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un gratuit qui se lit

l’Art, du 16/11/11 au 14/12/11 chantier permanent



Politique culturelle La Friche la Belle de Mai La Criée SAN Ouest Provence

4, 5 6 7

Événements Cannes, Marseille CMCA, Fotokino, Bancs publics Folie Cavaillon Dansem, KLAP, Télémaque

8 10 11 12, 13

Théâtre La Criée, Martigues, Miramas La Minoterie, le Gyptis, le Merlan Le Toursky, le Gymnase, Miramas Le Lenche, le Gymnase, Théâtre Off Le Vitez, le Jeu de Paume, Arles, Fos Château-Arnoux Au programme

14 15 16 18 20 21 22 à 27

Danse Au programme Pavillon Noir, Vaucluse

28, 29 30

Cirque/Arts de la rue Arles, le Merlan, Châteauvallon, Istres, le Toursky Port-Saint-Louis, Small is beautiful Au programme

31 32 33

Jeune public Momaix, le Massalia, Arles, Avignon, Fos Cavaillon, Martigues, le Lenche Au programme

34 35 36, 37

Musique Au programme Lyrique Lyrique, récitals Symphonique La Fiesta, Berre l’Etang GTP, Roll studio, FIMÉ Au programme, agend’jazz, Leda Atomica

38 à 41 42, 43 44, 45 46, 47 50 51 52, 53

Cinéma Les rendez-vous d’Annie Cinambule, Digne, Aix Entretien avec Mohamed Diab, Aflam, Région Cinemed, Gardanne Robert Guédiguian, l’Alhambra Cinehonrizontes, Apt

54 55 56 57 58 59

Arts visuels CG Aix, Pavillon Vendôme Mac, Instants vidéos Fotokino, la Gad Detaille, Trocade Au programme

60 61 62 63 64 à 67

Livres Photo, BD Livres/disques Littérature Littorales, Actoral

68 70, 71 72 à 75 76, 77

Rencontres Colloque Artaud, Rencontres capitales Maupetit, Pays d’Aix, ABD Gaston Defferre Toulon, Aix, Aubagne, Marseille Au programme Le Mexique Les Rencontres d’Averroès Le MuCEM

78 79 80, 81 82, 83 84, 85 86 87

Histoire MdAA, Echange et diffusion des savoirs, Quinson

88, 89

Sciences et techniques La chimie

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Philosophie Le libre arbitre

Le partage des eaux On l’avait pressenti dès 2008, lorsque Marseille Provence 2013 a dévoilé son projet : penser que la culture méditerranéenne fait l’identité de notre territoire est une erreur. Aujourd’hui notre mer se conjugue à toutes les sauces, et domine tout de son goût exclusif : le E du MuCEM disparaît et le label «med» fleurit pour nommer les quartiers, les Festivals du livre, les colloques, la danse, les concerts… Que les Rencontres d’Averroès, dont c’est le projet depuis 18 ans, ou AFLAM, Dansem, restent centrés sur leur objet d’origine est bénéfique : cet intérêt pour la culture arabe en particulier accompagne la formidable révolte qui secoue l’autre rive. Les ponts jetés doivent évidemment se renforcer, en attendant que les flux migratoires soient enfin perçus comme naturels. Mais qu’ici tout devienne méditerranéen tourne au ridicule : les mêmes auteurs, artistes et intellectuels passent de festival et festival, et soulèvent à l’envi les mêmes questions. Comme si les populations venues d’Afrique Noire et des Comores ne méritaient pas notre intérêt culturel ; pas plus que les Lettres et les Arts, les mythes européens… Artistes emmenez-nous vers des toundras verglacées, un Walhalla, une Cerisaie, du rock anglais, des Polonaises, des ponts d’acier ; penseurs donnez-nous à sonder l’esprit des Lumières, Montaigne, le romantisme, Foucault, les ruptures des ballets russes, l’élan des cathédrales verticales ; poètes peuplez encore nos rêveries de dragons et de spectres, de sirènes sans griffes, de Vikings ! Nous voulons écouter le son des terres lointaines, des shamisens ou des tsongas, des mariachis ; et nous souvenir des cornemuses, des plaintes klezmer, tsiganes, du pincement au cœur des harpes celtiques… N’abandonnons pas aux économistes de Paris et de l’Europe du Nord notre culture universelle, celle qui depuis longtemps se rit des mers, franchit caps, sommets, fleuves et océans. Ils ont inventé le libéralisme et oppriment la Grèce et l’Italie pour mieux les renvoyer dans les marges : laisser ces politiques scinder en deux ce que nous sommes, et réserver à la Baltique la mémoire, la fabrique et la glose de la culture européenne, est une aberration. Qui ne nous coûtera pas seulement une rupture, ou un triple A, mais jusqu’à l’étincelle fragile qui a embrasé nos vies. AGNÈS FRESCHEL

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Horizons La Biennale des jeunes créateurs

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Adhérents

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POLITIQUE CULTURELLE

LA FRICHE LA BELLE DE MAI

De nouvelles directio Depuis juillet La Friche la Belle de Mai s’est donné un nouveau directeur. Alain Arnaudet succède à Philippe Foulquié, au moment où des travaux d’envergure vont enfin transformer l’ancienne manufacture de tabac en pôle artistique habitable…

Zibeline : Les Marseillais ne vous connaissent pas, et vous succédez à un personnage qui a marqué leur vie culturelle. Comment présenteriez-vous votre parcours ? Alain Arnaudet : On le qualifie souvent d’atypique ! Ma formation me destinait plutôt à la finance internationale mais je me suis très tôt dirigé vers les sentiers, plus aventureux, de l’art et de la culture. En travaillant dans le réseau des Scènes nationales, des Scènes de Musiques actuelles, au projet des Allumés de Nantes puis comme administrateur général des Rencontres Internationales de la Photographie d’Arles, j’ai vécu des expériences dans les divers domaines de l’Art, avant de partir comme attaché culturel et directeur d’établissement au Cambodge, puis au Brésil. Une expérience variée, qui vous a permis de remporter le gros lot… Ou le grelot ! Diriger la Friche, avec les moyens actuels, n’est pas une entreprise facile ! Il y a ici 70 structures résidentes, de taille et d’activités très différentes : radio, compagnies de théâtre, de danse, de musique, d’arts plastiques, numériques, littéraires, de cuisine… Tous ont quelque chose à voir avec l’art, mais il s’agit de fédérer ces acteurs et faire fonctionner le site. L’association Système Friche Théâtre que je dirige aujourd’hui anime, coordonne, arbitre et coproduit. Ou devrait coproduire…

Elle ne le fait pas ? Très peu, symboliquement. Avec autour de 2,5 millions de budget annuel, une fois que les salaires, les frais d’entretien, les loyers et les fluides sont payés, il reste à peine 40 000€ de budget de production. C’est-à-dire rien. Le 104 à Paris, lieu dont l’esprit est un peu comparable à celui de la Friche, a 8 millions de budget, pour la gestion d’un lieu 2 à 3 fois plus petit que le nôtre : La Friche la Belle de Mai est un domaine de 50 000m2… Votre premier but est donc d’augmenter les moyens de production… Les subventionneurs l’ont-ils entendu ? Oui, il semble qu’ils commencent à comprendre. Ce projet Friche est incroyable, magique, unique. Sa situation, sa diversité, son fonctionnement réellement collectif, si atypique, tout cela est porteur d’un message fort pour l’avenir. Mais à force de le dire ça ne le sera plus… Lorsque les Instants vidéo (voir p 61) proposent une installation formidable, d’un grand professionnalisme artistique, mais qu’il pleut sur les télés, je pense que l’on peut collectivement faire mieux ! Comment imaginez-vous la Friche à l’issue du chantier, en 2013 ? Après le chantier ce ne sera pas fini… mais c’est très bien. Il faut continuer à tenir éveillé le champ du possible.


POLITIQUE CULTURELLE

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ns pour la Friche Ne sentez-vous pas de la fatigue autour de cette notion de chantier permanent ? La fatigue ne vient pas de cette plasticité du lieu et du projet, mais de la précarité dans laquelle vit chaque structure culturelle. Alors comment imaginez-vous la nouvelle Friche ? Magnifique ! Je ne suis pas un directeur artistique, j’ai avant tout un projet culturel d’espace public. On doit venir ici comme on va à la Villette, en famille, il faut que le lieu soit sûr tout d’abord -et la simple mise aux normes a un coût- et qu’il soit accueillant, paysagé, d’un accès facile. Nous mettons en place un Quartier créatif avec MarseilleProvence2013, nous travaillons avec le Tunnel du Prado qui finance la transformation par des artistes de ce tunnel qui nous coupe de la ville. Mais il faut aussi un programme artistique attractif, proposé collégialement par les pôles. Quels seront ces pôles ? Il y aura quatre pôles dont les contours et les missions sont encore à affiner avec les résidents de la Friche : arts visuels, musique et création sonore, spectacle vivant, littérature et édition… Mais tous les lieux seront mutualisés, avec des utilisations prioritaires, et la possibilité de mettre en œuvre toutes les transversalités. Le pôle théâtre est-il entériné ? Le ministère de la Culture s’est engagé à doter la Friche Belle de Mai d’un pôle Spectacle vivant, dont il souhaite confier la direction artistique à Catherine Marnas. Avec deux salles -une de 400 une de 100 places- et deux compagnies résidentes : Parnas et L’Entreprise (respectivement compagnies de Catherine Marnas et François Cervantes ndlr). Cela

reste un lieu mutualisé qu’ils n’occuperont pas seuls ni en permanence, où il y aura, en dehors des accompagnements de productions de théâtre adulte proposés par Catherine Marnas, de la danse, du théâtre jeune public… Que devient le Massalia, qui était dirigé par Philippe Foulquié également ? C’est la colonne vertébrale historique de la Friche. On est dans l’attente de nomination de la direction, mais j’aimerais qu’il rayonne encore davantage, s’oriente aussi vers les arts visuels et tout ce qui

anime la Friche. Et la société qui porte le chantier de rénovation ? Effectivement c’est une SCIC (société coopérative d’intérêt collectif ndlr) qui porte pour l’instant le chantier et la gestion immobilière, tandis que l’association Système Friche Théâtre gère le projet culturel. Certaines structures résidentes sont à l’assemblée générale de l’une ou l’autre structure, des deux, d’aucune… à terme il est prévu un rapprochement de SFT et de la SCIC. ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL

Catherine Marnas © Agnès Mellon

Zibeline : Dans ce véritable complexe artistique et culturel, vous êtes chargée par le ministère de diriger le futur Pôle Théâtre. Quel est votre projet ? Catherine Marnas : D’abord que le pôle existe ! Pour l’instant, en dehors de l’assurance que j’ai reçue du ministère, rien n’est signé. Les travaux du reste du chantier avancent et ce pôle, pour ne pas coûter cher –le projet ne l’est pas- doit progresser en même temps que le chantier. Nous avons quelques inquiétudes à ce sujet… même si théoriquement les salles doivent être construites juste à côté des Grandes Tables, et prêtes en janvier 2013. Aurez-vous les budgets pour y prévoir une programmation ? Nous l’espérons ! Mais il faut pour cela que la Friche soit enfin dotée de véritables moyens de coproduction. Et que la compagnie Parnas puisse, en dehors de ses créations, acquérir une autonomie financière qui lui permette de programmer. Tout cela est en cours… Quel est votre projet artistique ? Il est lié à l’endroit, c’est-à-dire au croisement et à la mise en commun. Je voudrais faire des choses qui ressemblent à la Friche, que Marcial di Fonzo Bo vienne ici travailler avec l’ERAC sur un projet Tchekhov… Il ne s’agit pas de proposer une programmation de Centre dramatique ou de Scène

Alain Arnaudet © Agnès Mellon

nationale mais de faire venir des artistes prestigieux qui travailleront aussi avec les résidents. Et que ceux-ci aient une place pour pouvoir diffuser leurs productions : nous n’occuperons pas les théâtres tout le temps ! Nous sommes souvent en répétition dans notre salle, ou en tournée… La compagnie Parnas et l’Entreprise laisseront beaucoup de place aux autres, dans les deux salles, pour montrer de petites formes, ou des productions qui nécessitent un équipement plus lourd et une cage de scène. Vous pensez aussi à accueillir des compagnies de la région qui ne résident pas à la Friche ? Bien sûr ! Ce lieu sera le plus ouvert possible, à des artistes internationaux qui ne viennent pas d’habitude à Marseille, à des compagnies régionales, à la danse, au jeune public, à toutes les formes de spectacle vivant et à tous les croisements. Nous avons concrètement, pour l’instant, le projet d’accompagner la Cie l’Individu de Charles-Eric Petit, et Tandaim d’Alexandra Tobelaim. Deux metteurs en scène de grand talent qui ont besoin de bénéficier de moyens de production qu’ils sont loin d’avoir, pour l’heure. Nous voulons qu’il y ait ici de la place pour que les nombreuses compagnies de la région puissent voir leur talent s’épanouir dans l’émulation, la confiance et le dialogue.


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POLITIQUE CULTURELLE

LA CRIÉE | OUEST PROVENCE

La nouvelle directrice de la Criée change peu à peu les habitudes d’une maison à qui elle veut donner vie et couleur…

Macha Makeïeff appose sa griffe Les deux salles ont rouvert, et accueilli avec succès les premiers spectacles de la saison (voir p14), programmés par Jean-Louis Benoit. Mais Macha Makeïeff a d’ores et déjà, discrètement, donné des couleurs aux programmes, infléchi la politique d’une communication auparavant volontairement austère, et préparé quelques Surprises ! Elles vont «imprimer dès cette année [s]a marque, et rester ensuite comme un fonctionnement. L’imprévu rendu possible par ces ouvertures relève aussi du hasard poétique, et cette maison doit prendre d’autres habitudes. Quand on fait une proposition artistique légèrement décalée on obtient une forme de joie. C’est comme ça que l’art existe, pas dans le fait de rester dans un genre et dans un pré carré.» Ces surprises, elle les distillera au long de cette saison, en commençant par Blanche-Neige d’Angelin Preljocaj dans la grande salle, puis Laterna magica (voir p10) dans le hall. Qu’elle veut rénover

d’ailleurs, pour en faire «une salle des machines : une maison de théâtre est une fabrique, le public doit pouvoir accéder aux ateliers de costume, aux répétitions, voir les techniciens travailler. Le hall sera donc un endroit de passage, et un lieu d’accueil musical avec des performances, des présentations d’artistes et de plasticiens. Un lieu ouvert la journée, où l’on puisse concevoir des rêveries autour des spectacles. Comme une troisième salle, avec de grandes tables, une nef très simple sans cet escalier qui écrase le spectateur dès l’entrée et empêche la circulation du public.» Quant à la pluridisciplinarité, elle représente pour Macha Makeïeff «le prolongement naturel des missions du Centre dramatique. Comment ne pas collaborer avec le MuCEM qui se construit, le Festival d’Avignon tout proche ? comment ne pas accueillir de la danse sur ce plateau qui est le plus beau de la région ? comment ne pas travailler avec l’opéra qui est si près, et propose à son public de si beaux plateaux lyriques ?». Lorsqu’on lui demande si la Criée va rester un Centre dramatique, sa réponse est très claire : «La mission de cette maison est de diffuser des textes et du répertoire, et il n’est pas question de se dérober à ce cahier des charges, même si mon travail d’artiste m’emmène plutôt ailleurs. Vers un théâtre différent, où le texte n’est qu’un élément de l’écriture, au même titre que les décors ou la musique, les gestes et le jeu. Mais le théâtre de texte sera bien évidemment présent.» Pour l’heure elle répète les Apaches, un spectacle «sur ces bandes ultraviolentes des années 30, ces jeunes criminels qui ont fasciné l’art, et ces femmes libres qui, comme Colette, se sont déclassées pour devenir artistes.» Est-elle heureuse à Marseille ? «J’y suis née et je suis heureuse d’y être à nouveau installée. Cette

Macha Makeieff © France Keyser

ville ne ressemble pas aux autres, elle est rugueuse, archaïque. Même les démarches des gens y sont différentes, plus décontractées, fanfaronnes. Marseille a mauvais genre, elle est pasolinienne, et vivre ici n’est pas gagné. Mais dès que l’on sent le confort il faut savoir se déplacer… ici le foisonnement artistique doit répondre au foisonnement de la ville, sinon c’est une faute de goût.» Les projets ? Travailler pour que Marseille Provence 2013 soit un succès populaire autour des Mille et une nuits «qui rassemblent tout le monde, ont irrigué toutes les cultures et parlent à tous les âges et tous les milieux.» Et faire venir dans ce théâtre «tous ceux pour lesquels franchir la porte d’un tel lieu reste intimidant.» AGNÈS FRESCHEL

Le retour d’Angelin Cela faisait 7 ans qu’il n’était pas venu à Marseille, et le voici à la Criée avec un conte… Beau présage ! Blanche-Neige sera dansé pour la 180e fois, chiffre assez moyen pour une création de Preljocaj… C’est que la production est lourde ! 25 danseurs, des décors Angelin Preljocaj © Agnès Mellon

imposants, des costumes nombreux (de Jean-Paul Gaultier, magnifiques). Le chorégraphe est très heureux de revenir dans cette ville, sur «ce plateau magique où la danse est comme embrassée par le public.» Même s’il pense, contrairement à Macha Makeïeff, que «si la ville est différente, le public à la Criée est le même qu’à Aix, avec les mêmes attentes et le même profil social.» Son Blanche Neige, merveilleux ballet profond et terrifiant comme les contes, a les accents romantiques de Mahler, et regorgeant d’inventivité chorégraphique, baigne dans un univers de symboles muets, oniriques et personnels.

Le chorégraphe prépare lui aussi pour 2013 un conte des Mille et une Nuits, et avant cela une création plus littéraire et sombre sur le dernier roman de Laurent Mauvignier Ce que j’appelle l’oubli. Juste après la reprise à l’Opéra de Paris de deux de ses pièces, entre quelques tournées… A.F.

Blanche-Neige Du 23 au 26 nov La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com


Et demain, la culture des territoires ? Les 20 et 21 octobre, le SAN Ouest Provence1 accueillait à Fos le colloque sur l’intercommunalité culturelle, qui posait une question fondamentale à l’heure de la réforme territoriale : quels projets pour quelle gouvernance ? Au terme des échanges et des débats qui ont animé ces deux journées, et malgré quelques divergences de points de vue, les intervenants ne cachaient pas leur satisfaction d’avoir fait progresser la réflexion sur un processus en cours : la construction, dans le cadre de l’intercommunalité, d’un projet culturel. Lors d’ateliers proposés durant la première journée de travail, furent débattues les questions des enjeux juridiques, administratifs et managériaux des équipements et services culturels intercommunaux, de la participation des habitants à la vie artistique et culturelle d’un projet intercommunal, et de la manière de construire un espace territorial citoyen. Lors de la restitution de ces ateliers, Jean-Pierre Saez (directeur de l’OPC) soulignait les avancées, les pistes de travail débouchant «sur les moyens qui permettraient de mieux inscrire la culture dans la construction de la cité de demain», faisant de fait référence au débat critique et démocratique qui en résulterait. Pour chacun la compétence culture doit plus que jamais être une compétence partagée, gouvernance signifiant, rappelait Jean-Pierre Saez, «responsabilité partagée». Autre nécessité : une évaluation «obligatoirement» participative avec la

sollicitation des acteurs culturels, des artistes, et de la société civile, chacun devant être reconnu dans son rôle. «Il faut sortir du dialogue professionnel exclusif dit encore Jean-Pierre Saez, frotter les expériences les unes aux autres, provoquer le débat.» Un nouvel espace de vie est à construire, qui passera nécessairement par un temps d’expérimentations et d’innovations. Pour conclure ce colloque, première étape dans la construction d’une politique culturelle appropriée à des territoires en mouvement., Yves Vidal, vice-président de Ouest Provence en charge de la culture et président de Scènes et Cinés, prit l’engagement «de la mise en place d’un conseil du développement culturel à l’échelle du territoire intercommunal où élus, professionnels de la culture, associations d’habitants et acteurs de la vie civile seront réunis dans l’objectif d’optimiser nos politiques culturelles, notamment en terme de proximité avec la population.» Une mise en place qui pourrait «s’inscrire à terme dans la démarche de l’Agenda 21 de la culture.» DOMINIQUE MARÇON 1

co-organisateur du colloque sur l’intercommunalité culturelle avec l’Assemblée des Communes de France, la Fédération Nationale des Collectivités territoriales pour la Culture et en partenariat avec l’Observatoire des politiques culturelles

Olivier Bianchi, Florian Salazar-Martin, Laurence Lemouzy, Catherine Morin-Desailly, Jean-Louis Viard © Caroline Chevalier, Mission Communication, Ouest Provence


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ÉVÉNEMENTS

CANNES | MARSEILLE

Flamand sur la Croisette Nommé pour deux éditions à la tête de la Biennale de danse de Cannes, le directeur du ballet National de Marseille a élaboré un programme enthousiasmant

The art of not looking back, Hofesh Shechter company © Dee Conway Moving Target © Agnes Mellon

En une semaine, du 22 au 27 nov, Cannes va battre au rythme de la danse, avec des rencontres, un colloque international, du cinéma (Pina), une lecture (Chéreau lit Nijinski), une semaine portes ouvertes à l’École Supérieure de Danse Rosella Hightower… et deux ou trois spectacles tous les soirs ! Le programme élaboré par Frédéric Flamand pour cette première édition consacrée aux Nouvelles Mythologies invite des chorégraphes internationaux que l’on a peu l’occasion de voir dans la région, et met au jour les tendances affirmées de la danse d’aujourd’hui. En effet, il a programmé des pièces qui recoupent ses préoccupations esthétiques : des danseurs rebelles, transpercés par les images, les technologies, les éclats de mémoire du monde vont s’emparer des grandes salles de Cannes (Palais des festivals, Théâtres de la Croisette, de la Licorne) pour donner à voir les Nouvelles Mythologies qui remodèlent le corps contemporain, et sa représentation. Surgis des fables antiques, Orphée et Narcisse révèlent leur modernité, liée aux nouvelles technologies de l’image: les pièces d’Eric Oberdorff, Hiroaki Umeda, Joanne Leighton et Emio Greco sont peuplées de reflets, de reproductions et de doubles, avatars de Narcisse, tandis que celles d’Hervieu et Montalvo (Orphée), ou d’Edouard Lock (La la la human step), travaillent sur les enfers et les joies du mythe orphique. D’autres thématiques traversent ce programme avec la force des mythes naissants. Le danseur contemporain, Sisyphe moderne, semble plongé dans une interminable lutte contre le bombardement d’images et de sons qui l’effacent (Installation de N+N Corsino). Lutte qui le réduit parfois à une inquiétante animalité comme dans les pièces coup de poing de Hofesh Shechter (également aux Salins de Martigues), ou le coupe de lui-même comme dans Moving Target de Frédéric Flamand. Face à cette menace d’isolement des résistances s’élaborent, à travers l’intimité (To intimate, de Loejmi et Lorimer), la transmission (Vivian Leighton, Copy only) et le rapport avec la musique, qu’elle soit baroque (Montalvo-Hervieu, Lock), rock (Come, been and gone

de Mickael Clark) ou flamenca (El cielo de tu boca, Andrès Marin). L’histoire interne de la danse est aussi visitée comme un rempart contre l’effacement : les souvenirs de Nijinski, des ballets mythiques (Installation chorégraphique de Thierry de Mey), sont des lieux de référence et de lutte. Comme l’irrévérence et l’humour tapageur de Christophe Haleb (Evelyn house of shame). Quant à Hofesh Shechter, Prométhée assumé, il prône l’insurrection et veut triompher frontalement. Car la danse, plongée dans le virtuel, réaffirme la matérialité du corps, jusque dans son émouvante finitude (Thierry Thieû Niang, Le Sacre du printemps). Élaborant des mythologies nouvelles, elle reste sans doute un des miroirs les plus lucides du temps. AGNÈS FRESCHEL

Festival de danse Palais des festivals, Cannes Du 22 au 27 nov 04 92 99 33 83 www.festivaldedanse-cannes.com

L’Air du large Un nouveau lieu amené par grand vent et force labeur vient de s’ouvrir à Marseille rue Joliette : L’R de la mer. Un entrepôt de voitures de 6 m de haut, peint en noir, réhabilité par l’architecte Michel Coulange. Écrin pour créations insolites ancrées dans le réel, mais aussi laboratoire d’expériences poétiques et lieu de transmission. Courage et énergie

animent l’équipe du Théâtre de la mer : depuis 30 ans Akel Akian et Frédérique Fuzibet mettent en scène et scénographient textes d’auteurs et textes issus d’ateliers pratiqués dans les quartiers populaires de Marseille, notamment à la Busserine, créations qui trouvent refuge auprès de structures accueillantes comme la Minoterie.

Avec, ancré au cœur, le désir d’installer des passerelles entre les deux rives de la Méditerranée. La mise à l’eau du navire aura lieu le 3 déc en présence d’amis artistes dont la merveilleuse chanteuse Dalila Khatir. En novembre, déjà, ils présenteront une première étape des recherches sur le public des supporters de football avec Foot in(g)

Marseille, projet qui s’inscrit dans le programme Marseille-Provence 2013. CHRIS BOURGUE

L’R de la mer Théâtre de la mer Marseille 2e 09 53 29 03 53 http://letheatredelamer.fr



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ÉVÉNEMENTS

CMCA | FOTOKINO | BANCS PUBLICS | CAVAILLON

Du 6 au 9 déc, pour la 3e fois à Marseille, se tiendra le PRIMED, nouvelle appellation du Prix International du Documentaire et du Reportage méditerranéen, organisé par le CMCA. Parmi les thématiques principales, les transformations politiques et sociales en Tunisie et en Égypte ainsi que la condition de la femme dans la Méditerranée d’aujourd’hui. Cette édition sera marquée par une augmentation du nombre de projections offertes au public et la création de deux nouvelles catégories : les courts métrages et les WEB-docus. Ce sera l’occasion pour le public de voir, parmi les 316 inscrits, les 31 films sélectionnés dans les différentes sections : Enjeux méditerranéens ; Mémoire de la Méditerranée ; Première œuvre ; Art, patrimoine et culture ; Reportages d’investigation, venus d’Europe, d’Algérie, d’Israël, du Liban, du Maroc, de Palestine, de Syrie, de Turquie. Les projections auront lieu à la Maison de la Région et à l’Alcazar qui offrira aussi, comme en 2010, les visionnements à la demande durant 2 mois. Une souplesse qui permet à tous de disposer d’un fonds documentaire exceptionnel. À l’Alcazar, le 7 dec de 14h à 19h, seront proposés les films de la filière audiovisuelle corse, en présence des réalisateurs ; le 8 de18h à 21h, une séance sera

consacrée à l’Égypte et à la Tunisie avec des documentaires sur le printemps arabe, et le 10 de 14h à 19h, ce sont les films primés qui seront projetés. Le 9 déc, à la Chambre de commerce se tiendront à 9h30 une conférence débat sur les écrans du Printemps arabe, et à 17h30 la remise des prix en présence de tous les réalisateurs. Le tout sera retransmis sur le site de PRIMED.

Les Imams vont à l'école de Kaouther Ben Hania

Le reportage méditerranéen

ANNIE GAVA

Primed Du 6 au 9 déc 04 91 42 03 02 www.cmca-med.org

Les images font la loi © L'Articho

Rendez-vous incontournable des arts de l’image, Laterna Magica, concocté par l’équipe de Fotokino, propose durant un mois expositions, projections, spectacles, rencontres et ateliers, dans leur nouveau lieu, le Studio, ainsi que dans une quinzaine de salles et galeries marseillaises complices. Parmi les temps forts, deux grandes expositions : Ed Fella Documents qui offre une rétrospective, inédite en Europe, de l’œuvre de l’artiste américain, à l’Atelier de Visu jusqu’au 2 déc, au Studio Fotokino jusqu’au 24 déc et au CIPM du 26 nov au 14 jan (voir

p 62) ; Le livre, l’enfant et la photographe permet de découvrir des ouvrages photographiques pour enfants : Sarah Moon, Katy Couprie, Dominique Darbois, Tana Hoban et Ylla sont les artistes exposées (du 24 nov au 21 jan à l’Alcazar, une rencontre avec Sarah Moon et Katy Couprie précédera l’inauguration le 24 nov à 9h30). Le reste de la programmation fourmille de découvertes en tous genres, parmi lesquelles : le travail de l’association L’Articho, qui diffuse le travail d’illustrateurs contemporains et qui publie la revue Les Cahiers de L’Articho, sera visible au Lièvre de Mars du 28 nov au 31 déc ; Les Particules élémentaires de Bettina Henni, dessins et images imprimées de formes découpées dans du bois ou du zinc (du 26 nov au 14 jan à la Galerie Territoires Partagés) ; au Waaw, transformé en bureau d’information du festival, Pixel apparition, le grand dessin collectif de Yassine auquel vous pouvez participer (le 26 nov dès 11h) ; les perles rares du cinéma d’animation, du monde entier, accueillies à La Criée dans une Boîte à images durant la durée du festival ; du cinéma, au CIPM (le 25 nov), aux Variétés (nov et déc), à L’Alhambra (le 11 déc) ; La Criée transformée en Grand Bazar d’images le temps d’un week-end (les 17 et 18 déc) ; et le Studio Fotokino qui propose de nombreux ateliers, avec GUSto, Patrick Lindsay, Bettina Henni… DO.M.

L’Intime et le Politique Julie Kretzschmar, directrice des Rencontres à L’Echelle, affirme plus que jamais ce qui fait sa discrète singularité en ces temps de renoncement claironné au collectif : pluridisciplinarité, complicité et surtout partage. Les Bancs publics continuent à expérimenter, pas à pas dans l’incertain. Cette année l’Égypte, forte de son énergie retrouvée, est présente avec les Short Films d’Hamed Nabil, le film-monstre Mafrouza d’Emmanuelle Demoris (12h30 en compagnie des habitants du bidonville) qui a ouvert le festival le 6 nov, des performers et chorégraphes comme Hamed el Attar, Mohamed Shafik ou Mounir Saeed ; venu d’Algérie, fidèle «autre rive», le romancier Kamel Daoud sera interprété par le chorégraphe israélien Haïm Dridi. Plus proches des lectures d’auteurs-femmes, «parisienne» comme Clyde Chabot, «ex-libanaise» comme Darina Al Joundi, se constituent une identité imaginaire par le retour à une terre (Sicilia) ou l’acquisition d’une nationalité (Ma Marseillaise sur le terme troublant de naturalisation) ; Sabine Tamisier à travers ses textes sensibles et mesurés, exprime quant à elle un rêve d’ailleurs en soi. Florence Pazzottu, poète, vidéaste, a offert le 10 nov un moment de subtile émotion en confiant La Tête de l’Homme, récit intime d’un événement dont la violence relative convoque les mots de la narratrice, à l’actrice Marion Bottolier qui, sans autre effet qu’une voix juste, transmet la profondeur de l’onde de choc. Une lumière ciselante accompagne à l’économie la parole qui laisse entendre le vers, la césure et le passage à la ligne, en donnant à voir les cinq doigts d’une main ouverte ou la moitié d’un visage étonné. Que Julie Kretzschmar se rassure : les moyens du bord sont ceux qui invitent le mieux à la traversée ! MARIE-JO DHO

Laterna Magica Du 24 nov au 24 déc Divers lieux, Marseille Fotokino 09 81 65 26 44 www.fotokino.org

Les Rencontres à l’Echelle jusqu’au 3 déc Les Bancs Publics, La Friche… Marseille 04 91 64 60 00 www.lesrencontresalechelle.com


Heureux les fêlés ! À Cavaillon, on se souviendra de l’étrange lumière de ce soir d’automne et de ses quelques grains de douce folie. Pour l’inauguration de la première Exclamation sur le chemin de la folie, imaginée par la Scène nationale, un orchestre de mégaphones dirigé par Sylvain Mazens en joueur de flûte adepte du soundpainting (60 gestes savamment indiqués aux musiciens composent une improvisation charmante) a déambulé dans la ville, transportant dans son sillage public et habitants aux divers lieux d’exposition. Un grand chahut parti de la chapelle du grand-couvent où les Chœurs de Mâkhi Xenakis étaient installés. L’artiste y présentait un panel de son travail, de ses muettes et inquiétantes Folles d’enfer, témoignage sculpté et écrit de l’enfermement des femmes à la Salpêtrière sous Louis XIV, aux rondeurs de la Pompadour et à la série des Vides dont un dessin créé pour l’occasion. Étape captivante dans la chapelle de la cathédrale Saint-Véran où les Mystiques de l’immanence de Matthias Olmeta attendaient patiemment de leurs sublimes regards. De véritables ambrotypes aux noirs intenses vibrants d’émotion indicible. Dans le cloître, la fanfare continuait la visite des portraits de l’institution psychiatrique de Cuba, sobrement punaisés sur des châssis légers. Puis, sur la route du retour, les artistes de l’Atelier Marie Laurencin, Peau d’âme et Lumière du centre Hospitalier de Montfavet, hospitalisés ou non, avaient envahi les vitrines de leurs productions insolites. Objets détournés, sculptures sur chaussures, poupées aux multiples visages composent une poétique du bazar absolument passionnante. Un vrai Truc de fou ! que cette triple exposition qui, escortée par les policiers municipaux, promenait le visiteur dans la poésie de la ville, l’art à portée de mains. Puis, avec Louise, elle est folle, d’après un texte inédit de Leslie Kaplan, le théâtre des Lucioles dans la poursuite de sa recherche autour du langage présentait un savant dialogue de sourdes emmené par deux actrices magistrales, Frédérique Loliée et Élise Vigier. Dans un décor très étudié enrichi par la vidéo, deux femmes, dans la fragilité du quotidien et du dire, se renvoient la balle de l’étrangeté et de l’enfermement dans les mots. Entre divagations et incohérences, elles préfèrent accuser Louise, l’absente, de toutes leurs bizarreries. DELPHINE MICHELANGELI

Un truc de fou ! a été inauguré le 10 novembre dans les rues et à la Scène nationale de Cavaillon.

À venir :

Makhi Xenakis au milieu de l'installation Les Folles d'enfer © Delphine Michelangeli

Le Libertin par l’Autre Scène (le 17 nov), Une phrase pour ma mère avec Christian Prigent (le 18 nov) et l’Appel des 39 contre la Nuit Sécuritaire (en entrée libre) dont le documentaire de Philippe Borrel, Un monde sans Fou, introduira la question de la place que notre société réserve à la folie avec le nouveau projet de loi sur la psychiatrie (le 19 nov). Il n’y a pas de cœur étanche clôturera cette Exclamation (le 19 nov) au Grenier. Expositions visibles jusqu’au 10 déc. Théâtre de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com


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ÉVÉNEMENTS

LE KLAP | DANSEM

Vive la danse !

dans le lieu. Il faudra que ça change, si l’on veut que Klap conserve sa belle âme ! AGNÈS FRESCHEL

À venir Inauguration du Klap © Agnès Mellon

À l’heure où Frédéric Flamand va diriger un Festival de danse de Cannes à la programmation enthousiasmante (voir p8), où Angelin Preljocaj repasse enfin par Marseille après une absence de sept ans (voir p6), Michel Kéléménis installe une nouvelle Maison pour la danse au potentiel splendide, et ouvre ses portes à Dansem… La danse contemporaine prend-elle un nouvel élan ? Le 21 oct la première soirée de son KLAP fut émouvante et magique : un morceau d’Henriette et Matisse en guise de mise en bouche, puis quelques discours officiels chaleureux et bienveillants. Car Kéléménis sait remercier ceux qui le financent : «La Ville de Marseille a consacré 3.7 millions d’euros pour le développement d’un lieu entièrement dédié à l’art chorégraphique, sa culture et ses dialogues. C’est incroyable !» La danse à Marseille dispose dorénavant d’un outil de création exceptionnel, et les danseurs venus d’horizons lointains s’en sont réjouis en offrant des extraits de plusieurs œuvres du chorégraphe, reliés avec malice par la complice de longue date, Caroline Blanc. L’occasion de réaffirmer la plasticité d’écriture du chorégraphe : Fana Tshabalala, danseur sud africain très émouvant, dansa un

solo subtil et politique fait d’arrêts et d’attentes intérieures, de jeux aux frontières (à revoir le 1er déc au Klap à 19h) ; le jeune Thomas Birzan de la Cie Grenade reprit avec fougue et une très belle vitesse Faune Fomitch, réinterprétation, avec force citations, du faune de Nijinski ; tandis que Sara Lupoli et Erik Odriozola, magnifiques interprètes du Ballet d’Europe, montraient l’étendue de son talent d’écriture dans un duo plus classique aux portés sensuels, le Ballet de Genève révélait le côté parodique et mutin de sa version amusée de Cendrillon, puis

le BNM enfonçait ses pointes dans le sol comme autant de piquets de torture, dans Tattoo, une pièce nettement plus dialectique… Varié Kéléménis ? les propositions dans sa maison ne le sont pas moins ! Rencontres publiques, cartes blanches, avant-premières, stages et cours ouverts… le programme s’annonce riche ! Et pauvre : ces propositions ne sont que des monstrations de travaux en cours, et si le Klap est né, il n’a pour l’heure aucun argent pour fonctionner, si ce n’est celui de la compagnie, insuffisant à programmer vraiment

Coline Chorégraphies de Mathilde Monnier, Edmond Russo et Slhomi Tuizer Le 22 nov à 19h Fana Tshabalala en solo Le 1er déc à 19h Pardi Sortie de résidence de la Vouivre Le 1er déc à 20h30 Les Ci-Giselles d’Olivia Granddville Ballet National de Marseille Big Mouth de Niv Sheinfeld et Oren Laor Les 6 et 7 déc Cartes Blanches à l’ENSDM Le 13 déc à 19h ENSDM Chorégraphies de Rita Quaglia et JeanChristophe Paré Les 15 déc à 20h30 et le 16 déc à 14h30 Klap, Marseille 3e 04 96 11 11 20 www.kelemenis.fr

Dansem continue sa route ! Comme chaque année le festival de danse en Méditerranée a commencé par les Questions de danse animées par Kéléménis, aux Bernardines et… au Klap ! Gabor Halasz, du BNM, a présenté Burn in Flames, 18 mn de l’exploration gestuelle du solo, suivie d’une rencontre où il révèle ce que son solo élaboré autour de l’énergie et non du mouvement doit au bouddhisme. À cette rencontre succéda une «vraie leçon de danse», dirigée par Fabrice Ramalingom et les interprètes de sa prochaine création. Un commentaire précis, pédagogique du travail de création d’un chorégraphe. Fabrice Ramalingom construit sa danse en termes de circulation, d’espace, de fluidité, de solidarité du groupe, de centre et de satellites, de diagonales, de sorties, de percées, d’impact… Toutes les pensées -même les plus saugrenues comme imaginer le groupe coincé dans une minuscule cuisine- sont mises à nu. La semaine suivante Dyana Hammoud interpréta Mahalli, un solo tout en lenteur et en force pourtant, en ondulations orientales et soubresauts électroniques, paradoxes soulignés par un regard vrillant puis absent… Un très beau travail, mystérieux, suivi par le duo Embrace d’Edmond Russo et Shlomi Tuizer, à l’opposé fondé sur une danse rapide et athlétique, d’une grande précision spatiale, explorant une relation des corps abstraite et charnelle à la fois…

Si ces Questions de Danse s’avèrent passionnantes, les formes spectaculaires proposées par Dansem, en collaboration étroite avec chacun des lieux qui l’accueille, ne le sont pas moins. La programmation se déploie jusqu’au 9 déc : au Merlan et à Arles (voir p28), à la Poissonnerie avec Barbara Sarreau, aux Bernardines avec quelques Torgnoles d’Appaix, au Lenche avec Sabine de Viviès puis Rita Quaglia, au Bois de l’Aune (Aix) avec Taoufiq Izediou, au

Klap bien sûr (voir ci-dessus), puis à la Minoterie pour finir avec le magnifique solo de Rachid Ouramdane créé cet été au Festival d’Avignon : Exposition universelle. A.F. ET M.G-G

Dansem 04 91 55 68 06 www.officina.fr Embrace © Agnès Mellon


ENSEMBLE TÉLÉMAQUE

La musique contemporaine est populaire ! Enfin, Télémaque va disposer d’un vrai lieu : le Rio, ancien cinéma à l’Estaque se transforme en Pôle Instrumental Contemporain, le PIC Correspondant à l’esprit de l’Ensemble, le PIC, pour l’heure en travaux, se dédiera dès septembre à la musique en création. S’il va permettre d’entreposer le matériel de l’Ensemble, et lui servir de lieu de répétition et de création, le PIC se veut aussi un laboratoire ouvert : les formations de chambre, solistes, ensembles contemporains, mixtes ou actuels y trouveront un lieu de répétition et de monstration. Disposant de 100 places, il sera aussi un lieu de transmission en direction des publics les plus variés, avec fort attachement aux plus jeunes, dans un souci d’éveil, de formation et d’éducation. C’est pourquoi Télémaque collabore d’ores et déjà avec deux lycées et deux collèges, quatre écoles primaires et un centre social… Ateliers de sensibilisation, de pratique, rencontres avec les artistes, l’ensemble s’ancre dans le territoire de l’Estaque et s’inscrit dans son tissu social et culturel. Car, explique Raoul Lay «la musique ne peut se résoudre à appartenir à une élite qui en possède les clés : l’art doit devenir populaire non par une culture de l’allégé, mais en offrant des portes d’entrée, tout en refusant la compromission simpliste, la tentation grand public.» À Télémaque, depuis bientôt 20 ans les Raoul Lay © Agnès Mellon

arts se croisent, la musique contemporaine s’associe au théâtre, à la danse, au cirque, dans une perpétuelle dynamique de renouvellement des esthétiques, et avec un franc succès public.

Et un orchestre ! Ces métissages, ces audaces se retrouvent dans l’orchestre européen ECO (European Contemporary Orchestra) porté par Télémaque dans la perspective de MarseilleProvence 2013, puis de Mons 2015. Pourquoi cet orchestre ? «L’ECO est issu de trois ensembles européens atypiques, explique Raoul Lay : Télémaque, l’ensemble Musiques Nouvelles de Mons, et l’ensemble De Ereprijs de Arnhem forment, réunis, un nouvel outil complètement dévolu à la musique contemporaine, qui propose un nouveau standard sonore. Il combine la dimension symphonique avec les nouvelles technologies, les voix et la lutherie électronique, la force de frappe d’un orchestre et la ductilité d’un ensemble. C’est un orchestre de base de 33 musiciens différencié à la fois du Symphonique traditionnel et de la musique de chambre… Et l’ECO va sonner ! Avec 10 instruments à vents, de nombreuses percussions, deux guitares amplifiées, des performeurs son mais

aussi un fonds d’instruments à cordes... Pour Varèse l’orchestre de jazz était un Tigre par rapport au lourd orchestre Philharmonique : l’ECO sera le tigre de la musique contemporaine, capable de sonner comme une fanfare, un quatuor à cordes ou un big band.» Dans ce cadre européen, après plusieurs concerts en Belgique, aux Pays-Bas et aux Archives départementales à Marseille, un Atelier de l’Euroméditerranée a accueilli la compositrice italienne Alice Berni, et son œuvre a été créée le 10 nov à la caserne des pompiers de Saumaty. Elle sera reprise le 9 déc à l’Alhambra pour le concert Looking for ECO, hommage à Frank Zappa, qui proposera une réorchestration de Black page par Olivier Stalla, des œuvres de Ezequiel Menalled, de Xénakis, les créations de Luca Macchi et d’Alice Berni. En avant-première à la Caserne et le 8 nov pour un concert lecture à l’Alcazar, les solistes de Télémaque ont fait preuve de leur virtuosité. Ainsi, à l’accordéon, Jean-Marc Fabiano, après une époustouflante adaptation d’Asturias d’Albéniz, avec une respiration humaine au cœur d’une ivresse virtuose, sert la puissante Toccata Burlesque de Zubitsky, travail d’une complexité folle, aux liens acrobatiques… Les percussions de Christian Bini n’en sont pas moins étonnantes, avec un Crystal Silence de Chick Coréa et Gary Burton, au vibraphone aérien, large, rêveur, au tempo suggéré … Puis, Rebonds de Xenakis, qui tient de la performance physique autant que musicale, «algorithmique et tribale». Rythme ostinato sur lequel s’orchestre une construction au cordeau (Xenakis n’était-il pas architecte !) toute d’échos et de fausses symétries. Une périlleuse introduction à ce nouvel univers sonore qui se dessine, et dont on attend avec impatience,

ÉVÉNEMENTS

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après le concert d’ensemble du 9 déc, les formes orchestrales dès juin 2011.

Tournée Nokto, c’est la nuit en Espéranto, et le langage de ce spectacle musical pour les tout-petits, petits et femmes enceintes est accessible en effet à tous les enfants du monde… Mêmes réactions chez les bébés de France ou du Japon, délicieusement emportés par les sons, et les lumières et images subtiles de Jean-Pascal Viault (cie jeune public L’Yonne en scène). Bâtons de pluie, souffles, silences, flûte qui s’étire, voix aux aigus fascinants de fragilité …murmures… un monde de sensations, une immersion dans la matière musicale primordiale. Une composition fine et sensible de Raoul Lay, jouée près de 150 fois sur tous les continents, et programmée par la Régie Culturelle Paca dans toute la région. MARYVONNE COLOMBANI

Looking for ECO le 9 déc Alhambra Cinémarseille Nokto Le 27 nov 11h et 15h Salle des Lices, Marseille Le 28 nov 15h30 Le 29 nov 9h et 10h30 Vélo théâtre, Apt Le 1e déc 9h30, 11h et 17h30 Théâtre de Cavaillon Le 12 déc 15h et 16h30 Cinéma les Variétés,Veynes Le 14 déc 11h et 15h30 Théâtre Durance, Château-Arnoux Le 16 déc 9h45 et 14h30 Le Carré, Sainte Maxime www.laregie-paca.com 04 91 39 29 13 www.ensemble-telemaque.com Nokto © Pascal Perennec


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THÉÂTRE

LA CRIÉE | MARTIGUES | OUEST PROVENCE

End them ? Depuis presque un quart de siècle Daniel Mesguish parcourt, traverse et revisite activement la pièce la plus jouée, la plus glosée, la plus parodiée sans atteindre le noyau dur de mystères et de leurres sémantiques dont elle est pétrie. Mission impossible sans doute, même si le metteur en scène incarnait en 1986 un troublant Hamlet. Pour cette quatrième tentative, au sens noble du terme, le jeune homme mélancolique (?) est joué par William, fils Mesguish, dont la présence acidulée et adolescente donne le ton et le tempo : le prince fait rebondir son ballon comme on mâche un chewing-gum, fait des passessurprises à ses partenaires ; saisir la balle au bond semble être la mission de chacun des acteurs et la traduction / adaptation du texte qui court, vole et tord le cou aux morceaux de bravoure induit le rythme (inégal d’ailleurs, essoufflé dans la 2e partie) ; un brin Lorenzaccio dans les poses du personnage double au gant rouge et au verbe acéré (le «words, words ,words» devient «word, sword, sword», mot-épée plus romantique que shakespearien), un brin hollywoodien dans la chambre nuptiale avec mère-au-bain-peignoir-de-soie ou avec les deux Ophélie,

brune et blonde, sorties de chez David Lynch, l’acteur omniprésent est un peu la clé de ce spectacle qui rend hommage à la représentation : pas de spectre ici, sinon entre les lourds rideaux de velours rouge, une scène entraperçue, ou les paroles volantes de tous les Hamlet déjà vus ou entendus ; de la fumée pour brouiller et beaucoup, beaucoup de musique pour... rien ? Mesguish père, toujours à l’aise dans l’hétérogène (ah, la bouffonne perruque Grand Siècle de Polonius) et le baroque du premier coup d’œil, livre une mise en scène d’artificier ouverte aux quatre vents qui laisse une impression parfaitement contradictoire de trop et de trop peu ; le «rotten» du royaume du Danemark ayant été traduit par «tordu» plutôt que par «pourri», on s’intéresse effectivement à ce qui se passe sur le plateau, pas en-dessous ! MARIE-JO DHÖ © BM Palazon

Hamlet de Shakespeare, traduit, adapté et mis en scène par Daniel Mesguish, a été joué à La Criée du 19 au 22 octobre

Successions Alain Françon en avait fait une mise en scène mémorable il y a 20 ans : Dans la compagnie des hommes est la pièce qui dans les années 90 a fait connaître Edward Bond en France, où il était jusqu’alors peu traduit. Succéder à ce qui fut un des grands succès de Françon n’est pas une mince affaire… mais Selim Alik propose un regard très différent, moins universel, centré sur la cruauté particulière, masculine (les hommes du titre sont la traduction de men), qui sévit dans le monde du capitalisme industriel (la compagnie du titre). Une réduction du propos ? sans doute, puisque chaque pièce de Bond donne à voir la même violence universelle de la relation humaine ; mais aussi un recentrage pertinent sur les particularités de cette pièce de Bond, aujourd’hui que toutes sont traduites, et que la violence du capitalisme répand ses effets dans un immense fracas destructeur. La cie Cithéa montre donc avec rigueur

les luttes d’un monde tragique privé de dieux, mais aussi de prolétaires (en dehors d’un valet alcoolique et servile) et de femmes : aucun désir, aucun amour

d’administration. D’une entreprise d’armement bien sûr, les Pièces de guerre ne sont pas loin. L’indifférence entre le père et le fils, qui ne s’aiment ni se détestent,

sont animés, jusqu’à l’homme de main, ou à la «loque humaine» qui a perdu son entreprise au jeu. Les six comédiens parviennent avec talent à rendre les facettes diverses et mystérieuses de ces personnages. Sauf l’ironie de certaines situations, qui semble échapper à la mise en scène, alourdie par un espace trop petit, un couloir volontairement écrasant. Ce qui n’allège pas vraiment les 3 heures d’un texte franchement verbeux par moments, qui aurait gagné à garder ses respirations comiques, et quelques échappées spatiales. AGNÈS FRESCHEL

Dans la cie des hommes a été créé à La Criée du 3 au 9 novembre

À venir : © Clement Puig

non plus dans cet univers où le seul aiguillon est un argent dématérialisé, la seule lutte celle du contrôle du conseil

entre les concurrents, qui se tuent et se trahissent sans haïr ni pardonner, n’a d’égale que l’incroyable orgueil dont tous

Le 22 nov Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

Utopie numérique Situer L’Île des Esclaves dans l’univers pixellisé d’un jeu de rôle numérique, voilà qui est surprenant : la comédie de Marivaux est si ancrée dans son époque, avec sa relation maitres-valets teintée de despotisme, et ce désir © Adrian Althaus

de vengeance cruel des classes opprimées, qui sera à l’œuvre sanglante quelques années plus tard ! Rien dans le texte, ni la caricature de la coquetterie féminine, ni les figures du renversement social, ni le désir de transgresser amoureusement les frontières des classes, ne semble justifier une telle transposition… qui marche pourtant ! C’est que le côté expérimentateur du dramaturge des Lumières, du type prenons quelques spécimens humains et plaçons-les dans un environnement inédit, relève de la même liberté matérielle que la création numérique ! Avec quelques aménagements dans le texte (essentiellement des ajouts), un décor impressionnant fait de cubes, d’écrans et d’eau pour évoquer l’Île, la machination et les pixels (décor hélas très écrasé dans la

petite salle), de beaux costumes punks pour mieux décaler le tout et un quatuor de jeunes comédiens volontairement (mais parfois un peu trop) hystériques, cette mise en scène de Paulo Correia parvient à la fois à faire entendre la teneur d’une œuvre majeure, tout en l’épiçant d’un sel nouveau. Étonnant ! A.F.

L’île des esclaves a été jouée à La Criée du 12 au 15 octobre

À venir : Le 24 nov Théâtre La Colonne, Miramas 04 90 58 37 86 www.scenesetcines.fr


LA MINOTERIE | LE MERLAN | LE GYPTIS | AUBAGNE

THÉÂTRE 15

Roméo et voyelle poir de cause se met littéralement à nu devant les yeux horrifiés du directeur. Mélangeant acteurs et personnages, jouant sans arrêt sur les mots, mêlant la vie des coulisses avec celle de la scène puis celle de la salle, Valletti démonte les mécanismes de la création théâtrale et se moque avec férocité de certains metteurs en scène... L‘inventivité réjouissante de la mise en scène de Michel Froehly, les costumes de Sabine Siegwalt, le jeu inspiré de Stéphanie Marc en amoureuse bafouée par son metteur en scène. Un spectacle revigorant ! CHRIS BOURGUE

Romea et Joliette par la Cie L’heure du loup s’est joué du 19 au 23 octobre à La Minoterie

© Dan Warzy

Les six personnages de Roméa et Joliette ont trouvé leur auteur, sans aucun doute : Valletti, inventif et caustique à l’envi, débridé pour le plus grand plaisir du spectateur ! Un directeur de théâtre paumé (sublime Christian Mazzucchini) accueille une troupe déjantée, qui s’imagine faire du bon théâtre. «Putain ! C’est moderne !» clame le directeur qui se croit inspiré. Ainsi ils transforment par un jeu de voyelles le classique de Shakespeare en une galégeade marseillaise que quatre acteurs tentent de répéter (jouer ?). Or le texte n’est qu’une «béquille» pour ces mauvais acteurs, un «biscuit» que leur jette le metteur en scène (Philippe Gouin), emporté dans son délire créatif, méprisant tout à la fois l’auteur, le public et les acteurs ; ainsi Désiré (Désiré Saorin) en déses-

Illusion et libre arbitre

Sobrissime © Christian Dresse

La Scène nationale du Merlan cultive l’art de surprendre et de proposer des formes qu’on ne voit pas ailleurs. Vertu cardinale, même si elle l’expose parfois à des déconvenues, risques de l’aventure. Avec Thierry Collet la plongée du théâtre dans le monde de la magie n’est pas décevante. Pas spectaculaire non plus, mais atteignant franchement son but : celui de nous faire douter de notre perception, et de nous donner à mesurer l’ampleur des techniques de manipulation mentale à l’œuvre dans nos démocraties de la communication. Comment ? en démontrant comment nos préférences a priori anodines, de couleur, d’étage, de chiffre, révèlent nos choix plus profonds. Déstabilisant, mettant à mal notre douce illusion de posséder un véritable libre arbitre, sa manipulation mentale révèle honnêtement sa présence, mais pas ses ficelles, et le public ne sait comment il fait… À mi-chemin entre le cours de psychologie collective et le spectacle de divination, Influences dérange. Les isoloirs et les urnes qui composent le décor, le côté VRP du manipulateur, sonnent familièrement et alertent : quelles sont donc les raisons de nos choix ? Dans une société si manipulatrice, quel est le sens de la démocratie (voir à ce propos p 91) ?

AGNÈS FRESCHEL

Bérénice a été créé au Gyptis, Marseille, du 18 au 22 octobre, et au Comoedia d’Aubagne le 3 novembre

AGNÈS FRESCHEL

Influences a été joué les 9 et 10 novembre au Merlan © Le Phalene - Nathaniel Baruch

Il faut avoir un certain culot aujourd’hui pour monter du Racine sans «relecture» et en toge : cela surprend, laisse les acteurs à découvert, et met l’accent sur le texte plutôt que sur la mise en scène. Jean-Claude Nieto se situe là franchement et sans complexe à contre-courant de ce qui se fait ! Et Racine tient le choc, ce Bérénice laisse admirablement entendre la beauté de sa langue : de l’inquiétude au désespoir puis à la résignation, Bérénice fait couler ses pleurs, tandis que Titus dissimule puis avoue, menace et console, et que l’amoureux Antiochus laisse éclater son aveu, ses espoirs, sa résignation… Évidemment un tel parti pris de mise en scène, sur une telle tragédie, la moins active, la plus linéaire de Racine, nécessite des acteurs exceptionnels. Floriane Jourdain (Bérénice), naturelle si on peut l’être dans ce rôle, et Fabio Ezechiele Sforzini (Titus), césar affublé d’un accent étonnant dans le vers racinien, s’en tirent avec les honneurs –et ce n’est pas rien dans cette tâche– mais Rafaël Gimenez (Antiochus) annone comme un débutant ses hémistiches… Les deux confidents ont nettement plus de métier mais Jean-Serge Dunet (Paulin, confident de Titus), acteur d’un certain âge et embonpoint en toge courte et en sandales, est placé plusieurs fois dans une position difficile. Dommage car le décor, dans sa symbolique spatiale, et les costumes, romains mais discrètement et élégamment revisités, font très bien leur office, devant un public, comme toujours au Gyptis, composé pour partie de classes bien préparées qui ne viennent pas des «bons» lycées de la ville : ils y auront entendu et compris Racine, malgré quelques rires lorsque Paulin devait courir, ou Antiochus, mal à l’aise, partir mais rester…


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THÉÂTRE

TOURSKY | GYMNASE | OUEST PROVENCE

Télé irréalité Entre le temps de la télé réalité -la vie des femmes d’un immeuble voué à la destruction- et celui des feuilletons Dans le tourbillon de l’amour, où des gens très très riches et très très chics vivent des amours affolantes et compliquées- il y a des femmes, avec leur quotidien, les maladies, les fins de mois qui débutent le 2, les problèmes d’embauche, les enfants, les compagnons pas toujours amènes, le racisme, les menaces d’expulsion… Un parfum de résistance plane sur les tableaux qui dessinent ces destins (mot cher au feuilleton susnommé). Le décor est simple, composé de cartons qui modulent différents espaces, écrans sur lesquels se projettent les images des grands travaux destinés à

propos qui cherche à appréhender une réalité sociale, et à dénoncer la destruction des lieux et des personnes, jusque dans le vocabulaire : la verve d’Edmonde Franchi fait mouche dans cette pièce si humaine, si simplement revigorante dans un monde où la réalité s’aseptise. De toutes Beautés ? oui, ces personnages sont beaux, dans leurs difficultés, leur liberté, leur courage. Les saluts ovationnés par un public enthousiaste ont pour toile de fond des images de manif, «Mañana sara el sol»… MARYVONNE COLOMBANI © maxminniti

détruire l’immeuble vétuste ; et le fil musical est joyeusement mis en place par le couple des voisins musiciens,

palmas, percus, chants…. Le rythme se resserre au fur à mesure de la représentation, pour souligner un

De toutes beautés a été créé au Toursky les 14 et 15 oct

L’art du palindrome libre qui s’efforce d’analyser les causes, dénonce les peurs qui engendrent le rejet de l’autre, symbolisé par un passager clandestin. La croisière s’amuse, on rit beaucoup, avant que d’en pleurer : le commandant du navire se range à l’avis de Pinson, expert en palindromes, qui l’éblouit par ses sophismes et ses jeux d’esprit creux. Face à la conjuration de la bêtise, Johanna trouve un allié en la personne du serveur lui aussi méprisé de par sa fonction. Nos deux sceptiques sont les seuls à analyser sans proposer de système, à revendiquer la liberté individuelle. Dans cette Traversée sans histoire, le jeudi noir de 1929 aiguise les passions, tisse des échos avec notre temps… La pièce de Michel Dossetto, qui joue sur différents niveaux de lecture, jouit d’une belle interprétation, juste et intelligente.

Un vrai régal, même si la première manquait un peu de liant entre les scènes. M.C.

Une traversée sans histoire, mes. Isabelle FaillardPancol, a été créé au Toursky le 4 novembre

© Frederic Stephan

Un Diogène en queue de pie descend sur scène. Des sirènes de bateau installent une atmosphère de départ. Transatlantique de luxe, rite des repas qui rythment le temps, salon de lecture où l’on cause, pont propice aux exercices gymniques, aux confidences. Ce monde de luxe se peuple de personnages bien typés dont la dimension ironique est jubilatoire. La belle Johanna (jouée avec finesse par Astrid Veillon) peut ressembler à une Hannah Arendt indépendante et progressiste ; Louis Pinson, par ironie magnat de la dentelle est impressionnant d’étroitesse, d’auto-satisfaction et de lourdeur. La rencontre de ces deux personnages, si cocasse qu’elle soit, résonne comme la figure allégorique du heurt de deux mondes, un passé confit dans des principes antiféministes et racistes face à une pensée

Politiquement contestable Même si ils n’ont pas besoin de Zibeline pour remplir et ravir les salles, on a voulu voir ce que l’époustouflante technique et le sublime sens de la démesure de Michel Fau pouvaient faire de Guitry, et de miss Depardieu la pétulante… Que dire ? Qu’on y a ri, tant les jeux de mots, la richesse et la souplesse de la langue, l’efficacité de la mécanique dramatique font fine mouche. Et tant Xavier Gallais en fils de famille débauché, Michel Fau en désabusé snob en proie à un retour tardif de désir, Julie Depardieu en cocotte inculte et velléitaire, sont parfaits.

© Getty images Marcel Hartmann

Au-delà même : on a vu Julie Depardieu à côté de ses pompes sur les planches, mais le rôle de Nono lui va littéralement à ravir. Quant à la scénographie, faite de décors peints et de fausses perspectives comme il y a un siècle, mais délicieusement allégés en voiles comme en un boudoir, elle indique discrètement la teneur du propos : il s’agit d’aller pêcher là, dans ce répertoire bourgeois qui savait faire rouler la mécanique théâtrale, quelques recettes qu’on a négligées et qui ont une saveur intéressante, pour peu qu’on les allège. Certes. Mais le théâtre n’a-t-il rien d’autre à dire ? Ces personnages étriqués qui ne savent pas aimer ni même regarder l’autre, encore moins le monde, ont-ils un intérêt ? Cette atroce misogynie, dont nous souffrons encore, et qui gagne, a-telle besoin de ce relais sur nos scènes, qui devraient être des lieux de résistance, et non de renoncement douillet ? Ces oisifs mesquins qui attendent d’hériter en méprisant leurs parents, les valets et la province, qui se trahissent entre amis, dont le désir de l’autre n’est qu’une soif d’apaiser le leur, sont-ils des représentations anodines ? Le théâtre ne doit pas être politiquement correct, et peut tout dire, y compris le réac. Mais si l’art peut changer les hommes, la représentation sans désapprobation d’une telle société a forcément des conséquences sur le public, et participe de son aliénation. AGNÈS FRESCHEL

Nono a été joué à La Colonne, Miramas, le 13 oct, et au Gymnase du 14 au 22 oct



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THÉÂTRE

LENCHE | THÉÂTRE OFF | MERLAN | GYMNASE

Bonnes à lier En cette rentrée théâtrale, Yvan Romeuf et la compagnie L’Egrégore nous ont offert sur le plateau du Lenche une intéressante lecture de la première pièce de Jean Genet, Les Bonnes. Solange et Claire, deux domestiques sans doute inspirées des tristement célèbres sœurs Papin, y jouent et rejouent leur condition aliénante, singeant les relations qu’elles ont avec leur patronne dans une «cérémonie» malsaine qui est leur raison de vivre et qui finira mal. Les Bonnes, ou comment fantasmer la mort de cette Madame si belle, si bonne, qu’on admire et qu’on hait, devant laquelle on finit toujours pourtant par se soumettre… Le huis clos mortifère et feutré imaginé par Genet suinte dans le gris du décor et des fleurs séchées qui traînent partout. Seule note vive, celle des robes de Madame suspendues en fond de scène, dans une armoire qui n’est pas sans rappeler le cabinet de Barbe-Bleue. Genet parlait d’un conte, on y est. Mais on est surtout au théâtre, sur une scène que des effets de voilage, de lumières et une passerelle latérale façonnent, et dans un jeu de rôles étourdissant, dont les trois acteurs distillent toute la subtilité perverse. Acteurs, oui, vous avez bien lu ; car le rôle de Madame a été confié à Maurice Vinçon, impérial en demi-mondaine, et si juste dans la fausse largesse et le dédain à fleur de peau. Quant aux bonnes, elles sont magistralement interprétées par Manon Allouche et Claire Calvi, qui donnent un beau relief aux mots, et à la folie, des deux sœurs.

© Joelle Brover

FRED ROBERT

Les bonnes de Jean Genet a été joué au théâtre de Lenche du 11 au 28 octobre

Sans dot !

© Agnes Mellon

écœurant, dominé par la possession sensuelle de l’or et de la chair jeune des filles, battant son personnel, animé de désir de meurtre et n’aimant personne, surtout pas ses enfants. C’est que son obsession n’est ni le

Comme il grince et sonne actuel, cet Harpagon là ! On sait que Molière a peint son Avare sans aucune tendresse : parmi ses personnages d’obsessionnels monomaniaques il est le seul véritablement haïssable,

rang, ni la maladie, ni le langage, ni le sexe, mais l’argent. Maladie fatale, bourgeoise, péché capital infâme dans l’ancien régime… Le rapport que notre société entretient avec l’argent n’est pas plus simple, et l’idée de réactiver l’Avare pour l’interroger est formidable. Car il ne s’agit ni d’une mise en scène que nous propose la Cie Vol Plané, ni d’un détournement, mais bien d’une réactivation. Sans trahir le texte le quatuor d’acteurs le met à cru, en garde la mécanique, le joue vite, sans décor et sans fioriture, sans artifice, avec un naturel surprenant. En rappelant très simplement notre distance à cette histoire : ainsi le «Êtesvous un Juif, un Arabe ?», cauchemar des metteurs en scène, est dit, puis immédiatement récusé ; les artifices de théâtre, comme le bâton en mousse, sont mis à nu avec une force comique qui ne doit rien à Molière, mais à l’ironie de notre temps ; les

relations père-fils ont la violence d’une relation moderne, où les jeunes sont privés d’avenir et dépendants ; quant au rapport au public, appelé sans ménagement à répondre à des questions directes (combien as-tu payé ta place ?) ou à attraper au vol des oranges, il relève évidement d’une dramaturgie contemporaine. Après leur Malade Imaginaire, que l’on pourra retrouver au Gyptis et à Aubagne (voir p23), nos quatre comédiens confirment la constance de leur talent, faisant preuve d’un abattage qui n’a d’égale que leur justesse, pimentée par un beau sens de la démesure. Pierre Laneyrie est un Harpagon vraiment épatant. AGNÈS FRESCHEL

L’Avare a été crée au Gymnase du 8 au 12 novembre

Homme à femmes

Frederic Ortiz © X-D.R.

L’acteur prend place. Sur une chaise plantée entre deux grandes lampes, tel un otage aveuglé par d’immenses écouteurs d’un casque acoustique, d’une voix radiophonique, l’homme seul commence sa symphonie. Il lit. Et un «je» féminin prend peu à peu le pas sur son «jeu» masculin. Tandis qu’on pénètre dans l’univers carcéral, l’huis se referme sur le corps du comédien qui souffre aux ordres scandés dans un micro amplifiant cris et chuchotements… Cliquetis d’écrous,

fouilles au corps, clichés certifiés, douches humiliantes, parloir rituel… Frédéric Ortiz lit, sans accroc, des textes de femmes incarcérées à la prison des Baumettes. Ils sont tracés à l’encre frémissante d’un stylo malhabile, disent l’urgence et le soulagement, dépassent l’insoutenable sentiment de culpabilité, s’évadent vers des rêves de maternité, des souvenirs d’enfance, de la beauté perdue et de la puanteur omniprésente, jusqu’à la démence… et

la littérature ! Au rythme d’une bandeson soignée, les feuillets s’enchaînent, architecturés comme les pièces chantées d’un cycle lyrique : voix de femmes qui barytonent. Au final, l’acteur tente de s’effacer derrière le recueil qu’il désigne du doigt. On applaudit les deux ! JACQUES FRESCHEL

Le bout du vide a été crée du 6 au 22 octobre au 4e mur / Théâtre Off, Marseille



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THÉÂTRE

VITEZ | JEU DE PAUME | ARLES | OUEST PROVENCE

Mon voisin s’appelle Woyzeck...

© Denise Oliver Fierro

Dernière image d’une représentation forte comme il se doit : le cadavre de Marie au centre de la piste circulaire disparaît peu à peu dans une ombre dense tandis que restent éclairés les sachets en plastique informes avec lesquels on l’aura vue se déplacer tout au long de la pièce ; d’un déchet l’autre... «Drame de la jalousie» et de bien d’autres choses dans une ville de garnison, le texte de Büchner (1836), œuvre ouverte s’il en est puisque constituée de fragments, est propice au renouvellement des interprétations. Le parti pris de Marie Lamachère est clair et efficace: en ausculter les résonances au présent grâce à un travail sur la «présence» des corps et de la voix, danse et chant compris ; les acteurs caracolent, hennissent, sont traversés par des mouvements-réflexes, des influx nerveux incontrôlés, et pas seulement ce «fou» de Woyzeck ; la pantomime animale ou la bestialité des comportements prennent au pied de la lettre la scène-matrice de la baraque de foire où le bonimenteur discourt sur l’humain : «Voyez la bête...» Jeu de proximité dans le temps avec battle-dress et

rangers, caisses de bière, et dans l’espace : les acteurs circulent dans les travées et lorsque Woyzeck poignarde Marie qui hurle au fond de la salle hors de portée du regard, ça fait vraiment froid dans le dos du spectateur ! Où se termine la tragédie, où commence le fait divers ? L’intégralité des fragments est travaillée et on voit ainsi apparaître une grand-mère conteuse et un chat (la présence d’un animal vivant sur le plateau reste surprenante) ce qui déplace les habitudes de lecture de la pièce. Très efficace donc et... émouvant ! MARIE-JO DHÔ

Woyzeck a été joué au théâtre Vitez, Aix le 9 novembre

A venir : Du 13 au 15 déc Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com

La poésie en partage Trintignant © Brigitte Enguerand

«Elle est discrète, elle est légère, un frisson d’eau sur de la mousse» murmurait Verlaine. Ton intime des textes dits en confidence, jeux sur les mots, plaisir du verbe, piques délicieusement provocatrices, art de dire l’absurde beauté humaine, de dénoncer l’insoutenable, la bêtise, l’horreur des guerres, de faire un pied de nez à la mort tant qu’un souffle subsiste… Boris Vian, Desnos, Prévert, convoqués par la voix de JeanLouis Trintignant, renaissent, sourient, respirent, rêvent, s’indignent encore. On entre dans «la maison aux piments rouges» de Prévert, même si ce n’est pas sa maison, on «n’aime plus la rue SaintMartin» avec Desnos dont l’ami a été arrêté, on sourit à la définition du poète de Boris Vian, cet «être à plusieurs milliers d’exemplaires»… Foin de la censure, c’est la première version du Déserteur qui est donnée, plus forte et résistante. La diction dépouillée se conjugue avec la voix humaine du violoncelle de Gré-

goire Korniluk et l’accompagnement subtil et distancié de l’accordéon de Daniel Mille. Il ne s’agit pas de textes dits sur la musique : les performances se lient, se chevauchent parfois, mais se répondent, s’équilibrent, en subtils échos, dans une atmosphère feutrée et familière ; assis dans un grand fauteuil rouge, Jean-Louis Trintignant raconte à un public suspendu. «Pourquoi que je vis ?» interrogeait Boris Vian. Pour écouter Trintignant, voudrait-on répondre. En cadeau aux applaudissements déchaînés, Barbara, qui ne cesse de courir sous la pluie de Brest, «souriante, épanouie». Une provision de bonheur. MARYVONNE COLOMBANI

Trois poètes libertaires donné au Jeu de Paume le 12 novembre Spectacle disponible sur le CD Vian Prévert Desnos chez Après la pluie, prix 20euros

Prise de conscience C’est la rentrée : affectation aléatoire des groupes (quatre classes), discours de bienvenue du proviseur, présentation des profs, en rang deux par deux direction les salles. Quatre cours vont se succéder –anglais, SVT, techno et français-, entrecoupés par la récré, quatre saynètes plus vraies que nature qui transforment peu à peu les spectateurs en élèves, et font remonter à la surface des souvenirs enfouis, et des réflexes parfois inattendus. L’Opéra Pagaï ne cherche manifestement pas à susciter la nostalgie, ou à caricaturer un corps enseignant qui n’en a pas besoin, mais bien à

réveiller les consciences en les confrontant directement à quelques situations extrêmes : une prof se rebiffe quand le questionnaire familial devient flicage, un brigadier en tenue remplace le conseiller d’éducation, chanter la marseillaise est une des nouvelles directives, le proviseur-prof de français, désabusé, ne tente plus de cacher son alcoolisme, une élève en difficulté passe de classe en classe sans oublier de demander au passage ce qu’est la société… Le jeu se poursuit hors des scènes dédiées, force le trait pour faire réagir, et rend hommage à ceux qui font l’école

avec leurs fougues et leurs failles, élèves et profs. Sans didactisme, mais avec une fraîcheur qui provoque réactions et réflexions, que chacun partage lors d’un final paniqué au son de la sirène qui résonne comme un cri. DOMINIQUE MARÇON

80% de réussite a été joué à l’école Joseph d’Arbaud à Fos-sur-Mer le 11 novembre


CHÂTEAU-ARNOUX

THÉÂTRE 21

Dieu, qu’il était fou

© Maelstaf

En 2007, Ludovic Longelin met en scène, sur une commande de «Boulevard Sainte Beuve, Rencontres de la Critique et de la Culture» de Boulogne-sur-Mer, les interviews radiophoniques de Céline durant les années 50. Cette pièce, jouée plus de 200 fois, est reprise au Théâtre Durance en 2011, cinquantenaire de la mort de l’auteur controversé. Le metteur en scène joue luimême un speaker, présent sans l’être en quasi voix off. Marc-Henri Lamande au milieu de la scène noire, surgit de l’ombre du passé, assis dans un siège «design 1970» sur une estrade. La voix enregistrée de Céline ânonne une petite chanson haineuse et vindicative. Le décor est planté d’une pièce-procès ambivalente comme son personnage. Lamande habite de façon fascinante la dualité du brillant littérateur Jekyl et de son Hyde historique hideux, servi par une mise

en scène aussi minimale que convaincante. Le débat qui suit la pièce révèle le questionnement. Est-ce seulement le 50e anniversaire de la mort de l’écrivain nazillon qui justifie ce type d’autopsies ? Ne cherche-t-on pas plutôt, en ces périodes troubles et troublées, à exhumer l’expression de souffrances et de révoltes moins médiocres quoique infiniment plus infâmes que les ersatz dégoulinants que nombre d’auteurs actuels nous infligent ? Une façon de couvrir de l’opprobre stylistique pestilentiel de l’histoire, l’odeur fade du «mieux disant culturel» actuel. YVES BERCHADSKY

Dieu qu’ils étaient lourds a été joué au théâtre Durance le 16 oct


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THÉÂTRE

AU PROGRAMME

Diptyque © Christian Ganet

Une nuit arabe et Le dragon d’or de Roland Schimmelpfennig constituent pour le metteur en scène, Claudia Stavisky les deux pans d’un diptyque, avec les mêmes acteurs, 3 hommes 2 femmes pour chaque pièce, un même lieu, que ce soit l’immeuble d’une barre d’HLM ou celui d’une vaste métropole occidentale, avec des solitudes qui se heurtent, la peur de l’autre, la mondialisation… peuplé d’êtres qui cherchent désespérément à exister dans un monde qui a oublié l’humain.

Sans théâtre Russe En exposant à sec ce qui se joue sur une scène quand on n’y joue pas, François-Michel Pesenti est revenu à Marseille, après des années d’absence, avec un spectacle fort et dérangeant. Qui sonne aussi comme un adieu, dans la cruauté fascinante d’une mise à nu de ses comédiens, puis le vide qui persiste dans son exposition. Car que faire une fois qu’on est nu, sinon revêtir d’autres habits ? À sec Du 22 au 26 nov Les Bernardines 04 91 24 30 40 www.theatre-bernardines.org

Une nuit arabe et Le dragon d’or Du 29 nov au 3 déc La Criée 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

Cohabitation Aux limites de l’absurde, la famille Coleman survit dans le plus grand dénuement. Les questions de l’individu, de la survie, de l’espace personnel et social de chacun se posent dans une pièce où l’on rit beaucoup, jusqu’aux incertaines frontières de l’absurde. L’auteur argentin Claudio Tolcachir s’appuie pour l’interprétation de son œuvre sur la troupe de la Compagnie Timbre 4 qu’il a fondée en 2001 à Buenos Aires. Un théâtre novateur et déjanté, publié aux éditions Voix navigables (www.voixnavigables.eu). La Omission de la familia Coleman Du 6 au 10 déc La Criée 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com Les 17 et 18 fév Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com © Giampaolo Sama

© F. Mouren-Provensal

© Francis Blaise

Plastique Suite à une résidence de création à La Caldera, centre de danse et des arts scéniques de Barcelone en juin 2011, et une première au festival d’Athènes de juillet dernier dans le Musée d’Art Contemporain de la capitale grecque, le théâtre des Bernardines accueille cette nouvelle production au titre énigmatique de Spectacle, dans laquelle des architectures humaines mobiles interrogent la société contemporaine, ses limites, ses enjeux, dans la mise en scène d’Argyro Chioti à la recherche des fissures qui se creusent dans un monde que les règles figées assèchent. Spectacle Du 1e au 3 déc Les Bernardines 04 91 24 30 40 www.theatre-bernardines.org

Milliardaire Olivier Maltinti reprend le solo accompagné qu’il avait créé à la Minoterie durant la saison dernière. Un texte qui raconte avec une verve certaine le délire paranoïaque d’un Jr qui va mourir et veut se venger en dilapidant ses biens. JR (Me, Myself and I) Du 13 au 17 déc Les Bernardines 04 91 24 30 40 www.theatre-bernardines.org

Andonis Vouyoucas le dit avec émotion : «Je suis malade, ce sera peut être ma dernière mise en scène…» Mais son appétit de théâtre est intact. C’est la première fois qu’il monte un texte de Gogol, parce qu’il «préfère explorer encore le nouveau plutôt que de revenir au même.» Pourtant, il parle de ce texte comme s’il y avait passé sa vie… Il a confié le rôle à Hervé Lavigne, qui incarnera ce personnage décalé et insatisfait qui sombre peu à peu dans le délire, incapable de vivre sa vie misérable et solitaire dans la Russie des Tsars, mesquine et rigide… Le journal d’un fou Jusqu’au 26 nov Théâtre Gyptis 04 91 11 00 91 www.theatregyptis.com

Contemporains La petite salle du bout de la nuit accueille deux spectacles mis en scène par Jean-Claude Berutti, artiste associé au théâtre cette année : Super heureux !, de Silke Hassler, réunit un homme et une femme, voisins de palier, qui vont questionner l’amour au temps d’Internet et de l’image toute puissante ; Sans toit et avec toi est composé de deux pièces, Gueux de René Zahnd, et Survie de Paul Edmond, deux duos comiques qui auront auparavant été accueillis dans des appartements ou maisons à Martigues. Super heureux ! Les 26 et 30 nov et le 1er déc Sans toit et avec toi Les 8 et 9 déc Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr


THÉÂTRE

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Amer Indien L’art du feuilleton, qui atteint certains abyssaux

commandé une pièce à Mustafa Benfodil, et a obtenu un très beau texte, variations sur la mer, l’amer, la mère… Il met en jeu le dialogue d’une mère algérienne avec son fils, depuis sa conception, violente, jusqu’à sa fin durant la mortelle traversée clandestine de la Méditerranée. Le texte, non dramatique, fait de soliloques entrecroisés, est mis en scène dans sa fragmentation même, et le fils est porté par diverses voix et plusieurs corps…

sommets à la tv, reprend ses lettres de noblesse dans la forme que Sylviane Simonet lui donne : lectures fractionnées en 10 épisodes de 50 mns assortis d’un court résumé, qui permet de rejoindre l’histoire à tout moment. À la grâce de Marseille de James Welch raconte l’incroyable histoire de Charging Helk (élan qui charge) abandonné par le cirque de Buffalo Bill dans un hôpital de Marseille… Choc des cultures, destinée hors du commun… Un point de vue unique sur Marseille de la fin du XIXe… Passionnant et rocambolesque !

Une relecture de Macbeth passionnante, par la cie Anitya et l’ensemble New Yorkais Strike Anywhere, avec des musiciens sur scène, une cantatrice, des marionnettes, de la danse… Une volonté de spectacle total, dans une interprétation forte de la pièce. Un travail précis et intelligent dans cette mise en abîme du théâtre où le songe et la vie se côtoient et se confondent dangereusement. Texte original en anglais, traduction française, italien lyrique se croisent. Une nouvelle esthétique émerge…

© Audrey Ruzafa

Macbeth Variations Du 1e au 3 déc La Minoterie 04 91 90 07 94 www.minoterie.org

À la grâce de Marseille Lecture feuilleton en 10 épisodes Du 22 nov au 10 déc Le Lenche 04 91 91 52 22 www.theatredelenche.info

Faconde © X-D.R.

De mon hublot utérin… Du 8 au 10 déc Théâtre Gyptis 04 91 11 00 91 www.theatregyptis.com

© Helene de Grandpre

Noyé Variations Julie Kretzschmar, directrice des bancs publics, a

Jubilatoire C’est un plaisir de retrouver à Marseille les quatre Duel comédiens (Carole Costantini, Sophie Delage, Pierre Richard Martin et Michaël Lonsdale s’affrontent en Laneyrie, Alexis Moati) de la Cie Vol Plane. Ils viennent d’emporter un franc succès avec la création de leur Avare au Gymnase (voir p 18) et leur Malade Imaginaire a beaucoup voyagé depuis sa création en 2009… C’est que leur mise en scène est d’une finesse, d’une intelligence et d’une drôlerie peu communes, et qu’ils ont l’art de surprendre avec le plus classique des classiques (il faut dire que Molière avait un certain sens du rythme…). Le Malade imaginaire Du 13 au 17 déc Théâtre Gyptis 04 91 11 00 91

poésie, l’un aux côtés de Rimbaud, Verlaine, Artaud, Aragon, Ferré, l’autre, avec Saint Augustin, Victor Hugo, Péguy, Claudel… Ces deux champions du verbe servent, comme les héros de La Rose et le Réséda une même belle, dans un spectacle magique où les mots livreront toute leur charge de significations, de rêves, de vérité, d’illusions, d’espoir… Car la Belle, c’est la Poésie, n’est-ce pas ! Celui qui croyait au ciel, celui qui n’y croyait pas… Les 24 et 25 nov Théâtre Toursky 0 820 300 033 www.toursky.org

www.theatregyptis.com Le 10 janv Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr © Cie Vol Plane

Michael Lonsdale et Richard Martin © Jean-Luc Pikovsky

Il y a des textes que l’on a tellement vus représentés, que l’on croit qu’ils ne peuvent plus rien nous apporter. Et pourtant, Marius n’a pas cessé de nous étonner ni de nous séduire. Avec la cie Il est une fois et le théâtre du Gaucher, Catherine Sparta met en scène le texte de Pagnol, le vrai, pas celui du cinéma, que les acteurs avaient modifié ! Une occasion de renouer avec l’auteur marseillais, sa poésie, sa faconde… Un travail passionné pour dévoiler l’authenticité des personnages et la tension dramatique qui sous-tend toute la pièce, construite comme une tragédie méditerranéenne. Marius Du 1erau 3 déc Le Gymnase 0820 000 422


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THÉÂTRE

AU PROGRAMME

Enfer Innovant Yves Beaunesne met en scène Pionniers à Ingolstadt, un texte de l’auteure dramatique Marieluise Fleisser, compagne et collaboratrice d’écriture du jeune Brecht, bannie par les nazis pour déviance et anticonformisme, avant d’être redécouverte après la guerre. À Ingolstadt, en Bavière, une compagnie de soldats du génie arrive pour réparer un pont de bois. Dans cette ville où l’ennui pèse, les jeunes femmes, séduites, vont s’aventurer avec eux dans des jeux de désirs, offrant ou vendant leur amour à ces hommes. Dans «cette antichambre tout à fait quelconque de l’enfer», pour reprendre les mots de l’auteure, Beaunesne montre des êtres qui veulent être libres et ne le sont pas. Pionniers à Ingolstadt Les 18 et 19 nov Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

Idéaux

© X-D.R.

Autour d’un lit à baldaquin surdimensionné, sujet central et seul élément de décor, la cie théâtrale de l’Esquisse joue un Malade imaginaire où l’onirisme le dispute au baroque dans un univers à la Tim Burton. Sans dénaturer le texte, la mise en scène de Franck Biagiotti révèle les cauchemars, la souffrance mais aussi les rêves, l’amour et l’apaisement…

© E. Tissot

Après Hamlet en 2010, La cie Machine Théâtre revient à Fos avec Platonov de Tchekhov. Anti-héros par excellence, ou plutôt héros sans cause, Platonov, aristocrate désargenté devenu amer instituteur dans une petite ville de Russie, évolue au sein d’une cour d’amis et de voisins tiraillé entre les remords, la peur de l’ennui. Les quinze comédiens sont servis par la mise en scène de Nicolas Oton qui privilégie l’intelligence du texte.

Le Malade imaginaire Le 9 déc Espace Gérard Philipe, Port-Saint-Louis 04 42 48 52 31 www.scenesetcines.fr

Du 13 au 15 déc La Criée 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

Jeunesse Dans le cadre de l’Académie –espace de trans-

© X-D.R.

Secousses Par le titre tout est dit… Outrage au public, vous êtes avertis. La pièce de Peter Handke, qui fit scandale à sa création dans les années 60, est jouée par la compagnie flamande De Koe dans une mise en scène de Peter Van den Eede. Pris à partie, le public suit les questionnements de l’auteur sur le théâtre, la réalité, les mots, les actes. En rapprochant le mensonge («Le mensonge est-il non vrai ?») du fonctionnement social.

La Place royale Le 6 déc Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr

Merveilleux © Marie-Anna Tsagouris

mission et laboratoire de théâtre-, un projet qu’il mène à Lorient sur trois années, Éric Vigner met en scène La Place royale de Corneille avec sept jeunes comédiens de nationalité française ou étrangère. Cette réjouissante méditation sur l’amour et la liberté s’en trouve vivifiée, les alexandrins de Corneille prenant d’autres tons aux accents des comédiens.

Platonov Le 1er déc Théâtre de Fos 04 42 11 01 99 www.scenesetcines.fr

Le 8 déc Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com © Alain Fonteray

Outrage au public Du 22 au 25 nov Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

Destin «Une ode à la vie». C’est ainsi que Jean-Pierre Baro met en scène Ivanov de Tchekhov, avec l’Extime cie, «Ivanov, l’histoire d’un homme qui ne reconnaît plus sa vie, et qui décide -passif, inconscient- de la changer, de la transformer. Un homme en mutation» explique Baro. Avec une approche sonore, visuelle et physique, le metteur en scène revisite le drame loin de tout lyrisme larmoyant. Ivanov (ce qui reste dans vie…) Les 24 et 25 nov Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com

Nourrie principalement de la version de Jean Anouilh, l’Antigone de Philippe Car et Valérie Bournet mêle la tragédie au clownesque et au dérisoire (une habitude avec l’Agence de voyages imaginaires !) avec Séraphin -Valérie Bournet-, clown unique qui joue tous les rôles, et surtout celui de cette «résistante» magnifique. Sur le chemin d’Antigone Le 25 nov Le Sémaphore, Port-de-Bouc 04 42 06 39 09 www.theatre-semaphore-portdebouc.fr


THÉÂTRE

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Paroles, paroles Après Nos ancêtres les Grenouilles, Eugène Durif

Emmanuelle Brunschwig et Jacqueline Zouary, pour raconter à deux voix le récit d’une étonnante voyageuse autrichienne, Ida Pfeiffer. Une femme libre et libérée dans l’Europe du XIXe, qui plaque tout pour accomplir son rêve d’exploratrice et découvrir un monde inconnu. La troupe Les Réminiscences axe son travail sur le mémoriel, s’imprégnant de grands récits pour toucher à l’intime et au sublime.

continue de fourmiller autour de l’univers de François Rabelais. Accompagné musicalement par Pierre-Jules Billon, il fait du théâtre avec trois fois rien, juste une dégelée de paroles savamment dosée. Sans rime ni raison, mais avec calembours, contrepèteries, recettes de cuisines et blagues, motsvalises et coqs à l’âne, ces deux-là remettent les langues mortes au goût du jour.

Ida Pfeiffer, une étonnante voyageuse Le 18 nov Théâtre du Chêne Noir, Avignon 04 90 86 58 11 www.chenenoir.fr

Univers Un voyage la tête dans les étoiles : l’astronome JeanLouis Heudier, converti au spectacle, s’interroge sur notre place supposée au centre de l’univers. Une vision qui bouscule de ses questions fondamentales les croyances les mieux établies. Quand l’observation du ciel devient déterminante pour la survie de notre espèce, l’Homme, tiraillé entre certitude, scepticisme et curiosité, devient majeur et se plie à la raison. Pour continuer le questionnement, un débat... Notre terre qui êtes aux cieux Les 24, 25 nov Théâtre du Chêne Noir, Avignon 04 90 86 58 11 www.chenenoir.fr

© Les Carboni

Voyageuse Galéjade Une lecture-spectacle offerte par deux femmes,

Les Carboni, visages poudrés, pommettes peinturlurées, bretelles et marcels blancs, viennent dynamiter la vieille dame, en musique, sur la scène du Chêne Noir. En reprenant l’opérette marseillaise d’anthologie Un de la Canebière, créée par Scotto, Sarvil et Alibert, les comédiens du Panier font revivre la nostalgie marseillaise des années 30, lorsque la ville vibrait encore de tous les lointains, des bad boys et des filles de mauvaise vie.

C’est la faute à Rabelais Les 8, 9 déc Théâtre des Halles, Avignon 04 32 76 24 51 www.theatredeshalles.com

Épopée

Un de la Canebière Les 8, 9 déc Théâtre du Chêne Noir, Avignon 04 90 86 58 11 www.chenenoir.fr

Corrida Après Kaos au festival Off, la Cie Interface revient au © X-D.R.

Balcon pour évoquer dans Teruel le rituel de la corrida, inspiré librement de textes tirés de Rhône Saga de Pierre Imhasly. Faisant référence à la force de la femme, à l’amour et la sensualité, les trois danseurs révèlent le sentiment du beau qui surgit de la corrida. La semaine précédente, sur le même thème, Serge Barbuscia reprendra son Tango Neruda, au succès jamais démenti depuis sa création en 2004. Teruel Les 25, 26 nov Théâtre du Balcon, Avignon 04 90 85 00 80 www.theatredubalcon.org Tango Neruda Les 18, 19 nov Théâtre du Balcon, Avignon 04 90 85 00 80 www.theatredubalcon.org

Fondateur Poursuivant le travail entamé l’an passé sur l’Illiade d’Homère, les élèves du Conservatoire du Grand Avignon, dirigés par Jean-Yves Picq, associeront à leur recherche le génie d’Euripide, Sénèque et Hanokh Levin pour présenter La Chute de Troie au théâtre des Halles. Partant d’un récit fondateur, les apprentis comédiens nous questionneront sur le principe et les conséquences de la guerre. La chute de Troie Les 18, 19, 20 nov Théâtre des Halles, Avignon 04 32 76 24 51 www.theatredeshalles.com

© Cie Irina Brook

Adaptation délurée des mésaventures d’Ulysse «pour un banc et quatre comédiens» signé Irina Brook, cette Odyssée librement inspirée d’Homère voit les comédiens jouer tour à tour les personnages loufoques de cette épopée avec une énergie débordante. Ici, les sirènes chantent le blues, Hermès roule en trottinette et Circé est danseuse du ventre. Une traduction à cent à l’heure de la littérature antique ! Une Odyssée Le 18 nov Théâtre des Carmes, Avignon 04 90 82 20 47 www.theatredescarmes.com

Recette Tempête, la nouvelle création d’Irina Brook d’après Shakespeare, demeure fidèle au texte tout en rendant hommage au cinéma et à la chanson. Dans le décor d’un restaurant italien perdu sur une île déserte, prenez un Prospero en exil, une Miranda découvrant l’amour, un Caliban furibond, un Ariel en chanteur mélancolique, ajoutez un Ferdinand en jeune premier et quelques autres personnages tourbillonnants, et vous obtiendrez la recette de la Tempête ! sauce Irina Brook. Tempête ! Le 19 nov Théâtre des Carmes, Avignon 04 90 82 20 47 www.theatredescarmes.com


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THÉÂTRE

AU PROGRAMME

Résidence Comédie Un premier apéro poétique comme une invitation à

Millénaire Dans Pays Natal, Dimitris Daskas et Pierre-Marie

une soirée ouverte et conviviale à la rencontre de Sonia Chiambretto, dans le cadre de sa résidence au théâtre Durance. Thierry Raynaud, comédien formidable, et l’auteure associée liront pour l’occasion son roman Zone d’Éducation prioritaire, édité chez Actes Sud-Papiers (voir Zib 27). L’histoire de deux adolescentes marseillaises qui font la visite commentée de leur lycée, sous le contrôle des caméras de vidéosurveillance.

Poirier confrontent la jeunesse de quatre jeunes artistes, deux français et deux grecs, dans la mémoire collective et la philosophie grave du Léthé de Dimitris Dimitriadis. Un texte magistral sur l’identité, la patrie et la mémoire portant sur la nécessité de laisser son histoire derrière soi pour avancer. Et une anticipation de la crise grecque d’une incroyable lucidité.

Apéro poétique Le 25 nov Théâtre Durance, Château-Arnoux 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr

Pays Natal Du 16 au 20 nov Théâtre Liberté, Toulon 04 90 00 56 76 www.theatre-liberte.fr

© Agnes Mellon

Assourdissant © Lucia Baldini

Le chef-d’œuvre d’Eduardo De Filippo mis en scène par Philippe Berling (voir Zib 45). Dans la veine des variations napolitaines, règnent en maître le rire et l’ironie, tandis que le réel cède peu à peu le pas à une réjouissante folie. Lorsque la prise de fonction d’un nouveau préfet donne lieu à une farce à la morale aussi déroutante qu’édifiante : ce dont nous sommes témoins est-il réel ?

L’Île

L’art de la comédie Carré Léon Gaumont, Sainte-Maxime Le 19 nov 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com © Maddalena Rodrigez-Antoniotti

Plongée Le dramaturge Daniel Danis nous transporte avec la

Appassionatamente Le 9 déc Théâtre Durance, Château-Arnoux 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr

Feuilleton Nouvelle création en résidence de Joël Pommerat,

Ma chambre froide Du 24 au 26 nov Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

Bleu Conrad Les 25, 26 nov Théâtre Liberté, Toulon 04 90 00 56 76 www.theatre-liberte.fr

La Scaphandrière Le 22 nov PôleJeunePublic, Le Revest 04 94 98 12 10 www.polejeunepublic.com

Fondateur

Carré Léon Gaumont, Sainte-Maxime Le 30 nov 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com Les 24, 25 nov Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com

© Ludovic Fouquet

Ma Chambre froide se déroule comme un feuilleton réservant une large place au rire. Le dispositif est celui d’un cirque dans lequel nous découvrons dans sa vie quotidienne une jeune femme simple, exploitée sans vergogne. Une aventure ponctuée d’hommages discrets à Brecht ou Shakespeare et un art du récit qui n’appartient qu’à l’auteur.

Cie Songes Mécaniques et le metteur en scène Olivier Letellier dans un vertigineux récit vidéographique, retraçant l’émerveillement des premières plongées sous marines. Pierre et sa sœur Philomène vivent au bord d’un Lac de Perles jusqu’à ce que réalité et fiction se confondent. La Scaphandrière entraine les jeunes et leurs familles au cœur des émotions et des thèmes universels qui se mêlent en chacun d’entre nous. Un spectacle de tact et de poésie.

© Pascal Victor

La compagnie italienne Nerval Teatro, en résidence de création, présente Appassionatamente, inspiré par la rencontre de Maurizio Lupinelli avec l’auteur autrichien Werner Schwab, doté d’une écriture visionnaire emportant tout sur son passage. Ils nous racontent le présent à travers la nature psychique du monde. Images saisissantes, détails signifiants, mots originels, le silence même devient parole.

Le metteur en scène Jean-Yves Lazennec extrait du récit fiction de Magdalena Rodriguez-Antoniotti, Bleu Conrad ou le Destin méditerranéen de Joseph Conrad, des pépites évoquant la mer, l’amitié, l’aventure et la réalité. Michel Albertini et le groupe de polyphonie corses Barbara Furtuna mêlent leur voix sur les traces de l’écrivain voyageur dans le pays de son mentor, un marin corse à la stature d’Ulysse.

Une fascinante relecture de l’Odyssée signée Botho Strauss et une épopée théâtrale portée par le couple Charles Berling/Roni Elkabetz. Inspiré des Chants du retour d’Homère, le dramaturge allemand redonne toute leur mesure aux personnages et aux situations décrits dans le texte initial, passant de l’onirisme au réalisme, de l’antique à l’actuel. Ithaque Du 1er au 4 déc Théâtre Liberté, Toulon 04 90 00 56 76 www.theatre-liberte.fr


Attente

© Patrice Claire

Danielle Bré reprend et complète Récréation, créant une version approfondie de ce spectacle sur l’adolescence, moment d‘attente, de bouleversement et d’éveil, écrit d’après les textes de Robert Walser, et joué par de très jeunes comédiens à peine sortis d’apprentissage. Récréation Théâtre Vitez, Aix Les 29 et 30 nov 04 42 59 94 37 www.theatre-vitez.com

Le Comoedia, Aubagne Le 25 nov 04 42 18 19 88 www.aubagne.com

La Minoterie, Marseille Du 17 au 19 nov 04 91 90 07 94 www.minoterie.org

Régals ! Monstres, Songes et songs Les 1er et 2 déc Entremets-Entremots Du 7 au 9 déc Le Bois de l’aune, Aix 04 42 93 85 40 www.agglo-paysdaix.fr

Deux formes festives de théâtre cabaret au nouveau théâtre du Jas de Bouffan : le Maquis promène les étranges animaux rock de ses jolis délires, puis le Nono marie ses mets et ses mots, tous les deux fort goûteux et étranges…

Intérieur

Une Affaire d’âme Du 9 au 17 déc Jeu de Paume, Aix 0 820 000 422 www.lestheatres.net

© Nathalie Eno

Bénédicte Acolas adapte et met en scène le scénario du cinéaste Ingmar Bergman, Une Affaire de femme, avec Sophie Marceau dans le rôle-titre. En pleine introspection, Viktoria se parle à elle-même, convoque vivants et morts pour jouer et rejouer sa vie en dévoilant son intimité et ses fantasmes. Une rêverie intérieure qui démultiplie la parole pour cerner au mieux les méandres de cette personnalité.

Jeunesse La compagnie marseillaise Soleil vert, dans une mise en scène de Laurent de Richemond, monte L’Étang, œuvre de jeunesse de Robert Walser dans laquelle il met en scène le suicide simulé du jeune Fritz pour gagner l’amour de sa mère. L’Étang Les 7 et 8 déc Théâtre Vitez, Aix 04 42 59 94 37 www.theatre-vitez.com


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DANSE

AU PROGRAMME

accueille deux créations d’un chorégraphe que la scène nationale aime à suivre : Virgilio Sieni pratique un art du raffinement et du partage. Avec les gens, quels que soient leurs corps, parce que tous ont des gestes, et que sa danse s’en nourrit. Dans Nei Volti ce superbe danseur crée un solo à partir des luttes et des combats qu’il a captés «dans les visages» tandis que Visitation recrée les gestes des tableaux de Pontormo et Angelico… en face du Corbusier, avec les habitants, à la Magalone. Cette proposition autour de L’art du geste en Méditerranée se poursuit à Arles, toujours autour de la maternité, avec des Mères et filles… Nei Volti (dans les visages) Les 17 et 19 nov Visitation Les 25 et 26 nov Le Merlan, Marseille Mères et filles Les 3 et 4 déc Théâtre d’Arles 04 91 55 68 06 www.officina.fr

© Luk Monsaert

Gestes Platel ! En partenariat avec Dansem (voir p12), le Merlan

Il est si rare dans la région, si bouleversant et essentiel au monde contemporain de la danse (théâtre) qu’il ne faut pas rater son Gardénia, même si ce n’est pas forcément le meilleur de ses spectacles. Allégorique, ce défilé d’êtres décalés (des transsexuels sexagénaires) refonde le sens du mot humanité. Gardénia, malgré quelques temps un peu mous parfois, est magnifiquement émouvant… Un spectacle accueilli au Merlan en coréalisation avec le Gymnase (tarifs du Gymnase). Gardénia Du 13 au 17déc Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 www.merlan.org

Monstres Un texte de Pascal Quignard… une chorégraphie de Carlotta Ikeda… les deux monstres sacrés, à l’écriture si profondément bouleversante, s’allient pour créer le solo unique de la mère infanticide. L’écrivain, sur scène, lit son texte, pour accompagner la danse de fantôme d’Ikeda, soulignée par la musique d’Alain Mahé. Rencontre lecture Le 24 nov à 18h30 Medea Le 25 nov Pavillon Noir, Aix 0811 020 111 www.preljocaj.org

Indienne Elle est une figure de la danse classique indienne : Madhavi Mudgal vient danser Vistaar à Aix, avec 5 autres danseuses au raffinement extrême, et cinq musiciens qui jouent de la vraie musique indienne. Celle qui n’a pas abandonné ses modes et ses tiers de tons. Du grand et beau spectacle, fascinant… Vistaar Du 30 nov au 3 déc Pavillon Noir, Aix 0811 020 111 www.preljocaj.org

Trois fois deux Fou ? Waow ! Dans le cadre du dispositif saison 13, le Ballet Il pratique l’art du pastiche savant, Foofwa d’imobd’Europe fait tourner des formes duelles subtiles, et diverses, de Jean-Charles Gil, Christophe Garcia (Cie la parenthèse) et Philippe Henrion (du ballet d’Europe). Une occasion de donner à voir, à proximité, de la belle danse. Duos Le 18 nov La manare, Saint-Mitre-les-Remparts 04 42 49 18 93 www.balletdeurope.org

ilité semble avoir intégré et digéré tous les styles et manières de la danse contemporaine, y compris celle de Mickael… Il les mixe dans un grand éclat de rire autodérisoire, si sérieux pourtant. Une forme d’hommage à Merce et Pina, qui dit son amour, mais se «fou» de la nostalgie… Pina Jackson in mercemoriam Les 7 et 8 déc Pavillon Noir, Aix 0811 020 111 www.preljocaj.org

Carré blanc Avec quatre danseurs et en quatre parties (solo, duo, Eblouissement trio, quatuor), Hervé Chaussard, ancien danseur du Chorégraphe indépendant, Boris Eifman à rompu, il Ballet Preljocaj, revient y créer des portraits en blanc d’une humanité qui explore ses relations, et ses pulsions.

Nei Volti © Pasquale Juzzolino

Transe Dans le cadre de Dansem (voir p12), Nacera Belaza vient danser ses spirales spirituelles avec sa sœur. Une danse minimale, habitée non de force, mais de douleur, sensible par éclairs, foudroyants. Le temps scellé Le 8 déc Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 www.merlan.org

La Boîte blanche Les 17 et 18 nov Pavillon Noir, Aix 0811 020 111 www.preljocaj.org © JC Carbonne

y a trente ans, avec l’académisme officiel russe pour créer sa propre compagnie à Saint-Pétersbourg. S’attachant plutôt à l’intensité dramatique qu’à la seule plastique de la chorégraphie, il transpose l’action de Don Quichotte, sa dernière chorégraphie, dans un asile où le héros chevaleresque de Cervantès, toujours entre rêve et réalité, échappe par l’amour et la bonté à son enfermement. Don Quichotte Le 11 déc Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com Le 13 déc Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr


DANSE

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Temporalités Destinées La Zampa s’installe à l’Odéon pour présenter un

Autobiographique Je cherchai dans mes poches est une partition chorale

parcours chorégraphique réunissant 3 œuvres, 3 chorégraphies de ses deux fondateurs. Deux solos : Dream on Tracks 1 place Magali Milian sous les auspices du Marquis de Sade et la projette dans les affres du désir, tandis que Dream on Tracks 2 soumet Romuald Luydlin à une décompression physique et mentale, un duel consenti dans lequel son corps recherche l’abandon. Dans La Tombe du plongeur, tous deux expérimentent l’apesanteur dans un saut qui va de la vie à la mort avec un dispositif vidéo ravageur de Bruno Geslin. Dans Requiem, leur dernière création, ils évoquent un entre-deux de la chair et de la conscience, une prière pour le repos du corps et de l’âme, un rituel funèbre porté par la musique de Marc Sens et les textes de Casey.

orchestrée par Thierry Baë (Cie Traits de Ciel) avec le musicien Benoît Delbecq, l’auteure et danseuse Sabine Macher et la danseuse Corinne Garcia. Des fragments de vies singulières tissés en une histoire commune de peurs et de rêves, d’obstacles et de désirs. Je cherchai dans mes poches raconte ce qui transforme : une image, une musique, une anecdote de l’enfance… et tout ce qu’ils ne sont pas (encore) devenus.

Dream on Tracks 1 et 2 Le 30 nov La Tombe du plongeur Le 7 déc Requiem Les 9 et 10 déc Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

Je cherchai dans mes poches Le 3 déc Théâtre Durance, Château-Arnoux 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr

© Xavier Cantat

La 5e création d’Artur Ribeiro et André Curti prolonge une recherche d’écriture scénique entre théâtre, danse et manipulation d’objets et de décors. Ici, nulle unité de lieu et de temps mais un éclatement de la narration comme une suite de tableaux oniriques où les mots et les gestes, les poses et les mouvements suggèrent avec acuité et tendresse la difficulté de vivre de quatre solitudes. Dream on Tracks © Pierre Duprat

Fragments du désir Le 19 nov Théâtre Durance, Château-Arnoux 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr

Mythique… Pourquoi Mickaël Jackson est-il gravé dans la mémoire Vibrations Dirigés par le chorégraphe québécois Benoît Lachambre, les jeunes danseurs suédois du Ballet Cullberg pénètrent l’univers de Janis Joplin, usant de leur grande technicité pour explorer les différentes voix de la chanteuse, révéler ce qui est à la source du mouvement et donner forme à ce qui précède l’expression du chant. Une danse fragile mais intense, bel hommage rendu à la détermination rageuse de Janis Joplin. JJ’s voices Le 18 nov Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com

Transversalités Michel Schweizer, qui revendique la transversalité artistique, signe une œuvre hybride, un lâchage de Fauves qu’il serait vain de tenter de dompter. Une dizaine de jeunes de 17 à 19 ans ont travaillé sous sa direction, ni danseurs ni comédiens, prêts à revendiquer spontanéité et énergie pour réinventer leur vie, et tester leurs limites, le temps d’un spectacle. Fauves Le 9 déc Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com

collective s’interroge Raphaëlle Delaunay ? Quelles sont les raisons de son succès ? La danseuse et chorégraphe s’inspire du parcours de cette idole universelle pour dresser, entre tragique et burlesque, une radiographie en creux de notre propension à créer des mythes. Créée en résidence à Châteauvallon, Eikon, Hommage à Mickaël Jackson croise sur son chemin Fred Astaire et James Brown, Marcel Marceau et Diana Ross… Eikon, Hommage à Mickaël Jackson Les 18 et 19 nov Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com Le 26 nov Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com Le 10 fév Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

Éco-citoyen Doublement inspiré par Moby Dick d’Herman Melville et le Protocole de Kyoto, Éric Oberdorff (Cie Humaine) crée Léviathan comme la métaphore chorégraphique d’un monde en sursis, pris dans l’étau des soubresauts économique et écologique. Son sentiment d’urgence apparaît dans son écriture tendue à l’extrême, nerveuse, théâtralisée parfois. Une manière de dire à haute voix ses doutes d’artiste et de citoyen, autour d’un thème qui lui est cher : la relation à l’autre et à la nature. Léviathan Les 9 et 10 déc Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com

Vivifiant

Extasis © Marc Coudrais

© X-D.R

Dans les années 80 les deux premières pièces de Mathilde Monnier et Jean-François Duroure, Pudique acide & Extasis, firent un tabac au point de les recréer aujourd’hui. Et surtout de les transmettre à deux jeunes danseurs qui, à leur tour, se vêtiront de kilts écossais puis de volants froufroutant sous des vestes d’hommes ! Tels des anges -mariage du féminin et du masculin- ou des chats sauvages et belliqueux… Pudique acide & Extasis Le 2 déc La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu


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DANSE

PAVILLON NOIR | VAUCLUSE

Afriques dansent ! Après Germaine Acogny, Bouchra Ouizguen, Nacera Belaza, Robyn Orlin, le Pavillon Noir tend à nouveau son miroir à la danse contemporaine africaine, plurielle et dénuée d’«exotisme» Sarkhozi says «non» to the Venus est un scénario de 25 minutes écrit par la sud-africaine Nelisiwe Xaba pour le Musée du quai Branly. Elle n’y ménage pas ses effets pour tordre le cou aux clichés et aux stéréotypes croisant librement les époques et les histoires : celle de Saartjie Baartman, la Vénus hottentote exhibée comme un animal de foire, et la sienne, danseuse et chorégraphe formée à la Johannesburg Dance Foundation, interprète de Robyn Orlin. Juchée sur des talons vertigineux, élégante dans sa jupe plissée gris argenté, féline et mordante, elle saisit dans sa bouche un os blanc… n’hésitant pas à courber l’échine tandis qu’elle se transforme en esclave disciplinée. Mais son numéro de bête de cirque ne dure pas longtemps : Nelisiwe Xaba n’est pas du genre à se laisser enfermer, même au musée des arts premiers. Bénéficiaires d’une tournée internationale, les lauréats de la 8e biennale Danse l’Afrique danse ! de Bamako font un stop chez Preljocaj, qui fut membre du jury qui les a

couronnés. Sur le plateau de Orobroy, stop ! du mozambicain Horacio Macuacua, les danseurs s’affublent de robes, grimacent, prennent la pose dans des situations comiques et absurdes. Ils-elles glissent du flamenco au contemporain, à la danse de cour et au hip hop à grands coups claquant au sol. Comme dans un jeu de rôles, ils-elles préfèrent la dérision au pathos, sauf quand, masqués, ils miment dans une gestuelle simiesque l’évolution de l’espèce humaine. Scène glaçante… Légèreté et gravité encore dans le quatuor de Florent Mahoukou, du Congo Brazzaville, qui met en scène deux dualités, deux tempos : dans la précipitation, les corps manipulés et instables mettent à l’épreuve leur résistance par des gestes et des déplacements empêchés, dans des rixes tantôt joyeuses et fugaces, tantôt désespérées. Plus solennel, le malgache Junior Zafialison offre un court solo au titre en pied de nez : Ail ? Aïe ! Aïe !. Musique techno et lumière stroboscopique introduisent sa danse tout en délié, muscles et mouvements

Orobroy, stop © Antoine Tempe

étirés comme le temps qu’il prend à ôter sa chemise, piétiner les gousses, piler l’ail dans un mortier, bavarder «sur les pensées pécheresses» ou entamer un gospel. Son corps est rageur et son cri colérique, reste à deviner pourquoi…

Sarkhozi says «non» to the Venus a été joué les 25, 26 et 27 octobre ; la soirée Lauréats a été présentée les 3, 4 et 5 novembre au Pavillon Noir, Aix

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Le Hip Hop, en quête d’identité ? Trois semaines de formations, concerts, films et spectacles hip hop ont donné du rythme au Vaucluse. De quoi regorger d’énergie jusqu’à la prochaine biennale, composée par un collectif de partenaires cohérent, des MJC aux théâtres institutionnels, malgré les limites de ce regroupement spontané, sans direction artistique globale ni budget alloué. D’où une programmation parfois inégale et sans grande prise de risques. Très alléchant, Kaiju de la Cie Shonen a déçu par excès conceptuel, malgré la tentative novatrice de créer un laboratoire entre deux danseurs et un graphiste, à l’heure du tout numérique. Entre hip hop, butô et 3D, la pièce d’Eric Minh Cuong Castaing s’est empêtrée dans la recherche virtuelle : un accouchement dans la douleur d’une «bête mystérieuse» plastiquement inaboutie, qui laissait ses interprètes coincés dans le dispositif scénique, une grande bâche transparente exploitée de projections vidéo maladroites en pliages incertains. Techniquement imparable, Urban Ballet et ses 4 tableaux a été par son côté hybride la pièce la plus surprenante. Musique contemporaine et classique

Back to the roots, a ému. Un retour aux racines, avec témoignages familiaux, pour cet «orphelin de mère» qui s’est reconstruit grâce à la danse. Et une belle association avec un Dj qui évite les gros sons, déployant une palette musicale Urban Ballet © Belinda Lawley passionnante, des vieux blues aux musiques africaines qui transportent le «miraculé» sur des terrains inventifs. Sincérité aussi avec Vis-à-vis par la cie Stylistik avec un sujet déjà exploité (le couple face à ses différences, attirance, rejet) mais où les prouesses techniques et les portés prodigieux persuadent. Un duo qui laisse s’exprimer la sensualité masculine face à l’animalité de sa partenaire. Quant à Né pour l’autre de la Cie Alexandra N’Possee, en clôture au théâtre Golovine, c’est à un voyage vers l’autre que le duo masculin nous a invités. Assez classique, sans grande surprise, mais une belle complémentarité d’interprétation. l’interprétation sculpturale du Boléro de Ravel ou la création millimétrée d’un monstre à 3 têtes sur DELPHINE MICHELANGELI Xenakis a dérouté certains, la pièce est très virtuose. Une énergie jubilatoire où la danse, précise et véloce, Drôle(s) d’Hip Hop s’est tenu explose. dans divers lieux du Vaucluse Plus intime et identitaire, le solo de Zach Swagga, du 18 octobre au 8 novembre (sublime solo sur le Stabat Mater de Vivaldi) trouvent une incroyable résonance avec la gestuelle hip hop, associée ici au jazz et contemporain par Anthony Egéa et les neuf danseurs de sa cie Rêvolution. Si


ARLES | MERLAN | CHÂTEAUVALLON | ISTRES | TOURSKY

© Alain Julien

DOMINIQUE MARÇON

Carnet d’une voleuse a été joué au Théâtre d’Arles, dans le cadre de la manifestation Des cirques indisciplinés, le 14 octobre

Magie de l’Empire du milieu déconcertante, mais d’une perfection virtuose. L’orchestre suit les protagonistes avec précision, les voix scandent les textes ou les modulent un registre suraigu. Car l’opéra chinois invite à un spectacle complet où musique, danse et acrobatie se fondent, se fondent : pour les européens que nous sommes, l’Académie Nationale a prévu un spectacle composé d’extraits de différents opéras, ce qui nous initie aux multiples facettes de cet art, combats de généraux, dieu du feu, roi singe ou nonne éplorée à la poursuite de son amoureux… Digest fascinant, qui donne envie de poursuivre vers une tradition que le cirque chinois cherche lui-même à retrouver.

PSY été joué au Merlan du 19 au 23 octobre et à Châteauvallon du 13 au 16 octobre.

À venir : Les 23 et 24 fév Dans le cadre des Élancées Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr

MARYVONNE COLOMBANI

L’Opéra de Pékin, une féérie a été joué les 8 et 9 novembre

C’est en partant d’une étude sur l’omniprésence de la maladie psychique dans notre quotidien que la cie Les 7 doigts de la Main a construit son nouveau spectacle. La psychanalyse, la psychothérapie de groupe, l’exploration des rêves, le transfert, le dédoublement et les fantasmes plantent le décor d’un univers pathologique, et métaphorique, où les 11 acrobates laissent libre cours à de folles prouesses techniques : acrobaties mirobolantes, jongleries avec toutes sortes d’objets, agrès parfois drôles et insolites… Avec une grande maîtrise technique de son art, ce cirque sensible et théâtral envoie le public se balader sur toute la gamme des émotions : le spectateur glisse avec délice dans les méandres circonvolutifs d’une jeune insomniaque, l’accompagnant dans ses soubresauts délicieux et terrifiants le long de son mat chinois. Il frémit devant la lanceuse de couteaux qui menace à tout moment de plonger dans une colère noire. Puis il s’enferme dans la dépendance que lui suggère le jeu remarquable de ce loubard déchu avec sa roue allemande, et se laisse enfin bercer par l’extrême douceur et maîtrise du trapéziste en proie à des rêves qui tournent au cauchemar. Par un jeu de scène particulièrement juste et poétique, ces circassiens québécois transcendent la figure du cloisonnement mental au point qu’il en devient un lieu de création, où chacune de nos possibles maladies psychiques se transforme en une matière vivante et joyeuse. Émue, la salle s’est levée. CLARISSE GUICHARD

© David Poulin

La première tournée européenne de l’Académie Nationale de Tianjin est passée par le Toursky. Le répertoire, la symbolique des gestes, des couleurs, des costumes, tout y est facteur de dépaysement : on reconnaît l’uniforme des généraux avec leurs fanions dans le dos, le Renard à neuf queues présent dans d’autres traditions asiatiques… Mais la symbolique des costumes, des couleurs (le roi singe est en jaune, couleur de la ruse) se dessine peu à peu, les gestes savent avec une économie extrême signifier un monde concret, la barque qui traverse le fleuve d’automne, le combat en aveugle dans la nuit… Selon les principes du tao la conjugaison entre réel et imaginaire permet à l’œuvre d’art de représenter l’authenticité du monde … L’esthétique est parfois

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Y a-t-il un paranoïaque dans la salle ?

Un ange déchu Emprisonnée pour vol et jetée en cellule, elle dénote avec son long manteau noir cousu d’ailes d’ange, son nez rouge et son visage blanchi, et ses grandes godasses. Oui, mais pas n’importe lesquelles puisque ce sont celles de Jean Genet dont elle hérite et qui vont la façonner, au gré de son histoire, jusqu’à incarner l’écrivain. Atypique, la clown Adèll NodéLanglois croise les univers, crée des passerelles entre des mondes a priori très éloignés mais qui finalement font résonner les voix de personnages hors normes, voleurs et voyous qui sont des exclus dont l’univers est empreint de poésie. De l’univers de Genet ressort une noirceur dont elle s’empare pour faire resurgir la solitude, le vide qu’illustre d’ailleurs une scénographie dépouillée –un lit-cage qu’elle déplace, une ampoule suspendue qui offre une lumière chiche-, un espace qui laisse toute la place à l’imaginaire de cette clown naïve et touchante. Dans un coin de cette cellule sans murs visibles, le musicien Mayeul Loisel distille une musique tour à tour grave et légère, qui enferme ou libère.

CIRQUE

© X-D.R.


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ARTS DE LA RUE

PORT-SAINT-LOUIS | SMALL IS BEAUTIFUL

Quand la rue entre en résistance Pour la 3e année un quartier de PortSaint-Louis a chamboulé ses habitudes pour accueillir Carrément à l’Ouest, manifestation d’arts de la rue coréalisée par Le Citron Jaune et Scènes et Cinés Ouest Provence. Et plus que jamais cette année l’espace public s’est transformé, notamment au cours de spectacles itinérants au cœur de la cité Vauban, quartier relevant d’une Zone Urbaine Sensible. Après une résidence de création au Citron, la cie KompleXKapharnaüM a décliné son Memento sur les murs des immeubles du quartier : les résistances, d’hier et d’aujourd’hui, ont servi de fil rouge à une fiction créée presque pas à pas, en temps réel. Les fresques prennent forme sur les murs, les collages sont élaborés, mêlés aux graffs, dessins, tandis que résonnent des paroles, des sons, qui racontent des résistances historiques ou personnelles, des parcours hors norme que soulignent les projections vidéos. Le quartier change de décor, durablement, les façades gardant encore longtemps la trace de ces questionnements

© Do.M

esthétiques. La cie espagnole Kamchàtka a elle aussi envahi l’espace public, dans un spectacle itinérant transportant les spectateurs-acteurs dans leur drôle de migration. Huit personnages, valises à la main, costumes élimés, sourires aux lèvres, arrivent à pied et se posent face

au public. Quelles seront les réactions des uns et des autres ? Sans un mot, ils vont entraîner la foule avec eux, faisant se confondre le jeu et la réalité, réagissant aux regards, aux mouvements, prenant à partie certains, puis tous, pour raconter leur histoire d’immigrés près à s’installer là.

Comme d’autres avant eux dans le quartier. Auparavant la cie BruitQuiCourt avait dressé des «sonimaux», d’incroyables, et véritables, sons d’animaux, euxmêmes invisibles mais rendus plus vivants encore par les gesticulations du dompteur Tony. Un peu froussard sur les bords il fait appel aux enfants téméraires qui ne s’en laissent pas compter, surtout quand il s’agit de faire revenir le lion dans sa cage… Un peu plus loin, dans un étonnant petit coin de verdure, c’est d’un autre «domptage» dont il s’agit : suspendus à des filins, des grands tubes d’acier forment un Mobile, que Jörg Müller manipule avec grâce et dextérité. Cherchant l’équilibre parfait qui leur permettra de se croiser sans se heurter, l’artiste les lance, se faufile entre, en un jonglage habile et éphémère, une chorégraphie légère et poétique. DOMINIQUE MARÇON

Carrément à l’Ouest s’est déroulé à Port-Saint-Louis du 12 au 15 octobre

Il est grand ce petit Commencé en beauté (voir zib’45), Small is beautiful a continué de s’épanouir jusqu’à Aubagne, proposant des actions et des spectacles souvent surprenants qui interrogent sur la place de l’humain dans la ville. Le 9 oct le Parc Longchamp accueillait le spectacle d’Artonik pour 2 heures de déambulation, ...Et ainsi de suite... Des baladeurs individuels diffusaient la bande-son concoctée par Alain Beauchet, créateur de la cie avec Caroline Sélig. Sur les bancs et les pelouses, des personnages vêtus de rouge déambulent, dansent, s’endorment. Ou bien sont saisis de frénésie, poussant caddies et poussettes jusqu’au télescopage : 54 figurants enchantés par l’expérience avaient répété plus de 30 heures pour cette action participative… Du 11 au 13, Espaces sonores proposait à la Gare St Charles Un pépin pour 2, une déambulation par escaliers, quais et salles d’attente, guidée par les voix des baladeurs qui racontent la ville sous le regard interrogateur des voyageurs. Une intervention qui se met à l’écoute de chaque lieu pour une restitution intime qui fait place à l’humour. Humour encore avec le FlashRue : les participants volontaires montent les escaliers jusqu’à ce qu’un marteau-piqueur déclenche des tremblements compulsifs ; une voix sensuelle déclare : «Tu me fais vibrer !...», mais tout le monde s’écroule ! En revanche c’est l’émotion qui vous saisit lorsque trois danseurs s’installent sur l’esplanade avec des marionnettes de latex. De tailles différentes, trois vieilles dames ridées, à cheveux gris et collants épais, sont manipulées, ou plutôt bercées,

par les danseurs, tandis que des haut-parleurs diffusent les confidences de femmes âgées sur leur solitude, leurs souvenirs. Quand la nuit tombe, des projecteurs suivent les déplacements dans la douceur et la lenteur. Moment de tendresse rare. Il s’agit de Reprendre son souffle de la Cie Là où, sise à Rennes. Puis Aubagne, les 14 et 15. D’abord une rencontre à la Chapelle des Pénitents noirs avec Olivier Grossetête qui montre des vidéos de ses différentes constructions participatives tout en devisant avec les Artonik © Vincent Lucas

Step by step © Vincent Lucas

visiteurs autour d’un apéritif convivial. En avant pour la Mission Roosevelt de Tony Clitton Circus, troupe italienne culottée ! Il s’agit de mettre les bien portants dans la situation des handicapés, sur des fauteuils roulants. Laetitia, handicapée de naissance expliquait quant à elle : «J’ai apprécié de rencontrer des gens à

ma hauteur. Mais le parcours proposé était beaucoup plus difficile que celui de ma vie de tous les jours. Aubagne est d’ordinaire une ville plutôt accessible.» Enfin Divadlo Na Peróne, troupe de Ko ice en Slovaquie, et Là hors de, de Lyon, ont présenté dans un entrepôt une étape de leur projet sériel sur l’exil pour 2013 (voir zib’ 45). Étape Varian Fry dans un climat d’angoisse : éclairs de lumière, projections d’images, bande-son inquiétante avec textes dits au micro dans les deux langues, interrogeant sur les errances des artistes chassés par les régimes totalitaires. Spectacle coup de poing qui ne ménage pas les spectateurs, mis en cage durant de longues minutes au cours du spectacle. Ainsi, fidèle à ses principes, Lieux publics propose un art de rue parfois small, mais toujours loin du divertissement... on ne s’en plaint pas ! CHRIS BOURGUE


AU PROGRAMME

CIRQUE/ARTS DE LA RUE 33

Phénix ? apporte une gravité supplémentaire. Puis les sculptures de cartons brandies comme des corps sont enflammées. Une renaissance possible ? CHRIS BOURGUE

Atlas but not list de Christophe Haleb s’est donné le 2 novembre

À venir : Le trauma du fa # par Délices Dada Le 7 déc Lieux Publics 04 91 03 81 28 www.lieuxpublics.fr

© Vincent Lucas

Une accalmie en temps d’orage a permis à La Zouze de présenter Atlas but no list, étape d’une proposition artistique pour 2013. Six comédiensdanseurs et quelques participants, dont un enfant, enveloppés de cartons d’emballage, investissent peu à peu l’espace. La voix de Thomas Gonzales dit des extraits de Conquistators d’Éric Vuillard, un texte de chair et de sang, violent et cruel, rappel de la très sombre conquête du Pérou. Il y est question de la répétition et de la mémoire des gestes, les corps s’épuisent, se rencontrent, glissent. La musique de Lionel Kasparian (violoncelle, voix et électronique)

Acrobatique Féérique Vitalité Un conte de fées moderne et acrobatique avec musi- Ce Lac des Cygnes version cirque, créé par Madona Dix artistes guinéens du Cirque Mandingue nous que live, chorégraphies originales, acrobaties et voltige… Comment sept hommes vont-ils s’y prendre pour attirer l’attention de la seule demoiselle en piste ? Laissez-vous embarquer dans le cirque de la compagnie Akoreacro dans un voyage plein d’énergie, de pirouettes surprenantes, de musique et d’humour. Pffffff ! Les 10, 11 déc Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

Bouglione, est empli de grâce, de poésie et de féérie. Il revient sur le plateau du théâtre de l’Olivier où il a été créé il y a tout juste un an après une belle tournée française. Acrobates, jongleurs, trapézistes et clowns marient leurs arts traditionnels aux formes d’expression plus contemporaines. Pentimento Le 9 déc Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr

Les 16, 17 déc Théâtre Durance, Château-Arnoux 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr

Foté Foré Le 13 déc Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com

Bambous © X-D.R

Solo clownesque Bobitch, vieux petit bonhomme, employé fidèle et

Burlesque Avec Les Fuyantes, danse, acrobatie, cirque aérien,

One day à la Bobitch Le 25 nov Forum de Berre l’Etang 04 42 10 23 60 www.forumdeberre.com

© Massimo Baesi

Du 14 au 16 déc Théâtre de Grasse 04 93 40 53 03 www.theatredegrasse.com Le 18 fév 13e Festival les Élancées, Fos-sur-Mer 04 42 56 31 88 www.scenesetcines.fr

dévoué, va vivre une journée exceptionnelle. Une heure durant, Boris Arquier fait exister de multiples personnages d’un lieu à l’autre grâce à son talent vertigineux de bruiteur-beat boxer. Un clown hors du commun pour un voyage futuriste et captivant.

Le 26 nov Théâtre Marelios, La-Valette-du-Var 04 94 23 62 06

livrent leur première création commune, une fresque tout en poésie à l’image de leur vie contée en acrobaties. Dans un rapport au temps singulier propre au continent africain, les circassiens, danseurs, contorsionnistes réinventent leurs débrouilles et leurs jeux. Des acrobaties hautes en couleurs et des rythmes à la joie communicative.

Le nouveau cirque du Vietnam offre une invitation au voyage mêlant acrobatie, danse, jonglage, contorsion et équilibre. Quatorze circassiens virtuoses et cinq musiciens, sur des agrès éphémères de bambous, racontent et chantent une vie traditionnelle lointaine dans des numéros d’une grande virtuosité. Un cirque époustouflant et joyeux, traversé par un souffle épique et quelques clichés, à partager en famille. Lang Toï (mon village) Le 3 déc Carré Léon Gaumont, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com www.lavalette83.fr

théâtre visuel, musique et nouvelles technologies se mêlent et s’emmêlent pour créer une forme inédite de poésie visuelle inspirée par les dessins d’Escher. Dans un habile jeu d’éclairage, de vidéos et un décor mouvant, les cinq acrobates en mouvement perpétuel, sous la houlette de Camille Boitel et Boris Gibé, emmènent le public vers des territoires instables. Les Fuyantes Le 6 déc Théâtre la Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu


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JEUNE PUBLIC

MOMAIX | MASSALIA | ARLES | AVIGNON | FOS

Par, avec et pour Momaix comme chaque automne regroupe et impulse les spectacles pour enfants dans les salles aixoises Certaines labellisent «Jeune public» les propositions qui peuvent les concerner (les Duos de Preljocaj au Pavillon Noir), d’autres en proposent des versions adaptées et explicatives (Le roi danse au GTP, voir p 44), ou, comme au Théâtre Vitez, proposent des spectacles fabriqués pour des enfants spectateurs. Dans le nouveau Bois de l’Aune on avait choisi de les faire aussi monter sur scène : sur la musique des Doors (20 mns de The end, balancé trop fort, comme s’il fallait que la musique soit assourdissante pour avoir de l’intensité…), une douzaine d’ados recrutés dans les centres sociaux aixois sautent sur place, avec quelques variations collectives. Peu à peu épuisés ils laissent clairement apparaître, comme à leur insu, leurs différentes personnalités, dans cette répétition ultime conçue par la chorégraphe Julie Nioche. Un concept intéressant, mais qui, en dehors des familles des ados, concernait peu un public très enfantin… heureusement comblé par le duo d’excellents acrobates (La Vie tendre et cruelle des animaux sauvages, Cie Azeïn) qui les fit s’envoler vers des rêves moins mortifères à coup de sauts périlleux, de poursuites et étreintes rocambolesques, délicieusement accompagnés par

l’inventivité musicale d’un drôle de multi-instrumentiste, capable aussi d’ascension…

Géographie scandinave

Aux Ateliers Alain Simon mettait en scène le célèbre roman de Selma Lagerlöf. Le Fabuleux voyage de Nils Holgersson, qui a bercé bien des enfances, est une commande des enseignants suédois pour un livre de géographie destiné aux enfants, mais il dépassa largement le statut de manuel scolaire pour connaître une destinée internationale ! Les difficultés liées à sa transcription théâtrale sont résolues avec finesse et humour par l’équipe de Lectures Plus : un rétroprojecteur… et le théâtre d’ombre apparaît, les barreaux d’une cage se dessinent et s’estompent, le tomte du conte surgit, le chat devient un géant à côté d’un Nils minuscule ; un bonnet orange, voilà notre héros et son rire coquin ; nuages en carton, nous sommes dans le ciel en compagnie du jars Martin ; une oie géante au plafond en contreplaqué apporte une touche poétique. Le quatuor de comédiens joue avec brio des artifices utilisés, pour la plus grande joie d’un public d’enfants impatients. Puis avec les gâteaux et les rafraîchissements se dévoilent les secrets de fabrication des costumes,

Étrange Odyssée 2084, un futur plein d’avenir est un spectacle de marionnettes destiné aux enfants à partir de 9 ans, que les adultes partagent avec plaisir tant les niveaux de lecture sont multiples. Philippe Dorin a écrit un texte plein d’invention, s’amusant avec les mots et prenant plaisir à déformer notre langue dans la bouche de robots ou d’êtres hybrides, mélange d’humain et d’animal. Le titre évoque 1984 de Georges Orwell et l’intrigue, plus légère, met en garde contre les mêmes menaces : standardisation des esprits, abolition de toute vie privée, menace totalitaire. Les robots sont nommés par des initiales, les personnages par des numéros. L’un d’entre eux a des velléités d’indépendance et des rêves d’un temps «antérieur»! On ne le lui pardonnera pas. Ces marionnettes très originales, conçues et réalisées par Michel Klein, sont manipulées par trois comédiens exceptionnels pour leurs performances vocales et leur maîtrise. Un spectacle intelligent mis en scène par Ismaïl Safwan © Michel Klein CHRIS BOURGUE

Ce spectacle de la Cie Flash Marionettes s’est joué à L’Astronef à Marseille les 4 et 5 novembre dans le cadre de la programmation du Massalia, et au théâtre d’Arles le 9 novembre

Le Fabuleux voyage...© X-D.R.

Sysiphe © C. Martinez CPA

des bruitages. L’évocation des scratchs et autres révélations pratiques ne détruisent pas la magie initiale… Car aux Ateliers on aime à se retrouver ensemble ! A.F ET M.C.

À venir Le Fabuleux voyage de Nils Holgersson au théâtre des Ateliers les 16, 23 et 30 nov 04 42 38 10 45 www.theatre-des-ateliers-aix.com

Des morts bien vivants Il est tombé dans la marmite à histoires ce Fred Pellerin. Un conteur et improvisateur né qui porte bien son nom, véhiculant jusqu’à notre coin du monde son cabochon rempli des légendes de son Québec natal. Plus précisément Saint-Elie de Caxton, 1500 habitants au compteur. L’écouter raconter avec son accent et ses gestes chantants les histoires et superstitions de son village, que lui-même entendait de la bouche de sa grand-mère, est un enchantement. De digressions en chansonnettes, les mots sont réinventés, remaniés, tarabiscotés, le récit ponctué de rires rafraîchissants et d’adresses complices au public. Un public soufflé par l’art du rebondissement et de la «parlure» de ce jeune homme, star dans son pays, pour qui «parler français est une résistance quotidienne» et qui l’emmène, au final, derrière le comique,

vers un terrain inattendu. Il y a le forgeron et sa fille, le coiffeur du village et le curé neuf, Stroop la sorcière, Lurette,Toussaint et Jeannette. Et il y a Bernadette, cette grand-mère qui lui avait promis que dans son village la mort ne passait plus. Un hommage vibrant à son pays, son enfance et aux absents. Une Arracheuse de Temps immanquable. DELPHINE MICHELANGELI

L’Arracheuse de temps a été présenté les 5 et 6 novembre au théâtre du Chêne Noir, Avignon, et à Fos-sur-Mer le 8 novembre


CAVAILLON | MARTIGUES | LENCHE

Silence, ça tourne !

mouvements, à mesure que la parole et l’imagination prennent le pouvoir. Et à ce jeu de la narration associée à la technique, Opéra Pagaï a de la fantaisie à revendre grâce à une ingénieuse scénographie à portée des enfants. Le récit se tricote en séquences, «silence moteur ça tourne» et explications du conteur à l’appui, et les effets spéciaux sont divulgués devant les yeux ravis des enfants, habitués à l’image dans tous ses états. Un aller-retour entre le comédien de chair et d’os et la petite marionnette pour un spectacle plein d’humour, interactif et pédagogique. Après ça, les petits oseront-ils rendre leur liberté à leur doudou ?

À qui appartient la terre ? Peut-on s’approprier un endroit simplement en le voulant ? Et qu’est-ce que la propriété d’ailleurs ? D’où viennent les frontières ? Ces questions-là les protagonistes vont les soulever petit à petit, pas aussi clairement mais de façon induite, au fil du récit. Au terme d’un long périple, Kétal et Aride prennent possession d’une terre dont un panneau mentionne qu’elle est «propriété privée», un coin de paradis décident-ils dont ils vont rapidement délimiter les contours. Mais rapidement arrive l’Autre qui prétend avoir retrouvé cette terre qui appartient à son peuple depuis des siècles. Et malgré l’intervention d’une femme libre et sans attache, dont le nom change à chaque apparition, la

Les Excuses de Victor a été joué au théâtre de Cavaillon le 21 octobre

Forêt interactive

Western Du 22 nov au 3 déc et du 5 au 10 déc pour débuter la 3e édition de Minots, Marmaille & cie Théâtre de Lenche 04 91 91 52 22 www.theatredelenche.info © Daniela Neri

Nouvelle création jeune public de la cie Itinerrances, À pas contés, dans la forêt… est un solo chorégraphié par Christine Fricker mêlé à un court métrage (signé Yann Marquis). Lieux et personnages récurrents des contes rythment le parcours du personnage à l’écran : Elle (Yendi Nammour) s’invente un alter ego qui vit de nombreuses aventures dans la forêt de ses rêves, lieu du merveilleux qui raconte les peurs enfantines. Un imaginaire visible par tous, sauf par ellemême. Cette «jumelle» sera tentée de désobéir, ne voulant plus correspondre à l’image figée de sa créatrice. Deux mondes se côtoient, le réel et le rêvé, ce que l’on est déjà et ce que l’on rêve d’être. Un hommage à l’imagination enfantine, programmé dans le cadre de la 3e édition Minots Marmailles et Cie, dès 6 ans. A pas contés, dans la forêt… Du 14 au 21 déc Théâtre de Lenche, Marseille 04 91 91 52 22 www.theatredelenche.info

© Herve Milliard

Bienvenue dans l’univers follement inventif de Massimo Schuster ! Avec Western, il part à la conquête de l’ouest ; dans son théâtre de papier, une forme qu’il affectionne et qui permet des libertés visuelles dignes d’Hollywood, défilent cowboys et indiens, une ville et son saloon, des pistolets, des chevaux et bien sûr des histoires d’amour et de trahison, de vengeance, de suspens…

guerre est déclenchée… Très simple, la scénographie créée par Nino D’Introna est entièrement centrée sur un grand bac à sable que des jeux de lumières transforment habilement en terre jaune convoitée par des adultes belliqueux ou en terrain de jeux pour enfants possessifs. Belle métaphore de l’impossibilité du vivre ensemble, du partage de la propriété, le texte de Lise Martin met en lumière l’absurdité d’une situation qui n’a pas d’autres solutions que la violence. Une situation somme toute universelle, et si actuelle…

DOMINIQUE MARÇON

Terres ! a été joué au Théâtre des Salins à Martigues le 18 octobre © Emile Zeizig

DELPHINE MICHELANGELI

Mythique

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Qui a raison ?

© Opéra Pagaï

Avec Les Excuses de Victor, la compagnie Opéra Pagaï donne aux enfants un excellent alibi pour ne plus croire tout ce qu’ils voient ! «Ce spectacle se regarde ici et là en même temps, et toi tu regardes et tu crois ce que tu as envie» expliquent en se présentant le marionnettiste conteur, le technicien et la régisseuse qui opèrent à vue la manipulation d’un adorable théâtre d’objets miniature et des trucages vidéo élémentaires mais tout à fait pédagogiques. Arrive le petit Victor, marionnette hirsute craquante d’innocence, qui débarque avec deux heures de retard à l’école parce qu’il a perdu son doudou Ouisti Steve. S’ensuivent une série d’excuses abracadabrantesques, où la fiction se fabrique à l’aide de quatre caméras commandées en direct, transformant la réalité en deux temps trois

JEUNE PUBLIC


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JEUNE PUBLIC

AU PROGRAMME

Éclectique Après avoir organisé un temps fort petite enfance pour l’ouverture d’une crèche sur le site de La Friche, et imaginé avec Philippe Dorin «un futur plein d’avenir» en 2084, le Théâtre Massalia part à la conquête d’un trésor… Mais pas n’importe lequel ! Celui de Robert Louis Stevenson caché quelque part sur une île mystérieuse où se retrouvent Long John Silver -et sa célèbre jambe de bois-, l’enfant Jim, le docteur Livesey, Monsieur Trelawney et le Capitaine Smolett. L’île au trésor donc, magnifique roman d’aventures, d’apprentissage et de découvertes raconté par les marionnettes du Théâtre de la Poudrière. Puis les mondes imaginaires laisseront place au monde réel et à la politique avec un projet novateur, Politoï, autour de deux pièces du Teatro delle Briciole qui allient rigueur historique, humour et légèreté : Les Grands dictateurs avec Bruno Stori dans un grand monologue tragi-comique, Scholé ou le temps qu’il faut pour devenir une personne ou la rencontre entre un maître et son élève consacrée à la connaissance… Un temps libre pour évoquer la «chose publique» aux jeunes et réfléchir sur la citoyenneté, le savoir et el dialogue.

L’île au trésor Du 22 au 25 nov Z2 Festival de Zik Vu de la lune (Le Merlan), Hyphen Hyphen (Cabaret aléatoire), Sound, vision et sucré-salé (Cabaret aléatoire) Les 2, 6 et 7 déc Les grands dictateurs Du 8 au 10 déc Scholé Le 14 déc Théâtre Massalia 04 95 04 95 70 www.theatremassalia.com

L'Ile au tresor © Jeremy Voita

Entre les deux, la musique se taille une part de choix avec le Z2 Festival de Zik conçu avec Tandem et le PôleJeunePublic (29 nov-10 dec dans le Var). De la poésie rock’n roll de Abel (Vu de la lune) au concertgoûter de Markovo & Olivier Lubeck (Sound, vision et sucré-salé), en passant les enfants terribles de l’électro/dance/rock du groupe niçois Hyphen Hyphen, les musiques actuelles forment la jeunesse ! M.G.-G.

Z2 Festival de Zik 9 concerts à Six-Fours, Le Pradet, La Valette-du-Var, La Garde et La Crau PôleJeunePublic, Le Revest Du 29 nov au 10 déc 04 94 98 12 10 www.polejeunepublic.com

Chansons Malicieux Avec les Weepers Circus la récré a un goût de rock,

Haïku Adapté par Elise Clary du premier roman de

swing, jazz et boogie… Les 6 musiciens mêlent dans leurs chansons des histoires de sorcières et d’ogres déglingués, des reprises de comptines célèbres, des tours de magie… De quoi égayer les récrés ! À la récré Le 29 nov PôleJeunePublic, Le Revest 04 94 98 12 10 www.polejeunepublic.com

Maxence Fermine (éd. Arléa), Neige est un long poème, une quête d’absolu que trois personnages vont vivre. D’une image obsédante, celle d’une femme disparue dans la neige, vont naître les relations deYuko, jeune homme qui veut devenir poète, Soseki, peintre aveugle qui l’initie aux haïkus, et Neige, lien ténu qui les unit. Neige Le 19 nov Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com

© P. Stokart

Des boîtes emboîtées, déboîtées, superposées, empilées qui rangent, cachent… les tout-petits seront ravis de suivre les expérimentations de Catchou et Cécile qui analysent minutieusement leurs découvertes et les possibilités qu’elles engendrent. © X-D.R.

Frousse En sondant l’animal qui nous habite, Nathalie

Boîtes Le 30 nov Théâtre La Colonne, Miramas 04 90 58 37 86 Le 3 déc Théâtre de Fos 04 42 11 01 99 www.scenesetcines.fr Les 7 et 9 déc Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com

Pernette crée La peur du loup, fantasme par excellence né de nos peurs et désirs enfouis. Usant de technologies numériques, elle mêle à sa chorégraphie et sa danse des jeux de projections entre les corps, des images inquiétantes mais aussi fantaisistes qui finissent par libérer les corps et les esprits. La Peur du loup Le 7 déc Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

Botanique L’installation plastique et sonore de la cie Skappa !, In

1 et 2, inspirée par la recherche du jardinier-botaniste Gilles Clément, interroge la relation qu’entretient l’homme avec la nature.Avec In 1, quatre sculptures sonores et animées surprennent par les images étranges et poétiques qu’elles projettent, tel l’arrosoir qui asperge une plante de lumière… Dans In 2 des personnages aux mains vertes redessinent les contours d’un jardin féérique. In 1 et 2 Les 26 et 30 nov Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com

© Franck Gervais

Le 3 déc Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr


Ainsi font font font

Je me rappelle a toi © S. Freby

Scènes et Cinés réserve un Coup de projecteur au théâtre de marionnette du 16 au 23 nov. 7 spectacles dans 6 lieux pour savourer la richesse de l’art de la marionnette dont les disciplines et thèmes se croisent pour livrer des spectacles singuliers et audacieux. Dès le 16, au théâtre de la Colonne de Miramas, Johnny d’après Jack London par le Tara Théâtre nous promet une réflexion sociale, poétique et burlesque, sans misérabilisme, sur le droit à l’enfance (également au théâtre du Golfe de la Ciotat le 18 nov et à la salle culturelle de Simiane le 4 fév). Le 18 nov, Dormir, moi ? Jamais ! ravira le jeune public dès 4 ans avec l’histoire d’un enfant roi rythmée par un violoncelle. À Fos, Je me rappelle à toi offrira des moments magiques et fragiles, emportés dans un petit théâtre d’objets lumineux (19 et 20 nov), tout comme cette admirable Madame Bovary d’Agnès Limbos, une adaptation très réussie du roman de Flaubert en théâtre d’objets (19 et 20 nov). Le théâtre de l’Olivier, à Istres, accueillera Hand Stories (le 20 nov), un spectacle de marionnettes à gaine signé Yeung Faï qui évoque la destinée de sa famille et l’histoire universelle de la marionnette chinoise. Un ravissement pour les yeux (à découvrir également au théâtre des Salins à Martigues les 5 et 6 déc et au théâtre de Draguignan le 21 janv). Puis dans le très poétique VY la conteuse Michèle Nguyen (Molière 2011 jeune public) ouvrira le 22 nov la malle de ses souvenirs d’enfance pour démêler l’écheveau des émotions enfouies. Magic Dust sera à l’espace Robert Hossein de Grans (le 23 nov) signé par la cie azHar qui réussit un subtil équilibre des genres, entre théâtre, images numériques et marionnettes de taille humaine. DE.M.

Coup de projecteur sur le théâtre de Marionnette Du 16 au 23 nov La Colonne, Miramas, 04 90 58 37 86 Espace Gérard Philippe, Port-St-Louis, 04 42 48 52 31 Théâtre de Fos, 04 42 11 01 99 Théâtre de l’Olivier, Istres, 04 42 56 48 48 Espace Robert Hossein, Grans, 04 90 55 71 53 www.scenesetcines.fr Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com Théâtre du Golfe, La Ciotat 04 42 08 92 87 www.laciotat.com Salle culturelle, Simiane-Collongue 04 42 22 62 34 www.culture.simiane-collongue.fr


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MUSIQUE

AU PROGRAMME

Italien

Dans le cadre des 150 ans de l’Unité Italienne, ce Festival est un signe dynamique pour une Europe de la Culture : 25 Conservatoires italiens sont impliqués ! De la musique baroque à l’électronique, nos voisins transalpins présentent une série de concerts dans toute la France. Cette manifestation majeure est le miroir de Suona Francese (2008) qui avait fait connaître, en Italie, la musique française. Tissés par le ministère italien des Affaires étrangères, la Fondation Musica per Roma, le

ministère des Biens et des Activités Culturelles, les deux ambassades, ces liens veulent renforcer les croisements entre les créateurs. À Marseille, l’Institut Culturel et la Chambre de Commerce italiens proposent 4 concerts : à l’Institut Culturel, le 16 nov, Almanach des morts présumées (Conservatoire de Trapani en Sicile : voix, quatuor, bande magnétique) ; le 13 déc Venosa Jazz Ensemble : jazz napolitain décapant. Au Gmem ( organisé par le GRIM hors les murs) : le 14 déc,

musique électronique (Conservatoire Verdi de Turin) ; le 15 déc flûte et musique concrète (Conservatoire de Cagliari).

Cycles

Pianistique

Musique & littérature

Les Amours du Poète de Schumann et Les Nuits d’été de Berlioz, chantés par Jean-Christophe Maurice (baryton) avec Elisabeth Guironnet (piano). MARSEILLE. Le 18 nov à 20h30 La Magalone 04 91 39 28 28 www.citemusique-marseille.com

Fratelli

Eric (ténor) et Stefano (baryton) Venezia chantent 100% Verdi. Le 18 nov à 20h45. Auditorium du Casino HYERES. 04 94 12 80 80

Lyrique

La soprano Aude Sardier et le baryton Bernard Imbert chantent Opéra mon amour, récital lyrique d’extraits d’opéras et opérettes. TRETS. Le 18 nov. Cinéma Casino 04 42 61 23 75

Pitchouns

Le bateau de Nino, spectacle chanté conçu par Hélène Bohy mis en scène par Fabrice Guérin. MARTIGUES. Le 19 nov à 19h. En famille dès 4 ans. Les Salins 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

Sax & orgue

André Rossi (orgue) et Joël Versavaud (saxophone) dans Bach, Stanley, Haendel. LES PENNES-MIRABEAU. Le 20 nov à 16h30. Eglise St-Blaise

Municipal

Le 7e festival de Musiques baroques et classiques se poursuit avec l’orgue de l’Eglise St-Michel allié aux Cuivres du Conservatoire de Marseille dans Bach, Dukas et Gounod (le 20 nov à 16h), Siècle d’or de la Mandoline par Vincent Beer-Demander et l’Orchestre à Plectre du Conservatoire pour Vivaldi, Scarlatti et Haendel (le 27 nov à 16h), et pour conclure en majesté, le Concerto pour 4 claviers de Bach joué par Nathalie et Fabrice Lanoe, Evelina Pitti, Annie Ghiradelli, l’Orchestre du CNRR dirigé par Philip Bride(le 30 nov à 20h30). MARSEILLE. Concerts à l’Église St-Michel. Entrée libre. 04 91 14 66 76 http://opera.marseille.fr

Mélanie Zhao dans Liszt : Douze Etudes d’Exécution Transcendante (AIX. le 21 nov à 18h Conservatoire 06 16 77 60 89) ou Menahem Pressler (piano) et le Fine Arts Quartet dans Haydn, Schumann et Dvorak (LES PENNES-MIRABEAU. le 23 nov. à 19h Salle Tino Rossi 04 42 02 55 14) parmi une dizaine de concerts qui nous conduisent à la fin du festival. www.lesnuitspianistiques.com

Bel canto

Roberto Devereux (1837), chef-d’œuvre belcantiste de Donizetti est une tragédie lyrique vaguement inspirée de l’histoire d’Elisabeth 1re d’Angleterre (son ouverture est fameuse pour comporter une variante de God Save the Queen). Donné dans une version concertante, sans décor, ni mise en scène, l’art du chant rayonne : ses vocalises, aigus survoltés, cavatines tendres, lignes mélodiques suaves… Marielle Devia, Béatrice Uria-Monzon, Stefano Secco et Fabio Maria Capitani forment un magnifique quatuor vocal soutenu par les Chœurs et l’Orchestre de l’Opéra (dir. Alain Guingal). MARSEILLE .Les 22, 24, 29 nov à 20h et le 27 nov à 14h30. Opéra 04 91 55 11 10 http://opera.marseille.fr Conférences rencontres le 18 nov à 17h à l’Alcazar et le 19 nov à 15h au Foyer de l’Opéra.

Piano

Jean-Efflam Bavouzet joue le Concerto en sol de Ravel en compagnie de l’Orchestre Symphonique de l’Opéra et Giuliano Carella qui dirige également la Symphonie «Ecossaise» de Mendelssohn. TOULON. Le 23 nov à 20h30. Opéra 04 94 92 70 78 www.operadetoulon.fr

Saint-Victor

Fin du 45e festival avec André Bernard et l’orchestre I Virtuosi Italiani qui jouent la Symphonie n°4 de Mahler (soprano Li-Chin Huang) et le Septuor de Beethoven (le 24 nov) avant le Carnaval des Animaux de Saint-Saëns et le rare Dixtuor de Théodore Dubois par l’Orchestre des Siècles (le 8 déc). MARSEILLE. Église St-Cannat les Prêcheurs, 20h 04 91 05 84 48 www.chez.com/saintvictor

YVES BERGÉ

Suona italiano Institut Culturel Italien 04 91 48 51 94 www.iicmarsiglia.esteri.it

Vie musicale d’une bastide baroque premier concert d’un cycle avec des airs pour soprano (Anne Perissé dit Préchacq) et hautbois (Blandine Bacqué) de Bach et Haendel et textes de Philippe Sollers, Pascal Quignard… et vidéo. Continuo : Isabelle Chevalier (orgue) et Anne-Garance Fabre dit Garrus (violoncelle baroque). MARSEILLE. Le 25 nov. Bastide La Magalone 04 91 39 28 28 www.citemusique-marseille.com

Double-Mozart

Un opéra en création au grand Théâtre de Provence ! Après Toulon, la comédie facétieuse Le Directeur de Théâtre et la pastorale Bastien et Bastienne arrivent à Aix. Les deux opéras courts de Mozart sont réunis par Frédéric Bélier-Garcia pour une nouvelle co-production que dirige Pascal Verrot à la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Toulon. AIX. Le 25 nov à 20h30 et le 27 nov à 15h. GTP 04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net Frederic Belier-Garcia © X-D.R.


MUSIQUE 39

Bicentenaire Vladik Polionov donne une conférence sur Franz Liszt avant de laisser la place à un récital d’Anahid Ter Boghossian et de Marjorie Bourgois pour des pièces du compositeur et pianiste virtuose d’origine hongroise et également de Robert Schuman. VELAUX. Le 25 nov à 19h (conférence sur inscription à la médiathèque 04 42 46 34 00) et 21h (récital. Réserv. 04 42 87 75 00) Espace NoVa www.espacenova.com / www.velaux.fr

Méjan

Un week-end en compagnie du Quatuor Sine Nomine (le 25 nov), du Cuarteto Arriaga (le 26 nov) et du Quatuor Girard (le 27 nov à 11h). De grands classiques de Haydn, Beethoven, Schumann à Bartok, Reger et Berg. Le Mâle entendu lecture-concert mise en forme par Nancy Huston avec le Trio Viret (contrebasse, piano, batterie. le 6 déc). Prise de bec pour ensemble de saxophones (le 9 déc), le Septuor op.20 de Beethoven et l’Octuor D.803 de Schubert par les Solistes de l’Orchestre de Paris (le 11 déc à 11h – 9e Biennale de Quintette à vent).

Solidaire

Concert solidaire auquel au profit des enfants du Cambodge : Vents et chants. MARSEILLE. Le 26 nov à 15h. Église des Chartreux

Bébés

La Régie culturelle PACA programme une forme pour bébés et femmes enceintes par l’ensemble Télémaque : Raoul Lay a composé une partition apaisante et nocturne, à écouter dans l’intimité d’une tente, sans parole, avec juste des sons, la voix, des lumières… (voir tournée p13). RÉGION. Du 27 nov au 16 déc www.laregie-paca.com 04 91 39 29 13 www.ensemble-telemaque.com Nokto © Pascal Perennec

Récital de mélodies françaises (Duparc, Debussy) et création de Un brasier d’étoiles de Lionel Ginoux par Cynthia Ranguis (soprano) et Marion Liotard (piano). MARSEILLE. Les 25 et 26 nov Théâtre du Parvis des Arts 04 91 64 06 37 Exposition Danielle Lorin Chrysalides et autres petits monstres Vernissage le 25 nov à 19h

Swing

La chanteuse de jazz Elizabeth Kontomanou avec Laurent Courthaliac au piano. MARSEILLE. Le 25 nov. à 21h. Station Alexandre 04 91 00 90 00 www.station-alexandre.org

Festival

L’association Jade/Compagnie Henri Agnel propose le festival (3e édition) La Dame, L’Amour, Le Vin, des musiques de la grande Méditerranée ARLES. Les 25 et 26 nov. Église des Frères Prêcheurs 04 90 54 34 39

Opérette

L’Orchestre Philharmonique de Marseille dirigé par Benjamin Pionnier interprète des extraits d’opérettes avec Jacques Duparc, Catherine Dune, Anne Constantin, Francis Dudziak. MARSEILLE. Le 26 nov à 20h. Opéra. Entrée libre sur réserv 04 91 55 11 10 http://opera.marseille.fr

Une semaine consacrée à l’instrument : expo, stages, colloques, performances, concerts… MARSEILLE. Du 28 nov au 3 déc. Cité de la musique 04 91 39 28 28 www.citemusique-marseille.com

Trio

Le Trio Dali joue Mozart (Trio K.542 en mi majeur), Ravel (Trio en la mineur) et Beethoven (Trio op. 70 n°1 en ré majeur). MARSEILLE. Le 29 nov. Auditorium Faculté de médecine 04 96 11 04 60 www.musiquedechambremarseille.org

Liszt 3

3e concert du cycle des «Raretés» du compositeur par Philippe Gueit. Des opus de la fin de l’existence de Liszt qui annoncent le XXe siècle. MARSEILLE. Le 2 déc La Magalone 04 91 39 28 28 www.citemusique-marseille.com

ARLES. Concerts à la Chapelle du Méjan 04 90 49 56 78 www.lemejan.com

Stellaire

Mandoline

Saisonnier

À cette période de l’année, les Chœurs de Provence donnent deux concerts. Cette saison : Lauda Sion de Mendelssohn et Magnificat de Schönherr. MARSEILLE. Le 27 nov. à 17h Église Notre-Dame du Mont AIX. Le 4 déc à 16h30 Chapelle du Lycée du Sacré Cœur

Thaïs par Mula

L’opéra Thaïs de Massenet baigne dans un climat sulpicien, typique de l’époque (1894), et une volupté sonore unique où les airs fameux, comme la célèbre « méditation » religieuse confiée au violon seul, brillent au firmament des constellations classiques. On ne manque pas Inva Mula dans le rôle de cette courtisane convertie au christianisme et mourant dans la rédemption. En compagnie du baryton Marc Barrard (le moine Athanël) et Florian Laconi (Nicias), la grande soprano est dirigée par Jean-Yves Ossonce dans une nouvelle production signée Nadine Duffaut. AVIGNON. Le 27 nov à 14h30 et le 29 nov à 20h. Opéra 04 90 82 42 42 www.operatheatredavignon.fr

Conte

Georges Aperghis met en musique Le petit chaperon rouge dans l’ancienne version de 1697 de Charles Perrault… et ça finit mal. Avec les comédiens-musiciens de l’Ensemble Reflex. AIX. Le 28 nov.à 19h au Jeu de Paume. Dès 6 ans 0 820 000 422 www.lestheatres.net

«Neige rien»

Spectacle musical sur des poèmes de Valérie Rouzeau. MARSEILLE. Le 2 déc.à 18h30 (rencontre) et à 19h30 (concert) Auditorium Bibliothèque départementale www.biblio13.fr 04 13 31 82 00

Tournée

Bientôt vingt ans que le Conseil Général des Bouches-du-Rhône organise la tournée Les Chants de Noël ! Dans son église de village ou de quartier, on accède à des concerts gratuits, de haut niveau, qui élargissent notre univers culturel. 55 concerts sont au programme, pour cinq productions différentes : la moitié à Marseille le reste dans les communes du département. Ils s’achèvent au pied du sapin, juste avant la dinde aux marrons : Noël swing, Noël des Amériques, Noëls nomades, Noël napolitain et Noël de l’Europe baroque balayent de vastes champs stylistique, historique et géographique. Les Chants de Noël du CG13 du 3 au 23 déc. Entrée libre www.culture-13.fr

Hommage

Au ténor Georges Luccioni (en présence de l’artiste). MARSEILLE. Le 3 déc. à 15h. Foyer de l’Opéra 04 91 55 11 10 http://opera.marseille.fr


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MUSIQUE

AU PROGRAMME

Top Russe

Échos de la Folle Journée de Nantes de René Martin, La Folle Nuit nîmoise reprend pour thème la musique russe de Tchaïkovski ou Rachmaninov, met à l’honneur en particulier celle des «Cinq» (Balakirev, Cui, Rimski-Korsakov, Borodine, Moussorgski) et les générations suivantes de Scriabine à Stravinsky, Prokofiev, Chostakovitch. Les artistes invités sont au top ! Andrei Korobeinikov et Adam Laloum (piano), Dmitri Makhtin (violon), Henri Demarquette (violoncelle) et le Quatuor Ardeo. NÎMES. Le 3 déc à 20h. Lieu à préciser 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

Vents

Frédéric Baron (basson), Renaud Taupinard (cor), Daniel Paloyan (clarinette), Thomas Saulet (flûte) et Bernard Giraud (hautbois) forment le Quintette à vent de Marseille qui, depuis de nombreuses années, constitue la cheville ouvrière de la Biennale internationale de Quintette à vent attendue par les amateurs d’anches et d’embouchures. En compagnie de l’Harmonie municipale d’Aubagne, l’ensemble joue, entre autres, une œuvre spécialement commandée par l’Institut Français des Instruments à Vents : Comptinerie de François Michels. AUBAGNE. Le 3 déc. à 21h. Comoedia 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr

Des Equilibres

Agnès Pyka (violon) créatrice de l’ensemble Des Equilibres (voir p71) et Edouard Sapey-Triomphe (violoncelle) jouent la Sonate de Ravel et le Duo opus 7 de Kodaly. DRAGUIGNAN. Le 3 déc. Théâtre 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com

Violoncelle

Anne Gastinel, formidable violoncelliste française joue le Concerto en mi mineur d’Elgar en compagnie de l’Orchestre philharmonique de Marseille et Jonathan Weeb qui dirige également la 5e symphonie de Chostakovitch. MARSEILLE. Le 4 déc. à 17h. Opéra 04 91 55 11 10 http://opera.marseille.fr

Chambre

Le Quatuor Artémis joue le Quatuor en ré majeur op.76 n°5 de Haydn, le 1er Quatuor de Bartok et l’unique Quatuor de Ravel. AVIGNON. Le 6 déc Opéra 04 90 82 42 42 www.operatheatredavignon.fr

Ballades

Des chansons de Louis Armstrong, Woody Guthrie, Ray Charles, les Animals, Elvis Presley, Kurt Cobain… «Ballades» revues par Dick Annegarn. CAVAILLON. Le 6 déc. Théâtre 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com

D’Ascoli On ne s’arrête plus depuis longtemps à la cécité de Bernard d’Ascoli. C’est un grand pianiste virtuose qui a dépassé, comme quelques uns de ses pairs (voyants), les problèmes techniques de son instrument pour façonner de vraies interprétations personnelles. On l’attend dans Liszt, la Bénédiction de Dieu dans la solitude (Harmonie Poétique et Religieuse n° 3), Jeux d’eau à la Villa d’Este (3e Année de pèlerinage), La leggierezza (étude de concert n° 2), mais aussi la 32e Sonate de Beethoven et les 4e Ballade en fa mineur op. 52, Andante Spianato et Grande Polonaise Brillante op. 22 de Chopin. MARSEILLE. Le 6 déc au Théâtre Toursky 0 820 300 033 www.toursky.org

Selon Brook

Choral

Le Chœur Carpe Diem chante Mozart (Six Nocturnes) et Gounod (Gallia) sous la direction de Michèle Arnaud. AIX. Le 6 déc à 19h. Chapelle des Oblats 04 42 99 37 11 www.orphee.org

M.I.M.

Solange Baron (accordéon) et Nicolas Bauffe (flûte) jouent des pièces avec électroacoustique, interactive audiovisuelle de Franck Dufour, Philippe Bootz et Marcel Frémiot, Philippe Festou, Pascal Gobin… (laboratoire Musique et Informatique de Marseille - www.labo-mim.org) MARSEILLE. Le 8 déc. Auditorium de la Cité de la Musique 04 91 39 28 28 www.citemusique-marseille.com

Premières

Télémaque vient jouer à Marseille avec ses compères de l’orchestre européen contemporain (ECO), à l’estaque, pas très loin du Pôle Instrumental contemporain où l’ensemble va s’installer : Looking for ECO, un concert de créations, en attendant l’ouverture… MARSEILLE. Le 9 décembre à l’Alhambra 04 91 39 39 13 www.ensemble-telemaque.com

Baroque

Le théâtre de Nîmes, après le Ring wagnérien et avant La Belle Hélène d’Offenbach accueille le «Molière 2011» du Théâtre Musical. Une Flûte enchantée adaptée librement de Mozart et Schikaneder par le metteur en scène octogénaire Peter Brook (après Les Noces de Figaro et Don Giovanni), est accompagnée au piano et jouée par une troupe de chanteurs et de comédiens. Les Varois se déplaceront quant à eux du côté d’Ollioules pour la découvrir.

La compagnie Les Bijoux Indiscrets, Etienne Mangot (violoncelle) et Claire Bodin (direction) jouent des Sonates de Vivaldi.

Chateauvallon. Du 8 au 10 déc. Amphithéâtre 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com NÎMES. Les 13 déc à 20h et le 14 déc à 19h. Théâtre 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

Manu Théron (chant) Bijan Chemirami (zarb et daf) et Tarek Abdallah (oud) improvisent et réinventent l’art médiéval du Trobar, développent et s’inspirent de mélodies du XIIIe siècle, réconcilient orient et occident, savant et populaire, poésie et musique…

Une flute enchantee © P. Victor - Dima Bawab et Thomas Dolie

TOULON. Le 9 déc à 19h. Foyer de l’Opéra 04 94 92 70 78 www.operadetoulon.fr

Troubadours

MARSEILLE. Le 9 déc Auditorium de la Cité de la Musique 04 91 39 28 28 www.citemusique-marseille.com

Fête Djazz-Oratorio

Drame lyrico-jazz avec le quintette Sudaméris, le slam d’Aïssa Mallouk et un ensemble vocal (dir. Marylène Olivier). MARSEILLE. Le 5 déc. Auditorium de la Cité de la Musique 04 91 39 28 28 www.citemusique-marseille.com

La municipalité phocéenne propose à nouveau concert gratuit pour noël. MARSEILLE. Le 9 déc à 20h30 Église Saint-Michel (sans réservation - placement libre). 04 91 55 11 10

En trio

L’ensemble instrumental Da Camera joue des Sonates en trio de Loeillet, Haendel, Bach… MARSEILLE. Le 9 déc Entrée libre


Harmonie

L’Orchestre d’Harmonie donne son concert de la Sainte Cécile. LAMBESC. Le 10 déc. à 18h. Salle Sévigné. Entrée libre

Piccolo slave

Compositeurs de l’Est de l’Europe par Jean-Louis Beaumadier (piccolo) et Christelle Abnasr (piano). MARSEILLE. Le 10 déc. à 17h. Foyer de l’Opéra 04 91 55 11 10 http://opera.marseille.fr

Phi-Phi

La compagnie Les Brigands, depuis dix ans, exhume avec succès des ouvrages peu joués d’Offenbach (Barbe-Bleue, Geneviève de Brabant, Le Docteur Ox, Les brigands), ou des opérettes des Années-folles : Ta Bouche de Maurice Yvain, Toi c’est moi de Moïse Simmons. C’est avec l’esprit léger, propre à l’après Grande-guerre, qu’elle produit Phi-Phi d’Henri Christiné, pièce en chansons, bourrée de calembours et double-sens grivois, créée aux Bouffes Parisiens en 1918 et narrant l’histoire pastichée du sculpteur grec Phidias atteint par le démon de midi au siècle de Périclès. Johanny Bert évite les incontournables poses égrillardes en transposant la mise en scène en théâtre de marionnettes. TOULON. Le 10 déc. à 20h30 et le 11 déc. à 16h Théâtre Liberté 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr

Nativité

Des Cantates de Noël de Bach autour du thème de la Nativité pour cinq solistes et orchestre avec l’ensemble Ricercar Consort dirigé par Philippe Pierlot. NÎMES. Le 10 déc à 20h. Église Sainte-Perpétue 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

Orgue

Les auditions du marché, le 2e mardi de chaque mois à la mi-journée. En décembre, c’est l’organiste Annick Chevalier qui passe à la console. MARSEILLE. Le 13 déc à 12h30. Église Notre-Dame du Mont Entrée libre

Sept & huit

Le Septuor op.20 de Beethoven et l’Octuor D.803 de Schubert par les Solistes de l’Orchestre de Paris dans le cadre de la 9e Biennale de Quintette à vent. MARSEILLE. Le 13 déc Auditorium Faculté de médecine 04 96 11 04 60 www.musiquedechambremarseille.org

Octuor

Les huit chanteurs de l’ensemble londonien Voces8 interprètent a cappella, avec jubilation et originalité, des chants traditionnels de noël, Palestrina, Holst, Mendelssohn. MARSEILLE. Le 13 déc. Le Gymnase 0 820 000 422 www.lestheatres.net

Voix russes

Chœur orthodoxes, chants traditionnels de Noëls russes par Les nouvelles voix de St Petersbourg (dir. Mikhaïl Golikov). TOULON. Le 13 déc Église Saint-Jean Bosco 04 94 18 53 07 www.festivalmusiquetoulon.com

Traditionnel

Programme de Noël avec la pastorale d’André Campra.

Autour de la danse

Récital de piano de Guillaume Coppola et Jérémie Honnoré dans Chopin, Brahms, Granados et Dvorak. SALON. Le 11 déc à 15h. Abbaye de Ste-Croix 04 90 56 24 55 www.musiquealabbaye.com

Provence

Musiques provençales, Trabadores provenzales, chants à la vierge par l’Ensemble Amadis. VENELLES. Le 11 déc à 17h Église 04 42 54 16 16

Duo

Récital de piano et violon avec Christine Généraux et Yves Desmond. MARSEILLE. Le 12 déc. à 18h30 Conservatoire Entrée libre 04 91 55 35 74

Electroacoustique

Les Acousmonautes invitent le compositeur Michel Pascal. Avec la participation de Claude Crousier (clarinette), Philippe Renault (trombone), Pascal Gobin (guitare électronique). MARSEILLE. Le 12 déc. à 18h15 (rencontre médiathèque) et 20h30 (concert - auditorium) 04 91 39 28 28 www.citemusique-marseille.com

AIX. Le 14 déc Eglise réformée évangélique 0 4 42 99 37 11 04 42 99 37 11 www.orphee.org

Serge

Philippe Duquesne fait revivre L’homme à la tête de chou, ses chansons, ses tics… Par hasard et pas rasé mis en scène par Camille Grandville, en compagnie d’un groupe de musiciens, sera ensuite à la Criée. NÎMES. Les 15 et 16 déc. Odéon 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

C.N.I.P.A.L

Récitals du Centre National d’Insertion des Artistes Lyriques. MARSEILLE. Les 14, 15 et 16 déc. à 17h 15. Opéra 04 91 18 43 14 http://opera.marseille.fr AVIGNON. Le 17 déc. à 17h. Opéra 04 90 82 42 42 www.operatheatredavignon.fr JACQUES FRESCHEL


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MUSIQUE

LYRIQUE

Vérone ivoirine truculente quand Nicolas Testé, grâce à une déclamation noble, optimise le personnage de Frère Laurent. La distribution, à l’image du baryton Pierre Doyen (Mercutio) ou d’Eduarda Melo, travestie en Stéphano, magnifie le chant français. Sur la scène, le blanc domine (murs, costumes du chœur), peut-être pour accentuer le contraste entre la pureté d’un amour juvénile et la cruauté du drame, l’aveuglement de la vengeance, la morbidité des combats... Sur ce fond immaculé, des colonnes dorées, de somptueux costumes colorés se détachent et les lumières passent d’un bleu nocturne au noir abyssal du tombeau.

Pour apprécier à sa juste mesure la nouvelle production marseillaise du Roméo et Juliette de Gounod, il faut faire abstraction de l’interprétation de couples légendaires. Le fait est que le succès de l’ouvrage repose a priori sur le duo incarnant les amants de Vérone. Si Patrizia Ciofi est une tragédienne née, sa voix semble fatiguée. Elle lance courageusement ses aigus, mais ne s’y attarde pas ! Nonobstant, sa grande scène du 4e acte, jouée avec énergie, recueille un succès mérité et fait oublier un «Je veux vivre…» décevant. Le jeune ténor roumain Teodor Llincai l’emporte à l’applaudimètre grâce à un timbre d’airain, des aigus de stentor et un bon usage de la mezza-voce, mais il devra gagner en naturel et intelligence sur le texte pour émouvoir davantage. À leurs côtés Isabelle Vernet joue une nurse

JACQUES FRESCHEL

Roméo et Juliette a été représenté du 11 au 19 octobre à l’Opéra de Marseille © Christian Dresse

Chaleur ibérique

Maria Bayo © X-D.R.

Dans le sillage de ses célèbres compatriotes, Maria Bayo perpétue cette tradition de beau chant. Elle a offert le 6 novembre à l’Opéra de Marseille un programme de musique espagnole avec des clins d’œil antillais : Cinco Canciones Negras de Xavier Montsalvatge, sublimes pépites, dont la Cuna (berceuse), pizzicati des cordes sur mélodies chaloupées, est un moment de bonheur. Le Caléidoscope symphonique du même compositeur est une pièce de Ballet, polytonale, privilégiant les bois. Dans Poema en forma de Canciones de Joaquín Turina, Maria Bayo poitrine des «Ay» ornés, très andalous rappelant le Polo de Manuel de Falla. Puis distille de sa voix souple chaque intention dramatique ; les aigus manquent parfois

d’éclat, mais la maîtrise de la ligne est parfaite. L’orchestre, dirigé chaleureusement par Ernest Martínez Izquierdo, est enlevé. Chaque pupitre apporte ce mélange fascinant de timbres, d’accents. On découvre les merveilles mélodiques de Jesús Garcia Leoz, Gerónimo Giménez, Manuel Fernández Caballero, dans des extraits de Zarzuelas, genre typiquement espagnol, mêlant texte, danse, chant. La Salida de Cecilia de Gonzalo Roig, permet à la soprano une danse envoûtante sur des rythmes de Habanera. L’orchestre est déchaîné, le public se régale. Initiative originale pour découvrir la richesse de cette musique et ses prolongements. YVES BERGÉ

Océan Vocal Naturellement Insolent Balakirev !), puis graves, sombres ou sensuelles (le merveilleux Désir de César Cui !). Borodina adapte sa voix magique, airain mêlé de velours, à ses atmosphères contrastées. Graves somptueux, aigus pleins, pianissimi planants : une incroyable palette de beautés sonores. La deuxième partie, plus audacieuse, nous fait découvrir les dissonances de Gueorgui Sviridov et le cycle Spanish Songs de Chostakovitch : ornements, lignes orientalisantes rappelant Ravel, Granados. Entre Moscou et Séville, les envolées lyriques sont tout aussi maîtrisées. En bis, la surprise vint de

Olga Borodina © Marty Umans

Olga Borodina est un OVNI ! Depuis le célèbre Théâtre Mariinsky de ses débuts, à Saint Petersbourg, jusqu’aux plus grandes scènes internationales, Olga Borodina offre son timbre magnifique aux spectateurs toujours étonnés. Sa somptueuse Dalila de la saison passée, à Marseille, est dans toutes les mémoires. Le Groupe des Cinq au complet (Rimsky, Moussorgsky, Balakirev, Borodine, Cui) constituait la première partie de ce récital du 13 oct à l’Opéra de Marseille : des mélodies riches, frétillantes (Clair de lune impressionniste et dansant de

Falla avec sa berceuse issue des Sept chansons populaires «Nana» que Borodina distilla comme l’intimité d’une caresse : un «au revoir», ciselé, subtil après ses insolentes plénitudes. Le pianiste Dmitri Yefimov fut tout au long du récital un complice majeur, remarquable, sobre, sans emphase et si présent. Le public debout réclama Dalila, bien sûr ! «Mon cœur s’ouvre à ta voix». La Volga vint nous envouter… Y.B.


MUSIQUE

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Tétralogie de poche... …mais la poche reste conséquente ! On a parfois envie de penser follement que la musique a été inventée pour que Wagner la déploie dans toute sa complexité et la donne à voir généreusement ; ce sont pourtant retenue et simplicité qui fondent le projet de Ring Saga, «réduction» musicale de la Tétralogie à 9 heures de spectacle opérée dans les années 90 par Jonathan Dove et Graham Vick. Le théâtre de Nîmes en accueillait l’intégrale les 5 et 6 nov sous la direction musicale de Peter Rundel et dans la mise en scène d’Antoine Gindt. Une réduction destinée à contrecarrer la formule lapidaire de Rossini… «de beaux moments mais de bien mauvais quart d’heures» ? Le grand orchestre wagnérien est ramené à 18 musiciens, mais les miracles existent au Walhalla et le Remix Ensemble Casa da Musica sonne à merveille dans le contexte wagnérien : contre toute attente, les héros étaient aussi dans l’orchestre. Les coupes claires de la partition ne laissent pas les bords à vif : l’Ensemble fait sonner les couleurs de la harpe, de la flûte et du hautbois qui n’enlèvent rien aux cuivres traditionnellement wagnériens. Destinée à des lieux sortant de l’institution lyrique, la mise en scène parachève la «réduction» et présente des décors épurés basés sur deux plateaux obliques séparés par une travée au service de la symbolique : Le Rhin, une grotte, une hutte, un passage… Un double plateau quasiment vide, à «entrailles», d’où montent les chanteurs en se hissant, où chantent les filles du Rhin, où disparaîtra l’anneau dans des flots bien sombres qui recouvrent tout. En fond de scène sont projetés des motifs schématisés qui créent une sorte de mouvement du dedans : lever de rideau dessiné avec un pinceau de lumière, images captées et bouleversées qui accompagnent la mort mentale de Siegfried, visages au ralenti de Brünnhilde ; rien d’illustratif, un accompagnement visuel de la musique et du chant. Les chanteurs semblent obéir à un leitmotiv spatial et glissent sur le plateau quasiment en apesanteur.

L'Or du Rhin © Philippe Stirnweiss

À partir de ces fondamentaux se développe l’argument en trois jours et quatre représentations : réécrite par Wagner, la mythologie nordique donne corps à l’appât de la richesse et du pouvoir, symbolisés par la possession de l’anneau du Nibelung, maléfique, qui mènera à l’anéantissement final. Inceste, lâcheté, tromperie mais aussi quête de l’absolu, rédemption par l’amour et les sentiments nobles font de ces pages une illustration saisissante de la destinée humaine, rappelant d’autres chevauchées économiques et arrangements internationaux… Un monde de Fricka où Siegfried en sale gosse fait son apprentissage initiatique au sein des leitmotivs. Dans cette configuration, avec un orchestre qui n’est pas en fosse, les voix tiennent leur rôle de mélodie continue mais ne sont pas toujours comprises : la voix de Piia Komsi-

Brünnhilde, soprano colorature finnoise pleine de grâce, est trop souvent couverte par le flot instrumental, seule faiblesse perçue dans la distribution. Mais depuis la pédale fascinante en mib majeur du prologue de l’Or du Rhin jusqu’à l’embrasement lumineux de la conclusion du Crépuscule des Dieux en passant par l’incontournable Chevauchée des Walkyries, on se laisse embarquer dans cette production démesurée, mise à portée des hommes. Rassurons donc Woody Allen : nulle envie «d’envahir la Pologne» après une telle leçon de mesure et de subtilité ! PIERRE-ALAIN HOYET ET MARIE-JO DHO

Étoiles méridionales Maria cristina Kiehr et Jean-Marc Aymes © Catherine Peillon

Alors que de l’autre côté du Vieux-Port, la diva russe Olga Borodina triomphe à l’Opéra municipal, une chanteuse d’un autre gabarit distille ses couleurs vocales finement cuivrées dans un répertoire baroque peu commun, quoique lié à notre région. En l’église bordant la rue de la République, au son des violes, violons et claviers de l’ensemble Concerto Soave (dir. Jean-Marc Aymes), MariaCristina Kiehr ornemente habilement les courbes gracieuses de Campra, soupire aux déplorations de Villeneuve… Au-delà d’un intérêt purement esthétique, le deuxième récital du festival de St Victor est le fruit d’une collaboration avec le Comité du Vieux Marseille qui fête son centenaire. Il propose deux

recréations : un motet de Chalabreuil et deux extraits d’un magnifique Dies Irae d’Alexandre Loüet, partition de la Bibliothèque Nationale exhumée par le musicologue Marcel Frémiot. Cette page de style «opéra» montre cependant les limites d’un chant trop «à plat», alors qu’on préfèrerait une vocalité mozartienne plus lyrique. On apprécie également le jeu élégant et l’expression tendre de la violoniste Marie Rouquié dans des pièces instrumentales de Buffardin et Vachon, autres étoiles baroques locales. J.F.

Marseille et la Provence baroque, concert donné le 13 octobre à St-Cannat les Prêcheurs


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MUSIQUE

LYRIQUE | RÉCITALS

Suonare si Pour son premier concert de la saison, le Festival de Toulon a eu l’audace de proposer aux auditeurs un répertoire peu familier de chansons écrites à la mode Napolitaine par des compositeurs italiens du XVIe siècle. Comme c’est souvent le cas avec ce type de répertoire que le mélomane se plaît à fantasmer faute d’enregistrements convaincants, la vérité musicologique de l’interprétation relève avant tout des choix esthétiques et techniques opérés par les interprètes. Les musiciens de l’ensemble Suonare e cantare ont voulu relever ce défi, et ont proposé au public venu en masse une vision singulière mais discutable de ce répertoire. On pouvait en effet être surpris par le choix du lieu du concert qui ne se prêtait sans doute pas au mieux à ce type de répertoire, mais assez curieusement l’acoustique s’est révélée propice à la découverte de sonorités instrumentales inattendues, fondues en une belle harmonie de timbres délicieusement surannés sur instruments d’époque. Malheureusement, l’immensité de la salle Albert Camus dans le nouveau Théâtre Liberté ne rendait pas du tout grâce à la voix du chanteur soliste, Francisco Orozco, qui tout en joignant le geste à la parole avec une implication physique évidente ne valorisait pas

© Francoise Enock

ce répertoire, malgré un timbre très travaillé oscillant allègrement entre le nasillard et l’engorgé. Ainsi, la voix sonnait poussif alors même que la frivolité ou la grivoiserie des textes chantés

auraient mérité une interprétation plus vigoureuse, et une théâtralité plus assumée. ÉMILIEN MOREAU

Opérette au congrès Pour la première opérette de la saison de l’Odéon, délocalisée pour cause de travaux au Palais des Congrès, l’auditorium est plein : La route fleurie de Francis Lopez fut immortalisé par Georges Guétary, Bourvil et Annie Cordy en 1952 ! Devant un mur de 1200 personnes, la jeune troupe n’est pas impressionnée, et les numéros fantaisistes de Charlotte Filou et Grégory Juppin font mouche («Da ga da Tsoin Tsoin», «Les haricots», «Pas d’chance»…) quand le jeunepremier Alain Tournay déçoit. Hormis le soprano d’Amélie Robinault (Mimi),

c’est du côté de l’excellent Chœur Phocéen (dir. Rémy Littolf) qu’on entend les voix les plus lyriques. Aux sons d’un orchestre délicat qui, hors fosse, sait jouer en sourdine, les interventions chorégraphiées et les petits rôles assumés participent au succès d’un spectacle (mise en scène Jacques Gervais) dont le kitsch revendiqué fait sourire… J.F.

Boris Mersson 90 ans, dirige le petit Nicolas, 13 ans, sous l’œil avisé de son père, Michel Bourdoncle : jeu de regards, fuite du temps, passage de relais entre le «vieux» chef, encore assez performant au piano dans le concerto Le couronnement de Mozart, et le novice, à l’aube de sa carrière. L’ombre de la figure patriarcale, déjà oppressante, enveloppe la scène quand le père prend la baguette pour diriger sa progéniture dans le premier concerto de Liszt. Les notes défilent, les traits se dénouent, l’élève apprend le métier, se forge une carapace. Et rentre la grande Evelina Pitti… Sous ses doigts de concertiste affirmée se déroule le deuxième concerto du maître hongrois : le geste est sûr, les phrases sont belles, la musique jaillit des gerbes de notes enflammées. Dans les coulisses, l’enfant écoute et mesure, à l’aune de cette grande interprétation, le chemin qui lui reste à parcourir. Dernière image, tous sur scène, main dans la main, ou l’allégorie de la transmission du savoir. C.F.

Concert donné le 22 octobre dans le cadre des nuits pianistiques au Jeu de Paume, Aix

Evelina Pitti © Gerard Pau

De génération en génération

Chœur singulier En début de saison le 18 oct, l’Opéra-théâtre d’Avignon a reçu Sigiswald Kuijken accompagné des musiciens de l’Académie Baroque européenne d’Ambronay. Dans la Messe en si mineur de Bach, les voix remarquables, une exactitude et une homogénéité extraordinaires dans les départs et arrêts, des cordes merveilleuses, des bois enchanteurs ont participé à une interprétation riche en couleurs… altérées par des sonorités fausses aux clairons et au cor. Leurs interventions ponctuelles, mais fréquentes, ont souvent brisé le charme. Et si, l’extraordinair Christe Eleison, les chœurs Crucifixus etiam pro nobis et Et exspecto resurrectionem mortuorum du Symbolum Niceum ont ému, le mot «chœur» employé et voulu par Bach n’a pas eu sa place à l’Eglise St-Pierre : en guise d’ensemble choral, 4 ou 5 solistes en chantaient les parties… restituant malgré tout la force exceptionnelle de cette œuvre emblématique, testament musical du Kantor. Il est toujours agréable d’accueillir sur des scènes régionales des grands noms, et Kuijken en est un ! CHRISTINE REY


MUSIQUE

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Temps suspendu Le monument des Années de pèlerinage de Liszt impressionne par la durée (trois heures) et les difficultés monstrueuses de la partition, tant par la rapidité des traits, des trilles, des mouvements arpégés, que par la multiplicité des registres, et la finesse d’interprétation qu’elle réclame. C’est un défi de l’aborder, surtout dans la version intégrale en live (le pianiste vient de les enregistrer, voir p 70). Performance aux enjeux esthétiques autant que physiques ! Voguant entre l’élégie, l’expression de la passion amoureuse et du sentiment religieux, Bertrand Chamayou nous convie, avec une éblouissante virtuosité, à une plongée dans l’univers de Liszt qui narre ses voyages en Suisse (1er livre), puis en Italie (2e livre), aux côtés de la charmante Marie d’Agoult. À l’interdit qui frappe ces amours répond la passion, trois enfants, des lieux complices, un élargissement littéraire avec l’évocation de Pétrarque, poète de la métaphore amoureuse par excellence, ou de Dante… Marie, nouvelle Béatrice ? Ces deux premières parties ont un caractère brillant et virtuose, les mains du pianiste volent sur le clavier ou s’y appesantissent avec la douceur d’une caresse. Conjugaison parfaite de l’empâtement et de la légèreté… La 3e partie (livre 3)

Bertrand Chamayou © Richard Dumas - Naive

Pluie enchantée

est plus recueillie, plus intime, le musicien poète se replie sur une conscience de soi empreinte de spiritualité : il a rejoint l’ordre des Franciscains en 1865. Bertrand Chamayou rend sensible l’aspiration à ce développement plus intérieur par un

Vivaldifiant ! La talentueuse formation de chambre de l’Akadémie für alte musik Berlin et le somptueux violoncelliste JeanGuihen Queyras auront fait taire les

mauvaises langues qui accusent Vivaldi d’avoir composé cent fois le même concerto ! Chaque pièce, forte d’un motorisme rythmique halluciAkademie fur Alte Musik © Kristof Fischer

jeu nettement plus dépouillé, d’une autre virtuosité, comme envolée… MARYVONNE COLOMBANI

Les Années de Pèlerinage de Liszt par Bertrand Chamayou au théâtre des Salins de Martigues le 10 novembre

nant, est un modèle d’inventivité, que ce soit au niveau du langage, dans la fugue du concerto en ré.m, de l’agogie, pour les contrastes de tempi étonnants dans le concerto en mi.m ou de la mise en espace, dans la pièce pour deux violons RV 565. Un Antonio en cachant un autre, Caldara fut mis également à l’honneur, permettant à l’auditoire d’apprécier toute la finesse et l’habileté technique du compositeur italien, notamment dans la fugue de la Sinfonia 12, dont le sujet repose sur un surprenant intervalle de septième ! Mais, incontestablement, les talents de rythmicien de Vivaldi, magnifiés par l’interprétation croustillante des musiciens, laissent le public du GTP savourer l’ivresse de moments rares… CHRISTOPHE FLOQUET

Concert donné le 20 octobre au GTP

Pluie torrentielle dehors, fluidité virtuose au théâtre… Une matinée de bonheur que celle offerte le 6 novembre par le compositeur et interprète marseillais Cyprien Katsaris au public du Comoedia d’Aubagne. Dans un programme où Liszt règne sans partage, de la superbe improvisation sur des thèmes du compositeur hongrois à ses transcriptions de lieder de Schubert, Sérénade, Le meunier et le ruisseau, l’Ave Maria. Richesse de la recherche, subtilité de l’agencement des thèmes, intelligence de la partition, lecture personnelle et sensible des œuvres dans un jeu virtuose jamais gratuit, et là-dessus un sourire à la fois malicieux et émerveillé… On se laisse conduire dans l’œuvre de Liszt, de ses morceaux d’avant-garde qui explorent les limites musicales de son temps, à son interprétation des poètes, Toni Raab, Lamartine, aux rapsodies hongroises où la musique populaire se fond au travail savant. Enfin, cadeau de l’artiste, l’interprétation pour la première fois en Europe de son adaptation du Concerto pour piano et orchestre n° 2 en la majeur. Une puissance qui s’apaise dans le rappel sage et délicat de la transcription par Ziloti d’un prélude de Bach. Quelle saveur la pluie ! MARYVONNE COLOMBANI

Cyprien Katsaris © X-D.R.


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MUSIQUE

SYMPHONIQUE

Yin et Yang Francois-Xavier Roth © Agnes Mellon

Deux compositeurs contemporains, deux regards sur le monde : la Dante symphonie de Liszt et Harold en Italie de Berlioz puise à la même source d’inspiration, l’Italie. Celle de Dante, où les vers de la Divine Comédie prirent vie musicalement à travers la frénésie orchestrale incarnée par les cuivres et les tutti instrumentaux symboles de l’Inferno puis, par le truchement de mélodies diatoniques diaphanes portées par les cordes dans le Purgatoire trouvant leur salut dans un divin Magnificat empreint de spiritualité, sublimé par les voix angéliques de la Maîtrise des Bouches-du-Rhône. Et l’Italie du compositeur français, douce rêverie mélancolique fruit de pérégrinations dans les Abruzzes,

occasion pour Berlioz de montrer toute sa science de l’orchestration. Une palette de timbres inouïs, alchimie d’associations sonores inhabituelles, jaillit de l’Ensemble les Siècles et vint se mêler au grain de l’alto, splendide Stradivarius transcendé par le jeu d’Antoine Tamestit. L’intelligence et la finesse d’interprétation de François-Xavier Roth dévoila au public aixois du GTP la modernité du grand Hector et vint confirmer l’adage : nul n’est prophète en son pays ! CHRISTOPHE FLOQUET

Concert donné le 13 octobre au GTP

Tanz contre danses Le couple franco-allemand mène la danse… de Cour Reinhard Goebel, à la tête de l’Orchestre français des jeunes baroques, opta les 5 nov pour une découpe bipartite des Caractères de la danse, isolant d’un côté la paire Rebel-Campra et de l’autre Haendel-Bach. Binarité primaire, à l’image de nombreuses danses du baroque tardif, qui

s’inscrit certainement de la part du chef dans une démarche didactique visant à montrer combien la danse, symbole de pouvoir à la cour de Louis XIV, fut un formidable vecteur d’inspiration chez les compositeurs allemands. Mais l’ancrage de la musique dans un utilitarisme scénique, miroir de la fatuité du monarque qui se voulait soleil, éclata dans les quatre Pièces de Ballet du compo-

siteur versaillais -Rebel le mal nomméou dans les Fêtes vénitiennes de Campra l’Aixois : alternances rythmiques basiques, légèreté emphatique, style archaïsant… autant de marqueurs peu reluisants, de surcroît desservis par une interprétation pompeuse bien mal inspirée. Une difficulté à interpréter la musique française de la part du chef allemand ? Haendel le saxon et le vieux Bach ne furent

guère mieux lotis ! La Sonate en trio et la Suite en DoM furent réduites à une virtuosité gratuite par un pupitre de violons en surnombre -Goebel est aussi violoniste- laissant peu de place aux quelques bois perdus sur la grande scène du Grand Théâtre de Provence. Décevant ! C.F.

Maturités

Mémoire vive Alors que s’élève le violon suraigu d’Hélène Deleuze, par delà l’écho rebondi du piano de Pierre Morabia, on se dit qu’assurément le Quatuor pour la fin du temps de Messiaen est un chef-d’œuvre ! Des minutes passées avec les © X-D.R.

excellents musiciens de l’Opéra de Marseille, on retient ces instants de grâce où le public, suspendu aux vocalises de l’Ange de l’Apocalypse, fige sa respiration aux vibrations du violoncelle de François Torresani, à la plainte de l’oiseau-clarinette d’Alain Geng... On se souvient du contexte de la création de l’opus, en 1940, au Stalag où le musicien prisonnier voyait dans la parole de Jean l’allégorie d’un monde en proie au chaos, mais où l’espoir subsistait, tenace comme la mémoire obstinée. C’est dans cette mémoire que s’immisce l’esprit du Festival des Musiques Interdites, qui exhume des artistes martyrisés, déportés, exilés, jugés «dégénérés» par des régimes totalitaires, tel le compositeur Franz Schreker mis à l’index par les nazis. Inlassable pêcheur de perles, Michel Pastore ravive un inédit en France : De la vie éternelle, la quintessence du Lied chez Schreker. Au timbre galbé de la soprano Emilie Pictet, vestale conception parée d’un blanc immaculé, les poèmes chantés retrouvent leur parfum années vingt. Valdik Polionov la seconde au piano et préfigure l’alchimie orchestrale qu’on découvrira en juillet 2012 au château Pastré, en hommage aux Justes et à la comtesse Lily Pastré, femme protectrice des artistes persécutés, juifs, à Marseille durant l’occupation. J.F.

Concert hommage à Lily Pastré donné le 18 octobre à St Cannat-les-Prêcheurs

Dans la série des concerts programmés à l’Opéra de Toulon, l’orchestre de la maison inaugurait cette année la saison en accueillant dans ses murs le violoniste Laurent Korcia, invité à jouer le fameux concerto pour violon op.177 de Brahms : réputée techniquement difficile, la pièce impose à son interprète une grande virtuosité. D’un jeu plein d’assurance, alternant décontraction et tranchant extrême, le soliste a fait chanter son stradivarius offrant une version de référence de l’œuvre grâce à l’écoute et au soutien précieux de ses accompagnateurs. Encadrant cet incontournable du répertoire, la symphonie n°2 op.36 où Beethoven révélait déjà une maîtrise parfaite des codes du classicisme qu’il avait appris de Haydn, dont l’orchestre fit entendre l’ouverture de L’Isola Disabitata. À l’image de leurs précédentes prestations, l’ensemble et son chef Giuliano Carella n’ont eu aucun mal à mettre en lumière ces savantes architectures : une réussite, assise sur l’expérience et la maîtrise. ÉMILIEN MOREAU


Désenflures baroques Perché sur un minuscule tricycle rouge, plume de paon plantée sur le casque et goupillon à l’arrière du vélocipède… Voilà un don Quichotte fringant qui manie les rimes les plus cocasses («ardeur grégeoise»/«âme pantoise»), en se plaignant des froideurs de sa dulcinée, tandis que Sancho Pança l’engage à d’autres amours. Le ton est donné : avec ces cantates narratives, alliant style formel et distanciation, un nouveau miroir est posé dans l’univers du baroque, qui lui permet un retour ironique. Les trilles, les phrases alanguies s’exagèrent, la voix de haute-contre de Dominique Visse se glisse avec un humour jubilatoire dans les différents personnages. La matrone d’Éphèse de Granval est un petit bijou de drôlerie et de virtuosité. La mort et l’inconstance de la vie s’y transforment en pieds de nez. Le public s’amuse lorsque le chanteur joue un compositeur présentant sa Cantate (Pierre De La Garde). Parodie des histoires de bergers et de bergères, du sentiment de la nature, avec une baguette de chef d’orchestre qui grossit jusqu’à prendre la taille d’un gourdin… (sic). «À bon chat bon rat» reprend le rappel. Une parodie bienvenue, qui fronde le baroque avec bonheur, rappelant qu’il fut un art de cour ridicule… MARYVONNE COLOMBANI

Cantates comiques par l’ensemble Café Zimmermann donné au Jeu de Paume le 7 novembre

© Agnes Mellon

Reprise classique

Quatuor Rosamonde © X-D.R.

Pour sa rentrée, la Société de Musique de Chambre de Marseille, dans un auditorium aux assises rénovées, a proposé à ses membres fidèles un programme classique. C’est en quatuor, formation phare du genre, qu’on a entendu trois opus majeurs du répertoire : Le Cavalier de Haydn, l’unique Quatuor en fa majeur de Ravel et La jeune fille et la mort de Schubert. Si les Français du Quatuor Rosamonde jouent partout depuis une trentaine d’années, c’était la première fois, le 8 nov, qu’on les entendait à la Faculté de médecine. Leur performance soignée, dominée par un premier violon assumé (Agnès Sulem-Bialobroda), tirée par un violoncelle-moteur (Xavier Gagnepain), a cheminé sans faux-pas de l’essence traditionnelle du quatuor vers des échos néo-classiques colorés, tendres et jubilatoires, et un ballet sonore implacable et tragique… J.F.




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MUSIQUE

LA FIESTA | BERRE

Une Fiesta qui prolonge l’été Evénement populaire, le festival marseillais de musiques du monde a enflammé le Dock des Suds, bravant le contexte de crise

Groundation © Agnès Mellon

annonce une nouvelle étape pour ce temps fort de la vie culturelle marseillaise. La double décennie du festival d’art et de musiques du monde se fêtera l’an prochain, comme un tour de chauffe d’une cuvée 2013 qui s’annonce exceptionnelle.

Téléphone- et dont ils sont les seuls rescapés, leurs alter ego ayant glissé hors du monde du rock. Sur scène, Catherine comme Louis n’en sont pas moins généreux, énergiques, jamais démodés. La Fiesta serait partielle sans sa programmation électro souvent en pointe. Citons particulièrement les Marseillais Oil et Nasser, les Mexicains Nortec Collective et l’Américain Robert Hood. Avec plus de 55 000 spectateurs, cette 20e édition rallongée

THOMAS DALICANTE

La Fiesta des Suds s’est déroulée du 14 au 30 octobre à Marseille

Complicités Le Forum à Berre l’Étang le 14 oct : en première partie, le duo formé par Olivier Roussel à la guitare et Frédéric Pasqua à la batterie a souligné leur grande complicité avec une musique très originale, construite au moyen d’effets électroniques parfaitement maîtrisés. Peu après, la chanteuse coréenne Youn Sun Nah apparaît. À la guitare pour l’accompagner, Ulf Wakenius. Calypso Blues, une composition de Nat King Cole, nous permet de découvrir cette femme aux facettes multiples, un kazoo en bouche pour le solo, et ses mains qui guident la hauteur de l’impro. Les quelques notes émises par des lames de métal (kalimba) résonnent dans notre mémoire d’où remonte le son du saxophone de Coltrane… My favourite Things est transfiguré et procure une grande émotion. Suit une composition de Ulf Wakenius, très inspirée du groupe Shakti, en unisson parfait entre guitare et voix, sur un rythme débridé. Léo Ferré, Tom Waits ou encore Metallica auront inspiré ce duo qui nous a proposé une soirée empreinte d’une grande chaleur humaine, de beaucoup d’humilité avec un énorme talent. DAN WARZY

CD Same Girl Label ACT

Youn Sun Nah © Dan Warzy

D’Amadou et Mariam à Honest Jon’s Chop Up de Damon Albarn, la 20e Fiesta des Suds a fait la part belle aux musiques d’Afrique ou héritières du continent noir. Pour la soirée d’ouverture, le duo malien connu du grand public depuis son Dimanche à Bamako a défloré des titres de son prochain album. Des morceaux dans la lignée de leur répertoire métissé, mariant instruments traditionnels et électriques. Autre rendez-vous, le retour du sémillant sexagénaire Kid Créole, flanqué de ses Coconuts, nouvelle génération, pour un show latino-funk fait de trémoussements, de sape et de kitsch. Dans un registre différent mais tout aussi efficace, Raphael Saadiq a déployé son armada soul, parfois sirupeuse, de choristes et musiciens de haut vol. Un brin édulcoré, le groove de Saadiq est un digne hommage aux légendes de la Motown loin des usurpateurs du type Ben l’Oncle Soul. Si le reggae des Californiens de Groundation, revitalisé par des accents dub et jazzy, a connu un succès inattendu, un des meilleurs moments de la Fiesta 2011 restera le live de Seun Kuti, fils du regretté fondateur de l’afrobeat, le Nigérian Fela. C’est d’ailleurs accompagné d’Egypt 80, groupe dans lequel son paternel a débuté, que Seun a fait la démonstration de son talent, avec un mimétisme parfois déroutant. Pour autant, le benjamin des Kuti affirme sa personnalité et fait davantage figure de réinventeur d’un style musical que de copie d’une légende. Quant à l’intrigant Honest Jon’s Chop Up, il a répondu à toutes les attentes d’un public sous le charme de ce Big band afro. Pilotée en toute discrétion par Damon Albarn, la distribution de cet objet musical non identifié faisait rêver : Tony Allen (ancien batteur de Fela), Flea (bassiste des Red Hot Chili Peppers) et une flopée d’artistes confirmés du continent voisin dont l’excellente chanteuse Fatoumata Diawara et l’Hypnotic Brass Ensemble, une fanfare roots. Venus de l’est, la fanfare Ciocarlia de Roumanie et Boban I Marko Markovic Orkestar de Serbie ont rivalisé au cours d’un battle de cuivres euphorisant. Contrainte de mettre brutalement un terme à sa carrière pour raisons de santé, la Capverdienne Cesaria Evora a été remplacée au pied levé par le guitariste flamenco Paco de Lucia. Difficile exercice que celui de transmettre l’intensité d’une musique puissante et intime dans l’immensité d’un chapiteau. Malgré une technique à couper le souffle, la prestation du virtuose a souffert d’un public en décalage avec l’ambiance d’un tablao andalou. La faiblesse des musiciens et danseur qui l’entouraient n’a pas servi l’ancien compagnon de route de Camarón de la Isla. À l’inverse, porte-drapeau d’une cumbia dynamitée, le Mexicain Celso Piña et son accordéon ont fait chavirer le Cabaret. Quand deux icônes du rock français partagent la même affiche, cela donne une des plus grosses affluences de la Fiesta. Catherine Ringer et Louis Bertignac ont bâti leur carrière au sein de formations dont les tubes perdurent -les Rita Mitsouko et


GTP | ROLL STUDIO | FIMÉ

MUSIQUE

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Carmen plat Le Festival International de Musique d’Ecran de Toulon donne au cinéma muet, comme à son origine, un environnement sonore, fait généralement de musiques inédites d’aujourd’hui. Il a débuté cette année le 4 nov dans la grande salle du Théâtre Liberté pleine à craquer… Ouverture réjouissante pour un festival qui, jusqu’alors, se battait pour se produire dans une salle équipée et à sa mesure ! Sur l’écran donc, Carmen de Cecil B DeMille (1915), et à ses pieds l’Orchestre National de Jazz. D’entrée le choix du film est surprenant : ce Carmen là n’est pas un chef-d’œuvre, contrairement aux Temps Modernes ou à la Passion de Jeanne d’Arc ou au film de Man Ray projetés la semaine suivante. Quant à la musique originale de l’ONJ, elle est magistralement jouée, et par moments sublime, parfois drôle, intrigante… mais bavarde aussi, à l’excès, fuyant ostensiblement le silence. Trop amplifiée d’ailleurs, assourdissante. Surtout elle manque de cohérence (chacun des 10 musiciens en a composé 6 minutes sans projet d’ensemble, ni connaissance de ce que les autres écrivaient) et de projet : Daniel Yvinec, directeur artistique de l’ONJ, explique qu’il ne veut pas illustrer le film. Ce que l’on comprend : la partition d’un film muet n’a pas à suivre forcément le détail d’un film, ni à l’illustrer de figuralismes. Mais en restituer l’ambiance, la souligner, la mettre à distance ironique au moins ? Les passages électro-

Carmen © Hortense Hebrard

niques, qui prennent à contrepied la danse et la corrida, sont les plus réussis… Si aucun lien véritable ne s’établit entre l’image et le son, pourquoi composer de la musique d’écran ? AGNÈS FRESCHEL

Le corsaire des sens... Ce sont probablement les sept mers traditionnelles qui inspirent le contrebassiste Avishai Cohen venu présenter son nouvel opus Seven Seas. De ses doigts ou de son archet, il construit la musique comme Avishai Cohen © Agnès Mellon

une divagation aux lignes mélodiques d’une grande clarté, ajoute des ruptures rythmiques surprenantes et part en échappées d’improvisations époustouflantes. Avishai Cohen chante aussi, dans la langue judéo-espagnole du XVIe siècle. Le jeune batteur Amir Bresler, doué d’une énergie phénoménale, est à l’affût des moindres vibrations du trio et calme ou relance la tension. Quant à Omri Mor, le pianiste, il fait osciller les couleurs sonores entre Rachmaninov et Bach, pour produire un jazz des plus inspirés. Un concert incantatoire et mémorable, qui fit passer le public subjugué par toutes les humeurs marines : mer d’huile, brise, grain ou tempête. DAN WARZY

Ce concert a eu lieu au GTP à Aix le 18 octobre

Exploration sensitive Dominique Bouzon fait partie des musiciennes à la curiosité développée, surtout quand il s’agit d‘explorer de territoires musicaux loin des sentiers battus. Son récent projet (CD) Flute Cake a été enregistré au Point de Bascule, à Marseille. La palette de couleurs sonores qu’elle utilise est des plus originales, passant, entre autres, par toute la tessiture des flûtes, de la piccolo à l’octobasse, aujourd’hui jouée par une demi-poignée de musiciens en Europe. Accompagnée de Nadine Estève aux claviers et autre électronique, elle nous embarque pour une étrange

immersion sensorielle. Apnée voluptueuse ou adhésion empathique naturelle, on se trouve transporté comme par surprise dans cette déambulation onirique où l’humour n’est jamais très loin. L’espace cylindrique du Roll Studio a servi cette intimité nécessaire avec le public. Une belle surprise ! DAN WARZY

Ce concert a eu lieu le 15 octobre à Marseille dans le cadre de Jazz sur la Ville

Musique et chanson

Depuis quelques années les chanteurs occupent les cases «musique» des scènes nationales ou conventionnées, voire des centres dramatiques. Avec des récitals, ou des formes de concerts littéraires, qui relèvent souvent du réseau des industries culturelles. Ce type de culture privée, assujettie par nature à des objectifs de rentabilité, fait-il dorénavant partie des missions de service public de nos scènes subventionnées ? Est-elle conciliable avec l’objectif de création d’un répertoire d’aujourd’hui, qui était jusqu’à peu la priorité de la politique culturelle d’État ? En mettant en avant la diffusion et non plus la création, et en fixant aux directeurs des objectifs très exigeants en termes de «remplissage», les tutelles poussent les scènes pluridisciplinaires à revoir à la baisse leurs ambitions culturelles, et à choisir ce qui remplit leurs salles. On en est pour l’heure à des formes inventives créées pour ces scènes : Arnaud Cathrine et Julie Rey à la Criée (du 22 au 26 nov), Philippe Duquesne qui chante Gainsbourg à Nîmes (les 15 et 16 déc, et du 10 au 28 janv à la Criée), Gianmaria Testa qui chante Erri de Luca au Théâtre Durance (le 23 nov). Autant de propositions plus qu’intéressantes, sommets artistiques du genre de la chanson, indéniablement littéraires. Mais musicales ? La création pluridisciplinaire est-elle si peu exigeante avec nos oreilles ? Pour l’heure des artistes comme Dick Annegarn (à Cavaillon le 2 déc) ou Thomas Dutronc (Martigues le 13 déc, Toulon le lendemain) se produisent sur les scènes nationales lors de leurs tournées. Prenons garde à ce que la logique des tourneurs ne prenne pas le pas sur le service public de la culture. AGNÈS FRESCHEL


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MUSIQUE

AIX Pasino : Adamo (18/11), La Nuit du Gospel (6/12), Lynda Lemay (7/12), Serge Lama (8/12), M. Pokora (15/12) 04 42 59 69 00 www.casinoaix.com

Théâtre et Chansons : Pendant les siestes (19 au 20/11), Praliné Safrané (3/12) 04 42 27 37 39 www.theatre-et-chansons.com

Seconde Nature : Modelisme Label Night (18/11), Festival Gamerz #7 (du 19 au 25/11), Tokimonsta + 9th Cloud & Airsolid (25/11), Levon Vincent + Occult69 (2/12), Goldenberg & Schmuyle (6/12) 04 42 64 61 01 www.secondenature.org

ARLES Cargo de nuit : Prince Miiaou (26/11), Nasser + The FK Club (2/12), Fránçois & The Atlas Moutain (3/12), Oldelaf (10/12) 04 90 49 55 99 www.cargodenuit.com

AUBAGNE Escale : Gari Greu (19/11), Duval MC + DJ Kafra (25/11), Dissonant Nation +Apple Top + The Magnets (2/12) 04 42 18 17 18 www.mjcaubagne.fr

AVIGNON Les Passagers du Zinc : Emir Kusturica & The No Smoking Orchestra (18/11), The Gladiators (21/11), Milow + Martin and James (24/11), Loudblast + L’Esprit du Clan (25/11), Apéro concert Madjahpol (1/12), The Toxic Avenger +Mr Zan (2/12), Jim Murple Memorial + Ugolin, Baptistain & Commander sky (9/12), Liz Cherhal & Papaya Cake (10/12) 04 90 89 30 77 www.passagersduzinc.com

BERRE L’ETANG Forum de Berre : Ciné musique Choro Musique du Brésil (17/11), Boya Ispaïtché/ Ahmad Compaoré (09/12) 04 42 10 23 60 www.forumdeberre.com

BRIANÇON Théâtre du Briançonnais : Mayra Andrade (18/11) 04 92 25 52 42 www.theatre-du-brianconnais.eu

CAVAILLON Scène Nationale : Dick Annegarn (6/12) 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com

CHÂTEAUNEUF-DE-GADAGNE Akwaba: Nuit Fatale de Juliette Dragon (19/11), Fanfare Vagabontu + La Kumpania Beats (26/11), Soirée d’ouverture

AU PROGRAMME des 10 ans d’Akwaba au Pub Z (30/11) avec les Djettes Cristel Dutorchon et la Biche, Slam’n’jam spéciale bouche (1/12), Les Nuits Zébrées de Radio Nova (2/12), Skip the Use + Phyltre (3/12), Le Balèti des copains (9/12), Mega boom d’Anniversaire costumée (10/12) 04 90 22 55 54 www.akwaba.coop

DRAGUIGNAN Théâtres en Dracénie : Yael Naïm (24/11), Mistico Mediterraneo (26/11) 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com

ISTRES L’Usine : Syd Matters + Narrow Terence (19/11), Yael Naim + Lise (26/11), Sinsemilia fête ses 20 ans (30/11), Stromae (2/12), Lofofora + Jack Face (8/12), Moriarty + Lall Arad (9/12), No One is Innocent (10/12) 04 42 56 02 21 www.scenesetcines.fr

LE THOR Auditorium de Vaucluse : Julia Migenes chante Bernstein (26/11), Urs Karpatz (29/11), Dimanche accordéon (11/12), Thomas Dutronc (16/12) 04 90 33 97 32 www.auditoriumdevaucluse.com/

MARSEILLE Cabaret Aléatoire : Andromakers (16/11), High Damage (18/11), Dub Syndicate + Jahtari Riddim Force + Tom Fire (24/11), 1995 (26/11), Jay-Jay Johanson (26/11 concert déplacé au Poste à Galène), Shantel Live (28/11), Arthur H (1/12), Morbid Angel (2/12), Ahmad Compaoré & Friends (3/12), Hyphen Hyphen (6/12), Markovo et Olivier Lubeck (7/12 concert goûter), Didier Wampas (8/12), Joey Starr + Guest (9/12), DJ Djel (10/12) 04 95 04 95 09 www.cabaret-aleatoire.com

Cité de la Musique : In Extremis (8/12) 04 91 39 28 60 www.labo-mim.org

Espace Julien : Ahmad Compaore quintet (17/11), La Fouine (18/11), Kyle Eastwood (20/11), Debout sur le Zinc (23/11), Nneka (24/11), Bertrand Soulier (25/11), The Puppini sisters (30/11), Humour et chansons pour l’enfance (1/12), Femi Kuti and the positive force (2/12), Game (5/12), Lisa Ekdahl (6/12) 04 91 24 34 10 www.espace-julien.com

La Criée : Il n’y a pas de cœur étanche, Julie Rey et Arnaud Cathrine/Ninon Brétécher (du 22 au 26/11) 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

La Machine à Coudre : Delacave + Trans Upper Egypt (23/11), Fights and Fires + No Opinion (24/11), Rent Boys (25/11), Bare Wires (30/11) 04 91 55 62 65 www.lamachineacoudre.com

La Meson : Daniel Kahn & Painted Birds (20/11), Unaesthetic Vertigo (2/12), Stage de danse flamenco dirigé par Isabel Pelaez (les 3 et 4/12), Tablao Flamenco Isabel Pelaze (3/12), Carte blanche Ysae (les 9 et 10/12) 04 91 50 11 61 www.lameson.com

Le Paradox : Snak the Ripper (22/11), Big Fish (29/11), Hedena (1/12), Awek Live blues (2/12), Transubtil (9/12) 04 91 63 14 65 www.leparadox.fr

Le Point de Bascule : La né(bulle)use, soirée d’ouverture de la Sôzoup avec Ottilie B, Boukan Bukal, Maartje (17/11) 06 14 31 69 66 www.lepointdebascule.fr

Le Poste à Galène : Meltones (19/11), Nuit années 90 (19/11), Madina Lake + My passion + The Happy super fan club (22/11), The Love me nots + The Mockers (23/11), Zamballarana (24/11), Ras Daniel Ray +The Banyans (25/11), 1995 (26/11 concert déplacé au Cabaret Aléatoire), Jay-Jay Johanson (26/11), Nuit années 80 (26/11), No Use for a name +Wake the dead (29/11), Cyril Mokaiesh (2/12), Boulevard des airs (10/12) 04 91 47 57 99 www.leposteagalene.com

L’Embobineuse : Temps des Alternatives Solidaires (les 19 et 20/11), Cindytalk & Philippe Petit duo + David Opetit (26/11) 04 91 50 66 09 www.lembobineuse.biz

Le Silo : Il était une fois Joe Dassin (19/11), Milow (22/11), Merry Christmas Tour (du 29 au 30/11), Véronique Sanson (1/12), Bernard Lavilliers (8/12), Isabelle Boulay (11/12), Zucchero (13/12), Nolwenn Leroy (15/12) 04 91 90 00 00 www.silo-marseille.fr

MARTIGUES Théâtre des Salins : Incisif #1 avec Stranded Horse et Piers Faccini (17/11), Le Bateau de Nino (19/11), Nomad’s land project (2/12), Thomas Dutronc (13/12) 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

MAUBEC La Gare : No Mad ? (18/11), Slow Joe and the ginger accident (20/11), Quelques morceaux en forme de poire (25/11),

Voyage en Akwaba (3/12), Inga Liljeström (9/12), Mami Chan (14/12) 04 90 76 84 38 www.aveclagare.org

OLLIOULES Châteauvallon : Kenny Barron (3/12) 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

PORT-DE-BOUC Le Sémaphore : Du Vent dans les voix (2/12) 04 42 06 39 09 www.theatre-semaphoreportdebouc.com

SALON-DE-PROVENCE Portail Coucou : Sir Samuel (19/11), Moussu T e lei Jovents (26/11), Awek (03/12), 4 Guys from the future + Kami (10/12) 04 90 56 27 99 www.portail-coucou.com

SIX-FOURS Espace Malraux : Oil Carter + Eon + Indust. + The Martins (19/11), Milow (23/11), Yael Naim + Mariama (25/11) 04 94 74 77 79 www.espace-malraux.fr

TOULON Oméga Live : Smadj + Geoffroy Tamisier + Talvin Singh Selin (18/11), Festival Z avec Hyphen Hyphen (9/12), Badass Klub (10/12), Danko Jones + Guests (13/12) 04 98 070 070 www.tandem83.com

Midi Hiver : Hannah et Girls (24/11 au Crep des Lices), S.C.U.M., Trailer Trash Tracys et Baxter Dury (25/11 à l’Opéra de Toulon), Wise Blood, The Stepkids et Blood Orange (26/11 au Crep des Lices). 04 94 93 03 76 Opéra de Toulon 04 94 24 72 72 Crep des Lices www.midi-festival.com

Théâtre Liberté : Thomas Dutronc (14/12) 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr

Tandem : Z², Festival de Zik jeune public avec Aldebert/le Revest-les-Eaux (26/11), Weepers Circus/La Crau (29/11), Barcella/La Valette du Var (30/11), Wab/Le Pradet (3/12), Abel/Le Revest-Les-Eaux (4/12), Mr Lune/La Garde (6/12), Robinson/Six-Fours-les-Plages (7/12), Hyphen Hyphen/Toulon (9/12), La Boum du Z²/Le Revest-les-Eaux (10/12) 04 94 98 12 10 www.tandem83.com


AGEND’JAZZ AIX-EN-PROVENCE Cité du Livre Omax at Lomax, cie Nine Spirit (16/11) 04 42 919 888 www.citedulivre-aix.com Grand Théâtre de Provence 25 ans du TELETHON avec Massilia Orchestra (2/12) 04 42 916 969 www.grandtheatre.fr AUBAGNE Château des Creyssauds Pas Dam’s 5tet (12/11) 04 91 248 445 www.creissauds.com AVIGNON AJMI MeTal O PHoNe (18/11) Ingrid Laubrock trio &Aka Moon (26/11) Jazz Story #2 Booker Little (1/12) Jazz en Scènes - Louis Sclavis Atlas trio & Vincent Mondy 4tet (9/12) Jam Session (15/12) 04 90 860 861 www.jazzalajmi.com BRIANÇON Théâtre du briançonnais Mayra Andrade (18/11) Kaar Kaas Sonn (16/12) 04 92 255 242 www.theatre-du-brianconnais.eu LAMBESC ND de l’Assomption T3G Gospel (10/12) 04 42 170 062 LA SEYNE Fort Napoléon Enzo Carniel 4tet (18/11) 04 94 094 718 LUBERON Festival Jazz en Luberon / 10e édition de Rural Détour / Concert itinérant Trio Grande (du 18 au 26/11) St Saturnin les Apt/ Roussillon/Murs/St Martin de Castillon/Cavaillon/Cereste/Lacoste/Goult 0490 745 598 www.luberonjazz.net MARSEILLE Auditorium du Parc Chanot Soirée de clôture des 18e Rencontres d’Averroès avec Titi Robin Les Rives (19/11) 04 96 110 461 www.espaceculture.net Atelier des Arts Gilad Hekselman trio (16/11) 04 91 145 350

La Caravelle Nafas (25/11) 04 91 903 664 Cité de la Musique - Auditorium Festival Argentine Tambor y Canto -Ishkaynin (17/11)Proyecto San Luca (18/11) Djazz Oratorio (5/12) In Extremis (08/12) Sirventès-Manu Théron (9/12) Cité de la Musique - La Cave Jazz en Scène (21/11) Nougarotrement Trio Jazz (28/11) Jazz en Scène (12/12) 04 91 392 828 www.citemusique-marseille.com Inga des Riaux Syl 4tet (18/11) Arobaze (24/11) Peggy Quetglass trio (25/11) César Swing trio (2/12) Audrey Fougeret 4tet (9/12) Juste un Swing (16/12) 06 07 575 558 www.inga-des-riaux.fr/music.html Le Paradox Messengers et Bongoaî (18/11) Snak the Ripper (22/11) Big Fish (29/11) Hedena (1/12) Awek Live Blues (2/12) Transubtil Session Markayn&Ayaska (9/12) Les Mardis Jazz Avec ou Sans Jazz(13/12) Djanamango (16/12) 04 91 631 465 www.leparadox.fr Planet Mundo K’fé Philippe Renaud 4tet (24/11) 04 91 92 45 72 Roll’ Studio Sonny Clark Project (19/11) Monique Zuppardi (26/11) Yves Laplane trio (3/12) Hip Jazz trio (10/12) Swinging Papy’s (17/11) 04 91 644 315 www.rollstudio.fr Maison de la Région 5e Festival R.I.S.C Ciné-concert Imbert-Fenichel (27/11) 0491 914 549 www.pollymaggoo.org Station Alexandre Elisabeth Kontomanou (25/11) 04 91 009 004 www.station-alexandre.org VENELLES Tigran Hamasyan (20/11) 04 42 549 310 www.venelles.fr Salle des fêtes Imperial Tiger Orchestra (19/11), Blitz the Ambassador (30/11) 04 42 54 71 70 VITROLLES Moulin à Jazz Jacques Vidal 5tet (26/11) Nuit des Scènes Jazz - Farm Job / Duo Léogé-Padovani (10/12) 04 42 796 360 www.charliefree.com

Musique innovante 4e édition du festival Les Inovendables du Leda Atomica Musique, dédié aux musiques improvisées, au détournement d’instruments et à la lutherie expérimentale. Pendant 3 week-end (vendredi et samedi à 20h30 et dimanche à 17h), le rendez-vous des musiciens d’horizons divers, musique classique, ancienne, traditionnelle, contemporaine, jazz, rock. Parmi les artistes, Jean-Louis Ruf-Costanzo et son mandoloncelle (le 18 nov à 20h30), le duo flûte traversière et accordéon chromatique Malena, (le 19 nov à 20h30) suivi à 22h par Woambat avec Samuel de Agostini, batteur du Leda Atomica et Dupain, groupe phare de la scène marseillaise. Musique improvisée pour films peints avec Libertalia (le 25 nov à 22h). Dans la droite ligne de

la culture expérimentale du Leda Atomica, retrouvez les Imposteurs (le 27 nov à 17h) entre musique et théâtre d’impro. Pour le dernier week-end, carte blanche à Philippe Petit (le 2 déc à 20h30) et Patrick Portella, compositeur au GMEM (le 3 déc à 22h). Le créateur du Leda Atomica, Phil Spectrum, clôturera le festival (le 4 déc à 17h). DE.M.

Les Inovendables Du 18 nov au 4 déc Leda Atomica Musique Marseille 5e 04 96 12 09 80 http://ledatomica.mus.free.fr


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CINÉMA

RENDEZ-VOUS D’ANNIE

Le 10e festival Portraits de femmes se poursuit jusqu’au 11 déc, autour du thème De l’une à l’autre, à Châteauvallon, Toulon, Six-Fours et La Seyne : en tout 24 longs métrages représentant 14 pays et 12 courts. Les Chantiers du Cinéma 04 94 09 05 31 www.festivalportraitsdefemmes.fr

Les projections Sous le signe d’Averroès continuent jusqu’au 24 nov : le 16 à 21h au cinéma Le Méliès à Port-de-Bouc Le Collier perdu de la colombe de Nacer Khémir, suivi d’un concert ; le 17 à 20h au cinéma Variétés à Marseille, Tahrir, place de la libération de Stefano Savona, suivi d’un débat avec Pénélope Bertoluzzi, productrice du film, et Thierry Fabre. Rencontres d’Averroès 04 96 11 04 76 www.rencontresaverroes.net Tahrir, place de la liberation de Stefano Savona

Au Château de la Buzine, à Marseille, dans le cadre du cycle De l’écrit à l’écran, le 18 nov à 18h, un documentaire de Danielle Jaeggi, Jean-Claude Carrière l’enchanteur, et à 20h Cet obscur objet du désir de Luis Buñuel, dont Carrière a co-écrit le scénario, d’après le roman de Pierre Louÿs, La Femme et le Pantin. Le 22 nov à 20h, en partenariat avec Les Variétés, Jour2Fête et Judaïciné, Le livre de la grammaire intérieure de Nir Bergman d’après Intimate grammar de David Grossman. Le 25 nov à 18h, Nous, princesses de Clèves en présence du réalisateur Régis Sauder, et à 21h La belle personne de Christophe Honoré. Le 29 nov à 19h, en partenariat avec 13 Production, en avant-première, Le voile brûlé en présence de Viviane Candas, réalisatrice et auteur du roman éponyme. Enfin une carte blanche à AFLAM, le 10 déc : à 16h Les Révoltés de Tawfik Salah et à 21h La Sangsue de Salah Abou Seif. La Buzine 04 91 45 27 60 www.chateaudelabuzine.com

Les Mardis de la Cinémathèque proposent à 19h, à l’Espace Cézanne du CRDP, Marseille, le 22 nov, le dernier film hollywoodien de Max Ophüls avant son retour en Europe, Les désemparés ; le 29, en hommage à Franck Fernandel, Cherchez l’idole de Michel Boisrond, et le 6 déc, L’assassin a peur de la nuit de Jean Delannoy.

Le 4 déc à 18h30, Art et Essai Lumière programme au cinéma Lumière à La Ciotat Attenberg d’Athina Rachel Tsangari en présence de l’actrice Ariane Labed : Marina, 23 ans, vit avec son père dans une ville industrielle de la côte, tenant à distance des êtres humains qu’elle juge étranges. Un inconnu arrive en ville et la défie au babyfoot… www.artetessailumiere.fr

Le 9 déc à 20h à l’Alhambra Cinémarseille, Looking for eco, un hommage à Frank Zappa : un concert de Télémaque (voir p 13) suivi de la projection de 200 Motels de Zappa et Tony Palmer. Le 12 déc, dans le cadre de la rétrospective Une histoire de cinéma, à l’Alhambra Cinémarseille, à 19h, projection de Alain Cavalier, 7 chapitres, 5 jours, 2 pièces cuisine de Jean-Pierre Limosin, d’une rencontre avec Labarthe et Limosin ; à 21h, Pater avec Vincent Lindon et Alain Cavalier. Le 11 déc à partir de 10h, dans le cadre de Laterna Magica (voir p10), La fabuleuse fabrique de l’image, projection de Le lion à la patte blanche d’Andreï Khrjanovsky, suivie de 3 courts métrages accompagnés par le Slapstick duo, Philippe Boyer et Alexandre Barette ; à 17h30, Le Tableau de Jean-François Laguionie. Alhambra Cinémarseille 04 91 03 84 66 www.alhambracine.com Pater de Alain Cavalier

La Cinémathèque de Marseille 04 91 50 64 48 http://cinememoire.net

Du 21 au 24 nov, l’Institut culturel italien de Marseille propose un panorama de la récente production cinématographique italienne avec un hommage particulier à Stefania Sandrelli, actrice et réalisatrice : entre autres films, Una sconfinata giovinezza de Pupi Avati, La prima cosa bella de Paolo Virzì, La nostra vita de Daniele Luchetti, Fughe e approdi de Giovanna Taviani, Christine Cristina de Stefania Sandrelli… Du 17 au 26 nov au Polygone étoilé à Marseille se tiendra la nouvelle Semaine Asymétrique, un moment où les cinéastes montrent leurs films et échangent avec le public. Sont attendus de très nombreux réalisateurs et deux cartes blanches sont données au cinéaste belge Boris Lehman et à l’Égyptien Ahmed Nabil invité par Les Bancs publics dans le cadre des Rencontres à l’Echelle (voir p11). Association Film Flamme 04 91 91 58 23 www.polygone-etoile.com

Institut Culturel Italien 04 91 48 51 94 www.iicmarsiglia.esteri.it

Le 27 nov à 18h30, dans le cadre du mois du documentaire, Art et Essai Lumière propose au cinéma Lumière à La Ciotat D’une seule voix de Xavier de Lauzanne, un documentaire sur Jean-Yves Labat de Rossi, un musicien qui réunit Israéliens et Palestiniens, juifs, chrétiens et musulmans pour une tournée en France pendant trois semaines… www.moisdudoc.com www.artetessailumiere.fr

Dans le cadre du mois du documentaire à l’Alcazar, Marseille le 17 nov à 18h, Green card sous les Tropiques d’Andréa Haug en sa présence ; le 18 à 14h L’enfant aveugle de Johann Van Der Keuken ; le 25 à 18h, La République Marseille de Denis Gheerbrant ; le 26 à 18h, Faces de Maximin Gérard en sa présence. 04 91 55 36 95 www.moisdudoc.com www.bmvr.marseille.fr

Le 1er déc à 18h30, au cinéma Actes Sud à Arles, en partenariat avec l’Université Citoyenne et Populaire du Pays d’Arles, Le Complexe du Santon de Christian Philibert, réalisateur des 4 saisons d’Espigoule, suivi d’un échange avec les écrivains Roland Pécout et Philippe Gardy. 04 90 49 09 12 www.actes-sud.fr/cinemas-actes-sud

Le 18 nov à 20h30, au cinéma Les Variétés, Marseille, en partenariat avec la Région PACA, L’art d’aimer en présence d’Emmanuel Mouret. Le 28 nov à 20h, Donoma de Djinn Carrenard en présence de l’équipe du film : des histoires croisées trouvant une symbolique dans le lever de soleil qui donne son nom au film Donoma (Le jour est là). Le 6 déc à 19h, en partenariat avec la Ligue des droits de l’homme, projection du documentaire d’Inès Compan, À ciel ouvert, en sa présence : deux histoires parallèles qui nous emmènent sur les hauts plateaux du Nord-Ouest argentin. Cinéma Les Variétés 09 75 83 53 19

Le 25 nov à 20h30, au cinéma Renoir à Martigues, en partenariat avec Ensemble Citoyens, le GNCR et l’ACID, projection de Noces Ephémères en présence du réalisateur Reza Serkanian : dans une ville iranienne se pratique une coutume étrange, le mariage à durée déterminée… Le 13 déc à 20h30, La Grotte des rêves perdus de Werner Herzog en présence de Jean Chausserie-Laprée, archéologue, et Jean Courtin, préhistorien, en partenariat avec la librairie l’Alinéa. http://cinemajeanrenoir.blogspot.com


CINAMBULE | DIGNE | AIX

CINÉMA 55

Des p’tits courts, encore des p’tits courts ! Du 17 au 20 nov à Cabrières d’Avignon se tiendra la 18e édition des Rencontres Court c’est Court ! organisées par Cinambule : 10 programmes, 22 séances, 73 films venus de France et d’ailleurs. Courts animés, courts en Méditerranée, documentaires, expérimentaux, courts étranges, premiers films, ciné mômes, il y en a pour tous les goûts et tous les âges ! Ne ratez surtout pas Garagouz d’Abdenour Zahzah, Anne et les tremblements de Solveig Anspach, Casus Belli de Georgios Zois, J’aurais pu être une pute de Baya Kasmi ou Tasnim d’Elite Zexer. Bien sûr, il y aura aussi des rencontres, des invités, des ateliers et l’exposition Dans le cinéma, l’enfant-spectateur de JeanClaude Meyer (voir Zib’43). Cinambule 04 90 74 08 84 http://cinambule.org J'aurais pu etre une pute de Baya Kasmi

La grande Cour du court interactive réalisée par Emmanuel Mâa Berriet. Un atelier public permettra de découvrir les secrets du bruitage et un autre, destiné aux jeunes auteurs, ceux du scénario. Et pendant toute la durée du festival, des rencontres avec les réalisateurs et professionnels du cinéma présents… L’ouverture aura lieu le 5 déc à 20h au Centre des Congrès : projection de Court par Excellence, six films dont les excellents On ne mourra pas d’Amal Kateb ou Casus Belli de Yorgos Zois.

Du 5 au 10 déc à Aix se tiendra le 29e Festival Tous Courts, un des rendezvous incontournables des amateurs de courts métrages dans la région. La compétition internationale propose 12 programmes, soit 62 films parmi les 1774 issus de 85 pays ! En dehors de la compétition, il y a aussi Courts en liberté... Animation(s), des Carnets de voyage au Portugal, en Suède et Crossing Borders 2 proposé par L’Agence du Court Métrage ; Du Court au Long, deux films du réalisateur syrien Meyar Al Roumi, une carte blanche à l’Association des Auteurs Réalisateurs du Sud-Est et La Nuit Du Court, qui cette année sera une Nuit sans faim, sur le thème de la nourriture, le 9 déc de 23h jusqu’à l’aube, complétée par La Grande Bouffe de Marco Ferreri, film du patrimoine proposé par l’Institut de l’Image. 29 Images Seconde propose Le Floating Point, une œuvre numérique

A.G.

On ne mourra pas d'Amal Kateb

Festival Tous Courts Rencontres Cinématographiques d’Aix-en-Provence 04 42 27 08 64 www.festivaltouscourts.com

La terre de la folie de Luc Moullet

Hier est aujourd’hui Du 21 au 24 nov, Les Rencontres Cinématographiques de Digne consacrent Histoire(s) du Cinéma à Luc Moullet dont on verra les courts métrages ainsi que Les Sièges de l’Alcazar et La Terre de la Folie. Le cinéaste portera un «regard d’aujourd’hui» sur le cinéma d’hier : l’occasion de revoir Le Rebelle de King Vidor, Shock corridor de Samuel Fuller, La Chatte des montagnes d’Ernst Lubitsch, Contes de la lune vague après la pluie

de Mizoguchi, Klimt de Raoul Ruiz… Luc Moullet invite également de jeunes cinéastes à dialoguer autour de leurs œuvres avec le public : Isabelle Prim pour Mademoiselle Else, d’après le roman d’Arthur Schnitzler et Mickael Herz pour Primrose Hill. Rencontres cinématographiques de Digne 04 92 32 29 33 www.unautrecinema.com


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CINÉMA

ENTRETIEN AVEC MOHAMED DIAB | AFLAM | RÉGION

Bus à risques

Mohamed Diab © A.G.

Faiza, Nelly et Seba, issues de milieux différents, subissent comme bon nombre de femmes en Égypte le harcèlement sexuel, en particulier dans les transports en commun. Faiza, jeune femme pauvre et voilée, s’y heurte quotidiennement durant son trajet dans le bus 678. Nelly, poursuit son agresseur et veut porter plainte, ce qui n’est pas du goût de sa future belle famille ! Quant à Saba, qui donne des cours d’auto-défense et conseille aux femmes de piquer leurs agresseurs avec une épingle, elle est «attaquée» sur un stade de foot, après une victoire de l’équipe nationale… Avec Les Femmes du bus 678 Mohamed Diab signe là un premier film-constat, engagé, ovationné lors de la projection au CINEMED où il a obtenu les Prix du Public et Jeune Public. Zibeline : Comment en êtes-vous venu à vous emparer de ce sujet ? Mohamed Diab : Il n’y avait pas eu en Égypte de

film sur ce problème, pourtant très grave. Le harcèlement des femmes était tabou. Nous entendions parler du problème, mais nous n’avions pas connaissance de l’ampleur du phénomène, entouré de silence : dans les bus, en pleine rue, au travail, dans les stades, les Égyptiennes subissent attouchements et harcèlements. Les histoires que je mets en scène sont inspirées de faits réels. La plupart du temps, les policiers conseillent de ne pas porter plainte. L’une des protagonistes, Nelly, incarne un personnage véridique qui vient de gagner le premier procès en Égypte pour harcèlement. Comment expliquez-vous cette situation ? La moyenne d’âge pour se marier c’est 35 ans, vu le contexte économique. Donc entre la puberté et 35 ans, les relations étant interdites hors mariage la frustration est terrible. Si un homme harcèle une femme, c’est elle la coupable, elle l’a provoqué ! Ce point de vue est profondément ancré dans la mentalité collective. D’où le silence. Je suis fier d’avoir réalisé ce film : si une femme l’avait fait, cela aurait eu moins de force ; on l’aurait accusée de modifier la réalité. Je voulais que les hommes comprennent qu’ils ont un rôle à jouer pour que ce phénomène de société cesse. Quel a été l’accueil du film en Egypte ? Il a suscité beaucoup de réactions : lorsque l’on brise un tabou, c’est normal ! Certains hommes sont dans le déni total, ils se sentent insultés. Mais le silence est brisé, une loi a été promulguée en Égypte contre le harcèlement sexuel. Même s’il y a toujours un décalage entre la loi et les mentalités : les femmes aussi doivent changer et arrêter de participer à ce silence. Les hommes peuvent les y aider ! PROPOS RECUEILLIS À CINEMED PAR ANNIE GAVA

Les Femmes du bus 678 a été présenté en avantpremière à Marseille, le 8 nov au cinéma Variétes dans le cadre de Cinéma(s) d’Egypte par AFLAM. Il sera aussi projeté le 16 nov à 18h au cinéma Actes Sud à Arles et le 17 nov à 20h30 à l’Institut de l’image à Aix.

Voyage en Egypte AFLAM nous invite à poursuivre le voyage au cœur du cinéma égyptien, de 1953 à 2011, un cinéma de première importance puisque plus de 4000 films ont été tournés depuis les débuts du 7e Art. AFLAM en a sélectionné une soixantaine qui sont projetés dans toute la région. Une programmation riche et variée permettant de montrer des films représentatifs des différents genres, mélodrames, adaptations littéraires, comédies musicales, films sociaux, sans oublier documentaires et courts métrages. À noter en particulier une semaine au cinéma Actes Sud à Arles, du 16 au 22 nov, avec une table ronde sur l’adaptation dans le cinéma égyptien le 17 à 18h ; 28 séances à L’Institut de l’Image à Aix, du 17 au 29, dont une table ronde sur «Le ciné

égyptien, art du mélange des genres» le 18 à 18h ; sans oublier le Méliès à Port-de-Bouc avec notamment Les eaux noires, un film rare de Youssef Chahine, le récit d’une grève tourné à Alexandrie en 1956. Les séances continuent aux Variétés à Marseille où Mohamed Khan sera présent le 20 nov à 20h pour présenter L’Epouse d’un homme important. Une programmation riche et variée permettant de montrer des films représentatifs des différents genres, mélodrames, adaptations littéraires, comédies musicales, films sociaux, sans oublier documentaires et courts métrages. A.G. AFLAM 04 91 47 73 94 www.aflam.fr

Sous le signe de l’eau

Une ile de Anne Alix

Le 2 nov, «La Région suit son court» et a projetté trois courts métrages, sous le signe de l’eau, qu’elle a aidés. Dans Étreinte, Sébastien Jaudeau met en scène Rachida Brakni, enceinte de sept mois, et Eric Cantona dans des paysages du Cap Corse. Après avoir contemplé le ventre de la femme, l’homme prend son fusil et part : images d’eau, d’algues, de corps, images oniriques, un peu gratuites parfois ; un film sans dialogues dont l’intérêt réside surtout dans la musique. Dans Blue Line -qui représente la frontière israélo libanaise, gardée à la fois par l’ONU et les Casques Bleus indiens-, Alain Sauma raconte l’histoire d’une vache gardée par un jeune berger, venue se désaltérer, qui s’aventure du côté israélien sous les jumelles et les armes, et provoque affolement des deux côtés… Un court métrage sympathique. Mais le plus intéressant est sans conteste Une île ! Anne Alix a su y créer un vrai univers de cinéma et des personnages forts. Lui (Thierry Levaret, excellent !), gueule du «mec» qui a traversé pas mal d’épreuves, arrive à Oléron et, sur recommandation, se fait embaucher dans une exploitation ostréicole. «Je sors de prison», confie-t-il lors d’un jeu de langage à la femme qu’il a rencontrée (Caroline Ducey). Pourquoi ? Il n’en dira pas plus et le spectateur n’en saura rien. Il est en pleine rédemption. Les paysages sont superbes ainsi que toutes les scènes d’ostréiculture. Seul bémol : la voix off qui lit des passages de la genèse à intervalles réguliers n’apporte pas grand-chose au film. Tourné avec une majorité d’acteurs non professionnels, le dernier film d’Anne Alix, presque un long métrage, nous entraîne poétiquement sur l’île. Une promenade qui laisse des traces dans la mémoire. ANNIE GAVA


CINÉMED | GARDANNE

CINÉMA

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La Méditerranée du cinéma… à Montpellier Du 21 au 29 oct s’est tenue la 33e édition du CINEMED, une programmation riche et variée, marrainée par Carmen Saura, avec en compétition 12 longs métrages de fiction, 10 documentaires et 23 courts de 22 pays de la Méditerranée ! Mais aussi des tables rondes, des débats avec les réalisateurs, des rétrospectives, des hommages, des cartes blanches, des leçons de cinéma, dont celle donnée par Emmanuel Mouret et son équipe à plus d’une centaine de spectateurs, très jeunes pour la plupart. C’est en effet le dernier film de ce cinéaste, né à Marseille, L’Art d’aimer, qui faisait l’ouverture. L’Art d’aimer ? Normal ! commente Mouret : Ovide a écrit le 1er best seller de la littérature ! Mouret aime filmer l’amour : dans ce film choral au casting de choc, chacun des 12 personnages vit une histoire d’amour, de désir, séparée par un intertitre : le 1er est emprunté à Ovide, et la voix off de Philippe Torreton installe dans

chacune distance et humour. Le spectateur est entraîné avec plaisir dans une ronde alerte ; on pense à Lubitsch, Rohmer ou Woody Allen, on rit et on se pose des questions sur le «moment où l’on devient amoureux, à cet instant précis, où il se produit en nous une musique particulière.» Une toute autre atmosphère règne dans le dernier film de Philippe Faucon, La Désintégration. Ali, Nasser et Nicolas qui se fait appeler Hamza, des jeunes de la banlieue lilloise déçus socialement, se font entraîner par Djamel, leur aîné, dans une dérive islamiste. Un engrenage infernal que filme magistralement Faucon, dans un film âpre, intense. Peu à peu le cadre se resserre, enfermant les personnages (excellent Rashid Debbouze) dans une mécanique qui va les désintégrer dans tous les sens du terme. On n’en sort pas indemne ! Troisième film tourné dans la région : Beau rivage de Julien Donada met en scène un commandant de police

Man without a cell phone de Sameh Zoabi

âgé d’une cinquantaine d’années (joué superbement par Daniel Duval) dont la vie va changer quand il découvre le suicide d’une jeune femme. Le spectateur est embarqué dans une histoire fantastique, se demandant sans cesse si les belles scènes d’amour sont les fantasmes obsessionnels de Michel ou des flashbacks. On pense à Laura de Preminger et même si Chiara Caselli n’est pas

Gene Tierney, Beau rivage vaut le détour ! Le Jury de CINEMED a attribué l’Antigone d’or à Man Without a Cell Phone de Sameh Zoabi. Nous y reviendrons. ANNIE GAVA

www.cinemed.tm.fr

Marée humaine Plus de 8000 spectateurs, «une vraie marée humaine» se réjouit Régine Juin, directrice du cinéma, certaines projections refusent même du monde ! La qualité du Festival d’automne de Gardanne, hymne d’amour au cinéma, n’est plus à prouver, avec ses coups de cœur, ses rencontres, son caractère éclectique, de la soirée Bollywood à l’hommage au cinéma iranien, de The Artist de Michel Hazanivicius qui joue sur l’histoire et les mises en abîme du cinéma, à l’étrange Ceci n’est pas un film de Jafar Panahi, où le cinéaste interdit de création de même que d’exil transforme le rien qui lui reste en objet filmique, cette obscure matière qui se transmute en œuvre d’art. On retiendra de superbes avantpremières, comme La source des femmes de Radu Mihaileanu (d’une intense poésie et en même temps engagé et féministe, avec ses Lysistrata modernes) presque ex aequo avec Tous au Larzac de Christian Rouaud qui remporte le prix du public : un documentaire remarquablement scénarisé, qui mêle témoignages et documents d’époque, des années 70 à 81. À la beauté de la photographie, des effets de brume sur un paysage sublime, se joint le propos fort de la construction d’une pensée politique : le refus s’organise, se réfléchit, avec les apports des diverses tendances, de Lanza del Vasto et des non violents aux Maos, désireux d’une résistance

«musclée». Occupation des lieux, manifestation avec des tracteurs, des troupeaux, grande marche silencieuse… la force de ce combat trouve de nouvelles formes aujourd’hui, dans la lutte contre les OGM ou la mondialisation : ce documentaire aux allures de témoignage interroge l’actualité, et prend une valeur exemplaire.

débat sur le film de Rouaud, la discussion laisse percevoir les difficultés d’entente : la cinéaste est clairement menacée de mort, et censurée par le nouveau pouvoir… Emmanuelle Millet dans La brindille traite du délicat problème de l’accouchement sous x : un film lumineux porté par la jeune Christa Théret, qui sait évoquer sans juger, avec humanité. Marseille, lieu de l’action, qui est filmée avec une rare justesse, un cadrage de photographe échappant à tous les clichés. Prix du jeune public le très bel Art d’Aimer d’Emmanuel Mouret (voir ci-contre). Film de bonheur enfin que celui de Roland Cottet, De Erevan à l’Estaque, avec la cantatrice Gayane Hovhannisyan qui, contrainte de quitter Erevan se retrouve à Marseille et développe la chorale des enfants de l’Estaque, d’une qualité vocale qui laisse pantois, avec des jeunes gens qui percent, comme la délicate soprane Armelle Khourdoian ou Sylvain La Source des femmes de Radu Mihaileanu Pauchard. Une leçon d’humanité et D’autres évoquent une réalité plus récente encode musique réjouissante ! re, comme Laïcité inch’Allah de Nadia El Fani qui MARYVONNE COLOMBANI s’attache au mouvement des «dé-jeûneurs», à la lutte pour le droit des femmes et celui essentiel Le 23e Festival d’automne a eu lieu à Gardanne du de la laïcité sur fond de printemps arabe, espoirs 21 octobre au 1er novembre et désillusions, ou démonstration de l’impossibilité de démocratie sans liberté individuelle consentie par la constitution. Contrairement au


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CINÉMA

ROBERT GUÉDIGUIAN | ALHAMBRA

Guédiguian, le retour Quand Robert Guédiguian revient à l’Estaque, il mobilise les foules marseillaises ! Plus de 900 personnes à Marseille aux avant-premières le 9 novembre. Pendant que sa tribu présentait Les Neiges du Kilimandjaro dans les salles des Variétés, Prado et Pathé-Madeleine, c’est à l’Alhambra Cinémarseille, qui rouvrait ses portes après quatre mois de travaux, que le cinéaste a présenté la première projection numérique. Les heureux spectateurs qui ont pu entrer -plus d’une centaine sont repartis déçus- ont ainsi testé les fauteuils tout neufs de ce cinéma, «lumière dans un quartier» que Robert fréquentait ado. Résonnance entre le film et l’Alhambra qui «labourent le même territoire», a précisé William Benedetto, le directeur. «Ici, je me sens chez moi. Les Neiges, comme les deux autres films qui se déroulent à l’Estaque, est une chronique du monde ouvrier, comme un feuilleton ; la jeune Josiane du Dernier été aurait trente ans de plus. On pourrait parler de Contes de l’Estaque… L’Estaque comme le Monde. Si vous voulez parler du monde entier, parlez de votre village !» Plus tard, c’est au Prado, dans une salle toute refaite, que l’équipe, très complice, s’est retrouvée pour parler avec le public de tout ce qui leur tient à cœur.

La parole à la tribu ! Robert Guédigian : La solidarité fait partie des valeurs qu’il faut remettre au goût du jour. À travers les différents personnages, j’ai voulu représenter les diverses positions de la classe ouvrière au sens large du terme. «Le drame dans ce monde, c’est que chacun a ses raisons» disait Renoir. Les pauvres gens sont divisés, et celui qui en tire profit est le patron… À Cannes, j’ai dit qu’il fallait réévaluer la conscience de classe dans les deux sens du terme : évaluer à nouveau et gonfler artificiellement. Il faut réévaluer le monde de Jaurès, réenchanter le monde avec le cinéma. Gérard Meylan : Revenir à l’Estaque, c’est revenir sur les lieux du crime : revoir dans quel état est le monde ouvrier ; c’est aussi voir l’état du cinéma, faire le point sur la société. Des Raoul, j’en connais et je joue ce personnage avec ce que je suis. Ce cinéma vrai m’émeut. Jean-Pierre Darroussin : En tant qu’acteur, on incarne des gens qu’on

connaît. On tourne ensemble depuis longtemps (depuis 1985 ndrl), on travaille dans la confiance et chaque film est comme une reprise du travail antérieur. Ce film d’amour, d’amitié, de camaraderie, pose des questions essentielles : que vont devenir les gosses ? Nos gosses sont confrontés à des situations que nous n’avons pas connues. Il faut arrêter de les angoisser. Il faut qu’ils inventent leur propre vie. Ariane Ascaride : Nous n’avons pas su donner à nos enfants la possibilité de prendre en main leur vie. On a essayé d’anticiper les choses pour eux, parce qu’on a eu peur pour eux et on leur a transmis la peur. Les enfants de Michel et Marie-Claire sont ainsi repliés sur leur propre vie et ne voient pas le monde ; quand Marie-Claire va au café toute seule, elle commence à regarder le monde et elle veut comprendre. MarieClaire, je l’incarne avec mon corps, ma voix mais ce n’est pas moi. Je passe ma vie à regarder les gens, à leur «voler» des gestes, j’engrange des comportements et je compose ainsi mon personnage. Ma façon de

Robert Guediguian © A.G.

travailler avec Robert est de faire comme un déménagement dans ma tête : chaque personnage m’y laisse un meuble et cela peut avoir un retentissement sur ce que je suis. Je ne joue pas n’importe quoi

et j’essaye de rester en harmonie avec ce que j’étais à vingt ans. Tout un programme ! PROPOS RECUEILLIS PAR ANNIE GAVA ET ÉLISE PADOVANI

Neiges sur l’Estaque Trente ans après Dernier été, quinze ans après Marius et Jeannette, «la bande à Robert» revient à l’Estaque avec Les Neiges du Kilimandjaro sur fond de crise économique, sociale et morale pour s’interroger sur la classe ouvrière. Plus vieux, nantis de petites maisons avec terrasses, barbecue et vue imprenable sur la rade, les «pauvres gens» gardent les mêmes convictions politiques, la même sincérité face à leurs choix. Des choix pourtant bousculés par la réalité. Faut-il accepter les compromis de dupe du patronat ? Que penser de celui qu’on a considéré comme un camarade et qui vole sans scrupules un vieux syndicaliste qu’il voit comme un bourgeois ? Comment comprendre la relative Les Neiges du Kilimandjaro © Pierre Milon

soumission des jeunes générations à l’horreur économique qu’elles subissent ? Comment rendre le monde plus juste quand les combats collectifs s’essoufflent et se diluent ? Michel et Florence, remarquablement incarnés par Jean-Pierre Darroussin et Ariane Ascaride, trouvent tout naturellement la voie d’un courage défini par Jaurès, une voie individuelle à laquelle se rallieront peut-être les autres par la force de l’exemple. La main qu’on tend aux petits frères de l’agresseur de Michel livrés à eux-mêmes après l’incarcération de leur grand frère, repassant leur linge, préparant leur repas, regardant avec eux Les Triplettes de Belleville au son du Kyrie Eleison de Mozart : la bonté comme vertu cardinale. Il y a de la fable dans ce film à la fois réaliste et stylisé où les méchants n’ont pas leur place, de la rengaine populaire, des moments d’émotion à la Pagnol, des scènes quotidiennes délicieuses comme les enfants qui apprennent à manger des sardines, une histoire d’amour qui se nourrit de générosité et de partage dans la lumière du Sud. Il y a les pauvres gens d’Hugo qui accueillent dans leur logis les voisins orphelins, un Jean Valjean voleur par nécessité, un ange servant dans un bistrot des remontants consolateurs… du Metaxa pour les chagrins de la vie, en pleine crise grecque, ça fait du bien ! Il y a surtout l’espoir ténu mais têtu que les lendemains puissent encore chanter. E.P. ET A.G.


CINEHORIZONTES | APT

CINÉMA

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Salle comble aux Variétés ce 14 oct pour l’ouverture de la 10e édition de Cinehorizontes : Carlos Saura y présentait son Flamenco Flamenco, succession de spectacles saisis dans un espace unique où des ciels peints figurent progressivement le passage du temps. Loin des espagnolades, le réalisateur réaffirme sa fascination pour la complexité d’un art vivant, intergénérationnel, ouvert aux musiques et chorégraphies contemporaines. De musique il fut beaucoup question dans cette fête du cinéma espagnol : jazz latino du nostalgique Chico y Rita de Trueba et Mariscal, tango argentin prolongeant le voyage des héros de Giorgelli dans Las Acacias, chant profond d’Enrique Morente dans le documentaire musical de Barracchino projeté en clôture. Sourire aux lèvres et à l’œil, verbe charmeur, anecdote facile, c’est de lumière que Jose Luis Alcaine, célèbre pour sa collaboration avec Almodovar, est venu parler avec trois films parmi les quelque 120 de sa carrière, échantillon d’un talent maintes fois récompensé auquel le festival rendait hommage. Le premier, de 83, El sur, un des chefs-d’œuvre de Victor Erice, se décline en clair-obscur, convoquant La Tour et Vermeer. Ombres du passé paternel qu’Estrela passant de l’enfance confiante à l’adolescence suspicieuse arrivera à dissiper. Fil doré du pendule révélant l’eau souterraine, fil blanc puis rouge sur la bicyclette de la jeune fille, fil de laine carmin d’une

pelote tombée au sol, les couleurs en fil narratif. Somptueux. Le deuxième, Jamón Jamón de Bigas Luna, film post movida de 93, un On ne badine pas avec l’amour burlesque, déjanté, provocateur, parodie le machisme à l’espagnole et s’achève en western par un duel fatal à coups de jambon. Alcaine éclaire le craquelé du désert et le velouté de la peau de Pénélope Cruz. Jubilatoire. Le troisième, de Martinez Lázaro Las Trece Rosas (2007), reconstitue l’histoire tragique de treize jeunes militantes socialistes «amoureuses de vivre à en mourir» exécutées peu après la victoire de Franco. Éclosion au martyre de treize roses aux couleurs gaies de leurs robes d’été, tremblantes devant le peloton d’exécution. Bouleversant. L’Espagne de 39 demeure un sujet que les jeunes réalisateurs se réapproprient. Ainsi le catalan Villaronga avec Pa negre (2010) dévoile dans un réalisme magique un peu appuyé, à travers un regard d’enfant, la perversité des vainqueurs, la dérive des vaincus devant misère et préjugés. Dans cette sélection riche en films bardés de goyas, on retiendra En 80 jours de Garaño et Goenaga pour l’audace du propos (les retrouvailles amoureuses de deux vieilles femmes) allié à la finesse du traitement et La mosquitera d’Agustí Vila qui nous ramène au présent formaté de nos sociétés, au gré des extravagances d’une famille névrosée que le politiquement correct asphyxie. Monstres ordinaires très doux comme on en

El sur de Victor Erice

L’Espagne en lumière

croise chez Buñuel. Drôle, corrosif, remarquablement interprété par Emma Suárez et Géraldine Chaplin devenue mutique telle la grand mère de Cria cuervos. De très beaux moments de cinéma partagés pour se fabriquer ensemble de nouveaux souvenirs. ELISE PADOVANI

Prix du jury : En 80 jours de Jon Garano et José Mari Goenaga Prix du public : Même la pluie d’Iciar Bollain Prix du court métrage : La Lavadora d’Ana Aurora Rodriguez

Liberté(s) Le 9e Festival des Cinémas d’Afrique du Pays d’Apt s’est ouvert le 4 nov avec Les hommes libres d’Ismaël Ferroukhi, un film avec tous les ingrédients du film de la France de l’occupation, marché noir, miliciens, scènes de rafle, collabos, poursuites… Sauf que là, les protagonistes sont des «Mahométans» et que le centre de l’action est la Mosquée de Paris, avec son Recteur, Si Kaddour Ben Ghabrit (Michael Lonsdale), personnage ambigu, fin diplomate, proche du sultan du Maroc, qui reçoit les Allemands, travaille avec Vichy pour mieux sauver Juifs et communistes condamnés à la déportation. Le film montre la prise de conscience de Younes (Tahar Rahim), qui passe du marché noir et la délation au combat contre le nazisme. Le personnage du chanteur Salim Hallali (joué par le superbe Mahmoud Shalaby et auquel Pinhas Cohen prête sa voix) permet de jolies scènes de musique et de danse, en particulier la séquence de l’anniversaire de Maryvonne, qui tient un café fréquenté par ces travailleurs «invisibles». Si le film

manque un peu de rythme et d’originalité artistique, il permet de connaître cette histoire ignorée -

et montre comment Juifs et Musulmans étaient proches et s’entraidaient.

autour de la place du cinéma dans les révolutions : faut-il filmer ou être avec, sans caméra ? Filmer pour témoigner dans le présent, pour le futur ? Quelle démarche de cinéma et quel statut pour ces images ? Quelle place pour la caméra ? Les interventions d’Ahmad Abdallah (Microphone), de Walid Mattar (Condamnations), d’Ibrahim El Batout (Hawi) et de Nadia El Fani (Laicité, Inch’Allah, voir p56) ont permis d’aborder aussi les questions de liberté d’expression, d’auto censure, de laïcité, et le débat animé par Olivier Barlet et Tahar Chikhaoui a été passionné, et passionnant pour la salle du cinéma César, pleine à craquer malgré les orages… ANNIE GAVA

Ismael Ferroukhi © A.G

Ismaël Ferroukhi a été conseillé pour l’écriture du scénario par Benjamin Stora et Pascal Le Pautremat-

Autre moment intense, la table ronde du dimanche matin qui a réuni cinéastes tunisiens et égyptiens

Le Festival des Cinémas d’Afrique du Pays d’Apt a eu lieu du 3 au 9 novembre www.africapt-festival.fr


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ARTS VISUELS

CG AIX | PAVILLON VENDÔME

Voyages immobiles Rêvé, fantasmé, recréé, traversé : l’Orient fascine les artistes de Pierre Loti à Mona Hatoum… © Shirin Neshat, Rebellious Silence (Women of Allah series), 1994

L’exposition embrasse d’un même mouvement œuvres de maîtres, photographies anciennes et contemporaines, objets décoratifs, éditions originales, sculptures et vidéos. Un grand écart temporel et stylistique justifié par la permanence du thème et de ses mythes depuis les récits du 19e siècle (Chateaubriand, Nerval, Flaubert) jusqu’au Printemps arabe et à la Révolution de Jasmin, souvent évoqués dans le catalogue par Éric Mézil, le commissaire d’exposition, directeur de la Collection Lambert en Avignon. Frontalement et dès l’entrée, aquarelles et huiles sur toile de Jougouno et Dequenne cohabitent avec la captation de David Claerbout autour de l’illusion d’un Orient rêvé. Dans The Algier’ Sections of a Happy Moment il reconstitue sur ordinateur un moment de liesse sur les toits d’Alger, avec un envol symbolique de mouettes vers la liberté… Ainsi se construit la scénographie, dans ces allers-retours entre réalité et fiction, ancien et contemporain, qui mettent en évidence autant de paradoxes. Pierre Loti, imprégné d’Orient se déguise en Ramsès II, en cheik et en bédouin, reconstitue un salon marocain à Rochefort ; croquis, portraits et paysages idéalisés, exécutés en atelier ou réinventés d’après photos ; carnets de notes et photos sur le vif à l’occasion notamment de voyages anthropologiques. Des œuvres à l’iconographie riche, reflets d’une société révolue, qui ont notablement influencé l’histoire de l’art.

En contrepoint, plus percutants, les regards contemporains des deux rives. Points de vue de l’américain Jason Dodge, installé à Berlin, qui anoblit de ses métaphores la couverture traditionnelle en poils de chameau ; de l’écossais Douglas Gordon fasciné par les charmeurs de serpents de Marrakech qui «chorégraphie» leur danse ; du pakistanais Idris Khan, aujourd’hui à Londres, qui photographie les pages du Coran en les décontextualisant. Points de vue de femmes : New Yorkaise née en Iran, la photographe et réalisatrice Shirin Neshat recouvre les visages et les mains des femmes voilées «de messages de paix ou de guérillas courageuses» ; la Libanaise Mona Hatoum, «révolutionnaire avant l’heure» réalise en verre soufflé une Nature morte aux grenades… Bombe à retardement ou trait d’union entre Orient et Occident ? M.G.-G.

Voyage en Orient, De Pierre Loti à Nan Goldin jusqu’au 29 janv Galerie d’art du Conseil général, Aix 04 13 31 50 70 www.culture-13.fr

Sa planète… blanc profond, immaculé, contrasté, d’une grande précision dans les contours, avec un grain poudré qui adoucit sa perception. Changement radical à Erevan en Arménie en 2009 avec de troublan-

que paraît La couleur est un trompe l’œil aux éditions Le Temps qu’il fait. On ne saurait mieux dire.

tes représentations d’un paysage que l’on croirait truqué. Décor figuré, fausses ressemblances, et pourtant tout n’est que réalité ! Paradoxalement, c’est la seule série en couleurs de l’exposition alors même

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

© Gérard Macé

Gérard Macé tisse depuis 1974 une œuvre littéraire féconde mais c’est à l’âge de 50 ans qu’il passe des mots à la pratique photographique. Jusqu’à allier images et écrits dans des livres illustrés, notamment La photographie sans appareil, Mirages et solitudes, Kyôto, un monde qui ressemble au monde. Doux mariage qui explique, peut-être, une photographie narrative plus que documentaire, onirique plus que descriptive même quand il s’agit de raconter le monde… On l’accompagne en Ethiopie, au Japon, au Mali à travers quatre thématiques singulières : «Costumes, coutumes» ou l’art de s’attacher à l’ornement pour dire la vérité d’un portrait ; «Fantômes et fantasmes», images spectrales qui cachent et révèlent à la fois ; «Comme dans un miroir» saturées d’images dédoublées, de reflets, d’informations superposées ; «Pierres de rêves, Rêves de pierre», cartographie macroscopique d’un vaste monde. Du noir et blanc, rien que de noir et

Photographies 2000/2010 Gérard Macé jusqu’au 31 déc Pavillon de Vendôme, Aix 04 42 91 88 75 www.mairieaixenprovence.fr/Pavillon-Vendome

À Lire Gérard Macé, La couleur est un trompe l’œil Préface de Georges Monti Co-édition Le Temps qu’il fait et La Photographie à Aix-en-Provence


MAC | INSTANTS VIDÉO

ARTS VISUELS 61

L’homme de fers (à béton) Le [mac] offre sa première exposition personnelle à Boris Chouvellon. Une belle occasion de rencontrer les œuvres d’un artiste qui manie le fer et le béton avec désenchantement En proposant une exposition monographique à un jeune artiste marseillais, Thierry Ollat, directeur du [mac], maintient en cette période de vaches maigres (voir p.6) la raison d’être d’un musée d’art contemporain : donner à voir la création la plus actuelle. Running on empty (pourquoi passer par l’anglais pour dire «tourner à vide» ?) présente une vingtaine d’œuvres réalisées depuis 2005, dont certaines pour l’évènement. Cette mini-rétrospective compile sculptures, vidéos, photographies et installations mettant en scènes le désenchantement de ce monde producteur d’objets dérisoires. Certaines sont des réinterprétations refaçonnées ou récréées de pièces déjà connues (Ma ruine avant la vôtre, Détournements de fonds, Reponcer le monde). D’autres ont été construites pour l’occasion avec les matériaux emblématiques, fer et béton. Ainsi, désignés anonymement Sans titre, 2011, les échelles incohérentes dans la cour mais surtout à l’in-

térieur les gradins décharnés sont atteints par la déchéance physique, fonctionnelle et symbolique. À l’opposé des prouesses monumentales de Vincent Ganivet, les constructions de Boris Chouvellon jouent le double de ruines inversées (par différence avec le genre rocaille) et de ruines par anticipation, à l’instar des entropies de Robert Smithson exposées au [mac] dès 1994. Dans le hall, Reconstruction Style (2009/2011) justement n’en a aucun : ni édifice, ni objet, ni sculpture, ni vestige, ces mornes panneaux préfabriqués de palissade ajourée et atteints d’achromatisme, multipliés et amoncelés ont perdu de leur valeur fonctionnelle et éventuellement plastique. Boris Chouvellon réussit à reconstruire une non-forme, une hyperréalité insensée, la ruine du sens. Et pour suivre Anne Cauquelin dans son Petit traité d’art contemporain (Le Seuil, 1996) : « …si cet art déçoit, c’est l’époque qui veut ça ». Nous manque un beau catalogue critique pour appréhender plus fine-

Boris Chouvellon, Reconstruction style, elements en beton, dimensions variables, 2009, installation pour le Mac de Marseille, 2011 © C. Lorin/Zibeline

ment chaque perspective ouverte par Chouvellon, comme le [mac] a pu le faire par le passé. Il est encore des cas où le coût a un sens. CLAUDE LORIN

Running on empty Boris Chouvellon jusqu’au 8 janv [mac] musée d’art contemporain de Marseille 04 91 25 01 07 www.marseille.fr

Adelante ! Les propositions marseillaises des Instants Vidéo sont closes, mais vous pouvez poursuivre votre exploration des formes non conventionnelles des images électroniques jusque dans les faubourgs… Devant une programmation si profuse (plus de 150 films pour Marseille) quelques frustrations surgissent lors des éditions des Instants Vidéo. Une dispersion (mais aussi un rayonnement !) dans et hors la cité, des programmations uniques, des horaires limitatifs, restreignent l’accès du public au plus grand nombre d’œuvres. D’autant qu’il faudrait pouvoir assister aux rencontres, débats et conférences aux thèmes les plus attrayants ! Les conditions climatiques n’ont fait que rajouter aux difficultés de présentation à la Friche. Les projets de rénovation laissent cependant espérer un accueil plus favorable des visiteurs dans le futur (voir p.5). Car les formes particulières portées par la création vidéo nécessitent souvent des mises en vue et d’écoute spécifiques entre le visionnement intime et le déploiement des installations. Comme les révolutions dont il était question lors de cette édition 2011, des évolutions deviennent indispensables pour cet évènement unique, d’autant que l’équipe prépare une célébration exceptionnelle pour le 50e anniversaire de la naissance de l’art vidéo, et une rétrospective internationale à l’occasion de

Marseille 2013. Pour patienter, suite et fin à Vitrolles avec installations, projections, lecture poétique de Denis

Lapparent, cinéma, médiathèque et bibliothèque, jusqu’au 20 nov ; à Port-de-Bouc, au cinéma le Méliès le 26 nov, programmation internationale sur le thème du portrait ; à Dragon de Michel Jaffrenou, invite d'honneur des Instants video 2011 © X-D.R Martigues au Musée Ziem, jusqu’au 26 fév, Dark Continent de Marylène Negro (2010) et Âmes fleurs de Kacha Legrand (2007/2011), installations vidéo et le 24 nov à 17h30, Images mouvements et images fixes, conférence et projections par Marc Mercier. Et un poil plus loin à Nice, Moyen-Orient/MoyenOccident, en janvier 2012, à la Villa Arson. CLAUDE LORIN

www.instantsvideo.com


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ARTS VISUELS

FOTOKINO | LA GAD

Ed Fella à la marge Méconnue en Europe, la production polysémique d’Edward Fella se répand comme une trainée de poudre à Marseille… Affiches et documents imprimés, dessins et collages, papers and parts au Studio Fotokino (voir p.10), polaroïds à l’Atelier de visu et flyers au Cipm… Plonger dans cet imagier démesuré revient à voyager en apnée dans les États-Unis, façon road-movie à 2000 à l’heure, et à zigzaguer entre les paysages urbains saturés d’enseignes, d’annonces, de pancartes lumineuses, et les horizons perdus. À écouter sans discontinuer un morceau de jazz, avec ses figures imposées et ses envolées improvisées. Voilà pour les 1188 polaroïds de la série Letters on America dont le statut reste encore indéfini pour l’artiste, ni archives ni modèles, et s’apparentent à une prise de notes ; une collecte photographique dédiée à la typographie et non une série documentaire. Il fut d’abord un pilier du graphisme industriel commercial avant de fomenter une œuvre libre ! À 47 ans, il débuta un Master of Fine Arts à Cranbrook et enseigna à la California Institute of the Arts où il bouscula le graphisme en profondeur, «transforma la lettre en matière molle», marquant à jamais la nou-

velle génération. Dans toutes ses expérimentations il déconstruit et recycle des lettres, des formes géométriques, il dérègle les lois typographiques, il décadre les cadres, il use de citations, il pastiche et parodie. Bref, il invente, mettant en avant «un protocole expérimental marqué par l’irrégularité des espaces et l’utilisation du vernaculaire». «Celui que tout le monde apprécie, dit-il, et celui issu de la culture de masse». Muni d’un stylo Bic 4 couleurs made in France, tantôt il surcharge la page de graphes, de symboles, de taches, il sature la lecture, tantôt il fait la part belle au blanc vertigineux. Toujours il fragmente, dépèce, découpe dans la matière. Agile comme jamais, il dessine un archipel dont il n’a pas encore fini de noircir les contours. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Studio Fotokino, Marseille 1er jusqu’au 24 déc 09 81 65 26 44 www.fotokino.org

Exposition Ed Fella, Studio Fotokino, Marseille 2011 © X-D.R

Atelier de visu, Marseille 6e jusqu’au 2 déc 04 91 47 60 07 www.atelierdevisu.fr Cipm, Marseille 2e du 26 nov au 17 déc 04 91 91 26 45 www.cipmarseille.com À lire Ed Fella Documents Couverture Ed Fella, conception graphique de l’ouvrage Jérôme SaintLoubert Bié Éd Festival international de l’affiche et du graphisme de Chaumont, Fotokino, 35 euros

Sur mesure © Emilie Perotto, Noli me tangere, 2011, inox, topan, aluminium, 387 x 332 x295, La Gad Marseille, courtesy galerie ACDC

On ne voit qu’elle, et pour cause, elle occupe tout l’espace de la Gad. Excepté le petit sas de découverte à l’entrée. Le visiteur et l’habitant tombent littéralement sur Noli me tangere de Émilie Perotto, dont la forme interagit parfaitement avec la galerie et l’appartement. Une double identité «de pièce à vivre et à fréquenter» avec laquelle elle compose pour «tenter d’occuper le maximum d’espace avec un minimum de matière» : dimensions, profondeur, éclairage électrique et naturel (côté jardin), parois de plexiglas (séparation avec l’intime), murs et mobilier rouge (taches de couleurs vives dans l’espace blanc). C’est la combinaison des impossibles ! Topan gris anthracite teinté dans la masse, aluminium et inox pour la légèreté, 387 x 332 x 295 cm pour la monumentalité, et un résultat aérien, dynamique. Un mouvement d’épure et une ligne infinie : les appuis au sol, au bas du mur et contre la cloison offrent autant de points de fuite. Malgré l’exiguïté, le regard n’achoppe sur aucun obstacle… Noli me tangere, comme ses pièces exposées à Art-ORama en 2009 et au centre d’art Les Capucins à Embrun cet été, repose sur une réflexion dont le socle est le lieu et son contexte, le rapport physique à l’œuvre. Toutes sont pensées à l’échelle du corps, on les expérimente physiquement… À l’origine liée aux paroles christiques (Jésus mort, pas encore monté au ciel, exhorte Marie Madeleine à ne pas [le] toucher) et à une chanson de

Rodolphe Burger qui évoque une «trace sur le sol», la sculpture se soustrait de l’objet de départ qui flotte «comme un vague souvenir». Elle s’en évade, invente des formes et des lignes abstraites, en révèle justement la trace, non pas au sol mais dans l’espace. Si le lieu est «double», l’œuvre elle aussi se dédouble : Émilie Perotto présente à La Gad You can only see the shape, on the (back)ground, see the shape, et réserve à la galerie ACDC de Bordeaux une œuvre en miroir, mais autonome : You can only see the shape on the (back)ground, see the shape. Deux faces d’une même chanson. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

You can only see the shape, on the (back)ground, see the shape jusqu’au 31 déc La Gad, Marseille 1er 06 75 67 20 96 www.lagad.eu


GALERIE DETAILLE | TROCADE

ARTS VISUELS 63

Affaire de famille Rares sont aujourd’hui les lignées familiales consacrées à l’art photographique, comme les Sudre ou le studio Ely à Aix, les Detaille à Marseille. Leur galerie présente une sélection de clichés historiques : trois générations héritières de Nadar et plus d’un siècle de photographie à Marseille, en Provence et en des contrées plus lointaines. En 1902, recommandé par le studio suisse Boissonnas, Fernand Detaille prend la succession de l’atelier Nadar avec la bénédiction de ce dernier. La Canebière se nommait alors rue Noailles. Après plusieurs déménagements, le studio Detaille s’est installé dans le quartier Périer pour ouvrir une galerie dédiée à la photographie dans la tradition de ses prestigieux ancêtres (voir Zib’35). Plus d’une trentaine de clichés dont plusieurs vintage balisent cette saga familiale que l’on retrouve dans le détail dans le livre intitulé sobrement Detaille (voir p.68). Malgré le temps passé et la pointe de nostalgie qui l’enveloppe, l’exposition retrace en fait souvent l’histoire de modernités, par le truchement de techniques novatrices (l’avènement de la photographie au 19e, l’acétate, le procédé panoramique Linhof, le numérique aujourd’hui, la digigraphie utilisée

© Albert Detaille, lecture du journal au soleil, escaliers du Palais Longchamp, vers 1930

pour la majorité de ces tirages après numérisation des plaques de verre par Hélène Detaille), de certains sujets (le Pont Transbordeur par Albert) ou bien par une approche plus plastique (les graphismes architecturaux de Gérard). L’exposition s’ouvre par un superbe et très pictural tirage d’époque daté de 1899, La Bande des cinq, par Fernand, dans lequel figurent les portraits de deux protagonistes de l’image moderne, Nadar et Auguste Lumière.

© Gerard Detaille, tour de l'armateur, CMA-CGM, architecte Zaha Hadid, Marseille 2008 Générations jusqu’au 28 janv Galerie Detaille, Marseille 04 91 53 43 46 www.galeriedetaille.com

C.L.

Troquons (ceci n’est pas une insulte) Comment débuter une collection d’art contemporain sans débourser un radis ? La Trocade peut vous y aider. Sur le mode du troc, une proposition alternative de Mouvart et Marseille2013Off Un des intérêts de MarseilleProvence2013 est d’avoir suscité, par delà la grande aspiration européenne, des propositions plus locales. Parmi

reçues) sera présentée fin novembre. Durant ces trois jours d’exposition la visite est libre. Si une œuvre vous intéresse, communiquez votre proposition de troc et vos coordonnées via un feuillet autocollant que vous apposez sur le mur à côté de l’élue (un bloc de feuilles en échange de 5euros). À l’issue de l’expo, si votre offre lui convient, l’artiste vous contacte pour faire affaire directement avec vous.

les dernières initiatives, la Trocade, née du rapprochement des associations Mouvart et Marseille2013Off, se positionne comme une alternative aux principes imposés par le diktat du marché de l’art. Trocade propose d’acquérir une œuvre d’art contemporain en échange de tout sauf de l’argent. Suite à un appel à contribution auprès des artistes de Marseille et de la région, toutes expressions confondues, une sélection d’une centaine d’œuvres (sur près de deux cents

Échange non fossé

Gerard Traquandi © Malika Mokadem

Je troque une œuvre contre… une des miennes, un objet, un service… En face de la valeur immatérielle que j’attribue de moi-même à une œuvre d’art (elle me plait !) que puis-je offrir en équivalence ? Ce troc modifie-t-il la nature de ma relation à cette œuvre et plus généralement à toute œuvre d’art ? Cette peinture prend-elle un sens identique selon que je l’échange contre mon scooter, un voyage, la réfection design d’un salon ou le récital de mes propres chansons ? Cela limite-t-il la spéculation, suscite-t-il d’autres liens que l’acte monnayé ? Un exemple : contre quoi pourrai-je échanger un Traquandi ? (Gérard Traquandi, parrain de l’évènement et artiste reconnu sur le marché de l’art, déclare rouler lui-même dans une voiture troquée). Alors artistes et collectionneurs de toutes obédiences trinquons à la Trocade ! C.L.

Trocade les 24, 25, 26 nov 28 rue de la République, Marseille 2e www.trocade.fr


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ARTS VISUELS

AU PROGRAMME Éphémère Le temps d’un week-end l’Hôtel Burrhus est prêt à toutes les surprises, transformant 35 chambres en 35 mini galeries propices à la libre création de 35 artistes. Ce pari lancé en 2007 a séduit, entre autres, Arnaud Vasseux, Harald Fernagu, Mourad Messoubeur, Caroline le Méhauté, Moussa Sarr qui voient dans ce défi l’occasion, unique, de sortir leurs œuvres de l’atelier pour la chambre à coucher… lieu de toutes les rencontres, de toutes les conversations. Même les plus irréelles. M.G.-G Supervues 16, 17 et 18 déc Hôtel Burrhus, Vaison la Romaine 04 90 36 00 11 www.supervues.com

Chambre de Martine Lafon, Supervues 2010 © X-.D.R

Instantanés Toulon «cet(te) autre, cet alter ego», port d’attache de Jean-Luc Charles, au cœur de sa vie, de ses voyages et de sa pratique vidéo et photographique : des instantanés bruts argentiques, sans mise en scène, du noir et blanc jusqu’aux objets filmiques, aux poèmes vidéo ; des paysages urbains aux super-héros en passant par l’intime. Une exposition en forme de portrait ou… d’autoportrait ? M.G.-G.

La balade du soleil, Tarcisio Canonica © X-D.R

Toulon’s Jean-Luc Charles jusqu’au 3 déc Maison de la Photographie, Toulon 04 94 93 07 59 www.toulon.com

Harmonie

© Jean Luc-Charles

À Saint-Chamas, l’ancienne chapelle dédiée aux pêcheurs offre ses vitraux et sa douce lumière aux toiles et dessins de Tarcisio Canonica qui fête ses 50 ans de peinture. Abstraits, minéraux, ses paysages d’un monde intérieur en quête d’harmonie vibrent d’infimes variations de couleurs et de matières qui ont séduit l’âme des poètes. Ses œuvres ne figurent-elles pas dans la collection de René Char ? M.G.-G. Rétrospective Tarcisio Canonica jusqu’au 31 déc Chapelle Saint-Pierre, Saint-Chamas 04 90 50 90 54

© Stéphane Le Mercier

À emporter Pour son 5e anniversaire, Voyons voir art contemporain & territoire organise le 19 nov au Théâtre du Bois de l’Aune une vente aux enchères performative, ludique, décalée et participative ! Lever de rideau par la Cie Arsène et l’Art tangent qui feront cohabiter arts visuels et théâtre sous les coups de marteau de Maître Kaplan. Le tout au profit de la création contemporaine, soutenue par l’association à travers expositions, résidences et éditions. M.G.-G. Vente aux enchères le 19 nov à 18h (présentation des œuvres en présence des artistes), 19h30 (vente aux enchères spectacle), 20h30 (retrait des œuvres) Théâtre du Bois de l’Aune, Aix 04 42 93 85 48 www.voyonsvoir.org


ARTS VISUELS 65

Sommets Accueillies dans le cadre des résidences photographiques du théâtre La Passerelle, les dernières images de Sabine Delcour mettent à l’épreuve nos représentations mentales de la haute montagne. Minéralité, sentiers, éboulis, neige, vide, pentes, vastitude, solitude, air, froidure ou lumières fantasmées, transportés par le médium photographique pour se dreconstruire une poétique du regard et du paysage. C.L.

Une question d’épreuves jusqu’au 14 janv La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu

© Collectif Dardex-Mort2faim, Le Faussaire, installation robotique, 2011

L’art jeu

© Sabine Delcour

Quelles formes d’expression s’inventent dans la rencontre des nouvelles technologies, du numérique, de l’Internet et de l’art contemporain ? Comment ce dernier intègre-til les pratiques ludiques et populaires ? Installations, dispositifs interactifs, performances, concerts et conférences pour cette 7e édition dans divers lieux de la bonne ville cézanienne. Entrées libres en bonus ! Déclic le 18 nov à 18h30 avec vernissage à la Fondation Vasarely. C.L.

Achille Lauge, Portrait de Mme Astre © Musee des Beaux-arts de Carcassonne

Festival Gamerz 07 du 19 au 26 nov Aix M2F Créations 04 88 05 05 67 www.festival-gamerz.com

Pendants D’ordinaire tourné vers le paysage, le musée Ziem offre pour un temps ses cimaises à son homologue carcassonnais dans une approche des genres voisins (portraits, nature morte, œuvres religieuses) et des écoles européennes en écho à l’école française. Rigaud, Chardin côtoient Ribera, Moreelsee, Van Goyen… Deux installations vidéo de Marylène Negro (Dark Continent, autour d’une sculpture de Pedro de Mena) et Kacha Legrand font le pendant contemporain. Conférences de Marie-Noëlle Maynard, conservatrice du musée de Carcassonne le 17 nov, de Marc Mercier le 24 nov pour les Instants Vidéo. C.L. Chefs d’œuvre du musée des beaux-arts de Carcassonne jusqu’au 26 fév Musée Ziem, Martigues 04 42 41 39 60 www.musees-mediterranee.org © Lilian Bourgeat, Biennale d'art contemporain, Anglet 2011

Gigantissime ! Déplacement duchampien, démesure à la Oldenburg… Maman ! Bourgeat a rétréci le monde avec ses trucs démesurés (parpaing, gobelets, porte manteau…jusqu’à l’échelle dix et plus) ! Les objets-sculpture monumentaux de Lilian Bourgeat seront installés in situ à Istres et à Grans. Parcours interactif VertiGineuses Virées avec le public hors les murs le 16 nov, avec l’association Rio et la Cie En rang d’oignons, performance du groupe Coline. Vernissage le 18 nov. Grandiose ! C.L. Lilian Bourgeat du 19 nov au 15 janv Centre d’art contemporain intercommunal, Istres 04 42 55 17 10 www.ouestprovence.fr


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ARTS VISUELS

AU PROGRAMME Décalé Coup double pour Michéa Jacobi qui fait paraître chez Parenthèses Le piéton chronique, Carnet de promenades, recueil de courts textes illustrés d’une gravure sur linoleum, et expose ces fameux linos dans les locaux de la maison d’édition marseillaise. 10 années à parcourir le bitume pour nous donner à voir la cité phocéenne dans ses aspects les plus méconnus ; et de manière irrésistiblement décalée : Le Jupiter des calanques, Physiologie du coureur de corniche… À parcourir avec le mini guide dans la poche ! M.G.-G. Michéa Jacobi du 19 nov au 7 janv Parenthèses, Marseille 6e 04 95 08 18 20 www.editionsparentheses.com

Physiologie du coureur de corniche © Michea Jacobi

Sculpture, Alain Peclard © X-D.R

Synthétique

L’œuvre d’Alain Péclard, artiste suisse installé à Paris, se décompose en plusieurs périodes ; «les unes, descriptives, s’inspirent de la mythologie ; les autres, plus philosophiques, s’attachent au fondement des choses». À la galerie Paradis, collages et sculptures aux formes abstraites géométriques en sont une synthèse qui mettent en situation «tradition et modernité» à travers un vocabulaire rigoureux : formes, signes, couleurs et techniques mixtes - fer, verre, bois peint. M.G.-G. Alain Péclard du 17 nov au 17 déc Galerie Paradis, Marseille 6e 06 75 52 07 39 www.paradis-galerie.com

Chimere, Nicole Guidi © X-D.R

20/20 Sculpteurs, plasticiens, photographes, graveurs, pastellistes, collagistes ou assembleurs : 111 artistes se mobilisent pour soutenir la cause des enfants cancéreux ou leucémiques hospitalisés dans les services du CHU de la Timone. Leurs créations, au format obligatoire de 20/20, sont mises à la vente par Vœux d’artistes qui permet à tous de devenir un collectionneur «citoyen». M.G.-G. Vœux d’artistes du 17 au 24 nov Maison de l’artisanat et des métiers d’art, Marseille 1er 04 91 54 80 54 www.maisondelartisanat.org Danielle Lorin, Serie des Chrysalides, buste de femme, papier et beton cellulaire 2011 © D. Lorin

Métamorphoses La poésie, la musique et la voix irriguent depuis peu les œuvres de Danielle Lorin, peintures grand format avec objets du quotidien intégrés et sculptures peintes sur des bandes plâtrées en terre, papiers de soie, latex fin comme une peau… Des matériaux qui vibrent au moindre souffle de vent, miroir des chrysalides de la nature, fragile et légère. M.G.-G. Chrysalides et autres petits monstres Danielle Lorin jusqu’au 19 déc Parvis des Arts, Marseille 3e 04 91 64 06 37 www.parvisdesarts.com


© Didier Petit, Aaaaahhh...Zut !!! papiers noirs decoupes, 2011

Aaaarrrtaud ! La figure tutélaire d’Antonin gouverne le projet de Didier Petit pour cette galerie installée dans un établissement d’enseignement : comme pour l’écrivain la parole porteuse de savoir et de liberté y reste fondamentale. Les dessins récents sur papier noir découpé donnent le titre à l’exposition pour se mêler à d’autres plus anciens et réactualisés. Les images prennent la parole et s’appliquent au corps du lieu pour le transformer… temporairement. C.L. Aaaaahhh…Zut !!! Essai pour une petite parole Didier Petit jusqu’au 16 déc Artothèque, Lycée Antonin Artaud, Marseille 04 91 06 38 05 www.lyc-artaud.ac-aix-marseille.fr/artotheque/

A.M. Sentimentale Dessiner comme jardiner le support, semer l’aquarelle par efflorescences, bouturer le trait, effleurer d’encre transparente le papier, mémoire, rêves, souvenirs, «pour échapper au poids des choses»… De tout petits dessins et une installation lumière. Des fleurs uniquement. Du pavot. Pour accomplir un «accompagnement sentimental de la peinture» dit-elle. C.L.

Peintures à étoiles Anne-Marie Pêcheur Du 29 nov au 23 déc Table ronde autour d’A.M. Pêcheur avec F. Bazzoli, S. Bonn, O. Domerg et notre collaborateur C. Lorin, le 1e déc à 18h30 Le Passage de l’art/Lycée du Rempart, Marseille 04 91 31 04 08 www.lepassagedelart.fr

Anne-Marie Pecheur, serie «Tu dors -non», aquarelle et dessin sur papier, 21 x 29,7 cm, 2010 © J.C. Lette


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LIVRES

PHOTO | BD

Force Detaille

Pendant qu’une sélection des clichés est aux cimaises de la galerie rue Marius Jauffret (voir p.63) voici un livre comme on en trouve pas si souvent en photographie. Ce Detaille rassemble trois générations d’une famille de photographes, couvre un siècle de photographies depuis l’héritage de Nadar et offre un aperçu de l’histoire de Marseille et la Provence principalement jusqu’à notre période très récente. C’est aussi une histoire de famille et de regards en prise avec leur époque que l’on suit avec Gabriel Chakra, auteur d’un des textes avec Pierre Echinard, proche des Detaille et familier de cette saga commencée en Suisse avec le pionnier Fernand Detaille, adoubé dans la cité phocéenne par le grand Nadar. L’écueil serait de poser un regard nostalgique et pittoresque sur ces deux cents clichés en noir et blanc pour la plupart. Fernand, Albert puis Gérard usent chacun des outils de leur modernité, du daguerréotype au numérique. Même si Gérard Detaille envisage quelques retouches pour une éventuelle réédition, la qualité

de reproduction est difficile à prendre en défaut. L’ouvrage s’organise autour de thématiques - portraits, ports, industries, métiers, instantanés, ville, terre, mer qu’illustrent parfois en vis-à-vis les clichés d’un même genre réalisés par l’un et par l’autre, avec en son centre un quadruple volet, panorama du vieux port de Marseille par le pionnier Fernand Detaille. L’ouvrage se termine avec une photo du dernier des Detaille, Edouard, comme pour assurer la relève, suivie d’une biographie chronologique du studio, en français et en anglais, d’une bibliographie des publications à l’enseigne Detaille et chez d’autres éditeurs. Un beau livre à l’approche des fêtes… CLAUDE LORIN

Detaille Trois générations de photographes Marseille Provence Méditerranée Pierre Echinard, Gabriel Chakra, Caroline Guiol HC éditions, 45 €

N’oubliez jamais La collection Quadrants Astrolabe vise à donner aux lecteurs adolescents, par le biais de fictions BD longues et documentées, des repères et des informations sur certains épisodes peu ou pas connus de l’histoire récente. C’est dans cette perspective historique et didactique que s’inscrit le dernier titre paru, Triangle rose. Sur un scénario de Michel Dufranne, mis en dessin et en couleurs par Milorad Vicanovic, Maza et Christian Lerolle, cet album à l’évidente qualité graphique déploie ses 144 pages pour relater les effroyables conséquences du «paragraphe 175», un article du code pénal allemand qui, dès 1794, condamnait l’homosexualité masculine et a perduré dans la loi jusqu’en 1994 ! Car c’est de cela qu’il s’agit, d’aborder le sujet de la déportation en masse de ceux que l’on reconnaissait dans les camps au triangle rose cousu sur leur veste.

Trois lycéens doivent faire un exposé sur les camps de concentration ; l’un d’eux propose d’aller interroger son arrière-grand-père qui en est revenu, mais il est loin de tout savoir sur le vieillard aigri qu’est devenu Andreas Müller. Entre les pages en couleurs de l’époque actuelle s’étend le récit du vieil homme : dominante de brun pour le Berlin des années 30, celui de la jeunesse d’Andreas et de ses amis, sur fond de montée du nazisme ; d’anthracite pour les «années noires» du camp et les «années de larmes» qui ont suivi. Une composition un peu démonstrative mais très efficace. Et des pleines pages superbes. FRED ROBERT

Triangle rose Soleil, 17 €

Revoir du ciel Le très grand livre (34x28cm) édité par Jeanne Laffitte en ces temps d’ouverture de la chasse aux cadeaux est une très belle surprise. Intitulé sobrement Marseille la métropole, composé pour l’essentiel de photographies de Camille Moirenc, prises d’hélicoptère, il est un exemple de réussite éditoriale : les vues aériennes sont superbes, variées dans leurs angles, leurs cadres, leur profondeur, leurs couleurs, leur lumière, leurs objets. Remarquables aussi dans le parcours territorial qu’elles tracent, partant de la ville centre pour longer la côte vers Cassis, revenir vers la côte bleue, et finir à Marseille… dressant un panorama exhaustif qui passe par tous les massifs qui enclavent la ville –Marseilleveyre, Garlaban, la Nerthe, l’Etoile- et donne à voir une ville baignée de mer et de lumière, dominée par la pierre blanche, faite d’escarpement successifs, et visiblement édifiée des urbanistes animés d’une volonté d’ordre.

Ordonnée, Marseille ? C’est ce qu’affirment les architectes Charles Bové et Pascal Urbain dans leur texte d’ouverture, et qu’ils démontrent dans chacune des légendes qui accompagnent la centaine de photo, pour la plupart pleine page, qui révèlent effectivement des plans de ville au cordeau fondé sur des quartiers successifs. Les légendes sont intelligemment regroupées sur des pages que l’on peut déplier pour les lire confortablement, en face de l’image qu’elles commentent… et découvrir ainsi des points de vues inédits, parfois insolites, sur des lieux familiers dont on croyait connaître l’ordonnancement, qui échappe de fait à l’œil terrestre. AGNÈS FRESCHEL

Marseille la métropole Jeanne Laffitte , 49,50 €



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LIVRES/DISQUES

MUSIQUE

Russe, pas rustre Boris Godounov fonctionne, pour Xavier Lacavalerie, comme le point de départ de son approche biographique du compositeur. Après Wagner et Manuel de Falla le journaliste et musicologue s’intéresse à Modeste Moussorgski (1839-1881), suppute et imagine, explore les rares documents que nous possédons sur l’homme, si mystérieux, et dont les chefs-d’œuvre doivent autant à son génie propre, pianiste virtuose et musicien autodidacte, qu’à l’intervention de tiers (Ravel, Rimski-Korsakov…), pour les Tableaux d’une

exposition, Une nuit sur le mont chauve… Il incite le lecteur à se libérer des clichés sur la prétendue rusticité de l’homme, son incompétence, et rend encore davantage le personnage attachant. JACQUES FRESCHEL

Moussorgski Xavier Lacavallerie Actes Sud / Classica, 18 €

Beethoven selon Jude On connaît l’étendue du talent de Marie-Josèphe Jude, la plastique sereine avec laquelle elle aborde tous les répertoires, du Brahms romantique, joué avec une sonorité somptueuse, aux opus plus modernes de Jolivet ou Ohana : sous ses doigts ils adoptent une élégance toute «classique». Aussi est-on heureux de l’entendre dans Beethoven… et quelles pages elle propose aux micros des Gambini ! Trois sonates : les Pathétique (8ème), Appassionata (23ème) et Les Adieux

(26ème), jouées avec une flamme contenue, maîtrisée. La sonorité est claire, l’articulation souveraine. L’artiste trace un chemin, des opus 13 à 81, d’un monde qui s’éteint avec le 18è siècle, vers une ère où de nouvelles tensions bousculent les règles. J.F.

CD Lyrinx LYR 2273

Marie-Josèphe Jude a donné un récital Beethoven le 4 nov au Musée du terroir marseillais (ChâteauGombert). Expo «35 ans Lyrinx» jusqu’au 30/11

Cycle monumental «Ce qui est frappant, dans ce cycle, c’est que tout l’aspect superflu, brillant, disparaît peu à peu au profit d’une quête de plus en plus spirituelle, intérieure» commente Bertrand Chamayou à propos des Années de Pèlerinage de Liszt qu’il vient d’enregistrer chez Naïve. Dans ce monument de la littérature pour piano, Chamayou trace un chemin romantique, pénètre la complexité du compositeur, explore son existence fabuleuse, de l’enfance prodige à la fuite amoureuse, vers la maturité mystique… La technique puissante,

nécessaire et «transcendante» du virtuose français fascine toujours dans les musts des premières années du voyage passionné avec Marie d’Agoult (Suisse «La vallée d’Oberman», Italie «Après une lecture de Dante»), comme l’épure relative, chantante et coloriste, des ajouts tardifs («Venezie e Napoli» et Rome). Une fresque sonore lumineuse !

Bertrand Chamayou a joué l’intégrale des Années de pèlerinage en concert à Martigues le 10 nov au théâtre des Salins (voir p 45)

JACQUES FRESCHEL

Coffret 3CD Naïve V5260

Odyssée sacrée Créé en 1997 par Joël Suhubiette, le Chœur de chambre Les éléments s’est vite affirmé comme un maillon indispensable de la vie chorale de haut niveau. «Ensemble de l’année» aux Victoires de la Musique 2006, ces voix s’aventurent dans les répertoires a cappella acquis à Accentus, Musicatreize, voire à des unités spécialisées dans les musiques anciennes. Le chœur établit un lien privilégié avec le compositeur libanais Zad Moultaka, dont l’originalité du style provient du mariage de la musique moyen-orientale et de l’écriture contemporaine occidentale. Pas étonnant donc que l’on retrouve deux pièces du musicien dans

cette anthologie de chants de la «Méditerranée sacrée» publié par le label «l’empreinte digitale» basé à Marseille : une lecture envoûtante de la mystique arabe d’Hallâj, et un retour vers la langue syriaque de l’Evangile (Sept Dernières Paroles du Christ en Croix). Le programme est chanté en cinq langues (hébreu, arabe, araméen, latin et grec ancien), couvre huit siècles d’histoire musicale, d’allers-retours Orient-Occident, transcende les religions et, à l’instar de ce que l’étymologie «religare» suggère, «relie» les cultures autour d’un berceau commun. Avec éclat, les pupitres se répondent, comme d’une rive à l’autre de la Méditerranée,

de la Catalogne médiévale, à l’Italie renaissante ou l’Espagne baroque, de la Lombardie juive du 17ème siècle de Rossi à la Venise de Lotti, jusqu’à la vision moderne et fantasmée de la Grèce antique d’Alexandros Markeas. J.F.

Beaumadier et chez ses compères «locaux» : André Gabriel (tambourin), Jacques Raynaud (piano), Yves Desmond et Philip Bride (violons), Yannick Callier (violoncelle)… Toute une famille, qu’on a plaisir à entendre sous la direction artistique de Marcel Frémiot.

Jean-Louis Beaumadier et le Concert Buffardin ont joué Il pastor fido de Nicholas Chédeville à Marseille, le 8 nov dans le cadre du Festival de musiques baroques & classiques

CD l’empreinte digitale ED13235

Piccolo et C° Voici un disque qui fleure la France, sa nature et ses paysages, ses mélodies populaires… Derrière son titre «Pastoral» se cachent des pages rares de «l’entre-deux guerre et l’immédiat après-guerre», signées de membres du groupe des Six (Milhaud, Auric, Poulenc, Honegger, Tailleferre), élargi à Ibert, Roussel, Gaubert ou des opus satellites de Casella (1914), Migot (1970), Tomasi ou un inédit de Pierre Barbizet ! Il y a de la Provence dans le piccolo champêtre de Jean-Louis

J.F.

CD Skarbo DSK4117


LIVRES/DISQUES 71

Veress varois Sándor Veress (1907-1992) est considéré en Hongrie comme un maillon primordial entre la tradition de Bartok et Kodaly vers un modernisme plus radical incarné par Ligeti et Kurtag. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, alors que la chape stalinienne enveloppe Budapest, Veress s’exile à Berne où il exerce une importante activité de pédagogue, marquant la jeune génération des musiciens suisses. Sa musique est peu jouée sous nos longitudes, si bien que certains de ses opus n’ont jamais été enregistrés, comme son 2ème quatuor à cordes (1937). Il faut que ce soit une formation varoise qui répare cet oubli regrettable ! C’est ainsi que l’ensemble Des Equilibres a pendu ses cordes à

La mouche du Roi Le Carnaval des animaux, fantaisie musicale zoologique imaginé par Camille Saint-Saëns, en a vu de toutes les couleurs, de la relecture textuelle loufoque de Francis Blanche aux différents ballets, dessins animés pédago-interactifs… De grands noms du théâtre, du music hall ou du cinéma ont joué les Monsieur (voire Madame !) Loyal pour initier les enfants au monde de la musique classique (un opus qui du reste, à l’origine, n’était pas réellement destiné à cela). Yann Walker

Poésie chantée

Pour André Tubeuf, octogénaire puits de sciences, le Lied est véritablement né en 1814 avec Schubert et son Marguerite au Rouet. On le croit sur parole dès l’introduction… encore davantage au fil des pages de ce pavé, révisé par l’auteur depuis sa sortie en librairie il y a bientôt vingt ans. Le sous-titre « poètes et paysages » est formidablement illustré au moyen d’une langue d’aède, d’un souffle romantique qui trace des portraits panoramiques, dessine une symphonie en quatre mouvements (Schubert, Schumann, Brahms et Wolf)

Violoncelle chantant

Ceux qui ont entendu au Grand Théâtre de Provence le violoncelliste Jean-Guihen Queyras dans des concertos de Vivaldi, en compagnie de l’Akademie für alte Musik Berlin, prolongent le plaisir ; ceux qui n’ont pas pu s’y rendre découvrent un très beau disque. Après une symphonie festive, où l’on entend en do majeur le thème pastoral du premier mouvement du «printemps», la tonalité sombre de sol mineur prend le pas sur la douce clarté vénitienne. Alors, l’archet fait des prouesses, virevolte, tel un baryton à la voix moirée effectuant des vocalises, les cordes graves

son sac pour se rendre dans la capitale magyare et graver cette magnifique partition, son 1er quatuor (1931) et le Trio pour violon, alto et violoncelle (1954) qui constituent, de fait, un portrait stylistique de l’auteur. On connaît les protagonistes de ce haut fait musical. Certains brillent au premier rang de l’orchestre de l’Opéra de Marseille, comme Magali Demesse brillante altiste qu’on remarque au premier coup d’oreille, ou l’élégante violoniste Cécile Gouiran, qui vient de rejoindre l’Orchestre de Paris. Agnès Pyka, violon solo, professeur au Conservatoire de Toulon, et le violoncelliste Yannick Callier, exerçant à Marseille (et à l’Orchestre des Pays de Savoie), complètent un

invente une histoire de mouche avalée par le Roi-Lion Maxime que les animaux, tour à tour, tentent de soigner. Au fil du récit conté par Enzo Enzo, les animaux s’immiscent entre les tableaux sonores, illustrés dans un livre grand format par Marion Billet. J.F.

Livre & CD Gallimard Jeunesse 22 €

suivis d’une coda diffractée en étoiles lyriques, de Mozart à Strauss en passant par Beethoven, Loewe, Mendelssohn, Cornelius, Wagner, Liszt, Mahler… Des chapitres d’un passionné qui chante la légende d’un siècle. J.F.

Le Lied Actes Sud. 29 €

chantent à merveille… L’instrument rappelle sa cousine la viole de gambe dans les mouvements lents, les phrasés sont souples, les articulations sensibles quand l’orchestre lui fournit une palette contrastée. J.F.

CD Harmonia Mundi HMC 902095 Jean-Guihen Queyras a joué des concertos de Vivaldi en compagnie de l’Akademie für alte Musik Berlin à Aix le 20 oct au GTP (voir p.45)

quatuor dont la cohésion et l’implication lyrique saisissent, et qui fait rayonner le sud musical. JACQUES FRESCHEL

CD Hungaroton classic HCD 32691www.hungaroton.hu Des Equilibres en concert le 15 nov. à 20h à Toulon au Conservatoire (voir p.39)

La Carnaval des Animaux sera joué le 8 déc à Marseille. Eglise St-Cannat (Festival de St Victor voir p.38)


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LIVRES

LITTÉRATURE

Parenthèse italienne La trame n’est pas nouvelle : un jeune auteur est invité en résidence en Italie, dans une villa viscontienne aux hôtes cosmopolites. Déjà, dans La secrète mélancolie des marionnettes (voir Zib’41), Denis Grozdanovitch situait son narrateur près de Florence, mais prenait prétexte de ce déracinement pour fourbir débats d’idées, références littéraires, religieuses et historiques et jeux de séduction. Srdjan Valjarevic préfère, lui, les rives sombres du lac de Côme et le mont San Primo comme terre d’exil pour ce novice jamais sorti de sa Serbie natale. Si le premier est un homme brillant, jamais à cours d’idées et de citations, naviguant dans les hautes sphères de l’intelligentsia internationale, le second est en panne d’inspiration et versé à boire plus que de raison… L’alcool étant ici un personnage à part entière ! Ignorant les us et coutumes en vigueur dans ce milieu feutré d’universitaires, de chercheurs de haut vol et autres historiens prestigieux ; engourdi par son changement de vie, de cadre (trois villas au charme bourgeois sur les hauteurs de Côme, incon-

nues des villageois) ; anesthésié par la bonne chère et les vins exquis (au point de se lier d’amitié avec deux serveurs et deux cafetiers du hameau), il vit sa vie en spectateur. Et nous en complice amusé de son décalage permanent, son humour et sa légèreté, l’indolence de son improductivité. Tout lui est source de jouissance contemplative ! Mais deux micros électrochocs viendront fissurer son ravissement béat et lui faire entrevoir son retour au pays comme une possible renaissance. Un roman attachant, déstabilisant par sa relative inaction, dont on se surprend à tourner les pages de plus en plus lentement au rythme des ascensions solitaires du héros. On en savoure les silences, on frissonne au bord du lac enveloppé d’une ouate de félicité !

Côme, lauréat du Prix des lecteurs du Var, Fête du livre de Toulon (p.80)

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Côme Srdjan Valjarevic Traduit du serbe par Aleksandar Grujicic Actes Sud, 21,80 €

Un impossible amour Cristina Comencini n’est pas seulement la fille de : réalisatrice, scénariste, elle est l’auteure de six romans dont Quand la nuit, récit à deux voix d’un impossible amour. Deux voix qui laissent filtrer leurs pensées, leur âme et les pulsations de leur chair : Marina, jeune mère fragile du petit Marco, partie se reposer dans un hameau des Dolomites ; et Manfred, guide de haute montagne peu disert, rude comme ses rides. Deux voix qui s’entrecroisent sans cesse, se répondent en silence - ou en maugréant - et n’ont en commun qu’une incompressible solitude. Leurs souvenirs affleurent à la surface du roman comme un jeu de dominos, dans un entrelacs de souvenirs, de désirs refoulés, de maladresses, d’hésitations et de regrets : du coup le récit est décousu et l’écriture hachée pour mieux adhérer aux digressions de leur pensée. C’est un vaste écheveau en deux parties, La Nuit et Le Retour : on tire le fil et tout se délie autour de leur incapacité à être parent (la chute de l’enfant est un secret lourd à partager), des relations familiales (toujours

noueuses et rugueuses) et des figures absentes (femme, mère)… À l’image du paysage minéral, âpre, que l’une découvre et apprivoise, que l’autre admire, leurs relations se construisent dans l’adversité, le soupçon, véritable jeu du chat et de la souris : ils se domptent mutuellement, se testent, se jaugent, s’épient même. La tension, d’abord en pointillés, fait exploser au grand jour rancœurs fratricides et non dits. Quand la nuit vient, l’amour sera-t-il possible ? Cristina Comencini construit son roman avec l’agilité d’une montagnarde aguerrie aux chemins escarpés, ménageant de temps à autre une halte reposante. Bientôt on atteindra le col et tout s’éclaircira.

Quand la nuit figure parmi la sélection du Prix des lecteurs du Var, Fête du livre de Toulon (p.80)

M.G-G.

Quand la nuit Cristina Comencini Traduit de l’italien par Jean Baisnée Grasset, 18,50 €

Vagabondage au long cours Trois parties à l’origine, puis 4, et finalement 5 agrémentées d’un «répertoire des principaux personnages» : 942 pages suffisent à peine à Eugène Nicole pour raconter les histoires de son archipel natal, SaintPierre-et-Miquelon. Dans une langue qui prend son temps, classique, piquée de mots d’une autre époque (maréchaussée pour police, négoces au lieu de magasins…), cette fresque épique vagabonde entre descriptions et souvenirs, réflexions et observations, figures pittoresques et documents d’archives, faisant revivre de manière déconstruite et foisonnante menus événements et grands bouleversements. La lecture est ardue car le texte est un écheveau d’anecdotes savoureuses, d’épisodes tragiques, de références historiques, de mille et un détails topographiques, météorologiques, voir géologiques ! Le lecteur louvoie néanmoins avec bonheur dans ce torrent de phrases magnifique-

ment balancées qui l’invitent à prendre le large, au propre comme au figuré. Il croise les âmes chères au jeune enfant qu’il fut (Monsieur l’instituteur, la grandmère Jeanne, Gabie, la Première Touriste et de nombreux autres personnages fantômes) ; il imagine les lieux magiques (le théâtre paroissial L’œuvre en mer, la Maison Jacquet quasi indestructible à ses yeux, le Café du nord ou l’épicentre de l’archipel…) ; il franchit les bornes de l’intime pour atteindre à l’universel à grand renfort de plans, de cartes et de repères. De chansons anciennes et de cartes postales jaunies, depuis les récifs du cap de l’Aigle au bitume newyorkais arpenté par l’auteur depuis 20 ans. Et si le récit-fleuve dévore l’histoire en l’écrivant, c’est pour mieux faire entendre le rythme de ce «caillou» du bout du monde. M.G.-G.

L’œuvre des mers Eugène Nicole L’Olivier, 26 €


LIVRES 73

Rêve d’idéal

Thierry Discepolo est éditeur, cofondateur de la maison d’édition marseillaise Agone qui annonce dans sa présentation «la prétention de donner à lire ce que l’université, des sciences à la philosophie et à l’histoire, produit encore de connaissance subversive», «de ne jamais publier un livre pour le seul motif de sa rentabilité, de ne pas choisir un auteur sur le seul critère de sa notoriété […]» Un parti pris qu’il est bon de connaître avant d’aborder la lecture de son pamphlet, dans lequel il s’attaque aux éditeurs dits «indépendants» mais qui, pour l’auteur, ont renoncé à leur indépendance éditoriale (Gallimard dans la ligne de mire), ceux qui sont devenus des «galaxies» («petites» maisons agrégées au système d’un éditeur plus important, en l’occurrence Actes Sud pour la démonstration), mais qui devancent la demande, c’est-à-dire, comme les grands groupes de communication (Hachette-Lagardère tient la corde) se soumettent aux lois du marché, l’édition étant une entreprise commerciale qui se doit d’être aussi rentable que possible, et le livre un produit commercial.

Qu’en est-il alors de la prise de conscience des auteur(e)s qui profitent de l’efficacité des moyens de promotion et de distribution des ces éditeurs, ceux qui «animent le marché», alors même qu’ils contestent dans leurs écrits ce système ? Car nombreux sont les éditeurs qui «récupèrent» les écrits contestataires qui peuvent se révéler lucratifs. Comment allier alors fins et moyens, collaboration et contestation ? L’alternative existe écrit Discepolo, avec des maisons qui «perdurent sur des lignes éditoriales claires et exigeantes sans s’adapter au marché suivant l’alternative dominante : nourrir les plus gros ou se nourrir des plus petits». S’il est contestable sur certains points, l’ouvrage n’en est pas moins stimulant, et pose, entre autres, les bases d’une réflexion sur les responsabilités sociales et politiques du métier d’éditeur tout en démythifiant l’histoire des grandes maisons. DOMINIQUE MARÇON

Un souffle de liberté Fresque historique ? Réflexion sur les dérives du pouvoir ? Polar politique ? Contre-utopie antique ? Il y a de tout cela dans le dernier roman de Diane Meur écrit dans une langue superbement maîtrisée. Deux villes antiques, situées dans la plaine d’un Orient indéfini, sont rivales : entourée de hautes murailles Sir méprise Hénab ouverte à tous les vents. Quand le récit commence, le scribe Asral, chargé de copier les lois qui régissent la ville, engage un montagnard étranger dont le regard neuf lui ouvre les yeux. Peu à peu, à travers métaphores et mots sibyllins, vont sourdre des significations troublantes. Et si ces lois n’étaient destinées qu’à tromper et asservir le peuple de Sir, sous prétexte d’organiser le bonheur de tous ? La situation des femmes, obligées chaque mois d’aller laver le linge de leurs menstrues à un lavoir spécial, subissant ainsi un contrôle odieux sur leur vie intime et leur moralité,

est un exemple éloquent ! Le vernis se craquelle jusqu’au moment où les conflits éclatent. Et voilà que se renouvelle l’affrontement qui, quelques siècles plus tôt, avait donné lieu à la partition des deux villes ! Le roman morcelle la linéarité de l’histoire par une mise en abyme de la reconstitution romanesque : quelques siècles plus tard, des archéologues tentent de comprendre ce qui s’est passé, et de l’écrire... Un récit dense qui met à l’honneur le pouvoir des mots et salue la lucidité de celui qui questionne la doctrine, et reconquiert la liberté. CHRIS BOURGUE

Les villes de la plaine Diane Meur Sabine Wespieser, 23 €

Ex fille des 80’s Énigmatique, le titre du dernier roman de Marie Darrieussecq. Clèves. Aurait-il à voir avec la princesse du même nom, très médiatisée ces derniers temps ? A priori pas grand-chose. Ou alors par antiphrase. Car dans ce Clèves-ci, pas de bal à la cour, pas de beau duc raffiné, et surtout pas de renoncement ! Clèves, c’est le nom d’un patelin de l’arrière-pays basque, plus vraiment village, pas tout à fait ville. Dans cette bourgade agréable, mais un peu loin de tout, Solange, l’héroïne, grandit. Et change. Et essaie de comprendre. Ce qui se passe autour d’elle : son père faux pilote de ligne et vrai coureur de jupons, sa mère qui déprime dans sa boutique, l’étrange monsieur Bihotz qui lui sert de nounou… Mais surtout ce qui se passe en elle, tous ces chamboulements intimes que les définitions qu’elle glane dans le dictionnaire n’éclairent que vaguement, et que les discussions entre copines rendent encore plus

fumeux… Inspirée de cassettes personnelles que la romancière aurait exhumées, cette chronique de l’éveil à la sexualité d’une jeune provinciale des années 80 épouse avec bonheur le rythme fébrile des émotions adolescentes, leur violence, leur côté cash. Succession de paragraphes, brefs le plus souvent, comme autant de tentatives de saisir des sensations qui passent. Scènes narrées au ras du geste, de la perception. Langage cru, brandi comme un bouclier pour tenir l’émotion à distance. Les avoir, le faire, le refaire : tels sont les 3 actes de la métamorphose d’une fillette en femme. Menés tambour battant par une Darrieussecq très en forme. FRED ROBERT

Clèves Marie Darrieussecq POL, 19 €

La Trahison des éditeurs Thierry Discepolo Agone, coll. Contre-feux, 15 €


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LIVRES

LITTÉRATURE

De l’autre côté du miroir

Franz Stangl est un des rares nazis rattrapé et condamné à la perpétuité, dans les années 70. Artisan émérite, puis officier SS zélé, il participe au programme T4 d’extermination des handicapés mentaux avant de diriger les camps d’extermination de Sobibor puis de Treblinka. Travailleur consciencieux, mari aimant : propre sur lui. Il n’a pas, dit-il, participé aux raffinements brutaux des sbires - tuer les enfants à coup de clous ou d’une balle en vol, par exemple - mais, en administrateur méthodique, a eu le goût d’installer un jardin zoologique pimpant ou la reconstitution minutieuse d’une fausse gare pour accueillir les fourgons vers la chambre à gaz : organisation harmonieuse de l’horreur, efficacité du déni. 24 heures avant sa mort, Stangl confie pourtant lors de ses entretiens en prison avec la journaliste Gitta Sereny sa «part de responsabilité», il n’a «plus d’espoir». Ces formules, singulières chez les génocidaires enclins à ne pas vouloir, ni peutêtre même pouvoir, se voir en face, est le point de départ du livre de Dominique Sigaud. Par là, le tortionnaire franchit la ligne pour rejoindre ses victimes,

dans l’incompréhensible inhumanité de ce que l’auteur appelle du nom étymologique de la guerre, la werra : la planification du désastre et la négation de l’individu. Ce livre hybride mêle ainsi l’essai historique documenté, la compilation terrifiante des atrocités, les citations bouleversantes des témoins de la Shoah, les reconstitutions biographiques, les échappées allégoriques sur la permanence universelle de la werra, dragon à mille têtes dans l’Allemagne nazie comme au Rwanda, à des bribes autobiographiques et à une fiction de psychanalyse où le «moi» de l’auteur, comme la surface lisse du miroir, reflète et regarde les dernières heures de Stangl. Si la position de ce «moi» est fuyante et pas toujours très convaincante, elle a néanmoins l’intérêt et l’originalité de reprendre l’histoire depuis le point de vue le plus commun, qui mobilise notre vigilance audelà des commémorations incantatoires : comment n’étant ni témoin, ni victime, ni acteur du désastre, chacun d’entre nous peut-il regarder, et se sentir à son tour regardé par ça ? AUDE FANLO

Compagnes d’armes Reconnue en Argentine comme dans le monde anglosaxon, très appréciée des « gender studies » universitaires, l’oeuvre de Louisa Valenzuela reste toutefois peu traduite en français, sinon dans des anthologies – avec par exemple une publication de quelques-uns de ses microrelatos dans le petit ouvrage En marge de la frontière aux éditions de la Marelle. La visite de l’écrivain en France est donc l’occasion de revenir sur la traduction de cinq de ses nouvelles. Une actrice en gloire s’éprend d’un diplomate fantasque : les affinités raffinées de la fête et de la mort jouent le jeu feutré et désespéré de la neutralité d’une ambassade tandis que l’étau de la dictature se resserre. Une femme vit une dernière nuit d’amour, réelle ou fantasmée, avant l’exécution sommaire de celui qu’elle aime. L’une choisit de rompre avec son compagnon clandestin,

tandis qu’une autre est fascinée par le passé violent de son amant, et que la dernière est l’objet sexuel de son tortionnaire. Le livre est habité par la présence silencieuse et opaque de la répression qui œuvre à l’intérieur des couples, quand le sexe rejoue et ritualise le politique. Interdit sous la dictature militaire, il superpose habilement la contestation politique et le militantisme féministe : aux armes citoyennes ! AUDE FANLO

Louisa Valenzuela était invitée aux Littorales en oct

À lire

Passes d’armes, L’Harmattan, 14 €, En marge de la frontière, La Marelle, 17 €

Le temps est relatif Histoire intemporelle que celle de Roméo et Juliette… Alors pourquoi ne pas retrouver le couple maudit quelque part à Copenhague de nos jours ? Dans Oh, Roméo, l’auteure danoise Merete Pryds Helle, dont c’est le premier roman, reprend les personnages, leur nom, fait de Juliette une thésarde en médecine légale quand son père est candidat aux élections sous la bannière du parti national, de Roméo un chauffeur de taxi d’origine iranienne et de son père un professeur dans une école coranique. Ils ne devaient pas se rencontrer, mais… Cet ancrage de l’amour impossible dans la réalité politique du pays promettait beaucoup ; le souffle est court hélas, et se dilue quelque peu dans les pages que l’héroïne, très fleur bleue, consacre à son blog, sans réel intérêt. Dans son second roman, L’Etreinte du scorpion, l’archéologue de formation qu’elle est croise écritures romanesque et scientifique dans un récit fait de phrases courtes, qui frappent autant que la chaleur du désert jordanien dans lequel Edith participe aux

fouilles du village de Shkârat Masaied. Piquée par un scorpion, et clouée dans sa chambre d’hôtel, elle en profite pour écrire sa thèse. Et imagine un double vivant à l’âge de pierre, une ère qu’elle resserre, «pour le faire vivre par une seule génération, afin que la fiction ait aussi sa réalité.» Une reconstitution inexacte, mais assumée, qui entremêle le réel et l’imaginé, le connu et l’intuitif, une porte d’entrée brillamment ouverte sur l’évolution des espèces. DOMINIQUE MARÇON

Oh, Roméo Merete Pryds Helle Gaïa, 19 € L’étreinte du scorpion Merete Pryds Helle Gaïa, 20 € Elle était présente à Marseille lors de la dernière édition des Littorales.

Frantz Stangl et moi Dominique Sigaud Stock, 18 € Dominique Sigaud était l’invitée des Littorales


LIVRES 75

Îles cicatrices des eaux Comment résister au bonheur de citer Aimé Césaire ? Si son esprit irrigue encore et toujours l’œuvre de Daniel Maximin, romancier, poète, essayiste guadeloupéen, l’exigence de liberté de ce dernier permet affranchissement et dépassement sans reniement aucun. Faisant sienne la théorie de «géopoétique» forgée par Kenneth White, Daniel Maximin interroge scrupuleusement, à bonne distance, le rapport de l’homme-caraïbe dans ses créations les plus diverses, sa culture au sens large, avec sa terre et son ciel, ouragans et cyclones compris ! Constitué d’entretiens thématiques avec la philosophe Valérie Picaudé-Baraban (d’où certaines reprises ou répétitions, constitutives cependant d’une méthode d’approche qui lève les voiles des représentations figées) l’ouvrage met au clair les processus de créativité qui ont permis aux peuples de l’archipel de passer au XXe siècle de «l’injure au diamant». La figure dominante du paradoxe, loin d’une rhétorique de la surprise attendue, rend compte à travers les notions locales et historiques de marronnage,

de créolité ou de géographie exubérante, du cheminement vers la dignité universelle ; apprivoiser le cyclique et n’en pas faire une fatalité c’est donc la seule façon de récolter Les fruits du cyclone ! Sont convoqués dans quatre chapitres aux larges horizons la case et le madras, l’esclave et les Glaneuses de Millet, l’hommeplante et l’identité rhizome, le gros-Ka et le «son» cubain, avec la même légitimité théorique que les écrits des poètes Derek Walcott ou Nicolàs Guillén. Emblématiques de ces questionnements, les pages lumineuses sur le monde pictural de Wilfredo Lam qui opère la métamorphose de l’outrage à l’œuvre d’art... Dans la compagnie des poètes et dans une langue de grande tenue où affleure pudiquement le «brutal vouvoiement français des remontrances paternelles» Daniel Maximin démontre que l’artiste engagé doit «refuser d’être prisonnier de l’histoire de sa prison» . MARIE-JO DHO

Les fruits du cyclone , Une géopoétique de la Caraïbe Daniel Maximin Le Seuil, 22 €

Morceaux choisis Comment dire un monde à la dérive, marqué par la césure, peuplé d’orphelins, d’hommes sans tête, d’êtres murés dans leur solitude ou leur folie ? Comment, à travers le dédale de ces «would be lifes», de ces «ramifictions», évoquer un deuil plus personnel ? En les livrant «en vrac», toutes ces bribes de vies, et en les commentant, afin de les relier, de les tisser en un fil fragile, «à l’image du monde, de nos vies en morceaux». «Je ne peux offrir mieux que ça : des fragments, des débris», écrit Camille de Toledo, au cœur de Vies potentielles, son dernier livre qu’il appelle «roman» ; un ouvrage qui déroute au départ, puis rapidement captive. 47 fictions brèves, aux titres souvent étranges, s’y succèdent, comme autant de pièces éparses d’un puzzle qui peu à peu prend forme. On y croise (et recroise) quelques destins d’une humanité post-moderne, personnages en quête de sens inspirés par des lectures,

À toi

1842 : la marine anglaise bombarde Baltimore. L’hymne national U.S. naîtra de cette abomination. 1969, Final du festival de Woodstock, un métisse noir/blanc/cherokee de vingt six ans triture le symbole dans un déluge mêlé d’apocalypse électrique. Une légende rock contre l’horreur de l’usage des valeurs américaines au Vietnam. À partir de cet évènement, et s’appuyant sur des faits précis de l’histoire (peu héroïque) nord américaine comme de la vie de Jimi Hendrix, Lydie Salvayre réécrit avec une bonne dose de ses tripes une biographie passionnée du trop timide guitar heroe. Est-ce un roman ou bien un cri d’écriture ? La forme affirmée de l’auteure, au début agaçante dans ses répétitions obsessionnelles (les date, heure, minutes, lieu de l’évènement) devient un équivalent stylistique à la version musicale tonitruante infligée au Star Sprangled Banner. Contextualisé par touches, cet

des mythes, des faits divers, des épisodes vécus. Chacune de ces «vies potentielles» est suivie d’une «exégèse» menée par le dénommé Abraham, sous lequel perce assez vite la figure de l’auteur. 9 «genèses» ponctuent l’ensemble, apocalyptiques (et poétiques) contrepoints à la narration centrale. De fait, dans cette entreprise littéraire originale et émouvante, qui emprunte aux contes, à la bio et à l’autobiographie, à la tradition biblique et aux coupures de presse, on sent l’urgence à ordonner un tant soit peu le monde. Tout sauf du vrac, en fin de compte. FRED ROBERT

Vies potentielles Camille de Toledo Seuil, 19 € Camille de Toledo était présent aux Littorales

hommage brise le miroir du mythe fumette dans les étoiles, rock/sex/drugs pour l’ancrer dans le réel, celui d’un gamin qui n’a pas trouvé, pour résister et survivre insuffisamment longtemps, d’autre salut qu’une planche de bois électrifiée et l’appui bienveillant d’une grand-mère indienne lucide. Mais être obligé par contrat signé à la hâte avec un manager avide d’assurer jusqu’à 255 concerts par an relevait d’une inhumaine exploitation. Le système économique prédateur de l’entertainment se mettait en place. Hendrix a tenu avec des expédients, fournis en quantité par ce même manager, jusqu’à épuisement de ses ressources humaines, tant physiques qu’artistiques. C’est ce que cet Hymne élégiaque et cruel prolonge dans ses résonances actuelles. Rest in peace monsieur Hendrix. CLAUDE LORIN

Hymne Lydie Salvayre Seuil, Fiction & Cie, 18 €


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LIVRES

LITTORALES | ACTORAL

Quand glissent les frontières… L’été a brillé sur la dernière édition des Littorales. Les parasols installés entre les chapiteaux en ont abrité plus d’un, venus se poser un instant entre une flânerie ou une séance de signature sur les stands des libraires, une balade parmi des merveilleux livres-objets du Book Project International, une rencontre littéraire, une escale au forum radiophonique, un atelier d’écriture… Le festival littéraire marseillais rassemble

polyphonique de Simonetta Greggio, Luisa Valenzuela (voir p.74) et Metin Arditi (voir Zib’45) ; périple ultramarin en compagnie de Daniel Maximin (voir p.73), d’Eugène Nicole (voir p.72) et de Roland Brival…Mais c’est l’Afrique qui a été au centre des débats. Probablement parce que la plupart des Africains y restent aujourd’hui parqués, ne pouvant en sortir que par le hasard (et les risques) des réseaux clandestins. La fron-

© Juliette Luck

tière, pour eux, n’est pas une vue de l’esprit. C’est sans doute pour cette raison que le premier invité de la journée de réflexion était Frédéric Valabrègue. Quand nous l’avions rencontré début 2011, à propos de son roman Le Candidat (voir Zib’37), il avait insisté sur cette terrible injustice : les jeunes de tous les pays circulent librement dans le monde, pas les jeunes africains ! L’Afrique est un «continent qu’on assigne à ses frontières» a-t-il redit. C’est pourquoi ce «bloc d’Afrique», cette «cagnotte de sensations» dans laquelle il a pioché pour écrire Le Candidat, c’est son cadeau au Niger. Et le voyage d’Abdou, c’est l’espoir d’une Afrique qui avance libre… Pas gagné ! Pourtant, elle bouge, elle vibre, l’Afrique ! Et pas seulement En novembre à Bamako. Si le titre du très bel ouvrage de Valérie Marin La Meslée et Christine Fleurent est né d’une boutade en écho au tube mondial d’Amadou et Mariam, il reflète aussi une certaine réalité de la vie artistique malienne, qui se concentre dans la capitale ce mois-là.

kora de Chérif Soumano. Les Littorales ont aussi convié à d’autres glissements de frontières. Dominique Sigaud (voir p74) et Laurent Binet se sont interrogé sur le lien entre éthique et esthétique ; comment raconter l’Histoire sans la trahir, comment surtout éviter ses bégaiements ? Écrire sur hier pour réfléchir sur aujourd’hui. Abolir les frontières entre les vivants et les morts, c’est ce que tente également Robert Bober, dont toute l’œuvre, d’écrivain, de réalisateur, est une tentative pour «montrer l’absence» ; ce que la projection émouvante de son documentaire consacré à l’émission Lectures pour tous de Dumayet a mis en évidence. À noter enfin le bel échange qu’ont eu Lydie Salvayre (voir p.71), Camille de Toledo (voir p.75) et Marie Cosnay autour de leurs «fragments de vie» ; autant de façons de repousser les limites de son existence en écrivant celles d’autres, célèbres comme Jimi Hendrix (Salvayre), anonymes interrogés dans les centres de rétention du Sud-Ouest (Cosnay), ou «potentielles» (de Toledo). Et à la fin le pouvoir des mots, lus, dessinés se leva et souffla, emporté par un membre du commando poétique. Des mots pour s’ouvrir au monde et en être littoralement transporté. FRED ROBERT © Juliette Luck

chaque automne de plus en plus de monde. Et si la journée de réflexion du vendredi n’a pas attiré suffisamment de public, espérons que, dans les années à venir, les passionnés sauront prendre le chemin de la Bibliothèque départementale (en tram, c’est facile !) comme ils savent désormais emprunter les escaliers qui montent à La Bo[a]te. Une programmation éclectique de qualité, des formules et des lieux variés ; la manifestation organisée par les librairies indépendantes de la ville offre à tous une approche sensible de la littérature et de la création contemporaines. Pour cette édition 2011, le thème était celui des «frontières en mouvements» : une jolie invitation à s’interroger sur la notion même de frontière et à franchir les barrières de temps, de lieux, de genres et de pratiques artistiques. Lorsqu’on prononce le mot «frontière», on pense d’abord à celles qui séparent des pays. Il a donc été largement question de géographie et de voyages durant ces quelques jours : traversée des langues et des cultures avec la rencontre

© Juliette Luck

C’est pour aller plus loin et livrer un état des lieux de la création contemporaine dans une capitale comme Bamako que la journaliste littéraire et la photographe, après plusieurs séjours au Mali, ont réalisé ce superbe carnet de voyage, promenade fluctuante entre les quartiers et les disciplines, les artistes et les gens de la rue, les aînés et les plus jeunes. Dans la courette ornée de bambous de La Bo[a]te, après le vernissage de l’exposition photographique, la rencontre avec ces deux amoureuses de l’Afrique, véritables passeuses de la culture malienne d’aujourd’hui (elles se sont débrouillées pour faire coéditer le livre au Mali, ce qui n’est pas aisé), fut un enchantement. Quelques heures plus tard, on y retrouvait la pétillante Valérie en dialogue avec son confrère africain Sami Tchack, juste avant le concert de

Les Littorales, festival littéraire organisé par l’association Libraires à Marseille, s’est déroulé du 12 au 16 oct.


Derniers actoraux

Monter le Socle des Vertiges sur le grand plateau de la Criée, c’est comme mettre en scène l’Iliade avec variantes et commentaires ; c’est oser crânement la démesure en ces temps de petites voix… Confronté à l’univers puissant de Dieudonné Niangouna, auteur, metteur en scène et acteur, le spectateur se sent tout petit : pas assez d’oreille pour entendre, trop peu d’yeux pour voir ; quant à tout comprendre... L’Histoire nationale (Congo/Brazzaville) et ses bifurcations brutales, l’histoire familiale et ses labyrinthes universels, se croisent, se superposent sans répit. Temps du mythe et rythme de la rue, lenteur extrême, accélération, répétition… Un grand entrepôt en chantier permanent, mur du fond drapé de sacs genre aide alimentaire, accueille tout un monde qui parle à travers les personnages, le hurlement du saxo, les slogans politiques et même par la voix fantôme d’Omar Bongo ; au milieu des parpaings et des barbelés, de la terre glaise façonnée par trois acteurs démiurges (grand moment qui s’étire dans la durée efficacement) ou sur un plateau vide délimité par des images fortes cruellement énigmatiques (coqs de combat, zébu cou coupé dont le sang gicle en rafale), les corps des hommes se campent solidement et monologuent puissamment, verbe haut et mains mobiles... Epopée balèze, texte souverain qui écrase parfois le jeu ou déroute l’attention : du théâtre pour les vivants, «éprouvant» au sens plein du terme, gage sans doute d’une véritable liberté d’expression ! Deux jours avant le Congo Actoral était au Mexique avec Catherine Marnas. La metteur en scène, privée de la création de Pancho Villa après l’annulation de l’Année du Mexique, a présenté quelques extraits de cette commande «qui ne verra jamais le jour», suivie d’une lecture théâtralisée de Usted està aqui, toujours de Barbara Colio. Un texte qui frappe par la violence du monde évoqué (au Mexique les morts de la guerre actuelle entre narcos, état et citoyens se comptent par dizaine de milliers chaque année), mais aussi par la force simple de son écriture dramaturgique. L’auteure réinvente Antigone, incarnée par une mère Mexicaine qui veut retrouver et enterrer son enfant, et qui se bat contre un Créon écœurant de mauvaise foi et de couardise, des assassins monstrueux d’inconscience, une famille qui veut oublier, une société qui s’abîme dans la consommation effrénée, jusqu’à ce que la violence du réel vienne interrompre la représentation tragique, faisant planer une menace de mort palpable sur les acteurs eux-mêmes… La théâtralisation, habitée par Bénédicte Simon et Franck Manzoni, s’affranchit de la table et du micro, rythme l’espace de la scène juste entre lecture et représentation : sans jamais aller au bout de l’incarnation, en faisant frissonner pourtant, comme si l’on y plongeait. Un jeu avec le jeu d’une grande virtuosité… MARIE JO DHÔ ET AGNÈS FRESCHEL

Usted està aqui a été présenté à La Friche le 10 oct, Le Socle des Vertiges à la Criée le 11 et 12 oct Dieudonne Nangounia © X-D.R


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RENCONTRES

COLLOQUE ARTAUD | RENCONTRES CAPITALES

Deux jours avec Artaud Denis Guenoun, metteur en scene de Artaud - Barrault a La Minoterie © X-D.R

Difficile de suivre les routes d’Artaud. Chemins de traverses, voyages imaginés tout autant que vécus, impasses, les voies d’Artaud semblent impénétrables… C’est pour tenter de démêler l’écheveau d’une œuvre géniale et tourmentée que Denis Guénoun a organisé deux jours d’hommage au poète. Ni colloque universitaire, ni rencontre littéraire. Plutôt «une sorte de conversation» entre des intervenants divers et un public actif de passionnés et d’étudiants. Histoire de croiser des points de vue souvent divergents, de sortir des ornières préconçues creusées autour de cet homme inclassable. Durant la première de ces deux journées particulières, l’universitaire Jacob Rogozinski a retracé les «routes et déroutes» d’Artaud, suivant pas à pas son Journal et ses Lettres pour montrer combien chaque voyage, au Mexique, en Irlande, est la recherche d’une introuvable issue : «on ne va jamais que nulle part». La folie serait-elle la seule évasion réussie ? Pour Rogozinski, la folie d’Artaud n’est pas une dérive créatrice ; elle est déportation, exil à soi. La seule voie pour sortir de cet enfer(mement) reste la création. L’écriture serait donc pour Artaud une marque de son combat acharné contre ce qu’il nomme «la poche noire». Pour le psychiatre et psychanalyste Renaud de Portzamparc, au contraire, Artaud est l’exemple d’une «folie pas du tout invalidante», puisqu’il n’a pas été diminué par les années d’internement. En témoignent ses nombreux Cahiers (l’édition complète est désormais disponible dans la collection Quarto), qui offrent un véritable travail d’autoanalyse. Une manne pour les cliniciens que ce «personnage en quête d’auteur», ce sujet qui se dérobe sans cesse, fascine. Quant au philosophe et metteur en scène Olivier Saccomano, il a rappelé que, pour Artaud, le théâtre constitue le «lieu d’union de la pensée, de l’acte et du geste» et s’est élevé contre certaines idées reçues, récurrentes dans les lectures contemporaines de ce théoricien

Stanislas Rouquette dans Artaud - Barrault mis en scene par Denis Guenoun a La Minoterie © Emile Zeizig

novateur. Saccomano voit dans ce théâtre, comme chez Jouvet, un type spécifique de pensée, qui advient sur la scène, vivifiée par l’acte. Même s’il pointe les paradoxes d’une théorie qui peine à articuler l’écrit (la parole, le texte) et le mouvement de la scène, ainsi que les limites d’un théâtre rêvé plutôt que pratiqué. Point d’orgue des deux journées : le spectacle Artaud/ Barrault au Théâtre de La Minoterie. Habilement conçu et mis en scène par Denis Guénoun, brillamment interprété par le jeune Stanislas Rouquette, ce montage de souvenirs de J-L Barrault et de lettres qu’Artaud lui avait envoyées entre 1935 et 1945 est un pur enchantement. Hommage de Barrault à celui qui lui révéla la «métaphysique du théâtre» ; hommage aussi au jeu théâtral, à sa magie qui opère là sur le plateau et ressuscite deux monstres sacrés. Béret bas !

Les Routes d’Artaud ont eu lieu les 4 et 5 nov Les actes seront édités aux Solitaires intempestifs

À venir Artaud, voyant de l’éternel exposition photographique jusqu’au 7 janv ABD Gaston Defferre, Marseille 04 91 08 61 00 Sur les traces d’Artaud Balade littéraire avec Sabine Günther Le 20 nov à 11h Passage & Co gratuit sur inscription au 04 13 31 82 00

FRED ROBERT

Rencontres de sourds

semble réaliste, même s’il prédit que l’aide proposée aux affamés par les pays riches sera réduite comme peau de chagrin en raison de la crise. À ma gauche, l’écrivain philosophe et agriculteur, le frêle et Collectif La Choucroute © X-D.R

Accéder au Palais du Pharo, et passer deux jours à choisir parmi plusieurs tables rondes celle qui sera la plus stimulante, ce n’est pas mal. Tout ne fut pas agaçant dans ces Rencontres Capitales, il fut même drôle d’assister à un débat intitulé «Comment imaginer un nouveau capitalisme ?» sans qu’une alternative, décroissante ou socialiste, ne soit évoquée en contrepoint. Cependant, il était délicieux de voir tant de monde se poser la question de notre avenir, interpeller les intervenants avec impertinence et suggérer des pistes de réflexions (parfois fumeuses, parfois frappées au coin du bon sens) pour «sauver la planète». Indéniablement, les Marseillais apprécient l’art de la controverse en direct et font preuve d’une intense curiosité… La palme du dialogue improbable peut être décernée au duo Pierre Rabhi / Jean-Christophe Rufin, cherchant des solutions à la crise alimentaire dans le monde... À ma droite, le médecin-diplomate-écrivain ne croit pas à un changement de paradigme qui permettrait à l’humanité de survivre. Face à l’ampleur des problèmes, une simple réforme de l’existant lui

néanmoins charismatique Pierre Rabhi. Ses propositions sont concrètes, son discours mobilisateur. Lorsqu’il raconte l’histoire désormais célèbre du colibri qui part à l’assaut d’un grand incendie avec les quelques gouttes contenues dans son bec, satisfait de «faire sa part» pour la collectivité, Rufin bougonne «C’est bien joli, mais le colibri tout seul serait moribond dans un champ de ruines !». Rabhi réplique : «La planète recèle tellement de ressources qu’elle peut nourrir tout le monde. Il faut croire en l’inventivité de la société civile et mobiliser notre imaginaire tétanisé par un système qui dit «on fait tout pour vous»». Quant au prix du public, il reviendra au collectif La Choucroute, qui attendait la sortie des débats pour rassembler ses ouailles autour d’une messe en latin, manière de souhaiter bienvenue «en humanisme» aux personnalités conviées par les organisateurs. Tant il est vrai que si nous espérons changer le monde, il vaudrait mieux ne pas en laisser l’initiative à certaines têtes d’affiches de ces Rencontres, tels Luc Ferry, Bernard Kouchner ou Henri Guaino ! GAËLLE CLOAREC


MAUPETIT | PAYS D’AIX | ABD DEFFERRE

RENCONTRES LIVRES 79 79

L’imagination au pouvoir Pour sa 3e édition, le Festival de l’Imaginaire du Pays d’Aix prend une allure de croisière, avec animations, tables rondes, lectures, projections, dans une ambiance bon enfant. Les festivités s’égaient entre Rognes, Les Pennes-Mirabeau et Lambesc. Les auteurs se rencontrent, tissent des liens, se lisent… pour une introduction à la littérature fantastique qui constitue le cœur d’une fête où le public est convié à activement participer. La jeune association Terre de Jeux propose des ateliers de confection de costumes et d’armes pour des jeux de rôle grandeur nature, transmis in situ avec l’association Rêvalité au format plateau pour les enfants qui le souhaitent : l’imagination est cultivée par le conteur, qui propose des schémas d’improvisation, avec possibilité de le transformer…

Les dessins de Nicolas Fructus, le compositeur de l’affiche du festival de cette année, construisent d’improbables architectures entre minéral et vivant, travail d’une extrême minutie où l’on peut trouver les influences de Moebius ou de Druillet, avec les cités flottantes d’un Miyazaki, des monstres cauchemardesques, des villes immenses où la question de la place de l’humain se pose. Nicolas Fructus présente son dernier ouvrage, Kadath, où ses illustrations, qui endossent une fonction dramatique, se marient aux textes de 4 auteurs, dont Laurent Poujois qui cultive l’uchronie avec son Ange Blond. (Et si Napoléon avait remporté la guerre, quelle serait notre histoire ?). On rencontre aussi : Vincent Corlaix et son anthologie, 14 nouvelles par 14 auteurs à partir de l’écoute du Requiem

Arrière-cours et arrière-mondes Dans le cadre des Écrivains en dialo- une perception insolite, qui les excède. gue, Pascal Jourdana animait une Il y a aussi, dans cet art consom-mé du détail et de la digression, à la fois rencontre réunissant Christian une ironie mélancolique, Garcin et Jean Rolin. Leurs une fantaisie discrète et œuvres respectives sont réjouissante, un unies par d’évidentes humour distancé, tenu affinités électives, à et précis comme leurs commencer par un langues, que la goût commun pour les rencontre avec les arrière-mondes écrivains permet comme les arrièred’entendre dans leurs cours, les confins déserts propos et leurs échan-ges comme les culs de sacs. Christian Garcin © X-D.R comme dans leurs récits, Les deux hommes aiment dont de larges extraits sont lus par aller au bout du monde, et même un peu plus loin, vers les espaces sau- le comé-dien Jean-Marc Bourg, à la vages et râpeux de l’Extrême-Orient fois sobre et chaleureux. Un bon russe, ou du Tadjikistan, habités d’aigles moment, en bonne compagnie. et de marmottes fluorescentes (ou pas). AUDE FANLO Ils aiment aussi, et peut-être de Jean Rolin © Francois Bon la même manière, les La rencontre du 8 nov espaces urbains à la à la BDP Gaston Defferre destination équivoque (un partenariat ruelles à chiens, cours La Marelle/CG 13) est à vides, terrains vagues, retrouver prochainement périphériques, paliers sur France Culture d’immeuble - pour leur banalité étrange et À lire universelle. Écrivains Le ravissement de Britney Spears voyageurs ? Pas vraiment, et (voir Zib’45), Jean Rolin POL, 17 € sûrement pas pour l’exotisme Des femmes disparaissent, Christian romanesque que suggèrerait Garcin, Verdier, 16 € l’expression. Il s’agit au contraire En descendant les fleuves, Christian d’arpenter les zones grises et les espaces Garcin et Éric Faye, Stock vides, de se nourrir de lieux vus et de Le minimum visible, recueil collectif, rencontres fortuites, que la fiction le Bec en l’air. restitue avec un souci d’exac-titude quasi-maniaque pour les déplacer vers

férences aux initiations des indiens Mic Mac ; Fabrice Bourland et ses polars pétris de culture et de suspens ; Claude Ecken qui excelle dans la nouvelle de SF ; Sylvie Lainé à la prose fluide et poétique, qui joue aux frontières du fantastique. Tous accomplissent un énorme travail de recherche pour construire leurs univers respectifs… pour le plaisir des lecteurs ! M.C.

Faelh, spectacle deambulatoire de la Cie Les Dragons du Cormyr © Cie Les Dragons du Cormyr

du feu de Nicholas Lens ; Eric Simard et ses romans jeunesse empreints de ré-

Le Festival de l’Imaginaire du Pays d’Aix a eu lieu du 20 au 23 oct Le miroir aux éperluettes, Sylvie Lainé, ActuSF Le monde, tous droits réservés, Claude Ecken, Pocket Science-fiction La dernière enquête du chevalier Dupin, Fabrice Bourland, 10/18

Philo pour tous La philo fait des incursions en maternelle ; on parle de l’enseigner dès la classe de seconde et, de cafés philo en ouvrages de vulgarisation à destination de publics non spécialistes, la discipline de Platon connaît une vogue certaine. C’est ce qu’on a pu vérifier à la librairie Maupetit, dont le nouveau gérant, Damien Bouticourt, a proposé à Valérie Dufayet d’animer une série de rencontres joliment intitulées Phil’Osons. Première session, principalement destinée aux enfants. Assise en tailleur au milieu de participants de 4 à 12 ans (dont les parents étaient là, et aussi quelques adultes curieux), la dynamique professeure de philo lance la séance. Une heure, trois thèmes, et non des moindres : la violence, la vie, l’amour et l’amitié. Chacun est introduit par la lecture d’un conte tiré des Philo-Fables (éd. Albin Michel), histoire de susciter les réflexions… qui ne manquent pas de fuser, en particulier de la bouche d’une étonnante Rosalie de 6 ans, authentique philosophe en herbe. Bien sûr, l’échange est bref et les thèmes tout juste abordés ; mais ce genre de rencontre lance des débats que parents et enfants pourront poursuivre à la maison… livres à l’appui ! FRED ROBERT

À lire, à offrir

Les grands sages parlent aux petits sages (Milan Jeunesse, 14 €) Le monde, les autres et moi, 120 réponses à de vraies questions d’enfants (Bayard Jeunesse, dès 8 ans, 20 €) Le livre qui fait parler les parents et les enfants de 7 à 10 ans (Flammarion, 15 €) Citons aussi deux collections bien faites, Les petits Platons (agrémentée de belles illustrations) et, aux éd Nathan, PhiloZenfants Phil’Osons a commencé le 5 nov à la Librairie Maupetit, Marseille Ces rendez-vous philoludiques animés par Valérie Dufayet auront lieu tous les mois. Le prochain, destiné à un public adulte, se déroulera le 26 nov à 17h: une heure de Ballade en art contemporain à travers la photographie 04 91 36 50 50


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RENCONTRES

TOULON | AIX | AUBAGNE | MARSEILLE

Deux en une

François Beaune, Morgan Sportes, le tout nouveau «goncourtisé» Alexis Jenni, Jean-François Khan, Serge Moati… Boualem Sansal, Alexandre Najjar, Yahia Belaskri… Et l’écrivain égyptien Gilbert Sinoué, Grand prix de littérature policière pour Les silences de Dieu, président du Prix des lecteurs du Var décerné au Serbe Srdjan Valjarevic pour son roman Côme (voir p.72).

maire de Toulon Hubert Falco, qui balaye d’un revers de manche d’éventuels arbitrages financiers (tu expliques exactement ou tu enlèves…) Coup double donc, pour une édition propice à l’échange entre le public (50 000 visiteurs l’an derbier), les professionnels, les auteurs (300 dont 40 varois) et les artistes (Irène Jacob, Antonio Zambujo, Claude Tchamitchian, Georges Appaix, Franck Micheletti…) qui donneront à lire, voir et entendre la richesse artistique «des pays frères». Les cafés littéraires accueilleront Michel Déon comme Enki Bilal, les débats professionnels évoqueront les musiques actuelles en Méditerranée comme la littérature jeunesse dans le monde arabe. Le spectre étant très large, «tous les écrivains qui ont du succès et ceux qui le recherchent seront là car la volonté du département est de valoriser toutes les écritures». Pêle-mêle

Désir d’avenir ?

L’Agence Régionale du Livre PACA organise le second colloque sur Les métamorphoses numériques du livre. Deux journées de réflexion gratuites, ouvertes à tous sur inscription (bulletin téléchargeable sur le site), et dont la première édition fut passionnante. Les questions essentielles pour l’avenir du livre y furent posées dans un contexte de crise du droit d’auteur et de tâtonnement quant aux performances réelles du livre numérique. Cette seconde édition verra se succéder des intervenants passionnants, universitaires, sociologues (Olivier Donnat), artistes, directeurs des stratégies numériques au sein de maisons d’éditions, techniciens de l’information… Un colloque qui affiche clairement ses orientations, puisqu’il est question de «penser la transition» de la culture écrite à la culture

M.G.-G.

Gilbert Sinoué © X-D.R

Pour la première fois, la 15e Fête du livre de Toulon intègre à sa programmation les Rencontres méditerranéennes pour répondre, selon Horace Lanfranchi, Président du Conseil général du Var, à une « volonté d’enrichir la manifestation et d’utiliser toutes les richesses du territoire». Citant au passage le Théâtre Liberté, nouveau venu parmi les structures culturelles partenaires, publiques et privées. Le cœur de la Fête demeure l’immense chapiteau dressé place d’Armes où convergeront notamment cinq éditeurs du bassin méditerranéen (Barzach/Algérie, Tamyras/Liban, Le Fennec/Maroc, Elysad/Tunisie, Portaparole/Italie) et deux éditeurs français spécialisés dans la littérature méditerranéenne (Actes sud-Sindbad et Encre d’Orient). Un rapprochement qui s’annonce fédérateur, justifié comme «une envie de ne pas se diluer» par le sénateur-

Couleurs littéraires Fête du livre de Toulon du 18 au 20 nov www.fetedulivreduvar.fr

numérique, et qu’il n’invite pas d’écrivains. Il s’agira, avec Milad Doueihi, de construire un «humanisme numérique», penser le livre numérique est-ce penser sa disparition de la littérature ? sa transformation, ou sa séparation d’avec le livre scientifique ? A.F. Les métamorphoses numériques du livre Les 28 et 29 nov Cité du Livre, Aix 04 42 91 65 24 www.livre-paca.org

Pour attraper les mots Laurent Corvaisier, l'un des invité de Grains de Sel, Aubagne 2011 © X-D.R

Aubagne, ville d’oiseleurs, jette ses grains de sel pour attraper les livres ! Nouvelle mouture cette année pour la fête du livre jeunesse d’Aubagne. Ce rendez-vous incontournable pour les fans de littérature jeunesse quitte la périphérie de la ville pour oser le centre d’Aubagne, se répartissant entre trois salons aux noms évocateurs, Peter Pan, Shéhérazade, Gulliver ; huit pagodes aux délicieux noms d’oiseaux - des prémisses d’évasion ! - linotte, calao, bulbul, toucan, chouette, héron, caracara, colibri, avec leurs spectacles, leurs contes, leurs ateliers ; et quatre autres pagodes où s’affiche la parole pour la Tanchô (carpe du Japon, sic !), où l’on voit l’autre côté du miroir, avec l’espace presse de la Jabberwock, où l’on se détend en trouvant un espace dédié à la lecture, histoire de se vivifier et de renaître, dans la «Quetzalcóatl» ou la «Phénix». Spectacles gratuits (pensez à vous inscrire !) dans les pagodes et au théâtre Comoedia, rencontres et conférences au cinéma Le Pagnol, spectacle dans la rue (le 20 nov à 17h30 au cours Voltaire, L’effet Sphère

par la compagnie Les Quidams), parcours de découverte, goûters au pain d’épice, expositions, ateliers philo, rencontres avec les écrivains, nombreux, et les illustrateurs d’ici et d’ailleurs, tous de qualité. Les 17 et 18 nov sont plutôt consacrés aux scolaires, et les 19 et 20 au public familial. Quatre journées d’effervescence littéraire que les librairies partenaires entretiennent toute l’année. Et qui affirme la continuité d’une politique culturelle de la lecture… Un Grains de sel pourtant étrangement défendu, pour une addition sans doute salée, dans des spots publicitaires télé. Le meilleur média pour défendre le livre ? M.C.

Grains de sel Journées du livre jeunesse d’Aubagne du 17 au 20 nov 04 42 18 17 77 www.aubagne.fr/grainsdesel


Méditerranée, toujours

DO.M.

Ecrimed, 3e édition Les 3 et 4 déc Espace Bargemon, Marseille 2e www.salonecrimed.fr

Maissa Bey © X-D.R.

Tahar Ben Jelloun © C. Helie Gallimard

Pour sa 3e édition, le Salon littéraire des écritures Méditerranéennes occupera l’Espace Bargemon, les 3 et 4 déc, dans un espace, à des dates et avec des thèmes qui tiennent compte cette année des grands rendez-vous intellectuels et littéraires «méditerranéens» de la région, comme les Rencontres d’Averroès ou le salon méditerranéen de Toulon, et évitent d’entrer en concurrence en proposant des thèmes différents. Durant deux jours, sous le parrainage du poète et critique littéraire syrien Adonis et de l’écrivain franco-marocain Tahar Ben Jelloun, se succèderont des tables rondes, des rencontres lors des «Bistrots Picouly», un moment dédié aux dédicaces, un espace Contes de la Méditerranée animé par Lise Couzinier pour les enfants, et, comme l’an dernier, une exposition de portraits d’auteurs pris par Olivier Monge depuis le 1er Salon. Le programme des tables rondes mérite une attention particulière, et notamment : le 3 déc de 11h à 12h30, la tunisienne Azza Filali, l’algérienne Maïssa Bey, le turc séfarade Mario Levi, la grecque Ersi Sotiropoulos et l’espagnol Sergi Pamiès se pencheront sur l’identité méditerranéenne et le thème de l’eau ; l’après-midi du même jour, de 15h15 à 15h45, un questionnement brûlant : Où étaient les écrivains dans le printemps arabe ? Pour en débattre prendront place Tahar Ben Jelloun, le lybien Kamal Ben Hamada, l’égyptien Khaled el Khamissi, le palestinien Najwan Darwish et l’israëlien Mosche Sakal. Le lendemain seront abordés les thèmes de la traduction (de 10h à 11h30) avec Sylvie Cohen, Antoine Jockey, Mosche Sakal, Colette Fellous, Rosetta Loy et Ersi Sotiropoulos. Un programme qui permet d’assister aussi aux discussions animées par Daniel Picouly, et notamment celles qui réuniront Rosetta Loy et Tahar Ben Jelloun autour de la bibliothèque méditerranéenne idéale (3 déc de 10h à 10h45), Azza Filali et Maïssa Bey, Deux femmes maghrébines dans le printemps arabe (3 déc de 14h15 à 15h), ou encore Colette Fellous et Ersi Sotiropoulos sur le thème Réalité et fiction (4 déc de 14h15 à 15h).


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RENCONTRES

AU PROGRAMME

Approches Culture(s) et Territoires – 04 91 63 59 88 Mémoire en chantier : 1re biennale du Réseau pour l’Histoire et la Mémoire des Immigrations et des Territoires. Exposition visuelle et sonore Nous venus d’ailleurs, immigrer, vivre et travailler à la Seyne-sur-Mer jusqu’au 15 déc à la Maison du patrimoine à La Seyne ; expo Du bateau à la cité, l’enfermement à Marseille XVIIIe-XX e siècles, jusqu’au 21 jan aux Archives départementales des B-d-R Marseille ; expo photos Portraits d’anciens combattants de l’armée d’Afrique, jusqu’au 19 nov à la médiathèque intercommunale de Miramas ; expo de Moustafa Goudil, Des valises sous les yeux, du 7 au 14 déc à la Friche du Panier Marseille ; rencontre-débat avec Laurence Americi (Une main d’œuvre immigrée depuis… 1916), Cesare Mattina (De la ville-usine à l’urbanité sans usine) et Ali Mekki (Sidi Aïch sur Durance) le 18 nov à 19h à la MJC Saint-Auban à Château-Arnoux ; conférence de Jean-Marie Guillon, historien, et Jean-Michel Guiraud, animateur de l’assoc. Varian Fry, sur La seconde guerre : La Provence refuge et piège, le 24 nov à 18h30 aux ABD Gaston Defferre Marseille ; conférence de l’historien Gérard Noiriel sur le massacre des italiens survenu à Aigues Mortes en 1893, le 26 nov à 13h30 à la médiathèque de La Destrousse ; conférence du neurologue Boris Cyrulnik dans le cadre de l’exposition Harkis, portraits au camp des invisibles, le 29 nov à 18h30 au centre aixois des Archives départementales des B-d-R ; 3 tables rondes dans le cadre de Immigrer, vivre et travailler à la Seyne-sur-Mer de 1945 à nos jours : entrées dans la ville, témoignages pour l’histoire et des objets pour mémoire, le 1er déc de 9h à 18h30 à la salle L’Impasse à La Seyne-sur-Mer ; Rencontre(S) en pays minier avec la cie KARNaVIrES qui présente Traces et publications de Mémoire des migrations en pays minier, ACT qui anime une table ronde sur Mémoire et culture en pays minier et l’assoc. Contacts qui organise une rencontre sur Exil et Mémoire (3 déc à 15h), le 2 déc à la médiathèque de Gardanne ; conférence de Jean-Jacques Jordi sur La fin des colonies, le 6 déc à 18h30 aux ABD Gaston Defferre Marseille ; colloque sur Histoire – Mémoire des immigrations et des territoires, les initiatives des réseaux régionaux : état des lieux, perspective d’avenir avec la Direction Régionale Jeunesse, Sport et Cohésion Sociale Paca, le 8 déc de 9h à 17h à la salle les Aiguades à Port-deBouc ; journée d’étude Du bidonville à la cité animée par Xavier Thomas avec J.-L. Bonillo, Y. Gastaud, T. Durousseau, N. Mémain, M. Quer, M. Fabre, la cie des Pas Perdus, N. Mekmouche, A. Paul et N. Cyrulnik, le 9 déc de 13h30 à 19h30 aux ABD Gaston Defferre Marseille. Libraires du sud /Libraires à Marseille - 04 96 12 43 42 Rencontres : avec Dominique Resch pour son ouvrage Mots de tête (Autrement) le 16 nov à 17h30 à la librairie Prado Paradis (Marseille) ; avec Julien Campredon pour la parution de L’Attaque des dauphins tueurs (Monsieur Toussaint Louverture) le 16 nov à 19h à la librairie Histoire de l’œil (Marseille) ; avec Yann Miralles pour Jondura Jondura (Jacques Brémond) et Sylvie Durbec, prix Jean Follain, le 17 nov à 18h à la librairie Apostille (Marseille) ; avec Renaud de Rochebrune pour son ouvrage La guerre d’Algérie vue par les Algériens (Denoël) le 18 nov à 19h30 à la librairie Masséna (Nice) ; avec Jacques Roubaud le 18 nov à 18h30 à la librairie Histoire de l’œil (Marseille) ; avec Valentine Goby pour Banquises (Albin Michel) le 18 nov à 19h

à la librairie de l’Horloge (Carpentras) ; avec Dominique et Pierre Bar pour leur BD Jean Baptiste Fouque, le téméraire de la Charité (Triomphe) le 18 nov à 18h30 à la librairie Saint Paul (Marseille) ; avec Jean Riser pour la sortie de son roman Requiem pour un incinérateur (Velours) le 24 nov à 18h à la librairie l’Alinéa (Martigues) ; avec Pierre Guéry pour son livre La Rhétorique des culs (Zulma) le 3 déc à 17h à la librairie Histoire de l’œil (Marseille) Itinérances littéraires : rencontre avec Guia Risari dans le cadre de la Fête du Livre de Toulon, pour son livre Le Chat d’âme (Mémo), le 18 nov à 17h30 à la librairie La Réserve à bulles (Marseille) et le 19 nov à 15h30 à la librairie Contrebandes (Toulon) ; avec Ingrid Thobois pour son livre Sollicciano (Zulma) le 30 nov à 19h à la librairie La Mémoire du monde (Avignon), le 1er déc à 17h30 à la librairie Prado Paradis (Marseille) et le 2 déc à 18h à la librairie Goulard (Aix). AIX Cité du livre – 04 42 91 98 88 Conférence de Jean-Marie Guillon, professeur des universités, sur La résistance en Provence, nouvelle approche, le 17 nov à 18h30, salle Armand Lunel. Rencontre avec Dominique Sorrente, poète, qui vient de recevoir le Prix Georges Perros, le 18 nov à 19h à la bibliothèque Méjanes. Rencontre-lecture avec Pascal Quignard à l’occasion de la création de Medea au Pavillon Noir, le 24 nov à 18h30, amphithéâtre de la Verrière. 7e édition du Forum des métiers de la musique et de la danse organisé par l’Ecole de musique du Pays d’Aix : concerts, ateliers, danse, projections, exposition… Conférence Omax at Lomax : improvisation, nouvelles technologies, recherches avec R. Imbert, B. Lévy et G. Assayag (le 16 nov à 18h30) ; conférence Rencontre Jeudis de la coopération culturelle : la mobilité dans l’espace euro-méditerranéen avec C. Castan et L. Ozolina (le 17 nov à 15h30) ; conférence AB_Time : musique, danse et vidéo en réseau (le 17 nov à 18h30) ; conférence La formation des enseignants en structure associative (le 19 nov à 10h30). Fondation Saint-John Perse – 04 42 91 98 85 Exposition Poésie et typographie autour de deux caractères utilisés par Saint-John Perse, le Grandjean et le Garamont, dont les poinçons originaux de l’Imprimerie nationale sont présentés, jusqu’au 31 déc. Université de Provence – 04 42 95 30 30 Colloque sur les Frontières poétiques contemporaines par l’équipe Transpositions qui rassemble des chercheurs en Littérature comparée rattachés au Cielam (Centre interdisciplinaire d’étude des littératures, Aix-Marseille), du 17 au 19 nov. Ailleurs en vers : colloque dédié aux thèmes de l’ailleurs et de l’éloignement dans la poésie depuis le Moyen Âge avec Giuseppina Brunetti (Université de Bologne), Riccardo Donati (Universtié de Florence), Antonio Prete (Université de Sienne) et le poète Matteo Marchesini. Galerie IPSAA ESDAC- 04 42 91 66 90 Exposition des œuvres des «nouveaux talents» artistiques du Pays d’Aix et d’ailleurs, du 6 au 23 déc ; exposition des œuvres de Leslie Moreau, du 1er au 3 déc, vernissage le 1er déc à partir de 18h30. Galerie La Non-Maison – 06 29 46 33 98 Exposition Contrevoies [1], jusqu’au 31 déc ; conférence de l’auteur Renaud Ego, dans le cadre d’un

cycle de conférences sur le thème des «Contrevoies», le 19 nov à 17h. Galerie du Lézard – 06 12 23 35 03 Expositions des œuvres de Corinne De Battista et Alain Legendre, jusqu’au 29 nov. ALLAUCH Musée – 04 91 10 49 00 Exposition Petits miracles à Mexico, ex-voto mexicains et contemporains, jusqu’au 28 janvier. ARLES Collège international des traducteurs littéraires – 04 90 52 05 50 Exposition de photos d’Arno Schmidt, écrivain et photographe, jusqu’au 10 déc à l’Espace Van Gogh. AVIGNON Collection Lambert – 04 90 16 56 20 Double exposition consacrée à Lawrence Weiner, After crossing the river, et Vik Muniz, Le Musée imaginaire, du 11 déc au 13 mai ; vernissage le 10 déc. BOULBON La petite librairie des champs – 04 90 43 94 82 Rencontre-débat autour des éditions Jacques Brémond en présence des auteurs Yann Miralle, Michaël Glück, Pierre Cosse… Les 10 et 11 déc. FOS-SUR-MER Centre Culturel Marcel Pagnol – 04 42 11 01 99 Dans le cadre du coup de projecteur sur le théâtre de marionnettes, la POPARTs présente l’exposition photographique d’Anne Loubet, Correspondances, du 16 au 23 nov. MARSEILLE BMVR Alcazar – 04 91 55 90 00 Dans le cadre du mois de l’Egypte, avec AFLAM, table ronde avec Khaled Al Khamissi, Farouk Mardam-Bey, Richard Jacquemond, May Telmisanny, Michel Serceau le 19 nov de 18h à 20h30. Dans le cadre de l’expo Le livre, l’enfant et la photographie (du 24 nov au 21 jan), rencontreconférence avec Sarah Moon et Katy Couprie, le 24 nov. Colloque Paroles entendues : la parole de l’enfant avec Marcel Ruffo, Boris Cyrulnik, François Pion, Jérôme Gavaudan, Arnauld Gruselle, Marie-Claude Talin, Françoise Llaurens, Jean-Pierre Rosenczveig, Elisabeth Audouard, Michel Dugnat, Françoise Grégoire, le 30 nov de 8h30 à 17h30. Conférence, modérée par Marc Bassoni, maître de conférence à l’EJCM, sur La presse en ligne : un avenir pour la presse, le 30 nov à 18h. ABD Gaston Defferre - 04 91 08 61 00 Exposition Mexique, carnets de route, photographies de Pedro Tzontémoc, jusqu’au 7 jan ; rencontre entre Pedro Tzontémoc et Bernard Plossu le 17 nov à 18h30. Exposition Ils écrivent l’histoire – La grande guerre dans les Bouches-du-Rhône, jusqu’au 31 jan. Dans le cadre de Ces étonnants voyageurs, conférence de Jean-Marie Guillon et Jean-Yves Le Naour sur La légende noire des soldats du Midi, le 10 nov à 18h30 ; rencontre-débat avec Robert Mencherini, historien, Pierre Laborie, historien, et Raymond Aubrac, grand résistant, sur les Nouveaux regards sur la Résistance et sa mémoire, le 15 nov à 18h30 ; balade-atelier avec Marc Quer et Hendrik Sturm, plasticiens et


RENCONTRES LIVRES 79 83 promeneurs urbains dans les quartiers nords sur les pas de la veuve Z, le 26 nov de 14h à 17h. Rencontre-débat avec Abdelfattah Kilito, grand spécialiste de la littérature narrative arabe classique, poéticien et arabisant érudit, essayiste et écrivain, le 25 nov à 18h30. Conférence de Pierre-Philippe Combes, économiste : Pourquoi les salaires sont-ils plus élevés à Paris qu’à Marseille ?, le 29 nov à 18h30 ; conférence de Suzanne de Cheveigné, sociologue, sur Le traitement des questions environnementales par les médias, le 13 déc à 18h30. Tables rondes sur Le travail en crise ?, animées par Paul Bouffartigue, dir. de recherche au CNRS, avec Y. Clos, titulaire de la chaire de psycho du travail au CNAM Paris, D. Linhardt, sociologue, P. Roche, sociologue, H. Eckert, sociologue et N. Moncel, économiste. Le 10 déc de 14h à 18h. MuCEM – www.mucem.org Les mardis du MuCEM : Israël/Palestine, récits de frontières, avec Riccardo Bocco, professeur de sociologie politique à l’Institut des Hautes Etudes Internationales à Genève, Stéphanie Latte Abdallah, historienne, politologue et chercheure à l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman à Aix, et Cédric Parizot, chercheur au CNRS, responsable du pôle Euro-Méditerranée à la Maison méditerranéenne des sciences de l’homme. Le 22 nov à 18h30 à l’Alcazar ; Ecrire la guerre d’Algérie, entre littérature et histoire, avec Sofiane Hadjadj et Alexis Jenni, le 13 déc à 18h30 à l’Alcazar. La Friche la Belle de Mai – 04 95 04 95 04 Conférence de Sylviane Germain, auteure de Les mères qui travaillent sont-elles coupables ? (Albin Michel), le 26 nov de 10h à 12h. La Marelle organise une lecture-rencontre avec Charles Berling qui lit Les Vieux fous de Mathieu Belezi, le 18 nov à 20h. Librairie Apostille – 09 51 83 15 27 Rencontre-débat avec Hubert Mingarelli pour la sortie de son dernier ouvrage La lettre de Buenos Aires (Buchet Chastel), le 10 déc à 18h. Institut Culturel Italien – 04 91 48 51 94 Dans le cadre d’un cycle de conférences sur l’art : Le mystère de l’origine des Etrusques par Laure Humel, le 6 déc à 18h. À l’occasion des célébrations du 150e anniversaire de l’Unité de l’Italie, exposition de photos UN.it – Unesco Italia. Jusqu’au 2 déc. Librairie Maupetit – 04 91 36 50 58 Exposition d’illustrations de Mario Ramos, jusqu’au 26 nov. Maison de l’Architecture et de la Ville – 04 96 12 24 10 Installation-atelier La Maison inachevée : ensemble de construction dans lequel les enfants de 3 à 7 ans collaborent pour monter les murs d’une habitation. Jusqu’au 16 déc. Hors les murs/HLM – 04 91 90 46 76 Dans le cadre des Rencontres à l’échelle et des Rencontres d’Averroès, les Ateliers de l’image et Les Bancs publics présentent Ce qui est perdu, un cycle méditerranéen de Mehdi Meddaci, jusqu’au 3 déc. Mairie des 9e et 10e – 04 91 14 63 50 Dans le cadre de la 15aine israélienne, dans les salons de Maison Blanche, exposition des dessins d’Ilana Salama Ortar, Traces urbaines : palimpsestes du camp d’Arénas, Marseille. Du 16 au 28 nov, vernissage le 17 nov à 18h30. La compagnie – 04 91 90 04 26 Exposition Quasi una fantasia (Anaïs Belmont, Joël Belouet, Charlotte Benedittini, Kathialyn Borissoff,

Mathias Isouard et Guillaume Loiseau) / opus 1 : jusqu’au 26 nov ; opus 2 : du 30 nov au 17 déc, performance de Mathias Isouard le 30 nov à 19h, vernissage le 30 nov à 18h. Présentation-lecture de l’édition Alors de Florence Pazzottu (Flammarion), à l’issue de sa résidence le 22 nov à 19h. Espace Ecureuil – 04 91 57 26 49 Conférence d’initiation L’art en France, l’art français III : La peinture du Grand siècle, par Jean-Noël Bret. Le 22 déc à 18h. MARTIGUES Médiathèque Louis Aragon – 04 42 80 27 97 Nuit et Jour : dans le cadre des 30 ans de la médiathèque, rencontres, dédicaces, spectacle, nuit de la lecture, musique… Du 18 au 20 nov. PUIMOISSON Les Correspondances de Manosque – 04 92 75 67 83 Rencontre-débat avec Arnaud Cathrine autour de son dernier livre Nos vies romancées (Stock), le 27 nov à 12h. VERS-PONT-DU-GARD Pont du Gard – 0 820 903 330 Exposition des œuvres de Daniel Deleuze, Patrick Saytour et Claude Viallat, jusqu’au 13 mars. VILLELAURE Nouvelles Hybrides – 04 90 08 05 52 Rencontre-débat avec Abdelfattah Kilito, auteur et essayiste marocain, pour une rencontre autour des Mille et une nuits ; lecture par la comédienne Sofia Teillet. Le 26 nov à 18h à la bibliothèque municipale.

Concours Le concours national artistique Mélodie 7 est ouvert à tous les artistes amateurs de musique, chant, danse, théâtre et vidéo, sans niveau préalable requis. À la clé, un Premier Prix par discipline, de 5000 € chacun, et un spectacle à Marseille en 2013. À Marseille, l’audition de l’épreuve de présélection a lieu le 14 janvier, la clôture des inscriptions (sur le site Internet) est fixée au 4 janvier. Les demi-finales et finales auront lieu à Marseille en juin. 0 892 420 101 www.concours.melodie7.fr

En partenariat avec Bibliothèque Municipale de Marseille L’Alcazar, CorteX organise les mercredis de 17 à 19h un cycle de conférences autour thème Esprit critique et Sciences. Le 16 nov Conférence : La conscience laïque dans les sciences par Guillaume Lecointre BMVR L’Alcazar, Marseille http://cortecs.org/actualites/466-cycle-de-conferencesa-lalcazar

Le 17 nov à 19h Conférence par Véronique Receveur-Bréchot, Chargée de Recherche au CNRS. La Vie ailleurs que sur Terre : sommes-nous vraiment seuls dans l’Univers ? Planétarium Peiresc, Aix www.aix-planetarium.fr

Du 17 au 22 nov Parcours ouvriers et migrants Cent ans d’usine à Saint-Auban. Exposition, lectures et rencontres-débats ACT-AD04- Assos. du Patrimoine MJC,Château-Arnoux Saint-Auban www.approches.fr/Parcours-ouvriers-et-migrants-Cent

Du 22 au 27 nov, 12ème édition du Mois du film documentaire (voir p54). Dans ce cadre la 5ème édition des Rencontres Internationales Sciences et Cinémas (RISC) croise regards de cinéastes et de scientifiques à travers une programmation singulière de films rarement diffusés. Présence de cinéastes et de scientifiques et/ou de spécialistes des thématiques. Une anifestation, organisée par l’Association Polly Maggoo Maison de la Région, Marseille www.pollymaggoo.org

Les 23 et 24 nov 1er Partenariat entre l’Inserm et l’École Nationale Supérieure de Photographie d’Arles : Tous Chercheurs organise un stage intitulé Comment se fabrique une photographie scientifique? INMED, Luminy, Marseille www.touschercheurs.fr

7e édition de la manifestation Lire Ensemble, initiée par Agglopole Provence, qui se tiendra du 6 au 8 avril, et 3e édition des concours littéraires : -concours de nouvelles adultes, ouvert à toute personne de plus de 18 ans n’ayant jamais publié, sur le thème «a.i.M.e comme Méditerranée. M, un pont entre 2 rives» -concours de nouvelles jeunes ouvert cette année encore à tous les collégiens et lycéens habitant ou scolarisés sur la Communauté d’Agglomération sur le même thème -concours création de marque-page pour les enfants de la maternelle au CP et de création de poésie libre illustrée pour les enfants du CP au CM2 sur le thème «autour du M» La date limite des envois est fixée au 1er mars. 04 90 44 77 41 www.agglopole-provence.fr lire.ensemble@agglopole.org

Une grande richesse des manifestations scientifiques et techniques proposées ce mois-ci !

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Dans le cadre de sa deuxième saison sur le thème Vérité, fiction, connaissance, sous titrée cette année Miracles et Mirages de la représentation, Echange et Diffusion des Savoirs accueille le 1e déc à 18h45 Lionel Naccache, neurologue, pour une conférence intitulée Le malaise contemporain de la connaissance Hôtel du département, Marseille www.cg13.fr/cadre-de-vie/culture/conferences.html

Jusqu’au 20 déc, quatre soirées contes et performances grand public : Les Safaris Sombres. Contes, installation vidéos et performances adultes (danse contemporaine et marionnettes) dans la galerie du Muséum : à la lumière lampe électrique, dans collection permanente animaux. Le 22 nov à 18h30 et 20h00 : Circuit Plume pour enfants et adultes. Museum d’Histoire Naturelle Palais Longchamp, Marseille www.museum-marseille.org/marseille_animations.htm


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RENCONTRES

MEXIQUE

«Nos classiques sont vivants» Les Écritures Croisées ont su préserver leur âme, une façon de travailler conjuguant l’exigence de qualité et l’ouverture au public, toujours débordant... Annie Terrier, maître d’œuvre, rappelle que cette fête particulière permet la découverte, la reconnaissance d’écrivains, auxquels toute la parole est donnée : ils vivent trois jours pleinement, établissant des liens privilégiés avec leurs lecteurs, et entre eux. Grâce à cette fidélité à son engagement éthique, esthétique, intellectuel, politique, Annie Terrier, merveilleuse «monolinguiste» (dixit Fuentes), donne une empreinte unique à cette célébration de la création littéraire mondiale. Les auteurs lui en savent gré et répondent présent à chaque invitation ! Cette année, la 28e édition, malgré l’annulation de l’année du Mexique, recevait Carlos Fuentes. Autour de lui, ses invités… Le public des Écritures Croisées eut ainsi le privilège de voir et entendre la fine fleur de la littérature d’Amérique Latine et d’Espagne, avec des spécialistes, des traducteurs, des journalistes internationaux. Lectures superbes et inspirées, que ce soit celle d’Anne Alvaro (Aura) ou d’Alain Simon et JM Broucaret aux Ateliers (L’instinct d’Inez) en marathon complice ; tables rondes thématiques ; films présentés par Fuentes, exposition, concert… une passionnante émulation où les arts et les mots se «croisent» comme la manifestation le désire, pour que les analyses s’aiguisent, les textes s’orchestrent et se diaprent de sens nouveaux, cherchant à cerner la nature du génie «fuentésien»… Celui-ci, avec un regard à la fois sombre et pétillant, mexicain de fait, se plie au jeu, apporte précisions et anecdotes, évoque avec son complice, le peintre Valerio Adami ce bateau espagnol décoré de tableaux de naufrages (sic !), les danses, les fêtes… «J’aimerais dessiner la carte du tendre de tous les moments vécus avec Carlos. On dansait beaucoup»… Mais la désinvolture du dandy n’est que le masque pudique d’une culture encyclopédique, d’une véritable approche historique de l’art romanesque, judicieuse, documentée, engagée… Sa vision politique clairvoyante s’assombrit d’ailleurs dans ses dernières œuvres - le Mexique s’enfonçant dans les problèmes de drogue et de mafia. «Comment écrire sur les narcos sans écrire un pamphlet ? J’emploie l’humour comme réalité… J’espère que l’humour se retrouve dans toute mon œuvre». Sa relecture à chaque printemps n’est-elle pas Don Quichotte ? Juan Goytisolo rappelle leur demi-siècle d’amitié sous le signe cervantin. Il évoque la passion littéraire omnivore qui anime Fuentes à l’instar de Borges ; son œuvre, véritable encyclopédie de l’espèce humaine, comparable à celle de Balzac, se forgeant dans la tension permanente entre les deux pôles opposés que sont le Mexique - pays de passions, de violences et de diversité extrême - et l’aspiration à la modernité. C’est à la lecture de Fuentes que, selon lui, l’on devient un vrai lecteur, l’œuvre s’élevant contre la tradition racornie du roman de mœurs. «Toute œuvre qui veut se projeter dans le futur doit retrouver ses racines multiples. La diversité, le métissage contre l’obscurantisme !». Ignacio Padilla insiste sur le génie créateur, sur cet art du récit qui se coule comme le djinn de la lampe merveilleuse pour rendre la fiction réelle et lier intimement action et réflexion. Fuentes compose de nouvelles cartes du monde et des villes qui deviennent réalité…

Carlos Fuentes, Fete du livre 2011 © Lusetti

Carmen Iglesias, spécialiste d’histoire moderne européenne et espagnole, Présidente du Groupe Unidad Editorial S.A., livre une étude fine et brillante de

Fete des morts,Mariachi © Juliette Luck/Zibeline

31 octobre. Dia de Los Muertos aux Grandes Tables de La Friche. Dans une ambiance de fête mexicaine (papeles picados multicolores, autel à Frida Kalho, bougies, spécialités culinaires et mariachi), Juan Manuel Villalobos est venu dire quelques mots de sa résidence à La Marelle qui vient de s’achever. Une expérience heureuse qui lui a permis d’achever un roman commencé à Madrid, Los secretos de la luz, dont il a lu quelques lignes et dont on espère la prochaine traduction… F.R.

l’œuvre de ce «classique» qui sait transmuter par son écriture les faits, les personnes, atteignant la grâce d’une profondeur universelle. Elle évoque la bouffée d’oxygène, l’enthousiasme suscité par les œuvres de Fuentes dans l’Espagne étouffée par des années de franquisme, cette écriture kaléidoscopique, loin de tout manichéisme, ses personnages issus du réel mais avec une dimension tragique, sophocléenne, empreints d’un pessimisme existentiel. Chacun évoque la fascinante manière d’écrire de Fuentes, «d’un illusionniste» pour Palou Garcia, écriture «protéiforme» pour Rios. Sa traductrice, Céline Zins - qui restitue à la perfection la fluidité d’une narration éminemment complexe - explique ses recherches pour rendre au mieux le mouvement de l’écrivain, la difficulté de la structure, «les télescopages du temps» dira Scarpetta qui souligne la liaison profonde éros/thanatos dans une certaine volupté de la cruauté. Cette liberté du langage, Gamboa remercie Fuentes de la lui avoir transmise... Lors d’une autre table ronde, Carlos Fuentes rappelle les grands principes du roman : il ne décrit pas la réalité, il nous en montre une nouvelle. On n’écrit pas pour reproduire ce que nous voyons, mais pour construire une réalité qui n’existe que dans notre roman. C’est cette réalité nouvelle qui est intéressante, pas la mimesis du réel. Chance de l’Amérique Latine, sourit Volpi, «nous avons nos classiques vivants !». «La patrie d’un écrivain c’est sa bibliothèque», dit Padilla. Leçon d’universalité… dont les auditeurs assidus garderont certainement l’empreinte émerveillée. MARYVONNE COLOMBANI

La fête du Livre s’est déroulée à la Cité du livre, Aix, du 13 au 16 oct


RENCONTRES LIVRES 79 85

De bronze et de feu

Les Écritures croisées présentent également à la galerie Zola une sélection d’œuvres de quatre plasticiens mexicains enveloppées d’une lumière diffuse. Des bronzes massifs de Juan Soriano aux formes géométriques (Oiseau XIII aux ailes déployées), ramassées et épineuses (Vagues), arrondies et évidées (Escargot, Daphné II). Un vocabulaire formel développé par un artiste autodidacte qui fut au centre de l’activité artistique et intellectuelle mexicaine des années 50, et permit à l’art mexicain d’être reconnu - loin des arts premiers ! - aux côtés des avant-gardes européennes. En comparaison les grès de Saül Kaminer semblent frêles, pourtant ses personnages géométrisés se dressent fièrement, fruits d’un puzzle complexe… De facture plus classique, les dessins de José Luis Cuevas cherchent une intimité, une finesse que l’on devine en approchant… mais qu’on aurait aimée plus éclairée ! La touche flamboyante, épique et monumentale, à la manière de la figure nationale Diego Rivera, est incarnée par Camilla Adami dont la voix off nous accompagne à travers un texte de son ami Edouard Glissant. La vidéo Retroscena permet d’embrasser plus largement une œuvre dont l’exposition révèle un bestiaire peint en 2010-2011, Héritage, frise exubérante évocatrice d’un Eden panthéiste et romantique où, «nous sommes inconsciemment les héros, c’est nous le tigre, le monstre, le vent et le feu, la peur et la fureur»… Une œuvre «magique» par ses multiples codes

de représentation et de lecture, et qui entre en résonance profonde, par sa sauvagerie, son érotisme et la complexité de sa composition, avec l’œuvre de Fuentes, dont elle parlait avec une admiration émue...

Ptak o dwoch twarzach, Juan Soriano © X-D.R

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Dafne, Juan Soriano © X-D.R

Jusqu’au 3 déc Galerie Zola, Cité du livre, Aix 04 42 26 16 85 www.citedulivre-aix.com

Flûte et chuchotements Sànchez-Verdù, Carlos Fuentes : quel plaisir de voir réunis sur scène compositeur et librettiste à l’orée d’une création! L’émotion était visiblement partagée par les musiciens et les spectateurs, une communion à laquelle chacun fut sensible ce soir-là, avec une qualité d’écoute rare pour un concert «chuchoté», un accès délicat aux frontières du son et du silence, dans un amphithéâtre pourtant bondé, débordant sur ses hauteurs jusqu’aux deux écrans vidéo qui restituaient par leurs gros plans serrés la concentration extrême de chacun… Murmures,

souffles infimes, infinis frémissements de l’air, de l’être, confusion des signes et des sens… les bustes des spectateurs s’inclinent, attentifs, et la magie opère… Entre Aura et sa tante, Consuelo, le jeune historien Felipe se perd : les personnages féminins, incarnés par les deux flûtes, jouent en écho, se rejoignent lorsque les barrières du temps s’affaissent ; les mirages passent, laissent une atmosphère trouble où les époques se catapultent, où Eros et Thanatos se transcendent. L’Ensemble Télémaque interprète avec délicatesse la partition précise, qui évo-

que sensuellement le texte de Fuentes. Les instruments jouent sur la trame, racontent l’indicible en une dentelle minutieuse de rythmes complexes et d’intervalles infimes. La fêlure entre réalité et fiction s’insinue au cœur même de la composition. L’étrangeté se retrouve aussi dans l’apparition d’une flûte basse, à bec, qui ressemble à un Giacometti cubiste ou une statue aztèque, jouée avec virtuosité, souffle et claquements par Antje Hensel. Puis il y a la voix de Brigitte Peyré, dramatique et sensuelle, ses incroyables pianissimi,

ses éclats, les modulations de son timbre, et sa présence scénique toute de tension tragique. Là-dessus, la direction fine, complice et volontaire de Raoul Lay… Un moment rare de partage sensible ! M.C.

Les trois extraits de l’opéra Aura ont été donnés le 13 oct dans l’amphithéâtre de la Verrière, lors des Écritures Croisées

Paradis perdu Le jardin dévasté de Jorge Volpi se constitue en parabole éclatée du paradis perdu. Fragmentation des chapitres parfois réduits à une phrase, ellipse de récits, formes lapidaires, aphorismes étranges, (ainsi page 38, le chapitre intitulé Deux, en fait le 21ème) «Où l’on est deux, il y a un abîme.»… On est invité à naviguer dans le temps et l’espace, entre l’Irak, pays du paradis perdu avec l’histoire tragique de Leïla, et les tribulations d’un narrateur du Mexique à L’Europe ou aux États-Unis, avec ses hésitations, ses aventures amoureuses énigmatiques. Le lecteur s’égare parmi ces mondes qui se juxtaposent, dont le rapprochement ne prend de sens que pour un regard extérieur. Confusion volontaire des discours, basculement permanent des genres, apparition du Djinn des Mille et une nuits dans un

contexte d’horreur guerrière, métaphysique de la quête ici, qui se heurte aux non-sens d’autres univers là-bas, narration fluide ici, forme poétique syncopée ailleurs… Dislocation du monde, effarement devant les impossibles violences qui pourtant sont, comme celle des avions fous de septembre, des martyrs qui explosent, alors que celle déjà naturelle du scandale de la mort «prive le monde de sa syntaxe»… Un travail d’écriture à la fois dépouillé et érudit, par les multiples échos littéraires qu’il évoque. Une simplicité où la révolte et le désespoir se mêlent, dans une exploration des limites auxquelles les différents personnages sont confrontés. Solitude de l’être, avec une conscience d’un bonheur possible, mais sans cesse éloigné : un romantisme contemporain déchiré. M.C.

Le jardin dévasté Jorge Volpi Traduit par Gabriel Iaculli Seuil, 18 €


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RENCONTRES

RENCONTRES D’AVERROÈS

À la table d’Averroès (le pluriel est délibéré), pour distinguer derrière la surface médiatique ce qu’il en est des immigrations aujourd’hui, avec un recul de plusieurs décennies. Deux femmes et deux hommes participeront au débat, parité de bon augure amenant fort à propos la dimension de mixité nécessitée par le sujet. La troisième table ronde, le 19 nov à 15h, est centrée sur l’actualité récente : les Printemps arabes sont-ils «un rendez-vous des civilisations, une utopie

Les débats auront lieu à l’auditorium du Parc Chanot et seront précédés d’une avant-première, celle du film Tahrir de Stefano Savona. Ils se concluront de façon emblématique sur les notes farouches du guitariste Titi Robin, lequel, à choisir entre la liberté ou la peur, n’a pas hésité longtemps ! Son dernier album a été enregistré en Turquie, et c’est l’opus final d’un triptyque justement intitulé Rives, qui reflète les divers visages de la Méditerranée...

sans lendemain, ou une promesse d’avenir ?». Pour répondre à cette question sans tomber dans les travers stériles de la prospective, le romancier égyptien Alaa El Aswany, le psychanalyste tunisien Fethi Benslama1 et un diplomate français évalueront les courants profonds qui traversent le monde arabe, entre politique et religion. Mais sans femme cette fois, alors que leur place dans les sociétés musulmanes est au centre de bien des nœuds gordiens…

GAËLLE CLOAREC

Rencontres d’Averroes Jusqu’au 3 déc 04 96 11 04 61 www.espaceculture.net www.rencontresaverroes.net

Tahrir, film de Stefano Savona

Qui fait l’Histoire, qui la rédige, et qui la lit ? Loin de l’ethnocentrisme européen, les Rencontres d’Averroès depuis 18 ans rassemblent autour d’un thème des méditerranéens de tous les horizons, pour battre différemment les cartes depuis longtemps dessinées par notre vieille Clio. N’hésitant pas à tirer un sujet brûlant du paquet, et à parier sur la capacité de dialogue des participants. Il en faut, de l’audace et de l’espoir, pour demander «L’Europe et l’Islam, la liberté ou la peur ?», à l’heure où la majorité des Européens ressentent l’Islam comme une menace. Trois tables rondes réuniront historiens, géographes, islamologues, analystes politiques, diplomates et sociologues. La première, le 18 nov à 15h, portera sur les rivalités historiques qui résonnent encore puissamment entres les deux rives, et pas seulement sur nos écrans de cinéma. Des siècles de croisades, d’invasions et de Reconquista, soit, mais encore ? Ne s’est-il passé «que» cela entre les peuples d’un bord à l’autre ? Et les échanges féconds, les difficultés communes, les périodes de paix, de rapprochement ? La seconde, le 19 nov à 10h, s’intéressera aux Islams contemporains en Europe

1.Auteur entre autres de : La Psychanalyse à l’épreuve de l’Islam [Flammarion] et Soudain la révolution ! De la Tunisie au monde arabe : la signification d’un soulèvement [Denoël]

La caverne sans Platon On connaît la portée symbolique de la caverne, métaphore de l’erreur aveuglée ou de la gangue matricielle, mais une autre histoire lui est attachée, qui unit toutes les religions chrétiennes et musulmanes en une mythologie commune. Cela commence comme un conte de fées (qui d’ailleurs, pour certains, y puisent inspiration), «il était une fois», sept jeunes chrétiens persécutés par l’empereur romain Dèce (IIIème s.). Ce dernier les fit emmurer dans la caverne où ils avaient trouvé refuge. Deux cents ans plus tard, (à peu près), ils se réveillent intacts. L’évêque d’Éphèse constate le miracle (en 448). Rapporté au VIe siècle par Grégoire de Tours, puis relayé par la Légende dorée de Voragine au XIIIe, le récit des sept martyrs d’Éphèse engendre de nombreux sites de dévotion, et s’oublie au XVIIIe en Europe occidentale alors qu’il perdure pour les chrétiens d’Orient. Les Sept Dormants d’Éphèse constituent aussi un thème coranique majeur dans la Sourate XVIII, appe-

lée Al Kahf, la Caverne. Vivace, la lecture de cette sourate est recommandée par certains Hadiths chaque vendredi. La légende a, pour les deux religions, la même portée : elle témoigne de la résurrection des corps. Seule variante notable, la version musulmane ajoute un huitième dormant, le chien Qitmir, fidèle gardien des jeunes martyrs. De nombreux sites réclament la paternité du mythe, de la Méditerranée, à la Bretagne… Aujourd’hui encore, le mythe accompagne les artistes du printemps arabe ! Suivant les traces de l’orientaliste Louis Massignon (1883-1962), l’auteur et anthropologue Manoël Pénicaud a effectué plusieurs voyages en Méditerranée, compulsé les recherches de son prédécesseur, les a enrichies de nouvelles collectes. L’exposition La Méditerranée des 7 Dormants aux Pénitents Noirs d’Aubagne retrace ainsi quatre années de travail. Hommage à Louis Massignon, cartes sans frontières et post-it

d’étudiant, photographies, reproductions, textes, sont lumineusement mis en espace, dans une scénarisation intelligente de l’histoire et des lieux (Claudine Bertomeu), avec des explications qui se mettent à portée de plaisir du visiteur. Un parcours passionnant enrichi de conférences et de miniatures dansées sur l’amour (voir p12), qui nous offre de nouvelles racines fraternelles. Quel merveilleux symbole pour les Rencontres d’Averroès ! MARYVONNE COLOMBANI

La Méditerranée des 7 Dormants Jusqu’au 24 nov Chapelle des Pénitents Noirs, Aubagne 04 42 18 17 26 www.aubagne.fr

La Mediterranee des 7 Dormants - Chapelle syriaque orthodoxe a Damas - © Manoel Penicaud


MUCEM

RENCONTRES LIVRES 79 87

Tariq Ali en live ! Être né quelque part À l’heure où Jean-Marie Le Pen prend sous son aile un musulman pratiquant (Omar Djellil, président de l’association Présence Citoyenne) et estime que les cinq piliers de l’islam ne sont pas incompatibles avec les idées du Front National, il n’est pas malvenu de visionner quelques images d’archives, où on le voit éructant à longueur de journaux télévisés sa haine de l’autre. Une plongée dans le racisme du monde politique des années 80… mais remettre en perspective l’histoire de l’immigration en France, c’est aussi entendre ce que l’on n’a pas l’habitude d’évoquer dans les médias. Un imam bordelais qui parle de ceux qui quittent la religion, plutôt que de se focaliser sur ceux qui y entrent. Puis ces trentenaires qui ont réussi leur intégration, mais ne la vivent pourtant pas sans blessure : une «fille de» faisant le grand écart entre son richissime cabinet d’audit à Neuilly et la banlieue où vivent ses parents. Et le patron des éditions de bandes-dessinées Soleil, Mourad Boudjellal, qui a réalisé un CA de 40 millions d’euros en 2010 : il avoue tomber dans le racisme social lorsqu’on lui fait sentir ses origines : «Sortez votre feuille d’impôts, comparezla avec la mienne, et on verra qui va être renvoyé de ce pays !». GAËLLE CLOAREC

Musulmans de France de Karim Miske et Mohamed Joseph et Fils et filles de… de Jean-Thomas Ceccaldi ont été projetés le 4 nov dans le cadre des Écrans d’Averroès, manifestation organisée par les Rencontres d’Averroès, l’INA et le CMCA © Musulmans de France, film de Karim Miske et Mohamed Joseph

Tariq ali © X-D.R

Il était déçu, Thierry Fabre, de voir l’amphithéâtre de Sciences Po peiner à se remplir pour accueillir Tariq Ali : «Les étudiants aixois n’ont pas mesuré leur chance.» Pourtant le Street fighting man1 pakistanais s’est avéré passionnant, qu’il évoque son cycle romanesque2 consacré à l’islam du Moyen-Age à nos jours,

tre» gouvernant une démocratie factice et traitant la crise financière comme un non-événement. «Aujourd’hui en Occident les jeunes occupent les centres névralgiques des grandes villes pour protester contre tous les politiques. (...) Quant aux révolutions arabes, on peut les apparenter à ce qui s’est passé en 1848 en Europe : c’est un processus en cours qui sera peut-être parachevé des années plus tard.» GAËLLE CLOAREC

ou qu’il se livre à une analyse acide des politiques contemporaines. «Les différents soulèvements du monde arabe montrent que les musulmans ne sont pas génétiquement opposés à la démocratie, croyance très répandue depuis le 11 septembre, et ils seront sûrement déçus par ceux qu’ils éliront, comme les occidentaux avant eux. (...) Obama a lancé plus d’attaques de drones que Bush pendant 10 ans, et il a relâché moins de prisonniers de Guantànamo. Mais les Européens sont tellement heureux qu’il ait été élu qu’ils ne l’ont pas encore réalisé.» Tariq Ali ne pense pas comme son ami Noam Chomsky que le monde doive faire face à un nouveau type de fascisme ; le plus grand danger à ses yeux est ce qu’il décrit comme un «extrême cen-

1.D’après la chanson des Rolling Stones écrite en 1968, inspirée par Tariq Ali. 2.Le Quintet de l’Islam, dont le dernier volet La nuit du papillon d’or vient de paraître aux éditions Sabine Wespieser.

Arménie Turquie, les chemins de la reconnaissance ? velle des kurdes et des mouvements musulmans dans la société. Progressivement, toute la mémoire du pays refait surface après une longue amnésie organisée par les autorités. Même le mot génocide n’est plus tabou. Le deuxième extrait vidéo rappelle le vote des lois mémorielles. Pour Cengiz Aktar ces lois, votées par une vingtaine de pays, sont sans impact sur la Turquie. Si personne ne croit plus en Turquie au mythe de la répression qui aurait mal tourné, on le doit à des gestes tel le pardon donné par la petite fille d’un diplomate turc assassiné. La société turque bouge ! Si l’Etat refuse de parler du génocide c’est qu’il ne veut pas s’excuser ! Seule reste inflexible la fraction nationaliste kemaliste arcboutée sur la prétendue traitrise arménienne de 1915. Mais l’enjeu de

mémoire est-il pressant dans une population turque dont 90% a moins de 50 ans ? Dans le dernier extrait de l’INA on voit une jeune fille arménienne, cachée dans une famille musulmane, reconvertie au christianisme. Aktar confirme que nombre de fillettes orphelines furent données à des familles Kurdes et converties à l’Islam. Marian ajoute qu’il y beaucoup d’arméniens dans les familles Turques et désormais des Arméniens de confession musulmane ! Cette situation remet en cause le discours nationaliste sur l’homogénéité raciale de la société et conduit à une redécouverte des non-musulmans. Pour finir, Thierry Fabre inclina le débat vers l’Europe. La demande d’adhésion est-elle susceptible de faire évoluer la situation? Les atermoiements désespèrent et diminuent l’attractivité de l’Union, pour un pays émergent au dynamisme économique remarquable… RENÉ DIAZ

À venir

Cengiz Aktar © X-D.R

Les mardis du MuCEM ouvraient leur deuxième saison avec un cycle Questions de mémoires, questions de frontières, la relation Arménie-Turquie posant le premier regard sur cette dialectique de l’histoire et du présent. Thierry Fabre précisait d’ailleurs qu’il s’agissait de trouver une juste mémoire, dégagée des pressions collectives, pour mieux comprendre les enjeux actuels. La conférence débuta par une projection d’archive, fruit d’une collaboration avec l’INA. L’actualité télévisée retraçait à l’occasion du procès pour terrorisme d’un arménien à Aix en 1982, un retour en images sur l’histoire de l’Arménie depuis la fin du XIXe siècle. Massacres, déportations, génocide, les meurtrissures des Arméniens prenaient corps. Thierry Fabre questionna ses invités : Qu’est-ce-qui a changé depuis cette période ? Michel Marcian (maître de conférences à l’IEP de Paris, membre du comité de rédaction de la revue Esprit) expliqua que les attentats avaient permis la prise de conscience du problème arménien. Le remarquable travail historique effectué par les chercheurs arméniens, qui a permis la prise de conscience par les sociétés d’accueil de la diaspora arménienne, est accablant : l’extermination a bien été pensée. En Turquie, la pétition d’excuses de 2008 a montré une évolution. Cengiz Aktar, directeur du Centre pour l’Union européenne à l’Université d’Istanbul, relie ce changement à l’effacement des militaires, au pouvoir depuis 1980, et à la place nou-

Israël Palestine, Récits de frontières Avec Riccardo Bocco, Stéphanie Latte-Abdallah et Cédric Parizot Le 22 nov à 18h30 Écrire la Guerre d’Algérie : entre littérature et histoire Avec Sofiane Hadjaj et Alexis Jenni Le 13 déc à 18h30 BMVR Alcazar, Marseille www.mucem.org


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HISTOIRE

MdAA | ÉCHANGE ET DIFF

Le passé restitué Le Musée Bleu bourdonne comme une ruche, derniers coups de marteau, vérification des accrochages, attente de l’arrivée de la table tactile qui a pris du retard, frisson de fête… lié tant à la qualité du travail présenté qu’à la personnalité chaleureuse du maître d’œuvre, JeanClaude Golvin. Archéologue, architecte, ancien directeur du Centre franco-égyptien d’études des temples de Karnak, directeur de recherche émérite au CNRS… Ajoutez à ce curriculum impressionnant un talent fou, une aisance qu’il exerce avec la simplicité de l’évidence : Jean-Claude Golvin sait faire ressurgir du passé des architectures enfouies, mais aussi les personnes, les attitudes… Ses aquarelles et dessins redonnent vie à l’Égypte ancienne, à la Grèce ou à la Rome antique, entre autres. Tous leurs détails proviennent du savoir savant de spécialistes du monument restitué, d’observations personnelles et de déductions logiques, liées à sa formation d’architecte. Lorsque les données fournies par les restes archéologiques sont trop maigres, il adopte la méthode d’un historien, procédant par hypothèses, étayant par les textes, les documents concernant l’époque représentée. Chaque vue peut en effet être datée. Il n’y a pas de représentation d’une antiquité vague et romancée. JC Golvin situe ses œuvres à telle ou telle période, tient compte des évolutions. Pour faire vivre les lieux, il recherche la solution la plus vraisemblable, la plus proche de la réalité possible. Ainsi, on pourra découvrir, au sol, une immense représentation d’Arelate dont toutes les rues mènent quelque part, et dont le fonctionnement est rationnel. C’est par cette méthode que Golvin arrive à la conclusion que le chemin de halage le long du Rhône se situait sur la rive gauche. C’est un cadeau formidable qu’il accorde au musée en lui léguant la plus grande partie de ses travaux (plus de 1000 dessins originaux, sans compter les dossiers, les esquisses préparatoires). Conscient de la nécessité de garder l’unité de la collection, il veut ainsi la préserver, généreux de ce savoir destiné à former les générations futures. L’exposition Un architecte au cœur de l’histoire se mêle d’ailleurs intimement aux collections permanentes : agrandissements de tableaux, tiroirs comprenant des points de comparaison, cartes (dont une unique, qui évoque l’ensemble du

L’Histoir des identi Le theatre vers 10 av JC aquarelle 2011 JC Golvin MDAA © editions errance

Vue de la ville d’Arles depuis le nord-est, 4e siècle aquarelle 1991 JC Golvin MDAA © editions errance

monde romain, avec les reliefs et les moyens de communication)… personnages issus de la vie quotidienne avec leurs instruments de travail, table interactive qui permet un approfondissement des connaissances sur le mode ludique… Une salle est consacrée aux mystères de l’atelier du savant, dans lequel son image commente sa méthode ! Un ouvrage remarquable accompagne cette exposition, synthétisant l’œuvre de Golvin, évoquant sa vie, sa démarche, son œuvre, avec des reproductions d’aquarelles et de dessins. Essentiel pour mieux comprendre l’importance capitale de ce travail. MARYVONNE COLOMBANI

À voir Jean-Claude Golvin, Un architecte au cœur de l’histoire Musée départemental de l’Arles Antique, Arles jusqu’au 6 mai 2012 04 90 18 88 88 www.arles-antique.cg13.fr

À lire Jean-Claude Golvin, Un architecte au cœur de l’histoire Catalogue + DVD Éd. Errance, 29 €

Pour commencer son cycle sur «miracles et mirages de la représentation», Échange et diffusion des savoirs avait décidé, le 10 nov, d’inviter Jean-Claude Monod. La conférence, fictionnalisation de l’histoire et construction idéologique des identités collectives, voulait explorer les liens de l’histoire avec la formation de l’identité collective. Si la distinction classique entre histoire racontée, la fable, et l’Histoire comme science, a un sens dans le vocabulaire, notre conférencier refuse cette partition classique : l’histoire est un procédé de narration, une sorte de roman avéré. Il embauche, pour soutenir son propos, Michel de Certeau : l’histoire établit les faits mais sa pratique d’écriture la rapproche de la fiction. De même suit-il Paul Ricœur : l’histoire est une mise en intrigue, une synthèse de l’hétérogène. Sa particularité provient de ce qu’elle a des comptes à rendre à ses lecteurs, et à étayer ses affirmations. De fait la science histoire nait entre la fiction et le mythe. Si dans les sociétés primitives le mythe raconte le temps long et fabrique une histoire propre pour les êtres, l’histoire (enquête en grec) procède d’une ambition nouvelle : connaître le passé proche et la vérité. Pour Thucydide, il faut écarter les mythes et s’appuyer sur les témoignages pour trouver les causes des événements. Hérodote, lui aussi, veut transmettre la mémoire collective. Avec eux, l’histoire devient ce que la société raconte sur elle-même et la description de la relation à l’autre. Elle apparaît comme le constructeur du collectif.

Identités collective et individuelle Bien plus tard, Jules Michelet, vrai historien, au motif que la France aurait pour destinée d’apporter la liberté au


QUINSON

HISTOIRE

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Thrillers préhistoriques

e, ciment ités Jean-Claude Monod © X-D.R

monde, se retrouve à fonder une mythologie nationale. C’est que l’histoire, même lorsqu’elle devient une discipline scientifique, est occasion d’exaltation. Elle produit le récit national. Elle participe à la construction idéologique des identités collectives. L’identité devient l’appropriation d’une narration du présent par rapport à un passé dont on a privilégié certains moments. L’identité individuelle peut alors se dégager car, comme le souligne Jacques Derrida, il n’existe pas d’identité sans l’autre : tout soi est construit par intégration de la composante étrangère ; tout pays se fabrique à partir d’emprunts aux autres cultures. L’autre n’est pas le même que moi mais un semblable, il n’est pas un absolu mais il entre dans la construction individuelle ou collective. L’identité personnelle, hybride et relationnelle, passe par l’identification partielle avec d’autres : famille, village, le groupe religieux… Cela signifie que l’identité personnelle et l’identité collective sont toujours imbriquées. L’exploration de l’identité personnelle dévoile alors une histoire collective. L’histoire-science, en ce qu’elle met en scène un passé, produit une fiction vraie qui assemble les individus épars dans l’histoire collective. Que conclure ? Que supprimer l’histoire en terminale S permettra sûrement de renforcer le projet d’une société hyper individualiste ! RENÉ DIAZ

Si le terme «histoire» vient du mot grec qui signifie enquête, et institue le savant en détective, à l’instar d’un Hérodote, le spécialiste de préhistoire, lui, prend des allures de super Sherlock Holmes : les documents, les indices par leur rareté, leur difficulté d’interprétation constituent un jeu de pistes complexe et délicat. Une aventure bien éloignée de celles d’Indiana Jones à qui il suffit de trouver un vestige pour en déterminer la fonction et l’époque sourit Caroline Luzi, commissaire de l’exposition qui marque les dix ans du Musée de la Préhistoire des Gorges du Verdon : D’Homo Georgicus à Ötzi, l’homme des glaces. Une exposition particulière, qui rend aussi hommage au premier directeur du Musée, Jean Gagnepain, disparu trop tôt, sous forme d’une sélection des expositions marquantes : l’ancêtre sapiens, l’art et l’apparition de la métallurgie qui clôt les temps préhistoriques avec l’homme d’Ötzi, objet de la première exposition en 2001 et dont on fête les 20 ans de la découverte.

Un musée grotte Le premier pan de l’exposition est consacré à l’histoire du musée, sa conception par Lord Norman Foster. Parfaitement intégré au paysage, jouant entre les courbes et les contre courbes, avec son atmosphère de grotte, le musée est d’abord celui d’un territoire : les habitants se sont impliqués dans les fouilles bien avant les années 50 (en 1946, Bernard Bottet effectue des sondages archéologiques sur le site de la Baume Bonne). Un maillage s’est tissé entre la commune, le département le conseil général et EDF. En effet, la création des barrages sur le Verdon fut déterminante : en prévision des travaux une campagne de repérage des grottes en aval des futures retenues d’eau est lancée par EDF… plus de 60 gisements préhistoriques sont découverts et fouillés. En rappel, les maquettes des barrages avec leurs étonnantes fondations…

Reconstitutions Consacrée au remodelage des traits perdus, la dermoplastie s’appuie sur l’observation anatomique, l’étude des muscles, l’établissement de mesures moyennes. Recherche de l’exactitude scientifique et objet esthétique à la fois, cette discipline est de fait marquée par son époque : ainsi, on peut comparer la représentation de l’homme de Néandertal de 1927, lourd, bestial, avec une connotation raciste, à celle d’aujourd’hui, aux traits «saisissants d’humanité» ! Imaginaire et représentations du passé se liguent parfois contre l’objectivité scientifique. Actuellement, la subjectivité reste attachée à ce que l’on ne peut démontrer, comme la couleur des yeux. Sculpteur-reconstructeur en anthropologie, Elisabeth Daynès propose un travail

qui a pour but de «réhabiliter les Hommes préhistoriques». Jamais ils n’ont été aussi proches ! Par leurs activités également : l’art est une des manifestations spécifiquement humaines. L’exposition des instruments de musique, avec interprétations de fragments, reconstitution d’objets, expérimentation et comparaison avec des musiques traditionnelles, est troublante. Les sons créés, l’étaient-ils pour des rites, des appels, avaient-ils une fonction esthétique ? Flûtes, rhombe, grattoirs, lithophone (les pierres chantent, les stalactites ont été les premières orgues !) ne répondent pas à ces questions, mais la préhistoire acquiert des sons…

Iceman L’homme venu du froid, ce corps congelé trouvé en 1991, a émergé d’un glacier alpin. Quelle mine d’informations ! Sa hache «high tech» avec sa lame de cuivre, sa cape, ses bottes fourrées de paille, ses vêtements, son nécessaire à feu, son «sac à dos», les traces des derniers repas esquissent une nouvelle représenation des premiers temps de la métallurgie… Quelle capacité d’invention que celle de nos lointains ancêtres ! Inquiétante, une pointe de flèche logée sous la clavicule laisse à penser à une mort violente, et les scénarios s’échafaudent autour des conditions de sa momification…. Prolongeant cette exceptionnelle exposition, le catalogue, avec des textes d’une remarquable clarté. MARYVONNE COLOMBANI

D’Homo Georgicus à Ötzi, l’homme des glaces Récits d’enquêtes en Préhistoire jusqu’au 15 déc Musée de Préhistoire des Gorges du Verdon, Quinson 04 92 74 09 59 www.museeprehistoire.com Hominidés © P.PLailly-E.Daynes-Eurelios


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SCIENCES ET TECHNIQUES

LA CHIMIE

2011 année internationale de la chimie… science nourricière, fêtée un an, exploitée toujours !

Équations et images

© elapela / 2011 iStockphoto

comme le disait un slogan soixantehuitard à propos du jour des mères…

C’est à la fin du 17ème siècle qu’émerge, de l’ensemble des écrits et de la multitude des recettes alchimiques, un regard nouveau mécaniste sur la substantialité du monde. Mais ce n’est qu’au milieu du 18ème siècle qu’Antoine Lavoisier «comprend» et décrit le phénomène de combustion et donc du transfert de masse dans le processus d’oxydation. Le classement des substances devient possible par ce nouveau regard sur ce qui ne se voit pas mais qui peut s’écrire en équations chimiques. Sur cette base, la chimie se fonde sur une nomenclature strictement écrite du monde. Aujourd’hui, bien que les microscopes

Damnée chimie Même si l’étymologie du mot chimie est controversée, ses racines plongent toutes dans la noirceur inquiétante de terres calcinées et de magie… noire.

Passé sulfureux L’arabe al kemi viendrait de l’ancien égyptien Khemet, la terre noire. Ce qui trouve écho dans le mot copte chame signifiant «noire» couleur de la terre de la vallée du Nil. Ainsi les usages magiques de la kemi pourraient être, à l’origine imaginaire, de la «magie noire». Tandis que le grec ancien évoque l’élément liquide, χυμεία, khumeia, «mélange de liquides» (de χυμός, khumos, «suc, jus») comme eau mère de la science chimique, l’arabe kemi teinterait donc de «magie noire» la future science des substances, en plongeant dans les profondeurs de l’égyptien ancien kem qui désignait aussi la couleur noire. De fait la connaissance se nourrit depuis toujours des opérations de séparation, de différenciation, de distinction des perceptions sensorielles, ceci afin de classer pour mémoriser, et transmettre. Rien d’étonnant donc si ce processus, fondateur d’une logique cognitive, s’est teinté de caractère magique, sinon de religion du moins

de fortes superstitions. Déjà les ocres et autres charbons de bois qui teintaient les gravures rupestres étaient les traces de faits de chasse, mais aussi les témoins de la connaissance archaïque des substances colorantes, de leur séparation et de leur purification. Le caractère magique de la gravure rupestre résulte de ce compromis complexe entre le message scriptural et la substance dont il est fait, son tracé, sa persistance.

Séparation et écriture L’alchimie naît de cette volonté séparatrice de la connaissance humaine et part de la différenciation des formes perceptibles : l’état solide ou «terre» ; l’état liquide ou «eau» et sa fluidité analogue à la vie elle-même (ce qui fait du mercure métallique le «vif argent», couleur et éclat de l’argent métal et fluidité vivante de l’eau) ; l’état gazeux ou «air» et le «feu» qui constituent les troisième et quatrième Éléments alchimiques. L’utilisation de substances volatiles dans des processus de distillation et de sublimation, permet d’extraire l’ «esprit» d’un corps et de l’y réintroduire. Il est médiateur du transfert des substances. Le jeune Aristote et Philippe d’Oponte (l’au-

teur de l’Épinomis) ajouteront un cinquième Élément, qui est donc la quinte essence (future quintessence) ou Éther ; ce dernier Élément, qui constitue le substrat des corps célestes, n’est pas soumis à la génération et à la corruption, aux changements de qualité ou de dimension. Il se déplace, non en ligne droite comme les autres, mais en cercle. De cette séparation des éléments, à l’origine de toute analyse (littéralement ana-, en retour, -lyse, coupure), naît aussi l’écriture ésotérique de transmission de ce savoir-faire. Car l’alchimie est une pratique sans théorie rationnelle, un mélange admirable entre la logique séparatrice humaine, et l’invention poétique d’une méthode et de son écriture. Transcription de ce qui ne se voit pas mais se fait, écriture de «recettes» - au sens de recevoir un don de la nature - dans une langue spécifique qui contient en elle-même son propre développement logique… son propre pouvoir (c’est d’ailleurs exactement ce que l’on retrouve aujourd’hui dans les écrits et les prédicats des gourous de l’économie dite scientifique. Nouvelle magie noire ?)

électroniques les plus puissants permettent de «voir» des macromolécules (très gros enchaînements d’atomes) et certains très gros atomes dans des structures cristallines, la connaissance de la structure intime de la matière reste essentiellement scripturale : nous formons nos représentations au travers de médiateurs technologiques complexes qui ne nous permettent que de percevoir puis d’écrire une image instantanée d’un état de l’objet étudié. Spectrométrie de Résonance Magnétique, Spectrométrie de Masse, Raman, Absorption Atomique, Rayons X… nous livrent leurs courbes et autres spectres auxquels nous associons les images des «propriétés» qu’ils nous révèlent. La somme colossale des «publications» scientifiques, digne de la bibliothèque de Babel des Fictions de Borgès, donne une peinture rupestre de l’univers substantiel. Mais qui peut lire cette somme ? Qui peut avoir l’image totale de la substantialité du monde ? Reste à le rêver. Et au travers de nos démarches scientifiques, notre œuvre de fourmi est de dévoiler l’immensité du réel par ce minuscule trou dans le rideau de scène. YVES BERCHADSKY


LIBRE ARBITRE PHILOSOPHIE 91

Élections pièges à con ? Pourquoi critiquer les élections ? Sans élections auxquelles tous les citoyens sont conviés, sans suffrage universel quel régime aurions-nous ? Une dictature ou une aristocratie. Vraiment ? D’ailleurs s’il s’agissait vraiment d’aristocratie ce ne serait peut-être pas si mal, puisque les meilleurs (aristos en grec) seraient élus. N’est-ce pas ce qu’on cherche ? En s’entendant sur qui sont les meilleurs, en rajoutant qu’ils doivent penser au bien commun et non au leur ou à celui de leur caste, en précisant encore que les meilleurs ne sont pas des techniciens ou des hommes d’argent, mais des politiques sachant conjuguer la réalité technique et financière en vue du bien social… bref avec toutes ces précautions on pourrait imaginer qu’une aristocratie serait apte à soumettre la technocratie et la ploutocratie (ploutos : la richesse en grec), et agir pour le bien de tous.

Pouvoir de l’apparence, apparence de représentation Le problème de nos formes de gouvernement est que ce ne sont pas des aristocraties mais des « eïdocraties » (eïdos : l’image ou l’apparence en grec). C’est là-dessus que les hommes politiques se font élire, sur des programmes dont l’effectivité n’est que d’apparence ; ensuite ils gouvernent en donnant l’apparence de résoudre les problèmes, et en soignant leur image. En fait les prétendues démocraties ont reconduit les aristocraties par le biais d’élections libres. Car nos démocraties modernes ne sont pas au sens propre des démocraties : le peuple n’y est pas représenté. Les exemples de désaccord total entre le peuple et ses représentants sont nombreux, depuis le référendum de 2005 où le peuple s’est prononcé à 55% pour le non quand la représentation parlementaire y adhérait à 90%, jusqu’au peuple grec dont on redoutait qu’il s’exprimât par référendum. Précisément le peuple vote pour des hommes et des femmes qui ne les représentent pas mais qui donnent l’apparence de le faire : des ouvriers, des pauvres votent massivement pour des grands bourgeois qui leur font croire qu’ils les représentent. Comment est-ce possible ? Le sujet est traversé par un imaginaire qu’il pense réel, un système de représentation auquel il est aliéné. Ainsi les sujets citoyens ne votent pas pour leurs pairs ; des ouvriers n’ont pas confiance en des ouvriers pour les représenter ; les femmes n’ont pas confiance

© ALiJA / 2011 iStockphoto

Comment comprendre cette phrase ? Est-ce un constat, un projet politique ? Peut-on en imaginer une société politique sans élections ?

en des femmes pour les représenter. On le sait : la domination n’est possible qu’avec la complicité des dominés. Cette aliénation-domination remonte d’ailleurs aux origines du suffrage universel : elle fut bien comprise par les élites politiques de l’époque qui savaient qu’ils pouvaient conserver leur pouvoir avec la confiance du peuple ; ce qui leur conférait plus de légitimité. Historiquement, l’élection par la masse n’a pas souvent modifié la classe politique : elle en a assis et conforté le pouvoir.

L’illusion du choix Cette croyance en des élections libres a en fait son fondement (et non son origine) dans l’invention du libre arbitre ; cette idée que le sujet seul peut décider A ou B et manifester une terrible puissance de sa volonté : Il n’y a que la seule volonté, que j’expérimente en moi être si grande, que je ne conçois point l’idée d’aucune autre plus ample et plus étendue : en sorte que c’est elle principalement qui me fait connaître que je porte l’image et la ressemblance de Dieu écrit Descartes dans ses Méditations Métaphysiques. Où il ne parle pas d’élections bien sûr, mais vise simplement à rendre compte de l’erreur humaine : notre intelligence est finie, notre volonté infinie, donc on se trompe, pense Descartes. Son erreur à lui, profonde, est de croire en des facultés distinctes de l’esprit : la volonté est-elle vraiment distincte de l’intelligence comme le pense le philosophe des Méditations ? Et est-elle distincte du choix ? Lorsque j’ai choisi j’ai l’impression d’avoir eu le choix : ce que l’on pourra qualifier d’illusion rétrospective.

Ainsi quelques années plus tard Spinoza nous apprend que cette affaire de choix n’est qu’une supercherie : nous faisons des choses parce que des raisons que nous ne connaissons pas nous ont poussés à les faire ; et comme nous ne connaissons pas ces raisons, nous nous inventons une faculté imaginaire, la volonté, comme cause de ce choix : Telle est cette liberté humaine, que tous les hommes se vantent d’avoir, et qui consiste en cela seul que les hommes sont conscients de leurs désirs, et ignorants des causes qui les déterminent, explique-t-il dans la Lettre à Schuller. Donc, notre conscience n’est pas du tout une connaissance de nous-mêmes et du monde : elle n’est qu’un coup de projecteur sur un instant ; elle éclaire l’action, qui n’est en fait qu’un effet. Mais la conscience croit voir, et savoir : ce que je choisis, comme je ne connais pas les causes réelles qui me l’ont fait choisir, je crois que c’est ma volonté qui en est à l’origine. Alors, élections pièges à cons ? Non, mais pièges à consciences, d’autant plus que nous vivons dans une société du spectacle qui falsifie nos désirs, et piège les alternatives. À ce sujet on peut reprendre ce que déclarait Noam Chomsky lors de la publication de La Fabrication du consentement. De la propagande médiatique en démocratie. (Agone 2008, voir Zib’14): Les élections sont conduites par l’industrie des relations publiques qui marquète les candidats à la manière des spots télés. Le but du marketing est de créer des consommateurs non informés faisant des choix irrationnels. Les mêmes techniques sont utilisées pour saper la démocratie. RÉGIS VLACHOS


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HORIZONS

BIENNALE DES JEUNES CRÉATEURS

Embarquée par l’Espaceculture_Marseille à Thessalonique pour la BJCEM, la délégation française1 dévoile un ensemble de productions de belle facture. Scénographie inventive, sélection plus rigoureuse, conditions techniques améliorées : la 15e édition tient ses promesses Les docks, à Thessalonique. Zone de transit en partie en friche, en partie réhabilitée, avec à perte de vue des hangars et des grues, vestiges d’une gare maritime autrefois florissante… C’est là, sur les quais, que la 15e Biennale des jeunes créateurs d’Europe et de la Méditerranée a installé son quartier général, réussissant l’exploit d’accueillir près de 300 artistes-plasticiens en un temps record (la BJCEM devait se dérouler à Casablanca) dans un contexte économique catastrophique. La ville elle-même en est la vitrine confuse : derrière quelques façades rutilantes et un front de mer magnifique - mélange entre la baie de Naples, la rade de Toulon et la Joliette à Marseille - des immeubles en ruines, chantiers stoppés net, magasins fermés, terrains à l’abandon… Si les terrasses de café restent bondées, la récession est là témoigne Marianthie Paschou, Responsable du service culturel à l’Institut Français de Thessalonique : «Depuis septembre il n’y a plus d’embouteillages ! Les taxis sont au chômage et l’essence est trop chère, tous les projets urbains sont en stand-by. Certains habitants ont vu leur niveau de vie baisser de 50 %, d’autres sont obligés de prendre leur retraite… mais le peuple grec reste fier». Comment, dans ces conditions, la Ville peut-elle organiser concomitamment la BJCEM et la 3e Biennale d’art contemporain ?

Terminal Passengers at Thessaloniki l’hôtel Ariston transformé en galerie à ciel ouvert jusque tard la nuit… Sans compter l’ouverture de Facing Mirrors au Thessaloniki Museum of Photography, seul musée national consacré à ce médium, et acteur de nombreux

de l’organisation. Arts visuels, design, architecture, arts appliqués : la circulation est cohérente, et, quel que soit le hangar, le travail de mise en lumière est efficace de jour comme de nuit. Le projet in situ de Mathias Isouard

Bientôt Rome… et Nottingham !

Un signe fort Parce que «maintenir les événements culturels est un acte courageux et symbolique» selon les édiles et les acteurs culturels. Parce qu’inaugurer la BJCEM, même perturbée par quelques manifestants, et maintenir la 3e Biennale a du sens. D’autant qu’en 1986, la BJCEM y tenait déjà sa deuxième édition… Les jeunes artistes ont pris toute la mesure de l’enjeu à travers les programmes officiels et parallèles : inaugurations, rencontres, performances, concerts à la Tour Blanche, monument emblématique et historique qui abrite le musée d’art byzantin, au Musée d’art contemporain-Moni Lazariston (pour un judicieux face à face entre la collection Georges Costakis de l’Avant-garde russe et des pièces contemporaines), à l’Université Aristote. Et dans de nombreux lieux désaffectés réquisitionnés pour l’art : l’ex-Caserne Pavlos Melas habitée par de jeunes plasticiens internationaux en résidence,

(Espagne), aussi drôle qu’impeccablement réalisée ; l’installation poétique de Rita Correddu (Italie) qui mêle avec justesse photos, voix et écrits ; le montage à cent à l’heure de Samuel Spreckley (U.K) pour dire l’impermanence du monde ; ou encore les bruyants éclats de porcelaine brisée par les pas d’une danse traditionnelle dans In Ruins d’Andreas Pashias (Grèce), trace présente d’un passé émietté…

BJCEM 2011, Thessalonique © Gwenola Gabellec

festivals, workshops et éditions. Encore une transformation réussie du patrimoine industriel ! Moins spectaculaire mais tout aussi remarquable, la rencontre avec 7 élèves à l’Institut Français de Thessalonique qui ont concocté la performance Élèves dans le brouillard en écho à leurs œuvres, belles suggestions et moment d’émotion garanti.

Une exhibition réussie De l’eau a coulé sous les ponts depuis les errements techniques de Skopje en 2009 (voir Zib 22) et un commissariat artistique inégal… l’Association internationale pour la BJCEM a retroussé ses manches et la Ville de Thessalonique a déployé imagination et sens

trouve sa juste intégration dans l’espace ; Sophie Guerrive «redécouvre» avec curiosité ses dessins dans une configuration inhabituelle sans cimaise ; d’autres comme Sandra Lorenzi sont heureusement surpris par l’agencement des productions entre elles ; JRM et son installation interactive Flashballs font mouche auprès des visiteurs à l’instar… du minuscule dispositif vidéo sur lecteur MP4 de Moussa Sarr, Fredi la mouche ! Il faut dire que la majorité des créations bénéficient de beaux volumes d’exposition et s’inscrivent intelligemment avec leurs homologues étrangers. Particulièrement dans le hangar 15 où la photo et la vidéo sont majoritaires : l’irrévérencieuse «Cène» de Jesus Hernandez

D’ici 2013 et la 16e biennale conçue comme un parcours à travers la Croatie, la Slovénie et l’Italie, l’Association internationale poursuivra son travail de réflexion et de mutation d’un réseau unique en son genre. Pour preuve le 1er World Event Young Artists qui se tiendra à l’automne 2012 à Nottingham, librement inspiré de la BJCEM par l’un de ses membres actifs, le Arts Council. En attendant, rendez-vous à Rome les 16 et 17 déc avec les jeunes réalisateurs, musiciens et écrivains d’une BJCEM qui n’a pas dit son dernier mot… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

1 Artistes de Marseille, Pays d’Aix, Toulon Provence Méditerranée et Montpellier sélectionnés en arts appliqués : Sophie Guerrive et Arnaud Kwiatkowski ; en arts visuels : Younès Baba Ali, Vincent Betbeze, Jérémie Delhome, Sébastien Duranté, JRM, Mathias Isouard, Sandra Lorenzi, Audrey Marton, Sophie Pellegrino, Moussa Sarr

www.bjcem.org et www.bjcem.net



94 Nos Partenaires vous offrent invitations, réductions et avantages ! Pour les places gratuites, téléphonez-leur rapidement pour réserver, puis présentez votre carte de membre (1 place par carte nominative). Pour les réductions, présentez simplement votre carte (réduction valable seulement pour l’adhérent) Le Gyptis 2 invitations par soir Pour Le journal d’un fou mes Andonis Vouyoucas le 16 nov à 19h15 le 17 nov à 19h15 le 18 nov à 20h30 le 19 nov à 20h30 le 22 nov à 20h30 le 23 nov à 19h15 le 24 nov à 19h15 le 25 nov à 20h30 le 26 nov à 20h30 Pour De mon hublot utérin… mes Julie Kretzschmar le 8 déc à 19h15 le 9 déc à 20h30 le 10 déc à 20h30 4 invitations Pour Le Malade imaginaire mes A. Moati et P. Laneyrie le 13 déc 2 invitations par soir le 14 déc à 19h15 le 15 déc à 19h15 le 16 déc à 20h30 le 17 déc à 20h30 tarif réduit B (16€ au lieu de 27) pour la représentation du 22 04 91 11 00 91 La Criée 4 invitations Pour Une nuit arabe mes Claudia Stavisky le 29 nov à 19h Pour Le Dragon d’or mes Claudia Stavisky le 30 nov à 19h 04 91 54 70 54

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Le Lenche Tarif réduit à 8€ Pour Western mes Massimo Schuster du 22 nov au 3 déc 04 91 91 52 22 Cité de la musique, La Cave 1 place offerte pour 1 achetée pour les 10 premières réservations Pour le concert Nougarôtrement Le 28 nov à 21h 04 91 39 28 28 Leda Atomica Musique Tarif réduit à 5€ sur toutes les soirées Pour le festival Les Inovendables Du 18 nov au 4 déc 04 96 12 09 80 La Minoterie Tarif réduit pour toutes les représentations 8€ au lieu de 12€ 04 91 90 07 94 Les Bancs Publics 1 place offerte pour 1 place achetée pour tous les spectacles 04 91 64 60 00 Théâtre des Ateliers (Aix) Tarif réduit à 10€ au lieu de 15€ Pour Le Lit (chantier de création) mes Alain Simon les 1er, 2 et 3 déc à 21h 04 42 38 10 45

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Élise Padovani elise.padovani@orange.fr

Maquettiste Philippe Perotti philippe.zibeline@gmail.com 06 19 62 03 61

Secrétaire de rédaction spectacles et magazine Dominique Marçon journal.zibeline@gmail.com 06 23 00 65 42 Secrétaire de rédaction Jeunesse, livres et arts visuels Marie Godfrin-Guidicelli m-g-g@wanadoo.fr 06 64 97 51 56

Histoire et patrimoine René Diaz renediaz@free.fr

Philosophie Régis Vlachos regis.vlachos@free.fr Sciences et techniques Yves Berchadsky berch@free.fr

Ont également participé à ce numéro : Yves Bergé, Émilien Moreau, Gaëlle Cloarec,Christophe Floquet, Thomas Dalicante, Aude Fanlo, Clarisse Guichard, Pierre-Alain Hoyet, Christine Rey

Librairie Au poivre d’Âne (La Ciotat) 12 rue des frères Blanchard 5% de réduction sur tous les livres Art-Cade – Les Grands Bains Douche de la Plaine Une adhésion et une consommation au bar de la galerie 04 91 47 87 92 Mina Kouk (restaurant/traiteur/ salon de thé) Fabrication de fondants et croustillants Sud Méditerranée Vous offre une citronnade maison 21 rue Fontange, Marseille 6e Du lundi au samedi de 9h à 19h, le soir sur résas. Livraison 04 91 53 54 55 L’imprimeur Magenta 10% de remise sur tous travaux d’impression 04 91 32 64 54 Auto Partage Provence 6 mois d’abonnement gratuit d’essai vous disposez d’une voiture quand vous le souhaitez, à réserver par téléphone ou Internet, 24h/24, 7j/7, selon vos besoins 04 91 00 32 94 www.autopartageprovence.com

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