en disant «mouton» je dis que je suis un Français qui n’a pas les moyens sémantiques de distinguer la brave bête pâturant dans la verdure et la superbe pièce de viande qui me fait saliver. Le fleuve et la rivière ne se comprennent que dans leur rapport à la mer ; stream et river en anglais dans leur rapport à la taille : impossible traduction. Nous n’avons pas le même découpage de la réalité : la valeur d’un mot est déterminée par ce qui l’entoure et non par son rapport à la chose. Quand je dis «je crains» ce n’est pas tant à un état émotionnel que je renvoie qu’au fait que je ne dis pas «je redoute» ni «je me méfie». Pourquoi l’homme ment alors ? Parce que c’est la fonction première du langage ! Une transition toute trouvée pour vous annoncer, le mois prochain, notre épisode sur la parole politique ! RÉGIS VLACHOS
Un ouvrage pour poursuivre ? Georges Gusdorf La parole, PUF, 11 €
La voie de la métamorphose Visiblement on attendait beaucoup de la rencontre Edgar Morin - Stéphane Hessel organisée durant le Festival d’Avignon. Excédant largement la salle qui leur était réservée, mais aussi les trois espaces de retransmission en direct les deux nonagénaires ont réuni plus de 1200 personnes suspendues à leurs propos… Mais s’ils ont Edgar Morin © X-D.R suscité un enthousiasme chaleureux, ils ont également déçu quelques attentes. L’engouement pour le petit livre de Stéphane Hessel est réjouissant. Le cri qu’il y pousse est nécessaire, salutaire, clairvoyant. Les analogies que cet homme si estimable fait entre la montée des fascismes dans les années 30, la «marche aveugle» qu’il a vécue, et notre climat actuel, fait froid dans le dos. Pourtant sa façon de Stephane Hessel © X-D.R se garder des pensées pessimistes («il faut regarder les moments précieux») est forcément émouvante, et bienfaisante. Cependant il parle en témoin, et en diplomate législateur : il sait ce que la politique française actuelle est en train de détruire du système social de l’après-guerre (éducation, culture, santé, justice, logement, égalité des droits fondamentaux…), ce que l’économie mondiale est en train de détruire de notre humanité commune (spéculation qui affame, engendre la violence et détruit la planète), mais s’en remet pour l’avenir à «la voie» décrite par Edgar Morin. Celui-ci constate que «la solidarité d’Etat est mise en péril par la rentabilité» et que le monde manque de «pensée globale» parce que «les partis de gauche sont vidés de leur substance» par la «pieuvre financière» qui «impose aux Etats ses lois tandis que les Etats les imposent aux populations». Mais ses recettes pour aller «vers une régénération d’une pensée politique complexe» qui cesserait de «réduire la raison au calcul, barbarie qui ignore sa barbarie et se croit fondée sur une analyse exacte des choses» sont, pour l’heure, peu convaincantes. La «métamorphose» qu’il appelle de ses vœux peut-elle naître de cette «autre politique économique possible» qui réhumaniserait les villes, serait écologique, solidaire et sociale, jugulerait la spéculation financière et limiterait le profit illimité ? Comment y parvenir ? En légiférant ? En se révoltant ? Comment imposer aux gouvernements des principes qui tiendraient compte de l’intérêt des peuples ? Si l’on comprend bien ce qu’il refuse, ce qu’il prône est plus difficile à saisir… «L’espérance est possible», nous ditil. Mais pour sortir de cet «aveuglement» dans lequel nous vivons, il nous faudra combattre avec toutes les armes de l’esprit… AGNÈS FRESCHEL
Le Théâtre des Idées a eu lieu le 19 juillet dans le cadre du Festival d’Avignon
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HORIZONS
BIENNALE DE VENISE
Déjà plus que centenaire, la Biennale de Venise n’en finit pas de se déployer et d’irriguer la Sérénissime : années paires consacrées à l’Architecture, années impaires à l’Art contemporain
Que la lumière soit ! La Biennale d’Art 2011 accueille du 4 juin au 27 novembre quelque 87 artistes présentés par autant de pays. Au-delà des sites matriciels que sont les Jardins et l’Arsenal, 37 autres évènements collatéraux surviennent dans toute la cité. Dans les musées, mais aussi dans des Palais désaffectés ou dans de simples demeures souvent vétustes. Comme à chaque édition le curateur, en l’occurrence la zurichoise Bice Curiger, propose un thème aux participants qui peuvent prétendre à une distinction. Pour cette 54ème édition, la formulation ILLUMInations/ILLUMInazioni joue sur la typographie opérant dans les deux langues officielles de la Biennale, la première étant l’Anglais qu’il vaut mieux maîtriser pour apprécier l’art contemporain à Venise, tant il y a de textes à lire ou écouter. Le thème sert à imprimer les cartons et les affiches mais les artistes ne sont pas tenus de le suivre à la lettre. D’ailleurs ils n’en font qu’à leur tête ! La lumière évoque d’abord les enluminures, la voyance rimbaldienne, «l’illumination profane» de Walter Benjamin et l’œuvre du Tintoret. Illuminer le monde pour le transcender, le révéler, se révéler. Mais y-a-t-il d’autre sujet, en peinture? en art ? Les nations appellent une dimension politique avec, en écho, la célébration par une pléiade d’artistes italiens du 150éme anniversaire de l’unification de l’Italie. Si le respect des participants pour le sujet ILLUMInazioni reste aléatoire, on pourrait croire que les Philippins qui vendent à la sauvette leurs gadgets le prennent plus au sérieux : la nuit tombée, ils projettent, dans le ciel des campi, une minuscule fléchette phosphorescente et multicolore qui redescend en tournoyant au ralenti sur les dalles de pierre, pour le plus grand bonheur des touristes en grappe et de leur marmaille ébaubie. Et il n’y a pas plus belle fulgurance que les éclats de lumière sur les visages d’ébène des marchands de bagagerie contrefaite fuyant pour la forme une maréchaussée finalement bienveillante !
Temps et hasard C’est dans ce contexte que l’étasunien Christian Marclay est devenu un nouveau fils de Vénus en obtenant le Lion d’or du meilleur artiste pour The Clock, une vidéo de 2010 présentée à l’Arsenal. Une salle de projection y est aménagée avec des canapés trois places disposés devant un écran d’une taille digne d’une salle de cinéma. Le film diffusé dure 24h, chaque séquence extraite d’œuvres cinématographiques de toutes époques et de toutes origines contient, dans un de ses plans,
au plafond, par un dédale construit en tubes d’échafaudage de la marque Wurtz, la plus solide. Entre les tubes, dans toutes les directions mais en sens unique, une bande de 30 cm de large transparente sur laquelle sont imprimés en continu des portraits de bébés en noir et blanc, circule à vive allure entre des rouleaux de caoutchouc et de métal, bruyamment propulsée par plusieurs moteurs électriques. De temps en temps une sonnerie retentit : la bande s’arrête quelques secondes, le visage d’un bébé choisi par l’ordinateur
54e Biennale de Venise, Pavillon francais, Christian Boltanski, France © Didier Plowy
un dispositif de mesure du temps, pendule, horloge, réveil, montre à gousset ou bracelet, clepsydre, cadran solaire ou sablier. Lorsque l’heure est visible à l’écran, elle correspond au temps de sa projection. Le film diffusé n’a pas d’autre scénario ni sens que celui-là. On s’arrête, on s’assoit, on suit le fil de ce film improbable d’abord sans y rien comprendre, puis on repère la récurrence des cadrans, la synchronisation avec le temps réel. Le temps du film qui n’existe pas devient le nôtre. L’artiste retenu pour le pavillon français est Christian Boltanski. Dans les Giardini, il propose une œuvre intitulée Chance. Le pavillon est divisé en quatre salles. La plus grande, centrale, est occupée, de mur à mur et du sol
apparaît sur un moniteur, puis la roue de fortune se remet en marche. De chaque côté de cette salle deux autres, également équipées de tubes et de plateaux d’échafaudage, présentent chacune un compteur numérique géant : un rouge sur lequel s’affiche le nombre des décès dans le monde, un vert sur lequel se lit celui des naissances. Le dispositif d’échafaudage n’a d’autre fonction que d’établir un lien physique et plastique avec la salle centrale. Dans la quatrième salle est installé un écran sur lequel défilent à toute allure et sur trois bandeaux, trois parties de visage d’humains variés. Un bouton permet de stopper le défilement sur un visage ainsi formé : le front d’un homme blanc, le nez d’un bébé noir, le menton d’un barbu. Si la chan-
ce est avec vous, un visage entier apparait, et vous gagnez l’œuvre ainsi constituée. L’ensemble est entièrement gris, avec des nuances : gris lessiveuse des tubes d’échafaudage, gris des photos... C’est très chic. Claude Lévèque déjà, il y a deux ans, faisait entièrement gris. Le chic français sans doute.
Question d’élégance Le chic français, à Venise, c’est aussi le Palazzo Grassi et la Dogana da Mar. Les deux sites prestigieux rachetés par la Fondation François Pinault (groupe PPR) ont été restaurés à grand frais. Dans un air parfaitement climatisé et une minéralité de cimetière, les œuvres présentées sont à l’avenant, chères, brillantes, très sagement posées, et surtout très scrupuleusement surveillées par des matons omniprésents en costard sombre et oreillettes radio, toujours très chics. A contrario, le travail des artistes de la Biennale est très évasivement gardé par des étudiants souriants, en tongs et T-shirts légers, plus soucieux de consulter leur page facebook que de veiller en cerbères soupçonneux à l’intégrité des lieux. Dans un bazar volontairement indescriptible les artistes de la Biennale investissent au plus près les pavillons désuets et malcommodes des jardins comme les salles majestueuses et vétustes de l’Arsenal. Joyeusement, leurs œuvres s’agrippent aux bâtiments qui les accueillent, s’accrochent aux parois disjointes, se lovent sur les planchers déformés, se frottent avec délices aux plafonds décrépis. La Biennale de Venise, c’est de l’art en fusion avec une ville. Et qu’importe si le contenu a souvent du mal à rivaliser avec le contenant : le plaisir du visiteur est là, dans le spectacle du désir et dans sa constance. Pas chic, mais élégant. ELISE ET MAURICE PADOVANI
www.labiennale.org
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Ont également participé à ce numéro : Yves Bergé, Émilien Moreau, Gaëlle Cloarec,Christophe Floquet, Thomas Dalicante, Pascale Franchi
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