un gratuit qui se lit
N째47 - du 14/12/11 au 18/01/12
Horizons La ventana de la danza, Madrid Politique culturelle Ateliers de l’Euroméditerranée, Bernardines, Région, la Friche Le livre blanc des musées de France La TVA sur le livre Les chantiers de Marseille Théâtre La Criée, les Bancs publics Les Bernardines, le Lenche, le Gymnase Le Toursky, le Gymnase, Ouest Pce, Grasse, le Gyptis La Minoterie, le Vitez, Aubagne, les Ateliers Cavaillon, le Vitez, Avignon Port-de-Bouc, les Bernardines, Nîmes, Martigues Châteauvallon, Château-Arnoux Toulon Au programme Danse Cannes, Grenade Le Klap, le GTP, Château-Arnoux Châteauvallon, Sainte-Maxime, Arles Dansem Au programme Cirque/Arts de la rue Arles, Bois de l’aune, Sirènes, Merlan, Gymnase Jeune public Jeu de Paume, Toulon, Gymnase, Massalia, Lenche Le Revest, Grasse, Sainte-Maxime, Ouest Pce Au programme Musique Contemporaine Lyrique Récitals Au programme Actuelles, du monde, jazz Cinéma Les rendez-vous d’Annie, Le jour le plus court Film, festival Tous Courts Docs en Paca, CMCA Image de ville, Polygone étoilé Arts visuels Regards de Provence, L’art prend l’air Laterna Magica, Tapis vert, Galerie Paradis La Valette, Istres Au programme Livres Arts Livres/disques Jeunesse Littérature Livres Rencontres Au programme
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Rencontres Averroès Histoire, sciences
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Histoire Résistance, Echange et diffusion des savoirs
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Philosophie La philo pour enfants
77
Adhérents
78
Frimas
Les temps ne sont pas rassurants. La colère a grondé dans les rues du monde mais aujourd’hui la peur s’immisce, et les peuples se mettent au pas. En Espagne l’Indignation a ouvert les portes aux Conservateurs ; la Grèce, après des mois de luttes, est sous tutelle et dans les larmes ; l’Égypte flirte avec les Salafistes, la Tunisie et le Maroc veulent subordonner les lois humaines à celles, rétrogrades, d’un être imaginaire… Si le rejet des gouvernements dictatoriaux ou corrompus, inefficaces, est pour le moins légitime, il ne semble pas déboucher sur des lendemains qui chantent ! En France on nous joue aussi le petit air de la peur. La dette, creusée par les avantages accordés aux grandes fortunes et entreprises, est brandie comme une menace, et nous sombrons dans le repli, très sensible depuis quelques mois dans le monde culturel. Ainsi la RGPP qui interdit aux musées et bibliothèques de remplacer leurs conservateurs, ou la mort annoncée des libraires massacrés par la hausse de la TVA, n’intéressent personne. Quant aux salles de théâtre, de concert et de cinéma, elles sont désertées dès qu’elles tentent une programmation moins consensuelle, sans stars ni produits divertissants. Autre signe du temps : les femmes, premières victimes des crises, disparaissent de nos représentations. J’ai vu ce mois-ci sur les scènes, je les ai comptés pour exemple, 112 hommes et 42 femmes, rapport bien plus effrayant si j’exclus la danse : 74 pour 18 ! Aucun spectacle sans homme, et 7 sans femmes. Mais n’allez pas demander, au-delà du respect, la parité dans le débat public ; et si vous ne voulez pas risquer le sourire en coin, la bienveillante condescendance, voire l’ostracisme et le rejet, ne persistez pas à remettre en cause la domination masculine, qui resserre pourtant son étau. Comment lutter ? Vous, les femmes, ne soyez pas frileuses, et puisque vous peuplez très majoritairement les bibliothèques et les théâtres, soutenez les libraires, militez, emmenez vos compagnons vers les espaces où l’on rêve le monde. Quant aux artistes qui créent nos représentations, faut-il leur rappeler que les femmes sont la moitié du genre humain ? Pour cette nouvelle année qui s’annonce, osons donc formuler un vœu que nous pouvons réaliser : nous citoyens qui faisons le monde, ne cédons pas aux frimas, gardons intacte la chaleur de nos révoltes et conservons, en sortant de la fascination facile des écrans, le lien social, le goût de l’aventure, de la découverte et du réel. Tout ce qu’aucun blog ne saurait remplacer. AGNÈS FRESCHEL
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LA VENTANA DE LA DANZA
HORIZONS
05
En marge de sa 26e édition, le festival international de danse de Madrid organisait La Ventana de la Danza, fenêtre ouverte sur la jeune création régionale et mise sur orbite internationale
Madrid en Danza, et demain ? À l’invitation d’Ana Cabo, conseillère pour la danse à la Comunidad de Madrid (l’équivalent de la Région française, ndlr), et de Didier Michel, expert international pour la programmation, près de 90 professionnels étaient présents pour conjuguer le programme officiel de Madrid en Danza avec les découvertes et les rencontres de La Ventana de la Danza. Également directrice artistique de Madrid en Danza, Ana Cabo œuvre depuis 8 ans à définir l’identité de la danse espagnole actuelle, entre folklore traditionnel, danse classique et écriture contemporaine. «Face à la forte présence du flamenco orthodoxe et de la danse traditionnelle à Madrid», elle défend l’idée «d’un festival de danse qui ne soit ni la danse théâtrale ni la performance, mais qui s’inscrive dans le ballet contemporain à argument.» Et programme Angelin Preljocaj, Jean-Christophe Maillot, la Batsheva Dance Company ou Robin Orlyn, souhaitant s’inscrire dans «une démarche de partage de l’identité européenne» au côté de la Biennale de Lyon et du Dance Umbrella Festival London. Enfin elle lance il y a 6 ans La Ventana de la Danza pour les compagnies de la Comunidad de Madrid, qui représentent entre 30 et 40 % de la programmation selon les années. Tous les deux ans cette vitrine pour «les compagnies et les danseurs qui développent un travail corporel très important» constitue un réel tremplin vers les circuits professionnels internationaux.
Michel a extrait une douzaine de propositions artistiques aux vocabulaires éclectiques. Parmi elles de belles révélations, avec les moments magnétiques offerts par Janet Novás et Sharon Fridman (Projects in Movement) : leur talent, leur exigence, leur écriture, leur présence lumineuse ont immédiatement séduit le Festival de Marseille qui les accueillera en juin 2012, les Rencontres Chorégraphiques de Seine-Saint-Denis, le théâtre Pôle Sud de Strasbourg, le Festival Paris Quartier d’été et le Théâtre national de Chaillot. Sans compter les programmateurs étrangers… À suivre de près également l’univers de Gentia Doda et Dimo Kirilov (Compañia Efectos Secundarios) capables de dessiner avec la même finesse un quatuor théâtral à la rythmique millimétrée et un duo à la danse ténue, à l’énergie contenue, bridée puis «expulsée». À découvrir avec délectation la silhouette singulière de Manuel Rodriguez qui, dans son manteau pink et avec ses faux airs de Buster Keaton, imprime la rétine en 20 minutes chrono. Ou encore le flamboyant David Sanchez, seul en scène ou en formation, passé maître dans l’art de la «Danza Española» enrichie par les figures du ballet classique et romantique, de la danse de cour et les danses régionales.
Des lendemains désenchantés
Trois jours intensifs donc, pour balayer les talents émergents et mesurer l’état de l’offre culturelle à Madrid, riche Miroir de la réalité madrilène d’équipements flambants neufs qui tournent à bas régime faute de budManque de financements et absence gets de fonctionnement. Notamment d’organisation structurante expliquent le Teatros del Canal avec ses multiples le peu de compagnies constituées, exsalles de spectacles et studios de ceptées les plus emblématiques : la répétition, ou le Cuartel del Conde Compañia Nacional de Danza et Duque, ancienne caserne franquiste Maria Pagés Compañia. À l’occasion réhabilitée en pôle culture, lieu de méd’une rencontre intimiste, la danseusemoire tremblant encore des années chorégraphe leva le voile sur son noires espagnoles… Superbes conouvel opus Utopia qui s’inspire des Janet Novas, Cara pintada, el salto de la rana y otras pequeñas historias © Juan Adrio quilles vides qui font craindre à Ana créations de l’architecte brésilien Oscar Niemeyer pour nourrir son flamenco contemporain. Dans les studios de la Cabo des jours sombres pour Madrid en Danza, mais pas seulement : avant les Compañia Nacional de Danza, José Carlos Martinez dit avec franchise devoir élections générales en Espagne, qui ont vu le 20 novembre la victoire du Parti reconstituer le répertoire de fond du ballet national après le départ de Nacho Populaire, elle craignait la disparition pure et simple du ministère de la culture. Duato qui «n’a pas voulu laisser le sien en héritage...». «On ne repart pas de zéro, Espérons que l’avenir lui donnera tort. explique-t-il, on continue en utilisant le passé de la compagnie qui existe depuis 37 MARIE GODFRIN-GUIDICELLI ans. Avec la crise, on a des obligations de rentabilité et on remonte certains spectacles comme Balanchine, William Forsythe, Jiri Kylian, tout en essayant de trouver une nouvelle identité avec l’arrivée de talents d’Espagne et d’ailleurs…» Madrid en Danza s’est déroulé du 7 au 27 nov, Une situation complexe et un avenir opaque pour les artistes, qui n’entament pas La Ventana de la Danza du 10 au 12 nov le désir de création des «petites compagnies» ! De ce cœur bouillonnant Didier www.madrid.org/madridendanza
06 POLITIQUE CULTURELLE ATELIERS DE L’EUROMÉDITERRANÉE | BERNARDINES | RÉGION | FRICHE
Changer d’angle sont justement ceux qui ont fait les croisades. On parle d’une période qui nous concerne tous.» Car de fait pour Daniel Fontaine, maire d’Aubagne, «comment on fait les choses compte autant que les choses faites.» Pour les étudiants en CAP de céramistes, pour ceux de la SATIS (formation aux métiers de l’Image et du son) qui vont commencer à filmer, pour l’art même des santonniers et pour, in fine, revisiter notre histoire commune et antagoniste, Cabaret Crusades semble un formidable projet. Ulrich Fuchs, directeur adjoint de MP2013, s’en étonne lui-même : «Durant l’année qui précède une Capitale culturelle il y a toujours des attentes, des tensions, des déceptions. Là on nage dans le plaisir de fabriquer ensemble et de partager. C’est formidable…»
Photos prises lors de l'atelier de Wael Shawky © X-D.R.
De l’art contemporain chez les santonniers ? À Noël ? Sur le marché ? C’est pourtant ainsi qu’à Aubagne on veut étonner le regard… L’Atelier de l’EuroMéditerranée que Wael Shawky mène dans le cadre de MP2013 prend place chez les céramistes et «permet à cet art traditionnel de croiser la sculpture et les arts multiples du cinéma» explique Gaëlle Milbeau, directrice du Festival International du Film d’Aubagne, qui assure la production déléguée. Et effectivement, la synergie des structures autour de ce projet est exemplaire : à partir de l’essai d’Amin Maalouf Les croisades vues par les Arabes, l’artiste égyptien a imaginé une série vidéo de quatre films d’art. Les événements en Égypte rendant le tournage difficile tout va se faire à Aubagne… avec 110 santons fabriqués et costumés pour l’occasion !
A.F.
Quoi de plus efficace pour renverser le regard que de choisir ce symbole d’une nativité figée ? «Le projet a beaucoup changé grâce à l’accueil et la disponibilité des structures aubagnaises, explique Wael Shawky. C’est la révolution et les bouleversements en Égypte qui m’amènent à tout tourner ici, mais cela fait sens, incroyablement : les pays impliqués dans le tournage, la production ou la fabrication des marionnettes, c’est-à-dire l’Allemagne, l’Italie et la France,
Pleins feux sur le théâtre arabe
Les créateurs du monde arabe seront à l’honneur en 2013 dans une opération mise en place par l’Union Européenne, le Système Friche Théâtre, la Région PACA et MP 2013. Initié depuis 2005, le projet propose de mettre en lumière la diversité de la dramaturgie arabe contemporaine. Présenté le 16 nov à la Friche par Alain Arnaudet, directeur de SFT, et Patrick Mennucci, Viceprésident de la Région, financé à hauteur de 446 000 € par l’Union Européenne, le projet établira une collecte d’une centaine de textes dramatiques dans 10 pays. Une trentaine sera sélectionnée en juillet 2012 et présentée ainsi que leurs auteurs et leur pays sur un site Internet, dès septembre. Trois résidences de création se tiendront à Tunis en novembre, trois résidences de traduction en France. Parallèlement Catherine Marnas créera un spectacle avec des comédiens français et arabes à la Friche. Le tout verra son aboutissement en novembre 2013. CHRIS BOURGUE © Yanna Maudet
Cabaret Crusades sera filmé aux Pénitents Noirs à Aubagne, puis projeté au Kunstenfestivaldesarts à Bruxelles puis à Documenta à Cassel (Allemagne) et dans le cadre de Marseille-Provence2013.
Bernardines, saison 26 L’équipe, occupée à ses partenariats actifs en ce 3e automne de festivals (ActOral, Dansem…), n’avait pas encore eu le temps de présenter sa nouvelle saison. Cette fois, ça y est. Au programme, 10 spectacles (voir p.13) produits ou accueillis dans la perspective chère à Alain Fourneau de rester «à vif», de «se saisir de ce qui se passe», avec la volonté de multiplier les occasions de «s’adresser plus largement» au public. On retrouvera ainsi des habitués du lieu : Thomas Fourneau et la Cie La Paloma, sur un texte de Sarah Kane, 4.48 Psychose (du 12 au 21 janv) ; en mars Mireille Guerre dans Le succès du malheur, inspiré de l’Agamemnon d’Eschyle; de fidèles compagnons de route comme Alain Béhar (Até, en janvier) ou Frédéric Poinceau qui revisitera en février Le
Banquet de Platon dans Les bienfaits de l’amour. Les Bernardines accueilleront également le spectacle de Philippe Vincent Un Arabe dans mon miroir et L’Agence de Voyages Imaginaires de Philippe Car qui y présentera Sur le chemin d’Antigone du 10 avril au 5 mai (voir p18). Le mois de mai verra aussi revenir Rochdy Laribi pour le 2e volet d’une performance initiée en 2011 (Les moutons électriques sont de retour). Place enfin aux RDV d’écoles du 22 au 25 mai, puis aux Informelles, du 8 au 22 juin, avec Try Angle, 1re étape d’un programme européen de recherche artistique transdisciplinaire. FRED ROBERT
Les Bernardines 04 91 24 30 40 www.theatre-bernardines.org
08
POLITIQUE CULTURELLE
LE LIVRE BLANC DES MUSÉES DE FRANCE
Au moment où Marseille et ses partenaires se préparent pour 2013 capitale européenne de la culture et que de nouveaux musées voient le jour dans la région (Bonnard, Cocteau), la profession des conservateurs alerte les autorités et ses publics des dangers menaçant nos institutions publiques à travers le Livre blanc des musées de France
Chauffés à blanc Acteurs majeurs de la culture et du patrimoine français, les musées échapperaient-ils à la vague d’amaigrissement que subit l’ensemble du secteur culturel depuis de nombreuses années, et ces dernières plus gravement encore ? Assurément non à la lecture du Livre blanc des musées de France rendu public par l’AGCCPF en février de cette année (1). Par ailleurs, deux associations régionales des professionnels du secteur (2) organisaient le 14 octobre dernier au Carré d’Art de Nîmes une rencontre sur le sujet en présence de Christophe Vital, conservateur en Chef du Patrimoine, président de l’AGCCPF et rapporteur pour le livre blanc. Ce dernier, reprenant et développant les différents points du livre qui a nécessité deux années de travail, établissait avec un engagement sans équivoque un diagnostic peu encourageant de la situation de ces institutions, pour conclure sur une série de propositions concrètes.
tempéré grâce à l’opération Marseille 2013… tout en attendant les implications des choix électoraux de 2012 ? À l’année prochaine, et surtout «a l’an que ven se sian pas mai que siguem pas mens !» (4). CLAUDE LORIN
Le musée-entreprise ? Si on assiste dans les années 1980 à 2000 à un développement des musées et de leurs fréquentation, avec des implications publiques importantes, la période suivante marque le pas. La crise économique s’ajoutant, les conservateurs doivent désormais se débrouiller dans un maelström où interfèrent les obligations imposées par les lois (Lolf, Rgpp), réorganisant tout le secteur public et d’État, les injonctions managériales (politique du chiffre, course au mécénat pour suppléer aux baisses de subventions d’équilibre, évènementiel, marketing), et d’autre part les impératifs scientifiques, d’inventaire, de conservation, de transmission auprès des publics (qui ne se réduit pas au seul taux de fréquentation). Annoncé en septembre, le Plan Musées en régions (3) saura-t-il atténuer le choc pour certains établissements (les plus modestes, les moins monnayables, amenés à disparaître -certains le sont déjà- avec leurs collections ?) alors que s’approche une autre réforme, celle des collectivités territoriales, qui modifiera assurément les relations des professionnels des musées avec les élus locaux. Dans ce contexte l’intercommunalité apparaît comme une des solutions d’avenir (Zib 46, p.7). Mais c’est sans oublier le non remplacement des conservateurs, la pénurie prévisible due à un recrutement en forte réduction, leur substitution (moins onéreuse) par des assistants ou venus d’autres compétences (gestion), le ralentissement du mécénat qui profite surtout aux plus importants établissements, aux évènements à forte visibilité, à Paris vs ce qu’on s’entête encore à appeler la province, sans relever les disparités territoriales dont l’attractivité touristique est un des pivots. Si ces difficultés touchent les musées de tous types selon des conséquences diverses, l’impact dans la région PACA serait pour l’heure
De gauche à droite : Christophe Vital, conservateur en chef des musées départementaux de Vendée/agccpf ; Aleth Jourdan, conservateur des musées du vieux Nîmes/agccpf Languedoc-Roussillon ; Lucienne Del’Furia, conservateur du musée Ziem/agccpf Paca ; Daniel-Jean Valade, adjoint au maire de Nîmes, délégué à la culture et à la tauromachie © Claude Lorin/Zibeline
(1) Le livre blanc des musées de France, numéro spécial, n° 260/2010/3, Revue «musées et collections publiques de France», Association Générale des Conservateurs des Collections Publiques de France, janvier 2011, a été présenté au conseil Économique Social et Environnemental, Palais d’Iéna, à Paris le 4 février 2011 AGCCPF, Association Générale des Conservateurs des Collections Publiques de France, www.agccpf.com
(2) Sections fédérées AGCCPF Paca et Languedoc-Roussillon, www.museesmediterranee.org, en partenariat avec le Groupement des Associations des amis de musées des Régions PACA et Languedoc-Roussillon (3) Le Plan Musées en régions 2011-2013 prévoit un fonds de 70 millions d’euros pour 79 projets de province à destination des «musées territoriaux et petits musées» dont 10 en région
PACA (liste pages 48 à 52). http://www.gouvernement.fr/gouvernement/ un-nouveau-plan-pour-favoriser-le-developpement- des-musees-en-region
La loi relative aux musées de France du 4 janvier 2002 définit officiellement le musée : «Est considéré comme musée, au sens de la loi, toute collection permanente composée de biens dont la conservation et la présentation revêtent un intérêt public et organisée en vue de la connaissance, de l’éducation et du plaisir du public.» http://www.culturecommunication.gouv.fr/
La région PACA compte 120 musées labellisés Musée de France, 58 en Languedoc-Roussillon. http://www.culture.gouv.fr/documentation /museo/pres.htm
(4) «À l’année prochaine, si nous ne sommes pas plus, que soyons pas moins !» (se dit le 31 décembre à minuit).
LA TVA SUR LE PRIX DU LIVRE
POLITIQUE CULTURELLE 09
Chronique d’une mort annoncée Le gouvernement l’a annoncé, le plan d’équilibre des finances publiques doit réaliser entre 6 et 8 milliards d’euros d’économies annuelles, il passera donc par une hausse ciblée de la TVA à taux réduit, relevée à 7% sur tous les produits et services, à l’exception des produits de première nécessité. Le livre n’est donc pas un produit de première nécessité ! L’économie représenterait 60 millions d’euros sur la chaine du livre sur 1 milliard et demi d’économie au total. Et tandis que la TVA sur la restauration serait passée de 19.6% à 7% en plombant la dette de l’État au bénéfice de commerçants durant deux ans, ce serait au livre, et au disque, produits culturels, d’aider à payer les pots cassés. Dans le secteur déjà très fragilisé de la filière livre, et sinistré de celle du disque, l’annonce est perçue comme une catastrophe, et la riposte ne s’est pas fait attendre. Riposte des libraires notamment, et plus spécifiquement des libraires indépendants. Vitrine de la librairie Maupetit © Agnès Mellon
Petite hausse, gros dégâts Car si une hausse de 1.5% peut sembler insignifiante, et l’est pour les restaurateurs, elle est dramatique pour les libraires. Dans une étude réalisée pour le Syndicat de la librairie française (SLF) et le ministère de la Culture et de la Communication par le groupe Xerfi France sur la situation économique et financière des librairies indépendantes sur la période 2003-2010, il apparaît que leur résultat net était de 0.3% en 2010. Ce qui fait dire à Nadia Champesme, directrice de la librairie L’Histoire de l’œil à Marseille et présidente de l’association Libraires du sud que «par simple calcul, si on nous retire 1.5% on sera alors en marges négatives. Concrètement ça se traduit par des gérants de librairie qui ne se payent plus, ou par des fermetures.» Damien Bouticourt, directeur de la librairie Maupetit et trésorier de l’association Libraires à Marseille, renchérit en déclarant qu’«à Marseille, sur une vingtaine de librairies indépendantes, les trois quart sont des petites structures, avec des libraires qui ne se payent pas, ou qui ont des métiers à côté pour pouvoir continuer à exercer leur passion. Dans cette ville la tendance est à la fermeture.» Un calcul corroboré par le SLF qui parle d’un chiffre d’affaire qui tomberait à -0.2%. De plus, pour Damien Bouticourt cette hausse «met aussi en péril les commerces de proximité qui sont aussi des acteurs culturels locaux importants, ont une mission de transmission, de partage, et alimentent la chaine du livre.» Quelles solutions envisager ? La hausse de TVA semble entérinée, et bien que retoquée par le Sénat début décembre, «ce qui augure d’une discussion réelle entre le Sénat et l’Assemblée» se réjouit Sonia Champesme, ce sera l’Assemblée Nationale qui aura le dernier mot. Ceci étant, les discussions entamées avec Pierre-François Racine, Conseiller d’Etat, chargé par Valérie Pécresse, ministre du Budget, et Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture, d’accompagner cette hausse, ont déjà portées leurs fruits,
avec l’annonce d’aides spécifiques supplémentaires (lesquelles, comment ?) et d’un délai de transition de deux mois qui a déjà été adopté pour la mise en œuvre du nouveau taux applicable aux livres. Trop court répondent en cœur les libraires qui évoquent d’autres sources de problèmes. Celui que pose le stock, beaucoup plus conséquent dans une librairie que dans n’importe quel commerce, surtout en décembre ! qui devrait être entièrement réétiqueté (90 000 livres pour Maupetit, 9000 pour Histoire de l’œil pour ne citer qu’eux), et notamment pour les librairies informatisées, tributaires de prestataires informatiques…
Propositions de libraires Répercussions de la hausse du prix par les éditeurs à partir de janvier ? Rediscussions des remises accordées par les éditeurs aux libraires ? Seront-elles retenues, rien n’est moins sûr, d’autant que le dialogue avec les éditeurs a du mal à aboutir. Répercuterontils la hausse sur le prix du livre ? «Si le prix augmentait de 1.42%, ce serait la solution la moins
Vivent les libraires ! L’union fait la force ! Reprenant l’aphorisme populaire, les deux librairies de Saint-Maximin et Brignoles (Le Bateau Blanc) se lient en un projet commun de soutien et d’entente. Une soirée musicale a scellé ce bel accord, en présence d’auteurs amis, René Frégni et Nicolas Aguillon. Ces libraires dynamiques organisent avec courage et régularité des soirées lecture, des rencontres, des moments de partage autour du livre. Ils défendent la lecture, les auteurs. De vrais libraires, amoureux des livres. L’inauguration du nouveau Jardin des Lettres à Saint-Maximin constitue un vecteur de culture essentiel pour la région. J.-M.C.
douloureuse pour les libraires» rappelle Damien Bouticourt, même si au final le coût serait supporté par le client, et par les collectivités, dont le budget fixe ne permettrait pas un volume d’achat plus important. Qu’en sera-t-il des remises fixes accordées aux libraires ? Lors des premières rencontres nationales de la librairie indépendante organisées en mai dernier, des discussions avaient abouti entre éditeurs, distributeurs et libraires, toute la chaine du livre «partant du constat que la librairie était difficilement viable aujourd’hui, et qu’il fallait augmenter les remises. Depuis le mois de mai un vrai travail a été fait avec tous les partenaires pour que les remises augmentent, et pas uniquement en termes de quantité d’achat, mais aussi en termes de qualité, constate Nadia Champesme. Maintenant chaque acteur de la chaîne du livre se replie sur ses intérêts et refuse le dialogue. Pourtant Frédéric Mitterrand était présent lors de ces rencontres, c’est lui-même qui a annoncé les mesures vraiment favorables à la librairie indépendante pour en changer le fonctionnement. Car l’étude montrait qu’en 5 ans, sur les 2500 librairies que compte la France, 1000 allaient fermer.» Et ceci avant la hausse de TVA !
Et les nôtres ! D’autres solutions existent si l’État veut préserver la librairie indépendante, qui consisteraient à la distinguer des chaînes, et à lui accorder, comme à la presse payante en kiosque ou en ligne, un taux de TVA super réduit à 2.1%. Nous avons autant besoin de librairies que de journaux ! Plus que jamais la vigilance s’impose, et plus que jamais il paraît important de discuter avec son libraire… Rendez-vous autour du 22 décembre pour la décision de l’Assemblée Nationale ! DOMINIQUE MARÇON
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POLITIQUE CULTURELLE
LES CHANTIERS DE MARSEILLE
Le J4, un projet culturel d’urbanisme Qualifié de «plus grand chantier marseillais de la décennie» par la mairie de Marseille, les travaux du J4, vont transformer 2.5 ha de front de mer, du Fort Saint Jean à La Joliette. Si Bouygues et CampenonGTM s’occupent d’aménager les darses et creuser le parking (700 places, une délégation de service public remportée par Vinci Park), l’essentiel du chantier consiste en des équipements culturels privés ou publics, tous d’envergure. Aujourd’hui cinq structures s’associent pour que les quatre lieux actuellement en chantier, qui «ne souffrent aucun retard et seront prêts en 2013», mutualisent leur communication et leurs horaires, leurs tarifs et leurs services, afin de faire naître un quartier culturel pensé comme un parcours avec circulation d’un site à l’autre. Petit rappel des institutions en jeu (voir Zib’41), qui ont des missions et des financements très différents Le MuCEM, réalisé par l’État (142 m d’€) en partenariat avec la ville de Marseille (20 m d’€), le CG 13 (20 m d’€) et le CR PACA (20 m d’€), est un établissement public, un Musée National d’envergure tel qu’il n’en existe pour l’heure qu’à Paris. Son fonctionnement sera pris en charge par l’État, et il comprend trois sites : le Fort st Jean (restauration de la galerie des officiers et de la chapelle, remparts et tour du Roy René rendus accessibles, création d’un jardin méditerranéen, resto, terrasses, d’une «agora») sera le point d’ancrage de deux passe-
relles, vers le parvis St Laurent créant une jonction avec le Panier sans passer par le Vieux-Port, et vers le Mucem de Rudy Ricciotti : un lien suspendu tendu par des câbles en Bfup (béton armé de paillettes de fer). Le centre de conservation et de ressources de Corinne Vezzoni est quant à lui situé dans la caserne du Muy (La Friche).
Le Fonds Régional d’Art Contemporain relève de la politique culturelle du ministère, qui veut créer une «nouvelle génération» de FRAC qui dépassent la notion de fonds et de centre ressource pour exposer les collections. Le nouveau bâtiment conçu par l’architecte japonais Kengo Kuma dans le quartier de la Joliette regroupera sur les différents plateaux la totalité de la collection soit 900 œuvres. Coût de la construction 16 m d’€ (Etat 80%/ Région 20%) pour un bâtiment dont le fonctionnement est cofinancé à 50% par la Région et l’État
La Fondation Regards de Provence actuellement abritée par la Ville de Marseille au Palais des arts (voir p54), fondation privée qui se donne pour but de faire connaître le patrimoine artistique et culturel de la Provence du XVIIIe à nos jours (200 œuvres), s’installera dans l’ancienne Station Sanitaire près de la Cathédrale. Le lieu «historique» de l’architecture contemporaine construit par Champollion, Pouillon et Egger en 1948 (labellisé «bâtiment du XXe siècle») doit être réhabilité par Guy Daher (Atelier 9) et livré en nov 2012 : 2300 m2 dont 1215 m2 pour les expositions réparties en quatre zones, le reste dédié aux restos, librairies, boutiques, jardins... un jardin cachera la station de dégrillage des eaux usées du Panier. Coût des travaux : 3.25 m d’€ HT, le budget assuré majoritairement par la fondation et la famille des fondateurs, avec un soutien de la Ville, de la Communauté urbaine MPM et de l’État (Drac PACA). Les autoclaves (superbes !) seront conservés, une scénographie «multimédia sensoriel et émotionnel» racontera l’histoire des lazarets.
Le Cerem, qui n’est «ni un musée, ni un centre culturel» dit le dossier qui précise que ce sera «un centre d’interprétation de la Méditerranée contemporaine qui traite des enjeux en méditerranée en croisant toutes les disciplines, qu’elles soient scientifiques ou artistiques, pour donner à comprendre la richesse, la diversité du patrimoine commun à l’ensemble des habitants de cette région du monde.» Vous avez dit flou ? Le projet architectural est en tout état de cause magnifique -l‘architecte est le milanais Stefano Boeri- pour un coût estimé à 70 m d’€, assumé par la seule Région PACA.
© Agnes Mellon
Le CIRVA, centre de recherche sur le verre internationalement connu, créé en 1983 par le ministère de la culture, est un lieu de résidence d’artistes réalisant leurs projets en collaboration avec l’équipe technique du centre, des souffleurs d’art. Depuis plus de 20 ans le Cirva a accueilli 200 artistes et a donc constitué une collection d’œuvres actuellement stockées dans ses locaux. Situé à la Joliette, sa participation à la synergie du pôle pourrait permettre des expositions de cette collection dans les lieux muséaux du pôle. L‘idée de mutualisation de ces beaux outils est donc enthousiasmante, et le projet d’urbanisme ne l’est pas moins : tout le quartier de la Joliette change, des jonctions se font avec le port, les lieux culturels sont intégrés aux quartiers et ouverts à la population : jardins, restaurants, librairies, esplanades, passerelles permettront des itinéraires nouveaux… Quant à l’architecture, elle fait dialoguer patrimoine et création contemporaine dans des sites très sensibles classés. De beaux «gestes» architecturaux avec des «pointures internationales» : on en avait besoin à Marseille ! Reste à assurer les budgets de fonctionnement, pour que Marseille change durablement de visage. ÉLISE PADOVANI ET AGNÈS FRESCHEL
POLITIQUE CULTURELLE
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Levée de fonds
«Marseille, forte de 26 siècles d’histoire, connaît aujourd’hui un dynamisme sans précédent.» C’est par cette affirmation que Jean-Claude Gaudin commence le 5 décembre la présentation du financement des chantiers patrimoniaux. La Ville de Marseille, pour mener à bien les nombreux chantiers nécessaires à la «mutation» qui va la transformer en «ville-hôte du forum mondial de l’eau en 2012, capitale européenne de la culture en 2013 et site de l’Euro en 2016», a «besoin de mécènes». Et en trouve. La Fondation Total aide directement la ville sur les chantiers de l’Hôpital Caroline, du Fort d’Entrecasteaux, et investit aujourd’hui 500 000 € dans les travaux des jardins de Longchamp. Avec la création du Fonds patrimoine «voulu et créé par la Ville mais indépendant et autonome dans son fonctionnement» (siège à la Caisse d’Epargne, président Maitre Bernard Jacquier), deux autres mécènes investissent dans le patrimoine bâti marseillais et les lieux de culture : Suez Environnement donne 2 M d’€ pour restaurer les fabriques du Parc Longchamp (transformation des cages de l’ancien zoo), EDF met en lumière
la Cathédrale de la Major et le Palais Longchamp pour 1.5 M d’€. Un soutien qui devrait aider substantiellement la Ville à mener à terme ces chantiers de réfection et transformation du patrimoine. Pas de rivalité avec MP2013 ! Coupant court aux objections sur une concurrence entre la capitale culturelle et la Ville, le maire affirme : «Nous avions la volonté de ne pas être écrasants au Conseil d’administration de l’association, où nous n’avons qu’un seul représentant» et précise qu’il y a «deux démarches de mécénat, l’une structurelle par l’intermédiaire des fonds de dotation, l’autre plus événementielle animée par l’association Marseille Provence 2013 et son président Jacques Pfister.» Et contrairement aux rumeurs, Bernard Chougnet affirme que «les fonds privés de mécénat pour MP2013 sont presque entièrement réunis : 85% sont déjà signés (avec la SMC, Orange et la Poste ndlr) et d’autres seront officialisés sous peu.» L’objectif de la mairie serait de réunir 15 M d’€ de fonds privés sur les deux fonds de dotations 2013/2020 (fin d’une dernière mandature ?) : le Fonds
Projet d'éclairage du palais Longchamp © EDF
pour le patrimoine, et le Fonds pour l’Art contemporain. Même s’il subodore qu’il sera plus difficile de susciter l’enthousiasme des entreprises pour l’art que pour le bâti patrimonial, plus visible, Jean-Claude Gondard, secrétaire général de la Ville, garantit en tout état de cause que les actions de mécénat sont désintéressées confor-
mément à la loi, et n’entraineront aucune contrepartie : «Les délégations de Service public et les obtentions de marchés publics sont soumis à des règles très strictes, et si les entreprises mécènes veulent y concourir, elles ne bénéficieront d’aucun privilège.» AGNÈS FRESCHEL
12 THÉÂTRE LA CRIÉE | BANCS PUBLICS
Autour d’une pince
Le Dragon d'or © Christian Ganet
Une structure métallique et ses escaliers constituent le décor des deux pièces de Roland Schimmelpfennig mises en scène par Claudia Stavisky. Écrites séparément (la 1re est de 2001, l’autre de 2009), le fait qu’elles se passent toutes les deux dans un immeuble a décidé Claudia Stavisky à les monter en diptyque. Ce n’est pas leur seul point commun : on y passe d’un étage à l’autre comme on zappe, avec un glissement vers l’onirique. Dans Une Nuit arabe, une coupure d’eau dérange le quotidien des habitants d’un immeuble et les pousse à se rencontrer, dans l’autre, les gens se croisent autour du restaurant situé au rez-de-chaussée, Le Dragon d’Or. Les éléments de l’écriture dramatique sont les mêmes. Les pensées des personnages se mélangent à leurs dialogues marquant des arrêts sur image dans le jeu des comédiens et
CHRIS BOURGUE
Une Nuit arabe et Le Dragon d’Or se sont jouées à La Criée du 29 novembre au 3 décembre
Austère
On the importance of being an arab d'Ahmed El Attar © X-D.R.
roles ancestrales, des gestes infimes, parasites et impensés qui contiennent un monde ; finit, avant de se pendre, par recueillir la sueur raclée sur sa peauécorce dans le verre de la honte... Maybe comme espoir? Danse encore mais Forclose tout aussi dérangeante ; emprisonnés dans des images peintes naïvement expressionnistes, les signes chorégraphiés par Haïm Adri de l’anéantissement d’un corps «possédé» non par le démon mais par un autre, que l’on imagine masculin et veule ; Noémie Lambert, ombre chinoise, ne sort à aucun moment de derrière son écran et instille un malaise imputé d’abord à la lenteur excessive des gestes misérabilistes ; l’explosion de la musique et des mouvements frénétiques du sexe tarifé libèrent le sens et accroissent l’inconfort ; le but est atteint. Performances aussi en deux propositions qui interrogent la représentation ; la première joue avec le neutre ; la seconde avec l’humour et le décalage ; dans On the importance of being an arab Ahmed El Attar travaille à vider le titre, à le mettre à plat et suivant le précepte de son prof de théâtre («c’est toi, en tant qu’artiste, qui fait que ça arrive») assis sur une scènepiédestal devant un écran répète en léger décalage ce que lui dictent ses propres paroles enregistrées lors de conversations privées en février 2011 (voir révolutions arabes) ; perplexité… Éclats de rire pour la vraie-fausse émission radiophonique transmise en direct sur radio FemmeFatale / Grenouille : trompel’oreille orchestré par Maya Boquet pour rendre hommage à Lenka Nehanebna, star fantôme tchécoslovaque de la disparition sur image, art autrefois prisé dans son pays, via la réelle présence de la très dégourdie Léna Luptakova... vertige assuré ! Posture, imposture ? La réponse dans les images traversées de lumière du plasticien Mehdi Meddaci : occuper l’espace pour être là, pluie de poissons rouges ou corps flottants à l’horizontale est déjà une forme d’engagement ! MARIE-JO DHÔ
Les Rencontres à l’Echelle initiées par Les Bancs publics ont eu lieu du 5 novembre au 3 décembre
© Brigitte Enguerand
À corps présents Les 6e Rencontres à l’Echelle signalent le retour du sensible et de l’incarné dans une manifestation tentée par le discursif un peu froid. Réjouissons-nous d’avoir vu à l’œuvre le Ana fil midan / je suis dans la place (SMS envoyés de Tahrir square par les manifestants cairotes) comme titre d’une rencontre publique animée par Jean-Marc Adolphe, mais surtout comme affirmation de présence active. Deux soirées et une exposition pour conforter cette impression ; danse d’abord avec le solo écorché du jeune égyptien Mounir Saeed qui ne se ménage pas ; boit un verre de vin de trop, celui de l’interdit et de la solitude ; mêle aux mouvements amples d’une danse en force et aux pa-
des ruptures de rythme. Les situations se juxtaposent sous la dictée des didascalies dites par les personnages, leur donnant un aspect loufoque. Dans Le Dragon d’Or, par exemple, la composition des plats est très régulièrement répétée par l’un ou l’autre des personnages créant du comique au milieu d’une situation dramatique comme l’extraction de la dent gâtée d’un clandestin chinois avec une pince universelle rouge ! La mise en scène est d’une grande efficacité, le jeu des comédiens remarquables, et c’est ce qu’il faut à des textes qui, en soi, ne sont pas véritablement captivants.
La mise en scène des trois petites pièces de Daniel Keene par Didier Bezace est d’une grande intelligence. Les acteurs, dirigés à la perfection, sont d’une émotion intérieure qui fait frissonner, les silences sont habités juste assez pour que le malaise surgisse dans ces histoires de tendresse tragique, superbement écrites dans leurs non-dits : un père en déshérence qui n’a pas vu son fils depuis des années et entraine l’enfant, qui l’aime, partager pour un soir sa misère ; un homosexuel qui crève de manque d’amour ; et puis, surtout, rendue avec une vérité bouleversante, une fille qui ramène sa mère sans mémoire vers elle, tâtonnant, maternant celle qui ne la reconnaît plus, et la connaît pourtant… Mais si la maitrise du temps et du jeu est époustouflante, certaines répétitions pèsent lourd, comme les placements immobiles des corps dans l’espace, et les changements de décors incessants derrière le rideau qui se ferme trop souvent, trop longtemps, sur les mêmes musiques… Et puis on se demande pourquoi ce décor si lourd et gris, et si visiblement coûteux, pour parler de misère, affective ou matérielle. La force de Keene, et des magnifiques comédiens, passerait mieux sans ce décorum triste… A.F.
Un soir, une ville a été joué à la Criée du 15 au 19 novembre
BERNARDINES | LENCHE | GYMNASE
THÉÂTRE
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Euclidien Il s’agit de géométrie et la bande-son un peu lointaine qui accueille le spectateur évoque bien un espace normé. Les arpenteurs arrivent vite pour quadriller le plateau nu et prennent leur temps (un peu trop) pour en faire une scène. Donner à voir les mécanismes à l’œuvre dans l’éducation au vivre en société : voilà un projet aride qui se révèle très rapidement jubilatoire grâce au travail sans faille de la Cie Vasistas menée par Argyro Chioti. Sombre, plantée droit au milieu de la scène-laboratoire, la metteur en scène dirige du regard et de la voix les acteurs qui font spectacle du rapport à l’autre, de la violence première -extraordinaire grâce des chutes d’Ariane Labed- au
sentiment domestiqué ; le quatuor croise les rôles en une (presque) impeccable chorégraphie des corps et des langues : le grec, le français, l’espagnol redoublés par leur traduction simultanée soulignent l’étrangeté des interpellations oscillant entre le «tu» et le «il» ; les visages sont malmenés, pincés, tirés, muselés ou tout soudain caressés par la règle établie ; Argyro Chioti «commente» l’expérience en poussant braiements ou cris de mouette! Exercice de style réussi, un pas de plus dans un cheminement singulier... vers quoi ? © Cie Vasistas
M.-J. D.
Spectacle a été donné aux Bernardines du 1er au 3 décembre
Relecture Pas facile de monter le 1er volet de la trilogie de Pagnol. Pas facile de rester fidèle à cette pièce d’anthologie, truffée de scènes et de répliques cultes, tout en la renouvelant. On a tous en tête, à Marseille surtout, le film et ses acteurs légendaires. On se rappelle aussi l’extraordinaire prestation en plein air, à l’entrée du Vieux-Port, des Belges de la Cie Marius. C’est pourtant le pari qu’ont fait Catherine Sparta et Bernard Monforte. Le résultat est plutôt réussi. Dans un décor acidulé, les habitués du Bar de la Marine s’apostrophent et tonitruent sur un tempo vif, fidèle à l’esprit de la pièce et du film (mention spéciale à César et à Honorine). Ils s’en donnent à cœur joie, exagérant à plaisir certains effets, comme sont exagérées leurs corpulences. Clins d’œil à l’excès de faconde méditerranéenne ? Lecture tirant vers la farce ? On ne sait trop ; de même qu’on ne voit pas vraiment la nécessité de jouer debout la célèbre partie de cartes. Qu’importe. On se régale de retrouver tous ces personnages. Et d’entendre claquer le texte. FRED ROBERT
Marius, présenté par la Cie Il est une fois, a été accueilli au théâtre du Gymnase du 1 au 3 décembre © X-D.R.
Liquidation «J’ai soif... donne moi à boire...» des mots (ni réplique ni rien) qui reviennent dans la bouche des sujets (ni personnage ni rien) de ce fragment de théâtre sans objet mais non sans passé. François-Michel Pesenti a décidé d’en finir avec les sept moins un (mort) comédiens qu’il a dirigés pendant un quart de siècle et plutôt que de les achever à la Kalachnikov, il les cuisine au petit feu de la rampe. Huis clos, non-lieu qui convoque l’asile et Beckett, où errent lentement
en chaussons et en pantoufles -cul nu d’un époustouflant naturel pour Henriette Palazzi- la panique et l’effroi : premier tableau grinçant et loufoque qui dit l’angoisse de chacun face au démantèlement d’un tuyau en amiante ; mots dévitalisés de Tchékhov qui vident l’attention et font monter l’agacement... jusqu’à la scène du metteur en scène au pupitre, moment de tendresse et de cruauté : ils y passent tous, chacun dans sa singularité corporelle, de l’extrême maigreur
à la fragile masse de chair, comédiens-personnages d’un jeu de massacre glaçant et stimulant, cibles d’un hommage paradoxal qui justifie enfin la radicalité de la démarche. MARIE-JO DHO
À Sec de François-Michel Pesenti a été donné dans sa seconde version aux Bernardines, Marseille, du 22 au 26 novembre
A la grace de Marseille © X-D.R
Le Sioux du Panier Un vrai grand roman d’aventures, avec un Sioux Oglala pour héros, et qui se passe... à Marseille au début du XXe siècle, c’est ce que nous a généreusement offert Sylviane Simonet. L’annexe du Théâtre de Lenche est une toute petite salle : tant mieux ! La lecture par épisodes du roman de James Welch À la grâce de Marseille y gagne en intimité et chaleur humaine... d’autant qu’à la fin du spectacle, on mange le décor à la bonne franquette. L’édition poche du roman étant épuisée, vous avez une chance de gagner le livre d’occasion si vous répondez le premier à la question posée par l’artiste à la fin des lectures ! Le format feuilleton est une jolie trouvaille, qui permet de renouer avec de vieilles traditions de suspens et de partage. C’est la troisième fois que la lectrice régale ses auditeurs, guettez la prochaine occasion, et n’ayez pas peur de sauter dans le train en marche car un résumé des épisodes précédents vous permettra de raccrocher les wagons. GAËLLE CLOAREC
14 THÉÂTRE TOURSKY | GYPTIS | GYMNASE | OUEST PROVENCE | GRASSE Celui qui croit au ciel, celui qui n’y croit pas, l’athée et le mystique, deux titans de scène réunis, ivres de poésie, complices jusque dans leurs contradictions, leurs convictions… Richard Martin s’empare des textes à bras le corps, avec une puissance passionnée qui emporte le monde dans l’orbe des phrases, et Michaël Lonsdale, replié sur la saveur des mots, leur accorde une nouvelle innocence, comme émerveillé de la beauté du monde, avec une voix qui s’étonne infiniment. Doudouk, clarinette, violon et violoncelle s’accordent en contrepoint, irisation supplémentaire aux élans poétiques que brodent les modulations de Marie Demon (Leda Atomica). Le spectacle s’orchestre, prenant le poème d’Aragon comme ouverture et finale. À la Charogne de Baudelaire répond La prière au pied de la croix de Verlaine, au Thank you Satan de Léo Ferré, Les Béatitudes de Jésus, au Mécréant de Brassens le Cantique des cantiques… Assaut de contes et de paraboles, joute amicale où les poèmes s’arcboutent en cathédrale… Peu importe l’opposition des mystiques opposées, il y a là une célébration humaine, un hymne à la tolérance, avec l’art comme (seule ?) transcendance.
Duel complice
MARYVONNE COLOMBANI
Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas a été créé donné au Toursky les 24 et 25 novembre
Soyez moins frileux… Les programmateurs n’y sont pas pour grand-chose : si les tutelles n’exigeaient pas du rendement et si les spectateurs, un peu moins frileux, n’allaient pas de plus en plus retrouver sur les scènes ceux qu’ils voient à la télé, ou dans les stades, les programmateurs ne se verraient pas poussés à de telles absurdités… En l’occurrence, c’est surtout la demande qui fait l’offre, et seuls les spectateurs peuvent la changer !
Les salles sont vides, nous dit-on, et les théâtres ont de plus en plus de mal à faire venir le public. À voir ! Le Gymnase et tous les théâtres qui le programment n’ont aucun mal à remplir leurs salles avec le spectacle insupportable d’Éric Cantona braillant Ubu, encagé parce qu’il ne sait pas bouger sur une scène sans bomber le torse, hurlant parce qu’il ne sait pas, autrement, se faire entendre dans un théâtre. Ubu enchaîné est une des pièces les plus intéressantes de Jarry, avec ses paradoxes effrayants qui résonnent étonnamment avec notre temps (L’esclavage c’est la liberté). La massacrer à ce point en éloigne pour toujours ceux qui sont venus voir Cantona, et n’y ont rien compris. Même ceux qui ont applaudi debout…
Ubu enchaîné a été joué au Gymnase du 18 au 26 novembre, à l’Olivier, Istres, le 29 novembre, au théâtre de Grasse les 2 et 3 décembre…
© Pascal Victor
AGNÈS FRESCHEL
© Francois Mouren-Provensal
Chronique d’une folie en marche Le journal d’un fou de Gogol est souvent adapté au théâtre : son récit intérieur d’un personnage qui perd pied avec le réel, et finit par se prendre pour le roi d’Espagne, se prête à l’adaptation dramatique. La mise en scène d’Andonis Vouyoucas est parfaitement réussie dans sa modestie : devant deux grands tableaux dissymétriques qui représentent côté cour l’espace intérieur, fantasmé et chaleureux du petit fonctionnaire en mal d’amour, et côté jardin l’espace public, saturé de signes incompréhensibles, d’une société rigide et froide, Hervé Lavigne compose un fou terriblement crédible. Comme ceux que l’on croise, perdus, dans nos rues, et que certains aujourd’hui veulent enfermer comme d’autres voulaient exterminer. Désaxé dès le départ, le fonctionnaire Poprichtchine perd pied pour ne pas voir le regard
des autres, sa misère, son absence d’avenir, de relation sociale ou affective. Le comédien, qui a pris ses marques et son temps après une première représentation survoltée, fait entendre le désespoir, les cassures, mais aussi la grotesque prétention, puis les souffrances qu’on lui inflige dans l’asile où on le torture… Une performance d’acteur remarquable, saluée chaleureusement par le public, malgré la présence incongrue de la soprano Florence Jourdain qui chantait, on ne sait pourquoi, un répertoire de mélodies françaises sans rapport avec le propos. Sinon la beauté pure du chant, idéal féminin de Poprichtchine ? A.F
Le Journal d’un fou a été créé au Gyptis du 15 au 26 novembre
MINOTERIE | VITEZ | AUBAGNE | ATELIERS
THÉÂTRE 15
Tous (ex) ados ! © Patrice Claire
Danielle Bré, metteuse en scène de la Cie In Pulverem Reverteris, a proposé un montage de textes d’un écrivain suisse qu’elle connaît particulièrement bien, Robert Walser. Éternel adolescent, ce dernier excelle dans une langue très écrite à évoquer l’éducation, les rapports parents-enfants-professeurs, les premières interrogations amoureuses. Danielle Bré veut ainsi s’adresser aux ados d’aujourd’hui : «Qui sont-ils ? Que leur dit-on ? Quelle est leur vision du monde ?» Une scénographie sobre et efficace de Christophe Chave occupe l’espace de bureaux et de chaises tandis que des sonneries marquent l’écoulement du temps et les changements de scène. Trois garçons et trois filles parlent de leurs études, de leur vie, s’interrogent sur l’amour, tour à
de recherche. Eux ne sont pas très loin de leur adolescence, et ont participé avec intérêt au débat après la représentation. Une question de Walser : «Que devenir ?». Réponse : «Un homme parmi les hommes». CHRIS BOURGUE
La RéCréation, a été présentée le 16 novembre aux classes d’option théâtre dans le cadre du dispositif du GRETE (Recherche Enseignement Théâtre), puis s’est jouée à la Minoterie du 17 au 19 novembre, au Vitez (Aix) les 29 et 30 novembre, et au Comoedia (Aubagne) le 25 novembre
tour profonds et drôles. Pas d’action mais des situations, des petits riens, et même un jeu de la vérité. Côté cour une
table isolée pour la lecture, espace du micro, histoire pour les acteurs de sortir du jeu et de se retrouver en situation
Disparaître ? Fritz est seul ; Fritz est triste ; Fritz aime (sans doute) sa mère qui ne l’aime pas (peut-être) ; Fritz est le copain de Fritz ; Klara est une salope dit Fritz ; alors Fritz veut faire semblant de se noyer dans l’étang pour voir et Laurent de Richemond aussi, précisément ça en même temps et plus encore ! Le texte deRobert Walser, L’étang, écrit en 1902 et traduit du bernois, fait dialoguer des personnages, frères et sœurs -il y a aussi Ernst et Paul-, et les couverts -fourchettes et couteauxrejouent la scène des retrouvailles émues. Du Walser quoi ! Déchirant, poétique, décalé, cruel, tendre et déroutant ; Laurent de Richemond aussi, qui dans un solo assoluto comme une diva sans frein, absorbe, boit tous les rôles et se trouve une petite place pour suggérer discrètement qu’il joue, tant qu’à faire, l’auteur,
le metteur en scène et l’acteur au centre de ses 18 chaises grises vides. Mais il fait plutôt bien ce qu’il fait ; un peu trop sentimental -souffrant mais assez juste dans le très peu... En fait il n’est pas seul Fritz ; elle est là, elle aussi, à l’écouter, assise sur une fesse, les bras chargés de hardes, nippes, dépouilles, habits vidés de leurs habitants. Barbara Sarreau «peut» danser, ce n’est pas ce qu’elle semble faire ici : une injonction énigmatique à «faire voir» revient régulièrement dans sa bouche, mais son rôle consiste surtout à sortir de scène... disparaître pour faire apparaître... la mère ? On hésite…
Un fragment de cornaline
MARIE JO DHÔ
L’Étang de Robert Walser a été donné au Théâtre Vitez, Aix, le 7 et 8 décembre
Basculements Grands aplats de lumière tamisée, espace scénique divisé entre lecteur et personnages quasi muets (si l’on excepte les cris ou les gémissements) qui évoluent en contrepoint et non en illustration du texte. Il s’agit d’un travail où lecture immobile et jeu se complètent, tant par leurs échos que par leurs ignorances l’un de l’autre. Objet d’expérience, le spectacle ne manque pas d’intérêt. Le texte d’Alain Simon, fiction à la première personne, en évoque la vie, avec en ancrage le lit, lieu des basculements, des plongées dans le néant, des transgressions, des abandons, éros et thanatos mêlés inextricablement. Un texte dit sans couleur cul-
tive la distanciation nécessaire au regard ironique porté sur le personnage. Comparaisons paradoxales, humour, avec des digressions un peu longuettes sur les tribulations d’un phallus en quête d’accomplissement… Un cheminement qui mène de la naissance à la mort, avec une fin aux allures de suicide stoïcien-euthanasie en présence des proches, histoire de choisir son départ bien entouré. M.C. Le lit, chantier de création, a été défriché au Théâtre des Ateliers, Aix les 2 et 3 décembre © Caroline Pelletti
«Je vis dans un vide que je remplis de mes rêves et de mes fantasmes» affirme Viktoria, le personnage solitaire d’Une histoire d’âme d’Ingmar Bergman. On assiste à la lente dégradation de la vie de cette femme, capricieuse avec sa bonne, ses désirs inassouvis, son mari infidèle et lointain, ses aspirations artistiques avortées, jusqu’à son internement final. Le texte est remarquablement joué par Sophie Marceau, qui sait instaurer par une distance subtile une esthétique de la fêlure. Tour à tour drôle, désespérée, évaporée, femme-enfant, folle et consciente de cette folie même, elle joue d’une palette expressive nuancée. De sa voix aussi, quel beau moment lorsqu’elle chante, perchée sur un tabouret trop haut, fragile et sensible. Aux limites de la déchirure, elle joue sur les masques des différents personnages qu’elle aurait voulu être ou qu’elle a été : «être comédienne, c’est être quelqu’un d’autre (…) échapper à son quotidien mélancolique.» Elle se perd dans tous ces rôles, à ne plus se reconnaître dans un miroir, ni dans l’image projetée de soi, puis dans l’enfant sans nom qu’elle croit rencontrer dans sa cellule d’isolement. «Je mens tout le temps»… métaphore de l’acteur, mais aussi de chaque être pris dans le kaléidoscope des représentations de soi, fragmenté par les regards, jusqu’à ne plus se reconnaître… Seule sur scène, l’actrice module avec talent, sans que Bénédicte Acolas n’injecte par sa mise en scène ce supplément onirique qui aurait dû nous bouleverser. Le fragment de cornaline de la fin en perd de l’éclat. M.C.
À noter : Une histoire d’âme se poursuit au Jeu de Paume, Aix, jusqu’au 17 déc 0820 000 422 www.lestheatres.net
16 THÉÂTRE CAVAILLON | AIX | AVIGNON
Crise de mère Plus qu’une performance ! Jean-Marc Bourg a non seulement une mémoire et une technique impressionnantes, mais il a le don de nous captiver sur un texte dérangeant et insaisissable. «Guérit-on des mères ? Guérit-on de soi ?»
ses et de non-dits, de promiscuité avec ce corps familier que l’acteur explore de souvenirs en événements, de reproches en aveux, nous explose à la figure. Sans discontinuer. Tantôt diable, prêtre ou docteur, il déroule ce monologue sans autre décor que sa chair et des lumières savamment découpées, nous égare dans les apartés délirants autour de cette «omni-mère», nous plonge dans les obsessions dégoulinantes de l’auteur qu’il fait siennes (et nôtres).
«Quand je dis ma mère j’ai dans les dents des mots doux et mordants.» Jaillissant de l’ombre à la flamme, Jean-Marc Bourg, fascinant, nous projette comme en une vague de fond, sans filet, dans cette «phrase» unique, éloquente, complexe et digressive de Christian Prigent. Un lamento-bouffe qui bouscule les liens indicibles entre le fils et sa mère, gorgé de fantasmes et de bouffonneries, d’images crues et d’inventions verbales. Ce lien fait de désirs, d’angois-
DELPHINE MICHELANGELI
Une phrase pour ma mère a été joué le 19 novembre au Grenier (Cavaillon) dans le cadre d’Un truc de fou, exclamation n°1 © Christophe Forey
À venir Une phrase pour ma mère Le 15 déc Théâtre Vitez, Aix 04 42 59 94 37 www.theatre-vitez.com
Corrida du désir «La tauromachie est un drame et une fête. C’est la solitude du matador, quand il y a 20 000 personnes dans l’arène et qu’il est seul avec le taureau.» Inspirée librement de textes tirés de Rhône Saga de Pierre Imhasly, la cie Interface a pris à bras le corps le rituel de la corrida, plaçant l’esthétisme et la sensualité en premières lignes. Ni «pour» ni «contre», les trois partenaires se situent au cœur de l’engagement physique entre l’homme et l’animal, autour de la danse vers la «petite mort» qu’ils confrontent à la relation homme/femme. Les deux danseuses, lascives ou furieuses, se roulent dans l’arène, se mettent au défi, jouent des hanches et des regards. Le comédien rentre dans leur lumière ; ils se jaugent et se bousculent, s’accrochent et s’étreignent. «Surtout ne tremblez pas», profère-t-il, répétant en boucle les poèmes de l’auteur suisse. Un spectacle fort en nuances, fait de désirs et de sensualité, de moments fougueux et d’autres plus flottants -la partition dansée trouve quelques limitesoù le désir prime sur le sacrifice. Une bonne alternative à la corrida.
Une terre, une histoire
DE.M. © X-D.R
Notre terre qui êtes aux cieux a été joué les 24 et 25 novembre au Chêne Noir, Avignon
DE.M.
Teruel s’est joué les 25 et 26 novembre au Balcon, Avignon © X-D.R.
Il en aura fallu des siècles pour apprendre que notre planète est «un monde parmi les mondes». Il en aura fallu des visionnaires pour nous situer dans l’espacetemps. Pour nous raconter l’histoire fascinante de l’univers, l’astronome Jean-Louis Heudier et le metteur en scène Maurice Galland ont créé un spectacle suite à une commande du Centre d’astronomie de Saint-Michel l’Observatoire. Incarnant deux personnages, Profero le vieux fou plein de vérités et Domino son éternel contradicteur, l’astronome s’improvise comédien pour remonter 3 millions d’années. Là où la conférence aurait pu être passionnante, le détour par le théâtre tombe dans la caricature. Jean-Louis Heudier, malgré ses pointes d’ironie dans les yeux et sa maitrise du sujet, aurait été plus à sa place en déroulant le fil de son savoir. Bien que pédagogique, le discours devient parfois nébuleux, à moins d’être accro à la sphère divine. On retiendra quand même que dans ce voyage spatio-temporel, ramené à une année, la découverte de Copernic commence le 31 décembre à 23h59mn et 56s… Nous sommes peu de choses.
Des gallinacés pas faisandés Ambiance sixties sans la nostalgie ni les yé-yé, poses à la «Chapeau melon», fauteuils, couleurs et instruments vintage... Le décor assumé de Quoi de dire de plus du coq ?, adapté de Xavier Durringer par la Cie des Ouvriers, décline un espace temps subsidiaire aux autres protagonistes, une femme, un homme et le groupe rock électro pop Mina May. Du procédé fragile qu’est le théâtre-concert, agrémenté d’une tentation cinématographique (les encarts pubs au générique, vraiment kitch, ramènent à la réalité financière d’une production difficile à monter dont la cie des Ouvriers fait les frais ces temps-ci) et d’un montage de monologues et saynètes sans suite logique ni personnage défini, ressort un spectacle bien ficelé et drolatique.
Sur l’échiquier d’une course à l’amour désabusée, ces histoires fragmentées de couples deviennent sous la houlette éclairée de Jean-Louis Gautier et d’Isabelle Provendier (comédienne inspirée qui signe avec brio sa 1re mise en scène) férocement captivantes. Les saynètes intimes sortent du simple constat d’impossibilité et s’agrippent aux émotions servies par les envolées mélodiques du groupe, à l’univers musical psychédélique. Un mariage précieux et réussi du coq, de la poule et de leur poulailler pas caquetant. DELPHINE MICHELANGELI
Quoi dire de plus du coq ? a été joué le 17 novembre au théâtre des Doms, Avignon
Les jeunes et Troie C’est un sacré défi qu’a lancé Jean-Yves Picq, directeur du département théâtre du Conservatoire d’Avignon, à ses élèves du cycle spécialisé. Poursuivant le parcours entamé autour des Tragiques Grecs, il les confronte au récit du siège de Troie. Les 23 jeunes comédiens -nombre risqué pour qui veut faire émerger les individualités- se sont donc frottés à Euripide, Sénèque et Hanokh Levin sur le plateau généreux des Halles. Dans la première partie, longue, didactique, au jeu et déplacements très attendus, les acteurs semblent peu goûter aux ressorts psychologiques de ces guerres existentielles. Grecs et Troyens sont empêtrés dans la volonté des Dieux, se demandant souvent «c’est quoi cette guerre ?». Des sursauts d’idées, peu novatrices, tentent d’émerger : bulles, plumes, masques, bâtons de pluie, gouttes d’encre diluées dans un plat en pyrex pour signifier l’ignoble bataille, musique des Doors en happy end… L’arrivée des Troyennes rend (heureusement) le récit plus fluide, plus dérangeant, au cœur de la ruse et de la trahison. Les jeunes esclaves révoltées réussissent à surgir du collectif et s’investissent dans la tension dramatique, livrant un mythe plus accessible. Démonter les mythes d’une société engluée dans les guerres est difficile, et d’autres plus aguerris s’y sont cassé les dents… DE.M.
La Chute de Troie a été jouée du 18 au 20 novembre au théâtre des Halles par les élèves de dernière année du Conservatoire du Grand Avignon © Vincent Alminana
18 THÉÂTRE PORT-DE-BOUC | BERNARDINES | NÎMES | MARTIGUES
Le théâtre est un plat qui ne se mange pas
Outrage au public est le premier texte que Peter Handke écrivit pour le théâtre dans les années 60, et qui fit alors scandale. Un texte en forme de manifeste qui critiquait les conventions
théâtrales de l’époque, et s’attaquait aux fondements des règles sociales, aux conventions qui régissent nos vies. Jouée dans les théâtres, Outrage au public est une pièce sans histoire ; pas d’intrigue, pas de fil narratif, situation inconfortable pour un public sans repères. La cie belge De Koe en fait une relecture actualisée, sans toutefois trahir la pensée subversive de l’auteur. Prévenu dès le début, par un texte qui défile sur le mur, que la pièce de Handke ne sera pas jouée, le public est livré à lui-même, toisé par les comédiens regroupés autour d’une table, discutant entre eux. Puis, occupant l’espace, ils se mettent à préparer un repas (ajout scénaristique génial de la cie), un véritable banquet qui prend forme peu à peu. Et dans ce non-jeu il y a une mise en scène, il y a une action dirigée qui passe son temps à dire qu’elle ne l’est pas. Car ce qui compte c’est l’instant présent, une réalité qui n’a de vérité que ce qu’elle délivre sur le moment, créant attente (ennui ?), envie et frustration dans le public, lequel est constamment pris à parti par les comédiens qui distillent humour et ironie. Le jeu du public immobile rejoint alors le non-jeu de la scène, jusqu’au final attendu (le banquet est saccagé) qui consacre, enfin, la provocation. © Koen Broos
DO.M.
Outrage au public a été joué à l’Odéon, Nîmes, du 22 au 25 novembre
Platitudes Super heureux !, un texte de Silke Hasslermis en scène par Jean-Claude Berutti, se présente comme une «comédie contemporaine délicieusement déjantée qui pose, sans en avoir l’air, la question de l’amour et du couple au temps d’Internet.» Mais de contemporain il n’y a que le contexte, dans ses allusions aux téléphones portables et à la sexualité à distance, et le spectacle n’a rien de déjanté : les codes de la représentation sont ceux du théâtre mimétique bourgeois qui joue à être vrai sans distance, et les dialogues sont stupéfiants de lieux communs : «Je n’ai même pas un prix littéraire», se plaint le jeune homme qui n’a jamais publié le moindre début de roman. Comme si les vies ratées se mesuraient à l’aune des prix non reçus… La
comédienne se démène à insuffler un peu de vie à cette pièce mal ficelée qui campe mal des personnages jamais attachants, ni vrais, ni emblématiques, dans un décor de boulevard -canapé, table basse, bibelots et portrait au mur. Les allusions sexuelles et les piètres imbroglios déclenchent des rires pas très libérateurs, et au-delà du mauvais goût on s’interroge sur le sens même du projet. Quel intérêt dans cette histoire banale d’un couple aussi caricatural dans ses désirs de grandeur et de reconnaissance sociale (il veut être écrivain, elle comédienne) que dans ses petitesses (peur d’une queue demie molle…) ?
© Agnès Mellon
A.F.
Super heureux ! a été joué aux Salins, Martigues, du 26 novembre au 8 décembre
© Elian Bachini
Vivre tout entière Antigone est une rebelle, une révolutionnaire, une résistante ; figure emblématique de l’insoumission que l’Agence de Voyages Imaginaires fait clown. Car Séraphin, le clown innocent et malicieux de Valérie Bournet est de retour, toujours accompagné des ses deux anges gardiens musiciens-comédiens qui auront fort à faire. Tour à tour Séraphin, Antigone et Créon, la comédienne est bluffante sans trop en faire, changeant un simple accessoire pour devenir l’un ou les autres, tandis que Claire Leyat et Hadrien Trigance s’affairent à ses côtés, jouant, mimant ou l’accompagnant en musique. Humour et légèreté complètent et renforcent la tragédie, véhiculant par le rire libérateur l’émotion inévitable vécue par Antigone. La mise en scène de Philippe Car joue là sur les tempos, les
modes de narration qui permettent des respirations poétiques et gaguesques, ce qui ne gêne en rien la progression de la narration, et met aussi l’accent sur un discours de résistance intemporel. DO.M.
Sur le chemin d’Antigone a été joué au Sémaphore, à Port-de-Bouc, le 25 novembre. À venir : Du 10 avril au 5 mai Théâtre des Bernardines 04 91 24 30 40 www.theatre-bernardines.org
CHÂTEAUVALLON | CHÂTEAU-ARNOUX
THÉÂTRE 19
Chaud froid «Dans la vie tout est fiction». Ainsi débute Ma chambre froide. Joël Pommerat souffle le froid sur les relations humaines et sociales dans un huis clos anxiogène, avec toujours cette même «énergie sombre et silencieuse». Cette fois la narration fragmentée se délie autour d’une ligne explicite : l’histoire d’Estelle qui aimerait tellement croire en Dieu, et dont le cœur généreux et la «bonté simple» font le miel de ses collègues et de son patron ! Convaincue que tout homme est bon, la voici lancée dans une aventure qui la dépasse avec l’espoir de changer les autres… Loin de confondre l’art et la vie mais travaillant sur «le rapport au réel», Joël Pommerat saisit en chacun de ses héros ordinaires le point de fracture, la fêlure ou le basculement dans la psychopathie (le dédoublement d’Estelle). Le spectateur est immergé dans un trou noir permanent et assiste à la chute désespérée de ces êtres vers le chaos, l’incompréhension, la violence. Ce sont de minuscules tranches de vie qui apparaissent à la faveur d’une salve de flashes intenses, répétitifs, accentuant encore le mal-être, les crispations, les ressentiments. Dans cette esthétique qui conjugue les artifices du théâtre et la vérité des sentiments, l’auteur-metteur en scène distille en filigrane une «leçon de théâtre», plongeant dans l’arène -un dispositif circulaire contraignant pour des acteurs exceptionnelsdes employés incapables de satisfaire l’ultime désir
© Elisabeth Carecchio
du patron : créer une pièce de théâtre qui raconterait sa vie… Le théâtre serait-il le dernier lieu de transgression de la réalité ? Pommerat ne donne pas de réponse. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Mythe et cruauté S’inspirant de textes de Schwab, le dramaturge autrichien qui affirmait que «dans l’art, les gens ne doivent pas s’intéresser à la blessure de l’artiste… mais au bruit qu’elle fait», Maurizio Lupinelli construit une pièce étrange, somme de «petites situations réalistes traitées de manière hyperréaliste», explique-t-il. Succession de tableaux animés ou immobiles, comme figés dans le cliché d’un songe éveillé. Écriture fragmentaire, fragmentée, nourrie des figures de l’imaginaire de l’enfance, loup, chaperon rouge, petite fille modèle, Blanche Neige de Walt Disney, humus nécessaire à l’appré© Lucia Baldini
hension d’une réalité d’abandons, de solitudes, d’incommunication. L’imaginaire prend le relais de toutes les petites situations qui apparaissent dans un traitement subtil de la lumière, avec des fondus au noir, une esthétique qui peut rappeler certains tableaux d’Edward Hopper. Violence du quotidien, entre mari et femme, sur des sujets infimes, «tu as touché à ma serviette !», entre enfant et parent qui refuse la possession d’un chien, faim inextinguible d’un personnage récurrent, petite fille qui recherche une mère disparue… et des scènes paroxystiques de comédie italienne où chacun crie, hurle, mais reste enfermé dans un monde clos et où personne ne s’écoute. En un final shakespearien, le roi Lear évoque la sottise du monde qui rend le ciel responsable de ses propres désastres. La troupe du Nerval Teatro comprend des acteurs handicapés. Sur scène, les différences s’effacent, il n’y a plus que des acteurs tous excellents. La venue de la troupe au théâtre Durance reposait sur un projet de traduction. Celle-ci, remarquable (par Alessandra Rey), devient aussi personnage. Une œuvre difficile qui, grâce à un travail préparatoire, a su porter devant le public des questions éthiques. MARYVONNE COLOMBANI
Appassionatamente a été créé au Théâtre Durance le 9 décembre
Ma chambre froide a été donné les 24, 25 et 26 novembre à Châteauvallon
20 THÉÂTRE TOULON
Notre Grèce à Toulon
Pays natal © Agnès Mellon
Le Théâtre Liberté a proposé un cycle thématique sur la Grèce aujourd’hui qui déclinait deux propositions théâtrales, des débats avec le dramaturge Dimitris Dimitriadis, puis Robert Badinter, des projections très diverses (du mythique nanar L’attaque de la moussaka géante jusqu’au chef d’œuvre d’Angelopoulos, le Regard d’Ulysse, des expositions) : la série de Spyros Staveris sur les Indignés de la place Syntagma, judicieusement mise en perspective avec deux autres sur les fêtes populaires, brosse le portrait d’un pays jeune, rageur, splendide, libre dans ses aspirations et contraint dans sa réalité, sinistré et s’esclaffant audelà de la tragédie, comme on le retrouve aussi dans les images prises en août à Athènes par Dimitris Daskas. Qui est aussi comédien et metteur en scène : le cycle théâtral s’ouvrait par une création à quatre voix, Pays
natal, portée par deux jeunes grecs et deux jeunes français, inspirée, librement mais profondément, par deux pièces de Dimitris Dimitriadis. La pièce, faite d’éclats, de fragments successifs, frappe par son actualité, la clairvoyance du constat, le désir de partir, la privation de mémoire et de projets dont semblent souffrir les Grecs. Faite d’adresses directes au public, mais aussi de moments de jeu collectif, de dialogues ou d’envolées lyriques, elle rappelle les faits, et démonte avec humour, et efficacité, quelques clichés des touristes. Mais en conforte d’autres ! Le personnage féminin français, insupportable, incarne-t-il leur vision de la femme ? Seule à ne rien revendiquer, à ne pas faire de constat, sans désir d’émancipation, elle trimballe (avec talent !) le stéréotype de la touriste idiote attirée par le Grec… L’image de la femme dans Ithaque est bien plus riche,
et intéressante. La pièce de Botho Strauss, mise en scène par Jean-Louis Martinelli et créée à Nanterre en janvier 2011, avec Charles Berling en Ulysse, reprend les derniers chants de L’Odyssée. Assez fidèlement, littéralement même par endroits, en opérant de subtiles inflexions. Ainsi Ulysse, guidé par une Pallas Athéna ivre de sang et de vengeance, ne maîtrise pas ses actes sanglants, et se révèle velléitaire dès qu’elle n’est pas à ses côtés ; Télémaque est poussé à obéir au père jusque dans le meurtre et les prétendants, traités comme un chœur, apparaissent pourtant dans leurs individualités, et semblent pour la plupart ne pas «mériter» leur mort, aisément évitable si Ulysse se découvrait plus tôt. Quant à l’aveuglement de Pénélope, qui ne reconnaît son mari que lorsqu’elle en a la preuve, il est souligné par une longue scène où elle le prend pour un mendiant. Autant de variations fondées sur des suggestions du texte, que Botho Strauss exploite et creuse, produisant ainsi une réflexion sur la légitimité du pouvoir et le désir de vengeance très contemporaine. Que la mise en scène de Martinelli souligne par des accessoires et costumes anachroniques, et une Pénélope à la fois maquerelle et somnambule rongée par l’absence non d’Ulysse, mais de désir. Si la première partie est un peu longue et lourde dans l’installation des personnages et des enjeux (le spectacle dure trois heures, dans un décor monumental et gris, écrasé dans le Théâtre liberté dont le plateau n’a pas l’ouverture des Amandiers), la deuxième partie file comme la flèche qu’Ulysse décoche de son arc viril. Et laisse après le massacre, le début de révolte du peuple qui s’amorce, sur l’interrogation subtile qui flottait dans l’air depuis le début : y a-t-il des retours heureux, et des prises de pouvoir légitimes ? Ainsi se clôturait le cycle sur la Grèce aujourd’hui. Qui parlait aussi de bien d’autres peuples en ébullition. AGNÈS FRESCHEL
Ce cycle s’est déroulé du 16 novembre au 4 décembre au Théâtre Liberté, Toulon
Flambant bleu ! La Corse se taille le premier rôle dans Bleu Conrad, l’écrivain-voyageur Joseph Conrad le second. Ou inversement… Quand Maddalena Rodriguez-Antoniotti boucle son récit fiction elle ignore encore qu’il sera adapté au théâtre par trois magiciens : le metteur en scène Jean-Yves Lazennec qui en extrait quelques pépites, imagine une longue table de lecture plongée dans la pénombre et orchestre une partie de ping-pong harmonieuse avec les polyphonies corses ; le comédien Michel Albertini subtilement glissé dans les habits du jeune Polonais expatrié qui deviendra marin et écrivain ; l’ensemble Barbara Furtuna dont les interventions rythment à point nommé le récit. Interrompu ou accompagné parfois par les chanteurs, le comédien endosse le
réactions des nouveaux venus, la poésie et l’Histoire, les filets et les cordages de «tout un peuple de pêcheurs (qui) donne de la voix». En une fraction de seconde on embarque sur le Liberia, on accoste à Ajaccio, on file vers Bastia, on croise l’ami Dominique Cervoni qui lui apprit le métier de marin, on balbutie quelques mots de Corse avec le quatuor. On épouse avec délices le portrait frémissant d’un homme qui sut «extravaguer sur terre comme sur mer». MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
© Maddalena Rodrigez-Antoniotti
cabas marin de Joseph Conrad, quelques feuillets à la main, comme s’il n’avait jamais quitté le pont. Écho troublant
aux modulations d’un texte qui évoque les années à Marseille et la vendetta, les us et coutumes des insulaires et les
Bleu Conrad a été joué les 25 et 26 novembre au Théâtre Liberté à Toulon
AU PROGRAMME
THÉÂTRE
21
En visite Reprise Jean-Louis Benoît revient à la Criée pour y créer
Incandescent Britannicus de Racine est repris au Toursky dans une
une fois encore. Cette fois le montage repose sur trois pièces de Courteline. On connaît sa lecture de ce théâtre fin de siècle (le XIXe !) qui raille cruellement le bourgeois. Les petites pièces de Courteline ont la particularité de se concentrer sur la cruauté des ménages, les mécanismes emportés du couple, les mesquineries de l’administration. Pas très loin de Kafka finalement, sans métaphore fantasque mais avec un sens aigu du dialogue.
mise en scène de l’un des parangons du théâtre russe, Tatiana Stepantchencko. On y voit les débuts de Néron, le passage de la pureté à la folie, dans l’enchaînement implacable de la tragédie. Britannicus est la victime inaugurale d’un règne sanglant dominé par les dérèglements d’un esprit malade, dans la représentation que l’on cultivait au XVIIe. À la passion racinienne s’allie la fougue slave. Tout s’embrase !
Courteline, amour noir Du 12 au 28 janv La Criée 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com
© Mathieu Bonfils
Françoise Chatôt reprend le succès de la saison dernière pour quelques représentations à ne pas manquer : son Roméo et Juliette est porté par des jeunes comédiens formidables, et une belle fidélité aux élans amoureux du texte.
Kane…
Britannicus Les 13 et 14 janv Théâtre Toursky, Marseille 0 820 300 033 www.toursky.org
Roméo et Juliette Du 10 au 21 janv Théâtre Gyptis 04 91 11 00 91 www.theatregyptis.com
Jumeaux La cie Teatrocinema revient sur la scène du Merlan © Cie La Paloma
Thomas Fourneau met en scène le texte cri de Sarah Kane, lettre sur le théâtre et sur la mort, portée par deux comédiennes remarquables, Rachel Ceysson et Marion Duquenne, et mis en lumière par la subtile Pascale Bongiovanni. Une création qui se veut avant tout une réflexion sur le théâtre et sur la spécificité du temps dramatique, et de sa musicalité. 4.48 psychose Du 12 au 21 janv Les Bernardines 04 91 24 30 40 www.theatre-bernardines.org
avec son spectacle de théâtre d’objet fondé sur le magnifique roman d’Agota Kristof, Le Grand cahier. Un spectacle qui a fait le tour du monde, avec son univers glacial d’avant la chute du mur, transposé par la troupe chilienne dans la dictature de Pinochet. Gemelos Le 6 janv Le Merlan 04 91 11 19 20 www.merlan.org
… et Bond Autre création d’un texte anglais par une de nos précieuses compagnies dites régionales : Eva Doumbia met en scène Sous chambre d’Edward Bond, qu’elle avait mis en espace lors d’actoral 10. Une pièce d’anticipation qui décrit une société militaire cauchemardesque, en 2077, où les immigrés sont persécutés… © Teatrocinema
Lumineux En réponse à L’Obscurité (joué en 2011), la Cie Cela © X-D.R.
ne finira jamais crée La Clarté, sur un texte de Rémi Checchetto et Suzanne Joubert et une mise en espace et en voix de Nicole Yanni. Une représentation donnée dans le cadre des Mots à l’heure -manifestation qui met à l’honneur les écritures contemporaines-, avec Agnès Sourdillon, Eric Feldman, Géraldine Martineau et Sébastien Todesco. La Clarté Les 5 et 6 janv Théâtre du Petit Matin, Marseille 5e 04 91 48 98 59 http://tpmatin.over-blog.com
Fresque La cie des Oiseaux propose Divine humanité, une fresque épique en trois volets. En première partie, Le masque du singe, épopée chinoise où se posent les questions de la liberté individuelle, de la raison d’état, de l’éthique (Tao), empreinte de pensée confucéenne, constitue aussi une réflexion sur le théâtre avec un héros acteur aux masques. L’opus 2, Le fils de l’homme, se nourrit de la passion christique et de la passion du théâtre. L’opus 3, Le cœur du sage, évoquera la 3e croisade où l’on rencontre Richard Cœur de Lion, Salâh Ad-dîn, le chef des templiers… Œuvre laïque, dans la connaissance de toutes les cultures.
Le 20 janv Scène Nationale de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com
Sous chambre Du 16 au 22 déc La Friche 04 95 04 95 02 www.lafriche.org
© Didier Crasnault
Le Masque du singe, Divine humanité opus 1 Du 10 au 14 janv Le fils de l’homme, Divine humanité opus 2 Du 17 au 21 janv Le cœur du sage, Divine humanité opus 3 Du 24 au 28 janv Le Lenche 04 91 91 52 22 www.theatredelenche.info Le Masque du singe © Jean-Michel Albert
22 THÉÂTRE AU PROGRAMME
Grandeur Arletty (Catherine Germain) et Zig (Dominique Che-
frontières, ses fractures, oscille aux limites du sens et de la métaphore. La Cie Le bruit des hommes s’empare de cette pièce difficile, tragique, haineuse, tendre, drôle, qui met en question le langage et la destinée même de l’homme. Des rencontres autour de Samuel Beckett seront proposées durant la saison dans la ville d’Aubagne par cette Compagnie (Jeu(x) di(t)s d’auteur).
vallier) vont rendre visite à Boudu (Bonaventure Gacon) qui vit retiré dans une sombre caverne. Alors qu’ils s’apprivoisent voilà que demoiselle Arletty se met en tête de jouer Shakespeare avec ses compères… Le Roi Lear, rien de moins, les révélera dans leur grande humanité, avec force gestuelle insensée et véritable questionnement sur le théâtre. Car «le clown n’est pas un acteur» affirme François Cervantes, le metteur en scène.
Fin de Partie Le 13 janv Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr Le 20 janv théâtre de la Licorne, Cannes 04 97 06 44 90 www.madeincannes.com
© X-D.R
Grand Jeu Irrésistible ! Fin de Partie de Beckett avec son exploration des
Le théâtre des Ateliers reprend pour notre grand bonheur son irrésistible Voyage sur place de et avec Alain Reynaud et son comparse Alain Simon (Zib 39). Une force comique et tendre dans cette évocation de ces années où posséder une voiture était un luxe et où les jeux de billes n’avaient pas encore été supplantés par Warcraft… Un spectacle jubilatoire à voir et revoir avec délectation !
police pour un vol commis dans leur entreprise, menée par un patron richissime et odieux. La pièce d’Alexandre Papias reprend l’aphorisme célèbre de Proudhon, «La propriété, c’est le vol». Occasion d’une enquête policière déjantée et sarcastique au cours de laquelle les comédiennes s’en donnent à cœur joie. Est-il possible moralement de voler un voleur ? La troupe de Tortutrankil se glisse avec délectation dans ce paradoxe délicieusement caustique mis en scène par Géraldine Loup. La propriété c’est le vol Le 6 janv Cinéma 3 Casino, Gardanne 08 92 68 03 42 www.cinema-gardanne.fr
Fiction ? © X-D.R.
Proudhonien 5 drôles de dames sont convoquées au poste de
Voyage sur place Les 18 et 19 janv Théâtre des Ateliers, Aix 04 42 38 10 45 www.theatre-des-ateliers-aix.com/blog
Les clowns Les 5 et 6 janv Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com
Vivacité Vivacité sous les masques. Le malade imaginaire de Molière par la compagnie Kronope dans la mise en scène de Guy Simon permet de réviser ses classiques. Humour, personnages bien typés, jeu des masques, dans une représentation au rythme soutenu. Les acrobaties, la magie des costumes, une bonne manière de commence l’année ! Le malade imaginaire Le 7 janv Espace NoVa, Velaux 04 42 87 75 00 www.espacenova.com
professeur, le personnage principal se plie au jeu de l’interview face à un jeune couple venu l’interroger sur sa carrière. Retour sur sa vie, ses mensonges, ellipses, les mystères d’une grande carrière… Grand écart de Stephen Belber dans une mise en scène de Benoit Lavigne affiche déjà une représentation supplémentaire. La présence de Bernard Lhermitte y serait-elle pour quelque chose ? Grand écart Du 17 au 21 janv Jeu de Paume, Aix 0 820 000 422 www.lestheatres.net © Dunnara Meas
© Manuelle Toussaint
Lime lights Vieillir est un art difficile, surtout lorsque l’on a goûté Hommage aux feux de la rampe… Danseur de talent devenu
Vivre sans but transcendant est devenu possible et Vivre est devenu difficile mais souhaitable sont les deux versants d’un dyptique qu’Antoine Lemaire consacre aux confessions intimes. Dans le premier cinq jeunes acteurs parlent avec désenchantement de leurs rêves et de leurs ambitions, avec humour et dérision ; dans le second, deux femmes et trois hommes de plus de 65 ans se confrontent au Sacre du printemps de Stravinsky, se dévoilant lors de témoignages livrés en vidéo ou directement. Vivre sans but transcendant est devenu possible Le 17 janv Vivre est devenu difficile mais souhaitable Le 24 janv Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com
Dans les années 70, Le Masque et la plume, émission mythique de France Inter, comptait parmi ses critiques Jean-Louis Bory et Georges Charensol, aussi différents que complémentaires. Lors d’échanges nourris et virulents, usant de joutes verbales brillantes, ils s’affrontaient sur des films devenus incontournables comme Bande à part de Godard, L’Empire des sens de Oshima… François Morel adapte ces échanges pour le théâtre, avec Olivier Broche et Olivier Saladin accompagnés de la musicienne Lucrèce Sassella. Instants critiques Les 16 et 17 déc Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr
Vertigineux Jean-Luc Revol met en scène, dans un décor épuré, Hamlet de Shakespeare, avec Philippe Torreton dans le rôle-titre. Une pièce qui, d’après le comédien, contient tout le théâtre, «le théâtre d’action, le théâtre de réflexion, le théâtre comique, le drame familial, l’épopée historique…» Hamlet Le 10 janv Théâtre de La Colonne, Miramas 04 90 58 37 86 www.scenesetcines.fr
THÉÂTRE
Pour une rose
Money
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© Francois Bouchon
Parodique Jacques et Mylène forment un couple de parodie, une entreprise impossible en quelque sorte. Le duo, imaginé par Gabor Rassov et mis en scène par Benoît Lambert, va jouer «une histoire d’amour, un drame, un vaudeville, une tragédie, une épopée, une tendre chronique familiale […] une comédie familiale foisonnante de situations cocasses», rassemblant à eux deux tous les travers petit-bourgeois universels…
© X-D.R.
Jacques et Mylène Le 10 janv Salle de l’Arbousière, Châteauneuf-de-Gadagne Le 11 janv Centre culturel, Joucas Le 12 janv Salle des fêtes, Mérindol Le 13 janv Salle des fêtes, Les-Paluds-de-Noves Le 14 janv Ancien temple, Lacoste Le 16 janv Espace culturel Folard, Morières-les-Avignon Le 17 janv Salle des fêtes, Maubec Scène nationale de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com
Un marchand ruiné cueille une rose pour sa fille, Belle. Le monstre propriétaire du parc, la Bête, exige la venue de la jeune fille. En fait, c’est un prince enchanté et bien sûr tout finit bien, les méchants sont punis et les gentils se marient. Florence Lavaud reprend cette histoire, l’adapte au théâtre pour un public à partir de 9 ans. Thèmes de la solitude, de la différence, de la monstruosité… et une recherche qui s’articule autour de l’invisible, de l’inaudible… Une Belle, une Bête Le 11 janv Théâtre en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com
© Anne Beranger
Mime Humour et drôlerie au rendez-vous pour le nouveau
Le roman d’un Trader de Jean-Louis Bauer s’assortit de la formule rituelle, «toute ressemblance avec… etc.» Aussi, on ne cherchera pas à mettre des noms sur les personnages : un golden boy met en déroute une grande banque internationale. C’est ainsi que l’histoire commence. Bon, hystérie dans ladite banque, affolement au cœur des transactions boursières… Une satire aux résonnances bien actuelles. Une manière de se divertir de ceux qui nous paient de mots. Un spectacle où le rire s’empresse de venir à la rescousse de faits graves, dans une mise en scène de Daniel Benoin.
spectacle de Patrice Thibaud. Exercice de mime drolatique en compagnie de son complice au piano Philippe Leygnac. Un spectacle déjanté où les clowneries s’enchaînent sur un rythme effréné. Musique et jeu scénique s’entrecroisent et s’emballent pour le plus grand plaisir de nos zygomatiques, avec une touche de poésie. Cocorico Les 27 et 28 déc Théâtre Liberté Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr © Celine Aubertain
Le roman d’un trader Du 18 au 20 janv Théâtre Liberté Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr Du 15 au 18 fév La Criée 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com
Ciel mon mari ! Apprentissage Travailleurs Le chassé-croisé virevoltant des couples, des amants, Adaptant La Promesse de l’aube de Romain Gary, Chibanis, cela veut dire cheveux blancs, vieux, en les quiproquos, les situations grotesques, tout se Bruno Abraham-Kremer se glisse dans la peau de arabe. Nasser Djemaï s’attache dans sa pièce Invisibles à évoquer ces travailleurs immigrés des 30 glorieuses, qui ont vieilli, se murent dans un silence digne. Les mettre en scène est à la fois un exercice de mémoire salutaire, un témoignage bouleversant, un hommage aux oubliés de la guerre économique. Une pièce forte. Invisibles Le 14 janv Théâtre Liberté Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr
conjugue dans Le dindon de Feydeau pour amener le rire. L’art du vaudeville est mené avec une verve cocasse, pour une critique d’une société que le conformisme des codes étouffe. La comédie de mœurs bourgeoise épingle les ridicules et Feydeau sait en assembler les rouages à merveille. Une mise en scène de Philippe Adrien. Le dindon Les 13 et 14 janv Théâtre La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu
l’écrivain qu’il considère «comme un frère d’armes». Dans ce roman d’inspiration autobiographique, Gary brosse le portrait de sa mère, l’actrice russe Nina Borisovskaia, balayant l’Histoire de Wilno à Vasovie, du «Grand salon de modes» de Paris au marché de la Buffa de Nice, de l’hôtel-pension Mermont aux base aériennes de Salon-de-Provence… La Promesse de l’aube Les 7 et 8 janv Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com
24 DANSE CANNES | GRENADE
Une semaine de danse Cannes, son G20, ses palaces, son Palais mythique… Vous pensiez que le Festival de danse déroulait le tapis rouge ? Loin de là ! Un public jeune, décontracté, visiblement pas très huppé mais fou de danse, emplit les salles tous les soirs. Il faut dire que les tarifs sont très abordables. Ainsi avec 30% de Cannois, 40% des Alpes-Maritimes, et 30% du reste de la région, ou d’Italie, plus de 12 000 billets ont été vendus en six jours, sans compter les installations et projections en entrée libre, et les nombreux professionnels invités : la Ville de Cannes, qui finance la plus grande part du budget (700 000 € en tout), «vit et se nourrit de ses manifestations culturelles, et sait les maintenir.» Pour Bernard Oheix, directeur du Palais des Festivals, «cette édition est une grande réussite publique et artistique, malgré un budget resserré cette année. La Ville reste très engagée pour ce Festival qui s’inscrit dans un ensemble de manifestations culturelles internationales, comme le festival de cinéma mais aussi celui de pyrotechnie, ou celui des jeux. Frédéric Flamand, en articulant sa programmation autour du thème des nouvelles mythologies, et en apportant ici une forme de convivialité nouvelle, confirme ce positionnement du Festival de danse loin des paillettes, à la pointe de la réflexion et de la culture.» Au terme de la semaine de danse le bilan est tout à fait positif, même si Frédéric Flamand comme Bernard Oheix déplorent de ne pas avoir les moyens de créer ou coproduire des œuvres nouvelles : «Avec seulement 300 000 € de budget artistique, et le fait que dans ces salles (de 2300 à 800 places ndlr) le coût technique des spectacles est forcément très élevé, nous ne pouvons qu’accueillir des spectacles
ESDC Rosella Hightower - piece de Jean-Christophe Maillot © Olivier Houeix
déjà créés, contrairement à Montpellierdanse ou à la Biennale de Lyon. C’est dommage…» Car à Cannes la danse a trouvé depuis longtemps son ancrage : le Festival dirigé pendant 20 ans par Yourgos Loukos, mais aussi la grande école Rosella Hightower qui a formé un nombre incroyable d’interprètes, et de chorégraphes. L’École Supérieure proposait d’ailleurs un spectacle pour fêter ses 50 ans, reprenant pour l’occasion un petit chef-d’œuvre de Bagouet et une pièce très virtuose de Maillot, laissant le BNM interpréter un beau duo d’Anton Svir, et les danseurs algériens d’Hervé Kouby danser un extrait du Cie Emio Greco © Olivier Houeix
magnifique El Din (donné en intégralité à La Colonne, Istres, le 7 nov) : un ballet masculin flamboyant qui mixe une architecture classique et des techniques contemporaine, hip hop, capoeira, avec l’acrobatie la plus époustouflante… Décidément les chorégraphes issus de «La Rosella» ont du talent, et les danseurs du Jeune Ballet de Cannes un bel avenir !
Au programme Les 13 pièces et 2 installations retenues par Frédéric Flamand s’attachaient donc à dresser un état des lieux des nouvelles mythologies. Avec une grande place accordée à des chorégraphes de la région : ainsi on a pu se lasser à nouveau des espiègleries subversives de Christophe Haleb, s’émouvoir derechef des corps à bout de souffle des seniors de Thierry Thieu Niang, revoir encore, sous un nouveau jour dans cet immense espace qui lui va très bien, le Moving Target de Flamand, particulièrement bien dansé ce soir-là, et suivi par deux musiciens inspirés ; découvrir une nouvelle pièce d’Éric Oberdorff, Butterfly soul, dansée avec une grande délicatesse par Cécile Robin Prévallée ; et regarder lentement les clones des Corsino tomber sur les écrans, corps virtuels obtenus par captation puis ralentissement et lissage des mouvements de vrais danseurs, spectres cotonneux qui suscitent cette impression d’étrangeté familière qui peuple les rêves… D’autres pièces venaient de plus loin : une installation interactive en triptyque de Thierry de Mey, remarquablement conçue dans ses angles, ses points de vue qui vous plongent dans la danse (From Inside).Une réflexion amusée sur la copie et la transmission de Joanne Leighton : une des deux femmes-chorégraphes d’une programmation où les mythologies explorées naissent des fantasmes des hommes, dans une profession qui se déféminise à grands pas ! La vision de la femme dans la Nouvelle création de La La La human steps (Edouard Lock) est d’ailleurs effrayante : poupées manipulées étirées exécutant
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entre les bras des hommes porteurs des figures d’une époustouflante vitesse, elles sont des caricatures mises à sec de ballerines. Même mouvement étiré à l’extrême pour Michael Clark : délibérément rock, mais moins déjanté que ses icônes Bowie, Lou Reed ou Brian Eno, Come, been and gone fait l’effet d’un mauvais shoot. Un premier tableau cosmique où rien ne suinte des corps athlétiques gainés de bleu ; un second qui met sur orbite des silhouettes graphiques dans un halo de couleurs psychédéliques, proche d’une hallucination sous LSD, les danseurs peinant à s’extraire de la machine bien huilée, impeccables dans les lignes de fuite, les entrées et les sorties plateau ; un troisième futuriste qui flirte avec Star Trek avant d’exploser comme une bombe à retardement : enfin les danseurs vibrent, palpitent et se libèrent ! Une autre tendance de la danse semble être de séparer les sexes : Emio Greco écrit un beau double duo masculin, ironique par moments puis superbe, où la danse épouse magnifiquement la dramaturgie de la boxe. Hofesh Shechter lui aussi propose une pièce pour danseurs hommes : Uprising possède une énergie rare, un sens de la révolte, et invente une danse débarrassée de tous ses carcans qui ose le mouvement, le poing levé, le drapeau rouge : danseur à la Batsheva company puis chez Vandekeybus, le chorégraphe en a gardé des traces… qu’il transmet aussi aux femmes. Dans The art of not looking back elles évoluent comme eux, avec la même poigne, sans minauder ou torturer leurs articulations, sans chercher cette grâce où le corps féminin dansant a toujours été réduit… Deux pièces d’une force rare, sublimement éclairées, données également aux Salins, Martigues, le 29 nov.
Puis un duo, enfin, pour une vraie rencontre : dans To Intimate, Cynthia Loemij et Mark Lorimer délaissent les habits d’interprètes de Keersmaeker pour ceux de danseurs-chorégraphes de leur cie Ovaal. Un changement de peau qui leur va comme un gant, encore empreint de la gestuelle et de l’art des déplacements de Keersmaeker, et d’une vraie exigence. Leur duo surfe sur une vague silencieuse, dans le rapprochement balbutiant des corps. Comme dans un souffle, les mots s’échappent, les bouches murmurent, l’un l’autre se frôlent, dessinent le même élan, entre tension et relâchement ; dans une succession de virgules chorégraphiques, les corps oscillent et laissent entrevoir d’infinies vibrations, impalpables. To Intimate est «fragile» dans ce qu’il alterne des accélérations fulgurantes aussitôt stoppées par des cassures silencieuses. C’est une partition complexe de tracés au sol et dans l’espace, d’esquisses inachevées, de structure architecturée : To Intimate dit l’intime, bien sûr, mais aussi l’ordonnancement, le croisement de la courbe et de l’angle droit. Aussi, quand le violoncelle s’invite, ce sont les corps qui sont pincés, frottés, caressés, martelés…
Souhait Dans deux ans Frédéric Flamand reviendra sur La Croisette explorer d’autres mythologies du corps. Vues cette fois par un peu plus de regards féminins ? AGNÈS FRESCHEL ET MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Ovaal © Olivier Houeix
20 bougies explosives !
Duo Codex, Decoufle © Leo Ballani
À l’image de la grenade, Josette Baïz éclate de générosité et d’inventivité. Dès 1989, elle travaille avec des enfants des quartiers nord de Marseille, et ajoute au classique et au contemporain les langages corporels de leurs pays d’origine, auxquels au fil des années elle mêle hip hop et break dance... Ainsi est né un langage chorégraphique métissé et personnel : le style Grenade. Les ateliers enfants se sont développés tandis que naissait la Cie Grenade, issue des anciens du Groupe. Pour fêter ses 20 ans Josette Baïz a demandé à des chorégraphes amis de transmettre une de leurs pièces. Le spectacle débute avec l’espiègle Auguste qui rejoint le plateau en parcourant toute la salle et enchaîne avec Solo Codex de Decouflé, suivi de Duo Codex avec deux danseurs du groupe sur la musique de Fats Domino. Mammame, inoubliable création de Gallotta, met en scène 15 jeunes puis un duo humoristique où l’on retrouve le jeune danseur Camille Cortez, remarqué dans le rôle d’Oliver Twist (2009). Le solo du Faune Fomitch (voir Zib’46) de Kéléménis est interprété par Kader Mahammed, dont le corps puissant s’accorde à l’animalité du personnage. Puis un duo de Maillot, Miniatures, suivi de Vers un pays sage pour 11 danseurs à la belle énergie. Preljocaj a, quant à lui, transmis Marché noir, sa première pièce (1985) à la mécanique inquiétante parfaitement interprétée. Explosion finale de Jérôme Bel avec The show must go on sur les musiques de David Bowie et Police où les 60 danseurs sont sur scène et se livrent à une danse répétitive et effrénée ! Le tout dans la scénographie toujours adéquate du complice Dominique Drillot. CHRIS BOURGUE
Grenade, les 20 ans s’est dansé au GTP les 18 et 19 nov
À venir Les 6 et 7 janv Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr Le 12 avril Salle des fêtes, Rousset 04 42 29 82 53 www.rousset-fr.com www.josette-baiz.com
26 DANSE KLAP | GTP | CHÂTEAU-ARNOUX
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Le bruit du quotidien devient musique, phrase rythmique. Et lorsque les objets manquent, reste le corps, instrument complet avec une indépendance des gestes exceptionnelle. Le public participe, frappe dans les mains, tape des pieds, reproduit avec plus ou moins d’adresse et beaucoup de rires les consignes. Bien sûr cela tourne un peu sur soi, malgré le début qui laissait espérer un vrai propos, avec des personnages qui présentaient les différents types sociaux américains… Mais le divertissement reste de très belle qualité !
Stomp, créé par Luke Cresswell et Steve McNicholas, ne se présente plus : succès international, récompenses multiples. Et en effet, de la danse des balais (plus jamais vous ne ferez le ménage de la même manière !) au jeu des boîtes d’allumettes, vaisselle, ferblanterie, chaises, tout est prétexte à rythmes, clowneries, jongleries. Jusqu’aux Zippos qui forment une guirlande lumineuse clignotante et musicale ! Inventif, le spectacle multiplie les objets incongrus, sac plastique trouvé dans une poubelle, chambres à air de camion, les ballons de basket (n’en déplaise à la NBA, on peut aussi faire de la musique en dribblant).
© Ole g Mic heye v
Rythme aux allumettes
M.C.
Stomp a été joué au GTP du 6 au 11 décembre
Partir de rien Thierry Baë travaille à un endroit où la grâce est nécessaire : Je cherchai dans mes poches réunit des gens, des artistes, et cherche à créer quelque chose avec eux. Projet vague, sans propos a priori, sans écriture sinon celle du plateau, créée en répétitions par improvisations… Comme on en voit des tonnes dans le théâtre de recherche ? Pas sûr ! D’abord parce que les trois artistes sur scène (Thierry Baë ne les rejoint vraiment qu’à la toute fin) ont des personnalités et des techniques sûres : Corinne Garcia est une très belle danseuse, précise et forte comme un poing fermé ; Sabine Macher a toute la poésie, et la drôlerie, d’un clown, et ceci qu’elle écrive, parle, chante Kurt Weill, ou danse de son
Gestations
corps improbable ; quant à Benoît Delbecq c’est un vrai pianiste comme on en voit peu dans ce type de projet, capable d’accompagner le jeu, mais aussi d’exécuter à la perfection l’étude Touches bloquées de Ligeti, ce qui n’est pas une mince affaire. Avec tous ces talents l’écriture de plateau a de quoi faire… d’autant que si Thierry Baë a su écouter et capter l’univers et la temporalité de chacun, il a aussi écrit, précisément, en chorégraphe, leurs gestes, toujours en équilibres, en demienvols, en maladresses. Le résultat : une grâce infinie… avec quelques temps morts, et des sourires, instants d’une formidable intimité.
© Esther Gonon
Je cherchai dans mes poches a été créé au Théâtre Durance, ChâteauArnoux, le 3 décembre
AGNÈS FRESCHEL
La toute nouvelle maison pour la Danse, Klap, a pour objectif, entre autres, de présenter des travaux en Fana Tshabalala © Agnès Mellon
cours de finalisation. Ainsi Fana Tshabalala a présenté une nouvelle étape de sa chorégraphie Les portes de l’Enfer pour laquelle il s’est inspiré de l’œuvre de Rodin découverte à Paris. Ces corps musclés et souffrants l’ont inspiré pour une création maitrisée d’une grande charge émotionnelle. Servie par la technique parfaite d’un corps athlétique aux déplacements lents, accompagnés d’amples mouvements et torsion des bras, cette pièce évoque la cruelle période de l’apartheid, tant elle est chargée de souffrance et de peur. Lorsque, recroquevillé sur lui-même, Fana Tshabalala ouvre la bouche dans un long cri muet, le corps agité de palpitations et de tremblements, l’émotion est à son comble. La composition musicale de Christian Zanési, faite de halètements et de
bruits sourds, s’y associe parfaitement. C’est aussi une musique personnelle de Gabriel Fabing jouée sur le vif qui accompagne Pardi}, pièce multiforme de La Vouivre, cie créée en 2007. L’espace est découpé par un beau jeu de noir et de lumière, jouant sur les ombres dans lequelles se dessinent les silhouettes d’un homme et d’une femme qui s’animent peu à peu dans un duo aux enroulements très souples. Climat onirique avec chant, projection video et, peut-être, pas assez de danse... CHRIS BOURGUE
Les portes de l’Enfer et Pardi} ont été présentés le 1er décembre au Klap, Marseille 3e
CHÂTEAUVALLON | STE MAXIME | ARLES | LA CRIÉE
DANSE 27
Enchanteur Revoir du Preljocaj sur le plateau de la Criée, qui lui va si bien, est formidable. Le public ne s’y est pas trompé, venant en masse pour cette surprise, retenant son souffle jusqu’au bout, puis ménageant un triomphe comme la grande salle n’en avait pas connu depuis longtemps. Car Blanche Neige est une vraie réussite féérique, romantique, spectaculaire. Les décors, les costumes, les lumières n’hésitent pas à être superbes, quitte à heurter les esprits minimalistes. La musique de Mahler a le temps de déployer ses mouvements en intégralité, et le conte est raconté sans complexe par les corps, quitte à heurter les réfractaires aux ballets narratifs. Car Angelin Preljocaj, renouant avec l’esprit qui présida à son Roméo et Juliette, assume son désir d’être un romantique raconteur d’histoire, et Blanche-Neige est déjà un classique : chacun des tableaux fascine par la pertinence des invariants du conte -le miroir, les grottes, la transformation de la Reine, l’empoisonnement-, mais aussi par le traitement dramatique qui
© JC Carbonne
resserre l’histoire par endroits et développe certains passages : ainsi la «vraie» mère, morte, flotte autour de son enfant, et le Prince, véritablement charmant (Sergio Diaz), induit dès le début du ballet une relation charnelle avec la jeune fille. Leurs deux duos sont des moments de grâce : car la plus grande
réussite de Blanche Neige tient à son inventivité chorégraphique. C’est-à-dire à l’écriture du mouvement : dans les duos, dans la danse verticale, dans les mouvements d’ensemble, Preljocaj invente. Des portés, des combinaisons de corps, des points de contact, des combinaisons dans l’espace, des mouvements, des dynamiques. Il s’auto-cite, s’amuse, fait danser deux fois un passage, utilise le silence… et fait décoller le public, grâce à des danseurs d’exception, rompus à son style, toujours ensemble jusqu’au bout des articulations, à la fois souples, rapides, habités de personnalités fortes, et capables d’une cohésion de groupe qu’on ne voit que dans les très grands ballets. AGNÈS FRESCHEL
Blanche Neige a été dansé à la Criée du 23 au 26 novembre
Effet combinatoire JJ’s voices (Les voix de Janis Joplin) est la rencontre improbable et réussie des jeunes danseurs suédois du Ballet Cullberg et du chorégraphe québécois Benoît Lachambre. Déjà sur scène tandis que le public s’installe, les danseurs, lentement, rampent, déplacent des cubes qu’ils finiront par empiler. Une lenteur qui s’impose dans un silence pesant et respectueux, qui s’étire. Puis claquent les premières notes et la voix déchirée de Janis Joplin déclenche le mouvement, frénétique, transi, de ces danseurs dont les corps se font élans, modulations. L’énergie brute qui se dégage de chaque chanson (cinq en tout, Down on me, Bye, bye baby, Kozmic blues…), et l’émotion qui s’en dégage, trouve un écho physique dans ces corps encapuchonnés, aux sweats trop larges qui cachent les visages. Des mots circulent, accrochés en fond de scène, qui soulignent le caractère charnel de l’univers si particulier de Janis Joplin. Silences et mouvements alternent ainsi, jusqu’au solo final répétitif, halluciné… © Carl Thorborg
DO.M.
JJ’s voices a été dansé au Théâtre d’Arles le 18 novembre
Tutu, pointes et perfecto © X.-D.R
À star iconique, création achronique ! Raphaëlle Delaunay dresse dans Eikon le portrait en creux, fragmenté, de Michael Jackson, et nous épargne les clichés, la démesure, et autres déferlantes de ses clips. Pas une note de musique empruntée à sa discographie (tant pis pour les groupies) mais un choix éclectique en forme de filiations : James Brown, Fred Astaire, Diana Ross… enrichi de voix et de sons électroniques. Fantasmes et idolâtrie ne viennent pas plomber l’hommage à cette figure comico-tragique interplanétaire à l’identité mutante : pour «remonter le cours du fleuve Michael Jackson», la chorégrapheinterprète dessine avec humour un portrait poétique mixant ses célèbres déhanchements, des images filmiques, une parole saccadée, des mouvements frénétiques, des déplacements inattendus. Les quatre interprètes jouent le plus souvent leur partition en solitaire pour tisser cet espace de fils invisibles,
épars, d’homme ou de femme, de noir ou de blanc, d’adulte ou d’enfant. Le chanteur y est omniprésent sans jamais apparaître ! Peut-être est-il réincarné dans cet homme-enfant lunaire qui jongle en dansant ou tire derrière lui, méthodiquement, une immense cape fichée d’un crâne ? Ou dans cette danseuse sur pointes, torero en tutu et perfecto au cabrage fiévreux, qui martèle le sol de toute sa rage et de toute son énergie ? Eikon, objet non homologué, est à la mesure du personnage, héros d’un conte de fées à l’épilogue dramatique : Bambi, bien sûr, évoqué par le quatuor dans une ultime pirouette. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Eikon a été présenté le 19 novembre à Châteauvallon et le 26 novembre au Carré à Ste-Maxime
28 DANSE DANSEM Exposition universelle © Agnès Mellon
Torgnoles © Agnès Mellon
Ceux qui M la Danse Suite et fin de Dansem, forcément inégal, et toujours passionnant… Au début de Torgnoles, c’est le commencement ; à la fin aussi. Éternelle jeunesse de l’alphabet chorégraphique de Georges Appaix, qui pour en décliner la lettre T semble toujours en quête d’une forme trouvée depuis longtemps ! Georges et Jean Paul (Bourelcompagnon de route depuis la lettre F), Cro-Magnons dans les calanques rejouent la scène primitive de la rencontre, corps bleu face à corps rouge, dans un videoprologue hilarant. Tout y est déjà : la torgnole, le «qui t’es toi?» et le «qu’est-ce qu’on peut faire? y a rien à faire...» Redevenus Sapiens de plateau, l’un et l’autre n’ont de cesse de se courir après, de se rentrer dedans, de se chercher quoi ! Échos et rebondissements, paroles contre corps, dialogues de bras et de jambes lancés, balles de ping-pong ou ballons de foot pour dire le temps passé ensemble à tramer, à construire et à rater peut-être... Vieux adolescents qui se mettent en péril, sur le fil du burlesque et coupent le sifflet à toute critique, ayant fait de l’autodérision leur carburant. Restent plaisir couleur tendresse et sourire mélancolique. Plus paradoxalement discursive, questionnant l’intégration/aliénation, la danse muette et solitaire de Rachid Ouramdane dans Exposition Universelle se lance avec rigueur et intelligence dans le parcours d’un corps en métamorphose, voire en décomposition; sur son socle pivotant, l’homme en noir en impose par son immobilité et capte le regard qui ne le lâchera plus. La peau très blanche du torse nu semble conduire l’influx nerveux qui donne vie à un corps rigide, métronome parmi d’autres instruments exacts ; le rythme d’abord rapide et mécanique de mouvements radicaux laisse au fil des «tableaux» place à un ralentissement de l’intérieur ; le
corps se couvre immatériellement de tout l’espace brassé. La dernière scène se joue à corps absent, avec une intensité intacte : sur un écran le même visage en camouflage tricolore s’ébroue, trop à l’étroit dans le bleu-blanc-rouge et se déforme jusqu’à la fixité d’un portrait de Bacon. Hurlement universel. Entendu.
Déroutants Une danse qui semble ne pas en être une, un monde résolument hors des codes. Taoufiq Izeddiou accueille le public dans un lourd parfum d’encens. Pénombre. Trois lignes de projecteurs tournés vers le fond de scène se balancent doucement, rythme lent de vagues, amorce de départ… sur laquelle tranchent les mouvements rapides et désespérés du danseur perché relégué dans l’ombre. Une marche obscure aux côtés de Maâlem Adil Amini, maître de musique Gnawa. Même obscurité du propos pour le spectateur. Le travestissement en chanteuse de cabaret, la difficulté de fonder une identité, reste dans l’anecdotique, la modernité est pauvre et le passé réduit. Intéressant cependant, l’emploi détourné des supports musicaux et lumineux : les baffles sont des valises que le danseur transporte, la lampe se transforme en rhombe qui tournoie puis, dérisoire dérision se pose en couvre-chef d’un nouveau genre… Proposé par le Théâtre d’Arles, le cheminement de Virgilio Sieni avait aussi de quoi intriguer : il s’agissait de parcourir la ville pour se rendre chez des habitantes, interprètes non-professionnelles de courtes chorégraphies sur le thème Mères-Filles. Et de fait le spectacle fut déroutant. L’acte artistique seul aurait été moins percutant ; mais voilà qu’il était confronté au contexte, à une perte de distance qui faisait s’interpénétrer l’émotion et la pudeur, la timidité de se retrouver là, face à ces six «couples» qui disaient tant avec peu de gestes, dans des intérieurs qui racontaient autant que ces frôlements de mains, ces regards complices, avec des objets du quotidien qui prenaient soudain tout leur sens. Pas de
voyeurisme, mais des dialogues silencieux, travaillés certes, et parfois un peu apprêtés, mais offerts avec générosité et curiosité.
À gestes découverts Un visage se dessine, une flûte esquisse quelques notes et, geste après geste, la danse de Virgilio Sieni s’installe sur la scène du Merlan. C’est une nouvelle création, qui s’inspire de personnes proches du danseur, pas forcément célèbres, qui a un moment de leur vie ont fait acte de résistance. Le spectacle se construit suivant un motif qui invoque chaque personnage : le corps s’ébranle, met en mouvement chacune des articulations jusqu’à incarner une histoire singulière, un langage propre. L’univers suscité se matérialise alors par des accessoires, des bribes de décors disséminés sur la scène qui s’anime progressivement. Accompagné de Giampaolo Pretto, le flutiste dont la musique se fait souffle, Virgilio Sieni restitue avec précision les gestes enfantin, maternel, paysan, partisan et résistant, puis divague et expérimente. Les pieds semblent se détacher du corps : chaque orteil, mouvement de talon s’anime et donne vie à une chorégraphie impressionnante, compliquée, autonome et émouvante. Pour son dernier acte, Virgilio Sieni invite un résistant d’hier et d’aujourd’hui, Jean Berthet. Leur performance est basée sur une mimésis, un va et vient qui s’apparenterait à une communion, un relais mais qui manque de spontanéité gestuelle. Dommage ! M-J DHÔ, M.C., DO.M., CLARISSE GUICHARD
Torgnoles de Georges Appaix a été créé aux Bernardines, Exposition Universelle de Rachid Ouramdane à la Minoterie, Aaleff de Taoufiq Izeddiou au Bois de l’Aune, Aix, Mères et filles de Virgilio Sieni au Théâtre d’Arles, Nei volti au Merlan dans le cadre de Dansem
AU PROGRAMME
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Garcia, qui a une écriture chorégraphique à la fois précise et personnelle et a produit quelques très belles pièces, fête ses dix ans en beauté en invitant, pour des créations et au Gymnase, à la fois le Ballet Lausanne, le Ballet Biarritz de Malandain, le Scapino de Rotterdam, les amis du Ballet d’Europeet… les non moins virtuoses (mais hilarants) Ballets du Trockadéro. Avec de tels interprètes, la soirée s’annonce exceptionnelle ! Les 10 ans de la parenthèse Le 6 janv Le Gymnase, Marseille 06 63 55 95 17 www.la-parenthese.com
mant les deux parties d’Empty Moves, deux quatuors expérimentaux qui suivent une performance de John Cage, Empty Words. Preljocaj y a travaillé l’abstraction, renouvelant dans ces pièces une grande part de son vocabulaire chorégraphique qui a depuis alimenté ses créations plus narratives, et ses grandes formes. Empty moves I et II Le 18 janv Théâtre Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr
Vers l’afrique Après son très beau solo où il marquait un Temps d’arrêt, Miguel Nosibor plonge vers ses racines Africaines dont il cherche en son corps des Empreintes. Il s’appuie pour cela sur le texte d’un écrivain malgache particulièrement percutant Jean-Luc Raharimanana, et sur la musique originale de Denis Théry. Une création au Comoedia, logique, puisque la cie En phase est basée à Aubagne.
Ballet Biarritz © Olivier Houeix
Empreintes Le 20 janv Théâtre Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr
Préparez-vous Cygnes La dernière pièce de Maguy Marin n’est pas anodine. Le Monaco dance forum se conclut durant la Amateurs de divertissements, allez-voir ailleurs, ou préparez-vous à être bouleversés par l’une des pièces les plus réussie de la plus percutante de nos chorégraphes. Salves procède par à coups, et chaque fois vous atteint au ventre. Directement, avec une brutalité salvatrice, et nécessaire. Salves Le 6 janv Théâtre de La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu Les 20 et 21 janv Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 www.merlan.org Le 24 janv Scène nationale de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com Le 31 janv Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com Les 3 et 4 fév Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com
semaine des fêtes par la création de Jean-Christophe Maillot par le Ballet de Monte Carlo, un des plus grands ballets du monde. Si vous aimez Tchaïkovski, le répertoire chorégraphique revisité sans relecture déformante, les danseurs d’excellence accompagnés par un vrai orchestre philharmonique, et les ballets narratifs servis par des moyens rares, et le talent de Jean Rouault à la dramaturgie et celui d’Ernest Pignon-Ernest à la scénographie ; si vous appréciez une écriture chorégraphique précise et romantique, qui aime les élans, la fougue et l’absolue perfection des ensembles, allez faire un tour à Monaco pendant les fêtes : les places restent tout à fait abordables au Grimaldi Forum… bien loin de ceux pratiqués dans les opéras parisiens ! Le Lac Du 27 au 31 déc Grimaldi Forum, Monaco 0377 98 06 28 55 www.monacodanceforum.com
Swing Poursuivant leur travail autour de l’œuvre du compo© Didier Grappe
siteur américain Georges Gershwin, José Montalvo et Dominique Hervieu offre avec Lalala Gershwin un savoureux dialogue entre la danse et de superbes images vidéos. Basé sur Porgy ans Bess, le spectacle s’articule notamment autour du thème de la ségrégation raciale, sans didactisme, mélangeant les références jazz, hip hop, charleston ou classique aux images d’archives. L’énergie débordante des danseurs rend le tout époustouflant ! Lalala Gershwin Jusqu’au 16 déc Pavillon Noir, Aix 0811 020 111 www.preljocaj.or
Rafaela Carrasco © Jesus Vallinas
Anniversaire Quatuor Lumineuses La Parenthèse, compagnie dirigée par Christophe Le Comoedia invite le Ballet Preljocaj, en program-
Temps fort flamenco pour Scènes et Cinés qui programme deux grands noms de la danse flamenca, Belén Maya à Port-Saint-Louis, et Rafaela Carrasco à Istres. Avec son dernier spectacle Tr3s, la danseuse de Grenade Belén Maya, qui s’adjoint les talents du cantaor Jesus Mendez et du guitariste Rafael Rodriguéz, livre un spectacle sobre et raffiné à la jonction de la tradition et de la modernité. Rafaelé Carresco, qui fait partie de la nouvelle génération des interprètes du flamenco, allie elle aussi les deux caractéristiques dans sa danse, déclarant à propos de Vamos al Tiroteo que «vivre le flamenco c’est ne pas être dans le présent, c’est construire le futur.» En mettant en scène les chansons populaires de Lorca et des airs de 1931 revisités avec intensité. Tr3s de Belén Maya Le 13 janv Espace Gérard Philippe, Port-Saint-Louis 04 42 48 52 31 Vamos al Tiroteo Le 14 janv Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr
Baile Moins présente cette année, la danse n’en demeure pas moins un événement fort du festival flamenco nîmois. La danseuse de Grenade, Fuensanta «La Moneta» revient à Nîmes avec Extremo Jondo, son dernier spectacle en forme de retour aux racines, dépouillé, qui s’appuie sur la voix profonde de Miguel Lavis (15 jan). Habituée du festival, l’explosive Rocío Molina transgressera encore un peu plus les traditions avec Vinática, pour le bonheur de tous (21 jan). Figure de proue de la nouvelle génération de flamencos français, Eva Luisa, de la cie du même nom, mêle la tradition aux nouvelles influences dans Acuérdate (20 jan). Enfin, événement à ne pas rater, le flamenco pur et dur d’Israel Galván dans La Curva, accompagné de la voix pure et primitive d’Inés Bacán (19 jan). Festival de flamenco Du 11 au 21 jan Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com
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CIRQUE/ARTS DE LA RUE
ARLES | BOIS DE L’AUNE | SIRÈNES | MERLAN | GYMNASE
Noël au balcon Comme chaque année depuis 8 ans, la Ville d’Arles prépare Noël en spectacles et mise en lumière des façades de la Place de la République, avec deux temps forts qui sont les spectacles d’ouverture et de clôture. Cette année L’envolée chromatique, de la bien nommée cie Aérosculpture, accompagnées des cies Quidams et Nano, ouvre les festivités et fera flotter dans le ciel arlésien ballon porteur, oiseaux géants et même un accordéoniste… tandis que les arlésiens du Philharmonique de la Roquette s’allieront avec le Kolektif Alambic pour clore en lumière et musique lors d’une Distillerie d’images qui révèlera les monuments entourant la place (une mise en lumière avec musique enregistrée qui perdurera jusqu’au 1er janvier). Mais le festival fait aussi la
Henri Jeannel ; La cabane de jardin et sa brouette à sons, un manège «bio» à propulsion parentale… ; les histoires de Marie Vidal ; le superbe théâtre d’ombres de la arlésienne cie Lunasol qui permet de souffler le temps de Ninna Ô ; le retour des perturbateurs de bitume déjantés Jacqueline & Marcel ; des Moldaves acrobates et jongleurs… DO.M.
Drôles de Noëls Du 17 au 24 déc Office du tourisme, Arles 04 90 18 41 20 Service culturel, Arles 04 90 49 37 40 www.ville-arles.fr
Envolees chromatiques, cie Aerosculptures, Nano, cie des Quidams © X-D.R.
part belle aux spectacles de rue qui animeront les rues et places chaque après-midi, avec de Drôles de Vélos-
Taco qui vous véhiculeront gratuitement d’un spectacle à l’autre; la fabrication de Chapeaux magiques avec Paul-
Gourmandise © X-D.R
«Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu votes» explique un certain Montbrillant dans son article L’impôt sur le dessert, paru dans un numéro de la revue L’art culinaire. Des exemplaires reliés sont abandonnés avec une fausse négligence sur les tables disposées en un large carré, table de mariage ou de baptême, tables de fête en tout cas, tables de théâtre, puisqu’il s’agit bien d’une pièce à laquelle les 50 convives exercent le privilège d’assortir les bonheurs du palais (9 plats délicats, où crémeux de cèpes charlotte de saumon fumé, tartelette de légumes grillés et confits… se mêlent aux arômes de vins choisis du Château Lacoste) à ceux des mots qui se délectent d’eux-mêmes en envolées lyriques sur les étapes de la dégustation, dissertent avec passion de philosophie gourmande, narrent des parties de chasse à la manière de Maupassant. Les convives sont ainsi pris dans les filets d’un monde étrange où ils se retrouvent à la fois spectateurs et acteurs, répondant parfois aux questions posées par les vrais protagonistes, qui savent avec une adresse de jongleur reprendre au vol les réponses pour en retirer
La note ! Le trauma du Fa#, la sirène de la Cie Délices dada du 7 décembre, mettait en scène deux savants occupés à faire retrouver une note perdue à une soprano © Vincent Lucas
traumatisée par la sirène du mois dernier. Au pied de l’opéra, la chanteuse assise dans un siège médical tentait, entre les deux sonneries, de retrouver Stridi la vampa d’Azucena (Le Trouvère), en une performance bon enfant jouant de clichés distanciés du monde de l’opéra, agrémenté de celui du savant fou des films muets. Des références qui auraient mérité un traitement un peu moins brouillon. A.F.
À venir : Les Yeux de midi net Vincent Lucas Le 4 janv à midi pile Parvis de l’Opéra, Marseille 04 91 03 81 28 www.lieuxpublics.fr
le suc. La table est un théâtre superbe orchestré avec justesse par Serge Noyelle, la musique de Marco Quesada, le texte succulent de Marion Courtis. Un travail subtil sur les codes de la représentation. Un régal ! Dis-moi tes mots et… MARYVONNE COLOMBANI
Entremets-Entremots a été joué par le théâtre Nono au Bois de l’Aune, Aix, du 7 au 9 décembre
Acrobates Invités pour la 3 fois au Merlan, Zimmermann & de e
Perrot allient cette fois leurs scénographies invraisemblables et leur musique électro à l’énergie explosive d’un groupe d’acrobates marocains. Le groupe acrobatique de Tanger affirme sa culture et ses traditions et déambule dans un labyrinthe, passant de l’agitation la plus fébrile à l’immobilité de ceux qui savent attendre. Un époustouflant château de cartes humain. Chouf Ouchouf Du 11 au 14 janv Théâtre du Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 www.merlan.org
Burlesque Les stars du film Tournée de Mathieu Amalric seront sur la scène du gymnase dans un cabaret kitsch et décalé. Strip-tease à l’ancienne, music-hall, théâtre et danse composent avec humour et grivoiserie un numéro poétique et rafraichissant. Le retour du Cabaret burlesque avec ses chanteuses et danseuses girondes et envoutantes qui font renaitre ce divertissement populaire. À partir de 16 ans. Cabaret New Burlesque Du 10 au 21 janv Théâtre du Gymnase, Marseille 0 820 000 420 www.lestheatres.net
32 JEUNE PUBLIC JEU DE PAUME | TOULON | GYMNASE | MASSALIA | LENCHE
Conte cruel
Il n’y a pas de gentil chasseur qui arrive pour tout arranger dans la version de Perrault… Plus réaliste, la version cruelle est destinée à mettre en garde les jeunes filles contre les loups de toute espèce… Aperghis s’empare du texte sans y changer une virgule, mais le remanie en répétitions lancinantes : entre jeu et angoisse, la partition se multiplie, déclinant les thèmes en un éternel retour, et le conte prend par la structure même de l’œuvre sa dimension intemporelle. L’ensemble Reflex joue le texte et la partition avec brio, dans une mise en scène inventive, dérangeante et drôle. Le petit pot de beurre devient un chou, le tuba posé à même la scène joue tout seul… (vive le tuyau d’arrosage !). Les musiciens sont aussi acteurs, danseurs, les masques passent de l’un à l’autre, le petit chaperon rouge et le loup se transforment. Monde d’enfance, d’obscurité aussi : le public enfantin manque de préparation pour accéder au sens du spectacle dont la poésie reste complexe… Un régal en tout cas pour les grands ! Le petit chaperon rouge s’est joué au Jeu de Paume, Aix, les 28 et 29 novembre
© X-D.R
MARYVONNE COLOMBANI
Les esthétiques du jeune public Parce qu’il y a une vraie demande de spectacles familiaux et pédagogiques, et parce que les artistes veulent transmettre et «démocratiser» leurs propositions, le théâtre jeune public est aujourd’hui un laboratoire esthétique, aux orientations les plus diverses. On a pu le constater avec trois spectacles programmés en décembre. Sindbad le marin proposé au Théâtre Liberté et au Gymnase, mis en scène par Laurent Pelly, a de l’abattage, et laisse dans les yeux des enfants des étincelles enchantées. Masculin (pas une femme, celles évoquées sont représentées par des marionnettes), vertigineusement acrobatique, spectaculaire avec ses fumées, ses ombres et
ses tours, le spectacle enchante, et dépayse, le conte oriental inventant des monstres marins sublimes, voyageant jusqu’en Chine, parlant sans fausse pudeur de mariages successifs, d’assassinats pour survivre, et de relation marchande. Mais enfin le traitement dramatique, s’il est séduisant et dédouble intelligemment le héros en narrateur et personnage, reste sur le modèle global du conte raconté aux enfants. Les Grands dictateurs présenté au Théâtre Massalia par le Teatro del Briciole a d’autres ambitions. Politiques. Dénonçant et démontant les mécanismes de prise de pouvoir par les dictateurs historiques -Mussolini et Hitler essen-
tiellement-, Bruno Stori se réfère au film de Chaplin, et s’adresse directement aux enfants, pour les manipuler puis leur donner des armes pour ne plus se laisser faire. Le problème, lors de la représentation scolaire dans la grande salle de la Cartonnerie, est qu’il alluma le feu mais ne parvint pas à l’éteindre : les particularités de nos enfants marseillais, pour le moins explosifs, et trop nombreux pour une séance de maïeutique, l’obligèrent à sortir de son rôle, et à faire preuve d’autorité -paradoxal pour un spectacle qui veut leur apprendre à s’en défendre- lorsqu’ils s’écrièrent comme un seul homme qu’ils voulaient éliminer leurs profs Western © Daniela Neri
(pauvres enseignants qui avaient dû tant batailler pour les emmener au spectacle…) ! Dommage car la démarche du Cycle Politoi, qui s’est poursuivie jusqu’au 14 décembre avec deux autres spectacles, relève d’une éducation citoyenne nécessaire, et de propositions artistiques subtiles et de qualité… Mais c’est avec des bouts de papiers, de tissu et des fils de fer que s’est fabriqué le spectacle le plus poétique : la création de Massimo Schuster au Théâtre de Lenche, Western. Il suffit au vieux poète d’une petite guitare et d’un air de cow-boy pour nous projeter dans un Ouest distancié, ses plaines, ses ranchs et ses saloons, ses Mexicains et ses Indiens, avec une touche de Clint Eastwood, un peu de Dallas, et beaucoup de John Ford revisité par Lucky Luke. Le comédien marionnettiste produit une performance impressionnante, incarnant tous les personnages avec une manipulation minimale, magnifiquement scénographiée : de très beaux décors de papier peint se succèdent derrière le castelet, qu’il domine, à vue, de sa silhouette impressionnante. Car l’illusion ici c’est chacun qui la fabrique, à partir de la poésie offerte en partage. Et de l’humour, omniprésent, qui opère de judicieuses trouées dans l’histoire dont on connaît à l’avance chacun des ingrédients et des détours, mais où on replonge comme en un rêve familier, enfants et parents, ensemble. AGNÈS FRESCHEL
LE REVEST | GRASSE | STE-MAXIME | OUEST PCE
Rêver éveillé !
© Pascal Perennec
Cela va bientôt faire 200 fois que Télémaque joue Nokto à travers le monde et, paradoxalement, c’est la première fois qu’on le voit à Marseille. Et c’est grâce à la tournée orchestrée par la Région que la tente a pu s’installer pour deux représentations dans la cité où les musiciens de Télémaque œuvrent depuis bientôt 20 ans. À la mi-journée, bébés et parents se lovent délicieusement dans une matrice nocturne aménagée, jonchée de larges coussins, pour 3/4 d’heure de féerie. Au fil d’illuminations stupéfiantes, guidés par une sphère rougeoyante, un mobile métallique, un parterre sableux d’où émergent des faisceaux de lumières, à renfort de subtils effets vidéo, la scénographie imaginée par Jean-Pascal Viault fait ouvrir de grosses billes aux bambins. Mais Nokto est un spectacle sonore ! La musique conçue par Raoul Lay est fascinante, hypnotique. Favorisant les fréquences aiguës, la partition, sorte de berceuse moderne bâtie autour d’harmonies polaires, égrenées au tempo ralenti et d’une esthétique zen, est un véritable tour de force (ce que les inter-
Entre-deux eaux Comme un fruit cueilli trop vert, La Scaphandrière manque de rondeur. Affaire de temps -la création est jeune- car tous les ingrédients sont réunis : intelligence de la mise en scène d’Olivier Letellier plus efficace que jamais par sa sobriété ; lumineuse scénographie qui convoque la vidéo avec légèreté et justesse ; subtilité de l’écriture du canadien Daniel Danis qui offre sa langue fleurie à des sujets délicats, l’adolescence, le deuil, les chimères… Le duo bien huilé a
© Ludovic Fouquet
à son actif Kiwi et Oh boy ! déjà plébiscités (voir Zib’16 et 37). L’histoire commence comme un conte ordinaire et s’achève par un conte fantastique, prenant ses racines au bord du lac Loque pour s’immerger progressivement dans les ténèbres aqueuses qui ont tué père et mère. Un monde à vingt mille lieues sous les mers qui entraine Pierre et Philomène à prendre les mêmes risques que leurs parents, chasseurs de perles et d’une vie meilleure. L’ambiance est surréaliste avec le lit-scaphandrier, les photos qui volent, les eaux troubles à l’écran. La langue chatoyante charrie dans son lit un flot de notes magnifiques, sensibles, même si La Scaphandrière nous laisse dans l’attente d’un jeu aussi physique que mental. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
La Scaphandrière a été joué au Revest le 22 novembre, à Grasse les 24 et 25 novembre, à Ste-Maxime le 30 novembre
«Si tu t’lèves pas Johnny…» Il a 12 ans. Johnny travaille depuis l’âge de 7 ans comme un forcené à l’usine, soumis à des rythmes infernaux qui le transforment en pantin désarticulé, épuisé, que sa mère tire du lit tous les matins afin qu’il ne se mette pas «à l’amende». Pendant que ses quatre frères et sœurs eux vont à l’école… Un jour, malade, il ne se lève plus, et dans son délire fiévreux comptabilise les mouvements qu’il fait chaque année, qu’il a fait depuis qu’il travaille. Un délire libératoire pour Johnny qui décide d’en finir avec cette vie et part sur les routes. La compagnie Tara Théâtre adapte une nouvelle de Jack London de 1906, Le renégat, avec un théâtre de marionnettes sensible qui ne tombe jamais dans le misérabilisme mais lorgne
plutôt vers un univers onirique qui laisse libre court aux interprétations. De ce théâtre noir fait d’ombres et de lumières les humains sont absents, et seuls les petits personnages sont éclairés et évoluent dans un décor minutieux et ingénieux qui laisse s’imposer les figures caricaturales des dirigeants de l’usine, et la délicatesse des détails qui surgissent de l’imagination folle de Johnny. Entre rêve et réalité Johnny se relèvera, revendiquant son droit à l’enfance, simplement. DO.M.
Johnny a été joué le 16 novembre à La Colonne, Miramas, dans le cadre du «coup de projecteur sur le théâtre de marionnette»
JEUNE PUBLIC 33
prètes ne laissent pas supposer). Les vocalises étirées, doucement fredonnées par la soprano Brigitte Peyré, sont un casse-tête mémoriel : on les suit à l’oreille, comme les gosses qui ne bronchent pas. Au gré de gestes lents, la chanteuse exécute une chorégraphie éthérée, secondée par la flûte enchantée de Charlotte Campana, dont le souffle magique est enrobé de percussions lumineuses, japonisantes, frottées ou heurtées par Christian Bini. On est ému par l’attention active des tout-petits, par la qualité de leur écoute, par la liberté qui leur est octroyée de biberonner ou de s’endormir… Mine de rien, Nokto est un spectacle unique en son genre : conçu pour les bébés (ce qui est très rare, voire risqué), il fuit la démagogie ou la facilité. Il marquera peut-être l’inconscient des nourrissons qui, devenus grands et spectateurs attentifs, se prêteront au jeu de la musique contemporaine, aux harmonies du Pierrot lunaire de Schoenberg ou du Marteau sans maître de Boulez… JACQUES FRESCHEL
34 JEUNE PUBLIC AU PROGRAMME
Chute © Frederic Berry
Anima théâtre a conçu un voyage initiatique pour les enfants (à partir de 3 ans), à travers l’enlèvement du tableau de la Joconde en 1911. L’héroïne de Léonard de Vinci part à la rencontre de personnages naissants des «grands tableaux d’art», essaye les moustaches de Dali, emprunte les jambes de ballerines de Degas, goute une pomme verte… Images et marionnettes sont au service de cette icône populaire et de son épopée imaginaire. Le rêve de la Joconde Du 5 au 7 janv Théâtre de Lenche, Marseille 04 91 91 52 22 www.theatredelenche.info
Du théâtre dansé à voir dès 3 ans pour découvrir la vie étonnante de la ruche et apprendre à respecter «le plus précieux présent de la nature». Une habitante un peu rebelle, de l’intérieur de cette grande boîte à secrets où se fabrique le miel, raconte sa vision du monde. Appétissant. Bzz… Du 11 au 18 janv Théâtre de Lenche, Marseille 04 91 91 52 22 www.theatredelenche.info
Mano Viva Le 18 janv Forum de Berre 04 42 74 00 27 www.forumdeberre.com
Ikare Du 6 au 20 janv Espace Gérard Philipe, Port-Saint-Louis 04 42 48 52 31 www.scenesetcine.fr Le 20 janv Espace Robert Hossein, Grans 04 90 55 71 53 www.scenesetcines.fr
Cirque
Le 22 fév Forum de Berre l’Etang 04 42 74 00 27 www.forumdeberre.com
Surgi d’un piano magique, un petit personnage facétieux de boite à musique s’anime au rythme des notes. Une ingénieuse scénographie, quelques prouesses acrobatiques pour finir par un petit tour de carrousel… sans mots mais qui laisse sans voix. Le Carrousel des moutons Le 14 déc Théâtre la Colonne, Miramas 04 90 58 37 86 www.scenesetcines.fr
Enfances
Sur fond de paysages d’enfance, trois artistes nous entrainent dans une ronde de sensations et d’émotions. Un mélange d’images, de sons et de danse pour évoquer le temps de l’enfance où le Moi se confronte à l’Autre pour vivre et grandir. À partir de 3 ans.
© X-D.R.
Moi seul Le 18 janv Théâtre de Fos 04 42 11 01 99 www.scenesetcines.fr Le 21 janv Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 55 24 77 www.scenesetcines.fr
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L’auteur metteur en scène d’origine béninoise José Pliya explore dans cette adaptation du conte de Charles Perrault le cheminement intérieur d’un père bousculé dans sa propre histoire. La figure paternelle endosse le rôle du narrateur, rongé par la culpabilité, qui part à la recherche de ses enfants abandonnés. Une leçon d’émancipation qui mêle intelligence, sagesse et imaginaire. Mon petit poucet Le 13 janv Théâtre d’Arles 04 90 52 51 50 www.theatre-arles.com
Un spectacle sans paroles, de courtes histoires en forme de paraboles, des marionnettistes de mains, magiciens et jongleurs, quelques accessoires et c’est tout l’univers du cirque en miniature recréé avec virtuosité par cette étonnante famille d’artistes italiens. On applaudit des deux mains !
Moutons
Nectar
Père
Mains
Ça n’est pas vraiment l’histoire d’Icare, ni la petite journée dans la petite vie d’un petit personnage. Ikare c’est la rencontre entre Elle, Lui et ce petit bout de papier froissé, découpé, réinventé. Un moment d’exploration, drôle et renversant, autour de la chute et de l’envol, de l’audace et de la prise de risques. À partir de 18 mois.
© X-D.R.
Mona Lisa
Les enfants de la reine mère d’un vieux cirque, Pink et Punk, accompagnés de compagnons d’infortune, partent pour une épopée à la conquête du public de la vaste et sauvage Pampa. La nouvelle création de Joël Jouanneau, pour les enfants de 7 à 107 ans, délivre les mots en cage et réinvente les numéros de cirque, à base de cabrioles avec la grammaire et de saut à l’élastique avec le subjonctif. PinKpunK CirKus Le 11 janv Scène nationale de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com
© A. Desfosses
Conte
Dans cette adaptation de Blanche Neige, Nicolas Liautard invente une suite de tableaux sans paroles d’une beauté incommensurable. Un poème visuel poétique dans lequel le metteur en scène appelle notre mémoire collective et intime pour retrouver la grammaire des images et des sons liée au conte. Blanche Neige Le 21 déc Carré Léon Gaumont, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com
JEUNE PUBLIC 35
Farce © Serge Dangleterre
Inspiré de Riquet à la Houppe de Perrault, l’Imparfait d’Edwige Cabélo est un conte musical dont les canons de beauté sont l’allégorie de ceux de notre époque : une dictature de l’apparence où les défauts n’ont pas leur place. Un opéra miniature aux infinies métamorphoses, mis en scène par Philippe Ricard (les chansons sont interprétées par un chœur d’enfants du CNRR de Toulon). L’Imparfait Le 10 janv Théâtre Liberté,Toulon 04 98 00 56 75 www.theatre-liberte.fr
Du rêve et de la réflexion
M & Mme Sömmerflügel Du 17 au 20 déc Pôle Jeune Public, Revest-les-Eaux Les 15 et 16 déc Théâtre du Rocher, la Garde 04 94 08 99 34 P.P Les p’tits cailloux Le 13 janv Pôle Jeune Public, Revest-les-Eaux Sans ailes et sans racines Le 17 janv Pôle Jeune Public, Revest-les-Eaux 04 94 98 12 10 www.polejeunepublic.fr
La Farce de Maître Pathelin Du 11 au 13 janv Jeu de Paume,Aix 0 820 000 422 www.lestheatres.net Le 17 janv Théâtre la Colonne, Miramas 04 90 58 37 86 www.scenesetcines.fr Du 31 janv au 2 fév Théâtre des Halles,Avignon 04 90 85 52 57 www.theatredeshalles.com
Amarelles
Temps forts
Au théâtre Massalia, la cie foraine Attention Fragile débarque avec sa roulotte et sa tente marocaine pour faire Le tour complet du cœur. Ce spectacle fait revivre l’épopée d’Antoine Garamond, de sa famille, et de 37 pièces de Shakespeare. Le tout joué par un seul homme. Dans le cadre du Temps fort petite enfance, Petits Concerts tournera du 9 au 13 janvier dans les crèches avec ses chants d’hier et d’aujourd’hui, anciens et traditionnels, de différents pays, classiques et contemporains. Puis du 14 au 17 janvier, le théâtre accueillera Aurélie Maisonneuve autour d’un répertoire vocal choisi parmi les créateurs d’aujourd’hui. Assis sur des coussins autour d’un cercle, les enfants (à partir de 6 mois) chemineront à travers les découvertes sonores et les pièces vocales. Ils pourront aussi découvrir à la suite, Azuki, une pièce musicale sur la construction de soi, l’existence à travers la voix et le bruit des matières. Une belle invitation à l’écoute entre une voix de soprano et de basse. L’exposition Heureuses Lueurs accompagnera ce temps fort. Flop fait partager sa fascination pour la lumière, l’ombre et l’image en mouvement. L’artiste travaille sur de petites machines à projeter, mécaniques volontairement visibles, élaborées à partir de matériaux simples. Les murs deviennent des paysages de distorsions dans lequel petits et grands peuvent déambuler et paresser. Des ateliers sont mis en place autour de cette installation. Le tour complet du cœur Du 17 au 23 déc Petits concerts Du 9 au 13 janv Graines d’écoute Du 14 au 17 janv Azuki Les 20 et 21 janv Heureuses lueurs, allusions d’optique Du 7 au 28 janv Théâtre Massalia, Marseille 04 95 04 95 70 www.theatremassalia.com
Les attractions extraordinaires © Sabrina Martinez
Dans le cadre du Festival Amarelles, 3 spectacles de qualité à découvrir au théâtre de Draguignan. Molière jeune public 2010, Oh boy ! est un récit initiatique bouleversant autour de l’histoire de la profonde transformation d’un jeune homme qui se découvre, à 26 ans, une fratrie disloquée et de nouvelles responsabilités. Des sujets de fond sont abordés, famille recomposée, abandon, adoption, quête des origines, normalité… Un conte moderne, dès 9 ans, qui interroge une société en mouvement. Du cirque, du jonglage et des marionnettes dès 6 mois, ça n’est pas courant. La Cie l’Autre Main s’est inspiré du cirque de Calder pour une balade poétique à travers les cultures. Un univers insolite, en musique et sans paroles, pour voyager dans l’imaginaire du cirque traditionnel et contemporain. Et puis Terre !, la nouvelle création lumineuse de Nino d’Introna (nominée aux Molières 2011 !), sur un texte de Lise Martin, qui part de l’enfance et de la métaphore du bac à sable pour traiter avec humour et poésie de notre incapacité à vivre ensemble pour partager un territoire. Oh Boy ! Le 7 janv Les attractions extraordinaires de la femme chapiteau Le 11 janv Terre ! Le 18 janv Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com
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Programmés par le Pôle Jeune Public, 3 spectacles pour occuper la fin d’année. Le monde miniature et merveilleux du cirque de M & Mme Sömmerflügel séduira les enfants des classes maternelles. Deux histoires rassemblées en un spectacle drôle, sensible et fantasque. Pour les plus grands, un thriller cartoon déjanté avec P.P Les P’tits Cailloux, qui nous entrainera sur les traces du Petit Poucet, pour questionner la notion de fratrie. Un pied de nez jubilatoire à nos imageries traditionnelles signé Annabelle Sergent. Et pour les grands ados (pas avant !), le troublant et magnifique Sans Ailes et sans racines. Les comédiens, père et fils dans la vie, racontent l’histoire de deux générations d’immigrés en Belgique. Mais pas forcément la leur. Le père, immigré à 7 ans, a intégré les notions de démocratie et de liberté individuelle, allant jusqu’à choisir l’athéisme. Son fils a grandi en Belgique et s’est tourné vers un islam militant. Les sentiments d’abandon et de révolte du fils font face à l’incapacité du père à entendre la souffrance dans laquelle il s’emmure. Un duel frontal dont la violence nous interpelle et nous fait réfléchir. Longuement.
La metteure en scène Agnès Régolo s’attaque, avec son énergique et fidèle troupe, à LA comédie satirique de l’époque médiévale. Dans cette farce anonyme où il est question d’argent et de profit, toutes les excuses sont bonnes pour manigancer, exploiter et escroquer les autres. Les personnages qui y sont présentés sont tous de réjouissantes canailles et Pathelin, avocat sans cause, est le maître d’entre eux. À partir de 10 ans.
Le tour complet du coeur © Jean-Francois Gaultier
Apparences
36 MUSIQUE CONTEMPORAINE © Agnès Mellon
Un ECO qui résonne ! Ce soir-là, dans l’Alhambra rénové, près du Pôle Instrumental Contemporain qui dès 2012 sera consacré à la création, Raoul Lay et William Benedetto avaient convié des musiciens de l’ECO (European Contemporary Orchestra) autour de la figure de Zappa. Pour un concert, et la projection du mythique 200 Motels. Le concert reposait sur des regards contemporains croisés entre acoustique et électronique, en présence des compositeurs. Des œuvres en création, commandées par l’ECO. Ezequiel Menalled, jeune argentin, dirige Retazos, pour percussions, guitare électrique, clavier électrique, accordéon : écriture minimaliste en segments récurrents, long souffle où les timbres noient les notes. Alice Berni, dans Icla, pour accordéon et percussions, s’amuse des questions-réponses
aux instruments et se plaît à utiliser un archet sur les lames du vibraphone ; Rebonds de Xenakis pour percussions solo permet à Christian Bini de montrer sa technique brillante, sur cette partition impressionnante, un classique de la percussion contemporaine. Magnetismo Aureo, création de Luca Macchi dirigée par Raoul Lay, au geste toujours précis, est une œuvre plus aboutie que celles de ses jeunes confrères ; les instruments acoustiques (Christian Bini et Jean-Marc Fabiano, accordéon, de Télémaque) y rivalisent avec les instruments électriques (Aljosja Buijs, clavier, Paul Vos guitare électrique Orkest de Ereprijs, PaysBas) par des effets permanents, dans un temps et un espace sans limite. Olivier Stalla, enfin, propose un arrangement de Black Page de Zappa, pour le même
Fraichement rénové, le cinéma l’Alhambra de l’Estaque a rangé les bobines pour accueillir l’Orchestre Régional de Cannes le 7 décembre. Avec des répétitions publiques en journée et un concert gratuit en soirée, la formation dirigée par Philippe Bender a une fois de plus permis à des publics peu habitués au concert un accès direct au grand répertoire. En résidence dans les quartiers nord (lycées Diderot et Saint-Exupéry) pour un travail de fond où les élèves rejoignent la scène pour slamer leurs propres textes, l’ensemble cannois s’est illustré dans un programme varié et enlevé. Légère et virevoltante, la Symphonie italienne de Mendelssohn a côtoyé le 1er mouvement de la 5e de Beethoven, des extraits de la sérénade pour cordes de Tchaïkovski… et un étonnant concerto pour deux percussions (marimba, vibraphone...) et cordes du catalan Brottons, œuvre miroir de la société contemporaine dont les couleurs oniriques rendent hommage à Bob Dylan et Joan Baez, symboles de paix et d’amour après un «conflit» impressionnant de virtuosité. Une prestation de qualité et une action pédagogique singulière, à souligner. FRÉDÉRIC ISOLETTA
Orchestre regional de Cannes © Philippe Laville
La culture en mouvement
quatuor : la batterie originale impulse le rythme rock tandis que guitare, clavier et accordéon apportent de belles harmonies ; on aurait juste aimé que le guitariste imprimât une énergie plus zappienne ! 200 Motels, tourné à Londres, en vidéo, par Tony Palmer et Frank Zappa, dans des décors de carton pâte, est devenu un film culte. Il «raconte» une tournée des Mothers of Invention dans l’Amérique raillée par le compositeur-réalisateur, celle des pompoms girls et du KKK, des comédies sucrées et des pubs pour dentifrice, des bouseux de Centerville protégés par des militaires de pacotille et des barbelés. Satire et autodérision. «Les tournées rendent fous», prévient-on : tensions des égos, drogue, sexe (Keith Moon, batteur des Who, déguisée en religieuse ouverte à tous les outrages), revendications contre le boss Zappa incarné dans la pilosité triomphante des Seventies par Ringo Starr. Le film aurait pu se couler dans la forme d’un road movie musical, mais l’espace ici ne s’étire pas vers l’horizon, il se creuse, se sculpte. Superpositions, simultanéité, polyphonie, le film naît d’une partition complexe rageusement élaborée jouant sur des clés multiples et des ruptures : le Royal Philarmonic Orchestra et le Top Score Singers se glissent sous le rock du groupe. La musique est omniprésente, omnipotente. À l’écran, les effets foisonnent : solarisation, surimpressions, dessins animés, accélération frénétique. Les mythologies fondatrices se mêlent : Aladin et sa lampe aux fumées hallucinantes, Faust en manager exigeant le sang contre une bière. Dada et les séries B ne sont pas loin, au pays des aspirateurs mutants. Quarante ans après sa réalisation, voir cet objet cinématographique qui n’en finit plus reste une expérience éprouvante, voire pénible, mais stimulante ! YVES BERGÉ ET ÉLISE PADOVANI
L’île du jour d’avant Il existe un lieu qui n’existe pas, frontière invisible entre un passé révolu et un futur qui n’est pas encore. Funambules sur une ligne imaginaire, les bâtisseurs du MIM (laboratoire Musique et Informatique de Marseille) ont investi ce pays, à la limite du fertile, faisant émerger du silence une terre de sons. L’accordéon, vestige d’un monde perdu, associé au multimédia, à l’électroacoustique ou en soliste, servit de marqueur sonore à cette soirée. Éclats de mémoire, souvenirs, projections, constructions, reconstructions, autant d’éléments épars distribués dans l’espace, qui invitèrent l’auditeur à se muer en opérateur. De l’espace pixelisé de Bricollages de Pascal Gobin, aux sons de la Toscane de Philippe Festou, en passant dans l’infra monde de Nicolas Bauffe et ses sub basses à la limite du supportable, chacun fut amené à se créer son propre univers et à se fixer ses propres limites. L’association du son et de l’image, préoccupation première des artistes du MIM, matérialisée par les pièces de Philippe Bootz et Marcel Frémiot ainsi que Frank Dufour, paracheva cette expérience unique. Et le temps reprit son cours… CHRISTOPHE FLOQUET
Ce concert a eu lieu le 8 décembre à la Cité de la musique
De Duparc à Ginoux
© Claude Lorin - Zibeline 2011
L’Invitation au voyage, Phydilé, Chanson triste, sublimes mélodies, tubes d’Henri Duparc qui inondent conservatoires et salles de récital depuis un siècle, et les Trois chansons de Bilitis de Debussy, d’un modernisme exquis, sur des poèmes de Pierre Loÿs, constituaient la première partie d’un concert dédié à l’amour. Un parcours romantique, puis impressionniste, jusqu’à la création du jeune compositeur Lionel Ginoux, Un brasier d’étoiles, sur des poèmes d’Alain Borne : huit mélodies constituant un cycle dédié à Marion Liotard, pianiste, et Cynthia Ranguis, soprano. La pianiste se joue des difficultés avec aisance : couleurs impressionnistes debussystes, harmonies wagnériennes de Duparc. Chez Ginoux, l’écriture est ample : longues introductions installant un climat, larges descentes dans le grave, utilisation de tous les re-
gistres et modes de jeux ; fortissimo impressionnant dans «j’ai vécu»; grands accords en ostinato, trilles répétées, unissons stricts. Pas d’éclats contemporains : ni atonalité ou polytonalité, ni polyrythmie. Il le dit lui-même, «j’ai voulu être un continuateur». Du coup Debussy sonne plus contemporain que Ginoux ! La soprano Cynthia Ranguis a une voix solide, large dans les aigus, avec de beaux graves, mais souffre parfois d’une expression tendue (poids du programme ?) dans cet hommage à l’amour. L’invitation au voyage de Duparc, aux sublimes contours, avait du mal à convier à la sensualité, à tendre les bras… YVES BERGÉ
Ce concert a été donné les 25 et 26 nov au Parvis des Arts, Marseille
Victimes de la Mafia «En Sicile, nous nous efforçons de voir l’aspect comique des choses, mais tout semble destiné à tourner à la tragédie.» Les mots de Roberto Alajmo, poète sicilien, étaient le fil rouge de ce concert à l’Institut Culturel Italien. Dans le cadre de l’opération Suono Italiano (voir Zib 46), le Conservatoire de Trapani est à l’honneur le 16 nov. Les frères Mancuso, aux voix si particulières, anches doubles nasillardes, bombardes venues du fin fond de la Méditerranée, rient, pleurent, gesticulent, respirent ensemble. Ils se collent l’un à l’autre, braillent des sons aux vibrations étranges, décuplant leur rage. La Mafia et ses morts régulières, est une amère compagne ; on fait avec, on n’a pas le choix ; la musique de Marco Betta est directe, puissante, entre révolte et résignation. Suivent de belles mélodies plaintives au violoncelle et piano. La guitare, la vielle à roue, rattache cette musique à une tradition populaire. En voix off, mots de Nando Dalla Chiesa : «Heureux le pays qui n’a pas besoin de héros» ! Hommage au Général Dalla Chiesa, son père, sauvagement assassiné par la Mafia : nommé Préfet de Palerme le 1er mai 1982, il meurt 100 jours plus tard. Mais le sourire renaît avec des mélodies nimbées de bulles d’air et d’espoir suspendu. Siamo l’acqua che non arriva al mare (Nous sommes l’eau qui n’arrive pas à la mer). YVES BERGÉ
38 MUSIQUE LYRIQUE
Doublés gagnants Pour sa deuxième production lyrique de la saison, l’Opéra de Toulon a eu l’idée lumineuse de s’associer avec le
GTP d’Aix, pour mettre ensemble leurs moyens, faire voyager l’orchestre et convier un metteur en scène de talent. Bastien Bastienne © Agnès Mellon
D’abord la bouffe, après la morale… Les mots de Brecht reprennent de la force, en ces temps de crise où nombre de gens commencent, littéralement, à avoir faim. Les criminels et les mendiants de son Opéra de quat sous retrouvent hélas une actualité qui fait frémir… d’autant que la musique de Kurt Weill n’a pas perdu une once de sa force et de son ironie grinçante. Elle reste LE modèle de la musique de scène, même si elle pose bien des problèmes aux comédiens qui doivent être chanteurs… En avril, Laurent Pelly a fait entrer la pièce au répertoire de la comédie française en choisissant de faire chanter les sociétaires, ce qui n’allait pas sans déconvenues musicales. Mais enfin Brecht
Bastien et Bastienne et Le directeur de Théâtre, deux singspiel de Mozart écrits au début et à la fin de sa courte carrière, sont combinés l’un à l’autre, ou plutôt l’un dans l’autre, avec à-propos et mises à jour judicieuses. Dans l’exercice compliqué de mixage de textes, parfois traduits, et de musique, Frédéric Bélier-Garcia a brillé par son esprit de synthèse : sa mise en scène délicieusement licencieuse des deux ouvrages, où se mêlaient habilement humour et grivoiserie, gogo danseuses et chippendale à l’appui, est une réussite totale sur le plan dramatique. En effet, cette nouvelle œuvre aux allures de théâtre classique respectait à la lettre la règle des trois unités ! La distribution vocale, aux timbres parfaitement homogènes et techniquement irréprochables, avec une mention spéciale pour les «prime donne» incarnées avec brio
l’a créé avec des chanteurs de cabaret, nettement plus canailles, mais qui ne chantaient pas plus juste ! Laurent Fréchuret a choisi de confier certains rôles très lyriques (Lucy, en particulier, et Jenny) à de vraies chanteuses, lyriques, qui sont splendides à la fois dans leurs arias (car il y en a) et dans leur jeu. Elles permettent d’entendre toute la subtilité, les pastiches, les contrechants de la musique de Brecht, interprétée avec talent par une formation qui sonne bien, chaleureuse quand il le faut, éclatante souvent (malgré la tendance à accélérer les tempi), surtout dans le moment jazz… Mais les autres chanteurs, du coup, souffrent de la comparaison : si Peachum dans le genre canaille s’en tire très bien, Polly Peachum hulule, Mackie est nasillard, et madame Peachum chante faux à l’octave du dessous. Le pari lyrique n’est donc pas totalement réussi, mais les chœurs face public revêtent une force peu commune, et le propos brechtien -l’homme serait bon sans les «circonstances», abominables, où les puissants placent les pauvres- gagne beaucoup de lisibilité dans cette version française où les songs
par Olivia Doray et Julia Kogan, ainsi que la direction musicale, confiée pour l’occasion à l’impeccable Pascal Verrot, englobaient le tout dans un écrin à la couleur baroque très cohérente. Décors et costumes, simples mais efficaces, conféraient à l’ensemble un aspect kitsch à souhait mais subtilement anachronique dans lequel les chanteurs semblaient se délecter de la schizophrénie de leur double jeu aidés par d’excellents figurants. Après Toulon où la production a reçu un accueil chaleureux, le public aixois s’est délecté de cette splendide relecture-création mozartienne, seule véritable production lyrique de la saison. Hors festival ! ÉMILIEN MOREAU
sont enfin audibles. La Criée, pleine comme un œuf, applaudit à tout rompre au propos révolutionnaire. Comme chaque fois que Brecht, Dario Fo, ont occupé ce plateau. Vous parliez de public bourgeois ? AGNÈS FRESCHEL
L’opéra de quat sous a été joué à la Criée du 7 au 10 décembre © JM Lobbé
Heureux Devereux
© Christian Dresse
L’adage selon lequel, aujourd’hui, l’art du belcanto (et les voix qui vont avec !) se perd, a été démenti lors des représentations de Roberto Devereux à l’Opéra de Marseille. Dans une version concertante, sans mise en scène ni costumes, on perd en confort visuel ce qu’on gagne en attention sur le son. De fait, le livret alambiqué et sans grand intérêt sur lequel a travaillé Donizetti en 1837 ne possède pas de quoi attiser l’imaginaire des metteurs en scène. Du coup, sans regret, on s’est concentré sur le son. L’orchestre placé sur la scène pose naturellement un problème aux chanteurs qui doivent davantage «rivaliser» avec lui, alors que les voix passent plus facilement au travers du mur sonore qui monte de la fosse. Là le plateau s’est allègrement tiré du piège, grâce à des qualités techniques, de bonnes
dimensions vocales et un engagement sans réserve. En tête, on retient la prestation époustouflante de Mariella Devia qui, à plus de 60 ans, prouve qu’on peut toujours chanter pleinement un répertoire dont on n’a jamais quitté les rivages. À ses côtés, Béatrice Uria-Monzon se moule dans une vocalité superbe qui semble taillée pour elle, Stefano Secco est un bijou de ténor lyrique et Fabio Maria Capitanucci déploie un timbre somptueux de baryton. Cerises sur le gâteau, le «second plan» du ténor Julien Dran est excellent, quand la direction tonique et élégante d’Alain Guingal magnifie les prestations de l’Orchestre et des Chœurs de l’Opéra. JACQUES FRESCHEL
Thaïs d’aujourd’hui En produisant Thaïs l’opéra d’Avignon rend hommage au grand compositeur français Jules Massenet mort en 1912. Ayant pour cadre historique l’Egypte du IVe, le roman d’Anatole France relate un drame entre une courtisane (Thaïs) et un moine cénobite (Athanaël) : voulant sauver l’âme de la courtisane, le moine développe pour elle des sentiments qui la conduiront inconsciemment vers la mort. Extraordinaire en Athanaël, Marc Barrard a interprété ce rôle difficile avec une diction impeccable qui a permis de faire oublier celle d’Inva Mula (Thaïs), dont la magie vocale a cependant entièrement séduit le public. Dirigés par Jean-Yves Ossonce, l’orchestre et sa soliste Cordelia Palm (que d’émotion et de sensibilité dans la célèbre Méditation !) ont contribué au succès musical de la représentation. Quant à la mise en scène, Nadine Duffaut a une nouvelle fois opté pour un dépoussiérage scénique : «J’ai choisi de transposer l’histoire dans une grande métropole à notre époque, car pour moi le récit de Thaïs est d’actualité.» C’est donc un sujet atemporel qu’elle porte à la scène, l’éternel conflit de l’âme et du cœur : vidéos projetant les inavouables pensées d’Athanaël, décors noirs et blancs épurés, moines en blouson de cuir ou en chineurs aguerris, courtisanes en tenues ultra légères pailletées et très colorées. Malgré les longues huées d’un public trop empreint de tradition opératique, une seule partie de ce spectacle est véritablement surprenante : le ballet du 1er acte, présentant des couples se formant et se déformant, en une chorégraphie peu convaincante. CHRISTINE REY
Thaïs a été joué à Opéra-théâtre d’Avignon les 27 et 29 novembre © Cedric Delestrade-ACM Studio
Bijoux d’opérette Un joli travail de vulgarisation du lyrique que le spectacle d’Aude Sardier, soprano, et du baryton Bernard Imbert. Voix justes et bien placées, beaucoup de vivacité, une interprétation intelligente des airs… Tout commence par un jeu de reconnaissance avec le public, Ave Maria de Schubert, de Gounod, de Caccini ? Duos expressifs du Comte et de Suzanne, de Papageno et Papagena… et puis le monde bascule, avec Rossini, un superbe duo des chats, et l’opérette reprend ses droits, délicieusement, Cahin caha, la Mouche duettise, «c’est charmant» ! On achève avec l’opérette marseillaise, le parfum de Fernandel et la recette de la bouillabaisse… Le public est conquis, les grands airs semblent plus proches… En ter, c’est «L’heure exquise qui nous nous grise». Un ensemble d’une belle qualité qui a le mérite de rendre à nouveau populaire une musique qui se détache peu à peu du grand public. MARYVONNE COLOMBANI
Opéra mon amour a été chanté le 18 nov à Trets, Salle Casino
40 MUSIQUE RÉCITALS
HFAB 23 une passion amoureuse avec Hanna Fuchs : la construction et le sérialisme Viennois permettent une objectivation du pathos, au service de l’évocation latente puis de la rédemption. Le Cuarteto Arriaga permettait cette distanciation au service de l’expression pure, dans des pages de funambules de l’archet. Un contraste stylistique et un lien vers le lendemain, leçon de vie. Les fraternels Girard clôturent le cycle et donnent des frissons dans le presto racé du n° 5 des matures Erdödy op 76 de Haydn avant Bartok (n°2) et Schumann (n°1).
Quatuor Sine Nomine © Pierre-Antoine Grisoni
Traditionnel week-end Quatuors à la Chapelle du Méjan d’Arles fin novembre : une programmation éclectique, du classique Viennois (Haydn, Beethoven) au moderne en passant par les romantiques Schumann (quatuor en la mineur) et Regger (la clarinette volubile de J. L. Estrellés s’ajoute au carré magique). Des joyaux qu’on ne se lasse pas de retrouver ou de découvrir dans le contexte d’un jeu de chaises musicales qui bouscule les styles. C’est Sine Nomine qui le premier fait parler la colophane : encadré par Beethoven (notamment le multiforme 14e quatuor) Britten répond par le tour à tour grinçant ou lyrique 3e, aux évocations Vénitiennes. Durant la soirée centrale, c’est la suite lyrique d’Alban Berg qui exprime ses pensées latentes, concrétisée par un matériau dont la symbolique des chiffres (23 pour Alban) et des notes traduit
PIERRE ALAIN HOYET
Le week-end quatuors a eu lieu à la Chapelle du Méjan, Arles les 25, 26 et 27 novembre
Douche froide Jean-Efflam Bavouzet © Guy Vivien
Festif
Fête de la musique, dans la bonne humeur et sans prétention, si ce n’est celle de partager le plaisir de jouer au Comoedia où se rencontraient le Quintette à vents de Marseille et, sous la direction de Jean Mateo, l’orchestre d’harmonie de la ville d’Aubagne. Après une première partie où le quintette présente de façon didactique et enjouée une panoplie de danses du monde, de l’Intrada Hongroise du XVIe aux suites de Lully, du menuet de Mozart à la danse norvégienne de Grieg, la valse de Fauré, le rigaudon du Tombeau de Couperin (on apprend à propos que le rigaudon est natif de Gap !), jusqu’à la danse guerrière percussive de Tomasi et une
quel dommage d’avoir été aussi peu aventureux dans le choix du répertoire ! Encadré par la très néo-classique suite pour orchestre Les oiseaux de Respighi et la Symphonie n°3, op.56 de Mendelssohn d’un classicisme redoutable, le très jazzy Concerto en sol de Ravel, brillamment interprété par le pianiste Jean-Efflam Bavouzet paraissait in fine presque moderne ! Quel dommage que la création initialement annoncée n’ait pas eu lieu !
Acceptée depuis peu en son sein par l’Association Française des Orchestres, la phalange de l’opéra de Toulon participait cette année à la 4e édition de la manifestation Orchestres en fête. Initialement bâtie autour d’un programme où devait prendre place une création, la soirée fut finalement conventionnelle même si certains spectateurs eurent le privilège de siéger au milieu des musiciens. La direction de Giuliano Carella, toujours aussi alerte et l’excellente prestation technique de l’orchestre ne manquèrent pas de satisfaire l’auditoire mais
ÉMILIEN MOREAU
Épreuve de force
bossa nova au parfum fellinien, l’orchestre d’Aubagne entre en scène. Transpositions de musiques de film, Les 7 mercenaires, 8 et demi, Pirates des Caraïbes, Le Masque de Zorro… Un travail de passion pour ces amateurs et un programme d’une belle longueur, assorti de quelques couacs ! Enfin en «création mondiale», Comptinerie du tromboniste François Michels par les deux formations, professionnelle et amateur. Un jeu léger sur les comptines de notre enfance, délicieux ! M.C.
Concert donné à Aubagne le 3 décembre Orchestre d'Harmonie de la Ville d'Aubagne © X-D.R.
Avec une programmation presque entièrement dédiée au piano pour cette nouvelle édition, le Festival de Toulon accueillait le 16 novembre le pianiste américain Nicolas Angelich en guise d’ouverture. Baptisé pour l’occasion «Grand piano à Neptune», le concert n’a pas usurpé son titre. En effet, doté d’un jeu aux dynamiques puissantes et contrastées mais sans une once de lourdeur, le pianiste a conquis les spectateurs avec un répertoire plus qu’alléchant. La virtuosité imposée par les Sonates n°5 op.10 et n°32 op.111 en ut mineur de Beethoven rivalisait avec la poésie imagée que dégageaient les Etudes-tableaux op.39 de Rachmaninov. Ces monuments pianistiques ont été interprétés avec un souffle rare, porté par des phrasés au rubato intense et par un toucher, tantôt viril tantôt délicat, qui mettait en évidence une forme de fragilité où l’interprète habité, les yeux mi-clos, fit l’impression d’un d’équilibriste évoluant sur un fil qui jamais ne céda. Magistral. E.M.
MUSIQUE 41
55 concerts de Noël, gratuits et courus, déploient leurs chants divers dans le département des Bouches-du-Rhône, à l’initiative du Conseil général
Noel napolitain, Cantata © X-D.R.
Noel swing, Cotton candies et Doodlin' © X-D.R.
Jingle Bells Rock ! Quand deux groupes de swing se rencontrent, les Cotton Candies (quintet instrumental et vocal) et les Doodlin (trio vocal féminin), les chansons de Noël nous enveloppent d’une énergie communicative incroyable. Les églises se transforment en caveau de Broadway années 40. Karim Tobbi, voix souple et sensuelle, charme par sa présence élégante. Les subtils arrangements de Renaud Perrais, saxo ténor, clarinette, trompette, où claquent de belles septièmes majeures, entraînent un ensemble polyphonique étonnant de précision et de chaleur vocale. Clément Tardivet, piano-chant, excellent pianiste, donne le souffle, contrebasse et batterie apportent pulsation et groove nécessaires. We wish you a merry Christmas, Silent night, Mister Sandman, Frosty the Snowman et White Christmas sont la plus belle invitation aux fêtes de Noël : un voyage majeur pour un concert d’ouverture de grande qualité.
voix nasales, voix de tête, de poitrine, rauques, âpres, populaires, appuyées. L’une entonne, les autres se greffent, en tierces ou mélismes, sur les basses fondamentales. Des litanies à la Vierge devant la statue : émouvant recueillement, intemporel. Trompette, bugle, cor, saxophone, clarinette basse, percussions se mêlent à cette quête caustique sans complaisance. Clins d’œil de musique concrète (vent, oiseau, cris, bruitages…) pour rendre plus crédible encore l’espace, l’itinéraire. Entre Noël et Epiphanie, ces chants, des Pays d’Oc (Lei paures) et d’Italie (Litanie Lauretane), nous rappellent que les musiciens ont longtemps erré comme des mendiants. Leur quête ? Une lumière, un homme providentiel, une âme… Un spectacle essentiel de la Cie Lamparo, populaire et savant, lucide mais festif, sur l’échange, la transmission, l’héritage, la tolérance, où l’errance des Rois Mages nous renvoie à nos incertitudes, quand on sait que la mendicité est punie… aujourd’hui !
Noëls Nomades citoyens
Napolitain
C’est l’errance des mendiants qui nous convient à leurs chants. L’église -autel, nef, tribune-, résonne d’étonnantes polyphonies, accompagnées ou a cappella, dans un travail sur les timbres remarquable :
Ce Noël Napolitain plein de fraîcheur et d’authenticité, rappelle les influences et les individualités qui irriguent la culture Méditerranéenne latine et occitane. Les thèmes sont parfois communs : la
crèche provençale, la pastorale, représentatives d’une tradition récurrente des Napolitains à la Provence (I Magi, une reprise du Provençal Sabol : Sant Jousé m’a dich, …). Parallèlement, beaucoup d’évocations della Madonna la main sur le cœur, une Canzone di Razullo aux airs de Commedia dell arte pour faire contraste et entraîner un public complice avant une villanelle ou le timbre d’une Friscalettata dont le nom évoque déjà la musique. L’instrumentation est typée et délicieuses : Zampogna, mandolines, mandoloncelle, fifres et flûte double pour accompagner à l’unisson, en accords, les deux chanteurs qui confirment ce sens de la mélodie propre à la péninsule. Des bourdons agrémentent le tout, conclus par des accelerandos endiablés au oud rappelant les rivages opposés. Comme un parfum de musique… YVES BERGÉ ET PIERRE-ALAIN HOYET
À venir : Les chants de Noël se poursuivent jusqu’au 23 décembre www.culture-13.fr
L’archet et le marteau… mal la faucille de Jdanov (Les accents populaires de l’(al)chimiste Borodine concluront avec le 2e quatuor). Soulevée pour de bon par ces pages, la première violoniste est extatique dans le duo en harmonique de l’intermezzo avec le pianiste Andrei Korobeinikov, et ses partenaires le lui rendent bien. Le pianiste, investi puis irréprochable dans les Préludes de Rachmaninov confirme ses racines. Malgré cela, la distance est dure à tenir dans les arpèges finals du terrible Trio op 50 de Tchaïkovski avec des partenaires reposés (Makthin), voire affuté et sans retenue comme Demarquette : des pages parfois emphatiques qui ouvrent la porte à des débordements expressifs sous l’alibi d’un néo romantisme Russe exacerbé.
Ces accents élégiaques auront-il eu raison d’un public qui se clairseme pour la cérémonie conclusive ? Dommage pour eux car Adam Laloum
embrase les mystiques et coloristes Sonates de Scriabine (5e et Messe noire) avant le bouquet final de Schumann (op 17) et les dernières lueurs Brahmsienne du 1er Intermezzo. A défaut d’être Russes, ces deux derniers préfigurent-il la Folle Nuit 2012 ? P-A.H.
Adam Laloum © Carole Bellaiche
…de feutre bien sûr, et au nombre de 88 pour cette Folle Nuit Russe qui englobait la période soviétique dans laquelle se sont parfois débattus Prokofiev et Chostakovitch sous les accusations de formalisme. Quoi de plus représentatif du premier que son duo violon-piano op 80 dans l’efficacité et la clarté vivifiées par les sincères Dmitri Makthin et Adam Laloum ? Puis quatre paires de jambes vêtues de pantalons immaculés aux allures de saris symbolisent l’osmose qui se joue au sein du Quatuor Ardeo, dans les cadences trompe-la-mort du ré majeur de Tchaïkovski, avant de confirmer leur finesse dans le quintette op 57 de Chostakovitch : un langage novateur et authentique qui met à
Les trois concerts de la Folle Nuit se sont succédé au Théâtre de Nîmes le 3 décembre
42 MUSIQUE RÉCITALS
Deux triomphes
Anne Gastinel © Sandrine Expilly
Éblouissant d’Ascoli ! Assister à un récital de Bernard d’Ascoli est une expérience mémorable ! Pas seulement à cause de l’émouvant rituel d’installation qu’impose sa cécité : on le guide vers le piano, il s’installe en mesurant précisément la distance qui le sépare du clavier, se talque les doigts, écoute, comme suspendu au silence de la salle, et attaque avec assurance l’opus au programme. Pas uniquement parce que sa performance est exceptionnelle en tant que nonvoyant (il n’accroche pas une note, même dans les pages pyrotechniques), mais simplement parce que c’est un grand pianiste.
Le récital donné au Toursky le 7 décembre, très bien pensé autour de pièces de Liszt, a été magnifié par des interprétations profondes et virtuoses du visionnaire Opus 111 de Beethoven ou de la 4e Ballade de Chopin, son ami de toujours. Les sonorités somptueuses dévoilées dans la Bénédiction de Dieu dans la solitude ou les Jeux d’eau à la Villa d’Este, le souffle et le pathos contrôlés dans ces œuvres-clés du romantisme, comme la générosité déployée dans les bis tendres ou virtuoses, ont ravi l’assistance qui a longuement acclamé l’artiste. J.F.
Anne Gastinel est une merveilleuse interprète, couronnée depuis tant d’années (Jeune Talent, Meilleur Enregistrement, Soliste de l’année). Elle joue sur la scène de l’opéra le concerto pour violoncelle en mi mineur d’Elgar. Dès son entrée: tout est dit ! Le son, le vibrato, le legato, la posture hiératique devant le chef, le très inspiré Jonathan Webb. Les quatre mouvements sont enchaînés avec une maîtrise superbe : récit élégiaque de l’introduction, grands sauts d’arpèges de l’Allegro, sublime cantilène de l’Adagio, puis l’Allegro ma non troppo où Gastinel étale sa prodigieuse technique sans emphase. Un triomphe avant deux bis : Sarabande de la 2e Suite et Gigue de la 1re Suite de Bach : l’opéra suspend son souffle... La 5e symphonie de Chostakovitch permet à l’orchestre de déployer ses plus belles sonorités : une pièce étonnante, entre drame et victoire, entre tension et ferveur populaire. La symphonie est composée en 1937, lors des purges staliniennes, pour faire oublier son opéra Lady Macbeth, détesté par Staline ! Quatre mouvements où alternent dissonances acerbes (Moderato), chant jovial d’un scherzo, dialogue caustique bois/cordes, très mahlérien, choral méditatif et un Final puissant et héroïque. Concession à la pression politique ou ironie d’une marche triomphale de la dictature sur le peuple opprimé ? L’orchestre est survolté et Mister Webb se déchaîne aussi, déclenchant le second triomphe d’un public conquis par cette tension et ce souffle. YVES BERGÉ
Ce concert s’est donné le 4 décembre à l’Opéra de Marseille
Liszt visionnaire La Cité de la Musique propose, outre une action pédagogique reconnue, un programme varié de concerts explorant des styles musicaux allant du jazz aux musiques du monde, du baroque à la création contemporaine…. C’est dans le charme élégant du grand hall de la Bastide de la Magalone, conçue d’après les dessins de Pierre Puget, qu’ont lieu les concerts classiques, dont le pianiste Philippe Gueit est un pilier. Au delà de ses talents virtuoses, les concerts et cycles proposés par l’érudit proposent des visions originales sur les œuvres et leurs auteurs. Ce fut le cas pour ses Raretés Liszt qui, au milieu d’un tonitruant anniversaire exploité par d’éminents pianistes, a eu le don d’aiguiser la curiosité de mélomanes un peu lassés d’entendre, si belles soient-elles, les perpétuelles Vallées d’Obermann et autres Consolations… Son troisième volet a fait découvrir une originale (et originelle) version de 1847 des Harmonies poétiques et religieuses (on attend désormais l’intégrale), à côté d’extraits d’un Arbre de Noël recherchant l’épure. On est enfin déconcerté à l’écoute des pages du dernier Liszt, quasiment jamais jouées, d’un modernisme incroyable renvoyant du côté de Schoenberg, Scriabine, Debussy, Bartok… Qu’il devait être malheureux le vieux Hongrois visionnaire, seul à écrire de la sorte dans les années 1880 ! JACQUES FRESCHEL
Ballet de doigts Anahid Ter Boghossian © X-D.R.
À l’espace NoVa de Velaux, le piano s’est conjugué au féminin avec Marjorie Bourgois-Nikoyan et Anahid Ter Boghossian en concert romantique le 25 nov. Quatre mains posées sur le clavier, agiles et gracieuses, balayent l’espace du piano, défilent, ivres de couleurs et de sensations diffusées par les Images d’Orient de Schumann ou les Rhapsodies hongroises de Liszt. Les deux artistes, dans un même souffle, transmuèrent le clavier en orchestre, domptant leur Steinway avec aisance. En préambule à ce quatre mains, le public put apprécier toute la virtuosité de Marjorie BourgoisNikoyan dans son face à face avec la Méphisto valse
ou encore Les jeux d’eaux à la villa d’Este du maître hongrois : une interprétation impeccable, d’une sacrée tenue, manquant un peu de corps et d’épaisseur. Anahid Ter Boghossian, dans les Consolations, avait eu tendance à tomber dans un excès inverse, exagérant les rubatos, pêchant par excès de pathos. Puis elles s’assirent côte à côte, et la lumière fut ! Preuve une fois de plus que les musiciens d’ici ont du talent ! CHRISTOPHE FLOQUET
AU PROGRAMME
MUSIQUE
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Nouvel an lyrique ! Double Bohème À Marseille et Toulon, pour les fêtes, Maurice Xiberras et Claude-Henri Bonnet ont eu la même idée en programmant La Bohème. Place Reyer, le chef-d’œuvre de Puccini fait office de feu d’artifice lyrique autour du Nouvel an et de l’épiphanie. Nathalie Manfrino (Mimi) expire dans les bras de Ricardo Bernal (Rodolfo) sous la baguette de Mark Shanahan dans la mise en scène de Jean-Louis Pichon. À noter : la production se déplace à Istres, avec le chœur et l’orchestre, après les fêtes… Au pied du Faron, vers Noël, le duo d’amoureux est incarné par Nuccia Focile et Arnold Rutkowski. La mise en scène niçoise est signée Daniel Benoin quand l’orchestre toulonnais est dirigé par Giuliano Carella. La Boheme © Stefan Flament - Opera de Monte-Carlo
Folle journée Dans les deux cas, l’opus retrace la vie de Bohème d’une communauté d’artistes démunis, vivant dans une mansarde. Ce tableau musical du Paris populaire sous Louis-Philippe est aussi une formidable histoire d’amour où les airs et duos sont des musts du répertoire. Et son final déchirant tire des larmes même aux hommes de marbre… TOULON. Les 23, 29 et 31 déc à 20h et le 27 déc à 14h30. Opéra 04 94 92 70 78 www.operadetoulon.fr ISTRES. Le 8 janv à 14h30. Théâtre de l’Olivier 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr MARSEILLE. Les 29 et 31 déc, 3, 5, 10 janv à 20h et le 8 janv à 14h30. Opéra 04 91 55 11 10 http://opera.marseille.fr
La production marseillaise du Cid de Massenet, représentée en juin dernier en présence du ministre de la Culture, avec Roberto Alagna et Béatrice Uria-Monzon dans la mise en scène de Charles Roubaud, a été désigné par 10 000 mélomanes de mezzo.tv comme leur opéra préféré diffusé sur la chaîne musicale, devant les productions parisiennes… «Honorable !» disait-il…
On tour… La tournée Les Chants de Noël du C.G.13 se poursuit dans les églises de village et de quartier avec les cinq productions : Noël swing, Noël napolitain, Noëls nomades (voir p41), Noël des Amériques et Noël de l’Europe baroque (par l’ensemble Concerto Soave). C’est peut-être à côté de chez vous ? BOUCHES-DU-RHÔNE. Jusqu’au 23 déc Entrée libre. Programmes complets sur www.culture-13.fr
Triste figure Le poème symphonique de Richard Strauss, inspiré de Cervantes, Don Quichotte fait la part belle au violoncelle de Sonia Wieder-Atherton. L’Orchestre Français des Jeunes, dirigé par Dennis Russel Davies joue aussi la Sinfonietta de Janacek et, avant Marseille (fait doublement exceptionnel !), La procession nocturne d’Henri Rabaud. AIX. Le 17 déc à 20h 30. GTP (concert pédagogique à 11h présenté par Anne-Charlotte Rémond) 04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net
De l’impro… Les pensées du collectif dans l’improvisation libre, conférence donnée dans le cadre du festival Nuit d’hiver#9 par Matthieu Saladin. En collaboration avec le GRIM. MARSEILLE. Le 17 déc à 16h30 Alcazar Auditorium 04 91 55 90 00 www.bmvr.marseille.fr
Orgue Concert donné par une pléiade d’organiste : Annick Chevalier, Stéphane Rigat, Bernard de Saint-Vaulry, Gilles Cidale, notre collaborateur Frédéric Isoletta, Jacques Dusson… dans Bach, Duruflé ou Guimant. MARSEILLE. Le 18 déc à 16h. Eglise st Joseph (124, rue Paradis) Entrée libre
La mise en scène des Noces de Figaro signée Christian Gangneron, sur fond de lutte de classes et des sexes, en costume d’époque (1786), forte de son succès depuis sa création en 2005, poursuit son aventure en la cité des papes grâce à Raymond Duffaut. Dirigée par Olivier Schneebeli, la musique de Mozart, comme le livret tiré de Beaumarchais, accompagnent les vauclusiens dans leur passage à la nouvelle année. AVIGNON. Les 31 déc, 3 et 6 janv à 20h et le 8 janv à 14h30. Opéra-Théâtre 04 90 82 42 42 www.operatheatredavignon.fr
Nouvelle Hélène Après leur Roi Arthur baroque, Hervé Niquet (direction musicale) et Shirley & Dino réitèrent avec Offenbach pour une nouvelle vision festive à Montpellier de La Belle Hélène (dans le programme de saison du Théâtre de Nîmes). Avec Stéphanie d’Oustrac dans le rôle-titre et les Chœurs et l’Orchestre National. MONTPELLIER. Les 3 et 5 janv. à 20h Opéra Berlioz - Le Corum 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com
Double face
Noëls solaires
Après les belles productions de l’Ensemble Télémaque mêlant théâtre et musique, comme Le cabaret des valises, La mort marraine ou La jeune fille aux mains d’argent, on attend la toute nouvelle création imaginée par Raoul Lay. Cette fois-ci c’est à la figure mythique (et double) du Docteur Jekyll de Stevenson que s’intéresse le musicien. Il fait appel à une équipe avec laquelle l’ensemble a beaucoup œuvré et tourné : Catherine Marnas met en scène la fiction et dirige le formidable comédien Franck Manzoni. Accompagnés d’un chœur et des musiciens de la formation instrumentale basée à Marseille, on entend également la soprano Brigitte Peyré, impressionnante dans Desesperate singers ou Nokto (voir p33), et on découvre un artiste rare, au talent original, apte à la danse de haut niveau comme à l’art lyrique, le jeune baryton danseur Yannis François. Un spectacle familial, possédant plusieurs niveaux de lecture, qu’on annonce «philosophique et terrifiant». Le philosophe François Flahaut apporte sa contribution à L’Etrange Cas du Docteur Jekyll et de M. Hyde (qui met au point une drogue pour séparer son bon côté du mauvais), «sous la forme d’intermèdes métaphysiques à la portée de tous»… et l’on fait confiance au compositeur pour l’aspect «terrifiant» du spectacle ! Une seule représentation de la création est prévue en soirée à Martigues : mieux vaut donc réserver rapidement !
Des Noëls argentins, napolitains ou catalans, des chants d’Angel Ramirez ou d’Astor Piazzola arrangés pour accordéon (Jean-Marc Fabiano) et contrebasse (Jean-Bernard Rière), interprétés par la voix inclassable du contre-ténor et baryton Alain Aubin. Une nativité méridionale chaleureuse ! CADENET. Le 17 déc à 18h. Eglise 06 42 46 02 50 www.festival-durance-luberon.com
MARTIGUES. Jekyll, le 21 janv à 19h. Salins 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr
Rock & sacré Dernier spectacle de l’année 2011 du Festival Côté Cour : Le cantique des cantiques, Opéra-Rock mêlant musique, texte sacré, théâtre et danse. AIX. Le 20 déc à 20h30. Jeu de Paume 06 83 60 19 80 www.festival-cotecour.org
Alain Aubin © X-D.R.
44 MUSIQUE AU PROGRAMME Mozart-lectures
Huit
Debussy
L’écrivain Eric-Emmanuel Schmitt et le comédien Julien Alluguette mettent en scène Ma vie avec Mozart, texte à succès du premier, en dialogue avec des opus du compositeur chantés par Perrine Madoeuf (soprano), Patrice Berger (baryton) accompagnés par Orchestre symphonique Confluences dirigé par Philippe Fournier.
L’Octuor à vents de l’Orchestre de l’Opéra de Toulon joue Mozart, Grieg et Prokofiev.
Le pianiste François Chaplin et le comédien Didier Sandre présentent un portrait de Debussy à travers ses Préludes, Images, Etudes… et ses écrits, son goût pour la littérature.
Piano tsar Le monumental pianiste Boris Berezovsky joue la Sonate n°7 de Beethoven, Miroirs de Ravel, Variations sur un thème de Paganini (2e cahier) de Brahms et Six études d’exécution transcendante de Liszt. Quel programme !
AIX. Le 19 déc à 20h 30. GTP 04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net
Digestion Le chœur de chambre Asmara, Sophie Oinville (soprano), Marie-Hélène Beignet (alto), Marc Filograsso (ténor), Jean-Bernard Arbeit (basse), Nina Uhari et Fabienne di Landro (piano), Chantal de Zeeuw (harmonium) dirigés par Samuel Coquard, chantent, à peine passés le champagne et les huîtres du réveillon, la Petite messe solennelle de Rossini. MARSEILLE. Le 2 janv à 16h. Théâtre du Gymnase 0 820 000 422 www.marseilleconcerts.com
Riffs à l’aïoli
TOULON. Le 10 janv à 19h. Foyer Opéra 04 94 92 70 78 www.operadetoulon.fr
Quartiers Nord © X-D.R.
ARLES. Les sons et les mots tournent dans l’air du soir, le 16 janv. à 20h30 Méjan 04 90 49 56 78 www.lemejan.com
Alto & piano
AIX. Le 12 janv à 20h 30. GTP 04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net
C.N.I.P.A.L Récitals du Centre National d’Insertion des Artistes Lyriques. AVIGNON. Le 14 janv à 17h. Opéra 04 90 82 42 42 www.operatheatredavignon.fr MARSEILLE. Les 19 et 20 janv à 17h 15. Opéra 04 91 18 43 14 http://opera.marseille.fr
Viennoise Rêve de valse, opérette d’Oscar Straus, dans le cadre de la saison hors-les-murs du Théâtre de l’Odéon. MARSEILLE. Le 14 janv à 14h30. Palais des Congrès 04 96 12 52 70 www.marseille.fr Présentation le 11 janv à 17h. Auditorium de l’Alcazar
Romantisme français
La nouvelle Revue-rock déjantée du mythique groupe marseillais Quartiers Nord est à découvrir sur la scène théâtrale de Richard Martin. MARSEILLE. One Again a Fly, les 6 & 7 janv à 21h. Toursky 0820 300 033 www.toursky.org
Marseillaise Galéjades et chansonnettes «avé l’accent !» par Les Carboni. L’opérette d’Alibert, Sarvil et Scotto revisitée ! BRIANÇON. Le pays des galéjeurs, le 6 janv. à 20h30. Théâtre du Briançonnais 04 92 52 52 42 www.theatre-du-brianconnais.eu
Regain Les musiques de Jean Giono causerie musicale animée par le musicologue Lionel Pons et illustrée par le flûtiste Jean-Louis Beaumadier. MARSEILLE. Le 7 janv à 16h Alcazar Auditorium 04 91 55 90 00 www.bmvr.marseille.fr
Le pianiste Jean-François Heisser joue le 5e concerto de Saint-Saëns en compagnie de l’Orchestre Philharmonique de Marseille dirigé par Claude Schnitzler qui interprète également la Symphonie en ut majeur de Bizet et le rare poème symphonique «Faustien» La procession nocturne (1899) d’Henri Rabaud. MARSEILLE. Le 15 janv à 17h. Pharo 04 91 55 11 10 http://opera.marseille.fr Jean-Francois Heisser © X-D.R.
Nicholas Angelich © Stephane de Bourgies
Antoine Tamestit (alto) et Nicholas Angelich (piano) jouent la Sonate n°3 en ré majeur BWV 1028 de Bach, la Sonate n°1 en sol majeur op. 78 de Brahms et Trois romances de Schumann. AVIGNON. Le 17 janv à 20h30. Opéra-Théâtre 04 90 82 42 42 www.operatheatredavignon.fr
French touch Jean-Michel Hey & Guy Laurent (flûtes), Corinne Bétirac (clavecin), Annick Lassalle (viole de gambe) proposent Une Europe baroque au goût français : des œuvres anglaises (Purcell, Dieupart), allemandes (Bach, Telemann, Graupner, Fischer) et italiennes (Frescobaldi, Corelli) dans lesquelles rayonne l’esprit français cher au Roi Soleil. AIX. Le 17 janv à 20h30. Temple rue de la Masse 04 42 99 37 11 www.orphee.org
Française
La 1306e séance de la Société de musique de Chambre de Marseille donne une Carte blanche à Raphaël Oleg (violon) qui invite Gaëlle Thouvenin (harpe), François Laurent (flûte), Juliette Gil (alto) et Pierre Gil (violoncelle) à jouer de la musique française signée Pierné, Roussel, Debussy et Jolivet. MARSEILLE. Le 17 janv à 20h30. Faculté de médecine 04 96 11 04 60 www.musiquedechambremarseille.org
Métropolitain «Cinq voyageurs bloqués dans le métro parisien tentent d’atteindre leur destination alors qu’en surface la révolte gronde, les manifestations se multiplient...», tel est l’argument du quintette vocal Cinq de Cœur pour leur spectacle musical humoristique. Entre classique et music-hall, dans une mise en scène de Pascal Légitimus… Virtuose et a cappella ! MARSEILLE. Métronome, le 17 janv à 21h et le 18 janv à 19h. Toursky 0820 300 033 www.toursky.org Cinq de coeur © Benoite Fanton
Pas que Vivadi ! L’ensemble baroque Café Zimmermann, en résidence au Grand Théâtre de Provence, présente trois contemporains aujourd’hui dans l’ombre de Vivaldi, figure musicale choisie par Dominique Bluzet et Françoise Jan pour la saison 2011-2012. On entend donc des opus de Giuseppe Tartini, Francesco Durante et Pietro Locatelli. AIX. Le 19 janv à 20h 30. GTP 04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net
Chant Royal Entre Paris et Berlin, les King’s Singers font étape dans les Alpes. Ils chantent des Lieder romantiques de Schubert, Brahms, Schumann, Strauss et font la part belle à Camille Saint-Saëns. Une fois n’est pas coutume, c’est outre-manche qu’on rencontre les plus ardents défenseurs de la musique française ! Néanmoins, les Anglo-saxons font aussi visiter leur jardin, avec Edward Elgar ou Bairstow, de John Wilbye à l’américaine Libby Larsen… GAP. Le 19 janv à 20h30. La Passerelle 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu
Mezzo Stéphanie d’Oustrac chante Mozart et Rossini en compagnie de l’O.L.R.A.P. dirigé par Yeruham Scharovsky. AVIGNON. Le 20 janv à 20h30. Opéra 04 90 82 42 42 www.operatheatredavignon.fr
Piano Jean-Philippe Collard joue Schumann (Arabesque, scènes de la forêt), Chopin (Sonate funèbre) et Liszt (Sonate en si mineur). ARLES. Le 20 janv. à 20h30 Méjan 04 90 49 56 78 www.lemejan.com Jean-Philippe Collard © X-D.R.
46 MUSIQUE GRIM | AU PROGRAMME
NH#9
AIX Pasino : M.Pokora (15/12), Thomas Dutronc (18/1), Zazie (19 et 20/1) 04 42 59 69 00 www.casinoaix.com
Théâtre et Chansons : Emilie Marsh (16/11), Seve Folle David Flick (14 et 15/1) 04 42 27 37 39 www.theatre-et-chansons.com
Seconde Nature : Acid Washed + Friendly Customers DJ Set (16/12), Superflux 2e édition (17 et 18/12), Deluxe + Le Yan & Skoob le Roi (6 et 7/1) 04 42 64 61 01 www.secondenature.org
ARLES Cargo de nuit : Raoul Petite (16/12) 04 90 49 55 99 www.cargodenuit.com
AUBAGNE Escale : L (17/12) 04 42 18 17 18 www.mjcaubagne.fr
AVIGNON Les Passagers du Zinc : Broussaï + One noise (17/12) 04 90 89 30 77 www.passagersduzinc.com
Théâtre du Balcon : Sol y Sombra, chansons d’amour et de révolution (17/12) 04 90 85 00 80 www.theatredubalcon.org
Théâtre du Chêne Noir : Paco Ibáñez (13/1) 04 90 82 40 57 www.chenenoir.fr
BRIANÇON Théâtre: Kaar Kaas Sonn & la Bande d’Aozou (16/12), le Pays des Galéjeurs/Carboni (6/1) 04 92 25 52 42 www.theatre-du-brianconnais.eu
CHARLEVAL Centre culturel : Musique du monde Choro Vagamundo, création du duo Luzi Nascimento (14/12) 04 42 28 45 30 www.charleval-en-provence.org
haitable de mesurer les aboutissants dès le lendemain à l’Embobineuse avec la soirée du label Not Not Fun (16 déc à 21h). Au même endroit, Allroh et France Sauvage sont à découvrir (17 nov à 21h), comme l’underground argentin Moondawn (20 déc à 20h30 à Montévidéo), sans oublier les déjantés Witches à la Courroie (21 déc à 20h15). F.I. Allroh © X-D.R.
Sur les rails depuis le 8 décembre, la 9e édition du festival Nuit d’Hiver se poursuit jusqu’au 21 décembre à Montévidéo mais également à l’Alcazar, l’Embobineuse, la médiathèque de Miramas, le Terminus, la Courroie (Entraigues), la Compagnie et le GMEM. Projections, concerts, ateliers, rencontres, il est encore temps de profiter du son sous toutes ses formes et de sortir des sentiers battus dans des lieux où on se sent bien. La création Tabou de Patrick Portella avec le collectif Large Bande et la présence du Trio Martusciello/Casti/ Di Felice au Gmem donneront tout son sens à la musique d’aujourd’hui (15 déc à 19h30)… dont il est sou-
CHÂTEAU-ARNOUX Théâtre Durance : Cristina Branco (14/1) 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr
CHÂTEAUNEUF-DE-GADAGNE Akwaba : A State of Mind + Deluxe (17/12) 04 90 22 55 54 www.akwaba.coop
GRASSE Théâtre: Zingaria/Musique tzigane (5/1) 04 93 40 53 03 www.theatredegrasse.com
HYÈRES Théâtre Denis : Concert de solidarité Cultures du Cœur (16/12) 04 98 070 070/04 94 35 38 64 www.tandem83.com
ISTRES L’Usine : Sniper & Algerino (16/12), Izia (20/1) 04 42 56 02 21 www.scenesetcines.fr
LA CIOTAT Passion’Arts : Decib’elles au théâtre du Golfe (16/12) 04 42 83 08 08
LE THOR Auditorium de Vaucluse : Le Condor (20/12), Karelia + The Real Mac Coy + Clock Face (14/01) 04 90 33 97 32 www.auditoriumdevaucluse.com
Le Sonograf’ : Mathis Haug (15/12), Zaragraf (12/1) 04 90 02 13 30 www.lesonograf.fr
MARSEILLE Cabaret Aléatoire : Surkin + L-Vis 1990 (15/12), soirée Château Bruyant avec Brown and Gammon + Tambour Battant + Habstrakt + The Unik + MC2 + Pablito Zago + Wapiwap (16/12), Soung Pellegrino Thermal Team (17/12) 04 95 04 95 09 www.cabaret-aleatoire.com
Cité de la Musique : Nicolas Cante/Improvisium 1.1. (12/1) 04 91 39 28 84 www.sabaprod.com
Nuits d’hiver 04 91 04 69 59 www.grim-marseille.com
Enthropy : Soirée hip hop KGB (15/12) http://enthropy.fr
Espace Julien : Daniel Levi + Ralph Adamson (14/12), Festival Groove 13 Hommage au King of pop (16/12), Keren Ann + Doriand (17/12), Med Fusion Orchester (20/12) 04 91 24 34 10 www.espace-julien.com
La Criée : Ciné-concert Safety Last (17/12), Par hasard et pas rasé (10 au 28/1) 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com
La Machine à Coudre : Igloo (15/12), Keith Richard Overdose (16/12), Babykart (17/12), La secte du futur (21/12), Antonio Negro et ses invités (22/12) 04 91 55 62 65 www.lamachineacoudre.com
La Meson : Atelier de chansons françaises (16 au 17/12), Soubinoushka (18/12), Duo Heiting Soucasse (13/01), Le Tango de Moscou à Buenos Aires (14/1) 04 91 50 11 61 www.lameson.com
L’éolienne : Sébastien Bertrand (15/12) 04 91 37 86 89 www.myspace.com/leolienne
Le Paradox : Festival des Méditerranées avec Naïas (14/12), Alexandre Manno & invités (18/12), Massilia Sound Boys (21/12), DJ Gusta (22/12) 04 91 63 14 65 www.leparadox.fr
Le Poste à Galène : A State of Mind + La Fine équipe (15/12), Seth Gueko (16/12), Ysé (17/12), Nuit Années 90 (17/12), The Bratchmen + The Playboys (6/1), Nuits Années 80 (7/1), Nuits Années 90 (14/1), Kid Bombardos (18/1) 04 91 47 57 99 www.leposteagalene.com
Le Silo : Nolwenn Leroy (15/12) 04 91 90 00 00 www.silo-marseille.fr
Toursky : One Again a Fly/Quartiers Nord (6 et 7/1), Cinq de cœur (17 et 18/1) 0 820 300 033 www.toursky.org
MAUBEC La Gare : Mami Chan (14/12), Maïa Vidal + Roken is Dodelijk (16/12) 04 90 76 84 38 www.aveclagare.org
MONTFAVET Salle polyvalente : Shaka Ponk (20/1) www.benjiprod.fr
OLLIOULES Châteauvallon : Sabri Brothers (13/1) 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com
SAINT-RÉMY Salle Jean Macé : Macadam Bazar (7/1) 06 29 19 69 78
SAINTE-MAXIME Le Carré : Nokto (16/12), Le Cantique des Cantiques/Hommage à Mahmoud Darwich avec Rodolphe Burger (17/12), Orchestre de Cannes & T. Vassiljeva (28/12) 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com
SALON-DE-PROVENCE Portail Coucou : La Danceteria (17/12) 04 90 56 27 99 www.portail-coucou.com
SETE Scène Nationale : Paco Ibáñez (13 au 15/12) 04 67 74 66 97 www.theatredesete.com
SIX-FOURS Espace Malraux : Têtes raides + Cyril Mokaiesh (16/12) 04 94 74 77 79 www.espace-malraux.fr
TOULON Théâtre Liberté : Thomas Dutronc (14/12) 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr
VELAUX Espace NoVa : Aaron (18/1) 04 42 87 75 00 www.espacenova.com
VENELLES Salle des fêtes : Chloé Lacan (7/1) 04 42 54 71 70
AGEND’JAZZ AIX-EN-PROVENCE Centre Darius Milhaud Sudden 4tet (22/12) 0442 273 794 www.centredariusmilhaud.org
Grand Théâtre de Provence Le Coq et la pendule Hommage à Nougaro (14/1) 04 42 916 969 www.grandtheatre.fr
Jeu de Paume Leçon de Jazz par Antoine Hervé «Bill Evans» (30/1)
Guy Longnon (20/1) 0494 094 718 www.ot-la-seyne-sur-mer.fr
MARSEILLE Astronef Elsa Martine 4tet (16/12) 0491 969 872
La Caravelle Alert’O Jazz (21/12) Les Poinçonneurs (7/1) Christophe Hhanotin duo (12/1) TrioTentik (14/1) Méandres (21/1) 0491 903 664 www.lacaravelle-marseille.fr
04 42 99 12 00
ANTIBES Fondation Hans Hartung&Ana-Eva Bergman Songes de Nuits Carrées avec Baptiste Trotignon (16/12) Serge Pesce (13/1) 0493 334 592 www.fondationhartungbergman.fr
L’Endroit Cave à Jazz David Reinhardt trio (16/12) 0663 608 822
AUBAGNE Château des Creyssauds Godfathers (16/12) 04 91 248 445 www.creissauds.com
AVIGNON AJMI Jam Session (15/12) Tea-Jazz avec Stephan Oliva (08/1) Jam Session (12/1) Tea-Jazz avec Edouard Ferlet (15/1) Tea-Jazz avec Joël Forrester (22/1) Jazz Story #3 Ellington (26/1) Tea-Jazz avec Franck Amsallem (29/1) 04 90 860 861 www.jazzalajmi.com
BRIANÇON Théâtre du Briançonnais – Pôle régional développement culturel Kaar Kaas Sonn (16/12) Robinson (21/1) Nawal (25/1) Berg-JeanneSurmenian trio (1/2) 04 92 255 252 www.theatre-du-brianconnais.eu
DRAGUIGNAN Festival Jazz au Théâtre The Leaders avec Chico Freeman (16/12) McMannus Boogie Blues Band & Keith B Brown (17/12) Jazz-Club Dracénois 0494 505 959 www.theatresendracenie.com
HYERES Théâtre Denis Jean Michel Pilc (28/1) 0494 007 880 www.jazzaporqueroles.org
LA SEYNE-SUR-MER Fort Napoléon - ArtBop Philippe Duchemin trio (6/1) Salut à
Le Floor Nafas invite Tania Zolty (17/12) 0491 644 071
Inga des Riaux Juste un Swing (16/12) La bande à Bruzzo 4tet (13/1) Noto Swing (20/12) Blue Alert (26/1) Swinging Papy’s (27/1) 06 07 575 558 www.inga-des-riaux.fr/music.html
Le Paradox Djanamango (16/12) Alexandre Manno (18/12) Roy Swart’s Swing Machine (20/12) Oncle Strongle’s JazzNew Orleans (14/1) 04 91 631 465 www.leparadox.fr
Planet Mundo K’fé Kolbana Project - Green Sun (15/12) Les Jeudis : Concert Jazz & Jam Session Les Vendredis : Scène Latine Les Samedis : Scène World Music 04 91 92 45 72 www.mundokfe.fr
Roll’ Studio Swinging Papy’s (17/12) Musica Grazia (7/1) Impossible 4tet (14/1) ZAJ 4tet (21/1) Benoît Paillard 4tet (28/1) 04 91 644 315 www.rollstudio.fr
Théâtre Toursky Barok’n Pop (14/12) 0820 300 033 www.toursky.org
SAINT-RAPHAËL Salle Felix Martin Marcel Azzola 5tet (19/1) 0498 118 903
Centre Culturel Auditorium Saint Exupéry Ana Maria Bell & Paul Staicu (21/1) 0498 118 900
VITROLLES Moulin à Jazz Orioxy 4tet (7/1) Thomas Savy trio invite Louis Sclavis (21/1) Leïla Martial Group (4/2) 04 42 796 360 www.charliefree.com
48 MUSIQUE ACTUELLES | DU MONDE | JAZZ
La Méditerranée au pluriel Du Cor de la Plana à Temenik Electric, le festival organisé par Lou Liame offre des échantillons musicaux du pourtour méditerranéen. Sans quitter Marseille
Temenik Electric © X-D.R.
Parce que la Méditerranée est diverse, l’association Lou Liame -le lien, en occitan- lui consacre un festival au pluriel. Après avoir mûri dans l’intimité du plus ancien bar musical de Marseille, L’Intermédiaire, le festival des Méditerranées, pour sa 17e édition, a voulu sortir des salles de concert pour investir neuf lieux à l’image de la manifestation. Soit des carrefours de convivialité, de rencontres, d’échanges,
de créativité, de réflexion. Qu’ils soient de culture occitane, napolitaine ou arabo-andalouse, les artistes programmés ont fait la démonstration qu’il existe une cohérence dans les traditions musicales de l’espace méditerranéen. Même les performances à micro libre du combo d’improvisation Les EffetsMer, lors de la soirée d’ouverture au Point de bascule, nous renvoient étrangement à des troubadours
Cabaret yiddish
partageant leur scène avec quiconque serait pris d’un désir de déclamer. Changement de décor mais pas d’esprit, le lendemain, au restaurant Rouge Belle de Mai où l’Académie du chant populaire et Gli Ermafroditi ont ravi le public. L’ensemble polyphonique amateur créé par le contreténor Alain Aubin reprend des chants collectifs du répertoire méditerranéen, parfois sortis de l’oubli, souvent liés à une lutte. Comme cette émouvante version trilingue de l’Internationale. Quant aux tarentelles calabraises ou des Pouilles du quintet Gli Ermafroditi, elles nous plongent dans cette Italie méridionale qui invite à danser. Sur l’autre rive, celle du Café Julien, le rock orientalisant de Temenik Electric réussit une subtile alchimie entre les rythmes du Maghreb et ceux de l’Occident, entre karkabous et riffs de guitare. À n’en pas douter, les formations attendues les prochains jours (Lo Cor de la Plana, Castanha é Vinovèl, L’ensemble traditionnel, Naïas, 3 M, Nafas) et les lieux qui les accueillent (La maison hantée, La passerelle, Le paradox, L’ostau dau pais marselhés, Le floor) confirmeront la richesse d’une culture qui tend vers l’universalité. THOMAS DALICANTE
Le festival des Méditerranées se poursuit jusqu’au 17 décembre www.myspace.com/festivaldesmediterranes
Hommage au Moulin Jacques Vidal 5tet © Dan Warzy
Entre noirceur et légèreté, Daniel Khan and the Painted birds réinventent le klezmer à la Mesón Daniel Khan navigue entre Berlin et New York. Le 20 nov, pour la deuxième fois, il a posé son cabaret yiddish dans un des lieux les plus chaleureux de Marseille, la Mesón. Mais cette fois-ci, Khan est venu avec toute sa smala : the Painted birds. Ce Daniel est lui aussi un drôle d’oiseau. Vêtu comme un Blues brother, il jongle du folk au klezmer, avec une voix à faire chavirer un pub irlandais. Daniel Kahn n’a pas de frontières. Il est d’un autre temps, voire d’un autre monde. D’ailleurs, il prône la révolution en chantant les injustices subies par les victimes du système capitaliste. Et particulièrement les populations laborieuses qui semblent tant l’inspirer. À moins qu’il ne considère ses combats comme des causes perdues, titre de son dernier album Lost causes. À l’aise au piano comme à l’accordéon, à la guitare comme au ukulélé en boite de cigares, il alterne marches festives et balades, de la Nouvelle-Orléans à Dylan, renouvelant la tradition musicale juive jusqu’à la transcender. T.D.
Occit’en jazz Si ce n’est une amitié profonde, il n’y a pas grand-chose qui, musicalement, lie Manu Théron et Edmond Hosdikian. Mais le chantre de la polyphonie occitane et l’immense saxophoniste partagent la même audace de chercher à bousculer les traditions et les répertoires. Et quand les morceaux en occitan, bulgare ou italien interprétés par le fondateur du Cor de la plana rencontrent le jeu vif de celui qui accompagna, entre autres, Michel Petrucciani, la confrontation tourne
vite au dialogue, à l’évidente harmonie, entre complicité et émulation. Aux frontières des musiques improvisées, le duo Théron-Hosdikian était une performance inédite qui restera peut-être unique. Une expérience, en tous les cas, qui ne pouvait trouver meilleur écrin que Les Inovendables, festival atypique du label Leda Atomica Musique, autre phénomène de la scène marseillaise. T.D. Concert donné le 26 novembre
Le contrebassiste Jacques Vidal, membre fondateur du groupe Magma, a rendu hommage à Charles Mingus, grand jazzman décédé trop tôt, homme engagé dans les combats raciaux aux États-Unis. Le quintet s’enrichit des textes et de la voix d’Isabelle Carpentier, aux scats très ludiques. Le tromboniste Daniel Zimmerman apporte une belle rondeur, Pierrick Pédron, au saxophone alto, répond à ses vibrations par de longs chorus très étoffés. Quant au batteur, Xavier Desandre-Navarre, il s’est retrouvé à plusieurs reprises en solo, laissant ses partenaires très attentifs à ses débordements d’énergie. La musique forçait l’engagement physique total de chaque musicien, et l’adhésion du public était renforcée par l’univers visuel, avec des projections sur la scène de dessins de Jérémy Soudant. DAN WARZY
Ce concert a eu lieu au Moulin à Jazz de Vitrolles le 26 novembre CD : Pierrick Pedron Cheerleaders Label Act Music CD : Jacques Vidal Fables of Mingus Label Crystal Records / Harmonia Mundi
MUSIQUE 49
La bombe niçoise ! Les Hyphen Hyphen, 4 jeunes niçois dans le vent, ont fait escale à Toulon pour la deuxième édition du Festival Z estampillé jeune public grâce aux oreilles aiguisées de l’association Tandem. Il était osé de programmer un tel concert dans ce festival, mais les heureux privilégiés qui y ont assisté sont ressortis conquis quel que soit leur âge ! En effet difficile de résister à une telle déferlante sonore : rythmique explosive à vous donner des fourmis, sonorités électro à vous arracher les tympans et guitares électriques stratosphériques, le tout mélangé au shaker et servi frappé pour un résultat défiant les lois de l’étiquetage
Rivages partagés
marketing. Electro Rock, Disco Punk, une pincée de Björk dans la voix généreuse au timbre électrisant, une once de Pink Floyd pour le côté aventure sonore aux arrangements subtils, la maturité esthétique faite d’influences multiples et assumées est évidente mais prend un relief à couper le souffle lorsque les quatre membres se retrouvent sur scène pour un show bouillonnant. Assurément, ce groupe va faire sensation ! ÉMILIEN MOREAU
Ce concert a eu lieu le 9 décembre au Pôle jeune public du Revest-les-eaux
Fusion des Genres
Le groupe Boya trouve son inspiration dans le riche répertoire des musiques d’Europe centrale, dans ces mélodies que Bartok considérait comme «des chefsd’œuvre en miniature.» Dimitar Gougov utilise la gadulka, instrument à cordes frottées par un archet et tenue en bandoulière. Le jeu mélodique à l’unisson ou en réponse avec le piano de Nathalie Tavernier colore ce trio qui est appuyé par les rythmes d’Etienne Gruel dans une relecture originale, de ces thèmes traditionnels passant de la mélancolie à l’allégresse. Le quintet d’Ahmad Compaoré prend place dans la seconde partie de la soirée. Un tout autre univers prend forme où le jazz aux influences africaines, indiennes et orientales se déploie par enchantement. La texture sonore se développe, et peu à peu se découvrent les thèmes composés par Ahmad Compaoré (batteriepercussions). Les saxophones ténor et soprano de Fred Pichot digressent en longues envolées d’improvisation relayées par la guitare de Jeff Kellner et les claviers de Stéphane Mondésir. Le thème Ahmad song nomade est un moment de pur plaisir avec une architecture qui fait monter progressivement la tension. Sylvain Terminiello, sourire vissé aux lèvres, témoigne du plaisir d’être là. Tous les musiciens de la soirée se sont ensuite retrouvés pour un trop court moment dans un bœuf / jam-session très enlevé… D.W. Ce double concert a eu lieu le 9 décembre au Forum de Berre CD : Boya Ispaïtché
Titi Robin © Dan Warzy
Une belle surprise pour clore les 18e Rencontres d’Averroès nous a été réservée par un musicien qui s’inspire des cultures musicales indiennes et méditerranéennes, et se nourrit d’échanges avec des artistes venus de quatre continents. Car Thierry «Titi» Robin joue de la guitare, du oud mais surtout du bouzouq. Artiste prolifique, il achève un projet de 3 CD, Les Rives, enregistré en Inde, au Maroc et en Turquie. L’Inde pour la collaboration avec Murad Ali Khan, récemment récompensé dans son pays comme un des grands interprètes de sarangi de la jeune génération ; la Turquie avec Sinan Celik, maître du kaval et de la flûte ; le monde avec l’accordéon-piano au caractère manouche très expressif de Francis Varis et les percussions de Zé Luis Nascimento. Titi Robin, tel un catalyseur, pousse ses partenaires à se dépasser, à libérer vers le public un sentiment partagé de quiétude et d’alerte. L’effet hypnotique marqué par le sarangi est comme aéré par la flûte kaval et guide le public vers une sorte de transe, rythmée par les peaux et les cordes, faisant sourdre des émotions anciennes ancrées au fond de nous, de notre culture viscérale. Improvisant tour à tour, chacun donne sa voie(x) avec sa sensibilité. Un partage multiculturel réussi. DAN WARZY
Ce concert a eu lieu le 19 novembre à l’Auditorium du Parc Chanot Les Rives Coffret 3CD+DVD, Label : Naïve
Anciens et modernes Devenu un des hauts lieux du flamenco en France, le festival nîmois, qui s’installe dans la cité du 11 au 21 janvier, est dédié au guitariste de Jerez Manuel Moreno Junquera, dit Moraíto Chico, qui avait donné un de ses derniers concerts d’anthologie au Théâtre l’année dernière. Et de fait le festival fait cette année la part belle aux guitaristes : Tomatito est le premier à se produire avec Luz de guia qui rend hommage à son maître Camarón de la Isla ; le maestro sevillan Manolo Franco accompagnera quant à lui les trois jeunes chanteurs de Convivencias ; Juan Ramón Caro, un des grands guitaristes de sa génération, accompagnera le danseur Marco Flores et le chanteur José Martin «Salaito» ; Niño Josele, gitan d’Almería s’est lui
Maria Toledo, figure de la nouvelle image du flamenco, voix d’ange d’Inés Bacán avec un flamenco gitan vibrant… Enfin, ne ratez pas le flamenco âpre, injustement méconnu, de la province d’Estrémadure, proche du Portugal : une première en France pour De Tangos y Jaleos, spectacle au cours duquel émergent la danse bouleversante du vieux «Peregrino» et le cante grande de La Kaita, aperçue dans les films de Tony Gatlif. DO.M.
De Tangos y Jaleos © Christele Medaisko
tourné vers le jazz qu’il mâtine de flamenco… En chant aussi les grands noms se succèdent : puissance et ri-
gueur de José de la Tomasa, voix déchirée d’El Capullo de Jerez, élégance de la pianiste et chanteuse
Festival de flamenco Du 11 au 21 janv Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com
50 CINÉMA LES RENDEZ-VOUS D’ANNIE | LE JOUR LE PLUS COURT
Longue nuit de courts Le 21 déc, jour du solstice d’hiver, fête le court métrage : la journée et la longue nuit, sur tout le territoire
national, se consacrent au film court sous toutes ses formes. C’est le Jour le plus court, fête du cinéma
Anne et les tremblements de Solveig Anspach programmé aux Varietes
Du 14 au 24 déc, l’Institut de l’image à Aix propose une rétrospective Audrey Hepburn, la plus piquante des actrices de comédie hollywoodienne, inoubliable dans My fair lady, Vacances romaines (Oscar de la meilleure actrice), Comment voler un million de dollars ou Diamants sur canapé. Une actrice qui a su également s’illustrer dans des œuvres tragiques, comme le magnifique western de John Huston, Le Vent de la plaine, ou encore La Rumeur de William Wyler.
Audrey Hepburn dans Le vent de la plaine de John Huston
Institut de l’Image 04 42 26 81 82 www.institut-image.org
initiée par le CNC et l’Agence du court métrage, parrainée par Jeanne Moreau, Jacques Perrin, Mélanie Laurent et Michel Gondry. À Marseille, les mordus du format ont de la chance ! Ils pourront commencer à 19h par le programme concocté par le Cinéma les Variétés, TILT et Films-Femmes-Méditerranée : une douzaine de courts métrages qui vont les faire rire, réfléchir, s’indigner et même écrire au Père Noël avec Viejo pascuero de Jean-Baptiste Huber ! Ils rejoindront ensuite le Polygone Étoilé à 21h30 pour finir la nuit avec Solstice, une constellation de courts métrages proposée par Peuple et Culture et Film Flamme : des documentaires comme Birds get vertigo too de Sarah Cunningham, de l’animation comme Chienne d’histoire de Serge Avedikian ou La Saint Festin de Léo
Le 15 déc à 20h, dans le cadre des soirées VidéoFID, projection de Road movie en présence du réalisateur Christophe Bisson : «Le titre promet grands espaces, large route, virée grandiose, mais ce sont d’abord des murs blancs auxquels le film se cogne, ceux d’une institution psychiatrique.» FID Marseille 04 95 04 44 90 www.fidmarseille.org
Le 17 déc à 16h, en avant-première au cinéma Les Variétés, La clé des champs en présence de Claude Nuridsany et Marie Pérennou, projection suivie d’un goûter : «Une mare abandonnée. Deux enfants solitaires tombent sous le charme de ce lieu sauvage qui les rapproche peu à peu l’un de l’autre et les aide à apprivoiser la vie.» Le 19 déc à 20h, avant-première en collaboration avec Judaicine au cinéma César, Let my people go en présence du réalisateur Mikael Buch et de l’acteur Nicolas Maury : «Tout le monde sait que Ruben est juif, homosexuel, facteur, mi-finlandais, mi-français, fils indigne, frère désobligeant, amant décevant, assassin douteux, voleur malgré lui… Pourtant Ruben, lui, est incapable de savoir qui il est…» Cinémas Variétés et César 09 75 83 53 19
Du 16 au 18 déc, dans le cadre de Une année, un cinéaste, la Miroiterie présente à l’Espace culturel Bonne Fontaine de Forcalquier une rétrospective de Johan van der Keuken, l’occasion de (re)voir l’œuvre de ce cinéaste néerlandais, disparu il y a dix ans, qui a parcouru le monde entier avec sa caméra documentaire, ainsi que des films qui lui sont consacrés. Critiques et réalisateurs discuteront avec le public après chaque projection. La miroiterie 06 15 31 00 01 ou 04 92 75 05 28 www.lamiroiterie.org
Marchand et Anne-Laure Daffis. Bref, des courts plein les mirettes jusqu’au petit matin ! Quant aux détenus du Centre Pénitentiaire de Marseille, 26 d’entre eux pourront voir et parler autour de deux séances de courts que leur a préparées l’association Lieux Fictifs qui coordonne les ateliers de formation et d’expression visuelle et sonore des Baumettes. Ils pourront prendre l’Omnibus de Sam Karmann, lire La lettre de Michel Gondry ou apprendre le sort des chiens d’Istanbul dans Chienne d’histoire de Serge Avedikian. ANNIE GAVA
www.lejourlepluscourt.com
Le 18 déc à 20h, au château de la Buzine, en clôture du cycle De l’écrit à l’écran, ciné concert : remixe des trois films d’Enki Bilal, Bunker Palace Hotel, Tykho Moon et Immortel ad vitam en présence du réalisateur et du compositeur, Goran Vejvoda. La Buzine, Marseille 12e 04 91 45 27 60 www.chateaudelabuzine.com
Le 6 janv à 20h30, Michel Ciment, spécialiste de Kubrick, sera au Renoir à Martigues pour une projection conférence débat autour de Shining, clôturant le cycle Kubrick. 08 92 68 03 71 http://cinemajeanrenoir.blogspot.com
Le 10 janv à 19h30, au Prado à Marseille, avantpremière du film de Safinez Bousbia, El Gusto, et retransmission du concert du groupe au Grand Rex à Paris : la bonne humeur -el gusto- caractérise la musique populaire inventée au milieu des années 1920 au cœur de la Casbah d’Alger par le grand musicien de l’époque El Anka qui a rythmé l’enfance des élèves du Conservatoire, rassemblant au sein du même orchestre Arabes et Juifs. El Gusto raconte comment la musique a réuni ceux que l’Histoire avait séparés il y a 50 ans. www.cinema-leprado.fr
À partir du 11 janv, l’Institut de l’image à Aix propose l’intégrale des longs métrages de Maurice Pialat. Pour commencer, L’Enfance nue, La Gueule ouverte, Passe ton bac d’abord, Loulou, La Maison des bois 1/2/3 et Police… À suivre. Institut de l’Image 04 42 26 81 82 www.institut-image.orga
FILM | FESTIVAL TOUS COURTS CINÉMA 51
Le jour est là Le 28 novembre toute l’équipe du film à 150 euros était en tournée au cinéma Variétés à Marseille pour une séance, précédée de la batucada Cascara. L’ambiance était si chaude que le film avait intérêt à être bon, a plaisanté Djinn Carrénard, le scénariste, dialoguiste, réalisateur et monteur. On connaît l’histoire de ce projet : l’envie de Djinn de faire un long métrage, de ne dépendre de personne, de travailler avec des comédiens motivés qu’il connaissait, de commencer à communiquer via internet avant que le film ne soit fait. «C’est en lisant un livre où Spike Lee expliquait la création d’un de ses films que l’envie de tourner m’est venue. J’ai appris toutes les étapes tout seul.» Tournage : 3 mois, 4 heures par jour ; montage : 3 semaines. Le matériel : emprunté à une association. Les 150 euros :
l’achat d’un smoking pour une scène qui n’a pas été montée ! La promotion du film : une tournée en France à la manière d’un groupe de musique ou un cirque itinérant pour «décentraliser» le cinéma, le Donoma Guerilla Tour. Et le film ? Il raconte trois histoires de couples qui se croisent habilement : la relation entre une prof d’espagnol (Emilia Derou-Bernal) et un des ses élèves (Vincente Perez), rétif, qui la harcèle ; une jeune photographe (Laura Kpegli) déçue en amour qui décide d’avoir une relation, silencieuse, avec le premier venu (Sékouba Doucouré) ; une ado agnostique ( Salomé Bechmans) qui se réveille un jour avec des stigmates christiques aux poignets… Ce qui accroche le spectateur durant 2 h15 c’est avant tout l’énergie
L'equipe du film Donoma © A.G.
qui se dégage du film, le jeu formidable des acteurs, les situations inattendues, les jeux de langage, une sorte de souffle rafraichissant qui emporte de façon inattendue. «Les
histoires de couples me fascinent ! On ne se connaît pas vraiment tant qu’on ne vit pas ensemble.» ANNIE GAVA
Le monde entier à Aix Pouvoir en une après-midi aller de France en Turquie, de Tunisie en Belgique, d’Islande en Roumanie en passant par la Pologne ; en une après-midi, réfléchir à l’enfance meurtrie, la solitude, la condition des femmes, rêver au pays des contes… c’est possible, en passant une après-midi au festival Tous Courts, pour trois séances de la compétition (sur les douze !). On retiendra d’abord Apele tac de la Roumaine Anca Miruna Lazarescu qui filme remarquablement la difficile traversée du Danube d’un homme et d’un couple qui veulent fuir le régime de Ceausescu. L’ennui et l’incommunicabilité ont inspiré deux films très différents, ceux de Valéry Rosier et de Bruno Ballouard. Le premier, dans Dimanches, filme les gens d’une petite ville wallonne, en plans fixes, comme des tableaux et l’on oscille entre rire et désespoir devant la vacuité de certaines existences. Bruno Ballouard met en scène dans Johnny deux adolescents un peu perdus qui s’ennuient et se heurtent souvent à l’incompréhension des adultes qu’ils croisent. C’est pareil pour Lily, l’héroïne de Susana Casarès qui a de bonnes raisons de refuser d’aller à la piscine. Damian, lui, un jeune garçon qui croit que son père est un joueur célèbre du Glasgow Celtic Club, va devoir affronter la réalité et prendre des responsabilités dans Glasgow du Polonais Piotr Subbotko. Quant au jeune ado qui marche le long d’une route de campagne avec un homme -son frère ? son kidnappeur ?-, ment-
il ? Deux inconnus de Lauren Wolkstein et Christopher Radcliff ne nous le révèlera pas… Vous l’aurez compris, on ne rit pas beaucoup devant ces courts métrages, reflets de nos temps troublés. Plus optimistes, la fin du film de la Tunisienne Leyla Bouzid, Mkhobbi fi kobba (Soubresauts), et du conte de fée macabre musical de Rosto, Le Monstre de Nix, qui nous entraîne dans des mondes superbes avec les voix de Tom Waits et Terry Gilliam : un vrai bijou ! A.G.
Le monstre de Nix de Rosto
Palmarès Grand Prix : Dicen d’Alauda Ruiz de Azúa Prix Spécial du Jury : Glasgow de Piotr Subbotko Mention Spéciale du Jury : Dimanches de Valéry Rosier et Keha Mälu d’Ülo Pikkov Mentions spéciales pour l’interprétation : Laurie Lévêque dans Petite pute de Claudine Natkin et Garance Marillier dans Junior de Julia Ducournau Meilleure Musique Originale : Dicen d’Alauda Ruiz de Azúa Prix RTP2 Onda Curta: Odysseus‘ Gambit d’Alex Lora et Koniec lata de Piotr Stasik Prix des Télévisions Francophones : C’est à Dieu qu’il faut le dire d’Elsa Diringer Prix Cinécourts : Byuldabang Miss Lee de Jeong- Dong Kim Prix Cinémas du sud : Dans la cour des grands d’Annarita Zambrano Prix jeunes : Our Father de Marius Ivaskevicius Prix du public : Enfant de yak de Christophe Boula
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CINÉMA
DOCS EN PACA | CMCA
Loi du silence Acqua in bocca est un de ces films enquête dont on a l’habitude : un secret de famille jalousement gardé, la loi du silence, un album de famille dont toutes les photos ont été enlevées, décollées mais qui garde encore des traces de colle et quelques légendes... Qui est ce grandpère à la recherche duquel part Pascale Thirode, escortée par ses deux filles, sur les routes corses, d’Ajaccio à Bastia et Erbalunga ? S’est-il suicidé en juillet 1944 comme le suggèrent certains proches, parce que compromis avec les occupants italiens par le biais de sa maîtresse, la fille de sa gouvernante, une intrigante ? Mariani-Bove, ce gros négociant bastiais, juge au tribunal de commerce, est-il mort à l’hôpital d’une banale crise de calculs, comme l’attestent les documents officiels ? Pascale Thirode se heurte au silence mais, tenace, arrive à soutirer des bribes, à faire surgir l’acqua in bocca. À la fin, ses deux filles gravent et
agacé par la mise en scène un peu gauche, et s’interroger sur la place de la documentariste, trop présente à l’écran avec ses filles, qui semblent souvent piégées par le dispositif dont l’artifice affaiblit la sincérité du propos. ANNIE GAVA
Acqua in Bocca de Pascale Thirode
déposent dans le caveau de famille une épitaphe en hommage à cet aïeul qu’elles viennent d’entrevoir ; et un brin de muguet. On peut se laisser prendre à cette quête familiale que la réalisatrice dédie à sa mère, mais on peut aussi être
Acqua in bocca de Pascale Thirode, présenté dans Les films de la filière corse du Primed est proposé dans le cadre de Docs en ProvenceAlpes-Côte d’Azur, le 14 déc à 20h à la Maison de la Région
Med en docs C’est à la Chambre de commerce de Marseille que s’est tenue le 9 déc la remise des prix du PRIMED, organisé par le CMCA en présence des réalisateurs ou producteurs, des professionnels de l’audiovisuel, des personnalités des institutions et du public, cérémonie chaleureuse, avec
intermèdes musicaux de la compagnie Rassegna. Le matin avaient eu lieu trois tables rondes sur les écrans des pays arabes : journalistes, directeurs de chaines dont Mokhtar Rassaâ, PDG de la télévision tunisienne, ont abordé l’évolution du traitement médiatique des événe© A.G
ments aussi bien sur place qu’en Europe, les changements structurels dans les télés, l’influence des médias sur l’émergence d’une opinion arabe… Les jours précédents, le public marseillais, qui ne s’est malheureusement pas déplacé en masse, a pu voir reportages et documentaires méditerranéens à l’Alcazar et à la Maison de la Région, parmi lesquels plusieurs consacrés à la Palestine. Diaries de May Odeh raconte la vie de trois femmes de Gaza qui, face à un double siège, celui de l’occupation israélienne et celui de l’autorité religieuse, nous font partager leurs peurs, leurs souvenirs, leurs pensées et leurs espoirs. Journal d’une orange, aller simple de Jacqueline Gesta, propose une visite des lieux par les cultures fruitières, celles des oranges de Jaffa : avant 1948, les terres étaient cultivées par les Palestiniens, puis par les kibboutzim. Aujourd’hui, c’est une société privée qui produit légumes et agrumes destinés à l’exportation. Le temps d’une récolte on découvre cent ans d’histoire politique, économique, sociale et c’est intéressant. Très original aussi le parti pris de Vanessa Rousselot de sillonner la Cisjordanie en posant la question : «Bonjour, est-ce que vous connaissez une blague palestinienne ?» Et si une des premières réponses est «Notre situation tout entière est une blague», bien vite les blagues sont racontées par des gens très différents, des élèves d’Hébron, une vieille dame, un anthropologue qui a stocké près de 2000 blagues, soigneusement rangées dans des boites étiquetées, un prêtre palestinien qui, grâce à ses blagues, passe plus vite le check point mais qui se déses-
père de voir ses compatriotes parqués derrière un grillage. Même si on rit, on n’oublie pas la situation de cette population en souffrance. Blagues à part a d’ailleurs été récompensé du Prix de la première œuvre, parrainé par la RAI, et du Prix du jeune public parrainé par Marseille Provence Métropole. Pour tous ceux qui n’ont pu suivre le PRIMED, les visionnements à la demande sont possibles à l’Alcazar durant deux mois. ANNIE GAVA
Palmarès Women of Hamas de Suha Arraf : Grand Prix du documentaire Enjeux méditerranéens, parrainé par France Télévisions Abdelkrim et la guerre du Rif de Daniel Cling : prix Mémoire la Méditerranée, parrainé par l’Institut National de et Prix à la diffusion TV5 MONDE et FR 3 Corse Viastella Damascus roof and tales of Paradise de Soudade Kaadan : prix Art, patrimoine et cultures de la Méd., parrainé par la Ville de Marseille Wolves plate de Mona Iraki : prix Reportage d’investigation, parrainé par Radio France Paradise hôtel de Sophia Tzavella : prix spécial du jury, parrainé par la Collectivité Territoriale Corse Mother15 cents a minute de Marina Seresesky : prix Court méditerranéen, parrainé par Marseille Provence 2013 Il Viaggio di Mohammed de Debora Scaperrota : Prix Multimédia de la Méditerranée, parrainé par Orange
IMAGE DE VILLE | POLYGONE ÉTOILÉ
La rue est à nous Quand, en ouverture de la 9e édition d’Image de ville dédiée à la rue, Christian de Portzampac, Pritzker d’Architecture 1994, affirme être venu à sa discipline par le cinéma, il valide de son autorité internationale le projet du festival : croiser le regard des architectes et des cinéastes sur la ville. C’est avec Godard et Antonioni que le grand architecte se prend à douter des doctrines urbanistiques des années 60, qui, à la suite du Corbusier, se montrent hostiles à une rue peu hygiénique, aux fonctionnalités confuses. Cette première soirée, ponctuée par les morceaux choisis d’une cinémathèque idéale, brillamment commentés par le philosophe Thierry Paquot, a posé les grands axes d’une réflexion nourrie par les entretiens qui ont suivi et les quelque 75 films projetés du 11 au 15 nov. Images d’une villemachine au mouvement incessant du futuriste Vertov, de la foule ouvrière de Metropolis, d’enfants sur les trottoirs du New York des années
50, captés avec tendresse par Hélène Levitt, de poursuites à bout de souffle dévoilant le Manhattan noir et nerveux de Jules Dassin, de cités du futur aux circulations superposées et aux grouillants bas-fonds. Images des murs peints de Los Angeles murmurant leurs secrets à Agnès Varda, des flâneries rohmériennes dans le Paris amoureux des cafés-crèmes. Images d’une Rome désolée, glauque, intime, déconstruite, fragmentée, filmée en plans fixes par Vincent Dieutre, «tiers-cinéaste» pour lequel à la suite de Barthes : «être moderne, c’est savoir ce qui n’est plus possible». La rue comme un lieu commun, partagé, aléatoire. Une expérience sensible aussi, menacée par l’automobile, le monde virtuel, l’ère du soupçon, les caméras de surveillance, la privatisation sécuritaire de l’espace public. Écho au phénomène des condominiums, La zona, propriété privée, drame glaçant du mexicain Rodrigo Plà, présente une de ces enclaves où de
CINÉMA 53
La Zona, propriete privee de Rodrigo Pla
riches résidents en huis clos deviennent leurs propres justiciers. Loin des quartiers riches, les corridors du bidonville d‘Alexandrie, Mafrouza, sont des «dedans-dehors» où se prolonge la vie des familles qu’Emmanuelle Demoris suit dans la durée. «Un film avec et non sur les gens» ditelle, douze heures de projection en cinq parties. La manifestation aixoise s’est achevée sur la chronique de la révolution égyptienne proposée par Stéfano Savona :Tahrir, Place de la Libération. Un lieu désormais historique rappelant, ainsi que l’a souligné Thierry Paquot, que si les réseaux Internet ont préparé et relayé la révolution arabe, c’est dans la rue qu’elle s’est imposée. Pour changer le monde, il ne suffit pas d’être avec, il faut être parmi. Voilà pourquoi la rue semble si dangereuse à certains. ÉLISE PADOVANI
Une journée asymétrique Le 24 novembre, la sixième journée de cette Semaine Asymétrique a commencé, à la Compagnie, par une table ronde sur le thème de «l’économie réelle du cinéma en région». Après l’analyse faite par J. F. Neplaz des choix de la Région PACA en matière d’aide «au cinéma industriel au détriment de la création», un tour de table a permis aux participants de faire part de leurs expériences et de leurs interrogations : Comment faire des films ? comment les diffuser ? comment en vivre ? faut-il créer des réseaux de
diffusion parallèles ? utiliser les espaces qui existent ? Ouverte en septembre à Saint-Etienne, la réflexion se poursuivra à Lyon au printemps. L’après-midi, réalisateurs et public se sont retrouvés au Polygone Etoilé où la discussion a continué autour des films présentés ; films achevés ou en cours, films «fragiles», films de fin d’études, tous ont donné lieu à des échanges riches et denses. On s’écoute, on se répond, on polémique parfois… Parmi les films présentés, on retiendra tout particulièrement les courts métrages tournés au
printemps à Oran par Amal Kateb, portraits de moments de lutte démocratique en Algérie, ou Ghorba Légende, un témoignage sur de jeunes «sans-papiers» vivant dans la promiscuité d’une chambre d’hôtel du quartier de Barbès. Très intéressants aussi, les films de Lamine Ammar-Khodja, Alger moins que zéro ou Comment recadrer un horsla-loi en tirant sur un fil sur l’identité, ou 56 Sud, les souvenirs d’un appelé français qui ne parle toujours pas de guerre en Algérie et ne savait pas qu’il y avait eu 500 000 morts ! Quant
à Till Roeskens, artiste-explorateur de territoires, il nous a emmenés dans un quartier de la banlieue nord avec son Plan de situation : Consolat Mirabeau où il a recueilli des histoires de vie qu’il offre au public dans les lieux mêmes : captation vivante d’une performance de conteur. ANNIE GAVA
Organisée par Film Flamme, la Semaine Asymétrique s’est déroulée du 17 au 26 novembre à Marseille
54 ARTS VISUELS REGARDS DE PROVENCE | L’ART PREND L’AIR
Sous les lambris de la bibliothèque du Palais des Arts, les toiles de Louis Valtat manquent sacrément d’éclat. Même le rapprochement ponctuel avec les œuvres de ses contemporains ne change pas ce ressenti …qui nous fait désirer impatiemment l’ouverture du Musée Regards de Provence (voir p 10)! Sans surprise, les thématiques chères à Louis Valtat (1869/1952) déclinent leurs palettes de couleurs vives et de tons naturels, leurs motifs décoratifs, leurs aplats lisses ou tourmentés selon les époques : le littoral varois - dont ses célèbres Roches rouges à Agay - et les paysages ruraux inondés de lumière, les natures mortes et les compositions de fleurs, les portraits et autoportraits qui consacrent son amour à son épouse représentée en brodeuse, voire en repasseuse, et son goût pour les scènes intimistes… À fréquenter Soutine (Bouquet de glaïeuls rouges), Seyssaud (La Chevrière, point d’orgue de l’exposition !), Manguin (Nu devant la glace) ou Friesz (Le Baou Redon à Cassis), Louis Valtat n’a-t-il pas perdu de sa personnalité ? À se frotter aux Nabis, aux Fauves et aux Pointillistes, n’apparaît-il pas tantôt comme un précurseur tantôt comme un suiveur qui aurait touché à tout ? Finalement sa constance dans la touche et dans la facture, sa
familiarité avec le modèle, sa science du cadrage, ses lumières intenses sont les signes d’«un peintre de caractère». Pour Bernard Plasse, auteur du catalogue, «Louis Valtat est un homme libéré. Quand on regarde son œuvre, on voit une personnalité qui avance sur des chemins parallèles». Des chemins dans lesquels il excelle, notamment dans son œuvre gravé : l’exposition offre un bel ensemble de dessins, lithographies, études et bois gravés pour des revues ou des cartons d’invitation, projets de décor pour des pièces de théâtre. Là palpite tout l’art de Valtat : la fluidité du trait, la maitrise de la composition, son talent à capter l’âme du modèle, son sens de la dramaturgie. M. G.-G.
Louis Valtat et ses contemporains jusqu’au 19 fév Palais des arts, Marseille 1er 04 91 04 68 32 www.museeregardsdeprovence.com
À lire Catalogue édité par Regards de Provence, textes de Bernard Plasse, 35 euros
Autoportrait © Louis Valtat, 1898, huile sur toile, 39 x 27 cm, coll. particuliere
Le peintre d’Agay
Humeur vagabonde Cap sur Marseille pour l’association L’Art prend l’air qui œuvre à l’immersion de l’art dans l’espace public : avec La Planque / 13 ateliers d’artistes, son premier acte éditorial (voir p. 61), elle «donne à voir la ville autrement» en pénétrant l’intimité des ateliers, et invite le lecteur à expérimenter une topographie de l’art inédite. L'atelier de Judith Batholani © Bruno Suet
Celle qui flirte avec le passé industriel de la ville, les artistes se réappropriant des entrepôts en friche et des usines désaffectées à La Calade ou à L’Estaque, à la Belle de Mai ou à la Plaine. Comme Yazid Oulab, installé depuis 15 ans «rue Curiol, la plus extraordinaire de Marseille» où il a découvert son futur laboratoire, «pas vraiment un
atelier car [il] réfléchit beaucoup ici», en passant par les toits comme un chat… Seul Gérard Traquandi a quitté le littoral pour une chapelle blottie dans la campagne aixoise : «Un lieu n’est jamais neutre, et je pense qu’il vaut mieux s’y soumettre, cette pièce évoque quiétude et sérénité, elle me fait du bien» confie-t-il dans un entretien avec Françoise Siffrein-Blanc et Florence DenisLoussier, marraines du projet. Cette autre manière de réfléchir à l’échelle de la ville est née de l’envie «de qualifier la ville et caractériser son identité multiple». Et, à force de sillonner les quartiers, elles ont choisi La Planque comme une évidence, un choc : «L’idée du secret, de la cachette est celle qui colle le mieux à la ville et à ces ateliers. Ce sont de vraies planques pour les artistes, des lieux de liberté. Certains les vivent comme un refuge». Puis par les rencontres, les affinités et les découvertes à rebonds, le choix des 13 artistes s’est imposé naturellement, là encore «comme une évidence». Le livre en est à la fois le fruit et la trace, le verbe et l’image. Avec un autre personnage narratif, Marseille, sa lumière trop crue, trop intense, trop violente, ses chemins de traverse évoqués magnifiquement par Frédéric Valabrègue. La Planque, un drôle de nom pour des rencontres… 13 en 2011 et plus encore en 2013 ? MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
www.lartprendlair.fr
LATERNA MAGICA | TAPIS VERT | GALERIE PARADIS
ARTS VISUELS
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Pas magica… À l’occasion de Laterna Magica, Fotokino et l’Île aux livres organisent l’exposition Le livre, l’enfant et la photographie. Mais hors atelier pédagogique, la découverte de ces ouvrages photographiques pour enfants présente peu d’intérêt. Tirages aux cimaises, ouvrages en vitrine (d’autres sont en libre accès comme les fiches biographiques et le glossaire), matériel photo et créatif dans des caisses en bois et une «chambre noire» qui ne peut accueillir que deux personnes à la fois : le tout décliné autour de 5 photographes et de vagues thématiques. Comme l’humanité, les voyages, les animaux, les contes, l’imaginaire, bricolage… Quant au choix des photographes, il reste contestable : Dominique Darbois et sa série de portraits d’enfants du monde réalisés entre 1953 à 1975 avec pour légendes «portrait
du petit lapon, de la petite japonaise…» pose la question de la recontextualisation de son travail et de l’anthropologie dans ces annéeslà !… Les célèbres séries de Sarah Moon Le petit chaperon rouge de 1983 et Le petit chaperon noir de 2010 s’adressent-elles vraiment aux enfants ? Du travail de Tana Hoban sur ce que l’écolier voit sur le chemin de l’école ne demeurent que des signes et ses couleurs totalement abstraits. Seul l’atelier de Katy Couprie «qui mêle dessins, collages et mises en scènes dans ses imagiers» peut entrainer l’enthousiasme de cette petite fille que sa mère tentait de convaincre en lui lançant «Regarder les images c’est comme lire un livre»… Pas sûr ! M. G.-G.
© Sarah Moon
Le livre, l’enfant et la photographie jusqu’au 21 janv
Alcazar Bmvr, Marseille 09 81 65 26 44 www.fotokino.org
Le grand écart
L’art sur le Tapis
En inaugurant sa galerie rue Paradis en mai dernier, c’est un peu comme si Jean-François Pascal réussissait la synthèse de sa carrière, lui qui fut professeur de philosophie pendant 10 ans, puis conseiller politique et enfin communicant. La culture comme fil rouge d’une vie également dédiée à l’écriture et à la photographie… Jean-François Pascal est animé du désir «d’offrir une vitrine vivante aux artistes» et multiplie les projets : accrochages collectifs et monographiques (Vincent Toulotte, Julien Chesnel, Françoise Semiramoth), acquisition de lithographies et d’éditions en tirage limité d’artistes de renommée internationale (Pierre Alechinsky, David Lynch, Robert Combas, Arman…), et d’œuvres des artistes associés auxquels il offre une large visibilité dès les fêtes de Noël. Plus surprenant, le galeriste défend «par goût esthétique et culturel» les artistes aborigènes à travers un fonds d’œuvres contemporaines originales. Son dernier coup de cœur ? Les sculptures et collages d’Alain Péclard dont il parle avec admiration comme d’un «artisan métaphysique, magicien du rythme, jazzman inspiré». Verre, bois, fer peints à la main pour des sculptures semblables à des «théâtres de poche» ; compositions de dessins et de papiers peints à la main agencées telles des plans d’architecte. Un ensemble bicéphale organisé autour de la même construction rigoureuse, de la même «cartographie cosmiSculpture, Alain Peclard © X-D.R que» : double travail sur l’espace–plan et la 3D issu des plus belles inventions poétiques de Kandinsky. Ou d’Oscar Schlemmer…
Tout récemment installé dans les locaux laissés vacants par RLBQ, Tapis Vert se positionne comme un nouveau lieu interdisciplinaire alternatif à Marseille. Le collectif fondateur -Virginie Carter, Anne-Sophie Vannier, Didier Oppetit - se projette dans les croisements des arts visuels, poésies et musiques expérimentales, actuelles et non commerciales, les arts performatifs. La programmation s’élabore dans la fébrilité des travaux conçue autour d’un gros vernissage par mois, un évènement
.
M.G.-G
Alain Péclard jusqu’au 17 déc Artistes associés… déc et janv Galerie Paradis, Marseille 6e 06 75 52 07 39 www.paradis-galerie.com
© X.D-R
(festif) hebdomadaire, concerts en streaming. En parallèle à l’événementiel, Tapis Vert prévoit un espace média permanent pour soutenir les œuvres non commerciales et la constitution d’un catalogue à destination des entreprises. L’association développe la mutualisation avec d’autres petites structures (Où, Interface) et des coopérations en réseau international n’ayant pas pignon sur rue. Bien que s’appuyant sur une structure associative, les fondateurs semblent peu lorgner vers les collectivités-providence et «les subventions qui mènent souvent à l’immobilisme artistique». Postures plutôt artypiques ayant «pour ambition d’être un remède au consensuel […] dans les chaumières culturelles». L’inauguration a eu lieu le 1er décembre avec une exposition au titre prometteur : Cul-Bénit. La preuve qu’on peut y croire. C.L.
Tapis Vert, Marseille 1e 06 77 61 09 97
56 ARTS VISUELS LA VALETTE | ISTRES
La tête dans les nuages Éric Bourret est un photographe doublé d’un amoureux de la marche. Déjà grâce au Réseau Lalan1 on l’avait découvert libre arpenteur dans le Mercantour et les Alpes de Haute Provence : les lieux n’étaient pas extrêmes mais l’atmosphère glaciaire envahissait ses photos jusqu’à rendre le paysage illisible. C’est-à-dire totalement abstrait, arêtes et sommets mués en éclats noir et blanc. Pour son nouveau trip, dans les chaines de l’Himalaya, Éric Bourret ne regarde plus la montagne mais le ciel, prend de la hauteur en oubliant la pierre. Pour tendre vers les nuages, vers le soleil et la lune qui dictent l’intensité lumineuse, sa percée irradiante comme sa disparition vaporeuse. Son travail est parfois mal compris des photographes-marcheurs qui n’identifient pas le «même paysage vu» dans ses compositions abstraites - magnifiques tirages pigmentaires sous diasec à bords perdu qu’il réalise lui-même dans son labo de Marseille -. C’est qu’il photographie «un
acte philosophique et une expérience spirituelle» et sa propre fusion avec les éléments, la matière. À michemin entre ciel et terre. Le titre de
de voir et de sentir autrement, d’expérimenter une relation à la nature différente, transcendé par son ascèse et ses efforts. Finalement, peu
poudré, enveloppantes par leur grand format (150 cm x 180 cm). Une mer de nuages mouvante sous le souffle du vent, nébuleuse silencieuse et vaguement inquiétante ; un champ de coton dans lequel il se noie de l’aube aux ténèbres. Plongeon ouateux dans lequel nous sombrons avec lui pour regarder le ciel autrement. Non plus de manière classique, comme un lointain et inaccessible horizon, mais simplement couchés. Pour partager avec lui «l’ivresse des sommets». M.G.-G.
(1) Déambulations photographiques 3, Le Lavandou, mars 2011 (Zib’39)
Excuse me, while I kiss the Sky © Eric Bourret, Espace d'art Le Moulin, La Valette 2011
son exposition Excuse me, while I kiss the Sky n’est-il pas suffisamment explicite ?… Quand Éric Bourret marche 30 jours durant quelque 600 km il est forcé
importe l’endroit où il vit car du paysage réel traversé les photographies accouchent d’un paysage mental et d’une effloraison de formes évanescentes. Douces par leur grain
Excuse me, while I kiss the Sky Éric Bourret jusqu’au 21 janv Espace d’art Le Moulin, La Valette 04 94 23 36 49 www.lavalette83.fr
Les barrières de la perception La Poparts clôt son cycle annuel Les Réalités de la fiction avec les objets monumentaux de Lilian Bourgeat. Une occasion de rencontres poétiques avec le public Un axe majeur de la Poparts, nouvelle structure de Ouest Provence pour l’art contemporain (voir Zib’36), concerne particulièrement la relation du
public avec l’art d’aujourd’hui. La thématique de la fiction a fourni de belles occasions avec les expositions Bruno Peinado, Nicolas Pincemin, finalement Lilian Bourgeat qui investit le centre d’art contemporain et plusieurs espaces publics à Istres et Grans. Au-delà de la première perception, spectaculaire et ludique, face à ces sculptures/objets démesurés, comment les visiteurs pouvaient-ils être
Lilian Bourgeat, barrieres Vauban, acier galvanise. Performance dansee de l'ensemble Coline, Istres 2011© C.Lorin/Zibeline
amenés à construire un rapport plus personnel ? Pour une journée seulement le 26 nov, lors de leurs VertiGineuses Virées, les acteurs de la Cie En rang d’oignons se sont employés à manier humour, pertinence et érudition à travers saynètes d’intérieur et tchatches urbaines dans trois parcours extérieurs. «On a cherché à inciter les gens à se faire une opinion, sur ce qu’est une œuvre d’art, le statut de l’art, dans la société, à comprendre ce qu’il y a derrière ces œuvres. Il y a un premier contact affectif qu’on amène vers la distance critique». Réfléchir sur le rôle du titre, au rapport fonctionnel/fictionnel, aux incidences de deux pieds gauches pour des bottes de géant, inviter Hegel et Duchamp entre autres, n’est pas si compliqué en fait. Cette appropriation de l’œuvre a été concrétisée par les jeunes danseurs du centre de formation Coline clôturant ces parcours. Au bord de l’étang de l’Olivier, leurs lentes chorégraphies ont joué le contraste avec la rude rigidité des barrières Vauban et la souplesse des corps, introduisant du vivant et de la temporalité dans l’immobilisme, du possible dans l’interdit. La barrière galvanisée n’était plus un objet mais un lieu, vraiment investi. CLAUDE LORIN
Lilian Bourgeat jusqu’au 15 janv Centre intercommunal d’art contemporain, Istres 04 42 55 17 10 www.ouestprovence.fr
AU PROGRAMME
ARTS VISUELS
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Pauvre ? Au Carré d’art de Nîmes, 8 artistes internationaux interrogent la matière nue et le matériau brut dans des œuvres souvent éphémères, certaines réalisées in situ, d’autres qui seront démantelées et recomposées dans une nouvelle présentation. Addition de paille, plâtre, argile, sable et vêtements chez Guillaume Leblon ; métal peint et cigarettes éteintes chez Gabriel Kuri… Comme une manière de faire «l’inventaire du monde et de l’atelier». M.G.-G. Pour un art pauvre jusqu’au 15 janv Carré d’art, Nîmes 04 66 76 35 77 http://carreartmusee.com
G. Leblon, Ottoman, 2010, paille, platre, argile, sable et vetements. Courtesy Gallery projecte SD, Barcelone © G. Leblon
Enflammé Christian Jaccard, artiste du processus de combustion qui fut professeur à l’École d’art et d’architecture de Marseille en 1976, dévoile ses Énergies dissipées : Les Ignigraphies, tableaux marqués par l’empreinte du feu ; Le Concept supradonal, assemblage rhizomatique inspiré du monde végétal ou domestique ; Les Tableaux éphémères, films où flammes et fumées inventent un territoire mental. À découvrir, pourquoi pas, muni de l’opuscule Une œuvre de Jaccard publié par les éditions marseillaises Muntaner… M.G.-G.
© Christian Jaccard, tableau ephemere, La Trinite Kerguehennec, 2011
Énergies dissipées Christian Jaccard jusqu’au 15 janv Villa Tamaris Pacha, La Seyne-sur-Mer 04 94 06 84 00 www.villatamaris.fr
Graphique Plus d’un demi-siècle de gravures au burin et à la pointe sèche, de dessins à la mine de plomb et de lavis : toute sa vie Jean-Marie Granier (1922/2007) n’a cessé d’écrire le monde à travers ses enchevêtrements subtils, ses signes et ses lignes. Un monde qu’il regardait en couleurs et représentait exclusivement en noir et blanc pour mieux célébrer le réel… La Fondation Louis Vouland et le Centre d’Art Jean-Marie Granier mettent en lumière son œuvre graphique aussi abondante que discrète. M.G.-G. Granier, une vie en gravure Jean-Marie Granier jusqu’au 30 janv Musée Vouland, Avignon 04 90 86 03 79 www.vouland.com
Grands labyrintes, Jean-Marie Granier © X-D.R
Philippe Turc, Je suis venu vous apporter des bonbons © J. C. Lett
Trucs Petites choses et bidouillages drôles. Bizarreries. Des saynètes sans se prendre la tête. Ou ex-voto venu d’ailleurs. Un art simple et pauvre à poil naïf. Oui, oui un peu de malice dans la représentation n’est jamais mortelle ! Croire aux histoires fétiches (et même pas peur) accrochées au mur, aux choses enfantines enfouies tout au fond. Y a comme un Turc qui tourne pas rond ou c’est bientôt Noël ? C.L. Gri-gri et talisman Philippe Turc jusqu’au 5 janv Galerie Jean-François Meyer, Marseille 04 91 33 95 01
58 ARTS VISUELS AU PROGRAMME Plis L’une plie, la seconde photographie. Des livres, nombreux, de toutes sortes se muent en objets sculpturaux sous les subtils jeux de pliages de Jany Garbouge-Floutier. En approchant au plus près son objectif, Laura Jonneskindt révèle les matières, les interstices, les rythmes, les flous, les lumières et les ombres. Ce qu’on tente de voir et lire d’illisible entre les pages, le livre dans son intime. C.L. Livres autrement Jany Garbouge-Floutier, Laura Jonneskindt jusqu’au 8 janv Ateliers La Salamandre, Barbentane 04 90 90 85 85 www.barbentane.fr
Agir
Livres autrement © Laura Jonneskindt
Les œuvres conçues pour Arles par Pierre Labat se présentent dans deux espaces restreints par des verbes d’action. Vira (tourner, en portugais) à l’Espace pour l’Art et Abre (ouvrir) à Analogues - chez qui l’artiste avait exposé une première fois en 2008. Deux lieux, deux gestes concomitants générant la mise en forme artistique, et la confrontation du visiteur à l’œuvre. C.L. Pierre Labat, Vira, Abre jusqu’au 6 janv Espace pour l’Art, Arles 04 90 97 23 95 www.espacepourlart.com Editions Analogues, Arles 09 54 88 85 67 www.analogues.fr
Pierre Labat, 555 - 2011,corde elastique.Vantai Gallery, Vilnius, Lithuanie © Galerie AcDc et l'artiste
Confronter Jeux parallèles chez Yvon Lambert : les œuvres de Laurence Wiener un des artistes emblématiques de la collection, fondateur par ailleurs de l’art conceptuel et présenté très tôt en France par le galeriste, sont réactivées. De son côté, Vik Muniz rejoue comme à l’accoutumée les chefs d’œuvres de l’art dans l’hôtel de Caumont, avec pour l’église des Célestins un projet particulier inspiré de l’œuvre de Van Gogh. C.L. After crossing the river/Après la traversée du fleuve Laurence Wiener Le musée imaginaire Vik Muniz jusqu’au 13 mai Collection Lambert, Avignon 04 90 16 56 20 www.collectionlambert.com Vik Muniz, Still life with apples, afeter cezanne (Pictures of magazine), 2004, c-print. Courtesy galerie Xipppas, Paris
Sur les hauteurs The Raw edge, l’exposition au musée Gassendi prolonge grâce au regard de Bernard Plossu, Edge-stones, une installation pérenne réalisée cette année par Richard Nonas dans le cadre du projet VIAPAC (Via Per l’Arte Contemporanea) dans le hameau de la Vière. La rencontre aux sommets du sculpteur et du photographe fait aussi l’objet d’un livre de photographies aux éditions Yellow Now. C.L. The raw edge / Le passage des montagnes, Vière et les moyennes montagnes jusqu’au 31 mars Musée Gassendi, Digne 04 92 31 45 29 www.musee-gassendi.org
Edge-stones: Vière et les moyennes montagnes, Vière, 2011 (œuvre pérenne du projet de Route de l'art contemporain VIAPAC : VIA Per l'Arte Contemporanea) © Richard Nonas
ARTS
LIVRES
Sur les lieux du drame Format à l’italienne, mise en page classique, sobre qui laisse la priorité aux photographies, textes courts agrémentés de huit essais en guise d’épilogue, introduction savante de Nathalie Herschdorfer : Jours d’après, Quand les photographes reviennent sur les lieux du drame est un sans fautes. Dans ses questionnements : comment retranscrire des événements qui ont eu lieu avant le temps de l’image? Comment dire l’actualité sans céder à la pression de l’instantanéité ? Dans son choix d’œuvres, préférant aux chasseurs de scoops des photographes qui témoignent après-coup des conséquences sur les survivants des drames et des catastrophes, leurs cicatrices et les séquelles. Nathalie Herschdorfer, directrice du festival de photographie Alt. + 1000 en Suisse et commissaire d’exposition de la Foundation for the Exhibition of Photography, a
Hors normes
On pourrait paraphraser Magritte et écrire «Ceci n’est pas un livre» à propos de l’imposant catalogue publié par Fotokino et le Festival international de l’affiche et du graphisme de Chaumont. Car Ed Fella Documents est tout à trac et sens dessus dessous : le sommaire se cache en dernière de couverture, les pages se feuillettent à l’horizontale et à la verticale, les textes jouent à tête-à-cul (bio, entretiens, notes, biblio, citations), les titres bilingues envahissent la page ! Son foisonnement graphique est à l’image de l’illustrateur iconoclaste, roi de la typographie toutes catégories (voir Zib’46). Nul besoin de connaître sa carrière à la marge pour jouir immédiatement de sa vivacité créative : les 256 pages émoustillent notre esprit en permanence quand notre regard glisse sur les Polaroids de la série Letters on America, se faufile entre les flyers à la composition délirante, s’arrête sur les témoignages du pianiste Art
sélectionné une trentaine de photographes majeurs de la scène internationale qui «attendent que la fumée se dissipe». Loin de la dramatisation, du sensationnel ou du misérabilisme. Ainsi Léa Eouzan et sa réflexion autour de la muséification des lieux de mémoire (Auschwitz), Henk Wildschut et les campements sauvages des migrants illégaux, Suzanne Opton et ses portraits de soldats américains de retour d’Irak… Entraînant le lecteur à mettre en perspective l’avalanche d’images qui lui parvient en temps réel, Jours d’après est, plus qu’un album, un essai sur la puissance des images, leur impact médiatique mondial et sur le sens de la photographie contemporaine, «véhicule fondamental de significations affectives». MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Tatum, décrypte ses propres annotations : «mes œuvres auront-elles une raison de durer au fil du temps ou resteront-elles de simples canulars momentanés ?» Si Ed Fella refuse de se prendre au sérieux, l’ouvrage parle avec sérieux (le contenu) et fantaisie (le contenant) de la production hors normes d’«un sage avec un stylo Bic 4 couleurs à la main» ; il déconstruit la narration comme Ed Fella a déconstruit sa production depuis plus de 50 ans, en confectionnant librement un mille-feuille d’images et de mots. M.G.-G.
Ed Fella Documents Vincent Tuset-Anrès, Renaud Faroux, Catherine Guiral et Randy Nakamura FIAG de Chaumont, Fotokino, 35 €
Luxe pour tous ! Depuis sa création en 1979 à Aix-en-Provence Royal de Luxe a fait du chemin. Après un vagabondage d’une dizaine d’années, la troupe a été hébergée à Nantes, dans un hangar de 10 000 m2, lieu de création intense. Nourris d’images de peinture et des romans de Jules Verne, Jean-Luc Courcoult et son acolyte inséparable, Anne-Marie Vennel, ont imaginé des aventures inoubliables et créé des spectacles de rues époustouflants. Après un volume qui retraçait les 20 premières années de création, Odile Quirot s’attaque aux 10 dernières : voyages à travers le monde, rencontres enthousiastes avec les publics du Cameroun, de Chine, du Chili, du Mexique... initiation des artistes locaux à ces nouvelles pratiques qui relèvent autant de la science éclairée que du bricolage et de la débrouille ! Leur collaboration avec les arts de la Marionnette de
Charleville-Mézières a fomenté La révolte des mannequins qui débordaient des vitrines ! Imagination galopante, mais aussi adaptation immédiate aux situations font partie du quotidien des participants. Ainsi sont nés les Géants. La petite géante suce des glaces et coud des voitures sur le bitume quand elle s’ennuie, le chien-dieu El Xolo renifle les passants, un géant s’installe sur un transat au milieu du Gard face au Pont... Superbes images qui marquent la mémoire, et l’émotion ! CHRIS BOURGUE
Royal de Luxe 2001-2011 Odile Quirot Actes Sud, 32 €
Jours d’après, Quand les photographes reviennent sur les lieux du drame Nathalie Herschdorfer Thames & Hudson, 39,95 €
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LIVRES
ARTS
Toiles et toiles L’ouvrage de Joëlle Moulin, divisé en 7 chapitres, invite à approfondir les correspondances fécondes entre le cinéma et la peinture. En commençant par Van Gogh, modèle du peintre au cinéma, qui a inspiré Minnelli, Pialat et Kurosawa. Chacun son style, mais réalisateurs et décorateurs fabriquent leurs films en référence à des univers picturaux : c’est évident pour Jean Renoir et les impressionnistes ou pour les films historiques comme Barry Lindon de Kubrickdirectement inspiré par Gainsborough. Ou les cinéastes expressionnistes, Murnau, Wiene, Lang, qui dialoguent avec les peintres de la Nouvelle Objectivité; la bouche hurlante du Cri de Munch se retrouve de manière récurrente chez Hitchcock, John Ford a pris le relais des peintres de la Hudson River School, Ozu s’est inspiré des estampes d’Hokusai. Quand les tableaux ne jouent pas un rôle dans les films mêmes : portraits se substituant
aux personnages chez Godard, clins d’œil du cinéaste aux spectateurs, toiles de fond dans les plans. Joëlle Moulin étudie ensuite l’influence de Hopper chez divers cinéastes à travers des exemples précis : Psychose d’Hitchcock, Manhattan de Woody Allen ou Paris Texas de Wenders. Pour finir, elle aborde le champ de l’autoportrait et du modèle, Charlot et ses grotesques, les mâles mythiques, les beautés féminines ainsi que ce qui fascine les «peintres de la vie moderne», la vitesse, l’instantané du réel. Elle termine par les «passeurs d’images», tour à tour cinéastes, dessinateurs, peintres, voire photographes comme Kitano ou Lynch. L’ouvrage regorge d’exemples fort pertinents et se déguste doucement, même si les transitions entre les thèmes sont abruptes. Il nous invite à revoir films et tableaux, d’autant que l’abondante iconographie est superbe. ANNIE GAVA
Cinéma et peinture Joëlle Moulin Citadelles & Mazenod, 69 €
Histoire interrompue André Steiner, photographe et sportif, aimait Léa Sasson. Lily. Il a photographié son corps d’athlète enfantin -la nageuse a treize ans sur les tout premiers clichés- puis celui de sa femme, transformé, puis de la mère de son enfant. La plongée dans l’album de famille des Steiner est incroyablement intime, même s’il a vendu ces photographies si personnelles à Vu et Paris Magazine. Les photos de leur fille, aussi, Nicole, qui en transmet aujourd’hui la mémoire. Steiner dans les années 30 se rattachait aux recherches de la Nouvelle vision, recadrait, trouvait des angles, des obliques, colorisait, pratiquait le photomontage, toujours précis. Il exaltait le corps athlétique, mais non pour faire l’apologie de la force comme la photographie fasciste de l’époque. Ces images qui débordent d’amour, d’une touchante complicité entre le photographe et son modèle, sont loin du conformisme des clichés familiaux :
Chauvins ?
Dans la série des beaux livres de Noël, La France au patrimoine mondial de l’Unesco se distingue. Pourtant, rien que de très classique dans le projet éditorial : y sont recensées les 37 merveilles de France par ordre alphabétique, classées au patrimoine mondial. En guise d’introduction, les dix critères de sélection auquel le site culturel et/ou naturel doit satisfaire. Une reprise, augmentée des nouveaux sites classés, des éditions 2009 et 2010. Mais aux photographies superbes, prises par des photographes de la région -parfois avec des points de vue peu communs, comme le pont du Gard vu de haut- correspondent les textes clairs de Catherine Grive. Situation historique, contexte, mise en évidence du caractère exceptionnel du lieu, sont fermement exposés. Vestiges préhistoriques des premières
Lily la mère est nue, naturellement impudique ; elle danse et s’envole sur les rochers près de la mer, elle offre son sein à son bébé avec un érotisme superbe, puis Nicole rit, éclabousse son père tout aussi hilare, image décalée du bonheur. Mais l’histoire est interrompue. Lily s’en va, la guerre achève de les séparer, l’enfant juive est cachée, et si tous trois ont survécu l’album de famille n’a pas été rouvert. Le Bec en l’air publie un livre très élégant qui ressemble pourtant aux albums oubliés de nos tiroirs familiaux. Les textes de François Cheval (explicatif) et Arnaud Cathrine (lyrique) ouvrent et prolongent la rencontre, complétée très judicieusement par quelques explications illustrées des techniques photographiques employées par Steiner. AGNÈS FRESCHEL
sociétés agraires en Europe, du village lacustre de Hauterive-Champréveyres, ou peintures rupestres de la vallée de la Vézère ; traboules lyonnaises, fortifications de Vauban, cathédrales aux noms magiques, Paris, Chartres, Bourges, port de la lune de Bordeaux, monuments romains et romans d’Arles, beffrois du nord, splendeur des Causses, jusqu’au Mont-Perdu des Pyrénées ou les paysages sublimes des calanches de Piana, les lagons bleus de Nouvelle-Calédonie. Ces lieux, par leur classement, gagnent avec la reconnaissance de leur intérêt majeur et fondateur une protection internationale. Quelle richesse, quelle diversité ! À en devenir chauvin… MARYVONNE COLOMBANI
Ce qu’on n’a pas fini d’aimer André Steiner Le Bec en l’air, 32 €
La France au patrimoine mondial de l’Unesco Catherine Grive Beaux Livres Déclics, Petit Futé, 30 €
LIVRES
Bamako, ville ouverte Ceci n’est ni un guide de voyage, ni un livre sur l’histoire et les traditions du Mali. Sur ce pays de culture millénaire, il en existe déjà beaucoup. Non, ce que la journaliste littéraire Valérie Marin La Meslée et la photographe Christine Fleurent ont voulu dresser avec Novembre à Bamako, c’est, comme elles l’avaient confié lors des dernières Littorales (voir Zib’46), un «état de la création contemporaine dans une capitale comme Bamako», non exhaustif et passionné. VMLM a découvert la ville en 2002 grâce au festival Etonnants Voyageurs ; 9 séjours plus tard, elle livre ici «son itinéraire personnel de découverte» de la capitale malienne, au fil de chapitres classés par domaines artistiques et culturels. Chacun d’eux se nourrit des rencontres, fortuites ou préparées, avec ceux qui créent ou font rayonner la création. Suite d’entretiens avec des icônes
comme le musicien Salif Keita ou le photographe Malick Sidibé, mais aussi avec de nombreux autres acteurs culturels, que les lumineux portraits rendent proches. On peut évidemment prendre le livre et le lire de A à Z. Il semble plus judicieux de le découvrir par étapes, comme ses auteures ont arpenté la ville. De s’y promener au hasard d’un titre qui fait signe, d’un nom de lieu curieux, d’une photo qui saisit. Ainsi a-t-on l’illusion agréable d’une balade dans cette ville où il se passe toujours quelque chose. Et pas seulement en novembre !
FRED ROBERT
Novembre à Bamako Valérie Marin La Meslée, Christine Fleurent Le Bec en l’air, 30 €
À pied d’œuvre Comme le souligne Le Corbusier lui-même «les grands tracés urbains peuvent souffrir terriblement d’un urbanisme théorique fait sur la planche à dessin». Et le piéton dans tout ça ? Avec son déplacement «lent» synonyme de qualité de vie supérieure, il est au cœur des interrogations de chercheurs, responsables locaux et architectes urbanistes à travers l’ouvrage Le piéton dans la ville, L’espace public partagé publié sous la direction de JeanJacques Terrin. En prenant les exemples de métropoles diverses comme Amsterdam, Paris, Lyon, Londres, Copenhague, Lausanne et Vienne, cette étude axe sa
réflexion sur la marche comme réponse aux enjeux du développement durable, la place du piéton, la cohabitation au cœur de tissus urbains anciens et modernes et le rééquilibrage de l’espace public. L’enjeu d’une ville garante d’un art de vivre passerait-elle par la marche à pieds ? FRÉDÉRIC ISOLETTA
Le piéton dans la ville Jean-Jacques Terrin Parenthèses, 22 €
De l’atelier au paysage De B comme Gilles Barbier à Y comme Christof Yvoré, de l’Estaque à La Belle-de-Mai, La Planque pénètre l’intimité de 13 ateliers d’artistes et dessine une cartographie inédite de la cité phocéenne. L’auteur Frédéric Valabrègue et le photographe Bruno Suet tracent en pointillés un parcours totalement subjectif qui mène d’ouest en est et du nord au sud au gré des «chemins de traverse». La visite est esthétique, érudite et poétique : ces deux promeneurs intranquilles nous guident et nous enchantent à travers des détails (les mains noircies de Judith Bartolani, les grimoires de Fred Sathal), des vues improbables (gros plan sur «La Moure» de Marc Quer), des portraits biaisés (Frédéric Clavère masqué), des citations en forme d’autoportrait («Le bonheur n’est pas gai, le soleil et la mer non plus» de Michèle Sylvander). Ils sont les témoins privilégiés de
13 artistes qui ont décidé de rester à Marseille, ou d’y revenir, laissant entrevoir le chaos ou l’harmonie de leur antre secrète. Ce que Valabrègue définit comme «un refuge, une cellule de moine, un repaire (…), une petite entreprise, un laboratoire…» Avec tact la photo parfois déborde de la sphère publique pour capter Marie Bovo dans sa cuisine à Endoume ou balayer l’album personnel de Lionel Scoccimaro sans qu’aucun des deux n’y perde son âme. D’autant que dans leur «Page blanche», chacun appose sa griffe : un entretien avec Gilles Barbier, une gravure pour Pierre-Gilles Chaussonnet, un dessin inédit de Yazid Oulab… Miroir métaphorique et lumineux d’une ville qui fascine et dérange, La Planque est un hymne à l’art et à Marseille. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
La Planque / 13 ateliers d’artistes Texte de Frédéric Valabrègue, photographies de Bruno Suet L’Art prend l’air et Parenthèses, 32 €
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LIVRES/DISQUES
MUSIQUE
Lumières de Méditerranée Henri Tomasi (1901-1971) était un homme au carac- Autour de 1930, Tomasi se tourne vers l’Île de Beauté : tère trempé, plein de contradictions, un musicien ayant été tour à tour dionysiaque, mystique, révolté, mais dont le langage est toujours venu se ressourcer à la lumière sensuelle de sa Méditerranée. On sait le goût de ce Corse né à Marseille pour le lyrisme et le geste naturel du chant, l’harmonie opulente, une texture orchestrale claire rendant son œuvre immédiatement abordable. Depuis quelques années grâce à l’entêtement de musiciens (Ensemble Pythéas, Quintette à Vent de Marseille, avant Emmanuel Rossfelder ou l’Orchestre de RadioFrance et Wyung-Whun Chung…), de journalistes, musicologues, son œuvre retrouve les feux des plateaux. C’est que l’avant-garde radicale de la seconde partie du 20ème siècle passe de mode ! Du coup, on redécouvre volontiers des factures non-dénuées d’expression, de savoir-faire...
Total Rubinstein !
Le coffret Arthur Rubinstein : The complete album collection, qui paraît en édition limitée chez Sony Music est tout simplement monstrueux ! S’il pèse son poids en kilos, il est aussi chargé d’un glorieux passé pianistique ! On dénombre, dans l’énorme boîtier, 142 CD et 2 bonus DVD, accompagnés d’un livre de 164 pages, illustré de photos souvenirs, précisant le programme et les références des disques. Une telle «box» devrait faire son entrée dans le Guiness des records ! Les amateurs du grand piano romantique, collectionneurs invétérés, tomberont sous l’attrait de l’aventure discographique du Polonais, naturalisé américain et
à l’instar de Bartok ou Canteloube, il harmonise des chants populaires dont Six mélodies populaires corses, ici chantées par la soprano Johanne Cassar. Elle grave aussi des «premières» : quatre Chants corses, le très beau Cantu di Malincunia et des poèmes en français de Paul Fort et Francis Jammes. Autre révélation, le poème symphonique Cyrnos est interprété dans sa version pour deux pianos. À quatre mains, Laurent Wagschal et Sodi Braide bâtissent le sommet du disque, complétant une collection chère aux amoureux de Tomasi constituée des Concertos pour hautbois, basson, clarinette, Divertimento Corsica (Farao classics B108062), Concertos pour violon, flûte, guitare, Ballade écossaise (Lyrinx LYR 227) ou sa belle biographie aux Éditions Albiana.
Henri Tomasi, Mélodies Corses - Cyrnos Johanne Cassar, Laurent Wagschal et Sodi Braide CD Indésens INDE037
JACQUES FRESCHEL
amoureux de la France. On remonte aux premiers enregistrements gravés pour Victor entre 1928-1935, jusqu’aux ultimes legs des années 70, chez Decca, Emi et bien sûr RCA, en passant par les mythiques concerts du Carnegie Hall en 1961 ! Détail émouvant, l’éditeur a gardé les jaquettes des disques vinyles d’origine, ainsi que la durée des faces. Du coup, pour la plupart, le minutage des disques correspond à celui des anciens 33 tours. La somme des répertoires fixés sur ces galettes est une discothèque en soit ! Un cadeau princier pour les fêtes !
The complete album collection Arthur Rubinstein Coffret 142 CD + 2 DVD bonus, Sony Music
J.F.
Poulenc à l’écrit Francis Poulenc a beaucoup écrit, et pas seulement de la musique. En dehors de sa correspondance, les textes de sa main abondent. Ils sont éclairants sur son art, celui de ses contemporains et témoignent de l’esprit d’une époque : du journal parisien Le Coq rédigé par le Groupe des Six naissant (1920) à La Voix humaine (1953) en passant par les Mamelles de Tirésias ou Les Dialogues des Carmélites… Les articles de presse louent Stravinsky, Chabrier, Landowska, les critiques et contributions à des ouvrages traitent des Ballets russes,
de l’art de Richard Strauss, du «cœur» ravelien ou du maître Debussy… qui comme les hommages aux Six ou Cocteau, les conférences et entretiens, sont mis en situation grâce aux notes opportunes de Nicolas Salomon. J.F.
J’écris ce qui me chante Francis Poulenc Fayard, 32 €
Bach hypnotique «Les Partitas de J.S. Bach ont indéniablement une dimension monumentale, ne serait-ce que par leur difficulté d’interprétation» précise Racha Arodaky. Ce qui est vrai aujourd’hui, l’était davantage hier, lorsque le Kantor, à Leipzig, les regroupa dans le didactique KlavierÜbung. Elles assurèrent la gloire de leur auteur. La jeune pianiste, après de beaux disques consacrés à Scriabine et Scarlatti (Zig-Zag Territoires), récidive en choisissant les trois premières. Elle intercale des transcriptions et la Sarabande de la Suite française qui, avec
Around the rock !
Christophe Pirenne envisage une définition du «Rock» dans une acception large englobant tout à la fois la vogue initiale du rock & roll, la pop, le folk et le psychédélisme, le reggae, le disco, le funk, les «hard» et autre «métal», du punk à la new-wave, noise, hiphop, électronique, rap… d’Elvis à Lady Gaga, en passant par les Beatles ou les Stones, Pink Floyd, Led Zeppelin, Bob Marley, Bowie, Prince, Nirvana… Du
l’anglaise, précède la composition de l’opus qualifié d’allemand, en particulier à cause de l’usage serré du contrepoint. Le jeu libre d’Arodaky, sensuel, noble, tantôt aérien ou enfiévré, hypnotise. J.F.
J.S. Bach, Partitas 1, 2 et 3 Racha Arodaky CD Air Note AIR003 distr. Codaex
coup, on jalonne près de soixante ans d’histoire musicale, à partir de l’analyse de morceaux. Une bible ! J.F.
Une histoire musicale du rock Christophe Pirenne Fayard, 29,90 €
Racha Arodaky a joué Bach au Méjan à Arles le 23 nov
ARTS LIVRES/DISQUES 63
Le son et l’image Révélé en 2007 avec Phonogénique, premier album bien trempé -mais aussi par des pubs pour la coupe du monde rugby ou Nokia- Sayem invente un monde onirique qui ouvre les portes d’un film imaginaire, une B.O. où se côtoient super héros loosers et séries B. Ce lieu vicié qui pourrait rappeler Sin City est construit par strates de drum machine, et pour donner des images à cet univers fiévreux électronique et hip-hop, une mini-BD signée Artus de Lavilléon accompagne cette entreprise pas si commune. Lauréat du Fair
2009, le jeune toulousain exilé dans la capitale n’en finit pas de monter et d’impressionner. Touche-à-tout génial et remixer singulier, celui qui dit mélanger les Doors, les Beastie Boys et Massive Attack tisse des ambiances loin des albums classiques. FRÉDÉRIC ISOLETTA
A city gone mad Sayem Fever Primeur EMI
Électrique Artiste protéiforme, France de Griessen ne fait pas dans la demi-mesure. Ça tombe bien, le rock’n roll n’aime pas les engagements trop tièdes. Notre chanteuse, instrumentiste, auteur-compositrice, metteur en scène, comédienne, performeuse ou encore aquarelliste, pense et vit rock’n roll. Premier album solo après des projets concluants comme Teen Machine, Electric Ballerina ne s’écoute pas pour s’endormir… Parfois plus noisy que rock et rappelant Lydia Lunch ou Sonic
Plein soleil
La dernière fois qu’il avait lu Jacques Prévert, «c’était debout, à côté du bureau de la maîtresse, face à la classe, et autant dire en grande difficulté.» Et pourtant le voici déclamant, slamant et rythmant des poèmes aujourd’hui inconnus des écoliers (Marche ou crève, Travailleurs attention, Citroën, Le cancre…), fruits d’une rencontre avec la petite-fille du poète et du travail effectué pour le documentaire de Camille Clavel «Prévert, paroles d’un insoumis». Textes engagés face à l’exploitation, aux petits clans, à la bourgeoisie provocante, aux inégalités… Fred Nevchehirlian a découvert le poète rebelle,
Youth, cette mise à nu sans complexe présente un son rock suave et brut bien loin d’être une contrée inconnue, et souffrant au demeurant de nombreuses redites. À découvrir. F.I.
Electric Ballerina France De Griessen Teen Machine – Longueur d’Ondes
l’insoumis, et a construit un album magnifique et sensible. Toujours aussi habile à la guitare, naviguant joliment entre un univers rock singulier et un slam revendicatif, il offre avec Le soleil brille pour tout le monde un écho résolument moderne aux textes rares et inédits de Prévert. F.I.
Le soleil brille pour tout le monde ? Prévert, Nevchehirlian L’autre distribution
Atmosphères Pilier de la French Touch et fondateur de la scène triphop dès 1995, DJ Cam ne renie pas pour autant le jazz et le hip-hop, influences qui l’ont toujours accompagné. Ce touche-à-tout (production, remix, sound design, bandes originales…) plus célèbre outre-Atlantique que sur nos terres et adepte de la performance déroule ici un album aérien nourri d’inspirations folk et pop. Avec la voix de Nicolette, habituée de la scène aux côtés des Massive Attack, formation «cousine» à qui l’album est dédié, Seven aligne les titres avec mélan-
L’ultime surréaliste
On sait la présence dominante de la gent masculine dans les différents domaines de nos sociétés, fussentelles reconnues comme cultivées. Ce coffret répare cette injustice du moins envers le mouvement surréaliste. Égéries parfois mais avant tout artistes, Dora Maar, Meret Oppenheim, Leonor Fini l’étaient comme Leonora Carrington qui vient de quitter ce monde au printemps. Contenue comme tant d’autres dans l’ombre de son compagnon (Max Ernst) par l’histoire de l’art, Carrington a vécu et participé à l’aventure d’un siècle d’art tant comme peintre, sculpteur et écrivain. Ce DVD accompagné d’un livret bien documenté retrace l’itinéraire peu banal d’une jeune fille de bonne famille anglaise qui préféra les chimères de l’art aux projets de sa classe. Dominique et Julien Ferrandou rappellent ses années de formation à Londres
colie et liberté. Celui qui dit passer autant de temps dans les galeries d’art qu’à composer et qui tient l’appareil photo pour le projet Landscape Architecture livre ici une partition intime à l’image du single Swim, vaporeux et authentique. F.I.
Seven DJ Cam Inflamable Records
et Florence jusqu’à la découverte du surréalisme lors de sa première exposition internationale, puis son séjour en France jusqu’à l’invasion nazie. Ces évènements l’amèneront à la séparation douloureuse d’avec Ernst puis, via un court exil aux États-Unis pour s’installer en 1942 définitivement au Mexique -lieu surréaliste par excellence pour André Breton- terre fertile aux écarts magiques où son influence ne sera jamais démentie. En regard d’un trajet de vie rétif aux aléas et compromissions, si singulier et par moments tragique (démence dénoncée par Elena Poniatowska dans son récent livre Leonora), cette biographie semble un peu plate malgré le foisonnement documentaire et iconographique, les nombreux témoignages recueillis. Mais nous découvrons la figure complexe de la dernière représentante du surréalisme, cette «somnambule échappée d’un poème
de Yeats, entre les roches blanches et la mer verte du Nord» selon le mot de son ami Octavio Paz. CLAUDE LORIN
Leonora Carrington Ouvre-toi, porte de pierre Dominique et Julien Ferrandou Seven Doc, DVD + livret, 23 €
64 LIVRES JEUNESSE
Barbe à maman
l’ancienne, accompagne avec concision les illustrations qui se déroulent telles les volutes de la barbe maternelle, au fil de l’imagination. Aquarelle, pastels, crayons gris ou de couleurs jouent harmonieusement sur les
C’est un joli hommage à leurs mères, et à celles des autres, que Ghislaine Herbéra (illustrations) et Raphaëlle Frier (texte) rendent dans leur album récemment paru, Ma mère est une femme à barbe. Partant de ce constat initial, le jeune narrateur raconte que, bien sûr, ce n’est pas toujours facile d’avoir une maman aussi spéciale ; mais il précise aussi (et surtout) que cette particularité pileuse offre bien des avantages et des plaisirs… C’est fou tout ce qu’on peut faire avec une longue et belle barbe brune ! Le texte, simple et direct comme une parole d’enfant, typographié à
Bouleversant
doubles pages acidulées de ce très tendre plaidoyer pour toutes les mères exceptionnelles, de ce poétique éloge de la différence. FRED ROBERT
Ma mère est une femme à barbe Raphaëlle Frier, Ghislaine Herbéra Frimousse, 11,50 €
Palpitant
Le premier livre de Ruta Sepetys, Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre, retrace les terribles déportations staliniennes qui ont touché les pays Baltes. Fruit de recherches familiales, de voyages en Lituanie, de rencontres avec des survivants, l’ouvrage tout en étant une fiction narre des faits réels, se nourrit d’anecdotes et de témoignages vrais. Ce n’est qu’en 1991, lorsque les pays Baltes recouvrent leur indépendance que la parole se libère aussi, que les souvenirs renaissent. On suit avec passion l’itinéraire (cf. l’incroyable carte en guise d’incipit !) de Lina, une adolescente de 15 ans, déportée avec sa famille une nuit de juin 41. Entre les faits historiques, la narration de l’épouvantable trajet, se dessinent des êtres d’une bouleversante humanité, un appétit de vivre, une capacité de sentiments que rien ne détruit. Il y a les bassesses aussi, les fuites, les retournements… Une observation d’une pertinente justesse dans ces conditions extrêmes. Une langue simple et efficace pour un roman jeunesse qui ne peut laisser les adultes indifférents.
Quel lecteur du premier tome ne l’a pas attendu avec impatience ? Le deuxième et dernier volet de l’histoire de Vango par Timothée de Fombelle apporte enfin la résolution du mystère de la naissance du héros. On retrouve les personnages du premier tome, les énigmes se résolvent au rythme d’aventures palpitantes sur un fond historique qui balaie l’entredeux guerres et la deuxième guerre mondiale. Enquête policière, trafics internationaux, secrets d’état se mêlent intimement au parcours de Vango. Architecture contemporaine et techniques nouvelles deviennent des clés de l’histoire… Ah ! l’enquête sur le dirigeable ! Avec un sens aigu du trait, les décors sont brossés en quelques touches, les personnages campés avec justesse, gagnent épaisseur et vérité par des dialogues finement menés. Un rythme à la fois souple et rapide entraîne sans temps mort, cultivant l’ellipse, en haleine jusqu’au bout !
MARYVONNE COLOMBANI
M.C.
Vango (tome 2) Timothée de Fombelle Gallimard Jeunesse, 17€
Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre Ruta Sepetys Gallimard, Scripto, 14 €
Saint-Ex. stellaire
Librement adaptée de Saint-Exupéry, la série animée Le Petit Prince, diffusée sur France 3, connaît un beau succès auprès des enfants qui apprécient sa dimension poétique et son graphisme high-tech. L’an dernier, à Noël, Christine Féret-Fleury signait un album-CD La planète du Temps qui s’est arraché comme des petits pains (13 000 exemplaires vendus). L’équipe de Gallimard récidive cet hiver avec La Planète de l’Astronome d’après l’épisode T.V., une aventure dans les étoiles, en dialogues, narrée
par la voix chaude de Bernard Métraux. La musique symphonique (Orchestre de Cologne) omniprésente, composée par Frédéric Talgorn, souligne le caractère onirique d’un conte que bambin (dès 6 ans) suit au rythme d’immenses illustrations (format 300 x 250). JACQUES FRESCHEL
Le Petit Prince, la Planète de l’astronome Livre-CD (30’), Gallimard Jeunesse, 18 €
LIVRES
Conte d’hiver
Une édition poche pour l’ouvrage de Jean-Claude Mourlevat, Le chagrin du roi mort (paru en 2009). D’une écriture limpide, souple et efficace, le roman décline à merveille les arcanes des contes ; lieux intemporels, personnages bien typés, magie, bonté, cruauté, trahisons, fidélité, quête de soi, énigmatiques naissances, avec des royaumes pour enjeu, le départ du héros qui retourne enrichi d’expériences nouvelles, amours… Dans cette saga nordique, deux enfants de 10 ans qui se croient frères sont séparés brutalement ; leurs destinées sont liées à des desseins qui leur échap-
pent. Réflexion sur la fraternité, l’amour, l’engagement, subtile et forte… le roman se lit d’une traite ! La bibliothèque de l’île glacée de Petite Terre, l’île où tout commence, est incroyable. Un livre jeunesse qui ne déparera pas vos rayons de grands ! MARYVONNE COLOMBANI
Le chagrin du roi mort Jean-Claude Mourlevat Gallimard, Pôle fiction, 6,60 €
Cadeaux pour tous
Inventifs, les livres pour enfants séduisent aussi ceux qui aiment plonger dans l’imaginaire ou l’émerveillement des apprentissages Pour les petits…
Les éditions Rouergue Jeunesse, par exemple, ont revu les jaquettes de leurs albums avec leur nouveau directeur artistique, Olivier Douzou. Celui-ci écrit ou illustre, selon son humeur. Il écrit Le petit bonhomme pané, histoire d’un tout petit enfant qui tombe dans un œuf et un vieux croûton, avec les illustrations très inventives de Frédérique Bertrand, mais il compose intégralement Boucle d’Or et les 3 ours avec 4 couleurs et des formes découpées dans l’esprit constructiviste qui apprennent à compter. Un autre album très poétique, texte d’Élise Fontenaille, illustrations foisonnantes de l’espagnole Violeta Lópiz, présente le grand-père Luis, analphabète d’origine espagnole, qui parle aux oiseaux et aux plantes de son jardin et adore «mettre les points sur les îles» ! Quittez ce jardin, et suivez les conseils de Michaël Leblond et Frédérique Bertrand en enfilant votre pyjama rayé : envolez-vous pour New-York ! Le sens de la lecture se renverse en même temps qu’arrive le sommeil, et voilà que les graphismes s’animent et que défilent les voitures sur les avenues newyorkaises, par la magie d’un rhodoïd rayé que vous promenez sur la page... De retour dans la réalité, selon la proposition de Jean Gourounas, l’enfant se verra contraint de ranger sa chambre envahie d’un bric-à-brac ahurissant sous peine de fessée. Ouille ! Notons aussi chez Albin Michel Pomelo, l’éléphanteau apprend les couleurs tout en découvrant le monde ; on apprécie l’humour espiègle de Ramona Bàdescu agrémenté des dessins inventifs de Benjamin Chaud.
…et les lecteurs
Quand les enfants grandissent la collection Zig Zag du Rouergue leur propose de petits livres écrits gros avec des histoires simples, une couverture colorée et des dessins en noir et blanc, comme Tout le monde veut voir la mer où Marika et Sofia décou-
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vrent les plaisirs de la plage et l’amitié. Puis la coll. Dacodac s’intéresse à ceux qui ont entre 10 et 13 ans, traite de problèmes sociaux, familiaux, tels les familles recomposées et leurs difficultés de fonctionnement avec Le rire des baleines de Rachel Corenblit qui y met une bonne dose d’humour ou L’autre cœur d’Irène Cohen-Janca qui traite d’une façon inattendue de la transplantation cardiaque, à travers les doutes d’Héloïse sur l’amour de son papa depuis qu’il a un cœur tout neuf... De la même auteure on remarque le livre très sensible de la Coll. Dacodac illustrée, avec les dessins de Maurizio A.C. Quarello, qui aborde le problème de la différence que l’on soigne dans un hôpital pas comme les autres en permettant la liberté... Enfin pour les plus grands la coll. DoAdo. Nous retenons Trop loin la mer de Frédérique Niobey avec Rosa, adolescente révoltée car rejetée par son père, qui va de foyer en foyer. De nombreux dialogues, des phrases courtes, un rythme saccadé à l’image du mal-être de Rosa en font néanmoins un livre très accessible. Beaucoup plus léger et plein d’humour, le livre d’Anne Percin nous met dans la peau de Maxime, l’année du bac, avec son 1er amour pour Natacha, ses débuts à la guitare, son goût pour le rock des années 70, ses interrogations et ses ratés dans des situations délirantes ! On s’y amuse beaucoup ! CHRIS BOURGUE
À offrir Le petit bonhomme pané, Rouergue, 16 € Boucle d’Or et les 3 ours, Rouergue, 15 € Les points sur les îles, Rouergue, 15 € New-York en pyjamarama, Rouergue, 15,90 € Bric-à-brac, Rouergue, 13,50 € Pomelo et les couleurs, Albin Michel Jeunesse, 11,50 € Tout le monde veut voir la mer, Rouergue, 6,80 € Le rire des baleines, Rouergue, 8,50 € L’autre cœur, Rouergue, 6,50 € Le grand cheval bleu, Rouergue, 12 € Trop loin la mer, Rouergue, 10 € Comment (bien) gérer sa love story, Rouergue, 13,50 €
66 LIVRES LITTÉRATURE
N’étais-je pas le roi ? À l’issue de la rencontre avec Mathieu Belezi, on se posait des questions, en particulier à propos des motivations de l’écriture de ce roman sur la colonisation de l’Algérie (lire p.70). À la lecture des Vieux Fous, récit logorrhéique des souvenirs du colon Albert Vandel, dit Bobby la baraka, ces questions persistent et pèsent. Car comment justifier cette suite ininterrompue d’actes barbares, massacres, viols, brutalités et humiliations en tous genres, relatés avec une douteuse complaisance ? Comment lire cette litanie de jurons, ces éructations racistes, ces envolées mégalomaniaques récurrentes ? Certes, il faut se garder de confondre narrateur et auteur ; Belezi ne partage pas forcément les propos de son narrateur, ni ne justifie ses actes criminels. N’empêche, ceux-ci sont tellement omniprésents puisqu’ils fondent le récit, qu’on ne peut que s’interroger. Est-il nécessaire, pour retracer la violence de cette période
historique, de donner la parole au bourreau, et à lui seul ? Depuis Les Bienveillantes, c’est une tendance, qu’on n’est pas tenu d’apprécier. La lecture expressive de Charles Berling avait réussi à renvoyer une image presque sympathique du personnage central. Sa faconde et son énergie, ses 140 kg et ses 150 ans d’âge, ses appétits puissants conféraient à Vandel une dimension rabelaisienne et allégorique. En lisant le texte, c’est plutôt à Ubu qu’on pense ; à un Ubu déchaîné, dont les «exploits» écœurent et qu’on a hâte de voir succomber… ce qui met, hélas, plus de 400 pages à arriver ! FRED ROBERT
Les Vieux Fous Mathieu Belezi Flammarion, 22 €
Lorsque «je» devient personnage Se considérer comme un objet d’étude comporte de nombreux écueils, et l’exposition de soi relève d’enjeux à la fois intellectuels et esthétiques. Henri Bauchau, poète, psychanalyste, romancier, un des plus grands écrivains de notre temps, le souligne dans son dernier ouvrage, autobiographique. L’enfant rieur couvre la période de 1913 à 1940, en se livrant à un jeu subtil entre l’emploi de la première personne et de la troisième. Le «je» est un personnage dont l’auteur cherche à analyser les pensées, les sentiments, les actes. Le lecteur navigue entre la perception première des choses par le «je» et le recul du «il». Il y a l’élément fondateur, irréversible qui annihile le rire de l’enfance, l’incendie de la maison familiale en août 1914 par les Allemands lors de la prise de Louvain, ravagée par les flammes, puis les errances, les maisons où l’on se sent la personne de
trop, la famille, les camarades, les amis, l’école, la découverte émerveillée de la littérature avec Un cœur simple de Flaubert. «C’est là que j’ai compris la différence entre un livre écrit pour raconter une histoire ou pour exposer des idées et la littérature.» Le roman de formation, magnifiquement écrit, se construit en courts chapitres, kaléidoscope sensible destiné à capter la réalité d’un être dans son obscure complexité. Le style limpide est au service de cette quête de soi, l’écriture fluide d’une lumineuse simplicité. Une leçon d’écriture ! MARYVONNE COLOMBANI
L’enfant rieur Henri Bauchau Actes Sud, 22 €
L’étrange K de Christian Garcin Descendre les fleuves de l’Extrême-Orient russe avec Christian Garcin et Eric Faye, c’est céder au magnétisme des limites du monde habité. C’est aussi verser dans une rêverie onomastique où la rondeur magnifique des noms des fleuves, grands comme la mer, de la Léna et de l’Amour, contraste avec l’intrigante obstination des K, de Moskou à Vladivostok, en passant par Iakoutsk, Tiksi et Khabarovsk. C’est glisser dans l’infinie variation d’un monde gris, de la neige fondue sur le béton des immeubles postsoviétiques jusqu’à la transparence minérale de sols éternellement gelés. C’est suivre la mémoire historique, géologique, d’un univers qui nous échappe. Et se laisser dérouter par la voix double d’un auteur insaisissable, à deux voix. De retour de cette traversée, regardez donc, avec de bons yeux, le Minimum visible, un livre de photographies de C. Garcin, publié par une maison d’édition marseillaise aux réalisations impeccables : cette fois, une écriture photographique, qui allie deux à deux des photos revenues d’Irlande, du Japon, de Russie ou de Liverpool, reliées par des affinités de formes et de couleurs ou par des coïncidences de situation, et ponctuées
par de courts textes d’auteurs -Stéphane Audeguy, Éric Faye, Arno Bertina, Thierry Girard, Gilles Ortlieb- qui réagissent à ces photos. Si le premier livre est gris, le second est rouge claquant ; si le premier est à deux voix, le second dessine une sorte de nous collectif, qui partage l’étrangeté de la matière avec laquelle Garcin écrit : le sentiment d’être séparé du monde, et simultanément, l’intuition sensible de la continuité -le souvenir, la rémanence, la familiarité- qu’on devine entre les lieux de ce monde, depuis la mémoire sans âge que porte un visage, jusqu’à la coïncidence incongrue et pourtant si juste entre un bistrot japonais ringard et l’intérieur bruyant d’une vieille tante marseillaise… AUDE FANLO
En descendant les fleuves Éric Faye et Christian Garcin Stock, 18,50 € Le Minimum visible Christian Garcin Le Bec en l’air, 29 €
LIVRES
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L’Écailler a encore frappé Pour ses retrouvailles avec la scène éditoriale nationale, L’Écailler a fait peau neuve : format plus grand, couverture noir et blanc colorée d’une touche de magenta. Emballage chic pour textes choc, la ligne n’a pas varié, qui privilégie toujours «l’amour du noir et une bonne plume.» La 1ère publication correspond bien à ces critères. Avec un titre qui annonce la couleur, Je tue les enfants français dans les jardins, le premier roman de Marie Neuser (sans doute mâtiné d’une bonne dose d’autobiographie puisque la narratrice est, comme l’auteure, professeure d’italien) jette un pavé dans la mare des vœux pieux quant aux possibilités d’enseigner dans certains collèges de notre république. Une langue
Puta de vida !
Barcelone aujourd’hui, Argelès-sur-Mer hier, Séville demain et toujours le même enfer. Juan Manuel Florensa écrit avec ses tripes les mille et un jours que dura la guerre d’Espagne, cette «incivile guerre civile», faisant siens les drames et les secrets de l’épopée anarchiste. Sa prose baroque, traversée par un souffle épique, n’épargne aucun détail de la cruauté de l’Histoire, ses innombrables paradoxes et ses non-dits qui divisent et meurtrissent encore le peuple espagnol. Une chape de plomb empêche la cicatrisation : témoignages tombés dans l’oubli, archives et documents dispersés… L’auteur a souhaité «éclairer des pans obscurs de l’histoire car la tragédie est toujours d’actualité, toujours vivace» : le roman n’est-il pas le meilleur moyen de souffler sur les braises tièdes ? Les mille et un jours des Cuevas est
acérée comme la lame du couteau dont un de ses élèves la menace. Des phrases coups de poing comme celui qu’elle reçoit en tentant de séparer deux gamins qui s’écharpent en plein cours. Et le constat sans appel d’un échec sur toute la ligne. Des familles, des profs, de l’institution. La fin, totalement immorale, ne surprend pas. Et si l’on n’adhère pas à tous les propos de la narratrice, la romancière a le mérite de poser sur ce réel un regard dépourvu de complaisance et de bons sentiments.
Je tue les enfants français dans les jardins Marie Neuser L’Écailler, 16 €
FRED ROBERT
autobiographique (il est né sur le sol français de républicains espagnols exilés), politique (à travers le vieil anarchiste Antonio, son grand-père), familial (saga sur quatre générations), réaliste (il puise dans «ce qu’il a vécu dans le ventre de sa mère»), fantastique (les hallucinations du jeune Régis agissent comme des éléments déclencheurs du souvenir). Et bien plus encore ! C’est un doigt accusateur contre «la mise à mort de l’Espagne» et l’insoutenable réalité du camp de concentration d’Argelès, en France. C’est un cri d’alarme «contre le fascisme qui nous cerne». Écrit dans un torrent de larmes, c’est un appel à la résistance.
Les mille et un jours des Cuevas Juan Manuel Florensa Albin Michel, 23 €
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Extra-large Elle se traîne, elle pue, souffle et râle, en plein cagnard, en remontant du Vieux-Port vers le quartier des Capucins… Près de cent quarante kilos qu’elle tire sous le regard gêné des passants, de leurs réflexions lourdingues ! Elle encaisse, blessée, silencieuse… Dès l’incipit, on pénètre dans l’esprit de la Grosse. Elle parle à la première personne et son «je» singulier vire à un jeu cruel, parfois drôle, dont l’auteur fixe les règles. Rapidement son regard devient le nôtre, pessimiste sur la société dont elle, la Grosse, est issue. Elle se bâfre et enfle, par choix… on ne connaîtra pas son nom ! On se niche dans d’amers souvenirs d’enfance,
on la suit dans des expériences sexuelles crues, humiliantes : de la viande qui se transforme en haine, en révolte… jusqu’à ce fameux hiver où la neige est tombée sur Marseille. Alors, doucement, s’engage une conversion, née du désir de pureté et de l’éveil à l’autre. La Grosse rêve d’amour, le touche, l’effleure pour mieux s’envoler vers un ailleurs lointain, où son corps deviendra synonyme de fierté... So beautiful ! Écrivaine installée en Provence, Roman Brooks nous entraîne dans un récit qu’on avale d’une traite !
Grosse is Beautiful Roman Brooks Edilivre, 17 €
JACQUES FRESCHEL
Calanques gourmandes «Suggestionnés», c’est ce que nous sommes devant un nouveau titre de Jean Contrucci. On se réjouit par avance de la faconde des personnages, de la verve de l’auteur. Il sait animer les personnages, leur accorde une épaisseur, une vraisemblance que les dialogues pimentent de leurs expressions savoureuses, tournures de phrases et d’esprit, rebondissements et jeux de mots. L’intrigue est bien ancrée dans le paysage local dont la reconstitution -Marseille à la Belle époque- est précise et riche. On savoure l’écriture gourmande, à l’instar d’Eugène Baruteau, l’oncle du héros, le reporter Raoul Signoret. Une nouvelle énigme magistralement menée
le conduit dans les méandres obscurs de l’hypnose, vers la neurologie, qui en est à ses balbutiements aux débuts du XXème. La clé, complexe, se nourrit du charme des calanques, des trajets de chemin de fer (14h Marseille/Paris !), du Vieux-Port et son pont transbordeur… Ne dites pas qu’il s’agit du dernier volume des aventures policières du journaliste du Petit Provençal ! On en veut encore ! MARYVONNE COLOMBANI
La somnambule de la Villa aux Loups Jean Contrucci JC Lattès, 17 €
68 LIVRES LITTÉRATURE
Vers sa mère C’est un long chemin de plus de 1 000 km que nous propose de faire avec lui Ahmed Kalouaz. Celui qui le mène auprès de sa mère, sur la vieille Motobécane bleue qui lui vient de son père ; depuis la Bretagne où il habite jusqu’en Isère où sa mère a élevé ses 14 enfants. Chemin au cours duquel lui reviennent des souvenirs, des images fulgurantes de l’enfance suscitées par le parfum d’un café ou la silhouette d’un noisetier... On retrouve le rythme de la parole de l’auteur, avec les longues phrases par lesquelles il s’adresse à sa mère comme il s’adressait à son père dans Avec tes mains (Rouergue-2009). Mère et père, murés dans leur passé et leur origine, affrontant le présent difficile, parfois douloureux, celui de l’immigration, de l’exil, mais luttant farouchement pour organiser l’éducation de leurs enfants. Des êtres pour lesquels la communi-
S’en mêler…
Si une époque se caractérise entre autres, par le type de discours qu’il produit, le travail de patiente recension d’audiences d’étrangers en situation irrégulière mené par Marie Cosnay au tribunal de Bayonne permet de mettre à jour le malaise dans la langue perceptible dans la confrontation de l’humain (ouvert et mobile) à la loi (rigide et fermée). Aller chercher dans le réel de quoi faire œuvre n’est pas nouveau ; l’écrivain témoin et surtout «chagriné» reste une figure non isolée de la littérature ; alors d’où ce petit livre tire-t-il sa force et sa singularité ? Avant tout de la simplicité du dispositif choisi : capter semaine après semaine, dans un espace clos dont changent les «personnages» (à l’exception du piètre -mais l’auteur refuserait la qualification- représentant de la préfecture Monsieur A...) ce qui signale dans les mots prononcés ou les termes utilisés l’absurde ou l’arbitraire ; écrire ensuite et encore filtrer grâce à une subjectivité contenue dont Marie Cosnay rend comp-
cation et la tendresse n’allaient pas de soi. On sent sous les mots frémir l’incompréhension de l’enfant, devenu adulte, devant cet homme et cette femme partageant leur vie par devoir, dans une France choisie pas toujours bienveillante. On y retrouve les interrogations des enfants d’immigrés nés en France qui, détachés du pays de leurs origines, en respectent l’attachement que leurs parents lui ont conservé. En cherchant à comprendre ses parents c’est lui-même que Kalouaz veut cerner. CHRIS BOURGUE
Une étoile aux cheveux noirs Ahmed Kalouaz Rouergue, la brune, 12,80 €
te à son lecteur ; méthode rigoureuse pour ne pas se laisser déborder, loin de toute indignation ; traitement réfléchi des identités et des paroles rapportées sans guillemets mais avec sources. Cette ascèse du regard et de l’écoute permet, par la concision de la saisie, de sortir délicatement des profondeurs l’essence même de cette «chose» que le terme de «xénophobie» écrase en sa formulation. Seule se dégage l’indifférence tranquille à l’autre, l’accoutumance au scandale qui guette chacun. Plus proche de Montaigne qu’il n’y paraît, Marie Cosnay fait voir chez Monsieur Al Labani ou chez M*** «la forme entière de l’humaine condition» ; éthique qui ne pose pas directement la question du politique mais l’infiltre subtilement. MARIE-JO DHÔ
Entre chagrin et néant / Audiences d’étrangers Marie Cosnay Cadex, 15 €
Ce qui se passe en Égypte Le livre d’Alaa El Aswany est un livre de circonstance, dans le bon sens du terme. Ses Chroniques de la Révolution égyptienne, écrites pour la plupart avant l’occupation de la place Tahir, sont des articles parus dans la presse quotidienne : écrits rapidement, ils sont publiés dans cette compilation sans réécriture, avec toutes leurs redites, leurs démonstrations parfois hasardeuses, leurs concessions à ce qui ne peut être remis en cause dans la presse égyptienne : la fierté nationale, et l’Islam modéré. Mais enfin ce livre est d’une telle actualité qu’il faut le lire, pour comprendre l’état actuel de l’Égypte : la déliquescence politique du régime, l’influence grandissante du salafisme et du wahhabisme importés des Saoudiens, alliés objectifs du pouvoir de Moubarak, la position ambiguë, et fragile, des Coptes, la misère sexuelle, l’effroyable domination des femmes, dont il décrit avec précision -et compassion- le harcèlement quotidien dans un pays où, à cause de la misère, la moyenne d’âge du mariage est 35 ans… Alaa El Aswany ouvre des voies, rappelle l’histoire récente d’une Égypte fière où
Musulmans et Chrétiens, femmes et hommes se fréquentaient dans les universités et les places publiques ; affirmant avant la Révolution que celle-ci ne peut qu’arriver, martelant après qu’elle n’est pas faite, que Moubarak reste au pouvoir par ses successeurs, et que cela peut ouvrir la voie à toutes les terreurs : militaires, islamistes. Car il refuse que le mot Démocratie désigne seulement un vote libre, et explique que sans protection de ceux que les partis islamistes mettent en danger il n’y a pas de démocratie : les chrétiens, les femmes, les hommes mêmes, ne seront libres que lorsque les Musulmans cesseront de penser les femmes comme des objets de tentation, et les gouvernements occidentaux d’appuyer leurs intérêts politiques et économiques sur des régimes infâmes. AGNÈS FRESCHEL
Chroniques de la Révolution égyptienne Alaa El Aswany Actes Sud, 23 €
RENCONTRES
LIVRES
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L’automne des printemps Depuis 3 ans, Écritures méditerranéennes s’ancre dans la vie culturelle marseillaise, drainant un public nombreux. L’Espace Bargemon est à cet égard idéalement situé, amarré au cœur symbolique de la cité. Dans ce lieu agencé avec une élégante sobriété, tout est regroupé en un espace commun. C’est une des bonnes idées de la nouvelle formule que d’éviter la dispersion. Autre bonne idée : celle d’inviter Daniel Picouly à animer ses Bistrots. L’écrivain s’acquitte de sa tâche avec modestie et finesse. Ecrimed évolue plutôt bien et cette 3ème édition n’a pas manqué de moments forts. Ainsi, une lecture «au fil de l’eau» par Stéphane Freiss. L’eau était cette année un des thèmes du salon, en avant-propos au Forum mondial qui se réunira à Marseille en 2012. Et si le choix des textes ne brillait pas par son originalité -un extrait de Terre des hommes, suivi de trois passages de Manon des Sources-, le comédien s’en est visiblement donné à cœur joie. Le principal temps fort de ce week-end
© Juliette Lück
littéraire restera toutefois l’après-midi consacré au printemps arabe. Une table ronde réunissait autour de Tahar Ben Jelloun des écrivains venus de Lybie, Palestine, Égypte. Et si le débat n’avait
pas dérapé, suite au refus du Palestinien Najwan Darwish de dialoguer avec le seul Israélien invité Mosche Sakal (avec, comme chaque année, les mêmes départs en fanfare dans le public et les
mêmes apostrophes aux organisateurs), on aurait pu, peut-être, vraiment discuter de ces «révolutions» que certains ont qualifié de «révoltes», et dont on voit ces jours-ci les suites inquiétantes au Maroc et en Égypte. Finalement, de ce phénomène en cours, ce sont deux femmes qui en ont le mieux parlé, sans doute parce que les femmes sont les premières victimes des fondamentalistes. La Tunisienne Azza Filali garde espoir. Pour elle, malgré le nombre croissant de femmes qui se voilent dans son pays depuis la révolution de jasmin, «l’islamisme a ses meilleurs jours derrière lui.» Maïssa Bey, en revanche, s’alarme d’un processus que l’Algérie a déjà subi et rappelle avec insistance que ce que doivent changer les révolutions arabes, c’est le regard de l’homme sur la femme. Pas gagné ! FRED ROBERT
Ecrimed s’est tenu les 3 et 4 déc à l’Espace Bargemon, Marseille
De Côme à Argelès… «Mariage de raison» réussi pour le premier rapprochement entre la Fête du livre de Toulon et les Rencontres méditerranéennes Le président du Prix des lecteurs du Var Gilbert Sinoué, musicien «dans une autre vie» et écrivain, nous avait prévenus : «On entre dans Côme sans trop savoir où on va, on est progressivement enveloppé par le roman. C’est un livre étonnant.» Les lecteurs de la médiathèque départementale de Draguignan réunis autour du lauréat Srdjan Valjarevic en étaient convaincus. D’abord décontenancés par sa timidité, ils écoutèrent avec
ravissement celui qui fait «l’éloge de la contemplation» et avoue s’être inspiré de son expérience à la Fondation Rockfeller pour écrire ce «journal» romancé… Quant au public de Toulon, le lendemain, il resta sur sa faim n’ayant que des bribes de phrases à se mettre sous la dent : le brouhaha de la Fête du livre sied mal aux silences et à la retenue de l’écrivain serbe (voir Zib’46). Par contre sa prose stylisée, ses images réalistes et la figure décalée de son héros (son double) trouvèrent un bel écho dans la lecture de la comédienne Irène Jacob. Elle fit entendre, de sa voix chaleureuse, l’ironie tendre du texte, son ampleur, et endossa avec humour tous les rôles. Tandis que dans le public, toujours Srdjan Valjareric, Prix des lecteurs du Var 2011 pour son roman Côme © Nicolas Lacroix
discrets, l’auteur et son traducteur-éditeur Aleksandar Grujicic tendaient l’oreille… En lice également cette année, Les mille et un jours des Cuevas de Juan Manuel Florensa (voir p. 67), heureux de rencontrer ses lecteurs autour de quelques mets. La gravité de son roman sur les années franquistes n’entama ni sa bonne humeur ni son envie de répondre à leurs questions sur la guerre d’Espagne, la vie de son grand-père, son exil forcé à Argelès et la survivance du fascisme. La discussion s’engagea plus largement sur l’actualité politique espagnole et la difficulté à coucher sur le papier ces années noires. Durant trois jours, le rythme de la Fête du livre se cala sur les traditionnelles rencontres et dédicaces -champion hors catégorie Enki Bilal qui provoqua de longues files d’attente- et, pour la première fois, sur les Rencontres méditerranéennes jusqu’à présent distinctes. Et la confusion des genres fut un succès ! La bibliothèque municipale afficha complet à toutes les variations chorégraphiques de Georges Appaix et de sa compagnie La Liseuse (Sextet mouvementé pour salle de lecture), habiles dans le maniement du livre, le lancer de mots à la volée et le glissement des corps entre les rayons. Succès également pour le spectacle du conteur multi-instrumentiste Hamed Bouzzine qui entraina immédiatement le public familial dans son Voyage à travers les vies. Happés dès les premières notes de musique par sa voix mélodieuse, tous oublièrent les coups de vent qui assaillaient le chapiteau. Il ne leur restait plus qu’à poursuivre le voyage du conte au livre. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
La Fête du livre de Toulon s’est déroulée du 18 au 20 nov
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Librairies du Sud dynamise la relation des lecteurs avec le livre, en organisant des rencontres avec des auteurs, des Itinérances, où ils parcourent la région par les librairies qui organisent des tables rondes. Avec des succès divers : si à Marseille et Avignon les rencontres furent chaleureuses, c’est un désert glacial qui accueillait Ingrid Thobois à la Librairie Goulard – pas de table ronde, juste un bref espace pour signatures. Mais une conversation à bâtons rompus pouvait se nouer… Solliciano, titre de son dernier roman, est en fait le nom de la prison de Florence. Son roman traite de l’enfermement : physique, un des personnages est condamné à vie avec 22 ans de sûreté ; psychique, l’héroïne s’enferme dans les méandres d’un esprit qui refuse la réalité, «personnage clivé entre une appréhension rationnelle, et les déraillements.» Ingrid Thobois insiste sur le terme «déraillement», mais le roman n’est pas sur la folie. «Qui n’a pas eu une idée folle qui lui a traversé l’esprit ? Puis il y a le passage à l’acte, et ceux qui réfléchissent à l’action…» Ingrid Thobois anime des ateliers d’écriture en prison.
Ingrid Thobois © X-D.R
Prison florentine
L’écriture constitue une «bulle hors de l’enfermement. Un homme enfermé ne choisit plus ce que l’on fait, n’est acteur de rien. Écrire, c’est être acteur.» Car, dit-elle plus personnellement «chacun écrit avec sa matière mais dès sa parution, le livre est hors de soi et existe après. En tant que lectrice, j’aime les livres qui me laissent beaucoup d’espace, comme ceux de Duras, avec leurs ellipses. J’écris comme j’aime lire. Il est nécessaire que le livre m’échappe. Être consciente de tout ne m’intéresse pas. Pourquoi Florence ? J’y étais…» Une écriture fluide, cultivant le mot juste, jonglant entre les points de vue pour appréhender les facettes du récit, des ellipses, des retours en arrière, jusqu’à l’image fragile et sensible de la fin. MARYVONNE COLOMBANI
Les Itinérances littéraires avec Ingrid Thobois ont eu lieu le 2 déc à la librairie Goulard, Aix-en-Provence Solliciano Ingrid Thobois Zulma, 17 €
Lecture au galop annoncée, qui a rassemblé une soixantaine de spectateurs au lieu des 400 possibles. À la durée de la lecture ensuite : celle-ci, pourtant menée au grand galop, en accord avec l’éloquence mégalomaniaque du narrateur, a été trop longue. D’autant que la passion audible de Berling et sa belle voix n’ont pas tout à fait réussi à faire oublier ses erreurs de lecture. Quant au dialogue qui a suivi entre le lecteur et l’auteur, il est resté convenu. L’auditoire aurait souhaité un débat plus approfondi, en particulier sur les raisons qui l’ont poussé, lui qui n’a rien à voir avec l’histoire de la colonisation de l’Algérie, à écrire sur cette période qui ressemble un peu à la conquête de l’Ouest américain. Le romancier avait des choses à dire sur les 40 ans de guerre qui ont précédé cette colonisation «de peuplement» (dont le seul autre exemple au monde est celui de l’Afrique du Sud !). Il n’en a pas eu le temps.
C’est sur les conseils de son frère que Charles Berling a découvert, et dévoré, le dernier roman de Mathieu Belezi Les Vieux Fous (voir p.66). Résultat : l’envie de le faire connaître à d’autres. Vite. Contact est pris avec La Marelle, qui s’associe avec Flammarion et La Friche Belle de Mai pour organiser dans l’urgence la soirée. Belle initiative, dont la réalisation, hélas, a quelque peu déçu. Preuve, s’il en fallait, qu’une rencontre littéraire ne s’improvise pas et qu’il faut veiller à tout. Au lieu d’abord, trop grand pour cette rencontre peu Mathieu Belezi © Serena Eller Vainicher / Flammarion
FRED ROBERT
Charles Berling © Pascalito / Corbis
Charles Berling a lu un large extrait du roman de Mathieu Belezi le 18 nov
Résistances poétiques © Dan Warzy
Belle idée des Écritures croisées et la Fondation St John Perse que de réunir des voix de femmes, avec leurs spécificités et leurs couleurs ! Trois poètes et une chanteuse-comédienne pour psalmodier leurs textes en reprenant leurs mots. De sa belle voix de contralto, entre le dit et le chanté, Frédérique Wolf-Michaux a donné l’envoi avec un hommage à Andrée Chedid, puis Claude Ber lance comme un défi : pourquoi écrire de la poésie ici et maintenant ? Pour vivre au plus près de la vie ? Pour s’accoutumer à la mort ? Chacune a tenté d’y répondre. Pour Marie-Claire Bancquart le poème, voix du corps, est un besoin. Claude Ber parle de résistance à la «disette mentale» et communique son goût pour la langue, pétrissant des mots imaginaires de la main pendant sa lecture. Toutes s’accordent à dire que le poème s’enracine dans le corps, irrémédiablement fixé au vivant. Hélène Sanguinetti affirme qu’il a son corps propre sur la page et confie le plaisir ressenti lorsqu’elle a vu, grâce à l’ordinateur, le texte se mettre enfin «debout» et se modifier sur l’écran ! Il s’agissait aussi d’évoquer la question du féminin. Elle est rapidement éludée : on ne peut en parler que dans un contexte politique ou historique ; les femmes n’ontelles pas été longtemps contraintes à se taire et à oublier les pulsions du corps, sauf les mystiques ? Hélène Sanguinetti aura le mot de la fin en confessant avec humour un rêve : ressembler à l’escargot. N’est-il pas hermaphrodite ? CHRIS BOURGUE
Pour fêter la Poésie - Voix en écho s’est tenu à la Cité du livre, Aix-en-Provence le 3 déc
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Les Juvenilia de Jacques Roubaud Jacques Roubaud © J. Sassier/Gallimard
Jacques Roubaud était invité aux ABD : il n’en est pas à sa première rencontre, on le sent rôdé, l’animal, et habitué à entraîner son public là où il veut pour lui raconter des anecdotes savoureuses sur sa rencontre décisive avec Queneau et l’Oulipo, ou avec l’affable et facétieux Cendrars. Quitte à esquiver les questions de son interlocuteur, Stephane Bacquey, qui veut l’entraîner sur les traces de ses «enfances», moins connues que l’inventivité formelle et l’alliance féconde entre mathématiques et poésie auxquelles on associe spontanément Roubaud. Il sera donc question des «juvenilia» du poète, des souvenirs biographiques de sa jeunesse à Carcassonne, avant le départ pour Paris, aux origines d’un projet poétique total qui procède d’un rapport sensible et formel au monde et aux syllabes. Premières jeunesses, premiers exploits : l’attachement au sud, l’hommage de René Nelli rendu à un petit garçon de douze ans pour ses morceaux de bravoure
poétique, la mouvance des Cahiers du sud. Et la découverte de la poésie des troubadours, d’une origine de la littérature occidentale où la langue fait, indissociablement, la poésie et le baiser. Puis les années 50, et l’adhésion précaire et ambiguë, politique et poétique, au surréalisme et à ses figures tutélaires, qui sont autant d’idoles à détruire. L’enfance est encore au centre de la lecture-concert qui clôt la soirée, avec une comédienne, Elise Caron, parfaite d’énergie, de gouaille et de complicité avec les musiciens Yves Robert et Philippe Deschepper, qui propose des variations rythmiques enjouées sur les bestiaires farfelus et réjouissants que Roubaud a écrit pour les enfants. AUDE FANLO
Les animaux de Roubaud, aux ABD Gaston Defferre, Marseille, le 18 nov, en présence de l’auteur
L’essence du meurtre Pascal Quignard n’est pas étranger à la danse. Comme la musique, et pour les mêmes raisons, elle le fascine, dans ce qu’elle dit du corps archaïque, ou enfoui, comme une voix qui vient du ventre, du sexe. La danse de Carlotta Ikeda convoque cela, en un cérémonial qui semble par ses particularités culturelles extirper de la chair des racines communes. Et tomber dans la sidération, celle que Quignard appelle l’effroi. Médée, la mère qui tue. L’écrivain la nomme d’abord dans son étymologie, Médée la médecine, le poison, Médée qui prémédite, et puis à travers l’évocation de la Villa des mystères et son tableau énigmatique nous projette dans l’instant sidérant où elle médite le meurtre… La danse d’Ikeda succède, dans
les glissements et frottements tout aussi archaïques, et savants, du percussionniste Alain Mahé. Elle ne commence pas par le butô, mais danse l’amour, la passion, avec des gestes ouverts, toujours extrêmement lents, des couleurs volcaniques, puisant dans les traditions Nô et Kabuki beaucoup plus anciennes pour atteindre le même effroi, l’instant de décision du meurtre, sa pensée, sa préméditation. Elle retrouve, après l’exécution, dépouillée de ses atours et de ses couleurs, le butô, danse des ténèbres, fille noire du kabuki. Sa douleur y est tout aussi palpable que sa rage, ce que Quignard, dans son texte, n’avait pas effleuré. Les deux performances resteront séparées, successives, diptyque redondant d’un double voyage fascinant, et subli-
© S.Vérité
me, dans l’effroyable… Aucun besoin de lien entre les deux, qui «disent» la même chose.
Médée a été dit et dansé au Pavillon Noir, Aix, le 25 nov
AGNÈS FRESCHEL
Le partage des voix Peuple et Culture Marseille, en partenariat avec La Cité, maison de théâtre, a proposé Oraliture 1. 1ère invitation à découvrir des «écritures laissant une part plus ou moins grande à l’improvisation», en 2 soirées autour de Malik Duranty, écrivain, sociologue, militant et surtout pawoleur martiniquais. Malik Duranty c’est d’abord une dégaine d’adolescent et une voix d’une envoûtante douceur. Une voix qu’on a envie de suivre. C’est ce qu’a fait le cinéaste Jérémy Gravayat, actuellement en résidence auprès de l’association. Quelques heures de déambulation dans Marseille, à filer la pawol en marche de Malik, au hasard des lieux, des rencontres, des intuitions ; au final, 20 minutes de film «à la volée» que les 2 artistes ont présenté à Mille Bâbords, devant un public très attentif à cette démarche fluide, qui intègre l’erreur, la surprise, et y
trouve son sens. Le lendemain à La Cité, d’autres voix se sont croisées. Celles des 3 lectrices du Cabinet des lecteurs qui ont lu des poèmes (Césaire, Glissant, Tardieu, Lucas…) sur lesquels Duranty a improvisé, suivant le tempo intérieur que le frottement de ses paumes semblait lui dicter. Celles ensuite de slameurs, terme bien réducteur en l’occurrence : Frédéric Nevchehirlian, accompagné du formidable batteur Gildas Etevenard, Emy Chauveau et ses cassettes, et surtout l’étonnante Katia Boutchou, un petit format de femme comme son pseudo l’indique, mais des textes et une puissance profératrice dont on n’a pas fini d’entendre parler. Échanges à suivre. FRED ROBERT
Oraliture 1 a eu lieu les 25 et 26 nov à Marseille
Malik Duranty dans le cadre d'Oraliture au théâtre de la Cité en partenariat avec Peuple et Culture © Adrien Toreau
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LIVRES
RENCONTRES
Ville-livre
Grain de Sel © Marc Munari
Durant Grain de sel, il n’était aucunement question de saupoudrage, mais du point d’orgue à un travail de longue haleine. Rencontres fructueuses des scolaires avec les écrivains, échanges tout au long de l’année par l’entremise de la médiathèque et des libraires… et les jeudi et vendredi 6 600 enfants, 255 classes d’Aubagne et de la région ont défilé ! Le week-end, les enfants reviennent avec leurs parents et transmettent leur jeune savoir. Le livre jeunesse trouve dans cette formule un superbe élan. Insérer au cœur d’un centre-ville les tentes, les pavillons, utiliser les ressources comme le théâtre ou l’espace des places permettait aussi de la rendre familière. Les deux pièces au Comoedia sont offertes : Le Chien Bleu en théâtre d’ombres, atmosphère poétique et fragile ; Les deniers du lapin, drôle sur un ton de fabliau. On voyait ainsi les gens faire leur marché et repartir avec d’un côté le panier de légumes, de l’autre le sac empli de livres. Les trois salons étaient tenus, en coopération avec les éditeurs, par trois librairies (Peter Pan/L’étoile bleue, Gulliver/la librairie du Lycée, Shéhérazade/Alinéa), toute la chaîne du livre était représentée. Des ateliers convient à la découverte des techniques de déchiffrage et d’écriture -depuis les tablettes d’argile jusqu’à la fabrication du papier recyclé-, d’autres proposent de dessiner le portrait de la personne qui fait face, ami, parent… une première approche, tendre, de l’étude du point de vue. Ateliers philo où la sagesse n’est
plus l’apanage de l’âge ! On rencontre des auteurs, connus, à connaître. Les dédicaces fleurissent. Ghislaine Herbera, Marseillaise d’adoption, peaufine de délicates volutes étoilées. On découvre aussi de petites maisons d’édition qui fournissent un travail d’une grande qualité, comme Pluie d’étoiles (Toulon) et ses ouvrages de poésie (Écoute, l’arbre respire, Paul Bergese) que le lecteur a parfois la possibilité d’illustrer -joli concept d’appropriation!- ou les éditions Edune qui proposent des albums dont le graphisme et l’écriture surprennent ; ou encore Ruisseaux d’Afrique (Bénin) qui cherche à préserver les contes oraux en leur donnant la forme de magnifiques albums (illustrations de Ponce Zannou). Grâce à l’émiettement des lieux, l’intimité, favorable aux échanges, est préservée. Des jeux de pistes sont confiés aux enfants ; la résolution des énigmes apporte un petit cadeau. À la fête s’attache aussi la journée internationale des droits de l’enfant. Aubagne depuis 2002 a le label UNICEF de Ville Amie des enfants. Des stands Unicef et Amnesty International animent des jeux éducatifs dans lesquels ils prennent conscience de leurs droits et de leurs devoirs, s’ouvrent au monde et deviennent des citoyens. Car Grain de Sel, autour du livre, parle d’humanité… MARYVONNE COLOMBANI
Grain de Sel s’est tenu du 17 au 20 nov à Aubagne
Des lycéens en vigilance Le 1er Forum du Prix littéraire des lycéens et des apprentis de la Région PACA a démarré fort !... Les lycéens et apprentis de la Région PACA, leurs enseignants et partenaires, repartent pour une année de découvertes de livres et d’auteurs vivants. Cette action de la Région et de L’Agence Régionale du Livre (ARL) en faveur de l’éducation culturelle en partenariat avec la DRAC, les Académies d’Aix-Marseille et Nice s’affine depuis 2004 et touche depuis l’an dernier des adolescents incarcérés. Chaque établissement, partenaire d’une librairie et d’une bibliothèque, engage environ 40 adolescents à lire les 12 livres de la sélection, à participer aux Forums et à dialoguer avec les auteurs dans leurs établissements. Pascal Jourdana de l’Association Des Auteurs aux Lecteurs (ADAAL), lance le débat. Honnêtement les lycéens reconnaissent qu’ils n’auraient pas choisi spontanément les livres proposés, mais qu’ils ont été
motivés par l’opportunité du dialogue. Ils se sont intéressés au travail de l’écriture de la roumaine Liliana Lazar, et à celui de Philippe Carrese. Des questions ont concerné la création des scénarios de BD, surtout celui très inventif de La saison des flèches, le travail à l’encre de Rébético et l’absence de bulles de Fabrica. Les jeunes lecteurs ne se contentent pas de «lire les histoires» et la pertinence des questions témoigne de leur lecture attentive et du travail effectué en amont avec les enseignants et les acteurs des Métiers du Livre. Celle-ci par exemple : On sent une dénonciation de l’entrave dans vos livres. Avez-vous peur du destin de l’humanité ? Les auteurs ont répondu qu’il fallait rester vigilant, que la littérature et la BD permettent de «faire réfléchir les gens à l’inverse d’une certaine TV» (Philippe Carrese), que «la culture est vivante», que «c’est une épine dans le pied qui permet d’être sur ses gardes» (Nicolas Presl). Et cette autre qui conclut le débat : Est-ce que vous avez quelque chose de positif à nous dire ? «Nos récits sont pessimistes pour vous faire réagir, c’est notre contribution pour vous faire trouver le bonheur» (P. Carrese).
«Ils sont ancrés dans l’histoire de périodes vécues et dures, mais c’est mieux maintenant. Il faut juste être sur nos gardes» (N. Presl). CHRIS BOURGUE
Ce Forum s’est tenu le 1er déc à Cavaillon, Scène nationale Prochain Forum le 2 fév à La Friche, Marseille
Sélection Terre des affranchis Liliana Lazar, Gaïa, 18 € Enclave Philippe Carrese, Plon, 20 € Fabrica Texte et dessin Nicolas Presl, Atrabile, 21 € La saison des flèches Texte Samuel Stento, dessin Guillaume Trouillard, La Cerise, 20 € Rébético David Prudhomme, Futuropolis, 20 €
AU PROGRAMME Approches Culture(s) et Territoires - 04 91 63 59 88 Mémoire en chantier : 1re biennale du Réseau pour l’Histoire et la Mémoire des Immigrations et des Territoires. Exposition Du bateau à la cité, l’enfermement à Marseille XVIIIe-XX e siècles, jusqu’au 21 janv aux Archives départementales des B-d-R Marseille ; exposition de photos d’Elisa Cornu, Harkis. Au camp des invisibles jusqu’au 28 janv aux Archives départementales des B-d-R centre d’Aix. Libraires du sud/Libraires à Marseille - 04 96 12 43 42 Rencontres : avec Gérard Détaille pour la sortie de son ouvrage Détaille : trois générations de photographes : Marseille, Provence, Méditerranée (Hervé Chopin), le 17 déc dès 16h à la librairie Maupetit (Marseille) ; avec Jean Contrucci pour la parution du nouveau volume des Mystères de Marseille : La Somnambule de la villa aux loups (Lattès), le 17 déc de 11h à 19h à la librairie Maupetit (Marseille) ; avec Malika Moine pour son livre Tournée générale (R’garde Moi ça), le 17 déc dès 16h à la librairie Maupetit (Marseille) ; avec Jean-Laurent Cassely, JeanPierre Cassely et Philippe Carrese pour leur livre Marseille : le manuel de survie (Les beaux jours), le 17 déc de 15h à 19h à la librairie Maupetit (Marseille) ; avec Alan Mets et Christel Espie illustratrice des aventures de Sherlock Holmes et de Tom Sawyer aux éditions Sarbacane, le 17 déc de 15h à 19h à la librairie Maupetit (Marseille) ; avec Mathilde Domecq pour la sortie de Hansel et Gretel (Bamboo), le 17 déc de 15h à 19h à la librairie Maupetit (Marseille) ; avec Michèle Odeyé-Finzi et Thierry BérotInard pour la sortie de Le Souffle de Lo Manthang, Mustang, Népal (L’anthropo), le 17 déc dès 18h à la librairie Apostille (Marseille) ; avec Michéa Jacobi pour son ouvrage Le piéton chronique : carnet de promenades à Marseille (Parenthèses), le 17 déc dès 17h à la librairie Prado Paradis (Marseille) ; avec Jeannine Anziani pour son ouvrage Le plus petit des grands magasins (Edilivre) et ses Contes de la Méditerranée (éditions Lutin Malin) à la librairie Prado Paradis (Marseille), le 17 déc de 10h à 19h à la librairie Prado Paradis (Marseille) ; avec Mondolius pour ses Innefables (Société des écrivains), le 19 déc de 16h à 18h à la librairie Prado Paradis (Marseille) ; avec Bernard Plossu pour tous ses ouvrages le 20 déc dès 17h à la librairie Au Poivre d’Âne (La Ciotat) ; avec Marion Bixio pour son guide Marseille code 01 (Tendances), le 21 déc de 16h à 18h à la librairie Prado Paradis (Marseille). AIX Cité du livre - 04 42 91 98 88 Exposition photos de Kai Fusayoshi, Kyôto par-delà Kyôto, jusqu’au 14 janv. Conférence de Nuria Nin, conservateur en chef du patrimoine, chargée du service archéologie de la Ville d’Aix, sur les Données nouvelles sur l’Aix antique, le 15 déc à 18h30. Atelier d’écriture À la découverte de l’univers des Haïku conçu et animé par Annick Combier, auteure, le 20 déc à 14h30. Fondation Saint-John Perse - 04 42 91 98 85 Exposition Poésie et typographie autour de deux caractères utilisés par Saint-John Perse, le Grandjean et le Garamont, dont les poinçons originaux de l’Imprimerie nationale sont présentés, jusqu’au 31 déc. Musée Granet - 04 42 52 88 32 La Joconde est dans l’escalier : exposition commune avec Artesens mettant en scène un dialogue sensoriel entre la peinture classique de la Renaissance au XIXe s et la peinture moderne, jusqu’au 15 janv. Galerie IPSAA ESDAC - 04 42 91 66 90 Exposition des œuvres des «nouveaux talents» artistiques du Pays d’Aix et d’ailleurs, du 4 au 15 janv. Galerie d’art du CG - 04 13 31 50 70 Exposition Voyage en orient de Pierre Loti à Nan Goldin, jusqu’au 29 janv. Galerie La Non-Maison - 06 29 46 33 98 Exposition Contrevoies [1], jusqu’au 31 déc.
ALLAUCH Musée - 04 91 10 49 00 Exposition Petits miracles à Mexico, ex-voto mexicains et contemporains, jusqu’au 28 janv. AVIGNON Association du quartier des teinturiers quartierteinturier.e-monsite.com Café littéraire autour du livre Pourquoi moi ? de Donald Westlake (Rivages) en présence de Mohamed Benabed de la librairie Lignes Noires, le 14 déc à 18h30. BARBENTANE La Salamandre - salamandre.barbentane@gmail.fr Exposition des livres pliés de Jany Garbouge-Floutier et photos de Laura Jonneskindt sur son travail, jusqu’au 8 janv. BRIGNOLES Le bazar du Lézard - 06 71 58 73 26 Exposition des peintures et sculptures de TomaX PouM et des objets sonores et lumineux de XX100, jusqu’au 15 janv. CAVALAIRE-SUR-MER Médiathèque municipale - 04 94 01 93 20 Exposition de Patrick Volpes, sculpteur d’argile, Autour d’un noël en Provence, jusqu’au 7 janv. MARSEILLE BMVR Alcazar - 04 91 55 90 00 Exposition Le livre, l’enfant et la photographe, la photographie dans le livre de jeunesse avec Sarah Moon, Kathy Couprie, Dominique Darbois, Tana Hoban, Ylla, jusqu’au 21 janv. Conférence sur Le paranormal face à la science, voyage zénétique au cœur de l’extra-ordinaire par Henri Broch, Université Nice Sophia Antipolis, le 14 déc. ABD Gaston Defferre - 04 91 08 61 00 Exposition Mexique, carnets de route, photographies de Pedro Tzontémoc, jusqu’au 7 janv. Exposition Ils écrivent l’histoire - La grande guerre dans les Bouches-du-Rhône, jusqu’au 31 janv. Exposition Du bateau à la cité : L’enfermement à Marseille, XVIIIe - XXe siècles, jusqu’au 21 janv ; conférence de Daniel Panzac, historien, De la peste au choléra, six siècles de défense sanitaire à Marseille, le 10 janv à 18h30 ; Arts et Archives, Montrer et dire l’archive avec l’Institut national du patrimoine et l’École supérieure d’art et de design de Grenoble-Valence : journées d’études pour les professionnels de l’art et du patrimoine, les 19 et 20 janv ; Papiers du grand large, les archives de bateaux dans les Bouches-duRhône, atelier avec Olivier Gorse, archiviste, le 21 janv de 14h30 à 16h30. MuCEM - www.mucem.org Les mardis du MuCEM : Les révolutions arabes, un an après avec Jean-Pierre Filiu, le 17 janv à 18h30 à l’Alcazar. Théâtre du Petit Matin - 04 91 48 98 59 Dans le cadre des lectures Les mots à l’heure, en lien avec Lire aux éclats, rencontre avec la cie l’Individu : lecture de deux nouvelles de Jérôme Lambert, en sa présence, par G. Clausse, C. Daquet, F. Gazal et C.-E. Petit, les 16 et 17 déc. Approches Culture et Territoires - 04 91 63 59 88 Apprendre le travail : ACT et les éditions Agone organisent une rencontre-débat avec Sylvain Laurens, sociologue, maître de conférences à l’Université de Limoges, et Ugo Palheta, sociologue et chercheur postdoctoral au GRESCO/Université de Poitiers, à l’occasion de la parution de l’ouvrage de Paul Willis L’école des ouvriers, comment les enfants d’ouvriers obtiennent des boulots d’ouvriers (Agone) et le n° 46 de la revue Agone Apprendre le travail. Le 17 janv à 18h30 à la Cité des associations, Marseille.
RENCONTRES 73
La Friche la Belle de Mai - 04 95 04 95 04 Rencontres petite enfance en prélude à l’ouverture de la crèche la Belle de Mai : avec Miriam Rasse, psychologue clinicienne, le 17 déc, et Anna Lia Galardini le 14 janv. Institut Culturel Italien - 04 91 48 51 94 Dans le cadre d’un cycle de conférences sur l’art : Sur la piste de la Louve : les origines de Rome, entre tradition et archéologie (1), le 12 janv. Maison de l’Architecture et de la Ville - 04 96 12 24 10 Installation-atelier La Maison inachevée : ensemble de construction dans lequel les enfants de 3 à 7 ans collaborent pour monter les murs d’une habitation. Jusqu’au 16 déc. Auditorium de la Caisse d’Epargne - 04 91 57 26 49 Conférence d’initiation L’art en France, par Jean-Noël Bret : l’art français III : La peinture du Grand siècle, le 22 déc à 18h ; l’art français IV : De la fête à la vertu, le 19 janvier à 18h. Galerie Jean-François Meyer - 04 91 33 95 01 Chrismas Art fair : exposition des artistes F. Bladier, J. Blaine, A. Kérouas, B. Pesce, Fifou et P. Turc, jusqu’au 23 déc à Hors Les Murs/HLM. SAINT-CHAMAS Chapelle Saint-Pierre - 04 90 50 90 54 Exposition des peintures de Tarcisio Canonica, jusqu’au 31 déc. Exposition des peintures, sculptures, objets, photos des 50 artistes membres de l’Office de tourisme, du 6 au 22 janv. VERS-PONT-DU-GARD Pont du Gard - 0 820 903 330 Exposition des œuvres de Daniel Deleuze, Patrick Saytour et Claude Viallat, jusqu’au 13 mars. Feux d’hiver : village d’animations à partir de 14h30, feux d’artifice du Groupe F à 18h, le 7 janv.
CONCOURS Le concours national artistique Mélodie 7 est ouvert à tous les artistes amateurs de musique, chant, danse, théâtre et vidéo, sans niveau préalable requis. À la clé, un Premier Prix par discipline, de 5 000 € chacun, et un spectacle à Marseille en 2013. À Marseille, l’audition de l’épreuve de présélection a lieu le 14 janvier, la clôture des inscriptions (sur le site Internet) est fixée au 4 janvier. Les demi-finales et finales auront lieu à Marseille en juin. 0 892 420 101 www.concours.melodie7.fr
7e édition de la manifestation Lire Ensemble, initiée par Agglopole Provence, qui se tiendra du 6 au 8 avril, et 3e édition des concours littéraires : - concours de nouvelles adultes, ouvert à toute personne de plus de 18 ans n’ayant jamais publié, sur le thème «a.i.M.e comme Méditerranée. M, un pont entre 2 rives» - concours de nouvelles jeunes ouvert cette année encore à tous les collégiens et lycéens habitant ou scolarisés sur la Communauté d’Agglomération sur le même thème - concours création de marque-page pour les enfants de la maternelle au CP et de création de poésie libre illustrée pour les enfants du CP au CM2 sur le thème «autour du M» La date limite des envois est fixée au 1er mars. 04 90 44 77 41 www.agglopole-provence.fr / lire.ensemble@agglopole.org
Concours classes professionnelles de l’ERAC : inscriptions ouvertes jusqu’au 15 fév. Le 1er tour aura lieu du 29 mars au 2 avril, le 2d tour et le stage du 13 au 20 avril. www.erac-cannes.com/inscription
74 RENCONTRES AVERROÈS
Les tables rondes d’Averroès, brûlantes de l’actualité immédiate, s’interrogeaient sur : L’Islam et l’Europe, la liberté ou la peur ?
Le titre de la 1ère table ronde Entre l’Europe et l’Islam : histoires de conquêtes ou passé commun ? ne suppose-t-il pas une coupure trop radicale ? La question d’Emmanuel Laurentin plonge le débat dans le vif du sujet historique, abordé chronologiquement par les intervenants. Pour Gabriel Martinez-Gros, médiéviste, spécialiste d’Al Andaluz, même l’affrontement produit la connaissance de l’autre. Mais les «Européens» présents dans l’Espagne musulmane n’installent pas un espace commun, et pour la civilisation arabo-islamique, le centre du monde se trouve dans le golfe persique et le monde indien. L’idée d’une Méditerranée espace commun de civilisation n’a pas cours. Entre islam et chrétienté, la révélation est une coupure radicale malgré des espaces communs. L’idée d’une relation de confrontation n’est pas plus vraie. Pour Géraud Poumarède, spécialiste du monde Ottoman, Europe et Islam sont des constructions intellectuelles - il n’y a pas d’unité en Europe et l’Empire Ottoman n’est pas la totalité de l’Islam. Ces mondes ne vivent pas dans le «choc des civilisations», ils entretiennent des échanges anciens par l’intermédiaire des Vénitiens ou des Génois. Les Français, eux, vont jusqu’à lutter avec les Turcs contre Charles Quint. L’idée d’un mode de relation conflictuel dominant ressort d’une mauvaise appréciation des sources qui survalorise l’antagonisme par conformité au discours contemporain dominant, et crée la fiction d’une altérité irréductible. Leyla Dakhli, spécialiste de la Syrie et du Liban au XIXe siècle, constate que la colonisation correspond à un changement de discours des élites intellectuelles locales sur l’Europe. Décidés à se penser comme entité, les intellectuels engagent la réflexion sur ce qu’est le monde musulman. Ils débouchent sur l’idée de Renaissance, la «nahda», et veulent réfléchir aux effets de la présence européenne dans le monde musulman. Leur culture, large et enrichie par de nombreux voyages, cherche à construire un modèle nouveau. Ils n’échappent pourtant pas à l’argumentaire occidental d’une opposition, formulée par un Renan, entre modernité et islam. Pour rattraper les sociétés occidentales, ils pensent qu’il faut moderniser la religion ! Amr El-Shobaki, spécialiste des Frères Musulmans, prolonge la réflexion pour le XXe siècle. Il rappelle la fondation de ce mouvement égyptien, en 1928, qui conçoit un modèle social construit sur une culture et une loi islamiques, se caractérise par l’indistinction entre
action politique, action sociale et religion. Le mouvement a évolué : jusqu’en 1952, le discours religieux, très conservateur, se conjugue à une action politique très limitée. De 1952 à 1970, les Frères s’opposent au régime nassérien. Violents, ils vont s’en prendre directement au Raïs et tenter de l’assassiner. À partir des années 70, une nouvelle génération apparaît, qui fréquente les universités, les syndicats, le parlement. Enfin, depuis la Révolution du 25 janvier 2011, où ils ont joué un grand rôle, ils participent directement à la vie politique, aux réseaux, sont blogueurs... Cette logique les a poussés à construire un nouveau parti, démocrate, et à rompre avec la confrérie. Ils ne veulent pas détruire l’Europe, comme les Salafistes, mais cherchent à en dépasser le modèle.
Et demain ?
Ici et maintenant Au travers de ce parcours rapide, la salle très réceptive et enthousiaste, a partagé la vision d’un monde où la confrontation voisine avec l’échange, comme souvent, lorsque l’on partage les mêmes espaces. La 2ème table ronde, qui portait sur l’Islam en Europe, fut nettement © Espace culture Marseille
© Espace culture Marseille
moins passionnante. Rasmus Boserup, sociologue danois, rappela les violences de l’islamophobie ambiante en Europe mais ne put, en particulier à cause de son manque de maitrise du français, faire entendre sa voix entre Farida Belkacem et Margarete Spohn. La sociologue allemande vanta en particulier la formation sociale dispensée en Allemagne aux Imams, et resta anecdotique. Farida Belkacem, chercheuse à l’IRIS, proféra quelques vérités fondées sur son vécu et ses enquêtes parmi les musulmans français et anglais… sans définir jamais ce que sont les populations musulmanes en Europe. Quelles sont leurs origines, leurs obédiences, leur relation aux femmes, aux autres musulmans, leurs langues, leurs pratiques ? Une fois encore Islam et monde arabe furent confondus, hors les Turcs d’Allemagne. À Marseille, où vivent 50 000 musulmans d’origine comorienne, le mot «Comores» ne fut pas prononcé. Quant à la peur de l’Islam, fondée en Europe sur la peur du terrorisme mais surtout sur la relation -fantasmée ou non- des musulmans aux femmes, cela fut balayé de la main, et les féministes furent renvoyées à leur récupération fascisante par la fille Le Pen. Puisque le problème de la terreur était posé dans le titre, ne fallait-il pas au moins en circonscrire les prétextes, sinon les raisons ?
Heureusement la 3ème table ronde réunissait l’écrivain égyptien Alaa El Aswani (voir p. 68), le psychanalyste tunisien Fethi Benslama, et Michel Foucher, géographe et diplomate français. À l’heure où la Révolution égyptienne connaît des prolongements sanglants, le thème «Utopies sans lendemains ou promesse d’avenir» prenait une résonance particulière. Alaa El Aswani s’est dit optimiste : «On a fait le plus dur, on a dépassé le mur de la peur, ce dont les dictatures ne croient jamais le peuple capable.» En écho, Fethi Benslama évoque La Boétie et son Discours de la servitude volontaire : «Oui, les gens se sont rendus compte qu’il pouvait y avoir un changement. Mais la liberté peut effrayer, elle peut déboucher sur une demande d’ordre, un repli conservateur.» Pour lui, le problème fondamental est celui des mouvements islamistes : «Ils existent, on ne va pas les liquider. Et ce n’est pas la laïcité à la française qui va marcher dans nos pays, car le peuple aspire à la démocratie, mais tient aussi à la tradition religieuse.» Michel Foucher est d’accord sur ce point : «Rappelons qu’au droit de critiquer la science, la politique et la religion, s’ajoute en France la laïcité institutionnelle. Que cela ne nous empêche pas de clarifier notre propre rapport à l’islam -nous avons la 1ère communauté musulmane d’Europe- sans vouloir exporter notre modèle avec la méconnaissance du sud qui nous caractérise, faite de préjugés, stéréo-types et passé mal digéré.» Les Révolutions arabes sont indéniablement l’occasion de réfléchir à ce que signifie la démocratie dans des sociétés d’images où la séduction immédiate fait élire (voir Zib’46, Élections pièges à cons ?). Des pans entiers de ce qui constitue la démocratie tombent sous les coups de l’ultralibéralisme (Fethi Benslama), et certains utilisent le sentiment religieux pour arriver au pouvoir (Alaa El Aswani). Car il est un point qui a fait l’unanimité chez les intervenants : l’éducation. S’il n’est pas besoin de théorie pour se révolter, l’indépendance d’esprit se nourrit de savoir. L’exercice de la démocratie aussi. RENÉ DIAZ, AGNÈS FRESCHEL ET GAËLLE CLOAREC
Les 3 tables rondes des Rencontres d’Averroès ont eu lieu les 18 et 19 nov au Parc Chanot, Marseille (voir concert p. 49)
© Espace culture Marseille
À la table commune
HISTOIRE | SCIENCES
Frontières en stock Dans la foulée des Rencontres d’Averroès, les Mardis du MuCEM poursuivent leur mission de clarification sur les enjeux les plus conflictuels de la Méditerranée. La thématique retenue pour ce volet («Israël / Palestine, récits de frontières»), n’était pas la moins complexe et il aura fallu tout l’art oratoire des intervenants pour donner un aperçu distancié de la situation. Riccardo Bocco, Stéphanie Latte Abdallah et Cédric Parizot viennent de publier chez Actes Sud un ouvrage intitulé À l’ombre du mur. Israéliens et Palestiniens, entre séparation et occupation. Selon eux, le mur censé servir de frontière entre les deux frères ennemis les enferme ensemble plutôt qu’il ne les départage. La gestion de l’espace géographique sert à un brouillage délibéré : l’archipel d’enclaves imbriquées répond à des mécanismes de contrôle élaborés par l’occupation militaire. Une dissociation des trajectoires, un régime de mobilité assujettissent les populations en fonction de leur origine : on ne franchit pas les checkpoints de la même manière selon la couleur de son passeport, et là où un Israélien peut aller de Tel-Aviv à la Mer Morte en moins de deux heures, c’est beaucoup plus compliqué pour un Palestinien de simplement se rendre à son lieu de travail. Stéphanie Latte Abdallah estime que le processus de paix est au point mort, et Cédric Parizot souligne que nombreux sont ceux qui tiennent à ce qu’il le demeure. Au premier rang desquels les intérêts de rentabilité les plus abjects : ceux des vendeurs de matériel militaire de pointe, dont plusieurs groupes français tels que Thales, EADS... Pour Riccardo Bocco, professeur de sociologie politique à l’Institut des Hautes Études Internationales de Genève : «Les gouvernements européens et américains cautionnent un Etat Israélien qui sacrifie sa jeunesse de génération en génération.» Apparemment, et sans mauvais jeu de mot, le marché de la robotisation du champ de bataille est en plein boom, et les as du marketing planchent sur la façon de créer de nouveaux besoins : drones dernier cri, barbelés au kilomètre... la version hype de la guerre en somme. GAËLLE CLOAREC
Israël/Palestine, récits de frontières a eu lieu le 22 nov à l’Alcazar
Culture scientifique et technique
Le Café Malarte, Arles, ouvre ses portes le 12 janv à 20h30 à Fabrice Chandre, chercheur à l’IRD, et Joseph Jacquin-Porretaz, directeur du Naturoptère et leurs Insectes : de la pollinisation à l’anti-moustique. «Quels sont les mécanismes de résistance aux insecticides chez les moustiques qui transmettent le paludisme, la dengue ou le chikungunya ? Quelles sont les stratégies mises en place pour gérer la résistance aux insecticides ? Où en est la recherche de nouvelles stratégies de lutte contre les moustiques ? Où en est la lutte contre les insectes vecteurs de maladies humaines en milieu tropical ?…» Café Malarte, Arles 04 90 96 03 99
L’ASTS-PACA propose la cinquième édition des Horizons du Savoir autour de la thématique mathématique Des chiffres et des hommes. Ceci en collaboration avec l’Institut de Mathématiques de Luminy, l’Institut de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques et le Centre International de Poésie de Marseille. Utilisation artistique, musicale, épistémologique, physique mais aussi politique ou encore informatique des maths. La conférence du 17 janv à 18h30 portera sur Les mathématiques arabes, présentée par Ahmed Djebbar, professeur émérite d’Histoire des sciences. Maison de la Région, Marseille www.asts.asso.fr/cms
À venir Écrire la guerre d‘Algérie, entre littérature et histoire avec Alexis Jenni (Prix Goncourt 2011) et Sofiane Hadjadj le 13 déc à 18h30 Alcazar, Marseille www.mucem.org
RENCONTRES 75
© Christophe Fouin/MuCEM
Rencontre-débat organisée par Approches culture et territoires le 17 janv à 18h30 avec les sociologues Sylvain Laurens et Ugo Palheta, auteurs de l’ouvrage Apprendre le travail (Agone n°46, oct.-déc. 2011). «L’échec des politiques de retour forcés de travailleurs immigrés (1980), la tendance continue des enfants d’ouvriers à profiter autant que possible de l’allongement des études remettent fondamentalement en cause les projets de revalorisation du travail manuel…» Salle Phocéa Cité des Associations, Marseille www.approches.fr
Les jeudis du CNRS, cycles annuels de conférences «grand public» données au siège du CNRS-Provence, Marseille, proposent le 2 fév à 18h la conférence de Virginie Chapon, chercheuse au CEA de Cadarache. Elle portera sur «Tchernobyl : 25 ans après, où en est la biodiversité ?» 25 ans après la catastrophe de Tchernobyl, qu’en est-il de l’impact de la contamination sur la biodiversité bactérienne dans la zone d’exclusion ? Délégation Provence du CNRS, Marseille www.provence-corse.cnrs.fr/-Les-Jeudis-du-CNRS
76 HISTOIRE RÉSISTANCE | ÉCHANGE ET DIFFUSION
Ceux qui ont dit non «Un peu plus fort, chacune de ces oreilles a 97 ans !» Le regard pétille. L’esprit alerte, une mémoire des dates et des noms stupéfiante, Raymond Aubrac se plie au jeu des questions avec vivacité et humour. «Pourquoi entrer en Résistance ? Nous avons pensé que cela servirait à quelque chose. Tout est dominé par la confiance en soi et l’optimisme, toutes les décisions individuelles sont fondées là-dessus. Un chef-d’œuvre d’optimisme, c’est Jean Moulin, la solidarité avec les camarades…» L’émotion de revenir à Marseille, où il a été Commissaire de la République à la Libération, est palpable. «Je suis ici en vieux témoin, sourit-il, ma vie se passe à raconter aux écoliers, aux lycéens. Il faut continuer à affirmer que la Résistance n’est pas un mythe : de nos jours, on est en train d’en occulter le souvenir. On est au temps des victimes. Ce n’est pas les mépriser que de rappeler ceux qui ont osé dire non. Il est impératif de parler de la Résistance, de ses soutiens, de ses héros.» La Provence est entrée très tôt en Résistance, les derniers ouvrages de Robert Mencherini l’évoquent avec précision. Marseille fait partie des villes qui se sont insurgées. Raymond Aubrac rappelle d’ailleurs la réquisition des entreprises à la Libération, les comités consultatifs de gestion : expérience rare de cogestion réussie entre représentants de l’état et comité consultatif des ouvriers. Le double programme du CNR trace les lignes d’une République indépendante et libre, et formule les règles favorisant le progrès économique, social et culturel. Dans cette belle lignée, le 3 déc, toujours aux Archives départementales, Robert Mencherini présentait le Musée virtuel de la Résistance. Une lutte contre le quasi déni du rôle de la Résistance dans la Libé-ration : un travail exceptionnel contre nos mémoires segmentées ! MARYVONNE COLOMBANI
Raymond Aubrac était aux ABD de Marseille le 3 déc, Robert Mencherini le 15 nov y présentait le musée virtuel de la Résistance www.museedelaresistanceenligne.org
À lire La trilogie Midi rouge. Ombres et lumières Les années de crise 1930-1940, Vichy en Provence 1940-1942 Résistance et occupation 1940-1944 Robert Mencherini Syllepse, 17 €, 23 €, 25 €
Un américain à Marseille Le 23 nov, a été inaugurée l’exposition pédagogique itinérante consacrée à Varian Fry, dans les locaux du CRDP qui ont abrité pendant la guerre le célèbre Hôtel Splendide où descend Fry à son arrivée à Marseille. De 40 à 41, ce journaliste américain dépêché par l’Emergency Rescue Comittee pour sauver 200 intellectuels européens de la menace nazie, en sauve 2000, luttant contre l’administration pétainiste de la France encore libre et très vite contre la sienne, dans un Marseille grouillant de réfugiés internationaux, où on croise entre autres Breton, Ernst, Arendt, Itkine... Les discours d’ouverture d’Edmonde Charles-Roux, de Jean-Michel Giraud, président de l’association Varian Fry-France, de Diane Kelly consul général des Etats-Unis, de Patrick Mennucci et de Daniel Hermann ont souligné la nécessité de cette exposition qui, non seulement éclaire le destin d’un homme opiniâtre, héros rebelle, charismatique, auquel les jeunes gens peuvent s’identifier, mais révèle aussi l’importance historique de la cité phocéenne dans l’organisation
d’une résistance à la xénophobie. Destinés à être montrés en totalité ou en partie aux collégiens et lycéens de la région, les 27 panneaux de 180 par 80, un peu austères, proposent photos sépia, documents bruts et textes didactiques autour de trois thèmes : la mission de sauvetage, la culture de l’exil et les filières clandestines pour l’Amérique. Les demandes des enseignants ont déjà afflué assurant le succès de ce travail de mémoire et de réflexion sur les valeurs morales de l’action. Le lendemain, l’association Varian Fry et Pierre Olivier Ungemach-Benedite remettaient le fonds Daniel Benedite, constitué des originaux des lettres de Fry, aux Archives départementales. La signature officielle du document fut émouvante. Daniel Benedite, bras droit puis successeur de Fry quand les autorités eurent réussi à se débarrasser de ce dernier, est un autre héros de cette période moins connu que l’américain, arrêté dans le Var où il dirigeait un chantier forestier, refuge de résistants. ÉLISE PADOVANI Varian Fry, un monde en exil du 22 nov au 9 déc au CRDP, Marseille
Où vas-tu, Icare ? © DRFP/Odile Jacob
Qu’un neurologue de la Pitié Salpêtrière aborde le concept de connaissance via les mythes et la psychanalyse, et c’est notre façon d’être conscient qui vacille. Lionel Naccache, à partir de l’analyse de quelques grands mythes de l’humanité (Adam et Eve, Icare, Faust), soutient que la connaissance est teintée chez les humains de pulsions désirantes mêlées de craintes morbides. Cette dualité est à la fois un obstacle au développement cognitif mais aussi, paradoxalement, son énergie motrice. La conscience, et donc la connaissance qui en découle, serait la perception informative, conjointe à un investissement subjectif fictionnel : l’être humain passe son temps à se raconter des histoires et son cerveau interprète de façon irrépressible. Sub-
jectivité qui n’est pas assez prise en compte dans notre société de l’information hantée par l’objectivité. Selon le neurologue, «nous sommes soumis à une hallucination collective, et en croyant accéder au réel, nous nions notre dimension fabulatoire. Cela peut être source de violence, si les gens oublient qu’ils ne sont pas d’accord tout simplement parce qu’ils ne sont pas dans le même monde.» Le propos eut été plus précis, comme évoqué par l’ultime question d’un auditeur, s’il avait confronté également pratique et représentation, et donc précisé ce qu’est une analyse critique de l’information. En effet la connaissance n’est-elle pas, plutôt qu’une expression de la subjectivité, une confrontation entre les représen-
tations, confrontation qui permet et rend possible leur validation par la pratique (le feu attire mais brûle, je n’y mets pas la main mais peux y faire cuire ma nourriture…) ? La connaissance, c’est de l’expérience en mouvement. S’il ne faut pas oublier la chute d’Icare derrière le désir de connaissance, c’est bien en apprivoisant le soleil que l’on sort de la caverne. Et que l’on prend des couleurs ! GAËLLE CLOAREC ET YVES BERCHADSKY
La conférence Le malaise contemporain de la connaissance a été accueillie le 1er déc par Échange et Diffusion des Savoirs, Marseille
LA PHILO POUR ENFANTS
PHILOSOPHIE
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La philosophie pour enfants gagne du terrain dans le monde entier, et ses résultats sont spectaculaires. De nombreux professeurs des écoles organisent des séances avec leurs élèves, ce qui remet en cause profondément la philosophie traditionnelle et celle de l’École en général. Expérience dans une banlieue de la «République»
Philo’z’enfants !
Mais d’abord qu’est-ce que la philosophie pour enfants ? C’est une idée de Matthew Lipman, philosophe et pédagogue étatsunien qui, dès les années 70, lance l’expérience. Logicien, ses travaux se fondent sur des bases très pragmatistes, socioconstructivistes. Quézaco constructivisme ? Eh bien, ici, c’est se demander comment un enfant peut s’approprier les savoirs fondamentaux de manière efficace, viable socialement, développant son esprit critique. La philosophie apparaît alors comme la plus à même de s’insérer dans cette finalité critique. Même si un dispositif pédagogique et techniciste lui est par nature étranger «for us European». Expliquons-nous. En Europe et surtout en France la philosophie est affaire d’un enseignement magistral, en bref la pédagogie est sa hantise : c’est aux élèves de se hisser à la sublime aura (ou pas) du professeur de philosophie ; hors de question pour la philosophie de s’abaisser à une quelconque simplification. Le problème est que la pratique du questionnement, de la distinction des problèmes et de leur classification, celle de l’analogie, de l’induction, du raisonnement par syllogisme, etc… toute chose que l’on peut appeler philosophie, porte ses fruits chez les enfants. Sur la base de cette efficacité, l’idée de Lipman fait des petits dans le monde entier jusqu’à ce que l’UNESCO en 1999 recommande l’extension de la pratique de la philosophie dès la maternelle. Dans les pas de Lipman se développe en France la pédagogie de la philosophie pour enfant de Jacques Lévine d’une part et de Michel Tozzi d’autre part. Lévine prolonge l’expérience psychanalytique où l’adulte n’intervient quasiment pas : une question, 10 minutes de débat filmé ou enregistré entre les élèves, puis visionnage ou écoute et débat ensuite avec l’adulte. Avec Tozzi la démarche est plus politique. Point d’hypocrisie, avouons le biographique de cet article : à la demande de la commune d’Aubervilliers, j’ai eu l’honneur d’être «réquisitionné» pour des goûters philo. Les trois médiathèques de la ville mettaient en place ces goûters à destination d’enfants de huit à douze ans, d’origine africaine, asiatique et maghrébine exclusivement. Pour eux les séances sont ponctuelles, il y a six goûters prévus sur trois mois, et les enfants tournent. Le premier thème de ces premiers ateliers est : «C’est quoi penser ?». Dans la méthode Tozzi les enfants sont assis par terre, l’adulte aussi. Il faut effacer tout ce qui renvoie au frontal de la classe habituelle, avec l’autorité à son extrême. Les élèves doivent ensuite débattre entre eux, sous l’œil non intervenant de l’adulte. L’enjeu est simple ; il s’agit peut-être moins de les faire conceptualiser sur une notion, que de créer une «communauté philosophique» comme l’appelle joliment Tozzi. Joliment et efficacement, car la suite de ce premier atelier réserva d’intéressantes surprises.
Faire cercle Différentes méthodes proposent pour commencer de lire un conte, une histoire pour enfants spécifiquement orientée vers des enjeux philosophiques : il faut bien une matière de départ. Mais la première surprise est au rendez-vous. À peine la question posée et une fois expliqué rapidement ce qu’est la philosophie, et sans lecture d’histoire, sur la vingtaine d’enfants présents
une dizaine lève déjà la main pour répondre ! Alors là autre protocole ; car ces ateliers sont très protocolaires. La parole doit être libre et faire oublier le cadre classique de la classe ; ainsi l’adulte doit s’effacer le plus possible. Lorsque les enfants veulent parler, ils lèvent la main comme dans tout cadre démocratique global : mais ils ne demandent pas la parole à l’adulte. Ainsi doit être désigné un président de séance pour chaque question de l’atelier. C’est lui qui distribuera la parole, ainsi qu’un passeur de micro (factice, on est 20…). Les enfants, magiques, parlent entre eux, et oublient vite l’adulte.
Dialoguer Précisons : le débat est monologique, chacun dit ce qu’il a envie de dire, ça ne rebondit pas trop sur ce que l’autre a dit. Une fois les interventions épuisées, l’adulte relance sur une autre question et doit résoudre un problème classique : les enfants qui écoutent mais ne parlent pas. Il commence par désigner un synthétiseur pour la prochaine question, choisi parmi ceux qui sont silencieux. Autre question, autour du thème de la pensée, autre président, autre passeur. Nouvelle règle, on doit passer au dialogique ! Les enfants devront dire, suite à une intervention d’un de leurs camarades soit «je ne suis pas d’accord avec mon camarade» (ils ne connaissent pas leur prénom), soit «je suis d’accord mais..», soit «je voudrais rajouter…». Ainsi, avec ce protocole artificiel, les idées s’échangent. La communauté philosophique est créée. Les enfants sortent au bout de plus d’une heure enchantés (après enquête objective des services de la médiathèque !). Il n’y a pas eu de miracle d’intersubjectivité dialectique. Sur ce thème, comme sur les autres («c’est quoi parler», «la différence», «la solidarité»…) aucune conceptualisation n’a pointé sa frimousse. L’adulte n’a pas eu l’impression que sa petite scienPhoto tirée du film Ce n’est qu’un début © X-D.R
ce pédagogique fasse du philosophique avec les présences humaines toutes innocentes, colorées, de ces banlieues où la république persiste encore avec ses profs, ses travailleurs sociaux et municipaux. Mais des miracles philosophiques se sont produits. Dans ce cadre, strictement protocolaire, les enfants s’écoutent. Du fait de l’assise au sol et en cercle, d’un président parmi leurs pairs, de questions difficiles (mais stimulantes pour eux), il n’y a aucun surplomb dédaigneux des 12 ans envers les 8 ans ; on demande la parole, on dit bien «je suis d’accord» (ou pas), l’anecdotique n’a point besoin d’asseoir sa place puisque les questions sont très générales. Des perles d’intelligence -ou d’éclat d’esprit, comment appeler ça…?- surgissent parfois, comme celle du petit Zaïdou pas d’accord avec la conception du souvenir de sa camarade Radmanaz, puisque des pensées nous viennent parfois alors qu’on n’y pense pas... Alors quoi ? Participation d’enfants à des débats, fortification de l’esprit critique, mise à mal de «l’école-mémorisation», destruction du cours magistral… c’est une révolte ? Non madame ou monsieur le professeur, c’est une… RÉGIS VLACHOS
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Ont également participé à ce numéro : Yves Bergé, Émilien Moreau, Gaëlle Cloarec,Christophe Floquet, Thomas Dalicante, Aude Fanlo, Clarisse Guichard, Pierre-Alain Hoyet, Christine Rey
Philosophie Régis Vlachos regis.vlachos@free.fr
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