zibeline n°58

Page 1

un gratuit qui se lit

N°58 - du 12/12/12 au 16/01/13

s n o n r u o t Dé

Noël



Politique culturelle Marseille Nord MP2013 Le numérique

4, 5 6, 7 8, 9

Événements Les Rencontres d’Averroès Théma 7, Laterna Magica Le monde est à nous, BJCEM

10, 11 12 14

Critiques Théâtre Danse Arts de la rue Jeune public Musique

16 à 23 24 25 26 28 à 33

Au programme Théâtre Danse Jeune public Arts de la rue/Cirque Musique

34 à 37 38 39, 40 41 42 à 46

Cinéma

47 à 51

Arts visuels

52 à 57

Rencontres

58, 59

Livres Cadeaux Arts Littérature Livres/CD Jeunesse Rencontres Echange et diffusion des savoirs, le Gyptis, Prix littéraire PACA

60 61 à 64 65, 66 68, 69 70, 71 72 à 75 76

Sciences

Mensuel gratuit paraissant le deuxième mercredi du mois Edité à 30 000 exemplaires imprimés sur papier recyclé Edité par Zibeline SARL 76 avenue de la Panouse | n°11 13009 Marseille Dépôt légal : janvier 2008 Directrice de publication Rédactrice en chef Agnès Freschel agnes.freschel@wanadoo.fr 06 09 08 30 34 Imprimé par Rotimpress 17181 Aiguaviva (Esp.) photo couverture Marché au Santons Agnès Mellon 095 095 61 70 photographeagnesmellon.blogspot.com

78

Ce que nous en ferons Notre dernier numéro avant Noël, et l’année capitale… Plus que jamais nous vous enjoignons à sortir, participer, à offrir des livres, de la musique, des places de spectacles. À garder éveillés votre sens critique, votre capacité de création. L’année culturelle ne se fera pas sans vous, et la restructuration future du territoire a besoin de votre vigilance. Pour que ne soient pas oubliés les quartiers pauvres des villes, et que des établissements culturels y refleurissent, destinés à tous. Pour que les œuvres de l’esprit prennent le pas sur les appareils technologiques qui les diffusent. Pour que la révolution numérique n’entraîne pas un formatage des esprits, et la surveillance, mais un nouveau dialogue et des échanges libres, une prise de conscience citoyenne par la circulation de l’information. Pour que les bâtiments nouveaux qui s’érigent n’abritent plus les réjouissances et petits fours d’acteurs culturels inféodés à ceux qui les financent, mais deviennent des lieux où l’on repense le politique pour ne plus le subir. Alors des œuvres nouvelles verront le jour, qui nourriront nos vies. Tous ces choix-là dépendent de nous. Par nos décisions de consommateur, de citoyen, d’électeur, de travailleur, d’habitant, d’internaute, de lecteur de presse et de spectateur, par notre capacité à considérer nos voisins, femmes, ados, étrangers, homosexuels, pauvres, vieux ou chômeurs comme d’autres nous-mêmes, par nos paroles et nos actes, nous fabriquons les sociétés où nous vivons. Ses crises et ses joies, ses mutations. Les fêtes et l’année qui viennent sont entre nos mains : elles seront belles et pleines de promesses, ou aliénantes et misérables. AGNÈS FRESCHEL

RetrouveZ Zibeline et vos invitations sur notre site

www.journalzibeline.fr Secrétaires de rédaction Dominique Marçon journal.zibeline@gmail.com 06 23 00 65 42

Musique et disques Jacques Freschel jacques.freschel@wanadoo.fr 06 20 42 40 57

Delphine Michelangeli d.michelangeli@free.fr 06 65 79 81 10

Frédéric Isoletta fredisoletta@gmail.com 06 03 99 40 07

Arts Visuels Claude Lorin claudelorin@wanadoo.fr 06 25 54 42 22

Dan Warzy danwarzy@free.fr

Livres Fred Robert fred.robert.zibeline@free.fr 06 82 84 88 94

Kévin Derveaux kdx1@hotmail.fr Cinéma Annie Gava annie.gava@laposte.net 06 86 94 70 44

Élise Padovani elise.padovani@orange.fr Philosophie Régis Vlachos regis.vlachos@free.fr Polyvolantes Chris Bourgue chris.bourgue@wanadoo.fr 06 03 58 65 96 Maryvonne Colombani mycolombani@yahoo.fr 06 62 10 15 75 Gaëlle Cloarec ga.cloarec@gmail.com

Collaborateurs réguliers : Yves Bergé, Émilien Moreau, Christophe Floquet, Thomas Marie Godfrin-Guidicelli Dalicante, Pierre-Alain m-g-g@wanadoo.fr Hoyet, Clarisse 06 64 97 51 56 Guichard, Christine Maquettiste Montixi, Mireille VercelPhilippe Perotti lino, Maurice Padovani, philippe.zibeline@gmail.com François-Xavier Renucci 06 19 62 03 61 Marie-Jo Dhô dho.ramon@wanadoo.fr

Directrice commerciale Véronique Linais vlinais@yahoo.fr 06 63 70 64 18 La Régie Jean-Michel Florant laregie@gmx.fr 06 22 17 07 56


04

POLITIQUE CULTURELLE

MUCEM | MP2013

Marseille Nord, bataillon oublié d’une armée mexicaine Aurélie Filippetti est venue à Marseille le 16 novembre, à l’occasion de la conférence de presse de lancement du programme de Marseille Provence 2013. Ce qui, dans la journée, lui a aussi donné l’occasion de visiter les deux bâtiments du MuCEM : le chantier sur le J1, et le centre de conservation à la Belle de mai. Puis le KLAP, Maison pour la danse de Michel Kelemenis. Un programme triple qui est passé par trois fois juste à côté de ses objectifs : le MuCEM sera là, avec l’appui de l’État, mais on le savait déjà ; le programme de Marseille Provence 2013 a été distribué aux journalistes et professionnels présents mais n’a été ni présenté ni commenté ; quant au KLAP de Michel Kelemenis, il révéla la profondeur d’un gouffre… Avec cette visite ministérielle, il s’agissait en fait d’affirmer la présence de l’État à Marseille. Feuilleton de l’été qui se poursuit, aux épisodes médiatiques non dénués de fondement, mais qui se sont concentrés sur les faits divers meurtriers, sans jamais parler de la réalité sociale marseillaise, ni de culture. Pour mémoire, et parce qu’il faut bien se fonder sur une analyse de société quand on veut commenter une politique culturelle, les taux de pauvreté et de chômage (respectivement 26 et 14%) dépassent largement dans certains quartiers de Marseille ceux de la Grèce en débandade. Mais les taux d’imposition dans les quartiers sud n’ont rien à envier au 16e arrondissement de Paris. Une société insupportablement fracturée, et que recoupe la réalité culturelle : l’État durant des années a préféré investir dans une prétendue «excellence» nettement élitiste plutôt que de soutenir les artistes, compagnies et équipements qui œuvraient depuis toujours dans les «quartiers». Car il faut savoir que ces arrondissements marseillais (3e, 13e, 14e, 15e et 16e) regroupent près de 300 000 habitants, c'est-à-dire autant que les Hautes-Alpes et Alpes-de-Haute Provence réunies. Soit le double de la population aixoise, et le tiers des Marseillais. Il est évident que leur équipement culturel n’est pas de cet ordre… Et les vingt quartiers qui les composent ont été classés dans les 100 quartiers les plus pauvres de France par l’Insee, ce qui devrait au contraire pousser l’État, et

Jean François Chougnet, Directeur de MP2013, Jacques Pfister, président de la Chambre de Commerce de Marseille Provence, Aurélie Filippetti, mInistre de la Culture, Hugues Parant, Préfet de la région Paca © Agnès Mellon

les collectivités, à un investissement volontariste. Pourtant les quelques équipements culturels qui y sont ancrés par la volonté de l’État ne sont pas destinés à accueillir du public. Ou peu. On y a placé des artistes et des structures parce que le m2 y est moins cher qu’ailleurs. Mais si la Cité des Arts de la Rue, le CREAC ou la Scène Nationale du Merlan existent, ils ont en volume peu d’activité à destination du public de proximité. Et ces quartiers n’ont aucun équipement d’éducation artistique (conservatoires annexes, écoles de danse, ateliers des beaux arts) dont bénéficient les quartiers sud. Pourtant, depuis très longtemps, des artistes et militants culturels y travaillent, avec un acharnement exemplaire, à garder le lien avec cette population délaissée. Marseille a toujours su faire cela, travailler son art au plus près du peuple, y trouver du sens et de la vie loin des paillettes et des tapis rouges. Hier Richard Martin et son Toursky, Chatot/Vouyoucas et leur Gyptis, ont su faire venir au théâtre des populations qui n’y auraient jamais mis les pieds. Ils ont vu leurs budgets fondre, puis l’État se retirer, et après eux verront leurs portes se fermer… Histoires d’un autre temps ? Sans doute. Mais aujourd’hui William Benedetto attend toujours le financement de la deuxième tranche de travaux de son Alhambra, qui à Saint André fait merveilleusement vivre le cinéma en projetant, débattant, déménageant le 7e art sous les étoiles jusque dans les cités les plus difficiles, et en soutenant les tournages dans les quartiers. L’État s’est aussi retiré du financement du Pôle Instrumental Contemporain à l’Estaque, alors que

l’ensemble Télémaque depuis 15 ans démocratise la musique contemporaine en faisant entendre ses sons, son histoire et ses structures, en intégrant à ses spectacles des chœurs d’enfants, en allant jouer en «éclaireur» dans les établissements scolaires et bibliothèques de quartier. On ne sait pas non plus ce que vont devenir les équipements de la Friche, du Centre National des Arts de la Rue, du CREAC, qui sont en manque criant de budget de production et ne pourront poursuivre leurs missions, même si pour eux du moins les équipements sont financés. Aujourd’hui l’État visite la Maison pour la danse Michel Kelemenis (voir ci-dessous), qui dans les 3e et 15e arrondissements a mené un remarquable travail de réappropriation du corps par la pratique et le regard. Mais le ministère n’y apporte pas le moindre financement ! Cynisme ? Ignorance de la réalité ? La ministre de la Culture semblait déplorer en toute sincérité la petitesse du logo du ministère de la Culture à l’entrée du KLAP. Sait-elle que le gouvernement précédent a coupé les vivres de tous ces acteurs culturels, et que le sien ne semble pas décidé à les rétablir ? Son ministère ressemble-t-il à ce point à une armée Zapatiste ignorante de ce qui se passe dans ses territoires du sud ? Il semblerait, puisqu’elle a durant la conférence réaffirmé son attachement à l’éducation artistique et l’importance de s’adresser à tous les publics. Et qu’elle a aussi, lorsqu’on lui a demandé si sa visite au KLAP était «un signe d’attention particulière aux quartiers en difficulté sociale», affirmé qu’«évidemment» il s’agissait de soutenir les artistes qui travaillent


POLITIQUE CULTURELLE 05

D’art et d’eau fraîche dans les quartiers pauvres de Marseille, et rappelé l’importance de la culture dans le plan gouvernemental pour Marseille. Sa visite y a un sens politique, souligné par son insistance sur «la perspective stratégique initiée par le Premier Ministre pour l’agglomération», c’est à dire sur la nécessité d’une grande métropole, qui rééquilibrerait les ressources du territoire de Marseille Provence, la Capitale culturelle servant à ce titre de banc d’essai. «Il est essentiel, déclara-t-elle, que nous bâtissions ensemble les conditions de l’après 2013 de Marseille Provence afin de fixer les lignes de force de cette structuration durable». Ambitieux programme, qui divise le territoire au-delà des appartenances politiques, toutes les communes avoisinantes ayant peur que l’hégémonie marseillaise balaye leurs identités, et leur pouvoir démocratique de décision. Accompagnée, dans un Musée National, du Préfet en uniforme et du directeur de la chambre de commerce de Marseille Provence, Aurélie Filippetti affirmait la présence de l’État de façon hiérarchique, et économique. Sait-elle qu’à Marseille le rééquilibrage des ressources devrait se pratiquer entre les arrondissements autant qu’avec les communes voisines ? Ce souhait, légitime, d’une grande métropole, escamote l’interrogation sur une intervention financière de l’État, qui devrait prodiguer ses bienfaits au-dessus du lit de son enfant malade, plutôt que de demander à ses voisins de lui céder leur soupe. Les 300 000 habitants des quartiers (très) pauvres de Marseille ont besoin d’un engagement sonnant et trébuchant : pour la police et l’éducation, mais aussi pour la culture, qui doit à Marseille se dispenser plus égalitairement, et se détourner des cocktails et entre-soi d’un certain centre ville pour redécouvrir la joie du partage avec le peuple, que les artistes du cru ont toujours pratiqué. MARYVONNE COLOMBANI ET AGNÈS FRESCHEL

C’est avec une émotion non dissimulée que Michel Kelemenis accueillait la ministre de la Culture. Signe fort s’il en est, c’est ainsi que le chorégraphe l’a souligné lors de sa présentation passionnée du lieu conçu par l’architecte Guillaume Beccaria, qui, en un an, a vu 80 compagnies, 130 représentations ouvertes au public, 300 heures d’actions artistiques diverses, un cycle mensuel d’expositions… Sans compter l’attention particulière accordée à l’éducation artistique et le remarquable travail en direction des enfants, avec l’école Parc Bellevue : les deux classes de CM1 et CM2 de M. Fortier et M. Frais participent à un projet annuel, répétitions, représentations… «Le contrat est encadré dans la chambre» confie une mère qui insiste sur le dynamisme militant et désintéressé de la directrice de l’école, Madame Véra Thur. Madame Filippetti assiste à une répétition, enfants concentrés, attentifs sous la houlette d’une professeure du BNM (Frédéric Flamand par sa présence marque son indéfectible attachement à ce travail, complémentaire du sien). Tous affirment leur volonté de continuer la danse. «Tu préfères le foot ou la danse ?» interroge la ministre. «Les deux !» Le spectacle est prévu pour octobre 2013. Atmosphère bon enfant, présentation cocasse et malicieuse de Monsieur le Préfet, «le monsieur déguisé, c’est le Préfet !»… si la ministre souligne la chance des enfants de bénéficier d’une telle

école, s’enthousiasme pour l’intelligence des locaux, leur poésie, la scène qui appelle les spectacles, réitère les marques verbales de soutien à Michel Kelemenis qui essaie de lui faire partager son rêve d’une «Marseille, capitale de la danse», les problèmes financiers ne sont pas abordés. Car la présence de l’État se résume à un logo sur une affiche, d’ailleurs jugé trop petit. Si les signes et les mots tuent parfois ils ne suffisent pas, si favorables et positifs soient-ils, à faire vivre les projets artistiques. M.C.

À venir Les carnets de Bagouet, en reprenant ses pièces transmises de mémoire à mémoire, rendent hommage au chorégraphe qui inventa la nouvelle danse française et dont Kéléménis fut un danseur Danse Dominique, danse ! Résonance Bagouet le 12 déc Déserts d’amour, Résonance Bagouet le 13 déc F. et Stein, Résonance Bagouet, le 14 déc Résonance Bagouet Coline le 15 déc Le KLAP 04 96 11 11 20 www.kelemenis.fr

Les enfants et enseignants de l'école Bellevue, Frédéric Flamand, Michel Kéléménis, Aurélie Filippetti © Agnès Mellon

En piste le 12 janvier Le programme détaillé de la Capitale Culturelle ne recèle aucune véritable surprise par rapport à l’avant-programme publié en mai : beaucoup de fêtes, de musiques, d’expos, d’occupation de l’espace public, d’actions participatives, et très très peu de littérature et de théâtre. Il est en ligne depuis le 16 novembre sur le site définitif de Marseille Provence 2013. A.F. www.mp2013.fr


06

POLITIQUE CULTURELLE

MP2013

Cette fois Marseille Provence 2013 capitale européenne de la culture va commencer. Le 12 janvier. Les premiers événements se préparent. Mais le programme officiel nous dit-il tout de ce qui va se passer ?

Aubagne, l’autre capitale ? Depuis les tout premiers temps de la candidature Aubagne fait figure de bon élève. Avec d’autres. À MP2013 on les appelle tendrement le G6 : Gardanne, Aubagne, Martigues, Arles, Salon et Istres ont prévu, au-delà de la programmation officielle, de faire connaitre et participer leurs territoires en concoctant une année culturelle exceptionnelle. À l’heure où il est question d’une grande métropole, sauront-ils affirmer leur différence au sein de ce projet commun ? Rudy Vigier, coordonnateur de Marseille-Provence 2013 au sein de l’agglomération d’Aubagne et du Pays de l’Etoile, confirme l’esprit particulier qui règne à l’Est… Zibeline : Comment Aubagne est-elle entrée dans l’aventure ? Rudy Vigier : Dès le départ Bernard Latarjet soulignait à quel point nous avions compris l’esprit de la candidature. À Aubagne on ne sépare pas la culture de l’esprit de citoyenneté et de participation. D’ailleurs nous allons bâtir ensemble un nouveau rendez-vous autour des 12 médiathèques de l’agglo, un festival multidisciplinaire, Nous serons tous d’ici… Au titre programmatique ! Oui ! Nous ne pouvions pas concevoir la capitale comme un simple catalogue d’événements, et d’emblée nous avons compris que les Ateliers de l’Euroméditerranée, les Quartiers Créatifs plaçaient la culture dans des perspectives différentes, qui nous convenaient. Ainsi Wael Shawky et Mona Hatoum ont résidé et créé chez nous, avec la population, et les entreprises ; Hervé Lelardoux écrit sa Ville invisible dans l’imaginaire du futur tramway gratuit de la ville, en recueillant la parole des habitants ; Jorge et Lucy Orta conçoivent un parcours artistique le long de l’Huveaune, promenade empruntée par tous ici, et colonne vertébrale du pays… Toutes les propositions que nous avons retenues sont participatives, ou ouvertes à un large public. Festives aussi, et inscrites dans le paysage… Oui, entre le GR, la transhumance, la Fête de l’Huveaune, le festival des randonnées, le patrimoine naturel est particulièrement mis en valeur… C’est notre atout ! Nous n’avons pas vraiment de patrimoine bâti, pas de grand équipement culturel, alors nous mettons en valeur les magnifiques paysages qui sont les nôtres. Notre passé lié à l’argile aussi, dans un souci de création contemporaine, la gastronomie, les arts de vivre… mais aussi l’éducation artistique, avec Grains de sel, et la participation des jeunes, du Conservatoire, à L’Arlésienne qui sera dirigée par Zahia Ziouani.

Aubagne vieille ville © Patrick Massaia

Il y aura aussi de grandes expositions… dans quel but ? L’idée est aussi de créer des événements, et de transformer le territoire durablement. En accueillant le projet Ulysse du FRAC par deux fois, mais aussi l’exposition Picasso et la Céramique, et le Pompidou mobile, nous faisons passer Aubagne à la vitesse supérieure. Les Pénitents noirs rénovés vont devenir un véritable lieu d’art contemporain, de pointe. Vous mettez en valeur les artistes aubagnais comme Miguel Nosibor, et internationaux comme Mona Hatoum, mais on voit peu d’artistes du reste du territoire de MP2013… et peu de théâtre Renaud Marie Leblanc mettra en scène l’Arlésienne, et le Monde est à vous accueillera les musiques des artistes de la région (voir p 14 ndlr). Mais peut-on dire qu’Aubagne reste coupée de Marseille ? Pas par notre volonté ! Mais oublié parfois dans la communication, sans doute… par exemple, pour la fête d’ouverture du 12 janvier, tout semble concentré à Marseille, et on nous cantonne aux parcours de la Chasse au 13’or du lendemain. Alors qu’ici il y aura un événement spectaculaire : sur le Mont Julien à Cadolive, après une marche commune, un laser de 18km de long reliera le sommet à

Marseille, et chacune des communes de l’agglo au sommet, comme une étoile. Nous participons à la Fête des Lumières, invitons Fred Nevchehirlian à ouvrir le bal, prévoyons un grand Balèti populaire…. Vous avez l’impression d’être oublié ? Un peu, à ce niveau là… Marseille, puis Arles et Aix retiennent toute l’attention. Avez-vous peur que le projet de métropole marseillaise fasse courir à votre agglo les mêmes dangers ? C’est vous qui le dites ! Je ne suis pas un politique, mais ce que je peux dire c’est que nous faisons la preuve, avec notre programmation, que nous pouvons être un pôle crédible, à la fois force de proposition et de coopération, en affirmant une identité particulière, et sans repli régionaliste. Le reste n’est pas de mon ressort ! ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL

www.2013-paysdaubagne.com


POLITIQUE CULTURELLE 07

Pour la première fois une capitale culturelle aura un Off, dit-on. Mais celui-ci existe depuis la candidature, et se prépare avec les mêmes armes, officielles, que MP2013 lui-même. Mécéné par une banque, représenté par des artistes exclusivement masculins (Carrèse, Traquandi, Surian, Ricciotti, Blaine, Cadiou…), le Off s’appuie sur un site déposé avant la candidature, quelques bonnes idées d’échanges de savoir-faire, d’œuvres et de lieux. Souffrant de reposer avant tout sur une analyse sociologique de Marseille, et non sur un projet culturel, ses propositions se déclinent autour de quatre axes sociétaux Poubelle ma ville, où l’on évoque «les voitures, les déchets et la pollution» ; Merguez capitale , qui souligne «l’esprit de chapelle, la structure de la ville fermée sur les petits villages» ; Mytho city, qui dénonce «l’immobilisme marseillais ; et Kalashnikoff, puisque règne à Marseille «une opposition entre culture populaire et culture bourgeoise» qu’il s’agit de faire exploser. En dehors de ces déclarations d’intention les propositions concrètes, pour l’heure, ne sont pas claires… même si quelques initiatives ont d’ores et déjà réussi, en particulier la Trocade qui a eu lieu les 7 et 8 déc, et l’an dernier déjà (voir Zib 47), et que le Off a réussi à décrocher des subventions, et le mécénat de la Banque Populaire. Le 11 janvier donc, juste avant l’ouverture capitale, les susdits parrains masculins parleront de Marseille à la Friche, sous le signe du Banquet de Platon. Sera-t-il davantage question du peuple, de la pratique de l’art, du partage culturel, de la révolte que dans les propositions du In ? En quoi ces artistes et organisateurs masculins sont-ils si Off ? La question se pose aussi avec l’Alter off et le Out, nés du mécontentement sur les contenus artistiques, mais aussi de l’amertume compréhensible

In, off, out, les cagoules, les banlieues et les marges de certains artistes de n’avoir pas été entendus, ni labellisés. Certains labellisés aussi, sans apport financier, refusent le label. Et s’organisent pour donner de la visibilité à leurs propositions. Le mécontentement à la veille de l’ouverture est partout : un Quartier Créatif à la Busserine vient d’être refusé par les associations d’habitants qui ne veulent pas d’un jardin éphémère, mais exigent une réelle réhabilitation. Ils refusent de servir de vitrine culturelle à MP2013, et d’alibi à l’Agence nationale de rénovation Urbaine pour ne pas s’engager sur un réel aménagement urbain. Plus agit pop et plus drôle, Marseille en guerre et le FRIC (Front de résistance à l’intoxication par la culture) dénoncent l’aseptisation politique d’une ville dont les artistes sont les complices plus ou moins volontaires… remise en cause salutaire, mais qui oublie sans doute à quel point les artistes et les intellectuels, du moins la plupart, favorisent

C’est un des cinq partenaires officiels de la capitale culturelle, c’est-à-dire une des cinq entreprises qui s’est engagée à hauteur d’1.5 million d’€. Il faut dire qu’EDF est un des plus gros employeurs de la région, avec ses 50000 employés dans les BdR, des corps de métiers très divers, et du personnel généralement qualifié, consommateur de culture. C’est pourquoi EDF ne s’en tient pas à ce partenariat : la Fondation s’engage sur des Quartiers créatifs, et le groupe entre également le financement des grandes expositions, et dans le fonds de mécénat de la Ville de Marseille, qui va illuminer le Palais Longchamp, La Major, et nombre de monuments publics. L’autre particularité du partenariat MP2013 EDF est de se concentrer autour d’une thématique, celui du partage des eaux. Ainsi le Groupe F et ses Révélations au Château d’if ou sur le Rhône, Ilotopie et sa Cité lacustre, la Chasse au 13’or participative (voir supplément Zib 57)… reçoivent le soutien particulier d’EDF. Une façon de souligner aussi, le rappelle Anne Marie Colombier, déléguée régionale PACA, qu’il n’y a pas de centrale nucléaire en PCA, et que 40% de l’énergie y est hydraulique. La culture, une façon de redorer son image ? Pourquoi pas, si cela amène aussi, en les donnant à voir, à changer de comportement… A.F.

anapos Cite lacustre, Martigues © Ilotopie

EDF lave plus blanc

plutôt l’esprit de révolte que l’allégeance aux princes. Même si le fait de dépendre des financements publics coupe parfois les ailes à leur révolte, et si quelques-uns se perdent dans l’amour des cocktails et des petits fours. La capitale Culturelle sera-t-elle réellement une chance pour la ville, ses habitants, ses hommes et ses femmes de tous les quartiers et de toutes les classes sociales ? Il n’est pas sûr qu’un banquet platonicien dans une Friche en travaux, ou des interventions encagoulées sur Daily Motion, le garantissent davantage que la programmation officielle… AGNÈS FRESCHEL


08 POLITIQUE CULTURELLE NUMÉRIQUE

Le droit marchand du numérique La mission Pierre Lescure, mandatée par le ministère de la Culture et de la Communication s’attache à parcourir la France jusqu’à la mi-janvier. Avec pour mission délicate de chercher des conciliations entre marché international et exception culturelle ! Une centaine de sociétés de droits d’auteur et d’interprètes, de spécialistes et décideurs des industries culturelles musicales, cinématographiques et numériques ont été entendues depuis mars par la Mission Lescure, qui dès janvier s’attachera à rédiger un système de loi qui mette Hadopi au placard, sans jeter la rémunération des artistes avec l’eau du bain. Car la liberté de consommer des biens culturels est nécessaire, mais doit-elle être gratuite ? Et si non, comment garantir que ce soient bien les créateurs des œuvres qui soient rémunérés, et que la production puisse perdurer en compensant la loi du marché, qui favorise les blockbusters ? À la faculté de Droit d’Aix-Marseille, l’exercice explicatif auprès des étudiants relevait de la haute voltige. Leurs professeurs rappelaient à quel point est essentielle la traduction juridique. Et soulignaient la difficulté de lier culture et droit : la première est réfractaire par nature aux lois qui

contraignent la liberté de création, et le second est garant d’une stabilité de la forme et des systèmes de pensée. Leur rencontre a lieu par nécessité plutôt que par conviction, mais il est besoin de règles légales pour la promotion, la protection, la diffusion des œuvres ! Car, expliqua Pierre Lescure, la nouvelle communication électronique a rendu caduques ou incohérents les systèmes de redistribution des droits d’auteur, et révélé une série d’incohérences entre droit privé, public, audiovisuel, privé en ligne, public en ligne… Cette multiplication des supports, et la mort annoncée de certains, redouble les problèmes législatifs, et laisse la porte ouverte à une commercialisation qui bafoue la juste rémunération des auteurs, ou la liberté fondamentale d’accéder aux œuvres. La mission Lescure veut donc refonder l’espoir d’un droit unifié. Tout un ensemble à reconstruire ! Il est besoin de nouveaux cadres de référence, et

Lancement de la Mission Lescure acte 2. MCC. © David Miller

© Gaëlle Cloarec

Livres de pixels Bien qu’une portion encore minime des lecteurs francophones se soient dotés d’une tablette ou d’une liseuse, le secteur du livre n’est pas épargné par la vague digitale. Ce 23 novembre,

Alphabetville et La Marelle proposaient une journée de réflexion consacrée aux «écrits du numérique», au carrefour de l’édition, de la technique et de la création littéraire.

de relativiser les territoires en dépassant des communautés nationales. Le droit devient le rempart de la liberté, sa protection. Il fut rappelé que la notion d’exception culturelle n’a pas d’existence juridique stricto sensu, seule celle de diversité culturelle connaît une jurisprudence… La libre circulation des œuvres de l’esprit est un fondement démocratique, mais comment définir le droit d’auteur, la propriété intellectuelle, le piratage, quand l’accès à l’œuvre numérique ne passe plus par un objet palpable ? Quand les contenus valent bien moins que les objets technologiques qui les délivrent, et n’intéressent donc plus les industries culturelles ? Quel prix peuvent alors avoir les œuvres ? Une fiscalité spécifique depuis 46, le reversement par le CNC d’une partie du

prix des places de cinéma pour la production des films, la taxe sur les supports de copie enregistrée, servent encore à financer la production, mais Internet fragilise grandement ces pratiques de redistribution. Une taxe de 0.9% sur les fournisseurs d’accès Internet, qui aurait pu compenser ces pertes, a été proposée, et refusée par Bruxelles. Car le combat sur les biens culturels s’accentue : la France a une TVA à taux réduit sur les livres papier et numériques, mais l’UE n’en accorde pas le droit. Ainsi Amazon et Apple implantent leur siège au Luxembourg, leur TVA étant celle du lieu du siège du prestataire, et non celle du pays d’où provient la commande ; en 2015 cela changera, mais le taux du pays du consommateur sera encore perçu jusqu’en 2019 par le pays où l’entreprise

Anne Savelli et Pierre Ménard, deux écrivains en résidence à la villa des auteurs, s’accordent sur le fait que le numérique et le papier ne s’opposent pas, mais sont complémentaires. Pour lui, la lecture sur Internet modifie profondément les pratiques : on lit de plus en plus, mais différemment, et l’image fait partie de l’écriture, comme le son ou la vidéo. Pour elle, la force du numérique est sa souplesse, qui permet de donner différentes formes à la même histoire. C’est aussi l’opinion de Bertand Duplat, des Éditions Volumiques, «en informatique, il n’y a pas de modèle définitif, mais des versions successives, Bêta, 2.0... À un moment, on prend acte de ce qu’un produit est assez évolué pour être présenté, mais ça ne le fige pas.» D’une manière qui n’est paradoxale qu’en apparence, le point commun des personnes attirées spontanément par

l’écriture numérique semble être tout autant le besoin d’échapper au contrôle ou à la norme, que celui de reprendre la maîtrise de soi-même. Somme toute, une question d’identité au sens social ou politique, qui se déporte dans le champ virtuel. Pour Cécile Portier, qui travaille à la BNF lorsqu’elle ne se consacre pas à son activité créatrice, «Nous ne maîtrisons pas nos archives. Nous ne réalisons pas que ces pointillés de nous-mêmes considérés comme insignifiants retracent nos intentions pour Google, qui se vante de pouvoir déterminer qu’une personne a envie de changer de travail 6 mois avant que la personne elle-même n’en ait conscience.» Et c’est bien ce nouveau paradigme qui à la fois préoccupe et inspire les écrivains à l’ère Internet. GAËLLE CLOAREC


est implantée ! Autre souci, celui des transmédias, nouveaux, qui n’entrent dans aucune case et ne peuvent bénéficier des mécanismes incitatifs à la création… Pierre Lescure insista sur la nécessité d’une politique volontariste pour préserver le «maillage assez unique de la culture en France». Passer des temps homériques aux temps numériques sonnera-t-il le glas du financement de la création ? L’engloutissement des dépenses culturelles des Français dans les objets technologiques, et leur volonté d’accéder gratuitement aux contenus, semble le laisser craindre… Saura-t-on mettre au point un appareil législatif qui préserve notre exception culturelle, et sache du même geste démocratiser l’accès aux plus belles œuvres de l’esprit ? MARYVONNE COLOMBANI ET AGNÈS FRESCHEL

La mission Lescure est passée par Marseille le 27 novembre et par Aix, fac de droit et Librairie Goulard, le 28 novembre www.culturecommunication.gouv.fr/Actualites/A-la-une /Mission-culture-acte-2-bilan-d-etape

L’important, c’est ce qu’on met dedans… Les journées des 26 et 27 nov réunissaient à la Cité du livre d’Aix sous l’égide de l’Agence régionale du Livre PACA et la direction d’Alain Giffard, une série de conférences autour des Métamorphoses numériques du Livre, suite des deux premières éditions de 2009 et 2011 qui exploraient les modifications technologiques propres au numérique et les mutations qu’elles engendrent dans les métiers du livre, auprès des publics et des pratiques. Le thème du colloque de cette année était celui des nouvelles approches. Philippe Chantepie exposait les bouleversements des modèles économiques que le numérique entraîne. Reprenant les trois étapes essentielles de l’économie de la culture, création, diffusion, conservation, il observe le champ bouleversé depuis un quart de siècle des industries culturelles, leur migration massive vers le numérique, l’accélération de l’adoption de technologies nouvelles, qui aboutit au paradoxe actuel : les outils de communication, les matériels coûtent plus cher que les contenus ! On arrive à une «économie de plate-forme» où le jeu entre les annonceurs et les programmes proposés crée une curieuse dialectique dont la qualité souffre finalement. À une surabondance aussi : 217 livres, 172 morceaux de musique, 49 vidéos, 11 logiciels sont créés par semaine ! La responsabilité de l’internaute prédo-

mine alors : la multiplicité accorde en fait un vrai pouvoir à l’individu, même s’il ne lui donne pas les outils pour opérer un choix éclairé, et assène des messages promotionnels favorisant les plus grosses industries culturelles. Franck Cormerais dénonce les «objets prison et flatteurs à la fois», avec la contrainte d’acheter tel ou tel support compatible pour avoir accès au contenu demandé. On peut se réjouir du renouvellement des pratiques, des méthodes, de la «réalité augmentée», mais aussi s’interroger sur l’évolution idéologique rappelle Olivier Le Deuff : il y a une nécessité absolue, conséquente au nouveau libre-service infini des connaissances, de former et développer l’esprit critique. Car les hommes, consommateurs ou fabricants d’oeuvres culturelles, doivent continuer à dominer l’outil technologique, et non subir ses formats. Quelques bonheurs de ces deux jours ? Véronique Drai-Zerbib qui s’interroge sur l’évolution des approches cognitives avec la lecture numérique. Rémi Mathis qui en donnait un exemple avec la présentation de Wikipédia, qui témoigne d’un réel altruisme. Et surtout, l’hymne au bibliothécaire par Michel Melot, emporté dans une délicieuse digression sur l’histoire des signes écrits, et sa sagesse face au numérique ! MARYVONNE COLOMBANI


10

ÉVÉNEMENTS

LES RENCONTRES D’AVERROÈS

L’illusion de la démocratie

Les tables rondes d’Averroès ont cruellement rappelé que nos démocraties sont fragiles, mais aussi qu’elles en sont à peine… Le vendredi c’est l’Europe du sud qui était à la tribune. Celle qui souffre aujourd’hui d’une confiscation de sa souveraineté par la mise sous tutelle politique, ou économique. Turquie, Espagne, Grèce, Italie. Angelo d’Orsi, passionnant, passa avec humour de Machiavel à Berlusconi, expliquant comment l’argent, la confusion du public et du privé, la mise sous tutelle des appareils judiciaires et législatifs, la soumission économique des médias, et aussi, exclusivité berlusconienne, la vulgarité, avaient mis à bas la notion même de démocratie en Italie. Pilar Martinez Vasseur et Françoise Arvanitis faisaient le même constat : fraichement sorties de dictature, ayant balayé sous le tapis le nécessaire travail historique, politique et judiciaire, et ayant adopté des modes de développement spéculatifs et dispendieux, la Grèce et l’Espagne n’ont plus de fonctionnement démocratique : étant sous tutelle extérieure, politique et/ou économique, le peuple n’a plus le pouvoir de décision, et se trouve aujourd’hui dans une situation sociale tragique. La Turquie, quant à elle, ne vit pas la même crise économique, mais souffre d’une absence de mémoire, d’un déni d’histoire bien plus grand encore : fondée sur un peuple composite qui se croit unifié, incapable de reconnaître l’existence des minorités, la démocratie laïque turque repose sur un malentendu, celui qui consiste à croire que la majorité donne tous les droits. Ahmet Insel parle pourtant d’avancées, et de ce paradoxe d’une société libérale et laïque où le gouvernement conservateur et islamique garantit pourtant, par l’armée, la protection de ceux qui manifestent pour la reconnaissance du génocide arménien…

l’impérative nécessité de s’interroger sur ses implications : on peut mettre aujourd’hui un pays entier sous écoute. Pour Milad Doueihei, la culture numérique remet en question la représentativité en politique, basée sur la confiance sociale. L’information circule sur internet en réseau, de manière horizontale, de telle façon que de toutes petites communautés peuvent avoir une grande influence et contrer les opacités classiques de la gouvernance fondée sur la hiérarchie. Quant à la confiance... D’après Fabrice Epelboin, co-fondateur du site OWNI.fr, la France ne se contente pas d’être l’un des principaux marchands d’armes numériques dans le monde (Bull et Amesys par exemple fournissent en infrastructures de flicage électronique une bonne partie des dictatures africaines). Sous la pression d’opérateurs industriels connus de tous (il cite Orange) faisant passer pour de l’intérêt général ce qui est un intérêt d’oligarchie, on installe d’ores et déjà les technologies de surveillance de masse sur notre réseau national. «Les décisions ont été prises sans que la population n’en réalise les enjeux majeurs sur notre système. La société de la surveillance est entérinée dans les faits et dans le code.» Et de citer un sinistre précurseur de ces pratiques «bien intentionnées» : le fichier répertoriant la religion des citoyens hollandais saisi par les nazis en 1940, qui avec l’aide d’IBM ont en quelques heures disposé de la liste de tous les juifs des Pays-Bas. Face à ses envolées sardoniques, la verve d’Amira Yahyaoui, cyber-activiste tunisienne : « En Tunisie on a pris le pouvoir pour accéder à nos ministres. Je pars cet après-midi pour emmener des élus dans un petit village, ils seront au milieu des gens pour répondre à leurs questions. Je n’aime pas le fatalisme de Fabrice Epelboin : tout est possible avec la participation. (...) Internet ne rendra pas la France participative, ce sont les citoyens qui doivent imposer cela. Vous devez bouger. Vous êtes 60 millions, la réponse est Internet, qui est capable de gérer la démocratie directe quand l’espace public ne le peut pas. » Avec en contrepoint le propos frappé au coin du bon sens d’Andrea Brighenti : « Il est important d’écrire sur le net, mais le plus important est d’agir

Surveiller ou participer La deuxième table ronde avait pour titre Révolution numérique ou contrôle des libertés, et on ne saurait trop conseiller à ceux qui ont raté cet épisode passionnant de l’écouter sur France Culture ou en ligne. Si Internet est le lieu d’un grand espoir citoyen, considéré par certains comme un formidable outil d’émancipation des peuples, d’autres y décèlent une opportunité de façonnage de l’opinion publique, voire une menace sécuritaire. Pendant ce temps, la technologie continue à se perfectionner, d’où

sur le terrain. » Celui de Notre-Dame des Landes, par exemple ?

Démocratie libérale Les tables rondes se sont conclues par une double interrogation sur la tyrannie des marchés et la méfiance des élections. Guillaume Leblanc, qui remplaçait Fabienne Brugère au pied levé, et brillamment, expliqua les malentendus sur les concepts de base de la démocratie : la représentation, la participation, les principes des élections et les mandats qu’ils génèrent sont très clairement détaillés dans leur ouvrage commun, Dictionnaire à l’usage des gouvernés. En dehors de ces questions, il fut question de ce paradoxe qui met aujourd’hui en place des gouvernements religieux après des révolutions populaires dans les pays arabes. Mais malgré les revers, et la tragédie Syrienne, Ziad Majed, politologue libanais, assurait que le vent de la démocratie s’était levé, et qu’il ne retomberait plus. Cependant le débat public revint sur la tyrannie des marchés, peu abordée durant le débat. Peut-on en fait concevoir une « démocratie libérale », c’est-à-dire un régime qui inscrive en ses principes l’idée que le marché est plus important que l’intérêt des peuples ? Les inégalités ne cessent de s’accroitre, on en est revenu en France au niveau de la fin du 19ème siècle, et la misère plane sur l’Europe, où une partie grandissante de la population vit sous le seuil de pauvreté, et ne voit plus ses droits fondamentaux respectés, tandis que les riches menacent de partir dans les paradis fiscaux dès qu’il est question de redistribution. L’éducation, la culture, la santé, la sécurité des citoyens ne sont plus assurées, les systèmes de répartition solidaires sont mis à mal au profit d’une privatisation de l’intérêt général, et l’accès aux droits fondamentaux est grignoté, confisqué, pour rembourser une dette imposée par le capitalisme spéculatif. Démocratie, ou aliénation ? AGNÈS FRESCHEL ET GAËLLE CLOAREC

L’intégralité des débats est disponible sur le site www.rencontresaverroes.net

© X-D.R

© X-D.R

© X-D.R


ÉVÉNEMENTS 11

Clôture féminine La 19e édition des Rencontres d’Averroès se clôturait le 24 novembre à l’Espace Julien sur une double prestation féminine de haut vol Seule sur scène pour une longue intro a cappella, Emel Mathlouthi embarque le public dès les premières minutes pour une contrée lointaine. Cette jeune chanteuse tunisienne, aujourd’hui installée à Paris, à la voix singulière et puissante, présentait son 1er album Kelmti Horra (ma parole est libre). La chanson éponyme, composée en 2008, a beaucoup circulé sur Internet pendant la révolution de Jasmin. Elle est devenue depuis une sorte d’hymne à l’insurrection tunisienne, à la lutte pour la liberté. Jeune, féminine, ouverte au monde. Car Emel chante en arabe, français, anglais et joue de la guitare acoustique. Accompagnée de quatre musiciens (percussion, guitare électrique, violon et machines), elle propose un univers sonore à la fois sombre et mystique. Les morceaux sont très construits, millimétrés, loin de toute improvisation approximative. Emmanuel Trouvé aux machines, alterne les rythmes lents et rapides, des basses lourdes très «dub», et des nappes planantes aux claviers. Zied Zouari au violon apporte avec ses modes une touche de poésie orientale qui se marie à la perfection avec le chant subtil d’Emel. Une personnalité forte découverte pendant la révolution, mais aussi une artiste hors du commun qui prend des risques et offre en concert une expérience inhabituelle, par sa musique subtile. Plus classique mais tout aussi intéressante, l’algérienne Djazia Satour, en 1e partie, jouait en trio acoustique (chant, guitare et percussion) son savoureux mélange de musique afro-américaine et de rythmes traditionnels maghrébins ; sorte de groove oriental chaleureux et entraînant. Apogée du concert, la superbe reprise du bluesman Steve James où le talentueux guitariste Ben Richou a ravi le public de son jeu virtuose. KEVIN DERVEAUX Emel Mathlouthi © A.G

La Syrie, anatomie d’une dictature

© A.G

Le 22 novembre, au cinéma Variétés, en prélude aux tables rondes, les Rencontres d’Averroès et l’IEP, en partenariat avec l’INA et le CMCA, ont proposé une soirée consacrée à la Syrie. Dans le hall, une exposition : des dessins d’Ali Ferzat, caricaturiste qui a dénoncé avec son crayon la corruption du régime et qui l’a chèrement payé, victime d’une agression qui lui a laissé les mains brisées. Puis la diffusion des épisodes de Top goons, à l’humour un peu lourd parfois, du collectif Masasit Mati, sketches avec des marionnettes, dont «Beshu» le surnom de Bachar El-Assad. Le cœur de la soirée a été la projection du passionnant documentaire, riche d’informations et d’analyses de Christophe Ayad et Vincent de Cointet, Syrie, le crépuscule des Assad ainsi que le débat avec Christophe Ayad et du politologue Ziad Majed. L’idée de ce film de géopolitique, suscitée par ARTE, date de 2008, au moment où le pays semblait calme et où, a précisé Christophe Ayad «la Syrie n’intéressait pas grand monde». Il retrace les moments importants du clan des Assad qui gouverne le pays depuis 1970. Après des images clandestines des émeutes du printemps dernier, le documentaire démarre avec la mort du «Lion de Damas» Hafez El-Assad, en juin 2000, après 30 ans de règne absolu. On y voit son fils, Bachar, qui, au départ n’était pas destiné à lui succéder ; il avait choisi des études d’ophtalmologie, mais, à la mort accidentelle en 1994 du «dauphin», Basel, on l’envoie «se former» au Liban, occupé par 35 000 soldats syriens, où il doit gérer la situation politique complexe et démontrer qu’il est le chef. Il soutient, contre Rafic Hariri, Émile Lahoud qui sera élu. Revenant sur l’accès au pouvoir de son père, Hafez, le film met en lumière les massacres perpétrés tout au long du règne par ce fils de paysan, alaouite, qui rejoint dès ses 16 ans le parti Baas : répression sanglante du soulèvement des Frères musulmans en 1982, viols, tortures, entre 15000 et 30000 morts. Bachar a alors 17 ans. L’opinion publique croyait au début du tournage au «Printemps de Damas» mais le film rappelle qu’en 2001, ont été arrêtés les leaders du Manifeste des 1000 et que Bachar a placé les membres de sa famille à tous les postes importants. À travers images d’archives, témoignages d’opposants syriens, interviews d’anciens responsables politiques ou diplomates syriens, libanais, israéliens, américains et français, les documentaristes tentent d’expliquer le rôle joué par le régime syrien et son dictateur, soupçonnés de l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, aussi bien au Liban que sur la scène internationale. Le film se termine par les images des émeutes, révélant les crimes de ce gouvernement héréditaire qui ne se maintient que par la terreur et la guerre. Après le film, les deux intervenants, très brillants, ont essayé de comprendre «pourquoi cela tient toujours» Parmi toutes les réponses intéressantes apportées sur l’attitude de l’armée, les positions de la Russie, de l’Iran, de la Chine ou de la Turquie, une réflexion qui interroge «Bachar s’en fiche, des villes, des habitants qu’il massacre. Ce qui lui importe c’est que rentre dans l’opinion internationale, l’idée d’un conflit régional ou mondial.» Une soirée passionnante, prélude aux tables rondes du lendemain. ANNIE GAVA


12

ÉVÉNEMENTS

TOULON | LATERNA MAGICA

Thématisons les propositions… tre-utopie d’Andrew Niccol avec Ethan Hawke, Uma Thurman et Jude Law, donnera l’occasion le 13 décembre de

parler de ce monde dit parfait. Dans le hall deux expositions, de la jeune Aurore Valade qui compose ses phoRittratto, Torine © Aurore Valade

Signe d’une évolution des publics, du temps du loisir qui ne se décline plus seulement en fins de journées de travail, , les théâtres, les cinémas se font lieu de vie, et programment des série thématiques autour de temps multiples, expositions, projections, discussions et spectacles. Ainsi autour de La vie est un songe (voir p 19) La Criée programmait un curieux objet théâtral, explicitant en trois étapes le rêve freudien, avec un conférencier hurluberlu et quelques extraits très pertinents de films… Le MuCEM à l’Alhambra (voir p 49) inaugurait la formule le musée dans la cité en conjuguant cinéma, concert et conférence. Et au Théâtre Liberté à Toulon, les Théma accélèrent le rythme. Après La guerre d’Algérie, 50 ans après (voir p 22, 30 et 72) Théma 7 se consacre au jeu des Apparences. En cinéma : après la projection de Freaks le 6 décembre, Bienvenue à Gattaca, con-

tographies comme des tableaux, vanités et bric-à-brac symbolisant les gens et les villes ; et de Bernard Demenge, qui falsifie les photos de famille… Et le 17 janv le sociologue David le Breton tiendra une conférence suivie d’un débat, sur la Tyrannie des apparences dans une société de consommation qui modèle nos choix, nos corps, nos amours. Quant au théâtre, Olivier Py jouera à Miss Knife (voir p18), parce que le travestissement n’est pas qu’un jeu d’apparence. Ou parce que tout le théâtre l’est ? AGNÈS FRESCHEL

Apparences, Théma 7 jusqu’au 31 janv Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberté.fr

Fabulosa Magica Plus légère et resserrée qu’à l’accoutumée, circonscrite au territoire marseillais, la 9e édition de Laterna Magica imaginée par Fotokino est «comme le prologue d’une histoire à dérouler tout au long de l’année 2013». L’occasion de se donner le temps de «mieux se connaître, de partager des moments et découvrir des écritures». Celles d’artistes, notamment, qui auront carte blanche pour inventer leurs cartographies imaginaires à l’heure du 10e anniversaire de la manifestation et de la Capitale Culturelle… Aujourd’hui la valorisation de «l’artiste fabricant d’images», l’ouverture au public et la création de passerelles entre les disciplines sont plus que jamais d’actualité. En témoigne la programmation festive et intense : à L’Alhambra, La Fabuleuse fabrique du cinéma ouvre les coulisses du cinéma dans une ambiance familiale (expositions, ateliers, projections) ; à La Criée, Les Petites formes concentre les perles rares du cinéma d’animation (focus sur Lili Carré, Allison Schulnik et le Studio Overture) et le Grand Bazar ! transforme le hall en souk avec spectacles, projections, gourmandises, librairies, interventions d’artistes. Les Variétés fait son cinéma avec des projections de courts métrages jeune public et de grands classiques (La nuit du chasseur de Charles Laughton et Le Mécano de la «Général» de Buster Keaton et Clyde Bruckman) tandis que La Baleine qui dit vagues dévoile la création de la Compagnie de l’Œil magique, Corbeau indien, mêlant conte, musique et images animées. Sans compter trois «Petits accrochages» à l’atelier de sérigraphie La Crêmerie (projections, sérigraphies en direct), au Lièvre de mars (expo Phrases d’une lettre) et à Waaw pour une aventure éditoriale avec Tom Henni (installation participative Atlas-monstre).

© Frederique Bertrand

Quant à Fotokino, son Studio est entièrement consacré à l’illustratrice, auteure et artiste Frédérique Bertrand, fidèle de Laterna Magica depuis 2004, qui transforme l’espace à son «image» pour exposer peintures, collages, dessins et livres. Et inviter le public à plonger dans son univers et naviguer avec elle au fil de ses séries Pyjamarama et Les Passagers, le temps de trois ateliers magiques. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

9e Laterna Magica jusqu’au 23 décembre Fotokino, Marseille 1er 09 81 65 26 44 Programme complet sur www.fotokino.org



14

ÉVÉNEMENTS

LE MONDE EST CHEZ NOUS | BJCEM

Si tu ne viens pas au monde... Habitant-e de Marseille-Provence, sache-le : en 2013, si tu ne viens pas au monde, le monde viendra à toi (ou l’inverse). L’objectif de la Région Paca, en lançant les Ateliers de création Le Monde est chez nous dans le cadre de MP2013, est d’honorer les nombreux patrimoines culturels qui la constituent, qui la traversent, qui la nourrissent. En réunissant des artistes professionnels et amateurs, la Régie Culturelle Provence-Alpes-Côte d’Azur veut témoigner de la vitalité sur notre territoire des pratiques artistiques dans le champ des musiques et danses dites «du monde», sans tomber dans la folklorisation. Dans la continuité des biennales des cultures amateures qu’elle a mis en place depuis 10 ans. Deux axes forts à ce projet : pour Jacky Sabatier qui dirige la Régie, il était important de reconnaître le travail des non-professionnels : «les amateurs ne nous ont pas attendus : leur niveau qualitatif est extraordinaire». Pour son directeur artistique, Philippe Fanise, «la culture occitane est allée à la rencontre des autres cultures depuis longtemps : malgache, italienne, balkanique, africaine, gitane, berbère, bre-

sylvie Paz et Bruno Allary © Almodovar

tonne, arménienne, juive, comorienne... Le monde a changé. La modernité doit passer par la confiance en l’autre pour lutter contre l’uniformisation de la pensée.» Les 800 musiciens et danseurs participant au projet ont été choisis pour leur capacité à transmettre leur passion, et à relier ces différentes cultures entre elles. Thierry Roche, directeur délégué de MP2013 renchérit : «une Capitale Européenne, c’est un délicat équilibre entre la dimension internationale de l’événement, et le renforcement des politiques culturelles des collectivités locales. Le Monde est chez nous est

l’un des projets les plus emblématiques de l’année capitale.» L’un des points forts du projet est effectivement le travail qui a été mené en partenariat avec le tissu local, et pas seulement dans les grands centres urbains : le Vélo Théâtre d’Apt ou le Chantier de Correns sont tout aussi partie prenante que le Conservatoire Départemental des Alpes-de-Haute Provence ou la Cité de la Musique, les Voies du Chant à Marseille. En tout, ce sont 8 ateliers de pratique et de création encadrés par des artistes professionnels (Bruno Allary, Sylvie Paz, Fouad Didi, Isabelle Courroy…) qui ont lieu depuis septembre 2012 jusqu’en juin 2013, à raison de 10 jours de résidence par atelier. Les prestations qui en émergeront croiseront la route de la grande TransHumance à Cuges les Pins, au mois de mai, et seront présentées à Aubagne, fortement impliquée dans ce projet, les 8 et 9 juin prochains. GAËLLE CLOAREC

Un an après Après Thessalonique, la sélection française issue de la 15e Biennale des jeunes créateurs 2011 s’expose au Château de Servières avec des nouveautés tous azimuts Evènement majeur pour la jeune création de l’arc méditerranéen, la Bjcem s’est maintenue malgré la crise et avec succès entre Grèce et Italie à l’automne de l’année dernière (Zib 56). Aujourd’hui, la sélection française (Montpellier, Aix, Marseille, Toulon) pourvoit un prolongement marseillais avec de nouvelles œuvres, éclectiques, entre différentes Vincent Betbeze, Géhenne, couteau de boucher, niveau à laser rouge, 2012 © C. Lorin/Zibeline

postures via peinture, dessin, sculpture, installation ou vidéo. Dès l’entrée, Mathias Isouard installe avec Hasard pendulaire un art pauvre, visuel et sonore mais sophistiqué (un peu difficile à capter) contrastant avec deux peintures étrangement vibrantes de Jérémie Delhome (prix Mourlot 2009). Couteau de boucher et rayon laser à la verticale du mur dédoublent de précision pour Vincent Betbeze lorsque Sophie Pellegrino contamine les angles du white cube avec Evolutive lines. Sophie Guerrive élabore de complexes dessins à l’encre noire, de son côté Arnaud Kwiatkowski (auteur du visuel de la biennale) joue le décoratif flashy sur planche de skate. La photographie d’Audrey Martin face au grand large de Thessalonique aurait mérité un très grand format. Plus sociétales, critiques ou ironiques : JRM propose une version de l’Ultima Ratio Regum

avec un missile de fantaisie ; Sandra Lorenzi (actuellement au Passage de l’art) des cartes postales de la guerre de 14 évidées ; Cuba sur écoute promène 29’54’’ de musique en guise de survie. D’autres se livrent à une (auto)critique de l’art : croûtes au mur et vidéo vente aux enchèreshappening dans le TGV pour Sébastien Durante ; pastiche façon télé-achat cynique d’art contemporain de Younès Baba Ali avec ses propres œuvres. Moussa Sarr clôt les choses par un autoportrait auto destructeur sans espoir de retour. À voir aussi une sélection de vidéos à l’Espace Culture. Jeunes ? artistes ? prometteurs ?... et des idées en tête afin de donner du sens en une période où ce dernier fait cruellement des faux. L’appel à candidature est déjà lancé pour 2013. Cette fois-ci ce sera à Ancône. CLAUDE LORIN

Retour de Biennale à Marseille jusqu’au 22 décembre Galerie Château de Servières 04 91 85 42 78 Espace Culture 04 96 11 04 76 www.chateaudeservières.org www.espaceculture.net www.bjcem.org

Mathias Isouard, Hasard pendulaire, 2012, installation sonore générative © C. Lorin/Zibeline



16

THÉÂTRE

KLAP | LA MINOTERIE | LE GYMNASE | LES BANCS PUBLICS | LA CITÉ Lilith, rencontres à l'échelle © X-D.R

À fleur de peau

© Michel Bellier

Ensemble, c’est tout

Les Bancs Publics poursuivent vaillamment malgré la modestie de leurs moyens leur travail de diffusion d’images et de textes d’ailleurs ; «incertitudes et curiosités» sont les mots de Julie Kretzshmar pour définir sa programmation, dont témoigne très partiellement la soirée dont il est question ici : sensible et féminine (ah...) sous le signe de Lilith avec, en première partie, la performance de Laurence Garel sur un texte de l’écrivain et activiste iranien Réza Barahéni ; l’homme filmé dans une voiture qui roule dans Marseille la nuit raconte son enlèvement, sa détention les yeux bandés «le pouvoir punit ceux qui voient» et la femme prend la relève de la voix ; la comédienne, pieds nus, robe noire, lance des imprécations, se couche sur le dos et proclame douloureusement avec le poète le pouvoir-à-prendre de la matrice par le rêve et la pensée… images planantes de lune… L’intention paralyse ici la réalisation, et le trop à dire tue le dit.

Heureux renversement de perspective opéré par les lectures successives de Sabine Tamisier et de son invitée Sarah Kérina qui baissant la voix invitent au petit voyage qui fait sortir de soi pour mieux y retourner. D’un été l’autre garde sobrement la trace de ce qu’on appelle «un chagrin d’amour» entre les murs d’une maison et dans les gestes du quotidien ; de quoi distinguer surface et superficiel. Sabine Tamisier ose, en maitrisant le risque du trop plein émotionnel, faire parler son père sur son lit de mort par les mots et la voix qu’elle lui prête. Drôle d’objet que ce Galino qui n’est plus texte mais homme dont la bonté et la clarté de vie transcendent les paroles ordinaires. Lu debout tout simplement. MARIE JO DHO

Les Rencontres à l’Échelle ont eu lieu dans divers lieux de Marseille du 26 octobre au 8 décembre

Corps interdits Le spectacle joué, adapté et mis en scène par Laurent de Richemond est un objet insolite et inattendu. Le thème annoncé est celui du récit de vie d’un homme jeune atteint d’un cancer et qui se sait perdu. On se prépare au choc. Cependant le spectacle commence dans une atmosphère de comédie caustique et ne se départit pas, même dans les moments les plus sombres, d’un humour décapant et agressif qui permet le recul. Dans une langue crue et âpre, une voix s’élève pour dire son horreur de la famille, du

conformisme, et rejette en bloc la Rive dorée de Zürich, les réceptions mondaines, ses parents. Les principes d’éducation de son milieu aseptisé et bourgeois, dans les années 50, ont étouffé le narrateur très rapidement atteint de dépression et d’incapacité totale à communiquer. Bien que jeune, riche et beau, il déclare n’avoir jamais «fonctionné», ni dans son corps, ni dans sa pensée : son corps est sans désir, sa pensée sans interlocuteur possible. Car dans ce milieu étriqué on ne parle pas de choses intéressantes, on ne fait © Thomas Fourneau

pas de vagues. C’est ce qui le tuera : un cancer fabriqué par toutes les larmes qu’il n’a pas pu évacuer, les mots qu’il n’a pas partagés, les corps qu’il n’a pas caressés. Le texte, Mars, est le seul écrit de Fritz Zorn, l’expression de sa colère (zorn = colère), commencé avec sa psychotérapie. Laurent de Richemond l’a adapté avec talent pour la scène, faisant intervenir deux comédiennes, Édith Amsellemet Anne Naudon, qui échangent des propos sur la maternité et l’éducation autour d’une table. Et surtout il met sur la scène les corps nus de deux danseurs, Barbara Sarreau et Frédéric Pichon, qui durant tout le spectacle glissent l’un sur l’autre, s’agrippent, le regard vide, s’accouplent mécaniquement dans l’espace indépendant et clinique du dessous de la table, jusqu’au tsunami final. Glaçant et fascinant. CHRIS BOURGUE

Larmes rentrées de la Cie Soleil vert s’est joué à Klap, Maison pour la danse, dans le cadre de la Minoterie hors les murs du 20 au 24 novembre. Au théâtre Vitez les 19 et 20 mars

Dans le numéro 50, sous le titre L’Odyssée d’une femme, nous évoquions la résidence à La Marelle de deux des trois auteurs impliqués dans un projet transeuropéen d’écriture dramatique, la Turque Sedef Ecer et le Français Michel Bellier. Ce projet original, né d’une commande, est rapidement devenu une «grande histoire d’amour» entre les trois auteurs et une entreprise vraiment collégiale. Depuis le printemps, Va jusqu’où tu pourras a avancé. Le spectacle, qui sera créé en février 2013, n’est pourtant pas terminé : manque le dernier volet de cette trilogie consacrée à l’immigration féminine contemporaine, le texte du Belge Stanislas Cotton, qui devrait s’intituler Le rêve d’Angleterre. C’est néanmoins un excellent «teaser» que Joëlle Cattino (Dynamo théâtre) a proposé le 30 novembre. «Un bon aperçu du travail», comme l’a déclaré la metteure en scène. De fait, L’Absente de Sedef Ecer, puis Les Invisibles de Michel Bellier ont donné au public présent l’envie de voir la fin de cet exode au féminin. Les textes sont forts et la forme envisagée très prenante. Le spectacle, pluridisciplinaire, conjugue habilement vidéo et plateau, tandis que la musique de Richard Dubelski accompagne le texte de façon subtile. Quant aux acteurs, Blanche Van Hyfte et Fabien Aïssa Busseta, ils incarnent avec brio la jeune Perce-Neige et la transsexuelle Galanthine, tandis que Sedef Ecer donne elle-même sa voix et sa présence à la troisième fleur de ce bouquet d’exil, Kardelen. Joëlle Cattino, Michel Bellier et Richard Dubelski sont également sur scène. Collégial, on vous dit. FRED ROBERT

Va jusqu’où tu pourras a été présentée au Théâtre du Gymnase le 30 novembre dans le cadre des plateaux libres



18

THÉÂTRE

LA CRIÉE | LE LENCHE | TOULON

La nuit du couteau

CHRIS BOURGUE

Miss Knife s’est joué à La Criée le 27 novembre

Berbères ? Miss Knife © Alain Fonteray

Miss Knife est le double d’Olivier Py. Un double de lumière et de paillettes, avec des zones bleutées, celles de blessures secrètes. En robe de star de music-hall, souvenir de l’atelier de couture de sa mère, en collants rouges, talons-aiguille et ondulations de sirène maladroite, il entre en scène emperruqué de blond bouclé et couvert de bijoux. Mais jamais il ne joue à la femme, à l’illusion. Au contraire très vite il ôte sa perruque et chante, bien, en baryton : son travestissement est un masque de théâtre, et il reviendra en gorille, en élégante robe noire. Marlène et Marilyn sont là, Barbara pour la voix, pas loin de Berthe Sylva pour le réalisme et l’émotion... Car son music hall est de tendresse et de désespoir : amours mortes, enfance triste, jeunesse enfuie, tout est écrit comme au théâtre, les intermèdes parlés sont ciselés, et on est loin du cabaret. Il nous parle, cruel et drôle, de ses failles intimes, du jeu provocateur du travestissement, d’amours de rencontre douloureux, de méchanceté et de désir de violence, de sensualité et de fractures à vif. C’est là que l’émotion est à son sommet. La musique, composée par le pianiste Stéphane Leach, mêle tango et jazz, avec contrebasse, saxo et batterie, et des arrangements soignés, plus jazzy que sur le disque. Introduites chacune par des anecdotes, les chansons d’Olivier Py, ont des titres éloquents : Chanson de l’Apocalypse, Chanson des perdants, Le Paradis perdu... Mais la douleur s’assortit d’une implacable autodérision, et laisse place à un humour corrosif . Qui est bi-polaire ? S’est disputé avec sa mère récemment ? Entretient une relation ambigüe avec son père ? L’artiste interroge le public sur les névroses marseillaises : des doigts se lèvent. Et chacun rit !

À venir le 21 déc Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr

Goodies... ...but not oldies ! À croquer ces Jeunes inventés en toute ressemblance non fortuite par un David Lescot au regard sur le monde toujours aussi gentiment aiguisé ! Tout comme le plateau artistiquement encombré voire envahi par les guitares, batteries, basses et micros du groupe qui va œuvrer en arrièreplan (plan-plan d’ailleurs), la tête d’Igor, Jick et Honoré est pleine de rêves radicaux déjà figés dans le mythe musical : «Et nous choisirons la musique contre

l’amour... l’amour de la musique sera pour nous tout l’amour.» Question choix, David Lescot en rocker pépère à chemise cintrée et au verbe posé nous avait prévenu d’entrée en un prologue pince-sans-rire : c’est Gibson ou Fender, corps plat ou corps plein et déjà l’ado pointe sous la lutherie. Pour les «vieux» les attributs brandis signent aussi discrètement la différence des sexes : rasoir électrique ou presse-purée. Et c’est comme ça que se tricotent la © Eric Didym

grandeur éphémère et la décadence programmée du binaire sublimé par un trio d’actrices pétantes d’énergie, tout en mimiques caoutchoutées et nervosités comic-strip. Alexandra Castellon, Bagheera Poulin et Marion Verstraeten jouent les transformistes clic-clac incarnant tout aussi intelligemment les «Schwartz», bébés rockers cités plus haut que les «Pinkettes» car les filles s’y mettent, «s’y jettent» pourrait-on dire avec tout leur mal de vivre. Les excès des jeunes exploités par des adultes pas dégourdis font rire aux éclats (on n’oublie pas le tremplin rock bourguignon et la «loose»), les alarmes hésitantes des parents dépassés font sourire, les chutes appellent la mélancolie et la scène tend un miroir bienveillant mais pas complaisant. Les exaltations et les fragilités de l’âge ingrat trouvent ici une forme sinon profonde au moins extrêmement plaisante ! MARIE JO DHO

Les Jeunes, texte, mise en scène et musique de David Lescot a été donné à La Criée du 27 au 30 novembre

Benjamin Stora, jugé indésirable comme commissaire de la grande expo Camus qui devait avoir lieu à Aix en 2013, était présent pourtant au Théâtre Liberté de Toulon, pour une conférence autour de ses ouvrages majeurs, comme La gangrène et l’oubli. La cie marseillaise Manifeste rien proposait quant à elle au Théâtre de Lenche une lecture théâtralisée des Trois exils, Juifs d’Algérie ouvrage atypique où l’historien, à partir de photos de famille, retrace les exils des Juifs d’Algérie: celui qui les fit accéder à la citoyenneté française et les sépara des musulmans, Vichy qui leur retira cette citoyenneté, puis l’Indépendance algérienne qui les envoya vers un pays qu’ils ne connaissaient pas… L’ouvrage, étrange dans l’oeuvre de Stora, semble mêler mémoire et histoire, mais s’appuie sur une analyse scientifique des documents, pour dévoiler des faits peu connus : d’où viennent les juifs «berbères», comment ils sont perçus par les Juifs d’Europe, par les Musulmans avant l’indépendance… Le mérite de la Cie Manifeste rien est de mettre les sciences sociales en scène, les apportant ainsi sur un plateau au public, et suscitant ensuite un débat bien mené, documenté et ouvert. La comédienne, Virgine Aimone, qui porte le spectacle, fait preuve d’une passion communicative : sa prestation, qui hésite entre incarnation des personnages, lecture, harangue, rend justice au texte, intelligemment découpé, mais qui gagnerait à être canalisée par une véritable mise en scène, et une direction d’acteur plus subtile. Défaut véniel, quand la pensée passe… AGNÈS FRESCHEL

Les Trois exils d’Algérie, une histoire judéo berbère a été joué le 26 novembre dans le cadre des Emporte-pièces


LA CRIÉE | AUBAGNE

THÉÂTRE

19

Temps barbare De la Sibérie à la Chine… La compagnie Les Gensd’enface s’empare de la pièce de Copi, L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer pour en livrer une interprétation jubilatoire où les mots et les actes jouent avec leurs sens. Dans un jeu de masques sans cesse renouvelé, les personnages, tous masculins interprètent des rôles de femmes ou de transsexuelles. Les archétypes sont mis à mal, les conventions démontées. Tentation de l’absurde, seul recours semble-t-il d’une esthétique de la dénonciation des différents carcans sociaux. On rit beaucoup lors de cette représentation, le public exulte. Les acteurs savent user de leur force comique jusque dans les passages les plus tragiques. Identités floues, parole féminine portée par des hommes, paroles masculines prises en charge par des personnages féminins, l’ambiguïté souligne le mal être de ces personnages déportés en Sibérie qui doivent s’enfuir avec la complicité de généraux révolutionnaires en Chine, pays rêvés, fantasmés dans leurs clichés. L’enjeu, la fuite, se heurte aux hésitations de la jeune Irina, dépossédée de son corps, de son temps, de sa liberté, qui ne trouvera que la mutilation, l’acharnement sur elle-même comme ultime échappatoire. Festival d’égoïsmes, d’individualités fortes, toutes décalées ! Le choix de la farce allège le propos sans lui ôter tout à fait sa dimension tragique. Le décor réduit à l’essentiel, les lumières sobres, contribuent au caractère décapant de l’ensemble.

© Pierre Grosbois

terrestre, boîte où se meuvent les hommes comme des jouets dans les mains d’un enfant aveugle, où les murs tombent comme autant d’illusions de papier. Calderón est très loin des dilemmes cornéliens entre honneur et amour : son retour à l’ordre final n’unit les couples que par commodité, voit la mort du manant, l’emprisonnement du libérateur, et l’impunité des méchants : c’est à Dieu de punir ou accorder la vraie félicité. Les comédiens, tous incroyablement virtuoses et jouant chacun une partition différente, mettent à distance le réalisme, en artificialisant leurs gestes, leur voix, pour que rien n’ait l’air vrai, mais rigide comme dans un spectacle de marionnettes. Car leur vie est un songe, et ce texte le vestige d’un cauchemar heureusement révolu, où l’homme se croyait entièrement dans les mains d’un Dieu aussi injuste qu’incompréhensible.

MARYVONNE COLOMBANI

L’homosexuel... a été joué le 7 déc au Théâtre Comœdia, Aubagne photo répétitions © Francis-Rugirello

Pedro Calderón de la Barca est peu joué en France. Ce qui n’est pas très étonnant : noble élevé par les Jésuites, homme d’épée puis prêtre et chapelain, ce dramaturge de Cour, du temps de Galilée et Descartes, réduit la liberté humaine à peau de chagrin. Ses auto sacramentales sont des pièces de propagande et La vie est un rêve, son chef d’œuvre, fait froid dans le dos : prisonniers de leurs instincts, de leur honneur, de leur avenir écrit dans les étoiles, les personnages vivent des pseudo-existences où la prison est une métaphore de la vie terrestre (et le théâtre une métaphore de la vie, boîte gigogne dans la boite). Le seul vrai bien réside au ciel, et la révolte est inutile. Temps barbare… mais toute la comédie espagnole, de Lope à Tirso de Molina, est marquée par l’Inquisition. La grande réussite de la mise en scène de Jacques Vincey est de faire sentir cette pression là, quant les metteurs en scène Français généralement n’y voient qu’un jeu de masque baroque. Son décor, d’une rigidité et d’une froideur absolue, dit l’artifice du monde

AGNÈS FRESCHEL

La vie est un rêve a été joué à La Criée du 6 au 9 décembre

Aplatir les héros

© theatre de la calade

Mettre en parallèle ou en échos le texte homérique de l’Odyssée et le Camus de Tipasa, quelle bonne idée ! riche de tous les possibles : réflexions sur l’homme, poésie puissante où les rames des compagnons d’Ulysse frappent les eaux de la mer violine. Trouver par la confrontation de ces grands textes ce qui fait que les hommes tutoient les dieux, explorer les résonnances entre les siècles, jouer sur les épaisseurs du temps, y découvrir de subtiles correspondances, rapprocher dans le mirage des vagues de la Méditerranée l’homme révolté et le héros aux mille ruses ! Voilà un programme de pur gourmet, délices que l’on s’attend à savourer. Las… Le principe de départ ne manque pas d’intérêt, l’idée de faire de personnages quelconques les porteurs des textes, pourquoi pas ? En chacun sommeille la matière héroïque… Mais si la scène encombrée de larges voiles invite au voyage homérique, on s’attend à davantage de puissance, de folie. L’ensemble reste sage, lisse, sans force. Et certains raccourcis sont absurdes, comme réunir Circé et Calypso en un personnage, qui mène à l’incohérence, sans parler d’assigner aux sirènes le seul rôle de rappeler à Ulysse les charmes de sa vie à Ithaque. Le héros devient bien «plan-plan» dans cette version du théâtre de la Calade où tout s’édulcore. Ouvrir et refermer le spectacle sur le Come prima de Dalida donnait d’ailleurs la tonalité de l’ensemble. Quant à Camus… M.C

Camus/L’Odyssée a été joué le 30 novembre au Théâtre Comœdia Aubagne


20

THÉÂTRE

AIX | ARLES | CAVAILLON

Cène de famille Douze personnes, 6 acteurs qui donnent vie à 6 marionnettes hyperréalistes du Puppentheater de Halle, sont attablées et croulent, déjà, sous le poids d’un plafond excessivement bas. La réunion de famille bourgeoise suit et concentre le roman naturaliste, grinçant, de Thomas Mann et va, en 2h30, voir exploser les espaces et les conflits autour de la succession patriarcale. La réussite du spectacle tient à l’alliance parfaite entre acteurs et poupées de latex, les uns prolongeant le corps des autres : la précision de la manipulation à vue renforce le trouble de l’effet réaliste, et la qualité de jeu des marionnettistes participe du résultat. Tout est d’une précision absolue, incroyablement orchestré. Ainsi chaque personnage semble avoir deux corps, dédoublement qui rappelle leur situation psychologique : cette fresque sociale méticuleuse, écrite en 1911, décrit le déclin d’une entreprise familiale, et du capitalisme paternaliste, en se concentrant sur la fratrie des successeurs, aux inclinations diamétralement opposées. Thomas, double de l’auteur, artiste rejeté qui «jouit plus des femmes que des affaires», Christian, perdu dans sa rigueur et résigné à maintenir le rang des Buddenbrook, et la délicieuse Tony, si vivante, qu’on marie à un «bon parti» pour faire «un bon investissement». «Nous ne sommes pas nés pour réaliser notre bonheur personnel. Nous ne sommes pas des individus libres, nous sommes les anneaux

© Gert Kiermeyer

d’une chaîne» sont les formules éducatives, aliénantes, écrasantes, assenées depuis leur tendre enfance. Travailler, prier et épargner. Respecter la lignée, la tradition, la voie tracée… aucun ne saura s’émanciper. Du grand art, autour d’un grand roman. DELPHINE MICHELANGELI

Buddenbrooks a été joué au Théâtre d’Arles le 4 décembre

Au seuil de l’être © Elise Vigneron

Construite autour de la symbolique du passage sur des bribes du texte Seuils de Patrick Kermann, la pièce déambulatoire Traversées d’Élise Vigneron part à la recherche du soi dans l’entre deux. À la lueur fragile et gracieuse d’une bougie, l’artiste marionnettiste-comédienne-acrobate-graphiste, elle sait tout faire !, sème son indéfinissable poésie en promenant des poignées de spectateurs de portes en portes, supports démultipliés recelant chacun sa dimension mystère. Des seuils à franchir -ou pas, rien n’impose à tout déchiffrer, ni ces quelques mots vidéo-dessinés exprimant la frayeur, ni ce rhizome filmé dans lequel elle se noie- le temps d’une exploration sensitive, un brin mégalo, dont on ne peut échapper (le dispositif et l’influence du son forcent à la sidération…). Une traversée d’ombres et de lumières dans un monde onirique animé de fragments de vie, de mort, d’intimité à demi dévoilée. Tour à tour automate, vieille femme jouant Narcisse, utilisant sa silhouette pour danser avec l’oubli, délicate et inquiétante, Élise Vigneron, diplômée de l’école des arts de la marionnette de CharlevilleMézières, explore ces territoires fragiles avec un talent fou. Elle est à nouveau invitée par la Scène nationale (au CDC des Hivernales) les 17 et 18 janvier, pour présenter sa nouvelle création Impermanence. Cultivera-t-elle cette douce étrangeté ? DE.M.

Traversées s’est joué en tournée Nomade(s) du théâtre de Cavaillon du 6 au 11 décembre

Maman ! La relation mère fils occupe dans la littérature une place considérable. Claire Massabo, avec beaucoup d’humour s’attache dans la pièce Dis-moi…fils à ses traductions à partir d’œuvres multiples, de Romain Gary à Mauriac. Une première ébauche de la pièce avait été donnée l’an dernier au théâtre 3bisf (voir Zib 53). La version définitive s’articule autour d’une immense tour d’où la mère voit, parle, sort parfois, personnage pilier, à la fois princesse de légende, facteur d’épanouissement ou d’enfermement sclérosant… Le spectacle gagne encore en rythme, en vivacité. Tendresse, distanciation, ironie… l’ensemble est porté par une superbe équipe de comédiens, Jean-Marc Fillet, Pascal Rozand, Nader Soufi, pour les fils, inénarrables dans leur enthousiaste danse d’Indiens «du gâteau ! du gâteau !» ou leurs souvenirs de rentrée, l’abominable parka, le pantalon qui gratte…, et une Sandra Trambouze lumineuse et inspirée dans le difficile rôle des mères, avec leurs facettes de générosité et d’égoïsme, d’aveuglement quasi amoureux et de jugement dépréciatif. On rit beaucoup, on sourit, on se laisse entraîner dans ce tournoiement avec délices. Un spectacle vivifiant, à voir par tous, et à réfléchir ! MARYVONNE COLOMBANI

Dis-moi… fils a été joué le 20 novembre au théâtre Vitez, Aix en Provence © Fabrice Quittet



22

THÉÂTRE

TOULON

One Biyouna Show

Biyouna © SvendAndersen

Libre et rebelle, Biyouna est telle qu’en elle-même au théâtre. Mise en scène par Ramzy qui avoue «que ce n’est pas tous les quatre matins qu’on tombe sur une femme comme elle», Biyouna ne rate pas une occasion de se moquer de tous, Français et Algériens, avec une ironie culottée. L’actrice de Délice Paloma et La Source des femmes, la maman de Ramzy dans Il reste du jambon ? descend l’escalier d’honneur avec le même aplomb que Lisa Minelli, haut de forme et swing à tous les étages… sauf qu’il s’agit d’une passerelle d’avion volée par Miloud, jeune «playboy» sans papier qu’elle rudoie tendrement tout le long de son show. Sur la grande scène du Théâtre Liberté, devant un public acquis à sa cause, elle «rêve de dire des conneries», crie «vive la liberté !», chante et danse, essuie une larme lors de séquences photos nostalgiques, fustige les mâles, se moque des traditions,

égratigne les relations hommes-femmes, raconte les affres du voisinage, là-bas, à Alger. Mais ici ce n’est pas mieux, et tout le monde en prend pour son grade. Dans un rythme en dent de scie, le spectacle mitraille des salves à l’inégale pertinence comique, vite compensée par sa générosité et son autodérision salutaire : «Moi, Biyouna, si j’étais Présidente !» déclame-t-elle entre deux bouffées de cigarette… Depuis ses débuts dans les cabarets d’Alger, Biyouna n’a jamais cessé de dire ce qui ne se pense même pas parce que «se taire c’est mourir un petit peu». Alors, invités dans son salon, on ne boude pas son plaisir à déguster ses tirades âcres et douces… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Biyouna ! s’est joué le 20 novembre au Théâtre Liberté, Toulon

Promesse déçue

Jean-Louis Martinelli aurait voulu être égyptien. Enfin, iI lui est arrivé de le penser depuis qu’il a mis en scène des textes venus du Moyen-Orient et qu’il a rencontré, au Caire, l’écrivain Alaa El Aswany dont il a beaucoup aimé L’immeuble Yacoubian. C’était au moment où le Printemps arabe a éclaté... Comme un substitut à cette «idée» impossible, il adapte au théâtre son roman Chicago et lui emprunte le titre d’une de ses nouvelles : J’aurais voulu être égyptien. Une entreprise à risques et une réussite ! La dramaturgie est lumineuse, qui éclaire un texte aux résonances multiples, sur l’exil, l’amour, la diversité du monde, l’instrumentalisation de l’Islam dans les sociétés orientales et occidentales, l’âpreté des combats politiques et le pouvoir. «Il donne la parole à ceux qui ne l’ont pas et nous parle de l’autre tout en parlant de nous mêmes« dit Jean-Louis Martinelli, fin décrypteur de la complexité humaine. Car les neuf personnalités en présence forment un écheveau complexe dont il sait admirablement rendre visible les tourments, les contradictions, les paradoxes. L’espace clos du théâtre -un vaste appartement qui tient lieu de salle de réunion universitaire où l’on boit et l’on mange à toutes heures- lui permet d’attiser plus encore les tensions, d’accentuer ce qui se joue entre ces hommes et ces femmes qui se débattent entre deux mondes, celui de l’Amérique d’après le 11 septembre, juste avant une visite de Moubarak, et l’Egypte qu’ils ont laissée derrière eux. L’auteur livre une radiographie implacable et tendre de ces exilés à Chicago ; le metteur en scène leur donne une ampleur inégalée grâce au jeu intense des acteurs, aux ponctuations musicales reprises en chœur, à leur partition chorale tout en finesse. Ils habitent, véritablement, le plateau-appartement : ils boivent, se déshabillent, travaillent, fument, évoquent les désirs de l’amour, s’affrontent violemment aussi. Et Jean-Louis Martinelli, en fin connaisseur de la convention théâtrale, réussit à faire chanter la prose d’Alaa El Aswany, sa belle fluidité : sa pièce se lit comme un roman. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

J’aurais voulu être égyptien a été donné le 27 novembre à Draguignan les 29, 30 novembre et 1e décembre au Théâtre Liberté, Toulon © Pascal Victor

© Pascal Gely

L’Égypte en bandoulière

Voir La Promesse de l’Aube sur scène, on peut en rêver ! Le roman de Romain Gary, si drôle et émouvant, truffé de personnages et d’anecdotes, semble pouvoir se déplier sur un plateau sans difficulté, et sans trahison d’une langue qui peut supporter une transposition dramatique. Mais il eut fallu pour cela un comédien exceptionnel, et plus de subtilité : Bruno Abraham-Kremer se met en scène avec un manque visible de recul, n’habite pas le narrateur et encore moins sa mère affublée d’un mauvais accent russe (le même que le locataire polonais), patauge parfois dans le texte. Pour sa mise en scène, il fait le choix d’artifices de théâtre trop attendus, confiant dans la force du texte. Et il a raison, on se laisse malgré tout entrainer irrésistiblement par la dérision, la saveur du roman… même si l’ambiguïté de la relation à la mère, centrale dans La Promesse de l’aube, n’est rendue que très partiellement : excessive, abusive, insupportable, Nina n’est pas un modèle d’amour maternel populaire, mais de démesure castratrice… AGNÈS FRESCHEL

La Promesse de l’aube a été jouée les 23 et 24 novembre



24

DANSE

DANSEM | SAINT-MAXIMIN

Plein, vide et délié

Sad Sam © Nada Zgank

Qu'avez-vous vu ? © Manuel Buttner

Ce sont plutôt des formes courtes, petits bonheurs serrés dans les 50-60 minutes, que nous a proposés pour sa quinzième édition le festival Dansem mis en piste par l‘Officina. Quatre soirées, et des surprises plutôt bonnes, quoique de nature très différente. Qu’ avez-vous vu ? interpellent frontalement Manon Avram et Thierry Escarmant avec leurs deux danseurs un peu comédiens et leurs deux comédiens presque danseurs jouant entre cinq panneaux qui métamorphosent le fond de scène en images du monde. Réponse scandée qui cingle d’entrée le spectateur «...tu t’es vu... trois mots... pour finir trois mots» et met d’équerre ! Angoisse, impasse et absence d’issue déclinées par les rats d’Henri Laborit ou la pensée véloce de Bernard Stiegler, déployées par le langage simple des danseurs (se heurter, se frapper, se battre ou battre sa coulpe, surtout ne pas renoncer, recommencer donc) dans un espace sonore parfois saturé ; des livres tombent des cintres et s’effeuillent ou servent de piédestal pour se hisser jusqu’à un micro bien haut qui porte la voix ; situationnistes pas morts ! Avec le QCM amoureux de Thierry Giannarelli rigoureusement ponctué par Véronique Delarché sur les mots mixés de Carol Vanni et Alain Michon, l’interrogation se poursuit manu militari et mobilise une attention sans faille à un plateau où flottent ombres et lumières, où se promènent dans l’air fantasmes, désirs et pratiques sexuelles sans que jamais l’interprète ne se déroute ni ne quitte l’exercice millimétré imposé à son corps et à sa petite robe de dame ; le souffle se reprend sur un canapé

ferme qui n’a rien d’un divan ; les gestes fendent le discours érotique, s’y frottent par hasard et surtout ne l’incarnent jamais ni ne l’illustrent ; rythme pur et psychomotricité sans bavure apaisent et renvoient à une vitalité première ; sans réfléchir, on a coché toutes les cases ! Et puis c’est Matija que l’on surprend au cœur de son cercle parfait de figurines plastique, et son prénom, sans doute tombé du lustre étoilé d’ampoules,

tourne avec les autres qu’il murmure ou convoque fermement, liste en main, dans un appel exhaustif qui étire le temps dans le cadran des mots ; le chorégraphe, danseur, performer croate s’appelle aussi Ferlin et semble naître sous nos yeux, porté par une voix mobile et un physique juvénile ; étonnement, puis stupéfaction d’échapper à l’ennui du presque rien qu’il propose : il déroule des souvenirs limpides jusqu’à ce que la pression d’un doigt à des endroits précis du corps, une morsure à l’avant-bras ou l’évocation d’herbes qui doivent se redresser ne viennent troubler le sens et donner un peu de poids à tant de grâce. Pour conclure une soirée double entre amis. Montaine Chevalier, mutine, nous parle fauteuils, métier de tapissier, assise. Et son corps de danseuse essaie de trouver des appuis nouveaux entre les bras des objets qui nous soutiennent, et qu’elle décrit techniquement. Elle arpente, drôle, présente, la scène, enfile des renforts de mousse, se prend pour un fauteuil, se couvre de cuir. On subodore une souffrance, une amorce de reconversion forcée, dans la tapisserie, le chant, l’artisanat. Un abandon de la danse forcé, qui ampute, mais

D'Assise © Freddy Peretti

que la succession de gestes peu explicites ne dit pas assez clairement. Le public rit d’ailleurs. À contresens ? Deux autres corps, pour conclure : Carole Vanni et Alain Fourneau présentent un non spectacle. L’un reste immobile et silencieux, hors la lecture de quelques feuillets. L’autre tourne en rond et produit des gestes insensés, sans signifié. Ils disent des mots de peu d’intérêt, notes personnelles de Bram Van Velde et Charles Juliet. Chez qui tout n’est pas bon à prendre, et surtout pas si on en arase le peu de sens en adoptant l’atone extrême. Y at-il une nécessité à dire rien ? MARIE JO DHO ET AGNÈS FRESCHEL

Dansem s’est déroulé du 13 nov au 8 déc au théâtre d’Arles, au Lenche, aux Bernardines, à la Friche, avec leur concours

Quête de sens La forme du hip hop, sans renier ses origines, liées à l’art de la rue, des battles, se prête à de nouveaux jeux, entre depuis quelques années dans la cour des chorégraphes, apportant un autre souffle, de nouvelles gestuelles, permettant de nouveaux modes d’expression. Contrairement à l’habitude donnée par cette danse qui met en avant les performances physiques de ses acteurs, savoir-faire, maîtrise, destinés à surpasser l’autre, les artistes invités à la Croisée des Arts de SaintSoiree 3 soli, Mon appart en dit long © Enrico Bartolucci

Maximin apportent une strate supplémentaire à cette forme, choisissant de danser sur des musiques autres que celles consacrées traditionnellement au hip hop. La danse prend un caractère intimiste, ne recherche plus l’exploit, mais l’expression de soi. Langage difficile à construire, difficile aussi à faire accepter à des publics venus pour voir du hip hop «classique ». Iffra Dia, dans Hors Jeux ! découvre l’espace, automate qui peu à peu prend ses marques, explorant les frontières d’un large carré dessiné au sol, marche décomposée, travail au sol, découverte du corps jusqu’à une maîtrise ondoyante, sur des airs qui vont du jazz à Manuel de Falla. Habité de Hakim Maïche avec son incroyable manteau de poussière offre des éléments intéressants (délicatesse de son oiseau, expressivité des mains), passe par le mime, mériterait cependant d’avoir un propos plus resserré. Enfin, Bintou Dembélé, avec son sourire offert, apporte sa belle présence sur le plateau, sachant allier rythme et expression personnelle avec bonheur dans l’humoristique Mon appart en dit long.... Cette approche novatrice est à saluer, elle refuse à un genre de s’enfermer dans une voie monolithique. MARYVONNE COLOMBANI

Trois Soli a été donné le 4 décembre à La Croisée des Arts de Saint-Maximin


CHÂTEAUVALLON | LIEUX PUBLICS

Femmes au combat

ARTS DE LA RUE

25

sées, puis les libère. Rebelles, il leur a fallu beaucoup de détermination, d’espoir et de fureur de vivre pour libérer leur corps. Maquillage, cigarette, talons haut, robe fourreau : la féminité fatale fait des ravages. Avec l’énergie du désespoir elles résistent à la puissance du mâle, chuchotent, gesticulent, bousculent. Cherchent leur place. Le plateau est un ring où le chaos et la transe collective sont un sas nécessaire pour franchir l’infranchissable. Pas de temps mort, ou presque. La danse est entêtante. Où vers ? excelle dans l’expression de la puissance physique, de l’énergie vitale, et la construction de l’espace : désormais le rideau de fer n’est plus un obstacle vers tous les possibles.

© Stephane Tasse

De hautes palissades en tôle encerclent le plateau. Une voix féminine susurre en off «refuser la facilité». Tout un programme… Le rideau de fer joue une partition violente dans le spectacle du jeune congolais DeLa Vallet Bidiefono qui, dès les premiers instants imprime un rythme survolté à sa chorégraphie. Ça cogne et ça résonne ! La montée en puissance de la musique et des corps propulse ses interprètes -les danseurs de la Compagnie Baninga qu’il a fondée en 2005, dont la charismatique Ella Ganga, et la française Camille Tholliez- dans une course effrénée. Élans saccadés, pulsions, répulsions, combats, secousses, trépidations haletantes, fuite en avant des corps intrépides. Mais vers où ? Et qui sortira vainqueur ? DeLa Vallet Bidiefono interroge la condition et la philosophie des femmes d’Afrique et d’ailleurs, sensible aux idées féministes et à la liberté des femmes occidentales. Sa création Où vers ? met en cage des femmes oppres-

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Où vers ? a été donné le 23 novembre au CNCDC Châteauvallon, Ollioules

Déguisement n’est pas spectacle breux commence enfin à faire de la musique, des percussions, se déplaçant comme des automates encore… cela prend enfin rythme, puis seconde sirène, et c’est fini. Rarement le court temps entre les deux aura paru si long. A.F.

À venir

© Vincent Lucas

Le Rara tradition haïtienne vaudou où des personnages jouent de diverses trompes et cornets, a été acclimaté par Julien Marchaisseau (mise en scène) et Jérémie Perrouin (musique) en adoptant des personnages macabres de nos sociétés. Mais sur la place de l’opéra l’alchimie ne s’est produite que trop tard. Après la première sirène le public agglutiné autour d’un carré central qui devait servir de piste a dû lever les yeux vers les fenêtres ou des personnages fantomatiques en noir et blanc, comme les automates d’un coucou lugubre, sonnaient de la vaccine. Un peu, puis plus. On attend. Ça reprend, s’accélère un peu. Puis on attend. Enfin, à quelques secondes de la fin, sur le porche de l’opéra, un groupe nom-

La Sirène de janvier, pour cause de jour de l’an, n’aura pas lieu. Mais Lieux publics prépare deux clameurs, une Clameur Artaud place Charles de Gaulle (Wilfried Wendling), et une CG à la Bibliothèque départementale (Nadine Estève). Le 12 janv à 19h ! www.lieuxpublics.com

, e t i s e r t o n r u s s e u q riti c s o n s e t u o t Z e v u o Retr nt e m e n n e i d i t o u q r u o mis à j r

f . e n i l e b i z l a n r u o j www.

un gratuit qui se lit... aussi en ligne !


26 JEUNE PUBLIC CAVAILLON | LE LENCHE | LE MASSALIA | AIX

Vacillante flamme

Le corps resté © Cie Lalage

Une gigantesque marionnette nous accueille à l’entrée de la salle, mamelue, fessue, dotée d’une «voix» particulière et d’une présence indéniable. Puis ce sont les interprètes qui se chamaillent, roulant les uns sur les autres, tiraillés par leurs aspirations contradictoires. L’un d’eux chante avec cynisme le Blowin’ in the wind de Dylan, hymne à la liberté contrariée. Une jeune femme veut voir la mer, mais quand elle l’aperçoit «elle est enfermée derrière un grillage, on dirait qu’elle est en prison». On assiste à la dispute entre Je et Moi, conflit sans issue. Surgit une poupée grillée, noircie, sanglante, filiforme. Avec un seul gant de bal, une robe fanée et des escarpins brillants, elle est vêtue pour l’amour, comme si rien ne pouvait la décourager, pas même son aspect dérisoire. L’homme qui la manipule avec une tendresse folle l’enlace pour une danse... Pas facile de vivre ensemble ! Car «chacun a son ombre... mais le futur n’est pas écrit».

© Paolo Cafiero

ginale et forte d’Agnès Régolo et une belle mise en lumières de Jocelyne Rodriguez. Jeux de parapluies, lieux stylisés, texte porté avec talent… Cependant il est judicieux de suivre les conseils d’âge, à partir de 12 ans ! le spectacle étiqueté « jeunesse » est difficilement accessible pour les plus petits ! Un versant nouveau dans la production théâtrale de la compagnie, courageux qui sait traiter de sujets douloureux avec une grande délicatesse.

«Monsieur Andersen aimait écrire des histoires où les enfants meurent à la fin. Et avec ces histoires, il est devenu très riche.» Pourquoi aimait-il ces fins tragiques ? C’est une bonne question que pose Katy Deville,mettant ses pas dans l’ombre de la petite fille aux allumettes, morte de froid dans les neiges du nord. Seule en scène pendant 55 minutes, la comédienne questionne le bonheur (le confort ?), la solitude et la mort... ce que l’on épargne habituellement aux enfants, et qui met surtout les adultes mal à l’aise. Comme toujours dans les productions du Théâtre de Cuisine, quelques éléments du décor plantent l’atmosphère. Ici se sont les luminaires : un train de maisons éclairées de l’intérieur, tirées avec une locomotive-église par un fil rouge, une lampe en forme de fenêtre à travers laquelle un visage semble scruter désespérément la chaleur d’un foyer inaccessible... Un grand bravo donc à Bertand Blayo (création lumière et régie), et Paolo Cafiero (construction).

M.C.

GAËLLE CLOAREC

GAËLLE CLOAREC

À corps perdu était joué du 4 au 8 décembre au Théâtre de Lenche par la cie Lalage

Ruminations Au départ, un texte de commande Cie Senag’a, auprès de Sabine Tamisier, le désir de parler de la mort, de la douleur, de la perte, du deuil, de la mémoire enfin. Et de, par l’expérience individuelle, toucher l’universel… Juliette, qui a perdu et son père et son © X-D.R.

fiancé, avec son refus d’exister, se replie sur sa douleur immense, ruminant de l’intérieur comme une vache sans herbe. Des boules grossissent dans son ventre, fruits de sa douleur. Il lui faudra rencontrer l’autre, accepter de parler au docteur Bouligon, à sa mère, aux autres personnes du village, vivre à nouveau. L’art devient la porte de sortie, des boules de douleur naissent des œuvres d’art. La jeune femme peint, expose, retrouve sa place dans le monde. Sujet grave, douloureux, difficile, interprété avec vivacité par Julien Asselin, Agnès Pétreau et Sabine Tamisier dans une mise en scène ori-

La femme aux allumettes était jouée du 4 au 8 décembre à la Friche Bellede-Mai, Théâtre Massalia

La vache sans herbe le 27 novembre au Bois de L’Aune, Aix-en-Provence

Super héros cinégénique © Laurent Combe et Sebastien Dumas

Au royaume de La Cordonnerie, il n’y a vraiment rien de pourri, c’est le règne intact de l’imagination ! Cette compagnie lyonnaise, spécialisée dans la création de ciné-spectacles, joue en direct musique originale, bruitages à partir d’objets détournés et voix off sur des films de sa composition. Dans (super) Hamlet, en une petite heure, enfants dès 8 ans -et plus grands sous le charme- découvrent l’auteur élisabéthain, dans une version light et compréhensible, néanmoins fidèle à l’œuvre originale mêlée aux Contes de Shakespeare de Charles et Mary Lamb. On retrouve dans le film à la photo magnifique, les ingrédients de la tragédie : traitrise, ambiance glaciale, fantômes, folie, perversion du pouvoir, mort qui rôde… Hamlet, petit prince «adulescent» resté inconsolable

depuis le meurtre de son père par son oncle Claudius remarié à sa mère Gertrude, fomente sa vengeance en créant son cinéma intérieur… avec les poupées d’Ophélie. Transformé en super héros encapoté dans le drapeau du Danemark, risible et touchant, il organise «un traquenard qui va mal finir». Drame final en bord de mer, des nouilles s’agitent dans un parapluie pour tracer le ressac tandis que des voix fantomatiques proclament l’inoubliable «être ou ne pas être, c’est bien la question. Le reste n’est que silence»… Le spectacle laisse quant à lui muet d’admiration ! DELPHINE MICHELANGELI

(super) Hamlet a eu lieu au théâtre de Cavaillon le 23 novembre



28 MUSIQUE LYRIQUE

Cornélien Poliuto ! Qui connaît encore aujourd’hui Poliuto de Donizetti écrit d’après le cornélien Polyeucte, hormis quelques nostalgiques d’une représentation ou d’un enregistrement mythiques… Peu de monde sans doute, tant les programmations d’opéras dans monde tournent autour des mêmes affiches ! La culture du bel canto a tendance à se perdre, à la scène et dans les écoles de chant, si bien qu’on a du mal aujourd’hui à réunir un plateau de chanteurs ayant les qualités requises pour ce type de répertoire. Ce ne fut pas le cas à l’Opéra de Marseille ! Dans le rôletitre, Fabio Armiliato a particulièrement brillé grâce à des aigus impressionnants… à faire sauter les sonotones ! Daniela Dessi a distillé, dans Paolina, son timbre chaleureux, large, une ligne de chant souple, fruit d’une carrière de trente ans. La somptueuse basse Wojtek Smilek comme le séduisant ténor du français Stanislas de Barbeyrac ont contribué à la qualité du plateau, dont la palme revient au baryton Vittorio Vitelli. Ce dernier a magnifié le rôle de Severo grâce à une incise vocale ronde et cuivrée, et des sol et la bémol lancés à pleine bouche. Le Chœur et l’Orchestre de l’Opéra ont donné la pleine mesure de leurs qualités dans un domaine familier sous nos latitudes, si voisines des italiennes. Mais que dire de la version de concert proposée, si ce n’est qu’elle est «économique» ? Si dans certains cas la mise en scène d’une tragédie lyrique ne s’avère pas fondamentale, quand le livret est indigeste, l’action non capitale, le style proche de l’oratorio… dans le cas de Poliuto, la frustration est grande ! L’histoire de l’aristocrate romaine Pauline, épouse du chrétien converti Polyeucte, torturée

© Christian DRESSE 2012

par le souvenir de son ancien amour pour le proconsul Sévère qu’elle avait cru mort au combat, et qui pourchasse justement les Chrétiens, aurait mérité qu’on la visualise. On aurait aimé que soient mis en scène les élans de la jalousie du héros ou la demande de grâce agenouillée de l’épouse, les doutes amoureux, l’accomplissement de la vengeance comme le martyr assumé Mais il aurait fallu de nombreux changements, coûteux, de tableaux, de la caverne ténébreuse des baptisés au temple de Jupiter… jusqu’au cirque final et sa fosse aux lions ! Alors, faut-il entendre Poliuto sans tout à fait le voir ? Ou ne pas l’entendre du tout ? Un choix… cornélien ! JACQUES FRESCHEL

Poliuto de Donizetti a été représenté à l’Opéra de Marseille du 24 novembre au 2 décembre

Intégrale sous tension ! Marie-Josephe Jude - La Criee © X-D.R

La tension est palpable lorsque Marie-Josèphe Jude pénètre sur le grand plateau de La Criée. Le piano est centré sous les projecteurs, bordé d’un écrin acoustique alliant bois et plastique. Trois lourds micros descendent des cintres, juges de paix acoustiques reliés à la régie où René Gambini capte le moindre parasite sonore. Le directeur artistique vient de donner ses instructions : on

ne toussera pas, ni vibrera du portable, ni cliquettera du bracelet ! Résultat : le silence est impressionnant, lourd ! Il pèse sur la grande salle comble. On retient son souffle… Dès l’entrée, l’artiste doit ressentir cette inhabituelle pression : elle sait qu’elle fixe là, sur le vif, des plages pour la vie… au delà, même… Et pas n’importe quelles partitions : les Nocturnes de Chopin… une intégrale ! Marie-Josèphe Jude imagine peut-être déjà le microsillon tournant au fil du laser, avec des accrocs, des bruits qu’on ne pourra effacer… Elle avance, au début, dans l’ordre des opus, manifestement déconcentrée, tendue… À peine place-t-elle le dernier accord de l’Opus 9 n°1 en si bémol mineur, la résonance non encore éteinte, qu’un feu d’artifice de toux pétarade. C’est que chacun s’est retenu, avec davantage d’anxiété encore, justement à cause du fait que, précisément, ça lui est interdit… de tousser ! Au milieu du Nocturne en mi bémol, l’un des plus courus, c’est la catastrophe ! Une sonnerie irréfléchie pointe ses fréquences : interminable crescendo d’un portable qui fout tout en l’air… Chopin, Marie-Josèphe et le clan Gambini. Il faudra le rejouer… en bis ! Dans la deuxième partie, oubliant un peu l’enjeu et la règle du jeu, la pianiste s’abandonne et donne enfin le meilleur d’elle-même. On reprendra sûrement quelques plages, des mesures, de-ci de-là, pour qu’au montage, en coulisse, l’improbable alchimie opère entre le lieu, le public, l’artiste et ses singularités, le langage de Chopin… Pour qu’on découvre enfin, casque à l’oreille, ces opus parmi les plus émouvants de la littérature pianistique. JACQUES FRESCHEL

Intégrale des Nocturnes de Chopin par Marie-Josèphe Jude. Concert donné le 19 novembre à La Criée

Divine Violetta ! Après un Carmen un peu décevant, le public de l’Opéra de Toulon se réjouissait d’accueillir en ce mois de novembre une Madama Butterfly interprétée par Adina Nitescu, une habituée et fidèle du rôle de Cio cio san l’ayant donné à plusieurs reprises sur de nombreuses et prestigieuses scènes lyriques internationales. Dans la salle, sa voix avait en effet de quoi séduire en termes de puissance ! Ne serait-ce que pour donner la réplique à un orchestre magistral et tout en puissance ce soir-là sous la baguette de Giuliano Carella, l’actuel directeur artistique de la maison. Mais le vibrato d’une grande amplitude convenait mal au personnage, jeune femme amoureuse. Ces oscillations trop prononcées ont même, parfois, eu raison de la justesse d’émission. Heureusement, la voix d’Arnold Rutkowski faisait merveille dans l’interprétation de Pinkerton, l’un des rôles les plus antipathiques du répertoire lyrique, forcément trop court puisque l’intrigue repose sur son départ. À leurs côtés, les seconds rôles étaient remarquables et notamment Giovanna Lanza qui a convaincu l’auditoire grâce à la rondeur de son timbre au service d’une Suzuki très émouvante. C’est finalement la sobriété et le bon goût des décors très réalistes de Luc Londiveau, aux antipodes d’un japon de carte postale, magnifiquement rehaussés par une mise en lumière parfaite de Philippe Mombellet qui ont séduit le plus enfermant les personnages dans un pathétisme prononcé… Exactement celui qui convient à cette veine empreinte de noirceur, un peu moins vériste que les précédents opus, de Puccini. EMILIEN MOREAU

Madama Butterfly a été jouée à l’Opéra de Toulon du 16 au 22 novembre


CONCERTS

MUSIQUE

29

Euterpe fait recette ! Dans le hall ça frétille ! Toute l’ancienne Criée aux poissons est occupée par des bancs de mélomanes grégaires, compulsifs, qui s’agglutinent en grappes mouvantes de la billetterie du théâtre, autour des tables du restaurant, jusque dans les escaliers, au seuil de vastes portes qui tardent à s’ouvrir sur les concerts du début de soirée. Dans la petite salle, les Wanderer poursuivent l’exploration de Trios de Haydn ou Mozart quand, dans la grande, les Modigliani et Sabine Meyer traiteront bientôt des mêmes sujets classiques, à quatre ou cinq ! Certains addicts nagent, entre deux eaux, depuis l’ouverture ; d’autres, voire les mêmes, fileront jusqu’au cœur de la nuit et sa pêche aux perles sonores en compagnie des pianistes Iddo Bar-Shaï, Abdel Rahman El Bacha ou du violon d’Ye-Eun Choi… 18h passées… Les bouchons de la grande salle se décachètent. En quelques minutes les gradins s’emplissent. La soupe est populaire, mais plutôt posée : un bouquet provençal qui attend ses croches en flocons ! Et plus une place dans les rangs ! Constater que l’arrivage régulier de la musique au Théâtre National de la Criée est un succès est peu dire. Cette Folle Criée, en partenariat avec le Festival international de piano de la Roque d’Anthéron, confirme ce que nous avions constaté quelques jours plus tôt avec l’enregistrement public de Marie-Josèphe Jude : les Marseillais répondent présents à l’appel de Macha Makeïeff en faveur d’Euterpe. Bientôt les cordes du Quatuor Modigliani virevoltent dans l’allegro de l’Opus 76 d’Haydn : son 1er violon papillonne au dessus d’un tapis sonore vibrant à l’unisson. Le choral profond de l’Adagio chante, murmure avant quelque danse ternaire à perdre haleine et son final flamboyant. C’est que la fraîcheur du style classique s’accorde aux joues encore rosées de ces quatre jeunes ! En compagnie de la suave clarinette de Sabine Meyer, en Quintette (K.581),

Papillon vibrant Quatuor Modigliani © Andrew French

les musiciens explorent un prototype concertant imaginé par Mozart. L’anche occupe le devant, mais les pupitres, du violon au violoncelle et à l’alto, ne tardent pas à lui répliquer de belle manière ! C’est tendre, élégant… et leur accord particulièrement sensuel au Larghetto rend grâce au modèle mozartien. Au final on applaudit… à tout rompre ! Les musiciens eux souffleront un peu… avant de poursuivre leur marathon. JACQUES FRESCHEL

La 1e édition de La Folle Criée, le 1er décembre, a enregistré, pour les 9 concerts à l’affiche, près de 4500 entrées. Forts de ce succès Jean-Pierre & Michel Onoratini, René Martin et Macha Makeiëff donnent rendez-vous au public pour 3 récitals La Roque Hors Saison au cours desquels on entendra Nikolaï Lugansky (15 janv), Adam Laloum (9 avril), David Kadouch avec le violoncelliste Edgar Moreau (21 mai)

Théâtre gourmand alliance de nourritures spirituelles et terrestres. Car, à l’heure du déjeuner, la pause est musicale et gourmande (11 euros tout compris), joyeusement proposée dans le hall d’entrée du théâtre, tout près du bar… Même si quelques désagréments sonores ont interféré ce premier round, celles-ci n’empêchèrent ni de profiter de cette proximité chaleureuse avec les artistes, ni de se laisser porter par la mélancolie lumineuse de ce jour si blanc. M.G.-G. Francois Couturier et Philippe Berling, Mardis Liberte © Olivier Pastor

Comme une parenthèse dans la fureur de la ville, le Théâtre Liberté inaugurait en novembre son rendez-vous mensuel, Les Mardis Liberté, en compagnie du compositeur de jazz François Couturier. À ses côtés, le codirecteur du lieu, Philippe Berling, initiait un dialogue poétique et alternatif avec des morceaux choisis de l’album Un jour si blanc. Titre tiré d’un poème d’Arseni Tarkovski, père du cinéaste russe Andreï Tarkovski, et annonciateur d’une plénitude parta-

gée. Philippe Berling en récita un extrait dans la langue originelle, comme il le fit avec la célèbre chanson de Jule Stune et Sammy Cahn I Fall in Love too Easily, et s’inspira de ce poème pour faire résonner les mots de Jean-Paul de Dadelsen, Philippe Jaccottet, Rimbaud et Baudelaire. Au piano, François Couturier offrit un florilège de ses compositions, dont «quatre vingt pour cent d’improvisations», captant en quelques mouvements l’attention d’un public heureux de cette

À venir La nouvelle formule se poursuit le 18 déc avec la claveciniste Claire Bodin et la comédienne Anna Veyrenc autour d’un programme consacré aux Noëls provençaux du 18e siècle, et le 22 janv avec l’Ensemble Déséquilibres pour un spécial Ravel et Kodály. Théâtre Liberté, Toulon www.theatre-liberte.fr

Créée au Théâtre de la Fenice en 1853, La Traviata vint à l’esprit de Verdi lorsque, de passage à Paris, il vit sur scène La Dame Aux Camélias. Le lendemain de la première, il écrivit : La Traviata a fait hier un fiasco… je pense toutefois qu’elle n’a pas dit son dernier mot. On l’entendra de nouveau et nous verrons bien. Aujourd’hui, cet opéra fait salles combles ! À l’opéra d’Avignon, la soprano Patrizia Ciofi, l’une des plus belles voix du moment, époustoufla le public par ses prouesses. Deux jours plus tôt, lors de la générale publique, la cantatrice n’avait pas chanté, préférant s’économiser, et on avait dû baisser le rideau sous les huées des Vauclusiens… Une juste réponse de l’artiste ! Le premier duo entre Alfredo (Ismael Jordi) et Violetta donna le ton : émotion, sensibilité, technique éprouvée... Le Piangi du second acte entre Giorgio Germont (Marc Barrard) et Violetta suscita d’incroyables bravos, comparables à ceux provoqués par le sempre libera de l’héroïne. Mais la mise en scène de Nadine Duffaut, reprise de la production de 2007, laisse toujours aussi perplexes, voire indignés, les opéraphiles, du fait de sa transposition à la fin de la seconde guerre mondiale. Ce qui donne un mixage curieux d’officiers SS avec un chœur des gitanes et un danseur hispanisant, un enfumage noyant les personnages où Violetta, rasée, en robe déchirée, agonise sur des images d’archives de la Libération, montrant des femmes prisonnières au crâne tondu… On n’ose percevoir une cohérence dramatique : Violetta, en robe de soirée pailletée garnie d’une fleur sur la poitrine durant les deux premiers actes, flirte-t-elle avec les nazis, ou la collaboration ? Cela n’empêcha pas le succès de la représentation : la voix limpide et superbe de Ludivine Gombert en Anina, Patrizia Ciofi, tout simplement exceptionnelle, ont conquis le public ! Ce qui reste, à l’Opéra, l’essentiel. CHRISTINE REY

La Traviata de Verdi a été représenté les 25, 28 novembre et 1er décembre à l’Opéra-Théâtre d’Avignon.


30 MUSIQUE ACTUELLE | JAZZ

L’art du trio Brad Mehldau Trio © Michael Wilson

Chaloupe au Cargo Ça chaloupait au Cargo de Nuit arlésien, comme le prévoyait le charismatique David Boring avec sa phrase fétiche… Un concert en tournée à l’occasion de la sortie de La Onda, deuxième opus discographique de son trio les Naive New Beaters. Martin Luther BB King répondait avec des riffs simples, efficaces, ravageurs et variés aux basses gonflées force 10 méchamment entretenues par Eurobélix sur sa console séquenceur. De quoi ouvrir une passe royale au chanteur américain qui surfait sur ces embruns cycliques. Avis de grand frais ! Cela dit, Boring avec son timbre nasal inimitable dont il sait, avec l’amplification, jouer à la perNaive new beaters

fection, contrôle tout cela à la barre de son trio : il négocie avec brio les coups de vent générés par ses compères et apporte une touche suave pour faire voguer sa chaloupe sur une mer agitée qui se calme progressivement, pour accoster vers un idéal Californien symbolisé par les quatre palmiers gonflables en arrière plan. Pour y parvenir, l’équipage de NNBS jongle avec les influences rap (D.B)électro (Eurobélix)-pop-rock (mlbbk) et parvient même à distiller une touche de mélancolie parmi des moments de francs délires avec des chorégraphies extravagantes (Bang Bang...) sur des mots que l’on interprète à défaut de tout comprendre, grâce à la magie du groove et de l’énergie musicale libérée. Indice de confiance ? 5/5. PIERRE ALAIN HOYET

Le concert de Naive New Beaters au Cargo de Nuit, Arles, le 23 novembre

La venue d’un grand nom du jazz en dehors de la période estivale en terres varoises est un événement. Les amateurs ne se sont donc pas trompés en venant goûter avec ferveur aux prouesses musicales distillées par le trio de Brad Mehldau le 27 novembre à l’Espace Malraux de Six-fours : les programmateurs ont su anticiper sur la longue tournée d’un artiste qui, en leader comme en sideman, compte déjà plus d’une vingtaine d’albums avec ou sans accompagnateurs. Contraint par l’exercice promotionnel, les musiciens ont livré une setlist très proche du récent album Where Do You Start publié en septembre dernier. Cependant, même si l’on eut aimé voir ces experts explorer des répertoires plus anciens, la saveur de ses nouveautés garde son aspect enchanteur grâce à la magie de l’improvisation. À la contrebasse, Larry Grenadier,

attentif aux ambiances harmoniques et maître dans l’art des walking bass tourbillonnantes, aidé de son complice Jeff Ballard aux baguettes toujours aussi alertes, ont tissé une rythmique propice aux chorus lyriques et inventifs du pianiste au touché exceptionnel. Leur complicité ne se dément pas au fil des ans, rappelant au passage d’autres brillantes formations. Même si la succession des titres était sans surprise, l’ensemble restait surprenant ! À l’image d’une reprise époustouflante du fameux Hey Joe d’Hendrix qui confinait à la transcendance, art que maîtrisent parfaitement ces trois compagnons de route. ÉMILIEN MOREAU

Invitation à la transe

Orchestre National de Barbes © Christophe Michel

À l’initiative du Conseil général du Var dans le cadre des rencontres méditerranéennes, le Théâtre Liberté a ouvert ses portes à l’Orchestre National de Barbès, quartier tout aussi populaire à Toulon qu’il l’est à Paris. Le groupe constitué de 11 musiciens poly-instrumentistes a littéralement enflammé l’auditoire par une énergie sidérante et communicative. Il était difficile de résister à une rythmique portée par un tandem basse-batterie d’une redoutable efficacité qui martelait des tempi agités et cette invitation à la transe a donné aux spectateurs des fourmis dans les pieds. Musique métissée, pas vraiment, mais au binaire plus qu’efficace ! La salle Albert Camus s’est muée en dance floor grâce aux talents déployés par le groupe. Avec une musique du monde d’un style éclectique, patchwork épicé d’influences musicales diverses mises au carré, allant du reggae au dub en passant par le raï et le ska, les musiques populaires du Maghreb se fondaient dans le rock et la pop, à l’image d’une reprise diaboliquement envoutante de Sympathy for the devil des Stones. Rien ne manquait donc à ce cocktail musical pimenté et explosif à souhait. On pourra toutefois déplorer le lieu, peu propice à un tel déluge de watts, ce qui n’a pas fait baisser la fièvre jubilatoire qui s’est emparée des spectateurs dès l’entame du show ! ÉMILIEN MOREAU



32 MUSIQUE ACTUELLE | JAZZ

Le corps à son © Dan Warzy

Le quintet Denis Colin et les Arpenteurs a inauguré le 24 novembre le nouveau Théâtre de Fontblanche, dont la réhabilitation est proche de l’achèvement. Une préfiguration de l’ouverture du lieu accomplie, en partie, grâce à l’équipe de CharlieFree. Doublant sa capacité d’accueil, dans une configuration très club de jazz, l’équipe du Moulin à Jazz a su recevoir cet afflux de public sans rien perdre de sa chaleur habituelle. Le terrain de jeu des Arpenteurs est à géométrie variable et se dévoile, arguments à l’appui. Une sorte de puzzle aléatoire qui prend forme dans l’instant, de la démesure à l’équilibre. Une ambiance grave monte puis se calme, des bruits électroniques rivalisent avec une ligne de basse répétitive et le cla-

vier de Benjamin Moussay. L’entrée graduelle des musiciens se fait par onomatopées, comme scandées, de façon brute, favorisant une multitude d’improvisations. Le tout devenant très groovy, voire envoûtant. Un rythme sur une corde de la guitare de Julien Omé devenue guimbarde occasionne des déambulations furtives du Fender Rhodes ; un balaiement rythmique de Thomas Grimmonprez appuie la situation, et survient la ligne mélodique lente de la clarinette basse de Denis Colin qui dialogue avec le bugle d’Antoine Berjeaut. Et ça met le feu ! Pour preuve, ni le public, ni les musiciens n’ont vu le temps passer. DAN WARZY

www.deniscolin.com

Panthère funk

Cabaret rock

Percutante, la prestation d’Anthony Joseph et de son Spasm Band a mis K.O le public du Café Julien le 29 nov. Organisé avec les marseillais de Bol de Funk, le concert anniversaire du label parisien Heavenly Sweetness était à la hauteur de leurs productions discographiques : haut de gamme. Robert Aaron ouvre la soirée sur un solo de saxophone ténor avant d’entamer un bœuf jazz-funk avec le Spasm Band. La température monte instantanément. Véritable chef d’orchestre, il emmène les musiciens avec un naturel déconcertant. Méconnu du grand public, ce poly-instrumentiste de l’ombre a pourtant joué avec de nombreuses pointures. Quelques minutes plus tard, Anthony Joseph saute sur scène et s’empare du micro pour attaquer une version accélérée de Griot. Sans que l’esprit des deux albums soit trahi, les morceaux laissent la part belle à l’improvisation (C. Webster au sax ténor et C. Arcucci à la guitare). Entre jazz, calypso, funk et afrobeat, le son du Spasm Band est à la fois un hommage à la Black Music et une vision de son avenir. Pendant les chorus, la Panthère Joseph descend de scène pour danser avec le public, le Café Julien prend des allures de club surchauffé des 70’s. Après une heure de concert, R.Aaron les rejoint sur scène pour un Started Off As A Dancer d’anthologie ; un plateau exceptionnel qui récompense les passionnés. Dommage que ce type d’événement ne rassemble pas plus de monde dans la deuxième ville de France !

Un drugstore et de vieilles berlines américaines, garées au bord d’une longue route rectiligne… Au Cabaret aléatoire le 5 décembre, il suffisait de fermer les yeux pour être plongé dans un décor à la Tarantino. Armée de sa guitare, Sallie Ford et ses trois compères du Sound Outside ont fait swinguer près de 200 personnes. Ce quartet de Portland sonne très fifties. Il ressuscite l’esprit du début du rock’n’roll tout en évitant la parodie. Le Sound Outside (guitare, basse, batterie) se balade sans faire d’étincelle entre blues et rock primitif, swing ou rockabilly. Mais c’est le timbre et le charisme de la jeune chanteuse qui élèvent le niveau du groupe. Le début du concert est plutôt chaotique suite à des ennuis techniques. Mais dès que Sallie Ford attaque seule l’intro de Write me a letter, on comprend que cette fille a un don. Sa voix brute et puissante, au grain rocailleux, est si expressive, vivante, qu’elle touche les plus hermétiques. Sans chercher la démonstration technique, Sallie Ford envoie franchement toutes les émotions qui la brûlent et ça vous hérisse les poils. Cachée derrière ses lunettes et sa guitare, la jeune artiste chante la vie avec une telle intensité qu’elle vous embarque sans crier gare…

L’enthousiasme régnait sur Le Moulin le soir du 6 décembre. Keny Arkana y présentait à guichet fermé son nouvel opus Tout tourne autour du soleil dans une ambiance des plus chaleureuses. Accompagnée de RPZ, DJ DRK et de quatre autres musiciens (clavier, guitare, basse et batterie), elle s’est donnée à fond pendant plus de 2h de concert. Son nouveau répertoire conserve une solide base hip-hop mais emprunte également des sonorités et des rythmes à d’autres styles comme le ska (J’ai osé ), le reggae (Car nous sommes le monde) ou encore l’electro (Capitale de la rupture). Devant une mer de poings levés, elle incarne passionnément ses textes contestataires et engagés. Véritable artiste militante, elle aborde des thèmes tel que l’écologie, la solidarité, la révolution, l’alter mondialisme, sans jamais tomber dans la caricature. Elle transmet son message combatif, ses valeurs humanistes, ce qui ne l’empêche pas de s’amuser avec le public. Sur le titre Planquez-vous, elle improvise une partie de cache-cache avec 1500 personnes (pas évident), invitant chaque spectateur à se «planquer» pendant le refrain. Bref Keny Arkana sur scène, c’est la rage, l’espoir et la force. Impressionnante…

K.D

K.D

KEVIN DERVEAUX Anthony Joseph © Fred Thomas

Sallie Ford © Melanie Brown

La rage positive

Keny Arkana © X-D.R.


MUSIQUE

33

Changer le monde Qu’aurait été le monde si les croisades étaient celles de la rencontre et de l’échange entre les peuples ? demande Laurent Mignard. Trompettiste et compositeur il ancre son jazz dans la réalité. Son discours s’engage, un brin décalé, sur tous les sujets de la vie dans la société. Un jazzman qui serait sociologue, économiste et philosophe, comme le prouve son blog. Sur scène, il manie l’humour pour introduire ses compositions aux titres évocateurs tels Frenetic City, Nomad, Playmobil Festival ou Old World. La contrebasse d’Eric Jacot, ou son oud, et le batteur Luc Issenmann impulsent une grande énergie au 4tet. La musique se nimbe de colorations particulière grâce aux saxophones de Geoffrey

Secco et aux différentes sourdines utilisées par la trompette de poche. DAN WARZY

Ce concert a eu lieu à l’AJMI le 7 déc dans le cadre de Jazz en Scènes. Pour Verona la formation du pianiste François Chesnel qui a joué en première partie de soirée, voir www.journalzibeline.fr CD : Good News Laurent Mignard Pocket Quartet Label AMOC www.laurentmignard.com www.goodnews-pocket.com (blog) Laurent Mignard Pocket 4tet @ Dan Warzy

Noël bucco-rhodanien Comme tous les ans, le Conseil Général des Bouches-duRhône propose une série de concerts pour les fêtes de fin d’année : Les Chants de Noël, du 1er au 23 décembre. Comme les années précédentes, et à l’occasion des 20 ans de l’événement, quatre compagnies vont sillonner le département pendant le mois de décembre pour donner 55 représentations gratuites. Le projet artistique explore quatre thématiques avec quatre groupes différents. Le Nine Spirit de Raphaël Imbert représente le Noël du Delta, une création imprégnée de l’esprit du Sud, des Etats Unis à la France, un jazz entre Provence et Mississippi. L’association Musique Conte Etc production et l’Ensemble Multitude proposent un spectacle de contes musicaux autour de la Nativité. Leur musique riche est tissée d’influences orientales, balkaniques ou portugaises. Ils sont le Noël des quatre vents. Le trio féminin Assurd présentera le Noël de l’Italie du sud. Leur projet haut en couleur inspiré de chansons traditionnelles napolitaines «Cantato dei pastori», mêle compositions et chants classiques. Enfin, un groupe spécialement constitué pour l’occasion offrira le Noël des Balkans. L’ensemble Mayé et le quatuor Balkane/Ecume exploreront les chants grecs et bulgares, inspirés des traditions Byzantines. KEVIN DERVEAUX

Noël des Balkans Le 12/12 - Marseille Eglise Sainte Anne 20h 28, rue Thieux 13008 Le 13/12 - Marignane Théâtre Molière 19h 53,55 Avenue Jean Mermoz 13700 Le 16/12 Marseille Cathédrale de la Major 17h Place de la Major 13002 Le 18/12 - Marseille Eglise Saint Just 18h 68, rue Alphonse Daudet 13013 Le 20/12 - Marseille Eglise de Mazargues 20h30 Place Saint Roch 13009 Le 21/12- Fos s/mer Maison de la Mer 20h30 Avenue des sables d’or 13270

Le 22/12 - Salon de Provence Collégiale Saint Laurent 19h 206, rue des Jardins 13300 Le 23/12 Port Saint Louis du Rhône Eglise 18h Avenue du port 13230

Noël des 4 Vents Le 12/12 - Marseille Eglise Sainte Marguerite 20h 20, place Antide Boyer 13009 Le 13/12 - Marseille Eglise Saint Pierre 18h Place Pol Lapeyre 13005 Le 14/12- Arles Théâtre Municipal 19h30 Boulevard Clémenceau 13200 Le 17/12- La Ciotat Salle Paul Eluard 19h Avenue Jules Ferry 13600 Le 18/12 - Gréasque Salle Raymond Galhuid 20h Rue Laterina 13850 Le 19/12 - Marseille Eglise Saint Loup 20h30 71, boulevard Saint Loup 13010 Le 20/12 - Marseille Eglise Saint Barthélémy 18h 12, Avenue Claude Monet 13014 Le 21/12 Aix en Provence Maison du Château de l’horloge 18h 5, rue du Château de l’Horloge 13090

Noël de l’Italie du Sud Le 12/12 - Allauch Eglise Saint Sébastien 20h Place Pierre Bellot 13190 Le 13/12 - Marseille Oeuvre Saint Louis de Gonzague 20h 211, rue d’Endoume 13007 Le 14/12- Marseille Eglise Saint Mître 20h 67, chemin de Saint-Mître à Four de Buze 13013 Le 15/12- Marseille Eglise les Aygalades 20h30 24, rue René d’Anjou 13015 Le 16/12 - Châteaurenard Eglise Saint-Denys 18h15 Place Jeanne d’Arc 13160 Le 19/12 - Mallemort Salle des Fêtes 19h30 Place Raoul Coustet 13370 Le 20/12 - Marseille Eglise de la Capelette 19h

7, boulevard Saint Jean 13010 Le 21/12 - - Martigues Salle du Grès 20h30 Boulevard Léo Lagrange 13500 Le 22/12 - Marseille Eglise de l’Estaque 20h 6, rue Jumelles 13016

Noël du Delta Le 12/12 - Marseille Eglise Saint Barnabé 19h30 Place Caire 13012 Le 13/12 - Gémenos Eglise Saint-Martin 19h30 1, rue Marius Roubaud 13420 Le 15/12- Marseille Eglise Saint-Pierre Saint-Paul 15h 64, rue Léon Bourgeois/161, boulevard de la Libération 13001 Le 16/12 Velaux Espace Nova 17h30 997, avenue Jean Moulin 13880 Le 17/12- Aix en Provence Eglise Saint Jean de Malte 20h30 Rue Cardinale 13100 Le 18/12 - Marseille Eglise Saint-Lazare 17h30 13, rue Saint-Lazare 13003 Le 19/12 - Miramas Eglise Saint Louis 20h30 Place Jourdan 13140 Le 20/12 - Marseille Eglise Saint Henri 20h 12, chemin du Passet 13016 Le 22/12 - Chateauneuf Les Martigues Salle des Fêtes Léo Lagrange 20h 3, place Bellot 13220

www.culture-13.fr/agenda/les-20-ans-des-chantsde-noel.html


AU PROGRAMME

34 THÉÂTRE

Dire non à la guerre Sallinger n’est pas un texte facile, et il convient d’y entrer vierge d’attentes. Car Salinger, avec un seul l, l’auteur américain au sujet duquel Koltès devait écrire sa première pièce, en est absent. Du moins apparemment. Autre fait troublant : le personnage principal qui la traverse, le Rouquin, est mort. Et pas comme un spectre Shakespearien : c’est un interlocuteur normal, dansant, coloré et débordant d’une vitalité qui n’anime pas les autres… Une fois cela admis il reste un écueil pour entrer dans ce texte magistral : si Koltès emprunte ici à la dramaturgie classique l’emploi des confidents, il va à contre-courant du schéma dramatique habituel des pièces françaises, en refusant d’exposer l’action. Il laisse sourdre peu à peu l’enjeu réel, son lien avec Salinger, auteur qui décrit le passage à l’âge adulte comme personne, traumatisé par la guerre et sa propre expérience de libération des camps. Le Rouquin, et son frère Leslie, sont en ce sens Salinger, même s’ils ne sont pas écrivains, et ressemblent aussi à Holden de L’Attrape-cœurs. Car dès la première scène c’est l’Amérique va-t-en guerre qui est là, celle qui s’apprête à sacrifier ses fils au Vietnam comme elle l’a fait en Corée, et impose au monde une prétendue normalité totalement schizophrénique. C’est pourquoi les veuves hurlent, les pères se vengent sur leurs fils, les mères pleurent, les frères errent et entrent dans la carrière quand leurs ainés n’y sont plus. Koltès met en mots cette histoire dé-

Sallinger a été créé au Théâtre National de Strasbourg le 20 nov et joué jusqu’au 7 déc

À venir le 11 janv Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr Sallinger © Pierre Grosbois

gradée qui bégaye, dans des monologues successifs que viennent interrompre quelques dialogues jamais explicatifs, tandis que l’intrigue, toute en ellipses, retour en arrière et plongées vers l’avant, se dessine dans les monologues et les dialogues avec le frère mort. La mise en scène de Catherine Marnas travaille à rendre ces détours limpides, à éclaircir l’implicite de cette pièce à la forme inattendue, et à faire entendre au-delà du texte les futures guerres américaines, Afghanes ou Irakiennes, comme si Koltès déjà les pressentait. Les plans dramaturgiques sont symbolisés par un découpage de l’espace en profondeur et en hauteur, les personnages caractérisés par leurs costumes, les morceaux de bravoure -le texte en regorge- sont travaillés au millimètre et offerts généreusement à l’avant-scène, pour que tout s’entende. L’ambigüité américaine éclate lorsque le frère et la sœur, la mère et le père, dansent légè-

rement, comme à Broadway, devant la veuve ou sur le champ de bataille. Les comédiens de la Compagnie Parnas -mater dolorosa complaisante, père odieux et pitoyable, confident-repoussoir désespéré- composent des personnages dissociés comme seul Koltès savait les écrire. Les comédiens du Théâtre National de Strasbourg rejoignent la partition parnassienne et incarnent les personnages jeunes en imposant leur talent : la veuve et la sœur hurlent de douleur progressive ou obstinée, la confidente joue un hilarant bon sens de vaudeville, le mort explose d’une joie tapageuse de beatnik, en équilibre sur sa tombe, et le frère impose de sa voix grave la vacuité de son destin de chair à canon. Une fois encore la direction d’acteurs de Catherine Marnas est une démonstration de précision, et d’intelligence dramaturgique. AGNÈS FRESCHEL

le 15 janv La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu le 31 janv La Colonne, Miramas 0810 006 826 www.scenesetcines.fr le 2 fév Le Cratère, Alès 04 66 52 52 64 www.lecratere.fr le 5 fév Théâtre de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com le 12 fév Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com

Homosexuelles au XVIIe siècle Étonnant que cette comédie soit tombée dans l’oubli durant près de 400 ans ? Non, quand on sait le tabou qui pèse, aujourd’hui encore, sur l’homosexualité féminine. Iphis et Iante, dans un style baroque assez proche des comédies de Corneille, reprend la métamorphose d’Ovide qui voit Iphis, élevée comme un homme, aimer Ianthé désespérément («Quelle est cette passion étonnante, bizarre et nouvelle ? Les dieux devaient-ils me donner des penchants que condamne la nature ?»). Isaac de Bensérade, contrairement à Ovide, situe la «métamorphose» d’Iphis en homme après la nuit de noces, qui est décrite par les deux femmes comme le sommet du plaisir… Sa comédie s’enquiert aussi des élans d’Ergaste pour Iphis dans ses habits d’homme. Puis après la transformation sexuelle du «mari», les dialogues s’attachent à décrire les sensations du corps nouveau, et les conséquences pour le couple de ce changement de genre. Quoi de

plus actuel ? Aujourd’hui, alors que le mariage homosexuel est à la fois légalisé et attaqué, Jean-Pierre Vincent fait redécouvrir cette comédie qui fut rapidement escamotée des scènes. Une création, produite par le Gymnase, avec une troupe de jeunes acteurs, que n’a pas labellisé MP2013. Pourtant le bazar des genres est à son programme. Mais, semble-t-il, pas le texte de théâtre… La grande clameur glamour des Mireilles, un lâcher de Mireille Mathieu chantant «femme amoureuse» en play back, a quant à elle reçu l’approbation de la Capitale européenne. Autre travestissement, plus fun, ironique et distancé… notre culture ? A.F.

Iphis et Iante du 15 au 19 janv Théâtre du Gymnase, Marseille 08 2013 2013 www.lestheatres.net

Jean-Pierre Vincent © Vincent Lucas

les 25 et 26 janv Théâtre Liberté, Toulon 04 90 00 56 76 www.theatre-liberte.fr le 29 janv Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com

Les Mireilles le 12 janv Théâtre du Gymnase, Marseille 08 2013 2013 www.lestheatres.net le 11 janv Auditorium de Vaucluse, Le Thor (ré-ouverture) 04 90 33 97 32 www.artsvivants84.fr


Le Vicaire © Lot

Le Bourgeois gentilhomme

41 35

© Pascal Victor

Le voyage d’Alice en Suisse La pièce de Lukas Bârfuss, prix Adami 2011, retrace les scènes de la vie de l’euthanasiste Gustav Strom. Présenté par l’Atelier Théâtre Actuel, ce voyage que projette de faire Alice aborde avec habileté les bouleversements provoqués par le thème de l’euthanasie sur le patient et son entourage.

AU PROGRAMME

THÉÂTRE

le 15 janv Salle Émilien Ventre, Rousset 04 42 29 82 53 www.rousset-fr.com

Fin connaisseur de Molière, Denis Podalydès met en scène la comédie ballet mise en musique par Lully, imaginant Monsieur Jourdain (Pascal Rénéric) en bourgeois qui se rêve poète et amis des Arts. Un roturier qui fonce et trébuche, incapable de devenir «l’autre» qu’il aimerait être, comique sans le savoir en s’aventurant dans les territoires inconnus de la culture dominante. Une version complète où la musique originale (dirigée par Christophe Coin), la danse, l’art poétique, la mode (costumes de Christian Lacroix) et le beau langage sont convoqués sur le plateau pour retrouver le sens de l’art scénique total.

Mon képi blanc Plongée abyssale dans la tête enfumée d’un légion-

Un demi-siècle après sa création, la première pièce de Rolf Hochhuth tend un miroir implacable de nos compromissions. Jean-Paul Tribout reprend l’œuvre sur l’ambiguïté des rapports du pape Pie XII avec le IIIe Reich en un oratorio vibrant, inscrit dans une perspective contemporaine. Une adaptation qui présente les controverses de l’Histoire et engage la conscience du spectateur dans le débat. Une œuvre salutaire et audacieuse, qui souffle sur des braises.

naire, le monologue de Sonia Chiambretto frappe fort. Les cheminements de sa pensée engourdie, violente, primaire, sont rendus dans une langue drue, hurlée par Manuel Vallade sans discontinuer, mis en scène avec une limpidité musicale, comme une partition sonore, par Hubert Colas. Estomaquant. les 14 et 15 déc Bois de l’Aune, Aix 04 42 93 85 40 www.agglo-paysdaix.fr © Sylvain Couzinet-Jacques

le 15 déc Le Toursky 0 820 300 033 www.toursky.org

du 5 au 11 janv La Criée 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

les 13 et 14 déc Chêne Noir, Avignon 04 90 82 40 57 www.chenenoir.fr

Memory Une variation moderne et poétique à la recherche du temps perdu par Vincent Delerm. Accompagné par le musicien Nicolas Mathuriau, et la complicité artistique de Macha Makeïeff, le chef de file de la «nouvelle vague» de la chanson française présente son premier spectacle de théâtre, déroulant ses pensées intérieures et son cinéma muet avec ses chansons, récits, photos et films. Confession d’un enfant du siècle ?

El tiempo todo entero © X-D.R.

le 14 déc La Criée 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com le 13 déc Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr Vincent Delerm © Aglae Bory

La dramaturge argentine Romina Paula adapte librement La Ménagerie de verre de Tennessee Williams. Dans Le temps tout entier, elle poursuit le mélodrame en donnant la parole au personnage de la sœur, Antonia, perdue dans les méandres de l’amour. Loin des archétypes de la tragédie autobiographique de Williams, ici tout le monde est libre… mais chacun est retenu par ses névroses dans un temps distendu. Des acteurs exceptionnels pour une pièce psychologique et subtile programmée par les ATP d’Aix. Spectacle en argentin sous titré. le 11 janv Pavillon Noir, Aix 0 811 020 111 www.atpaix.com le 15 janv Théâtre d’Arles 04 90 52 51 55 www.theatre-arles.com


THÉÂTRE

Super heureux ! Instants critiques Artiste associé aux Salins, Jean-Claude Berutti reprend la pièce de Silke Hassler créée la saison dernière, pour deux comédiens (Julie Delille et Vincent Dedienne). Une comédie contemporaine, drôle et entraînante, autour de la question de l’amour et du couple à l’ère de la communication tout azimuts.

© Manuelle Toussaint

les 20 et 21 déc Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

Le temps nous manquera La Cie L’Employeur (Édith Mérieau, Alexandre Le Nours, Stéphane Gasc) écrit, met en scène et joue ses spectacles, afin de faire surgir une écriture dramatique nouvelle, totale. Ici il est question d’un mort, d’une séparation, d’une absence, et de comment vivre avec les deuils et les petits renoncements. Trois comédiens singuliers, différents, jeunes, formés à l’Erac, qui savent aussi écrire, pour la scène. du 13 au 15 déc Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr

Nouveau Roman Le spectacle de Christophe Honoré joué par une © Michel Guilllerot

Villégiature Thomas Quillardet et Jeanne Candel mettent en scène les deux premiers volets de la trilogie de Carlo Goldoni, retrouvant la puissance de la satire d’une Venise décadente. Les jeunes acteurs, au jeu précis et généreux, décapent littéralement la pièce en incarnant l’histoire de ces bourgeois grotesques qui s’ennuie dans ses demeures de campagne. Une génération perdue dans un monde sacrifié à la déroute économique. les 18 et 19 déc Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com

François Morel redonne vie aux échanges passionnés entre les deux critiques de cinéma des années 60/70, Georges Charensol et Jean-Louis Bory, dans l’émission radiophonique Le Masque et la Plume. Affrontements dithyrambiques, langage fleuri, vision du monde aux antipodes, piques et louanges, les deux anciens Deschiens, Olivier Saladin et Olivier Broche, accompagnés par Lucrèce Sassella, retrouvent tout leur mordant. Savoureux et drôle. le 15 déc La Colonne, Miramas 04 90 50 05 26 www.scenesetcines.fr

Zoom La détresse d’une mère égarée qui s’invite à une © Kim Lan Nguyen Thi

pléiade de comédiens stars sait installer une belle nonchalance sur scène, désinvolture un brin aristo, remodelée sixties… Mais le Nouveau Roman n’est pas là. Ni ses problématiques d’écriture, évoquées surtout pour s’en moquer, ni ses écrivains singuliers, campés par des corps trop jeunes et triomphants pour symboliser la profondeur de leurs mondes, et leurs échecs. Le Nouveau Roman n’est ni beatnik, ni Saint-Germain, il puise sa source dans le formalisme russe, et le traumatisme de la guerre…

réunion de parents d’élèves et retrace le parcours de son fils Burt, un «enfant difficile» comme on lui a appris à dire. Interprété avec justesse par la lumineuse Linda Chaïb, le texte de Gilles Granouillet raconte les espoirs perdus d’une mère «à côté de la plaque», touchante malgré le grotesque. le 12 déc Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr

Enquête sur un grand chantier Après 15 jours de résidence au théâtre de Fos, Agnès Régolo présente une étape de création de son projet adapté d’Enquête sur un grand chantier d’Hélène Vésian. Un scénario mêlant suspens et récits fragmentés, basé sur les témoignages des habitants de Fos, Istres, Port-Saint-Louis et Martigues. Avec le comédien Kristof Lorion. le 12 janv Théâtre de Fos 04 42 11 01 99 www.scenesetcines.fr

du 10 au 12 janv Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr © Christophe Raynaud de Lage Festival d'Avignon

AU PROGRAMME

36


Bonheur titre provisoire

La fausse suivante Un Marivaux où le jeu des masques est poussé à © Manuel Pascual

l’extrême, démontant les rouages d’une société qui vit dans le paraître, prête à toutes les compromissions. Une pièce de choix pour les amoureux du théâtre avec cette mise en abîme des masques. Un régal mené de main de maître par la metteure en scène Nadia Vonderheyden. le 18 déc La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu

Plébiscité cet été dans le Off d’Avignon, la pièce mise en scène par Alain Timar offre un spectacle étonnant où les approches du bonheur se confrontent à travers trois personnages interprétés par Pauline Méreuze, Paul Camus et Alain Timar. Entre définitions et nécessité absolue du bonheur, à dresser comme infrangible rempart contre la souffrance et le désespoir. Un spectacle qui interroge, porté par de superbes comédiens. du 13 au 15 déc Théâtre des Halles, Avignon 04 32 76 24 51 www.theatredeshalles.com

Ma Marseillaise Darina Al Joundi brosse un superbe portrait de femme mis en scène par Alain Timar. Leçon de courage, d’humanité, parcours oh combien épineux que celui qui permet l’obtention de papiers, les papiers, nécessaires à l’installation en France après le départ du Liban. Infatigable révolte contre les injustices, regard clairvoyant… finesse, humour, distanciation pour un bel hymne à la liberté. les 11 et 12 janv Théâtre des Halles, Avignon 04 32 76 24 51 www.theatredeshalles.com

Sonia Chiambretto Artiste associée au Théâtre Durance, Sonia Chiambretto invite Hubert Colas avec Diphtong Cie pour une mise en lecture de son texte, Zone d’éducation prioritaire, qui livre une lecture neuve de l’espace construit pour les adolescents. Ce sont eux qui mènent ici une visite commentée de leur lycée : un monde codé, rythmé par les sonneries, les appels au micro, contrôlé par des caméras de vidéosurveillance. Mais c’est bien Chiambretto qui écrit : le cadre est remis en question, et une nouvelle géométrie se dessine… le 14 déc Théâtre Durance, Château Arnoux 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr

© Didier Grappe

Lebensraum «Je lance une invitation à six millions de Juifs à venir poursuivre leur vie en Allemagne.» Ainsi débute le propos de la pièce d’Israël Horovitz. Répondant au projet de Rudolph Stroiber, chancelier allemand fictif du début du XXème, cherchant à racheter la honte qui pèse sur son peuple depuis l’holocauste, enchaînant de multiples réactions… La compagnie varoise L’Écho dans une mise en scène de Xavier Heredia s’attache à ce texte provocateur et riche de prolongements. le 13 déc Palais des Congrès, Saint-Raphaël 04 98 12 43 92 www.aggloscenes.com

Visites L’Autre Compagnie met en scène la pièce de Jon Fosse : famille banale, et pourtant, secrets enfouis, mensonges, jeu de non-dits… Une complexité qu’une apparente banalité couvre d’un masque... Dans un salon blanc, glacé, les personnages (la fille, le frère, la mère, l’ami de la mère) évoluent, interrogent. L’essentiel jamais ne se formule, ne se dessine que par son absence, comme celle inexpliquée du père. Un spectacle tout en finesse, en rythmes cassés et silences pesants, en faux-fuyants. le 15 janv Théâtre Le Forum, Fréjus 04 94 17 73 70 www.aggloscenes.com © X-D.R.


DANSE

Tango mon amour Ancien danseur étoile de la compagnie Maurice

d’une pièce historique de Frédéric Flamand, Titanic, qui triompha à la Biennale de Venise avec Charleroi danse. La pièce évoque toutes sortes de naufrages, d’écroulements, et établit un rapport inédit entre architectures et danse. Pour la fête d’ouverture de MP2013, on retrouvera le BNM, augmenté d’une foule de danseurs apprentis ou amateurs, pour donner aussi des corps aux feux, aux sons, à la clameur…

Béjart, Octavio de la Roza crée un ballet moderne autour du tango. Une scène couverte de roses accueille ce pas de deux dans une suite de tableaux surréalistes, où toutes les figures de l’amour se jouent, aux rythmes de Piazzolla, Gotan Project, empruntant la route de Buenos Aires à Paris. Le public est également invité à danser pour partager ce voyage.

Titanic du 19 au 22 déc La Criée 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com Ouverture MP2013 le 12 janv Ballet National de Marseille, Cours Belsunce 04 91 71 36 32 www.ballet-de-marseille.com

Eva Yerbabuena © Jean-Louis Duzert

BNM Cuando yo era Le Ballet National revient à la Criée avec la re-création

les 14 et 15 déc Théâtre du Balcon, Avignon 04 90 85 00 80 www.theatredubalcon.org

Du 7 au 19 janv, spectacles de danse, de musique, expositions, conférences, projections cinématographiques, ateliers en famille, se succèdent lors de la XXIIIe édition du Festival Flamenco à Nîmes (voir p. 43). Repoussant les limites de sa danse, Eva Yerbabuena, danseuse atypique et inclassable, présente son nouveau spectacle sur fond de guerre civile et refus de l’oubli. Un hommage flamboyant à sa grand-mère, dont le père arrêté par les franquistes n’est jamais revenu, et au poète Garcia Lorca. Une artiste en colère qui renait avec sa dernière tempête. le 11 janv Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

© X-D.R.

Enclave español El Djoudour Les Racines, nouvelle création du chorégraphe Abou Lagraa ouvre la saison 2013 au GTP. Issue du compagnonnage entre sa propre compagnie française et le Ballet Contemporain d’Alger qu’il a contribué à créer avec Nawal Ait Benalla-Lagraa, la pièce se veut carrefour, pont entre les espaces. Elle repose sur trois éléments fondamentaux de la culture orientale, l’eau, purificatrice, la terre, celle où s’ancrent nos racines, le ciel, appel à la spiritualité. Au-delà du verbe, les corps fondent un nouveau langage qui permet d’appréhender le monde. 14 danseurs sur la musique d’Olivier Innocenti et le chant d’Houria Aïchi. du 16 au 19 janv Grand Théâtre de Provence, Aix 04 42 91 69 69 www.grandtheatre.fr © Tanne Udden

© Ph Pache

La natura delle cose Beaucoup ont planché sur le poème de Lucrèce, le De Natura Rerum, sans jamais songer que le texte philosophique pouvait donner lieu à un prolongement chorégraphique… Et pourtant ! La Compagnia Virgilio Sieni sous la direction de son directeur florentin le déchiffre, respectant sa construction dialectique, oscillant entre merveilleux et désagrégation, construction et transformation. Un spectacle d’une infinie richesse, poétique et fascinant. le 11 janv Théâtre Durance, Château-Arnoux 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr

Ce que j’appelle oubli Angelin Preljocaj reprend en ses murs la pièce qu’il a créée à la Biennale de Lyon (voir Zib’56). Le récit de Laurent Mauvignier, lu de bout en bout sur scène, bouleverse et révolte. La danse, en contrepoint, dit l’ambiguïté de la violence, sa beauté et son plaisir, et l’écœurement. Une veine sociale qu’on ne connaissait pas à Preljocaj, mais qui porte pourtant, magnifiquement, sa marque.

© Juan Berlanga

AU PROGRAMME

38

Prenez deux chorégraphes, Antonio Pérez, ancien soliste du Ballet National d’Espagne et David Sánchez, à quinze ans premier danseur d’Antonio Gades, un groupe de danseurs passionnés et excellents : voici à peu près ce qui vous attend pour un spectacle de danse magique. Danse de cour et flamenco, torero et fleurs sévillanes, lumières et ténèbres, dans une évocation de l’histoire de la danse espagnole classique et contemporaine. Une belle fougue poétique ! Enclave español compañia de danza le 18 déc Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr

du 15 au 22 janv Pavillon Noir, Aix 0811 020 111 www.preljocaj.org © JC Carbonne


FestivalAmarelles Vy © J. Estades

Carrousel Noir et humide Christophe Laluque adapte la pièce de Jon Fosse, des moutons au style dense et répétitif qui rend concrètes les Un piano-acrobate, un balai trapèze, d’innombrables moutons, une étrange frégate… le spectacle de D’Irque et Fien est une invitation à tendre la main pour mieux saisir nos rêves, quand le temps s’arrête pour laisser la place aux songes. Un spectacle sans mots qui laisse sans voix. le 20 déc Théâtre Durance, Château-Arnoux 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr

Le festival jeune public accueille six spectacles, en séances scolaires ou en famille, autant de voyages mêlant les arts et les disciplines dans des contrées fantastiques. Conte visuel et poétique pour une réflexion écologique avec L’après-midi d’un foehn de Phia Ménard, qui donne naissance à une chorégraphie de danseurs de plastiques propulsés dans les courants d’air au rythme de Debussy (9 janv). Rêverie et imageries aériennes avec S’envoler, contre boréal de Gilberte Tsaï (inspiré du roman de Selma Lagerlöf) dans lequel les aventures du jeune Nils célèbrent le bonheur d’exister (le 12). Avec D’une île à l’autre, les tout-petits seront comblés avec des chants et berceuses du monde (le 16). Olivier Letellier présente (le 18) sa dernière création interactive et lumineuse, la Scaphandrière, une parabole sur la cupidité où la complexité des relations filiales est à nouveau explorée. Dans J’avance et j’efface, Alexis Armengol part sur les traces de la mémoire pour un voyage pluridisciplinaire au Japon (le 22) et Michèle Nguyen reprend Vy (Molière du meilleur spectacle Jeune Public 2011), un seul en scène bouleversant et poétique autour des origines (23 janv).

les 15, 18, 22 et 25 janv Théâtre de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com

La petite marchande d’allumettes Nicolas Liautard adapte le conte d’Andersen, deve-

À Bas Bruit © Tom Neal

nu «patrimoine de l’humanité», pour une petite marchande d’aujourd’hui. Jouée par une enfant de son âge, elle pratique son commerce (illégal) dans un centre commercial, y croise des passants et des êtres fantasmagoriques. Il livre une partition visuelle, lumineuse et onirique, enfantant des images, des sons et des couleurs autour de ce conte traditionnel de notre enfance. le 29 déc Carré Léon Gaumont, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com

Swift À partir des Voyages de Gulliver de Jonathan Swift, la

les 10 et 11 janv La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu

grandes questions de la vie. Acteurs et spectateurs se tiennent au bord d’une cave, l’endroit où la jeune Lene voudra mesurer ses forces avec la figure noire et angoissante de l’inconnu. Une pièce sur le désir et la peur de grandir, en tournée Nomade(s).

© Geert Brams

du 9 au 23 janv Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com

Le circassien Mathurin Bolze poursuit sa quête artistique autour de la place de l’homme face à des situations de risque et de solitude. Inspiré par l’ombre de Jean Rouch, à l’origine du «cinéma vérité», cette nouvelle création mêlera trampoline, acrobatie et danse, «roue de hamster» à taille humaine et tapis roulant à l’infini avec les artistes de la compagnie Mpta à l’incroyable maîtrise technique.

41 39

compagnie Skappa ! & Associés s’engouffre dans les traces humaines laissées dans les villes, des pistes imaginaires pour conduire à la découverte de l’Autre. Embarquement pour un voyage aux proportions démesurées où l’ombre et la lumière seront les compagnons de route d’un personnage confronté à la naissance d’un monde rapide et surprenante. À partir de 2 ans. le 11 janv Théâtre de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com les 15 et 16 janv La Criée 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

© AminTheatre

Les Diseuses de Bellaventür Contes tziganes et manouches pour un spectacle tout public, interactif et polymorphe de la compagnie Après la pluie. Une conteuse et une violoncelliste racontent les mémoires nomades de la culture tzigane, transmettent la saveur du texte oral et de la différence. le 19 déc Chêne Noir, Avignon 04 90 86 74 87 www.chenenoir.fr © X-D.R

AU PROGRAMME

JEUNE PUBLIC


JEUNE PUBLIC

Peau d’âne Quand je me deux Conte initiatique, Peau d’âne se laisse porter au

Mon pantalon est décousu La Cie les Palétuviers offre un spectacle délicieu-

cinéma comme au théâtre avec la même aisance, la même exigence de merveilleux. Jean-Michel Rabeux réécrit le conte de Perrault, et le met en scène avec une belle liberté, jonglant entre les époques, jouant de décors mobiles, écroulements de cartons colorés, poésie délirante où la jeune princesse toujours échappe aux griffes d’un père. La cruauté du conte est apprivoisée par les ailes de l’imagination. Un spectacle pour petits et grands.

Jeune pousse La cie Piccola Velocita invite dès trois ans à une

le 9 janv Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr

La Cie Ak entrepôt met en scène deux personnages, une danseuse et une comédienne sur des poèmes de Valérie Rouzeau. Le corps devient le geste des mots, leur prolongement. Sur le plateau de la Seita, une ogresse qui emmagasine tout dans sa robe maison, et une figure aérienne avec une chaise sur le dos… leur rencontre, un duo délicieux auquel le public est convié dès 3 ans. Un parcours spectacle et des ateliers danse sont proposés autour de cette parenthèse de magie.

véritable leçon de vie, emportant sur les ailes de la danse et du théâtre dans les détours d’une réflexion sur l’existence, la fluidité de toute matière, le sempiternel mouvement où tout se transforme : la montagne s’effrite, devient sable… l’enfant grandit… une manière sensible et poétique d’aborder le sujet de la finitude qui n’est qu’une transformation… le 16 janv Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

© Olivier Champagne

© Helene Dattier

du 20 au 22 déc Théâtre Massalia, Marseille 04 95 04 95 70 www.theatremassalia.com

Cendrillon La Cie du Kronope reprend le conte de Charles Perrault avec son approche toujours un peu décalée et délirante. L’histoire de Cendrillon ou la petite pantoufle de verre donne la possibilité à la troupe de plonger dans la grande malle aux histoires et de partir à la rencontre de la magie des contes. Humour et poésie, de beaux ingrédients pour un spectacle qui rappelle que Noël n’est pas si loin ! (à partir de 5 ans)

Notre Jeunesse À la suite de son cycle intitulé C’est bien, c’est mal, la Compagnie du Zieu dans les Bleus de Nathalie Garraud et Olivier Saccomano propose un spectacle dont l’histoire a été rêvée, mûrie avant les répétitions, et écrites autour de personnages particuliers. Qui par leur métier seraient contraints de mentir sur leur identité, ou seraient des cobayes médicaux, vivant hors des circuits traditionnels, comme ce vieillard prophète hors de son pays… Un spectacle qui nous interroge sur nous-mêmes à partir de 14 ans.

le 14 déc Espace Nova, Velaux 04 42 87 75 00 www.espacenova.com

Le Petit Prince

du 10 au 20 janv Théâtre Massalia, Marseille 04 95 04 95 70 www.theatremassalia.com

Fleur des neiges Premier volet d’un triptyque que la Cie Le Bruit des Hommes consacre au Japon, Fleur des neiges est une belle histoire dans laquelle une petite fille (Fleur des Neiges) rencontre des difficultés à maîtriser l’art de la calligraphie. Recherche du beau, apprentissage de la patience, de la lenteur, attention apportée au monde qui nous entoure, amour, celui des êtres d’une manière générale, celui du coup de foudre d’autre part, tout contribue à la magie particulière de ce conte où les jeux d’ombres et de marionnettes apportent une saveur délicate (à partir de 7 ans). le 20 déc Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr

© X-D.R.

le 10 janv Théâtre d’Arles 04 90 52 51 55 www.theatre-arles.com

sement déjanté qui permettra aux enfants d’appréhender les générations passées avec un regard neuf. Qui était mon grand-père quand il était petit ? Les trois compères, Laurent Viel, Marc Wyseur et Thierry Garcia ou François Verguet (guitares), s’en donnent à cœur joie et dépoussièrent le «vieux» répertoire des chansons comme celle de la Confiture ou Quand Zezette zozotte, et bien d’autres, poéti-ques, évoquant l’histoire… On apprend, on se souvient… de quoi alimenter de nombreuses discussions en famille !

© Christian Berthelot

AU PROGRAMME

40

Plébiscité par la presse, le spectacle porté par la troupe Les Trois Hangars, sur le texte de Saint-Exupéry, Le Petit Prince, sait en rendre la magie philosophique et humaine. Fidèles à l’esprit de cette œuvre qui nous a tous bercés, les comédiens savent nous transmettre la délicieuse esthétique (Ah ! les aquarelles de Saint-Ex !) à travers une démarche originale où arts graphiques, visuels et sonores contribuent à un voyage hors du monde. À partir de 6 ans ad libitum ! le 11 janv Espace Nova, Velaux 04 42 87 75 00 www.espacenova.com


Drôles de Noëls

Tania’s Paradise Tania’s Paradise ou Solo pour contorsionniste de proxi-

Le Conte d’hiver © Louis Fabries

Bilbobasso, A Fuego lento © Ludovic Descognet

mité, par la Cie Attention Fragile permet de découvrir une artiste exceptionnelle : la performance physique est magnifique, mais surtout, la partition de l’actrice. Tania Scheflan se raconte, ses élans, ses aspirations de jeune fille, ses indignations, ses colères, ses espoirs. Et elle sait aussi interpréter ses émois à la harpe… Un spectacle virtuose ! Attention, hors les murs, parc des Troènes. du 14 au 16 déc Théâtre Marélios, La Valette du Var 04 94 23 62 06 www.lavalette83.fr

Entourés de marionnettes, six acteurs de la compagnie Arketal jouent la tragicomédie de Shakespeare, à partir de la traduction de Bernard-Marie Koltès. Une histoire sur l’éternel recommencement de la vie et la croyance en l’humain, qui commence mal… et se termine en sacre du printemps. le 15 janv La Colonne, Miramas 04 90 50 05 26 www.scenesetcines.fr

Alice au pays des Merveilles Le Nouveau Cirque National de Chine reprend à son compte le roman de Lewis Caroll : magie des décors, des acrobaties, pour une Alice contemporaine qui se cherche au cœur de la grande ville chinoise, se jouant des clichés liés au conte. La dramaturgie de Fabrice Melquiot réussit à puiser un nouveau souffle dans sa réinterprétation, avec une mise en scène de Renaud Cohen sur une idée de Brigitte Gruber.

© X-D.R.

Le Cabaret improbable Camille Boitel et le collectif Immédiat proposent une soirée cabaret surprise. Homme ou femme, tous en robes de soirée, pour une machinajouer dans laquelle tout peut arriver, il suffit de se laisser embarquer par cette équipe circassienne, indescriptible et maîtresse dans l’art de ne rien figer, qui sait développer des projets… débordants.

les 12 et 13 janv Théâtre Toursky, Marseille 0 820 300 033 www.toursky.org

Le carré curieux © Christophe Raynaud de Lage

Le Festival des arts de la rue fête sa 9e édition avec des animations et spectacles gratuits dans les lieux patrimoniaux et les rues d’Arles. Quatre jours pour découvrir la magie des arts vivants, en déambulant dans les rues arlésiennes, pendant la période magique des fêtes. Mécanique Vivante ouvrira le festival (à 19h le 21 déc, place de la République) avec l’installationconcert Le Chant des sirènes. Le public pourra chaque jour participer à la construction monumentale éphémère en carton d’Olivier Grossetête, croiser la crieuse de rue Zaza ou écouter les fanfares Danguba ou Gugusband, dans les rues de la ville. L’espace Van Gogh recevra le théâtre de bricolage de la Cie des Oufs et Bac à fouilles, une comédie archéoludique et musicale. À l’église des Frères Prêcheurs, ce sont les acrobates Azeïn & Otto qui émerveilleront petits et grands, au théâtre Antique les Installations de feu de la Cie Carabosse. Au théâtre d’Arles, Anne Sylvestre sera reprise par Mine de Rien et sur le Parvis des Arènes, la cie Bilbobasso présentera A fuego lento, un spectacle d’amour, de tango et de feu. Plus de 50 rendez-vous (pensez à réserver pour certains) et 16 compagnies professionnelles sont programmés et durant toute la manifestation, le stationnement en centre-ville est offert par la ville. Noël avant l’heure ! du 21 au 24 déc Divers lieux, Arles 04 90 18 41 20 www.droles-de-noels.fr

le 15 déc Vélo Théâtre, Apt 04 90 04 85 25 www.velotheatre.com

Grande Clameur Le 12 janv à 19h pétante, rendez-vous est pris pour le

le 12 janv www.mp2013.fr

Prenez quatre personnages timides mais curieux qui, cachés dans d’étranges cabanes, cherchent à jouer, à provoquer, avec beaucoup de malice. Quatre, pour un carré, pour des jeux acrobatiques, des transformations inattendues… tendresse, complicité… une jolie manière de renouveler l’art du cirque. S’en délecter dès six ans ! les 14 et 15 déc Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

© L'immediat

week-end d’ouverture de Marseille-Provence 2013, l’occasion de faire disjoncter la ville avec une Grande Clameur commune (voir Zib spécial MP2013). Pendant cinq minutes, alors que les éclairages publics seront éteints, une vague sonore inédite à laquelle chacun est invité à participer, annoncera l’ouverture de la Capitale culturelle : performances musicales, bruitages, chorales, percussions, sirènes, cornes de brume, cloches d’églises et carillons, résonneront dans une trentaine de lieux participants, du Gymnase à la Criée, du Dock des Suds à la Villa Méditerranée.

41

AU PROGRAMME

ARTS DE LA RUE/CIRQUE


AIX Centre Darius Milhaud : Soirée Jukebox, «Nos plus belles années en chanson» (12/12), Shalom, musiques juives en ballade (19/12) 04 42 27 37 94 www.centredariusmilhaud.org

Pasino : Alain Souchon (19/12) 04 42 59 69 00 www.casinoaix.com

Théâtre et Chansons : Zigzagances (21/12) 04 42 27 37 39 www.theatre-et-chansons.com

ARLES Cargo de nuit : Scratch Bandits Crew + Ladea (14/12), Raoul Petite (15/12) 04 90 49 55 99 www.cargodenuit.com

AUBAGNE Escale : MC2 + Groove Buster (15/12), Café Jazz avec Beatrice Bini + Christian Bini + Florent Maynard (20/12), Apocalypse Night (21/12), Trop Puissant (9 et 10/1), Café Jazz avec Nafas (17/1) 04 42 18 17 18 www.mjcaubagne.fr

Comoedia : «Ça va jazzer !» avec Christian Bon Quintet (18/1), Michel Portal et Bojan Z (19/1), Yves Laplane Quartet (20/1) 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr

AVIGNON Passagers du Zinc : Les Yeux d’la Tête (15/12), La Caravane passe + Vincha (21/12) 04 90 89 45 49 www.passagersduzinc.com

AJMI : Misja Fitzgerald-Michel solo Tea-Jazz (13/1), Présentation des Ateliers (16/1), Jam Session #4 (17/1) 04 90 860 861 www.jazzalajmi.com

BERRE L’ETANG Forum de Berre : Renaud Garcia-Fons solo (14/12), Minifocus (17/1) 04 42 10 23 60 www.forumdeberre.com

BRIANÇON Théâtre du Briançonnais : Si la lune s’arrête, où irons-nous chanter la nuit ? (14/12), Epi (21/12), Chloé Lacan + Ottilie B (11/1), Nevchehirlian (18/1) 04 92 25 52 42 www.theatre-du-brianconnais.eu

CHÂTEAU-ARNOUX Théâtre Durance : Andy Sheppard + Michel Benita + Sebastian Rochford (12/1) 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr

LA CIOTAT Passion’Arts : Isabelle Aubret et Kumisa quartet (18/12) 04 42 83 08 08

CHÂTEAUNEUF-DE-GADAGNE Akwaba : Namogodine + Chatofort & RAPH + Papaya Cake (15/12), Noob + Madben + Jahbass (22/12) 04 90 22 55 54 www.akwaba.coop

DIGNE Centre culturel René Char : Presque Oui + Manu Galure (15/12) 04 92 30 87 10 www.sortiradigne.fr

DRAGUIGNAN Théâtres en Dracénie : «D’une île à l’autre», chants et berceuses du monde (16/1) 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com

GRANS Espace Robert Hossein : Duende y luz (14/12) 04 90 55 71 53 www.scenesetcines.fr

HYÈRES Théâtre Denis : Fred Nevchehirlian + Catherine Vincent (14/12), Concert de solidarité Cultures du coeur organisé par Tandem avec Cosimo Blues Band + Zenzoo (15/12) 04 94 35 38 64

ISTRES L’Usine : Lady Linn (14/12), Hubert Felix Thiefaine (12/1) 04 42 56 02 21 www.scenesetcines.fr

LE THOR Auditorium de Vaucluse : Arthur H et Nicolas Repac dans L’Or Noir (12/1), Manu & co (13/1), Evasion (19/1) 04 90 33 97 32 www.artsvivants84.fr

Sonograf’ : Nico’zz band (18/1) 04 90 02 13 30 www.lesonograf.fr

LA VALETTE-DU-VAR Marélios : Hifiklub & The Legendary Tigerman à La Tomate (11/1) 04 94 23 62 06 www.lavalette83.fr

MARSEILLE BMVR Alcazar : Ahmad Compaoré solo (11/1) 04 91 55 90 00 www.bmvr.marseille.fr

Cabaret Aléatoire : Scratch Bandits Crew (12 et 13/12), Da Cruz + RKK + Hugo Mendez (14/12), Speedometer live band (15/12) 04 95 04 95 09 www.cabaret-aleatoire.com

//////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////

MUSIQUE

//////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////

AU PROGRAMME

42

Cité de la Musique : Festival Latinando (13/12), L’anima Lotta (14/12) 04 91 39 28 60 www.citemusique-marseille.com

Cri du Port : Sarah Murcia Caroline (17/1), Dmitry Baesvsky 4tet (24/1) 04 91 505 141 www.criduport.fr

Dan Racing : Orgone Gun (14/12), Power in skin (15/12), Looking for someone (21/12), The Shots (22/12), Rock Avenue (4/1), Depool (5/1), Elenyah + Firewall + Fif (11/1), Plug and play + Aeroplane (12/1), MaDaal Doch + Les Ccar’s (18/1) 06 09 17 04 07 http://guitarjacky.free.fr

L’Embobineuse : Za ! + La terre tremble (15/12), Grand Bal de l’Apocalypse 3.0 (21/12) 04 91 50 66 09 www.lembobineuse.biz

Espace Julien : Hyphen Hyphen + Dissonant Nation (14/12), Tremplin emergenza (21 et 22/12) 04 91 24 34 10 www.espace-julien.com

L’éolienne : Françoise Atlan & Fouad Didi dans l’Esprit de Cordoue (15/12) 04 91 37 86 89 www.leolienne-marseille.fr

Inga des Riaux : Thierry Maucci trio (14/12) 06 07 57 55 58 www.inga-des-riaux.fr/music.html

Latté : Duo Compaoré-Hosdikian (14/12), Mariannick Saint-Céran trio (15/12), Léotrio avec José Caparros (21/12), À 2 voix Pirro-Dos Santos (22/12), World Music (31/12) 09 82 33 19 20 www.lattemarseille.com

La Machine à Coudre : Forest Pooky + Chanson Castel (12/12), Katawumpus + Fillette (13/12), Mutacion Nacion (14/12), Crash Normal + la Secte du futur + Sun Sick (15/12), Aimbass + Dj Big Buddha (20/12), Qwx (21/12), Conger Conger + Garces Kelly (22/12), Hush Hush + Blah Blah + Catalogue (11/1), Ensemble traditionnel oriental de Marseille (12/1) 04 91 55 62 65 www.lamachineacoudre.com

La Meson : Coton Candies (21/12), Malik Ziad#1 (18/1), Malik Ziad#2 (19/1), Opus Neo1 Olivier Maurel (25/1), Mario Canonge & Michel Zenino (26/1) 04 91 50 11 61 www.lameson.com

Le Moulin : Massilia Sound System (14/12), Alonzo (15/12) 04 91 06 33 94 www.lemoulin.org


04 91 63 14 65 www.leparadox.fr

Le Poste à Galène : La Fanfare du Belgistan (14/12), Colorful (14/12), La Fine équipe + Hoosky (21/12) 04 91 47 57 99 www.leposteagalene.com

Rouge : Jazz groupD6 Kind of Guy (14/12), Blues anarseillais (10/1) 04 91 07 00 87 www.jazzaurouge.musikmars.com www.henrivoitrouge.com

Roll’ Studio : Musica Grazia (5/1), KoedingerMurphy-Tonton Salut Alto session (19/1) 04 91 64 43 15 ou 06 86 72 83 96 www.rollstudio.fr

Station Alexandre : Les Oignons (26/1) 04 91 00 90 04 www.station-alexandre.org

Le Silo : Laurent Voulzy (12/12), La nuit du Gospel (19/12) Freedom jass dance (12/1) 04 91 90 00 00 www.silo-marseille.fr

Théâtre Nono : Réveillon avec Ahmad Compaoré (31/12) 04 91 75 64 59

04 90 76 84 38 www.aveclagare.org

MIRAMAS Cinéma Le Comoedia : Ronald Baker 5tet (20/12) 04 90 50 14 74 www.scenesetcines.fr

NIMES Paloma : Fills Monkey (12/12), Finale Buzz Booster (13/12), Festival 10 ans Kourt’Echel (14/12), Stupeflip (20/12) 04 11 94 00 10 www.paloma-nimes.fr

OLLIOULES Châteauvallon : Gamblin Jazze Dewilde sextete (18/1) 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

PORT-DE-BOUC Le Sémaphore : Noël au théâtre avec Robinson en trio (20 et 21/12) 04 42 06 39 09 www.theatre-semaphore-portdebouc.com

SAINT-MAXIMIN Croisée des Arts : Charles Berling «Jeune chanteur» (15/1) 04 94 86 18 90 www.st-maximin.fr

SAINT REMY DE-PROVENCE Cinéma Le Palace : Jazz au Ciné (13/12) www.jazzasaintremy.free.fr

////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////

Le Paradox : Awek Blues (14/12), Removing Border (22/12)

//////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////

04 91 62 49 77 www.lenomad.com

MAUBEC La Gare : Alatoul + Merci Marlène (14/12)

SALON-DE-PROVENCE Portail Coucou : Yalta club + Honey Pony (14/12), Lescop (15/12) 04 90 56 27 99 www.portail-coucou.com

IMFP - Salon de Musique : Doodlin’ (18/12) 04 90 531 252 www.imfp.fr

LA SEYNE SUR MER Fort Napoléon - ArtBop : Gerard Murphy 5tet (11/1), Paul Pioli trio (25/1) 04 94 09 47 18 www.ot-la-seyne-sur-mer.fr

VENELLES MJC : Romain Didier (11/1) 04 42 54 71 70 www.mjc-venelles.org

Eglise : Soul Gospel (16/12) 04 42 54 93 10 www.venelles.fr/culture

In a landscape

Festival Flamenco

10e édition du festival Nuits d’Hiver du 12 au 21 décembre

Au cœur de l’hiver, depuis 23 ans, Nîmes devient la terre d’élection de la culture flamenca. Pendant plus de 10 jours, le Festival de Flamenco s’étendra du Théâtre à l’Odéon jusqu’aux ruelles de la Cité des Antonins avec des spectacles, des conférences, projections, expositions et stages. Un rendez-vous où se croisent les artistes les plus créatifs et tous les amateurs de cet art majeur, dès le plus jeune âge. Antonio Moya, l’enfant du pays devenu maitre de la guitare, symbolise les liens qui relient la région à l’Andalousie, et offrira le flamenco le plus authentique entouré de sa tribu d’intimes. Deux chanteurs inédits en France se produiront : la jeune prodige Celia Romero et Pedro Cintas accompagné par le remarquable danseur Jesús Ortega. Carmen Linares fera son grand retour dans un hommage éblouissant aux poètes et les étoiles montantes donneront des concerts acoustiques : le chanteur José Méndez (avec Antonio Moya) et Rocio Márquez, en duo avec le guitariste Alfredo Lagos à la salle Paloma, qui recevra également Tomasito pour un show décapant et burlesque. Côté danse, se succéderont Leonor Leal dans Flamenco en el recreo, un parcours vivifiant à suivre dès 6 ans, l’inclassable Eva Yerbabuena récompensée à la Biennale de Séville en 2010, la danse pure de Javier Barón, l’explosif Marco Flores entouré uniquement de femmes, la marseillaise Ana Pérez et le danseur gitan Bobote, pour une soirée festive d’exception.

Le Grim fêtera le centenaire de la naissance de John Cage à travers le NH#10 avec une programmation originale et révélatrice de l’activité protéiforme du compositeur américain. Artiste serait plus approprié pour désigner celui qui fut un des précurseurs de l’ouverture au monde sonore du XXe siècle, conférence éponyme de Jean-Yves Bosseur, à ne rater sous aucun prétexte (12/12 à 17h à l’Alcazar). À 20h Montévidéo accueillera la violoniste Takumi Fukushima. Des concerts performances (A. Schellow et J.M. Montera à la Compagnie le 14 déc à 21h et le Cabaret Contemporain avec E. Jaumet à la salle Seita le 13 déc à 21h30) tisseront une toile commentée d’un Discours sur Rien par Bernard Bloch et Freddy Eichelberger à l’orgue (Temple Grignan le 16 déc à 17h30) et conclue par une conférence de Sarah Haefeli sur l’École de New York (+ un concert de Christian Wolff au Klap le 21 déc à 19h). Avec en plus des projections, concerts et expositions, cette dixième édition «cagienne» s’annonce pleine de promesses. FRED ISOLETTA

NH#10 du 12 au 21 déc Divers lieux, Marseille 04 91 04 69 59 www.grim-marseille.com

DE.M

du 7 au 19 janv 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

Takumi Fukushima © Giannipetta

AU PROGRAMME

Nomad Café : Daby Toure + Sibongile Mbmambo (14/12)

MUSIQUE 43


Musiques en Cité(s) 2

La Sonate pour piano (Bruno Robillard) et violon (Agnès Pyka) de Poulenc, une de Mozart (KV 373) et la 1re Sonate de Schumann. MARSEILLE. Le 14 déc à 20h. Bastide de la Magalone 04 91 39 28 28 www.citemusique-marseille.com/ 06 11 16 87 21

Hymnis

Musique romantique allemande et italienne par les voix féminines dirigées par Bénédicte Peireira. MARSEILLE. Le 14 déc à 20h30. Atelier des Arts (133 bd Ste-Marguerite) 06 31 85 22 42 www.hymnis.free.fr

Folle Nuit

Anne Queffelec © X-D.R

Après le succès de la «Folle Criée» à Marseille (voir p 29), René Martin déroule comme chaque année son concept à Nîmes avec Anne Queffelec, les sœurs Bizjak (duo de piano), le Quatuor Modigliani pour cinq concerts de 45 mn environ, qui se succèdent autour de la «Musiques française et espagnole» de Debussy, Ravel, Chabrier, Satie, Hahn, Fauré, Poulenc… NÎMES. Le 15 déc à partir de 15h30. Théâtre 04 66 36 65 00 www.theatredenimes.com

Jeux d’enfants

Piano à quatre main : Marie-Josèphe Jude et Michel Beroff dans la Petite suite de Debussy, Jeux d’enfants de Bizet, Dolly de Fauré et Ma Mère l’Oye de Ravel. For childrens ! MARSEILLE. Le 15 déc à 20h. La Criée 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com Concert enregistré en direct par le label Lyrinx

Arabes

Musiques traditionnelles et classiques du monde arabe par des «Elèves et anciens du Conservatoire Edward Saïd de Palestine». ARLES. Le 16 déc à 11h. Méjan 04 90 49 56 78 www.lemejan.com

La Périchole

Après le succès de L’Heure Exquise, un montage d’extrait fort réussi (voir Zib’ 56), la Troupe Lyrique Méditerranéenne s’attaque à une œuvre complète, mise en scène, jouée, chantée avec, on l’imagine, beaucoup de fantaisie : l’opérette La Périchole d’Offenbach s’annonce drôle et lyrique à souhait ! MARSEILLE. Le 16 déc à 15h. Théâtre du Lacydon (Le Panier) 06 60 36 99 09 www.troupe-lyrique.com

Violon et piano

Arnaud Tournier et Frédéric Isoletta dans des Musiques tsiganes, airs populaires des Pays de l’Est. MARSEILLE. Le 16 déc à 17h30. Comptoir de la mode (Rue Breteuil) 06 14 31 59 55 www.fnac.com

Scènes de balcon

À la rencontre de l’opéra : projection commentée par Valérie Brotons-Bedouk responsable de la Vidéothèque d’Art Lyrique Méjanes. MARSEILLE. Le 18 déc à 17h. Alcazar. Entrée libre 04 91 55 90 00 www.bmvr.marseille.fr

Scène ouverte…

… aux élèves des classes de musiques actuelles de la Cité de la Musique, flûtes et clarinettes de Fanny Palisse et Noémie Elbaz. MARSEILLE. Le 18 déc à 19h. Cité de la Musique. Auditorium 04 91 39 28 28 www.citemusique-marseille.com

//////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////

MUSIQUE

//////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////

AU PROGRAMME

44

Quatuor Pavel Haas

Quatuor Pavel Haas © Marco Borggreve

L’un des quatuors (basé à Prague) les plus fameux de la jeune génération dans Britten, Chostakovitch et Tchaïkovski. MARSEILLE. Le 18 déc à 20h. Auditorium de la Faculté de Médecine www.musiquedechambremarseille.org ou Espace Culture 04 96 11 04 60

Liberté chantée

Au théâtre toulonnais on joue la carte de la chanson et du théâtre musical : après Charles Berling qui joue au «jeune chanteur» et Vincent Delerm pour son «Memory», c’est au tour d’Olivier Py de faire son show : une revue de music-hall transformiste où l’acteur et metteur en scène «chante miss knife» (voir p 18). TOULON. Le 21 déc à 20h30. Théâtre Liberté 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr

Epi

Le chant diphonique mongol d’Enkh Jargal (dit Epi), passé maître dans l’art de produire plusieurs sons simultanés : une tradition ancestrale de chant harmonique et chamanique. BRIANÇON. Le 21 déc à 20h30. Théâtre du Briançonnais 04 42 25 52 42 www.theatre-du-brianconnais.eu

Ave Maria

«Les plus beaux Ave Maria et Œuvres du temps de Noël» signées Caccini, Gounod, Bach, Mozart, Verdi… Avec Annabelle Sodi (soprano) et Benoît Dumont (orgue). FUVEAU. Le 22 déc à 20h30. Eglise St-Michel 04 42 50 49 77 Office du tourisme

Quatre mains

Martin Gester et Aline Zylberajch au piano-forte pour des Sonates à quatre mains de Mozart. ENTRAIGUES SUR LA SORGUE. Le 28 déc à 20h15. La Courroie 04 90 32 11 41 www.lacourroie.org (pas de réservation)


Zorba le Grec

C’est en dansant qu’on passe le réveillon à Toulon ! Et la musique de Theodorakis est chantée et jouée par les Chœurs et l’Orchestre de l’Opéra. TOULON. Les 29, 31 déc à 20h et le 30 déc à 14h30. Opéra 04 94 92 70 78 www.operadetoulon.fr

© Frederic Stephan

Marie-Ange Todorovitch © Raphaelle Duroselle

À Marseille, on passe en 2013 au rythme halluciné de la musique de Rossini et son orientalisme dixneuviémiste : L’Italienne à Alger est chanté par Marie-Ange Todorovitch, Eduarda Melo, Frédéric Antoun, Alex Esposito, Marc Barrard dans une mise en scène de Nicola Berloffa (dir. Giuliano Carella). MARSEILLE. Les 29, 31 déc, 2, 4 janv à 20h et le 6 janv à 14h30. Opéra 04 91 55 11 10 http://opera.marseille.fr Conférence Opéra, le 22 déc à 17h. Foyer Opéra «Rencontre Rossini» avec les artistes Le 15 déc à 17h. Alcazar. Entrée libre 04 91 55 90 00 www.bmvr.marseille.fr

Orgue

Martin Gester joue de la Musique italienne du XVIIe siècle. ENTRAIGUES SUR LA SORGUE. Le 30 déc à 11h. La Courroie 04 90 32 11 41 www.lacourroie.org (pas de réservation)

//////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////

AVIGNON. Les 29, 31 déc à 20h30 et le 30 déc à 14h30. Opéra-Théâtre 04 90 82 42 42 www.opera-avignon.fr

///////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////

En Avignon, on perpétue une tradition : on fait rimer fêtes et opérette ! Autour du réveillon, on passe «l’heure exquise» en compagnie du chefd’œuvre de Franz Lehar (1909, version française), transposé par Jacques Duparc dans les Années 50. Benjamin Pionnier dirige l’OLRAP, les Chœur & Ballet de l’Opéra-Théâtre, Sophie Marin-Degor (Missia) et Armando Noguera (Danilo).

Italiana in Algeri

Nouvel-An

L’OLRAP dirigé par Jérôme Pillement dans un exercice coutumier en début d’année. AVIGNON. Le 5 janv à 14h30. Opéra-Théâtre. Entrée libre 04 90 82 42 42 www.opera-avignon.fr

…et Lully !

On n’oublie pas que Le bourgeois Gentilhomme est une comédie-ballet dans laquelle Lully retrouve, depuis quelques années, sa place initiale. Au Théâtre National de Marseille (en co-accueil avec le Gymnase), on entend l’Ensemble baroque de Limoges et ses solistes, dans les chants et danses qui dialoguent (en vers pour les entrées de ballet) avec la prose de Molière (voir p 35). MARSEILLE. Du 5 au 11 janv. La Criée 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

Ensemble baroque de Limoges © X-D.R.

Pastorale Maurel

La Nativité revisitée en langue provençale par Le Cercle Saint-Michel. BOUC BEL AIR. Le 6 janv à 14h30. Complexe des Terres blanches. Entrée libre. 04 42 60 68 78 www.boucbelair.com

Violon & piano

Laurence Monti (violon) et Olivier Lechardeur (piano) dans la Sonate de Debussy, Beethoven et son «à Kreutzer», Falla, Granados, Saint-Saëns… TOULON. Le 10 janv à 19h. Foyer Opéra 04 94 92 70 78 www.operadetoulon.fr

AU PROGRAMME

La Veuve Joyeuse

MUSIQUE 45


Victoria Harmadjieva

La pianiste interprète les Tableaux d’une exposition de Moussorgski et participe à l’hommage que Musicatreize rend au compositeur Maurice Ohana (à l’occasion du centenaire de sa naissance) en jouant ses Trois Caprices. MARSEILLE. Le 10 janv à 20h. Salle Musicatreize 04 91 00 91 31 www.musicatreize.org

Violoncelle

joue le Concerto n°1 de Saint-Saëns en la mineur en compagnie de l’OLRAP, dirigé par Alexander Valkouski, qui interprète également la 9e Symphonie «La Grande» de Schubert. AVIGNON. Le 11 janv à 20h30. Opéra-Théâtre 04 90 82 42 42 www.opera-avignon.fr

Au cœur de la nuit

À la rencontre de l’opéra : projection commentée par Valérie Brotons-Bedouk responsable de la Vidéothèque d’Art Lyrique Méjanes. MARSEILLE. Le 12 janv à 17h. Alcazar. Entrée libre 04 91 55 90 00 www.bmvr.marseille.fr

Clameur géologique

Pour entrer dans l’année Capitale la Villa Méditerranée aura sa clameur, concoctée par Raoul Lay et l’ensemble Télémaque. Musiciens et participants volontaires iront puiser dans les temps géologiques pour y retrouver les forces minérales du souffle, du choc, de la voix qui s’élève… MARSEILLE. Le 12 janv à 19h. Villa Méditerranée. Entrée libre www.régionpaca.fr

Folle journée pour 2013

Programmation inédite et gratuite pour célébrer l’ouverture de l’Année capitale à l’Opéra de Marseille ! Opéraclameur sur l’esplanade : tout un chacun se joint au Chœur de l’Opéra pour chanter le «Brindisi» de La Traviata. Paroles et partition téléchargeables sur le site http://opera.marseille.fr… à apprendre par «chœur» (le 12 janv à partir de 18h30). Quatre concerts gratuits s’enchaînent le lendemain (13 janv) : Musique de chambre avec le Quatuor Syrah pour une création mondiale de Florian Caroubi (à 11h), suivie d’un récital du quatuor de l’ensemble Des Equilibres avec le Quatuor à cordes «Divorce» de Fazil Say qui jouera également Ravel au piano (à 12h). Les chanteurs du CNIPAL prennent le relais pour un récital ouvert sur le monde (à 15h). L’Orchestre Philharmonique de l’Opéra (dir. Laurence Foster) parachève la fête en compagnie de Laurent Korcia où le Sud et la Provence sont célébrées (Lalo, Milhaud, Bizet… à 17h30). MARSEILLE. Les 12 et 13 janv. Opéra Entrées libres : places à retirer à partir du 13 déc 04 91 55 11 10 http://opera.marseille.fr

Conférence illustrée

Guy Laurent traite, en musique, des Pouvoirs et limites de la «démarche historique», des valeurs et sens en question… AIX. Le 15 janv à 18h30. Espace Forbin 04 42 99 37 11 www.orphee.org

Nikolaï Lugansky

L’un des plus grands pianistes russes actuels est invité sur le Vieux-port. Après le succès de la Folle Criée (voir p 29), le Théâtre National poursuit sa collaboration avec le Festival International de La Roque d’Anthéron. MARSEILLE. Le 15 janv à 20h. La Criée 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

Nikolai Lugansky © X-D.R.

Ensemble C Barré

On retrouve l’ensemble dirigé par Sébastien Boin dans un programme qui jouxte Signes de Maurice Ohana (centenaire) et Songs, drones and refrains of death de George Crumb. MARSEILLE. Le 15 janv à 20h. Salle Musicatreize 04 91 00 91 31 www.musicatreize.org

//////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////

MUSIQUE

//////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////

AU PROGRAMME

46

Quatuor de Leipzig

Peut-être le meilleur quatuor allemand actuellement dans Mozart, Schubert et Mendelssohn. À ne pas manquer ! MARSEILLE. Le 15 janv à 20h. Auditorium de la Faculté de Médecine www.musiquedechambremarseille.org ou Espace Culture 04 96 11 04 60

Haendel et le violon

L’Alcazar invite l’ensemble Baroques Graffiti dirigé par Jean-Paul Serra. MARSEILLE. Le 16 janv à 15h (enfants sur réservation) et 17h (adultes) Alcazar Entrée libre 04 91 55 90 00 www.bmvr.marseille.fr

Haendel /Britten

L’ensemble Les Siècles (dir. François-Xavier Roth) propose un programme de musique anglaise courant du baroque de Haendel aux mélodies de Britten sur des textes de Rimbaud AIX. Le 17 janv à 20h30. Jeu de Paume 08 2013 2013 www.lestheatres.net

Sonates de Haendel

Sharman Plesner (violon) et Jean-Paul Serra (clavecin) dans leur répertoire de prédilection. AIX. Le 17 janv à 12h30 et 18h30. Musée des Tapisseries 06 79 71 56 50 www.baroquesgraffiti.com MARSEILLE. Le 18 janv à 18h et 20h30. Bastide La Magalone 04 91 39 28 28 www.citemusique-marseille.com

Korcia joue Tomasi

Le violoniste interprète le concerto pour violon d’Henri Tomasi avec l’Orchestre Philharmonique de Marseille (dir. Georges Pehlivanian) qui joue également une création de Christian Jost et la 2e symphonie de Brahms. MARSEILLE. Le 18 janv à 20h. Silo 04 91 90 00 00 www.silo-marseille.fr


HORIZONTES | AFRICAPT

La Chispa de la vida d'Alex de la Iglesia

dans le silence, complice de la mère. No tengas miedo de Montxo Armendáriz, remarquablement interprété, est un film nécessaire, fait pour aider celles qui, comme Silvia, ont connu ce drame. Quand l’horreur est économique, elle devient objet de satire pour Alex de la Iglesia construisant sur un scénario rocambolesque, un film à la Billy Wilder, corrosif à souhait, qui dénonce par l’absurde, les gags, la caricature, les jeux du cirque de notre société médiatisée : La Chispa de la vida (le peps de la vie en français), slogan inventé par Roberto, publicitaire au chômage prend un tout autre sens lorsque après une chute dans un théâtre romain en chantier, bloqué par une barre de fer qui lui rentre dans la tête, il négocie son agonie. Unité de lieu, de temps, d’action, une farce tragique impeccablement mise en scène, à l’issue forcément fatale pour le protagoniste mais qui s’offre le luxe par le geste final de la veuve donnant un coup de pied à une valise de deux millions d’euros, de faire triompher la dignité, l’amour et la compassion. Un choix improbable diront les pessimistes mais auquel on a tant envie de croire comme seul acte de révolte possible. ELISE PADOVANI

CineHorizontes s’est tenu du 9 au 17 novembre

Deuil en noir et blanc Premier plan de Sueño y silencio, Miquel Barceló, de dos, en accéléré, peint à l’aquarelle des êtres aquatiques : gestes du peintre, en silence. Deuxième plan, une femme, entrevue entre deux portes, dans un miroir, peignant ses cils : gestes de femme. Puis, des gestes du quotidien, filmés en image argentique en noir et blanc : une enfant qui lit allongée à côté de son père, une mère et ses filles dans une boutique de vêtements, un architecte qui explique ses choix dans un bureau, une professeure qui fait un cours, deux sœurs qui jouent dans l’appartement, et puis les quatre membres de la famille réunis sur un lit, les parents évoquant la naissance des deux filles… Mais de ces images de bonheur paisible sourd peu à peu une inquiétude qui vient peut-être de la mise en cadre : les personnages sortent du champ, certains visages sont tronqués, certaines scènes semblent inachevées. Le spectateur est en questionnement Sueno y silencio de Jaime Rosales

47

Sous le ciel bas et lourd

Kaléidoscope Salles combles au Prado pour cette 11e édition de CineHorizontes qui, du 9 au 17 novembre, à travers une quarantaine de films, a révélé la variété, la richesse et la qualité du cinéma hispanique. Films revisitant l’histoire contemporaine. Sans illusion comme l’iconoclaste No de Pablo Larraín qui reconstitue la campagne électorale brillante d’un jeune publicitaire en faveur du non au régime de Pinochet dans un Chili moderne gagné aux sirènes de la consommation (voir Zib’53). Bouleversant, comme 30 años de oscuridad du jeune Manuel H. Martin qui revient sur le sort des républicains n’ayant pu quitter le pays après la victoire de Franco, cachés comme des taupes (Los topos) jusqu’à l’amnistie, quand on ne les a pas découverts et garrotés avant. On y suit le destin de Manuel Cortés, maire de Mijas, emmuré vivant, trente ans durant, dans sa maison, devenu un fantôme protégé par l’amour de sa femme, de son père puis de sa fille, tous terrorisés par ce terrible secret. Pour reconstituer cette horreur se juxtaposent un dessin expressionniste, brun et noir à la manière de Valse avec Bachir, le témoignage à la première personne de la petite fille de Manuel, les précisions à la troisième de deux spécialistes du sujet. La vidéo en noir et blanc de Cortés et de sa femme vieillis marchant enfin au grand jour est un happy end bien amer. L’horreur «pour de rire» conjure la véritable ; elle se cache parfois sous votre lit comme dans Mientras duermes, thriller de Jaume Balagueró où le grand acteur galicien Luis Tosar incarne un monstre patelin aux yeux doux, concierge pervers et machiavélique qui détruit minutieusement le bonheur des autres. Parfois, elle est là, bien réelle, dans la chambre d’une petite fille, Silvia, en la personne qui l’aime le plus au monde, le père (Luis Omar dit avoir eu là le rôle le plus difficile de sa carrière). Des années durant, il va abuser de sa fille,

CINÉMA

permanent : qu’est-ce qui se joue là ? Il aura la réponse plus tard, peu à peu : l’accident de voiture qui prive Oriol et Yolanda de leur fille aînée n’est que suggéré dans une séquence silencieuse montrant de manière hypnotique l’autoroute qui relie Paris où ils habitent au delta de l’Ebre, dans le sud de la Catalogne, où le père et Célia étaient en vacances. La suite du film travaille la question de la perte d’un enfant et du deuil. Le père semble avoir perdu la mémoire, la fille cadette se tait et la mère, noyée dans la douleur, essaie de survivre ; un jour elle croit même avoir parlé dans un jardin à son enfant disparue. L’ellipse et le hors champ sont les figures centrales du quatrième film de Jaime Rosales qui a choisi de tourner avec des acteurs non professionnels, qu’il a laissés parfois improviser et qui s’en sortent très bien. Certes, on peut trouver longs certains plans séquences comme celui au cimetière, filmé de loin, qui dure sept minutes ou le lent travelling avec un steadicam, à travers les allées du parc des Buttes Chaumont. On peut aussi se laisser emporter par cet étirement des plans, dans une méditation sur la fragilité de la vie. ANNIE GAVA

Sueño y silencio de Jaime Rosales a été projeté au cinéma le Prado, lors du 11e festival CineHorizontes

Il fallait un moral d’acier au public d’Africapt le week-end des 10 et 11 novembre : un ciel bas et lourd, l’attente sous la pluie, des films sombres, un état des lieux du cinéma en Algérie des plus noirs et heureusement des échanges chaleureux qui réchauffent le cœur ! Mort à vendre de Faouzi Bensaïdi met en scène trois copains, Malik au chômage qui ne s’entend pas du tout avec son beau-père et va tomber amoureux d’une prostituée de luxe, Allal qui vient de sortir de prison et Soufiane, lycéen qui sèche souvent les cours, tous trois pickpockets à Tetouan. Ils décident un jour de dévaliser une bijouterie, ce qui va les entrainer dans une spirale sans fin. Mort à vendre, construit comme un film policier, est aussi le portrait d’une jeunesse qui souffre de la pauvreté et de l’indifférence et le dénouement laisse peu d’espoir. Présenté en partenariat avec Les Rencontres d’Averroès, Le Repenti de Merzach Allouache démarre sur un long et beau travelling, montrant la course sur la neige des hauts plateaux d’un homme : c’est Rachid, un jeune djihadiste qui rentre dans son village, dans le cadre de la loi sur la concorde civile. Sur la recommandation du commissaire, il est embauché comme cafetier mais la réinsertion est très difficile et Rachid ne se voit pas d’avenir. Il reconnait un pharmacien, victime du terrorisme et lui propose de l’amener sur la tombe de sa fille en échange d’argent. Inspiré par un fait divers, ce film dur, bien joué, qui fonctionne sur ellipses, non-dits et intelligence du spectateur, pose des questions difficiles : comment faire le deuil dans le cas du terrorisme ? Comment la parole peut-elle circuler en Algérie ? Comment bourreaux et victimes peuvent-ils vivre ensemble quand tout fonctionne sur le déni ? Merzach Allouache qui avait en tête ce scenario depuis 1999 a décidé de faire ce film au moment des révolutions arabes, à partir du moment où les pays autour de l’Algérie ont commencé à bouger. «La société algérienne n’est pas une société apaisée. Les Algériens se sont remis à parler du passé. À cause de ce qui se passait ailleurs, ce problème a refait surface. J’ai trouvé que c’était le moment de faire ce film.» Un constat bien noir qu’ont confirmé deux des courts métrages de la Carte Blanche donnée aux Rencontres cinématographiques de Bejaia, Brûleurs de Farid Bentoumi (voir Zib’52) et Mon frère de Yanis Koussim sur la violence quotidienne, terrible, d’un frère sur ses trois sœurs. Seule éclaircie du week-end, la comédie douce amère du Marocain Mohamed Nadif sur le thème grave des harragas, Andalousie mon amour, qui a fait (sou)rire la salle du Cinemovida, à Apt, après ces films sombres, reflets d’un monde qui ne tourne pas bien. ANNIE GAVA

Le 10e Festival des Cinémas d’Afrique a eu lieu du 8 au 14 novembre à Apt Mort à vendre de Faouzi Bensaidi


48 CINÉMA INVISIBLES | TOUS COURTS

L’âge et l’homosexuel Le 15 novembre, au cinéma Variétés, Sébastien Lifshitz, accompagné de trois de ses protagonistes, est venu présenter son dernier film, un documentaire passionnant : Les Invisibles. Il y donne la parole à des hommes et des femmes qui viennent de milieux sociaux, différents, urbains ou ruraux. Tous ont plus de 70 ans et ont commun d’être homosexuels ; ils racontent leurs choix, leurs difficultés, leurs joies, leur bonheur de vivre. On les écoute durant deux heures avec beaucoup de plaisir, grâce à l’approche sensible du cinéaste. Et aussi parce que les représentations de l’homosexualité, y compris dans les médias homosexuels spécialisés, se centrent très nettement sur les jeunes. Zibeline : Pourquoi ce choix de sujet et de personnages ? Sébastien Lifshitz : Le projet est né par hasard. Je chinais des photographies anciennes et je suis tombé sur un album qui comportait des photos de deux vieilles dames, assez «vieille France» et je me suis demandé quel lien les unissait, sœurs, amies, amantes ? J’ai acheté l’album. Le vendeur m’en a montré dix autres. J’ai compris que ces deux femmes s’aimaient et comme il s’agissait de photos argentiques, cela signifiait qu’elles s’étaient exposées socialement. J’ai trouvé d’autres images amateur, souvent des images de bonheur. Contrairement aux idées reçues, ces gens semblaient avoir réussi à négocier pour vivre leur homosexualité. J’ai voulu vérifier cette hypothèse. Comment avez-vous fait le casting ? J’ai pu avoir des contacts par des associations et puis, c’est le hasard des rencontres… Le casting a duré un an et demi. Il y avait des critères précis : que les personnes n’aient pas peur de la caméra ; qu’elles aient en leur possession des documents photographiques ou vidéo ; qu’elles aient une certaine distance par rapport à leur vécu, propice à une réflexion ; qu’on puisse les filmer dans des lieux de vie cinégéniques. J’ai ainsi rencontré 70 personnes et en ai gardé 10. Je les faisais parler

de leur vie en général, ne voulant pas déflorer leur récit. Je voulais aussi que chaque individu soit singulier pour la plus grande diversité sociale. Depuis que mon film est projeté, je rencontre dans le public des gens qui viennent me parler d’eux et je me dis que si je les avais rencontrés avant, ils auraient pu être dans le film. Ç’aurait été un autre film ! La nature est très présente dans Les Invisibles. Pourquoi ? La nature est présente dans la vie des gens ; c’est comme une sorte d’écrin. Par exemple, Pierrot a toujours vécu dans son village. Il a passé sa vie à aller de chez lui aux champs. Il a beaucoup appris de la nature ; c’est un enfant de Rousseau. Il a tiré d’elle une philosophie de la vie, sa liberté de parole. J’ai découvert que l’homosexualité dans le monde rural était très présente. Les gens ne s’affichent pas, c’est tout. Il y a dans le film des phrases fortes : «On s’est rencontré dans un rétroviseur !» ou «Du plus loin de mes souvenirs, je suis une fille qui aime les filles ; je m’étonne que les petites filles aiment les petits garçons.» Comment avez-vous travaillé ? Avez-vous d’abord enregistré des entretiens sans filmer ? Non ! En général, il y a eu une seule prise. J’ai fait le choix le plus souvent du plan-séquence pour une saisie brute. Ainsi la parole n’est pas trop manipulée. Au montage, on a essayé de prendre des segments qui se tiennent tout en réfléchissant à la progression du récit. La fluidité du film tient aux plans de nature. Il y a aussi des militants homosexuels dans le film. Oui ! Christian, par exemple, est très engagé ; il se veut le gardien de la mémoire de l’histoire des militants homosexuels et de l’homosexualité. Mais je voulais montrer des parcours de vie individuels. Je suis contre LE destin homosexuel. Son destin, chacun le construit. L’important est d’essayer de vivre en accord avec ses désirs les plus profonds. PROPOS RECUEILLIS PAR ANNIE GAVA

Besoin du f

et des court Salle pleine de lycéens pour les deux premières séances du 30e Festival Tous Courts à Aix, devant des films pas faciles. Deux ont pour départ un viol : «raté» pour le premier dans Mollement, un samedi matin : «Ce n’est pas le viol que j’ai voulu traiter, a précisé Sofia Djama lors de la rencontre avec le public, mais le viol de l’Algérie, la place de la femme dans l’espace public. J’ai voulu raconter Alger par un regard de femme.» Qui ne manque pas d’humour : la jeune femme rencontre à nouveau son violeur qui «bande mou» et lui offre une boite de viagra ! L’interrogatoire à Paris d’une jeune prostituée roumaine, qui ne comprend pas le français, sur le viol collectif qu’elle a subi, est abordé avec plus de violence dans Solitudes de Liova Jedlicki. Inspiré d’une histoire vraie, encore plus terrible que la fiction, le film dénonce l’indifférence de la police et de l’hôpital face à ces drames. Dure aussi, l’histoire de Lilli (superbement interprétée par la jeune Mila Boehning), dans le film éponyme de Jan Buttler : la fillette doit tout assumer, son frère, les courses, le chauffe-eau, et surtout cacher à tous que leur mère est gravement dépressive et ne se lève plus. On rit devant l’humour glacial de Le Cri du homard de Nicolas Guiot

Sebastien Lifshitz © Annie Gava


MUCEM

CINÉMA

49

féminisme,

ts

Ce n’est pas un film de cow boys de Benjamin Parent

Récits de chambre froide de Grzegorz Jaroszuk : un homme et une femme reçoivent, pour la troisième fois consécutive, le titre de «pires employés du mois» et sont sommés par leur patron de trouver une raison de vivre ; ils décident de s’inscrire à l’émission de divertissement télévisuel intitulée «L’individu le plus malheureux». Une satire réussie du monde du travail. Parmi les 60 films en compétition, beaucoup de réussites : Nieuwpoort en juin de Geoffrey Couanon, un film délicat sur les rapports entre un vieil homme et son petit-fils qui apprennent à se connaitre et à s’aimer ; Ce n’est pas un film de cow boys de Benjamin Parent qui met en scène des adolescents, et leurs représentations de la virilité, alors qu’ils parlent dans les toilettes du Secret de Brokeback Mountain ; Le Cri du homard de Nicolas Guiot, film très fort sur les traumatismes de la guerre pour ceux qui en reviennent ; sans oublier l’animation : Tram de Michaela Pavlátová et Tati Ramitsu de Victoria Vancells. ANNIE GAVA

Festival Tous Courts 04 42 27 08 64 www.festivaltouscourts.com Palmarès sur notre site www.journalzibeline.fr

Quand le MuCEM s’invite à l’Alhambra Les 30 nov et 1er déc le futur musée a présenté au public du cinéma ses projets et, en organisant projections et débats, a préfiguré ce qui se passera dans cette «Cité culturelle transdisciplinaire où se conjuguent le temps de la parole, le temps des images et le temps des spectacles». Bruno Suzzarelli et Thierry Fabre ont présenté la Galerie de la Méditerranée et les premières expositions ; et le Fort St Jean, le Centre de conservation et de ressources, coulisses du musée. Ils ont précisé leurs choix culturels ainsi que leurs projets de programmation hors exposition : les Intensités de l’été commenceront par trois jours autour de Marseille Transit en écho avec Anna Seghers, deux soirées de rencontres sur Pourquoi Camus, des ciné-concerts et des spectacles en partenariat avec d’autres structures… Puis tout le monde a été convié à la projection du film d’Avi Mograbi, et dans un jardin, nous sommes entrés!

Vive Avi et Ali Au départ, Avi Mograbi se demande en quelle langue il aurait parlé avec son grand-père devant leur maison de Damas en 1920. Avi parle peu l’arabe et son grand-père n’a pas encore appris l’hébreu ! Le cinéaste, à la quarantaine, commence l’apprentissage de l’arabe et propose à son professeur, le Palestinien Ali Al-Azhar, d’écrire et réaliser avec lui. «J’avais pensé suivre l’histoire d’un cousin de mon père, Marcel, un personnage étrange, qui ne comprenait pas l’idée même de frontière.» Mais Avi et Ali se racontent leur histoire respective, tout en filmant et c’est passionnant. «D’histoire en histoire, à la fin, on n’avait pas parlé de Marcel» plaisante Avi. Peu importe, car tous les deux sont de vrais personnages ! À l’Alhambra ils parlent avec passion et beaucoup d’humour de questions graves «Je suis Palestinien, citoyen israélien et je demande à avoir tout ce qu’Avi a, ni plus, ni moins !» dit Ali avec le sourire. Les séquences avec la jeune Yasmine, la fille d’Ali qui parle du racisme à

Dans un jardin je suis entré, Avi Mograbi et Ali Al-Azhari au bord de la mer

l’école, les lettres, filmées en super 8, qui racontent l’histoire d’amour et la séparation d’un homme et une femme, libanais et juifs, déchirés par les frontières du Moyen-Orient redessinées, renvoient au réel, présent et passé. Un film sur la traversée des frontières, sur la langue qui sert à communiquer mais aussi à dominer, qui parvient pourtant, grâce à Ali et Avi, à donner un peu d’espoir.

Tapis volant La veille, l’Alhambra résonnant de babils enfantins, affichait complet. Des élèves des quartiers nord, leurs parents, leur fratrie, même les tout petits, la tête déjà lourde de sommeil, étaient venus assister à un ciné-concert exceptionnel. Les aventures du prince Ahmed, accompagnées pendant 1h05 par les huit musiciens du Khoury Project. Deux séances furent nécessaires pour accueillir ce public nombreux. En amont de ce succès, le long travail accompli par l’équipe de William Benedetto et la toute récente collaboration du cinéma de St Henri avec la responsable du pôle cinéma du MuCEM, Geneviève Houssay. Quel heureux choix que ce petit bijou de 1926, premier long-métrage d’animation de l’histoire du cinéma, admiré par Jean Renoir, René Clair, Louis Jouvet, et qui plus est, réalisé par une femme, pionnière en son temps, Lotte Reiniger ! Film étonnamment moderne dont le générique fait penser à celui d’un James Bond, où la stylisation conduit par moments à l’abstraction. Sur des fonds bleus, verts, jaunes, violemment éclairés, se détachent en ombres chinoises les silhouettes du prince Ahmed, d’Aladin et de sa lampe, des princesses en dentelles, du Mage africain et des démons griffus. Des bouts de papier découpés, une imagination formelle éblouissante, une minutie d’orfèvre. Et la magie opère. Petits et grands, initiés et profanes voyagent ensemble sur le tapis volant des Mille et une nuits. Shéhérazade brode des histoires gigognes. Loin de la partition originale pour orchestre philharmonique, les trois frères Khoury brodent, dialoguant avec cinq jazzmen français embarqués dans l’aventure. Leur musique épouse la chorégraphie des ombres en cinq actes. Oud, qanûn, violon oriental, percussions se mêlent aux variations free du saxo, au feulement du trombone, aux pulsations de la contrebasse. Une proposition répondant à un engagement qui à l’Alhambra sonne comme un credo : celui de la qualité, pour tous. ANNIE GAVA ET ELISE PADOVANI


50

CINÉMA

LES RENDEZ-VOUS D’ANNIE

Al cine

Frank Capra Du 12 au 24 déc, l’Institut de l’image à Aix propose de redécouvrir l’œuvre de Frank Capra, ce cinéaste qui disait : «J’ai pris le parti de ceux qui risquent le tout pour le tout, des désespérés, de ceux qui sont maltraités pour des raisons de race ou d’argent. Que d’autres fassent des films sur les grands mouvements de l’Histoire. Moi, je fais des films sur le type qui balaie la rue.» Au programme : New York-Miami, L’Extravagant Mr Deeds, Vous ne l’emporterez pas avec vous, Mr Smith au sénat, Arsenic et vieilles dentelles, L’Enjeu, Milliardaire pour un jour. Le 17 déc à 20h30, Marc Cerisuelo, professeur d’histoire et d’esthétique du cinéma, présentera le film «de Noël» : La vie est belle. Institut de l’Image 04 42 26 81 82 www.institut-image.org

Agnès Varda Du 9 au 29 janv, à l’occasion de l’exposition Agnès Varda en Bouches-du-Rhône à la Galerie 13 du Conseil général, l’Institut de l’image à Aix lui rend hommage : on pourra ainsi revoir La Pointe courte, tourné à Sète, Cléo de 5 à 7 qu’Agnès Varda présentera le 23 janvier à 20h30, Le Bonheur, Les Créatures, Daguerréotypes, Mur Murs, un documentaire sur les «murals» de Los Angeles, Documenteur, Sans Toit ni loi, Les Glaneurs et la glaneuse, Les Plages d’Agnès et Jacquot de Nantes, en présence de la réalisatrice le 23 à 14h30.

Homero Manzi, un poeta en la tormenta d’Eduardo Spanuolo

Le 15 déc à 20h, dans le cadre du cycle Al cine, l’ASPAS propose à l’AKdemia del tango de Marseille Homero Manzi, un poeta en la tormenta d’Eduardo Spanuolo, un film qui retrace la vie de ce grand poète populaire argentin, engagé et immergé dans la tourmente sociale et politique de la première moitié du XXe siècle dans son pays. Le 9 janv, ce sera Cuba, une utopie blessée de Renaud Schaack : à travers un voyage dans l’histoire et ses tumultes, ce film propose une réflexion sur les ambitions et les difficultés d’une politique culturelle émancipatrice.

Institut de l’Image 04 42 26 81 82 www.institut-image.org

ASPAS 04 91 48 78 51 http://aspas-marseille.org

L’homme et la ville

Gruik de Sylvain Boutroue

La vie est belle de Frank Capra

Film surprise Le 14 déc à 20h30, le cinéma 3 Casino à Gardanne propose un film surprise en avant-première : un film français d’une durée d’1h35, adapté d un roman de Victor Hugo. 3 Casino 04 42 51 44 93 www.cinema-gardanne.com

Le 19 déc à 14h, à la Bibliothèque Départementale, L’homme et la ville, une séance de cinéma d’animation pour le jeune public, suivie d’une rencontre avec Sylvain Boutroue de l’association G.R.U.I.K, qui présentera Gruik, court métrage d’animation en stop-motion ainsi que les maquettes et personnages fabriqués pour sa réalisation. ABD 04 13 31 83 72 www.biblio13.fr

Film surprise...

Alceste à Bicyclette Le 20 déc à 20h30 au cinéma Le Prado, à Marseille, en avant-première, Alceste à Bicyclette de Philippe Le Gua, qui raconte l’histoire d’un acteur (Fabrice Luchini) qui décide de se retirer, fatigué de l’hypocrisie du milieu du spectacle. Il s’isole sur l’île de Ré avant d’être rattrapé par un autre acteur (Lambert Wilson) qui essaye de le convaincre de jouer dans Le Misanthrope de Molière. Projection suivie d’un débat avec Lambert Wilson et la productrice Anne-Dominique Toussaint. Cinéma Prado 04 91 37 66 83 www.cinema-leprado.fr

Agnès Varda © Rosalie Varda

Two lovers Le 10 janv à 20h, Cinépage, en partenariat avec le Cinéma Pathé Madeleine, propose Two lovers de James Gray, avec Joaquin Phoenix, Gwyneth Paltrow, Vanessa Shaw, Isabella Rossellini. À New York, Leonard hésite longtemps entre épouser la séduisante jeune femme que ses parents ont choisie pour lui et déclarer son amour à sa nouvelle voisine. Cinepage 04 91 85 07 17 www.cinepage.com Two lovers de James Gray


LES PRISONS | LE JOUR LE PLUS COURT CINÉMA 51

La nuit la plus longue © A.G

destinés au jeune public, au cinéma Variétés qui, à 20h, en association avec Films Femmes Méditerranée, propose Comme ça, elles entendent la mer, cinq courts réalisés par des femmes, en présence d’invité(e)s.

Le 21 décembre, jour le plus court de l’année, le court métrage est à l’honneur dans toute la France et au-delà. C’est le Jour le plus court, fête du cinéma, initiée par le CNC et l’Agence du court métrage. Cette année, les amateurs de courts métrages n’auront que l’embarras du choix : en effet, c’est plus de trente «événements» qui sont organisés par des cinémas, des associations et des structures culturelles. Il y en a pour tous les goûts, toutes les disponibilités horaires, tous les publics, répartis sur toute la région.

Ailleurs aussi À Fos, au cinéma l’Odyssée, à 18h30, 11 films répartis en deux programmes : Et plus si affinités et la Sélection des Lutins ; à l’Espace Fernandel à Carry le Rouet, à partir de 17h30, un programme de 45 films, Courts Côte Bleue, proposé par le Festival de Courts Métrages de la Côte Bleue et à l’initiative de l’IMCA Provence et des Ateliers du courtmétrage, 21 films, pleins «d’humour, d’action et de nouvelles sensations cinématographiques», à partir de 19h 30, à la salle polyvalente de Montfavet. De courts voyages en cinéma jusqu’au bout de la nuit !

Marseille Un court précédant un long c’est ce que propose l’Alhambra CinéMarseille : Dernier souffle de Morgane Maschina avant Frankenweenie ; Aflam accourt au Théâtre du Merlan à 14h avec 4 films et, à la Maison de la Région, à 18h30, est proposée Nuit courte, un programme de 8 films du jeune cinéma d’auteurs en Méditerranée, venant de la région Paca et de Corse. Tilt s’est associé à Fotokino pour présenter, à 19h, Prendre le large, 7 films d’animation et films d’artistes, particulièrement

ANNIE GAVA

www.lejourlepluscourt.com

Nos prisons : l’échec de la République de vie des détenus qui dans certains cas ne sont pas traités comme des humains… Stéphane Mercurio a pu suivre pendant quelques mois ces contrôleurs

ont pu être diffusées) et assister aux comptes rendus de ces visites. Le résultat est accablant : exploitation, solitude, détresse, violence quotidienne pour les prisonniers, désarroi et A l’ombre de la Republique de Stephane Mercurio

Quelques jours avant que n’éclate l’affaire des Baumettes, où les conditions scandaleuses de détention ont amené Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de détention, à demander à la Garde des Sceaux de prendre des mesures d’urgence, la journée nationale des prisons a donné lieu à une projection qui met en scène son action. La L.D.H et le groupe local «concertation prison» de La Farlède (constitué de bénévoles intervenant auprès des détenus et de leurs familles) ont profité de cette journée pour projeter au cinéma Le Royal à Toulon, le documentaire français de Stéphane Mercurio, À l’ombre de la République. Depuis 2007, Jean-Marie Delarue, aidé par de nombreux contrôleurs issus pour la plupart des milieux carcéraux, médicaux et judiciaires, est chargé d’inspecter les lieux de privation de liberté, prisons mais aussi hôpitaux psychiatriques, commissariats, d’établir des rapports précis afin d’améliorer les conditions

de détention de La Farlède, d’anciens détenus et un médecin de la prison des Baumettes, des gardiens. De leurs témoignages, des conclusions identiques : il y a trop de détenus en France (67 000 pour 59 000 places), et le projet de constructions de nouvelles centrales n’est pas une solution. Tous semblent être d’accord pour affirmer que notre système pénal est à revoir. L’enfermement ne résout rien, dans la mesure où à la séquestration physique s’ajoute une séquestration mentale aux conséquences bien plus graves pour l’individu et son devenir. D’autres solutions sont envisageables telles que le bracelet électronique, les travaux d’intérêt général et surtout la semi-détention qui a fait ses preuves chez nos voisins européens. MIREILLE VERCELLINO

dans leurs déplacements, filmer les entrevues (sauf dans les commissariats où seules des photographies

manque d’effectifs pour le personnel. Le débat qui a suivi la projection réunissait la directrice adjointe du centre

À l’ombre de la République a été projeté le 29 novembre au cinéma Le Royal à Toulon


52

ARTS VISUELS

ISTRES | LA VALETTE | POUILLON

Cartes postales du paradis Côté pile, Olivier Millagou nous invite à broyer du noir joyeusement à la Galerie des musées (remparts) de Toulon où il donne carte blanche à une folle équipée shootée aux sixties californiennes (voir Zib’57) ; côté face, l’artiste nous aveugle et nous réchauffe l’âme dans sa quête du paradis perdu. Bref, en vrai surfeur, il glisse sur la vague de l’exhibition collégiale et de la partition solo. Minimaliste, sa proposition à l’Espace d’art Le Moulin est à prendre au pied de la lettre ! D’abord, il y a ce faux néon PARADISE écrit blanc sur blanc en lettres majuscules, traversé d’une résistance incandescente. Sa douce chaleur nous délasse mais, si l’envie nous prenait de le décrocher au risque de nous brûler les ailes, serait-il vraiment la clef d’entrée au paradis ? Déstabilisé par l’espace immaculé («Je cherche une neutralité qui infiltre le lieu, les productions, la lumière et la musique»), le regard se perd sur une ligne d’horizon tracée par une série de cartes postales, Scratch post Cards, blanches elles aussi. Souvent, avec Olivier Millagou, la traversée est un jeu : ici, notre

ses dessins tracés au Bic. Quel joli pied de nez à l’exotisme ! La traversée s’achève sur un puzzle de planches de bois ensablées, assemblées de manière aléatoire, tel un nouveau théâtre paradisiaque : la plage, dernier territoire vierge… Celle-ci aura été bercée par «six propositions aléatoires et suggestives, six morceaux de musique composés par six musiciens» gravés sur un vinyle. Blanc, évidemment. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Olivier Millagou, Paradise Sounds 2012 © X.D-R

participation consiste à deviner ses intuitions, entendre ses suggestions, reconnaître ses indices. On s’interroge. «La mise en série de verso blancs et de recto aux palmiers coloriés» est-elle une manière de dénoncer le vrai du faux, l’illusion de la réalité ? Rêvons-nous de décou-

Parcours d’exposition et fiction filmique, Odette Spirite est inspiré par le génie du cinéma et le spiritisme selon Virginie (complètement ?) Barré Istres. Centre d’art contemporain intercommunal. Au rez-de-chaussée un sculptural chamane porte sur ses paumes son alter ego en miniature, au premier étage le film Odette spirite, au dernier niveau une installation, des photos et un cabinet sonore. Créé pour l’évènement le film emprunte au chef d’œuvre de Manciewicz The ghost and Mrs Muir transporté à Douarnenez par Virgine Barré et ses deux comparses Claire Guezendar et Florence Paradeis. Dans un genre entre Méliès et Tati celles-ci ont imaginé une quête de la lettre «O» en triporteur suite à un message énigmatique lors d’une séance de spiritisme «DETTE. MANQUE UNE LETTRE». Le film est construit sur le rapprochement apparemment impensable entre cinéma et spiritisme. Pourtant plusieurs recherches ont tenté de démontrer les rapports essentiels qu’entretient à son origine le cinéma avec les phénomènes extraordinaires et plus tard avec l’art contemporain*. La cinémagénie repose sur un dispositif et comportement particuliers du spec-

vrir le Coucher de soleil à Moorea et les Beautiful scènes of Vietnam ? Autant de décors fantasmés et d’images convenues d’un hypothétique Eden que l’artiste cache sciemment (comme si les cartes encadrées nous tournaient le dos) pour laisser affleurer à la surface

Édition du disque Paradise Sounds avec 10lec6, Appletop, Bader Motor, The Legendary Tigerman, Johnny Hawaii, Hifiklub ; concertlive The Legendary Tigerman et Hificlub le 11 janv à la Tomate, La Valette-du-Var

Paradise Sounds Olivier Millagou jusqu’au 20 janv Espace d’art Le Moulin, La Valette-du-Var 04 94 23 36 49 ww.lavalette83.fr

L’esprit des choses

tateur : salle obscure, apparition/ disparition, effet de sidération entre autres. Il n’est pas sûr que le visiteur saisisse à l’issue de son parcours les enjeux de cette proposition singulière. Peut-être est-ce par excès d’ellipses qui distendent l’argument d’une salle obscure à l’autre. À n’en point trop montrer on risque d’en éprouver trop peu. Invité à reconstruire ses liens propres entre les différents chapitres et les œuvres exposées le visiteur subodore cependant, suivant un sentiment d’étrangeté, la nécessité d’un autre regard flottant entre réel et fiction. Il ne lui sera pas inutile de solliciter la médiation de l’une des collaboratrices du musée pour s’aventurer au-delà des apparences. CLAUDE LORIN

Odette Spirite l’exposition jusqu’au 12 janv Centre d’art contemporain intercommunal, Istres 04 42 55 17 10 www.ouestprovence.fr

* en particulier Raymond Bellour, La querelle des dispositifs et Le corps au cinéma, POL

Virginie Barré, Le groupe du vendredi, 2010, resine epoxy, vêtements, accessoires, dimensions variables © C. Lorin/Zibeline


Fernand Pouillon a cent ans Deux ouvrages récents lui sont consacrés. Un petit livre Fernand Pouillon, l’homme à abattre, de Bernard Marrey aux éditions du Linteau, retrace la chronologie de ses démêlés avec la justice et tente de la lui rendre en démontant le processus qui l’a conduit en prison et a retardé sa réhabilitation. Un DVD, Fernand Pouillon, le roman d’un Architecte, co-édité par France 3 et Images de Ville est consacré à l’œuvre et à sa pérennité. Au milieu (bien nommé) de ses pairs, il se voulait «...le Savonarole raisonnable et triomphant, qui démontrerait par ses idées et ses méthodes, la nécessité pour l’homme de vivre dans un ensemble de proportions agréables.» De fait, il construisit mieux, plus vite et moins cher que le prix courant. À Alger, Aix ou Marseille, les dents grinçaient sans conséquence. À Paris, on se chargea de lui couper les jambes, qu’il avait maigres et interminables, en lui inventant un scandale qui lui vaudrait ruine, prison et déshonneur mais qui jamais ne le découragea ni le priva de son talent ni de son énergie. Le livre dénoue le fil de l’affaire, tandis que le DVD nous donne à voir l’œuvre, une architecture du monument pour tous, toujours debout avec ses ombres profondes et sa rythmique complexe, puissante et idéale. Une œuvre aux motifs simples et réguliers, à la genèse solide et raisonnable, toujours dans l’excellence et dont les témoignages des usagers actuels comme des anciens collaborateurs montrent bien l’infini dévouement de Fernand Pouillon architecte plasticien, de Fernand Pouillon bâtisseur, de Fernand Pouillon meneur d’hommes, de Fernand Pouillon créateur de machines à vivre. MAURICE PADOVANI

Fernand Pouillon, l’homme à abattre Bernard Marrey Éditions du Linteau, 15 €

Fernand Pouillon, le roman d’un architecte Film documentaire de Christian Meunier coproduit par Image de ville et France 3, 20 €

À noter La parution d’un autre ouvrage consacré à l’œuvre bâti de Fernand Pouillon dans la collection Carnets d’architectes des Éditions du Patrimoine, sous la direction de Marc Bédarida. L’auteur était présent pour une conférence le 28 novembre à la Maison de l’Architecture et de la Ville Paca. À cette occasion, l’équipe de la MAV a annoncé le lancement (en partenariat avec la DRAC Paca, le CAUE, l’Ordre des Architectes, Images de Ville, l’ENSAM et le Forum d’Urbanisme et d’Architecture de la Ville de Nice) d’une plate-forme numérique destinée à accueillir les vidéos tournées lors de ce type d’événement. http://architectes-paca.org/ culture-architecturale/ architectures-en-ligne.html

L’édition du 1er Guide du promeneur architectural par le CAUE 13 en partenariat avec l’association Les Pierres Sauvages de Belcastel. Ce petit dépliant ingénieux invite à la découverte de l’œuvre de Pouillon dans les Bouches-du-Rhône, «de la façade reconstruite du Vieux-Port de Marseille à la petite villa nichée dans la campagne aixoise». La création d’un nouveau Centre départemental de ressources, de conseils et de culture dédié à l’architecture, l’urbanisme et l’environnement. Cet espace ouvert au public sera situé dans les nouveaux locaux du CAUE 13, au 18 rue Neuve Sainte Catherine, derrière le Vieux-Port.


54 ARTS VISUELS BAINS DOUCHES | GALERIEOFMARSEILLE

Re-voir l’Afrique

La 3e édition de L’Autre-bord se consacre au continent africain et au traitement de la dimension de la mémoire pour finalement reconsidérer nos regards

Le sous-titre, Mouvement aléatoire des cartes, pourrait laisser croire à un jeu de hasard, à une géographie magique. Le problème est pourtant bien réel. Dans son processus historique de transformation le continent africain emporte avec lui la disparition progressive de ses repères traditionnels et des modes de transmission des savoirs, notamment liés à l’oralité. Commissaire invitée par Jean-Baptiste Audat, lui aussi un familier de l’Afrique, Cécile Bourne-Farrell annonce qu’«il ne s’agit pas seulement de travailler à partir de traces de papier ou d’images, de témoignages oraux, d’extraits de journaux ou de Youtube, mais de procéder à la réactivation de tout ce qui sera propice à la narration et à l’imagination, tout en maintenant une mise à distance avec l’actualité». Mohssin Harraki réinscrit la généalogie de la famille royale du Maroc, lignée alaouite depuis 1666 dont les femmes sont totalement absentes. La vénération dont le roi fait traditionnellement l’objet oblige ses sujets à baisser le regard : l’artiste l’inscrira donc au sol de la galerie selon des tracés éphémères sous la foulée et la confusion de nos pieds. Plus traditionnel Achraf Touloub confronte sa pratique du dessin à la

miniature persane tandis que dans Technique mixte II, Farah Khelil propose un traitement visuel halluciné sur la base d’occurrences numériques en suivant l’actualité de la révolution tunisienne. En convoquant différents médiums, photographie (Otobong Nkanga, Andrea Sultiens), vidéo (Catherine Poncin, Katia Kameli, Grace Ndiritu), néon (James Webb), dispositif sonore mobile (Karim Rafi) ou encore des carnets d’artistes, cette sélection ouvre sur la variété des modes opératoires adoptés. À partir de quelles traces s’élaborent les formes esthétiques actuelles ? Quelles histoires réécrire ? Quelles mémoires peuvent se réinventer ? Selon quelles procédures ? On pourra approfondir ces questions lors de la visite commentée avec la commissaire le 30 janv à 18h. CLAUDE LORIN

Shuffling cards jusqu’au 30 janv art-cade 04 91 47 87 92 www.art-cade.org Carnets d’artistes en ligne selon le projet collaboratif de la fondation Lettera27 www.atwork27.org

Mohssin Harraki, Arbre généalogique n°00051, peinture acrylique noire au sol, pour Shuffling cards, art-cade, Marseille, 2012 © C. Lorin/Zibeline

Dans le miroir du temps À l’instar d’un danseur qui, «dans l’improvisation, garde la fraicheur du soubresaut instinctif», Michèle Sylvander trouve dans la répétition «une façon de colmater le temps qui passe». Tout démarre en 1995 par son Autoportrait au miroir I et se prolonge en 2012 par son Autoportrait au miroir II. Troublant dialogue photographique noué dans la contemplation de soi et les transformations de l’être : sur l’une, les poils d’homme sur sa gorge femme brouillent les genres ; sur l’autre, le corps dans son relâchement apprivoise le temps avec sérénité. «C’est une inversion, quelque chose qui échappe et qui est répété» précise Michèle Sylvander qui a choisi La Répétition comme titre à son exposition et à sa nouvelle vidéo où un très jeune enfant, blond, assis dans sa chaise haute, joue innocemment avec un revolver. C’est sa manière d’appréhender le monde, maladroit avec l’objet dont il ne sait que faire, dans un jeu à haut risque. Le mouvement est lent et l’image tourne en boucle : son mal être nous gagne. Même répétition, même résistance et même tension dans la vidéo iné-

dite Only You qui met en scène sa mère, de face, accoudée à sa table, l’air pensif à l’écoute de la chanson.

quasi inaudible on entend les années qui s’effilochent, les souvenirs qui affluent.

re et animale à la fois ; ou en gros plan dans le portrait de sa mère, de dos cette fois, dont on n’aperçoit que la tresse blanchie… Que peut-on espérer à l’approche de sa mort ? Se souvenir de ce qui a été et tenter de lui redonner vie, encore une fois ? Michèle Sylvander nous invite à y croire quand, dans Le Retour de Marie-Thérèse, sa mère s’exprime en catalan, «sa langue maternelle presque oubliée» : l’œil bleu, le chignon à peine tenu par un peigne transparent, le nez droit, les rides profondes, elle murmure : «J’aime autant que personne ne me pleure à mon enterrement.» 54 secondes seulement impriment longuement la mémoire de celui qui regarde. C’est dire si La Répétition de Michèle Sylvander est tenace. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Un jour mon prince viendra 2012, tirage ilfochrome, 30x40 cm, 5 tirages + une épreuve d'artiste © Michele Sylvander, Courtesy of galerieofmarseille

Seul le mouvement de ses lèvres donne chair au visage, et la répétition, là encore, joue sa petite mélodie destructrice ; dans ce balbutiement

La métamorphose des corps traverse l’ensemble des œuvres, évoquée dans La Toison d’or, photo d’un sac de cheveux renversé, vision mortifè-

Répétition Michèle Sylvander jusqu’au 19 janv Galerieofmarseille, Marseille 2e 09 53 10 15 26 www.galerieofmarseille.com



56

ARTS VISUELS

AU PROGRAMME Alice Hamon «L’Atelier» de Vacances Bleues prend des couleurs avec la présence d’Alice Hamon et des enfants du quartier de La Soude à Marseille réunis par Arts et Développement. Fruit de leurs rencontres, l’exposition Un quartier, un artiste, un mécène donne à voir une sélection de peintures réalisées dans l’atelier de rue, et des travaux photographiques personnels de l’artiste autour de trois villes : Marseille, Beyrouth, Damas. M.G.-G.

Paysage agricole, Le Puy-Sainte-Reparade © Bernard Lesaing

Un quartier, un artiste, un mécène jusqu’au 20 janv Fondation Vacances Bleues, Marseille 6e 04 91 00 96 83 www.vacancesbleues.com © Alice Hamon

En Pays d’Aix Photographies argentiques NB de Bernard Lesaing, dispositif visuel et sonore restituant les rencontres avec les travailleurs de la terre réalisé par Bat Sheva et Emmanuelle Taurines, un livre aux éditions Images et Recherche, dédicaces, rencontres et lectures théâtrales autour de la thématique, exposition à l’Office de Tourisme jusqu’au 27 janv autour de la Sainte Victoire : un bel hommage au Pays d’Aix versant agricole, pour sortir des clichés. C.L. Terres & Paysages [en Pays d’Aix] jusqu’au 12 janv Cité du Livre-Bibiothèque Méjanes, Aix 04 42 91 98 88 www.citedulivre-aix.com The Grandmother and the Black cat © Mahn Kloix

Images mentales Chat noir, horloge sans aiguilles, créatures hybrides dans des lieux singuliers… Grâce à l’artifice numérique Mahn Kloix fabrique des univers mêlés d’une certaine élégance visuelle évoquant les images pour magazines chics et habités d’impressions étranges. Pour Caroline Prosper «la série pourrait être lue comme un tarot de Marseille, instrument divinatoire qui se regarde, se contemple, s’expérimente avant de délivrer son message». Les images c’est aussi dans la tête ? C.L. jusqu’au 16 janv La Citerne du Panier, Marseille 04 88 44 31 72 www.laciternedupanier.com

Rob de Oude - Cross -ocular Deflection 01, 2011 Huile sur panneau 40,5 x 40,5 cm Courtesy Galerie Gourvennec Ogor

Rob de Oude D’origine hollandaise et vivant à Brooklyn, Rob de Oude superpose minutieusement des dizaines et des dizaines de lignes droites jusqu’à leur quasi déformation, faisant naître des lacis multicolores hypnotiques. Pour sa première exposition à Marseille, il dévoile quatre nouvelles séries d’œuvres inclinées, aux alignements déséquilibrés et à la palette chromatique épurée. Leur point commun ? Leurs combinaisons géométriques et leurs jeux de perspectives infinis. M.G.-G. Tilt jusqu’au 5 janv Galerie Gourvennec Ogor, Marseille 2e 09 81 45 23 80 www.galeriego.com


ARTS VISUELS

57

Di Rosa et Roustan Sur la Carte du pays grotesque il y a un petit point qui clignote : la Villa Tamaris Pacha, où Hervé Di Rosa pose ses valises après son Tour des mondes. Là, il habille les murs d’une longue fresque sur papier, disperse ses sculptures en résine et ses stèles en métal découpé aux titres facétieux (Colérique, Rieur,…). La présence du vibrionnant Sétois ne doit pas faire oublier celle, plus discrète, de l’artiste marseillaise Aurélie Roustan qui décline en peinture et en volume «le thème de la ville dans sa relation au paysage». M.G.-G.

Aurelie Roustan, Houseberg-L3, acrylique sur toile 150x110 cm

Herve Di Rosa, Torero, 80x60 cm, estampe 2012 © P. Schwartz

Houseberg Aurélie Roustan jusqu’au 6 janv Le Tour des mondes Hervé Di Rosa jusqu’au 10 mars Villa Tamaris Pacha, La-Seyne-sur-Mer 04 94 06 84 00 www.villatamaris.fr

André Nègre Durant trois décennies, André Nègre offrit aux artistes «le providentiel espace d’un atelier du centre ville», cours d’Estienne d’Orves. Parmi eux Georges Bru, Jean-Jacques Ceccarelli, Henry Cousinou, Yvan Daumas, Françoise Martinelli, Christian Martin-Galtier, André Masson, Mela, Edgar Mélik, Louis Pons, Pascal Verbena et Jean-Marie Zazzi. Le galeriste Alain Paire les réunit exceptionnellement pour rendre hommage à l’encadreur, au restaurateur, au collectionneur. M.G.-G.

André Nègre, galeriste et collectionneur jusqu’au 29 déc Galerie Alain Paire, Aix-en-Provence 04 42 96 23 67 www.galerie-alain-paire.com Des retables et des habitacles de Pascal Verbena, chez Andre Negre © X-D.R Sylvain Couzinet-Jacques, Lys, New Orleans, 2009

MAD La nouvelle galerie de l’ESADMM (30 bis boulevard Chave, Marseille 5e) expose les œuvres des lauréats du concours de photographies de la mairie de maison Blanche. Sylvain Couzinet-Jacques (premier prix, diplômé 2010 de l’ESADMM), Andrés Donadio, Valérie Gaillard, Lola Hakimian et Maude Grübel sont de jeunes artistes, émergents, au talent très différents. À découvrir ! A.F. du 10 janv au 2 fév Galerie de l’école supérieure d’art et de design Marseille-Méditerranée 09 80 74 82 80 www.esadmm.fr

Yfat Gat, Wool wall work, 2011, Festival des Arts Ephemeres, Marseille © X-D.R

Supervues Depuis 2007 avec le soutien de l’association Les Petites bobines, l’hôtel Burrhus à Vaison-la-Romaine ferme temporairement ses portes à la clientèle de voyage pour offrir aux artistes et leurs visiteurs un séjour de trois jours très arty. Chacune des 35 chambres est tirée au sort et attribuée à un artiste en vue de présenter une œuvre existante ou réaliser un projet in situ. C.L. les 14, 15, 16 déc Hôtel Burrhus, Vaison-la-Romaine 04 90 36 00 11 www.supervues.com


AU PROGRAMME

58

RENCONTRES

Libraires du sud /Libraires à Marseille - 04 96 12 43 42 Rencontres : avec Gilles Bontoux autour de son livre Absinthe (Noir au Blanc, 2012), biographie romancée de Rimbaud, le 12 déc à 18h30 à la librairie Le Lézard amoureux (Cavaillon) avec Michel Mirale du livre Regards croisés : patrimoine vivant en Méditerranée (Désiris) le 13 déc à 17h à la librairie Maupetit (Marseille) avec Cabu et Jacques Lamalle à l’occasion de la sortie de l’ouvrage Le XXe siécle en 2000 dessins de presse (Les Arènes) le 13 déc à 14h à la librairie Goulard (Aix) avec Olivier Adam pour son roman Les Lisières (Flammarion) le 13 déc à la librairie Goulard (Aix) avec Claude Rizzo pour son livre L’Ainé de la famille (Lucien Soury) le 14 déc à 16h à la librairie Les Genêts d’or (Avignon) avec Jean d’Arrigo pour son ouvrage Marseille mafias (Toucan) le 14 déc à 17h à la librairie Prado Paradis (Marseille) avec Lucien Clergue pour son ouvrage de photographies Nus vénitiens (Seghers) le 14 déc à 17h30 à la librairie Forum Harmonia Mundi (Arles) avec Karim Miské autour de son roman Arab Jazz (Viviane Hamy), grand prix de littérature policière 2012, le 14 déc à 19h à la librairie Histoire de l’œil (Marseille) avec Anne Valérie Munch pour son livre Seule dans la nuit de l’autre (Harmattan) le 15 déc à 18h30 à la librairie Apostille (Marseille) avec Hubert Blond autour de son livre Parcours poétiques du Berger Albert (éditions à façon) le 15 déc à 15h à la librairie La Carline (Forcalquier) avec François Thomazeau et Caroline Sury pour Marseille, quelle histoire ! : la cité phocéenne des origines à nos jours (Gaussen) le 15 déc dès 16h à la librairie Maupetit (Marseille) avec Sophie Testa pour son livre La Mer des masques (La Poissonnerie) le 15 déc dès 16h à la librairie Maupetit (Marseille) avec Philippe et Pascale Gallo autour de leurs recueils d’aquarelles sur la Provence le 15 déc, toute la journée, à la librairie Prado Paradis (Marseille) avec Olivier Adam pour son roman Les Lisières (Flammarion) le 15 déc à la librairie Masséna (Nice) avec Jérôme Ferrari autour de son roman Le Sermon sur la chute de Rome, Prix Goncourt 2012, le 16 déc dès 16h à la librairie Maupetit (Marseille) avec Jean Contrucci, Gilles Rof, Malika Moine et Marc Spaccesi pour Marseille Culture(s), Croquis croquant, Tournée générale et Coda le 16 déc de 10h30 à 13h à la librairie L’Attrape Mots (Marseille) avec Denis Cavaglia pour son livre sur la Sainte Baume le 17 déc dès 17h à la librairie Prado Paradis (Marseille) avec Rebecca Dautremer, illustratrice de l’album Soie (Tishina) sur un texte d’Alessandro Barrico le 18 déc de 16h à 18h à la librairie Masséna (Nice) avec Marco Venanzi, dessinateur de la bande dessinée Alix, à l’occasion de la sortie du tome 31 L’ombre de Sarapis (Casterman) le 19 déc de 16h à 19h à la librairie Prado Paradis (Marseille) avec Jean Contrucci et Gilles Rof pour leur ouvrage Marseille Culture(s) (Hervé Chopin) le 21 déc à la librairie Prado Paradis (Marseille) avec Marco Venanzi, dessinateur de la bande dessinée Alix, à l’occasion de la sortie du tome 31 L’ombre de Sarapis (Casterman) le 21 déc à la librairie galerie Gulliver (Carpentras) avec Jérôme Cellier autour de son livre Mes Cours De Cuisine Jérôme Cellier, pâtissier, avec des textes de Anne Garabedian, et des photos de Jean-philippe Garabedian (Chêne) le 22 déc à la librairie Maupetit (Marseille) avec François Morel pour Raymond Devos, la raison du plus fou (Cherche Midi) et L’air de rien. Chroniques 2009/2011 (Denoël) le 23 déc de 11h à 12h30 à la librairie Masséna (Nice)

Escales en librairie : rencontre avec Philippe Squarzoni pour son livre Saison brune (Delcourt) le 13 déc dès 18h à la librairie L’Alinéa (Martigues) et le 14 déc dès 18h à la librairie de l’Arbre (Marseille) ; rencontres animées par Boris Henry. AIX Écritures Croisées – 04 42 26 16 85 Rencontre-lecture avec Laurent Mauvignier et Angelin Preljocaj à l’occasion de la première, au Pavillon Noir, de Ce que j’appelle oubli, le 15 jan à 18h. Cité du livre – 04 42 91 98 88 Conférence d’Alain Paire sur Le paysage en peinture à Aixen-Provence, 1945-2012, Masson, Tal-Coat, Picasso, Bioulès, Blanche et Ciccolini. Le 13 déc à 18h30. La Non-Maison – 06 29 46 33 98 Intervention et méthode d’observation des phénomènes généraux de la vie sociale dans les sociétés contemporaines, une proposition de Karim Rafi : projection, improvisation sonore, lecture performative, agora participative, le 12 déc à 19h. Musée Granet – 04 42 52 88 32 Exposition Plossu – La montagne blanche : ensemble de ses photos de la Sainte-Victoire, jusqu’au 16 déc. Galerie Alain Paire – 04 42 96 23 67 Exposition André Nègre, galeriste et collectionneur, jusqu’au 29 déc. Fondation Vasarely – 04 42 20 01 09 Véronique Rizzo fait son musée, du 23 nov au 16 déc, vernissage le 23 nov à 20h. Colloque international : Vertu des contraires : art, artiste, société, organisé par le laboratoire d’études en sciences des Arts. Les 22, 23 et 24 nov dans la salle des professeurs de l’Université Aix-Marseille. 3bisf – 04 42 16 17 75 Atelier Objet-action animé par Caroline Le Mehauté, tous les jeudis de 13h30 à 16h30. Atelier Urbanité Idiotopique (construction d’une ville imaginaire où se croiseront tous les fantasmes de chacun) animé par Benjamin Marianne, tous les mardis de 14h à 16h30. SP BRIGNOLES Le Bazar du Lézard – 04 94 86 01 63 Exposition Recycle ? Art ! : des artistes et artisans s’emparent de mat ériaux et d’objets oubliés pour leur donner une seconde vie. Jusqu’au 2 fév. CANNES Direction des affaires culturelles - 04 97 06 44 90 Puppet time : exposition des marionnettes d’Arketal, du 19 déc au 17 fév à l’Espace Miramar. FORCALQUIER Association Forcalquier des livres – 04 92 75 09 59 12e édition de la Fête du livre de Forcalquier sur le thème La Lettre et autres caractères : conférences, expositions, performances, ateliers… avec la collaboration de la librairie La Carline. Jusqu’au 28 déc. HYÈRES Médiathèque – 04 94 00 11 30 Saint-John Perse – Lucien Clergue, genèse d’une rencontre : exposition photographique qui mettra en regard le travail de L. Clergue photographiant Saint-John Perse et la rencontre créatrice des deux artistes. Du 19 jan au 23 fév.

LES BAUX-DE-PROVENCE Carrières de lumières – 04 90 54 55 56 Installation Gauguin – Van Gogh, les peintres de la couleur, jusqu’au 6 janvier 2013. MANOSQUE Centre Jean Giono - 04 92 70 54 54 Exposition littéraire et artistique Centre Jean Giono, 20 ans de création : rétrospective qui rend hommage aux artistes contemporains qui ont su faire approcher les territoires intérieurs de l’écrivain aux visiteurs. Jusqu’au 31 mars. Giono en portraits : peintures, dessins, sculptures, photographies, les plus grands artistes restituent le visage de Giono entre 1929 et 1968, jusqu’au 31 déc au musée de l’Occitane. MARSEILLE BMVR Alcazar – 04 91 55 90 00 Exposition jeunesse Oh pop-up hourra ! en partenariat avec la librairie Imbernon : livres animés de David Carter et Philippe Ug. Jusqu’au 22 déc. ABD Gaston Defferre - 04 13 31 82 00 Exposition des photos de Denis Dailleux, Egypte, claire et obscure, jusqu’au 22 déc. Exposition César et les secrets du Rhône : découverte des pièces antiques les plus spectaculaires du passé de l’Arles romaine, notamment le buste de César. Du 12 jan au 24 mars. Plus loin… : journée d’étude sur Richard Baquié, sous la direction scientifique de Didier Larnac, Laurent Cauwet, Emmanuel Loi et Marc Partouche, avec l’association A vous de voir. Le 15 déc de 10h à 18h. Maison de la Région – 04 91 57 57 50 4e édition du festival du livre franco-arménien : rencontres et dédicaces avec une quarantaine d’auteurs, conférence, par Norbert Nourian, directeur des études Sciences Po Aix, sur Négationnisme, comment faire aboutir la loi sur la pénalisation en France, cérémonie de remise des Prix Henri Verneuil et Alain Terzian… Le 15 déc de 14h à 20h. Échange et diffusion des savoirs - 04 96 11 24 50 Conférences à 18h45 à l’Hôtel du département : À quoi sert le futur du monde ? par Ariel Colonomos, philosophe, le 13 déc. Approches cultures et territoires – 04 91 63 59 88 BD et Histoire : les travailleurs indochinois à Marseille et en France, avec Pierre Daum, journaliste et auteur de Immigrés de force : les travailleurs indochinois en France, et Clément Baloup, dessinateur de BD, auteur de Chính Tri, Le Chemin de Tuan, Mémoires de Viet Kieu, Quitter Saigon, le 13 déc à 18h30. La Friche – 04 95 04 96 23 La Marelle Villa des auteurs organise une rencontre avec Laurence Vilaine, animée par Pascal Jourdana, dans le cadre du cycle de rencontres A l’air livre an partenariat avec Système Friche Théâtre, le 18 déc à 19h. Musée d’Arts Africains, Océaniens, Amérindiens – 04 91 14 58 38 Expositions Parures de plumes amérindiennes, nouvelles acquisitions. MuCEM – 04 91 54 70 54 À l’occasion de l’ouverture de Marseille-Provence Capitale Européenne de la Culture, le MuCEM organise une journée «portes ouvertes» du bâtiment du J4 le 13 janv de 11h à 18h, en présence de Rudy Ricciotti, et de Bruno Suzzarelli, directeur du MuCEM.


Le studio photo itinérant du MuCEM sera installé sur l’esplanade du J4. Le photographe Paul Ladouce invitera le public à prendre la pose, accompagné d’un objet représentant son lien à la Méditerranée. Le Théâtre de La Criée accueille en avantpremière les présentations des grandes expositions du Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée : Les jeux de la fête, avec Zeev Gourarier, directeur scientifique et culturel du MuCEM, conservateur général, le 20 déc à 18h30 ; Un rêve méditerranéen, avec Thierry Fabre, responsable programmation et des relations internationales du MuCEM, le 10 jan à 18h30. Association Parole – 06 07 36 91 98 Journée Victor Gelu en compagnie de Gorelli à travers le vieux Marseille ; rendez-vous à 11h place Sadi-Carnot, 13h place des moulins et 15h esplanade SaintLaurent le 12 janv. Théâtre de l’Olivier – 04 91 93 95 50 Spectacle de marionnettes Prince aux pieds de fée par la cie Aux rages de l’âme, du 21 au 23 déc. Théâtre du Petit Matin – 04 91 48 98 59 Festival Le Dire des femmes : textes de et par Maria Montés, Alexia Vidal, Catherine Vallon, Claude Favre, le 14 déc à 22h. CIPM – 04 91 91 26 45 Exposition photographique et littéraire Serge Assier / Fernando Arrabal, jusqu’au 12 janv. Mairie des 9e et 10e – 04 91 14 63 56 Festival de photographie contemporaine La photographie Maison Blanche #2 : prix de la photographie Maison blanche à la galerie MAD du 10 janv au 2 fév. Atelier Juxtapoz – 06 63 82 00 76 Exposition des œuvres de Stéphane Moscato, avec dj Notorious, jusqu’au 6 jan. Galerie Hélène Detaille – 04 91 53 43 46 Exposition Matthias Olmeta, Rêves de silence, dans le cadre de Marseille Provence 2013. Du 12 jan au 23 mars. Amont Patrimoine – 06 86 900 812 Exposition d’œuvres, petits formats, de Michel Escallier-Lachaup, jusqu’au 3 jan. PORT-DE-BOUC Médiathèque Boris Vian - 04 42 06 65 54 Rencontre-débat avec Michèle Armanet et Jeanne-Marie Sauvage-Avit pour leurs livres respectifs L’esprit en cage (l’Harmatan) et Le printemps des femmes (éd. des Monts d’Auvergne) le 14 déc à 18h.

SAINT-CHAMAS Office de tourisme – 04 90 50 90 54 Les 50 artistes membres de l’Office de tourisme exposent à la Chapelle SaintPierre leurs peintures, sculptures, objets, photos… Du 7 au 31 jan. TOULON Bibliothèque municipale – 04 94 36 81 20 Atelier littéraire sur le thème de la négritude, animé par Julien Kerenflec’h et Fabrice Pras. Le 21 déc à 18h.

CONCOURS La Marelle, Alphabetville et Le Bec en l’air lancent un appel à projets pour la mise en place d’une résidence d’écriture numérique : concevoir une œuvre littéraire d’un format numérique sur toute forme ou support technologique, que les candidats devront élaborer durant une résidence de création d’une durée d’un mois. Les projets seront validés par un jury composé d’écrivains et de membres des structures organisatrices et des institutions partenaires. Il est recommandé aux candidats de proposer un projet qui dépasse le simple rapport homothétique à la forme livre, pour imaginer un rapport à la lecture et /ou à l’écriture innovant, en rapport avec la spécificité du support. Tous les genres sont autorisés (narration, poésie, théâtre, ouvrages pour la jeunesse…). La date limite de réception des dossiers est fixée au 31 déc ; ils doivent être envoyés par mail à numerique2013@villa-lamarelle.fr. 04 91 05 84 72 www.villa-lamarelle.fr

L’association Peuple & Culture lance un appel à projet pour la mise en place de sa résidence d’écriture 2013-2014, D’une langue à l’autre : cette résidence est ouverte aux explorations de notre usage du monde, de l’appréhension du réel par le langage mais aussi des frontières entre fiction et documentaire. Elle favorise des auteurs dont le travail littéraire mette en jeu l’adaptation (d’un mythe par exemple, mais aussi d’un langage artistique à un autre ...), la traduction (interlinguistique ou intersémiotique) ou interroge les registres de langue en revisitant des langages techniques, professionnels, voire quotidiens. La résidence se situe à Marseille au sein de l’association. L’auteur résident partagera son temps entre son projet d’écriture (70%) et des temps d’ateliers, rencontres... à construire avec l’association. L’organisation et le planning de la résidence se fera en concertation entre l’association et l’auteur. Date limite de candidature le 3 janv. 04 91 24 89 71 amandine.tamayo@peuple-culturemarseille.org www.peuple-culture-marseille.org


60 LIVRES CADEAUX

Le plat pays qui est le sien Le titre de cet ouvrage évoque instantanément Brel, tremblant sur scène en chantant les «brumes à venir» de la Belgique. Son auteur, Frédéric Lecloux, peutêtre à la recherche de plus vastes espaces, s’est exilé en France. Il est aussi parti au Népal sur les traces de Nicolas Bouvier, et parcourt régulièrement le monde pour l’agence Vu, mais c’est sa relation complexe au pays de ses origines qu’il nous livre là. Un mouchoir de poche avec aujourd’hui 360 habitants au kilomètre carré, 11 millions en tout parlant trois langues différentes, et pourtant dans ses photographies on ne voit quasiment personne. Des rails de tramway s’enfonçant dans un fourré, un château d’eau, une jante de vélo abandonnée, un jean accroché sur une branche, une statue de dos plongeant au cœur d’un

buisson de cimetière... Même les bars, les gares, les fêtes foraines et les friteries semblent désertes. Pour qui veut saisir la tendresse étrangement distante et la nostalgie sans complaisance qui rattachent malgré tout l’auteur au «plat pays qui est le sien», il est recommandé de lire attentivement les textes accompagnant ses images : on y perçoit la tragédie de la «belgitude», «née contre, pas pour. Contre le hollandais, pas pour inventer un avenir commun au Flamand et au Wallon. Née contre, elle mourra contre. Elle est en train. Hélas.» GAËLLE CLOAREC

Brumes à venir Frédéric Lecloux Le Bec en l’Air, 32 €

Tablées du Bosphore On sait l’importance des saveurs qui réveillent des souvenirs et renvoient à l’enfance. Le livre de Takuhi Tovmasyan en est un exemple. Devenue éditrice cette arménienne de Turquie a voulu évoquer les tablées familiales lors des repas quotidiens ou festifs. Et chaque recette expliquée est l’occasion de faire ressurgir des moments de la vie de cette famille aux branches multiples. Anniversaires, mariages, fêtes religieuses, tout est prétexte à cuisiner pendant des heures et à partager autour d’une table des mets savoureux et parfumés. L’auteure, née en 1952, rend hommage aux deux grand-mères qui lui ont transmis ces savoir-faire traditionnels, si proches de ceux des

Grecs et des Turcs. Elle évoque les maisons en bois du vieil Istanbul avec leurs citernes et leurs terrasses fleuries, les boutiques des joaillers et des sertisseurs, mais se tait pudiquement sur le sujet douloureux du génocide et de l’exil, à peine suggéré. L’iconographie participe à cette évocation dans une belle harmonie de gris bleutés. CHRIS BOURGUE

Mémoires culinaires du Bosphore Takuhi Tovmasyan Parenthèses, 22 €

Patrimoine à la carte Travail titanesque que celui du nouvel atlas de l’UNESCO édité pour les 40 ans de la Convention du Patrimoine Mondial (1972-2012). En un superbe volume, les 962 sites inscrits sur la Liste du Patrimoine Mondial sont répertoriés, classés, situés sur les cartes, présentés visuellement, assortis d’un bref commentaire. Au début de l’ouvrage, des arbres correspondant aux différentes parties du monde portent les noms des pays ainsi que le nombre de sites classés. On peut s’amuser à comparer. L’Italie avec 47 sites devance tous les autres, la France est en deuxième position avec 38 sites… Il serait sans doute intéressant de voir pourquoi certains lieux sont dotés de plus de protection, comment sont évaluées les richesses, selon

quels critères culturels. Un autre tableau met en évidence les sites en danger, 38 à ce jour, bien sûr, souffrent de se trouver dans des parties politiquement instables du globe, mais aussi aux USA, pour le parc de Yellowstone ou en Allemagne pour la cathédrale de Cologne… La convention est résumée en 6 histoires, et quelques chiffres évoquent la répartition des 962 biens mondiaux en 189 pays. La notion de bien mondial devrait conduire à considérer l’humanité autrement ! MARYVONNE COLOMBANI

Le Grand Atlas de l’UNESCO, Patrimoine Mondial Atlas/éditions UNESCO, 45 €


ARTS

LIVRES

61

Voir et comprendre Restaurer Devant l’aggravation des dégradations la décision fut prise en 2010 de rouvrir le dossier de la restauration de l’ultime tableau de Léonard. Après deux ans de restauration méticuleuse sous la responsabilité de Cinzia Pasquali la peinture a permis découvrir ce qu’on supposait des coloris, du rendu des détails vestimentaires comme de la perspective aérienne et du sfumatolégendaire si subtils. Stan Neumann a suivi la totalité de l’évènement qui a convoqué les avis de la fine fleur internationale des spécialistes du maître. Des constats alarmants (craquelures, épais vernis jauni dit chanci, repeints successifs, écaillements…) suivis des atermoiements sur l’importance des restaurations à accorder (cette proposition émue de quasi non intervention) au travail de nettoyage méticuleux au plus près de l’œuvre jusqu’au résultat final éclatant, nous assistons à la renaissance de La Sainte-Anne, œuvre promise à un grand succès comme un certain portrait qui continue à attirer les foules du plus grand musée du monde. Ce DVD comporte un complément signé d’une grande figure de la vulgarisation de l’art, Alain Jaubert, créateur de la série Palettes qui réalisa en 1989 Vinci, le sourire et l’entrelacs à partir du même tableau.

Expliquer Vous pourrez prolonger le plaisir avec la collection de cinq films consacrée aux œuvres d’un maître conservées au Louvre : Raphaël, Rembrandt, Poussin Watteau et… Léonard de Vinci. Juliette Garciaset Stan Neumann ont opté pour un unique protocole déjà expérimenté quelques années auparavant avec Rembrandt : prendre une œuvre exemplaire, la décrocher des cimaises, la décadrer si nécessaire et la livrer aux exégèses des plus grands spécialistes mondiaux rassemblés pour deux journées dans une même pièce. Le résultat est saisissant ! Le Portrait de Baldassare Castigione ou l’Autoportrait avec un ami, une Fuite en Égypte, le Gilles ou le Pèlerinage pour Cythère, la Belle Ferronnière, le Bœuf écorché… sont l’occasion d’une émulation fructueuse, érudite, en bonne compagnie.

S’envoler Il ne faudra pas quitter les lieux sans avoir visité le nouveau département des Arts de l’Islam réalisé par Rudy Ricciotti et Mario Bellini dans la cour Visconti. Si une visite virtuelle ne peut remplacer l’expérience in situ ce film tend la main à notre curiosité. Pour Henri Loyrette, président-directeur du musée, il s’agit à travers un double intérêt politique et artistique «de montrer la face lumineuse de cette civilisation». En quelques chapitres et compléments de programme confortés par moments par des animations virtuelles en 3D nous assistons aux principaux moments de la construction du nouveau bâtiment tout en semi transparence et courbes (sa toiture évoquerait un tapis volant) sollicitant des technologies novatrices dont se réclame aussi la muséographie. Les collections sont évoquées avec un best of de pièces exceptionnelles que complètent plusieurs courts documentaires qui traversent nos frontières vers la mosquée d’Ispahan ou l’histoire du tapis de Cracovie.

L’actualité artistique des musées et des grandes expositions parisiens sont l’occasion de la sortie de nombreuses publications. Preuve s’il le fallait avec le riche catalogue des éditions ARTE dont les collections du musée du Louvre bénéficient largement. Avançons quelques propositions pour ceux qui n’ont pas toujours le bonheur de quitter leur province… Bon plan américain Au moment où l’exposition du Grand Palais s’envole vers des records d’audience, que les numéros spéciaux et hors-série se multiplient, il est tout autant réjouissant de glisser ce DVD dans votre lecteur, bien confortablement installé au chaud. Ce documentaire de facture classique mais efficace fait le tour d’Edward Hopper, un personnage discret, farouchement indépendant, témoin des transformations esthétiques majeures de son siècle mais imperturbable face aux querelles esthétiques du moment entre figuration et abstraction. Naissance, famille, jeunesse, années de formation, indifférence du public à ses débuts puis premiers succès vers la quarantaine sont étudiés et contextualisés par le renfort de documents d’époque et de rares interviews de l’artiste. On y entrevoit également sa vie de couple avec l’infernale mais fidèle Joséphine, son unique modèle, et les témoignages de son ami Brian O’Doherty permettent de prendre un peu de distance avec le mythe. En bonus, hommage rendu avec une interview de Wim Wenders dont le cinéma est en partie redevable au peintre. Et si le désir n’est pas encore assouvi, zigzaguez entre les huit courts métrages originaux commandés par Arte à huit cinéastes, Martin de Thurah, Hannes Stöhr, Mathieu Amalric, Dominique Blanc, Sophie Fiennes, Valérie Mréjen, Sophie Barthes, Valérie Pirson revisitant chacun un tableau de Hopper ! Et les fêtes approchant, prenez garde aussi aux effets du syndrome de Florence ! CLAUDE LORIN

Léonard de Vinci, la restauration du siècle Stan Neumann Arte Éditions, 15 €

La vie cachée des œuvres Poussin, Raphaël, Rembrandt, Léonard de Vinci, Watteau Juliette Garcias et Stan Neumann Arte Éditions, 25 €

Les Arts de l’Islam au Louvre - La Main tendue Richard Copans Arte Éditions, 20 €

La toile blanche d’Edward Hopper Jean-Pierre Devillers Arte Éditions, 20 €


62 LIVRES ARTS

Au bout des Orients Un petit bonheur ne venant jamais seul, voici que sortent concomitamment deux ouvrages passionnants sur l’art oriental dont le coût ne grèvera pas notre budget en ces temps de crise Alors qu’une exposition se prolonge au musée Guimet qui met à l’honneur Hokusaï, les éditions À Propos dédient une première biographie à Hiroshige, resté dans l’ombre du maître de la célèbre vague. De son côté l’exposition de la Pinacothèque de Paris rend hommage à Van Gogh et au japonisme qui loua tant… Hiroshige, toujours considéré au Japon comme le maître de l’ukiyo-e ! Et cet Hiroshige, Invitation au voyage qui vient donc à point nommé se parcourt avec ravissement. Destiné au grand public comme les autres biographies de la collection au format de poche, il emmène le lecteur dans les paysages du Tôkaidô entre Edo et Kyoto les deux capitales japonaises. Dans un style clair mais érudit, les auteurs abordent successivement la vie et l’œuvre du peintre, la vogue du Japonisme en Europe et particulièrement en France, la technique particulière de l’estampe, l’ensemble s’enrichissant au fur et à mesure de petits tableaux chronologiques, des focus À propos ou Arrêt sur image concis et éclairants sur des thèmes complémentaires tels que la perspective

à la japonaise ou la révolution du bleu, et se clôt sur un Pour en savoir plus. Ne manquerait qu’un petit glossaire ? Avec Une Collection particulière les éditions Philippe Picquier installées à Arles nous gratifient d’un beau livre consacré à deux peintres chinois ayant exercé au XVIIe siècle, Jiang Ting Xi et Zhu Da. Édité pour la première fois par les éditions pékinoises Rongbaozhai, cet album se présente sous la forme d’un élégant coffret cartonné comme les deux couvertures reliées par des pages en accordéon. On peut ainsi l’aborder par les deux bouts pour feuilleter un corpus de reproductions, une dizaine par artiste, de qualité irréprochable après une préface présentant chaque peintre, traduite du chinois par Patricia Batto. L’univers des peintres lettrés, qu’ils appartiennent à la haute administration des mandarins ou qu’ils soient devenus moine bouddhiste, nous est ouvert avec simplicité et dépouillement. Tel ce Poisson-Chat de Zhu Da dont quelques traits de pinceau suffisent à exprimer l’essentiel, par un simple geste le souffle vital qui anime l’image. CLAUDE LORIN

Hiroshige, invitation au voyage Nelly Delay, Dominique Ruspoli À Propos, 12,50 € Zhu Da et Jiang Tingxi Philippe Picquier, 21,50 €

Palimpseste pour la navale «Je décidai de faire revivre par la peinture les six mille travailleurs rayés de la carte des vivants». Alain Boggero, charpentier-tôlier issu d’une famille d’ouvriers employés aux chantiers de construction navale de La Seyne-sur-Mer, n’a pu se résoudre à la fermeture puis à son licenciement en 1985 de l’entreprise phare du port varois qui employa jusqu’à six mille travailleurs. Cette catastrophe inouïe s’apparentait pour lui au chaos perpétré au sortir de la première guerre mondiale. Le travailleur s’est senti proche des artistes expressionnistes allemands, révolté lui aussi devant tant d’injustice et de gâchis. Dans un premier temps, de la toile, du contreplaqué ou des affiches Decaux ont servi de supports à la révolte du peintre amateur adepte de la récupération. Il en est à plus de trois mille portraits aujourd’hui. Mais c’est aussi sur une publication de l’AREA PACA* qu’il a brossé ses figurations récentes dont rend compte dans la totalité cette première publication de l’association Le Factotum. Fac-similé exact, La Navale vivra se parcourt dans le désordre s’il le faut, couleurs vives, pleine pâte et pleine page parfois, sans rédactionnel, celui-ci étant reporté dans

un livret à part avec une préface de l’artiste et une contribution de l’écrivain Lionel Bourg. Dans une figuration brute et massive qui n’est pas sans rappeler le style des peintres prolétariens, Alain Boggero jette sur ces pages des fragments d’une histoire peuplée de portraits connus et devenus des anonymes, comme autant de scènes d’un livre d’heures d’une mémoire ouvrière disparue. Le peintre aurait-il pu profiter des dialogues offerts avec la brochure qui présentait des Lycées du XXIe siècle en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, et concevoir, à travers la jeunesse montante, un avenir qu’on pourrait espérer plus radieux ? La fureur de la rébellion a parfois ses aveuglements excusables. CLAUDE LORIN

Signature, rencontre, exposition avec l’artiste le 18 janv à 18h à la librairie de l’Arbre, Marseille * Lycées du XXIe siècle, Agence Régionale d’aménagement et d’équipement de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, 2007

La navale vivra Alain Boggero Le Factotum, 35 €


ARTS

LIVRES

63

Chronique d’une gloire ordinaire «Au vestiaire de la réalité, on est prié de quitter sa défroque» pourrait être l’avertissement au lecteur de Textures du jour, première monographie de Gilles Benistri chez Archétype. Son aventure éditoriale a vu le jour grâce à l’auteur Emmanuel Loi, «compagnon de longue date», dont le texte court exactement sur la moitié de l’ouvrage et «avance avec les images» ; au photographe Michel Cohen, familier de son atelier au Comptoir de la Victorine à Marseille ; et à Philippe Moreau, «grand technicien de la typographie» qui a mis tout son savoir-faire dans la réalisation de cet objet bilingue -couverture cartonnée et cahiers cousus- prêt à pénétrer le marché international. Gilles Benistri n’a-t-il pas fait un break de quatre ans à New York… Sans céder au diktat chronologique, Textures du jour navigue en eaux libres entre 2005 et 2012, entre des personnages occupés à des tâches triviales et des objets qui ont une âme. Un

monde interlope mystérieusement banal sur lequel plane quelque chose d’indéfinissable. Images iconographiques habilement détournées, comme ces glaneurs en baskets et joggings, si loin et si proches de Millet, noyés dans une terre aussi bleue que le ciel ! De peintures en dessins, Gilles Benistri construit des rébus qu’Emmanuel Loi décrypte dans un texte qui tient du commentaire poétique, de la prose analytique et de l’hommage à un peintre-conteur. Quitte à flirter parfois avec l’ellipse : «La guérilla de l’inconscient est là avec ses bûchers, ses grilles de sens, ses chemins de croix burlesques. Interpréter à la va-vite afin de se dédouaner fonctionne de travers et c’est ce travers qui est interrogé. Peindre le bâillon pour prendre la parole.» MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Textures du jour Peintures de Gilles Benistri, texte d’Emmanuel Loi Traduction anglaise de Pamela Hargreaves Archétype éditions Forcalquier, 30 €

Sur les traces de GT En 2009, les éditions P (Marseille) publiaient Equinoxe, dans la collection Sec au toucher, composé à partir des dessins de Gérard Traquandi sur le motif de l’arbre ; à l’occasion d’Art-O-Rama 2012, Denis Prisset lançait un nouvel opus sobrement intitulé GT. Un titre mystérieux, un livre d’images silencieuses, un texte pour lecteur averti : une immersion chic et sobre, sensuelle, dans l’œuvre de Gérard Traquandi «fabriquée» (en référence au geste de l’artisan) dans ses ateliers de Paris et d’Aix-en-Provence. GT est circonscrit à trois ans de création : 01.2009/04.2012, date d’un changement opéré dans son travail suite à l’ensevelissement soudain de Marseille sous une «épaisse couche de neige». GT est la photographie d’un temps dans la vie de l’artiste où l’on découvre, enchevêtrées, nouvelles recherches graphiques, nouvelles compositions picturales comme autant de traces visibles d’un cheminement intérieur. Photographies de paysages enveloppés de neige, éléments naturels en macro, toiles accrochées aux cimaises de la galerie

Laurent Godin (l’une des deux galeries parisiennes qui le représentent avec Catherine Issert) ou dans son atelier aixois La Chapelle : superbe travail éditorial de correspondances fugaces qui entrouvrent des interstices intimes. Dans le cahier central, telle une virgule savante, le texte de Baldine Saint Girons, membre de l’Institut universitaire de France et professeur de philosophie à l’université de Paris Ouest, questionne la triade «contact, trace, tracé», évoquant les dessins préhistoriques, l’écriture chinoise, la gravure, la photographie, embrassant plus largement encore la «lutte entre la trace et l’image au sein de la peinture» profane et sacrée. On se lance dans l’ouvrage comme dans un labyrinthe. L‘issue n’est pas certaine car le fléchage est ardu, mais la promesse d’un voyage au cœur de la métamorphose est actée. Ici, plus que jamais, les empreintes de Gérard Traquandi sont traversées de vibrations lumineuses, annonciatrices de douces méditations.

GT Éditions P, Marseille, 32 €

M.G.-G.

La passion des images On a rarement l’occasion d’appréhender une œuvre, ici celle du peintre britannique contemporain David Hockney, à travers sa production commentée par luimême : c’est le cas avec cet imagier qui s’adresse tout autant aux jeunes lecteurs qu’aux plus avisés. Découpé en quatre chapitres thématiques (Problèmes de représentation, Moments donnés, Portraits, Espace et lumière) et introduit par un texte bref, David Hockney Images laisse place à un défilé ininterrompu de 325 reproductions. Certaines sont accompagnées de citations de Ma façon de voir où l’artiste, sur le ton de la conversation, développe ses points de vue sur son environnement et l’univers de ses proches, analyse ses recherches picturales, aborde ses multiples techniques : Polaroid, collages, peinture, dessin, gravure, fax, jusqu’aux applications iPhone et iPad... En vis-à-vis de l’aquarelle sur papier Cactus Garden IV de 2003 et du fusain sur papier Angel Trumpet and Succulents de 2000 saturés d’une nature exubérante apprivoisée par l’homme, l’artiste a choisi un extrait

de son livre David Hockney par David Hockney : J‘ai très vite été porté à regarder, examiner, représenter les choses. On touche ici, comme une évidence, à la singularité d’une oeuvre qui aborde «la problématique de la représentation sur une image fixe d’un monde en perpétuel mouvement». On est au coeur du «faire» et du «penser» de l’artiste, on en tire les fils d’Ariane d’une manière joyeuse et ludique. David Hockney Images nous permet de prendre conscience du monde qui nous entoure ; ce monde, justement, que l’artiste observe et représente différemment. M.G.-G David Hockney Images 368 pages, 325 illustrations Thames & Hudson, 28 €

David Hockney : Portraits de famille Marco Livingstone et Kay Heymer 240 pages, 246 illustrations, 45 €

Également aux éditions Thames & Hudson : Ma façon de voir David Hockney 248 pages, 365 illustrations, 29,95 €

David Hockney Marco Livingstone Collection L’Univers de l’art 252 pages, 208 illustrations, 14,95 €


64

LIVRES

ARTS

Marseillaises de A à Z

Elaboré par un quatuor d’historiennes émérites, le Dictionnaire des Marseillaises fait suite aux nombreux travaux et publications de l’Association les Femmes et la Ville (AFV). Depuis plus de 20 ans, celle-ci s’attache à faire connaître l’histoire des femmes, celles de Marseille particulièrement. Le dictionnaire qui vient de paraître représente ainsi la somme de ces recherches sur les femmes de Marseille, lesquelles ne sont pas toutes, loin s’en faut, natives de la ville. La préface précise le projet : «Nous avons voulu relater plus de vingt-six siècles d’histoire des femmes dans la ville en rappelant […] le parcours d’une personnalité ou d’un groupe exemplaire. […] Sans décerner des palmes, cet ouvrage vise quand même à rendre justice au souvenir des femmes dont l’action, les œuvres, ont marqué la ville.» Les articles, rédigés par des

plumes alertes et érudites, sont agrémentés de nombreuses illustrations et d’un riche dossier iconographique central ; trois répertoires permettent de s’orienter dans la foule de ces femmes, pas toujours célèbres, qui ont fait Marseille. Un dictionnaire indispensable pour que Mireille Lauze, Fifi Turin et les autres ne restent pas que des noms de rues.

FRED ROBERT

Dictionnaire des Marseillaises sous la direction de Renée Dray-Bensousan et Hélène Echinard, Catherine Marant-Fouquet, Eliane Richard coédition Gaussen-Association les Femmes et la Ville, 30 €

Croque-toques En 2009, Malika Moine offrait sa Tournée générale, une agréable balade en poèmes et en dessins dans 51 bars de Marseille. Trois ans plus tard, la dessinatrice remet le couvert. Le principe reste le même : un ouvrage comme un carnet de croquis (avec spirales ou, plus chic et plus cher, couverture unique reliée), à droite le dessin, à gauche le texte. Mais cette fois, elle a transporté ses crayons, ses pinceaux et ses aquarelles dans les cuisines, les salles et sur les terrasses de 52 restaurants marseillais, poussée sans doute par une gourmandise qu’elle ne cherche pas à dissimuler, par un goût particulier pour les lieux de convivialité, par le désir de saisir sur le vif les scènes et les endroits. Les dessins, à la fois graciles et précis, restituent les ambiances : ici une vue imprenable sur la ville ou sur la mer, là une cour ombragée, là encore un détail remar-

quable, cheminée, mosaïque de carrelage, plafond, panoplie de couteaux, nappes à carreaux ; et puis des gens, clients attablés, serveurs, cuisiniers… On aimerait être avec eux. Et encore plus quand on lit les textes des recettes données par les chefs de tous les lieux que la dessinatrice a croqués. Recettes d’inspiration souvent méridionale, quoique le monde y pointe son nez. Et si certaines restent succinctes, d’autres sont de véritables petits récits qui mettent l’eau à la bouche. On peut bien sûr tester soi-même celle des rouleaux d’aubergine au poulpe ou du tajine de homard. Mais mieux vaut aller goûter sur place. Il y en a pour toutes les bourses, de la cantine d’association à la table réputée. En fin de livre, une liste et un plan permettent de les retrouver. Un joli guide gourmand de Marseille à offrir pour les fêtes. F.R.

City life Lieu de création et creuset de modernité, la ville devient dès la fin du XIXe siècle le personnage principal des représentations : peintres, cinéastes, photographes, tous «parlent» de la ville. Ce lieu de tous les possibles, décor aussi fascinant qu’inquiétant, est examiné transversalement dans le superbe ouvrage collectif La ville magique, articulé en quatre grandes parties : la verticalité new-yorkaise, Metropolis, surréalisme, la photographie. La ville magique héberge des résidents prestigieux, acteurs d’une première moitié d’un vingtième siècle foisonnant de créativité artistique : Picabia, Lang,

Sensible et secret Rassemblés par Göran Schildt et publiés aux Éditions Parenthèses, les textes de l’immense architecte finnois Alvar Aalto constituent une rareté, une majorité étant inédits en français. Un recueil rassemblant ses interventions publiques et l’ensemble de ses textes était attendu depuis longtemps, l’architecte étant plus enclin à construire qu’à discourir. Agrémenté de dessins, croquis et photos d’archives, La table blanche comblera les passionnés d’architecture. Sensible et discret à l’image de son œuvre, cet artiste majeur du

Brassaï, Ruttman, de Chirico… L’ouvrage prend des allures de conte fantastique, fourmillant de splendides iconographies et d’une documentation pléthorique, à l’image du chapitre consacré à Metropolis, qui justifie à lui seul l’acquisition de ce travail singulier. Étrange et fascinante, la ville n’en finit pas de se surprendre au fil de ce florilège... F.I

La ville magique Gallimard, 35 €

paysage architectural du XXe siècle se dévoile et se livre avec une grande humanité à travers des constructions délicatement agencées entre fonctionnalisme et architecture organique, toujours soucieuse de l’homme, du matériau et de l’environnement. FRÉDÉRIC ISOLETTA

La table blanche et autres textes Alvar Aalto Parenthèses, 281 pages, 24 €

Croquis Croquant, 52 restaurants à Marseille et une semaine des cinq jeudis Malika Moine R’garde moi ça, 20 et 33 €


LITTÉRATURE

LIVRES

65

Comme des rats Il aurait dû s’en douter. Dès son arrivée, rien ne s’est passé comme prévu. Un contrôle sanitaire à l’atterrissage, personne de l’entreprise pour l’attendre et le conduire à son studio de célibataire, une ville croulant sous les ordures, asphyxiée par les pulvérisations de gaz désinfectant, menacée d’une épidémie inconnue, son bagage volatilisé. Venu en C. pour y suivre une formation de dératiseur, heureux à l’idée de quitter une «vie décevante» (des collègues méprisants, une femme qui l’a quitté pour un de ses amis), T-K s’aperçoit rapidement qu’il est tout seul et que ses lendemains ne chanteront pas. Pire, son existence à C. vire très vite au cauchemar ; un cauchemar auquel il semble ne rien comprendre, et dont il subit les épisodes avec une résignation placide et inquiétante. Récompensée en Corée pour ses recueils de nouvelles, Pyun Hye-young signe ici un premier roman glaçant, dont l’atmosphère et le personnage ne sont pas sans rappeler ceux de Kafka.

La descente aux enfers du personnage est relatée de façon distanciée, à la troisième personne, dans un présent flottant qui interdit toute identification. Le personnage principal n’a pas de nom, juste des initiales ; certains de ses compagnons d’infortune ne portent que des numéros. Dans cet univers anonyme et absurde, les rats servent de contrepoint constant à l’humanité ; comme eux, «la race humaine n’est pas une espèce facile à éliminer». C’est ce que semble montrer l’histoire de T-K. Une réflexion aiguë (plutôt effrayante) sur l’identité, la vacuité des rapports humains, l’absurdité de l’existence. Et l’instinct de survie ! FRED ROBERT

Cendres et rouge Pyun Hye-young Philippe Picquier, 18 €

L’auteur était présente à Aix en octobre, dans le cadre des Écritures Croisées (voir Zib’57)

Douloureuse transmission Le nouvel album Paroles de Poilus poursuit la tragique évocation de la première guerre mondiale. Le soustitre, Mon Papa en guerre, désigne le point de vue adopté. La guerre envisagée sous l’angle de la transmission, des relations entre les pères envoyés à la boucherie du front et leurs enfants. Aux lettres des pères, répondent celles des enfants, les cartes postales, photos de famille, mots de paix, d’espoir, de tendresse, de jeux, de fautes d’orthographes délicieuses, fraîcheur de l’enfance, maigre contrepoids face à l’horreur vécue par les papas. Jean-Pierre Guéno après une superbe préface, passionnante et indignée, raconte, évoque le sort de quelques-uns, exemplaires des milliers de destins brisés par la folie guerrière, plus de 600 000 morts, blessés ou disparus, rappelle-t-il, seulement lors des 45 premiers jours de la guerre ! On retrouve des anonymes, mais aussi des personnages qui auront de remarquables destinées, Jean Zay, «fils du journaliste», qui sera plus jeune député de France et ministre du Front Populaire,

Françoise Marguerite Marette, «la nièce de l’officier», future Françoise Dolto… Il y a les photos, les extraits de lettres, de journaux intimes, de poèmes verlainiens, les BD, magnifiques de précision et de sobriété, qui accompagnent les textes, toutes composées par de grands dessinateurs. À ces passages poignants, emplis de la délicatesse des pères qui cachent la réalité, donnent des conseils, accordent à leurs écrits une valeur testamentaire, pour donner à leurs enfants les armes pour vivre avec dignité, répondent les extraits des discours officiels qui exploitent l’image des enfants à des fins bellicistes, véritable «école de la propagande», avec la «croisade des enfants», des formules assassines «votre fusil à vous c’est le porte-plume !», ou totalement absurdes comme celles qui affirment que «les balles allemandes ne sont pas du tout dangereuses (…) ne font aucune déchirure» ! Un album à mettre entre toutes les mains et à insérer dans toutes les bibliothèques ! MARYVONNE COLOMBANI

Poétique du marcheur Délicieux petit volume que ce Walking Class Heroes de Michéa Jacobi : format à glisser aisément en poche, papier épais. Pour 26 courtes biographies de marcheurs. Les textes brefs se refusent à un enchaînement chronologique, mais s’enchaînent le plus souvent par concaténation : le marcheur, dont la vie est rapportée, a été évoqué lors d’un rapprochement, d’une image, d’une pirouette dans le texte précédent. Jeu de devinettes, qui sera le prochain ? Les biographies adoptent la sobre esthétique du raccourci, choisissant au gré des histoires les formes du passé, avec un ton quasi mythologique dans certains passés simples (Basho, haïkiste et Pèlerin), le présent de narration, pour la véritable épopée vécue par David-Néel Alexandra, la «tibétophile», ou le présent de description lorsque l’auteur se focalise sur une anecdote éclairante ou cherche à brosser un portrait à la manière de La Bruyère comme

pour le Piéton de Saint-Pétersbourg. Marche plaisir, marche de découverte, d’explorateur, marche ethnographique, poétique, inspiratrice, philosophique, marche, gage de longévité, pour celui qui marche «avec l’allégresse et la légèreté d’un pigeon» ! Image de comédie italienne : la marche papale avec les prélats essoufflés derrière… Un petit livre nourri d’anecdotes et de réflexions souvent profondes, à savourer, en marchant, ou pas, et en adoptant son propre rythme et itinéraire de lecture. Peu importe si l’on commence au milieu ou à la fin, comme dans une marche où chacun choisit son chemin. M.C.

Walking Class Heroes de quelques marcheurs Michéa Jacobi La Bibliothèque, collection L’écrivain voyageur, 13 €

Paroles de Poilus Tome 2 Mon papa est en guerre Scénariste : Jean-Pierre Guéno Dessinateur : Collectif Soleil, 19,99 €


66

LIVRES

LITTÉRATURE

Un pays sans histoire ! Le Bonheur des Belges de Patrick Roegiers réussit l’exploit d’être une épopée, une fresque, une farce, une fantaisie, une chanson de gestes. Bref, il est inénarrable, truculent et érudit, baroque et caustique, avec Rabelais tapi dans l’ombre ! Patrick Roegiers nous prend par la main sans jamais nous lâcher : on glisse d’un personnage à l’autre, illustre ou anonyme, et d’un événement à l’autre à la vitesse du son… de Charlemagne à Marc Dutroux enfant, c’est le grand écart permanent ! On vit en quelques heures ce que le héros de 11 ans, sans prénom et sans famille, va vivre en une journée, c’est dire l’exploit : dans son «royaume microscopique», on le retrouve à batailler aux côtés de Napoléon à Waterloo, à grimper le Tour des Flandres sous les encouragements de Bob Morane et Michel Vaillant, marcher vers l’inconnu sur les conseils de Victor Hugo, se perdre avec Monsieur Belgetype et Monsieur Belgemoyen dans les allées de l’Exposition Universelle… Construit comme

les cadavres exquis des Surréalistes, le roman à neuf chapitres (clin d’œil aux 9 provinces de Belgique et aux 9 parties de l’Atomium) regorge de rebondissements, de chevauchées, de citations et de références picturales. Ah, la scène où le jeune garçon s’installe «sans gêne» au premier plan du Repas de Noces de Bruegel et décrit par le menu la terre battue, le quignon de pain, les jambons et les saucisses qui pendouillent ! Du grand art. Ses tribulations incongrues et ses coups de foudre pour Yolande Moreau et La Malibran, ses mères de substitution, nous laissent tout ébaubi, comme la langue qui chante à l’oreille et nous enivre. On se surprend à lire à haute voix pour jouir de la rondeur des mots. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Le bonheur des Belges Patrick Roegiers Grasset, 22 €

Patrick Roegiers était invité à la Fête du livre de Toulon

Psychédélique Terriblement doués tous ces «incultes» qui constituent le noyau dur de la revue éponyme au singulier… Christophe Claro, allégé de son prénom, en est l’un des accélérateurs les plus actifs et son seizième roman Tous les diamants du ciel ne donne pas le moindre signe d’essoufflement... au risque minime mais perceptible d’une certaine inflation justement ! De la vierge en plâtre 1951 de Pont-St-Esprit la bien nommée aux poupées gonflables de Paris 69, du fournil maudit empoisonné par la CIA aux hosties de LSD, le petit mitron Antoine va croiser la sidérante trajectoire de Lucy, tombée du ciel sans ses diamants dans les temps légendaires où l’homme marcha sur la lune peu après que l’armée française eut éclaboussé en catimini, de ses radiations ionisantes, le désert algérien... Claro écrit comme un télévangéliste inspiré et sa parfaite maîtrise de traducteur de l’américain profond agite efficacement une prose fascinante dès l’ouverture, qui pétrit

pain et poésie sans que l’on ait la moindre idée soimême de l’objet que l’on est en train de consommer. Cadré en 6 parties, chacune rigoureusement incisée de 3 chapitres (parfois étoilés de paragraphes) aux titres brillamment et strictement acrostiches (LumièreSoleil-Désert...) le roman projette mille images à la seconde qui parlent à la rétine avant d’atteindre le cerveau et moins sûrement sans doute le cœur. Avatar élégant et goulu de Flaubert et de Jérôme Bosch, cette «tentation de St Antoine» dégraissée au roman d’espionnage minimaliste (juste les codes et le méchant Wen Kroy/New York ) et nourrie de références subliminales (l’inusable Rimbaud rôde...), baigne dans le plaisir d’écrire jusqu’au vertige ! Le lecteur saisi luimême du mal des ardents n’hésite guère à déployer ses ailes pour traverser cette saison en enfer… la survoler peut-être. MARIE-JO DHÔ

Tous les diamants du ciel Claro Actes Sud, 20 €

Croatie par ici Puisque personne ne parle croate comme le déplorait plaisamment le CIPM il y a quelques années, en pleine Saison Croate et comme pour saluer l’entrée imminente de la Croatie dans l’UE, la pertinente maison d’éditions de Rustrel, l’Ollave, vient de créer un Domaine Croate/Poésie. Deux générations de poètes pour cette première livraison : du cœur du XXe siècle, Slavko Mihalic disparu en 2007 et tout fringant de modernité, Branko Cegec né en 1957 ; ce dernier multiplie les activités autour de la poésie ; écrivain, essayiste, éditeur, plongé dans l’air du temps et sensible à la vitesse des métamorphoses, l’auteur en saisit les échos dans la ville qu’il arpente, Istanbul. Notations brèves, fragments arrachés à la réalité qui font se rejoindre sur la page le silicone d’une

gay-pride et les maisons de bois d’Arnavutköy ; éclats, fractions et effractions du regard et une adresse quasi permanente à un «tu» féminin dans tous les états de soi ou de l’autre, construisent un paysage urbain dissonant, hétérogène ; tournant parfois à l’inventaire ou pire, au cadavre exquis, Lune Pleine à Istanbul donne une impression de déjà-lu qui d’ailleurs est peut-être tout à fait maîtrisée par l’auteur... Slavko Mihalic plus présent dans ses vers (un choix de poèmes écrits entre 1950 et 2000) offre un panorama de la nécessité d’écrire en tournant paradoxalement autour du vide et de la disparition, quelle que soit la période évoquée ; la «défaite» «les mots déjà éteints» «les étincelles de nonsens passionné» «l’écrivain endormi au milieu de la phrase» interrogent pourtant avec ferveur l’acte de

vivre et remettent le poète à une place modeste «ne t’occupe pas de prophéties/tente de noter le nom des étoiles». Lecture prenante qui oblige à reconnaître dans ce jardin aux pommes noires une forme de l’essentiel… MARIE-JO DHÔ

Lune pleine à Istanbul Branko Cegec traduit par Vanda Miksic et Martina Kramer Le jardin aux pommes noires Slavko Mihalic traduit par Vanda Miksic Domaine croate/L’Ollave, 15 € www.ollave.fr



68 CD/LIVRES MUSIQUE

Jusqu’au burn-out John Coltrane est un musicien qui a contribué de façon significative à l’évolution de la musique afroaméricaine. Son parcours fécond fut très court, au regard d’une vie, et son destin une quête opiniâtre et inépuisable dans laquelle il passa toute l’énergie de son être. Le livre de Xavier Daverat est une somme d’érudit, et demande qu’on s’y plonge. Il y est question, entre-autre, de la spiritualité de ce musicien emblématique dans l’histoire du jazz, mais aussi de stylistique. Le jeu du saxophoniste y est analysé dans tous ses détails. Le vocabulaire coltranien est corrélé avec un grand nombre d’autres musiciens dont Wagner, Coleman Hawkins, Bartók, Miles Davis ou

encore Prokofiev. On y apprend les raisons de son extrême sensibilité au jeu du batteur Elvin Jones, mais aussi les différences fondamentales, physiques, qui fixent l’appropriation de l’instrument : le souffle de Sonny Rollins ou de John Coltrane déterminent deux discours, et donc deux vies de l’instrument. Un livre passionnant ! DAN WARZY

Tombeau de John Coltrane Xavier Daverat Parenthèses, Coll. Eupalinos, 19 €

Maître du Swing Jean-Pierre Jackson consacre un ouvrage à l’itinéraire du pianiste Oscar Peterson. Lou Hopper, pianiste de jazz à Montréal sera le premier mentor de cet adolescent doué de l’oreille absolue, d’une maturité musicale exceptionnelle. À 18 ans en 1944, il forme son premier trio, rencontre Dizzy Gillespie puis l’imprésario Norman Granz qui le révèlera au Carnegie Hall. Il va côtoyer les plus grands jazzmen du moment où le jazz est grand : Charlie Parker, surtout. Petit à petit il s’impose, au Birdland de New York puis au Blue Note de Chicago. Son art va trouver son apogée dans le trio, sa formation de prédilection. Durant toute son existence, celui qui n’a cessé de

dénoncer les injustices produites par la ségrégation restera un pianiste exalté… par le rythme ! Après Charlie Parker, Miles Davis et Benny Goodman JeanPierre Jackson livre une nouvelle biographie documentée, qui se lit d’un trait. D.W.

Oscar Peterson Jean-Pierre Jackson Actes Sud, Collection Classica 16,50 €

Chanson sans paroles Enregistré aux Studios La Buissonne à Pernes-lesFontaines, haut lieu du son, ce disque est une surprise magnifique. En duo, Laurent Dehors aux clarinettes, saxo ténor, cornemuse et harmonica et Matthew Bourne au piano nous offrent des compositions qui parlent d’amour par tous les sens, propices aux déambulations de l’imaginaire et à la rêverie. Originalité des timbres, fulgurances et évidences, cette

musique parle au cœur, comme en pleine lecture poétique... sans livre ni yeux pour voir, en improvisant à deux, et tout est limpide… D.W.

Chansons d’amour Matthew Bourne & Laurent Dehors Label Émouvance (émv 1034)

Ensorcelante Le premier EP d’Anouk Aïata est un petit bijou, ensorcelant dès la première écoute. Accompagnée de son alter-ego Amos Mâh, violoncelliste héritier d’un fort bagage classique, jazzy, contemporain et co-auteur des textes et des musiques, la chanteuse présente son titre Pourquoi regardes-tu la lune ?, figure de proue d’un premier recueil attachant et poétique. Aïata désignant en Maori la femme mangeuse des nuages du ciel, Anouk navigue au-dessus de la ligne de flottaison du métissage, souvent prétexte à un espace sonore vide de sens. L’album enregistré entre les murs de La

Fabrique à Saint-Rémy de Provence emprunte à la gypsy touch de la bande originale de Tony Gatlif dans Vengo, côtoie un folk rural aux contours ska. Anouk Aïata n’a pas de port d’attache, elle en a plusieurs. Ils pourraient être Marseille, Oran ou La NouvelleOrléans. FRED ISOLETTA

Anouk Aïata Universal Music


MUSIQUE

L’été indien The Endless Summer ? Non, ce n’est pas le documentaire portant le surf aux nues, ni l’album compilation des Beach Boys. Il s’agit du nouveau projet du saxophoniste Thomas de Pourquery, esthète expert en trouvailles sonores. «Et si vous en avez assez des niaiseries ambiantes […] qui se plantent au premier virage, alors vous êtes mûrs pour The Endless Summer.» C’est le géniteur de cet album ébouriffant qui vous le dit ! Et annonce «the nouvelle mouture» des divins rigolus, ce big-band pléthorique et prêt à tout. Des

voix et encore des voix, à l’image d’un Rocky Balboa déjanté, des saxophones en tous genres, du baryton au soprano en passant par l’alto, et des percussions à foison. Pas besoin d’agiter, ils sont secoués ! FRED ISOLETTA

The Endless Summer Thomas de Pourquery Nueva Onde

Rock’n’roll S’ils sont encore dans la fleur de l’âge, ce ne sont pas des débutants qui agitent l’univers Noswad. Déjà dix ans que les rockers parisiens secouent les planches, eux qui se sont fait une réputation de bêtes de scènes justifiée. Que nous réservent-ils avec le dernier né From dus till dawn ? Un bel album solide, les pieds trempés dans l’acier. Il faut dire que quand on a le stoner dans le sang, on a du mal à s’en détacher. Une posture presque western blues invite pourtant les fans à un renouveau stylistique qui écarte un peu les murs de ce genre dans lequel ils risquaient de s’enfermer. Il

faut dire que Vincent, chanteur à ses heures du remuant AqME ne manque pas d’idée et de pêche. Le palindrome de Dawson est convaincant à l’image d’un titre comme Blind dead, même si tout l’album n’est pas du même registre. F.I.

From dust till dawn Noswad Autoproduction

Intégrale Beethoven Les enregistrements publics au Théâtre National de Marseille du label Lyrinx adoptent un rythme soutenu, puisque la pianiste Marie-Josèphe Jude a gravé le 19 novembre (voir p. 28) l’intégrale des Nocturnes de Chopin et se représente un mois plus tard devant les micros des Gambini avec Michel Beroff pour des quatre mains dédiés à l’enfance : Petite suite de Debussy, Jeux d’enfants de Bizet, Dolly de Fauré et Ma Mère l’Oye de Ravel (le 15 déc). En 2010/2011, Caroline Sageman (piano) et David Galoustov

(violon) ont pris le temps nécessaire pour peaufiner les dix Sonates de Beethoven. Le résultat est enthousiasmant pour leur complicité ludique, le lustre des timbres, l’arche historique maîtrisée où Mozart est si proche (op. 12)… et déjà si lointain (A Kreuzer). JACQUES FRESCHEL

Complete Sonatas for Piano & Violin David Galoustov et Caroline Sageman Coffret 3 CD Lyrinx LYR 2267

Pärt en français Arvo Pärt (né en 1935) est aujourd’hui l’un des compositeurs contemporains les plus joués au monde. Son langage, souvent austère, empreint de spiritualité, demeure cependant populaire. Paradoxalement, en France, où les adeptes du Cantus in Memory of Benjamin Britten, Credo, Tabula Rasa et Symphonies sont légion, il n’existait pas de biographie de l’Estonien ayant dû fuir son pays sous l’ère socialiste. Introduit par David Sanson (traducteur de l’allemand original),

Bartok bio

Béla Bartok est un compositeur majeur de la première moitié du XXe siècle, sans doute la plus grande figure de l’ethnomusicologie, science humaine basée sur l’analyse, l’observation sur le terrain de pratiques musicales orales et traditionnelles. Attaché au berceau hongrois, épris d’idéaux nationaux, il réinvente un folklore appréhendé comme source d’inspiration à l’avant-gardisme. Son œuvre singulière revêt une dimension universelle, à l’image de celles de Debussy, Schoenberg ou Stravinsky. Sa vie passionnée

ce précieux ouvrage comprend les entretiens éclairants que Pärt eut en 2003 avec Enzo Restagno, ainsi qu’une vraie analyse, qui ravira les musiciens, du «style tintinnabuli» caractéristique de son langage, signée Leopold Brauneiss. J.F.

Arvo Pärt Enzo Restagno et Leopold Brauneiss Actes Sud/Classica

témoigne aussi d’un courage résistant à la collaboration nazie… jusqu’au fatal exil américain. Ce premier grand ouvrage de référence, extrêmement détaillé, fruit d’une dizaine d’années de travail, est une mine ! J.F.

Béla Bartok Claire Delamarche Fayard

CD/LIVRES

69


70

LIVRES

JEUNESSE

Grandir en chansons

C’est tout un monde chanté, une compilation agencée à partir d’une vingtaine de livres CD de Gallimard Jeunesse : chants de Noël ou comptines à danser, mélodies de France et du monde entier, pour apprendre l’alphabet ou faire des rondes et même endormir les têtes brunes et blondes… On sait l’intérêt de ces formulettes aux origines diverses, chantées ou quasi-parlées, berceuses et jeux rythmés, dans la formation des tout-

petits ! Source de plaisir, souvent à partager avec parents ou grands-parents, la comptine possède un rôle sécurisant, apaisant ; liée au geste, elle revêt un caractère ludique… on la dit même socialisante ! Dans ce livre grand format, les petits écarquilleront aussi les mirettes sur de grandes planches colorées qui jouxtent les textes.

Les 40 plus belles comptines et chansons Livre CD Gallimard Jeunesse, 15 €

JACQUES FRESCHEL

Qui suis-je ? C’est l’excitation des premières invitations à la maison où tout doit être prêt, des décorations au repas… jusqu’aux parents qui attendent avec impatience et fébrilité de rencontrer le fameux invité de leur fille chérie. C’est Gaston, sacré personnage que décrit la petite fille au long des pages, laissant inquiets et dubitatifs les parents, le chat et le chien… «Grandes oreilles», «nez immense», «dents qui rebiquent», avec «un gros

Initiations

Les auteurs dits de «jeunesse» semblent se donner pour mission d’apprivoiser les doutes, les peurs ou les désirs de leurs lecteurs. Leurs livres sont des pistes pour comprendre le monde et y trouver sa place. Au Rouergue trois collections s’adressent aux enfants. Dès 7 ans la collection Zig Zag, dont les dessins noirs au trait précis rythment la lecture, n’hésite pas à aborder des thèmes difficiles comme la mort, la maltraitance, le racisme ou ceux plus courants comme la naissance de l’amitié et la vie à l’école. Y figure le dernier livre de Guillaume Guéraud illustré par Martin Romero souvent primé à Angoulême. À partir de 9 ans, la collection Dacodac prend le relai avec des textes plus longs, des aventures au collège, premiers émois et premières libertés... Le livre de Vincent Cuvelier montre la société des années 70 en même temps que l’apprentissage de la musique de deux garçons de milieux différents, et propose en notes une sélection des succès de la Pop et du Rhythm’n’blues. La petite dernière, Boomerang, inaugure une formule originale : chaque livre peut se lire dans un sens ou dans l’autre ; ainsi deux histoires se complètent en se retournant, et une illustration en noir et blanc occupe le centre du livre. Pour les ados (coll. DoAdo) les propositions de décoder les règles du monde des adultes ou de basculer dans l’imaginaire ou l’aventure sont multiples. Mais même dans les polars (DoAdo noir) on ne perd pas de vue l‘apprentissage. Sylvie Deshors, qui dès son premier titre a reçu le Prix du Festival de Cognac, évoque le drôle de réveillon de Minus pris en otage par un Père Noël fou furieux qui le tabasse et croit qu’il va en tirer une rançon ; la catastrophe ultime est évitée au dernier moment. Dans un tout autre registre on retrouve avec plaisir Ahmed Kalouaz qui n’hésite pas à se mettre dans la peau de Juliette rencontrant son premier amour alors qu’elle fait du canoë dans les gorges de l’Ardèche. Nicolas aime la solitude, écrit des poèmes sur des galets et donne un coup de mains à la buvette ; avec Juliette c’est le coup de foudre... avant

derrière»… Bigre ! De quoi alimenter les imaginations les plus fertiles ! Le texte de Raphaële Frier, complété à merveille par les illustrations très colorées et décalées de Claire Franek, repose sur l’effet de surprise final qui surprendra plus d’un petit lecteur. Jusqu’à en reprendre la lecture pour dénicher les indices qui auraient dû nous mettre la puce à l’oreille…

Je vous présente Gaston Raphaële Frier (texte), Claire Franek (illustration) L’Edune, 14,50 €

D.M.

l’entrée au lycée. Un premier amour aussi chez Irène Cohen-Janca sur fond de détresse familiale ; la sœur d’Antonin est anorexique, l’oncle vit dans le souvenir de la révolution sexuelle de 68. Antonin rentre dans l’âge adulte en ouvrant les yeux à ses parents, dépassés. Le roman, plein de sensibilité, aborde le thème du conflit d’idéaux dans une société en mutation où les jeunes doivent se faire leur place et oser «demander l’impossible». Quant au texte d’Alex Cousseau, il retrace l’itinéraire extraordinaire d’un personnage qui change trois fois d’identité de 1831 à 1865, depuis sa vie dans le ventre de sa mère emmenée en esclavage, descendante d’un pirate français, jusqu’à son retour sur l’île maternelle. Parcours initiatique, ce livre est un hymne à la vie. À une exception près ces textes sont écrits à la première personne comme si leurs auteurs voulaient se glisser dans la peau de leurs personnages tout en servant de miroir à leurs lecteurs, petits ou grands... CHRIS BOURGUE

Je sauve le monde dès que je m’ennuie (7 €) Guillaume Guéraud L’été pop (7,80 €) Vincent Cuvelier Douce nuit, Minus ! (9,70 €) Sylvie Deshors Mon coeur dans les rapides (10,70 €) Ahmed Kalouaz Demander l’impossible (13,20 €) Irène Cohen-Janca Les trois vies d’Antoine Anacharsis (15,70 €) Alex Cousseau


LIVRES

Nef de brutes

La collection Noctambule des éditions Soleil propose une passerelle entre littérature et bande dessinée, où les auteurs adaptent à leur gré les œuvres littéraires qui les ont marqués. Scénariste et dessinateur de bande dessinée, Riff Reb’s vit au Havre ; la mer est «la première vision de tous [s]es matins depuis vingt ans». Il est en outre un fervent admirateur de Jack London, d’où son choix d’une adaptation libre (et néanmoins très proche de l’esprit du romancier américain) du Loup des Mers, pour le plus grand plaisir des amateurs d’aventures maritimes, de sensations fortes et de personnages hors du commun. Le roman, paru en 1904, retrace les tribulations d’un critique littéraire plutôt dandy, enrôlé par la force des choses comme mousse à bord d’une goélette phoquière en route pour le Japon. Sur

ce voilier au nom glaçant de Fantôme, la vie prend des allures d’enfer et le cruel capitaine Loup Larsen mène la danse… macabre ! Cruauté des hommes, déchaînement des éléments, la fable de London, un brin métaphysique, trouve un bel écho dans cette BD inspirée. Le trait acéré de Riff Reb’s plonge le lecteur dans les eaux et les âmes tourmentées. Quant aux couleurs -chacun des 17 chapitres a un fond de teinte différente, vert anis, orange, bleu nuit…-, elles baignent d’une lumière étrange ce sauvage théâtre d’ombres. FRED ROBERT

Le Loup des Mers Riff Reb’s Soleil, collection Noctambule, 17,95 €

Billy et les sirènes Saluons le retour de Brouillard, Billy Brouillard ! Le jeune héros au don de trouble vue (qu’il craint d’ailleurs d’avoir perdu) revient pour de nouvelles et fantasmagoriques aventures, pleines d’une émouvante poésie comme les précédentes. C’est aux sirènes, aux créatures les plus improbables des grands fonds, et aux filles aussi, que Guillaume Bianco confronte cette fois-ci son personnage, dans un album aussi inclassable et réjouissant que les deux autres. Billy entreprend de consigner dans son journal les événements extraordinaires qu’il a vécus pendant l’été. Cette trame narrative, sous forme de BD traditionnelle en noir et blanc, est cependant loin de constituer l’essentiel du livre. Poèmes,

bestiaires, extraits de la Gazette du Bizarre, contes… enrichissent comme toujours les aventures du jeune garçon. Au cœur de l’album, une carte des abysses infernaux et le récit (sur fond noir) de la terrifiante descente aux Enfers qu’il accomplit, tel Orphée, pour sauver Prune, sa compagne de jeux. Un ouvrage original, à conseiller à tous les amateurs de rêve et de fantaisie, petits et grands. F.R.

Billy Brouillard, Le chant des sirènes Guillaume Bianco Soleil, collection Métamorphose, 22,95 €

Déplier les livres Dans le cadre des Escales en librairies, une rencontre et un atelier ont eu lieu le 14 novembre avec l’architecte Jean-Charles Trebbi à la Librairie Imbernon, au Corbusier. Un endroit fabuleux, et un instant magique pour tous les participants. Entre les plis, les découpes, les monts et les vallées, l’artiste sensibilise ses élèves d’un instant, qui touchent du doigt la complexité, la créativité et la poésie qui se dégagent de ses images surgissantes… Celles qu’on appelait autrefois livre à système, aujourd’hui dénommées livre animé et Popup, celui-ci n’étant en fait qu’une des techniques du livre animé. L’atelier donna l’occasion, par l’expérimentation, de comprendre comment effectuer ce passage délicat de la deuxième à la troisième dimension, par des subtils coups de cutter et un savant pliage. Quel plaisir de produire à son tour ce prodige, tout en recevant le précieux savoir de ce designer, passionné de graphisme et de formes épurées, sur les particularités du papier et les processus de conception des œuvres qu’il propose de réaliser avec lui. En un instant, on redevient enfant, jouant avec la dextérité retrouvée de nos mains et fiers de ces nouvelles productions ! Vint ensuite le temps de présenter son dernier livre

L’art du Pop-up et du livre animé. Sous la forme d’un diaporama respectant les chapitres de son livre, il retrace d’abord l’histoire et les difficultés à produire ce type d’ouvrage. Puis il expose les techniques et les applications variées du Pop-up depuis le simple pivot inventé par des pionniers comme Lothar Meggendorfer (1847-1925) jusqu’aux Sliceforms, formes en trois dimensions créées à partir de tranches emboîtées, à vous couper le souffle ! Au fait des diverses mouvances, il dresse une typologie des artistes internationaux qui excellent dans la matière en insistant sur leurs parcours et leurs particularités. Et puis, imprégné de l’œuvre de Murati et de Komagata, Jean-Charles Trebbi propose, avec beaucoup d’humilité, de faire connaissance avec ses propres travaux aussi nombreux qu’hétéroclites : décor, sculpture, abécédaire, casier de typologie, dico des mots rares et précieux, livre animé... On repart avec un livre dense, documenté, très agréable, véritable puits d’idées pour qui veut se lancer dans cette discipline. Alors à vos cutters, ciseaux et crayons ! Une belle idée cadeau en ces temps de fête. CLARISSE GUICHARD

L’art du Pop-up et du livre animé Jean-Charles Trebbi Alternatives, 33 €

71


72 LIVRES RENCONTRES

Une île littéraire

Enfin ! On parle de la Corse sans attentat, sans cliché ridicule, sans la complaisance des journaux à scandale qui considèrent l’île comme une réserve de primitifs. Un prix Goncourt vient pour la première fois récompenser un écrivain corse, et pour un roman insulaire, puisqu’il évoque la vie et la mort d’un bar de village en Corse. Le premier décembre à la librairie Goulard, on assistait à une conférence enthousiaste, solidement documentée de François Renucci dont beaucoup connaissent déjà le blog passionnant ainsi que le livre Éloge de la Littérature Corse. L’hommage appuyé à l’œuvre de Jérôme Ferrari devint prétexte à évoquer la richesse de la littérature Corse… François Renucci cite un autre grand écrivain corse contemporain, Marc Biancarelli qui explique dans sa chronique : «On parle bien de littérature irlandaise, alors, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas parler de littérature corse. Pour les profanes, je dirai que c’est une littérature qui s’écrit depuis le Moyen Âge et qui s’exprime en latin, en italien, en corse, en français, et j’espère un jour en arabe littéraire ou en berbère. Ça donnera sans doute des maux de tête à Chevènement et à divers autres jacobins, mais ça confortera l’idée que la richesse est dans la diversité.» La langue en effet est neuve pour la littérature corse, il n’y a pas de norme, il s’agit d’une langue «polynomique», idéale pour un écrivain, comme l’écrit Jérôme Ferrari qui se plait à dire que la vraie langue est celle de la traduction. Car il y a une vraie nécessité à traduire le corse dans toutes les langues, et le détacher des clichés identitaires. Au-

La Corse, terre de fiction

© X-D.R

jourd’hui, la littérature corse s’attache aux thèmes de société, aux réalités humaines individuelles, à la SF, elle est sortie du carcan romantique de la littérature française du XIXe, et a échappé à la littérature purement patrimoniale. D’ailleurs Jérôme Ferrari n’est pas nourri de littérature corse, à part Jacques Thiers, mais d’auteurs comme Dostoïevski. Et la force culturelle de la Corse repose sur un nombre d’auteurs conséquent, qui ne peuvent être cités exhaustivement ! Sylvana Périgot,

Laure Limongi, Marie Ferranti, Paul Desanti, Pierre Joseph Ferrali, Patrizia Gattaceca, Étienne Cesari, Angèle Paoli… souvent oubliés dans les anthologies de littérature méditerranéenne ! MARYVONNE COLOMBANI

La rencontre animée par François Renucci a eu lieu le 1er décembre à la Librairie Goulard, Aix

Sale guerre À l’occasion de son Théma sur La guerre d’Algérie, 50 ans après, le Théâtre Liberté offrait du 16 au 18 novembre un cycle de lectures particulièrement intéressant, où l’on put entendre des textes forts et rares, Algériens et Français. Celui de Maïssa Bey, bouleversant, panorama historique des souffrances imposées au peuple, aux mères et aux enfants, partout les mêmes. L’Hôte, nouvelle de Camus mettant en scène le dilemme d’un instituteur français face à un prisonnier algérien… La dernière lecture, faite par Charles Berling, livra des passages essentiels du roman de Laurent Mauvignier, Des Hommes, fondé sur les souvenirs de son père, appelé durant la guerre, vivant l’insupportable expérience de voir ses camarades mourir, et de se sentir responsable des

Ce court roman a connu succès critique et public dès sa sortie au mois d’août avant d’être consacré par le prix Goncourt début novembre. L’histoire est celle d’un grand-père, Marcel Antonetti, qui a raté sa vie : issu d’une société brisée par la 1ère guerre mondiale, il échouera à devenir un officier glorieux durant la Seconde et finira fonctionnaire d’un morceau perdu de l’empire colonial français en déliquescence. Fort de ces échecs, il soutiendra le projet délirant et voué à la catastrophe de son petit-fils, Matthieu, et d’un de ses amis, Libero : quitter des études brillantes de philosophie pour ouvrir un bar dans le village corse de leur enfance. Jérôme Ferrari a écrit un roman au lyrisme tantôt cru, tantôt compassionnel qui est aussi une méditation métaphysique sur la nature des «mondes» que les hommes créent et croient pouvoir pérenniser. D’où les allusions de plus en plus développées au sermon que Saint Augustin prononça pour tenter de consoler les chrétiens effrayés par la chute du grand empire romain en l’an 410. Jusqu’à une scène finale aussi audacieuse qu’énigmatique. Deux autres raisons de lire cet ouvrage magnifique ? Il est une entrée rêvée à l’œuvre entière de cet auteur : six romans et un recueil de nouvelles chez Actes Sud et Albiana, éditeur corse ; il permet à la Corse d’émerger vraiment comme un territoire littéraire : lisez aussi Murtoriu de Marc Biancarelli, chef d’œuvre de la nouvelle littérature corse, traduit notamment par Jérôme Ferrari ! FRANÇOIS-XAVIER RENUCCI

horreurs qu’on lui impose de commettre. Le récit, fondé sur la remontée de réminiscences, de dénis successifs, de sentiments mêlés de culpabilité et de révolte, dit le traumatisme d’un génération de jeunes hommes acteurs d’une sale guerre, où l’instinct de survie s’opposait à leur sens de la justice. Charles Berling lut magistralement, la voix coupée, l’émotion ample, ce récit où les temps narratifs s’emmêlent pour mieux faire sentir le surgissement du refoulé. À Toulon, devant un public où ex-rapatriés, anciens combattants et immigrés, récents ou anciens, étaient assis dans les mêmes fauteuils, l’émotion fut palpable. Dans les questions, les témoignages, et les remerciements communs. AGNÈS FRESCHEL

À lire Pierre Sang Papier ou Cendre, Maïssa Bey, Éd de L’Aube L’Hôte, Albert Camus, Éd Gallimard Des hommes, Laurent Mauvignier, Éd de Minuit

Le sermon sur la chute de Rome Jérôme Ferrari Actes Sud, 19 €



74 LIVRES RENCONTRES

Les écrivains parlent aussi Que de belles rencontres dans les librairies et les bibliothèques en cet automne ! Des occasions rêvées pour faire le plein de livres en prévision des longues soirées d’hiver, trouver des idées de cadeaux durables, écouter les amoureux des mots… Maupetit ne proposait ainsi pas moins de onze rencontres pour le seul mois de novembre ! Une conférence de Jean Contrucci et Gilles Rof pour la sortie de leur énorme ouvrage Marseille Culture(s) : une somme sur l’histoire culturelle de Marseille, mais peu pertinente quant aux choix, très masculins, souvent partisans, des artistes d’aujourd’hui… La librairie proposait aussi un hommage à Henri Bauchau, des ateliers créatifs et heure du conte pour les plus jeunes, des expositions, des dédicaces avec Ramona Badescu et avec l’illustrateur Benjamin Lacombe… La plus ancienne librairie de Marseille fête dignement son 85e anniversaire. Depuis cet été, la devanture claque d’un rouge ardent, l’intérieur a été totalement repensé et Damien Bouticourt, le directeur, est ravi de ce nouveau dynamisme. Certaines rencontres étaient consacrées des maisons d’édition marseillaises, dont celle du Fioupélan, ainsi baptisée du nom d’un crabe velu qu’on met dans la bouillabaisse et dont les pinces et la marche de travers illustrent bien les principes de ses fondateurs. Médéric Gasquet-Cyrus a rappelé les débuts de cette jeune «maison d’édition locale mais pas régionaliste» spécialisée en «frivolités narratives» et «marseillitude déjantée». Au départ, deux ouvrages : Marseille en VO puis Le parler gras de JM Valladier (fondateur des éditions). Le succès de ce «glossaire marseillais iconoclaste» a permis au Fioupélan de continuer ses facéties, parodies et pastiches en tous genres, que guide toujours un amour fou de la langue que l’on parle à Marseille, et qu’il s’agit ici d’écrire, et pas seulement en glissant des mots typiques dans les dialogues. En témoignent leurs deux collections phares : les nistoulinades, au sein desquelles François Thomazeau a inscrit son Minot, savoureux recueil de souvenirs d’une enfance marseillaise dans les années 60 ; et l’overlittérature, dont deux membres éminents étaient présents : Gilles Ascaride et Henri-Frédéric Blanc. La lecture d’extraits a permis de mesurer leur oralité très élaborée et leur fort potentiel satirique et comique. Certains sont d’ailleurs mis en scène avec succès, pas souvent à Marseille hélas ! Amour de la langue, désir d’écrire, étaient au cœur d’une table ronde organisée par la libraire Geneviève Gimeno. Elle avait réuni quatre auteurs marseillais, deux femmes, deux hommes (pour la parité), afin qu’ils racontent comment ils étaient devenus écrivains. Si pour Lucien Vassal, il s’agit d’une vocation tardive consécutive à son engagement citoyen, les trois autres sont tombés dedans quand ils étaient petits. Mathilde Giordano, auteure et illustratrice jeunesse, fabriquait dès 7 ans des livres pour enfants. Marie Neuser garde le souvenir très ancien du «plaisir sensuel de tracer des

Gilles Ascaride © Jean-Marc Valladier

Rencontre Dimitri Bortnikov et Elie Treese, Histoire de l’Œil © X-D.R

pour écrire. Car ils ont tous un autre métier : vivre de ce qu’on écrit, «en gros, c’est la misère», comme l’a déclaré Marie Neuser. Elle a pourtant conclu qu’il fallait «garder ses rêves d’enfant et le plaisir». Une agréable conversation à quatre voix, menée sur le mode intimiste.

Duos littéraires

Henri-Frederic Blanc © Jean-Marc Valladier

mots sur le papier» ; toute petite déjà, elle voulait être professeur et écrivain. Quant à Vincent Desombre, qui vient de publier son premier roman, il a largement abusé dès son adolescence de cet outil de séduction qu’est l’écriture. Les invités ont également évoqué leurs sentiments à la parution de leur premier livre («J’ai dormi avec !», avoue Vincent Desombre), leurs relations avec leurs éditeurs et les difficultés qu’ils ont à trouver du temps

Amour des mots, toujours, et leçons de littérature contemporaine, à L’Histoire de l’Œil cette fois, pour deux dialogues passionnants. Le premier a réuni deux auteurs qui se connaissent bien et s’apprécient, Claro et Mathias Enard. Le jeu de questions-réponses coulait de source et le public a pu pénétrer dans le laboratoire de ces deux forcenés de la langue. Claro se méfie de la narration (lire p. 66) ; écrire, pour lui, ce n’est pas raconter, c’est «laisser la langue travailler», une langue volontairement tenue, même pour décrire des états bizarres, qui «fait confiance à l’accident» afin de livrer un texte «organique plutôt que mécanique». Enard rappelle, lui, comment il utilise la documentation ; elle est «très bien quand on l’oublie» et son dernier roman Rue


CONFÉRENCES

75

Enfance commune des voleurs (voir Zib’56) est tout sauf un livre sur les printemps arabes. Le monde y est mis dans «un ordre littéraire». De même, évoquant la forme de Zone, il insiste sur le fait que «chaque projet apporte avec lui une façon d’écrire». Pour Dimitri Bortnikov comme pour Claro, les livres ont à voir avec la matière. Voilà pourquoi il avait invité, en clôture de sa résidence d’écriture avec Peuple et Culture Marseille, Elie Treese dont le premier roman (édité comme lui chez Allia) l’a totalement subjugué. Il l’a donc présenté avec le sens de l’humour et de la métaphore qu’on lui connaît (voir Zib’54) : un petit livre «comme un loup ou un grand chien qui a réussi à entrer dans un terrier petit petit», un livre «qui donne la vraie faim», «un livre à mettre les nouilles debout». De fait, la lecture de l’incipit est saisissante. Un drôle de texte en vérité, bref, dense, dont les voix rappellent celles de Beckett et que l’auteur dit s’être «imposé comme ça», après quelque 15 ans de brouillons inutiles. Un tel texte ne pouvait que séduire l’auteur de Repas de morts. Et attiser la curiosité du public nombreux venu ce soir-là. FRED ROBERT

Le théâtre d’objets de Christian Carrignon nous a habitués à une poésie de bouts de ficelles, petits mots décalés, saynètes qui mêlent joie et nostalgie légère. Son autobiographie nous emmène dans le même monde de détails reconnaissables, réminiscences communes, amour sensuel des objets, du quotidien, sensations, synesthésies et rêveries éveillées. Son enfance a la banalité des sagas familiales populaires, celles des années 60, où elles ne rimaient pas avec misère. C’est l’histoire d’un petit garçon aimé dans un foyer simple, animé de joies, de terreurs enfantines, d’amitiés profondes, de frasques anodines, d’amours qui naissent. Si le récit se répète parfois, et s’attarde sur des transcriptions de rêves obscures, l’attention aux bruits, objets, sensations qu’il décrit par des mots justes et inattendus, semble déplier les anecdotes dans l’espace, faire surgir le décor de cet appartement banal d’une cité ordinaire en bout de piste, au Bourget. Lu à deux voix, en quatre parties d’une heure, lors d’une Veillée chaleureuse et intime, Presque tout l’univers permit aussi de faire entendre l’art de la lecture, et comment un comé-

Christian Carrignon, Gilles Joly et Alain Simon © Théâtre des Ateliers

dien peut donner vie aux mots. Alain Simon, de sa voix grave, nuancée, faisait flamboyer les aventures, variant le rythme et les tons en lecteur virtuose. Christian Carrignon, moins à l’aise à raconter sa propre histoire, lui donnait pourtant un joli pétillant, et faisait surgir toute sa poésie burlesque.

À lire Au Fioupélan Minot de François Thomazeau J’ai tué Maurice Thorez et autres histoires overpolitiques de Gilles Ascaride Ainsi parlait Frédo le Fada de Henri-Frédéric Blanc Lucien Vassal, la trilogie des Colline, éd. Tacussel Marie Neuser, Un petit jouet mécanique, L’Écailler Mathilde Giordano, Marcel, poisson de l’Estaque, Mireille, petite sirène de Malmousque et Gino, lapin de l’Étoile, éditions Crès, collection Caganis Vincent Desombre, Maudite soit-elle, Scrinéo Chez Actes Sud Tous les diamants du ciel de Claro Rue des Voleurs de Mathias Enard Chez Allia Repas de morts et Je suis la paix en guerre de Dimitri Bortnikov Ni ce qu’ils espèrent, ni ce qu’ils croient d’Elie Treese

À voir Jérôme Ferrari à la librairie Maupetit le 16 déc

Textes à dire Certains rendez-vous d’Écrivains en dialogue font converser un auteur et un lecteur. C’était le cas le 7 décembre. Nathalie Kuperman était invitée à la BDP Gaston Defferre pour parler de son travail, de ses derniers romans surtout, car impossible d’évoquer tous les livres écrits depuis vingt ans, pour la jeunesse comme pour les adultes. Des livres comme autant de «projets qui surgissent» et qu’elle saisit au vol, refusant de savoir au départ où le texte la mènera, travaillant de plus en plus à «lâcher prise», construisant de fait un univers particulier, envahi par la rumeur du monde contemporain, d’un humour explosif, cruel mais jamais cynique. Un univers où il est question de culpabilité, de place de l’individu dans le couple, la famille, le groupe, de la «saloperie d’exister» (avec l’usure des liens, les plans sociaux, la précarité rampante…) et de la joie de vivre malgré tout. La comédienne Elisabeth Moreau

a proposé trois extraits et sa lecture inspirée a su rendre le relief des textes de la romancière, leur oralité remarquablement orchestrée, leur attention aux détails, leur caractère comiquement décalé. Un long passage de Petit éloge de la haine, que l’écrivaine n’avait encore jamais entendu lire à haute voix, a suscité l’enthousiasme du public, hélas bien clairsemé pour une rencontre de cette qualité. Il est des livres à dire autant qu’à lire ; les récits de Nathalie Kuperman sont de ceux-là. Alors, écrire pour le théâtre ? Elle y a pensé mais trouve cela difficile. En revanche, l’adaptation théâtrale de ses derniers romans pourrait bien voir le jour… un jour ! F.R.

À lire Nous étions des êtres vivants et Petit éloge de la haine (Folio), ainsi que Les raisons de mon crime (voir Zib’ 56)

Un texte qui verra le jour sur la scène des Ateliers en 2013 : on l’y voit déjà… AGNÈS FRESCHEL

Le texte a été lu le 30 novembre au Théâtre des Ateliers, Aix


76 RENCONTRES ÉCHANGE ET DIFF | LE GYPTIS | PRIX LITT. PACA

Rendre soin

Roland Gori et Francoise Chatôt © Gaëlle Cloarec

Roland Gori était présent le 24 novembre dernier au Gyptis, pour une rencontre avec le public ponctuée d’extraits de Nietzsche, René Char et Pasolini lus par Françoise Chatôt, directrice du théâtre. De son point de vue de psychanalyste, quand on considère la santé et la culture comme un coût, une charge, un déficit, plutôt que comme un investissement sur l’avenir, quand «on ne peut plus rien faire sans le calibrer pour la rentabilité», on ne récolte qu’une misère symbolique grandissante, on réduit notre humanité,

on accroît inéluctablement la misère matérielle. Il fait référence à Karl Marx et Herbert Marcuse pour illustrer son propos : lorsque l’homme conçoit quelque chose, objet réel ou symbolique, il se fabrique une certaine manière d’être. En construisant telle ou telle machine, tel ou tel spectacle, tel ou tel produit financier, il peut choisir -ou pas- de réduire son monde à des chiffres. Or les chiffres, on les fabrique aussi, ils ont un effet performatif. «Aujourd’hui, les élections sont un spectacle, une espèce de session

de rattrapage des sondages. Et un patient n’est plus qu’un fragment statistique : la loi ne les protège plus, elle a été conçue sous la pression des lobbies pour défendre leurs intérêts.» Roland Gori l’avoue volontiers : «Je me déprime moi-même. Un point positif : il y a quelques années, nous n’étions pas très nombreux à tenir ce discours d’alerte. Aujourd’hui, quand on fait son boulot en essayant d’éviter qu’il soit corrompu par la rentabilité, on est déjà dans la résistance.» Dans l’assemblée, une femme se lève. Elle parle au nom des salariés du Centre Hospitalier Montperrin, en grève depuis des mois : «On veut nous obliger à faire des choix drastiques, alors que nos patients sont de plus en plus nombreux. Tous les personnels (médecins, techniciens, soignants...) ont monté une intersyndicale et organisé un débat citoyen avec les patients. Nous allons occuper les bureaux de la direction lundi ; venez nous rejoindre.» C’est le moment où jamais de se poser la question avec Françoise Chatôt : comment créer, seul ou en groupe, nos propres îlots de résistance ? GAËLLE CLOAREC

Auteurs à la barre !

a cherché un fil conducteur à ses dessins. Même discours chez Edmond Baudoin et Troub’s, qui ont fait un séjour de cinq semaines à la frontière des États-Unis et du Mexique, région ultra dangereuse, championne de la criminalité. Et Pierre Maurel affirme que c’est en dessinant ses fanzines à fond qu’il a trouvé son histoire. Tiens bon la barre... et le crayon ! CHRIS BOURGUE

Forum lycéens, Emmanuel Lepage & Helene Gestern © Marina Pollas

Le théâtre des Salins a accueilli onze classes venues de tous les départements pour le premier Forum de rencontre entre les lycéens et une partie de la sélection des auteurs en concurrence pour le Prix littéraire des lycéens et des apprentis de la Région Paca. Car tous les ans depuis 2004 six romans et six BD sont soumis au vote de leurs lecteurs à l’issue d’une année de rencontres, de débats dans les établissements ou les bibliothèques partenaires. Les lycéens se sont montrés curieux de la genèse de l’écriture. Notamment une question les intriguait : les auteurs savent-ils déjà la fin de leur histoire quand ils commencent à écrire ? Si Hélène Gestern déclare qu’elle a écrit avec un sentiment d’urgence et un plan précis, mais dans le désordre, le romancier hollandais Herman Koch préfère être surpris et laisse venir les choses. Quant aux auteurs de BD, ils étaient tous d’accord pour dire que le dessin est primordial ! Il faut dire que deux des albums sur trois ont été fabriqués dans le feu de l’action. Le voyage aux îles de la désolation est le fruit d’un voyage d’études dans l’Antarticque d’Emmanuel Lepage, embarqué avec son frère et des chercheurs ; ce n’est qu’à son retour qu’il

Ce Forum a eu lieu le 5 décembre à Martigues blog.prixpaca.com Eux sur la photo Hélene Ggestern Arléa Le dîner Herman Koch Belfond Le voyage aux îles de la Désolation Emmanuel Lepage Futuropolis Viva la vida Edmond Baudoin & Troub’s L’association Blackbird Pierre Maurel L’employé du moi

Zones grises tapissées d’or Pierre Conesa, chercheur associé de l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques et auteur de La fabrication de l’ennemi ou comment tuer avec sa conscience pour soi (Robert Laffont, 2011), est intervenu sur ce qu’il appelle la «mondialisation noire». Ou plutôt sur la zone grise dans laquelle fructifient les échanges entre le monde économique, la sphère politique et la criminalité internationale, favorisés par la dérégulation générale. Trafic de drogue, conflits armés soigneusement entretenus, corruption, vente d’organes, faux médicaments, blanchiment d’argent... Un paradis (fiscal) sur terre. «Avec la libre circulation des capitaux, des biens et des services, les seuls qui ne peuvent pas franchir les frontières sont les policiers et les juges.» Les dictatures n’ont pas le monopole des pratiques immorales : nos modèles démocratiques ne sont pas les derniers à convoiter l’argent facile. Bizarrement, après avoir dressé un tableau apocalyptique de la situation, Pierre Conesa a apporté une réponse très... modérée à la question cruciale d’un membre du public, «Finalement, y a-t-il une différence entre un capitaliste honnête et un capitaliste véreux ?» : «À mon sens gagner de l’argent n’est pas illégitime, c’est la façon dont on fait face à ses obligations républicaines qui fait la différence.» En somme, tant qu’on ne se rend pas coupable de fraude fiscale, on peut vendre des armes, enrichir ses actionnaires, et dormir sur ses deux oreilles, la conscience en paix ? GAËLLE CLOAREC

La conférence de Pierre Conesa a eu lieu le 6 décembre à l’Hôtel du Département 13, dans le cadre d’Échange et Diffusion des savoirs.

Pierre Conesa © Robert Espalieu



78 SCIENCES RISC

Le temps, les femmes, l’histoire et les sciences MARSEILLE Les Jeudis du CNRS : Arts et sciences : imaginaires et expériences en commun Conférence de Yannick Butel, Laboratoire d’études en sciences des arts, le jeudi 10 janv à 18h, à la salle de conférence Pierre Desnuelle. Entrée libre. CNRS, 31 chemin Joseph Aiguier, 9e www.provence-corse.cnrs.fr

The Dot and the line, a romance in lower mathematics de Chuck Jones

Les Rencontres Internationales Sciences et Cinémas (RISC) déclinaient le thème du temps à travers notamment vingt-cinq films (courts et longs métrages), une carte blanche offerte au festival Films Femmes Méditerranée, une conférence sur l’histoire des sciences arabes par le Professeur Ahmed Djebbar… Malgré des moyens et un nombre de séances réduits par rapport aux éditions précédentes, le succès ne s’est pas démenti… La soirée d’ouverture le 30 novembre proposait un documentaire Le monde en un jardin de Frédérique Pressmann (2011) en présence de la réalisatrice, pour explorer le temps des villes et de la nature. Chronique d’une année au parc de Belleville, à Paris, au sein d’un des quartiers les plus urbains et populaires de la ville. Au cœur de ce domaine, Gérard -un jardinier philosophe- invite la population très métissée du quartier à réinvestir l’espace public. On est littéralement charmés par l’exploration à laquelle il nous invite, dans et audelà de ce périmètre, grâce aux prises de vue macroscopiques alternées avec les splendides panoramas sur la capitale. On pourrait comme nous y invite la réalisatrice par le truchement de ces jeux d’échelle, envisager ce jardin comme un modèle réduit de société : «Tout un monde dans ce jardinlà» mais la superposition des portraits -au demeurant très réussis- des habitants ne constitue pas un monde en soi : il manquait une vision d’un «vivre ensemble» dans ce jardin. Suivait le lendemain une carte blanche au Festival Films Femmes Méditerranée qui proposait d’explorer le temps des conquêtes sociales et spatiales avec le documentaire No gravity de Silvia Casalino (2011). Cette jeune ingénieure postule pour devenir astronaute, mais se heurte au plafond de verre du secteur spatial qui réunit deux bastions de la domination masculine : la technologie et le militaire. Sur les 500 humains qui sont allés dans l’espace jusqu’à aujourd’hui, il n’y a eu que 45 femmes. Elle consacre un documentaire à ce désir d’apesanteur qui restera à jamais inassouvi. No Gravity est une histoire personnelle, enrichie de

témoignages exceptionnels de pionnières spationautes (dont celui de la seule européenne Claudie Haigneré) et d’archives rares. Elle analyse avec l’historienne et philosophe des sciences Donna Haraway le «virilocentrisme» de la conquête spatiale et commente la relation entre genre et technologie. Film engagé et féministe qui questionne l’identité, la légitimité des standards (sociaux, de genre…) et critique l’essentialisme. Cependant No Gravity n’est pas un film revendicatif, mais plutôt d’une réflexion générale sur la place des femmes dans les sciences ; force est de constater qu’il est difficile de s’arracher à la pesanteur des conventions sociales et politiques… pour échapper à la gravité ! Le 5 décembre à l’Alcazar était venu le Temps des nombres, séance au cours de laquelle nous fûmes invités par Ahmed Djebbar à jongler avec humour et poésie avec plusieurs objets mathématiques : la ligne, le point, le zéro et l’infini… Aidé des Shadocks (Les shadoks et les mathématiques de Jacques Rouxel, 1986) et de l’histoire de cette ligne droite désespérément amoureuse d’un point (The dot and the line, a romance in lower mathematics de Chuck Jones, 1965), le mathématicien historien des sciences, nous accompagne à travers l’histoire des sciences arabes, du rien à l’infini. Il explique dans quelles conditions ces découvertes ont été possibles : celles d’un formidable bain de culture, mêlant les religions, les peuples et les cultures. Au cours de ce parcours rapide dans l’histoire de la numération, il y eut quelques «scoops» : les chiffres arabes sont indiens ! Mais Ahmed Djebbar nous a surtout convaincus de la place que l’histoire des sciences devrait tenir dans tout système éducatif ! CHRISTINE MONTIXI

Les Rencontres Internationales Sciences et Cinémas, organisées par l’association Polly Maggoo, se sont déroulées du 30 novembre au 8 décembre dans différents lieux de Marseille (Maison de la Région, BMVR Alcazar et Cinéma Le Miroir)

NICE La section Côte d’Azur de la Société Française de Physique organise le jeudi 13 déc à 18 h une conférence grand public à l’Université de NiceSophie Antipolis (Campus Valrose), amphithéâtre de Biologie Nice - Faculté des Sciences (Valrose). Christophe Clanet, Directeur de Recherche au LadHyX, professeur de mécanique des fluides à l’ESPCI et chargé de cours à l’École Polytechnique, donnera une conférence sur la Physique du Sport. Entrée libre. SAINT-MICHEL L’OBSERVATOIRE Le vendredi 14 déc à 20h30, conférence La fin du monde n’aura pas lieu le 21 décembre 2012. Après avoir fait le point sur la rumeur maya, les vrais dangers qui nous menacent, en particulier les éruptions solaires et les risques de collisions avec des comètes ou des astéroïdes, seront évoqués. Conférence suivie d’un repérage laser des constellations. Centre d’astronomie Entrée gratuite. Sur réservation au 04 92 76 69 69

SÉRIGNAN-DU-COMTAT En hiver, comment reconnaît-on l’espèce des arbres qui perdent leurs feuilles ? Initiation à la reconnaissance des essences lors d’une balade : mercredi 26 déc à 14h30, et jeudi 3 janv à 11h. 4,50 € (adulte), 3 € (-18 ans). Durée 2h. Réservation obligatoire au 04 90 30 33 20

Comprendre les phénomènes géologiques à l’aide d’expériences simples et ludiques. Ateliers à partir de 7 ans. Jeudi 27 déc, mercredi 2 janv et vendredi 4 janv à 14h30. 4,50 € (adulte) / 3 € (-18 ans). Réservation recommandée au 04 90 30 33 20 Le Naturoptère, Chemin du Grès

SOPHIA ANTIPOLIS Le colloquium Jacques Morgenstern, créé en 2002 à l’initiative de la communauté scientifique des Alpes Maritimes fête ses 10 ans, et organise un colloquium spécial le 14 déc après-midi. Trois conférenciers interviendront à partir de 13h30 : Jean Céa, Bernard Chazelle et Damien Stehlé, en présence de Suzie Morgenstern. Programme et inscription gratuite mais obligatoire sur : www-sop.inria.fr/colloquium/




Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.